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www.amisdelaterre.org Les Amis de la Terre : 40ans de luttes ècologiques ! Depuis 1971 octobre 2010 / 320 N°163

La Baleine 163

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Spécial 40 ans des Amis de la Terre

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LesAmisde laTerre :40ans deluttes ècologiques !

Depuis 1971 octobre 2010 / 3€20 N°163

SOMMAIREEdito40 ans, et aprés ?Lorsque nous avons abordé la question de l'anniversaire des 40 ans des Amisde la Terre j’étais pour le moins dubitative ! Une Baleine spéciale ? Ah oui…maisque va-t-on dire ? Que depuis 40 ans, on mène les mêmes combats ? Que fina-lement on n’avance pas beaucoup ? A 40 ans on a le cynisme facile ! Car si glo-balement on peut dire que tout reste à faire, c’est oublier la place des Amis de laTerre dans la prise de conscience écologique et c'est de cette évolution desmentalités que le vrai changement viendra. D'ailleurs, des combats, on en gagne localement tous les jours : une usine qu’ona obligée à dépolluer, une route inutile qui ne se fera pas, de nouvelles pistescyclables… Sans parler de nos modes de vie au quotidien qui font peu à peutache d’huile : on recycle, on ne gaspille pas, on adhère à une AMAP… Alors oui,on a avancé !Pour autant ce n’est pas tous les jours facile, nos finances nous inquiètent régu-lièrement, le nombre de nos adhérents et donateurs ne progresse pas aussi vitequ’on pourrait le souhaiter.Cet anniversaire ressemble finalement à une bonne leçon, sinon d’optimisme, aumoins de ténacité. Moi qui suis une jeune Amie de la Terre (par mon adhésion quidate de quelques années, moins par mon âge !) je suis admirative devant nos« Vétérans » que rien ne décourage, et qui poursuivent leur combat, encore etencore, jusqu’à la victoire.Ces 40 ans, c’est notre première richesse car ils mettent côte à côte l’expérienceet la ténacité des plus anciens et l’enthousiasme des plus jeunes, pour faire denous une fédération unique et vivante.40 ans c’est une étape importante dans la vie, on se retourne pour voir le travailachevé, on analyse plus sereinement ses fougues de jeunesse et on affirme sesprojets pour l'avenir. Aujourd’hui plus que jamais, toutes les craintes, mais aussitous les espoirs sont devant nous. Qui s’inquiétait il y a 40 ans des changementsclimatiques ? Qui était pris au sérieux en disant que les produits chimiques enagriculture étaient nocifs ? La société change. Nous sommes et voulons conti-nuer à être moteurs de ce changement vers un monde meilleur, respectueux dela dignité des Hommes et protecteur de l'intégrité de la nature. Les sociétés sou-tenables sont possibles, nous les construirons ensemble, pas à pas, jour aprèsjour. Rendez-vous …dans 40 ans !

> MARTINE LAPLANTE Présidente des Amis de la Terre depuis juin 2010

Depuis 1971

3 - 5 > INTERNATIONAL• BP : de la communication en temps de crise • Nigeria, la marée noire permanente• Ruée vers l'or vert, le nouvel eldorado africain• Les Amis de la Terre face au géant minier

Eramet• Détroit : faire face à la désindustrialisation

6 - 8 > FRANCE• OGM : le marché de dupes de la Commission

européenne• La biodiversité c'est bien, les autoroutes c'est

mieux !• Assises nationales : les déchets sous l'arbre à

palabres• Finance privée : vous avez dit éthique ?• Terminal méthanier de Dunkerque

9 - 10 >RÉGIONS : LES GROUPES LOCAUXEN ACTION

11 - 12 > DOSSIER : « 40 ANS DE LUTTESÉCOLOGIQUES »• 40 ans et toutes nos dents !• L'écologie comme projet de société• Une opposition constante au nucléaire• De la baleine transgénique en bassin d'eau

douce• Critique du culte de la voiture : la « vélorution »

en marche• De la « ville écologique » à la « ville en transition »• Amis de la Terre et politique, une clarification

des rôles• La force du réseau

20 > PRATIQUE, HUMEURS• Peinture bio : faites-le vous-même !• Il y a quarante ans, il s'est produit en France

deux événements historiques

La Fédération des Amis de la Terre France est une association de protection de l'Homme et de l'environnement, à but non lucratif, indépendantede tout pouvoir politique ou religieux. Créée en 1970, elle a contribué à la fondation du mouvement écologiste français et à la formation du premierréseau écologiste mondial - Les Amis de la Terre International - présent dans 77 pays et réunissant 2 millions de membres sur les cinq continents.En France, les Amis de la Terre forment un réseau d'une trentaine de groupes locaux autonomes, qui agissent selon leur priorités locales et relaientles campagnes nationales et internationales sur la base d'un engagement commun en faveur de la justice sociale et environnementale.

Le Courrier de la Baleine n°163« Se ranger du côté des baleines n'est pas une position aussi légère qu'il peut le sembler de prime abord. »

Trimestriel • Automne 2010 • n°CCPAP : 0312 G 86222 • ISSN 1969-9212Ce numéro se compose d’un cahier principal, d'un bulletin d'abonnement et du guide Environnement : comment choisir mon épargne ?

Directrice de la publication Martine Laplante Rédactrice en chef Lucile Pescadère Secrétaire de rédaction Benjamin Sourice Comité de rédaction SophieChapelle, Philippe Collet, Alain Dordé, Cyril Flouard, Laurent Hutinet, Caroline Hocquard, Caroline Prak Ont collaboré à ce numéro Sylvain Angerand, Christian Berdot,Nicolas Fournier, Aloys Ligault, Annelaure Wittmann, Soisic Rivoalan, Aurélie Schild, Gwenael Wasse Crédits photos Amis de la Terre Europe, Bruce..., IDEALConnaissances, One village initiative, Sophie Chapelle, Benoit D, Skyt truth Maquette Nismo Carl Pezin • 01 48 00 06 94 Impression sur papier recyclé Offset cyclus90g/m2 avec encres végétales • Stipa • 01 48 18 20 50

Nos sites internet I www.amisdelaterre.org I www.renovation-ecologique.org I www.ecolo-bois.org I www.justice-climatique.org Iwww.produitspourlavie.org I www.prix-pinocchio.org I www.financeresponsable.org

Contactez-nous : Les Amis de la Terre France • 2B, rue Jules Ferry • 93100 Montreuil • Tél. : 01 48 51 32 22 • Mail : [email protected]

Marèe noireBP : de la communication en temps de crise

INTERNATIONAL 03

La fuite de pétrole dans le golfe du Mexique finalement résorbée, les Amis de la Terre reviennent sur la gestionde crise arrogante de BP.

Et pendant ce temps l ...Nigeria, la marèe noire permanenteLoin du golfe du Mexique, au Nigeria, uneautre catastrophe pétrolière se dérouledepuis plusieurs décennies sans quepersonne n’y prête attention… La situa-tion est telle que les scientifiques consi-dèrent la zone du delta du Niger commel’une des plus polluées de la planète. Dans ce pays, douzième producteurmondial de pétrole, les compagnies, pré-sentes depuis les années 1950 – Shell,Exxon, Total – profitent d'une gouver-nance locale laxiste et d'une législationenvironnementale inexistante dans lesfaits. Bien sûr, elles n'ont jamais fait le

moindre effort spontané pour diminuerleurs impacts. Les milliers de kilomètres d'oléoducsrouillés qui quadrillent le delta du Nigersont la source d'autant de petites maréesnoires qui, cumulées, ravagent les éco-systèmes locaux aussi sûrement que lafuite de la plateforme Deep Horizon pol-lue le golfe du Mexique. « Les compa-gnies pétrolières n’attachent aucuneimportance à nos vies », déplore WilliamsMkpa, chef de village à Ibeno « en deuxans, nous avons subi dix marées noireset les pêcheurs ne peuvent plus nourrir

leurs familles ! C’est intolérable ! » Nepouvant plus subvenir à leurs besoins,les habitants finissent par rejoindre destownships sans fin comme à Lagos. Pour les victimes, il ne faut pas attendrede dédommagement. La corruptionendémique, soigneusement alimentéepar les pétroliers, étouffe toute velléité dejustice. Loin de la Louisiane et des camé-ras occidentales, les multinationales de la« merde noire », comme disent lesNigérians, se permettent les pires abus entoute impunité. Cinquante ans que ça dure.

> GWENAEL WASSE

On a souvent fait le parallèle entre ledésastre provoqué par BP et la gestioncalamiteuse de sa communication. Il estvrai que BP n’a pas vraiment donné uneimage responsable durant cette crise :commençant par minimiser le volume depétrole déversé, l’entreprise multiplierales tentatives de colmatage aux nomsévoquant de mauvais films hollywoodiens- « top kill », « top hat » et autres « junkshot »… - qui se solderont tous par deséchecs. Le PDG britannique TonyHayward avait par ailleurs provoqué unecrise diplomatique entre les Etats-Unis etle Royaume-Uni après ses déclarationssur l’impact environnemental « très, trèsmodeste » de la catastrophe. Il gagnerason surnom de « Tony la gaffe » pouravoir participé à une régate de luxeautour de l’île de Wright en Angleterre auplus fort de la crise. Communication ratée ou cynisme ? Laréponse est certainement entre les deux.Lorsque des bloggeurs américains révè-lent que sur son site internet, BP a gros-sièrement maquillé des images de sessalles de contrôle vides pour montrer defaux techniciens à la manœuvre, l’entre-prise donne une dérangeante impressiond’amateurisme. A vrai dire, on se dit qu’àce moment-là, BP a perdu le contrôle dela situation.

Fausse solutionmais vrai greenwashingAu-delà des aléas de la communicationde BP – c’est-à-dire des stratégies misesen place pour limiter la dégringolade dutitre sur les marchés – le constat sembleévident : même les entreprises les plusexpérimentées se trouvent désormaisincapables de faire face aux consé-quences environnementales de leurs pro-

jets, toujours plus risqués, toujours plusspéculatifs. Ce qui est vrai pour BP seravrai pour d’autres, et on ne peut s’empê-cher de penser à l’extraction des sablesbitumineux qui se développe autour duglobe – au Canada, à Madagascar,demain en Chine ? Dès lors, quelles solutions face à cette« économie casino » au pays de l’or noir ?Une « bonne communication », faussesolution mais vrai greenwashing, neréglera rien. Seule une intervention fortedes pouvoirs publics en faveur d’unencadrement juridique robuste et contrai-gnant des entreprises peut obliger lesopérateurs à répondre des consé-quences de leurs actes. Le présidentObama a eu cette intuition lorsqu’il quali-fiait la relation entre les pétroliers et l’ad-

ministration de « confortable » et plaidaitpour une reforme de l’octroi des permispétroliers. Toutefois, l’ampleur de la catastrophedoit également agir comme une piqûrede rappel : il ne peut y avoir de réelle res-ponsabilité des acteurs économiquessans une prise en compte des enjeuxenvironnementaux et climatiques glo-baux. Cela signifie que la responsabilisa-tion passe par l’arrêt des projets d’ex-traction des ressources fossiles et unetransition vers une économie fondée surla notion d’espace écologique.

