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Depuis 1971 mars 2013 / 320 N°172 www.amisdelaterre.org Ouvrir un vrai débat énergétique Ouvrir un vrai débat énergétique

La Baleine 172 - Ouvrir un vrai débat énergétique

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Journal des Amis de la Terre

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Depuis 1971 mars 2013 / 3€20N°172w

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Les Amis de la Terre en nombreà la CHAINE HUMAINE pour l’arrêt

du nucléaire civil et militaireLe 9 mars 2013, des milliers de citoyens se sont réunis pour dire STOP au nucléaire et faire pression sur lesdécideurs politiques et économiques. L’heure est à la mobilisation alors que se préparent un débat tronqué etdes décisions qui engageront notre pays dans des choix énergétiques fondamentaux.

Des actions pour renforcer les liens dans la fédérationAvec la multiplication des luttes locales, nationales et, même internationales, comment créer des synergies entre les actions desdifférents groupes locaux et celles du secrétariat fédéral qui réunit les salariés à Montreuil ? C'est en partant de cette question quedes outils et actions ont été proposés et vont être mis en place progressivement :

• Des réunions téléphoniques régulières sont organisées depuis février 2013 : animées par des salariés du Secrétariat fédéral, ellessont ouvertes aux membres de groupes locaux et permettent d’échanger de l’information sur les activités de chacun.Une lettre d'information est ensuite diffusée à l'ensemble du réseau avec les coordonnées des différentes personnes contacts aussibien au sein des groupes locaux que du secrétariat. Nous invitons tous les groupes locaux à rejoindre ces réunions !

• De nouvelles listes d'échanges électroniques : une dizaine de listes d'échanges thématiques sont proposées et deux listesgénérales vont être créées. La première, (at.reseau) constituera le principal canal d'information du réseau : il s'agira uniquementd'une liste de diffusion, sans possibilité d'ouvrir un débat, pour limiter la prolifération d'emails. Cette liste sera à l'usage exclusif desgroupes locaux ou associés. Pour compléter cet outil, et pour répondre au besoin de débat, une autre liste sera créée (at.discus-sion) et sera remplacée, à moyen terme, par un forum. Ce forum sera créé sur notre Intranet qui est également en train de subir unimportant toilettage pour que l'information soit beaucoup plus accessible.

• Des journées d'échanges seront organisées en 2013, dans la continuité de celles mises en place les années précédentes. Le calendrierde ces journées d'échange est en cours de finalisation.

> SyLvAIN ANgeRAND Chargé du développement du réseau

[email protected] / 02 85 50 00 10

02 ACTIONS

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Les Amis de la Terre Côte d'or, Nord, Seine-et-Marne, Midi-Pyrénées, Paris et de nombreux militants des Amis de la Terre ont répondu présent à l'appel du Réseau Sortir du Nucléaire !

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SOMMAIREEditoQuelle transition face à quellecrise ?« La » crise ! On ne le répètera jamais assez : parler de crise est une escroquerieintellectuelle et politique. Intellectuelle parce qu'une crise fait référence dans lapensée générale à un moment difficile mais passager (crise de nerf, crise del'adolescence...). Politique parce que ce mot nous laisse à croire qu'il y a dessolutions, pire que ça passera avec le temps...

Ceux qui disent que la crise est « économique » rajoutent un mensonge supplé-mentaire : si on pouvait parler de crise, il faudrait au moins reconnaître qu'elle estsystémique ! Car en réalité c'est bien le système qui est à bout de souffle, un sys-tème fondé sur le productivisme qui s'est emballé vers un inévitable effondre-ment en passant du capitalisme de production au capitalisme financier. Avec des« dégats collatéraux » humains, sociaux et environnementaux tels qu'il n'y a plusde retour possible à un état antérieur. Il est donc indispensable de repenser notrefaçon de vivre ensemble, nos productions et nos consommations, en les basantsur le potentiel limité de notre planète, la nécessité de préserver tout ce qu'ellenous offre, et de partager ces biens équitablement entre tous les habitants denotre Terre. Ce sont les fondamentaux de l'espace écologique, concept centraldes sociétés soutenables.

Tant qu'on n'aura pas changé de paradigme, la « transition » ne sera qu'unleurre. Le débat actuel sur la transition énergétique en est une parfaite illustration.L'énergie est indispensable au système économique productiviste. Et au lieud'interroger la validité de ce système dans un vrai débat citoyen de choix desociété, aujourd'hui ce sont les « experts » qui, à travers leurs « scénarios éner-gétiques », comparent les mérites respectifs de telle ou telle énergie au regard deleur coût (économique, certainement ! Environnemental et humain...c'est moinssûr !) et de leur productivité, de sorte que les options qui seront retenues soientcompatibles avec les sacro-saintes compétitivité et croissance.

Les Amis de la Terre ne pouvaient évidemment pas s'inscrire dans ce processus.Mais nous pouvons, nous devons le dénoncer, soit au sein des débats locauxofficiels, soit en dehors en organisant nos propres moments d'information et dedébat.

Nous avons voulu avec le dossier de cette Baleine alimenter votre, notre réflexionsur ce thème. Il me reste donc à vous souhaiter une bonne lecture !

> MArTINe lAPlANTe

Présidente des Amis de la Terre France

Depuis 1971

La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, à but non lucratif, indépendantede tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premierréseau écologiste mondial - Les Amis de la Terre International - présent dans 77 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents.En France, les Amis de la Terre forment un réseau d’une trentaine de groupes locaux autonomes, qui agissent selon leur priorités locales et relaientles campagnes nationales et internationales sur la base d’un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale.

Le Courrier de La Baleine n°172« Se ranger du côté des baleines n’est pas une position aussi légère qu’il peut le sembler de prime abord. »

Mars 2013 • n° CPPAP : 0317 G86222 - ISSN 1969 - 9212Dans ce numéro, les adhérents des Amis de la Terre à jour de cotisation, retrouveront une invitation à l'Assemblée fédérale 2013 ainsi qu'un bulletin d'inscription et une enveloppe T.

Directrice de la publication Martine Laplante Rédactrice en chef Caroline Prak Coordinateur du dossier Philippe Collet Rédacteurs Amis de la Terre Côted’Or, Sylvain Angerand, Bénédicte Bonzi, Anne Bringault, Melissa Cahuata Corrales, Maxime Combes, Martine Degrave, Alain Dordé, Camille Lecomte, Ronack Monabay,Cloé Przyluski, Marion Richard, Aurélie Schild, Viviana Varin Communication, relations presse Caroline Prak • [email protected] • 01 48 51 18 96Image de couverture, crédit : 22avril2012.net Maquette Nismo Carl Pezin • www.nismo.fr Impression sur papier recyclé Offset cyclus 115g/m2 avec encres végétales• Stipa • 01 48 18 20 50

2 > ACTIONS• Les Amis de la Terre à la Chaîne humaine• Des actions pour renforcer les liensdans la fédération

4 - 6 > INTerNATIONAl• L'indécente « empreinte terre » de l'Europe• Plantes pesticides brevetées, à quandun débat de fond ?

• Un pas vers la responsabilisationdes multinationales

7 > NATIONAl • Tout grand projet est inutile• Les Amis de la Terre en Savoie contrele TGV Lyon-Turin

8 > reGIONS• Apple empoisonne la planète !• Une scierie démesurée à l'assaut du Morvan

9 - 14 > DOSSIer - OuvrIr uN vrAIDébAT éNerGéTIque• L’impossible débat énergétique français • Qu'attendre de ce débat ?• Pour une réappropriation des enjeuxénergétiques par les collectivitéset les citoyens

• Débat énergétqiue : où sont passésles enjeux internationaux ?

• Ouvrir le débat internationaldes hydrocarbures

15 > COIN DeS lIvreS• La « Troisième révolution industrielle » • Madagascar, jusqu’au bout de la Terre

16 > PrATIque, HuMeurS• Bravo aux lauréats de notre appel à projet • Caca, Oh !

Contactez-nous : Les Amis de la Terre France • 2B, rue Jules Ferry • 93100 Montreuil • Tél. : 01 48 51 32 22 • Mail : [email protected]

Ce document a été réalisé avec le soutien financier de l’Union européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité des Amis de la Terre et ne peut en aucun

cas être considéré comme reflétant les positions de l’Union européenne.

