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Cahiers nantais, 2010-1 et 2 13 La répartition des cultures dans la zone inondable de la Loire entre Saumur et St Florent le Vieil François GUEYDON Géographe, Pays des Vals de Saintonge [email protected] Grégoire MAILLET Géographe, Université d’Angers [email protected] Résumé La répartition des cultures à l'intérieur d'une zone inondable s'explique par un certain nombre de contraintes. Certaines sont d'origine naturelle, comme les crues, alors que d'autres sont d'origine anthropique, comme les prix du marché ou les mesures réglementaires de protection des zones humides. En se basant sur une approche cartographique et statistique, cet article va détailler les facteurs les plus susceptibles d'expliquer la répartition des cultures dans le lit majeur de la Loire, entre Saumur et Saint-Florent-le-Vieil dans le département du Maine-et-Loire. Nous proposerons ensuite une méthode permettant de chiffrer l'influence des facteurs physiques et anthropiques sur les cultures par le biais de traitements statistiques. Mots-clés Zone humide, occupation du sol, SIG, Val de Loire. 1 Qui suit le tracé des plus hautes eaux connues, celles de la crue de 1856 A l'intérieur du Maine-et-Loire, le lit majeur de la Loire 1 occupe plus de 400 km² et consti- tue la plus grande zone inondable du départe- ment. Les spécificités de l'agriculture de la vallée de la Loire ont participé à y construire un riche patrimoine écologique et paysager. L'occupation agricole du sol (ODS) y dépend d'un certain nombre de contraintes physiques (nature des sols, topographie, crues..) et anthropiques (aménage- ments, règlementations...) qui varient beaucoup entre le Val d'Authion, de Saumur aux Ponts-de- Cé, et la Loire armoricaine, des Ponts-de-Cé à Saint-Florent-le-Vieil (fig. 1). La répartition des cultures est hétérogène dans la zone inondable. Dans cet article, nous allons brosser un tableau des spécificités du lit majeur de la Loire dans le domaine de l'agriculture et du cadre physique. Ces spécificités permettent d'expliquer la réparti- tion des cultures dans le fond de vallée. Nous proposerons ensuite une méthode permettant de quantifier l'influence des contraintes physiques et sociétales sur les cultures par le biais d'outils SIg et de traitements statistiques. Introduction

La répartition des cultures dans la zone inondable de la

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Cahiers nantais, 2010-1 et 2

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La répartition des cultures dans la zone inondable

de la Loire entre Saumur et St Florent le Vieil

François GUEYDONGéographe, Pays des Vals de Saintonge

[email protected]

Grégoire MAILLETGéographe, Université d’[email protected]

Résumé La répartition des cultures à l'intérieur d'une zone inondable s'explique par un certain nombre decontraintes. Certaines sont d'origine naturelle, comme les crues, alors que d'autres sont d'origineanthropique, comme les prix du marché ou les mesures réglementaires de protection des zoneshumides. En se basant sur une approche cartographique et statistique, cet article va détailler lesfacteurs les plus susceptibles d'expliquer la répartition des cultures dans le lit majeur de la Loire,entre Saumur et Saint-Florent-le-Vieil dans le département du Maine-et-Loire. Nous proposeronsensuite une méthode permettant de chiffrer l'influence des facteurs physiques et anthropiques surles cultures par le biais de traitements statistiques.

Mots-clés Zone humide, occupation du sol, SIG, Val de Loire.

1 Qui suit le tracé des plus hautes eaux connues, celles de la crue de 1856

A l'intérieur du Maine-et-Loire, le lit majeur dela Loire 1 occupe plus de 400 km² et consti-

tue la plus grande zone inondable du départe-ment. Les spécificités de l'agriculture de la valléede la Loire ont participé à y construire un richepatrimoine écologique et paysager. L'occupationagricole du sol (ODS) y dépend d'un certainnombre de contraintes physiques (nature des sols,topographie, crues..) et anthropiques (aménage-ments, règlementations...) qui varient beaucoupentre le Val d'Authion, de Saumur aux Ponts-de-Cé, et la Loire armoricaine, des Ponts-de-Cé à

Saint-Florent-le-Vieil (fig. 1). La répartition descultures est hétérogène dans la zone inondable.

Dans cet article, nous allons brosser un tableaudes spécificités du lit majeur de la Loire dans ledomaine de l'agriculture et du cadre physique.Ces spécificités permettent d'expliquer la réparti-tion des cultures dans le fond de vallée. Nousproposerons ensuite une méthode permettant dequantifier l'influence des contraintes physiqueset sociétales sur les cultures par le biais d'outilsSIg et de traitements statistiques.

Introduction

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1. Présentation de la zone d'étude

Le paysage rural de la vallée de la Loire est leproduit d'un ensemble d'influences historiques,naturelles et économiques. Sa compréhensionpasse par une vision globale des interactionsentre facteurs physiques et humains, l'ensembleformant le géosystème (Bertrand, 2002) de lavallée de la Loire.