> ALOYS LIGAULTChargé de campagne • Responsabilité sociale

et environnementale des entreprises

La plate-forme BP dans le golfe du Mexique en plein cœur de la crise

Souverainetè alimentaireRuèe vers l'or vert, le nouvel eldorado africain

04 INTERNATIONAL

« Le continent africain est perçu commeune réserve de terres agricoles et de res-sources naturelles pour le reste dumonde. Des Etats, des entreprises pri-vées et des fonds d'investissement met-tent la main sur des terres sur tout lecontinent pour y cultiver des plantes ali-mentaires destinées à l'exportation oubien à la production de carburants ».C'est sur ce cri d'alarme que s'ouvre lerapport Afrique : terre(s) de toutes lesconvoitises, publié le 1er septembre 2010par les Amis de la Terre Europe.

On assiste à un double phénomène.D’une part, certains gouvernementscherchent depuis la dernière crise ali-mentaire de 2008 et l'instabilité socialequ'elle a provoquée dans leurs pays, àrenforcer leur sécurité alimentaire enacquérant des terres dans d'autres pays.D'autre part, selon les Amis de la TerreEurope, un tiers des terres cédées estdestiné à la production d'agrocarburants.En Afrique, ce sont cinq millions d’hec-tares de terres – soit la surface duDanemark – qui ont été vendus ou don-nés en concession à des investisseurseuropéens afin de produire des agrocar-burants pour l'Union européenne.

« Un nuage de criquets »Pour Christian Berdot, référent de lacampagne Agrocarburants des Amis de laTerre France, « Il est révoltant de voir lesfirmes européennes s’abattre sur l’Afriquecomme un nuage de criquets pour s'acca-parer des millions d’hectares dans le seulbut de faire rouler des autos et descamions en Europe. Quand l’Union euro-péenne cessera-t-elle sa politique enfaveur des agrocarburants et diminuera-t-elle sérieusement le gaspillage énergétiquecausé par nos transports ? »En effet, la plupart des ces projets deplantations destinés à la production éner-gétique sont considérés comme des« accaparements abusifs des terres » carils s'implantent sur des terres tradition-nellement cultivées ou utilisées par lescommunautés locales mais qui, faute ded'actes de propriété officiels, finissent parse faire expulser par les autorités. Pour Mariann Bassey, coordinatrice de lacampagne Alimentation et agriculturedes Amis de la Terre Nigeria :

« L’expansion des agrocarburants surnotre continent transforme les forêts etles zones naturelles en cultures énergé-tiques. Les terres destinées à l’agriculturevivrière sont confisquées aux populationslocales, ce qui pourrait entrainer desconflits pour l'accès à la terre dans unavenir proche. Nous exigeons de vraisinvestissements dans une agriculturepouvant nourrir les Africains. »

« Priorités aux cultures vivrières » En Tanzanie, à Madagascar et au Ghana,les manifestations se multiplient.L'Éthiopie qui connait de gravesproblèmes de malnutrition, a déjà cédé700 000 hectares alors que des négocia-tions sont en cours pour 1,4 millionsd’hectares destinés à la canne à sucre, etque 23 millions d’hectares pourraient êtrereconnus adaptés à la culture du jatrophadestinée aux carburants. Autre pays en ligne de mire : le Mozambiquequi vient de signer un accord avec l'UE etle Brésil sur le développement des agro-carburants. Selon le rapport, le gouverne-ment s'apprêterait à proposer 4,8 millionsd'hectares de terres à des investisseursétrangers. Certes, l’Afrique a besoin d’in-vestissements pour développer son agri-culture mais comme le disent les Amis dela Terre Mozambique, ce qui est néces-saire, c’est de « donner la priorité aux cul-tures vivrières, assurer un soutien accruaux cultures de subsistance ainsi qu’auxcoopératives, garantir les droits ruraux,faire respecter les droits fonciers des com-munautés et encourager une indépen-dance alimentaire. »

> BENJAMIN SOURICE

Halmahera. Ce nom ne vous dit rien ? C'estque vous ne travaillez pas pour le départe-ment prospection du géant minier françaisEramet. Cette île, au cœur de l'archipel desMoluques en Indonésie, abriterait dans sonsous-sol l'un des plus grands gisements denickel encore non exploité. Jusqu'à 2004,ce nickel était intouchable car situé sousune forêt primaire protégée. Mais, sous lapression des groupes miniers, un opportundécret présidentiel est venu remettre encause cette protection. Après avoir remporté la mise, Eramets'est empressé de déclarer qu'elle s'en-gageait à extraire du nickel dans les meil-

leures conditions environnementales etsociales. D'après l'entreprise, un desatouts du projet serait même « lesbonnes relations avec les communautéslocales ». Ce sont ces « bonnes relations »que contestent Walhi, la branche indoné-sienne des Amis de la Terre : « Commedans de nombreux projets de ce type, laconsultation est davantage un alibiqu'une réelle possibilité pour les commu-nautés locales de peser sur le projet ». Ladestruction de la forêt et les risques depollution des eaux inquiètent fortementles communautés qui dépendent de lapêche et de l'environnement.

Et si tout simplement ce projet était illégalpuisque la forêt est protégée ? Les Amisde la Terre France ont interpellé le minis-tre de l'Environnement et du développe-ment durable, Jean-Louis Borloo, pour lemettre face à ces contradictions : d'uncôté, la France déclare lutter contre ladéforestation à la tribune des Nationsunies, de l'autre, elle envoie une entre-prise, dont elle est actionnaire, détruireune forêt protégée pour sécuriser sonapprovisionnement en métaux.

> SYLVAIN ANGERANDChargé de campagne • Forêts

Indonèsie Les Amis de la Terre face au gèant minier Eramet

L'Union européenne veut atteindre 10 % d'énergies renouvelables dans les transports pour 2020. Cettedécision ouvre les portes d'un marché juteux pour les producteurs d'agrocarburants qui se précipitent versl'Afrique pour obtenir des terres fertiles à moindre prix.

Extraction d'huile de palme par des villageoisesà Jukwa au Ghana.

Bréves internationalesMobilisations contre les projets d'Ex-Im, la banque pro-charbon – La banque américaine« Ex-Im » étudie actuellement le financement d'un gigantesque projet de centrale à charbon à Kusile en Afrique du Sud.Les voix des populations locales et des associations, dont les Amis de la Terre Afrique du Sud, s'élèvent pour s'opposerà cette centrale qui émettrait chaque année 26 millions de tonnes de CO2. La société civile états-unienne fait quant àelle pression pour que les fonds soient réorientés vers des projets sobres en carbone aux Etats-Unis. Plus d'informa-tions : www.groundwork.org.za

Des glaciers sauvegardés en Argentine – Les Amis de la Terre Argentine célèbrent une victoire impor-tante : le projet de loi sur la protection des glaciers intégrant toutes les recommandations de l’association a étéapprouvé par la Chambre des députés et adopté par le Sénat. Ce projet de loi lancera un signal fort contre l'industrieminière qui convoitait ces zones inexploitées, alors que de nombreux gouvernements andins adoptent des politiquesclimatiques en ligne avec l'accord de Cochabamba.

La Grande-Bretagne se dote du plus grand parc éolien au monde – Situé au large du Kentsur une surface de 35 km2, le parc éolien offshore de Thanet compte pour le moment 100 éoliennes (à terme, 341turbines devraient être mises en service). L’électricité ainsi produite approvisionne déjà 240 000 foyers. Avec ce parcet d’autres projets, la Grande-Bretagne souhaite parvenir à un objectif de 15 % d’énergies renouvelables en 2020.

Etats-UnisDètroit : faire face la dèsindustrialisation

INTERNATIONAL 05

Détroit subit les ravages de la crise de l'industrie auto-mobile depuis un demi-siècle. Plongée au cœur d'uneville post-industrielle en quête d'alternatives.

Sept immenses buildings frappentd'abord la vue en s'approchant du cen-tre-ville de Détroit. Cet immense com-plexe de bureaux appartient à GeneralMotors. Mais derrière ces tours se profileun désert urbain. Sur les façades desbâtiments, les banderoles « à vendre » ou« à louer » sont monnaie courante. Prèsd’un logement sur cinq serait inoccupé.Des buildings de plus de 50 étages lais-sés à l'abandon surplombent Jefferson,Woodward, Michigan, des avenuesaujourd'hui longées de trottoirs vides.Les maisons incendiées ne cessent desurprendre le regard. Faute de locataires,les propriétaires brûlent leur bien pourfaire jouer l'assurance. Il faut attendre lessoirs de match pour que les rues s'ani-ment et que les parkings se remplissent. La capitale du Michigan connait une crisesans précédent dans les domaines del'industrie automobile, de l'immobilier etde la finance.

Un long Katrina Deux millions de personnes vivaient àDétroit dans les années 1950, il n'enreste plus que 800 000 aujourd'hui. Danscertains quartiers, une personne surdeux est au chômage. Pour les syndica-listes rencontrés à Détroit, « c'est un longKatrina » qui depuis un demi-siècles'abat sur la ville. Grace Lee Boggs,figure du mouvement pour les droitscivils, se souvient des usines partants'installer en banlieue pour contrer lemouvement ouvrier. La fermeture de lagare en 1988 ajoutée à des liaisons enbus extrêmement rares ont renforcé laligne de séparation entre un centre-ville

fort d'une populationnoire à 85 % et unebanlieue blanche à80 %. En gagnant les cités-dortoirs, le contrasteest saisissant. Desvillas cossues, desparkings bondés, desmagasins ouverts etdes municipalitésautorisant les exoné-rations fiscales sousla pression de l'in-dustrie automobile.Le déficit municipalde Détroit ne cesselui de s'aggraver. Lesservices publics sontles premiers touchésavec la fermetured'écoles et la sup-pression de lignes debus. Mais pourGrace, « le maire n'a aucun sens dumouvement urbain qui depuis desannées n'a cessé de se réinventer pourlaisser place à un nouvel ordre ».L'agriculture urbaine est en effet enpleine expansion dans un centre-villequalifié de « désert alimentaire ». Plus de16 000 résidents seraient aujourd'huiinvestis dans 800 jardins communautaires.Au sud-ouest de Détroit, KwamenaMensa, un ancien fonctionnaire, s'estlancé dans le maraîchage biologique etl'apiculture sur un peu moins d'un hec-tare. L'enjeu, « assurer la sécurité alimen-taire de la communauté » et créer àmoyen terme plusieurs emplois. Pour

d'autres, comme Mark Covington deGeorgia Street Community Garden, le jardinest un moyen de créer une solidarité dequartier. Moyen de subsistance ou pré-misses d'une nouvelle économie, des jar-dins sont désormais accessibles danschaque quartier de Détroit. La reconver-sion des industries pour produire des busou des trains est pour le moment seule-ment révoquée dans les courant les plusà gauche des syndicats. Entrée en tran-sition à marche forcée, Détroit tracepeut-être la voie des villes post-indus-trielles soutenables.

