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Maëlle BOUVIER Courriel :[email protected] MEMOIRE DE RECHERCHE MASTER professionnel « Développement économique et coopération internationale » Sous la direction de Catherine Baron, Année universitaire 2009-2010 LA MICROFINANCE AU SENEGAL, VECTEUR OU ALTERNATIVE A LA MONDIALISATION ?

LA MICROFINANCE AU SENEGAL, VECTEUR OU … · 2016-10-25 · Pour m’avoir permis d’effectuer mon premier stage au sein d’une Institution de Microfinance, ... A. Offre et demande

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Maëlle BOUVIER

Courriel :[email protected]

MEMOIRE DE RECHERCHE

MASTER professionnel « Développement économique et coopération internationale »

Sous la direction de Catherine Baron,

Année universitaire 2009-2010

LA MICROFINANCE AU SENEGAL,

VECTEUR OU ALTERNATIVE A LA

MONDIALISATION ?

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Remerciements

Pour ses conseils et sa disponibilité, je remercie Mme Catherine Baron.

Je remercie M. Julien Sciau (Fondation Grameen-Crédit Agricole) et à M. Alexandre Coster

(Microcred S.A.) pour leur participation.

Pour m’avoir permis d’effectuer un stage au Sénégal, je remercie l’équipe de la Mission

Economique de Dakar, et plus particulièrement M. François-Xavier Flamand.

Pour m’avoir permis d’effectuer mon premier stage au sein d’une Institution de Microfinance,

je remercie l’équipe de Microcred Madagascar, et plus particulièrement M. François-Xavier

Poste.

Enfin, je remercie M. Eloi Pomé pour ses précieux conseils et corrections.

Avertissement : L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans

les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur

auteur.

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Table des sigles

ACDI : Agence Canadienne pour le Développement International ACEP : Alliance de Crédit et d’Epargne pour la Production ADEPME : Agence de développement et d’encadrement des PME (Sénégal) AFD : Agence Française pour le Développement BCEAO : Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest BEI : Banque Européenne d’Investissement BIMAO : Banque des Institutions Mutualistes d’Afrique de l’Ouest (Sénégal) BM : Banque Mondiale BRS : Banque Régionale de Solidarité (Sénégal) CICM : Centre International du Crédit Mutuel CMS : Crédit Mutuel du Sénégal DID : Développement International Desjardins DSRP : Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté FCFA : Franc CFA (monnaie de la BCEAO) FENU : Fonds d'Équipements des Nations-Unis FMI : Fonds Monétaire International FNPEF : Fonds National de Promotion de l'Entrepreneuriat Féminin (Sénégal) GEC : Groupement d’épargne et de crédit IMF : Institution de Micro Finance. KFW : KfW Bankengruppe (équivalent allemand de l’AFD) MEC : Mutuelle d’Epargne et de Crédit MEF : ministère de l’économie et des finances (Sénégal) MFR : Projet Microfinance en Milieu Rural MPE : Micro et Petite Entreprise NPI : Nouvelles Politiques Industrielles OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement ONG : Organisation Non Gouvernementale PARMEC : Projet d’Appui à la Réglementation des Mutuelles d’Épargne et de Crédit PED : Pays en Développement PDEM : Pays Développés à Economie de Marché PME : Petite et Moyenne Entreprise PNUD : Programme des Nations-Unis pour le Développement SA : Société Anonyme SARL : Société Anonyme à Responsabilité Limitée SFD : Système de financement (ou système financier) décentralisé SNMF : Stratégie Nationale de Micro Finance (Sénégal) UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

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Sommaire

Introduction générale .......................................................................................................................................... 1

I. La microfinance au Sénégal : émanation de la mon dialisation juxtaposée au pré-existant financier ......................................... .................................................................................................................... 8

A. Offre et demande de produits financiers au Sénégal avant les années 1990 ............................................. 10

1.La structuration d'un secteur bancaire classique au Sénégal ............................................................. 10

2.La demande de services financiers : vulnérabilité et non-dualité ....................................................... 13

3.Les pratiques informelles de financement........................................................................................... 18

4.Pratiques informelles, reflets de solidarités traditionnelles ................................................................. 22

B.L'impact du paradigme de la mondialisation sur l’essor de la microfinance au Sénégal .............................. 26

1.Le paradigme de la mondialisation et du développement................................................................... 26

2.La microfinance : outil du paradigme économique mondial au Sénégal ............................................ 37

C.Juxtaposition de la microfinance au préexistant financier ............................................................................ 42

1.La dynamique actuelle de la finance informelle et des banques classiques ...................................... 42

2.L'essor de la microfinance dans la continuité du préexistant financier ............................................... 48

II. La microfinance au Sénégal pilotée par l’intern ational : vers l’uniformisation de l’offre ? ..... ... 55

A.La microfinance au Sénégal: un secteur dynamique intégré dans la sous-région ....................................... 57

1.Les indicateurs de la microfinance au Sénégal .................................................................................. 57

2.Des opportunités de financement pour les partenaires extérieurs .................................................... 62

B.Le rôle évolutif de la coopération internationale ........................................................................................... 66

1.Les principaux bailleurs, sources de la politique microfinancière sénégalaise ................................... 66

2.L’ambiguité de la vision commerciale de la microfinance ................................................................... 70

3.La réorientation des aides pour une offre microfinancière durable et attractive ................................. 73

C.La microfinance sénégalaise intégrée dans les flux financiers privés internationaux .................................. 78

1. Argumentaire pour un accès aux marchés financiers ....................................................................... 78

2.Les voies d’accès aux marchés financiers .......................................................................................... 80

3.Une condition préalable : se rapprocher des normes et standards internationaux ............................ 84

D.Vers l’uniformisation d’un modèle au Sénégal?............................................................................................ 89

1. L'émergence de modèles de référence .............................................................................................. 89

2. La permanence de la diversité ........................................................................................................... 93

Conclusion ...................................................................................................................................................... 101

Bibliographie ................................................................................................................................................... 101

Liste des tables ............................................................................................................................................... 108

Annexes .......................................................................................................................................................... 109

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Introduction

"Nous nous sentons capables d'un autre idéal

et nous voulons imaginer un monde où

chacun retrouve la liberté de conduire son destin

et participe à l'économie de son environnement.

Certains vivent déjà cette utopie, qui devient ainsi réalité."

(Charte de l'Aldéa, 1981, p 1).

En 1997, l'Organisation Non Gouvernementale (ONG) Results organisait à Washington le

premier sommet du microcrédit, lançant ainsi une campagne de neuf ans dite «Campagne des

sommets du microcrédit». Cet évènement a rassemblé 2 900 participants en provenance de

137 pays. Ce fut un véritable succès médiatique, qui a propulsé le sujet de la microfinance

dans les mass média. La success story de la Grameen-Bank, créée en 1983 par Mohammed

Yunus au Bangladesh, a également contribué à nourrir un débat mondial autour de la

microfinance, dans lequel les média ont joué un rôle important. Le prix Nobel de la paix

attribué à M. Yunus en 2006 peut être considéré comme la consécration de la reconnaissance

mondiale de la microfinance. Nous chercherons indirectement dans ce travail de recherche à

analyser la nature de cette reconnaissance.

Qu'est ce que la microfinance? Elle se définit aujourd'hui comme l’offre de services financiers

(épargne, prêt, assurance) aux exclus du système bancaire classique1. Le « microcrédit » est

une composante de la microfinance, mais ne la recouvre pas entièrement. C’est un crédit de

faible montant proposé aux exclus des systèmes bancaires classiques. Les services financiers

englobés dans la définition de la microfinance concernent les microcrédits, mais aussi la

microassurance, l’épargne, etc. Ces services sont délivrés par des Institutions de Microfinance

(IMF), qui peuvent relever de statuts institutionnels très variés (société anonyme, mutuelle,

1 On entendra ici tout institution qui reçoit des capitaux, échange de la monnaie, accorde des prêts à des taux d’intérêt variables, exécute pour le compte de tiers toutes opérations de ce genre et se charge de tous services financiers. Ces institutions bancaires dites classique proposent leurs services à des particuliers et à des ENTREPRISES FORMELLES, c'est-à-dire inscrites aux registres du commerce et soumises aux règles officielles comme la déclaration des revenus et le paiement des impôts.

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coopérative, etc.). C’est la microfinance sous ses différentes composantes et formes qui sera

étudiée dans ce travail, sous l’angle de l’économie solidaire.

Le choix de cet angle peut paraître curieux car la finance solidaire et la microfinance sont

souvent considérées comme deux activités à part entière. La finance solidaire se distinguerait

de la microfinance en ayant comme objectif premier l'accroissement du capital social, tandis

que la microfinance est parfois utilisée comme simple instrument individuel palliatif à

l'exclusion d'une population pauvre ou sans garantie du système bancaire. Nous choisirons ici

de parler de la « pauvreté » selon une approche relative : le seuil de pauvreté est fixé par

rapport à la distribution des niveaux de vie de l'ensemble de la population, avec comme

référence le revenu médian. A travers ce prisme, la pauvreté pose aussi un problème

d'exclusion ; l'homme ne se réalise qu'au sein de rapports sociaux et les inégalités de richesse

sont des sources de discrimination ; la pauvreté le rend donc « vulnérable » sur plusieurs

plans, ce que nous développerons dans la première partie de ce mémoire. La microfinance, en

permettant d’investir dans des activités génératrices de revenus grâce à l’accès aux produits

microfinanciers, contribue à réduire cette vulnérabilité, et donc indirectement à réduire la

pauvreté dans le sens large du terme. Ainsi, grâce à l’augmentation de ses revenus issue de

son investissement, le micro-entrepreneur est capable d’investir dans l’hygiène, l’éducation, la

culture, etc. Nous partons donc du postulat que la microfinance peut avoir un effet positif sur

le capital social de ses bénéficiaires. En cela, elle peut être classée dans le courant de

l’économie solidaire.

Une fois ce point clarifié, il faut préciser que la microfinance est souvent étudiée dans sa

dimension locale. Elle occupe à ce titre une position particulière dans l’économie solidaire. En

effet, à l’instar de l’ensemble des initiatives de ce champ d’analyse économique, la légitimité

et l’efficacité de la microfinance suppose un ancrage territorial fort, une relation de proximité

pour mobiliser l’épargne et octroyer des crédits, et donc un « encastrement » des activités

dans la société d’où l’importance de la contextualisation. Selon J.M Servet, la microfinance

est ainsi caractérisée par « le faible montant des opérations, la proximité non seulement

spatiale, mais aussi mentale et sociale entre l’organisation et sa population cible, et la

pauvreté supposée des clients ou l’exclusion qu’ils subissent » (J.M.Servet, 2006). L’auteur

insiste dans cette définition sur la proximité géographique et culturelle, ce qui nous amène à

parler d’une dimension locale prépondérante de la microfinance.

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Cette dernière n’aurait alors a priori pas de liens avec le concept de mondialisation, qui

désigne l'expansion et l'harmonisation des liens d'interdépendance entre les nations, les

activités humaines et les systèmes politiques à l'échelle du monde. De la sorte, selon certains

auteurs, « la mondialisation est un phénomène international par nature, puisqu’elle concerne

des relations entre les États ou plutôt entre des agents appartenant à des États différents,

alors que la microfinance est un phénomène local qui s’épanouit dans un espace beaucoup

plus limité et dont les acteurs sont des personnes qui le plus souvent se connaissent » (Lelart,

2008). Une autre différence peut être soulignée : la mondialisation est par nature globale, et

« réunit» en cela l’ensemble de l’économie, mais aussi la culture, tandis que la microfinance

concernerait prioritairement les activités de finance. Enfin, Lelart (2008) distingue les deux

concepts sur les plans géographique et temporel : « la mondialisation et la microfinance

concernent chacune tous les pays, mais la première est plutôt l’affaire des pays du Nord, la

seconde concerne davantage les pays du Sud ».

Néanmoins, la volonté de diffuser une modèle microfinancier à l’échelle mondiale dés le

début des années 2000, basé sur l’expérience de la Grameen Bank, et relayé par les média

nous amène à repenser les rapports entre la mondialisation et la microfinance. L'engouement

que la microfinance a suscité, l’inspiration née de l'expérience de la Grameen Bank,

démontrent la naissance d'un consensus autour de ce phénomène, au niveau mondial. Les

organisations financières internationales, tel que le FMI2, sont aujourd’hui les premières à

reconnaître les performances de la microfinance dans les pays du Sud, comme outil de lutte

contre la pauvreté, et à la promouvoir. Cette approbation laisserait supposer que la

microfinance « n’est pas contraire » aux politiques de développement actuelles. Cela étant, on

peut donc supposer que la microfinance ne serait a priori pas inadaptée au paradigme

économique dominant dans le processus de la mondialisation, à savoir le néo-libéralisme.

Subséquemment, la microfinance est avant tout un outil financier. Il est donc légitime de se

demander si elle ne permettrait pas la légitimation du référentiel économique néolibéral au

cœur de la mondialisation. Cette légitimation s’effectuerait par un outil « au service des

2 Fond Monétaire International

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pauvres », ce qui conforterait l'idée que le néo-libéralisme, grâce à l'outil du marché,

contribue à l'amélioration du bien-être de tous comme l’ont théorisé les penseurs libéraux et

néolibéraux.

Les défenseurs d'une vision avant tout sociale de la microfinance soulèvent eux-mêmes

l’ambiguïté de la microfinance. « [Son] objectif est alors de lutter contre la pauvreté et la

précarité sociale par l’inclusion financière. En permettant aux plus démunis de créer ou de

pérenniser leur activité, les défenseurs de la microfinance militent pour l’existence d’un

cercle vertueux entre le microcrédit, l’activité professionnelle et l’autonomie » (Jégourel,

2008). Dans cette citation, l'inclusion financière, autrement dit l'intégration de personnes

pauvres dans le système financier néolibéral, permettrait de lutter contre la précarité sociale.

La microfinance a donc un objectif social, en étant premièrement un outil économique et

financier. Cette synthèse vient de fait elle aussi légitimer l'aspect social et vertueux du néo-

libéralisme, qui régule les inégalités grâce au marché (ici, microfinancier).Un questionnement

demeure donc, qui se doit d'être éclairci à travers une étude plus approfondie du lien (ou des

liens) entre la microfinance et la mondialisation emmenée aujourd'hui par le néolibéralisme.

Ainsi, le travail de recherche développé ci-après tâchera de démonter que la microfinance, si

elle n'est pas qu'un outil de légitimation de la mondialisation, en est au moins une émanation,

c'est à dire un résultat de sa dynamique.

Dans la mesure où nous posons comme hypothèse l’encastrement de la microfinance dans un

contexte économique, social et politique, une étude de cas spécifique à un pays s’avérait

indispensable. Si le secteur de la microfinance est le plus développé en Asie en termes de

volume des bénéficiaires3, sa croissance actuelle en Afrique est révélatrice d’une nouvelle

dynamique. De plus, l'Afrique est le premier continent récipiendaire de l'Aide Publique au

Développement4, ce qui implique fortement les institutions financières internationales sur ce

territoire. Or, cette introduction fait le postulat que les politiques de ces dernières ne sont pas

étrangères à l'explosion de la microfinance.

3 Selon l’enquête de MicroBanking Bulletin, 70% des clients sont en Asie et 20% en Amérique latine (2008). 4 En 2007, l’APD nette à l’Afrique s’est chiffrée à 38.7 milliards USD, soit 37 pour cent de l’aide totale de l’OCDE (organisation réunissant 31 pays en vue de promouvoir la démocratie et l’économie de marché).

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L’Afrique de l'Ouest, plus précisément l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

(UEMOA)5, est la principale zone d'intervention des bailleurs et investisseurs français, ce qui

en facilite l'étude. Pour plus de précisions, il convient de centrer l’analyse sur un seul pays, en

étudiant donc un contexte particulièrement précis. Cela implique que cette recherche n’a pas

vocation à la généralisation des hypothèses qu’elle défend. L'économie sénégalaise est l'une

des plus dynamiques de la zone en termes de croissance du PIB et d’investissements

étrangers6, de même que son secteur microfinancier. Le potentiel de croissance de ce dernier

est conséquent puisque le taux de pauvreté au Sénégal atteint 54%7 et que la part du secteur

informel dans l’économie reste encore conséquente, en générant la grande majorité de la

création d’emplois8. La demande potentielle sénégalaise en produits microfinanciers reste par

conséquent importante.

Il paraît donc pertinent d’étudier dans quelles mesures la microfinance s’intègre-t-elle dans le

processus de la mondialisation, à travers l'exemple du Sénégal.

Pour cela, il faut comprendre dans quelles conditions la microfinance a émergé au sein de la

société sénégalaise (en précisant les spécificités de cette émergence dans les zones rurales et

urbaines), sur quel terreau. En effet, le préexistant financier à la microfinance est riche et dual

(prêts informels vs secteur bancaire classique). La « rencontre des deux » a encouragé la

naissance de la microfinance, comme nous l’argumenterons par la suite. Néanmoins, les

politiques de développement, inspirées par le néolibéralisme, ont également construit la

microfinance sénégalaise telle qu’elle se développe aujourd’hui. Il conviendra donc d’étudier

la nature de l’influence de chacun de ces facteurs dans le cas du Sénégal. Cette étude ne sera

possible qu’avec le prise en compte de l’évolution de la microfinance sénégalaise depuis les

années 1990, vers plus d'acteurs, plus de bénéficiaires, plus de financements, plus de crédits

distribués, plus d'encadrement, etc.

Pour ce faire, la méthodologie utilisée s’appuie sur plusieurs sources. Une documentation

dense permet d’apporter des éléments de réponse théorique à la problématique, en réunissant

5 L’UEMOA a été créée par le Traité signé à Dakar le 10 janvier 1994, et comprend actuellement 8 pays. Objectifs : convergence, harmonisation des politiques économiques et monétaires, compétitivité de la zone. 6 Du moins, avant la crise économique mondiale, Cf. Annexes 1 et 2 7 Cf. Annexe 2 ; le taux de pauvreté = seuil de 2 dollars par jour. 8 Cf. « Rapport sur l’emploi au Sénégal : Le secteur informel génère 97% des créations », Le Soleil, 14 octobre 2007

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des travaux universitaires dans les domaines de l’économie du développement, de l’économie

solidaire mais également de la sociologie et de l’anthropologie. Les travaux choisis ont pour

objet la microfinance en général, ou s’appuient sur un terrain précis qui n’est pas forcément le

Sénégal (Inde, Bénin, etc.). Une recherche parallèle basée sur l’actualité du Sénégal, les

données économiques et financières des IMF implantées dans ce pays et de l’UEMOA,

permettront d’illustrer concrètement les arguments avancés pour les appliquer à la

problématique posée dans le cadre du Sénégal. Des entretiens réalisés avec des acteurs

français investissant dans la microfinance au Sénégal permettront à leur tour de répondre à

certaines questions posées par ce travail de recherche. Enfin, notre étude se concentrera avant

tout sur les grandes structures microfinancières au Sénégal, qui sont installées dans les zones

urbaines, car elles représentent la quasi-totalité du marché au Sénégal en termes de volume

des crédits distribués et de clients. De plus, peu de données existent sur la microfinance rurale

dans ce pays. Le ministère sénégalais en charge de la microfinance précise seulement que :

« En dépit des efforts conjoints du Gouvernement et des bailleurs de fonds pour un maillage

du territoire national, la finance rurale continue d’occuper une place négligeable dans le

secteur de la microfinance »9.

On observe toutefois des zones de forte concentration (Dakar et Thiès : 40% des IMF) et des

zones rurales peu touchées (Diourbel, Fatick, Kolda, Matam et Tambacounda)10.

Néanmoins, le cas des IMF modestes, notamment en zones rurales sera aussi évoqué,

ponctuellement, et surtout en fin de ce document.

Sur cette base, nous essayerons d'étudier dans quelles conditions ont eu lieu la naissance et

l’évolution de la microfinance au Sénégal, et surtout quel y est le rôle des acteurs

internationaux. Il sera opportun de percevoir les liens qui se créent entre le local et le global, à

travers l’exemple de la microfinance et de la mondialisation. Cela afin de démontrer que

l’évolution de la microfinance au Sénégal est intimement liée à la dynamique de la

mondialisation.

9 Extrait de la « Lettre de politique sectorielle en Microfinance, plan d’action 2005-2010 », page 21 10 Source : http://senegal.planetfinancegroup.org/FR/microfinance.php

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Ainsi, le postulat selon lequel la microfinance est une émanation, de la mondialisation soulève

de nombreuses questions auxquelles il conviendra de trouver, pour le moins, des débuts de

réponses. Quelle forme prend cette émanation ? Peut-on considérer la microfinance comme un

outil ou une alternative à la mondialisation ? Dans quelles mesures la mondialisation a-t-elle

impacté le système financier au Sénégal ? Quelles est la nature des cet impact et de

l’implication des bailleurs de fonds et des investisseurs privés ? Peut-on parler d'une

microfinance pilotée par l'international, c'est-à-dire influencée? Enfin, l'impact de la

mondialisation entraîne-t-elle l'uniformisation d'un modèle d'IMF? Ces questions s'organisent

autour d'une problématique générale : Dans quelles mesures la mondialisation a inspiré et

inspire encore la construction du secteur microfinancier au Sénégal?

Pour répondre à ces interrogations, il conviendra d'étudier dans un premier temps les

conditions de la naissance de la microfinance au Sénégal. Cette étude tentera de démontrer

qu’aussi bien le préexistant financier que les politiques internationales de développement ont

permis l’émergence de la microfinance au Sénégal. Une fois ces points clarifiés, l’hypothèse

que la sphère internationale influence le secteur de la microfinance au Sénégal sera défendue

plus précisément dans une deuxième partie. On y démontrera également les conséquences de

cette influence, notamment en termes d’uniformisation des modèles. En effet, les acteurs

internationaux publics et privés tendent à imposer un modèle microfinancier de référence.

Néanmoins, nous verrons que cette tendance n’empêche pas la permanence de la diversité de

l’offre microfinancière, riche au Sénégal, notamment grâce à la force de ses institutions de

microfinance intermédiaires.

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I. LA MICROFINANCE AU SENEGAL : EMANATION DE

LA MONDIALISATION JUXTAPOSEE AU PRE-

EXISTANT FINANCIER

Dale W. Adam et Delbert A. Fitchett (1994) font l’hypothèse que les systèmes de financement

dans les pays en développement forment « un continuum composé des transactions

financières allant du simple prêt consenti à des parents ou amis, jusqu'aux banques

strictement réglementées par une banque centrale ».

Ce continuum recense les systèmes de financement selon leur degré de formalisation, de la

finance informelle à la finance telle qu'on la pratique dans les PDEM11. Comme le précisent

les deux auteurs, dans de nombreux pays en développement, le centre de ce continuum est une

zone plus ou moins floue qui ne se prête pas à une catégorisation dichotomique.

Pourrait-on appliquer cette théorie à notre objet d’étude, à savoir, les pratiques financières,

dont la microfinance au Sénégal ? On peut remettre en cause l’emploi du terme

« continuum », qui suppose l’acceptation déterministe d’un début et d’une fin, d’une

formalisation évidente des pratiques financières dans les pays industrialisés. Or, ce n’est pas

forcément le cas. Nous pouvons cependant conserver l’idée d’une zone centrale des pratiques

financières plus ou moins floues développée par Dale W. Adam et D.A. Fitchett. L’idée de

centre est en effet judicieuse si on l’admet comme la convergence de plusieurs pratiques

financières vers une nouvelle, émergeant de ces pratiques. De cette hypothèse, nous partons

du postulat qu'au Sénégal tout du moins, le centre de ce « continuum » pourrait être la

microfinance, née de la convergence des pratiques financières préexistantes. Cette proposition

s’inspire de la nature même de la microfinance, qui se présente comme un mode de

financement alternatif entre les pratiques informelles et le système bancaire classique.

La microfinance est en effet née de la volonté politique internationale d'une plus grande

formalisation du financement dans les Pays en Développement (PED). Ce principe est avancé

11 Pays Développés à Économie de Marché

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par les grands bailleurs de fonds dés la fin des années 1980 en s'appuyant sur un nouveau

postulat de l'économie du développement. Le développement a désormais pour objectif

l'intégrité humaine et la réduction de la pauvreté. Dans ce contexte, la microfinance apparaît

comme un moyen de formaliser les pratiques financières, tout en réduisant la pauvreté en

permettant aux plus défavorisés d’accéder à des prêts.

Par ailleurs, si on étudie plus en avant les caractéristiques de la microfinance, elle peut être

comprise comme permettant le passage de relais entre un prêt informel et un prêt formel.

Néanmoins, définir la microfinance comme le centre d’un « continuum » financier au Sénégal

n'en supprime pas pour autant son flou. En effet, la microfinance sénégalaise regroupe

différentes réalités, en fonction de la nature de l’institution proposant des services

microfinanciers (groupement, coopérative, mutuelle) et du contexte local dans lequel

l’institution œuvre (zone urbaine, périurbaine, rurale, prêt individuel ou collectif, préexistant

financier).

Si cette partie insistera sur les pratiques de la microfinance urbaine, l’ensemble des réalités de

la microfinance sénégalaise devra être pris en compte, sous le prisme de l’histoire des

pratiques financières au Sénégal. Leur analyse permettra de déterminer les conditions

d’émergence de la microfinance. Même si certains auteurs parlent de l’explosion du secteur

de la microfinance dans les années 1990 (Lelart, 2008), nous préférerons défendre le postulat

que la microfinance s'est construite de manière évolutive au Sénégal.

Ainsi, aussi bien le préexistant financier que les politiques de développement ont eu une

influence sur l’essor du secteur au Sénégal. Cette dynamique a créé une imbrication de

systèmes, offrant une alternative de financement pour les exclus du système bancaire

classique, mais sans créer pour autant de rupture.

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10

A. Offre et demande de produits financiers au Sénég al avant

les années 1990

La période de décolonisation n'a pas entraîné de restructuration du secteur financier, imposant

le secteur bancaire classique12 comme modèle de financement dans les PED. Les individus ou

groupes sociaux peuvent être acteurs de cette financiarisation croissante dans les pays du Sud,

ou la subir. Cette deuxième option concerne en fait les trois quarts de la population du Sud, et

conduit à un phénomène de marginalisation (JM Servet, 2004). Cela créé une segmentation de

la population entre une minorité offrant les garanties pour accéder aux services financiers

formels (30 % seulement des entreprises sénégalaises ont une patente) et une majorité n'y

ayant pas accès, et subissant les contraintes du secteur financier informel.

1. La structuration d'un secteur bancaire classique au Sénégal

Au moment des Indépendances, un secteur bancaire s'est structuré dans les anciens pays

colonisés, composés de banques commerciales et de banques de développement. Au Sénégal,

l'Indépendance vis à vis de la France a été obtenue le 18 juin 1960. Les banques

commerciales en provenance de l'ancien pays colonisateur ont été les premières à s'implanter

(BNP et Société Générale en 196213). Ces dernières fonctionnaient comme leurs homologues

en Europe, selon le même système de garantie et de recherche de la rentabilité. Les ménages

les plus modestes sont alors exclus de leur logique. Quant aux banques de développement

leur but était de soutenir l'économie nationale avant tout, en finançant de grands projets,

comme la construction d'infrastructures, la croissance industrielle, ou le secteur agricole.