Les Hommes dans la vallée de la Loire

Historique de l'occupation du Val de Loire

La présence de l’homme dans la vallée de laLoire est avérée dès le Néolithique. Dès 6 600ans avant note ère, des traces de déforestationsont visibles, notamment au niveau de Champ-tocé-sur-Loire (Cyprien et al, 2004). Vers le XIe

siècle, l'optimum climatique médiéval favorisele développement de l'agriculture. À partir desbuttes insubmersibles se développent, d’unepart, l’élevage et, d'autre part, les culturescomme les vignes, les céréales ou le chanvre. Cetessor de l'agriculture contribue à augmenter ledéfrichement de la vallée. En parallèle, la tradi-tion des communaux (parcelles utilisées collec-tivement pour faire pâturer le bétail) commence

à générer un paysage de prairies, le bétail brou-tant les jeunes pousses et empêchant la reforma-tion des forêts.

L'aménagement hydraulique de la vallée com-mence au XIIe siècle en Anjou (Dion, 1934) avec laconstruction de levées, dont l’objectif est decontenir les plus hautes crues de la Loire. Laconstruction de levées de plus en plus impor-tantes se poursuivra jusqu’au XIXe siècle où lestrois grandes crues de 1846, 1856 et 1866 font ap-paraître clairement les problèmes liés à l'endigue-ment du fleuve. La réduction progressive duchamp d'expansion des eaux par les levées en-traîne une hausse de la vitesse du courant et de lahauteur d'eau lors des crues. À cette époque, lesforêts ont presque entièrement disparu du Val deLoire, les arbres ne subsistant que par l’emboca-gement des zones très humides. La révolutionagricole commence assez tardivement sur ces es-paces (gras, 1968) en raison de ce parcellaire bo-cager de petite taille et de sols saturés en eau lorsdes inondations (Montembault, 2002). À partirdes années 1960, une série d'aménagements surle cours de l'Authion (entre Saumur et Les Ponts-de-Cé) artificialise très fortement l'hydrosystèmeen régulant totalement les entrées d’eau et en per-mettant la poldérisation de la vallée. Ceci permet

Levée du val d'Authion

Saumur

Les Ponts de Cé

Saint-Florent-le-Vieil

Val d'AuthionLoire Armoricaine

0 5 km

N

cours d'eau

lit majeur

levées

communes

Conception et réalisation : F. GueydonSource: DDE du Maine et Loire

Fig. 1 - Le lit majeur de la Loire, principaux aménagements et limites communales

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Un cadre règlementaire contraignantpour le monde agricole

Un ensemble de règlementations spécifiquesau Val de Loire y entraînent des contraintes par-ticulières pour la pratique de l'agriculture. Ellessont liées à la mise en avant du rôle clef quejouent les zones humides dans la préservationde la biodiversité et la nécessité d'une gestion ef-ficace du risque d'inondation. Les grandes orien-tations pour la gestion de l'eau et l'entretien dumilieu, à l'échelle du bassin versant, sont don-nées par le Plan Loire grandeur Nature et par leSDAgE Loire. À une échelle plus locale, la ges-tion et la prévention des crues sont assurées parles plans de prévention des risques d’inondation(PPRI). Le potentiel écologique du Val de Loireest reconnu par son inscription en ZNIEFF. Leprogramme européen Natura 2000 participequant à lui à la préservation du patrimoine natu-rel. Ces règlementations touchent de près lemonde de l'agriculture, puisqu'elles financentdes actions comme la revégétalisation des bergeset l'entretien des prairies permanentes. Dans leszones les plus fréquemment inondées, l'utilisa-tion d'intrants chimiques est limitée.

Contexte physique

Les Pont-de-Cé, une rupture géologiqueet topographique

La vallée de la Loire s'est formée au fil dessiècles par une alternance entre le creusement dusubstrat géologique et le dépôt de sédiments parle cours d'eau. Le sol à l'intérieur du lit majeurest composé d'alluvions que la Loire a prélevéestout au long de son parcours. La vallée traversela totalité du département d'est en ouest et couleà travers deux formations géologiques diffé-rentes, le Bassin parisien à l'est et le Massif ar-moricain à l'ouest. Cette frontière géologiquemodifie de façon importante l'apparence du litmajeur (fig. 3).

À l'est, la vallée présente un profil dissymé-trique. La rive sud est bordée de falaises escar-pées de craie et de tuffeau. Au nord c'est une

le développement de l'horticulture et du maraî-chage dans le Val d'Authion, ce qui n'est pas sansaccentuer les différences paysagères entre Vald'Authion et Loire armoricaine. Il faut ensuite at-tendre les années 90 pour que la valeur patrimo-niale et écologique du système prairial et bocagersoit mise en avant.