> SOPHIE CHAPELLE

Un jardin urbain en plein centre de Détroit.

Moratoire OGMOGM : Le marchè de dupes de la Commission europèenne

Le 13 juillet 2010, le commissaire euro-péen à la Santé, John Dalli, présentaitofficiellement les plans de la Commissionsur les OGM. La volonté affichée par laCommission est d’accroître la liberté desEtats d’interdire la culture des plantesgénétiquement modifiées (PGM). Mais ày regarder de plus prêt, c’est davantageun déblocage de l’épineux dossier desautorisations à la culture qui est recher-ché. Fruit de plusieurs mois de réflexion,les plans de la Commission ont des rai-sons d'inquiéter.John Dalli déclare vouloir « accorder auxEtats membres la liberté de restreindreou d’interdire la culture des OGM ». Or,les propositions de la Commission nemodifient pas réellement le pouvoir desEtats sur la culture. Selon la propositionde directive modificative, les autorisationsde commercialisation d’OGM « nedevraient pas affecter la possibilité pourles Etats membres d’adopter desmesures, interdisant, et empêchant laculture detout OGM oud’un OGM, ycompris lesOGM mis sur le marché ».Mais cette possibilité de res-triction ne doit s’appuyer ni surdes aspects sanitaires etenvironnementaux, ni surdes questions de pré-ventions des contamina-tions. Mais alors surquoi pourront se fonderces nouvelles interdic-tions ? Des raisonséthiques ? C'estce qu'expliqueJohn Dalli mais

celles-ci peuvent déjà être invoquées parailleurs. On fait donc face à une coquillevide qui doit nous conduire à nous inter-roger sur les véritables fondements de laproposition.

La voie ouvertevers plus d'OGM en EuropeSi la Commission n'a aucun problème àautoriser à tour de bras les OGM impor-tés (six OGM autorisés en juillet 2010),elle fait face à de plus grandes difficultéslorsqu'il s'agit de les autoriser à la cul-ture. Depuis 1998, la Commission n'estparvenue à faire autoriser que deux PGMpour la culture (le maïs MON810 et lapomme de terre Amflora). Les moratoiresnationaux se multiplient : France,Allemagne, Luxembourg, Autriche, etc.et la Commission subit des pressions desEtats-Unis dans le cadre des négocia-tions à l'Organisation mondiale du com-merce. Face à ces difficultés, la Commission,

même si elle s’en défend,voit dans ces plans la pos-sibilité de débloquer lasituation. Elle rechercheun compromis poli-tique octroyant unesupposée plus

grande liberté aux Etats sur la culturecontre moins d'entraves à son action surle reste du dossier OGM. Mais si les Etatsl'acceptent, ce compromis promet d'êtrelourd de conséquences. Il conduirait àaccélérer les autorisations des OGM à laculture : quatre PGM pourraient ainsi êtreautorisées sous peu ! Cela risque ausside mener à l'abandon de la politique de« tolérance zéro » selon laquelle touteimportation contenant des traces d'OGMnon autorisé dans l’Union européenne,quelqu’en soit la proportion, doit êtreretournée à l'expéditeur. Une politiqueque beaucoup souhaiteraient voir levée,car elle pose de nombreux problèmes aucommerce transatlantique ! Fin juillet 2010, les Etats membres ontmontré des signes de désaccord vis-à-vis de la proposition. Jusqu'en décembre2010, les discussions se déroulerontsous présidence belge, pays qui a déjàfait part de son opposition aux plans dela Commission. Une chose est sûre, laCommission Barosso II a décidé de pas-

ser à l'offensive sur ledossier OGM. La vigi-

lance reste de mise.

> ANNE FURETVeille juridique • Inf'OGM

www.infogm.org

Fausse réforme pour vraie entourloupe, la Commission européenne tente de passer en force sur le dossier OGM.

Il en faut peu pour vider une loi de sonsens. En remplaçant, en juin dernier, lemot « compatibilité » par le terme « priseen compte », les sénateurs ont mis à basle principe des trames vertes et bleues.Mises en place par la loi « Grenelle 2 », ceszones de protection de la biodiversitévisaient la création de corridors écolo-giques reliant les territoires protégés.Désormais, les trames peuvent, commen’importe quel autre espace, être défigu-rées par l’aménagement d’autoroutes oude lignes de train à grande vitesse (LGV).« La compatibilité représentait une diffi-

culté majeure pour la création de nouvellesinfrastructures. On ne peut pas tout blo-quer", affirmait Jean-Paul Emorine, prési-dent de la commission de l'Economie etdu développement durable du Sénat dansLe Monde daté du 18 juin 2010.Cette modification du règlement vientremettre en cause un acquis majeur pourles associations environnementales. Lamise en place d'une trame écologiqueconnectée sur l'ensemble du territoiredevait permettre la préservation et la res-tauration d’un maillage d’espaces et demilieux vitaux pour la faune et la flore sau-

vages. L’obligation de compatibilité signi-fiait que la construction d’une LGV oud’une autoroute aurait dû respecter lescontinuités écologiques.Heureusement, comme l'expliqueDominique Bussereau, secrétaire d'Etataux Transports, « la notion de prise encompte permettra de mettre en placedes mécanismes de compensation si lesinfrastructures prévues ne respectent pasles zones protégées. » Voilà qui rassure :le non-respect des règlements de pro-tection est désormais prévu par la loi.

> BENJAMIN SOURICE

06 FRANCE

Dèmantélement du Grenelle La biodiversitè c'est bien, les autoroutes, c'est mieux !

Depuis quelques années, une partie dumonde de la finance dit « responsabiliser »ses investissements sur les marchésboursiers. Face au cynisme habituel de lafinance, une telle idée semble louable.Banques et assurances proposent ainsi àleurs clients d'investir dans des fonds« éthiques », « développement durable »ou « ISR » (investissement socialementresponsable). Malheureusement, la réa-lité ne correspond pas aux promessesdes intitulés. C’est ce que révèlent lesAmis de la Terre dans leur étudeInvestissement socialement responsable :l’heure du tri, publiée en septembre2010. Fonds « éthiques » ou « ISR » sont

finalement des termes désignant desproduits financiers comme les autres, cesfonds investissant tout autant dans desentreprises multinationales ayant despratiques sociales et environnementalesdésastreuses. Vous pourrez par exempley trouver Total, Areva, BNP Paribas et BP !Le monde de la finance cherche à se« racheter une conscience » mais toutcela reste de l'ordre du discours.La question est donc de savoir où lecitoyen-épargnant peut déposer sonargent sans financer des activitésnocives. Pour cela, les Amis de la Terrepublient parallèlement à l’étude, un guidepratique Environnement : comment choi-

sir mon épargne ? (joint à ce numéro deLa Baleine), qui vous oriente pour quevotre épargne participe à la constructiond'une société soutenable. Nous vousconseillons, par exemple, d'épargner viaun intermédiaire financier alternatifcomme la NEF ou encore d'acquérir desparts sociales d'entreprises solidaires.

> SOISIC RIVOALANChargée de campagne • Finance privée

Finance privèeVous avez dit èthique ?

Modes de production et de consommationAssises nationales : les dèchets sous l'arbre à palabres

La 11ème édition des Assises nationales dela Prévention et de la gestion territorialedes déchets s’est tenue cette année enIle-de-France, région championne de l'in-cinération avec 58 % des déchets incinéréscontre une moyenne nationale de 30 %,et lanterne rouge du tri sélectif avec 14 %de déchets recyclés contre 20 % enmoyenne nationale (source : ORDIF).Puissent ces Assises donner aux nou-veaux élus régionaux l'occasion d'enprendre conscience et de se tournerrésolument vers la prévention, le tri, lecompostage et le recyclage. Parmi les thèmes abordés lors de cesAssises : pénibilité des métiers dudéchet, éco-conception, technologies detri et de traitement, tri sélectif dans l'habi-tat collectif, réemploi du matériel électriqueet électronique, coûts et financement,coopération avec les pays du Sud...

Tout au long decette édition, l'ac-cent a été mis surla prévention desdéchets, sous leslogan trèsconsensuel « Tousresponsables ! ».Tous responsablescertes, mais à desdegrés différents.Certains ont uner e s p o n s a b i l i t ésupérieure à celledes consomma-teurs et collectivi-tés locales en boutde chaîne. Parexemple, les pro-

ducteurs et distributeurs qui mettent surle marché une profusion de produitspréemballés pour faciliter le libre serviceau détriment de l’emploi, mais aussi desproduits fortement générateurs dedéchets (gadgets électroniques, lingettesà usage unique, unidoses de café et decompote de pomme, etc.), vendus àgrand renfort de publicités et d’innom-brables incitations à la surconsommation,dont les honteuses cartes de fidélité –crédit à la consommation. L'application du principe de « responsabilitéélargie du producteur » oblige déjà cer-tains producteurs et distributeurs àcontribuer à la prise en charge desdéchets induits par leurs activités. Mais ilfaut que leur contribution aux coûts decollecte et de traitement des déchetsatteigne 100 % car il est incohérent d'enfaire porter la plus grande partie par la

collectivité, comme c'est le cas actuelle-ment. En effet, aujourd’hui, les consom-mateurs-contribuables payent à la fois leproduit en tant que tel et la gestion desdéchets qu’il induit lorsqu’il devient horsd’usage.Une conférence de l'Association descités et régions pour le recyclage et lagestion durable des ressources (ACR+),réseau d'une centaine de collectivitéslocales européennes qui a pour objectif lapromotion des 3R (réduire, réutiliser,recycler), a eu lieu dans le cadre desAssises. Elle a abordé la complexe trans-position des directives européennes(sujet suivi par les Amis de la Terre dansle cadre d'un groupe de travail du ministèrede l'Ecologie) et appelé à l'organisationd'un Observatoire européen des perfor-mances de recyclage des déchets muni-cipaux. Lors des Assises, les Amis de la Terre ontprésenté la campagne « Produits pour lavie », leur dernière étude commune avecle Centre national d’information indépen-dant sur les déchets (Cniid),L’obsolescence programmée, symbolede la société du gaspillage, ainsi que desguides locaux de la réparation et duréemploi.

> ANNELAURE WITTMANN

Les Assises nationales de la Prévention et de la gestion territoriale des déchets rassemblent chaque annéedepuis 1996 plus de 2 000 représentants de collectivités locales, d’entreprises et d’associations.