La reforme bancaire de 1975 introduite par la BCEAO a supprimé la distinction faite entre

banques commerciales et banques de développement. Sur le plan réglementaire, des normes

12 Défini en introduction 13 Le Crédit Agricole s'implantera au Sénégal en 1984.

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prudentielles plus strictes ont été imposées aux banques suivant la nature des activités qu'elles

finançaient. Dans ces conditions, les banques ont favorisé les financements d'activités jugées

rentables, négligeant de plus en plus les petites et moyennes entreprises sénégalaises14.

Cette politique s’est creusée dans les années 1980, lorsque les deux systèmes de financements

officiels ont connu une crise importante, que ce soit en Afrique Subsaharienne, en Asie ou en

Amérique Latine. Cette crise s'est manifestée par la faillite de nombreuses anciennes banques

de développement. Sur les sept banques présentes à l'époque en Afrique de l'Ouest (zone

franc), quatre ont fait faillite, au Togo, au Niger, au Bénin et en Côte d'Ivoire. La Banque de

développement au Sénégal connaissait pour sa part de grandes difficultés, et a organisé son

repli vers une clientèle très spécifique : sociétés d'État, import-export, zones et cultures

d'exportation, aménagements hydro-agricoles (Doligez, Gentil, 1996). Le financement des

ménages ou des petites entreprises sénégalaises ne faisait pas partie des priorités des

politiques de développement, l'amélioration des grands équilibres (équilibre monétaire, dette

extérieure, chômage et inflation) restant la préoccupation principale.

Quant aux banques commerciales, elles ont été soumises à une importante réforme suite à

cette crise financière mondiale. La nouvelle structuration du système bancaire s'est en

particulier traduite par la liquidation de huit banques dont cinq du secteur public et trois du

secteur privé. Elle a été accompagnée d'une libéralisation partielle des taux d'intérêt, de

l'allocation du crédit et de la création d'un marché monétaire ayant pour objectif d'encourager

le développement d'un système financier moins administré, plus flexible et plus concurrentiel.

La restructuration de 1989 a été un succès en ce que le système bancaire a été assaini.

Néanmoins, l'essentiel de la clientèle des banques était toujours composé de grandes

entreprises, et aucune démarche spécifique n'était prévue pour le financement des PME

(Petites et Moyennes Entreprises) sénégalaises, de plus en plus délaissées (Harouna Djibo,

2005). Dés lors l’accès au crédit, notamment le crédit rural qualifié de « crédit risqué par

nature » était devenu de plus en plus difficile, particulièrement pour les petits producteurs à la

14 Cf. Annexe 3

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base. En effet, les banques assujetties à des contraintes prudentielles plus fortes, ont réduit

leurs engagements, au détriment des activités agricoles et rurales15.

Parallèlement à l’assainissement des secteurs bancaires classiques, la décennie 80 a vu

évoluer les politiques de crédit dans les pays du Sud, du fait du tarissement des sources de

financement extérieures (en raison de la crise monétaire mondiale). Dans le cadre des

Programmes d'Ajustement Structurel, la priorité est la résorption des grands équilibres

financiers, entraînant le retrait des États des systèmes de crédit, considérés trop coûteux. Une

politique de hausse des taux d'intérêt est appliquée, pour contribuer à l’augmentation de la

part de l'épargne nationale dans le financement des investissements.

Du fait d'une politique des grands équilibres, et de la recherche de rentabilité par les banques

commerciales, la plupart des acteurs économiques sénégalais sont exclus du système bancaire

classique.

15 Source : le Ministère Des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Entrepreneuriat Féminin et de la Microfinance au Sénégal. Etude n°3 du Diagnostic approfondi du secteur de la microfinance et analyse des opportunités d’investissement.

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2. La demande de services financiers : vulnérabilit é et non-dualité

Une majorité de la population sénégalaise est exclue des circuits de financement formel en

raison de la faiblesse et de l'inconstance de ses revenus.

a. Incapacité, vulnérabilité et répression financiè re

J.M. Servet (2004, page 61) parle d'incapacité financière pour expliciter ce fait, intimement

lié à un phénomène d'exclusion bancaire. Une exclusion bancaire se produit quand les

personnes ne peuvent plus vivre normalement dans leur société en raison d'un handicap dans

l'accès à l'usage de certains moyens de paiement et de financement, selon M. Servet. Or, la

structuration du secteur bancaire sénégalais telle qu'elle est décrite succinctement dans la

partie précédente a fortement exclu une grande partie de la population sénégalaise, trop peu

« bankable » et n'offrant pas assez de garanties. En fait, la majorité des ménages sénégalais n'a

pas accès aux services de prêts bancaires classiques en raison de sa vulnérabilité.

Le terme de vulnérabilité est défini par E. Baumann (2003). Elle est corrélée, selon l’auteure,

aux aléas de la vie humaine, aux problèmes liés à l'environnement économique et politique et

aux sinistres naturels de toutes sortes. E. Baumann précise que la vulnérabilité varie fortement

en fonction du milieu d'appartenance, des aires culturelles et du niveau de vie. Elle est

d'autant plus forte que le ménage est pauvre, et a peu ou pas d'épargne pour faire face aux

évènements imprévisibles. Sur le plan financier, la vulnérabilité a pour conséquence des

dépenses imprévisibles. Concernant les dépenses prévisibles, on peut citer celles réalisées

annuellement pas les ménages sénégalais, étroitement liées aux prescriptions de la vie sociale

et de la religion musulmane. Ces dépenses sont difficilement compressibles mais sont prévues

et donc intégrées dans la gestion financière des foyers. Par exemple, chaque famille

sénégalaise considère comme une obligation le fait de tuer un mouton pour la fête de l'Aïd-el-

Kebir. Ainsi, chacune le prévoit dans ses dépenses et fait en sorte d'épargner ou d'emprunter

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14

en conséquence durant toute l'année16. La rentrée scolaire engendre également des dépenses

prévisibles, une fois l'an. Par contre, pour les évènements tels que les catastrophes naturelles,

les décès ou les maladies, l'anticipation des dépenses est très difficile, voire impossible.

C'est pourquoi, pour faire face aux dépenses imprévisibles, les ménages sénégalais les plus

pauvres, exclus du système bancaire formel, ont recours au financement informel.

Dans ce genre de contexte, la théorie de la répression financière est souvent avancée. En règle

générale, la répression financière se réfère aux effets d’exclusion dus à la réglementation

étroite du système financier classique.

Selon J.M Servet (2004, page 165), elle se définit plus précisément par la réunion de trois

conditions :

• Une forte étanchéité entre les organisations informelles et formelles.

• Le taux de participation de la population aux pratiques informelles est inversement proportionnel à leur capacité d'accès aux institutions formelles.

• Les pays dont le système formel est fortement réglementé connaissent un degré de développement des pratiques financières informelles plus élevé que les pays aux institutions moins réglementées.

Au Sénégal, ces conditions ne sont pas remplies, notamment la première, comme nous le

verrons par la suite.

Pourtant, l'inexistence de la répression financière n'empêche pas pour autant l'existence d'un

système financier dual. Qu'en est-il au Sénégal?

b. La non-dualité des pratiques financières

Un système financier dual se caractérise par l’existence de deux grandes familles de pratiques

financières (au Sénégal avant les années 1990, le secteur bancaire classique et le secteur

informel) qui ne se mélangent pas. Des frontières existent entre les pratiques de l’une et celle

de l’autre, empêchant les particuliers et les entreprises d’avoir recours aux deux.

16 Exemple tiré de mon expérience en tant que stagiaire à la Mission Economique de Dakar en 2007.

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Concernant le Sénégal, l'insuffisance des offres des banques commerciales a de tout temps été

avérée. Des prêts de faible volume, à une clientèle ne présentant pas de garanties matérielles,

sont coûteux à gérer (de l'octroi à la récupération) et sont risqués. Les principaux risques sont

les suivants :

• Aléas climatiques et économiques (vulnérabilité).

• Information insuffisante sur l'emprunteur (manque de transparence, non tenue de cahiers de comptabilité par exemple).

Une grande partie des opérateurs économiques et des ménages sénégalais n'ont alors pas

recours aux prêts formels et se tournent vers l'informel.

Cependant, l'inverse n'est pas forcément avéré dans le contexte du préexistant financier à la

microfinance sénégalaise. Des opérateurs économiques disposant de comptes bancaires dans

des institutions réglementées peuvent eux aussi avoir recours aux services informels. C'est ce

que révèle une enquête menée en 1989 (Hane, Gaye, 1994)17. Opérée auprès de 45 PME

tenues par des artisans et commerçants œuvrant dans les principales villes sénégalaises

(Dakar, Thiès, Saint Louis)18, elle met en lumière que la plupart des opérateurs ont des

relations avec les banques (97,8 % dont 57,8 % ont des comptes dans plusieurs banques),

mais ont également recours à l'informel. Cette enquête éclaire donc sur les pratiques

financières poreuses des PME avant les années 90, c'est-à-dire avant l’explosion de la

microfinance. Les PME ayant accès aux prêts bancaires classiques ont également recours aux

services financiers informels. L’enquête recense plusieurs raisons à ce comportement.

Les chefs d'entreprises formulent en effet plusieurs reproches à l'égard des banques

commerciales classiques :

• Des contacts jugés difficiles. Les entrepreneurs pensent que l'on n'accorde pas toute l'attention requise pour comprendre les problèmes des PME.

• Des visites peu fréquentes de la part des gestionnaires des dossiers des PME. Ils se contenteraient de jugement à partir de documents comptables ou de statistiques, ce qui ne satisfait pas les entrepreneurs.

17 Cf. Annexe 4, échantillon des résultats des questionnaires de l’enquête. 18 84% des PME de l’échantillon sont actives dans les domaines du commerce et du transport (artisanat : 7% ; industries de transformation : 9%)

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• L'insuffisance des crédits accordés. Ni leur fractionnement, ni leur forme ne conviendrait aux PME, qui manqueraient de lignes de crédit pour financer l'expansion notamment.

• Des comportements abusifs de la part des banques : rupture de crédit pour des PME en phase d'expansion, diminution unilatérale du montant et des types de crédit à partir d'informations non vérifiées et trop hâtivement exploitées.

• La lenteur avec laquelle les banques répondraient aux sollicitations des PME, leur faisant souvent manquer des opportunités commerciales.

• L'inadaptation des garanties, jugées exorbitantes par la moitié des sujets sondés. Ils estiment que les banques demandent des garanties hypothécaires portant sur des immeubles dont la valeur dépasse très largement (deux à trois fois) le montant des crédits consentis.

• L'obligation d'expertises, financées par les PME, qui coûtent cher et dont les banques ne tiendraient finalement pas compte.

• L'obligation (souvent selon les sondés) des PME de constituer des dépôts importants en garantie d'opérations.

• Le non-respect de la parole donnée de la part de certains interlocuteurs bancaires quand des engagements seraient déjà pris par les chefs d'entreprise sur la base d'accords de principe verbaux.

Ces reproches signalent que les promoteurs de PME au Sénégal percevaient à la fin des

années 1980 le secteur bancaire comme étant incapable de satisfaire pleinement et rapidement

leurs besoins. Selon les PME interrogées, ce serait même les insuffisances du secteur bancaire

qui auraient entraîné la création d'un marché parallèle du financement. C'est pourquoi elles y

ont eu recours.

Outre les entrepreneurs, les ménages sénégalais réaliseraient le même calcul selon J.M. Servet

((2004, page 165). En effet, les ménages qui peuvent sans difficulté avoir accès aux

institutions financières formelles ne sont pas « les acteurs les moins actifs des institutions et

réseaux financiers informels ».

De plus dans les pays à fortes traditions familiales, comme au Sénégal, les solidarités

occupent une place importante. Pour satisfaire leurs besoins financiers, les ménages qui ont

accès aux services bancaires classiques n’arrêtent pas pour autant de s’appuyer sur des

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réseaux différents, au sein desquels ils bénéficient de certains avantages. Ce sont des

protections et des solidarités familiales et de proximité.

Ainsi, tant les ménages que les PME au Sénégal multipliaient, avant l’explosion de la

microfinance, leurs sources de financement.

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3. Les pratiques informelles de financement

Une fois définies les pratiques de financement des PME et d’une minorité de la population qui

a accès aux services bancaires classiques, il convient de détailler les pratiques de financement

utilisées par les ménages exclus de ces services classiques. Elles sont plus communément

qualifiées de « pratiques informelles », Leur non respect aux règles édictées par les

institutions financières classiques et les structures étatiques ne les rend pas moins complexes.

a. Définition de l'informalité financière

L’informalité financière est également qualifiée de finance « non organisée », « non

institutionnelle », « parallèle », ou encore « spontanée » et « instable ». La diversité de ces

adjectifs offre une vision globale des activités de financement informel. Il s'agit de « toutes les

transactions financières (emprunts et dépôts) qui ne sont pas réglementées par une autorité

réglementaire centrale ou par un marché financier central » (Adams et Fitchett, 1994).

Pendant longtemps, les activités du secteur «informel» étaient considérées comme

relativement marginales et cantonnées à des «affaires sociales» : solidarité pour faire face à

des frais de funérailles, de maladie ou de scolarité.

Des travaux ont cependant dénoncé le coût élevé de ce type de financement et « le pouvoir

excessif et monopolistique des emprunteurs informels, souvent qualifiés d'usuriers » (Guérin,

2005).

Des investigations menées au Sénégal en 1991 en zone rurale et en milieu urbain confirment

cette propension (ATOBMS, 1991). La rémunération acquise par les prêteurs est à peine

inférieure à 12% du montant du principal, pour un prêt accordé pour une semaine. Pour un

prêt accordé pour un mois, le taux est de 12,3% en moyenne. Calculés sur l'année, les taux

d'intérêt sont de 29 900 % pour un prêt remboursable au bout d'une semaine (soit quasiment

une multiplication par 30) et de 300 % si on prête pour un mois.

Selon Baumann (1998), la préférence psychologique pour le présent au Sénégal renvoie au

taux d'actualisation des emprunteurs, calculé à partir de considérations personnelles. Le fait de

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disposer d’une somme immédiatement annihilerait le coût de l’accès au financement. En cela,

les pratiques informelles peuvent être perçues comme dangereuses pour l’emprunteur qui

n’anticipe pas sa capacité de remboursement. Ainsi :

«Au Sénégal […], le prix auquel les milieux populaires consentent pour accéder à un prêt ne

correspond qu'exceptionnellement, et toutes proportions gardées, à un prix de marché. Lors

de la détermination du prix de l'argent, des considérations non économiques interviennent

autant, sinon plus que des considérations économiques » (Baumann, 1998)

Entre les lignes de cette citation, une des légitimations explicites de la microfinance depuis sa

création apparaît : il s’agit de formaliser l’accès au crédit pour éviter les dérives et les abus

des prêts informels.

Néanmoins, pour d'autres auteurs, tels que Jean-Michel Servet (2006), il ne faut pas simplifier

la réalité des pratiques de financement informelles : « La croyance populaire voulait que ces

activités ne comprennent que les prêts usuriers ainsi que des crédits à la consommation

négligeables, accordés la plupart du temps à des amis »

Il existe en effet plusieurs systèmes de financement informel, comprenant des degrés de

complexité divers. Comme l'explique J.M. Servet, les pratiques informelles sont susceptibles

d'être complémentaires ou concurrentes des services proposés par les dispositifs

microfinanciers. De plus, nous verrons qu'elles relèvent de comportements sociaux

traditionnels complexes : issues de solidarités traditionnelles, les pratiques informelles

renforcent ou créent d'autres solidarités. Il convient donc de les étudier plus en détail.

b. Exemples de pratiques informelles au Sénégal

Au Sénégal, les systèmes de financement informels, nombreux, se sont développés pour

répondre aux problèmes spécifiques que connaît ce pays. Nous développerons ici les

exemples des associations villageoises d'épargne, des tontines de salariés, mais aussi des

différents types de prêts informels auxquels ont recours les ménages ou les petites entreprises.

Cette liste non exhaustive a notamment été construite grâce aux travaux conjoints de C.

Dupuy et J.M. Servet, (1994).

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L'épargne associative est une forme d'épargne collective, ou solidaire, entre des individus se

reconnaissant d'un même groupe social. Les associations se créent en fonction de critères

d'appartenance particuliers. On trouve par exemple dans le village de Mendior (Casamance),

quatre associations, des hommes, des jeunes non mariés, des musulmans et des femmes du

Boulouf19. L’épargne associative est difficilement détectable car elle est totalement intégrée à

la vie quotidienne ; elle ne nécessite pas de démarche particulière comme se rendre dans une

officine par exemple. Les cotisations versées par les individus dépassent rarement les 10 000

FCFA par an (15 euros environ); elles sont extrêmement fractionnées, et donnent lieu à des

versements journaliers ou hebdomadaires de quelques centimes ou quelques francs. Le plus

souvent, c'est une association villageoise qui récolte, gère et redistribue l'argent pour le

financement d'un projet collectif destiné à augmenter les potentialités économiques du village

(puits, grenier, etc.).

Il existe également de nombreuses tontines au Sénégal, dont le principe répond généralement

au financement d'un besoin individuel. Elles regroupent des réalités très diverses. Elles

peuvent être composées uniquement d'hommes, de femmes ou être mixtes, entre salariés d'un

même bureau ou habitants d'un même quartier. Leur taille diverge, de trois à cinquante

membres, voire beaucoup plus. Les sommes collectées vont de quelques centaines à plusieurs

millions de FCFA20. Les mises des membres peuvent être identiques ou dépendantes du

niveau de revenus de chacun. Leur raison d'être reste pour autant la même : des individus se

réunissent pour mettre en commun régulièrement une partie de leurs économies et récolter à

tour de rôle les sommes ainsi réunies. L'affectation de l'épargne tontinière concerne

d'avantage la consommation que l'investissement21. Elle peut par exemple servir à l'achat de

matières premières pour un artisan, ou de stocks de marchandises pour des petits revendeurs.

Néanmoins, selon l'étude menée par Claude Dupuy et Jean Michel Servet (1994), cette

épargne est souvent destinée «à régler des problèmes», autrement dit à la consommation

privée.

19 Le Boulouf désigne un groupe d'habitants vivant sur la rive droit du fleuve Casamance. Il est peuplé du peuple Bluf Eblufayi en diola (singulier : Abluf) ou Ejugutayi) 20 Pour information, 100 FCFA =15 cents d’Euro ; 1 Million FCFA= 1 527 Euros. 21 Cf. Annexe 5 pour les résultats d’une enquête sur l’utilisation des fonds des tontines.

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D’autres outils informels viennent financer la consommation privée des ménages :

• Les règlements en fin de mois (un moyen pour les commerçants de fidéliser leur clientèle), sont extrêmement développés à Dakar ou Kaolack.

• La vente avec paiement échéancé de biens durables. Le client paye le bien à un prix élevé, et négocie un terme de paiement. Ce système fonctionne dans les magasins où aucun prix n'est affiché ou pour les vendeurs ambulants qui sillonnent surtout les villages et les quartiers périurbains. Des tournées régulières leur permettent de récolter les sommes dues.

• L'opération de vente rachat-immédiat. C'est une forme d'usure cachée, puisque cette dernière, définie comme un prêt monétaire avec intérêt, est fortement condamnée par l'islam. Une personne désirant un prêt de 50 000 FCFA (76 euros environ) se rend chez un commerçant qui lui vend pour 75 000 FCFA (115 euros environ) de marchandise en indiquant au client où il pourra les revendre immédiatement pour obtenir 50 000 FCFA en liquide (la boutique d'un ami ou d'un membre de la famille du commerçant généralement). L'intérêt non officiel est dans ce cas très élevé : 25 000 FCFA (38 euros), soit 50% de la somme désirée.

Les petits entrepreneurs sénégalais vont recourir à ces outils, ainsi qu'à d'autres, comme le

prêt fournisseur ou le prêt d'argent (liste non exhaustive). Dans cette dernière catégorie, on

trouve par exemple les prêts d'argent avec partage des bénéfices. Une fois que le bénéfice à

tirer de l'affaire est connu et présente un intérêt pour le futur prêteur, celui-ci avance les fonds

et suit, tel un associé, l'opération du début à la fin, depuis l'achat de la marchandise jusqu'à la

livraison aux clients et à l'encaissement du prix de vente. Il supervise toutes les dépenses

intermédiaires (les frais de transport, de manutention et de dédouanement, etc.). En général, la

rémunération porte sur la moitié du bénéfice réalisé. Mais il arrive que le contrat porte sur un

montant fixé d'avance à payer par l'emprunteur quel que soit le bénéfice réalisé. Dans le

secteur du commerce de détail et de la pêche artisanale, les partenaires avertis et engagés pour

des opérations renouvelables peuvent aussi décider de partager le bénéfice en trois parties

égales: l'une est destinée au prêteur, la seconde à l'emprunteur et la troisième est remise dans

l'affaire en guise de fonds de roulement ou de provision pour investissement futur (par

exemple achat d'une senne tournante, d'une cantine, etc.) (Hane, Gaye, 1994).

Ainsi se déroulaient les pratiques financières informelles au Sénégal avant l’explosion de la

microfinance.

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4. Pratiques informelles, reflets de solidarités tr aditionnelles

Les pratiques informelles de financement s'appuient sur des solidarités traditionnelles,

d’autant plus fortement au Sénégal que la société entière s’organise autour de réseaux de

solidarité. Parallèlement, on peut souligner que le recours aux pratiques informelles crée

également des solidarités.

Les pratiques informelles de financement et les solidarités traditionnelles s’organisent donc au

sein d’un cercle vertueux, les secondes encourageant les premières, et les premières

pérennisant les secondes.

a. Des pratiques adossées à la proximité et à la co nfiance

L'informalité se base sur la confiance et la proximité des acteurs. En effet, la proximité serait

un préalable essentiel à l'instauration de la confiance, notamment selon les économistes de la

proximité (Pecquer, Zimmermann, 2004).

On parle de proximité institutionnelle, pour définir l'existence de solidarités traditionnelles,

d'une culture commune, qui lie les membres d'une même famille, ou des connaissances. Cette

proximité est corrélée le plus souvent à une proximité géographique. Comme le souligne

Zimmermann (2004), la proximité géographique est une notion qui vient enrichir celle de la

coordination des acteurs économiques (ou proximité organisée).

Ce sont deux thèmes au fondement de l’économie de la proximité. La proximité géographique

se traduit par la distance kilométrique entre deux entités (individus, organisations, villes...),

pondérée par le coût temporel et monétaire de son franchissement, ainsi que par la subjectivité

des individus.

La proximité organisée n’est quant à elle pas d’essence géographique mais relationnelle. Par

proximité organisée, on entend la capacité qu’offre une organisation de faire interagir ses

membres. L’organisation facilite les interactions en son sein, en tous cas, les rend a priori

plus faciles qu’avec des unités situées à l’extérieur de l’organisation.

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La première facilite la seconde selon Zimmerman(2004). Ainsi, la proximité géographique

facilite la coordination, dans la mesure où :

• Elle simplifie la rencontre et donc la mise en relation entre les agents, grâce à proximité institutionnelle.

• Elle peut, lorsque la relation est établie, faciliter l’interaction directe par le recours au face à face.

• Elle est susceptible de compense un défaut ou une insuffisance de proximité de nature non essentiellement géographique (organisationnelle ou institutionnelle).

Une fois cette précision donnée, intéressons-nous à la question de confiance, au cœur des

analyses des systèmes locaux. En favorisant les interactions locales, la confiance participe à

construire un avantage déterminant dans le succès des systèmes locaux. La confiance

faciliterait donc la proximité organisée si on l’applique aux théories de l’économie de

proximité.

Les penseurs de cette école ajoutent que la proximité, cognitive et géographique, produit des

externalités au profit des membres d’un groupe, à travers un effet « club », un processus de

construction d’un dedans par rapport au dehors.

Les pratiques de financement informel au Sénégal répondent à ces trois critères (proximité

géographique, organisée et effet « club »), d’où la pertinence de les étudier sous le prisme de

l’économie de proximité.

Au Sénégal, le niveau de la confiance interpersonnelle est le plus élevé d’Afrique22. 50% des

enquêtés par l’Afrobarometer en 2009 déclare faire « beaucoup » confiance aux autres. De

façon générale, les individus qui sont fortement intégrés dans la société présentent des taux de

confiance interpersonnelle plus élevés. L’enquête révèle également que la confiance semble

augmenter avec l’âge et l’appartenance communautaire.

Cette confiance interpersonnelle s’illustre au Sénégal dans les rapports financiers. Comme

nous l’avons expliqué dans la partie précédente, les caractéristiques du financement informel

22Afrobarometer briefing paper n XX, mai 2009. Baromètre sur le niveau de confiance interpersonnelle. Enquête avec une question “dans quelles mesures faites-vous confiance aux personnes que vous connaissez ? »

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(tontine, épargne solidaire), suppose une confiance entre des individus appartenant à un même

groupe (famille, quartier, communauté, ethnie, etc.), ce qui créé une proximité organisée et un

effet « club ». Les systèmes locaux de financement informel tel que nous les avons définis

précédemment ne pourraient également pas exister sans une proximité géographique et

culturelle, tels que nous les avons définis ci-dessus.

Au Sénégal, la confiance et la proximité sont donc au centre des relations financières

informelles, et permet l'émergence de systèmes endogènes de financement, flexibles, qui

prennent en compte les comportements de chaque acteur de l'interaction.

Le souci de reproduire le système social et de resserrer les liens de solidarité familiaux et

amicaux au nom de la « tradition » seraient un des ciments de cette situation selon E.

Baumann, qui a réalisé une enquête sur la représentation du crédit à Dakar en 1998.

Ainsi, les rapports de confiance et de proximité permettent à la tradition orale de marquer

encore aujourd’hui la vie sociale dans le milieu informel. On se contente de la parole donnée

quand tous les éléments devant susciter la confiance sont réunis. (Hane, Gaye, 2004).

La confiance, favorisée par l’existence de solidarités familiales et amicales fortes au Sénégal,

et la proximité, sont donc les terreaux de la pérennité des systèmes de financement informel.

b. Articulation entre les sphères professionnelle e t familiale

L'informalité qui s'appuie sur des solidarités définit ainsi une articulation très étroite entre la

sphère professionnelle et la sphère privée (Baumann, 2004). Il semble qu’E. Baumann part du

postulat qu’une frontière est toujours érigée entre la gestion de l’activité génératrice de revenu

et celle de la vie quotidienne des ménages. Or, certains ménages notamment en milieu rural,

ne font pas toujours cette distinction. Par exemple, un ménage peut développer une agriculture

de subsistance en revendant le surplus pour dégager revenus. La vie familiale et l’activité

professionnelle sont dans cet exemple étroitement mêlés. Néanmoins, il est intéressant de

développer la théorie d’E. Baumann, qui s’avère pertinente dans la majorité des cas.

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25

L'épargne des ménages constitue un mode de prévention non négligeable et peut prendre la

forme de biens privés (vaisselle, ustensiles de cuisine, tissu). Néanmoins, lorsqu'une activité

professionnelle connait des difficultés, l'épargne des ménages, au lieu d'être réservée à la

consommation familiale, est réorientée pour honorer des commandes de biens intermédiaires

ou de stocks futurs. Ainsi, l'épargne privée constitue également l'épargne professionnelle.