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04 INTERNATIONAL

L’indécente « empreinte terres » de l’Europe

En Europe, les hauts niveauxde consommation et l'appétitinsatiable en viande, produitslaitiers, textiles, etc. nécessitentde grandes surfaces de terre :4,3 m² pour une tasse decafé, 6,7 m² pour 1kg deporc, 150 m² pour une voiture.Pour faire face à la surcon-sommation des Européens,de vastes superficies sontmobilisées sur toute la pla-nète. La Terre n’étant pas extensi-ble, et la consommation mon-diale étant en hausse, l’accèsaux terres se heurte à desérieuses limites physiques.La consommation de terresvarie considérablement d’unerégion du monde à l’autre. Defait, les pays industrialisés, etl’Europe, consomment bienplus que leur part. L'Europeimporte l'équivalent de plusde cinq fois la superficie de laFrance, principalement poursatisfaire sa consommationde biens agricoles.

La terre, une ressourcelimitéePrès de 38 % de la surface mondiale enterres sert actuellement à l’agriculture.L’Europe est importatrice de terressituées en Chine, au Brésil et enArgentine (cf. graphique). Il faut noter

qu’en réalité, l’Europe importe aussi devastes terres non agricoles, en particulierpar le biais des produits forestiers. Cetteavidité croissante pour le foncier a desconséquences écologiques et sociales,dont l’accaparement des terres quitouche surtout les pays du Sud. 78 %

des terres accaparées le sontpour la production agricole,dont les trois quarts pour lesagrocarburants. Réduire l’empreinte terres del’Europe implique une baisseradicale de l'ensemble de nosconsommations, à commen-cer par celle de viande.Actuellement, pour limiter lapression sur les terres, lesrendements agricoles ont étéaugmentés. Cette intensifica-tion de se solde souvent parune détérioration de l’environ-nement.Parallèlement à une baisse dela consommation, il faut quel’Europe élabore des poli-tiques intérieures et commer-ciales qui encouragent d'au-tres modes de productionplus soutenables, respec-tueux des processus naturelsdes sols et des écosystèmesenvironnants, tout en rédui-sant le recours aux pratiquesagricoles industrielles respon-sables de dégâts sociaux etécologiques colossaux,

comme l’emploi d’engrais de synthèse etde pesticides.

> CAMIlle leCOMTeChargée de campagne •

Modes de production et de consommationresponsables

Tous les biens consommés impliquent une part de terres utilisées au cours du processus de production. Lapression qu'exerce l'Europe sur cette ressource est aujourd'hui insoutenable.

Forum social mondialUn Espace Climat pour reprendre la main

Pour suivre l'Espace climatique :• un site avec toutes les informations : http://www.climatespace2013.org/ • contacter les organisateurs : [email protected] • sur Twitter : compte @ClimateSpace et Hashtag : #climatespace • sur Facebook : http://www.facebook.com/ClimateSpace2013?ref=hl

Sur la très longue route de la justiceclimatique, les mouvements sociaux etécologistes se confrontent à des gouver-nements, multinationales et marchésfinanciers prêts à tout pour faire perdurerun modèle qui dévaste les écosystèmeset les populations. Leur « économie verte »ne fait qu'étendre l'emprise de lafinance1, des multinationales et des tech-nologies destructrices (OGM, biologie desynthèse, agro-carburants, géo-ingénie-rie...) sur nos vies et la planète. La situation est telle que nous pourrionsavoir le sentiment d'être démunis et impuis-

sants. Pourtant, depuis leurs territoires,leurs lieux de vie, de travail ou de produc-tion, à travers leurs communautés localeset leurs organisations, des hommes et desfemmes résistent et se dressent contre ceslogiques criminelles et expérimentent despratiques alternatives grandeur nature(agroécologie, souveraineté alimentaire, cir-cuits courts, éco-habitat, pratiques desobriété et d'efficacité énergétiques).Tel est l'objectif de l'Espace climat auForum Social Mondial porté par plusd'une quarantaine d'organisations inter-nationales : travailler ensemble, de façon

horizontale et en mélangeant les acteurs,anciens et nouveaux, en liant les luttessociales avec les luttes environnementales,en regroupant les syndicats, paysans,femmes, indiens, migrants, organisationscommunautaires, indignés, mouvementsOccupy, pour redéfinir une stratégie col-lective et entamer une longue route com-mune qui puisse renverser le cours deschoses.

> MAxIMe COMbeS

1/ Voir la déclaration « Il est temps de mettre finau marché carbone européen » http://scrap-the-euets.makenoise.org/francais/

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INTERNATIONAL 05

Plantes pesticides brevetées, à quand un débatde fond ?Les « clones pesticides brevetées », comme les nomme Jean-Pierre Berlan1, connues sous le nom d’OGM« organismes génétiquement modifiés », continuent via les actions de la société civile, à alimenter les débats ausein des tribunaux.

Lors de ces derniersmois, les faucheursvolontaires ontexprimé dans les tri-bunaux un ras-le-bold’une justice quirefuse de jouer sonrôle de « régulateur ».En défendant deslois que les associa-tions jugent « liberti-cides », les tribu-naux nient le dangerlié aux OGM. Pour lasociété civile, forceest de constaterque le principe deprécaution n’est tou-jours pas reconnupour légitimer lesactions des oppo-sants.A quelques moisd’intervalle le 26novembre 2012 enFrance et le 15 janvier2013 en Belgique,les faucheurs volon-taires ont signifié enquittant les sallesd’audiences que lesquestions retenuespar ces derniers necor responda ien tpas aux enjeux desociété que repré-sentent les OGM.A Tours (Indre-et-Loire) en novembre2012 aurait dû avoir lieu le premier pro-cès permettant d’aborder la question des« plantes mutées ». Ces fameusesplantes résistantes aux pesticides aprèsavoir subi des modifications génétiquespar « mutation », demeurent pourtantexclues du champ d’application de ladirective 2001/18, (ce qui veut dire, entreautres, qu’elles ne sont pas évaluées, etqu’on ne sait pas non plus où elles sontcultivées). Pour le tribunal de Tours, cetteaction relevait de la destruction en réu-nion, pas question de mettre sur le tapisle débat de fond : la définition des OGM !Alors que seulement 3 personnes avaientété retenues, que le juge refusait deconsidérer les comparants volontaires,les inculpés, leurs avocats et les témoinsont quitté le tribunal. Le verdict devraittomber courant mars 2013, il a étédemandé entre autres des amendes de300 euros pour les témoins qui ont quittéla salle pour « refus de témoignage » !

A Termonde (Belgique), même refus de laCour, pas de considération des comparantsvolontaires, par contre cette fois-ci, lajuge refuse d’entendre les témoins. Cetteposition vécue comme un déni de démo-cratie pour les inculpés a entraîné là-basaussi la désertification de la salle.

Résister et mobiliser encoreCes événements nous rappellent que lesOGM sont présents également par descultures ou essais en Europe sans quenous puissions en être informés, ou nousy opposer en amont. Ils nous montrentaussi, qu’au-delà de ces actions, nousdevons continuer à informer sur les OGMpour casser « l’effet moratoire ». En effet,trop nombreuses sont les personnes quicroient que le fait d’avoir obtenu unmoratoire sur le maïs MON 810 signifieque nous n’avons pas d’OGM en France.Il n’en est rien ! D’une part parce que nous importonsdes OGM, via l’alimentation animale,mais aussi pour les agrocarburants oudans nos vêtements ! D’autre part parce

qu’il y a un réel problème de définition parrapport aux autres techniques : mutagé-nèse, cisgénèse…2

Les OGM sont un danger parce qu’ils necorrespondent en rien à la mise en œuvrede sociétés soutenables. Ils ont pourobjectif le profit, et sont la négationmême tant de l’autonomie que de la sou-veraineté alimentaire.Parce que les Amis de la Terre exigent latransparence et s’opposent à la coexis-tence en plein champs, ils ont pris partlors de la « faites sans OGM » 5°édition,à un tribunal qui s'est tenu le 17 Mars2013 au Thor (Vaucluse) afin de connaîtrela position de la société civile sur la pré-sence d’OGM dans les pots de miel.Accepteront-ils comme le proposel’Europe de changer la réglementationqui encadre le miel ? Ou bien choisiront-ilsde continuer à nommer le miel : miel, etd’appeler par contre les OGM par leurvéritable signification « des clones pesti-cides brevetés » ?

> béNeDICTe bONzI Les Amis de la Terre Vaucluse

1/ Agronome et économiste, ancien directeurde recherche en science économiques à l’INRA

2/ http://www.infogm.org/spip.php?article4866

Action de soutien aux militants du procès de Termonde(Belgique) en janvier 2013.