FRANCE 07

Pour aller plus loin :Le site des Assises :www.paris-dechets.com ACR + : www.acrplus.orgLa campagne des Amis de la Terre :www.produitspourlavie.orgCentre national d’information indépendantesur les déchets (Cniid) : www.cniid.org

Pour en savoir plus :www.financeresponsable.orgwww.secretsbancaires.fr

Les Assises nationales des déchets se sont déroulées à Parisles 16 et 17 septembre 2010.

Un méga-projet de terminal méthanier àDunkerque ! Dès que la nouvelle s'estmise à courir, le groupe local des Amis dela Terre s'est mobilisé pour empêcher partous les moyens le projet d'aboutir sur unlittoral qui compte déjà 13 sites classésSeveso seuil haut et la plus grosse cen-trale nucléaire d'Europe (Gravelines). Le groupe a aussitôt mobilisé toute sonénergie pour contrecarrer ce projet : par-ticipation à un débat public organisédans le cadre de la Commission natio-nale du débat public en 2007, enquêtepublique en 2009 et aujourd’hui dépôtd’un recours administratif pour faireannuler les arrêtés préfectoraux d’autori-sation signés en avril 2010.Pourquoi militer contre un tel projetindustriel ? D’abord parce qu’il va causerla perte d’un espace naturel remarqua-blement riche en biodiversité et appréciéde la population. Selon le président dugroupe, Nicolas Fournier : « Notre littorala été assez sacrifié pour qu’on brade lesderniers espaces naturels pour des inté-rêts économiques qui ne sont même pasavérés. » En effet, EDF, l’un des maîtresd’ouvrage, rechigne à investir au vu ducontexte économique et énergétiqueincertain. Malgré l’octroi des autorisa-tions, il a repoussé sa décision finale à lafin de cette année. Il est vrai que cetinvestissement de plus d’un milliard d’eu-ros risque de tourner au fiasco si l’on encroit les économistes. Il suffit de parcou-rir le Plan indicatif pluriannuel (PIP gaz2009-2020) pour se rendre compte que

depuis 2007 la donnea changé : crise éco-nomique, baisse dela demande, Grenellede l’environnement etengagements à dimi-nuer le recours auxénergies fossiles.Ensuite, ce projetcomporte d’indénia-bles risques technolo-giques. En effet, ceterminal de décharge-ment du méthane etses unités de regazéi-fication seraient situésà moins de 4 kmde la centrale deGravelines. De plus,les énormes métha-niers évolueraient dansun avant-port bordéd’appontements etde dépôts pétroliers.Enfin, le gazoducd’évacuation du gazserpenterait un sous-sol déjà truffé decanalisations en tout genre et au voisi-nage d’usines classées Seveso. Le groupe regrette par ailleurs que l’en-quête publique n’ait pas permis de pré-senter à la population l’ensemble du pro-jet comportant une plate-forme portuaire,un terminal regazéificateur mais aussiune canalisation de transport du gazdont l'étude d'impact n'a été mise enchantier qu'au début de l'été. Cette infra-

ction au Code de l’environnement (articleR 122-3) démontre avec quelle désinvol-ture ces grandes entreprises mènentleurs projets et ce, avec l’assentimentdes pouvoirs publics. C’était sans comp-ter sur la vigilance des associations dedéfense de l’environnement.

> LES AMIS DE LA TERRE DUNKERQUEAVEC NICOLAS FOURNIER

08 FRANCE

Terminal mèthanier de Dunkerque Un projet inutile, couteux et dèvastateur pour l’environnementLe groupe des Amis de la Terre Dunkerque mène une lutte acharnée contre l'implantation d'un énième projetindustriel à risque dans la région.

Bréves nationalesPrix Pinocchio, édition 2010 – Le 9 novembre, les Amis de la Terre organisent l’édition 2010 des Prix Pinocchiodu développement durable. Le but : dénoncer les abus des entreprises et demander des lois contraignantes sur leurresponsabilité sociale et environnementale. Plusieurs entreprises françaises sont nominées dans les catégoriesEnvironnement, Droits humains et Greenwashing. Pour élire les plus beaux Pinocchio, rendez-vous sur le sitewww.prix-pinocchio.org

L'air chaud du métro pour chauffer les logements – La ville de Paris s'est lancée dans un projet derécupération de l'air chaud du métro pour chauffer les canalisations d'eau d'un immeuble situé au dessus d'un tunneldu réseau. Les responsables du projet estiment les économies d'énergies à 15 kWh/m2/an pour de l'ancien. Ils rappellentcependant que le meilleur moyen de réduire la facture énergétique reste une isolation performante.

Mobilisation nationale contre l'agrobusiness – Le 16 octobre 2010, à l’occasion de la journée mondialede l’alimentation des Nations unies, la Vía Campesina, soutenue en France par un collectif d'associations dont font partieles Amis de la Terre, invite chacun d’entre nous à organiser des actions pour dénoncer le rôle des entreprises de l’agro-business. En effet, ces sociétés portent une grande responsabilité dans la destruction et l'accaparement de la biodiversitéet du vivant. Cet appel s’intègre à la semaine d’actions pour une justice climatique et sociale. Plus d'informations sur lesite www.combat-monsanto.org

Le site du Clipon est envisagé pour la constructiondu terminal méthanier à Dunkerque.

>>Mobilisation nationale du 25 septembre : un premier succésCe fut une belle journée d’actions…. Le 25 septembre 12 groupes locaux ont participé à la mobilisationnationale annuelle des Amis de la Terre qui avait cette année pour thème la « journée du dépassement ».Pour ceux qui ne le savent pas encore, le « jour du dépassement » est la date à partir de laquelle l’hommea consommé l’intégralité de son budget écologique annuel (en 2010, c’était le 21 août). Revenons au 25 septembre qui a été un beau moment de convivialité et un temps précieux de sensibilisationcitoyenne. Les membres des groupes locaux ont fait preuve de beaucoup de créativité et d’humour pourdénoncer le gaspillage des ressources naturelles. Ils ont aussi présenté les alternatives que nous prônonspour modérer notre consommation et ouvrir la voie à une transition vers des sociétés soutenables. Leconseil fédéral remercie une fois encore les militants qui se sont impliqués dans l’organisation de ces mani-festations.

REGIONS 09

Le groupe a organisé trois réunions pour parler des « circuits courts »dans l'esprit de la « simplicité volontaire » car pour ses membres :« Ces alternatives semblent être l'une des uniques solutions pourdonner une chance à notre planète et aux générations futures ». Lesdeux montgolfières, une petite et une grande, symbolisent d'un coté laplanète que l’on croit énorme et qui explose sous la pression del'excitation consumériste de notre civilisation ; de l'autre coté celui dela petite qui subsiste grâce à l'utilisation respectueuse de sesressources, tout cela accompagné des chants d'une [email protected]

Groupe Midi-Pyrénées

Les Amis de la Terre Savoie ont fêté « la fin de l'année écologique »dans les rues d’Aix-les-Bains. « Sur leur 31 », ils ont défilé dans lesrues et dans les allées du marché pour discuter avec les habitants denotre surconsommation, avec un arrêt devant l'étalage bio pourencourager les producteurs. L'accueil du public a été chaleureux.Pour poursuivre les débats, une projection du film Simplicité volontaireet décroissance a été organisée dans un cinéma de la ville avec unecentaine de participants. [email protected]

Groupe Savoie

Le groupe local des Landes a organisé une action visuelle dans un destemples modernes de la consommation du département. Ils étaient au GrandMall à St-Paul-lès-Dax à 15h, en plein pic de fréquentation, avec un litmédicalisé transportant un malade de la surconsommation subissant deuxtransfusions, l’une d’une Terre épuisée et l’autre d’un jerrycan d’essence...Le lit, couvert de logos des grandes entreprises, était surmonté d’unepancarte où était écrit : « Malade de Surconsommation – Terre épuisée »[email protected]

Groupe Landes

>>

10 REGIONS

Le groupe limousin s'est fait remarquer dans les rues de Limogesavec son étrange cortège composé de pousseurs de voitures sansessence, de vélorutionnaires et de vendeurs de journaux à la criée.Pour l'occasion le groupe a créé la « Une » d'un nouveau journal,Les échos du Monde, annonçant le retour des tickets derationnement pour des supermarchés vides, les émeutes de la faimau Brésil ou encore la réouverture des mines d'uranium en France.Pour le groupe seule une réduction de la consommation et unerelocalisation des activités économiques pourront permettred'échapper à ce triste futur annoncé dans leurs Echos. [email protected]

Le groupe Paris s'est réuni aux abords de la garedu Nord pour une action antipub ciblant les nouveauxécrans publicitaires qui fleurissent dans les grandesstations. Ils ont investi les lieux pour couvrir plusieursde ces panneaux de draps et apposer leurs slogans :« Réduisez votre consommation, augmentez votrebien-être » ou « La surconsommation nuit gravement àla planète, parlez-en à votre association ». Cespanneaux, non contents d'être gourmands enressources lors de leur fabrication, sont aussi équipésde caméras de reconnaissance faciale permettantd'établir le profil des personnes attirées par les pubs.Big publicitaire is watching you [email protected]

Groupe Paris

Nos amis lillois ont profité de la grande affluence de la Braderie deLille pour tenir un stand dans les rues animées de la ville. Pour leplaisir des plus jeunes, une créature bizarre ou plutôt un Avatarrodait autour du stand, clin d'œil au film dénonçant à la saucehollywoodienne la violence de l'accaparement des ressources. Il yavait aussi l'opération « Câlins gratuits contre déchets » qui aremporté un franc succès, comme l'indique les sourires de la [email protected]

Groupe Lille

Groupe Limousin

Pour être tenu informé des actions des Amis de la Terre, consultez les pages « groupes locaux » et « agenda » de notre site

www.amisdelaterre.org Vous pouvez également écrire à [email protected] en charge de l’animation des

groupes locaux.