Un autre lien entre la sphère privée et la sphère professionnelle permis par l'informalité est la

diversification horizontale pour se prémunir de chocs. Un commerçant sénégalais, au lieu

d'agrandir sa boutique, va préférer ouvrir d'autres points de vente dans des lieux stratégiques

et les confier à un membre de sa famille, répondant par là, en même temps, aux obligations de

solidarité familiale, très importantes au Sénégal.

Le transfert de vulnérabilité se déploie également vers l'amont et l'aval de l’activité du micro-

entrepreneur informel. Ce dernier va fidéliser ses fournisseurs et sa clientèle, le tout « formant

une grande famille ». Néanmoins, la logique familiale rend délicate la sanction de retards ou

de situations d'insolvabilité.

De même, le transfert de vulnérabilité dans la sphère économique informelle se traduit par une

non-application des normes fiscales, des normes de sécurité routière, d'hygiène publique, etc.

Par exemple, un chauffeur de taxi à son compte va refuser l'entretien et l'assurance de son

véhicule.

Néanmoins, la gestion de la vulnérabilité s'appuyant sur des solidarités traditionnelles et la

non-application des normes est de plus en plus difficile depuis les années 1990, du fait d’une

volonté politique nationale et internationale d’une plus grande formalisation et d’un meilleur

encadrement des activités financières. De nouvelles institutions financières sont donc

nécessaires, un secteur intermédiaire entre les banques et l'informel, qualifié généralement de

financement « semi formel » et qui pourrait s'apparenter à la microfinance.

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B. L'impact du paradigme de la mondialisation sur l ’essor de

la microfinance au Sénégal

Les experts s’accordent à dater l'explosion de la microfinance au Sénégal dans les années

1990. Néanmoins, nous souhaiterions démontrer que :

« Il y a dans la microfinance, comme dans la mondialisation, une certaine continuité,

d’autant plus que certaines institutions de microfinance existaient déjà quand on ne parlait

que de finance informelle. Il en était ainsi des mutuelles ou des coopératives d’épargne et de

crédit qui sont souvent les IMF les plus importantes et qui ont été implantées, en Afrique par

exemple, dès les lendemains de la dernière guerre. Les programmes d’appui en faveur de

certains secteurs, de certains métiers, de certaines populations existent depuis longtemps, tout

comme les ONG qui s’intéressent souvent au crédit » (Lelart 2008).

On pourrait donc remettre en cause l’idée « d’explosion » du secteur de la microfinance au

Sénégal dans les années 1990, qui suppose une apparition soudaine. Au contraire, il

conviendra de démontrer que la microfinance est née de plusieurs inspirations : le précédent

financier au Sénégal que l’on a décrit dans une première partie, mais aussi le paradigme

dominant des politiques de développement dans les années 1980 et 1990. La microfinance

s'inscrit donc dans une dynamique de construction particulière, dans laquelle la

mondialisation n’est pas étrangère.

1. Le paradigme de la mondialisation et du développ ement

La citation de Lelart ci-dessus (2008) peut être appliquée à l’évolution de la microfinance au

Sénégal, ceci dans le but de mettre à jour un lien potentiel entre microfinance et

mondialisation. La mondialisation aurait-elle permis, voire créer l'explosion de la

microfinance? Pour cela, il faut d'abord préciser de quelle mondialisation parle-t-on.

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a. La mondialisation : Histoire et définitions

La mondialisation est le plus souvent envisagée sous le seul angle de la mondialisation

économique, conçue comme le développement accéléré des échanges de biens et de services,

accentuée depuis la fin des années 1980 par la création de marchés financiers au niveau

mondial.

Or, comme l'explicite Brunel (2007)23 et Carroué (2005), la mondialisation est avant tout un

processus, qui a débuté dès le premier siècle après Jésus Christ, en s’organisant autour de

l’empire Romain, dans l’espace méditerranéen. Une seconde mondialisation s'est ensuite mise

en place autour de l’Atlantique, culminante au XIXe siècle. On parle « d'économie-monde»

(F. Braudel, 1979). A cette époque, la diffusion économique est avant tout le fait de l'Europe,

dont les grandes découvertes ont entraîné une colonisation et une exploitation systématique.

Cette diffusion est bien mondiale, puisqu'au XIXe siècle, la colonisation concernait les quatre

cinquièmes des territoires émergés (F. Braudel, 1979).

On pourrait dater la première phase d’expansion de la mondialisation telle que nous la

connaissons aujourd'hui entre 1870 et 1914 (Barrot, 2007), qui a vu l'institutionnalisation

progressive des rapports internationaux et la naissance des premières organisations

internationales. La priorité était donnée à la régulation du commerce international. Après un

coup d’arrêt lié aux grands conflits mondiaux marquant la première moitié du XXe siècle, la

mondialisation a repris ses droits dés les années 1970.

C’est cette dernière phase, qui dure actuellement, qui nous intéresse tout particulièrement

dans ce mémoire. Selon Adda (2006), cette mondialisation, avant tout économique, se serait

instaurée durant la Guerre Froide, comme «l’abolition de l’espace mondial sous l’emprise

d’une généralisation du capitalisme, avec le démantèlement des frontières physiques et

réglementaires».

Plus précisément, les principales caractéristiques de la mondialisation actuelle sont l'explosion

des échanges commerciaux, le rôle prépondérant des firmes multinationales, et avant tout, la

23 Cf. Annexe 6, article de Sylvie Brunel sur la mondialisation

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constitution d'un marché financier international. L'aspect financier est ainsi un élément

primordial de la mondialisation contemporaine, ce qui n'était pas le cas dans les phases

précédentes. Cela s'explique par l'augmentation des échanges sur le plan international, plus

importante que l'augmentation de la production de richesses. Une fois internationalisés, les

échanges financiers ont été dérégulés. On applique communément la règle des «trois D» pour

expliquer ce phénomène :

• Déréglementation dés 1971 : suppression par tous les États de toutes les barrières juridiques aux échanges financiers.

• Désintermédiation : les banques sont remplacées par des marchés boursiers dématérialisés pour organiser les échanges, ce qui permet leur instantanéité.

• Décloisonnement : communication entre les marchés financiers, rapide et continue, grâce aux NTIC.

Cette mondialisation a aussi été permise par l’unification des modèles économiques dans le

monde, dont la fin des années 1980 a été le terreau (C. Grataloup, O. Dolffus et J. Levy,

1998). Le capitalisme s’est ainsi imposé depuis la chute du bloc socialiste et la fin de la

bipolarisation du monde. La libéralisation a depuis été encouragée par des organisations

internationales telles que l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement

Economique) ou l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce).

Paradoxalement, la mondialisation actuelle s'est accompagnée d'un phénomène de

régionalisation dans le monde entier. On parle aussi «d'intégration régionale» qui revêt

plusieurs degrés : la zone de libre échange (suppression des barrières pour les échanges entre

les parties de l'accord), l'union douanière (adoption d'un tarif extérieur commun), le marché

commun (harmonisation des marchés de facteurs) et l'Union Economique et Monétaire

(harmonisation des politiques économiques et monnaie unique). Des unions monétaires

peuvent aussi voir le jour sans l'instauration préalable d'un marché commun. C'est le cas par

exemple de la zone du Franc CFA en Afrique de l'Ouest, à l'origine de l'UEMOA (Union

Economique et Monétaire de l'Ouest Africain). Le secteur de la microfinance au Sénégal s’est

appuyé sur cette régionalisation, ce que nous verrons plus en détail par la suite.

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b. Le paradigme néolibéral de la mondialisation

Le terme de néolibéralisme est aujourd’hui très utilisé, pourtant il n’existe aucun consensus ni

sur sa définition ni sur ses origines. Il s’agit donc ici de s’intéresser à la naissance du néo-

libéralisme pour en comprendre le sens et son rôle dans la mondialisation. Pour ce faire, il

faut se pencher premièrement sur le courant libéral.

Au sens large, le libéralisme prône une société fondée sur la liberté d'expression des individus

dans le respect du droit du pluralisme et du libre échange des idées. Pour les auteurs libéraux

français (Turgot, Condillac, Say), le libéralisme économique est essentiellement l’application

de la philosophie libérale aux actes économiques. L’économie n'est qu'un des domaines de

l'activité humaine où l'État n'a pas de légitimité à intervenir autrement que comme un acteur

économique sans privilèges particuliers, et dans le plus petit nombre de domaines possibles :

la protection des citoyens, l'exécution de la justice et la défense contre d'éventuels agresseurs.

Les économistes libéraux jugent inutile et dangereuse toute intervention supplémentaire,

considérant que l'initiative privée relevant de comportement rationnel et guidée par le marché,

est à même de suppléer avantageusement la plupart des fonctions de l'État. Les libéraux

jugent également que l'extension de la sphère d'intervention de l'État conduirait à une

prégnance immaîtrisable de la sphère publique au détriment de l'initiative privée, et donc à

des inefficacités chroniques, voire à des « dérives totalitaires » (A. de Tocqueville, B.

Constant et J. S. Mill). Adam Smith et l’école classique anglaise prônent également un rôle

très limité de l'État, réduit à trois devoirs : protéger les membres de la société, les défendre,

ériger et entretenir des ouvrages et institutions publiques.

Quant à la signification du mot néolibéralisme, elle a beaucoup varié au cours du temps.

Finalement, s’inscrit-il dans la continuité du libéralisme, en s’adaptant aux contextes

économique et politique du milieu du XVIIIe siècle ou est-il au contraire synonyme de

rupture ? Le débat n’est toujours pas tranché aujourd’hui mais il convient de le développer ici,

afin d’en faire émerger une définition large et consensuelle, tant que faire se peut, du néo-

libéralisme. Cette définition servira ensuite de terreau au développement de notre

argumentation.

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Selon Lippmann, la véritable transition du libéralisme au néo-libéralisme intervient après

1870. Comme A. Smith, Lippmann voit dans le marché, aidé par des institutions adéquates :

« un outil permettant aux hommes d’élaborer un champ de connaissances communes sur

lequel ils peuvent bâtir des solutions de compromis à leurs conflits d’intérêt » (F. U. Clave,

2005).

Néanmoins, selon Lippmann, le laisser-faire lui-même aurait causé le déclin du libéralisme ; il

rejoint en ce point l’analyse Keynésienne datant de 193124. Pour les deux penseurs, le laissez-

faire repose sur la croyance en une bienveillance universelle, ce qui conduit à un dualisme fort

entre le domaine étatique régi par les lois des hommes et le domaine économique fondé par

des lois naturelles, et donc à une inefficacité. Il en découlera une nouvelle conception du

libéralisme, à l’origine des politiques keynésienne où l’éthique et les politiques économiques

étatiques priment dans la recherche du bien commun.

Par opposition, le néolibéralisme défend l’autre part du dualisme. La politique et l’économie

sont deux sphères autonomes et indépendantes, la deuxième primant sur la première (E.

Mulot, 2002). La politique serait alors un obstacle aux comportements économiques, les seuls

à même d’assurer le bien commun et la coordination des rapports interpersonnels dans une

société. Les échecs des politiques keynésiennes dans les années 70 ont permis de donner un

nouveau souffle aux théories néolibérales, qui ont triomphé depuis dans le monde entier, en

défendant l'efficacité absolue du marché tout en remettant au goût du jour les théories de la

« main invisible » développée par Smith. C’est dans ce contexte que les politiques

économiques encouragent la dérégulation et la déréglementation se sont développées (G.

Dostaler, 2000).

Pour conclure sur ce débat, on retiendra que le néolibéralisme s’est inspiré des théories

libérales en les appliquant à toutes les sphères de la société, dans une conception extrême de

l’efficacité du marché et de la rationalité des individus. Il se caractérise ainsi par :

• une limitation du rôle de l'État en matière économique, sociale et juridique;

• l'ouverture de nouveaux domaines d'activité à la loi du marché;

24 La fin du laisser faire, Keynes

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• une vision de l'individu en tant que "entrepreneur de lui-même" ou "capital humain" que celui-ci parviendra à développer et à faire fructifier s'il sait s'adapter, innover.

La mondialisation se trouve aujourd’hui sans paradigme concurrent suffisamment fort pour

contester le marché en tant que croyance universelle et principe organisateur (Guérin, Servet,

2003). Le néolibéralisme est donc le paradigme dominant aujourd'hui, et conduit la

mondialisation.

c. Influence sur les politiques de développement

Dans les années 1980, la crise de la dette touche les pays en développement, en commençant

par l'Amérique Latine, puis en s'étendant sur tous les continents. Les institutions

multilatérales prônent alors des «stratégies de développement favorables au marché», selon le

paradigme économique dominant chez les bailleurs de fond. «La mondialisation et le marché

veulent tout imprégner», notamment grâce aux institutions financières internationales telles

que la Banque Mondiale ou le FMI (Stieglitz, 2002). Dans ces conditions, il paraît opportun

de comprendre comment le thème de la lutte contre la pauvreté (développé dés les années

1930) s'est greffé à la logique mercantile des grandes institutions internationales dans les

années 1980.

i. Intégration de la lutte contre la pauvreté dans le discours des

bailleurs

Dés les années 1930, le développement était intimement lié à l'idée de croissance. Il faudra

attendre les années 1960 pour que se développe une approche orthodoxe du développement

consistant à reproduire mimétiquement le modèle d’industrialisation capitaliste, dont les

États-Unis représentaient l’exemple. Cette tendance s’est notamment traduite par la définition

de programmes de développement standardisés, très semblables les uns aux autres, et suivant

tous le même modèle d’accumulation du capital et le même schéma linéaire des «étapes de la

croissance économique» développées par Rostow en 1960 (Alexei Jones, 2005). Les

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institutions de Bretton Woods devinrent les promotrices de cette approche du développement.

Dans ce contexte, la pauvreté était considérée comme un faible accès aux biens de

consommation du fait d'un manque de revenu. La croissance économique devait permettre à

elle seule d'augmenter le revenu par habitant et ainsi de réduire la pauvreté dans son acception

économique.

Au Sénégal plus particulièrement, le premier plan de développement standardisé est mis en

place en 1979. Il s’agit du premier «Plan d’Ajustement Structurel» (PAS)25. Des politiques

néolibérales sont instaurées, privilégiant la stabilisation dans un premier temps, puis

l'ajustement. Le PAS privilégie ainsi « des dispositions législatives favorisant l'initiative

économique, le fonctionnement du marché et les investissements étrangers propices au

développement, permettant entre autres l'ajustement spontané des agents économiques à la

situation locale et à l'environnement mondial »26.

Ces précisions correspondent bien aux composants de la théorie néolibérale précisés dans la

partie précédente.

Sur le plan des finances publiques, il s’agit d’éliminer progressivement le déficit en

comprimant les dépenses telles que la masse salariale, en vue de dégager une épargne

publique pouvant financer les investissements.

Le document-cadre de politique économique et financière soumis au Groupe consultatif pour

le Sénégal en décembre 1986 marque une rupture dans l’approche de cet ajustement. En effet,

le programme d’ajustement à moyen et long terme 1985-1991, appelé à maintenir les acquis

obtenus dans la réduction de la demande, a été centré sur la promotion des exportations et la

mise en œuvre des politiques sectorielles. C’est à ce titre qu‘ont été adoptées les Nouvelles

Politiques Industrielles (NPI) en juillet 1986, le désengagement de l’État dans les activités

marchandes en 1987 ainsi qu’une nouvelle approche en matière d’investissements. Aussi, le

25 Un programme d’ajustement structurel est un programme de réformes économiques mis en place par le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale (BM) afin d’aider les pays touchés par de grandes difficultés économiques. Certaines dispositions de ces plans agissent sur la conjoncture et d'autres sur les structures. Leur élaboration résulte d'une négociation entre un pays endetté et le FMI. Les crédits pour la mise en place du’ programme sont débloqués par tranches successives à mesure de son avancement. 26 Cf. le rapport annuel du FMI, 1980

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système des incitations industrielles a été révisé afin de rendre le secteur plus compétitif sur

les marchés intérieurs et extérieurs.

Néanmoins, l'échec de ce modèle dans les années 80 (Sachs parlera dès 1979 de «croissance

perverse» impulsée par le modèle de développement traditionnel dans les PED) a entraîné une

crise de légitimité des politiques des grands bailleurs internationaux.

C’est dans ce contexte qu’a été érigé le discours de lutte contre la pauvreté comme corolaire

aux politiques de développement. Cette apparition coïncide aussi avec l’affaiblissement du

bloc socialiste dans le contexte de la Guerre froide et avec l’imposition de l’économie

néolibérale capitaliste, ouvrant la nouvelle ère de la mondialisation dés le début des années 90

(cf. la partie précédente). L’intégration de lutte contre la pauvreté dans les politiques de

développement pourrait alors être perçue comme un outil de légitimation du modèle de

l’économie néolibérale mondialisée (G. Van Parys, 2005).

Par ailleurs, l’apparition de la pauvreté dans les discours de développement est également liée

aux travaux d’Amartya Sen datant des années 198027. Il interpelle les décideurs politiques

concernant l’impact de la pauvreté sur la capacité des individus à être libres et à faire des

choix. Dans cette idée, A. Sen privilégie les réformes sociales de même que des améliorations

dans l’éducation et la santé publique, en tant que corolaires indispensables à une croissance

économique pérenne et profitable à tous. La pauvreté n’est plus seulement définie en termes

économiques ; ses incidences sur le capital social sont progressivement prises en compte.

Ces travaux ont fortement influencé les politiques de développement. Ainsi, la lutte contre la

pauvreté, dans le nouveau projet international, s’érige en pendant social, facteur de droits et

de liberté, rendu possible grâce à la mondialisation économique. Fidèle à cette dynamique, la

devise de la Banque Mondiale devient : « Notre rêve est un monde sans pauvreté ».

Dans cette optique, outre les politiques de caractère standard autour du rétablissement des

équilibres macro-économiques et financiers internes et externes, des mesures plus

27 Lire à ce sujet : Collective Choice and Social Welfare (1970), On Economic Inequality (1973, 1997), Poverty and Famines (1981), Choice, Welfare and Measurement (1982).

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contextualisées et localisées se sont imposées dans les années 1990 et 2000. Ces outils sont

venus porter une logique d’amélioration des capacités mais aussi de bonne gouvernance.

ii. La promotion de la décentralisation pour une « bonne

gouvernance »

La prise de conscience de l'échec des politiques de développement mises en place dans les

années 1980, trouve également une explication dans la marginalisation des populations, non

intégrées à l’effort de développement standard. Elle est donc suivie de l'émergence de la

notion de participation.

Les Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) mis en place en 1999 ont ainsi

innové par rapport au PAS, dans le contenu et dans la conception des programmes

macroéconomiques. L'action contre la pauvreté s'y dessine notamment en termes d'une

réflexion et d'une action collective « largement » ouvertes à la participation de la société

civile. En se concentrant sur l’accumulation de capital et sur la construction d’infrastructures,

les interventions de développement avaient en effet largement ignoré les populations et le rôle

qu’elles pouvaient et devaient jouer dans leur propre processus de développement (Alexei

Jones, 2005).

"Un rapport d'évaluation externe indique que les trois quarts des PAS échouent. Le FMI lui-

même reconnaît que cet échec peut s'expliquer entre autres par le fait que ces programmes ne

sont pas menés par la population elle-même »28

Une série d’études commanditées par la Banque mondiale ont finalement rapporté les

bienfaits que la participation était susceptible d’apporter dans l’efficacité et la réussite des

projets de développement, comme en témoigne par exemple une étude de 1975 portant sur

une cinquantaine de projets de développement rural en Afrique29. La participation populaire y

28 Ronald Janssen, in Bretton Woods contre syndicats, Labor Magazine, 200114(cité dans Notre rêve : un monde sans pauvreté, Isabelle Antal-Kapamadjian). 29 « Local participation may mean involvement in planning, including assessment of local needs. Even if local people do not participate in planning, at the very minimum, they should be informed of the plans designed for their areas if they are expected to consent and to cooperate in program implementation », Lele, U. J., The Design of Rural Development: Lessons from Africa, Johns Hopkins Press, 1975.

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fut identifiée comme un élément crucial pour obtenir l’adhésion des populations et leur

coopération dans le déroulement du projet.

Le terme de gouvernance, conçue comme un mouvement de « décentrement » de la prise de

décision, avec une multiplication des lieux et des acteurs impliqués dans cette décision, dont

la société civile, entre alors dans les discours du développement. Le terme renvoie à la mise

en place de nouveaux modes de régulation plus souples, fondés sur le partenariat entre

différents acteurs.

Cette nouvelle notion peut néanmoins être considérée comme un nouvel outil

« économique ». En effet, pour certains chercheurs, l’essor du terme de gouvernance vient

renforcer le tournant néolibéral des années 1980, en participant à la décomposition de l’État.

Par exemple, pour Jean-Christophe Mathias (2009) :

« Le glissement du gouvernement à la gouvernance démontre que l'on est passé d'une

civilisation de la souveraineté populaire incarnée dans la loi républicaine, garante de

l'intérêt général, à une société pragmatiste, particulariste et utilitariste, garante d'intérêts

économiques singuliers, dans laquelle la notion de bien commun n'a plus de place véritable ».

Dans ce cadre, la décentralisation apparaît comme un corollaire nécessaire à la mise en place

d’une « bonne gouvernance ». C’est en tout cas le parti pris de la Banque Mondiale, qui

considère que la gouvernance en Afrique n’est bonne que si elle est locale, c’est-à-dire au plus

près des populations devant être administrées. La « gouvernance » telle que définie par les

bailleurs doit ainsi laisser le plus de place possible à la participation démocratique de la

société civile.

Au Sénégal, la politique de décentralisation est d’abord hésitante. Tout en reconnaissant des

entités décentralisées dés son Indépendance, le Sénégal peine à relâcher significativement le

contrôle de l'État central sur les centres locaux de décision (Piveteau, 2005). Il faudra attendre

1996 pour assister à un véritable renforcement de la décentralisation avec l'instauration d’un

contrôle de légalité a posteriori pour les collectivités locales et la création de dix régions. La

prise en compte de la participation de la population civile s’inscrira aussi dans les années

2000 à travers les politiques de croissance en faveur des pauvres, qui mettront l’accent sur la

participation des populations, notamment des organisations de la société civile, dans la mise

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en œuvre de la politique de réduction de la pauvreté en favorisant des stratégies d'intervention

au niveaux régional et local, plus proches des populations30.

Ainsi la mondialisation, avant tout économique aujourd’hui, s’exprime dans les politiques de

développement par une empreinte néolibérale caractéristique dés les années 1980. Celle-ci se

traduit par une prise en compte croissante de l’individu et de ses capacités, dans une optique

de lutte contre la pauvreté et de bonne gouvernance.

30 Selon l’Unité de Coordination et de Suivi de la Politique Economique (UCSPE) du Ministère de l'Economie et des Finances (MEF) du Sénégal, http://www.dsrp-senegal.org/strategies.htm#croissance

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2. La microfinance : outil du paradigme économique mondial au Sénégal

Il est possible de rendre plus explicite les notions de mondialisation et de référentiel

néolibéral à la lumière de la microfinance. En effet, cette dernière peut se concevoir comme

une émanation de la mondialisation, concentrant les grandes caractéristiques du paradigme

néolibéral conduisant la mondialisation et les politiques de développement.

a. La « vibration » du marché pour lutter contre l a pauvreté

L’explosion de la microfinance, notamment au Sénégal, peut perçue liée à la mondialisation,

comme une illustration des nouvelles préoccupations économiques déterminées au niveau

mondial dans les années 1980 et 1990.

La microfinance telle qu’elle a explosé à cette époque serait alors un élément concurrentiel

essentiel, «la vibration du marché» offerte aux plus pauvres. La microfinance est en effet

souvent présentée comme un outil de lutte contre la pauvreté, correspondant ainsi aux

préceptes des politiques de développement s’appuyant sur le marché dés la fin des années 80.

Plus précisément, la microfinance serait la réponse aux échecs des PAS, et correspondrait à la

redéfinition des moyens mis en place par les bailleurs qui ont comme objectif dans les années

90 la lutte contre la pauvreté. En effet, plusieurs organismes et agences ont progressivement

réalisé et reconnu que la marginalisation des populations était une des principales faiblesses

de leurs interventions de développement. Diverses études31 ont contribué à cette prise de

conscience selon laquelle l’exclusion des bénéficiaires dans le déroulement des projets de

développement, et notamment de développement rural, avait été à l’origine de l’échec de

nombreux projets. La microfinance, définie comme l’offre de services financiers aux exclus

du système financier classique, promeut le micro-entrepreneuriat32 ; en cela, elle est venue

répondre à cette prise de conscience, en instaurant au centre de la création de richesse,

31 Alexei Jones cite : Uphoff N., « Fitting projects to people », 1985 ; Talagune A.B., A Study of Operational Aspects of the Change Agent Programme, Slida, 1985 ; Johnston B.F. & Clark C.C., Redesigning Rural Development: A Strategic Perspective, John Hopkins University Press, 1982, etc. 32 Projet nécessitant un très faible capital pour créer une micro-entreprise.

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l'individu lui-même. La microfinance vient offrir une compensation au manque de capacités

d’investissement des personnes ayant peu de moyens.

La mise en place des Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP)33 au début

des années 2000, comme nouveau cadre de lutte contre la pauvreté dans les PED, confirme

l'importance de l'outil de la microfinance. Au Sénégal, la microfinance est un indicateur pris

en compte par le DSRP dés sa mise en place en 2003. Le DSRP II instauré en 2006 confirme

le rôle de « la vibration du marché » comme un «secteur d'appui à la création de richesse

pour lutter contre la pauvreté»34.

Du point de vue de Lelart, la mondialisation, son référentiel et la crise qu'elle a suscitée dans

les années 80, ont donc entraîné l'essor d'un nouveau mode de financement, appartenant à la

logique de marché, mais présenté comme alternatif. « Il y a cette fois une véritable rupture,

que l’on peut situer autour de 1995, quand le concept de microfinance est apparu dans la

littérature. Les raisons en sont bien connues : c’est surtout l’échec des politiques de

développement, la prise de conscience de la pauvreté et le succès confirmé de l’innovation

maintenant bien connue de M. Yunus. A partir de cette date la microfinance a vraiment elle

aussi explosé » (2006).

Or, on s’aperçoit qu’au Sénégal, la microfinance a effectivement explosé à cette période, dans

les années 1990, sous la forme de plusieurs modèles. Le portail de la microfinance

sénégalaise35 date l’émergence du système tel qu’on l’on connaît aujourd’hui et la mise en

place du cadre juridique entre 1993 et 1997. Au cours de cette période a été adopté un

dispositif transitoire relatif à l’organisation, aux conditions d’agrément et de fonctionnement

des structures mutualistes d’épargne et de crédit (Arrêté n°1702 du 23/02/1993). Ce texte a pu

favoriser l’agrément de 120 institutions.

33 Cf. Annexe 7, sur la fiche technique des DSRP élaborée par le FMI 34 In : http://www.dsrp-senegal.org/contenu.htm 35 http://senegal.portailmicrofinance.org/portail_senegal

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39

b. La microfinance comme soutien à la mondialisatio n

Outre que la microfinance consacre la domination du marché, elle illustre également deux

autres phénomènes propres à la mondialisation et au référentiel néolibéral : le désengagement

de l'État et la régionalisation.

