Upload
others
View
0
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
L’effet Hilton
Par Chip Heath et Karla Starr
Avant-propos La plupart des grands groupes célébrant leur 100e anniversaire pourraient se contenter
d’organiser une belle fête. Mais Hilton a choisi d’engager des auteurs extérieurs septiques (du
domaine de l’entreprenariat avec une expérience en sciences sociales), afin de rendre compte
des effets de l’entreprise sur les voyageurs, l’industrie du voyage, ses employés, ainsi que les
communautés autour du globe. Si l’on récapitule le rôle tenu par Hilton dans tous ces domaines,
il est alors possible de mesurer l’impact que Hilton a eu dans le monde du voyage, influence
que nous dénommons « L’effet Hilton ».
Nous avons creusé dans l’histoire de Hilton pour déterminer comment, dès leurs débuts,
ils ont su être efficaces et comment ces succès historiques ont posé les jalons de leurs
pratiques actuelles. Hilton est une multinationale colossale, avec près de 900 000 chambres
réparties en 14 marques distinctes, qui connaît une forte et rapide croissance, particulièrement
en Chine. Puisqu’il nous faut traiter un aspect particulier, nous nous concentrerons sur le cœur
de l’organisation, la plupart des récits provenant de la marque phare d’origine de l’entreprise,
Hilton.
Bien sûr, nous ne sommes pas crédules, et reconnaissons notre part de subjectivité.
Hilton nous a rétribués pour ce projet, et les études ont montré que même les petits cadeaux, si
subtils soient-ils, nous rendent plus favorables à l’égard de ceux qui offrent lesdits cadeaux.
Ainsi, vous, lecteurs avisés, devez savoir que nous sommes peut-être plus positifs au sujet de
Hilton que nous ne devrions l’être, mais nous ne pensons pas que les études prédisent un parti
pris quant aux facettes de Hilton que nous voyons d’un angle positif.
Si nous sommes aujourd’hui habilités à rendre compte de l’histoire de Hilton, c’est grâce
à l’enseignement personnalisé du formidable historien Mark E. Young. Ce dernier dirige les
archives de l’industrie hôtelière au Hilton College of Hotel Management de l’Université de
Houston. Dès le début, il nous a aidés à remarquer des détails subtils et surprenants dans
l’histoire de la marque, qui se sont révélés être la clé de notre analyse, tels que : l’importance
de la climatisation dans les chambres d’hôtel, une ligne directe de réservation, Lady Hilton, un
design d’intérieur interculturel et des photos montrant clairement la croissance économique
dans le quartier après l’arrivée de l’hôtel. Nous remercions également ceux qui nous ont aidés à
réaliser les diverses études de cas présentées dans ce livre, y compris les groupes régionaux
qui ont mené les entrevues initiales.
Parce que nous, humains, sommes souvent grandiloquents pour décrire notre rôle dans
les événements, nous avons cherché des sources extérieures pour vérifier les détails des
études de cas et l’impact global de Hilton dans le monde. Ainsi, nous avons remarqué que bien
souvent, les employés de Hilton n’ont pas dérogé à la règle. Au cours de la deuxième série
d’entrevues, les récits se sont souvent révélés encore plus remarquables qu’on ne l’avait
imaginé. Ce que les membres de l’équipe considéraient en grande partie comme une journée
de travail de plus était à vrai dire tout à fait extraordinaire. Nous sommes plus qu’impatients de
vous révéler ces histoires, car nous avons nous-mêmes été surpris d’avoir pu les dénicher.
La volonté de Hilton en créant ce livre était de comprendre quels aspects de son histoire
les avaient aidés à devenir si prospères aujourd’hui, et comment ils pouvaient continuer à
améliorer ces pratiques à l’avenir. Mais ils espèrent également que ce livre aidera les
personnes qui leur sont les plus chères : vous, leurs clients, ou leurs amis dans d’autres lieux
de travail.
Si vous travaillez pour un concurrent de Hilton, veuillez refermer ce livre immédiatement.
Si vous travaillez ailleurs (particulièrement chez Hilton), bienvenue ! Après vous, cher lecteur
curieux. Nous espérons que cet ouvrage vous apportera de précieuses informations.
Vous y apprendrez peut-être grâce aux secrets de Hilton comment requinquer des
clients fatigués, créer des environnements de travail qui engagent vraiment les employés,
devenir un point focal dans votre communauté, en somme, l’empreinte que vous pourrez
potentiellement poser en créant une entreprise qui résiste à l’épreuve du temps.
Que chacun et chacune d’entre vous ait la chance d’évoluer au sein d’un lieu de travail
aussi engagé que l’hôtel Hilton Colombo au Sri Lanka,
Chip Heath et Karla Starr
En quoi l’hôtel Hilton est-il comme l’ampoule d’Edison ?
À vrai dire, il n’est pas tout à fait correct de dire que Thomas Edison est l’inventeur de
l’ampoule électrique. Edison a simplement breveté l’un des composants (le filament de carbone
longue durée dans un tube à vide scellé) et l’a combiné avec les inventions existantes (fils
électriques et composants). Mais sa contribution s’est avérée être la pièce manquante au
puzzle qui a permis à tout le système d’éclairage de prendre vie à part entière.
Henry Ford n’a pas inventé l’automobile non plus, juste la pièce manquante du puzzle
(chaîne de montage) qui était nécessaire pour que l’ensemble (moteur, freins et carrosserie)
devienne économiquement viable, galvanise l’intérêt et atteigne un large public.
Compte tenu de ces précédents, il n’est pas scandaleux de dire que Conrad Hilton a
inventé l’expérience hôtelière moderne, en particulier pour les voyages d’affaires. Bien sûr, les
gens voyageaient déjà jadis pour le travail (même Ferdinand Magellan était en mission pour
Dieu et le roi d’Espagne) et des hôtels existaient avant Hilton (s’il y a une crèche à Noël, c’est
parce que toutes les auberges du coin étaient complètes). Pourtant, nous savons que Hilton a
apporté la pièce manquante au puzzle, car sa marque d’hôtels fut la première à véritablement
connaître le succès.
En 1943, Hilton devint la première chaîne d’hôtel à s’établir d’un océan à l’autre.
En 1946, Hilton Hotels Corporation fut la première société hôtelière à vendre des actions
et en 1947, elle était cotée à la bourse de New York.
Trois ans plus tard, Hilton construisit le premier hôtel international moderne, le Caribe
dans la ville de San Juan à Porto Rico. Dès 1963, un reporter du magazine Life écrivait : « Dans
certains pays, comme l’Espagne, il fut ancré dans l’imaginaire collectif que “Hilton” était le mot
anglais pour “hôtel” ».
En 2016, Hilton établit sa présence dans son 100e pays.
Et aujourd’hui, Hilton fête son 100e anniversaire.
La firme de Conrad Hilton a pris son envol en apportant le chaînon manquant du séjour
hôtelier, qu’il a découvert en s’adressant à un groupe que Hilton lui-même connaissait très
bien : les voyageurs d’affaires.
Hilton grandit au sein d’une famille aisée (son père Gus, d’origine norvégienne, fit
fortune en vendant des mines de charbon), mais en 1907, une banque à New York connut une
crise monétaire qui épuisa ses réserves. La banque ferma, ce qui répandit la panique, créant
une cascade de fermetures de banques à l’échelle nationale. Gus Hilton se retrouva alors avec
une montagne d’actions qu’il ne put convertir en argent. « Tout à coup, nous n’étions plus
riches », a écrit Hilton dans ses mémoires, Be My Guest.
Selon Hilton, cette famille soudainement sans le sou convoqua une réunion de gestion
de crise et conclut qu’elle devait utiliser ses quatre actifs restants pour se maintenir à flot :
1. Une main d’œuvre
2. Un stock sur les étagères de son magasin
3. La « plus grande bâtisse en adobe du Nouveau-Mexique, située face à une gare
ferroviaire sur une ligne principale »
4. La cuisine de Mary Hilton
La meilleure analyse a été faite par un Conrad alors âgé de 20 ans : « Cette addition
d’éléments ne pouvait donner qu’un seul résultat, un hôtel Hilton ».
Conrad et son frère Carl se rendirent tous les jours à la descente du train pour rabattre
les clients, à minuit, 3 heures du matin et à midi. Leurs hôtes étaient souvent des vendeurs
itinérants, qui possédaient l’argent nécessaire pour s’acquitter d’une nuit. Trois fois par jour,
Conrad se retrouvait à parcourir le chemin entre la gare et sa maison et pension de famille,
transportant les bagages des vendeurs remplis d’échantillons. C’est probablement en discutant
de la vie sur la route que Conrad réfléchit à la façon dont il pouvait promouvoir la cuisine de sa
mère et à la manière de rendre les hôtes heureux pendant tout leur séjour.
Conrad et Carl s’occupaient du magasin et prenaient en charge les bagages. Ils
réveillaient les hôtes. Ils dormaient là où ils le pouvaient. Gus, quant à lui, s’occupait de la
satisfaction des clients et Mary s’assurait de les sustenter.
Très vite, la famille rencontra un vif succès. Un lit confortable, des draps propres, des
repas faits maison, un magasin sur place, un emplacement de choix près des transports et deux
porteurs-vendeurs ? Pour 2,50 dollars la nuit ?
Très rapidement, le bouche-à-oreille fit son effet parmi les vendeurs avertis (une version
démodée de TripAdvisor), en répandant qu’il existait désormais un nouvel endroit où séjourner,
si vous passiez par San Antonio, au Nouveau-Mexique. « Allez donc chez les Hilton ».
En six semaines, l’information s’était répandue jusqu’à Chicago. « Si vous avez besoin
d’une pause entre deux voyages d’affaires », pouvait-on entendre, « arrêtez-vous à San
Antonio et prenez une chambre chez les Hilton ».
Tout d’abord, précisons que la propriété originale où Hilton apprit l’esprit d’entreprise et
l’hôtellerie était située à San Antonio au Nouveau-Mexique (et non San Antonio au Texas). Les
Hilton identifiaient si bien les besoins des voyageurs d’affaires que les vendeurs faisaient une
« halte » intentionnelle dans une petite ville à mi-chemin entre El Paso et Albuquerque (ou, en
termes mathématiques, à mi-chemin entre nulle part et nulle part).
En quoi cet endroit était-il si spécial ? On racontait alors :
« Ils servent les meilleurs
repas de l’Ouest et il y a ce garçon
qui excelle à rendre votre séjour
confortable ».
En 1919, Conrad Hilton
acheta son premier hôtel, le
Mobley à Cisco, au Texas, qu’il
décrivit comme « un mélange entre
un refuge miteux et une mine
d’or ». L’hôtel Mobley accueillait
principalement les voyageurs
d’affaires des champs de pétrole
de Cisco, mais les hôtels suivants
d’Hilton, à la fois achetés et acquis,
se sont concentrés sur les
voyageurs faisant des haltes pour
le travail dans les petites villes du Texas, comme Waco et El Paso, pendant le boom pétrolier
du début du XXe siècle. En devenant le saint patron de la classe affaires mobile, il a en fait
déniché la recette qui a fonctionné pour un public beaucoup plus large : les gens veulent
voyager partout et se sentir à l’aise, comme à la maison.
Twilight Zone, épisode n° 157 : un monde hôtelier sans Hilton
Pour se faire une idée de la capacité de Hilton à apporter la pièce manquante au puzzle
pour les voyageurs d’affaires (le confort) et de la manière dont elle a évolué au fil des années,
prenons un peu de recul et essayons d’imaginer ce que serait le monde si Hilton n’existerait
pas. Si vous le pouvez, rappelez-vous des images et de la musique bizarres du générique de la
vieille série télé The Twilight Zone. Nous avons été surpris de constater à quel point le monde
serait différent si ce que Conrad Hilton avait créé venait à disparaître (ainsi que les premières
créations des hôtels, comme le Waldorf Astoria à New York, que Hilton a eu le bon goût
d’acquérir). Sa présence serait remarquée par son absence, qui pourrait presque faire pâlir un
fantôme.
Soumis à votre approbation...
Imaginez une chambre d’hôtel sans thermostat : la température de la chambre à votre
arrivée serait alors sa température toute la journée. Il fait un peu trop chaud à votre goût, vous
saisissez alors un verre pour y mettre de l’eau. L’eau est à température ambiante. Donc,
comme la chambre, elle est chaude.
En quête d’un remontant pour décompresser après ce vol épouvantable, vous videz
l’eau chaude dans l’évier et partez à la recherche du minibar. Vous continuez de chercher. Il n’y
a pas de minibar.
Vous vous asseyez sur le lit et enlevez vos chaussures. Instinctivement, votre main se
dirige vers la télécommande sur la table de chevet. Rien. Vous cherchez une liste des chaînes
du câble. Rien.
Vous inspectez votre chambre pour découvrir où se cache la télévision. Rien.
Vous êtes exténué par le trajet interminable depuis l’aéroport, qui vous a fait rater votre
heure habituelle de dîner. N’y avait-il pas un hôtel près de l’aéroport la dernière fois que vous
êtes venu en ville ?
Vous décidez de commander quelque chose pour compenser votre repas manqué, en
visualisant votre plat réconfortant préféré : des frites ! Votre main s’élance vers le téléphone,
mais la personne qui décroche à la réception prétend, hilare, n’avoir jamais entendu le terme
service d’étage. « Vous voulez dire que je préparerais votre repas et que je vous l’apporterais
dans votre chambre ? » Exactement. « Nous ne proposons pas ce service, mais vous pouvez
commander à l’extérieur. »
Il vous communique le numéro d’une pizzeria qui assure les livraisons.
Vous décidez de descendre dans le hall pour vous occuper de tout ça, ce sera
l’occasion de prendre au moins un café. Mais en bas, il n’y a pas de café.
Ailleurs, les piña coladas disparaissent des mains des buveurs assis sous des
ombrelles.
Comme on peut s’y attendre, les gens veulent se
sentir aussi à l’aise en déplacement qu’à la maison. La
vision de Hilton ? Étant donné que la route est vraiment
épuisante, le confort de la maison n’est pas suffisant. Toutes
les innovations de Hilton mettent confort et commodités au
service du voyageur.
Avant l’ère de la climatisation en 1925, le premier
hôtel à porter le nom de Hilton était fier de ne pas proposer
de chambres orientées à l’ouest, de façon à ce que la
chaleur du soleil du Texas ne vienne surchauffer les pièces.
En 1930, le Waldorf Astoria à New York introduisit le
concept de service d’étage.
En 1947, le Roosevelt Hilton de New York devint le premier hôtel au monde à installer
des télévisions dans les chambres.
En 1954, le Caribe Hilton à Porto Rico inventa la piña colada.
En 1955, Hilton commença à installer la climatisation dans chaque chambre, avec un
thermostat individuel.
Hilton fut un pionnier dans le concept d’hôtel d’aéroport, lorsque le San Francisco Airport
Hilton ouvrit en 1959. Êtes-vous impatient à l’idée de séjourner dans un hôtel d’aéroport ?
Probablement pas. Avez-vous conscience d’ô combien il pourrait vous être utile quand vous
êtes pressé par le temps ? Bien sûr que oui.
Lorsque l’hôtel London Hilton on Park Lane ouvrit en 1963, ses chambres furent dotées
de deux télécommandes : une pour la télévision et une pour la radio.
Quelques années après, Hilton a introduit le minibar (et par là même, la culpabilité du
voyageur d’affaires qui se dit : « Je n’arrive pas à croire que j’ai mangé un sachet entier de noix
de cajou à 1 heure du matin »).
Si vous avez déjà acheté un café Starbucks ou un rasoir dans un hôtel, vous pouvez
remercier Hilton. Hilton a peut-être été inspiré par l’importance d’avoir un magasin
d’alimentation générale près de la pension de famille de ses parents et a ensuite été le premier
à faire entrer des enseignes extérieures au sein de son hôtel.
En 1947, Conrad introduisit une ligne centrale de réservation pour que les clients
puissent réserver une chambre dans n’importe quel hôtel Hilton.
Si vous avez déjà effectué une réservation via une base de données informatisée, vous
pouvez également remercier Hilton qui a mis à jour ce système en 1973.
L’impulsion initiale de Hilton était de se concentrer sur les voyageurs d’affaires
effectuant des « arrêts aux stands ». Conrad ravitaillait les personnes pressées par le temps en
remplissant ses hôtels de prestations, comme la climatisation, les minibars, les télévisions et le
service d’étage. Si vous parvenez à attirer un vendeur pressé et stressé à l’idée de conclure
une affaire, qui fait un arrêt dans une ville du Nouveau-Mexique, car il est tout simplement
exténué, et à faire que cette personne se sente à l’aise et détendue en plein mois d’août, alors
vous pouvez rendre n’importe qui heureux.
Voyageurs d’affaires : revigorer les troupes « À supposer que Conrad ait inventé l’hôtel adapté aux voyageurs d’affaires »,
pourraient dire les cyniques. « Est-ce une raison suffisante pour le glorifier ? Hilton a choisi le
groupe de voyageurs le plus choyé et lui a donné des outils supplémentaires ; une simple
chambre, toutes identiques dans les différentes villes, avec un service d’étage et du café à la
réception pour qu’ils ne visitent jamais la ville où ils se trouvent ! » Hilton ne s’occupait-il pas
simplement de répondre aux pires aspects des phobies des voyageurs d'affaires anxieux ?
Les voyages d’affaires sont-ils un phénomène qu’il faut célébrer ou maudire ? Les
auteurs de voyage ont longtemps critiqué ce groupe et sa volonté de payer le prix fort pour
rester dans la bulle de la classe affaires. En 1965, un auteur pour le magazine Vogue a adopté
un ton condescendant en décrivant un client de l’hôtel Hilton qu’il regardait en train de prendre
son petit-déjeuner en Turquie :
Un matin à Istanbul, je prenais mon petit-déjeuner dans une verrière surplombant le Bosphore. À
la table d’à côté se trouvait un homme d’affaires américain... Il regarda à travers ses lunettes son
petit-déjeuner traditionnel américain : jus d’orange frais, pancakes et sirop d’érable, et un café
bien chaud... À cet instant précis, à quelques kilomètres de là dans la Mosquée bleue, on pouvait
entendre retentir dans les airs les appels à la prière qui auraient pu effarer son âme. Les a-t-il
seulement remarqués ? Point. Il était paisiblement à l’abri dans son oasis.
Des années après, la professeure Annabel Jane Wharton de l’Université de Duke a
relayé ce sentiment, en écrivant dans ses jeunes années qu'elle « méprisait les établissements
Hilton, lieux d’inauthenticité institutionnalisée. Ils représentent à mes yeux un repli de la
véritable expérience de la diversité ».
Un homme d’affaires myope, mangeant ses pancakes dans l’ignorance de la vaste
culture qui s’étend au-dehors.
À l’abri dans sa bulle.
Un repli de la véritable expérience de la diversité.
Inauthenticité institutionnalisée.
Ce sont là des critiques véhémentes et moralisatrices. Se protéger de l’expérience réelle
de la diversité va à l’encontre de l’idée même de la raison pour laquelle les gens voyagent :
nous quittons la maison pour élargir nos horizons, pour vivre quelque chose de plus grand que
ce que notre vie quotidienne nous offre.
Mais le point de vue du critique n’est qu’un instantané sans contexte : les pancakes et le
café du voyageur d’affaires ne représentent que la première partie de sa journée. En effet, le
petit-déjeuner peut être la seule partie familière d’une journée comportant neuf heures de
travail, dont une demi-journée de visite d’une entreprise (étrangère) et une autre demi-journée
de négociations intenses. Pendant tout ce temps, il s’efforce de se rappeler comment prononcer
des noms inconnus et de respecter les normes locales (présenter sa carte de visite avec les
deux mains, ne pas montrer les semelles de ses chaussures !). Plus tard, il pourrait prendre un
verre avec les gens du coin, manger un morceau avec eux, voire chanter le disco dans un
karaoké en leur compagnie.
Réfléchissez aux deux voyageurs ci-dessous.
Voyageur A : une personne qui prend son petit-déjeuner avec les locaux, avant de
passer sa journée à flâner, déambuler dans la ville, découvrir son art et siroter du thé.
Voyageur B : un professionnel qui mange des pancakes avant de s’aventurer dans un
nouveau bureau, dans un pays étranger afin de créer des contacts avec les locaux.
Ne s’agit-il pas là simplement de différentes façons d’entrer en contact avec une
nouvelle culture ?
Non seulement voyager pour le travail est une raison légitime, comme d’autres, de
découvrir un pays mais c’est également éreintant. Si vous vous êtes déjà énervé sur votre
partenaire, votre chien, votre routeur Wi-Fi ou votre enfant après une journée de travail
chargée, vous avez connu un phénomène appelé « épuisement de l’égo » ou « épuisement de
soi », domaine qui occupe depuis deux décennies une place majeure dans la recherche en
psychologie. À travers une variété de manipulations expérimentales, les études montrent un
résultat très cohérent : notre énergie mentale, épuisée par la maîtrise de soi, semble être une
ressource limitée, mais renouvelable. Après avoir exercé une maîtrise de soi pendant un certain
temps, nous nous sentons vidés, ce qui entrave notre motivation et notre concentration, même
après être passé à une autre tâche.
Notre puits de ressources disponibles peut se vider à cause de n’importe quel aspect de
la vie. Lorsqu’un superviseur nous envoie constamment par e-mail des demandes stressantes
et urgentes, le fait d’ignorer ces requêtes incessantes pour focaliser notre attention ailleurs
épuise notre énergie et rend les autres tâches plus difficiles. Après une journée de déception
suite à une échéance ratée ou à des commentaires désobligeants sur la stratégie proposée,
nous avons moins le courage d’être attentionnés envers notre propre famille quand nous
rentrons à la maison.
Les choses sont fatigantes lorsque nous n’avons pas notre mot à dire sur la question, et
qu’il nous tenir bon. Les exigences externes ont des conséquences néfastes. Il n’y a pas de
meilleure expérience naturelle pour examiner les effets de l’épuisement que d’observer ce qui
se produit lorsque les gens travaillent pendant de longues heures. Une étude a examiné le
comportement de lavage des mains de 4 157 soignants dans les hôpitaux, en utilisant la
technologie d’identification par radiofréquence sur les badges des travailleurs pour surveiller
leur comportement réel. En théorie, le personnel soignant est censé se laver les mains dans la
minute et demie qui suit la fin de leur consultation avec un patient. Étant donné le rapport
disproportionné des coûts (se laver les mains ne prend pas longtemps) et des avantages
(chaque année, une mauvaise hygiène des mains contribue à environ 1 million de décès liés
aux soins de santé dans le monde), cela semble évident.
Mais au cours d’un service, le personnel devient moins enclin à se laver les mains. À la
fin d’un service de douze heures, les travailleurs sont 8,7 pourcents moins susceptibles de se
laver les mains, et lorsque les exigences de la journée – et l’enchaînement des services – sont
plus élevés, le taux de lavage des mains diminue encore davantage. Lorsque les gens sont
fatigués, ils prennent des raccourcis, même lorsqu’ils peuvent effectuer des actions simples qui
pourraient sauver des vies.