Les Amis de la Terre France viennent d’avoir 40 ans. Nés peude temps après l’explosion de 1968, ils ont grandi dans uneFrance où rien ne semblait pouvoir ébranler la foi dans le« progrès » et dans la consommation illimitée qui l’accompagnait.Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le payss’industrialisait à marche forcée, à la faveur de politiquesvigoureuses et sans appel.Les Amis de la Terre ont vite dépassé le groupe des fondateurs.Loin des sociétés savantes d’étude et de protection de lanature, ils ont fait sortir l’écologie de son berceau origineluniversitaire, pour en faire un enjeu de société. Avec les Amisde la Terre, des citoyens s’emparaient de l’écologie.Notre association a été un creuset bouillonnant d’idées et denombreux combats se sont cristallisés autour de la lutte anti-nucléaire. Mais très vite, nous avons compris que même si nosarguments étaient valables – et le sont toujours : risquesinacceptables, coûts exorbitants, problème des déchets toujourspas résolus 30 ans après, limites inacceptables aux libertés – lesdécisions en cause n’étaient pas d’ordre technique, mais politique. Nous constations que les choix faits par les pouvoirs publicsrenforçaient presque systématiquement le pouvoir destechniciens et des scientifiques face à celui des citoyens. Ceschoix permettaient aussi aux milieux industriels et financiersd’empocher beaucoup d’argent, donc de renforcer leurpouvoir. Les politiques, pour la plupart, ne semblaient agir quepour mettre en place le cadre législatif et réglementairenécessaire pour leur faciliter la tâche.Depuis 1945, jamais ou presque les choix publics ne se sontorientés vers les solutions qui rendent le citoyen autonome etplus libre. Sur chaque grande question – énergie, nucléaire,transports, agriculture, chimie, biotechnologies,

nanotechnologies… – à chaque fois le débat démocratiqueest tué dans l’œuf par des arguments fatalistes et fallacieux :« On ne peut pas faire autrement », « C’est une nécessitétechnique », « C’est une contrainte économique»…Les citoyens ont systématiquement été privés du droit dedécider de leur avenir. Depuis 40 ans, les Amis de la Terre dénoncent cette allianceentre technique, science, finance et politique qui tue ladémocratie, détruit nos sociétés et ravage la planète. Depuis40 ans, ils se battent pour que les choix techniques entrentde plein droit (aux côtés des libertés publiques et de la justicesociale et économique qu’ils conditionnent) dans le champ dela délibération collective. Ils refusent que ces questions soientlaissées au bon vouloir de hauts fonctionnaires inamovibles,d’élus complices ou négligents, et plus généralementd’experts autoproclamés incapables de développer une visionglobale des conséquences écologiques et humaines desinnovations techniques. Car plus que jamais, ce sont lestechnologies qui façonnent le monde où nous vivons. Avec l’avènement des nanotechnologies, de la finance carbone,de la monétarisation de la biodiversité, notre revendication déjàancienne garde toute son actualité : « Les Amis de la Terres’opposent à cette nouvelle forme d’oppression d’essencetechnocratique qui vise à la normalisation mondiale dessociétés humaines et de la biosphère. »Et nous tous, adhérents, militants, bénévoles, donateurs,sympathisants, héritiers de ces pionniers de l’écologie citoyenneen France, nous voulons plus que jamais, aux cotés des autresmouvements, être au cœur des combats collectifs qui permettrontde relever le défi d'une transition vers des sociétés soutenables.

> CHRISTIAN BERDOT ET LAURENT HUTINET

40 ans de luttes ècologiquesDOSSIER

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40 ans, et toutes nos dents !

Paroles d’Amis de la Terre

L’équation paraît aujourd’hui évidente, entout cas elle l’est à tout membre de laFédération : les dégradations de la natureet de l’environnement sont engendréespar des causes politiques, sociales, etéconomiques. Pour les combattre, l’ac-tion écologiste doit aller sur ces terrains. Mais en 1970, cette conception globalede la problématique était nouvelle.« Dans le paysage associatif, c’était tou-jours l'environnement d'un côté,l'homme de l'autre », raconte AlainHervé, le fondateur des Amis de la Terre1

(AT). Il y a 40 ans, quand ce journaliste etnavigateur rencontre à New York unmembre de Friends of the Earth (FOE),Gary Soucié, il a un choc. « Leur visiondu monde m’a saisi. Aujourd’hui, jedirais que la meilleure formule pour larésumer est une phrase du poèteRobinson Jeffers, que David Brower, lefondateur de FOE, avait choisi pour êtrele titre du journal de l'association : « Notman apart » - L’homme n’est pas à partdu monde vivant et pas supérieur… » Dequoi remettre en question les modes depensées dominant et les décisions poli-tiques basées sur l’idée d’un progrès

forcément technologique et industriel.Pour pouvoir poser les bases d’uneaction efficace, il fallait donc, en Franceaussi, « apporter de nouvelles idées audébat citoyen ». L’ambition d’Alain Hervé, lorsqu’il fondeles Amis de la Terre France, est « d’avoiraccès à un large public, d'être une asso-

ciation populaire ». Il mobilise un comitéde parrainage prestigieux, dans lequelfiguraient notamment Claude Levi-Strauss, Théodore Monod, ou plus tardMarguerite Yourcenar. Il fonde très vite LeCourrier de la Baleine, où, à contre cou-rant des médias dominants, les Amis dela Terre purent développer leurs réflexions

12 DOSSIER I 40 ans de luttes écologiques

1/ Avec l’avocat américain Edwin Matthews, résidant à l’époque à Paris.2/ Pierre Samuel, mathématicien, docteur en philosophie, a été l’un des animateurs principaux de l’association dès son arrivée en 1973.

L’ècologie comme projet de sociètèLa fondation des Amis de la Terre amarqué en France l’arrivée del’écologie politique. L’association atout de suite eu à cœur de prendreposition sur les grands sujets desociété et de définir ce pouvait êtrel’écologie. Très tôt, les bases d’uneaction globale ont ainsi été posées.La clairvoyance des membres despremières années a aussi permisde nourrir une pensée et des argu-ments forts en faveur d’une écolo-gie qui défend la justice sociale etqui résiste aux dérives de la tech-nologie. Aujourd’hui, nous sommesles dépositaires de ces valeurs.

Après leur création, les Amis de la Terre France ont participé à la fondation des Amis de la Terre International et des Amis dela Terre Europe. Ici, une action à Bruxelles en novembre 2005 pour protester contre les accords commerciaux de l'OMC.

Christian Berdot, président des Amis de la Terre Landes, militant depuis 1978

Les Amis de la Terre ont été le creuset de l'écologie politique en France, une écologie très critique envers les questions éco-nomiques et sociales. Les AT ont ainsi été les premiers à remettre en cause la neutralité des sciences et techniques (en pre-mier lieu le nucléaire), à montrer leur potentiel d'aliénation, à faire le lien avec la finance et la politique. Un des textes de base théorisait l’idée d’une troisième génération de droits et de libertés qui, après les droits démocratiquesconquis à la Révolution, puis la lutte pour les droits ouvriers à l'époque industrielle, serait celle des droits aux choix technolo-giques. Cette position a provoqué un hiatus avec les mouvements syndicaux, ce que vivaient très mal certains membres. Maispour les AT, il fallait conquérir ces nouveaux droits sans perdre les autres, bien sûr.La structure s'interrogeait aussi beaucoup sur la bonne façon de fonctionner en tant qu'association, quelle devait être la placedes représentants, la position des leaders. Les Assemblées générales étaient de grands moments de réflexion et de proposi-tions sur les grands enjeux de la société. Malgré un énorme renouvellement, je suis étonné et réjoui de voir que cet esprit perdure. La spécificité de l'association est tou-jours là : le lien entre la lutte globale et locale, entre l'écologique et le financier...

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sur les grandes questions de l’écologie etde l’époque. Au sujet du nom de la revue,un édito affirme : « nous nous rangeonsdu côté des baleines. Cette prise de posi-tion n’est pas aussi légère qu’il peut lesembler au premier abord. » Parallèlement, les premiers groupes detravail se mettent en place, notamment

sur le plan juridique, pour soutenir lesactions légales contre les pollueurs. Maisc’est Brice Lalonde, arrivé en 1972, quiapporte aux Amis de la Terre une voca-tion et un savoir-faire militant plus affir-més. « Il devint très vite la tête politique etl'élément moteur des AT », racontait

Pierre Samuel2 dans son Histoire desAmis de la Terre écrite en 1998. « A cetteépoque, les AT menaient simultanémentdes actions antinucléaires, des actionssur les transports en ville et d'autres cam-pagnes. Ce fut le temps d'une visite cri-tique du salon de l'automobile et de plu-sieurs « Manifs à Vélo ». […] Ces manifsrassemblaient des milliers de cyclistes etattirèrent beaucoup de jeunes vers les AT. »

« L'écologiepour changer le monde »Les Amis de la Terre confrontent dès ledébut les réalités écologiques au mondeet au quotidien. Les membres et contribu-teurs de La Baleine sont en grande majo-rité des enseignants, des médecins, desjournalistes, des économistes, des socio-logues, des écrivains, des artistes. Enbref, des intellectuels, tous issus de 68.« L'écologie était une vraie pensée pourchanger le monde, un projet de sociétéalternatif », lâche la journaliste DominiqueMartin Ferrari, très active au sein de l’as-sociation pendant les années 1980.

Les Amis de la Terre énoncent clairementla limitation des ressources, critiquent lemodèle de croissance et de développe-ment consumériste, dénoncent sesméfaits sur la santé et la nature. Dès1971, ils soulèvent le problème de l’ex-plosion démographique (publication deDemographic bomb, de Paul Ehrlich), enmettant en valeur la question de la relati-vité écologique qui fait que même si leshabitants des pays développés sont infé-rieurs en nombre, ils pèsent beaucoupplus lourd dans la balance… Ils prennentposition sur le tiers-monde et l’immigra-tion. Ils combattent la technocratie, ces« lointaines machines économiques etadministratives » qui ont pour nous de «grands desseins stratégiques » et met-tent en œuvre un « pseudo progrès ». Ilsmilitent pour l’instauration d’une vraiedémocratie participative, citoyenne, etpour la représentation proportionnelle.La pensée des AT se rapporte aussi à uneesthétique de vie : on trouve dans les vieuxnuméros de La Baleine, des écrits sur lebonheur de passer du temps dans lesarbres, le droit à la paresse, au rêve, ouencore un article dénonçant « la vie moche» dans une France recouverte par le béton.Plus largement, les pages de la revues’ouvrent au combat féministe, par lebiais de membres comme l’écrivain etmilitante du Mouvement pour la libérationdes femmes (MLF) Christiane Rochefortainsi que les écrivains et journalistesSophie Chauveau et Anne-Marie deVilaine. Les valeurs d’équité, de solidarité,d’équilibre, de liberté, dépassent les fron-tières des combats. Dans un article de1977, on peut ainsi lire : « La richesse dumouvement écologiste, c’est précisé-ment sa variété et l’étendue du clavier surlequel il joue. C’est ainsi qu’une sociétéchange, par mille manières à la fois ».

> CAROLINE HOCQUARD

Rose Frayssinet, vice-présidente des Amis de la Terre Midi-Pyrénées, militante depuis 2001

Avant d’entrer aux Amis de la Terre, je faisais de l'écologie sans le savoir, comme Monsieur Jourdain !J'ai toujours été sensible à notre lien à la nature, qui a tellement basculé rien que durant le temps de ma vie. Je suis ingé-nieure de formation, et la technique me paraissait au départ porteuse de solutions ; Malheureusement, je n'avais pas réaliséque des appétits trop forts la dirigeait et lui faisaient perdre de vue l'humain...J’ai rejoint le groupe local de Midi-Pyrénées en 2001, après la catastrophe AZF qui m'a directement touchée. Je ressens uneproximité avec les valeurs des Amis de la Terre même si je ne connais pas grand chose des fondateurs. Tout de suite, j'ai étédans l'action, bousculée par le calendrier des actions locales locales. Mais au fur et à mesure, grâce au réseau, j'ai prisconscience de la dimension internationale de ce que nous faisions à notre niveau. Cette connexion me plaît beaucoup. Dansles actions contre les OGM, nous sommes en relation avec des groupes en Amérique latine, notamment au Mexique où noussommes associés à un collectif. Sur les nanotechnologies, nous nous appuyons beaucoup sur le travail des Australiens. Avec les Amis de la Terre, j'ai pris conscience de notre relation au monde. Pour moi, ça a été tangible à Copenhague où nousétions en relation avec les peuples que nous mettons en danger par nos pratiques. On agit à la fois pour la protection de l'en-vironnement et pour la justice sociale.