Ainsi, la microfinance peut être perçue comme un acteur subsidiaire de l'État dans la lutte

contre la pauvreté. C'est du moins le postulat défendu par Guérin et Servet (2003). La

microfinance serait un mode de subsidiarité de l'action publique, caractéristique du nouveau

visage actuel de l'État, ni Gendarme, ni Providence, mais «l'État qui fait faire».

E. Hoffman et K. Marius-Gnanou (2007) rejoignent cette idée :

« Et si le financement de programmes de microcrédit au profit essentiellement de groupes

pauvres […] était organisé dans le but de ne pas remettre en cause le désengagement de

l’État en matière de services publics ? »

La microfinance, en faisant croire que tout actif potentiel, notamment les individus les plus

pauvres et les plus vulnérables peuvent être entrepreneurs ou créer leur emploi, favorise de la

sorte le processus de mondialisation néolibérale. La microfinance participerait ainsi à la

dynamique de la mondialisation en devenant une forme de subsidiarité de l’action publique,

mais une subsidiarité inefficace et insuffisante face aux besoins pratiques et stratégiques

toujours grandissants comme corollaire de ce processus.

La subsidiarité se fait par le bas (la décentralisation), et par le haut (les organisations

internationales).

i. Une subsidiarité par le haut

La microfinance au Sénégal illustre bien la dynamique de subsidiarité par le haut défendue ci

dessus puisque la réglementation des services microfinanciers a été adoptée au niveau de

l'intégration régionale.

L'UEMOA est une intégration régionale d'ordre financier, qui a été créée par le Traité signé à

Dakar le 10 janvier 1994 par les Chefs d’État et de Gouvernement des sept pays de l’Afrique

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de l’Ouest ayant en commun l’usage d’une monnaie commune, le FCFA36. L'objectif

principal de l'Union est le renforcement de la compétitivité des activités économiques et

financières des États membres dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un

environnement juridique rationalisé et harmonisé. L'UEMOA, à ce titre, règlemente les

activités financières et bancaires, en votant des lois-cadres, s'appliquant ensuite dans chaque

pays membres. La BCEAO (Banque Centrale des États d'Afrique de l'Ouest) est l'organe

chargé de l'harmonisation des politiques monétaires et de l'émission de monnaie.

L'UEMOA est ainsi le cadre de la loi-cadre PARMEC ou « Projet d’Appui à la

Réglementation des Mutuelles d’Épargne et de Crédit ».

Les principaux objectifs de cette loi sont :

• la protection des déposants,

• la sécurité des opérations,

• la recherche d'autonomie financière des Systèmes Financiers Décentralisés,

• l'intégration de la finance informelle dans le cadre légal.

ii. Une subsidiarité par le bas

La subsidiarité s'exprimerait aussi selon Servet et Guérin par un transfert via les mouvements

de type associatif :

«A la place d’un développement directement impulsé par les gouvernements des États-

nations, dans la logique de ce que l’on a appelé l’interventionnisme keynésien, se diffuse la

croyance que l’intérêt privé est à même de répondre aux besoins collectifs de la société. Les

organisations dites non gouvernementales, et leur poids dans la diffusion des dispositifs de

microfinance est considérable, sont dès lors un vecteur essentiel de cette pseudo privatisation

des actions publiques » (2003)

36 Il s'agissait du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo. En 1997, la Guinée-Bissau est devenue le 8e membre de l'union.

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41

Dans le cadre de l'État qui fait faire, le gouvernement sénégalais a effectivement impulsé et

financé des politiques de développement du secteur associatif visant la création d'entreprises

et le développement du secteur de la microfinance. En cela, la microfinance fait résonnance à

la dynamique de décentrement de la prise de décision voulue dans le cadre de l’instauration

d’une bonne gouvernance. La population locale aurait, grâce à la microfinance, les moyens

d’être actrice de son propre développement, en marge des mesures étatiques.

Des institutions sénégalaises chargées d’encourager ces dynamiques sont progressivement

créées. Un Ministère dédié aux PME a été créé en 2001. Il est à l'origine de la mise en place

du Fonds National de Promotion de l'Entrepreneuriat Féminin (FNPEF). Son rôle est de

renforcer le pouvoir économique des femmes par l'entrepreneuriat37. Nous pouvons aussi

parler de l’ADEPME, Agence de développement et d’encadrement des PME. Sa mission est

de participer à la densification du réseau des PME au Sénégal et de contribuer à augmenter

leur compétitivité pour qu’elles puissent participer au développement économique et social du

pays.

De plus, pour laisser une marge d'action aux ONG en microfinance, l'État sénégalais a mis en

place un dispositif spécifique. La convention-cadre adoptée le 3 juillet 1996 par le Conseil des

Ministres de l’UEMOA fixe les conditions d’exercice et les modalités de reconnaissance des

structures ou organisations non constituées sous formes mutualiste ou coopérative et ayant

pour objet la collecte de l’épargne et/ou l’octroi de crédit. Il s'agit en général de projets

montés par des ONG. La convention est signée pour une durée maximale de cinq ans,

renouvelable.

Par l'entremise de ces mécanismes, l'État sénégalais donne les moyens à la microfinance

d'augmenter le tissu entrepreneurial dans le pays. La microfinance peut en conséquence être

perçue actuellement au Sénégal comme un outil de la mondialisation et du marché, dans une

logique de désengagement de l’Etat.

37 Créé en 2004, le fonds a financé depuis lors 733 PME, pour un montant total de 1,92 Mds FCFA. Cela a permis de créer ou de consolider 1 826 emplois sur la période. 290 personnes ont également bénéficié du programme de renforcement des capacités. Les dernières données disponibles sur le site internet du fonds datent de 2007. Cf. http://www.pme.gouv.sn/fnpef.htm

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C. Juxtaposition de la microfinance au préexistant financier

Actuellement au Sénégal, trois systèmes de financement existent et coexistent : la finance

informelle, qui perdure ; la microfinance, parfois qualifiée de système «semi-formel»; le

système bancaire classique. Outre l’influence de la mondialisation, la microfinance s'est

nourrie des deux autres pour exister. C'est pourquoi on privilégiera une approche de l'essor de

la microfinance dans la continuité, en parlant d'imbrication de la microfinance aux systèmes

de financement préexistants.

1. La dynamique actuelle de la finance informelle e t des banques

classiques

Le secteur bancaire classique a continué de se développer au Sénégal depuis les années 1990.

L’implantation de nouvelles banques, et l’adaptation des politiques bancaires ont permis au

système classique de se déployer au Sénégal. Néanmoins, la constante inadaptation du crédit

bancaire classique à une frange importante de la population (dont les entreprises informelles,

représentant encore 70% du tissu entrepreneurial sénégalais), a confirmé l’importance de la

finance informelle, malgré l’essor de la microfinance comme alternative.

a. Un constat : l'inadaptation du crédit bancaire

Compte tenu de la faiblesse de la clientèle potentielle dans une région (et donc du manque de

rentabilité supposée), et de l’insuffisance d'infrastructures, de nombreux espaces ont une très

faible densité d'établissements bancaires. Ainsi, le Sénégal compte 1,5 guichets pour 100 000

habitants, surtout concentrés à Dakar ou dans les grandes villes telles que Saint Louis, Thiès,

Kaolack et Ziguinchor38. Cette faiblesse de l'offre bancaire entraîne la permanence du recours

38 Source : http://www.finances.gouv.sn/PrintableVersion.php?Module=page_rubrique&Id=23

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à la finance informelle, notamment en zone rurale où le taux de bancarisation est le plus

faible.

D'autres critères peuvent expliquer la constance de l'informel également en zone urbaine.

Selon E. Baumann (1998), outre la précarité de la vie matérielle (objectif de court terme), le

souci de reproduire le système social et de resserrer les liens familiaux et amicaux au nom de

la "tradition", joue un rôle central dans l'omniprésence de dettes et de créances (objectif de

long terme), comme on l’a évoqué précédemment39.

Ce point de vue est confirmée par Microcred S.A.40, qui a mené une étude de marché en 2006

afin d’évaluer les besoins en microcrédit des entrepreneurs sénégalais. Cette enquête montre

que la majorité des petits entrepreneurs n’a jamais fait de demande de crédit auprès d’une

banque ou d’un organisme de microfinance, et que la principale source de financement à

laquelle ils font appel reste le soutien des proches (amis et famille). Les entrepreneurs sont

pourtant relativement au courant de l’existence des sources de financement que représentent

les banques ou les IMF. Pour autant, ils jugent que les produits offerts ne sont pas en

adéquation avec leurs besoins et leurs possibilités.

L'incompréhension avec les banques découle notamment d'une préférence prononcée pour le

présent au Sénégal. Le petit entrepreneuriat sénégalais privilégie lui aussi le présent, en raison

des difficultés à se projeter dans l'avenir. Les causes sont multiples : maîtrise insuffisante des

techniques comptables, confusion fréquente entre fonds de roulement et budget familial,

inexistence de réserves susceptibles d'être affectées au remplacement de l'équipement

technique, précarité juridique quant à l'installation, absence d'appareil statistique approprié au

marché de la petite entreprise, etc. (Baumann, 1998). Il faut néanmoins faire attention à ne

pas généraliser ce constat. Les arguments avancés par E. Baumann datent d’une dizaine

d’années. Aujourd’hui au Sénégal, une partie des petits entrepreneurs, notamment ceux

évoluant dans l’informel, ont acquis des techniques et outils de gestion, via l’informatisation

notamment. Des documents comptables peuvent également être utilisés dans les entreprises

39 Cf. pp. 27 à 29 40 Microcred, IMF française, a démarré son activité au Sénégal en Octobre 2007, après avoir réalisé une étude de marché en Juillet 2006 qui a été mise à la disposition de la Mission Economique de l'Ambassade de France (dans laquelle j'ai effectué un stage en 2007).

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informelles, ce qui laisse entendre une prise en compte du moyen-terme. Car, rappelons-le,

lar, rappelons-le, l’informalité concernant la plupart des petits entrepreneurs sénégalais, ne

signifie pas immanquablement un manque de gestion ou l’absence de comptabilité, mais la

non inscription aux registres du commerce.

b. Le choix de la finance informelle

Si la finance informelle perdure tant, c’est parce qu’elle résout des problèmes non (ou mal)

pris en compte par la plupart des systèmes financiers formels.

i. Les avantages comparatifs de la finance informelle

Selon Adams (1994), la finance informelle présente six avantages indéniables

comparativement aux systèmes de financement formels :

• Les types de services rendus : les dépôts et prêts de petits montants sur une courte durée représentent la majorité des transactions informelles, services rarement offerts par le formel.

• Un système fondé sur la discipline : les procédures organisées découlant de l'informel conduisent à des comportements disciplinés qui rassurent. La recherche de la solvabilité est partagée par le débiteur et le créditeur, à travers le partage de mêmes codes culturels.

• L'épargne : l'informel proposerait des systèmes de dépôts plus séduisants que le formel.

• La réciprocité : les services financiers informels sont donc plus accessibles

• Les innovations financières : la finance informelle s'adapte rapidement à des conditions variables telles que l'inflation, la prospérité, etc. Elle offre donc souplesse et flexibilité.

• Faiblesse des coûts de transaction, aussi bien pour l'intermédiaire financier que pour ses clients.

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ii. L'insuffisance de l'offre de crédit

Le recours à la finance informelle ne s'explique pas seulement par ses avantages comparatifs.

La microfinance et le secteur bancaire traditionnel représentent une offre trop faible par

rapport à une demande en crédit croissante.

Au Sénégal, on estime que les PME représentent 90% du tissu économique. Leur demande

potentielle de crédit a atteint 186 milliards FCFA en 2005. Le Ministère des PME, de

l'Entrepreneuriat Féminin et de la Microfinance a estimé les données suivantes pour la période

2005-201041 :

La demande potentielle de crédit devrait passer, sur la période 2005-2010, de 204 milliards

de FCFA à 524 milliards soit une augmentation de 61%.

Or, fin 2007, le volume de crédit distribué par les IMF au Sénégal représentait 100 Mds

FCFA (contre 86 Mds en 2006). Les banques se sont engagées quant à elles à hauteur de

201 ,8 Mds FCFA envers les PME cette même année42. Il restait donc un « trou » de près de

223 Mds à combler d’ici 2010, ce qui n’a sûrement pas été réalisé43.

Concernant les ménages, Le taux de bancarisation au Sénégal reste faible, à 11,6%, ce qui

place le Sénégal au second rang dans la zone UEMOA, derrière le Togo.

Les ménages et entreprises sénégalaise continuent ainsi de se tournent logiquement vers la

finance informelle pour combler leur besoin de financement.

iii. Une question de survie

Par ailleurs, I. Guérin (2005) souligne le paradoxe entre la constance du financement informel

et ses risques pourtant conséquents pour les usagers (décapitalisation, servitude,

41En considérant les données de base suivantes : la population totale en 2005 (11,6 M, source : Banque Mondiale), le taux de croissance annuel de la population (2%, source : BM), les données statistiques des IMF au 31 décembre 2003 (source : MEF du Sénégal). 42 In Etude sur l’offre et la demande de financement des PME au Sénégal, 30 septembre 2009. 43 Aucune donnée financière précise ne vient confirmer cette hypothèse.

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surendettement). L'auteure s'appuie sur l'exemple du système de l'avance en Inde, néanmoins,

une partie de sa réflexion peut s'appliquer au cas sénégalais, qui connaît des pratiques

informelles de financement similaires44. Rappelons-le, la majorité de la population

sénégalaise est exclue du système de financement classique, et une grande partie de cette

majorité ne peut prétendre à un microcrédit, qui nécessite en général l'existence d'une activité

génératrice de revenus, de cautions et de garanties. Or, outre le financement d'activités ou de

micro-entreprises, le recours à l'informel est aussi destiné à la consommation immédiate

comme on l'a vu dans la partie précédente. Il est donc, pour les ménages les plus pauvres, une

évidence, une obligation, pour répondre à des besoins prioritaires. En effet, les modes

informels de financement sont avant tout utilisés, notamment dans le rapport client-

commerçant, pour des dépenses quotidiennes (alimentation, santé) lorsque les revenus des

ménages sont tels qu'ils ne couvrent pas les besoins primaires. Le recours à l’informel répond

donc aussi à une question de survie.

c. La croissance continue du secteur bancaire class ique

En parallèle des pratiques informelles et de la microfinance, le secteur bancaire a tout de

même réussi à croître au Sénégal. En 2010, son système bancaire classique compte 18

banques et 3 établissements financiers.

Ses récents résultats attestent de sa bonne santé, et ceci malgré la méfiance sans cesse

réaffirmée des PME à l’égard des institutions de financement, jugées peu accessibles45. Les

crédits à la clientèle ont progressé de 16,4 % en 2008, contre 5,9 % en 2007. Les crédits à

court terme (FCFA 732 milliards) ont augmenté de 18,4 % par rapport à 2007, et ont

principalement concerné le commerce et les industries manufacturières. Les crédits à moyen

terme (FCFA 579 milliards) ont progressé de 12,9 % et ceux à long terme (FCFA 74

milliards) de 14,2 %, bénéficiant principalement aux services à la collectivité et au commerce.

44 Cf. pp 24-26 45 In Etude sur l’offre et la demande de financement des PME au Sénégal, 30 septembre 2009.

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47

Les crédits distribués au Sénégal en 2008 représentent 27,1% des crédits distribués dans la

zone UEMOA46.

Le secteur bancaire est donc actif et attractif, ce qui explique les implantations de cinq

nouveaux groupes entre 2004 et 2006 : la Banque Régionale de Solidarité (BRS - Sénégal), la

Banque des Institutions Mutualistes d’Afrique de l’Ouest (BIMAO), créée par la

Confédération des Caisses Mutualistes d’Afrique de l’Ouest, Attijariwafa Bank Sénégal, une

filiale de Attijariwafa Bank Maroc, la Banque Atlantique Sénégal, une filiale de Atlantic

Financial Group, et l'International Commercial Bank Sénégal. En 2009, le groupe nigérian

UBA a également ouvert une filiale au Sénégal.

Ces nouvelles entités portent le nombre total de banques en activité à 17 en 2009. Ces chiffres

font du secteur bancaire sénégalais le plus étoffé d’Afrique de l’Ouest après le Mali.

La crise économique mondiale débutée en 2008 a néanmoins ralenti la dynamique du secteur

bancaire sénégalais, comme celui de l'ensemble de la zone UEMOA. Les dépôts dans la zone

ont diminué de 100 milliards de FCFA au mois d'août 2009 (comparativement au mois d'août

2008), dont une baisse de 50 milliards pour les banques sénégalaises. Parallèlement, le dernier

rapport Doing Business avancées pour le Sénégal indique un recul dans le domaine de l’accès

au crédit (149ème place en 2009 contre 141 en 2008).

46 cf. rapport annuel BCEAO, 2008, page 27. Cf. Annexe 8. Le rapport 2009 n’a pas encore été mis en ligne, d’où la caducité relative des données présentées.

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2. L'essor de la microfinance dans la continuité d u préexistant financier

La microfinance ne s'est pas structurée en remplacement des pratiques de financement

informel au Sénégal. Outre les avantages comparatifs de l'informel, la constance de l’offre

informelle s'explique avant tout par une réalité numéraire. Les besoins en financement au

Sénégal sont tels que l’offre de microfinance s’avère bien souvent largement insuffisante pour

satisfaire les exclus du système bancaire classique. La microfinance vient donc s’implanter au

côté de l’offre informelle et classique, pour présenter une alternative en termes de

financement.

a. L'explosion de la microfinance sénégalaise

i. Une croissance exponentielle

En 2009, la microfinance représentait déjà une clientèle de plus d'un million d'individus au

Sénégal et 840 IMF.

Le cadre institutionnel régissant le secteur de la Microfinance définit la typologie suivante :

• Les MEC (Mutuelle d'épargne et de crédit) sont reconnues par la loi PARMEC et peuvent s'organiser en réseau. En 2007, 9 réseaux de MEC étaient en activité au Sénégal. Les MEC de base hors réseaux fonctionnent aussi avec un agrément.

• Les GEC (groupement d'épargne et de crédit). Ils représentent 80% des IMF. Ce sont des organisations informelles, non régies par la loi, qui fonctionnent sur le modèle mutualiste. Elles ne détiennent pas de personnalité juridique c'est-à-dire pas d’agrément mais une « reconnaissance ».

• Les 5 signataires de la Convention Cadre à l’été 200747 : les institutions de microfinance qui ne sont pas de type mutualiste (type ONG ou projets) signent une convention-cadre avec le gouvernement, renouvelable tous les 5 ans.

47 La convention-cadre adoptée le 3 juillet 1996 par le Conseil des Ministres de l’UMOA fixe les conditions d’exercice et les modalités de reconnaissance des structures ou organisations non constituées sous forme mutualiste ou coopérative et ayant pour objet la collecte de l’épargne et/ou l’octroi de crédit. Elle détermine

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49

Les GEC, bien que majoritaires, représentent moins de 5% des crédits et des dépôts48. Ils

fonctionnaient pour la plupart avant la structuration du secteur de la microfinance au Sénégal,

et leur rôle est à ce titre reconnu par l'État sénégalais. Les trois réseaux de MEC dominant le

marché sont les suivants : Alliance de Crédit et d’Epargne pour la Production (ACEP) ; Crédit

Mutuel Sénégal (CMS) ; Union des Mutuelles du Partenariat pour la Mobilisation de

l’Epargne et le Crédit au Sénégal (UM-PAMECAS). Ils représentaient en 2007 plus de 80%

de l’encours de crédit soit près de 88 milliards FCFA d'encours de crédit (contre 65 Mds en

2005).

Viennent ensuite les quatre réseaux suivants :

• Réseau des Caisses d’Epargne et de Crédit des Femmes de Dakar (RECEC / FD) ;

• Réseau des Mutuelles d’Epargne et de Crédit de l’Unacois (REMECU) ;

• Union des Mutuelles d’Epargne et de Crédit (UMEC) ;

• Union des Mutuelles d’Epargne et de Crédit de l’Unacois (UMECU).

ii. Une structuration dans la continuité du passé financier

sénégalais

Les IMF sénégalaises sont présentes à 63% (en termes d'emplacement des agences) dans les

zones rurales et périurbaines. 37% des IMF sont implantées en zone urbaine au Sénégal. Ces

chiffres doivent être nuancés, car si les GEC, petites structures hors réseaux, sont par nature

présentes en nombre en zones rurales, cela représente peu de volume de crédits et de clientèle.

Les réseaux dominants sont par contre avant tout implantés en zones périurbaines et urbaines.

Aucun chiffre précis n'est avancé à ce sujet.

En effet, les zones rurales et reculées présentent de nombreux inconvénients à l'implantation

d'IMF, comme l'a démontré une étude du laboratoire d'études Cerise (1999). Tout d'abord la

faible densité de la population dans ces zones supposerait que l'IMF doive toucher plusieurs

également les règles de leur fonctionnement et les modalités de leur contrôle. La convention est signée pour une durée maximale de cinq ans renouvelable. 48 Les GEC et les MEC représentaient 2.3% des dépôts et 4.4% des crédits en 2003,

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villages pour atteindre une masse critique de clients. Or, les villages sont souvent éloignés de

plusieurs kilomètres et les voies d'accès en mauvais état. D'autre part, les revenus des

habitants en zones rurales sont souvent plus faibles et plus précaires qu'en zones urbaines ou

périurbaines. Ce sont en effet avant tout des régions de cultures vivrières et la majorité des

productions se destinent à l'autoconsommation des familles. Les aléas climatiques rendent

précaires les revenus. Enfin, les infrastructures de base telles que le téléphone ou l'électricité

sont quasiment absentes des zones rurales (14,2% d'électrification en zone rurale en 2005,

contre 74,1% en zone urbaine ; les prévisions tournent autour d’un taux d’électrification

rurale de l’ordre 16 % pour l’année 2006)49. Plus de 10 ans après l’étude de CERISE, la

situation n'encourage toujours pas les IMF sénégalaises à s'implanter en milieu rural, où l'on

trouve finalement surtout de la finance semi formelle (GEC) et des projets microfinanciers

localisés soutenus par des ONG, destinés à soutenir les secteurs agricole et piscicole.

b. La législation, un encadrement croissant

i. Légiférer un secteur en pleine expansion

La législation concernant la microfinance est apparue dans les années 1990, pour encadrer un

secteur en pleine explosion. La tutelle de la BCEAO s'applique depuis à la microfinance, par

l'entremise de la loi PARMEC (1995, décret d’application de novembre 1997 au Sénégal). La

BCEAO a deux principales compétences en la matière : l'intervention (appui aux réseaux,

conventions, etc.) et l'information. Au Sénégal, la BCEAO assure la tutelle du secteur en

compagnie de la Cellule Microfinance (AT/CPEC) du Ministère de l'Économie et des

Finances (MEF). Un Ministère en charge de la Microfinance et de la Coopération

décentralisée a été créé en 2002. Mêler ces deux activités (microfinance et coopération

décentralisée) rejoint l’idée que la microfinance est perçue comme un outil du désengagement

des structures étatiques nationales, en participant à la subsidiarité des Etats.

La Direction de la Microfinance au sein de ce Ministère a quatre objectifs :

49 Source : Ministère chargée de l'énergie, http://www.sie-energie.gouv.sn/spip.php?article37

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51

• Le renforcement du maillage des SFD.

• Le renforcement des capacités techniques et managériales des acteurs du secteur et de la Direction de la Microfinance.

• Le développement de la communication et du partenariat entre les acteurs, et le renforcement des capacités d’intervention du secteur l’institution.

• La mise en œuvre de la Politique sectorielle de la micro finance et de son Plan d’Actions.

ii. Faire évoluer la législation face à l'évolution du secteur

Depuis 2001 et afin de prendre en compte les mutations sectorielles et les nouveaux enjeux, la

BCEAO a travaillé en concertation avec différents acteurs sur la refonte de la loi PARMEC,

donnant naissance à une nouvelle loi votée par le conseil des ministres de l’UEMOA en 2009

et en attente de ratification et promulgation au sein des huit États de l’Union.

Cette nouvelle loi a pour objectifs premiers l’assainissement du secteur et son renforcement

par :

• La suppression des GEC.

• Faciliter les rapprochements entre mutuelles pour favoriser les synergies et donner naissance à des entités plus viables.

• Toutes les IMF devront être affiliées à leur association professionnelle nationale.

• L’extension du champ d’application de la loi en vigueur aux autres formes juridiques (sociétés et associations).

• Obligation aux IMF d’une certaine taille de faire certifier leurs comptes.

• Optimisation des règles prudentielles.

Cette réforme s'inscrit dans la logique des objectifs attendus pour les IMF actuellement, à

savoir atteindre la pérennité. Nous développerons ce point plus en deçà dans ce mémoire.

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c. La microfinance, entre rupture et continuité

La microfinance est la plus active et la mieux encadrée dans les pays où les pratiques

informelles restent les plus développées (Afrique de l'Ouest, Amérique du Sud, Inde). On peut

lire dans ce constat un lien fort entre pratiques informelles et microfinance, les unes ayant

inspiré l'autre et inversement.

i. Les pratiques informelles comme source d’inspiration de la

microfinance

Le terreau des pratiques financières informelles a permis l'émergence rapide de la

microfinance et sa pérennisation. Le langage financier de la microfinance proposant une

alternative à l'usure pour les exclus du système bancaire traditionnel a séduit un grand nombre

de petits opérateurs économiques. L'expérience acquise des prêts informels peut être

considérée comme précurseur d'un prêt dans une IMF. Comme on l'a vu plus haut, Adams

(1994) met à jour la discipline issue de la pratique financière informelle50. Cette discipline a

pu donner confiance aux opérateurs économiques mais aussi aux IMF, pour la construction de

nouvelles relations financières. Les IMF s'appuient également sur des discours de proximité et

de confiance, issus de l'observation des pratiques financières traditionnelles, ce qui rassure la

nouvelle clientèle. Elle se différencie en cela des banques par leur implantation dans les zones

rurales et périurbaines mais aussi par le rôle clé de leurs agents de crédit. En microfinance, les

agents de crédit démarchent les clients dans la rue. Si l'opérateur économique donne son

accord tacite, les agents se rendent ensuite au domicile ou au lieu de travail du futur client

pour évaluer sa solvabilité. Les documents comptables, lorsqu'ils existent, sont pris en compte

mais également des entretiens avec la famille, le voisinage, etc. Une fois le prêt accordé,

l'agent de crédit effectue un suivi rapproché et fréquent par le biais de visites pour renforcer la

« culture » de remboursement. Ainsi, la microfinance s'appuie sur les fondements du

financement informel pour réduire le risque de non-remboursement. Cela produit un effet

vertueux pour la clientèle, qui reconnaît en l'agent de crédit une personne digne de confiance,

intégrant son cercle.

50 Cf. page 49

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53

ii. La microfinance influence les pratiques informelles

En renversant le point de vue, on peut envisager l'influence de la microfinance sur les

pratiques informelles. Comme le souligne Adams, les pratiques informelles sont flexibles et

souples. En cela, elles peuvent s’imprégner d’influences diverses, dont les plus

contemporaines. Selon ce postulat, Adams avance l’hypothèse que les pratiques informelles

de financement se sont progressivement imprégnées des logiques de marché occidentales, qui

conduisent également aujourd'hui les politiques de microfinance dans le monde. C’est cette

théorie qui sert de structure à notre étude.