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En janvier 2013, une filiale de la multina-tionale Royal Dutch Shell a été condamnéepour la première fois, pour des dom-mages environnementauxcausés à l’étranger,devant son propre tribunalnational. Ce procès étaitporté par Milieudefensie (lesAmis de la Terre Pays-Bas)et quatre agriculteursnigérians alors que desterres sont souilléesdepuis les années 1950par le déversement de mil-lions de barils de pétrole.Les agriculteurs ont exigéle nettoyage de la pollutioncausée, une indemnisa-tion et l’entretien des oléo-ducs responsables des pollutions.Pour Geert Ritsema de Milieudefensie :« Ce verdict est une grande nouvelle pourles habitants d’lkot Ada Udo et offre del’espoir à d’autres victimes de pollutionscausées par les multinationales ». Suite àcette condamnation, les Amis de la TerreFrance expriment leur satisfaction bienque la cour ait seulement reconnu quel’entreprise n’avait pas pris les mesuresnécessaires afin de remédier aux fuitessoi-disant causées par des actions desabotage.

A cet égard, Geert Ritsema estime qu’ilest incompréhensible que le tribunal n’aitjugé Shell que sous prétexte de sabo-

tage. Selon elle, le tribunals’est laissé convaincremais Milieudefensie resteconvaincu que le mauvaisentretien est à l’originedes fuites. Geert Ritsemaestime que même si lesfuites avaient été liées àdu sabotage, Shell nepouvait pas laisser 7 000km d’oléoducs et descentaines d’installationsnon protégées dans unerégion politiquementinstable et économique-ment sous-développée.

Cas de Goi et OrumaLa relation avec la maison mère dans le casdes villageois d’Oruma et Goi, égalementjugé, n’a en revanche pas été prouvée. Letribunal n’a pas reconnu la responsabilité deShell car estime que Milieudefensie n’a paspu prouver que la maison mère, Shell, baséeaux Pays-Bas, détermine les affaires quoti-diennes de la filiale nigériane. Cela même sile siège détient 100 % des actions de la filialeet que ses bénéfices sont intégralement« rapatriés » aux Pays-Bas !

En vertu des lois existantes, Shell ne peutêtre tenu responsable sur la base de cesseuls faits. Les demandeurs doiventdémontrer que les décisions proviennenteffectivement du siège aux Pays-Bas. Or,l’accès aux documents internes de Shelln’a pas été imposé par le tribunal : il estdonc très difficile de prouver l’actiondirecte que la maison mère exerce sur safiliale… Les demandeurs feront appel, enarguant du principe de responsabilité deShell en tant que maison mère.Pour Paul de Clerck, des Amis de la TerreEurope : « De nombreuses entrepriseseuropéennes sont impliquées dans dessituations similaires à celle de Shell…Nous voyons une lacune évidente dans lalégislation de l’UE. Elle permet aux mai-sons mères européennes d’empocherles bénéfices d’une filiale à l’étranger,mais ces sociétés ne peuvent pas êtretenues responsables des dommagesqu’elles causent en faisant du profit ».C'est pour dénoncer ce vide juridiqueque les Amis de la Terre France ont lancéla campagne CRAD40. Soutenez cettecampagne et exigez de vos députés unelégislation reconnaissant la responsabilitéjuridique des maisons mères vis-à-vis deleurs filiales à l’étranger !

> MelISSA CAHuATA COrrAleS

En jugeant coupable une filiale de Shell pour la pollution des terres agricoles d’Ikot Ada Udo au Nigeria, untribunal néerlandais offre une victoire significative pour l’environnement.

06 INTERNATIONAL

Un pas vers la responsabilisation des multinationales

Fuite de pétrole dans le village d’Oruma.

Les agriculteurs à l’origine de la plainte devant la Couraux Pays-Bas.

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>> Lancée en octobre dernier,la campagne des Amis de la Terre sur le CRAD40vise à l'adoption d'une loi reconnaissant laresponsabilité des maisons mères pour lesdommages causés par leurs filiales. Signez lapétition sur www.crad40.com.

« Ce verdict offrede l'espoir à

d'autres victimesde pollutions

causées par desmultinationales. »

> Geert ritsemaMilieudefensie

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NATIONAL 07

De Notre-Dame-des-Landes au GrandParis, de la ligne TGV Lyon-Turin et LGVSud-Ouest à l'EPR de Flamanville, lespouvoirs publics veulent nous imposer defaramineux projets d’urbanisation,d'aménagement du territoire, de sitesindustriels, sous couvert de progrès, dedésenclavement des territoires, de créa-tion d’emplois et de développementlocal. Ces arguments cachent en réalitédes intérêts tout autres. A Nantes, le pro-jet de « futur nouvel aéroport », a connubien des avatars depuis quarante ans :lieu d'accueil du Concorde, « Rotterdamaérien » et autres faramineux projets quin'ont jamais vu le jour. Aujourd'hui, ils’inscrit dans un plan global pour la com-pétitivité économique de la région GrandOuest, censé attirer investissements etentreprises. Mais ici comme ailleurs, le« développement loca l» va consisterd’abord à bétonner des terres agricoles,un écosystème précieux, à détruire deslieux de vie.A Paris et dans sa région, un projet sem-blable, le Grand Paris, qui trouve sa justi-fication apparente dans l'amélioration duréseau des transports, vise en fait àreconfigurer les pôles urbains au méprisdu cadre de vie, et bien-sûr de la volontédes populations. Ce projet va renforcerencore plus l’hypertrophie de l’Ile-de-France, préjudiciable aux autres régions,en concentrant l'activité économique etl’emploi sur quelques pôles (La Défense,Saclay, Grand Roissy…). Ces grands projets s'inscrivent dans unprocessus de métropolisation où lescapitales régionales et nationales selivrent à une âpre concurrence visant àattirer les capitaux et les classes aisées.Nantes concurrencera Toulouse ouBordeaux, Paris, Londres ou Tokyo, ettout autour, ça sera le désert.Les points communs entre ces projetssont nombreux, du déni de démocratie àune politique menée au seul profit desmultinationales, de la destruction des

dernières terres agri-coles à l'accentuationdu réchauffement cli-matique et desatteintes aux écosys-tèmes, avec bienentendu encore plusde spéculation foncièreet tout le cortège desexpulsions, exclusions,gentrification, privatisa-tion et aménagementsécuritaire de l'espacepublic. Aujourd'hui, tout grandprojet, quelques soientles motifs qui le justifie,est inutile pour la grande majorité de lapopulation, forcément imposé du faitmême de son échelle, et néfaste en fin decompte. Ces gigantesques projets dessinent unmonde dont nous ne voulons pas, nousdépossédant de nos territoires commedu choix de nos modes de vie.Pour nous, il s'agit bien, à l'exemple deNotre-Dame des landes, de combattre

« l’aéroport et sonmonde ».A ce modèle, nousopposons un mondeinventé par nous tou-te-s. Nous sommescapables de (re)créernos propres quartiers,nos propres territoires,écologiques et popu-laires, sur la base d'ac-tivités de production etd'échanges relocali-sées, de transports encommuns de proximité,de circuits courts dedistribution. Nous

sommes tout autant capables de lesgérer, sur la base de processus démo-cratiques eux aussi relocalisés, fédéraux,participatifs, visant à une responsabilisa-tion de l'ensemble des citoyens. Pourque fleurissent et s'épanouissent millepetits projets utiles et décidés par tous.

> AlAIN DOrDé

Tout grand projet est inutile

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Les Amis de la Terre en Savoie contre le TGV Lyon-Turin Le groupe local de Savoie est membrede la coordination des opposants auLyon-Turin aux côtés d’organisations dela société civile et d’élus. Suite au rapportde la Cour des comptes mettant à jour unmanque de sérieux du projet, en janvier2013, la coordination a adressé une lettreau Premier ministre et autres décision-naires du dossier. Ils ont été mis en garde

contre le risque « d’erreur manifested’appréciation » et la méconnaissancedu « principe de précaution » notammenten regard du coût du projet. En mars uncourrier d'informations a aussi étéadressé aux parlementaires.Les Amis de la Terre Savoie sont opposésau projet Lyon-Turin tel que proposé maissont favorables à l’examen de tout autre

projet de report modal de la route vers lerail (voyageurs et marchandises) à partirde l’amélioration des voies existantes, quiprendra en compte la question essentiellede la suppression des transports inutileset proposera un réseau ferré (fret et TER)d’un 21ème siècle, sobre et soutenable pourles hommes et la planète.