« L'écologie était unevraie pensée pour changer

le monde, un projet desociété alternatif »

Dominique Martin Ferrari

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Une opposition constante au nuclèaire

« Le mythe scientiste et technocratiqued'une énergie nucléaire pacifique propre,illimitée et accessible à tous bloque depuisdes décennies la mise en œuvre desvraies alternatives, tout en menaçant gra-vement la paix mondiale et la survie mêmede l'humanité… » Cette phrase introduc-tive de la position actuelle des Amis de laTerre France sur le nucléaire résume l'es-prit d’une lutte antinucléaire pacifiste, anti-technocratique et environnementale.Le nucléaire civil français s'est déve-loppé conjointement à l'élaboration del'arme atomique. La première bombe Afrançaise a explosé le 13 février 1960dans le Sahara algérien, et pour les mili-tants, ces deux volets de la rechercheatomique sont indissociables. Ils interrogent donc l'éthique de lascience. Une des questions centralesest l'irréversibilité de la technique ato-mique, notamment en raison de l'irradia-tion des populations et de la productionde déchets dont la durée de vie se

compte en milliers d'années. Le mouve-ment antinucléaire dénonce aussi lamainmise des technocrates des grandscorps travaillant dans l'opacité, et donc,l'absence de consultation des citoyenssur la politique énergétique française.

En janvier 1971, à Rambouillet, les Amisde la Terre exigent un moratoire sur laconstruction des centrales atomiques aunom d’un principe de précaution qui neporte pas encore son nom. En 1973, unAmi de la Terre, Brice Lalonde, accom-pagné du général pacifiste de LaBollardière, s’embarque vers l’atoll deMururoa, en polynésie française, pourdénoncer les essais nucléaires atmo-sphériques.

Le creuset de l'écologie moderneSur le terrain, c'est le bouillonnement.Les militants des Amis de la Terre partici-pent, partout, aux coordinations antinu-cléaires, véritables creusets de l'écologienaissante où se côtoient des environne-mentalistes, des militants de gauche, dessyndicalistes de la CFDT et des mouve-ments issus de mai 68. De nombreuxgroupes locaux naissent de cette lutte :c’est le cas en Moselle, à Thionville, où setrouvent des comités locaux opposés auprojet de la centrale de Cattenom. L'association nationale réussit à fédérerces collectifs. A cette époque, oncompte plus de 150 groupes locaux.Ces groupes des Amis de la Terre parti-cipent à l’organisation de tous les grandsrassemblements : Erdeven, Plogoff,Malville, Braud-Saint-Louis, etc.

Un débat national structuré Parallèlement à ce combat de terrain, lesAmis de la Terre France structurent la luttenationale. Des scientifiques et ingénieursles rejoignent : il en va ainsi d’Yves Lenoir,de Bernard Laponche, de Pierre Radanne,de Pierre Samuel ou de Philippe Lebreton,qui deviennent de redoutables contradic-teurs face à EDF. Avec le soutien des Amisde la Terre, le Groupement desScientifiques pour l’information sur l’éner-gie nucléaire (GSIEN), animé et dirigé parRaymond et Monique Sené, aux cotés deRoger et Bella Belbéoch, voit le jour en1975. Des campagnes nationales sontlancées « contre le chauffage électrique »,qui était déjà l’une des principales justifica-tions de l’électronucléaire français. LesAmis de la Terre réclament, à l'opposé,des « énergies gratuites, renouvelables etnon dangereuses ».En 1978, le Projet Alter, premier scénarioénergétique sans nucléaire, est élaboré

par le Groupe de Bellevue (PhilippeCourrège, Philippe Cartier et BenjaminDessus) pour contredire ce programmeénergétique. Un travail de rapproche-ment avec les syndicalistes critiques dela CFDT est entrepris, notamment grâceà des militants tels que Pascal Tourbe ouFrançois Laballe. Ce travail aboutira à la première pétitionnationale intitulée « Pour une autre poli-tique énergétique » visant à l’adoptiond’une position commune sur un mora-toire. Mais cet engagement jugé insuffi-sant par certains groupes locauxentraîna le premier grand débat internesur le nucléaire, toujours vivaceaujourd'hui : pour une sortie immédiateou progressive du nucléaire ? Avecl'élection de François Mitterrand en1981, le mouvement enregistre quelquesvictoires avec l'abandon des projets decentrales nucléaires de Plogoff, duPellerin et de Saint-Priest-la-Prugne,l'abandon du projet de camp militaire duLarzac et celui du surgénérateur deCreys-Malville.Dans le nucléaire, les hommes politiqueschangent, mais les technocratesdemeurent. Aujourd’hui, les Amis de laTerre restent investis dans la lutte antinu-cléaire, localement et dans des collectifscomme le Réseau Sortir du Nucléaire.Depuis 40 ans, les slogans ont évolué,passant de « Société nucléaire, sociétépolicière ! » à « Ni nucléaire, ni effet deserre ! », mais l’esprit demeure.

> GÉRARD BOTELLAFondateur du groupe Moselle (1977)

Président des Amis de la Terre France(2001–2006)

En 40 ans d’existence, les Amis de la Terre n’ont jamais abandonnél’esprit de leur fondation. Après sa naissance, en juillet 1970, l’asso-ciation a été l’une des toutes premières organisations nationales àstructurer la lutte antinucléaire.

DOSSIER I 40 ans de luttes écologiques

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En 40 ans de défense de la biodiversité, les Amis de la Terre n'ont jamais cessé de se poser la questionde la place de l'Homme dans la nature, de son rôle et de sa responsabilité dans la protection ou la des-truction de son environnement.

BiodiversitèDe la baleine transgénique en bassin d'eau douce

« La Baleine est naturellement entréedans nos vies. […] Nous avons réfléchi :pourquoi est-ce la baleine qui fuit devantl'homme? Pourquoi celui-ci la poursuitde sa rancune imbécile? […] Bref, notrebaleine grossissait et prenait une dimen-sion symbolique. Celle de ce qui dans lanature est exploité sans vergognejusqu'au point de la destruction com-plète. Donner des nouvelles de la baleinece sera donc parler de ce qui dans lanature est menacé ». C'est avec cesréflexions, tirées de l'édito du premierCourrier de la Baleine (juillet 1971), queles Amis de la Terre France (ATF) donnentle ton de leur lutte pour la défense desespèces menacées et la protection de lanature, le cétacé rieur en sera désormaisl'emblème.La campagne des Amis de la Terre pour lasauvegarde des baleines a été lancée parle groupe américain au début de 1971,avant de prendre en peu de temps uneampleur internationale. En France le travaild'alerte est repris par un groupe des Amisde la Terre sous la dénomination de« Projet Jonah ». Notons que des mem-bres de ce groupe fondèrent, en 1976-1977, l'antenne française de Greenpeace. La question de la protection des espècesmenacées de disparition est abordée lar-gement lors de la Conférence deStockholm en 1972, qui posera les pre-mières pierres du Droit international del'Environnement. En 1982, la Commissionbaleinière internationale vote un moratoiresur la chasse à la baleine à des fins com-merciales. Cette interdiction entrée envigueur en 1988 est toujours d'actualité,cependant les principaux pays de chasseà la baleine (Japon, Norvège, Islande) refu-sent de la ratifier. Malgré cela, la popula-tion de baleines a augmenté significative-ment depuis les années 1980.

« Nous ne voulions pasd'une nature éprouvette »C'est dans la première moitié des années80 que le mot « biodiversité » fait sonapparition sous la plume des scientifiques.Pour eux la diversité biologique est consti-tuée de trois niveaux: les gènes, lesespèces, les écosystèmes. Elle sera défi-nie officiellement en 1992 lors de laConvention sur la diversité biologique,marquant la prise de conscience collectivede l'interdépendance des espèces et leurinteraction avec les écosystèmes. Pour lesécologistes déjà, l'heure n'est plus à ladéfense d'animaux « emblématiques »menacés mais bien à l'urgence de repen-

ser le lien de l'humanité à la nature. Dansla même période, le mouvement s'orga-nise pour lutter contre les premières tenta-tives de marchandisation du vivant et l'ac-caparement de plus en plus abusif desressources naturelles. En 1988, les ATF lancent une campagnecontre les biotechnologies et le brevetagedu vivant, rendu possible grâce aux avan-cées en génétique – cette jeune disciplinequi alimente un vif débat sur l'éthique etles limites de la science. Pour DominiqueMartin Ferrari, une des instigatrices de lacampagne, « les plantes génétiquementmodifiées posaient la question de la mai-trise de la technologie par l'Homme etdes risques d'irréversibilité que provo-querait une dissémination des gènesmodifiés. Nous ne voulions pas d'unenature éprouvette uniformisée. Par ail-leurs, la campagne des AT visait aussi àoffrir une information indépendante surles biotechnologies, car le manque detransparence était absolu. On nousrabâchait déjà que les OGM allaient met-tre un terme à la faim dans le monde,cela fait plus de 20 ans, où sont lesrésultats aujourd'hui ? »Depuis, la lutte des associations, des lan-ceurs d'alertes et des consommateurssensibilisés a permis d'empêcher la cul-ture d'OGM en France et dans plusieurs

pays de l'Union européenne. C'est l'unedes victoires majeures de la société civile,elle rappelle à chaque instant le temps etla persévérance nécessaires pour faireaboutir les causes et les idéaux écolo-gistes.

Cultiver la biodiversitéCes dernières années, les Amis de la TerreFrance se sont engagés aux cotés duRéseau Semences paysannes pourdéfendre la biodiversité agricole et rappe-ler l'importance de cultiver les semencestraditionnelles, mais aussi de maintenir leslignées de races animales rustiques. Deplus, cet héritage du savoir-faire paysanest le plus à même de s'adapter auxchangements climatiques. Comme le rap-pelle le Réseau, « les millions d’échan-tillons de ressources génétiques stockésdans les chambres froides de quelquesgrandes banques de gènes ne remplace-ront jamais la ressource vivante entrete-nue dans les champs par des millions depaysans, de génération en génération ».Les Amis de la Terre poursuivent leur luttedans ce sens, en cultivant la diversité bio-logique mais aussi culturelle et humainepour faire germer des sociétés écolo-giques et harmonieuses.