Les GEC au Sénégal pourraient être notre illustration de l'inspiration mutuelle entre

microfinance et pratiques informelles. Leur reconnaissance par l'État au moment de la

structuration d'un secteur de la microfinance dans les années 1990 peut être interprétée

comme le poids de la tradition et la prise de conscience de l'importance de ces structures

informelles pour le recours au financement d'une grande partie de la population. Leur

disparition prévue par la nouvelle législation pourrait, au contraire, annoncer l'imprégnation

de la microfinance par les logiques mercantiles. Néanmoins, la disparition des GEC est un

symbole fort, et peut aussi laisser présager d'une volonté de rupture avec le passé de la part

des acteurs de la microfinance dans la zone UEMOA.

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54

Transition

Ainsi, la microfinance a explosé dans les années 1990, en venant « bouleverser » les

techniques de financements classiques des opérateurs économiques alors en place : le crédit

bancaire ou les techniques de financement informelles. Ce bouleversement tient plus de la

mise en place d'un triangle financier proposant des solutions complémentaires, que de la mise

en place d'une véritable concurrence. En effet, aussi bien le secteur bancaire que le secteur

informel sont toujours florissants. Il faudra néanmoins attendre encore quelques mois avant de

pouvoir mesurer les effets de la crise économique mondiale de 2009 sur le jeu des différents

acteurs de la finance au Sénégal, qu'ils soient bancaires, microfinanciers ou informels.

La microfinance, outil de lutte contre la pauvreté, s'est appuyée sur le préexistant financier

mais n'aurait pu connaître un tel essor sans son inscription dans le paradigme de la

mondialisation : le néolibéralisme. L'outil du marché pour lutter contre la pauvreté s'inscrit

donc bien dans la mondialisation, par une inscription idéologique. Il répond en effet à

plusieurs recommandations inspirées de la mondialisation : marché, entrepreneuriat,

décentralisation, émergence d'une société civile.

La microfinance ne doit pas alors se définir seulement comme l'accès aux produits financiers

pour les personnes exclues des systèmes bancaires traditionnels, mais comme un produit

financier «formalisé», s'appuyant sur les expériences d'anciens systèmes de financement

décentralisés, et « encadrés » pour les personnes exclues des systèmes bancaires traditionnels.

Une fois cette constatation faite, il convient d'étudier l'emprise actuelle de l'international sur la

microfinance. On développera ici le postulat que la microfinance reste aujourd'hui « pilotée »

par l'international, en en analysant les conséquences.

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55

II. LA MICROFINANCE AU SENEGAL PILOTEE PAR

L'INTERNATIONAL : VERS L'UNIFORMISATION DE

L’OFFRE ?

Comme on l’a vu dans la partie précédente, les bailleurs de fonds, et à travers eux la

mondialisation, ont contribué à la définition de la microfinance au Sénégal. Ils y contribuent

toujours. C’est pourquoi l’on parlera d’une microfinance «pilotée par l’international», inspirée

d’une logique microfinancière descendante (top down), des institutions et organisations

internationales aux IMF sénégalaises.

«Au risque de choquer il nous paraît donc possible, sur la base de la mondialisation, de

confronter la microfinance au Coca Cola ou aux hamburgers Macdonald. On donne à voir la

microfinance à travers des groupes locaux de base, qui cherchent à s'en sortir par eux-

mêmes, et l'on présente plus rarement l'insertion très forte de la microfinance dans les

réseaux». (Servet, 2005)

Les dispositifs de microfinance sont en effet de plus en plus étudiés à l’échelle mondiale. Ce

sont alors des supports de flux techniques, d’informations et de capitaux qui relient des

instances et des institutions diverses. Au-delà des bailleurs de fonds et des ONG, on trouve

également l’intervention de fondations et groupes de pression institués, des gouvernements

locaux, nationaux et fédéraux et des institutions de coopération bilatérales et multilatérales

(Guérin et Servet, 2003)51.

Selon ces deux auteurs, les dispositifs de la microfinance s’inscrivent alors pleinement dans le

processus de la mondialisation. On parlera subséquemment de dimension «globale» de la

microfinance, autrement dit, de son inscription dans le processus de globalisation, grâce à son

intégration dans des «réseaux internationaux». On pourrait en citer plusieurs, sur lesquels il

conviendra de revenir dans le développement de cette partie : multinationales, organisations

de solidarité internationale, institutions financières internationales, etc.

51 Cf. Annexe 9, extrait de l’article.

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56

On peut supposer que cette dimension globale apparaît d’autant plus fortement dans les pays

où la microfinance est très développée. Le Sénégal en est une illustration puisque le secteur de

la microfinance y est le plus avancé d'Afrique de l’Ouest, comme nous le détaillerons ci-

dessous.

Finalement, l’inscription de la microfinance dans la mondialisation contribue à une définition

singulière du système microfinancier sénégalais. De fait, aujourd’hui, la microfinance

sénégalaise se détermine en fonction des marchés financiers internationaux, privés et publics.

On peut se demander quels impacts cette intégration aux marchés peut-elle avoir sur la

définition de la microfinance sénégalaise. Les conditions du marché, de rentabilité et de

durabilité, n’entraineraient-elles pas en effet l’émergence d’un modèle «satisfaisant» unique,

d’institution de microfinance au Sénégal ?

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57

A. La microfinance au Sénégal: un secteur dynamique intégré

dans la sous-région

La microfinance au Sénégal est l’une des plus avancées en Afrique de l’Ouest, en termes

d’actifs mais aussi en termes de clients. Sa croissance stable durant la dernière décennie

rassure et attire même les investisseurs étrangers. Ainsi, les bailleurs et les acteurs locaux ont

fait de la microfinance au Sénégal une des destinations les plus prisées des investissements

des partenaires microfinanciers étrangers.

1. Les indicateurs de la microfinance au Sénégal

Les bons résultats microfinance sénégalaise peuvent s’analyse en termes de volume de crédits

mais également en termes de clientèle. Pour caractériser la dynamique de ce secteur au

Sénégal, il conviendra également de développer une analyse comparative avec les autres

membres de la zone UEMOA et avec le continent africain en général.

a. Par rapport à la zone UEMOA

Pour une analyse comparative, les dernières données publiées par la BCEAO datent de juin

200652.

Tableau 1: Principaux indicateurs des SFD en UEMOA, juin 2006

SFD Membres/clients Dépôts* Crédits*

Bénin 684 246 39 732,8 71 623,8

Burkina Faso 626 054 36 178,1 28 867,0

Côte d’Ivoire 709 498 64 685,7 22 974,2

52 Cf. Annexe 10 pour plus d’informations sur la microfinance en Afrique de l’Ouest.

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58

Guinée Bissau 9 325 177,7 174,1

Mali 637 748 35 533,2 35 126,3

Niger 94 547 3 661,9 4 670,1

Sénégal 740 950 69 844,1 80 856,8

Togo 296 000 30 722,7 22 472,1

Zone UEMOA 3 688 185 280 536,5 266 494,5

Statistiques communiquées par 100 institutions, réalisant 90% des transactions du secteur * encours, en millions de FCFA (indexé sur l’euro, 1 EUR = 655957 FCFA ) ** PAR à 31 jours. Source : BCEAO

Le tableau 1 ci-dessus illustre le poids du secteur de la microfinance sénégalais dans la zone

UEMOA puisqu’il représente, dans l’échantillon donné :

• 20, 1% des membres et clients de la zone UEMOA,

• 24,9% des encours de dépôt au 30 juin 2006,

• 30,3% des encours de crédit à la même date.

En 2006, c’est donc au Sénégal que la microfinance est la plus développée, comparativement

au reste de la zone UEMOA. Viennent ensuite le Mali, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso53.

Au 31 décembre 2008, la prédominance du Sénégal se confirme toujours, comme l’atteste les

données croisées de la BCEAO sur l’UEMOA et du MixMarket sur le Sénégal.

Selon le rapport 2008 de la BCEAO, le nombre de bénéficiaire des systèmes financiers

décentralisés aurait atteint 9,3 millions dans la zone UEMOA. Les dépôts des IMF s’y sont

accrus de 14,3%, pour se situer à 459,2 milliards de FCFA, tandis que les encours de crédits

ont progressé de 16,4%, pour ressortir à 441,8 milliards de FCFA.

MixMarket a pour sa part publié les données suivantes concernant le Sénégal :

53 Source : statistique de la BCEAO, www.bceao.net

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59

Tableau 2 : indicateurs de la microfinance au Sénégal, décembre 2008, MixMarket54

Indicateurs Données MixMarket Conversion des données

Encours de crédit 261,6 M USD 133,5 Mds FCFA

Nombre d’emprunteurs 218 660

946 443 clients

Nombre d’épargnants 727 783

Epargne 199,9 M USD 101,8 Mds FCFA

Encore une fois, le Sénégal est à la pointe de la microfinance en Afrique de l’Ouest puisqu’il

y représente environ 11% des clients (en baisse par rapport à 2006) mais encore 29,1% de

l’encours de crédit. La prédominance sénégalaise en Afrique de l’Ouest s’est donc confirmée

au cours des années, grâce à une croissance forte et régulière de son secteur microfinancier.

Plus récemment, la croissance d'actifs au Sénégal est tombée en deçà de la moyenne de la

zone UEMOA (22, 5% en 2008 contre 32% en 2006) 55. Ceci s’explique par le fait que le

Sénégal a été l’un des pays précurseurs dans la mise en place de la microfinance en Afrique

de l’Ouest. La forte croissance des actifs dans la zone UEMOA or Sénégal présentée en 2007

s’explique par l’explosion tardive du secteur au Niger et en Guinée-Bissau notamment56.

b. Par rapport au continent africain

Le rapport sur la microfinance en Afrique publié par le CGAP en 2008 met en lumière les

résultats du secteur par zone géographique, et leur évolution entre 2006 et 2007.

54 Source : http://www.mixmarket.org/fr/mfi/country/Senegal 55 Source: Microfinance Information Exchange, Inc., 2007 Benchmarks. Les résultats sont les médianes des échantillons 2006 et 2007 (26 IMF). Echantillon sénégalais en 2007 : ACEP Sénégal, CMS, DJOMEC, MEC FEPRODES, PAMECAS, U-IMCEC, UMECU, Caurie SARL 56 Source : statistiques de la BCEAO, www.bceao.net

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60

Il permet donc de comparer les résultats du Sénégal plus largement avec d'autres pays

d'Afrique.

Tout d'abord, la stabilité de la microfinance en Afrique de l'Ouest peut être mise en évidence

par rapport au reste du continent africain.

Dans le tableau ci-dessous, la clientèle des IMF d'Afrique de l'Ouest et leur portefeuille de

prêts représentent respectivement près d'un quart et 30% de la clientèle et du portefeuille de

prêts au niveau africain.

Les niveaux de croissance plus faible que les moyennes au niveau continental s'expliquent par

un taux de pénétration plus important en Afrique de l'Ouest.

Tableau 3 : Microfinance en Afrique en volume, par sous-région

Source: Africa Microfinance Analysis and Benchmarking Report, 2008. Echantillon : 111 IMF africaines

Le Sénégal est présenté comme le 3ème pays africain en termes de taux de pénétration de

l'activité de crédit. Il se classe derrière le Kenya (2,6%) et l'Éthiopie (2,0%). Le Sénégal est

également 3ème en termes de taux de pénétration de l'activité d'épargne (5%), derrière le

Kenya (9%) et le Togo (6%). Autrement dit, le rapport entre la demande sénégalaise réelle en

microcrédit et la demande potentielle est le plus important au Sénégal.

Notons que dans le classement des pays africains en termes de taux de pénétration, quatre des

dix premiers appartiennent à la zone UEMOA : le Sénégal, mais aussi le Togo, le Mali et le

Burkina-Faso.

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61

Ainsi, la microfinance est très dynamique au Sénégal, mais également stable. En effet, la

stabilité politique et économique du pays, ainsi que la forte densité du tissu micro-

entrepreneurial et la relative faiblesse du taux de pénétration, laissent présager une croissance

durable et encadrée du secteur à moyen terme. C’est d’ailleurs sur la base de ces arguments

que Microcred, IMF française, s’est implantée au Sénégal en 2007 :

« M. Tissot qui est, par ailleurs, responsable de Microcred pour les pays francophone a

expliqué le choix [du Sénégal] par sa stabilité politique et économique et la densité des

micro-entreprises qui constituent la principale cible de la nouvelle structure initiée par

PlaNet Finance »57

Le MPMEEFMF lui-même souligne les bienfaits pour la microfinance de la situation

particulière du Sénégal en Afrique de l’Ouest, qui

« jouit d’une réelle stabilité dans une région en proie à des turbulences politiques entravant

le développement économique régional »58.

57Extrait de l’article MICROFINANCE : Microcred choisit le Sénégal pour sa stabilité, http://www.lesoleil.sn/article.php3?id_article=32429 58 Extrait de la « Lettre de politique sectorielle en Microfinance, plan d’action 2005-2010 »

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62

2. Des opportunités de financement pour les parten aires extérieurs

La microfinance au Sénégal, de part sa solidité et sa stabilité, attire les financements

extérieurs. Le secteur en a besoin pour financer sa croissance.

a. Un secteur en besoin de financements

Pour les IMF africaines autorisées à collecter l'épargne, la part relative de l'épargne dans leur

structure de financement est très importante : 63% pour les Banques, 52% pour les

coopératives (dont l’ACEP au Sénégal) et 40% pour les institutions financières non

bancaires59. Au Sénégal, la loi PARMEC a jusqu’ici favorisé les IMF de types mutualistes

principalement en les exonérant d’impôt sur les bénéfices mais aussi en les autorisant à

collecter l’épargne de leurs clients. Cette spécificité propre à ce secteur vient modeler des

caractéristiques uniques : en médiane, 70% du portefeuille brut de prêts est financé par cette

collecte d’épargne. La réforme de la loi PARMEC étendant ce champ d’application aux autres

formes juridiques (sociétés et associations), l’épargne devrait devenir la première source de

financement des IMF en Afrique de l’Ouest à moyen terme.

Néanmoins, actuellement, les IMF ne sont pas encore parvenues à l’autonomie financière

avec un taux d’autosuffisance financière de 95,8% en 200860. La limitation légale de

plafonnement à 27% du taux d’intérêt ne permet pas à certaines IMF en besoin de

financement plus important de financer convenablement leurs activités.

Le Sénégal est aussi le seul pays de la zone UEMOA à montrer un rendement positif en 2008

même si il est en baisse passant de 2,5% à 1,4 % par rapport à 2007. La faible augmentation

des produits financiers n’a en effet pas permis de couvrir les surplus de charges

d’exploitation, conséquence du développement des activités (ouvertures de nouvelles caisses,

embauche de personnel, formations).

59 Source : http://www.lamicrofinance.org/content/article/detail/18581 60 In « Benchmarking et Analyse du Secteur de la Microfinance en Zone UEMOA 2008 », MIX, page 8

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63

C’est pourquoi les IMF en Afrique de l’Ouest, et notamment au Sénégal, se tournent de plus

en plus vers des fonds issus de partenaires privés ou publics, commerciaux et/ou

internationaux.

80 % de ces fonds dans la zone UEMOA proviennent des institutions suivantes 61:

• 43% du système bancaire privé (banques commerciales),

• 23% par les institutions financières de développement,

• 15% par les banques publiques.

Les 20 % restants sont issus principalement des catégories « ONG/fondation » et «

gouvernement ». Les fonds d’investissements, axés essentiellement sur des investissements en

fonds propres, ne représentent que 1% des fonds extérieurs dans la zone UEMOA. Cette

répartition, et notamment la faible part des dons, s’explique par la prédominance des IMF de

type mutualiste qui ne peuvent accepter que des fonds sous forme de prêts (rappel : les

mutuelles représentent 90% des encours au Sénégal).

b. Un secteur « sain »

Le secteur de la microfinance au Sénégal est sain dans la mesure où il est stable comme on l’a

vu précédemment, tout en affichant de bons résultats en termes de couverture de risques et de

rentabilité.

En 2007, l'Afrique de l'Ouest est la seule région où la médiane des IMF faisant partie de

l'échantillon du benchmark du MixMarket atteint la rentabilité. Cela s'explique en grande

partie par la diminution des dépenses d'exploitation62, principalement en raison de la

diminution des dépenses de personnel, relativement à l’augmentation de la productivité. En

effet, la productivité du personnel a augmenté dans le même temps : un agent de crédit des

IMF échantillonnées gère 251 clients en 2007 contre 209 en 2006.

61 Idem, page 5. 62 Les principales charges d’exploitation sont communément la consommation de matières premières, les consommations externes (transport, énergie, publicité...), les frais de personnels, les impôts et les taxes.

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64

Malgré toutes ces avancées, la qualité du portefeuille reste généralement faible dans la zone.

Elle est évaluée à partir de la proportion de risque de non paiement à 30 jours à partir de la

date officielle de paiement des mensualités (PAR63 à 30 jours).

22% des IMF annoncent un PAR à 30 jours supérieurs à 10%64. Parmi elles, trois IMF de

l'échantillon annoncent un PAR à 30 jours supérieur à 20 % et un grand nombre subit ce

même PAR à plus de 50%.

Les IMF présentant une faible qualité de portefeuille dans la zone sont pour la majorité des

coopératives et des banques en milieu rural, étant les institutions les plus exposées aux

variations de revenus (revenus agricoles face aux aléas climatiques).

Au sein de ces résultats, le Sénégal se distingue nettement par la qualité de son portefeuille. Il

représente en effet le risque le plus bas de la zone UEMOA, loin derrière la médiane de

l'Afrique de l'Ouest. Ce résultat en fait une des cibles majeures des sources extérieures de

financement.

Tableau 4 : Qualité du portefeuille des SFD en UEMOA, juin 200665

SFD Bénin

Burkina-

Faso

Côte-

d’Ivoire

Guinée-

Bissau Mali Niger Sénégal Togo UEMOA

PAR à

30j. 8,87% 8,28% 9,47% 11,21% 6,01% 14,25% 4,38% 5,12% 6,90%

Le Sénégal est également le seul à montrer un rendement positif, même si il est en baisse,

passant de 2,5% à 1,4 % (-1,1% dans la zone). Ceci s’explique en partie par la faible

augmentation des produits financiers, qui ne permet pas de couvrir les surplus de charges

63 PAR = ratio du portefeuille à risque 64 10% des prêts subissent un retard de remboursement des mensualités de plus de 30 jours. 65 Cf. Annexe 10

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65

d’exploitation, conséquence du développement des activités (ouvertures de nouvelles caisses,

embauche de personnel, formations)66.

De plus, sur l'ensemble du continent africain, seul sept pays possèdent un service

d'Intelligence Financière67. Le Sénégal en fait partie (avec l'Afrique du Sud, la Mauritanie, le

Gabon, le Cameroun, le Niger, et le Nigeria).

Ce développement s’appuie sur les critères retenus généralement par les agences de notations

et les rapports de Benchmarking. Par exemple, le Benchmark de MixMarket sur la

microfinance en zone UEMOA en 2008 ne s’arrête aucunement sur la corruption ou la

qualité de la formation du personnel sénégalais.

Or, au Sénégal, l’ADEPME pointe elle-même du doigt certaines faiblesses de la microfinance

au Sénégal, qui viennent impacter négativement la bonne santé du secteur68 :

• La faible régulation des IMF. La régulation et la supervision des IMF, du fait de l’accroissement de leur nombre, sont de plus en plus difficiles pour la BCEAO et les Gouvernements.

• Le manque de transparence. Les multiples initiatives du secteur donnent une impression d’opacité. Les initiatives pour publier de l’information existent, mais le secteur reste mal connu.

• L’accès à la formation et à l’information. Les IMF ont besoin de personnel qualifié ; or les formations en microfinance sont rares. Les occasions d’échange d’expérience sont peu nombreuses, et les réussites et les échecs des uns et des autres ne sont pas connus.

Malgré ces faiblesses, le secteur sénégalais, se reposant sur 30 ans d’expérience et une

formalisation importante, attire ainsi de plus en plus de partenaires financiers extérieurs. Il

s’appuie pour cela sur de bons résultats financiers mais aussi sur le soutien de la coopération

internationale.

66 In « Benchmarking et Analyse du Secteur de la Microfinance en Zone UEMOA 2008 », MIX, page 7. 67 En anglais : Financial Intelligence Unit (FIU). 68 Source : page de présentation du secteur de la microfinance sénégalaise par le site de l’ADEPME : http://senegal-entreprises.net/secteur-financier.htm#faible

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66

B. Le rôle évolutif de la coopération international e

Comme on l'a vu dans la première partie, les bailleurs de fond ont construit et alimentent

actuellement le postulat de la microfinance comme outil de lutte efficace contre la pauvreté,

qui doit avant tout être un outil pérenne. Leurs financements ont ainsi été progressivement

réorientés, pour participer à l’indépendance financière des IMF et à leur inclusion formelle

dans les flux financiers internationaux. C'est pourquoi l'on peut avancer l'idée que les bailleurs

pilotent l'évolution de la microfinance, notamment au Sénégal. Ils le font de plus en plus en

partenariat avec les acteurs locaux.

1. Les principaux bailleurs, sources de la politiqu e microfinancière

sénégalaise

Les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ont participé à l’essor de la microfinance dès

les années 1980, conformément aux politiques de développement adoptées à l’époque.

a. 1er cycle : les bailleurs et l'aide directe his torique aux IMF sénégalaises

A l'aube de la microfinance au Sénégal, avant l'explosion qu'a connu le secteur dans les

années 1990, des réseaux se sont construits à l'aide de bailleurs de fond. Chaque réseau

disposait et dispose encore d’un bailleur de fonds principal. On peut citer : la France pour le

Crédit Mutuel du Sénégal (CMS), le Canada pour l’UM-PAMECAS, et les États-Unis pour

l’ACEP.

A l'origine «Caisse Populaire d'Épargne et de Crédit» (CPEC), le CMS a démarré en 1988, sur

l’initiative du Gouvernement sénégalais, du Ministère Français de la Coopération et du Centre

International du Crédit Mutuel (CICM). L’AFD (Agence Française pour le Développement)

est le principal partenaire financier du CMS depuis 1992. Directement ou par le biais de l'État

Sénégalais, l’AFD met à disposition du CMS des fonds pour financer l'extension de son

réseau, la formation de ses agents et le développement de son système d'information. La KFW

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67

((la KfW Bankengruppe distribue l'aide publique allemande) est également un partenaire

financier conséquent du CMS. En 2006, dans le cadre du Projet de Promotion de l'Emploi en

milieu urbain, elle a octroyé au CMS par l'intermédiation de l'État du Sénégal une ligne de

crédit de 1,3 millions d'euros (1 milliard FCFA) pour développer ses produits vers les PME.

L'ACEP tire quant à lui ses origines d'un petit programme de prêts mis en place par l'USAID

(agence distribuant l'aide publique des États-Unis) en 1985. Le projet visait développement de

la communauté et de l’entreprise dans les régions de Kaolack et de Fatick qui étaient

considérées comme des zones à fort potentiel pour la production. Suite à un audit en 1988,

l'accent a été mis sur la composante de prêts, ce qui marqua le début d'une entité de crédit

indépendante qui devait devenir l'ACEP dès 1990. En 1993, lorsque le projet USAID prend

fin, l'ACEP est en mesure de prêter en puisant dans ses propres ressources. L’ACEP a

également bénéficié d’un appui financier de l’AFD sous forme de subventions en fonds

propres dans le cadre du projet PAME et d'un prêt de la KFW en 2005 pour développer des

produits financiers vers les PME.

L’UM-PAMECAS est pour sa part de création canadienne. En 1995 a été lancé «le Projet

d’appui aux Mutuelles d'Épargne et de Crédit au Sénégal». Ce projet a été financé par l'ACDI

(Agence Canadienne pour le Développement International). Il bénéficiait également à

l'époque d'un soutien technique de DID (Développement International Desjardins)69. En 1998,

le projet devient l’Union des Mutuelles du Partenariat pour la Mobilisation de l'Épargne et le

Crédit au Sénégal. Elle permet aux caisses d'entrer dans une phase de consolidation et de

rentabilité avec une autonomie financière totale atteinte depuis l'an 2000.

Actuellement, les bailleurs continuent de soutenir la croissance du secteur en accordant des

prêts ou des dons, directement ou par l'intermédiaire de l'État, à des institutions

microfinancières.

69 Sous la forme d’une expertise exécutive.

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68

L’AFD propose par exemple une ligne de prêt à des IMF existantes. Le PNUD (Programme

des Nations-Unies pour le Développement), dans le cadre du programme Micro-Start, accorde

des dons, plafonnés à 150 000 USD, pour favoriser la création d’IMF. La KFW a également

mis en place une nouvelle ligne de prêt pour les trois grands réseaux sénégalais en 2007 et a

prévu la création d'une IMF rurale et d'une IMF urbaine dans le cadre de l'initiative pour la

microfinance en Afrique Subsaharienne (dont nous reparlerons ci-après).

b. 2e cycle : les bailleurs à l’appui des politiqu es publiques de microfinance

Au-delà de l’aide directe aux IMF, les bailleurs de fonds restent les partenaires privilégiés du

gouvernement dans l’élaboration de ses politiques de développement.

Le tour de table des bailleurs de fond qui s’est tenu à Dakar en 2005 a ainsi entériné

l’élaboration de la politique sectorielle de microfinance au Sénégal pour la période 2005-

2010. Elle est issue d’un processus participatif de réflexion mis en place en 2003, regroupant

des membres du gouvernement sénégalais, IMF et bailleurs de fonds. Le PNUD et le FENU

(Fonds d'Équipements des Nations-Unis) ont piloté ce processus.

L’idée directrice de l’élaboration de cette politique publique était la suivante :

« La microfinance est un outil important de lutte contre la pauvreté et doit être considérée

comme une des stratégies en vue d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le

Développement (OMD) notamment la réduction de moitié de la pauvreté d’ici à 2015»70.

Les OMD ont été élaborés, rappelons-le, en l'an 2000 par le PNUD.

Les axes d'action contenus dans la lettre sont les suivants :

• L’amélioration de l’environnement légal et réglementaire pour un développement sécurisé du secteur.

• Un cadre institutionnel permettant une gestion articulée et concertée du secteur et de la politique sectorielle.

70 In l’introduction de MICROFINANCE : Lettre de Politique sectorielle, stratégie et plan d’action 2005 - 2010

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69

• Une articulation renforcée entre IMF et Banques, favorisant le financement des micros, petites et moyennes entreprises (MPME) et une intégration du secteur de la microfinance au secteur financier.

• Une offre viable et pérenne des produits et services adaptés, diversifiés et en augmentation, notamment dans les zones non couvertes par des SFD professionnelles.

Cette lettre illustre les nouvelles préoccupations envers la microfinance, centrées autour d’une

pérennisation et d’une sécurisation de l’offre microfinancière, propres à rassurer d’autant plus

les investisseurs. Cette nouvelle politique se justifie notamment par l’approche « gagnant-

gagnant » de la microfinance.