Le travail semble harassant, car il apporte son lot d’exigences incessantes sur nos
comportements. Nous devons nous maîtriser depuis le moment même où le réveil retentit. Nous
devons répondre à nos impulsions grincheuses, négatives et paresseuses avec une force
encore plus grande : la maîtrise de soi, définie dans une méta-analyse comme « la capacité de
modifier ou d’outrepasser les tendances dominantes de la réponse et de réguler le
comportement, les pensées et les émotions ». Au travail, nous devons utiliser cette force dans
de nombreux domaines à la fois. Nous devons faire de notre mieux sur le plan social (Assurez-
vous d’obtenir l’accord de Mohammed avant de le dire au groupe), émotionnel (Souriez au
client !) et cognitif (Pouvez-vous vérifier si la plus-value réalisée par ce fonds est intéressante
pour nous ?). Le travail constitue une demande constante et fatigante à la fois sur notre énergie
et notre temps, si bien que quelqu’un doit nous payer juste pour que l’on s’y rende.
La Possibilité de se Ressourcer
Inutile d’insister sur le fait que le travail soit fatigant. Mais qu’en est-il de l’opposé de
l’épuisement de l’égo, le ressourcement ? Prenons un autre exemple qui au premier coup d’œil
s’apparente à une autre histoire sur l’épuisement, mais s’avère complètement différent. Des
chercheurs en Israël ont cherché à savoir si une commission des libérations conditionnelles,
composée de juges et de travailleurs sociaux, avait accordé une liberté conditionnelle à des
prisonniers.
Les prisonniers faisant une demande de liberté conditionnelle ne sont pas un échantillon
aléatoire de criminels endurcis. Constituer un tel dossier nécessite généralement des preuves
d’erreur judiciaire ou de réelle repentance, suivies par des années, parfois des décennies, de
dur labeur et de bonne conduite.
Les chercheurs ont étudié les décisions de cette commission au cours d’une journée de
travail divisée en trois parties, avec une pause collation en milieu de matinée et un déjeuner.
Au début de la journée, la commission avait accordé des libertés conditionnelles dans
plus de la moitié des cas, mais à mesure que la journée avançait, les chances qu’un prisonnier
bénéficie d’une telle liberté diminuaient de manière constante.
Autrement dit, travailler dur sur chaque cas a mené à une sensation prononcée de
fatigue ou d’épuisement mental rendant les décisions encore plus difficiles à prendre. Les
données montrent clairement une pente descendante : la commission était de moins en moins
susceptible d’accorder une liberté conditionnelle à mesure que la journée s’écoulait. Le
problème que suscite l’utilisation de toute cette énergie mentale est que la sensation de fatigue
cumulée fait que tout paraît plus difficile. En réalité, refuser les libertés conditionnelles
augmente la quantité de travail de la commission, qui devra probablement examiner le dossier à
nouveau l’année suivante, mais cela semble être une bonne issue ; accorder une liberté
conditionnelle, plutôt que la refuser, donnera certainement lieu à des critiques.
Le message décourageant de cette étude est que même dans des situations de travail
normales, même dans des situations d’enjeux importants, même avec des employés
expérimentés, l’épuisement a une forte incidence.
La deuxième chose à noter est qu’il est relativement facile, si nous connaissons le
problème et utilisons les bons outils, de contrer l’épuisement. Dans l’étude sur les libertés
conditionnelles, les juges retrouvaient de l’énergie après une pause proposant des fruits et du
café.
Les chercheurs ont passé des années à se disputer au sujet de l’explication théorique
de l’épuisement, mais en pratique, les méthodes utilisées pour se ressourcer partagent une
caractéristique commune : nous nous détendons et rechargeons nos batteries avec des
récompenses de notre choix. La réponse la plus fréquente à la question de savoir comment les
gens se préparent à retourner au travail est simple : avec une forme de caféine. (Le fait que les
sodas et le café soient les deux plus grandes industries de vente au détail pourrait ne pas être
une coïncidence.) Au-delà de cela, il y a peu de consensus. Certaines personnes ne jurent que
par les siestes, mais d’autres restent groggy après un somme en milieu de journée. La montée
d’endorphine après l’exercice revigore certains et endort d’autres.
Quelle que soit votre préférence, l’étude montre que nous pouvons contrer les effets de
la fatigue avec des pauses régulières, du réconfort et d’autres doses de bonheur qui nous
remettent sur la bonne voie, ce qui nous ramène à l’étude en Israël. La commission des libertés
conditionnelles n’a pas travaillé pendant une longue session, elle a en réalité travaillé pendant
trois périodes distinctes divisées par deux pauses : une pour une collation matinale (des
sandwiches et des fruits en Israël) et une pour déjeuner. Lorsque les membres de la
commission reprirent les délibérations après ces pauses, quelque chose de magique se
produisit sur la qualité de leur travail : il redevint normal. Passer moins d’une heure loin du
travail a suffi à les ressourcer pleinement et à contrer les effets de l’épuisement. Même lorsque
la sensation de fatigue et l’épuisement s’étaient accumulés au cours de la journée, les pauses
revigoraient. Tellement que les premiers cas qu’ils étudièrent tout de suite après la collation ou
le déjeuner ressemblaient aux cas examinés au début de la journée.
Réfléchissons maintenant à quelque chose de tout aussi surprenant : voyager, ça
épuise. Pour tout le monde. Entrer dans un monde rempli de nouvelles expériences exige que
nous quittions notre cocon de certitudes et d’habitudes, et naviguer dans ce nouveau territoire
nécessite un effort mental supplémentaire. Pour commencer, nous devons comprendre quelles
sont les tâches basiques requises pour la survie : Comment vais-je me nourrir ? De quel côté
dois-je regarder avant de traverser ? Quelle heure est-il ? Le voyage procure une sensation de
désorientation chronique généralement réservée aux lendemains de soirées bien arrosées. En
plus de se sentir constamment en manque de sommeil ou un peu euphorique, chaque achat
nécessite de faire la conversion des devises et nous laisse une sensation persistante de peut-
être avoir été arnaqués.
En vacances, nous subissons le fait étrange de devoir calculer tout le temps, tout en
ayant la gueule de bois, parce que nous voulons vraiment faire ce voyage - nous sommes enfin
en Italie ! Nous allons voir des choses que nous voulions voir depuis des années ! Et la
motivation intérieure aide à surmonter la fatigue mentale.
L’un des plus grands plaisirs du voyage de loisirs est généralement de pouvoir organiser
nos journées comme bon nous semble. Il est plus facile de rester alerte et frais lorsque nous
avons les choses en main, car cela inclut la possibilité de se reposer et se récompenser, avec
exactement ce qu’il faut pour contrer l’épuisement. La file d’attente est longue pour admirer
Mona Lisa ? Nous pouvons acheter quelques souvenirs entre temps ! La Grande Muraille de
Chine ne vous a pas autant émerveillé que prévu ? Fonçons droit sur les raviolis chinois ! Si
braver les transports en commun en Amérique du Sud semble vraiment pénible, pas de souci :
allons nous promener dans le parc.
Mais voyager pour le travail, c’est du travail en plus du travail. Voyager pour le travail
exige de se revigorer le plus vite possible. Nous devons rester concentrés sur l’événement à
l’origine de notre présence à l’étranger.
C’est pourquoi nous mangeons des plats réconfortants au petit déjeuner. Nous dormons
dans des lits extra moelleux. Nous profitons de la climatisation. Nos costumes sont repassés
par des professionnels. Quand nous savons que toute la journée va être extrêmement
éprouvante tout en nous demandant de toujours être à notre maximum, nous anticipons nos
récompenses en faisant ce qui nous apporte du bien-être pour retrouver suffisamment de force
pour continuer quand ce qui nous attend paraît compliqué.
Conrad Hilton tint une pépite lorsqu’il se concentra sur la restauration pour les
voyageurs d’affaires, une importance unique parmi les hôteliers. Comparés aux voyageurs de
luxe en Europe, qui se plaisaient à montrer à quel point ils n’étaient pas pressés de retourner au
travail, les hôtes des établissements Hilton manquaient de temps. Centrer les efforts sur
l’expérience de ce groupe a donné lieu à des innovations qui ont permis aux hôtes de refaire le
plein d’énergie rapidement. Puisque voyager, c’est du travail en plus du travail, les services de
restauration Hilton pour les professionnels en déplacement aspiraient à offrir la crème de la
crème en matière de réconfort, de plaisirs et de joie... la pièce manquante du puzzle qui fit de
sa marque d’hôtels la première à décoller.
Lady Hilton Les récompenses motivent, ce qui explique pourquoi nous pouvons résoudre un
problème de maths avec dix minutes d’avance après un petit carré de chocolat. Un bon
déjeuner avec notre meilleur collègue pourra nous redonner l’énergie nécessaire pour terminer
un rapport à notre retour au bureau. Mais une présentation devant un public entraîné à ne pas
trop sourire pourra nécessiter une demi-bouteille de vin affalé sur un lit douillet.
Les voyageurs d’affaires et d’agrément aiment séjourner
dans un hôtel Hilton pour faire rapidement le plein d’énergie, mais
tandis que les vacanciers peuvent utiliser leurs ressources
mentales pour aller au musée, rencontrer des gens et apprendre
les coutumes locales, les voyageurs d’affaires doivent se
concentrer sur leur future présentation et s’assurer d’avoir emporté
le bon adaptateur pour leur ordinateur portable.
Voyager signifie être l’étranger évident dans une situation
étrange, mais les mêmes situations peuvent paraître encore plus
étranges pour certains voyageurs. Pendant des dizaines d’années,
Hilton a assuré le ravitaillement des voyageurs d’affaires, un
groupe majoritairement composé d’hommes. Au début des
années 1920 à Mobley, premier hôtel de Conrad Hilton, les hôtes
masculins étaient bien plus nombreux que les femmes, 4 pour 1.
En 1950, le Stevens Hotel de Chicago commença à étonner les voyageuses en plaçant
des dossiers étiquetés « Réservé aux femmes » dans chacune de ses 3 000 chambres. Ces
dossiers contenaient du papier à lettres et des enveloppes, un kit de couture et une brochure
informative pour simplifier l’idée du voyage pour les femmes et indiquaient notamment comment
trouver une baby-sitter à l’hôtel et où faire repriser une robe.
Après une période de recherche au Palmer Hotel de Chicago pour déterminer ce que les
clientes considéraient comme le plus utile pendant leur séjour, le programme Lady Hilton fut
officiellement lancé en 1965. Ce programme était conçu pour aider les femmes qui
s’aventureraient hors de chez elles pour affaires à se sentir plus à l’aise, prêtes à affronter des
lieux de travail dominés par les hommes.
Les ajustements étaient relativement simples. Dans certains hôtels, le programme Lady
Hilton attribuait aux clientes des chambres dotées de conforts supplémentaires, comme un
sèche-cheveux, des cintres spéciaux et une coiffeuse. Il s’agissait d’un petit segment. On
estime qu’à cette époque, les femmes ne comptaient que pour 1 pourcent des voyageurs
d’affaires.
Carol Brock, employée d’Hilton qui
faisait partie du programme Lady Hilton au
Statler Hilton à Boston en 1969, affirme que
de nombreuses femmes qui utilisaient le
service n’avaient même pas connaissance de
ces commodités. Étant donné le rapport entre
les sexes extrêmement déséquilibré des
hôtels d’affaires à l’époque de Mad Men, le
besoin d’une femme de se sentir en sécurité
pendant son séjour (et non la disponibilité des
sèche-cheveux) était la préoccupation la plus
urgente. Certains des objets de Lady Hilton
qui pourraient aujourd’hui paraître sexistes,
comme les trousses de maquillage et de
parfum, semblent avoir été des outils
marketing qui ont éclipsé le cœur de Lady
Hilton : une vraie Lady Hilton, concierge
dédiée travaillant à l’hôtel.
« La chose la plus importante que
Lady Hilton offrait aux voyageuses était une
personne de confiance qui se souciait
d’elles », explique Brock. Le programme fit également quelques mises au point pour renforcer la
sécurité des hôtes. À l’enregistrement, les employés s’appliquaient à ne pas annoncer les
numéros de chambre. Certains hôtels réservèrent même des étages aux clientes Lady Hilton et
des liftiers dédiés veillaient à ce qu’elles ne soient pas suivies par des hommes.
Les voyageurs sont des étrangers en terres étrangères, et la chambre classique met à
disposition les équipements universels permettant à tout le monde de se ressourcer. Mais au
milieu du XXe siècle, les voyageuses d’affaires étaient en marge de ce groupe de marginaux.
Ajouter un sentiment de proximité et de soutien personnel offre un sens indéniable de sécurité...
une autre source d’énergie. Les hôtels qui fournissent le confort de niche de leurs invités sont
comme les restaurants qui mettent enfin quelque chose sur leur menu pour les clients ayant des
restrictions alimentaires. Parce que même les amateurs de viande apprécient parfois un repas
léger, proposer un délicieux risotto vegan – quelque chose qu’ils pourraient même ne pas
envisager avant de le voir sur le menu – peut apporter une source de joie à tout un chacun.
Hamptonality : Quand une Gaufre est bien plus qu’une
Gaufre Phil Cordell est considéré comme l’un des pionniers de l’industrie hôtelière : il fut le
directeur général du second Hampton Inn qui ouvrit en 1984. La marque, maintenant appelée
Hampton by Hilton, n’a pas le nombre de membres du personnel d’un hôtel traditionnel - vous,
et non un porteur à temps plein, vous occupez de vos bagages, par exemple.
Mais elle possède quelques aménagements clés. Trente ans plus tard, le petit-déjeuner
gratuit est encore populaire ; plus de 90 pourcents des hôtes Hampton by Hilton profitent de la
chance de pouvoir prendre le premier repas de leur journée gratuitement. En raison de la
popularité de cette offre, Hampton by Hilton se lança dans une course à l’armement parmi les
autres chaînes d’hôtels dédiés au service.
« Cela commença par de simples beignets au sucre, du jus d’orange et du café »,
raconte Cordell. Mais au fil des années, les petits-déjeuners devinrent de plus en plus élaborés,
évoluèrent pour proposer des plats chauds qui restèrent gratuits, malgré les contraintes des
tarifs inférieurs de l’hôtel. Alors que la concurrence s’intensifia et qu’il fut de moins en moins
possible de distinguer Hampton en matière de petit-déjeuner, Cordell et son équipe décidèrent
d’agir pour réaffirmer la suprématie de Hampton.
Mais les clients ne sont pas doués pour réfléchir à des choses qui les rendent heureux.
« Si vous deviez les rencontrer et leur demander de vous lister cinq choses qui leur feraient
plaisir, ils auraient du mal à les formuler », explique Phil Cordell, aujourd’hui chef mondial du
développement de nouvelles marques chez Hilton.
La direction du Hampton, à qui on demanda de chercher « plusieurs choses cool » qui
éveilleraient les sens des clients, rassembla une équipe pour explorer des alternatives pour le
petit-déjeuner. Le groupe était composé de leaders d’opinion importants et de chefs, qui soient
dans l’industrie ou non. « Nous avons réfléchi à des choses extrêmement compliquées, à des
choses auxquelles les clients ne s’attendraient pas. » L’une de leurs idées testées fut le petit-
déjeuner en bâtonnet : une saucisse enveloppée d’œuf brouillé, le tout roulé dans une pâte à
crêpe.
Un autre plat testé fut une gaufre nature, préparée à l’avance et qui au départ, n’inspirait
pas grand-chose. Mais associée à des garnitures intéressantes (fraises, crème fouettée, sirops
aromatisés), la gaufre commença à susciter un peu plus d’intérêt.
Cordel se rappelle : « Nous pensions tenir quelque chose, mais que pouvions-nous faire
de plus ? Quelqu’un souleva l’idée de faire des gaufres fraîches. Le groupe a tout de suite été
intrigué, mais quelque peu circonspect.
Une gaufre fraîchement préparée est un aliment très sensoriel. Les carrés sur le dessus
peuvent être remplis de sirop d’érable et de beurre, de petits morceaux de fruits et de crème
fouettée. La gaufre est comme un tour de passe-passe alimentaire, un petit plaisir similaire à un
dessert qui reçoit toute la légitimité d’un plat pour le petit-déjeuner.
Et préparer des gaufres fraîches est, pour une raison quelconque, impossible à faire à la
maison, où les gaufriers classiques finissent rangés au fond d’un placard recouvert de
poussières, à prendre la poussière.
Quand Alice, dans le roman de Lewis Carroll Alice au pays des merveilles dit : « Il m’est
arrivé parfois, avant même l’heure du petit-déjeuner, de croire jusqu’à six choses
impossibles. », l’une de ces choses pourrait être la capacité à répondre aux demandes simples
d’une gaufre : mélanger la pâte, préchauffer et préparer des garnitures appropriées. Le matin,
avant que le café ne fasse effet, ces tâches ne sont pas simples et représentent des efforts
herculéens.
Donc, si les hôtes voient un gaufrier avec de la pâte et des garnitures déjà prêtes, ceci
pourrait bien leur faire le plus grand des plaisirs.
La brillante proposition des gaufres n’a pas tout de suite sauté aux yeux des autres dans
l’entreprise. Selon Cordell : « Quand nous avons commencé à en parler, si nous nous étions
écoutés, il y aurait eu des signaux d’alarme. »
En y réfléchissant ensemble dans un bureau, un gaufrier constitué d’un gros morceau
de métal incroyablement chaud rassemble tout un ensemble de risques qui n’attendent que
d’arriver. Cordell explique qu’il aurait été facile pour le groupe de trouver des raisons pour
lesquelles cela ne pouvait pas marcher : « Les files d’attente vont être longues, cela va créer du
bazar, les gens ne sauront pas l’utiliser, ils vont se brûler ! »
Pour convaincre les récalcitrants, le groupe pilota le processus, en installant des
gaufriers sur le buffet de petit-déjeuner de plusieurs hôtels Hampton.
Il s’avère que quelques jours à observer les hôtes prendre leur petit-déjeuner donnent
davantage d’informations que quelques années à réfléchir au bureau. L’équipe a trouvé que la
clé pour faciliter l’expérience pour les hôtes a été de mettre au point un distributeur versant la
juste quantité de pâte pour une gaufre. Même si ce système est suffisamment simple à
comprendre seul (même avant que la première tasse de café ne fasse effet), il est assez
novateur pour enclencher une conversation entre les hôtes pendant qu’un d’entre eux – simple
novice 3 minutes 30 auparavant – retire avec soin une gaufre parfaite, et réponde aux questions
sur sa technique et plaisante au sujet des garnitures préférées.
L’équipe n’avait pas anticipé à quel point cette toute petite interaction sociale
améliorerait l’expérience. « Honnêtement, nous n’avions même pas pensé à [la composante
sociale] avant d’avoir entendu les hôtes interagir entre eux », affirme Cordell. Le processus de
préparation d’une gaufre permettait à chaque personne de transmettre ses nouvelles
connaissances culinaires au suivant, se prélassant de la gloire normalement réservée à Julia
Childs ou aux Gordon Ramsey du monde.
« Nous avons testé cela dans divers hôtels et ça a été un franc succès », déclare-t-il.
L’hôtel Hampton de Times Square à New York comporte un peu moins de 300 chambres et
nourrit entre 1 200 et 1 500 personnes au cours d’un week-end classique. La dernière fois que
Cordell s’y est rendu, il put observer que « le moment » qu’il avait imaginé 30 ans auparavant
fonctionnait toujours aussi bien. « Était-ce parfait ? Non. Parce que de nombreuses personnes
viennent se servir en même temps. Y a-t-il un peu d’attente parfois ? Oui. Y a-t-il un peu de
bazar ? Oui. Des gens se sont-ils brûlés avec le gaufrier ? Non. Les gaufriers tombent-ils
souvent en panne ? Non. »
Cordell fait état de la situation : « Aucun des mauvais scénarios ne s’est produit et les
bons côtés ont été encore plus significatifs que ce que nous avions espéré. » Garder cette idée
dans les bureaux n’aurait jamais donné à la direction l’opportunité de voir à quel point les
bénéfices l’emportèrent sur les potentiels inconvénients. Elle n’aurait jamais pu constater que
l’un des plus grands bénéfices du produit était d’offrir un moment aux hôtes pour créer et
savourer un lien social au petit-déjeuner. Les équipements de confort sont primordiaux pour le
voyageur d’affaires s’aventurant dans des destinations exotiques, mais ils sont également
appréciés par les voyageurs de loisirs qui prennent leur petit-déjeuner avant de reprendre la
route pour des centaines de kilomètres. Avant que les voyages ne nous changent la vie, nous
devons nous sentir ressourcés pour l’aventure qui nous attend. Parfois, il suffit simplement d’un
petit instant de lien social... et d’une gaufre.
Élargir Notre Monde Offrir autant d’équipements de confort qui permettent même aux plus fatigués d’entre
nous de se ressourcer rapidement permet aux voyageurs de loisirs de tirer profit encore plus
facilement de l’ouverture qu’offrent les voyages, en adoptant une nouvelle perspective sur nous-
mêmes et le monde.
La psychologue Barbara Fredrickson de l’Université de Duke a montré que les émotions
positives aidaient les gens à élargir et construire leur monde. Les voyages peuvent
profondément nous influencer lorsque nous atteignons ce point où nous sommes
reconnaissants de savourer un bon repas ou ébahis devant une œuvre d’art. Ces émotions
puissantes stimulent notre créativité, notre lien avec les autres et améliorent notre appréciation
du monde qui nous entoure.
Nous devons nous sentir en sécurité avant de pouvoir être heureux, et une humeur
positive permet aux gens de réfléchir de manière plus créative, d’envisager davantage d’options
et de trouver plus de solutions de qualité. Quand nous ne sommes pas pressés ou ne courons
pas après les ressources, nous pouvons ressentir la sécurité et le confort de l’instant présent.
Après avoir satisfait nos besoins de base, nous pouvons explorer et entrer en contact avec de
nouveaux aspects de l’environnement, qui peuvent nous rendre encore plus créatifs, s’ils nous
permettent de faire de nouveaux liens entre notre façon typique de voir le monde et de
nouvelles perspectives alimentées par une culture ou une personne différentes. Même (ou
surtout) les adultes bénéficient d’un sens de l’émerveillement et du jeu, ce qui simplifie le fait
d’avoir des interactions positives avec les autres, pour en contrepartie renforcer nos
connaissances et les connexions sociales qui élargissent notre monde.
Waldorf Astoria Amsterdam
« Il bouge dans la pièce comme sur des roulettes », a écrit le Condé Nast Traveller pour
décrire la démarche tranquille à l’étage des cocktails du directeur général du Hilton Amsterdam,
[Roberto] Payer, âgé de 69 ans. « Payer est une légende d’Amsterdam ».
Lors d’un dîner, il y a quelques années, un ami de Payer révéla que sa fille avait
récemment acheté un certain nombre de palais du XVIIe siècle le long du canal Herengracht.
L’ensemble de bâtiments, étalés dans un bloc continu, contenait une banque du XVIIIe siècle
entourée de résidences grandioses.
Payer savait quoi faire de ces bâtiments. « Nous devrions faire un Waldorf Astoria. »
Après avoir acheté les droits de gestion du célèbre Waldorf Astoria de New York en 1949,
Hilton l’acheta dans son intégralité en 1972 ; en 2009, Waldorf Astoria devint une enseigne
Hilton d’hôtels haut de gamme.