> BENJAMIN SOURICE

TransportsCritique du culte de la voiture : la vèlorution en marche

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« Adapter la ville à la voiture », enconstruisant des voies express urbaines,tel était le projet de George Pompidouincarné, fin 1971, par la volonté de créerune autoroute sur la rive gauche de laSeine à Paris. À l’opposé, les Amis de laTerre estiment que la voiture est une nui-sance majeure dans les villes où elle neprofite, et ne peut profiter, qu’àquelques-uns. Avec le culte de la voiture,les villes deviennent des pièges àcyclistes et l’accroissement des chaus-sées grignote les trottoirs et bétonne lamoindre parcelle disponible au profit desseuls automobilistes.Le printemps 1972 voit donc le lance-ment d’une campagne des Amis de laTerre afin d’exclure les automobiles desvilles et de promouvoir l’utilisation duvélo. L’organisation de manifestations àvélo dans les villes françaises rassem-blent alors des milliers de cyclistes der-rière le slogan « Bagnoles, ras-le-bol. Capue, ça pollue et ça rend nerveux ! ». Enmai 1976, Le Courrier de la Baleine titre« Vive la vélorution » en écho à laJournée mondiale du vélo organisée parles Amis de la Terre le 5 juin à Paris, NewYork, Londres, Bruxelles et des dizainesd’autres villes. Dans la foulée, Assezroulé comme ça, on réfléchit (Ed.Pauvert, 1976) et le Manifeste

Vélorutionnaire (Ed. Pauvert, 1977) sontpubliés en collaboration avec laFédération des usagers des transports.L’année suivante, à l’occasion de la cam-pagne pour les élections municipales, lesAmis de la Terre militent pour la créationd’un « plan de circulation » en ville consti-tué de pistes cyclables et pour la mise àdisposition de vélos municipaux. Par la suite, la lutte contre la voiture enville s’inscrit dans la campagne pour des

villes écologiques. La renaissance de lavélorution dans les années 1990 sou-ligne la pertinence des revendicationsdes Amis de la Terre et si les cyclistesont plus d’espace en ville, grâce auxpistes cyclables et aux vélos partagés, ilreste encore de nombreux progrès àaccomplir pour réduire à la portioncongrue la place faite aux voitures.

> PHILIPPE COLLET

C’est à l’occasion des élections munici-pales de 1977 que les Amis de la Terreréalisent une première synthèse desréflexions sur la ville et sa gestion. Undocument d’une vingtaine de pages, inti-tulé « Pour des communes écologiques »,propose alors une vision complète etcohérente d’une politique environnemen-tale et sociale à l’échelon communal.« Imparfait », le texte doit favoriser ledébat et ses auteurs espéraient qu’il soit« rapidement désuet, partiel et rétro ».La base du projet reposait sur l’idée que lacommune est un « écosystème humain » àreprendre des mains des financiers et tech-nocrates qui en ont pris le contrôle au détri-ment de ses habitants. La préservation etl’amélioration du cadre de vie et une diversitééconomique répondant aux attentes descitoyens sont donc au cœur de la réflexion.Dans ce cadre, le premier objectif était lamise en place d’une consultation publiquedes habitants pour que les décisions prisesrépondent avant tout à leurs besoins. Lecredo était alors à l’autogestion et l’écologieafin de refondre une vie communale.

Depuis, certaines villes ont développé desconseils de quartier mais leur impact restelimité et le renforcement de la concerta-tion est, aujourd’hui encore, un pilierimportant pour les villes en transition.Coté protection de l’environnement, lesgrandes lignes du projet initial sont tou-jours d’actualité : limiter la spéculationfoncière, développer des transports encommun efficaces, créer des espacespiétonniers et des voies cyclables, pré-server le patrimoine architectural et limi-ter la hauteur des bâtiments, stopperl’extension des villes et le mitage du ter-ritoire, favoriser les circuits de distribu-tion courts pour les produits agricoles,améliorer l’efficacité énergétique desbâtiments et favoriser les énergiesrenouvelables.Désuet, le projet de ville écologique ? Siplus de trente ans après le vocabulairel’est partiellement, les grandes lignes deforce restent d’actualité.

> P.C.

DOSSIER I 40 ans de luttes écologiques

HabitatDe la ville ècologique la ville en transition :la transformation urbaine par et pour les habitants

Une vélorution dans les années 1970.

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Fondateurs des tout premiers mouvements écologistes en France, les Amis de la Terre ont durant unedécennie soutenu des candidats aux élections de la République. Ils ont ensuite abandonné ce rôle.

Les Amis de la Terre et la politiqueUne clarification progressive des rôles

Les Amis de la Terre ont été, en Francecomme ailleurs, fondés par des militantsqui avaient tiré le bilan de l’insuffisance despolitiques de protection de la nature. Ilsétaient convaincus de la nécessité d’agirsur les causes des pollutions et desdégradations environnementales, c’est-à-dire le développement sans frein de lasociété industrielle. L’action de l’association est donc originel-lement politique et le demeure. A tous lesniveaux où ils interviennent, les Amis de laTerre contestent et proposent des choixpublics permettant de maîtriser collective-ment les impacts de la société industrielleet de consommation, et participent ainsipleinement à la défense des libertéspubliques fondamentales. En revanche, dès les années 1970, lesAmis de la Terre se sont trouvés confron-tés à la question de la participation auxprocessus électoraux. Fallait-il prendreparti pour tel ou tel candidat ou formationpolitique ? Présenter et/ou soutenir descandidats ?

Soutiens électorauxL’inexistence de parti écologiste a conduittrès tôt les Amis de la Terre à soutenir et àparticiper à différentes campagnes électo-rales à commencer par celle de RenéDumont, premier candidat écologiste àl’élection présidentielle de 1974 enFrance. En 1977, lors des municipales, plusieurscandidats soutenus par les AT dépas-saient les 10 % à Paris. En 1978, les Amisde la Terre soutenaient des candidats auxlégislatives un peu partout en France. En1981, Brice Lalonde était candidat àl’élection présidentielle et l’associationdécida, non sans de rudes débats, de lesoutenir et de co-organiser sa campagnequi s’acheva par un score honorable :3,87 %, pour plus d’un million de voixrecueillies.Avec l’impasse de la lutte anti-nucléaire,certains AT décidèrent qu’il fallait entrerdans les lieux où les décisions se pre-naient et ont abandonné l’action associa-tive pour l’action politique : Yves Cochet,Pierre Radanne et de nombreux membresdes groupes locaux entrèrent alors auxVerts. Cette participation et ce rôle à la fois asso-ciatif et électoral n’ont pas manqué desusciter de nombreux débats et contesta-tions au cours des années 1970. De nom-breux militants considéraient que la situa-tion favorisait une instrumentalisation de lastructure de la part de ses principaux ani-mateurs, souvent eux-mêmes candidats.

Toujours en 1983, les Amis de la Terredécidaient en Assemblée générale d’opé-rer leur « recentrage associatif » interdi-sant à l’association de présenter et desoutenir des candidats. Ce principe esttoujours en vigueur et met en outre encongé tout dirigeant de l’association seprésentant à une élection. Après la création des partis politiques éco-logistes, les années 1980 et 1990 n’ontpas été faciles. La nomination de BriceLalonde au ministère de l’Environnementen 1988 a créé de lourdes difficultés dansle réseau, les animateurs nationaux etl’équipe salariée restant souvent prochesdu ministre, alors qu’une partie du réseaudes groupes locaux entraient en rébellionouverte. En 1992, la fondation de

Génération Ecologie a prélevé d’autresmilitants des Amis de la Terre, surtout auniveau national. D’autres adhérents actifsont rejoint, au gré de leurs préférencespolitiques, d’autres mouvements tels quele Mouvement écologiste indépendant oules Alternatifs. C’est donc progressivement que la déci-sion de 1983 a été appliquée. La structurea en parallèle évolué vers la forme d’unefédération d’associations locales, formali-sée à partir de 1996 pour accomplir leprojet de recentrage associatif et lareconstruction d’un réseau très affaibli.

> LAURENT HUTINET

La force du rèseau

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« La force des Amis de la Terre (AT), cesont ses groupes nationaux et locaux »,déclare sans hésitation Marijke Torfs,coordinatrice internationale des ATbasée à Philadelphie (Etats-Unis).Séparée de Marijke par plusieurs milliersde kilomètres, Marie-Christine Gamberini,membre de la première heure des Amisde la Terre France tient quasiment lemême discours : « Les Amis de la Terreen France se sont créés autour desgroupes locaux avec une logique décen-tralisatrice et autogestionnaire. Lesadhérents s’organisent entre eux pourmener des actions en rapport avec desproblématiques locales. Aujourd’hui,nous sommes les seuls à fonctionner decette manière. Si on enlève les groupeslocaux, les Amis de la Terre n’ont plus despécificités par rapport aux autres ONG ».

Des groupes locaux sur le terrainReprésentants des Amis de la TerreInternational, membres du bureau des ATFrance, adhérents locaux, tout le mondes’accorde sur l’importance d’une struc-ture associative qui s’articule autour d’unecombinaison de réseaux. Chaque maillonde la chaîne joue son rôle et enrichit l’ac-tion de l’ONG en France ou à l’internatio-nal. Actuellement, la fédération des Amisde la Terre France est soutenue par l’exis-tence de 30 groupes locaux implantés auxquatre coins de l’Hexagone. Ces groupe-ments agissent en toute indépendance etmènent des actions de terrain. « Ce sys-tème permet aux adhérents d’avoir unevraie activité militante coopérative. Ils nesont pas là pour relayer une politiqueconçue sans eux à Paris », explique Marie-Christine Gamberini.

Fort de ce concept, chaque groupe localtravaille sur les thématiques de son choix.Ainsi, un groupe comme celui des Landess’est longtemps mobilisé pour la protec-tion du littoral. « Entre 1987 et 1992, notreprincipale action a été de défendre la côtelandaise. A l’époque, des investisseurssoutenus par le conseil général voulaientaménager le littoral pour en faire une sortede seconde Côte d’Azur, raconte Marie-Claire Dupouy, créatrice avec son épouxdes AT Landes. Nous avons tout fait pourque cela ne se produise pas. Par l’annu-lation d’arrêtés préfectoraux, nous avonslargement contribué à la mise en placed’un nouveau schéma d’aménagementdu territoire garantissant le caractère sau-vage de la côte ».

Une influence nationale Une plate-forme nationale composée duConseil fédéral (élus issus des groupeslocaux qui décident des grandes orienta-tions) et un Secrétariat fédéral (composéde salariés et de bénévoles assurant lefonctionnement quotidien de l’associa-tion et la coordination de diversesactions), fait le lien entre les groupeslocaux. « Le Secrétariat national est unesorte de relais qui doit faciliter les rela-tions entre les groupes locaux entre euxet avec l’international. Il permet aussi dese pencher sur des questions plus glo-bales qui concernent la France dans sonensemble et de s’adresser à des déci-deurs nationaux (gouvernement, parle-mentaires, entreprises d’envergure

Construits selon les principesd’une fédération, les Amis de laTerre sont constitués d’une multi-tude de groupes locaux et natio-naux. Grâce à ce système, l’asso-ciation dispose d’une bonneconnaissance des réalités de ter-rain et d’une grande capacité demobilisation.