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70

2. L’ambigüité de la vision commerciale de la micro finance

La microfinance a tendance à s’insérer de plus en plus dans la logique commerciale et

financière qui conduit la mondialisation aujourd’hui. Ce processus fait de la microfinance un

outil attractif et rentable pour les groupes financiers internationaux. Or, les résultats financiers

et commerciaux à eux seuls ne préjugent pas du bon fonctionnement d’une IMF.

a. L'argument « gagnant-gagnant » de la microfinanc e

L’objectif affiché au Sénégal est d’accélérer la croissance du secteur, non pas en créant de

nouvelles institutions mais en permettant aux organisations déjà existantes d'atteindre une

masse critique. Seul un accès aux marchés permettrait un tel développement. Ainsi, si l'on

souhaite permettre à un plus grand nombre d'individus l'accès aux services financiers, il faut

d'abord que les IMF aient elles même accès aux marchés financiers. L'argument selon lequel

la recherche de la pérennité profiterait autant aux institutions financières qu'aux clients est

donc plus que jamais d'actualité.

« L'approche gagnant-gagnant « a un objectif de moyen basé sur l’idée qu’une massification

de l’offre de crédit par l’intégration complète du secteur microfinancier dans les marchés

financiers formels permettra à terme d’éradiquer la pauvreté. Les subventions sont

considérées comme une barrière à cette intégration » (Simon Cornée, 2007).

Cédric Lombard, président de Blue Orchad Finance S.A71 résume autour de deux idées les

arguments de la vision commerciale de la microfinance et de la conception « gagnant-

gagnant ». Selon lui, la microfinance doit avoir accès à ces ressources en raison « d'une

double exigence de principe et d'impact » (2003, page 39) :

« La première, l’exigence de principe, relève de la contradiction dont ferait preuve une

institution de microfinance si elle se contentait de tenir à ses clients un discours sur

l’importance de la rigueur de la gestion commerciale tout en dépendant elle-même

71 Blue Orchad S.A est spécialisée dans la mise en réseau d'investisseurs et d'IMF.

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71

continuellement de donations pour sa survie[...] La deuxième exigence, celle de l’impact,

provient du fait que l’IMF doit être à même de mobiliser des montants importants de sorte

qu’elle puisse tout d’abord adresser ses services à un nombre toujours plus nombreux de

clients et qu’ensuite, elle puisse garantir la continuité de leur offre en diversifiant la

provenance des fonds ».

Dans cette optique, Morduch a insisté dés 1999 sur l’importance du développement des

capacités institutionnelles et sur le management des IMF, la pérennité ne se réduisant pas à

l'autosuffisance financière.

b. Pour une vision commerciale de la microfinance

Alexandre Coster, cadre de Microcred S.A. en Côte d’Ivoire ajoute que :

« Les populations souhaitent avoir accès aux services microfinanciers comme tout autre

personne et être traités comme un consommateur à par entière, surtout pas comme un pauvre

à qui il faut venir en aide... La microfinance n'est donc pas plus la fille bienveillante du

capitalisme que tout autre secteur d'activité du privée »72.

Selon cette idée, partagée par les défenseurs d’une vision commerciale de la microfinance, les

emprunteurs eux-mêmes participeraient à construire un paradigme commercial, via une

relation stricte client/consommateur vs structure proposant un service.

De plus, toujours selon le témoignage d’Alexandre Coster,

« Le plus gros déficit social de la microfinance se trouve dans les familles ruinées à cause de

leur crédit. Or, les nouvelles institutions privées, dans un souci de rentabilité, utilisent des

méthodologies de crédit beaucoup plus prudentes et efficaces afin d'éviter au maximum les

impayés. Les clients sont mieux ciblés. Ainsi, sans être dans une logique sociale au départ,

l'impact social de ces institutions est souvent plus seines. De plus, les bailleurs de fonds

encore très présents, imposent à ces sociétés des réglementations et politiques favorables à

une progression sociale».

72 Dans le cadre d’un entretien réalisé le 9 mai 2010. Cf. Annexe 12

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72

C’est également l’argument gagnant-gagnant de la microfinance que l’on retrouve dans cette

explication. Il a clairement influencé le développement de la microfinance au Sénégal, via

notamment la réorientation des aides des bailleurs. Cet argument est ambigu puisqu’il

s’appuie sur une vision commerciale de la microfinance tout en défendant son impact social.

La microfinance peut-elle allier les deux pendants ? Dans son étude intitulée La microfinance,

une industrie sociale ou commerciale?, François Seck Fall se pose la question tout en

admettant dés le titre que la microfinance peut être considéré comme une industrie.

Il analyse l’évolution au Sénégal :

« En Afrique subsaharienne, au Sénégal plus particulièrement, la commercialisation des

services de microfinance est moins répandue [qu’en Amérique Latine], du fait, notamment,

que cette industrie y est encore récente et en quête de maturité. Néanmoins, tout comme dans

les zones à forte maturité de la microfinance, on constate un changement de profil dans cette

industrie, où de plus en plus, l’action sociale cède le pas à des ambitions commerciales, sous

l’effet du retrait progressif des subventions. En effet, la conjugaison de ces deux objectifs est

souvent difficile pour les IMF. Beaucoup de structures de microfinance ont montré leur limite

à vouloir à la fois combattre la pauvreté et assurer leur rentabilité. La plupart des

programmes de microfinance qui ont réussi sans difficulté à atteindre ces deux objectifs ont

été largement soutenus par les bailleurs à travers les subventions » (Seck Fall, 2009).

Cette citation donne le ton de la problématique à venir au Sénégal. Les bailleurs encouragent

la pérennisation financière et la rentabilité des IMF, pour que les acteurs privés puissent

investir dans la microfinance sénégalaise. Ces encouragements supposent une baisse

progressive des subventions, ce qui entraînera irrémédiablement, selon F. Seck Fall, une

commercialisation de la microfinance sénégalaise.

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73

3. La réorientation des aides pour une offre microf inancière durable et

attractive

Dans le cadre des nouvelles attentes sur la pérennité des IMF, les bailleurs de fonds et les

États privilégient désormais des politiques d’appui à la viabilisation financière et à

l'établissement d'un cadre juridique et réglementaire.

a. La recherche de la pérennité

La durabilité et l’efficacité deviennent progressivement les mots d’ordre des IMF.

Ce sont sur ces notions fondatrices que s’appuie la mise en œuvre de la politique sectorielle

sénégalaise depuis 2005. De façon plus précise, les principes conducteurs de cette politique

sont les suivants73 :

• Efficacité et pérennité sur la base d’accords liés aux performances pour toutes les actions d’appui financier et technique.

• Respect des options des IMF et de la conduite privée de leurs opérations en visant la viabilité et la pérennité, en inscrivant les relations contractuelles dans le cadre du renforcement de l’exécution de leurs plans d’affaires.

• Durabilité et réplication notamment pour les produits d’innovation.

• Recherche d’économies d’échelle par une mise en commun des efforts pour appuyer le secteur et développer des appuis profitables au plus grand nombre d’IMF.

Ces principes correspondent à l'axe stratégique 3 de cette même politique, à savoir :

«L’articulation renforcée entre IMF et Banques, favorisant le financement des MPE et PME,

et une intégration du secteur de la microfinance au secteur financier».

En fonction de ces principes, le rôle de chaque partenaire a pu être défini.

73 In MICROFINANCE : Lettre de Politique sectorielle, stratégie et plan d’action 2005 – 2010, page 38.

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74

Les bailleurs de fonds sont chargés dans le texte de participer à la promotion des IMF, en

partenariat avec la Direction de la Microfinance. Les propositions pour une meilleure

promotion sont : le renforcement des moyens de la Direction Microfinance, l’organisation des

journées de sensibilisation et d’information, la publication de bulletins et de supports

d’information sur le secteur.

Avant tout, les bailleurs de fonds doivent considérer la SNMF (stratégie nationale de

microfinance au Sénégal) comme un cadre de mise en cohérence et d’augmentation de

l’efficacité de leurs interventions et d’application des bonnes pratiques internationalement

reconnues visant à la promotion d’IMF viables et pérennes. Pour cela, les bailleurs sont

invités, dans la lettre de politique sectorielle, à fournir :

«Davantage d’appui technique aux IMF et en cas de besoin, des ressources financières, sur la

base des plans d’affaire des IMF»74.

Plus précisément, les bailleurs de fond, avec les banques et les investisseurs privés, doivent

aider les IMF à mettre en place des «dispositifs pérennes pour le financement des

MPE/PME».75

Les Organisations de solidarité internationale, c'est-à-dire les ONG et les associations, sont

également sollicitées pour :

• Promouvoir le secteur à côté des bailleurs de fonds et des structures étatiques.

• Apporter une assistance technique.

• Améliorer les relations entre la clientèle et l’IMF.

• Proposer des modules de formation.

74 In MICROFINANCE : Lettre de Politique sectorielle, stratégie et plan d’action 2005 – 2010, page 32 75 Idem, page 37

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75

b. Exemples de partenariats dans l'assistance techn ique : Planet Finance et le

CAPAF

Au Sénégal, deux exemples majeurs peuvent être développés pour illustrer l’importance

croissante de l’assistance technique et de la diffusion de bonnes pratiques dans le secteur de la

microfinance.

Le programme CAPAF est une initiative du Groupe consultatif d’assistance aux pauvres

(CGAP), avec le concours du ministère français des Affaires étrangères et de l'USAID. Le

programme a démarré en 2000.

La mission de CAPAF est la suivante :

«Promouvoir une approche de marché pour des services viables de renforcement des

capacités des institutions de microfinance (IMF), comprenant la formation, l’appui technique,

et la dissémination d'information, dans 15 pays d'Afrique francophone et en Haïti»76.

Les objectifs ainsi fixés sont :

• Renforcer la viabilité institutionnelle et la qualité des services des partenaires de CAPAF.

• Assurer la diffusion des cours dans les pays cibles grâce à des équipes de formateurs consolidés.

• Coordonner des initiatives sur les marchés émergents d’appui technique.

• Maintenir et enrichir la base de contacts régionaux.

• Assurer la diffusion de ressources pertinentes auprès des acteurs du secteur.

Les principaux moyens mis en œuvre pour y parvenir sont la formation, la mobilisation des

services techniques d'appui et l'information.

Le Sénégal est le pays dans lequel le plus de personnes ont été formées (par tout partenaire et

formateur confondus) avec 79 sessions et 1382 personnes formées par ses partenaires entre

2000 et 2008. Notons que les principales formations dispensées au Sénégal concernaient,

76Source : www.portail-microfinance.org

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76

dans un ordre d'importance décroissant : la gestion des impayés et la fixation des taux

d'intérêt, l'analyse des risques opérationnels, l'analyse financière et l'élaboration des états

financiers.

Depuis le 31 janvier 2009, les activités coordonnées auparavant par CAPAF sont désormais

reprises par l’équipe Afrique du CGAP basée à Washington et par la représentante régionale

pour l’Afrique francophone basée à Abidjan. Les partenaires de CAPAF continuent d'offrir

les cours CGAP et certains d'entre eux organisent des nouvelles formations de formateurs.

Parallèlement, l'organisation française la plus reconnue dans le domaine du renforcement de

capacités au Sénégal est Planet Finance77.

Trois programmes sont actuellement en cours au Sénégal :

• Projet Microfinance en Milieu Rural (MFR) : assistance technique, Conseil et Renforcement des capacités pour 4 établissements de microfinance rurale : U-IMCEC, Caurie Microfinance, MECAPP et APIMEC. Ce projet, cofinancé par l'UE, concerne la période 2007-2010.

• Projet Micro entrepreneurs et TIC (2008-2010). Renforcement des capacités des IMF (SACASE, Caurie Microfinance, RECEC) par la formation de leurs clients aux outils informatiques.

• Projet Microassurance ADI : Assistance Technique, Développement de nouveaux produits pour l'IMF Caurie Microfinance (présente à Thiès, Kolda, Ziguinchor).

De fait, comme le souligne M. Jacquand (2005), les IMF connaissent actuellement de

nombreux obstacles à la levée de fonds. Les bailleurs de fonds peuvent aujourd'hui contribuer

à les résoudre en « préparant la privatisation des flux financiers en direction de la

microfinance », tout en donnant la priorité au « renforcement des capacités des institutions

sur le terrain ». L'insertion dans les flux financiers internationaux est alors présentée comme

la seule alternative possible au développement pérenne de la microfinance sénégalaise, sous

l'influence de la commercialisation croissante de la microfinance. Ce point de vue vient

77 Planet Finance est une organisation internationale active dans la lutte contre la pauvreté. En 2008, PlaNet Finance Advisory Services a mené 113 programmes avec 228 institutions de microfinance (IMF).

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77

confirmer que la microfinance sénégalaise peut être perçue de façon indéniable comme un

outil de la mondialisation et non pas une alternative. C’est ce dernier point que nous allons

détailler et sur lequel nous pourrons ouvrir un débat ci après.

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78

C. La microfinance sénégalaise intégrée dans les fl ux

financiers privés internationaux

Comme on l'a souligné ci-avant, les IMF ne peuvent financer leur activité seulement par

l'épargne et le revenu des taux d'intérêts. Or, la croissance du secteur doit avoir lieu, soutenu

par les politiques publiques nationales et de développement au niveau international, puisque la

microfinance est un outil de lutte contre la pauvreté, « fille bienveillante du capitalisme »

(Doligez, Gentil, 2007) selon les défenseurs de la vision néolibérale de la microfinance. En

effet, la tendance à la commercialisation du secteur de la microfinance au Sénégal présente le

financement des IMF sur les marchés financiers comme la seule alternative viable et pérenne.

On peut se demander si cette vision, contestée, risque de s’imposer complètement au Sénégal.

Pour apporter des éléments de réponse, il convient d’expliciter ici les arguments, les voies

d’accès aux marchés financiers des IMF sénégalaises et leurs conditions.

1. Argumentaire pour un accès aux marchés financie rs

Dans le paradigme commercial de la microfinance, le refinancement sur les marchés

financiers semble être le seul moyen de construire des dispositifs à grande échelle, capable de

s'adresser au plus grand nombre (Guérin, 2002).

On assiste donc à la construction d'une microfinance intégrée aux flux financiers, nationaux

puis mondiaux.

Les arguments à cette intégration ont été présentés lors d'une conférence organisée par la

société d'investissement, AfriCap Microfinance (« AfriCap ») sur le financement de la

croissance des IMF, qui s'est tenue à Dakar en 2003. Les investisseurs privés ont avancé les

arguments suivants :

• Les capitaux privés peuvent fournir des ressources suffisantes pour satisfaire le vaste potentiel du marché.

• Les capitaux privés fournissent un effet de levier.

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79

• Les capitaux privés favorisent une approche holistique dans la prestation de service de microfinance.

• Les capitaux privés exigent la viabilité. Les IMF doivent donc prouver leur capacité à être rentables ; enjeu donc de l’élaboration d’un nouveau paradigme financier et des organismes d’évaluation.

• Les capitaux privés peuvent être une ouverture aux investisseurs à valeur ajoutée.

• Les capitaux privés facilitent le développement du secteur.

Alexandre Coster, cadre de Microcred S.A en Côte d’Ivoire illustre ces différents points de la

façon suivante :

« En effet, les investisseurs privés au Sénégal comme dans beaucoup d'autres pays jouent un

rôle très important dans le secteur de la microfinance. Les micro-entrepreneurs ont

aujourd'hui accès à des produits de crédits qui ne nécessitent pas d'épargne au préalable.

C'est un élément extrêmement important. De plus, la concurrence comme dans tous les autres

secteurs d'activité est toujours bénéfique pour les consommateurs finaux : les micro-

entrepreneurs. Ils vont voir les taux de rémunération d'épargne augmenter, la qualité des

services s'améliorer, etc. »

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80

2. Les voies d’accès aux marchés financiers

Quatre principales voies d'accès aux marchés financiers existent. Leur description nous

permettra de préciser d’avantage les acteurs internationaux qui influencent la microfinance

sénégalaise, en marge des bailleurs de fonds.

a. 1ère voie : transformation d’une ONG, exemple d e l'ACEP au Sénégal

L'ACEP tire ses origines du second volet d'un projet de développement mis en place par

l'USAID dans les régions de Kaolack et de Fatick, en 1984. Il consistait en l'assistance auprès

de petites entreprises rurales dans le domaine de la gestion, de la comptabilité, des écritures,

et du crédit. Une ONG locale gérait ce projet. Une évaluation effectuée en 1987 a établi la

prédominance de l'activité de crédit dans le projet (384 prêts octroyés, 177 emplois créés)

ainsi que des problèmes de gestion de l'ONG locale (détournement de fonds par exemple).

Suite à cette évaluation, le rôle de l'ONG a été limité à l'activité de crédit, qui a continué de

s’étendre. L’État a alors créé une législation intermédiaire en 1991 pour permettre à l'ACEP

d'exercer en tant que mutuelle de crédit. Depuis, l'ACEP, qui a atteint l'autosuffisance

financière dès 1991, peut se tourner vers les bailleurs de fond mais également vers les sources

de financement privées pour financer sa croissance.

b. 2ème voie : l’IMF créée avec un accès au marché financier, l'exemple de

Microcred S.A

Microcred S.A. est une société d'investissement créée en 2005 par PlaNet Finance et des

investisseurs partenaires : la Société Financière Internationale (IFC), la Société Générale et

AXA Belgium. L'AFD, la BEI et Developing World Markets font aujourd'hui également

partie des actionnaires. Quatre institutions existent, au Mexique, au Sénégal, à Madagascar et

en Chine. Une création de filiale est actuellement en cours en Côte d'Ivoire.

Le premier prêt a été distribué au Sénégal en Septembre 2007. Microcred regroupe désormais

(juin 2010) près de 31 000 clients pour un encours de crédit de 10,1 M Eur. Cette rapide

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croissance s'explique avant tout par les méthodes de sélection des clients, rapide et rigoureuse,

et une communication efficace. Le corolaire à cette croissance rapide est la sélection d’une

clientèle « la moins pauvre parmi les pauvres », comme en atteste le montant des garanties

demandées78. Ainsi, dans ce cas précis, la microfinance vient offrir des services aux personnes

exclues des systèmes bancaires classiques (en raison de leur activité informelle le plus

souvent) dans le cadre du paradigme commercial de la microfinance comme on l’a vu

précédemment. Les objectifs premiers de Microcred sont de développer son activité et

d’assurer sa rentabilité, tout en contribuant à réduire la pauvreté.

Parallèlement à l'exemple de Microcred, comme on l'a vu plus haut, la KFW a prévu la

création de deux IMF qui devraient prendre la forme de S.A., l'une urbaine et l'autre rurale.

Également, l'ONG Catholic Relief Service (CRS), signataire de convention au Sénégal, est

dans une dynamique de transformer son volet microfinance en Société à Responsabilité

Limitée (SARL).

L'avantage premier des SA (ou des SARL) est de pouvoir recevoir des investissements en

fonds propres (et pas seulement sous forme de prêts) par les fonds d'investissements. Cet

avantage devrait se confirmer avec la modification de la loi Parmec, en attente de ratification

dans les payes de l’UEMOA, qui va contribuer à faciliter la création d'institutions à but

lucratif, jusqu'à présent en marge du secteur.

c. 3ème voie : le rôle des banques commerciales dan s la microfinance au

Sénégal

L'axe stratégique 3 de la politique sectorielle parle effectivement d'interactions avec le secteur

bancaire. Aujourd'hui, de nombreux liens se tissent, ce qui profite aux PME à travers le

développement d’une branche intermédiaire où IMF et banques se rejoignent : la

Mésofinance.

78 Les garanties demandées sont : le nantissement du fonds de commerce, comprenant la valeur de la cantine (espace commercial) et le stock de marchandises, la caution personnelle, le nantissement du matériel détenu et/ou financé, et le gage sur véhicule. Source : http://www.microcredgroup.com/senegal

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Les banques peuvent se lancer directement dans la microfinance par divers moyens :

• La Banque créé son unité de Microfinance, qui n’est pas une entité institutionnelle différente de la banque. C’est le cas de la CBAO au Sénégal.

• Elle créé une filiale financière spécialisée (création d’une ISF, différente de la banque). Les systèmes, les statuts, la gestion, et le personnel sont différents. La BACB au Burkina et Finadev au Bénin pourraient ouvrir la voie à des initiatives sénégalaises.

• Elle créé une société de services, différente de la banque mais non financière. Ce système permet des actionnaires de l’extérieur.

La banque peut également nouer un partenariat avec une IMF existante, en sous traitant des

opérations de détail, ou en partageant son système d'information par exemple. La banque a

aussi la possibilité de refinancer des IMF, ce que réalise la Caisse Nationale de Crédit

Agricole (CNCA). De son côté, la BICIS (filiale de la BNP au Sénégal) a signé une

convention d'assurance ARIZ avec l'AFD en 2007, permettant aux IMF ainsi qu'aux PME

d'avoir accès à un financement. Les prêts vont de 20 à 200 millions FCFA. La garantie ARIZ

supporte 50% du risque.

La naissance de la garantie ARIZ souligne un des problèmes majeurs auquel se heurtent les

IMF en recherche de financement : les garanties. C'est là que peuvent intervenir les fonds de

garanties, de plus en plus nombreux au Sénégal. Une étude de la KFW (2007), interrogeant 7

FG présents au Sénégal (FAGACE, FSA, GARI, SONAC, TANYO SAHFI, SOFIGIB,

ARIZ), démontre que tous s’intéressent à la microfinance, envisagent de le faire ou sont déjà

intervenus. La garantie des IMF est retenue dans leur stratégie et inclus dans leurs plans

d’affaires. Néanmoins, le manque de professionnalisme des IMF les effraie.

d. 4ème voie : le rôle croissant des «investisseurs sociaux»

Les investisseurs sociaux, tels qu'ils se dénomment eux mêmes, sont des ONG ou fondations

privées. Leur objectif, dans le domaine de la microfinance, est de venir en aide,

financièrement et techniquement, aux IMF qui respectent une certaine éthique du

développement, à vocation sociale. Les modalités d’intervention de ces investisseurs ont été

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83

précisées lors d’un entretien avec Julien Sciau, chargé de développement de la fondation

Grameen-Crédit Agricole79,

« Il y a plusieurs types de Fondations et de bailleurs. Certaines ne font que des subventions,

d'autres des prêts subventionnées, et d'autres des prêts à des taux de marché. Les fondations

de droit français ne peuvent qu'octroyer des subventions ».

Au Sénégal, plusieurs investisseurs sociaux interviennent, dont les principaux sont :

• Oikocrédit. Créée en 1999, l'organisation se définit elle même comme « l’une des quelques opportunités d’investissements éthiques qui financent des projets de développement dans le Sud»80.

• ADA. Créée en 1994, l'organisation gère un budget annuel de plus de 3 millions d'euros.

• La SIDI (Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement), est une société anonyme solidaire créée en 1983, qui contribue à la consolidation d’activités économiques dans les pays du Sud.

• La fondation Grameen-Crédit Agricole, créée en 2008, a pour objet de soutenir des IMF. Deux dossiers de financement au Sénégal ont été approuvés au mois de décembre 2009 par le comité d'investissements de la fondation. Ils concernent les mutuelles Caurie-Microfinance située à Thiès, et Mec Feprodes à Saint Louis.

Ces acteurs contribuent à accroitre l’accès au marché financier des IMF sénégalaises, c’est

pourquoi ils sont cités dans cette partie. Néanmoins, leurs rôles et impact, dans une

perspective socialement responsable, diffèrent de ceux des acteurs précédemment cités, ce que

l’on étudiera dans la dernière sous-partie de cette étude.

La recherche de financements extérieurs est donc de plus en plus d'actualité au Sénégal, pour

financer un secteur de la microfinance en pleine croissance. On peut s'interroger sur les

conditions de ces financements pour en déduire ensuite les conséquences sur la microfinance.

79 Lors d'un entretien réalisé le 28 octobre 2009. Cf. Annexe 11 80 www3.oikocredit.org, « qui sommes nous? ».

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84

3. Une condition préalable : se rapprocher des norm es et standards

internationaux

La recherche de financements de la part des IMF les conduit à se rapprocher des normes et

standards internationaux du monde la finance. Ceci contribue à l'émergence de pratiques

standardisées. Il faudra cependant insister sur le fait que seules les IMF importantes sont

concernées par la recherche de financement sur les marchés, ce qui laisse présager une marge

de manœuvre pour les autres, comme nous le verrons dans la dernière sous partie de ce

mémoire.

a. Les conditions d'accès au financement privé

Littleberg et Rosengberg (2004) précisent que ce sont avant tout les grandes institutions de

microfinancement, les ONG tout comme les banques, qui :

« Laissent aujourd’hui jouer les forces du marché, utilisant les techniques et les règles de la

finance commerciale. Elles investissent dans des systèmes de gestion et d’information plus

perfectionnés, appliquent les normes comptables internationales, confient la vérification

annuelle de leurs comptes à des cabinets d’audit traditionnels et se soumettent à l’évaluation

d’agences de notation commerciales »

En effet, avant d’investir dans la microfinance, les acteurs commerciaux ont besoin de

comprendre le fonctionnement et les performances des IMF, afin de pouvoir, notamment, les

comparer entre elles. Se joue alors l'attribution de fonds, en fonction de la transparence et de

la standardisation de l'information financière des IMF.

De plus, comme l'expliquent les deux auteurs, la recherche de l'autosuffisance financière des

IMF, pour une microfinance pérenne, entraîne la diminution des subventions à mesure que les

institutions et les marchés approchent de leur maturité.

« C’est pourquoi un nombre croissant d’institutions de microfinancement cherche à se faire

agréer en tant que banques ou sociétés financières spécialisées pour pouvoir mobiliser des

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85

fonds sur les marchés de capitaux et par l’intermédiaire des dépôts du public » (Littleberg et

Rosengberg, 2004)

Les IMF importantes jouent le jeu, conscientes que c'est dans leur intérêt. En mettant à

dispositions des informations plus précises et plus fiables, le secteur fait baisser le risque

d'investissement. Par conséquent, les IMF pourront augmenter leur capacité d'accès aux

marchés financiers tout en diminuant leurs coûts d'accès.

Cet état de fait est adopté et même revendiqué par l'ACEP, lors de la conférence organisée par

Africap :

«Nous avons besoin d’avoir des normes de comptabilité et d’audit, et un bon système

d’information de gestion ; en d’autres termes, nous avons besoin de mettre en place une

structure similaire à celle des banques». (ACEP, 2003)

b. Le rôle des agences de notation

«Les institutions de microfinancement commencent à faire appel aux agences de notation

traditionnelles. Cette initiative réduit les risques pour les institutions de microfinancement et

permet en outre à leurs clients d’établir une réputation de solvabilité qui les rend plus

attrayants pour les établissements et banques de détail traditionnels». (E.Littlefield, R.

Rosenberg, 2004)

Les IMF appellent donc les agences de notation dans un premier temps pour confirmer leur

qualité et leur solvabilité.

«Les ratios financiers ainsi que les relations avec la clientèle (approche « marketing ») sont

désormais privilégiés. A côté de ces données utilisées comme « proxi » des impacts à long

terme du secteur, on a vu apparaître à compter du milieu des années 1990 des évaluations

économétriques d’impact sur le revenu ou sur le résultat d’exploitation des activités

productives des emprunteurs ou des épargnants» (Coquart, 2005).