> CArOlINe PrAK

Plus d’informations sur :http://amisdelaterre.org/Les-Opposants-au-projet.html • http://lacoordinationcontrelelyon-turin.overblog.com/

Lire la contribution des Amis de la Terre en Savoie à la Convention des écologistes sur les traversées alpines et le Lyon-Tuirin :http://amisdelaterre.org/Notre-contribution-a-la-convention.html

« Ces gigantesquesprojets dessinentun monde dont

nous ne voulons pas,nous dépossédantde nos territoires

comme de nos choixde modes de vie. »

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08 RÉGIONS

Apple empoisonne la planète !

Un flocon, deux flocons, Paris qui s’en-neige doucement ! Un nain, deux nains…six nains mais ce sont des mineurs avecleurs pioches ! Et voici maintenantBlanche-Neige et l’horrible sorcière quiessaie de lui faire avaler une pommeempoisonnée. Un remake hivernal dudessin animé de Walt Disney ? Non, c’estune action de rue menée par les Amis dela Terre Paris face à l’Apple Store Opérale 23 février.Pour sensibiliser le grand public auconcept d’obsolescence programmée etaux impacts environnementaux etsociaux des produits high-tech, près de

500 tracts sont distribués par les nainsaffairés aux passants frigorifiés. Apple, lapomme, des mineurs qui symbolisent lesmauvaises conditions de travail dans lesecteur de l’électronique, ok. Mais Applen’est pas le seul à empoisonner la pla-nète.Les performances environnementalesdes produits high-tech s’affichent désor-mais dans les boutiques ou sur les sitesInternet. Signe d’une meilleure prise encompte des enjeux environnementaux ?Pas vraiment si l’on observe les dernierssmartphones commercialisés par deuxgéants du secteur, Apple et Samsung. Le

bilan de la fabrication de l’iPhone 5 émetainsi 36 % de gaz à effet de serre de plusque celle de l’iPhone 4S, commercialiséun an plus tôt.Pas un mot affiché par contre sur lesconséquences humaines et environne-mentales de l’exploitation minière dansles pays du Sud : destructions de res-sources non renouvelables, pollutions etrythmes de travail dans les usines d’as-semblage.Des impacts qui s’aggravent avec lerythme soutenu de renouvellement deces produits et la consommation demasse qui y est liée : il se vend depuis 10ans près de 20 millions de téléphonespar an en France. Au lieu d’essayer d’allonger la durée devie de leurs produits pour réduire l’impactde cette surconsommation, constructeurset opérateurs usent de tous les strata-gèmes pour, au contraire,en accélérer lerenouvellement.Les Amis de la Terre demandent auxpouvoirs publics de lutter contre l’obso-lescence programmée des biens en pro-mulguant une loi qui : créé un délit d’ob-solescence programmée, allonge ladurée de garantie légale de 2 à 10 ans,impose de donner des informationssubstantielles au consommateur quantaux possibilités de réparation.

> MArTINe DeGrAveLes Amis de la Terre Paris

Une scierie démesurée à l'assaut du MorvanLe projet de pôle de transformation boisdans le Parc naturel du Morvan mobilisel'ensemble des écologistes régionaux. Al'étude : une entreprise de sciage de rési-neux, une centrale de cogénération debiomasse et une usine de fabrication degranulés bois destinés à produire del'électricité en Belgique. La menace écologique justifie l'opposi-tion au projet : pour ses activités, le pôleaura besoin de 900 000 m3 de bois fraispar an, et transformerait donc brutale-ment la forêt, privilégiant les plantations àcourte révolution appauvrissant les sols.Cela s'ajoutant à d'autres projets plusmodestes (consommant plus d'un millionde m3 de bois), la menace sur l'équilibredes massifs forestiers est avérée.

Il faudra aussi défricher 89ha dans unbois de 114ha détruisant et provoquantle déplacement aléatoire de spécimend'espèces sensibles ou protégées. Unezone humide comprenant les sourcesd'un ruisseau, le Sardy, classé en frayèrenaturelle, serait aussi asséchée. Le bilan carbone serait en outre désas-treux : plus de 170 camions/jour irontchercher l'approvisionnement en boisdans un rayon de plus de 300 km...assez pour déstabiliser la trame écono-mique régionale en instituant une concur-rence pour l'accès à la ressource avecles principales scieries existantes dansun rayon de 50 km, et avec les entre-prises de travaux forestiers. Avec un double avis défavorable du

Conseil national pour la protection de lanature et la suspension des arrêtés pré-fectoraux par le Tribunal administratif deDijon, les procédures administratives setransforment en feuilleton judiciaire. Si la filière bois a un rôle à jouer dans latransition énergétique, elle doit surtoutêtre dédiée à la construction, la rénova-tion et l'isolation de bâtiments dontl'usage permet le stockage de carbone.Le bois-énergie doit rester une activitésecondaire dans le panel des énergiesrenouvelables et dans le cadre d'unegestion durable des forêts.

> leS AMIS De lA Terre CôTe-D’Or

Action des Amis de la Terre Paris le 23 février 2013.

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Pour en savoir plus :Rendez-vous sur les sites www.dessousdela-hightech.org et www.produitspourlavie.org

Plus d’informations sur : www.adretmorvan.org

Page 9: La Baleine 172 - Ouvrir un vrai débat énergétique

Ouvrir un vrai débat énergétiqueDOSSIER

09

La France débat de transition énergétique. Ou plutôt, unecentaine d’experts débattent des moyens de mettre en œuvreune politique énergétique strictement encadrée par legouvernement.Les Amis de la Terre ont décidé de ne pas participer à cedébat qui dès sa préparation avait tout d’une mascarade.Entre un gouvernement qui décide seul des membres ducomité de pilotage et des orientations qui dictent d’embléeles conclusions, il apparaissait clairement dès sa préparationque l’exercice serait formel et technocratique. Sans compterque de Notre-Dame-des-Landes à la politique nucléaire, legouvernement multiplie les signaux contradictoires.Pire, les rares Français qui s’y intéressent, loin d’être écoutés,assistent en spectateur à des querelles byzantines. Pourtant,les enjeux énergiques sont directement liés aux réalitéslocales et aux modes de vie.Ce constat est d’autant plus déplorable, que de nombreusesvoies s’offrent à un gouvernement qui placerait l’écoute descitoyens au cœur de ses préoccupations et poserait sansdétour les enjeux de société qui sous-tendent les choixénergétiques.

Décentraliser le débat et le rapprocher au plus près desbassins de vie apparaît comme un des préalablesindispensables à une politique énergétique réellementdémocratique. De même, l’écoute des propositions de lasociété civile engagée dans la transition énergétiqueinternationales devrait participer du même effort. D’autantplus que la France a son mot à dire au sein des institutionsfinancières internationales afin qu’elles cessent leursinvestissements énergétiques nuisibles.Au plan international la question de la consommation – ounon – des réserves d’hydrocarbures offre l’opportunité d’unlarge débat démocratique sur le partage des biens naturels etla prise en compte de la dette écologique des pays riches. Aucœur de ces discussions se trouve ce qui devrait êtrel’objectif même de la transition énergétique : l’élimination dessurconsommations et la satisfaction des besoinsfondamentaux de tous. Un choix de société que se refused’aborder le débat français..

> PHIlIPe COlleT

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10 DOSSIER - OUVRIR UN VRAI DÉBAT ÉNERGÉTIQUE

Que dire du débat français sur l’énergie,si ce n’est qu’il s’inquiète avant tout dela production et ses aspects techniques.Certes, la consommation est abordéevia les économises d’énergie, mais lesujet central reste un pour ou contre lenucléaire, le gaz de schiste ou les renou-velables. Des sujets dont s’emparentlobbyistes et experts de tous bords sequerellant par scenarii interposés. Lesujet parait bien trop sérieux et compliquépour qu’on laisse la parole au quidam.Ce débat est d’autant plus fermé qu’ilest arbitré par les industriels et les hautsfonctionnaires. L’attribution des permisde gaz de schiste par le Corps desMines est caricaturale de ce défaut dedémocratie. Bernard Laponche, prési-dent de l’association Global Chance,décrit de façon édifiante1 cet « Etat tech-nicien », cette « alliance entre techno-crates et politiques ».