DOSSIER I 40 ans de luttes écologiques

Réunion fondatrice de Friends of the Earth International en 1971

L’importance du réseau des Amis de la Terre International lui donne la possibilité de frapper fort lorsque la situation le réclame.Ainsi, près de 5 000 membres du réseau venus de France, Finlande, Royaume-Uni, Paraguay, Colombie, Etats-Unis, Japon, etc.ont manifesté rn décembre 2009 dans les rues de Copenhague lors du sommet international des Nations unies sur le climat.Parallèlement, 500 de nos membres ont été accrédités et ont été admis au sein du lieu de conférence, le Bella Center. Ils ontpu effectuer un travail de plaidoyer auprès des représentants des Etats. Les groupes nationaux ont aussi organisé de grandsrassemblements tout au long du mois de décembre pour accroître la pression sur leurs gouvernements.

Un rèseau actif l’international

Forts de leur expérience, les Amis de la Terre développent leur penséeet leurs alternatives pour promouvoir la nécessaire transition vers dessociétés respectueuses de l'Homme et de son environnement.

En route vers des sociètès soutenables

nationale, etc.). Tout cela nous donne lapossibilité d’agir à tous les niveaux »,explique Anne Bringault, directrice desAmis de la Terre France. Cela est d’autant plus vrai que les AT Franceappartiennent au réseau international desAmis de la Terre (ou FoEI pour Friends of theEarth International). Présent dans 77 pays,FoEI constitue, aujourd’hui, le plus grandréseau écologiste mondial. « Les Amis de laTerre International est l’organisation associa-tive et démocratique la plus importante aumonde. J’insiste sur le mot démocratiquecar, ici, tout se construit à partir de besoinset idées de la base, des militants implantéssur le terrain », déclare Marijke Torfs. Cetteprésence masssive de chaque côté del’Equateur présente bien des avantages.Les groupes nationaux peuvent notammentse prêter main forte pour la mise en placed’actions communes (voir encadré).Exemple : si les Amis de la Terre Nigeria ren-contrent des difficultés avec la compagnieanglaise Shell, ils peuvent demander del’aide aux Amis de la Terre Grande-Bretagneafin de mener une campagne communecontre le groupe pétrolier. Il faut ajouter àcela une capacité de mobilisation forte quipeut s'avérer décisive lorsqu’il s’agit de faireplier gouvernements et entreprises peu sou-cieux de l’avenir de la planète.

> LUCILE PESCADÈRE

En quarante années de réflexion, lesAmis de la Terre n'ont rien perdu de leurqualité de discernement ni de leur radi-calité. Aujourd'hui, le débat continue deporter sur les alternatives à opposer aumodèle de société productiviste. Ce sys-tème fait passer au second plan desaspects essentiels au bien-être de lasociété comme le respect des droitshumains, remettant en cause les acquisde décennies de luttes, sans oublier ladestruction de notre cadre de vie et legaspillage des ressources naturelles.Comme l'indiquent les positions les plusrécentes des Amis de la Terre : « Cemodèle conduit à la marchandisation detoutes les activités humaines et detoutes les ressources naturelles, desrelations sociales et même des corpshumains et, plus récemment, de l’atmo-sphère avec les marchés carbone. »Face à ce modèle prédateur, les Amis dela Terre veulent contribuer à l'instaurationde sociétés soutenables basées sur lajustice sociale et environnementale. Pourcela l'association revendique l’ « accèspour tous aux ressources naturelles etsociales en assurant leur partage équita-

ble sans compromettre la capacité desgénérations futures à assurer la satisfac-tion de leurs besoins fondamentaux ».Ce partage équitable ne peut se faireque dans une logique de sobriété dansl'usage des ressources. Les sociétéssoutenables sont fondamentalement

des sociétés responsables et solidairesoù les choix des citoyens sont respectéset appuyés par une nouvelle générationde Droits tant sociaux qu'environnemen-taux. Elles s'opposent en cela à nossociétés centralistes et technocratiques. La pensée d'une transition vers dessociétés soutenables se développe àtravers le monde entier dans diversmouvements de la société civile. Onpeut citer les mouvements Slow (food,city, etc.) apparus en Italie, les « villes entransition » nées en Grande-Bretagne,ou le concept de «Vivir bien» développéen Bolivie. En France et dans plusieurspays européens, c'est la pensée de la «décroissance » et le mouvement qui laporte qui sont apparus comme fer delance de la transition. Les Amis de laTerre entendent participer activement àce mouvement et en populariser lesnotions fondamentales comme la reloca-lisation des activités humaines. PourAlain Dordé, secrétaire national de l'as-sociation : « Cette relocalisation va depair avec l'échange et l'ouverture auxautres sociétés, avec la solidarité et laliberté de circulation des personnes. Elle

sera basée sur des liens directs deconfiance entre citoyens et collectivités,entre producteurs et consommateurs, lelien humain étant ainsi remis au cœur del'échange et du projet de société ».

> BENJAMIN SOURICE

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Réunion du Conseil fédéral - en plein air - lors de l'Assemblée fédéraleorganisée par les Amis de la Terre Limousin en 2009."

Depuis 1971Le Courrier de la Baleine Le journal des Amis de la Terre

PratiquePeinture bio : faites-le vous-même !Face aux lobbies de l’industrie pétrochimique et au développementdu business « bio », repeindre sa maison de façon « écolo » et à prixabordable devient un vrai casse-tête. Il existe cependant quelquesastuces, suivez le guide.

Les peintures que l’on utilise aujourd’huine sont pas des plus saines. Les produitsnaturels qui ont longtemps composé lespeintures, ont été remplacés dans lesannées 1940 par des produits de syn-thèse, provoquant des troubles sanitaireset environnementaux graves. La toxicitédes peintures est principalement liée auxsolvants qui entraînent des risques directspour la santé et sont responsablesd’émissions de composés organiquesvolatils (COV) dans notre environnement.Depuis peu, une multitude de peintures« bio » ou « écologiques » vendues à desprix exorbitants apparaissent dans lesrayons. Pourtant, leur innocuité n’est pasgarantie ! Le Borax ou les diluants auxagrumes sont, par exemple, des produits« naturels » pouvant entrainer des risquespour la santé. Méfiance donc, sur lacomposition des peintures dites « natu-relles ». Face à cette situation, une seulesolution : fabriquer soi-même sa peinture.

Des peintures et enduits naturelspour toutes les bourses Au lait, à la fécule de pomme de terre, àl’argile ou encore à la chaux, les pein-tures et enduits naturels sont nombreuxet vous aurez le choix en fonction devotre support et du rendu souhaité.Fabriquer sa peinture n’a rien de compli-qué, comme en cuisine, il suffit de suivrela recette. Nous avons testé pour vouset, quel plaisir de réaliser et d’appliquersa peinture soi-même !

Côté prix Il faut compter entre 10 et 15 € pour 30m2 enpeinture synthétique acrylique, tandis qu’unepeinture « bio » vous reviendra à 50 € envi-ron. Fabriquée «maison», une peinture à lacaséine ne vous en coûtera que 10 !

Trouver les produits : l’imbroglioLe plus difficile, quand on fabrique sapeinture, c’est encore de trouver lesingrédients de la recette. Car, évidem-ment, tout est fait pour compliquer latâche de ceux qui souhaitent s’extirperde la consommation de masse et outre-passer les règles de la grande distribution !Ne vous découragez pas, les ingrédientsse trouvent dans nos régions, mais aussien vente par correspondance.

Recette Le badigeon de chaux ocre rouge(30m2 – environ 30 €)• 3,2 kg de chaux en pâte • 800 g de pigment ocre rouge

de Roussillon• 250 g de caséine• 150 g de poudre de marbre • Eau

Attention : l’ocre est à saturation à 25 %du poids de la chaux : ne pas dépasserce dosage !

1. Mélangez d’un côté la caséine avec del’eau et de l’autre la chaux en pâteaussi avec de l’eau

2. Mouillez les pigments 3. Ajoutez ensuite la poudre de marbre, la

caséine et les pigments mouillés dansle seau où se trouve la chaux en pâte

4. Versez de l’eau jusqu’à obtenir une prépara-tion de la consistance d’une crème dessert

L’application étape par étape :1. Au fur et à mesure de l’application,

humidifiez le mur à l’aide d’uneéponge épaisse

2. Appliquez le badigeon au pinceauépais. Différents effets sont possiblesavec l’application en croix ou en V quipermet de jolies nuances

3. Laissez sécher et appliquez unedeuxième couche 24h plus tard sinécessaire.

Vous serez bluffés et ravis du résultat !Alors n’hésitez plus, à vos pinceaux !

HumeursIl y a quarante ans, il s'est produit en France deux événements historiques : l'un, largementcommenté dans ce numéro, la naissance du mouvement écologiste autour des Amis de la Terre ; l'autre passé inaperçu dans sesterribles conséquences, l'introduction de lecteurs de codes-barres dans les supermarchés. En effet, dès son introduction dans lesannées 70, on découvrit que le code-barre dissimulait en son sein le nombre satanique 666, celui de la bête de l'apocalypse. Or ilest prédit dans le texte de Saint-Jean qu'à la fin des temps « nul ne pourra rien acheter ni vendre s'il n'est pas marqué au nom dela Bête ou au chiffre de son nom » (Ap. 13, 17). Ainsi, nous comprenons mieux la terrifiante expansion de ces lieux maudits quesont super, puis hypermarchés, et leurs nombreux effets maléfiques : risque d'y attraper une pneumonie foudroyante en passantau rayon produits frais, surtout en plein été ; schizophrénie provoquée par les offres de trente-six sortes de dentifrices, de cin-quante-deux sortes de yaourts, de soixante dix-neufs sortes d'aliments pour animaux ; promotion de produits inutiles qui ne peu-vent que renforcer notre conscience de notre propre inutilité. Et en fin de compte, la destruction de toute vie sociale, en attendantcelle de la biosphère, sous l'emprise du trio infernal lotissement-automobile-centre commercial. Heureusement, il nous reste unelueur d'espoir : l'action des les Amis de la Terre qui, depuis 1970, sans jamais se décourager, traquent la bête et la combattent, parl'action opiniâtre de leurs 666 groupes locaux.

> ALAIN DORDÉ

Pour en savoir plus :Peintures et enduits bio – Editions Terre vivantePeindre et décorer au naturel – Editions alternatives

Liens et contact utiles :www.okhra.com/www.lacompagniedesocres.frwww.naturel-discount.com/http://www.ecodis.info/