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86

A titre d’exemple, au Sénégal, les IMF notées sont les suivantes81 :

Tableau 5 : IMF sénégalaises évaluées par des agences de Rating

Mec Feprodes

Umec Mec Afer Nord

Mec Delta

Corad Caurie MF

ACEP UM-PAMECAS

CMS

Microfinanza Rating

2008 2006

Planet Rating 2006 entre D et E

2008 C +

2007 D -

2007 B -

2004, 2006 B +

2003, 2005 B +

MicroRate 2005, 2008 A + ; B -

Les trois agences de notation intervenues au Sénégal fournissent une évaluation générale du

niveau de risque, en prenant en compte différents domaines. La note détaillée par domaine

permet d’identifier les forces et les faiblesses de l’institution. A partir de la performance par

domaine, un système de pondération permet d’obtenir le rating global, qui s’étend de "A+" à

"E".

La méthode Girafe mis au point par Planet Rating offre une illustration des domaines évalués

par les agences de notation.

Tableau 6 : la méthode Girafe, Planet Rating

Gouvernance Vérification de l'exercice de l'institution, de la protection des actifs, de la pertinence de la stratégie, des compétences de la direction et du personnel.

Information Évaluation de la qualité, de la sécurité et de la disponibilité des informations

Risques Contrôle des risques opérationnels (procédures de contrôle interne, leur respect, processus d'audit interne, environnement réglementaire et qualité de supervision de l'institution).

Activités Evaluation de la qualité de la gestion des activités, du portefeuille, des procédures de gestion du crédit et de leur application sur le terrain.

81 Tableau réalisé à partir des rapports publiés sur les sites internet des agences de notation.

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Financement Correspondance entre financement actuel de l'institution et ses actifs. Analyse de la stratégie de financement future, et des prévisions de liquidité.

Efficacité Et rentabilité. Quelles pérennité et efficacité de l'IMF? Selon Planet rating, l'évaluation de ce domaine est nécessaire même si l'IMF n'a pas d'objectif de rentabilité.

Les évaluations deviennent progressivement une étape incontournable pour l'accès aux

financements extérieurs. Ce qui conduit les IMF à adopter, tout du moins, afficher, de bonnes

pratiques, correspondant aux normes financières internationales et aux préceptes encouragés

par les politiques de développement.

Par exemple, les meilleures notes ont été obtenues par les plus grandes IMF au Sénégal.

L’ACEP, l’UM-PAMECAS et le CMS ont ainsi acquis des notes entre B- et A+. Or, leurs

offres et système de fonctionnement ressemblent de plus en plus à ceux des banques

classiques.

Par exemple, Planet Rating évoque, dans le cas de l’UM-PAMECAS, « une structure

financière et organisationnelle solide qui lui permettra d’absorber et de gérer des

financements externes »82. L’UM-PAMECAS a toutefois obtenu en 2004 une note inférieure à

celle de 2003 (A-), en raison d’une rentabilité moindre, dont la raison principale est

l’installation d’un système d’information et de gestion informatisé (SIGI), encore une fois sur

le modèle de ceux utilisés par les banques classiques. Par ailleurs, les points forts notés dans

le rapport de Planet Rating sont aussi des caractéristiques du fonctionnement des banques

traditionnelles : création d’une direction propre pour l’étude des crédits supérieurs à 3 M

FCFA (plus de 4 580 euros), la mise en place d’un service de transferts internationaux, les

prémices de l’installation de SAF 2000 (un système de suivi de prêt intégré, dont l’installation

définitive a eu lieu en 2010), l’installation d’un système de contrôle interne, etc.

Ainsi, les grandes IMF au Sénégal, telles que l’UM-PAMECAS, ont tendance à mettre en

place de plus en plus d’outils utilisés traditionnellement par les banques dites classiques. Cela

leur permettrait, le cas échéant, d’attirer facilement des financements extérieurs, de la part

d’investisseurs privés.

82 In Rapport de Planet Rating sur l’UM-PAMECAS en 2004, page 2.

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De ce fait, les IMF voulant attirer des financements doivent répondre aux critères des agences,

en se rapprochant le plus possible de conditions amenant à la note A, qui signifierait, selon

Planet Rating, que « l'IMF excelle dans le domaine évalué et peut servir de référence ». Par

conséquent, les IMF désirant se refinancer à l’extérieur doivent suivre le modèle des grandes

structures qui font l’objet des meilleurs rapports de la part des agences de notation, telle que

l’UM PAMECAS mais aussi l’ACEP et le CMS.

On peut donc se demander si la dynamique actuelle du secteur ainsi que l’importance

croissante des investissements étrangers, conditionnés généralement par les évaluations

d’agences de rating, ne vont pas entraîner un certain isomorphisme des institutions de

microfinance au Sénégal, conséquence de l’impact de la mondialisation.

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D. Vers l’uniformisation d’un modèle au Sénégal?

La forte intégration au paradigme économique néolibéral des acteurs majeurs du secteur a

pour conséquence une forme de standardisation des pratiques des institutions de microfinance

au Sénégal, sur la base des critères recommandés par les agences de notation comme détaillés

dans la partie précédente. Ce phénomène se traduit notamment par la banalisation des

techniques financières commerciales et des normes comptables et financières internationales

(Littleberg et Rosenberg, 2004), qui encouragent l’émergence de modèles de référence, dans

une perspective à dominante économique.

1. L'émergence de modèles de référence

a. La réplication de modèles « commerciaux » perfor mants

Ainsi, des « institutions références » sont en train de voir le jour. Selon JM Servet, il faut

désormais prendre en compte :

« La diffusion d'un nombre limité de modèles de microfinance à l'échelle de la planète. Ces

modèles se diffusent d'autant plus facilement que, à de rares exceptions près, très rares sont

les dispositifs financièrement autonomes et bien peu ont capacité à le devenir en respectant

les objectifs de clientèles dites pauvres ; ainsi, via la distribution de capitaux et d'assistance

technique, les modèles de microfinance sont normalisés » (2005).

Cette citation de Servet souligne la diffusion de modèles «clés en main», encouragée par des

investisseurs et acteurs du développement étrangers (fondations, ONG, bailleurs, etc.). Ces

modèles s'appuient sur des success-stories, qui ont fait leur preuve et rassurent, aussi bien la

clientèle que les potentiels investisseurs.

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L'AFD défend cette même logique en encourageant dans sa stratégie la réplication de

modèles performants83.

Le CGAP partage aussi cette vision : « il est important de choisir une IMF leader dans un

pays afin de montrer le modèle et développer une industrie performante»84 . Cette citation, en

comparant encore la microfinance à une industrie, révèle une fois de plus la logique

économique qui marque les réflexions autour de la microfinance.

Alexandre Coster, cadre de Microcred S.A. en Côte d’Ivoire, revient également sur la

comparaison de la microfinance à une société mercantile, en établissant une distinction entre

microfinance non mutualiste et mutualiste.

« La microfinance non mutualiste est la vente de produits et services financier par une société

capitaliste à but lucrative. Le simple fait que nous parlons de produits financiers cela posera

pour certain des problèmes éthiques mais nous sommes en réalité dans le même schéma

qu'une société qui importent des produits et marchandises classiques dans un pays du Sud ».

Au Sénégal, la majorité des IMF agissent sous la forme de mutuelle, comme c’est le cas des

grands réseaux. Néanmoins, le fonctionnement de ces derniers, de plus en plus semblable à

celui de banques classiques, et leur recherche de profits, remettent en cause la distinction

établie par Alexandre Coster.

Finalement, l’allusion à un modèle, qui devrait combiner bons résultats financiers et bonne

gouvernance, pourrait bien concerner, au Sénégal, le CMS, le principal réseau sénégalais, qui

a obtenu récemment la certification ISO 9001 version 2000 et une note A puis B+ par

l’organisme américain de rating MicroRate. Il est intéressant de souligner que la version 2000

de la certification ISO 9001 souligne les bonnes performances sociales d’un organisme, en

termes d’organisation interne et de relation aux clients. Cette consigne relève également d’une

stratégie commerciale et financière, comme le souligne Microrate. L’agence de rating

explique ainsi l’intérêt pour une IMF d’accroître ses performances sociales pour :

83 Source : www.afd.fr 84 Mrs Mohini Malhotra, Directrice du C.G.A.P, 1998.

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• Réduire les risques de réputation en démontrant les efforts réalisés pour garantir la satisfaction et la protection de vos clients.

• Attirez de nouvelles compétences et sources de financement, et stimulez la motivation de votre personnel en consolidant votre image d’institution socialement responsable vous différenciant de vos concurrents.

• Augmentez votre transparence et répondez aux exigences de vos partenaires (bailleurs de fonds, organes de régulation, clients)

Dans ce domaine, le Crédit Mutuel du Sénégal fait donc office d’exemple.

b. L'uniformisation par la mise en réseau

L’organisation des mutuelles de microcrédit en réseau est une dynamique de plus en plus

admise, sous l’influence notamment de la réussite des trois premiers réseaux sénégalais.

En effet, la mise en réseau donne plus de poids aux IMF, et permet des externalités non

négligeables à leur fonctionnement85. Il existe deux dynamiques de mise en réseau, qui

conduisent à une certaine uniformisation des pratiques, par l'émergence de deux modèles de

réseaux aujourd'hui actifs au Sénégal.

Le premier type concerne les réseaux qui ont directement été pensés et construits sous cette

forme. Plusieurs caisses sont progressivement conçues pour être rattachées aux premières

créées. La construction de chaque caisse s’est ainsi faite pour alimenter l’expansion du réseau.

Les trois grands réseaux sénégalais (CMS, ACEP et UM-PAMECAS) sont nés cette forme de

mise en réseau.

A l’inverse, des réseaux peuvent être créés par le regroupement de mutuelles d’épargne et de

crédit préexistantes. Ce deuxième type de réseautage peut être subdivisé en deux. Le premier

groupe comprend les réseaux nés d’une dynamique initiée par les mutuelles elles mêmes, dite

“endogène”. Par exemple, l’Inter-CREC est un réseau de mutuelles d’épargne et crédit

85 On peut citer les externalités positives suivantes : économies d’échelle, échange de capacités et de bonnes pratiques, amélioration de l’accès au financement extérieur. Source : le « Zoom Microfinance », publication de SOS FAIM, n°22, juillet 2007, page 4

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(appelées CREC) en Basse Casamance. Il regroupe, en décembre 2005, 17 caisses de base et 7

457 membres. Au départ, six CREC (Caisses Rurales d’Epargne et de Crédit) furent créées

par des organisations paysannes. Ces Mutuelles ont par la suite estimé judicieux de se

constituer en réseau et de créer leur propre union. D’autant qu’auparavant, les interactions

entre les CREC étaient déjà fréquentes, le personnel des caisses se connaissait et des

mécanismes d’entraide préexistaient (échange de “bonnes pratiques”, prêts entre CREC, etc.).

Le réseau est donc l’émanation de cette solidarité qui fut renforcée par le fait que les caisses

devaient compter uniquement sur leurs propres ressources.

Le second groupe reprend les réseaux nés d’une dynamique de mise en réseau initiée par des

acteurs externes (ONG, organismes publics de coopération étrangère, organisations

internationales), dynamique qualifiée d’“exogène”. Prenons l’exemple d’un projet dans la

région de Louga, initié par deux ONG : Aquadev (ONG belge) et le CISV (ONG italienne) ;

et financé par la Commission Européenne. Le projet a permis de créer en 2007 une Union de

mutuelles d’épargne et de crédit sélectionnées au sein des mutuelles existantes dans la région

de Louga.

Ainsi, la dynamique de réseautage paraît être un bon moyen de développement d’une IMF

Cette dynamique contribue à l'uniformisation des pratiques et érige le réseau comme un

modèle durable, viable et avantageux. C’est du moins ce qu’on peut en conclure si l’on

considère que les trois plus importantes structures de microcrédit au Sénégal sont organisées

en réseau.

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2. La permanence de la diversité

Les dispositifs financiers, pour réussir, doivent se mouler dans le quotidien des sociétés et de

leur culture (Gentil, Servet, 2002). Il n'y aurait donc pas d'uniformité possible des IMF au

niveau mondial si le quotidien et la culture reste des critères premiers dans l’organisation de

ces dernières. Néanmoins, dans un pays tel que le Sénégal, où le secteur de la microfinance

est très développé et de plus en plus conduit par des logiques économiques, une tendance à

l’uniformisation est belle et bien perçue. L’adaptation des IMF ne s’effectuent plus seulement

face aux contraintes institutionnelles et culturelles du pays mais aussi envers les logiques

économiques et financières des banques classiques et des investisseurs, qui dépassent les

frontières. La tendance à l’uniformisation des pratiques des IMF devrait donc concerner

l’ensemble des pays dans lesquels la microfinance est suffisamment développée pour

intéresser les investisseurs étrangers.

Néanmoins, malgré la recherche et la détermination d’IMF « modèles » par les agences de

notation et les investisseurs, trois principaux critères peuvent expliquer la permanence d’une

certaine diversité dans les pratiques des IMF sénégalaises : la taille des structures, leur secteur

d’implantation et leur politique de fonctionnement.

a. L’impact de la taille des IMF

Comme l'explique Vincent (2008), les stratégies suivies par certaines IMF pour attirer des

sources de financements extérieurs ont conduit à la différenciation de deux types d'IMF.

• Les grandes IMF qui se sont institutionnalisées et sont des clients solvables des banques ou des investisseurs éthiques du Nord. Ce sont elles qui ont auparavant bénéficié de l’appui d’ONG en matière de formation de cadres et de renforcement institutionnel

• Les moyennes et petites organisations de microcrédit, qui ne sont pas auto financées parce qu’elles ont encore besoin d’appuis pour se renforcer, pour perfectionner leurs méthodes de travail, gérer leurs risques, trouver des marchés, améliorer leur produits. Ce sont en partie ces « manques » qui font qu’elles ne sont pas encore « banquables » et que le flux de capitaux ne vient pas à elles. Dès lors, la concentration des flux de la microfinance va vers les plus grandes IMF, alors

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que les petites et moyennes institutions financières ne sont pas reconnues par les banques.

« Les bailleurs de fonds et institutions d’appui ont une part importante sur l’évolution du

tissu de la Microfinance : le souci de rendement du placement de leurs capitaux, un certain

conformisme dans l’appréciation des performances des IMF […] ont pour conséquence qu’en

Afrique comme en Amérique Latine toutes les Institutions de Microfinance n’ont plus les

mêmes chances initiales de se lancer comme il y a encore peu où l'apprentissage et le

renforcement d'expérience se faisaient par la pratique et l'analyse des échecs. La réflexion

sur la consolidation des fonds propres, indispensable pour la définition d’outils à la fois

innovants et pertinents de capitalisation durable, peut présenter le risque d’accentuer encore

le fossé qui se creuse » (Lesaffre, 1999).

On pourrait alors souligner un écart croissant entre les institutions qui se rapprochent du

système des banques classiques, et les autres qui ne peuvent attirer pour le moment l'attention

des fonds extérieurs, et qui ne peuvent donc financer une potentielle croissance de leur

activité. Cet écart croissant, source de diversité, tiendrait avant tout à la taille des IMF,

comme on peut le voir à travers l’exemple du Sénégal.

b. L’impact du lieu d’implantation de l’IMF

Cette caractéristique est fortement corrélée au lieu d’implantation de l’IMF. Une structure

agissant en zone rurale a de fait moins d’opportunités de développement (faible croissance de

la demande potentielle, coût de fonctionnement élevé en raison de l’accès aux réseaux

électrique et téléphonique, etc.). En cela, elle attire moins les acteurs étrangers intéressés par

un retour sur investissement.

Le Comité CERISE a entrepris une étude en 1999 qui insiste notamment sur le coût que

représente la mise en place d’un système microfinancier dans une zone rurale et enclavée en

Afrique Subsaharienne.

« Pour un bailleur, investir dans une zone reculée a un prix qu’il doit être prêt à payer, au moment où il s’engage » (CERISE, 1999)

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Les coûts s’expriment en termes de86 :

• Durée : un programme de microfinance, de sa mise en place à son institutionnalisation complète, prendra une durée totale de huit à dix ans, dans un contexte reculé voire une région très enclavée et vulnérable.

• Financement : le coût d’implantation d’un réseau de microfinance dans une zone reculée est supérieur d’environ 80 % au coût de son implantation dans une région plus accessible selon l’étude de CERISE.

• Moyens humains : un projet de microfinance en zone rurale doit savoir s’entourer de l’expertise d’une équipe motivée et sensibilisée à cette problématique. L’enjeu de la continuité des chargés de projet est aussi important.

• Implication pour des outils adaptés : Selon l’étude de CERISE, « pour favoriser les relations entre les banques et les institutions de microfinance et lever les méfiances, [le bailleur doit contribuer à] améliorer les systèmes d’information, de favoriser la publication d’états financiers certifiés de ces institutions, voire encourager des mécanismes de rating selon des critères quantitatifs et qualitatifs ».

Ce dernier point avancé par CERISE précise bien les conditions requises pour nouer des

collaborations de refinancement. Les IMF en zones rurales seraient donc a priori aussi

concernées mais dans une moindre mesure que les réseaux microfinanciers urbains

bénéficiant de subventions extérieures. En effet, dix ans après la parution de cette étude, la

quasi-totalité des subventions ou prêts des investisseurs internationaux se concentrent encore

sur les IMF en zones urbaines, bien qu’aucune étude n’offre de statistiques exactes à ce sujet.

Les petites structures microfinancières en zones rurales ne sont alors pas forcément soumises

aux mêmes contraintes de fonctionnement et de contrôle que les réseaux microfinanciers

urbains bénéficiant de subventions extérieures.

Ainsi, les financements extérieurs sont d’avantage destinés aux principales IMF sénégalaises,

qui standardisent leur fonctionnement. Les évolutions parallèles de l'ACEP, l'UM-PAMECAS

86 Cf. « Les contraintes et les défis de la viabilité des systèmes de microfinance en zones rurales défavorisées en Afrique » étude de Cerise pour le FENU, 1999, pp 46 à 50

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et le CMS, et leur recherche de développement des produits sur le modèle de ceux proposés

par les banques classiques, entérinent cette hypothèse.

c. Des politiques différentes de la part des financ eurs

L'implantation des IMF, mais également la politique de certains financeurs, permettent de

conserver un champ d’action large des institutions de microfinance au Sénégal. Comme le

rappelle Julien Sciau, certaines fondations n'orientent pas leur financement en fonction de la

taille de l'IMF, mais plutôt en fonction de ses perspectives sociales. La Fondation Grameen-

Crédit Agricole par exemple n'accepte aucun dossier de financement d'IMF se développant

sur le modèle bancaire. La fondation privilégie la mission de l'IMF et non la structure.

L’exemple du système de financement décentralisé Mec Delta évalué par Planet Rating en

2007, confirme cette idée. Créée en mars 1993, la MEC DELTA a pris le relais de deux

mouvements associatifs de la localité de Ronkh, dans la région de Saint Louis au Sénégal,

afin de mieux répondre aux besoins de financements des agriculteurs de cette localité,

principalement des riziculteurs. La mutuelle a choisi de ne s'affilier à aucun réseau. Son

principal financeur extérieur est Oikocrédit, considéré comme un investisseur social.

Néanmoins, rappelons ici que la prise de risque pour les financeurs extérieurs reste encadrée.

Mec Delta a fait l'objet d'une évaluation par une agence de notation. De même, dans l'exemple

de la Fondation Grameen-Crédit Agricole, si les dossiers acceptés concernent des IMF de

taille modeste, elles ont également fait l'objet d'un rating (Cf. Mec Feprodes, Saint Louis, en

2006 puis 2008), ce qui les classe parmi les IMF sénégalaises les plus attractives pour les

investisseurs étrangers. Il serait intéressant d'étudier les influences réciproques du

financement extérieur et de l'évaluation. Les financeurs extérieurs se tournent-ils

exclusivement vers des IMF évaluées ou les organismes d'évaluation ne prennent-ils en

compte que les IMF bénéficiant d'un financement extérieur?

Finalement, la taille n'est donc pas le seul argument de l'attribution de financement. Les

performances et les objectifs, financiers ou sociaux, interviennent également dans les choix

d’investissement selon la nature des financeurs.

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Ainsi, on peut faire le postulat que l'émergence de plusieurs standards est effective. Au-delà

de la taille et des politiques des IMF, qui peuvent différer, la standardisation concerne avant

tout le fonctionnement structurel des institutions de microfinance sénégalaises. Elle

concernerait d’autant plus celles « capables de jouer les différents jeux » des bailleurs et

investisseurs internationaux.

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3. Des réalités multiples : pour la diversité des m odèles

Si la diversité est préservée au Sénégal, il convient de préciser sous quels aspects. La

standardisation agirait alors plutôt sur la structure tandis que la diversité s’appliquerait

d’avantage aux missions. Des exemples viennent illustrer cette pensée.

a. Des modèles sur la structure des IMF

Nos précédentes observations nous inclinent à parler seulement de l'émergence d'un modèle

sur la forme, c'est-à-dire qui touche au système de gestion, de gouvernance, au

fonctionnement interne des IMF et de leurs différentes caisses, etc.

L'UM-PAMECAS fournit un exemple confirmant cette idée. Contrairement à beaucoup

d’Institutions de microfinance tournées vers le volet commercial, le réseau se positionne

différemment. En effet, d’après ses dirigeants, le réseau s’est investi dans le social au profit

des communautés de base pour lesquelles ses caisses se sont créées. Dans chaque caisse de

base existe un fond social prélevé chaque année sur les excédents. Par ce biais, depuis 2000,

le réseau injecte chaque année au moins 25 millions FCFA (plus de 38 000 euros) dans des

domaines aussi divers que la santé, l’éducation, les activités de jeunesse, la religion ou le

troisième âge. De plus, depuis mai 2003, en partenariat avec MECIB Prévoyance Santé

(située à Tally Boubess à Pikine), l'UM-PAMECAS est le premier réseau à proposer une

mutuelle de santé en marge de ses produits financiers classiques. Le mode de financement de

cette mutuelle est identique à celui du fonds social.

Quant au Crédit Mutuel du Sénégal, il se distingue particulièrement dans la configuration de

produits spécifiques de concert avec des ONG et partenaires locaux. Le CMS, dans sa

politique de diversification intense, a rejoint les recommandations faites par la Maison de la

microfinance luxembourgeoise (2008), pour la conservation des spécificités et l'innovation,

afin de viser toutes les catégories de populations vulnérables.

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b. La permanence d’IMF « spécifiques »

Si un modèle émerge sur la forme de gestion des IMF au Sénégal, des différences perdurent

concernant les politiques et l’importance des structures. La diversité de l’offre

microfinancière sénégalaise est donc relativement préservée, et ceci d’autant plus en zones

rurales. Le potentiel de développement de la microfinance y est important et pourrait revêtir

plusieurs formes :

• Créer une IMF dans une région où qui ne présente aucune offre de services financiers pour ces populations. Dans ce cas, l’investissement en temps et en argent est important en vue de développer l’IMF jusqu’à sa viabilité.

• Développer un mécanisme de services financiers autogérés par la population ciblée, appelées aussi « caisses villageoises ». La Caisse Villageoise appartient à la communauté de ses membres qui la gèrent. Le crédit est donné d’abord sur la base des ressources de la collecte de l’épargne, afin de responsabiliser davantage les emprunteurs. Quand la Caisse Villageoise a fait les preuves de sa capacité de gestion et de son sérieux, elle peut accéder à un système de refinancement sur le marché financier qui permet alors de développer plus fortement la fonction de crédit. Elles correspondent au Sénégal aux MEC et aux GEC qui ont cours en milieu rural.

Outre la dichotomie urbain/rural, il convient de noter l’existence de produits financiers

spécifiquement adaptés à une population ciblée, les jeunes ou les femmes. Dans ce cas, il

s’agit de créer un lien particulier entre une IMF existante et un groupe cible particulier, en vue

de configurer un produit spécifique. Cette dynamique est déjà présente au Sénégal mais

devrait être amenée à se développer encore plus dans le cadre de l’insertion économique des

populations vulnérables, vision défendue par l’économie sociale et solidaire.

Le CIF, en collaboration avec ADA, a par exemple mis en place des produits financiers visant

l'insertion professionnelle des jeunes sénégalais et burkinabés. De même, de nombreux

groupements de femmes existent et sont soutenus par des financements extérieurs.

L’Association pour la Promotion de la Femme Sénégalaise (APROFES) est ainsi soutenue

notamment par OXFAM et l'ONG française Eaux Vives. La Mec-Feprodes que nous avons

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déjà cité plusieurs fois est pour sa part une mutuelle regroupant les femmes productrices de la

région de Saint-Louis.

Cette réflexion amène à la conclusion suivante : la microfinance au Sénégal subit l’influence

grandissante des bailleurs et investisseurs internationaux, encouragée par les politiques de

développement actuelles. Cet état de fait conduit à l’émergence de modèles de référence, que

sont les grands réseaux sénégalais : UM-PAMECAS, CMS et ACEP. Les acteurs de la

microfinance au Sénégal s’accordent eux-mêmes pour souligner l’importance de modèles à

suivre, qui « rassurent » les financeurs. Ces modèles menacent-ils la diversité du paysage

microfinancier au Sénégal ? Il apparait que non si on analyse plus en détail la nature des

référentiels imposés par les financeurs. Si des modes de gestion type, pour pérenniser et

rentabiliser l’activité ont en effet tendance à s’imposer, les missions et positionnements des

IMF au Sénégal restent divers. Certains financeurs eux-mêmes encouragent cette diversité, en

donnant la priorité aux petites structures originales qui privilégient une mission économique

et sociale envers une population vulnérable. C’est notamment le cas de la Fondation

Grameen-Crédit Agricole. La diversité des IMF au Sénégal est également fortement corrélée

au lieu d’implantation de la structure. Les zones rurales par exemple présentent des

particularités telles que les projets microfinanciers qui s’y implantent sont de fait originaux.

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Conclusion

Ainsi, l'étude développée ci-dessus tend à démontrer que la microfinance est pilotée par

l'international, depuis l'explosion du secteur dans les années 90. Ce pilotage est double :

• Une influence de paradigme : le modèle néolibéral de la mondialisation économique a fait de la microfinance l'outil du marché accordé aux « pauvres » pour permettre l'amélioration de leur bien-être. Pour aller plus loin, on peut envisager la microfinance comme une industrie à part entière, mettant en contact des bénéficiaires et des fournisseurs de services financiers.

• Un pilotage financier : la recherche de financements extérieurs pour atteindre une taille critique et la pérennité, créé une dépendance des IMF envers les normes internationales et les politiques de rentabilité des bailleurs.

La microfinance au Sénégal telle qu’elle est définie dans ce mémoire a ainsi émergé dans les

années 90 suite à un renouveau des politiques de développement, en s’intégrant dans le

paysage financier sénégalais comme un maillon entre la finance informelle et le système

bancaire classique. Elle a été encouragée en tant qu’outil de la mondialisation dans le sens où

elle a favorisé la perception du marché et de l’entrepreneuriat, de l’individualisme, ainsi que

le désengagement de l’Etat.