Population et agriculteursdans le Val de Loire

Avec plus de 155 000 habitants et 20 % de lapopulation du département en 2009, le Val deLoire est un espace densément peuplé (fig. 2). Ladensité de peuplement y est fonction de l'impor-tance du risque d'inondation, la population seconcentrant sur des buttes insubmersibles natu-relles et derrière les levées qui offrent une pro-tection efficace contre la plupart des crues. Lapart des agriculteurs dans la population activeest quant à elle inférieure à ce qu'on peut retrou-ver dans les plateaux environnants. La popula-tion agricole a évolué de la même façon que dansle reste du département, à savoir une baisse ré-gulière du nombre d'exploitants et en parallèleun agrandissement progressif de la taillemoyenne des exploitations.

Fig. 2 - Densité de population en 2009

0 10 20 km

Densité de population par commune (hab/km2)

plus de 90 (103 communes)

de 70 à 90 (43 communes)

de 50 à 70 (62 communes)

Source : INSEE, Chambre d'Agriculture 49 Conception et réalisation : F. GUEYDON

de 40 à 50 (43 communes)

moins de 40 (112 communes)

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large plaine alluviale sur un anticlinal de rochescarbonatées tendres du Cénomanien fortementérodé par le fleuve. La largeur moyenne du litmajeur dans le Val d'Authion est supérieure à6 km. Quand la Loire entre dans les roches plusdures du Massif armoricain, au niveau des Pontsde Cé, la vallée se rétrécit progressivement jus-qu'à atteindre une largeur moyenne de 3 km. Lescoteaux sont à présent symétriques avec despentes régulières de part et d'autre de la Loire.

Dans la partie Est du département, la Loireprésente un tracé en plan à chenal unique, lalevée du Val d'Authion limitant les divagationsdu fleuve. Les îles sont d'assez faible superficie etsont souvent peu utilisées par l'agriculture.Lorsque la levée s'achève et que le fleuve pénètre

le Massif armoricain, la Loire se divise alors ende multiples chenaux qui segmentent le fond devallée en de nombreuses îles. Les plus vastessont souvent reliées aux berges du fleuve par desponts, comme l'île de Saint Florent et l'île de Cha-lonnes. Certaines, comme cette dernière, sontégalement en partie protégées par une levée.

Une zone d’inondation faiblement identifiée

Le débit moyen annuel de la Loire est de 683 m3/sà Saumur et de 849 m3/s à Montjean sur Loire.Cette différence est surtout due à la confluencede la Loire avec la Maine (Archambeau, 2005)dans laquelle se jettent les principaux coursd'eau des basses vallées angevines (la Mayenne,la Sarthe et le Loir). Ces moyennes annuelles ne

Villes Réseau hydrographique

Angers

Saumur

Saint-Florent-le-Vieil

Altitude en m0 m

+ de 60

20 m

40

en m3/s

Débit mensuel de la Loire à Saumur Moyenne 1916-2008

Conception et réalisation : Gueydon FSources: BD alti IGN, BD hydro, carte géologique du conseil général du 49

Principales formations géologiques

Topographie du lit majeur de la Loire

0 10 km

Schistes

Schistes et grès

Granit et Gneiss

Alluvions

Sédiments du Bassin Parisien

1300

1100

900

700

500

300

100

- 100Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Déc

Fig. 3 - Topographie du Val de Loire

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Fig. 4 - Répartition des cultures dans le lit majeur

traduisent pas l'irrégularité des débits de la Loirequi varient de façon importante selon les saisons(fig. 3). Durant l'étiage d’été, son débit est fré-quemment inférieur à 300 m3/s et est même des-cendu à 59 m3/s à Montjean sur Loire en août1949 (de Marsily, 2006). Durant les mois d'hiveret de printemps, les précipitations sont plus im-portantes et les débits mensuels dépassent alorssouvent les 1 000 m3/s. Lors des crues, qui seproduisent principalement au printemps, les dé-bits peuvent être beaucoup plus importants, su-périeur à 5 000 m3/s lors des crues d'occurrencedécennale. Elles peuvent parfois être encore plusviolentes, avec des débits supérieurs à 7 000m3/scomme lors des trois crues centennales du XIXe

siècle. Malgré tout, la perception du risqued'inondation par les riverains est aujourd'huitoute relative, les riverains se sentant protégéspar des levées qui n'ont pas été submergées de-puis des décennies (gueydon, 2009).

La mosaïque agricole du fond de vallée

Le paysage du fond de vallée a été en grandepartie construit par l'agriculture. Néanmoins,

son apparence est loin d'être uniforme, du fait decontraintes naturelles et anthropiques différentesentre l’amont et l’aval des Pont-de-Cé. Nousavons vu que le contexte géologique, hydrogra-phique et l'aménagement du lit majeur parl'homme permettent de distinguer clairement leVal d'Authion de la partie armoricaine de laLoire. Ces différences sont particulièrement vi-sibles en termes d'occupation agricole du sol(fig. 4) et s'expliquent par des pratiques cultu-rales radicalement différentes.