Voilà donc le vrai défi : si vous construisez un hôtel de luxe en Europe, comment créer
des expériences qui seront uniques pour chaque hôte, permettant même à ceux qui ont déjà
tout ou déjà tout vu de véritablement récolter les avantages du voyage pour leur bonheur
personnel ?
Roberto Payer, légende d’Amsterdam et membre de l’équipe Hilton depuis 50 ans, était
parfaitement taillé pour cette tâche.
« Nous avions l’idée. L’idée était de ne copier personne, mais de placer l’hôtel dans une
autre position. »
Tout d’abord, et clairement, dans l’histoire. « Il s’agit d’un lieu unique... un palais du
XVIIe siècle. » Les six palais constituant le Waldorf Astoria accueillaient autrefois la banque
MeesPierson des Pays-Bas, fondée en 1720. Au fil des centaines d’années qui suivirent, ils
hébergèrent certaines des plus grandes familles de l’histoire néerlandaise, avec des noms
comme Geelvinck et Huygens ; en 2011, l’UNESCO classa l’un de ces palais au patrimoine
mondial. Même l’escalier en façade a une histoire qui n’a pas de prix : il fut construit par Daniel
Marot, l’architecte de Louis XIV.
Ensuite, les gens. « Quelle est la chose la plus importante lorsque vous arrivez quelque
part, la première impression ? Ce sont les gens et leur apparence. », déclare Payer. En tant
qu’animaux sociaux, les autres personnes capturent notre attention comme des aimants. Jan
Taminiau est un créateur de mode néerlandais qui lança sa propre ligne, JANTAMINIAU
en 2003 ; dix ans plus tard, la reine Maxima des Pays-Bas porta l’une de ses créations lors de
l’intronisation de son époux. (À l’étranger, ses créations ont été vues sur Beyoncé et Lady
Gaga.) Taminiau dessina les tenues portées par le personnel du Waldorf Astoria. Les femmes
travaillant à la réception sont vêtues de robes en soie affichant un superbe imprimé beige et
brun. En y regardant de plus près, vous remarquerez que ce motif représente une carte. Et
seulement si vous demandez au personnel ou si vous êtes passionné par les cartographes
néerlandais, vous comprendrez que ce motif s’inspire d’une carte de la région dessinée par le
cartographe Balthasar Florisz van Berckenrode au XVIIe siècle.
Les hôtels de luxe font attention aux détails dans chaque domaine sensoriel, il n’est
donc pas surprenant que des bougies parfumées soient disséminées aux quatre coins de l’hôtel
pour libérer un arôme élégant et délicat. Cette senteur a été spécialement élaborée pour le
Waldorf Astoria, pour un plaisir unique que vous ne trouverez nulle part ailleurs.
Après être arrivé dans votre chambre, un membre du personnel vous présente quatre
différentes senteurs. À vous de choisir celle que vous préférez. « Elle sera dans leur lit »,
explique Payer, en faisant référence à la pratique de vaporisation des draps des hôtes. Cet
arôme unique contribue à personnaliser votre chambre. À la fin de leur séjour, les hôtes
reçoivent des médaillons parfumés à la senteur exclusive de l’hôtel, qu’ils pourront emporter
chez eux pour raviver les souvenirs de leur séjour.
« [Les hôtes emportent les médaillons] dans leur valise. Et lorsqu’ils ouvrent leur valise,
voilà ! Ils sont de retour au Waldorf Astoria. » Ces bougies et senteurs uniques ont été créées
par Cire Trudon, une entreprise française fabriquant des bougies depuis l’époque de l’escalier
Marot, au XVIIe siècle.
Au rez-de-chaussée, dans le
salon principal de l’hôtel situé dans
l’ancien bâtiment de la banque
MeesPierson, les hôtes peuvent
commander des cocktails aux
ingrédients incroyablement variés. La
libation d’inspiration indienne, par
exemple, marie de la vodka infusée au
masala Chaat, de la coriandre, du
verjus, de l’ananas séché, du
gingembre et de la bière IPA. Cette
boisson, The Rupee, a été baptisée
d’après la devise indienne. Plutôt que
de parcourir une carte, on vous remet un portefeuille rempli de billets colorés, chacun
s’apparentant à une devise internationale différente.
Les bouteilles de liqueur derrière le bar principal se dressent au-dessus de coffrets de
sûreté empilés... oui, le thème de l’argent est omniprésent. Les noms des boissons, le menu et
les coffrets de sûreté représentent toutes les façons dont le Vault Bar joue avec son riche
passé. Ce dernier se situe dans ce qui était autrefois le vrai coffre de la banque MeesPierson.
Les voyages peuvent nous rendre heureux en nous offrant de nouvelles expériences
positives, mais Payer a dû attirer des hôtes qui peuvent se permettre d’aller partout dans le
monde, des gens qui ont déjà tout, qui ont déjà tout vu ou qui sont simplement blasés. « L’idée
a été de ne copier personne. » Concurrencer Paris et Londres en bâtissant un hôtel de luxe
standard en Europe ne suffisait pas. C’est pourquoi, alors que les uniformes du personnel, les
cartes du bar et les odeurs attrayantes sont tout aussi superbes qu’originaux, chaque détail
cache plusieurs niveaux de signification pour encore plus de mystère. De jeunes et belles
personnes à la réception portent des robes inspirées d’une carte séculaire de la ville où vous
vous trouvez, qui ont été créées par un créateur approuvé par Beyoncé.
L’hôtel est profondément enivrant, tissant des plaisirs sensoriels avec les siècles de
récits offerts par l’histoire culturelle d’Amsterdam et l’histoire de l’hôtel lui-même.
Il garantit une expérience novatrice, car la variété des offres ne peut simplement pas
exister ailleurs. L’escalier datant de l’époque de Louis XIV et entièrement restauré se dresse là
depuis des siècles. Les friandises autour du miel servies lors du thé de l’après-midi en juin sont
à base de miel provenant des ruches situées sur le toit du Librije’s Zusje, un restaurant deux
étoiles au Michelin au cœur de l’hôtel et l’un des plus raffinés de la ville.
Les innovations de Payer au Waldorf prolongent le souhait initial de Conrad Hilton de
servir les hôtes les plus difficiles à satisfaire : si vous pouvez rendre heureux un groupe de
touristes qui s’ennuient, alors vous avez trouvé la clé du bonheur, c’est certain !
London Hilton on Park Lane
Depuis un certain temps, Conrad Hilton souhaitait un hôtel à Londres qu’il pourrait
appeler sien.
Le 26 juillet 1952, le New York Times rapporta que les directeurs du Grosvenor House,
un hôtel de luxe dans le quartier londonien de Mayfair, refusèrent l’offre de Hilton de racheter
leurs 500 000 parts, probablement pour ne pas voir cette célèbre institution britannique tomber
entre les mains des Américains. À peine un an plus tard, le 5 octobre 1953, le Times révéla que
Hilton avait annoncé des plans pour un éventuel hôtel de 550 chambres surplombant Hyde
Park, à moins 800 mètres du Grosvenor.
Les Britanniques semblèrent redouter une prise de contrôle hostile de leur hôtellerie par
les Américains. « Les téléphones et les radios dans chaque chambre, et les téléviseurs dans les
suites, menacent la tranquillité que les visiteurs trouvaient depuis des années dans les hôtels
de Londres », écrivit le correspondant à l’étranger Thomas F. Brady dans le New York Time.
« L’essor du tourisme américain ces dernières années a commencé à attirer le capital et le
management américains vers le secteur hôtelier en Grande-Bretagne, et l’attrait de l’argent
obligera les hôteliers britanniques à suivre les innovations établies par les envahisseurs, aussi
barbares qu’elles puissent paraître au beau milieu de la richesse des boiseries édouardiennes,
des lustres en cristal et des serviteurs révérencieux. »
Lorsque Hilton obtint finalement un lopin de terre, celui-ci était cher et petit
(5 000 mètres carrés), et pour avoir un retour sur investissement, Hilton devait faire entrer
autant de chambres d’hôtel que possible sur cette petite parcelle. Ceci nécessita évidemment
de construire en hauteur. De construire très très haut. Les plans initiaux de Hilton se sont attirés
les foudres des Anglais : des consultations publiques en passant par le véto de la mairie de
Londres. Les gros titres des journaux, comme « Plans d’hôtel-gratte-ciel attaqués : le symbole
de la suprématie du dollar », n’ont pas contribué à apaiser les tensions. En 1959, lorsque la
mairie revint sur sa décision, la réponse rapide de Hilton fut de construire, et de construire vite.
Se dressant fièrement à 100 mètres de hauteur, le London Hilton on Park Lane était la
plus haute structure de la ville, la première à faire de l’ombre à la cathédrale Saint-Paul. Il a
même été dit que l’entourage de la Reine manifesta les craintes de Son Altesse Royale que les
hôtes puissent apercevoir le jardin du palais de Buckingham.
C’était également le plus grand hôtel d’après-guerre en Europe lorsqu’il ouvrit ses portes
le 17 avril 1963, abritant cinq bars, cinq restaurants et un hall charitablement qualifié de « trop
petit et trop bas. » Les chambres regorgeaient de conforts américains « barbares ». « Un
système de climatisation réglable permettait de chauffer ou rafraîchir chaque chambre. Des
systèmes de contrôle à distance permettaient de faire fonctionner des radios et téléviseurs
intégrés dans les coffres en noyer de chaque chambre. Les quatre programmes de radio étaient
une vraie nouveauté à l’époque. », écrit Andreas Augustin, auteur de voyages. Une kyrielle
d’opérateurs téléphoniques répondaient aux 88 lignes de l’hôtel, transférant les appels et
prenant des messages pour les hôtes absents, avertis d’un message par un voyant rouge sur le
téléphone de leur chambre à leur retour.
Tirant profit du phénomène Goldfinger en 1964, le directeur de la restauration Lim Ewe
Hin réinventa l’un des bars qui fut baptisé le 007 Night Spot du Hilton, aménagé avec des
accessoires du studio de cinéma. On y retrouvait aussi des touches temporaires du film :
l’acteur américano-japonais Harold Sakata, qui interprétait Oddjob, l’homme de main du
principal vilain Auric Goldfinger, y passa les premières semaines. Oddjob était vêtu de son
costume d’origine dans le film, complété d’un chapeau melon bordé d’acier, et avait pour
mission d’accueillir les hôtes aux ascenseurs et de les escorter jusqu’au bar.
Sa boisson exclusive ? Des martinis secoués, et non mélangés, bien sûr.
Même dans ce contexte, il est clair que l’hôtel portait son identité britannique comme un
blazer emprunté plutôt qu’un costume parfaitement taillé, incapable de cacher les
occasionnelles mouchetures américaines : les étages de l’hôtel, par exemple, étaient à l’origine
indiqués dans un style américain, désignant le niveau du lobby comme 1 et non rez-de-
chaussée. Le dîner n’était pas accompagné de vin, comme cela est la tradition en Europe.
C’était l’Amérique, la vraie, mais de façon flexible ; le gros défi a donc été de créer un
mélange culturel, un lieu où des gens de tous horizons se sentiraient à l’aise.
À savoir, au London Hilton on Park Lane, Augustin écrit : « En 1963, il y avait un trio de
musiciens hongrois au restaurant international qui divertissaient et chantaient la sérénade aux
clients. Les uniformes et les airs des musiciens changeaient après quelques mois pour
correspondre au thème mis à l’honneur, à la décoration et aux menus du restaurant. Alors que
le restaurant changeait d’européen à méditerranéen, de nord-américain à sud/central-
américain, les musiciens passaient de violonistes viennois en queue-de-pie, à gondoliers
italiens, guitaristes espagnols, mariachis mexicains ou cowboys violonistes.
Parmi d’autres hôtes célèbres ayant fréquenté l’hôtel, on compte des artistes (Sammy
Davis Jr., Ray Charles), des acteurs (Peter Ustinov, Telly Savalas, Raquel Welch, Michael
Caine, John Cleese), des play-boys (Hugh Hefner), des lauréats du prix Nobel de la paix et
d’autres acteurs devenus présidents (Ronald Reagan). Tout de suite après la mission Apollo
ayant envoyé les premiers hommes sur la lune, Air Force One, l’avion du président américain
Richard Nixon, déposa Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins à Londres, où,
accompagnés de leurs épouses, ils séjournèrent au Hilton on Park Lane.
Lorsque vous créez un espace chaleureux pour une telle diversité d’hôtes, vous gagnez
le jackpot culturel, en offrant un lieu qui peut à la fois apaiser et inspirer.
La recherche soutient la valeur de la juxtaposition culturelle. Au cours d’une étude, des
étudiants américains ont été divisés en groupes auxquels on a présenté divers éléments
culturels, pendant 45 minutes de créativité. Chaque participant visionna quatre vidéoclips,
quatre bandes-annonces de films et 160 images de décorations, d’architecture, de vêtements
ou encore de design. Leur propre créativité a ensuite été testée : réimaginer le conte de
Cendrillon pour des enfants turcs d’une manière aussi vivante et unique que possible, une
tâche nécessitant de trouver des analogies créatives.
Dans la situation de créativité de référence, les étudiants ne virent rien de créatif venant
amorcer leur processus ; ils n’avaient qu’à venir au laboratoire pour réaliser les tâches de
créativité. Les autres étaient divisés en quatre groupes. Un groupe d’étudiants visionna
45 minutes des produits les plus créatifs disponibles dans leur propre culture américaine ; leur
créativité n’était que légèrement supérieure à celle du groupe de contrôle. Un autre groupe
visionna 45 minutes de produits créatifs proposés en Chine ; leur créativité s’avéra légèrement
supérieure à celle du groupe de contrôle, mais était égale au groupe de référence.
Néanmoins, deux autres groupes ont effectivement montré des améliorations. Dans une
situation que nous appellerons le « buffet », les participants observèrent une série de produits
culturels, alternant entre chinois et américains, comme une robe chinoise suivie d’une robe
américaine, puis un monument chinois suivi d’une architecture américaine. Dans un autre
groupe que nous appellerons « mash-up », les participants visionnèrent des articles combinant
des éléments des cultures américaine et chinoise, comme les hamburgers au riz de
McDonald’s.
L’expérience suggère qu’observer les cultures côte à côte développe la créativité. Les
juges ont noté que les sujets des situations buffet et mash-up ont montré de plus hauts niveaux
de créativité que les autres. La créativité s’appuie sur la juxtaposition d’éléments, le
changement de perspectives, le floutage des frontières et la génération de nouvelles variations
sur des thèmes connus.
Depuis son séjour dans un pensionnat du Nouveau-Mexique, Hilton n’a cessé de veiller
à ce que ses hôtes se sentent comme chez eux. Mais dans des établissements internationaux,
des gens provenant d’une multitude de cultures et de pays recherchent tout le confort d’un
chez-soi, et les faire se sentir chez eux crée des effets intéressants. De nombreux hôtels
internationaux Hilton ont montré une esthétique créative ou des offres de services naissant de
la juxtaposition de cultures.
Au Hilton d’Istanbul, des responsables étrangers supervisaient la majorité des huit bars.
Le Roof Bar était à l’origine un lieu incontournable pour l’élite d’Istanbul. Après des rénovations
à la fin des années 1960, il rouvrit en 1971 sous le nom de Cloud 9 Disco et devint la toute
première discothèque d’Istanbul.
Le Karagöz Bar, établissement turc traditionnel, fut également supprimé pendant cette
série de rénovations. Un architecte se rendit quelques mois à Londres pour un pèlerinage de
design pour Hilton, afin d’étudier les établissements anglais. Le résultat de ce voyage ? Le
Pilsen Pub, évoquant un pub anglais typique et entièrement construit en bois. Sa boisson la
plus servie, la bière pression, était à moitié prix entre 17 h 00 et 19 h 00, ce qui lui valut la
distinction de devenir le premier « happy hour » de la ville.
Cette étrange juxtaposition culturelle et ce jeu sur les éléments culturels déprécient-ils
l’histoire ? La notion d’authenticité est simplement un point de vue, pas un fait : les cultures ne
cessent d’évoluer et sont soumises à l’interprétation de chacun. Jouer avec les frontières
culturelles dans le plus grand respect peut élargir notre exposition à d’autres façons de vivre et
nous rendre plus créatifs, rendre l’étranger moins étranger, mettre en valeur nos liens et faire
que nous nous sentions tous chez nous.
Depuis le tout début, Conrad Hilton a été considéré comme un expert pour faire que les
autres se sentent aussi à l’aise que s’ils étaient chez eux. La pièce manquante du puzzle qu’il
trouva ? Offrir la crème de la crème du confort, pour que les gens puissent facilement contrer
les effets de la fatigue et de l’épuisement mental, et repartir du bon pied. Les voyageurs doivent
revenir à ce sens de l’équilibre mental avant de vraiment pouvoir tirer profit des expériences
extraordinairement enrichissantes du voyage.
Le concept « élargir et construire » suggère que les hôtels peuvent porter cette joie et ce
plaisir à un autre niveau, en cherchant un sens encore plus profond à tous les détails. Les
opportunités de personnaliser les expériences, même par des choix simples, peuvent intensifier
les liens sociaux avec ceux qui nous accompagnent lors de nos voyages. Les expériences
partagées paraissent simplement plus enrichissantes.
Les résultats de l’étude examinant les effets de l’exposition culturelle sur la créativité
sont clairs – la créativité se produit lorsque l’on considère différentes cultures en même temps :
la juxtaposition est meilleure ! La coordination est meilleure ! Nous pouvons transformer des
plaisirs culturels en étincelles de joie et de créativité en les ancrant dans un territoire connu (la
vodka), puis en ajoutant une variation d’une autre culture (infusée au chat masala). Vous
pouvez également susciter l’intérêt en juxtaposant des éléments de différentes époques en
ancrant un plaisir culturel dans un territoire connu (robe contemporaine) et en mélangeant cela
avec une variation d’une autre époque (imprimée d’une carte ancienne).
Voir ces juxtapositions nous permet de relier des points entre les cultures, et les
différentes époques, en nous donnant un point de vue différent sur notre propre culture, que
nous voyons comme une variation d’un thème plutôt que le centre de l’univers. L’un des plus
grands bénéfices des voyages est qu’ils accroissent notre capacité d’écoute et notre
sensibilisation, pour élargir et construire notre monde. Et si nous pouvons y arriver avec des
cocktails d’inspiration culturelle et de superbes robes, tout le monde y gagne.
Hilton a toujours voulu que chacun de ses hôtels ait une personnalité unique,
individuelle. À l’étranger, ceci est souvent possible en alliant des éléments de design à la
culture du pays d’accueil et des hôtes. Aux États-Unis, cela peut être aussi simple que de
réfléchir au passé dans le présent. Nous pouvons nous rapprocher de ce que nous
connaissons, avant de nous lancer dans l’inconnu ; une bonne expérience, à la fois
réconfortante et exigeante.
Chris Silcock : serveur à l’AI Guru Après un diplôme en informatique, Chris Silcock choisit de passer une maîtrise dans un
domaine moins lucratif, la musique. Pour joindre les deux bouts, il passait ses soirées et ses
week-ends à travailler comme serveur au Hilton Watford en Angleterre.
« J’y ai vraiment aimé la communauté », raconte-t-il au sujet de ses débuts. « Vous
travaillez pendant des heures atypiques avec d’autres personnes qui travaillent pendant des
heures atypiques. Vous devenez donc amis et vous vous soutenez, car vous avez congé quand
tout le monde travaille. »
Après avoir passé sa maîtrise, le patron de Silcock l’approcha. « On m’a proposé un
travail et des responsabilités que je ne pensais pas mériter », admet-il. Il fut récompensé pour
son bon travail avec davantage de responsabilités, et cela n’était pas prêt de s’arrêter.
Envisagerait-il la possibilité, lui demanda-t-on, de devenir responsable des réceptions ?
À tout juste 21 ans, Silcock se retrouva chargé de gérer une équipe de dizaines de
personnes, servant des réceptions et des mariages comptant des centaines de clients. Il était
également le principal point de contact avec les clients et les interactions étaient intenses.
« Ces événements étaient extrêmement importants pour eux. » Il apprit les ficelles du métier
auprès d’un responsable plus expérimenté, qui lui apporta son soutien lorsque vint son tour de
prendre les décisions clés lui-même, n’offrant son avis que lorsque cela était nécessaire.
Quelques mois plus tard, son responsable lui proposa un autre poste, une expérience
d’apprentissage intense qui lui permettrait d’étendre ses compétences : on lui demanda de
gérer l’hôtel la nuit, en tant que responsable de nuit.
Silcock décrivit le poste de responsable de nuit comme un emploi « où vous apprenez
tellement, car parfois, pendant la nuit, vous êtes la seule personne de Hilton dans l’hôtel. Donc
qu’il s’agisse du service en chambre, d’une arrivée ou d’un problème dans une chambre, ou
quoi que ce soit d’autre, vous devez vous débrouiller. »
Après lui avoir présenté les avantages du poste, son responsable lui dit : « Et au fait,
vous commencez ce soir, car nous n’avons personne », se souvient Silcock en riant.
Peu importe le lieu, la division ou l’ancienneté, les promotions chez Hilton représentent
une récompense universelle pour le travail bien fait : plus de travail. Mais plutôt que d’exprimer
leur appréciation de la capacité de Silcock à servir des hôtes de réception en lui donnant plus
d’heures en semaine, ses patrons lui proposèrent un travail plus intéressant.
Silcock s’est finalement frayé un chemin jusqu’au niveau administratif, en gagnant une
expérience internationale en tant que chef de projet régional. « Pour la première fois, une
entreprise me payait pour voyager à travers l’Europe, c’était extraordinaire. Un pas de géant. »
Ses capacités l’emmenèrent sur un autre continent, où il accepta un rôle de formateur
qui consistait à voyager pour former des groupes locaux sur les systèmes centraux de
réservation et de tarification. Cette promotion fut présentée dans un contexte similaire au poste
de responsable de nuit, en mettant en avant un ensemble de filets de sécurité pour amorcer
l’inévitable courbe d’apprentissage.
Silcock fut envoyé au Hilton d’Alexandrie en Égypte, mais à son arrivée au Caire, cet
apprenti voyageur sauta naïvement dans un taxi en demandant à aller à Alexandrie.
« Il s’avère que c’est un trajet long de cinq heures », rit Silcock. « C’était au milieu de
nulle part et les routes n’étaient pas en très bon état. Je pensais qu’on m’emmenait au beau
milieu du désert et que c’en était fini pour moi », blague-t-il.
En s’appuyant sur ses connaissances en informatique et les compétences de gestion
qu’il avait acquises au fil des années, Silcock forma les membres de l’équipe aux systèmes de
gestion des réservations et des recettes. Il apprit aux équipes comment charger leurs chambres
disponibles dans la base de données du centre d’appels et à faire varier les prix des chambres
de sorte à maximiser les profits.