Par la suite, dans un contexte économique sénégalais dynamique et attractif pour les

investisseurs étrangers, la microfinance est devenue un marché rentable comme un autre.

En effet, le paradigme commercial de la microfinance, très prégnant aujourd'hui dans les

politiques de développement, promeut l'investissement financier privé, dont celui des

banques. Cette réinterprétation « ultralibérale » de la microfinance comme la qualifie Doligez

(2002), transforme les pauvres en micro-entrepreneurs formant simplement un nouveau

marché pour les investisseurs.

Dans cette optique, le repositionnement des politiques et programmes de développement

soutenant la microfinance a encouragé plus de transparence, et de performances, en proposant

d’implémenter dans les IMF en plein essor, des outils utilisés par le système bancaire

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classique. C’est à ce prix, de standardisation bancaire, que la majorité des investisseurs

étrangers se sont intéressés au secteur microfinancier sénégalais.

En effet, lorsqu’on analyse les conséquences de la mondialisation sur un secteur, la

standardisation s’impose généralement. Cet argument est souvent repris pour dénoncer

l’affaiblissement des spécificités culturelles, politiques, etc.

Peut-on pour autant appliquer entièrement cette analyse au cas de la microfinance

sénégalaise? L’analyse développée ci dessus tend à souligner une uniformisation sur la forme,

des plus grandes IMF, il est vrai. Cependant, certains critères, tels que le lieu d’implantation,

la taille de l’IMF, ou la politique des financeurs permettent de conserver une certaine diversité

dans le paysage de la microfinance sénégalaise.

De même, le développement du secteur et la concurrence croissante devrait entraîner l’arrivée

sur le marché de nouveaux produits. Comme le suppose Alexandre Coster,

«Les institutions risquent de s'uniformiser dans le sens où elles vont toutes se construire sous

le même modèle. En revanche, une multitude d'offres de produits et services verront le jour,

des innovations dans le domaine vont continuer à se développer »

Enfin, les critiques récurrentes auxquelles doit faire face la microfinance, le discours croissant

pour un instrument plus efficace en direction de populations ciblée encourage le maintien de

la diversité des modèles, du moins pour un temps. Ces revendications proviennent en grande

majorité des institutions de recherche ou des acteurs internationaux sur le terrain, défenseurs

d'une vision plus « sociale » de la microfinance. C’est le créneau choisi notamment par

certaines fondations.

Finalement, l'influence des politiques de développement et des financeurs privés,

l’imprégnation de la mondialisation sur la microfinance sénégalaise, rendent sa définition

mouvante.

Les arguments de cette étude s'appuient en effet uniquement sur l'exemple de la microfinance

sénégalaise. L’argumentation et ses conclusions ne vaudraient donc que pour cet exemple. En

effet, la microfinance indienne, ou de certains pays d’Amérique Latine par exemple présente

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d’autres caractéristiques singulières; il serait donc vain d'y appliquer la même argumentation

que pour le Sénégal.

Comme le rappelait Easterly :

« Les pays pauvres se composent d’une incroyable variété d’institutions, de cultures et

d’histoires […]. L’idée d’amalgamer toute cette diversité dans un « monde en développement

qui « décollerait » grâce à l’aide étrangère est une simplification héroïque » (2003).

Nous avons essayé de rappeler constamment cette logique dans le déroulement de ce

mémoire. Par exemple, la première partie vient démontrer que les solidarités traditionnelles

sénégalaises ont eu un impact sur la construction du secteur de la microfinance. Or, ces

solidarités ne sont pas les mêmes en Amérique Latine ou en Asie, ou même dans d’autres

pays d’Afrique.

Néanmoins, pour certains spécialistes, la microfinance telle qu’elle est définie aujourd’hui

peut être considérée comme un ensemble générique, et ses applications, bien qu’elles puissent

être différentes selon les pays, peuvent tout de même être perçues comme une

«Cconséquence de la mondialisation, tout comme la finance. Les flux financiers

s'internationalisent de plus en plus à tous les niveaux. La microfinance n'est qu'un nouveau

segment de marché, concernant une nouvelle population cible susceptible de consommer des

produits et services financiers déjà proposés aux populations plus aisées dans ces même

pays » (Alexandre Coster, 2010).

Cette vision de la microfinance pourrait bientôt dominer largement au Sénégal, et peut

s’expliquer par la mutation des influences. En effet, la nature des fonds et le degré

d’implication des bailleurs de fond et désormais des investisseurs privés ont impacté le

comportement des IMF en matière d’offre de services financiers aux populations pauvres, et

donc, in fine, les performances économiques et sociales de ce secteur.

Le passage de relais des bailleurs vers les investisseurs privés devrait signifier « plus de

rentabilité – moins de solidarité », malgré le rôle compensatoire des investisseurs sociaux.

Cette hypothèse rejoint les analyses de Servet qui défend que la microfinance ne peut

nullement prétendre être une forme quelconque de solidarité. Le marché de la microfinance

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est une industrie financière comme toute autre cherchant à rentabiliser des niches de clientèles

traditionnellement exclues des circuits financiers officiels. La nature sociale de la

microfinance se justifie essentiellement par l’appui des bailleurs.

I. Guérin défend également ce positionnement depuis plusieurs années :

« Le discours actuel repose sur un mythe, celui du « pauvre entrepreneur », et sur une vision

erronée du marché » (2006).

La microfinance, comme le pensait Giraud à propos de la finance (2001), se transformerait-

elle alors en « commerce des illusions », sorte de bulle spéculative aux mains des

investisseurs privés, surestimant les revenus réels pour les micro-entrepreneurs?

C'est pour éviter ce risque, du moins le compenser, que des voix pour la nécessité d'étudier les

impacts de la microfinance, dans le cadre des particularismes locaux, doivent se faire de plus

en plus entendre. Il ne faudrait ainsi jamais s'éloigner de la finalité sociale des IMF (Doligez,

2002), rapportée aux populations-cibles et au contexte local de chaque IMF.

Ainsi, la microfinance pourrait-elle être le point de conjonction entre le global (influence des

acteurs internationaux) et le local (prise en compte des particularismes, proximité) ? Pour

apporter un début de réponse, il est possible de s’inspirer du courant de l'Economie de

Proximité, qui a développé le terme de glocalisation (Zimmermann, Pecqueur, 2004). La

glocalisation (ce qui est "glocal") est une combinaison de global et de local. C'est un concept

alliant les tendances globales aux réalités locales, en donnant des limites à la globalisation et

en s'adaptant aux réalités locales, plutôt que de les ignorer ou les écraser.

La microfinance, au Sénégal tout du moins, pourrait être la parfaite illustration de ce

néologisme.

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Tableau 1: Principaux indicateurs des SFD en UEMOA, juin 2006 Page 57

Tableau 2 : indicateurs de la microfinance au Sénégal, décembre 2008, MixMarket

Page 58

Tableau 3 : Microfinance en Afrique en volume, par sous-région Page 60

Tableau 4 : Qualité du portefeuille des SFD en UEMOA, juin 2006 Page 64

Tableau 5: IMF sénégalaises évaluées par des agences de Rating Page 86

Tableau 6 : la méthode Girafe, Planet Rating Page 86

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Annexes

ANNEXE 1

Vue d'ensemble de l’Afrique de l’Ouest In Perspectives économiques en Afrique, 2010, www.africaneconomicoutlook.org Afrique de l’Ouest La croissance du PIB en volume de la région s’est établie à 5.4 pour cent en 2008 – comme en 2007 – et elle devrait ralentir de plus d’un point de pourcentage en 2009, à 4.2 pour cent, avant de se consolider à 4.6 pour cent en 2010. Dans cinq des huit pays de l’UEMOA (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo), l’activité s’est améliorée ; elle a revanche reculé légèrement au Niger et au Sénégal. Le Togo se distingue, avec une croissance du PIB tout juste positive en 2008, à 0.8 pour cent, conformément à la trajectoire descendante sur laquelle le pays semble être engagé depuis quelques années. Les graves inondations de juin 2008 sont venues fragiliser un peu plus le PIB par habitant. La consolidation politique en Côte d’Ivoire – première économie de l’UEMOA – explique en partie l’amélioration de la situation dans la plupart des pays membres de l’Union. Son PIB a progressé de 2.3 pour cent en 2008, soit environ un demi-point de pourcentage de plus qu’en 2007. Au Sénégal en revanche, la croissance a reculé, tombant à 3.7 pour cent, plombée par une mauvaise production de céréales et d’arachides mais aussi de phosphates et d’engrais. La production de coton a augmenté, en particulier au Burkina Faso où elle a atteint des sommets en 2008. La croissance soutenue de la production agricole dans plusieurs pays de l’UEMOA est l’un des grands résultats positifs de l’année. Le Mali et le Niger ont par ailleurs respectivement profité de l’excellente tenue des cours de l’or et de l’uranium. Le Mali a également vu sa production de denrées alimentaires progresser raisonnablement. La croissance du PIB malien s’est établie à 3.6 pour cent (contre 3.2 pour cent en 2007) et celle du Niger à 4.8 pour cent – un résultat moins satisfaisant qu’en 2007 où elle avait atteint 5.7 pour cent. Dans les huit pays d’Afrique de l’Ouest non membres de l’UEMOA (Cap-Vert, Gambie, Ghana, Guinée, Liberia, Nigeria, São Tomé et Principe, et Sierra Leone), le Nigeria – de loin l’économie la plus importante de la région – a affiché un taux de croissance du PIB de 6.1 pour cent en 2008, plus ou moins identique à celui de 2007 malgré les troubles récurrents dans le delta du Niger qui, en perturbant la production de pétrole, ont provoqué un repli de 8 pour cent. En 2009, la croissance du Nigeria devrait se tasser, à 4 pour cent, à cause surtout des quotas de production de l’OPEP et d’un ralentissement des investissements. Le Cap-Vert continue d’afficher de bons résultats en 2008, à 6.1 pour cent (contre 6.9 pour cent en 2007). Le Liberia a connu pour la troisième année consécutive une croissance exceptionnellement robuste, à environ 7.3 pour cent, dopée par les dépenses d’infrastructures et la reprise de la production agricole depuis la fin du conflit. Le Ghana et la Sierra Leone s’en sortent bien, à respectivement 6.4 et 5.4 pour cent, grâce aux bons résultats du secteur du cacao et à la vive augmentation de la production alimentaire. Les prévisions pour 2009 sont mitigées mais, comme au Nigeria, la plupart des pays devraient connaître un ralentissement de l’activité, l’investissement public et privé marquant le pas, tout comme les cours des matières premières et les envois des expatriés. Le Liberia et la Sierra Leone se détachent du lot, avec une croissance qui devrait rester vigoureuse, dopée par la reprise post-conflit.

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ANNEXE 2 Rappel sur le Sénégal CIA – World Factbook 2010, Senegal, https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/sg.html

Economy - overview:

In January 1994, Senegal undertook a bold and ambitious economic reform program with the support

of the international donor community. This reform began with a 50% devaluation of Senegal's

currency, the CFA franc, which was linked at a fixed rate to the French franc. Government price

controls and subsidies have been steadily dismantled. After seeing its economy contract by 2.1% in

1993, Senegal made an important turnaround, thanks to the reform program, with real growth in GDP

averaging over 5% annually during 1995-2008. Annual inflation had been pushed down to the single

digits. As a member of the West African Economic and Monetary Union (WAEMU), Senegal is

working toward greater regional integration with a unified external tariff and a more stable monetary

policy. High unemployment, however, continues to prompt illegal migrants to flee Senegal in search

of better job opportunities in Europe. Senegal was also beset by an energy crisis that caused

widespread blackouts in 2006 and 2007. The phosphate industry has struggled for two years to

secure capital, and reduced output has directly impacted GDP. In 2007, Senegal signed agreements

for major new mining concessions for iron, zircon, and gold with foreign companies. Firms from Dubai

have agreed to manage and modernize Dakar's maritime port, and create a new special economic

zone. Senegal still relies heavily upon outside donor assistance. Under the IMF's Highly Indebted

Poor Countries (HIPC) debt relief program, Senegal has benefited from eradication of two-thirds of its

bilateral, multilateral, and private-sector debt. In 2007, Senegal and the IMF agreed to a new, non-

disbursing, Policy Support Initiative program. In September 2009, Senegal signed a Compact with

the U.S. Millennium Challenge Corporation, which will provide $540 million in infrastructure

development, primarily in road construction along Senegal's northern and southern borders, in

conjunction with adjacent irrigation and agriculture projects.

GDP (PPA)

$23.16 billion (2009 est.)

$22.04 billion (2008 est.)

Labor force- by occupation :

agriculture: 77.5%

industry and services: 22.5% (2007 est.)

GDP-real growth rate

5.1 % (2009 est.)

Unemployment rate :

48% (2007 est.)

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ANNEXE 3 Le financement des PME au Sénégal, Hamsatou HAROUNA DJIBO - Institut Privé de Gestion de Dakar (IPG) - Maitrise en Administration des Affaires. www.memoireonline.com

Section 3 : Historique du financement du secteur privé au Sénégal La reforme bancaire de 1975 introduite par la BCEAO a supprimé la distinction faite entre banques commerciales et banques de développement. Sur le plan réglementaire, des normes prudentielles plus strictes sont imposées aux banques suivant la nature des activités qu'elles financent. Dans ces conditions, les banques ne financent que les activités qu'elles jugent rentables et négligeront de plus en plus les PME. Vers la fin des années 80, le secteur bancaire a connu sa plus sérieuse crise. Comme conséquence de cette crise, des reformes importantes ont été mises en place en 1989. La structuration du système bancaire s'est, en particulier, traduite par la liquidation de huit banques dont cinq du secteur public et trois du secteur privé. Elle a été accompagnée d'une libéralisation partielle des taux d'intérêt, de l'allocation du crédit et de la création d'un marché monétaire ayant pour objectif d'encourager le développement d'un système financier moins administré, plus flexible et plus concurrentiel. La restructuration de 1989 a été un succès en ce que le système bancaire a été assaini. Les reformes structurelles n'ont pas donné les résultats escomptés en ce qui concerne le financement du développement. La liquidation des banques de développement a laissé un vide particulièrement dans le domaine du financement de la PME. En effet, la distribution de crédit par branche d'activité place le commerce en première position avec pas moins de 52% de l'encours en fin 1999 contre 45,7% en décembre 1994. Ce sont des activités de négoce qui constituent l'essentiel du financement des banques à l'économie. Depuis 1995, la BCEAO exige que 60% au moins du portefeuille des banques soient constitués de prêts approuvés. Ce système place certes, davantage, les banques en face de leur responsabilité en ce qui concerne l'appréciation du risque et la qualité des emplois, mais il traduit aussi le souci de la Banque Centrale de préserver la solvabilité et l'amélioration de la qualité des portefeuilles des banques primaires par le renforcement des ratios prudentiels. Ceci a constitué une raison supplémentaire pour les banques de marquer un certain recul face aux demandes de financement des Petites Entreprises. En effet, selon le « Rapport sur le développement humain» du PNUD pour le Sénégal de 1998, il a été relevé qu'en matière de crédit bancaire, les PME affichent des proportions de rejet très élevées qui s'établissent entre 75,80% et 100% des demandes. Ce constat n'est pas simplement spécifique aux PME de production parce que pouvant être étendu à l'ensemble des micros entreprises. La plupart de ces dernières n'avaient jamais eu accès au crédit bancaire. L'approche la plus classique du financement des investissements des PME qu'elles soient rurales ou urbaines, a été de fournir des lignes de crédit et/ou de fonds de garantie aux banques pour financer l'investissement des PME. Or, l'expérience a montré que les banques sont réticentes pour aborder la question du financement des PME. Dans le cas où elles accordent ce type de prêt, elles utilisent pour l'instruction du dossier et le suivi des remboursements, des méthodes adaptées à la clientèle des grandes entreprises. Le coût unitaire élevé du traitement des dossiers et le faible taux de recouvrement qu'elles obtiennent justifient à leurs yeux, le peu d'intérêt qu'elles portent à ce secteur.

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ANNEXE 4

Échantillon des résultats de l'enquête sur le marché parallèle au Sénégal, Menée par Hane et Gaye en 1994

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ANNEXE 5

Utilisation des fonds recueillis grâce aux tontines Enquête réalisée par Michel Dromain dans les années 80 sur 199 tontines In L’épargne ignorée et négligée : les résultats d’une enquête sur les tontines au Sénégal

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ANNEXE 6

Extraits de Brunel S. (2007) Qu’est ce que la mondialisation, in Sciences Humaines, mars. « Depuis le début des années 1990, la « mondialisation » désigne une nouvelle phase dans l’intégration planétaire des phénomènes économiques, financiers, écologiques et culturels. Un examen attentif montre que ce phénomène n’est ni linéaire ni irréversible. [...] D’abord et avant tout une globalisation financière [...] La mondialisation actuelle est d’abord et avant tout une globalisation financière, avec la création d’un marché planétaire des capitaux et l’explosion des fonds spéculatifs. La fin de la régulation étatique qui avait été mise en place juste après la Seconde Guerre mondiale s’est produite en trois étapes : d’abord, la déréglementation, c’est-à-dire la disparition en 1971 du système des parités stables entre les monnaies, qui se mettent à flotter au gré de l’offre et de la demande ; ensuite, la désintermédiation, possibilité pour les emprunteurs privés de se financer directement sur les marchés financiers sans avoir recours au crédit bancaire ; enfin, le décloisonnement des marchés : les frontières qui compartimentaient les différents métiers de la finance sont abolies, permettant aux opérateurs de jouer sur de multiples instruments financiers. [….] L'avènement des doctrines libérales Comment en est-on arrivé là ? Le tournant décisif se produit dans les années 1980. En 1979, l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan aux Etats-Unis et de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne signifie l’avènement des doctrines libérales. La même année, le Sénégal inaugure le premier « plan d’ajustement structurel » : la crise de la dette vient de commencer pour les pays en développement, obligés d’adopter des « stratégies de développement favorable au marché », selon la formule des institutions financières internationales (Banque mondiale et FMI). Cette unification des modèles économiques gagne non seulement le monde en développement mais aussi les pays de l’Est : c’est en 1979 toujours que la Chine libéralise son agriculture. Cinq ans plus tard, en 1984, elle ouvre ses premières zones économiques spéciales. Cinq ans après encore, la disparition du mur de Berlin annonce celle de l’Union soviétique en 1991, année où l’Inde, jusque-là nationaliste, protectionniste et autarcique, se libéralise à son tour. En dix ans, la face du monde a résolument changé. La fin de la guerre froide crée l’illusion qu’une communauté internationale est née, qui va enfin percevoir « les dividendes de la paix ». Le capitalisme paraît avoir triomphé, au point que Francis Fukuyama annonce « la fin de l’histoire ». Les firmes transnationales amorcent un vaste mouvement de redéploiement de leurs activités. La décennie 1990 est jalonnée par de grandes conférences internationales où les acteurs traditionnels de la diplomatie, les Etats et les institutions internationales, se voient bousculés, interpellés par de nouveaux acteurs, qui privilégient la démocratie participative. Filles de la mondialisation, dont elles utilisent un des ressorts essentiels, le pouvoir des médias et de la communication, les ONG se fédèrent en réseaux planétaires grâce à l’utilisation d’Internet. Elles imposent la vision nouvelle d’un monde interdépendant, où les grandes questions – pauvreté, santé, environnement – doivent être appréhendées de manière globale. Le Sommet de la Terre (Rio, 1992) inaugure ainsi l’ère du développement durable.

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ANNEXE 7

Fiche technique sur le DSRP, FMI, 2005 Source : http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/prspf.htm Les documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) sont établis par les gouvernements des pays à faible revenu selon un processus participatif dans lequel s'impliquent à la fois les parties prenantes au niveau national et les partenaires extérieurs du développement, dont le FMI et la Banque mondiale. Le DSRP décrit les politiques et les programmes macroéconomiques, structurels et sociaux qu'un pays mettra en œuvre pendant plusieurs années pour promouvoir la croissance et réduire la pauvreté; il expose aussi les besoins de financement extérieur et les sources de financement connexes. Quel est l'objectif des documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) ? L'expansion continue de l'économie mondiale depuis quelques décennies est à l'origine d'une grande prospérité, qui a permis de tirer de la misère des millions de personnes, notamment en Asie. Dans les 25 années à venir, cependant, la population de la planète devrait s'accroître de quelque deux milliards d'êtres humains, qui naîtront en majorité dans des pays en développement ou des économies de marché émergentes. À moins que les pays ne s'efforcent, de façon concertée, d'adopter les politiques avisées qui les aideront à s'aider eux-mêmes et que la communauté des partenaires du développement ne vienne appuyer ces efforts en augmentant ses concours, nombre de ces populations resteront condamnées à vivre dans la pauvreté. Le dispositif des DSRP, mis en place en septembre 1999 par le FMI et la Banque mondiale, est concrétisé par des stratégies générales de réduction de la pauvreté pilotées par les pays. Ces stratégies assurent un lien essentiel entre les actions des autorités nationales, les concours des bailleurs de fonds et les résultats requis pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (ODM) de l'Organisation des Nations Unies visant à réduire de moitié la pauvreté entre 1990 et 2015. Les DSRP forment la base des opérations de prêts concessionnels et d'allégement de dette du FMI et de la Banque mondiale dans le cadre de l' Initiative en faveur des pays très endettés (PPTE). Les DSRP des pays qui ont consenti à leur diffusion peuvent être consultés sur les sites respectifs du FMI et de la Banque mondiale. Principes fondamentaux du dispositif des DSRP Cinq grand principes régissent le dispositif des DSRP. Les stratégies de réduction de la pauvreté doivent être :

- pilotées par les pays et aptes à favoriser l'internalisation des stratégies grâce à une large participation de la société civile;

- axées sur les résultats et les mesures susceptibles d'avoir un effet bénéfique sur les pauvres;

- globales, dans la mesure où elles reconnaissent la nature multidimensionnelle de la pauvreté; - orientées sur le partenariat via la participation concertée des partenaires du développement

(gouvernement, parties prenantes au niveau national et bailleurs de fonds extérieurs); - et inscrites dans une perspective à long terme du recul de la pauvreté.

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ANNEXE 8

Rapport de la Commission Bancaire de la BCEAO 2008, extraits concernant le secteur bancaire au Sénégal

(*comparaison des taux entre 2007 et 2008, puis variation entre les deux)

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ANNEXE 9

Introduction de : M Servet, I. Guérin, L’économie solidaire entre le local et le global : l’exemple de la microfinance (2005)

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ANNEXE 10

La microfinance dans la zone UEMOA Extrait du Benchmarking 2008 de MIX Market

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ANNEXE 11

Extrait de l’entretien avec Julien Sciau, chargé de développement au sein de la Fondation Grameen Bank-Crédit Agricole Réalisé le 28 octobre 2009 1) Quels sont vos projets au Sénégal? Les deux IMF pour lesquelles nous avons rédigé des dossiers de financement sont Caurie-Microfinance située à Thiès, et Mec Feprodes à Saint Louis. Ces des deux projets passeront devant le Comité d'Investissement début décembre. Il s'agit de 2 IMF pour lesquelles des données sont disponibles sur le Mix. 2) Comment qualifieriez vous le rôle des fondations privées dans le financement des IMF, notamment en Afrique Subsaharienne? Il y a plusieurs types de Fondations et de bailleurs. Certaines ne font que des subventions, d'autres des prêts subventionnées, et d'autres des prêts à des taux de marché. On peut aussi trouver ces trois cas de figure au sein du même bailleur. Le rôle des Fondations, et des bailleurs en général à travers les financements accordés aux IMF, est pour moi d'accompagner les IMF dans leur développement lorsque les banques locales ne sont pas encore prêtes à assumer le risque "microfinance". 3) Quel est l'objectif de ces financements? L'objectif de ces financements est de participer à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion financière, par le biais d'un soutien financier et technique apporté aux IMF. Les financements de la Fondation sont essentiellement structurés de telle sorte qu'ils ne font pas subir aux IMF de risque de change. Les financements sont réalisés en monnaie locale, ou sous forme de garantie accompagnant les emprunts.

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ANNEXE 12

Extraits de l’entretien avec Alexandre Coster, cadre de Microcred S.A. en Côte d’Ivoire

1) Que penser de la phrase suivante "la microfinance est la fille bienveillante du capitalisme"? La microfinance non mutualiste est la vente de produits et services financier par une société capitaliste à but lucrative. Le simple fait que nous parlons de produits financiers cela posera pour certain des problèmes éthiques mais nous sommes en réalité dans le même schéma qu'une société qui importe des produits et marchandises classiques dans un pays du Sud. Pourquoi des services financiers ne pourraient pas être distribués par des sociétés capitalistes comme partout dans le monde ? Ces populations souhaitent avoir accès à ce service comme tout autre personne et être traitées comme des consommateurs à part entière, surtout pas comme des pauvres à qui il faut venir en aide .La microfinance n'est donc pas plus la fille bienveillante du capitalisme que tout autre secteur d'activité du privée. 2) Pensez-vous que la microfinance au Sénégal est en mutation du fait des investisseurs privés? En effet, les investisseurs privés au Sénégal comme dans beaucoup d'autres pays jouent un rôle très important dans le secteur de la microfinance. Les micro-entrepreneurs ont aujourd'hui accès à des produits de crédits qui ne nécessitent pas d'épargne au préalable. C'est un élément extrêmement important. Comment quelqu'un qui a besoin d'un crédit, peut il constituer soit même une épargne ? De plus, la concurrence comme dans tous les autres secteurs d'activités est toujours bénéfique pour les consommateurs finaux : les micro-entrepreneurs. Ils vont voir les taux de rémunération d'épargne augmenter, la qualité des services s'améliorer, etc. 3) Pensez-vous que l'accroissement des flux privés (ou autres raisons) va conduire à l'uniformisation institutionnelle des IMFs? Ou au contraire augmenter la diversité des IMF? Les institutions risquent de s'uniformiser dans le sens où elles vont toutes se construire sous le même modèle. En revanche, une multitude d'offres de produits et services verront le jour, des innovations dans le domaine vont continuer à se développer. 4) Penses-tu que la logique sociale est de plus en plus ou de moins en moins prise en compte par les acteurs de la microfinance, en fonction de la nature de ces acteurs? Le plus gros déficit social dans la microfinance se trouve dans les familles qui se sont retrouvées ruinées à cause de leur crédit. Or, les nouvelles institutions privées, dans un soucis de rentabilité, utilisent des méthodologies de crédit beaucoup plus prudentes et efficaces afin d'éviter au maximum les impayés. En conséquence, les clients sont mieux ciblés et donc plus pertinent pour les microentrepreneurs. Ainsi, sans être dans une logique sociale au départ, l'impact social de ces institutions est souvent plus sain. De plus, les bailleurs de fonds encore très présents, imposent à ces sociétés des réglementations et politiques favorables à une progression sociale de la clientèle. 5) Que penses-tu de la phrase suivante "la microfinance est une émanation de la mondialisation"? La microfinance est une conséquence de la mondialisation tout comme la finance. Les flux financiers s'internationalisent de plus en plus à tous les niveaux. La microfinance n'est qu'un nouveau segment de marché, une nouvelle population cible susceptible de consommer des produits et services financiers déjà proposer aux populations plus aisées dans ces même pays.