Agriculture intensive dans le Val d'Authion

Avec près de 640 exploitations dans la produc-tion d'arbres fruitiers, de légumes, de fleurs et desemences, le Val d'Authion est l'un des princi-paux pôles horticoles français (Mazas, 1999). Laculture de céréales, essentiellement du maïs se-mence, est également très présente et occupe lamajeure partie des terres arables du val (fig. 5a).L'apparence générale de la vallée est celle d'unpaysage plat, assez ouvert, avec de grandes par-celles aux séparations peu marquées. Les sitesinondables par remontée des eaux de l'Authion

Loire Armoricaine

Saumur

Les Ponts de Cé

Saint-Florent-le-Vieil

Val d’Authion

Chalonnes sur Loire

0 m

10 m

25 m

Conception et réalisation : Gueydon FSources : GIP Loire estuaire, DIREN centre, DDE 49, BD Alti IGN

0 1 km

0 10 km

bâti

prairies

céréales

bois

horticulture

peupleraies

cours d’eau

aléa crue élevée

levées

N

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étaient autrefois utilisés en prairie pour l'élevage,mais c'est une activité en déclin peu à peu rem-placée par la polyculture depuis que l'Authion aété aménagé. La trame des haies est égalementen recul et aboutit à une banalisation progressivedu paysage.

Élevage extensif en Loire armoricaine

Avec la fin de la levée du Val d'Authion et l'en-trée dans le Massif armoricain, le visage de lavallée change radicalement. Les grandes prairiesparsemées de frênes, de peupleraies et de chênestêtards succèdent aux serres et aux grandschamps de céréales (fig.5 b). Et c'est l'élevage quiprédomine. Zone sensible aux inondations, leslevées sont moins développées que dans le Vald'Authion, et la prairie prospère en raison de sabonne tolérance à la submersion. Le bocage estnettement plus présent qu'en amont, et, s’ilconnaît un recul avec la mécanisation de l'agri-culture dans les années 50, par la suite, l'aspectécologique est mis en avant et l'utilisation desbroyeurs et des lamiers permet de faciliter l'en-tretien des haies (Montembault, 2004). La popu-liculture a connu un essor important dans lesannées 90 dans le cadre des contrats de plan État-Région qui cherchaient à promouvoir une « forêtpaysanne ». La populiculture ne fait cependantpas l'unanimité et est aujourd'hui l'objet de cri-tiques de la part d'un certains nombres d'écolo-gistes (Montembault 2002).

Une rapide présentation des particularités duVal de Loire permet de constater les importantesdifférences entre le Val d'Authion et la Loire ar-moricaine, l'agriculture n'y subissant pas lesmêmes influences : le risque de crue, l'artificiali-sation du lit et la règlementation n'y ont pas lemême impact et le paysage produit par l'agricul-ture est donc différent. Si le Val d'Authion est lethéâtre d'une agriculture intensive à l'intérieurd'un espace fortement artificialisé, par compa-raison, la Loire armoricaine présente un paysagemoins maîtrisé et encore soumis aux contraintesnaturelles d'une zone inondable.

2. Apport des Systèmesd’Informations Géographiques àl’analyse du Val de Loire

Les cartes d'occupation du sol disponiblespour le Val de Loire et l'utilisation de SIg per-mettent aujourd'hui d'étudier de façon précise larépartition des cultures (Robin, 2002). Cela enfait des outils précieux pour étudier l'impact descontraintes naturelles et artificielles.

Des sources d'information multiples

La présentation du fond de vallée montre queles forçages sur l'agriculture sont multiples. Leurétude demande des méthodes différenciéesselon qu'elles soient localisables dans l'espace ou

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50 %

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70Val d’Authion Loire armoricaine

Sources : GIP Loire estuaire,DIREN centre,Corine Land Cover

prairies prairiesforêts forêtshorticulture horticulture

bâtiments bâtimentscéréales céréales

Fig. 5 a et 5b - Diagrammes de l’occupation du sol des différentes parties du lit majeur

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non. Ainsi les crues ou les levées vont affecteruniquement certaines parties du fond de vallée,leur étude au moyen de cartographies est doncpossible. À l’inverse, d'autres forçages comme larentabilité économique ou les subventions agis-sent de façon diffuse dans l'ensemble du lit ma-jeur et sont donc difficilement observablesuniquement à partir de cartes. Une autre ap-proche est alors nécessaire.

Variables spatialisables

Plusieurs campagnes de cartographie du fondde vallée, essentiellement réalisées par photo-in-terprétation, sont disponibles grâce au travaildes collectivités territoriales. Les sources étantmultiples, nous avons privilégié les travaux pro-duits par la DIREN, le Conservatoire de la Loire,le gIP Loire estuaire et le programme Corineland Cover. En intégrant l'ensemble de ces infor-mations dans une base de données SIg, il estpossible de connaître précisément l'occupationdu sol (ODS) de toute la zone inondable. Unsimple découpage permet ensuite d'observerplus en détail la répartition des cultures dans deszones précises, les terres les plus inondées oucelles protégées par une levée par exemple. L'in-formation ainsi obtenue permet d'observer àquel point une contrainte précise va affecter larépartition des cultures. Cette méthode permetd'étudier les contraintes localisées dans l'espacecomme les crues et les aménagements.