Après avoir fait ses preuves sur un terrain de jeu plus grand, Silcock fut promu vice-
président en charge de la gestion des revenus. Il dut alors s’assurer que chaque hôtel Hilton
International suivait un système qu’il avait à plusieurs reprises piloté dans des hôtels comme
celui d’Alexandrie, en exécutant les logiciels et les stratégies permettant aux propriétaires de
maximiser leurs bénéfices.
Le titre actuel de Silcock de directeur commercial ressemble très peu à son premier titre
de membre du personnel de service des réceptions. Son équipe établit les prix de presque
880 000 chambres dans le système Hilton. Le modèle complexe de tarification à multi-facteurs
prend en compte des facteurs comme le lieu (Topeka ou Tokyo), l’enseigne (Embassy Suites
ou Waldorf Astoria), la période de l’année et les infrastructures (L’hôtel a-t-il un bar ? Un
parking ? Propose-t-il le petit-déjeuner gratuit ?). Des données et des analyses sont utilisées
pour créer des messages marketing régionaux qui adaptent le message de Hilton à des
événements locaux et gèrent le commerce électronique. Après le départ d’un hôte, son équipe
réalise également les sondages permettant d’évaluer si cet hôte a apprécié son séjour. Ses
responsabilités ont dépassé la supervision de deux douzaines de serveurs lors d’un mariage
pour diriger des milliers de personnes, situées aux quatre coins du monde. Aujourd’hui, il
travaille au siège de l’entreprise à McLean, en Virginie, sous la supervision directe du PDG de
Hilton, Chris Nassetta.
Expériences Positives au Travail Bien que le poste actuel de Silcock soit très éloigné de son poste d’origine, la nature
même de sa trajectoire chez Hilton est liée à celle de son fondateur en personne.
« Il inventa, par exemple, la pratique peu orthodoxe mais saine de rendre ses directeurs
d’hôtel presque autonomes sans exigences particulières, à part une expérience de responsable,
une honnêteté à toute épreuve et une pincée de zèle », écrit le biographe Whitney Bolton dans
The Silver Spade: The Conrad Hilton Story.
En 1969, le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi commença à enseigner un séminaire
sur le jeu, en se demandant s’il pouvait comprendre pourquoi certaines expériences étaient plus
agréables que d’autres. Dans une étude déterminante, il appela de manière aléatoire des
personnes passionnées par leurs passe-temps, en leur demandant ce qu’elles faisaient et à
quel point elles aimaient cela.
Étonnamment, la satisfaction générale des gens n’avait rien à voir avec le temps
consacré au travail ou aux loisirs dans la semaine ; elle était liée aux heures passées dans un
état d’engagement actif, qu’il soit qualifié de loisir ou de travail. Lorsque nous entrons dans un
état que Csikszentmihalyi appela « flow » (un état « psychologique optimal »), l’expérience est
intrinsèquement gratifiante. Les expériences de flow se produisent au croisement des
exigences d’une situation et de nos capacités à y répondre, être capable de relever un défi
intéressant nous fait nous sentir en vie, mais pour que cela se produise réellement, nous
devons relever un défi de taille.
Imaginez-vous en train de discuter avec des alpinistes du mont Csikszentmihalyi avec
un niveau de difficulté de 9. Si vous leur demandez d’escalader un sommet de niveau 4, ils
s’ennuieront. Pour impliquer les gens, vous devez leur demander de grimper un peu plus haut ;
vous demandez à cet alpiniste (niveau de difficulté 9) de dépasser légèrement son niveau de
confort (niveau de difficulté 10, voire 11). Mais pousser la demande trop loin (niveau de défi 13)
sera en revanche contre-productif ; l’alpiniste sera anxieux et plus susceptible d’abandonner.
Lorsque vous souhaitez impliquer les gens, vous devez calibrer les défis que vous proposez
aux employés en leur proposant une tâche qui n’est qu’à un ou deux pas de leur niveau de
compétence actuel.
Les responsables de Silcock semblaient bien connaître le manuel de Csikszentmihalyi.
Pour le dissuader d’une carrière dans l’informatique, ils lui présentèrent un défi (niveau de
compétence 4, niveau de défi 5) : pouvez-vous gérer deux douzaines de serveurs pour
satisfaire un client ? Après avoir maîtrisé cette tâche, mais avant de la maîtriser si bien qu’il
aurait commencé à s’ennuyer et à se détacher, ils lui proposèrent un nouveau défi : pouvez-
vous gérer l’hôtel tout seul ? Directeur de nuit était un nouveau poste, l’obligeant à apprendre
tout le fonctionnement de l’établissement (niveau de compétence 6, niveau de défi 9), mais
présenté dans un contexte indulgent. Le rythme de nuit plus lent lui permit d’affronter un
nouveau dilemme qui ne nécessitait pas de décision immédiate. Il pouvait tâtonner, prendre une
mauvaise décision et rectifier toute erreur avant même qu’une âme ne se réveille pour le petit-
déjeuner. L’un des aspects essentiels du flow est l’autonomie : la possibilité de choisir votre
vitesse de croisière.
Le poste de Silcock au niveau administratif lui demandait d’utiliser ses connaissances en
informatique, donc le défi pouvait être plus important, car ses compétences complétaient son
nouveau poste. Pendant qu’il voyageait, formait des groupes, les exigences étaient plus
élevées, mais les lieux éloignés où il organisait les formations lui rappelaient son poste de nuit :
loin de l’écran radar de l’entreprise standard, avec une certaine latitude, pour avoir le temps
d’expérimenter et de parfaire son système. Après avoir affûté ses compétences en apprenant à
de nombreux groupes à distance à bien faire leur travail, il fut prêt à passer sous le feu des
projecteurs en tant que vice-président en charge de la gestion des revenus.
Hilton encourage les responsables à offrir des promotions aux employés comme Silcock
qui aiment les défis. En faisant passer leur autonomie avant les directives standardisées,
l’entreprise réveille une motivation intrinsèque ; le flow et l’engagement sont profondément
ancrés dans l’ADN de l’entreprise. Le flow se produit lorsque les gens se perdent complètement
dans la tâche, ce qui nécessite des objectifs clairs, un intérêt personnel, de la concentration,
une perte de timidité, un sens du contrôle du moment et un équilibre entre compétences
personnelles et les défis du moment. Combinés, ces éléments renforcent agréablement la
maîtrise en étendant notre sentiment du soi.
Le père de Conrad Hilton, Gus, a su insuffler à son fils un esprit d’entreprise dès son
plus jeune âge.
« Je vendais du bacon, du gruau de maïs, des haricots et du café dans le magasin de
mon père avant même de pouvoir vraiment voir le dessus du comptoir. » Tandis que les autres
enfants cherchaient à s’amuser, Conrad choisit d’apporter son aide aux entreprises familiales,
comptant un magasin, une maison de pension et plus tard, une banque.
Un portrait de Hilton dans le New York Times datant de 1949 traite de son système de
gestion encourageant l’autonomie : « Conrad Hilton ne s’inquiète pas de tous les détails d’une
opération. Lorsqu’il confie un hôtel à un responsable, il lui donne une complète autonomie.
C’est pourquoi chaque unité est gérée différemment et a sa propre individualité. »
Chez Hilton, on plaisante souvent en disant : « La récompense pour un travail bien fait ?
Plus de travail ! » Mais il ne s’agit pas seulement de plus travail, il s’agit d’un travail plus
stimulant. Et cet autre défi lui est présenté de manière à ce que les employés réussissent plus
facilement, que ce soit gérer un hôtel loin des regards attentifs pendant le quart de nuit ou gérer
un établissement encore vide qui se prépare à faire son entrée en scène.
Sans surprise, l’étude montre que lorsque nous sentons que nous pouvons être jugés de
manière négative sur une tâche, cela saper notre motivation, notamment pour les tâches où
nous avons encore tout à prouver. Bien travailler nous donne la possibilité de relever le niveau
de défi suivant en toute sécurité. Après avoir maîtrisé ce niveau, nous pouvons nous aventurer
sur le devant de la scène et être vu appliquant nos nouvelles compétences pour exceller dans
un travail encore plus exigeant. En revanche, être observé pendant que nous réalisons des
tâches bien apprises améliore en réalité notre performance. Sentir que des louanges se
profilent nous donne une motivation supplémentaire, que ce soit sous la forme d’éloges ou
d’une promotion vers une prochaine tâche plus difficile.
Savonner, rincer, répéter.
Dianna Vaughan Dianna Vaughan connaît bien l’univers de
l’hôtellerie. À l’instar du fondateur Conrad Hilton, elle fit
ses premiers pas dans l’industrie avec l’entreprise
familiale dès son plus jeune âge. À l’âge de huit ans,
Vaughan aidait à accueillir les hôtes dans l’auberge de
sa tante Gladys à Houston.
Deux aspects du premier emploi rémunéré de
Vaughan en tant qu’auditrice de nuit ont permis de
façonner sa carrière.
« J’ai eu la chance d’avoir un directeur général
qui était une femme. C’était un excellent modèle, qui
m’a fait croire que si je travaillais assez dur, je pouvais
aussi devenir directrice générale », dit-elle. Vaughan
n’avait pas réalisé qu’il n’y avait pas de directrices
générales dans les grands hôtels de sa société de plus
de 300 chambres. Mais le simple fait d’avoir un patron
qui était une femme était suffisant pour que Vaughan parvienne à s’imaginer dans ce rôle, et ne
pas voir son sexe comme un obstacle.
Au cours de cette mission d’audit de nuit, entre 23 h 00 et 7 h 00, l’une des premières
directrices générales de Vaughan lui proposa une tâche supplémentaire. « Vous allez appeler
10 hôtels et voir s’ils sont complets, et le cas échéant, vous allez leur demander de vous
envoyer leurs clients. » Et je me souviens m’être dit en tant que membre d’équipe :
« Pourquoi ? Pourquoi aurais-je envie d’avoir plus de travail ? Je fais mes devoirs pendant mon
service de 23 h 00 à 7 h 00, alors pourquoi voudrais-je appeler et faire venir plus de gens alors
que j’essaie de faire mes devoirs ? »
« Je suis revenue vers lui et lui ai dit : “Qu’est-ce que j’ai à y gagner ?” »
Sa patronne rit (« Ce que tu gagneras, c’est de garder ton emploi »), puis lui dit que si
10 personnes venaient voir Vaughan la nuit au lieu des cinq habituelles, elle gagnerait
10 pourcents sur les recettes supplémentaires ». Se sentir contrôlé - vous devez appeler
10 hôtels - est ce qui génère un sentiment de fatigue mentale et d’épuisement. Être
personnellement motivé par un résultat (« Je veux gagner plus ») nous permet de rassembler
plus d’énergie et de rester concentré, un élan de motivation qui entraîne un flow.
Les employés des autres services ont très vite demandé les mêmes avantages.
« Donc nous l’avons fait et nous avons enregistré des recettes énormes pour chaque
équipe, ainsi qu’une compétition amusante qui ajoutait un sentiment de jeu à l’argent
supplémentaire disponible dans nos poches », affirme Vaughan.
La remarquable carrière de Vaughan l’a menée d’auditrice de nuit, chef de réception,
directrice de la restauration, directrice générale adjointe, directrice des ventes, directrice
générale, directrice générale en charge de la gestion des revenus à plusieurs rôles
administratifs de vice-présidente. Plus récemment, elle lança deux nouvelles marques Hilton. La
première collection, la très chic Curio et Tapestry. Aujourd’hui, Vaughan occupe le poste de
vice-présidente senior et directrice internationale des All Suites de Hilton.
« Le cœur de l’hospitalité (et de l’industrie hôtelière), c’est d’ouvrir généreusement votre
porte et d’accueillir les gens, les aider lors de leur voyage », conçoit Vaughan. Aider les gens
lors de leur voyage ne concerne pas uniquement les hôtes, mais signifie aussi aider ses
collègues dans leur carrière. Ce sens de la solidarité a permis à Vaughan d’élargir ses contacts
sociaux dans toute l’organisation.
« Je peux immédiatement joindre n’importe qui dans l’entreprise par e-mail ou
téléphone », explique-t-elle. « En retour, si quelqu’un a besoin de moi, je reviendrai vers lui dès
que possible. La vie et le travail consistent à créer une banque de relations. » Ces autres
relations peuvent vous aider lors de vos nouveaux défis, vous aidant à accéder au niveau de
compétence supérieur en vous offrant un soutien.
Triptyque de Houston : un ingénieur, un chef et un directeur
général affrontent un ouragan Les habitants du Texas sont exceptionnellement intéressés par tout ce qui est grand. Ils
aiment penser que leur État est le plus grand, ignorant délibérément que l’Alaska porte ce titre
depuis 1959. La plus grande ville de ce grand État est Houston. Et le plus grand hôtel dans
cette grande ville : le Hilton Americas-Houston. Cet établissement de 1 200 chambres, en partie
développé grâce aux fonds d’investissement de la ville, se trouve juste à côté du palais des
congrès. Comprendre comment Hilton permet à ses employés d’innover sur une scène aussi
grande nous montre comment une entreprise parvient à continuellement engager et motiver ses
employés.
Cet hôtel se trouve non loin de l’épicentre de l’histoire de Hilton, lorsque Conrad Hilton
acheta son premier hôtel, le Mobley à Cisco au Texas, en 1919. En 1925, il ouvrit le premier
hôtel qu’il construisit entièrement à Dallas.
Mo Khan
Mo Khan débuta sa carrière chez Hilton il y a trente ans en tant qu’ingénieur en chef
adjoint ; il est aujourd’hui directeur des opérations de l’établissement au Hilton Americas-
Houston. Khan est originaire d’Inde, issu d’une famille très modeste. Il raconte que son
expérience personnelle a semé les graines de son obsession professionnelle depuis plus de
trente ans : l’efficacité. Aujourd’hui, il est très soucieux de trouver et corriger les inefficacités.
Khan est spécialisé dans l’économie d’énergie et la préservation de l’environnement.
« Je déteste les déchets », dit-il. À son poste actuel, il est chargé de toute l’infrastructure
du bâtiment, de la rénovation, la construction et l’ingénierie à l’entretien des systèmes
électriques, de plomberie et de climatisation, ainsi que de la gestion de projets et la supervision
des budgets.
En d’autres termes, son poste actuel lui offre une multitude d’opportunités pour mettre à
profit sa passion : identifier et éliminer les déchets.
Après 11 années à Houston dans deux établissements Hilton, il déménagea sur la côte
nord-ouest du Pacifique et passa sept ans en qualité de directeur technique du Seattle Airport
DoubleTree by Hilton avant de revenir à Houston. Son intérêt depuis l’enfance pour la
préservation s’est approfondi au cours de son séjour sur la magnifique côte nord-ouest du
Pacifique.
Le Hilton Americas-Houston regorgeait de technologies pour stimuler l’efficacité, même
lorsque les hôtes ne les utilisaient pas, mais quelques choix inefficaces ont malgré tout été faits
lors de la conception des équipements opérationnels de base de l’hôtel. Khan tenta de les
éliminer avec beaucoup d’ardeur, un à un. Par exemple, chaque chambre de l’hôtel est dotée
de capteurs qui détectent lorsque les chambres sont vides et qui ajustent le thermostat, pour
éviter de souffler de l’air climatisé dans une chambre vide.
L’une de ses premières mesures pour arrêter le gaspillage : les lumières. Depuis
l’arrivée de Khan, presque 7 000 ampoules LED ont été installées pour éclairer diverses parties
de l’établissement de Houston, notamment son hall, son centre de conférences et la terrasse de
la piscine. La ville de Houston a même offert à Hilton un chèque de plus de 66 000 $. « Cela a
pratiquement tout payé ! », jubile-t-il. (Des plans sont en cours d’élaboration pour transformer
l’éclairage de toutes les chambres en ampoules LED lors d’une future rénovation.)
Bien que le décret de Conrad, « nous ne lésinerons pas sur les draps », soit toujours
suivi, celui-ci a un prix. L’eau nécessaire au lavage des draps est une grande source de
gaspillage, notamment lorsqu’il s’agit de laver les serviettes et les draps d’un hôtel de
1 200 chambres. Khan découvrit une unité de recyclage de l’eau qui récolte et purifie 80 % de
l’eau évacuée par les machines à laver. L’élimination des peluches, la filtration du carbone et le
traitement UV antibactérien donnent une eau si propre que son installateur se met souvent en
scène buvant un verre d’une eau fraîchement purifiée qui avait précédemment servi à laver des
draps.
Lorsque l’eau propre et recyclée sort du système, prête pour un autre cycle de lavage,
elle est 40 degrés plus chaude que l’eau de la ville. Ce système de réutilisation signifie que des
millions de litres d’eau ont seulement besoin d’être chauffés de 40 degrés supplémentaires
simplement (et non de 80 degrés, comme en temps normal) avant le début du lavage. Cela
engendre d’immenses économies d’énergie, en plus d’économiser d’immenses quantités d’eau
puisqu’elle est réutilisée six fois.
Le système a été installé en septembre 2011 et rentabilisé en quelques mois ; deux ans
après, il a déjà permis à l’hôtel d’économiser plus de 750 000 $. Le Hilton New Orleans utilise
également ce système aujourd’hui et Khan a passé le message à ses collègues
d’établissements Hilton à San Francisco, en Floride, et à Dubaï.
Le Hilton Americas-Houston est rempli de technologies qui maximisent l’efficacité
énergétique et Khan s’efforce de réduire les autres sources de gaspillage. En plus de ce
système, il a également installé des systèmes de climatisation et de pompage de l’eau ayant
permis à l’hôtel d’économiser des milliers de dollars, tout en diminuant son impact sur
l’environnement.
Le système de climatisation de l’hôtel se compose de trois cuves massives et d’une
quatrième, légèrement plus petite, toutes conçues pour délivrer de l’air frais dans les chambres
et les salles de conférence. Malheureusement, elles n’étaient pas prévues pour contrôler la
capacité ou réguler la sortie. Quand Khan est arrivé, deux des grandes cuves étaient
structurellement dédiées à alimenter le hall et les étages de conférence en air frais, tandis
qu’une autre cuve, plus petite, était consacrée aux chambres.
« Nous avions trois refroidisseurs qui fonctionnaient 24 h/24, 7 j/7, quelle que soit la
température extérieure. C’était une mauvaise installation », explique Khan.
Avec l’aide de consultants externes en chauffage et climatisation, Khan a pu relier les
quatre refroidisseurs au moyen d’un collecteur commun, qui permettait à n’importe quel
refroidisseur de produire de l’air frais pour n’importe quelle partie de l’hôtel. Aujourd’hui, en
hiver, tout l’hôtel peut être rafraîchi simplement avec le petit refroidisseur, plutôt que trois.
Plus surprenant encore, Khan découvrit que même lorsque les températures flambaient
en été à plus de 37 degrés, un grand et un petit refroidisseur suffisaient pour rafraîchir tout le
bâtiment. Leur facture d’électricité mensuelle diminua de 100 000 $.
« Voici un fait intéressant », raconte-t-il. « Trois entreprises différentes sont venues nous
proposer un audit d’énergie gratuit. » Ces entreprises paient leurs audits en découvrant des
façons d’améliorer l’efficacité énergétique du client, puis en vendant ces idées au directeur
général. Mais ces cabinets d’audit ont été extrêmement déçus au Hilton Americas.
« Tous les trois vinrent nous dire que notre bâtiment ne laissait pas de marge de
manœuvre, qu’il était donc impossible de procéder à des améliorations. »
Khan est un ingénieur qui adore l’environnement et déteste le gaspillage, et voit donc
chaque victoire sur les déchets et l’inefficacité comme précieuse. Il semblait tout aussi exalté
par le chèque de 66 000 $ destiné aux ampoules LED que par la réorganisation des
refroidisseurs qui permit à l’hôtel d’économiser plus d’un million de dollars par an sur ses
factures d’électricité.
Les projets de Khan l’ont amené de petits hôtels simples à la révision intégrale de l’un
des plus grands hôtels de l’écosystème Hilton, et ses anciens postes avaient déjà eu leur lot de
problèmes à résoudre. Mais Khan adore résoudre des problèmes. Il est à l’affût du moindre défi
et se donne du travail supplémentaire lui permettant de s’approcher de l’état d’engagement actif
où le temps disparaît que le chercheur Csikszentmihalyi qualifie de flow.
Malgré un sens inné de la curiosité intellectuelle, tout ce qui sort du champ des
problèmes qu’il s’est engagé à résoudre ne capte pas son attention. Lorsqu’on lui demande ce
que font les sous-marques d’Hilton dans le cadre de cette initiative environnementale, il répond
« je ne sais pas » et quand on lui parle des activités de la concurrence, il réplique « je m’en
fiche ! »
Ce n’est pas un homme qui répond aux signaux sociaux, mais un homme qui répond
aux signaux internes, qui tire une grande fierté à rendre son travail plus complexe. La difficulté à
laquelle font face Hilton et d’autres entreprises à fort esprit entrepreneurial réside dans le fait
qu’en permettant aux employés de toujours poursuivre leurs tendances individualistes et
entrepreneuriales, ils ne parviennent souvent pas à atteindre la standardisation, même pour des
gains évidents. Chaque hôtel dans le pays devrait avoir un système de refroidissement conçu
de la manière dont Mo Khan a redessiné son système. Chaque hôtel. Mais les entreprises
entrepreneuriales résistent souvent à la normalisation. C’est à vous et vous seul de
constamment inventer et réinventer, mais puisque tout le monde n’est pas un ingénieur aussi
acharné et intelligent que Mo Khan, standardiser ce qu’il a déjà appris serait certainement utile.
Comment gérer la tension entre le fait de créer suffisamment d’espace pour la créativité
tout en relevant simultanément la barre pour tout le monde ? La réponse vient d’un groupe
naturellement iconoclaste : les chefs. Les chefs qui se targuent de travailler sans recette ; les
chefs qui insistent sur « un petit peu de ceci, un petit peu de cela » ; les chefs qui se sentiraient
insultés par la notion de devoir tout mesurer avec précision.
Chef Ruffy Sulaiman
« Ruffy a mis en place une importante activité de réceptions et de conférences »,
explique le directeur général du Hilton Americas-Houston, Jacques D’Rovencourt, au sujet du
chef Ruffy Sulaiman. « Ses clients lui sont très fidèles et reviennent régulièrement, dépensent
beaucoup d’argent chez nous, pour sa créativité et sa cuisine. » D’Rovencourt n’est pas le seul
à faire les louanges du chef Ruffy.
Daniel Yergin, auteur lauréat du prix Pulitzer pour The Prize: The Epic Quest for Oil,
Money, and Power, fonda Cambridge Energy Research Associates (CERA) en 1983.
Aujourd’hui, le congrès annuel de CERA sur cinq jours attire tous les acteurs de l’énergie
mondiale. (La seule fois où le Hilton Houston-Americas accueillit deux présidents en même
temps, Bill Clinton et George W. Bush, fut pendant le congrès de CERA).
Lorsque la conférence a abordé la question de la « disruption », une idée est venue à
l’esprit du chef Ruffy en écoutant les organisateurs de la conférence discuter de l’évolution
surprenante du secteur : et si des expériences novatrices étaient présentées aux hôtes lors de
l’un des dîners ? Il mit donc sur pied un dîner pour la conférence, organisé autour de cinq tables
de buffet, chacune d’entre elles réservant aux invités une innovation surprise différente.