Faute de mieux, on débatMais cette parodie est contestée. Alors,depuis 20 ans le gouvernement organisetous les dix ans de grands débats natio-naux.En 1994, Balladur propose aux Françaisun Débat national Energie etEnvironnement pour écouter les attentesdes élus, des représentants socio-éco-nomiques et des citoyens. Le rapportSouviron qui le clôt pointe le « sentimentgénéral d'un déficit démocratique ». Ilpropose donc de rééquilibrer lesenquêtes publiques en s’appuyant surdes solutions locales alternatives et unemeilleure écoute du public.En 2003, Juppé remet ça avec leDébat national sur les énergies. Aprèstrois mois, cinq forums gouvernemen-taux et sept contre-réunions d’associa-tions écologistes, le Comité de Sagesrend son rapport. Que dit-il ? Entresautres que les économies d’énergiedoivent être « l’occasion d’une interro-gation sur les modes de vie et l’organi-sation de la société engagée dans unconsumérisme non durable »2. Bonneidée, effectivement. Il pointe aussi lelobbying d'Areva justifié « avant toutpour des raisons économiques et destratégie industrielle ». Le philosopheEdgar Morin, l'un des trois sages, jugequ’« il semble inutile de décider d’unenouvelle centrale EPR avant 2010 ».Des conclusions bien vite oubliéesquand tombe huit mois plus tard la loid’orientation qui lance le programmeEPR.

Une transitionénergétique verrouilléeAujourd’hui Ayrault propose donc untroisième débat national. Sur la transitionénergétique cette fois-ci. Un nouveaudébat organisé autour d’un conclaved’experts aux rouages complexes.Au cœur du débat est placé le Comiténational qui rassemble la centaine dereprésentants de sept collèges, dontcelui des associations. Un second aréo-page de 40 spécialistes forme unGroupe des experts chargé d’analyserles scénarios - une dizaine lui sont déjàparvenus3 - et d’éclairer le Conseil national.Les industriels bénéficient d'un Groupede contact des entreprises créé à leurdemande. Enfin, un Secrétariat super-vise le débat et un Comité de pilotage(sept personnalités) assure le respectdes règles. Bref, tous les ingrédientsd’une discussion technocratique.Et les Français dans tout ça ? Ils sontinvités à s'exprimer. Bien sûr. Dans ledébat tout d’abord, avec un Comité de15 citoyens chargé de rappeler lespréoccupations des Français. À la péri-phérie ensuite, avec des débats territo-riaux, des conférences régionales, desjournées citoyennes et un site internet.Un Comité de liaison coordonne ces

échanges et remonte les propositions auComité national. Un bien léger contre-pouvoir face à l’armada d’experts.

Un hors-débat surchargéQuant au contenu il repose sur quelquesquestions. Quel mix énergétique ? Quelsinvestissements ? Quels renouvelables ?Comment optimiser les consommations ?Des questions bien encadrées par lesengagements préalables. Hollande prometde ramener à 50 % la part du nucléairedans la production électrique en 2025 -un objectif bien loin de la sortie dunucléaire en un, voire deux, quinquennat

Energie et démocratie. Les deux termes ne s’opposent pas a priori et pourtant, en France, l’énergie posede vrais problèmes à la démocratie. Accaparé par les experts, le débat énergétique refuse de questionnerles modes de vie.

« Le débat françaisrefuse de poser

clairement l’enjeud’une prise

de décision ouverteet démocratiquesur l’énergie. »

L'impossible débat énergétique français

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défendue par les Amis de la Terre4 - etd’interdire la fracturation hydraulique.L’Europe fixe la part des renouvelables à23 % en 2020 et ouvre les négociationspour 2030.Restent donc ouvertes, les questionsfinancières et techniques. Celles rela-tives aux avantages et inconvénients dusolaire, de l’éolien ou de la biomasse etcelles relatives aux économies d’énergieou à l’efficacité énergétique. Et encore,elles sont aussi bien encadrées par lesdécisions prises hors-débat.Le gouvernement va proposer prochai-nement un programme de rénovationthermique des bâtiments, une réformedu code minier, des mesures de fiscalitéécologique sur proposition d’un comitéad hoc et des financements pour leséconomies d’énergie. De même, il sou-tient clairement certaines filières enrêvant de fusion nucléaire avec ITER, enmisant sur l’hydrolien, en se lançantdans le gaz « en marinière » et en rou-vrant les recherches sur la géothermie àhaute température.Le parlement a validé la loi Brottes, surles tarifs progressifs et l’éolien. Il va dis-cuter celle de Courteau sur l’hydroélec-tricité. La Banque publique d’investisse-ment, « la banque de la transition éner-

gétique » de François Hollande, inau-gure ses engagements en finançant lessous-traitants du nucléaire.Autant de décisions qui structurent plussûrement l’avenir que ne le fera une loiactant d’engagements généraux à l’ho-rizon lointain. Surtout que parlement etgouvernement pourront détricoter lesrésultats du débat, même les moinsambitieux, comme l’ont montré les loisGrenelle et les décrets d’application.

Nos modes de vie en questionEn réalité, le débat français refuse deposer clairement l’enjeu d’une prise dedécision ouverte et démocratique surl’énergie. Il ne s’agit pas de défendreune technologie ou de s’entendre sur uneffort financier. Il s’agit avant tout dedébatte de nos modes de vie. De cela,la plupart des experts ne veulent pasentendre parler. Ils postulent le maintiend’un système qui ne tient pas comptede l’épuisement des ressources. Uneapproche politique qui interroge lesvaleurs de notre société est pourtanturgente et indispensable.Le débat ne sera utile que s’il permet dedétechniciser la question énergétiquepour révéler les enjeux de société. Del’énergie pour quoi faire ? Quelle mobilité ?Quels logements ? Quelles consomma-tions ? Quels rapports aux autres ?Autant de questions indispensables à ceque les citoyens s’approprient le débaténergétique. Pour l’instant, elles sontportées directement sur le terrain par lesassociations et leurs militants.

> PHIlIPPe COlleT

1/ Voir la revue Ecorev’ :http://ecorev.org/spip.php?article88

2/ Voir conclusions du rapport. Page 42.http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/034000566/0000.pdf

3/Concernant la nécessité et les limites desscénarios, voir la retranscription des points devue de différents

4/Voir La Baleine 167 « Nucléaire. S’en sortir »

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Qu’attendrede ce débat ?À l’occasion du débat national sur latransition énergétique, les ONG etassociations qu'elles aient choisi ounon de s’impliquer dans le débat officiel,portent ensemble leur vision d'un futurplus sobre et plus équitable (5).La transition énergétique que nous prô-nons impliquera des changements pro-fonds dans notre société : des modesde consommations plus sobres, desactivités au cœur des territoires, desemplois pérennes et non délocalisables,des sources d’énergie moins polluantes,que ce soit ici ou dans d’autres pays, etune reprise en main par les citoyens desquestions qui concernent leur avenir.Les ONG et associations ont défini 14mesures essentielles7. Parmi celles-cifigurent une obligation de rénovationthermique à terme des logements, l’arrêtde toute nouvelle infrastructure detransport routier ou aérien, une décisionde sortie du nucléaire et un engagementsur un scénario aboutissant à 100 %d’énergies renouvelables en 2050, lefinancement effectif de la transitionénergétique en déployant les outilsnécessaires (BPI, banque de la transi-tion écologique, fiscalité).Le Président de la République a pré-senté à maintes reprises la transitionénergétique comme une priorité de lanouvelle mandature. Cependant, legouvernement a pris un certain nombrede décisions qui vont en sens inverse etcreusent l’écart entre l’ambition affichéeet la réalité.Ainsi, la France continue à l’étranger àpromouvoir le nucléaire comme « unefilière d’avenir ». De même, plusieursdécisions sont intervenues pour privilé-gier le transport routier et aérien audétriment des autres modes de trans-ports moins polluants.Difficile, dans ce contexte, de dire cequ’il est possible d’attendre de cedébat.Néanmoins, qu’il aboutisse oupas à un changement de cap profonddes politiques nationales, le débatnational sur la transition énergétiqueaura été utile s’il a permis de faire par-tager largement les enjeux et les diffé-rentes solutions préconisées pour créerles prémisses d’une transformationprofonde et inéluctable. Nous souhai-tons que chacun s’empare de cemoment politique pour être un ambas-sadeur de la transition énergétique.

> ANNe brINGAulTCoordinatrice du débat sur la transition

énergétique pour les ONGhttp://transitionenergetique.org/

Pour en savoir plus :Les Amis de la Terre avaient exprimé leur

position sur le nucléaire dans La Baleine 167,Nucléaire, en sortir :

http://www.amisdelaterre.org/La-Baleine-167-Nucleaire-s-en.html

Page 12: La Baleine 172 - Ouvrir un vrai débat énergétique

Pour une réappropriation des enjeux énergétiquespar les collectivités et les citoyens

Décentralisation et transition énergétiquesont fondamentalement liées, commel'explique le délégué général d'EnergyCities en prenant l’exemple de la productionélectrique car « quand bien même l'élec-tricité ne représente que 20 % de nosconsommations finales, c'est le systèmeélectrique d'un pays qui surdéterminetout le reste ». En effet, une productioncentralisée, éloignée de tout, considérerala chaleur comme un rejet indésirable quel'on évacuera dans des tours de refroidis-sement, gaspillant ainsi d’énormes quantitésd’énergie. De plus les gros producteurs,les gestionnaires de réseau et l'adminis-tration qui gèrent un tel système considèrentles modes de productions renouvelableset décentralisés comme quantité négli-geable et source de complication.