Variables non spatialisables

Pour les variables plus locales ou moins vi-sibles à partir de cartes d'occupation du sol(ODS), une autre méthode est nécessaire. La per-sonnalité d'un exploitant, le matériel dont il dis-pose, sa perception des subventions ou encorela réglementation sont autant de facteurs qui in-fluencent la répartition des cultures bien quecela n'apparaisse pas clairement sur une carte.Une consultation des acteurs de terrain, par lebiais d'une enquête réalisée auprès des agricul-teurs apparaît comme un bon complément d'in-formation pour estimer l'influence de cescontraintes non spatialisables. La méthode decollecte la plus fiable reste l'entretien direct

mais il pose des problèmes de temps et de coût(Blanchet, 1991). Nous avons donc privilégiél’entretien téléphonique, plus rapide et surtoutbien accueilli par des agriculteurs prêts à don-ner 10 minutes de leur temps pour répondre in-opinément à une enquête, alors qu'un entretiensur rendez-vous impose davantage decontraintes. L'utilisation d'un questionnaire ci-blant des domaines précis permet de limiter lesbiais de l'entretien par téléphone.

Utilisation des statistiques pour quantifierles forçages sur les cultures

En appoint des données obtenues sur la répar-tition des cultures dans la zone inondable, untraitement statistique à été réalisé. Des coeffi-cients de similitude, notés Cs, permettent d’éva-luer à quel point la répartition des cultures estsimilaire entre deux entités du lit majeur, qui peu-vent se recouvrir partiellement ou être totalementdistinctes. L’identification dans le lit majeur deplusieurs zones s'est faite à l’aide d’un systèmed’information géographique, en se basant sur lesforçages dominants dans des parties précises dufond de vallée. Nous avons ainsi pu chiffrer lesdifférences dans la répartition des cultures entreles zones protégées par les levées, celles deszones les plus sujettes aux crues ou encore le pé-rimètre Natura 2000. L'ensemble des Cs sont re-groupés dans une matrice qui permet d'identifieret de quantifier facilement les différences d'ODSà l'intérieur du lit majeur en fonction de lacontrainte dominante, et de caractériser les diffé-rences entre les diverses zones géographiquesconsidérées (gueydon, 2009).

Facteurs influents mis en évidence

L'influence sur la répartition des cultures decertaines variables a ainsi pu être étudiée en sebasant sur l'occupation du sol et sur les résultatsd'une enquête auprès des agriculteurs.

Les levées

En termes d'occupation du sol, les levées ontun impact très important sur le lit majeur. Elles

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ont permis le développement de cultures qu'ilaurait été autrement impossible de mettre enplace dans la vallée. La répartition des culturesest très différente entre les zones protégées(fig. 5c) et celles non protégées par les levées(fig. 5d). Aussi bien à l'est qu'à l'ouest du dépar-tement on constate une forte hausse des culturescéréalières derrière les levées. Au contraire lessurfaces en prairie, mais aussi les forêts, les peu-pleraies et le bocage y sont moins présents quedans le reste du lit majeur. L'effet protecteur deslevées joue ici son rôle en « supprimant » l'im-pact des crues sur l'occupation des sols. Le pre-mier constat est donc qu'on ne peut sortir d'unelogique de fonctionnement en système où chaqueélément est influencé par d'autres.

L'exemple de l'île de Chalonnes est typique del'influence des levées. Située en Loire armori-caine, pays de l'élevage, toute sa partie amont estprotégée par une levée (fig. 4). La conséquenceest une île à deux visages, les prairies inondablesà l'ouest succédant aux cultures céréalières re-groupées derrière la levée à l'est.

En plus de leur effet concret sur l'importancede l'aléa inondation, les levées vont avoir un effetsur la perception du risque de crue qu'a l'agri-culteur. Leur impact sur l'occupation du sol estplus palpable dans le Val d'Authion, les riverainset les agriculteurs sont rarement conscients de sesituer dans une zone potentiellement inondable.Dans la Loire armoricaine au contraire, le fleuveparaît plus sauvage, moins contenu par les amé-nagements et, même s'ils se situent derrière unelevée, les exploitants sont conscients de se situeren zone inondable.

Inondabilité

Contrairement aux grandes plaines du Vald'Authion, une partie du lit majeur ne bénéficiepas de la protection des levées et reste donc sou-mise à des crues fréquentes. Les sols saturés eneau et les crues de printemps font de cette partiede la vallée un environnement qui correspondplus à l'image classique d'une zone inondable.Les conditions étant peu favorables à la céréali-culture, l'élevage y a donc prospéré (fig. 5e).