L’une des tables proposait des mets de l’Himalaya, mais pour y goûter, les invités
devaient adopter les coutumes de la région en s’asseyant sur des tapis importés et en
mangeant avec les doigts.
D’autres surprises provenaient de la nourriture elle-même. Une table proposait de la
« moelle osseuse » grillée tout juste sortie du four. En mordant dans la moelle, les invités
recevaient un choc : il s’agissait en fait de mousse de homard.
Une autre table servait des hamburgers en apparence ordinaires. Ils avaient l’air
appétissants, bien sûr, mais rien d’extraordinaire. L’innovation était nichée dans les détails : ce
bœuf alléchant s’est révélé être de la protéine végétale.
L’offre de desserts avait des airs de laboratoire, avec des liquides faisant des bulles
dans des bocaux en verre. Des imprimantes alimentaires ont été utilisées pour confectionner
des médaillons en chocolat.
« Nous les avons bluffés », sourit Sulaiman.
Ce type de créativité n’est pas un accident. Sulaiman a choisi Hilton parce que le
challenge faisait appel à sa facette d’entrepreneur. Il a travaillé dur et sans relâche auprès de
ses pairs afin de s’assurer que ses menus soient toujours bien pensés et adaptés au client.
Né au Nigeria, le chef Ruffy a commencé sa carrière culinaire par une expérience de
douze ans dans les hôtels Adam’s Mark, aujourd’hui disparu. Puis, un hôtel d’Orlando lui offrit
son premier poste de chef de cuisine, de 1992 à 1997. Il déménagea alors au Texas, où il
travailla en tant que chef de cuisine dans des complexes touristiques et des country clubs. Mais
cette ambiance n’était pas sa tasse de thé.
Sulaiman essayait d’entrer chez Hilton lorsqu’il trouva une offre de chef de cuisine au
Hilton Americas-Houston, un magnifique nouvel hôtel en construction. Il ne décrocha pas le
poste de chef de cuisine, mais se vit offrir et accepta celui de responsable des banquets plutôt
que chef de cuisine d’un autre hôtel à Norfolk, en Virginie. Son choix était motivé par le fait que
de nombreux membres de l’équipe en poste chez Hilton depuis de nombreuses années avaient
affirmé à Sulaiman qu’il pourrait s’y épanouir et y faire carrière. Il choisit Hilton parce qu’il voulait
travailler pour une société où il pourrait se sentir « chez lui ».
Le chef Ruffy arriva chez Hilton en 2003, jouant un rôle clé en tant que membre de
l’équipe initiale du Hilton Americas. Deux ans après avoir accepté le poste de directeur des
banquets, il fut promu sous-chef de cuisine. Il y a huit ans, il fut nommé chef de cuisine. Le
poste de ses rêves.
Tous les chefs du système n’ont pas le talent et la créativité de l’équipe du chef Ruffy.
La qualité varie grandement entre les hôtels. « La nourriture et les boissons n’étaient pas au
niveau auquel on pouvait s’attendre dans l’une des principales sociétés hôtelières du monde »,
a-t-il déclaré.
Après avoir remarqué de nombreux écarts entre les plats, une mise à niveau fut lancée
à travers toute la société afin de modifier le programme d’aliments et de boissons chez Hilton,
et d’en améliorer la qualité.
La première étape de la mise à niveau consista à embaucher un nouveau chef cuisinier :
Marc Ehrler, chef ayant fait ses classes dans les hôtels de luxe du monde entier. Bien que les
clients ne se plaignaient que rarement de la nourriture chez Hilton, ils n’étaient pas non plus
très impressionnés. Et Ehrler voulait que les clients en aient plein la vue.
Ehrler forma un groupe, le Conseil culinaire d’entreprise Hilton, composé de membres
« C1 », afin d’élever les normes du groupe. Chacune des onze régions se vit demander de
choisir un chef vedette, reconnu pour sa qualité, sa cohérence et son envie de transmettre, afin
de la représenter auprès du Conseil.
Sulaiman fut choisi pour représenter sa région. Le groupe de virtuoses de la cuisine se
retrouva pour discuter des plats et des menus idéaux, comparer leurs notes régionales, réfléchir
à de nouvelles options et cuisiner ensemble. (Les auteurs souhaitent indiquer qu’ils sont
disponibles pour participer aux prochaines réunions C1)
Une fois achevé, le nouveau menu fut envoyé dans tous les hôtels Hilton du pays. Plutôt
que de faire travailler les chefs le soir pour les mettre à niveau, le conseil C1 développa des
supports, comme des vidéos, afin d’enseigner aux chefs les techniques culinaires utilisées dans
les nouveaux plats. Les onze chefs du Conseil furent chargés d’enseigner et d’évaluer les
compétences dans toutes les cuisines de leur région respective.
Le chef Ruffy se rendit dans 18 hôtels du Texas, de la Louisiane et de l’Oklahoma afin
d’aider à la formation des chefs sur le nouveau menu. La formation continua pendant des mois
avec la tenue d’ateliers dans les hôtels et des apprentissages vidéo.
Le conseil C1 aurait facilement pu se transformer en une bureaucratie peu attrayante :
« Pourrions-nous ajouter une patate douce à notre panure à la noix de pécan de notre menu de
Thanksgiving ? » « Allez chercher un formulaire rose près de l’horloge pour présenter votre
requête au C1. Une fois que vous aurez obtenu les signatures nécessaires, vous recevrez une
réponse sous six semaines. »
Au lieu de cela, dès que le C1 sentit que les compétences s’étaient suffisamment
améliorées dans les hôtels, il prit ses distances. Et ensuite ? Une explosion de créativité !
Ils organisèrent un concours du « Plus beau plat » dans tous les hôtels.
Grâce à cela, affirme le chef Ruffy : « nous avons pu découvrir de nombreux talents au
sein de la société. Certains des plats gagnants, que nous avons ensuite mis sur la carte, ont été
créés par des sous-chefs ». Ils récompensèrent donc le talent plutôt que le poste ou
l’ancienneté. Ils laissèrent les membres des équipes fixer leurs propres objectifs et relever le
défi !
« Maintenant, les hôtels sont indéniablement fiers. Ils ont maintenant leur propre menu
de base. Ce n’est plus quelque chose qui leur est imposé. Cela fait partie de leurs créations, et
c’est encore mieux ! »
Les cuisines sont des endroits intrinsèquement créatifs attirant des talents iconoclastes,
mais le travail exigé aux cuisiniers juniors implique des processus de préparation fastidieux et
répétitifs, proches du travail à la chaîne. Beaucoup sautèrent donc sur l’occasion de se mettre
au défi en faisant ce qui leur avait plu au départ dans ce métier.
« Même certains chefs participèrent », affirme Sulaiman. « Cela donna à tous l’occasion
de se faire connaître et de faire preuve de créativité. »
Directeur général Jacques D’Rovencourt
Après avoir obtenu son diplôme d’administration hôtelière à l’Université du Nevada-Las
Vegas, Jacques D’Rovencourt suivit le Programme de développement professionnel Hilton
en 1989. Après son premier poste de responsable adjoint du restaurant au Hilton Irvine en
Californie, il travailla dans des hôtels de Minneapolis, Chicago, Long Beach et Baltimore. Il
commença à travailler au Hilton Americas-Houston en tant que directeur en 2011. Puis il fut
nommé directeur général en avril 2016.
L’ouragan Harvey toucha terre le 25 août 2017. Il fut déclassé au stade de tempête
tropicale le 26 août, les vents de plus de 160 km/h ayant diminué jusqu’à 64. Malgré cela,
Harvey s’arrêta au-dessus de Houston le 27 et y déversa un an de pluie en moins d’une
semaine. Les précipitations de Harvey atteignirent plus de 125 billions de litres, soit davantage
que n’importe quelle autre tempête dans l’histoire des États-Unis – pour construire un cube
suffisamment grand pour contenir toute l’eau déversée par Harvey, il faudrait que chacun de
ses côtés fasse 5 km de long. L’ouragan entraîna plus de 125 milliards de dollars de dégâts.
Hilton était préparé le mieux possible à une catastrophe naturelle. Dès l’approche de la
tempête, l’équipe de direction organisa des réunions quotidiennes afin de s’assurer de disposer
de suffisamment de provisions et de garder le contact avec tous les membres de l’équipe. Des
recommandations et une feuille de route existaient bien, mais l’équipe savait qu’ils auraient
besoin d’agir en toute fluidité et de façon conjointe.
La feuille de route contenait de nombreux éléments utilisés par la direction pour
organiser sa réponse à la catastrophe naturelle sur le point de se produire, comme commander
des provisions, remplir les baignoires et préparer des stocks d’eau. Mais la portée de Harvey
dépassa rapidement tout ce que la feuille de route avait prévu, et de nombreuses décisions
relevèrent alors du bon jugement des membres de l’équipe.
D’Rovencourt et son comité exécutif craignaient que la tempête n’exige la contribution
de plus de personnes que celles prêtes à travailler après la tempête, compte tenu du fait
qu’elles ne pourraient sans doute pas rentrer chez elles auprès de leur famille pendant
plusieurs jours.
D’Rovencourt indiqua qu’il ne s’opposait pas à ce que quelques membres de l’équipe
logent à l’hôtel avec leurs familles, mais qu’il allait consulter le comité exécutif (les directeurs de
tous les départements, qui comprenaient Mo Khan de l’équipe d’ingénieurs et le chef Ruffy).
Ce n’était pas la première fois que des membres de l’équipe logeaient à l’hôtel, bien que
cela n’arrivait pas souvent. Si un membre du personnel avait fait deux services d’affilée et que
son responsable craignait qu’il ne s’endorme sur le trajet du retour, ou si les routes étaient
dangereuses en raison d’une tempête de verglas, lui offrir une chambre devenait une évidence.
Mais ces situations restaient rares et à petite échelle.
Permettre aux familles de loger à l’hôtel constituait donc un changement de politique
sans précédent à Houston. Aucun autre hôtel de la région ne l’avait fait jusqu’alors, à leur
connaissance. Mais ils faisaient face à un défi inédit, et il ne faisait aucun doute que davantage
de personnes seraient prêtes à travailler après l’ouragan si leurs familles pouvaient loger avec
eux.
Quand la discussion eut lieu, elle se révéla étonnamment courte pour un écart si
important par rapport à la procédure standard. « Nous sommes tous tombés d’accord
immédiatement sur le fait que c’était ce qu’il fallait faire », affirma D’Rovencourt.
On lui demanda s’il n’y avait eu aucun débat, aucune polémique ? « Aucun », répondit-il.
Le comité exécutif alla encore plus loin : il permit au personnel de venir avec ses
animaux de compagnie. Chiens, chats, oiseaux, tous reçurent l’autorisation de loger avec les
membres de leur famille. « Personne ne voudrait loger ici pendant quatre jours en se faisant du
souci pour son chien », affirma l’un des membres du comité exécutif. Et si un animal de
compagnie venait à souiller l’un des luxueux tapis des chambres ? « Nous nous sommes dit
que nous réglerions ce problème plus tard », répondit-il, après que les membres de l’équipe et
leurs familles auront survécu à l’ouragan.
D’Rovencourt autorisa son personnel à rester à l’hôtel avant de penser à obtenir
l’autorisation du vice-président régional.
L’un des chefs logea à l’hôtel avec son épouse, cheffe dans un autre hôtel. Elle aurait pu
loger dans l’hôtel où elle travaillait pendant l’ouragan Harvey, mais elle n’aurait pas pu y
emmener son époux. Au Hilton, ils étaient tous les deux les bienvenus. Un employé sur trois
parmi les 600 membres du personnel se porta volontaire pour loger à l’hôtel. Les membres des
familles répondirent avec générosité. Les épouses et les enfants firent le service à la cafétéria.
Les adultes et les adolescents se portèrent volontaires à la blanchisserie ou auprès de la Croix-
Rouge au centre de conférences situé en face.
Les cuisines nourrirent tout le monde. Tout le monde ! Les membres des services de
police de Houston, le personnel et leurs familles mangèrent tous gratuitement à la cafétéria de
l’hôtel pendant l’ouragan. Quand de nouvelles bouches à nourrir arrivèrent, de nouvelles tables
furent dressées, et 500 personnes furent servies à chaque repas.
« La première nuit, l’hôtel passa de 500 couverts à 1 000. Et avant que je ne m’en rende
compte, nous étions passés à 3 000 », raconte le chef Ruffy. « J’ai travaillé près de deux
semaines. Donc oui, nous avons accompli notre devoir. Mais en fin de compte, heureusement
que nous étions là pour prendre soin de tous ces gens ».
L’hôtel devint un centre de commandement pour deux unités des services de police de
Houston, dont les installations furent inondées. L’hôtel les nourrit également. « Ils ont pu petit-
déjeuner, déjeuner et dîner gratuitement tous les jours. Nous nous sommes assurés que tout le
monde reçoive un repas chaud par jour », remarque Lula Broussard, le responsable de la
cafétéria de l’hôtel. Au total, pendant l’ouragan, Broussard et son équipe servirent plus de
25 000 repas à toutes les personnes travaillant dans l’hôtel.
L’innovation et le travail d’équipe permirent de surmonter les obstacles initiaux auxquels
on pouvait s’attendre en recevant des centaines de nouveaux venus. Une nouvelle signalétique
permit de guider l’énorme nombre d’hôtes. Après que l’hôtel ait été transformé en centre de
commandement temporaire par les autorités, le personnel installa des postes de télévision
supplémentaires dans les parties communes, donnant aux services de police une autre façon
de se tenir informés. La police apprécia de pouvoir utiliser le parking privé. En contrepartie de
ces allées et venues supplémentaires, ils s’engagèrent à garer une voiture de patrouille pour
garder un œil sur les véhicules à l’intérieur. Au même moment, d’autres hôtels de la zone
fermaient leurs portes à tous les policiers, pompiers et sauveteurs qui avaient besoin d’aller aux
toilettes.
Certains membres des organismes de secours, dont la Croix-Rouge, s’installèrent en
face au centre de conférences George R. Brown, relié par une passerelle. Le centre de
conférences avait été réaménagé pour accueillir 1 000 habitants sinistrés, mais après quelques
jours, 10 000 personnes déplacées transformèrent le centre de conférences en un océan de lits
de camp. Le Hilton aida à nourrir les habitants réfugiés, fit don de serviettes et lava même des
draps. La réception répondit à des centaines d’appels téléphoniques concernant la disponibilité
de chambres, de la part d’habitants, de responsables de plusieurs services municipaux, du
ministère de la Sécurité intérieure, du ministère de la Santé et des services aux personnes et
aux vétérans, et de journalistes couvrant la tempête pour CNN.
Les gens rentrèrent chez eux à mesure qu’ils se sentaient suffisamment en sécurité
pour le faire, parfois au bout de cinq jours. D’Rovencourt resta à l’hôtel pendant neuf jours.
Certaines personnes dont les logements furent gravement endommagés logèrent à l’hôtel
pendant plusieurs mois. Harvey permit de préparer l’hôtel pour les catastrophes à venir. L’hôtel
a depuis créé un service de messages texto permettant à la direction d’informer rapidement les
membres du personnel. Des mesures furent mises en place pour se préparer, comme la
vérification des stocks, le maintien de réserves et de provisions, et la formation aux procédures
d’urgence devint plus fréquente, passant de « avant la tempête » à « en tout temps ». Ils sont
maintenant prêts à toute éventualité.
À Propos des Normes et Pratiques Standardisées Le responsable de l’énergie chez Hilton pourrait être tenté de forcer tous les hôtels à
installer des systèmes permettant de minimiser la consommation d’énergie, un moyen infaillible
de faire des économies considérables. Mais obliger à des pratiques spécifiques va à l’encontre
de la culture de Hilton consistant à laisser au personnel l’autonomie de choisir la façon de faire
pour atteindre ses objectifs. Si cela avait été le Far West, il n’y aurait pas eu de débat par
rapport à l’organisation des hôtels. Mais c’est justement cette façon de faire qui distingue
l’approche Hilton.
Les occasions d’encourager la participation et les initiatives du personnel apparaissent
dans tous les services, de l’équipe d’ingénieurs à celle chargée de la restauration en passant
par celle chargée de la gestion de crise. Concernant les opérations, un système appelé
« LightStay » facilite l’équilibre entre l’autonomie des membres de l’équipe et l’obtention des
objectifs Hilton en matière de réduction des déchets ainsi que de la consommation d’énergie et
d’eau. LightStay effectue un suivi de la consommation d’énergie et des efforts de durabilité,
mais la façon dont chaque hôtel atteint ces objectifs relève du Mo Khan de chaque site.
Permettre au personnel de s’approprier la mission d’économie d’énergie à laquelle il souhaite
s’attaquer rend les choses plus fluides, aboutissant ainsi à plus d’un milliard de dollars
d’économies d’énergie au cours de la dernière décennie.
L’histoire de la compétition des chefs C1 suggère une autre solution pouvant optimiser
les bénéfices en termes de réglementation et d’autonomie : une période de formation ponctuelle
garantissant des niveaux de qualification standardisés, suivie d’une période plus libre laissant
libre cours à la créativité. Offrir aux employés des pauses entre ces périodes de défis à relever
et d’objectifs à atteindre permet de diminuer la sensation d’épuisement des employés. Bien
qu’augmenter les niveaux d’exigences fréquemment et par palier semble être une stratégie
pertinente à court terme, des études ont montré qu’avec le temps, cela entraîne la fatigue et
l’épuisement et peut également avoir un effet contre-productif en encourageant des
comportements peu éthiques. C’est par exemple le cas lorsque les employés commencent à
croire qu’ils ne sont pas capables d’atteindre les objectifs croissants par des moyens
traditionnels et décident de contourner le système.
Bien que les histoires à l’échelle du Hilton Americas-Hilton de 1 200 chambres (voire à
l’échelle du Texas) soient innombrables, les exemples d’innovations lancées par des employés
ne sont pas rares. C’est grâce à cet esprit d’entreprise que les gaufres ont conquis Kansas City
et que les 007 bars ont prospéré dans le Londres des Swinging Sixties.
Chez Hilton, les employés se voient faire une promesse : vos collègues vous mettront
au défi d’étendre vos compétences. Si vous maîtrisez la dynamique hôtelière d’une ville, il est
temps pour vous de conquérir le centre.
L’effet Hilton sur les communautés : un engagement
Importance, contacts sociaux et développement économique À la fin des années 50, Thomas Schelling, professeur à Harvard, testa un étonnant jeu
qu’il avait inventé :
Vous avez été associé à une autre personne de façon anonyme. Si vous arrivez tous les
deux au même moment au même endroit à New York au cours des 24 prochaines
heures, vous gagnez 100 dollars chacun (vous porterez tous les deux un gros badge
rouge vous permettant de vous reconnaître).
Où devez-vous allez, et quand ?
Habituellement, nous coordonnons nos comportements avec l’autre à travers la
communication. Partager l’information, c’est ça, la communication. Mais dans ce contexte,
Schelling avait éliminé la possibilité de communication entre les personnes, ainsi que la
possibilité d’apprendre des échecs et des réussites au fil du temps. Il n’y avait pas de deuxième
chance.
Cette situation constituait un dilemme en raison de son nombre infini de solutions,
comme l’armoire à fournitures de FAO Schwarz à 21 h 00, le coin sud-est du croisement entre
Lexington et la 48e rue au coucher du soleil ou l’entrée de Rikers Island à 4 h 00 du matin.
Malgré les possibilités infinies, l’expérience de Schelling révéla que les gens génèrent
un nombre remarquablement limité de réponses. Lorsque les gens se voient dans l’obligation
de deviner ce que l’autre personne fera, ils ont tendance à proposer quelques sites
emblématiques sortant du lot.
Tout le monde choisit de se retrouver à midi, l’heure la plus conventionnelle. Les New-
Yorkais eurent tendance à choisir l’horloge près du kiosque d’information de Grand Central
Station. Les gens qui n’habitaient pas New York choisirent généralement le site le plus
emblématique pour les touristes : le poste d’observation de l’Empire State Building.
Schelling a appelé « focales » les solutions liées aux sites significatifs d’une même
zone. Certains sites, certaines personnes, certaines expériences sont partagés tellement de fois
que les gens peuvent, sans se parler, savoir de façon presque télépathique que quelqu’un
d’autre les trouvera aussi remarquables ou importants.
Imaginez que vous jouez à ce jeu avec quelqu’un à Paris : quand vous retrouverez-
vous ? À midi. Où vous retrouverez-vous ? À la tour Eiffel. La tour a plusieurs étages, donc il se
peut que vous choisissiez le mauvais, mais vous serez néanmoins passé d’un nombre infini de
possibilités à quelques-unes.
Vous jouez à Londres ? Rencontrez-vous à Big Ben.
Au Caire en Égypte ? Enfourchez un chameau et traversez le désert pour vous rendre à
la Grande pyramide. Qui sait ; vous retrouverez peut-être en chemin votre congénère arborant
son badge rouge.
Istanbul ? Il y a de grandes chances que vous choisissiez l’entrée de la Mosquée bleue.
Ou vous pourriez également opter pour l’entrée de l’hôtel Hilton d’Istanbul.
Istanbul : un endroit important. Devenir un point focal, c’est comme la question de l’œuf ou la poule : quels points
focaux choisissent les gens ? Les sites importants. Et pourquoi sont-ils importants ? Parce que
les gens y vont.
De nombreux bâtiments de New York sont plus anciens que Grand Central, donc ce
n’est pas seulement le temps qui fait le point focal. Grand Central, par exemple, est une plaque
tournante de transport par laquelle transitent des millions de New-Yorkais chaque jour ainsi
qu’un classique de l’architecture, et chacune de ces deux caractéristiques contribue à sa
réputation de point de rendez-vous.
Tous les classiques étaient autrefois inconnus, et il a fallu que quelque chose les fasse
connaître. Conrad Hilton était prêt à faire avancer les choses lorsque le Hilton d’Istanbul ouvrit
ses portes. Alors qu’à l’époque de la reconstruction post-Seconde Guerre mondiale, de
nombreuses organisations investissaient prudemment et restaient près de chez eux, Hilton était
prêt à se jeter à l’eau. Et c’est apparemment ce dont le monde avait besoin.
Le 9 juin 1955, deux avions de ligne Pan American loués par Hilton, temporairement
rebaptisés Le tapis volant et Le tapis magique, atterrirent en Turquie, remplis d’invités pour
l’inauguration. La liste de 106 sommités comprenait par exemple Carol Channing, la
championne olympique de patinage artistique devenue actrice Sonja Henie et William R. Hearst
Jr., tous accueillis à l’aéroport par des milliers de Turcs. Les grooms mirent 45 minutes à
transporter leurs 1 200 valises dans les chambres. Après les cinq jours de fête, les vedettes de
Hollywood rentrèrent chez elles, mais l’hôtel Hilton d’Istanbul conserva une aura durable. Leur
présence fit du Hilton d’Istanbul un endroit incontournable.