Conjuguer solutions territorialeset objectifs internationauxPourtant, une production décentralisée,centrée sur la demande, proche des lieuxde consommation, permet, grâce à lacogénération, de fournir électricité etchaleur. Surtout, elle répond à de vraisbesoins et favorise la prise en chargedémocratique des questions énergé-tiques par les citoyens directementconcernés.

En effet, la transition dépend en premierlieu de plusieurs facteurs locaux : climat,urbanisme, ressources naturelles, dyna-mique en termes de population, d’éco-nomie, d’acteurs, etc. A contextes terri-toriaux différents, solutions différentes.Bien sûr, ces solutions doivent s'inscriredans un cadre et des objectifs européenset nationaux qui doivent être respectés aminima. Il serait absurde d'interdire à descollectivités d'être plus ambitieuses quel'Etat ou l'UE et à ce titre, il est intéressantde rappeler que la somme des objectifsdes Länder allemands en matière dedéveloppement des énergies renouvelablesdépasse l'objectif fédéral.C’est pourquoi, dans l’étude « Quellegouvernance territoriale pour la transitionénergétique », le RAC-F propose unpanel de mesures pour faire évoluer lesystème centralisé. Il est tout d'abordcrucial de renforcer deux niveaux fonda-mentaux de gouvernance : le bassin devie et la région.

Relocaliser la prise de décisionC'est à l'échelle du bassin de viequ'émergent les gisements de sobriété,d'efficacité et d'énergies renouvelables etqu'il est pertinent de les analyser pour lesmobiliser au mieux, dans le cadre d'une

politique climat-énergie co-construite.C'est aussi l'échelle des activités quoti-diennes : habitat, travail, loisirs, mobilitélocale... qui permet au mieux de mobiliserles citoyens et les acteurs locaux.Aujourd'hui, le niveau décisionnel qui serapproche le plus de cette échelle est l'in-tercommunalité, qui doit donc disposerd'un bloc de compétences climat-énergie(urbanisme, mobilité, logement, énergie,information et sensibilisation des habi-tants...). Il est toutefois nécessaire àmoyen terme d'élargir les périmètresintercommunaux pour qu'ils correspondentà l'échelle du bassin de vie.La région devra alors avoir un vrai pouvoirpolitique et des moyens adéquats pourassurer la cohérence de ces politiqueslocales entre elles et avec les orientationsde la politique énergétique nationale,notamment en élaborant un schémarégional opposable sur les aspects cli-mat, énergie et aménagement, enconcertation avec l'Etat, les collectivitéset les acteurs locaux.En matière de distribution du gaz et del'électricité, il faut lever l'interdiction de créerune régie locale. L'Etat assurera leséchanges et la solidarité territoriale par lefonds de péréquation de l'électricité. Lescollectivités doivent également être enmesure de moduler les aides définies auniveau national (aides au logement...) etd'adapter la norme nationale aux enjeuxlocaux, comme c'est aujourd'hui possibledans les Territoires d'Outre-Mer (voir laRéglementation thermique de laGuadeloupe). Il s'agit également d'identifierles ressources financières et de faciliter lacréation d'outils. Enfin, les missions d'ob-servation, de suivi et de contrôle doivent êtrerenforcées – il est en particulier crucial quel'Etat réinvestisse ses missions de police del'environnement et de contrôle de légalité.Le système centralisé actuel fait obstacleà la diffusion d'une culture de responsabilitévis-à-vis de l'usage et de la productiond'énergie. Il est grand temps quecitoyens et collectivités se réapproprientles questions énergétiques. C'est unequestion de démocratie et de transparence.

> MArION rICHArDChargée de mission Climat et territoires •

Réseau Action Climat France

12 DOSSIER - OUVRIR UN VRAI DÉBAT ÉNERGÉTIQUE

La construction de la politique énergétique française est tenue par une élite de décideurs politiques etéconomiques. Ce centralisme technocratique entrave la mise en place de solutions locales adaptées auxréalités des territoires et de leurs habitants ainsi qu'aux enjeux climatiques et énergétiques. La décentra-lisation est l’une des clés d’une transition énergétique démocratique.

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En savoir plus :Quelle gouvernance territoriale pour la transition énergétique ? http://www.rac-f.org/Quelle-gouvernance-territoriale

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Débat énergétique : où sont passés les enjeuxinternationaux ?

Dans le cadre du débat national sur latransition énergétique, les enjeux interna-tionaux sont absents. Un oubli regretta-ble, alors que la ministre de l’Ecologiesouhaite que la France soit « en pointe dela lutte contre le changement climatique ».A croire qu’à l’heure où personne ne niela nécessité d’engager des solutions glo-bales, le gouvernement est persuadé quel’on peut se contenter d’une transitionénergétique nationale.Si la France veut réellement être enpointe, elle doit défendre, au sein de laBanque européenne d’investissement(BEI) et de la Banque européenne pour lareconstruction et le développement(BERD), des politiques d’investissementrespectant les objectifs internationaux delutte contre les changements clima-tiques. Or, le Postdam Institute a évaluéque les réserves d’hydrocarbures mon-diales sont cinq fois supérieures à ce quenous pouvons utiliser1.

Révision des politiques énergétiquesJusqu’à maintenant, la BEI, la banquepublique de l’Union européenne, adépensé 20 % de son budget dans desprojets énergétiques (13 milliards d’eurosen 2011). Entre 2007 et 2011, 19 mil-liards d’euros sont allés aux énergies fos-siles, soit un tiers des prêts au secteur del’énergie. Or, la feuille de route Energie2050 de l’UE, que la BEI se prévaut derespecter, appelle à une baisse de 80 à95 % des émissions de GES en 40 ans.Elle a malgré tout soutenu de nombreuxprojets polluants et destructeurs tels quela centrale slovène au charbon deSostanj qui a elle seule émettra l’intégra-lité des GES de la Slovénie prévus par lesobjectifs européens pour 2050.Actuellement, elle révise sa stratégieénergie et tente de trouver un équilibreentre trois objectifs potentiellementconcurrents : la sécurité de l’approvision-nement énergétique de l’UE, la compéti-tivité et l’action climatique.Ces mêmes questions se posent avec laBERD qui révise également sa politiqueénergétique. Entre 2006 et 2011, 48 %des 6,7 milliards investis dans l’énergiesont allés aux énergies fossiles. Jusqu’àmaintenant, les appels à la fin des finan-cements publics aux énergies fossiles età la réorientation des fonds vers desalternatives durables2 sont restés lettre

morte. Ils émanent pourtant de l’OCDE,du Parlement européen, du Programmedes Nations unies pour l’environnement(PNUE) et de l’Organisation internationaledu travail (OIT) !Par ailleurs, BERD et BEI sont impliquéesdans de nombreux projets hydroélec-triques, alors que les grands barragesont des impacts environnementaux etsociaux dramatiques et mal contrôlés3.

Premiers pasRécemment, les deux banques ontprouvé qu’elles pouvaient promouvoir ladécarbonisation du secteur énergétique.En 2011, les prêts aux renouvelables etaux projets d’efficacité énergétique de laBEI sont passés de 32 % à 52 %. Cesont des premiers pas encourageants,mais la vigilance reste de mise.Sous couvert de compétitivité et desécurité énergétique, des lobbies plai-dent pour des politiques qui nous enfer-ment dans des solutions énergétiquesnon durables. Il est inacceptable que les« améliorations » de vieilles centrales aucharbon soient présentées comme del’efficacité énergétique. Elles ne font queprolonger les nuisances de ces centralesau détriment d’alternatives sobres encarbone.

Il est pourtant possible de concilier nosbesoins avec la lutte contre les changementsclimatiques en finançant des économiesd’énergie et des alternatives réellementrenouvelables qui créeraient des millionsd’emplois, l’un des objectifs de cesbanques en temps de crise.Les Amis de la Terre demandent que laFrance s’investisse dans les politiques deces institutions. En tant qu’actionnaireprincipal et membre majeur de l’UE, elle aun rôle moteur à jouer. Elle doit mettre encohérence sa volonté d’engager unetransition énergétique et ses interven-tions au sein de ces banques.Ne nous y trompons pas, les prises deposition de la France au sein de ces établis-sements se font en notre nom. Il est donccrucial que la France tienne compte du tra-vail et des recommandations de la sociétécivile mobilisée autour de ces questions.