Fig. 5c, 5d et 5e - Diagrammes de l’occupationdu sol des différentes parties du lit majeur

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Zone protégée par les levées

Zone non protégée par les levées

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50 %

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prairies

céréales

peupleraies

Zones les plus inondées(plus de 2 m d’eau et forts courants)

Sources : GIP Loire estuaire, DIREN centre, Corine Land Cover

forêts

horticulture

bâtiments

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Les peupleraies, qui comme les prairies tolè-rent assez bien les inondations de printemps,sont elles aussi bien représentées dans les zonessujettes aux crues. Les forêts sont, quant à elles,nombreuses là où les crues sont fréquentes et deforte intensité, symptômes d'un certain abandonde la zone inondable lorsque les conditions sontpeu propices à l'agriculture intensive.

La partie du fond de vallée la plus représenta-tive de l'influence des crues est située devant lalevée du Val d'Authion. La levée qui est ici paral-lèle au fleuve augmente artificiellement la vitessedu courant et la hauteur d'eau, les conditionssont donc particulièrement hostiles à la céréali-culture. La répartition des cultures présente iciles mêmes caractéristiques que dans les autreszones souvent inondées, mais de façon plus ac-centuée. Les prairies, les peupleraies et les forêtsy sont encore plus présentes, alors que les cé-réales sont au contraire quasiment absentes. Celamontre bien comment l'agriculture s'adapte defaçon presque automatique au risque de crue enfonction de son importance.

Règlementation et économie

La nécessité d'une rentabilité économique estun dénominateur commun à l'ensemble des ex-ploitations du département. Ce qui a commencéil y a des siècles avec l'exportation du chanvrevers la ville d'Angers s'est poursuivi et amplifiéjusqu'à la situation actuelle. Les cours des cé-réales, du lait et de la viande sont autant de fac-teurs qui vont avoir un effet déterminant sur lesrevenus de l'agriculteur.

L'exploitant favorisera donc naturellement laculture susceptible d'engendrer des bénéficesimportants. Interrogés sur ce qui les a poussés àchoisir une culture plutôt qu'une autre, 52 % desagriculteurs ont répondu : la rentabilité écono-mique (fig. 6). Les cultures pratiquées vont doncen partie dépendre de la demande mondiale.

Les mesures de soutien des prix et les subven-tions de l'agriculture dans le cadre de la PACjouent elles aussi un rôle déterminant : plus de

40 % des agriculteurs interrogés ne pensent paspouvoir continuer à exercer leur métier sans l'ap-port des subventions. L'exploitant aura donc ten-dance à favoriser les cultures les mieuxsubventionnées. Or il ressort de l'enquête que lescéréaliers sont globalement davantage satisfaitsdu montant de leurs subventions que les éle-veurs. Ces dernières auront donc tendance àorienter les systèmes de production vers la cul-ture de céréales. En définitive, la règlementationrevêt un double aspect, avec d'un coté des primesà la productivité et de l'autre des mesures de pro-tection de l'environnement qui imposent ou in-terdisent à l'exploitant certaines pratiques (parexemple les bandes enherbées en bord de coursd'eau que l'agriculteur est obligé de respecter). Ily également de nombreuses mesures incitativesavec primes à la clef pour le respect de certainesméthodes de cultures, comme la fauche tardivedes prairies. Ces mesures semblent avoir un cer-tain effet sur le terrain, notamment en raison desdiverses primes qui apportent un revenu d'ap-point intéressant. Ainsi, dans 25 % des cas les per-sonnes interrogées ont répondu qu'elles avaientchoisi leur culture dominante en raison desprimes qu'elle leur permettait de toucher (fig. 6).

Source : Enquête de terrain 2008, GUEYDON F.

Céréaliers Éleveurs

rentabilité économique

rentabilité économique

subventions intéressantespour ce type d’activité

matériel agricole spécifique

résiste bien aux inondations

demande peu d’entretien

demande peu d’entretien

Fig. 6 - Principaux motifs de culture pour cer-taines catégories d’agriculteurs de la zoneinondable

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Évolution et spécialisation de l'agriculture

Les transformations qu'a connues l'agriculturedepuis le XIXe siècle ont progressivement modi-fié les habitudes culturales (Charvet, 1994).L'agrandissement de la taille moyenne des ex-ploitations se fait au détriment de la diversité desespèces cultivées. La polyculture semble ainsisurtout pratiquée par les agriculteurs les plusâgés dont l'exploitation est de taille plus mo-deste. Les grandes exploitations ont, elles, ten-dance à être tenues par des agriculteurs plusjeunes qui pratiquent peu la polyculture. Cerecul de la diversité des cultures est lié au faitque les agriculteurs subissent une pression éco-nomique de plus en plus forte, pression qui exigedes exploitations plus productives pour qu'ellessoient viables. Or, ce gain de productivité passepar la spécialisation et l'amélioration des moyenstechniques ce qui demande d'importants inves-tissements. Ces investissements incitent de plusen plus l'agriculteur à se spécialiser dans un petitnombre de cultures, accentuant la distinctionentre céréaliers et éleveurs.