Dans son discours d’inauguration, Hilton présagea que le Hilton d’Istanbul deviendrait la
première destination internationale, mais que beaucoup d’autres allaient suivre, chacune
devenant un point focal capable de rassembler des visiteurs issus de tous les horizons. (Il
anticipa même les termes grâce auxquels Thomas Schelling allait remporter le prix Nobel) :
L’époque où un voyageur faisant le tour du monde pourra faire halte dans un hôtel Hilton
dans pratiquement chaque ville qu’il visite n’est pas si éloignée... Ces hôtels sont
l’expression de notre idéal. Nous souhaitons que les hôtels partout dans le monde soient
plus que le centre de la collectivité. Pour avoir une portée internationale, l’hôtel doit
devenir le point focal de l’échange de connaissances entre des millions de gens,
habitants autant que visiteurs, qui s’y sont retrouvés parce qu’ils souhaitent apprendre à
se connaître, à faire des affaires et coexister en paix.
– Conrad Hilton, 1955, Scrapbook de l’hôtel d’Istanbul
(commentaires lors de l’inauguration du Hilton Istanbul
Bosphorus)
La salle de bal du Hilton d’Istanbul devint la plus vaste salle des fêtes de la ville, où les
habitants pouvaient célébrer leur mariage et leurs événements familiaux, le tout dans un confort
climatisé digne d’un hôtel Hilton. Ses cafés devinrent des lieux pour les rendez-vous importants.
Dans un point focal, tout a un sens particulier, même une tasse de café.
« Boire une tasse de café en Turquie a un sens tout particulier », écrit Conrad Hilton
dans Be My Guest. « On me l’a expliqué la première fois que l’on m’a offert une demi-tasse de
la boisson locale forte. Une tasse de café partagée, m’a dit mon hôte, c’est trente ans
d’amitié ».
Bien que l’attrait de la nouveauté s’estompa, le sens du prestige demeura au fil des ans.
Avec le temps, le Hilton d’Istanbul est devenu l’endroit où l’élite turque se retrouve et se marie.
À l’été 1972, un nombre record de 21 couples se maria au Hilton d’Istanbul : 21 mariages en
une semaine !
Aydın Doğan se souvient d’avoir visité l’hôtel lorsqu’il était étudiant. « À cette époque,
boire une tasse de thé au Hilton était un privilège ». Après ses fiançailles, il promit à sa fiancée
qu’ils s’y marieraient, mais des obligations familiales les contraignirent à se marier à
Gumuşhane.
Cependant, le destin était plein de bonnes intentions pour Doğan. Il fonda Doğan
Holding, l’un des plus grands conglomérats de Turquie, présent dans les secteurs de l’énergie,
de la publicité et des médias (dont Milliyet), et il devint milliardaire après son entrée en Bourse.
En 2005, la société turque Doğan Group acheta l’hôtel 255 millions de dollars.
Imaginez votre époux rentrer à la maison et dire : « Tu te souviens que l’on voulait fêter
notre mariage au Hilton ? Eh bien, j’ai trouvé une façon de m’excuser de n’avoir pas pu le faire
à l’époque. »
Le succès appelle le succès. Une fois qu’un endroit devient un point focal, il est probable
qu’il le restera. Cela justifie de faire des efforts supplémentaires pour que les futurs points
focaux restent dans les mémoires. Hilton aligna un casting de vedettes et toute une
programmation d’activités pouvant sembler excessive, mais qui représentait un investissement
afin de faire du site un point focal.
La stratégie pourrait-elle être utilisée sans les starlettes et les bagages ? Elle vaut en
tout cas la peine d’être envisagée par le directeur général d’un hôtel ou d’un restaurant. Quel
type d’événement pouvons-nous activement recruter ? Pour lesquels sortons-nous le « grand
jeu » ? Les bons événements attirent sans doute un public varié lors d’une occasion spéciale
réunissant la communauté. Des collectes de jouets en période de fêtes, avec emballage de
cadeaux. Un dîner célébrant la fin de la saison de football amateur. Un concours de préparation
de gaufres lors du festival d’automne de la ville, parrainé par Hampton by Hilton.
Le théoricien des jeux Schelling était fasciné par la façon dont les gens coopèrent sans
communiquer entre eux. Mais dans le monde réel, un courrier sollicitant notre coopération nous
en demande en fait un peu plus. Au lieu de « Retrouvons-nous demain », le courrier nous
indique : « Retrouvons-nous à cet endroit. Aide-moi à m’installer. Nous serons de bons voisins,
et tisserons des liens pour que les visiteurs arrivent. Si nous pouvons travailler ensemble, nous
récolterons les fruits de cette alliance en termes économiques ».
Mais comment savoir si les gens vont faire ce que nous voulons qu’ils fassent ? Il est
facile de rester impliqué quand les choses fonctionnent, mais c’est plus difficile quand la
situation se dégrade. Dans le monde réel, nous disposons d’informations qui nous aident à
décider s’il convient pour nous de coopérer : nous connaissons la réputation de la personne.
Si nous sommes entourés de gens qui coopèrent, la meilleure stratégie est de former
une équipe et de jouer ensemble. Mais si nous sommes entourés de personnes qui privilégient
leurs propres intérêts, nous devons également nous protéger. Schelling aurait envisagé la
rénovation d’une zone sinistrée comme un dilemme en matière de coopération, à propos duquel
les belles paroles ne valent rien. Nous voulons croire aux promesses : Se retrouver ici,
s’installer, être de bons voisins, tisser des liens pour que les visiteurs arrivent, travailler
ensemble pour récolter les fruits de cette alliance en termes économiques. Mais comment
savoir si les gens vont faire ce que nous voulons qu’ils fassent ?
La communication ne révèle jamais toutes les informations. Votre client dit : « Le chèque
a été posté ». Votre collègue dit : « Si tu confrontes le patron, nous te soutiendrons tous ! ».
Votre rancard dit : « Tout est fini avec mon ex ».
Dans la pratique, à quoi cela ressemble-t-il ? Prenons exemple sur une des
transformations les plus remarquables de l’histoire du développement des grandes villes, dans
laquelle Hilton occupe une place très significative.
Buenos Aires C’est en maintenant son engagement durant les moments difficiles qu’un hôtel Hilton
aida l’un des quartiers les plus délabrés de Buenos Aires à devenir l’un des plus appréciés.
Buenos Aires, la capitale de l’Argentine, se trouve sur les rives du Río de la Plata, à
240 kilomètres de l’océan Atlantique. Les cargos internationaux pouvaient s’approcher, mais les
eaux peu profondes du fleuve les empêchaient d’atteindre la rive. Au fil des ans, la ville rendit
cela possible en construisant un quai de 35 mètres en 1802, rallongé jusqu’à 165 mètres
en 1855. Les navires jetaient aussi l’ancre au large et des péniches venaient décharger les
cargaisons et les passagers. Finalement, la ville construisit Puerto Madero, ce qui créa un
chenal étroit mais profond avec des docks, permettant aux cargos de stationner parallèlement.
Une rangée de hangars en brique longeait la ville, suivie d’un chenal étroit. Sur la rive
récemment construite, Puerto Madero, il y avait un port derrière lequel se trouvaient des
dizaines d’hectares de pâturages.
Quand les docks ouvrirent en 1897, ils furent célébrés comme une prouesse
d’ingénierie. Mais en l’espace d’une décennie, les cargos internationaux devinrent trop larges
pour les docks, les rendant donc obsolètes. La zone autour de Puerto Madero n’était plus
nécessaire ; avec le temps, le commerce déclina et les résidents arrêtèrent progressivement
d’utiliser la rive longeant les pâturages.
Le quartier se trouvait à moins d’un kilomètre du palais présidentiel, mais des années de
délabrement et de négligence l’avaient enlaidi : des déchets flottaient sur l’eau ; les hangars
étaient abandonnés et couverts de graffiti. Des dizaines de tentatives de revitalisation de
l’endroit échouèrent au fil des ans. Finalement, fin 1989, le gouvernement fédéral argentin et le
gouvernement local de Buenos Aires signèrent un accord afin de redonner vie à ce quartier.
Le promoteur local Alberto Gonzalez acheta certains des terrains vagues et couverts
d’herbe sur la rive de Puerto Madero, à côté des docks 3 et 4. Gonzalez connaissait
l’importance des points focaux. Ancien producteur de télévision et distributeur de contenu, il
avait envisagé un stade ou un centre de conventions sur son terrain, mais après avoir fait des
projections, il opta pour un hôtel avec un grand espace de rencontre.
« Ils analysèrent les enseignes d’hôtels présentes à Buenos Aires, et celles qui n’y
étaient pas. Hilton s’imposa comme un choix évident », raconte Tom Potter, le vice-président de
Hilton pour les Caraïbes et l’Amérique latine. Après avoir commencé à dialoguer avec Hilton
en 1998, Gonzalez engagea le célèbre architecte argentin Mario Roberto Álvarez, connu
notamment pour avoir marqué le paysage de la ville avec l’immeuble IBM (le siège de la société
en Amérique latine) et le Teatro General San Martín.
Gonzalez, Álvarez et Hilton : un trio de choc dans le monde du développement
immobilier argentin. Rien ne pouvait les arrêter.
Enfin, presque.
Fin 1998, une forte crise vint secouer l’économie historiquement turbulente de
l’Argentine. Les choses se gâtèrent.
Après s’être engagé à ouvrir l’hôtel en
janvier 2000, Gonzales fit faillite en 1999. La
situation économique empira. Il s’était aussi
engagé à organiser une fête inoubliable pour
l’arrivée du nouveau millénaire le
31 décembre 1999, pour laquelle il avait prévu de
recevoir 600 invités dans le lobby et le rez-de-
chaussée opulents de l’hôtel.
Mais la situation économique ne s’y
prêtait pas.
« En fait, cela devint assez compliqué à
ce moment-là », dit Potter. Un des promoteurs
clés du projet, une entreprise de construction
allemande, fit faillite avant d’avoir terminé le
réservoir d’eau. « Cela retarda l’achèvement du
contrat et de toute la construction. »
Les promoteurs et les entreprises de
service public n’avaient pas encore terminé
d’installer les infrastructures au niveau de la
surface herbeuse ; les évacuations, les égouts,
et les lignes de téléphone et d’électricité
restèrent en plan. « Tout fut fini en seulement
une année, en 1999. À temps pour l’ouverture
officielle de l’hôtel. »
Même la rue en face du Hilton fut pavée seulement trois mois avant l’ouverture. Si
Gonzalez, Álvarez et Hilton n’avaient pas travaillé à l’unisson, l’opération tout entière aurait
facilement pu échouer. Mais Gonzalez put organiser sa fête.
Lors de son ouverture en mars 2000, le Hilton Buenos Aires était le premier immeuble
commercial de Puerto Madero.
« Au début, les affaires n’étaient pas très bonnes en raison de la situation économique
en Argentine à ce moment-là », se souvient Potter. En juillet 2001, le taux de chômage était de
14,7 pourcents. Alors qu’il semblait y avoir une pause, un faible signe d’amélioration, les choses
empirèrent.
Ce mois-là, Standard and Poor’s fit passer le taux de crédit de tout le pays à B-. Le
chômage augmenta.
La crainte que le peso ne vaille bientôt plus rien provoqua une ruée sur les banques en
novembre de cette année, ce qui continua d’aggraver la stabilité économique.
Mi-décembre 2001, le taux de chômage atteint 20 pourcents. Les Argentins
manifestèrent dans les rues à moins de 500 mètres du palais présidentiel.
Malgré quelques signes que les choses allaient se stabiliser, ou du moins, ne pas
empirer, ce qui avait commencé comme une crise financière devint une récession économique
qui allait durer quatre ans. Les baisses de salaire et les limites sur les retraits bancaires
compliquèrent pour les Argentins les possibilités de réinvestir dans leur propre économie.
Un hôtel-boutique, ou une marque avec moins de moyens, n’aurait peut-être pas réussi
à payer ses employés pendant cette lente période initiale.
Une marque d’hôtel internationale connue est un pont solide sur le monde extérieur, un
signe que les étrangers et leur argent affluent régulièrement d’économies plus prospères.
Même pendant une crise, elle peut offrir assez de stabilité pour maintenir un quartier entier
pendant la construction. Si elle est assez forte, elle peut même arrêter la récession et permettre
une relance économique au milieu de la crise.
Et la marque Hilton était assez forte pour cela ; Schelling et Conrad auraient été fiers.
« Au bout d’environ six mois, d’autres projets commencèrent à se développer », se
rappelle Potter. La compagnie pétrolière argentine YPF commença à construire son bâtiment
phare juste en face du Hilton. Deux ambassades emménagèrent même dans le quartier.
« Très rapidement, cela devint un centre d’opportunités et de développement pour
Buenos Aires, parce qu’il y avait encore de grandes parcelles de terre disponibles. » Si le
terrain est la toile blanche des promoteurs immobiliers, alors des parcelles situées à 400 mètres
du palais présidentiel dans une ville cosmopolite sont de véritables œuvres d’art en devenir. Il
était donc évident que d’autres entreprises et promoteurs s’y installeraient un jour.
Mais il convient de remarquer que ces parcelles étaient disponibles depuis des
décennies.
Il fallut un point focal spécial pour ouvrir la marche. « Au bout d’environ deux ans, je
dirais que 25 pourcents de Puerto Madero était en plein développement », estime Potter.
Aujourd’hui, Puerto Madero est une plaque tournante prospère de Buenos Aires pour les
entreprises internationales, les expatriés et les Argentins appréciant l’architecture moderne.
Aujourd’hui, les graffitis de Puerto Madero seraient signés Banksy. En moins de deux
décennies, ces pâturages à côté de docks à l’abandon prirent une touche plus glamour en
devenant le quartier le plus prospère de la ville, quartier que la superstar du football Lionel
Messi considère comme chez lui.
La réserve écologique Costanera Sur se situe derrière la ligne grandissante des gratte-
ciels modernes. Il s’agit de l’espace vert le plus vaste et avec le plus de biodiversité de la ville ;
un parc naturel de plus de 350 hectares.
Le promoteur Alberto Gonzalez mourut un an après l’ouverture du Hilton, « juste après
avoir laissé un dernier héritage à la ville », dit Potter. Suite à une analyse montrant qu’un
manque d’accès public pourrait étouffer les efforts de revitalisation de Puerto Madero, Gonzalez
décida de résoudre ce problème de manière spectaculaire. Comme cadeau à la ville, il engagea
l’architecte et ingénieur civil espagnol Santiago Calatrava, connu dans le monde entier, pour
réaliser un nouveau pont piéton reliant Puerto Madero au reste de la ville.
Calatrava conçut El Puente de la Mujer, ou Pont de la Femme, représentant un couple
dansant le tango. (Le fait qu’il peut pivoter pour permettre aux navires de passer en quelques
minutes en fait aussi une merveille d’ingénierie.)
Le pont est un des endroits les plus photographiés de Buenos Aires, un symbole parfait
reliant le passé chargé d’histoire de la ville à sa nouvelle ère de revitalisation et de croissance.
« Aujourd’hui, c’est un des emblèmes de la ville », dit Potter.
Malheureusement, Gonzalez mourut durant la construction du pont.
Après avoir évalué les meilleures options pour attirer l’attention sur le quartier, Gonzalez
choisit finalement un grand investissement : un pont, pas un panneau publicitaire ; de
l’infrastructure, pas du marketing. Pour revitaliser un endroit aussi grand que Puerto Madero et
compenser des décennies de négligence, il faut une injection de capitaux significative. Le retour
sur investissement dépend de la croissance de l’endroit. Le fait de mettre l’argent sur la table
devant tout le monde réduisit l’impression de risque et incita les autres à contribuer à
l’investissement. Ils ne veulent pas perdre leur argent non plus.
Hilton fut l’heureux bénéficiaire de la brillante vision de Gonzalez. Mais le nom Hilton
était un énorme atout qui ajoutait de la crédibilité à l’engagement, et de la valeur au pot
commun. La présence d’acteurs clé avec un passé crédible et la réputation de tenir leurs
promesses incite d’autres à se rallier à la cause et à collaborer avec succès. En renonçant à ne
serait-ce que 1 pourcent de nos engagements, on s’expose à ce que les observateurs soient
moins disposés à participer. Une réputation solide basée sur le respect de nos engagements,
en revanche, incite tout le monde à participer.
Investir, c’est plus facile quand on sait que les autres ne vont pas faire marche arrière :
ils ont des intérêts à défendre aussi. Au milieu d’une récession économique turbulente
nécessitant la coopération d’une quantité d’investisseurs et de promoteurs, la moindre
hésitation risquait de causer une défection.
Même s’il fallait de la résilience et du courage pour surmonter ces difficultés initiales, le
fait d’avoir résolu les problèmes les uns après les autres incita d’autres personnes à soutenir le
projet, et par extension, le renouveau de Puerto Madero, en envoyant un message fort : nous
sommes ici pour y rester.
La revitalisation de Puerto Madero illustre la réputation de la marque d’aller jusqu’au
bout : la marque peut être un pionnier là où il veut que d’autres le suivent.
Cleveland/York, Pennsylvanie Les psychologues sociaux associent la réputation à deux éléments clés : la cordialité (la
bienveillance dans les intentions de quelqu’un) et la compétence (la capacité de réalisation de
ces intentions). Le comportement passé des gens vis-à-vis des autres est un indicateur de son
comportement futur et détermine dans quelle mesure notre bienveillance est réciproque.
En général, on suppose que les marques, en particulier les marques internationales,
sont compétentes. Le simple fait d’être une société commerciale connue est un indicateur de
compétence : l’entreprise s’y connaît assez pour pouvoir exister sur le marché. Cela fait
longtemps qu’elle est en activité. Il est probable qu’elle sache comment continuer à exister. Les
marques avec un long passé ont déjà démontré leur capacité à rester à flot durant les
turbulences économiques.
Toutefois, la façon dont la communauté répond à l’appel invitant à construire quelque
chose en commun (« si nous pouvons travailler ensemble, nous serons récompensés ! »)
dépend en grande partie du deuxième élément important de la réputation : la cordialité. Même
si l’on pense que quelqu’un est assez compétent pour contribuer à la croissance du gâteau, on
se demande toujours comment le gâteau sera coupé ; la réputation d’être cordial incite les gens
à penser que le gâteau sera partagé équitablement.
Montrer de bonnes intentions vis-à-vis des membres les plus riches de la communauté
peut vous permettre d’obtenir une donation, mais de bonnes intentions sans idée de profit vous
apporteront ce qui ne peut pas s’acheter : la bienveillance.
Le Hilton Cleveland Downtown fit un effort hors du commun pour recruter avant son
ouverture en 2016, en donnant la priorité aux résidents, allant même jusqu’à préférer un
résident sans expérience à une personne de l’extérieur avec de l’expérience dans l’hôtellerie.
Pour dénicher ces nouveaux co-équipiers, une agence appelée Towards Employment fut
contactée.
Towards Employment est une entreprise à but non lucratif de Cleveland qui se consacre
à aider les personnes ayant du mal à trouver un emploi en raison d’erreurs commises dans le
passé ou de manque d’opportunités. Quand l’hôtel ouvrit, une grande partie des employés
locaux, qui n’avaient jamais travaillé dans l’hôtellerie, fut recrutée dans des foyers pour sans-
abri.
L’industrie hôtelière propose de nombreux postes permettant à un employé motivé
d’avoir une chance de faire ses preuves face à un candidat plus expérimenté. On considère
généralement que la priorité numéro un, c’est la satisfaction du client. Même sans expérience,
le désir d’apprendre et une forte éthique de travail peuvent rapidement transformer un groom ou
une femme de chambre novices en professionnels.
Certains préfèreraient ne pas engager de telles personnes. Mais quand la directrice
générale du Hilton Cleveland Downtown, Teri Agosta, évoque ces recrutements, de tels choix
ne semblent pas risqués, mais intelligents.
« Nous avons constaté que, une fois que nous donnons une deuxième chance à nos
membres de l’équipe, ils sont reconnaissants. Et cela se ressent dans leur éthique du travail et
leur productivité. Nous transformons complètement des vies ; c’est cela que nous faisons. Et [le
degré d’enthousiasme avec lequel ils travaillent] fait chaud au cœur. C’est contagieux », ajoute-
t-elle. Le geste très généreux de Hilton généra un véritable enthousiasme, et les résidents au
chômage à qui des emplois avaient été offerts furent très reconnaissants.
Le recrutement d’employés non qualifiés impliquait que Hilton devait passer plus de
temps à les former pour les mettre à niveau. Mais songez à la contrepartie : il est difficile, voire
impossible, de simuler la cordialité. (De nombreuses études ont montré que les gens sont
étonnamment doués pour identifier les sourires hypocrites.) La cordialité est la composante clé
et infalsifiable de la réputation, elle consiste à s’ouvrir sincèrement aux autres. Et cela
commence à la base.
Même si ouvrir un hôtel dans un centre international où il y en a déjà beaucoup peut
sembler risqué, ce risque est dans une certaine mesure compensé par une demande certaine,
c’est comme acheter une action de premier ordre. Et pourquoi ne pas acheter des actions dans
une entreprise différente : par exemple, une petite société sans grande notoriété, ne prévoyant
pas de s’agrandir.
Aujourd’hui, York, en Pennsylvanie, est une ville d’à peine 40 000 habitants ; sa
population plafonna en 1950. Son économie connut peut-être même son âge d’or plus tôt que
cela : c’est la ville de la société automobile Pullman, une gamme de voitures de luxe Modèle T.
Ces dernières années, de petits efforts de revitalisation urbaine ont commencé à
transformer certains secteurs du centre de York. Vu la faible population présente dans la Rust
Belt (la « ceinture de la rouille »), une seule usine, un immeuble de bureaux ou un magasin
fermant dans le centre-ville peut faire boule de neige, dans n’importe quelle direction.
L’hôtel Yorktowne ouvrit en 1925, mais resta vide pendant des années. Des sociétés
telles que des brasseries et des restaurants ont commencé à apparaître à proximité depuis
quelques années. Malgré les galeries d’art de York, ses cafés et son système de vélo partagé,
ce sont les bâtiments désaffectés qui représentent le principal défi pour la revitalisation urbaine,
surtout dans des communautés de cette taille, qui ont des plafonds de rentabilité inférieurs.
Pour des sociétés extérieures, il est parfois difficile de se projeter et d’investir quand une très
grande variable inconnue se trouve à proximité : un grand bâtiment désaffecté aujourd’hui peut
devenir un paradis du graffiti demain.
En mai 2018, la County Industrial Development Authority de York a annoncé que le
bâtiment rouvrirait ses portes dans le cadre de la Tapestry Collection de Hilton en 2020. Ce
contrat établit non seulement un nouveau point focal dans le quartier, mais créa aussi un
partenariat avec l’école hôtelière du York College. Rien que les rénovations et la sous-traitance
vont injecter 30 millions de dollars dans l’économie locale.
« Hilton dans le centre-ville - c’est le facteur de prestige », dit Kevin Schreiber, président
et directeur de l’Alliance économique du comté de York.
Le fait de montrer à la fois de la bienveillance envers la communauté et un certain sens
des affaires incite les autres à penser que Hilton va continuer à opérer, même quand on dirait
que quelqu’un est en train de fermer les portes rapidement autour de nous.