> rONACK MONAbAYChargé de campagne

Institutions financières internationales

1/ Voir l’article « Ouvrir le débat sur le partage desbiens naturels » dans ce dossier.

2/ http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/lagran-dehypocrise.pdf, page 5f

3/ http://www.amisdelaterre.org/grandsbarrages.html

La France, en prenant position dans les institutions financières, peut jouer un rôle important pour le finan-cement de la transition énergétique. On le sait, la lutte contre les changements climatiques impose deschangements drastiques. La France doit porter cet enjeu pour que le soutien international favorise desmodèles sobres et renouvelables.

Action des Amis de la Terre devant le siège français de la Banque mondiale, Paris le 1er mars 2011.

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Page 14: La Baleine 172 - Ouvrir un vrai débat énergétique

Pour limiter la hausse de la températureà 2 °C, voire 1,5 °C, il faudra impérative-ment limiter la consommation et laisserdu charbon, du pétrole et du gaz « sousterre ». Le Postdam Institute évalue à 75ou 80 % la part des réserves qui ne doitpas quitter le sous-sol d’ici 2050. MêmeL’AIE1 jugeait en 2011 que moins de lamoitié des réserves fossiles peuvent êtreutilisées. « Nous ne sommes donc pasconfrontés à une pénurie de pétrole,mais à un trop-plein », résumais MaximeCombes, d’Attac France, dans unerécente tribune2.Et pourtant, Etats et industriels dévelop-pent des procédés toujours plus com-plexes pour extraire les dernièresréserves au prix de dégâts démesurés.Gaz de schiste, sables bitumineux ouforages offshore ultra-profonds symboli-sent ces ressources extraites au méprisdes impératifs climatiques. Des cher-cheurs japonais viennent même d’ex-traire des hydrates de méthane, descristaux d'eau et de gaz piégés dans lessédiments sous-marins.

Sortie volontairedes énergies fossilesA l’image du mouvement contre l'exploi-tation des gaz et huiles de schiste, etd'un de ses slogans « Ni ici, ni ailleurs »,la contestation ne se résume pas à ladéfense d'un cadre de vie local mais aucontraire s'inscrit clairement dans unevolonté d'ouvrir un débat citoyen pluslarge. L'urgence n'est pas tant de réfor-mer le code minier pour encadrer l'ex-ploitation comme le propose le gouver-

nement français qued'imaginer un nouveaucadre de régulation per-mettant d'organiser lanon-exploitation d'uncertains nombre de res-sources.A l’international,l’Equateur a lancé le pro-jet Yasuni et s’engage àne pas exploiter 850 mil-lions de barils de pétrolecontre une indemnisa-tion financière qui tien-drait compte des émis-sions de CO2 évitées.Pour la première fois,une initiative repose surla sortie volontaire desénergies fossiles et pro-pose d’aller au-delà desdiscours. Surtout, elle

place les pays riches devant leurs res-ponsabilités et leur incapacité à remettreen cause leurs modes de vie énergi-vores. Reste qu’elle pose aussi de nom-breuses questionsEn premier lieu, le projet ne présente unintérêt que s’il s’inscrit dans une poli-tique nationale cohérente. Le parc deYasuni ne doit pas être un simple gagede bonne volonté clôturant le débaténergétique national. Il ne doit pascondamner les Equatoriens qui s’oppo-sent au ravage qui menace d’autres par-ties du pays, à l’image peuple Kichwa deSarayaku continue de lutter contre l’ex-ploitation pétrolière. Or l’Equateur alancé de nombreux appels d’offres pourexploiter les 1,6 milliard de barils enfouissous 200 000 km2 de forêt vierge.

Rembourser la dette écologiqueUn autre enjeu crucial soulevé par Yasuniest la question de l’indemnisation durenoncement à extraire des hydrocar-bures, surtout si de telles initiativesdevaient se multiplier. Pour le projetYasuni, le « prix » de ces réserves inex-ploitées est fixé à la moitié des revenuspétroliers escomptés, soit 3,5 milliardsde dollars qui seront collectés via unfonds onusien.Cette indemnisation correspond-elle àune marchandisation de plus des éco-systèmes ? Si tel est le cas, les peuplesautochtones seraient alors ballotés augrès des cours du carbone. Des terri-toires entiers seraient placés souscloche au grès des « compensationscarbones » versés par les pays riches.

L’indemnisation est-elle la contrepartied’un chantage écologique ? C’est l’unedes critiques formulées contre Yasuni etle Guyana ou la République démocra-tique du Congo ont sérieusementmenacé d’exploiter leur forêt vierge si lacommunauté internationale ne lesindemnisait pas.Au contraire, l’indemnisation peut-ellefaire progresser le débat sur la detteécologique contractée par les paysindustrialisé depuis le milieu du 19ièmesiècle ? Le remboursement de la detteécologique doit-il s'entendre nécessaire-ment comme un transfert financier duNord vers le Sud au risque de répliquerle même modèle de développement quinous conduit dans l'impasse ? A l’op-posé, reconnaître la responsabilité histo-rique des pays industrialisés dans lasurexploitation de l'espace écologiquedes pays du Sud pourrait signifieraccepter d'engager une rupture avec lepoids croissant des intérêts financiers etla logique de surconsommation. C'estun large démocratique, à toutes leséchelles, sur le partage des biens natu-rels qu'il nous faut ouvrir : commentréduire les excès de la surconsommationdes plus riches et satisfaire les besoinsfondamentaux de tous.Pour l’instant, Yasuni reste une initiativeisolée qui ne sera réellement utile que sielle en suscite d’autres afin de donnernaissance à un cadre juridique interna-tional qui tranche les questions soule-vées. Un cadre qui doit s’appuyer sur laprise en compte de la dette écologiquedes pays industrialisés et l’adaptationdes pays du Sud à un monde sanshydrocarbures.Où mettre en œuvre de telles initiativespionnières ? En 2009, 117 organisationsnigérianes, dont les Amis de la TerreNigeria, ont lancé un appel à leur gou-vernement, le sommant de laisser lepétrole du Delta du Niger sous terre. EnBolivie ou au Guatemala des peuples sebattent pour préserver leurs modes devie. Au-delà des grands débats, l’enjeudémocratique posé par l’énergie setrouve aussi dans l’écoute de l’expres-sion de ces populations

> PHIlIPPe COlleT

1/ L’Agence internationale de l’énergie de l’OCDE.

2/ Voir La Baleine 168 - Maximes Combes« Laisser le pétrole sous terre, une idée à creuser »ou http://www.amisdelaterre.org/Laisser-lepetrole-sous-terre-une.html

DOSSIER - OUVRIR UN VRAI DÉBAT ÉNERGÉTIQUE

Ouvrir le débat international des hydrocarbures

14

Peinture murale réalisée lors de la Conférence Climat de l'ONUà Durban (Afrique du Sud) en décembre 2011.

Alors qu’il n’a jamais été si urgent de réduire la consommation d’énergies fossiles, l’Equateur propose unprojet à contre-courant. Avec Yasuni, le pays s’engage à ne pas exploiter une partie de ses réserves contreindemnisation. Une approche ambigüe qui pour être pleinement profitable devra tenir compte des popu-lations locales et aborder la question de la dette écologique.

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Page 15: La Baleine 172 - Ouvrir un vrai débat énergétique

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Le film Madagascar : jusqu'au bout de la Terre dresse un parallèle entre l'exploi-tation des sables bitumineux au Canada et à Madagascar, un pays qui possèdeégalement d'importants gisements fortement convoités par les multinationalesextractivistes à la recherche de nouvelles sources de pétrole. Il suit Holly Rakotondralambo, une militante environnementale malgache qui se rend auCanada, où se situe actuellement la plus grande partie des gisements de sables bitu-mineux exploités. Après plusieurs décennies d’exploitation de ce pétrole, un vaste ter-ritoire et le mode de vie de nombreuses communautés a irrémédiablement été détruit.Cela laisse imaginer l’ampleur des dégâts que pourrait causer l’exploitation des sablesbitumineux à Madagascar, un pays dont la faiblesse de la législation favorise largementles entreprises extractivistes, et ne permet en aucun cas de protéger ni les moyens desubsistance des communautés, ni la biodiversité si riche et si unique de la Grande Ile.