La céréaliculture et l'élevage entraînent deschoix de cultures forts différents. Dans la majo-rité des cas rencontrés, l'exploitation de l'éleveuraura une superficie supérieure à 60 hectares etsera dominée par les prairies. Le céréalier auralui une exploitation de taille plus modeste domi-née par des céréales cultivées de façon intensive.Le choix d'un mode de production ne dépendpas uniquement des préférences de l'exploitant.Plus de 60 % des exploitants interrogés avaientrepris l'exploitation familiale et devaient doncprendre en compte le poids de la tradition et dumatériel hérité. Ce fait entraîne souvent une per-pétuation du mode de production déjà en place,la reconversion vers un autre type de cultureétant trop onéreuse. Il y a donc un paradoxeentre un monde agricole en perpétuelle évolu-tion où les investissements de plus en pluslourds empêchent les changements.

Des paysages au fonctionnementtrès différent

Observer et mettre en évidence les influencesque subit l'agriculture à partir de cartes et d'en-quêtes de terrain est finalement assez aisé. Quan-tifier cette influence par des traitementsstatistiques permet ensuite de hiérarchiser cesforçages sur l'agriculture. Il est alors possibled'expliquer les importantes différences paysa-gères entre l'est et l'ouest de la vallée de la Loire.En effet, en l'espace de quelques kilomètres le vi-sage du fleuve change radicalement passant d'unagrosystème 2 au biotope très artificialisé pourrépondre aux besoins de l'agriculture dans le Vald'Authion, à un agrosystème à l'apparence plusnaturelle et « sauvage » en aval des Ponts de Cé.

Le Val d'Authion : un agrosytèmeconstruit pour la productivité

L'impact de l'homme a bouleversé le fonction-nement naturel de cet espace dans une tentativede poldériser (humeau, 1975) ce qui était à l'ori-gine une zone humide, pour en faire un agrosys-tème tourné vers la productivité. En nous basantsur le coefficient de similitude (tableau 1) entrel’occupation du sol dans le Val d’Authion et leszones protégées par les levées (Cs = 0,99), nousconfirmons quantitativement que les levées sontbien la principale cause du développementd'une agriculture intensive dans cette partie de lavallée de la Loire. Néanmoins celles-ci agissentde manière indirecte : ce ne sont pas les levées enelles mêmes qui influencent les cultures mais lefait qu'elles limitent le risque de crues (Cs = 0,08).Ces levées ont ainsi permis de faire émerger lespotentialités d'une zone autrefois trop inondéepour y pratiquer une agriculture intensive. Lagrande plaine d'inondation, fertile et historique-ment peu urbanisée en raison des crues, est de-venue le terrain idéal pour l'agriculture, une foisles levées en place. L’oubli de la sensibilité de ces

2 Écosystème dont le biotope a été modifié par l'homme pour l'exploitation de la biocénose par l'agriculture

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espaces aux inondations, généré par la présencede ces levées, peut ainsi s’inscrire durablementdans les mentalités locales et permettre le déve-loppement de cultures ne prenant quasiment pasen compte le risque d'inondation malgré laproximité du fleuve. L'agriculteur se permetalors de cultiver sans se préoccuper des crues, etles paysages se réorganisent autour d’élémentsincompatibles habituellement avec la proximitédu fleuve (représentés par l’ODS du lit majeuren périmètre Natura 2000).

Ceci est confirmé mais relativisé par la valeurde 0,39 que prend le Cs entre l’ODS du Val d’Au-thion et du périmètre Natura 2000. Il s'avère eneffet que le Val d'Authion est propice à l'agricul-ture intensive car la proximité de la Loire et l'ir-rigation permettent un apport en eau aisé et peucoûteux. Cet accès à l’eau a permis le dévelop-pement de l'horticulture et des productions cé-réalières qui, en l'absence de risques naturels,assurent une forte rentabilité économique en as-sociant productivité et subventions intéressantesdans le cadre de la PAC.

Bien que ce soit de façon moins flagrantequ'en Loire armoricaine, les contraintes natu-relles ont tout de même un impact sur la répar-tition des cultures (Cs = 0,43 entre ODS du Vald’Authion et des zones non-protégées). Les solsfertiles, faits d'alluvions, et la proximité de la

nappe d’accompagnement de la Loire permet-tent une bonne productivité, ce qui incite lesagriculteurs à valoriser une partie de leurs terresen zone exposée, en dépit des risques encourus.Rappelons également qu'une bande de terre trèsinfluencée par les crues existe toujours entre lechenal de la Loire et la levée du val d'Authion,ce qui contribue à augmenter la valeur de ce Cs.

La Loire armoricaine : un agrosystèmeau fort potentiel écologique

L'idée assez répandue que la Loire est le dernierfleuve sauvage d'Europe est bien sûr en grandepartie fausse. On peut cependant dire qu'avec lafin de la levée du Val d'Authion, l'artificialisationdu biotope par l'agriculture se fait plus discrète(Cs = 0,27 entre l’ODS du Val d’Authion et de laLoire armoricaine). Le biotope de l'agrosystèmedes bords de Loire est en effet moins artificialisé àl’aval des Pont-de-Cé. Les levées moins présenteset l'absence de stations de pompage font que lescontraintes liées à l'eau sont encore très présentes(Cs = 0,98 entre l’ODS de la Loire armoricaine etdes zones non protégées).