Abuja
Même ceux qui s’y connaissent en géographie et ont vu mille fois une carte du monde
ne comprennent peut-être pas tout à fait. Les cartes retranscrivent notre monde tridimensionnel
en une image bidimensionnelle, un effet souvent obtenu grâce à la projection Mercator,
développée en 1569. La distorsion de la 3D à la 2D de l’image que nous avons généralement
du monde s’opère en augmentant la taille des objets au fur et à mesure qu’ils s’éloignent de
l’équateur. En conséquence, on sous-estime souvent l’immensité de l’Afrique. Si les globes
terrestres que nous utilisons étaient plus précis, on pourrait voir que les États-Unis, la Chine,
l’Inde, le Mexique, la France, l’Espagne, le Japon, l’Allemagne, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, le
Royaume-Uni, le Népal, le Bangladesh et la Grèce réunis tiendraient tous confortablement sur
ce continent.
Le Nigeria est le pays le plus peuplé d’Afrique ; un Africain sur six est Nigérien.
En 1976, le gouvernement nigérian décida de retirer son statut de capitale à Lagos,
tellement congestionnée qu’il fallait des heures pour faire quelques kilomètres. Le changement
de capitale donnerait enfin au Nigeria la possibilité d’avoir une capitale neutre, une ville
dessinée sur une toile vide n’appartenant à personne, et donc à tous les Nigériens. L’endroit le
plus neutre du Nigeria serait central, mais n’appartiendrait à aucune région ni aucun groupe.
Abuja, une ville centrale et faiblement peuplée, remplissait ces critères ; la décision d’y
transférer la capitale fut définitivement prise en 1991.
« Hilton a toujours été un pionnier quand il s’agit d’être le premier hôtel international à
s’implanter dans une capitale, que ce soit en Asie ou ailleurs », dit Andreas Jersaback, à
présent directeur général actuel du Conrad Hilton Istanbul Bosphorus. Jersaback fut engagé
dans l’équipe destinée à travailler sur l’ouverture du Hilton Abuja.
Être le premier hôtel international dans une capitale implique généralement que
l’infrastructure locale présente déjà un certain niveau en termes de déploiement et de sécurité,
susceptible d’attirer les touristes internationaux et les voyageurs d’affaires. Mais avec Abuja, ce
fut le contraire. Ici, les membres du gouvernement dirent : « Vous voyez cet endroit sous-
développé, au milieu de nulle part et non équipé en infrastructures ? C’est là qu’on va installer
la capitale ! »
Les membres haut placés du gouvernement nigérien avaient visité récemment le Noga
Hilton Hotel à Genève, en Suisse, et décidèrent qu’ils voulaient un hôtel similaire pour accueillir
des chefs d’État dans la nouvelle capitale. Le propriétaire, M. Nessim Gaon, accepta de le
construire. Et ils commencèrent.
Hilton tint sa promesse de
devenir le premier hôtel international à
s’implanter dans la nouvelle capitale
d’Abuja, malgré le manque
d’infrastructures.
« Nous avions notre propre
station d’épuration. Huit générateurs
électriques. Pour construire l’hôtel, nous
construisîmes d’abord une menuiserie...
à Kaduna, le village le plus proche, pour
tous les bois vernis », dit Jersaback.
Hilton s’engagea à être le premier à
ouvrir dans la région, malgré le travail
supplémentaire que cela représentait en
termes d’infrastructure, comme construire une menuiserie dans le village voisin.
Deuxièmement, Hilton s’engagea à accueillir des diplomates en bâtissant un hôtel
comprenant de nombreuses suites présidentielles, plutôt que de simplement construire le plus
de chambres possible afin de maximiser la rentabilité. « Nous avions 50 suites présidentielles,
160 suites juniors et 40 suites royales en vue de toute cette future activité gouvernementale. »
Enfin, le dernier engagement, qui s’avéra être le plus fou, fut également tenu. Le
gouvernement nigérian souhaitait que l’hôtel accueille le sommet de la Communauté
Économique des États de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, avant la date d’ouverture officielle de
l’hôtel.
L’hôtel devait ouvrir un an plus tard au plus tôt. Le sommet CEDEAO, lui, était prévu
dans deux mois.
Hilton accepta.
Le président du Nigeria invita promptement 14 chefs d’État d’Afrique de l’Ouest à un
sommet de deux semaines à Abuja.
L’équipe de Hilton s’était engagée.
Avec une douzaine d’autres collaborateurs venus de 17 établissements Hilton du monde
entier (Munich, Paris, Brésil et Zurich), Jersaback arriva à Londres, où le groupe de travail fut
briefé. Quelques jours plus tard, le groupe s’envola pour Lagos, aucun vol international vers la
nouvelle capitale n’existait, puis leur convoi fit route vers Abuja.
« Nous savions qu’il n’y avait pas de personnel qualifié disponible à Abuja », dit
Jersaback. Des centaines de résidents locaux se massèrent aux portes de l’hôtel après que le
groupe de travail eut fait savoir qu’il cherchait de nouveaux employés. Comme aucun d’entre
eux n’avait d’expérience, le processus de recrutement fut plus aléatoire que d’habitude.
Ils expliquèrent comment le directeur du personnel sortirait et désignerait des gens au
hasard. « Vous, vous, vous et vous, suivez-moi. » Une fois à l’intérieur, les gens se voyaient
indiquer leur poste : « Vous, vous serez serveur. Vous, vous serez barman. Vous, femme de
chambre. Vous, à la cafétéria. »
Ce que les Européens avaient prévu d’utiliser comme manuel de formation fut vite
abandonné. Avant d’apprendre à déboucher correctement un chablis, les nouveaux employés
durent apprendre à porter un plateau avec trois verres de vin sans les renverser. Avant d’arriver
à faire cela, ils durent apprendre à porter un plateau. En fait, ils durent apprendre les règles de
la verrerie.
Trois semaines avant de servir les chefs d’État, certains des nouveaux employés furent
introduit aux couverts et aux verres formels pour la première fois de leur vie. Certains employés
arrivaient sans chaussettes, car celles qu’ils possédaient et qu’ils avaient portées la veille
n’étaient pas encore sèches. Des promotions et des missions spécifiques furent attribuées en
fonction des courbes d’apprentissage individuelles.
Ailleurs, l’hôtel tout entier était encore en pleine construction.
La nature a apporté les bases de l’infrastructure initiale.
« Nous n’avions pas besoin de station d’épuration, car les vautours se chargeaient des
déchets », plaisantait Curt R. Strand, ancien président de Hilton International Hotels. Les
membres de l’équipe prenaient des photos des douzaines de vautours qui rôdaient autour de
l’hôtel.
« Lorsque nous sommes arrivés, [c’]était un chantier », affirme Jersaback. « Nous
avions une fenêtre de quatre semaines pour en faire un véritable hôtel, en partant de rien, d’une
simple coquille vide, pour, comme je le disais, défaire nos valises, tout décharger et tout
préparer. Nous avions devant nous environ trois semaines, la quatrième étant celle de la
conférence ».
Des camions livraient des centaines de cartons de draps, par exemple. Il fallait les
décharger. Il fallait les compter. Il fallait préparer les parures. Puis les répartir dans les
700 chambres de l’hôtel. Sept cents lits devaient être faits. Chacun des nouveaux membres de
l’équipe a dû apprendre à faire un lit.
Matelas, coutellerie, verrerie, serviettes, vin, cuisine, systèmes d’air conditionné,
marbre : absolument tout ce qu’il fallait pour achever la construction d’un hôtel cinq étoiles au
milieu de nulle part.
Vers la fin, les membres de l’équipe travaillaient 20 heures par jour pour que l’hôtel et le
personnel soient fin prêts à accueillir les 800 invités lors du sommet.
Moins de deux mois après la demande initiale de rénovation de l’hôtel et un mois après
l’arrivée des premiers membres de l’équipe, le chantier s’est transformé en un véritable hôtel
totalement opérationnel, avec plus de 1 000 nouveaux membres d’équipe prêts à servir plus de
800 invités lors de cette conférence. Chefs d’État inclus.
Hilton accueillit la CEDEAO.
Par la suite, l’hôtel a fermé ses portes pendant deux mois pour terminer les travaux de
construction, rouvrant ses portes avec 70 pourcents du personnel d’origine. Comme à Buenos
Aires, le taux d’occupation était loin d’être optimal pendant les premiers mois, mais Abuja
prenait forme en tant que capitale. Trois semaines après l’ouverture officielle, l’établissement
servait 400 déjeuners et 600 dîners. Les chemins ont été remplacés par des routes
goudronnées. Des écoles furent construites. Des commerces ouverts.
Conrad Hilton disait toujours que l’on ne se sentait jamais totalement prêt avant d’ouvrir
un hôtel (il faut juste le faire), mais ce cas extrême n’a été rendu possible que grâce aux efforts
extraordinaires déployés par les membres de l’équipe Hilton provenant des quatre coins du
monde. Les survivants et les vétérans de cette ouverture épique ont reçu un badge d’honneur
distinctif : le fait de dire que vous faisiez partie de l’équipe de lancement à Abuja vous fait
gagner le respect immédiat, et probablement un verre ou deux, car les membres de l’équipe
vous réclament toujours des histoires.
La plupart des personnes imaginent les travailleurs comme les employés d’une
organisation, et parce que c’est à cela que sont habitués les lecteurs, nous les avons désignés
en utilisant ce terme.
Mais lorsque nous discutions avec Hilton de cette décision lexicale, ils nous corrigeaient
gentiment : ce ne sont pas les employées de Hilton. Ce sont les membres d’une équipe.
Il s’avère que la sémantique est importante, peut-être plus que vous ne le pensez.
La notion d’être ensemble
Un groupe de chercheurs de l’Université de Stanford a démontré les avantages de faire
partie d’une équipe ou d’un groupe. En d’autres termes, l’interaction sociale est précieuse : une
accolade ou un « tope là » de la part d’un collègue contribue grandement à nous revigorer,
nous autres êtres humains épuisés. Mais ces chercheurs se sont attachés à examiner un autre
aspect de la collaboration : ils suspectent que le simple fait de se considérer nous-mêmes
comme membre d’une équipe a des effets positifs. Même sans les tope là, conseils ou sourires,
les gens semblent attacher beaucoup d’importance à faire partie d’un groupe. Mais quel doit
être le degré du sentiment d’appartenance pour que nous en récoltions les fruits ?
Les chercheurs ont amené des étudiants au laboratoire et leur ont donné une tâche
apparemment enfantine : les instructions consistaient à colorier une carte sans utiliser la même
couleur sur deux sections adjacentes et sans utiliser plus de quatre couleurs pour l’ensemble de
la carte. La tâche, qui semblait pourtant évidente et inoffensive, s’est avérée impossible.
Les étudiants participants ont rejoint ceux qui participaient à l’expérience dans le
laboratoire, et après de brèves salutations aux autres participants, chaque sujet a été amené
dans une pièce séparée pour travailler sur le puzzle. Tout le monde a reçu le même travail (une
tâche impossible à effectuer) dans le même cadre (travailler seul dans une pièce).
Pour tester l’impact psychologique de l’appartenance à une équipe, les
expérimentateurs ont laissé entendre très subtilement à la moitié des participants qu’ils faisaient
partie d’une équipe. Les sujets soumis à ce test « ensemble » ont reçu deux petits indices leur
indiquant qu’ils n’étaient pas vraiment seuls. Premièrement, les participants du groupe
« ensemble » ont entendu que l’étude examinait « comment les gens travaillent ensemble sur
des puzzles », tandis que les autres participants du groupe « individuel » ont simplement
entendu que l’objectif de l’étude était d’observer « comment les gens travaillent sur des
puzzles ».
Le second indice : deux minutes et demie après avoir commencé l’exercice, un
expérimentateur est entré dans la pièce avec une feuille qui contenait un indice pour résoudre
le puzzle. Les participants du groupe « ensemble » ont reçu un indice qui était « pour » eux
« de la part » d’un autre participant ; les participants du groupe « individuel » ont simplement
reçu une feuille avec écrit « pour » eux.
Les participants pensant travailler « ensemble » ont indiqué que l’exercice était plus
intéressant. Mais la découverte la plus importante ne concernait pas ces opinions subjectives.
C’était une question d’engagement, même en essayant de réaliser une tâche impossible. Les
participants qui travaillaient « seuls » ont planché sur la carte pendant un peu plus de
11 minutes, alors que ceux qui travaillaient « ensemble » ont tenté de résoudre le problème
pendant 17 minutes, soit 48 pourcents de plus.
D’autres itérations de l’étude ont révélé que les sujets pensant travailler « ensemble » se
sentaient moins mis à l’épreuve par la suite et se sentaient moins fatigués. Ce qui importe ici,
toutefois, ce n’est pas qu’ils étaient moins fatigués parce qu’ils travaillaient moins ; au contraire,
le fait de travailler « ensemble » les avait motivés à travailler plus dur.
Le sentiment de travailler avec d’autres compense l’épuisement en nous donnant
l’impression d’avoir un autre bassin de ressources à exploiter : d’autres personnes. De simples
petits indices indiquant que nous ne travaillons pas seuls nous permettent de contrer la fatigue,
afin d’en faire plus, de nous engager davantage et de continuer à avancer.
Chris Silcock, le chef Ruffy Sulaiman, Dianna Vaughan et Jacques D’Rovencourt n’ont
jamais été des employés de Hilton, car Hilton ne fait pas référence à ceux qui travaillent pour
l’entreprise en tant qu’employés : ce sont des membres de l’équipe. La simple expression
« membres d’une équipe » peut avoir plus d’impact que les responsables futés de Hilton
peuvent imaginer. Pour découvrir à quel point ce peut être puissant, lisez l’histoire ci-dessous
sur l’ampleur de l’engagement dont peuvent faire preuve les membres d’une équipe.
Sri Lanka Dans les années 80 et 90, la soirée dansante hebdomadaire du Hilton Colombo connue
sous le nom de Blue Elephant (L’éléphant bleu) était l’endroit de la capitale sri lankaise où il
fallait être.
Kapila Mohotti a commencé à travailler à l’hôtel en tant que steward stagiaire à 19 ans. Il
s’est senti attiré par le Blue Elephant et demanda à son musicien résident, DJ Bunty, de lui
apprendre les ficelles du métier. S’exercer avant et après ses services fut finalement payant
lorsque le Blue Elephant demanda à Mohotti d’être le DJ pour une nuit. Après le départ de
Bunty, Gamini Fernando, le directeur général du Hilton Colombo, proposa à Mohotti de devenir
DJ résident du Blue Elephant.
« J’avais l’impression que tout se mettait en place », dit Mohotti.
Le Blue Elephant était la première boîte de nuit internationale ; elle attirait les
personnalités et les locaux qui voulaient devenir mondains, pour boire avec leurs amis et faire
un tour sur la piste de danse qui était toujours bondée jusqu’à l’aube.
Manesh Fernando, l’actuel directeur général de l’hôtel, se souvient affectueusement de
cette époque. « Cet hôtel était une oasis dans la ville ».
Avec un verre à la main, exécutant quelques pas sur la piste de danse, les Sri Lankais
avaient l’occasion d’oublier ce qu’il se passait à l’extérieur : leur pays était au milieu d’une
terrible guerre civile.
« Lorsque vous vivez dans un pays en guerre., il vous faut développer cette capacité à
vivre dans l’instant présent. Vous apprenez à gérer les événements. Sans faire de plans à un,
deux ou trois ans. Lorsque vous dites “au revoir” à quelqu’un, vous le pensez vraiment, car vous
n’êtes jamais sûr de revenir », partage Fernando.
« Ils étaient vraiment, vraiment très nombreux à venir dans cette boîte de nuit ».
Le Blue Elephant était bien parti pour devenir une boîte de nuit prospère, mais les temps
changent, tout comme les goûts des résidents locaux. Ses portes ont finalement fermé le
21 avril 2007, après 20 ans de bons et loyaux services, offrant aux Sri Lankais champagne,
musique, une grande piste de danse, et d’une manière générale, un endroit où ils n’avaient pas
à penser aux difficultés d’une guerre terrible dans un pays qui attire les catastrophes naturelles
comme un aimant.
La capitale du Sri Lanka, Colombo, a une population de 700 000 habitants ; vous
pouvez parcourir la ville à pied en un jour. Les bâtiments fédéraux et les principaux sièges
sociaux des grandes entreprises se trouvent dans le centre-ville de Colombo. Dans les bons
moments, la position centrale de Hilton au cœur de ces quartiers est une aubaine ; dans les
moments difficiles, c’est une cible.
Le Hilton de Colombo ouvrit ses portes en 1987, quatre ans après le début de la guerre
civile au Sri Lanka. Les Tigres de libération de l’Îlam tamoul, ou LTTE (Liberation Tigers of
Tamil Eelam), un groupe séparatiste également connu sous le nom de Tigres tamouls, entrèrent
en conflit avec le gouvernement du pays en 1983.
Le 31 janvier 1996, les LTTE firent exploser une bombe de 200 kg près de la Banque
centrale du Sri Lanka, tuant 91 personnes.
L’année suivante, le groupe frappait encore en ciblant le World Trade Center, nouvel
édifice de 39 étages ouvert 3 jours auparavant et relié au Hilton Colombo.
À l’époque, l’actuel directeur général de l’hôtel, Gamini Fernando, était stagiaire dans
l’équipe de gestion, il travaillait de nuit. Il quitta l’hôtel à 3 heures du matin. À 7 h 00, alors qu’il
dormait chez lui, l’énorme bombe (450 kg d’explosifs à l’arrière d’un camion, cachés sous des
sacs de riz) explosa.
« Mon équipe m’a réveillé, m’informant qu’une énorme bombe avait explosé au cœur de
la ville », se souvient Fernando. La bombe a explosé dans le parking de l’hôtel Galadari, faisant
voler en éclat les vitres des immeubles du centre-ville et même au-delà. Elle a également détruit
les façades des géants hôteliers internationaux du
centre-ville : le Galadari, l’Intercontinental et le Hilton.
« Lorsque je suis revenu, l’hôtel était en ruines
au milieu d’une zone sinistrée. D’un côté, il n’y avait
plus aucune fenêtre », ajoute Fernando. Trente-six
étrangers furent emmenés à l’hôpital ; les dégâts se
comptaient en dizaines de millions de dollars.
Gamini Fernando rassembla rapidement les
membres de l’équipe pour faire une annonce : « Nous
ne fermerons jamais, et nous rouvrirons cet hôtel très
vite, d’une manière ou d’une autre ». Comme
D’Rovencourt le fera à Houston 20 ans plus tard,
Fernando ne s’est jamais demandé si l’hôtel resterait
ouvert. Il s’est simplement engagé à le maintenir ouvert.
Puis, il fit une seconde déclaration : « Ne vous
inquiétez pas pour votre salaire ». « Ça a rassemblé
tout le monde », ajoute Fernando. Au Sri Lanka, une
partie des salaires des employés de l’hôtellerie se
compose de 10 pourcents de frais de service. Le fait de
savoir que leurs salaires ne s’effondreraient pas devant
l’inévitable chute du tourisme a facilité la poursuite des activités. Les propriétaires de l’hôtel ont
emprunté 2 millions de dollars à Hilton pour revenir à une situation normale dès que possible.
L’engagement est une relation bilatérale. Apprendre que Hilton s’était engagé à rester
ouvert a eu des effets spécifiques sur le personnel, Fernando se souvient : « Nous nous
sommes tous remis en marche comme une armée ».
« La chose la plus urgente à mettre en place était le nettoyage des lieux... nous étions
tous équipés de gants et de seaux pour débarrasser les débris de verre répandus dans tout
l’hôtel ». Pendant qu’ils ramassaient le verre à la main, ils portaient des casques et d’autres
couvre-chefs pour se protéger contre les morceaux de béton et de verre qui pouvaient tomber
au hasard.
Les rappels d’une identité commune et de l’appartenance à un groupe nous aident
lorsque les temps sont difficiles, ce qui accroît notre résilience. Répondre à une crise commune
peut mettre en évidence le destin commun des membres de l’équipe, ce qui permet aux
groupes de se sentir encore plus connectés.
Un fort sentiment d’engagement crée une spirale ascendante positive : le fait de savoir
que nous sommes là pour longtemps facilite les choses et nous incite à travailler vers un avenir
meilleur. Voir des progrès rendus possibles grâce à des efforts supplémentaires, en retour, est
revigorant ; l’engagement appelle l’engagement. Savoir que les directeurs ne fermeraient pas
boutique (et maintiendraient leurs salaires) a galvanisé les employés à se mettre au travail et à
nettoyer l’hôtel.
Puis, un groupe d’ingénieurs d’une équipe régionale a fait le déplacement depuis
Singapour pour évaluer les dégâts de l’édifice et a déclaré la structure comme étant intacte.
Savoir que l’hôtel était voué à rester ouvert a posé pour la direction la question du « comment »,
et non du si ; Fernando et l’ingénieur en chef du bâtiment ont décidé de protéger l’intérieur de
l’hôtel en le recouvrant rapidement avec du contreplaqué.
L’hôtel Galadari d’à côté a souffert de dommages similaires, mais n’a pas pu rester
ouvert. Selon Fernando, ils n’avaient pas bouché les ouvertures où la bombe avait fait voler en
éclat les fenêtres. Ses directeurs ont douté s’il fallait ou non maintenir l’hôtel ouvert en raison
des retours décevants. Lorsque des étrangers regardent l’hôtel, ils ont tendance à s’y projeter,
eux au premier plan en tant qu’hôte, le personnel de l’hôtel en arrière-plan. Mais les locaux
voient l’hôtel d’un œil différent, comme une source potentielle d’emplois par exemple, un endroit
où organiser un mariage, un cocktail. Ils passent alors au premier plan, et les hôtes en arrière-
plan. Lorsque les propriétaires étrangers ont commencé à douter de la fin de la guerre civile, ils
se sont demandé si les touristes reviendraient un jour. S’ils ne revenaient pas, il n’y aurait plus
grand intérêt à rester.
Les choses se sont compliquées pour le Galadari : après la bombe, ce fut une terrible
mousson qui s’abattit sur la ville.
« La tempête s’est abattue et a endommagé l’hôtel bien plus que la bombe, je crois, car
la montée des eaux a tout ravagé à l’intérieur de l’hôtel », poursuit Fernando.
Après la mousson, le Galadari ferma ; l’hôtel Hilton Colombo reprit ses opérations en
quelques semaines.
À ce moment, la guerre civile avait coûté la vie à 50 000 personnes et le tourisme
international en payait le prix fort. Pendant un temps, l’hôtel Hilton de Colombo était le seul
hôtel international, faisant ainsi de lui l’endroit où les voyageurs d’affaires se rendaient
automatiquement.
D’autres hôtels ont négligé la valeur de leur présence pour les résidents locaux et leurs
fermetures ont fait de Hilton un point encore plus central pour les habitants. Malgré la guerre
civile en cours, les résidents de Colombo n’avaient d’autres choix que de rester. Ils sont
vraiment restés fidèles à cet endroit.