D’où l’enjeu de la Directive européenne sur la qualité des carburants, que les Amis de la Terre soutiennent et qui vise à réduire de 6 %d'ici à 2020 les gaz à effet de serre produits par les carburants utilisés pour les transports. Une proposition de mise en œuvre est endiscussion à la Commission européenne afin d’exclure du marché européen les hydrocarbures issus des sources les plus nocivespour l’environnement comme le sont les sables bitumineux.

> vIvIANA vARINChargée de campagne • Industries extractives et Finance privée

Madagascar, jusqu’au bout de la Terre - produit par les Amis de la Terre International, Europe, France et Pays-Bas et CEEBankwatch, novembre 2012.

DocumentaireMadagascar : jusqu'au bout de la Terre

La « Troisième révolution industrielle » de Jeremy Rifkin, c’est la vision d’un monde où « descentaines de millions de personnes produisent leur propre énergie verte à domicile, aubureau, à l’usine et la partagent entre eux sur un « Internet de l’énergie », exactement commenous créons et partageons en ligne l’information ». Jeremy Rifkin propose une nouvellelogique économique durable qui a d’ores et déjà fait des adeptes à l’échelle de villes commeSan Antonio et Rome ou de régions comme Utrecht aux Pays-Bas. Ces précurseurs ontchoisi de s’engager dans un plan stratégique de troisième révolution industrielle. Il s’agitd’une série de mesures à appliquer concrètement pour parvenir à la transition énergétique.

A travers cinq piliers indissociables, Jeremy Rifkin esquisse les contours d’une économie décarbonéeet coopérative, productrice de milliers d’entreprises et de millions d’emplois. Il explique quechaque révolution industrielle a pour essence la convergence entre technologies des communi-cations et régime énergétique. Ainsi, le moteur de la troisième révolution industrielle est laconjonction de la communication par Internet et des énergies renouvelables. De même, l’organi-sation globale de la société est en cours de transformation. Le pouvoir latéral distribué s’installeprogressivement au détriment du pouvoir hiérarchique. Cette troisième révolution industrielle, àl’instar des deux autres, va changer nos modes de vie, nos façons de travailler, etc.

A l’heure où les coupes budgétaires s’enchaînent sans répit et où les pouvoirs publics sedemandent « comment pouvons-nous nous permettre d’effectuer la transition ? », JeremyRifkin répond : « comment pouvons-nous nous permettre de ne pas l’effectuer ? ».« Puisque la deuxième révolution industrielle s’effondre, le seul moyen de stimuler la croissancedans l’économie est de la transformer. » En effet, il indique que « dans les dernières décennies, nous avons consommé trois barilset demi de pétrole pour chaque nouveau baril que nous avons trouvé.» L’infrastructure industrielle basée sur le pétrole et autres énergiesfossiles est donc de plus en plus inadaptée aux ressources existantes. L’économie du futur sera pauvre en carbone ou ne sera pas.

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Jeremy RIFKIN - La Troisième révolution Industrielle : comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie,l’économie et le monde - Paris : LLL Les Liens qui Libèrent, 2012. 413 pages.Jeremy Rifkin est un économiste et essayiste américain engagé dans l’écologie. En 1977, il a créé la Fondation pour les tendanceséconomiques, qui étudie les problèmes environnementaux, sociaux, économiques et éthiques. Il s’interroge sur la logique de la nouvelleéconomie et propose une réflexion sur les ressources énergétiques.

La « Troisième révolution industrielle » un ouvrage optimiste pour penser la transition énergétique autrement

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Plus d’informations :Pour plus d'information sur la Directive européenne sur la qualité des carburants, dont un deuxième vote au Conseil est attendu à l’été 2013,rendez-vous ici : http://www.amisdelaterre.org/fqd.html

Plus d’information sur les industries extractives à Madagascar : http://www.amisdelaterre.org/rapportmadagascar.html

Exploitation de sables bitumineux dans l’Alberta, Canada.

Page 16: La Baleine 172 - Ouvrir un vrai débat énergétique

SNALISà Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)

L’association SNALIS récolte des ordina-teurs, les reconditionne avec des logicielslibres et en fait dons à ses adhérents lorsd’ateliers : publics précaires, associations,personnes sensibilisées à l’environnement,etc. SNALIS prône la réutilisation avant lerecyclage, en limitant les déchets d’équi-pements électriques et électroniques(DEEE) et lutte contre l’exclusion en favo-risant l’accès aux technologies.Les Amis de la Terre ont décidé d’apporterun soutien financier à SNALIS pour larédaction et la mise à disposition des uti-lisateurs, de fiches sur les différentsmétaux que l'on trouve dans un ordinateuret sensibiliser ainsi sur l'impact de leurextraction dans les pays du Sud.

Pour plus d’informations : www.snalis.org

Vélocampus à Nantes (Loire-Atlantique)

Vélocampus est une association implan-tée au coeur de l’Université de Nantes etde l’agglomération nantaise qui proposele prêt longue durée d’un vélo aux étu-diants, un atelier de réparation favorisantl’échange des savoirs et l’entraide, ainsique des actions et des animations sur lecampus. Elle a pour mission de promou-voir et d’encourager l’usage du véloauprès des étudiants comme moyen detransport écologique, économique,convivial et adapté à la ville.Les Amis de la Terre leur apporteront uneaide financière pour construire et mettreen œuvre un atelier mobile de réparationde vélo qui partira à la rencontre desNantais, collectera des vieux vélos pourles réhabiliter et proposera des animationsde sensibilisation à la pratique du vélo etau réemploi.

Pour plus d’informations :www.velocampus.net

Elemen'terre à Toulouse (Haute-Garonne)

L'association Elemen'Terre a pour objectifde rendre accessible au plus grand nombreet à moindre coût des outils et dessavoir-faire pour adopter une démarcheéco-responsable, sur des événements.L'association propose, crée et gère desoutils de sensibilisation à la protection del'environnement. En cohérence avec lanotion d'économie locale et en tenantcompte de l'impact environnemental destransports, elle a pour vocation d'inscrireson action au niveau régional.Les Amis de la Terre apporteront àElemen’terre un soutien financier à leur

projet d'annuaire des prestataires éco-responsables ainsi qu’à leur travail desensibilisation citoyenne à la réductiondes déchets, à l'économie de matièrespremières et aux pratiques éco respon-sables sur les événements.

Pour plus d’informations :www.elemen-terre.org

Vers des sociétés soutenablesLes Amis de la Terre félicitent les lauréatsmais aussi tous les porteurs de projets quiparticipent, par leurs activités à laconstruction d'un monde soutenable, justeet équitable. Cet appel à projet est unepremière pour nous et s'inscrit dans unelogique d'ouverture de la fédération àtoutes celles et ceux qui se reconnaissentdans nos valeurs.

> AuRÉLIe SchILD

Depuis 1971Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre

PratiquesCACA, OH ! Le fameux géant suédois de l'ameublement a annoncé début mars qu'il retirait de ses cafétérias du monde entierdes croquants au chocolat dans lesquels les autorités sanitaires chinoises ont trouvé un niveau excessif de bactéries coliformes,autrement dit des bactéries témoins d'une contamination fécale, plus simplement du caca dans le cacao Une porte-parole del'entreprise a affirmé que le niveau de concentration de ces bactéries ne représentait pas de grave danger pour la santé publique. Peu de temps avant cet incident, le même géant du meuble avait retiré de la vente des boulettes de viande de bœuf, après la découvertedans leur composition de viande de cheval qui n'était pas mentionnée sur l'étiquette. Quel est donc la malédiction qui frappe notre sympathique spécialiste mondial de la conception de mobilier en kit ? Ceci n'est-il quele début d'une douloureuse dégringole ? Verra-t-on bientôt des armoires dotées d'une colonie de termites d'une quantité admissible,des lits avec une dose de punaises sanitairement tolérables ? En tout cas, une chose est sûre: braves gens qui fréquentez les café-térias IKEA et sans doute celles des autres géants de la distribution, vous allez pouvoir continuer tranquillement à manger de lamerde.

> ALAIN DORDÉ

Agissons pour un monde soutenable !Bravo aux lauréats del'appel à projet des Amis de la Terre

CROISSANC

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>> A travers un soutien financier,allant de 3 000 à 5 000 euros, lesAmis de la Terre souhaitaient donnerun coup de pouce à des initiativeslocales proposant des alternativesà la surconsommation et au gaspil-lage en France tout en sensibilisantles citoyens au pillage des ressourcesdans les pays du Sud.

Plus d'une cinquantaine de projets ont été reçus et étudiés suite à l'appel à projet « Agir pour un mondesoutenable » lancé en novembre 2012. Encore merci à tous d'avoir participé à cet appel. Et les trois projetsretenus sont ...

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