La mosaïque de cultures nous est ici apparuecomme très adaptée à l'eau, contrairement au Vald'Authion : les zones les plus inondées et l'en-semble du lit majeur ont un Cs = 0,97 contre 0,08pour le Val d'Authion. En l'absence de levées, la

Total lit majeur

Val d'Authion

Loire Armoricaine

Zones les + inondées

Zones protégées parles levées

Zones non protégéespar les levées

Lit majeur enpérimètre Natura 2000

Lit majeur horsNatura 2000

Total lit majeur

Val d'Authion

LoireArmoricaine

Zones les+ inondées

Zonesprotégées par

les levées Zones non

protégées parles levées Lit majeur en

périmètreNatura 2000 Lit majeur

horsNatura 2000

1

0,98 1

0,48 0,27 1

0,23 0,08 0,97 1

0,99 0,99 0,28 0,09 1

0,44 0,43 0,98 0,97 0,31 1

0,42 0,39 0,97 0,97 0,28 0,99 1

0,98 0,99 0,23 0,01 0,99 0,24 0,21 1

Tableau 1 - Types d’occupation du sol (ODS)

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topographie joue aussi un rôle importantpuisque c'est l'altitude d'une parcelle par rapportà la Loire qui conditionnera le risque de crue.

Contrairement au Val d'Authion, les mesuresde protection de la biodiversité, comme le péri-mètre Natura 2000, recouvrent ici la majorité dela zone inondable (Cs = 0,99), ce qui leur permetd'avoir sur les cultures un impact plus marqué.Plutôt que de modifier la répartition des cul-tures, ces mesures vont avoir pour principal effetde la faire se maintenir dans l'état actuel, et envalorisant l'intérêt écologique, de maintenir unsystème prairial. Les contrats d'agriculture du-rable et les mesures agro-environnementalesvont ainsi améliorer l'intérêt économique desprairies, les pratiques « durables » des agricul-teurs étant favorisées par des subventions.

Enfin la rentabilité économique reste bien sûrl'objectif principal, mais ici cela se fait en s'adap-tant aux contraintes du milieu, en l'occurrenceprincipalement les crues, et non en adaptant lemilieu aux besoins de l'homme.

Conclusion

Nous avons pu au fil de cet article mettre enévidence les facteurs naturels et anthropiquesqui permettent d'expliquer l'occupation des sols.Les causes de la profonde disparité dans la ré-partition des cultures entre l'agrosystème du Vald'Authion et celui de la Loire armoricaine ont puainsi être étudiées. Il est clair que la transitionentre deux formations géologiques différentesinflue sur la nature du substrat, la topographie etmême sur l'aspect du chenal de la Loire. La pro-fonde disparité paysagère entre l'est et l'ouest dulit majeur est cependant avant tout d'origine an-thropique. La construction des levées et l'amé-nagement de l'Authion ont entièrementtransformé le paysage. En limitant les risques

naturels l'homme a pu développer le potentieléconomique du Val d'Authion au point de lerendre méconnaissable. Rien ne rappelle aujour-d'hui l'ancienne présence de marais et de forêts(Burnouf et Carcaud, 1999). La Loire armori-caine n'a pas bénéficié d'aménagements aussiimportants et l'agriculture s'est adaptée à un mi-lieu humide sous la forme de prairies. Cecontraste entre l'est et l'ouest est appelé à se per-pétuer et même à s'accentuer dans les décenniesà venir.

En effet, la pérennité de l'agrosystème du Vald'Authion semble assurée. Son statut de pôlehorticole est appelé à se renforcer avec des ini-tiatives récentes comme la charte du Val d'An-jou qui vise à favoriser le développementd'entreprises spécialisées dans la production vé-gétale. Au contraire l'avenir de l'agrosystèmeprairial semble encore incertain en Loire armori-caine. La suppression des quotas laitiers en 2015risque de remettre en cause la rentabilité desprairies alors que c'est une culture peu préda-trice envers l'environnement, qui produit un mi-lieu favorable à la biodiversité. Les subventionsperçues pour le respect de pratiques écologiqueset l'entretien du paysage sont encore loin d'éga-ler celles de la PAC. Même si des initiativescomme Natura 2000 existent déjà, la mise en va-leur économique du rôle écologique de l'agricul-ture reste encore à faire. L'idée que l'agriculturepeut, en complément de son rôle de productionde denrées alimentaires, servir à entretenir oumême à créer un écosystème riche en biodiver-sité (les prairies inondables en sont le parfaitexemple) fait déjà l'objet d'un certain nombre derecherches (Altieri, 2002). Cette idée d'une agri-culture dont le rôle ne se bornerait plus à la pro-duction de ressources semble une alternativeintéressante pour une partie de la vallée de laLoire toujours menacée par l'enfrichement et lapopuliculture.

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