« On ne s’est même pas posé la question d’une fermeture. C’est notre petit monde, et
Hilton devait continuer à tourner », ajoute Fernando. Quand partir n’est pas une option, les
membres d’équipe et les locaux n’ont pas d’autres choix que de tirer le meilleur parti de la
situation. Ils sont restés proches les uns des autres et ont développé un tel sentiment de
loyauté qu’ils se sont sacrifié de bon cœur pour l’équipe. (Certains membres de l’équipe
conduisaient plus de 20 km dans des conditions dangereuses, à travers une zone de guerre,
pour se rendre au travail tous les jours).
Les années passèrent et la guerre civile ne montrait aucun signe d’arrêt.
À un moment donné, « on a demandé à toute la ville de passer en mode nuit pour que
les avions ne puissent pas voir où ils étaient censés bombarder », explique Fernando. Il ajoute :
« [Je] n’ai jamais voulu nous voir fermer l’hôtel au milieu des raids aériens ». La direction décida
de couvrir toutes les fenêtres de l’hôtel de rideaux occultants, esthétiquement agréables de
l’intérieur et de l’extérieur, mais non ouvrants, hermétiquement scellés contre les fuites de
lumière.
En 2008, un kamikaze tua neuf personnes (dont sept policiers), après avoir fait exploser
sa bombe au barrage de police à l’extérieur de l’hôtel, endommageant certaines fenêtres.
William Costley, le directeur général à cette époque (qui est maintenant vice-président des
opérations pour la péninsule arabique et la Turquie), comme son prédécesseur, n’a jamais
envisagé de fermer l’hôtel.
À cette époque, l’hôtel s’était bâti une réputation en restant ouvert et en assurant la
sécurité de tout le monde ; garder les lumières allumées, c’était tout simplement normal.
« La vie continue », déclare Fernando.
« Cet hôtel était le lieu où les gens venaient
pour oublier leurs problèmes, toute cette
négativité. C’était la bulle d’oxygène de la
ville ». Le seul endroit où la vie avait un
semblant de normalité, où les gens pouvaient
se créer de bons souvenirs.
Même le jour où l’attentat-suicide fit
voler en éclat les vitres d’un côté de l’hôtel, la
vie reprit le dessus.
La guerre civile n’a pas anéanti les
désirs de mariage et d’organisation de fêtes. Ce jour-là, de l’autre côté de l’hôtel, un mariage fut
célébré, comme prévu.
Vous vous souvenez du rédacteur désobligeant de Vogue, contrarié par l’homme
d’affaires qui prenait son petit-déjeuner dans son oasis ? Dans certains cas, cette oasis peut-
être un abri qui vous sauve la vie.
Être capable de se sentir en sécurité au milieu d’une guerre civile n’a rien d’anodin. Et le
directeur général actuel Manesh Fernando a toujours gardé cela à l’esprit, depuis qu’il vit son
propre directeur général Gamini Fernando arpenter le hall en short, juste avant de monter sur
scène et de déclamer aux membres de l’équipe : « Nous ne fermerons jamais, et nous
rouvrirons cet hôtel très vite, d’une manière ou d’une autre » ;
Le simple fait d’entendre les mots « Nous ne fermerons jamais » a suffisamment motivé
l’équipe à trouver les réponses aux incertitudes : l’engagement appelle l’engagement.
Mais à quoi bon, si le tourisme venait à s’effondrer temporairement ? Les touristes ne
sont qu’un revers de la médaille. Les habitants de la région ont besoin de la lumière et de la
chaleur de l’hospitalité, eux aussi.
Savoir que les lumières étaient allumées et que les autres membres de l’équipe avaient
besoin d’eux facilitait le fait de rester. Des 700 membres de l’équipe qui travaillent actuellement
au Hilton Colombo, 200 personnes étaient déjà là lorsque la première bombe a explosé
en 1996.
La vision de Conrad Hilton était simple : être une source fiable d’hospitalité pour ses
clients. Mais il lui était impossible de prédire qu’adhérer à cette vision (répandre sur la terre la
lumière et la chaleur de l’hospitalité) prendrait une signification totalement différente en près de
100 ans.
Les hôtels Hilton peuvent élargir le monde des voyageurs et construire des
communautés en respectant simplement le but premier de la société, celui d’être accueillant. Ici,
cela se traduit par une oasis qui garde ses lumières allumées, qui joue le rôle d’une ancre en
pleine tempête. Être aussi fiable qu’une ancre, alors que le pays part à la dérive, garder ses
portes ouvertes pour les locaux comme pour les clients, cela instaure la confiance et incite les
autres à en faire autant.
Les contrats modernes sont rédigés de façon à ce que les personnes soient déchargées
de leurs responsabilités contractuelles en cas de force majeure, appelés « actes de Dieu » dans
les juridictions anglo-saxonnes. Voici une clause traditionnelle d’acte de Dieu :
Le dépositaire légal n’est pas responsable de tout manquement ou retard dans
l’exécution de ses obligations en vertu de la présente convention découlant de,
ou causé, directement ou indirectement, par des circonstances hors de son
contrôle raisonnable, y compris, notamment, les cas de force majeure,
tremblements de terre, incendies, inondations, guerres, troubles civils ou
militaires, sabotages, épidémies, émeutes, accidents, conflits sociaux, actes des
autorités civiles ou militaires, ou actions gouvernementales.
Il serait compréhensible que l’une ou l’autre de ces situations perturbe le service, l’objet
même de cette clause permettant légalement aux gens d’abandonner leur contrat dans des
situations difficiles indépendantes de leur volonté. Mais les éléments sémantiques de ce contrat
font écho à une liste d’épreuves endurées par des membres d’équipe dans des endroits comme
Colombo, Le Caire et le Japon.
Incendies ? Oui.
Inondations ? Oui.
Guerres, troubles civils ou militaires, sabotage ? Échec et mat.
Personne n’aurait reproché à un employé de quitter son travail pendant l’une de ces
situations, mais c’est à ce moment que les employés de Hilton ont réussi à s’unir le plus. Les
membres d’équipe s’engagent activement envers l’équipe, ce qui permet en retour à Hilton de
tenir ses engagements auprès des communautés que l’entreprise sert.
À Buenos Aires, la crise économique de plus en plus grave a conduit à la faillite des
investisseurs et entrepreneurs clés avant l’achèvement des travaux de l’hôtel. Alors que la crise
s’était transformée en récession, l’hôtel était déterminé à ouvrir ses portes à la date prévue et à
laisser les lumières allumées. S’engager à verser un salaire stable aux membres de l’équipe a
permis de garder cette lumière allumée dans les moments difficiles. Hilton était le seul bâtiment
commercial du quartier, c’était un tel signe de stabilité qu’il a stimulé le développement de la
zone environnante, transformant ses hectares de prairies et de bâtiments abandonnés en l’un
des quartiers les plus prisés de Buenos Aires, au milieu d’une récession.
Au Caire, malgré la révolution du printemps arabe éclata près du Nile Hilton, et cet hôtel
près du centre-ville soutenait les manifestants prodémocratiques. Un commentateur disait :
« Ce n’est pas un hasard si ces événements se sont déroulés près du Hilton, car il a toujours
fait partie du cœur de la ville ». Et il était au cœur de la ville, car comme pour Buenos Aires,
c’était un point focal autour duquel la ville s’est développée.
Au Japon, les membres de l’équipe ont survécu à la fureur des dieux, surmonter un
tremblement de terre, un tsunami et une panne de centrale nucléaire.
Il est facile de rester fidèle à des lieux dans les bons moments. Mais faire preuve
d’engagement dans les moments difficiles ? Pas aussi simple.
Conrad Hilton n’aurait probablement pas pu imaginer son hôtel dans une ville
bombardée plusieurs fois sur une décennie. Mais il aurait été fier que son nom soit associé à
l’hôtel Colombo, car les membres de l’équipe ont incarné sa vision de l’hospitalité à son
paroxysme.
Le 5 novembre 1954, Hilton tint un discours lors de la convention de l’American Hotel
Association à New York. Il conta la version suivante de cette vieille histoire :
Il était une fois un monde plongé dans les ténèbres et le froid. Puis un jour, Prométhée
décida de voler le feu aux dieux et de le ramener sur terre. Des files d’hommes, de femmes
et d’enfants attendaient, depuis le sommet de la plus haute montagne jusqu’aux extrémités
de la terre, prêts à recevoir la flamme et à la transmettre. Soudain frappa un éclair, et le
premier flambeau de l’homme le plus proche fut allumé. Rapidement, la flamme passa de
main en main. D’une seule flamme en naquirent dix, d’une centaine, mille, puis elle passa de
ville en ville, de pays en pays, jusqu’à ce que la lumière et la chaleur se répandissent sur
terre. Voici l’histoire de notre industrie. En tant qu’hommes et femmes de l’industrie
hôtelière, il est de notre responsabilité de répandre la lumière et la chaleur de
l’hospitalité sur terre.
« Répandre sur terre la lumière et la chaleur de l’hospitalité ». Aujourd’hui, à petite ou
grande échelle, Hilton poursuit cette vision, celle de créer l’effet Hilton pour ses clients, ses
membres d’équipe et les communautés :
● Une hôte part pour la première fois en voyage d’affaires à l’étranger pour
essayer de convaincre une cliente qui parle une autre langue d’acheter ses
produits. Elle redoute déjà les négociations complexes, mais se réjouit de voir les
plats de son petit-déjeuner préféré sur le buffet, comme à la maison. Ce sera une
longue et dure journée, mais au moins, elle aura pris un bon petit-déjeuner. Sa
mère serait fière d’elle.
● Un jeune membre de l’équipe d’Abuja, au Nigéria, s’occupe des banquets à
l’hôtel Embassy Suites de Houston, au Texas. Il est convoqué au bureau de son
directeur et on lui demande s’il voudrait être directeur de nuit pendant quelque
temps. « C’est un travail difficile » lui dit-on, « mais vous apprendrez beaucoup. »
● Un groom de Cleveland montre sa chambre à une famille, requinquée par son
enthousiasme contagieux et ses connaissances de l’histoire de l’hôtel. Avant
d’obtenir ce travail, il était au chômage depuis cinq ans.
Le retour du Blue Elephant En 2018, le Blue Elephant annonça qu’il rouvrirait pour une fête rétro les 10 et 11 août,
plus de 10 ans après sa fermeture.
DJ Kapila revint pour la soirée, bien qu’on devrait plutôt dire qu’il s’installa. Kapila
Mohotti est maintenant le directeur du département Aliments et boissons, et travaille au Hilton
Colombo depuis plus de 30 ans.
« Les gens nous demandaient tout
le temps quand il rouvrirait ses portes ! Ils
y avaient tellement de souvenirs », raconte
le directeur général Fernando.
L’annonce de la fête rétro au Blue
Elephant créa une certaine effervescence
sur les médias sociaux. Les gens
évoquaient leurs soirées passées dans cet
endroit avec nostalgie et poésie, se
demandant combien de vieux amis
viendraient, 10 ans plus tard, rendre
hommage à un club qui a existé un certain temps dans un hôtel du centre, offrant lumière et
chaleur aux gens d’un pays régulièrement frappé par des actes de Dieu.
Quand on ne sait pas combien de temps le bonheur va durer, on savoure l’instant
présent.
À la soirée rétro, la file d’attente à l’entrée était pleine de visages radieux, et nombreux
étaient ceux qui portaient des vêtements certainement restés au fond d’un placard pendant des
années. Le bar était pris d’assaut. Le DJ aussi. « C’était plein à craquer », déclara Fernando.
Le DJ passa l’hymne de Whitney Houston : « I Wanna Dance with Somebody. » La
musique était assourdissante et les boissons étaient fraîches dans un hôtel qui n’avait jamais
fermé ses portes, et qui avait toujours offert lumière et chaleur même durant les heures les plus
sombres du pays.
Et ils dansèrent jusqu’au bout de la nuit.
Conclusion sur l’Effet Hilton
Par Christopher J. Nassetta, président et CEO de Hilton
Comme beaucoup d’employés que Chip et Karla ont rencontrés en étudiant l’Effet
Hilton, j’ai débuté très jeune dans l’hôtellerie. Mon père m’encouragea à travailler pendant mes
vacances scolaires au service ingénierie d’un hôtel de Washington D.C. En fait, j’ai débouché
tellement de toilettes un été que mon cadeau de départ fut une ventouse peinte en doré. Malgré
cet honneur douteux, je suis tombé amoureux de ce secteur et n’ai jamais cherché à faire autre
chose.
Mais ce n’est que lorsque je devins PDG d’Hilton il y a dix ans que réalisai vraiment ce
que Conrad Hilton avait compris très longtemps avant moi : la capacité du voyage à donner
envie aux gens de se dépasser réside dans l’aptitude d’une entreprise hôtelière à permettre aux
voyageurs de montrer le meilleur d’eux-mêmes. Conrad lui-même comprit cela avec l’ouverture
de son premier hôtel à Cisco, au Texas, lorsqu’il constata que pour satisfaire les clients, il fallait
créer un esprit de corps chez les employés, une culture d’équipe les encourageant à innover
sur le moment pour enrichir l’expérience de leurs clients.
Aujourd’hui, comme Chip et Karla l’ont eux-mêmes découvert, nos 400 000 employés
restent fidèles à notre héritage, dans l’ensemble des 5 400 établissements Hilton, répartis
jusqu’à présent dans 106 pays et territoires. En réponse au message de Conrad, les plus de
10 millions de membres qui composent notre équipe répandent sur la terre la lumière et la
chaleur de l’hospitalité depuis notre fondation, et c'est plus de trois milliards de voyageurs que
nous avons ainsi accueillis.
Nous encourageons nos clients à explorer, rêver, agir, se réunir avec leurs proches,
découvrir des cultures, et faire des choses qu’ils n’auraient jamais imaginé faire : changer leur
monde et le nôtre.
À une époque caractérisée par tant d’anxiété et de discorde, le pouvoir fédérateur du
voyage n’a jamais été aussi nécessaire. C’est cela, le secret du voyage : il élargit notre vision
du monde tout en nous rapprochant des divers peuples de la planète.
Comme je le dis souvent, nous sommes dans l’âge d’Or du voyage. Les classes
moyennes émergeant dans des endroits comme l’Inde et la Chine alimentent une soif globale
d’exploration et d’aventure, et conduisent à l’apparition de plus en plus de destinations dans des
cultures et des idées nouvelles. En 2017, nous avons recensé 4 milliards de passagers aériens.
Dans à peine 20 ans, ce chiffre aura doublé.
C’est pour cela que je suis si reconnaissant – à l’heure où nous célébrons notre
centenaire – que nous utilisions le siècle d’expérience qu’Hilton possède dans la création de
liens chargés de sens et d’histoire, pour être les pionniers d’une nouvelle ère de l’hospitalité. À
la veille de son centenaire, Hilton n’a jamais été aussi dynamique.
Nous ouvrons la voie à de nouvelles destinations de voyage en ouvrant des centaines
d'hôtels dans près de 50 pays et territoires rien que pour notre année anniversaire.
En ouvrant des hôtels abordables et de haute qualité dans tout le pays, nous permettons
à des millions de familles de la classe moyenne chinoise de voyager avec plus de confort et
d’assurance.
Nous sommes toujours les premiers à repousser les limites du voyage en Afrique, et
nous nous sommes engagés à ouvrir 100 nouveaux hôtels d’ici 2022 dans le cadre de notre
Initiative de croissance Hilton en Afrique.
Nous nous adaptons aux besoins et préférences changeants des nouvelles générations
de voyageurs, en ajoutant de nouvelles marques intelligentes à notre portefeuille de
14 marques mondiales, et nous continuons à proposer des innovations dans le secteur, comme
la Connected Room, la première expérience hôtelière entièrement connectée.
Chaque jour, nous avons à cœur d’honorer l’esprit pionnier que notre fondateur a
insufflé à la première entreprise hôtelière mondiale.
Quand je lis l’étude de Chip et Karla, je me sens honoré de faire partie de cette histoire
appelée « l’Effet Hilton ». Je crois sincèrement que la naissance d’Hilton il y a cent ans a rendu
service à l’humanité, et que si nous faisons bien notre travail, le monde n’en sera que meilleur,
car Hilton en fera partie pendant les cent ans à venir.
SOURCES
PREMIÈRE SECTION “Suddenly, we weren’t rich anymore”: Conrad Hilton (1957), Be My Guest. Englewood Cliffs, NJ:
Prentice-Hall, p. 61.
“Tipped me five dollars”: Hilton, Be My Guest, p. 62.
“A crackerjack at making things comfortable for you”: J. Randy Taraborrelli (2014), Hiltons: The
True Story of an American Dynasty. New York, NY: Grand Central, p. 22.
“A cross between a flophouse and a gold mine”: Hilton, Be My Guest, p. 109.
First hotel to install TVs, multi-hotel reservations system, no guest rooms with westward-facing
windows: http://newsroom.hilton.com/hhr/page/29
Erin McCarthy, “Who Invented the Brownie?” Mental Floss, November 13, 2014,
http://mentalfloss.com/article/60011/who-invented-brownie
“Real experience of difference”: For context, in this statement, Wharton was emphasizing what
she thought of Hilton hotels when she was younger. Annabel Jane Wharton (2001), Building the
Cold War: Hilton International Hotels and Modern Architecture. Chicago, IL: University of
Chicago Press, p. xiii.
“the capacity to alter or override dominant response tendencies and to regulate behavior,
thoughts, and emotions”: Denise T.D. de Ridder, Gerty Lensvelt-Mulders, Catrin Finkenauer, F.
Marijn Stok, and Roy F. Baumeister (2012), “Taking Stock of Self-Control: A Meta-Analysis of
How Trait Self-Control Relates to a Wide Range of Behaviors,” Personality and Social
Psychology Review 16, no. 1: 76-99.
“A study examining the hand washing behavior of 4,157 caregivers in hospitals”: Hengchen Dai,
Katherine L. Milkman, David A. Hofmann, and Bradley R. Staats (2015), “The Impact of Time at
Work and Time Off from Work on Rule Compliance: The Case of Hand Hygiene in Health Care,”
Journal of Applied Psychology 100, no. 3: 846-862.
Israeli parole board study: Shai Danziger, Jonathan Levav, and Liora Avnaim-Pesso (2011), “Extraneous Factors in Judicial Decisions,” Proceedings of the National Academy of Sciences 108, no. 17: 6889-6892.
“Gadgets and good strong coffee”: Thomas F. Brady, “US Hotel tastes infiltrate London,” The
New York Times, October 5, 1953.
Social snacking: Wendi L. Gardner, Cynthia L. Pickett, and Megan Knowles (2005), “Social
Snacking and Shielding,” in Kipling D. Williams, Joseph P. Forgas, and William von Hippel, eds.,
The Social Outcast: Ostracism, Social Exclusion, Rejection, and Bullying. New York, NY:
Psychology Press, p. 227-242.
Dora Jane Hamblin, “In 19 Lands, Instant America: His Hotels Keep Conrad Hilton Hopping,”
Life, August 30, 1963.
LADY HILTON “In Mobley, Conrad Hilton’s first hotel, male guests outnumbered female guests, 4 to 1”: Hilton,
Be My Guest, p. 115.
“women only constituted 1% of business travelers in this era”: Myron Gable and Susan Stone
Sipkoff (1988), “A Methodology for Determining Women Business Travelers’ Expectations of
Hotels and Motels,” Journal of Professional Services Marketing 3, no. 1-2: 127-135.
“It turned out that male business travelers also liked some of these amenities”: Paul Burnham
Finneyaug, “Women-Friendly Hotel Floors Return, With Modern Twists,” The New York Times,
August 5, 2008. https://www.nytimes.com/2008/08/05/business/05women.html
Derek W. Johnston, PhD et al. (2018), “Why does work cause fatigue? A real-time investigation
of fatigue, and determinants of fatigue in nurses working 12-hour shifts,” Annals of Behavioral
Medicine: 1–12. DOI: 10.1093/abm/kay065
AMSTERDAM Rodney Bolt, “Exclusive review of Waldorf Astoria Amsterdam,” Conde Nast Traveller,
September 2014, https://www.cntraveller.com/gallery/waldorf-astoria-amsterdam
JANTAMINIAU, “Outfits Waldorf Astoria revealed,” April 30, 2014.
https://www.jantaminiau.com/outfits-waldorf-astoria-revealed/
Barbara L. Fredrickson (2013), “Positive Emotions Broaden and Build,” Advances in
Experimental Social Psychology, vol. 47, Academic Press, p. 1-53.
Thomas Gilovich and Amit Kumar (2015), “We’ll Always Have Paris: The Hedonic Payoff From
Experiential and Material Investments,” Advances in Experimental Social Psychology, vol. 51,
Academic Press, p. 147-187.
HILTON LONDRES “Too small and too low”: Wharton, Building the Cold War, p. 97
“An individually adjustable air condition system heated or cooled every room”: Andreas Augustin
(2013), London Hilton on Park Lane. Vienna, Austria: The Most Famous Hotels in the World, p.
35.
Description of Hilton’s 007 Night Spot: Andreas Augustin (2013), London Hilton on Park Lane.
Vienna, Austria: The Most Famous Hotels in the World, p. 53.
Barbara Czyzewska and Angela Roper (2017), “A Foreign Hotel in London: The History of
Hilton’s Negotiation of Legitimacy in the Swinging Sixties,” Hospitality & Society 7, no. 3: 219-
244.
“In 1963 there was a Hungarian trio of musicians”: Augustin, London Hilton, 44.
“There were 70 different nationalities working at the hotel”: Augustin, London Hilton, 64.
“Exposure to cultures causes creativity”: Angela Ka-yee Leung and Chi-yue Chiu (2010),
“Multicultural Experience, Idea Receptiveness, and Creativity,” Journal of Cross-Cultural
Psychology 41, no. 5-6: 723-741.
DEUXIÈME SECTION : MEMBRES DE L’ÉQUIPE ET FLUX
“He invented, for example, the unorthodox but healthy practice…” Whitney Bolton (1954), The
Silver Spade: The Conrad Hilton Story. New York, NY: Farrar, Straus and Young.
“Seminal study”: Mihaly Csikszentmihalyi and Judith LeFevre (1989), “Optimal Experience in
Work and Leisure,” Journal of Personality and Social Psychology 56, no. 5: 815-822.
“A 1949 New York Times profile of Hilton”: Meyer Berger, “Conrad Hilton, Collector of Hotels,” The New York Times, October 30, 1949.
“Sensing the potential to be negatively evaluated on a task can sap our motivation”: Teresa
Amabile (1983), The Social Psychology of Creativity, Springer.
“Being watched while we are performing well-learned tasks improves our performance”: Robert
B. Zajonc (1965), “Social Facilitation,” Science 149, no. 3681: 269-274.
Laura Emily Dunn, “Women in Business Q&A: Dianna Vaughan, Senior Vice President,
DoubleTree by Hilton and Global Head, Curio – A Collection by Hilton,” Huffington Post,
January 9, 2017, https://www.huffingtonpost.com/entry/women-in-business-qa-dianna-vaughan-
senior-vice_us_58735393e4b0eb9e49bfbd26
“The system was installed in September 2015 for $166,000; two years later, it had already
saved the hotel over $750,000”: Elliott Mest, “How Large and Small Hotels Approach Laundry
Sustainability,” Hotel Management, January 23, 2018,
https://www.hotelmanagement.net/operate/how-large-and-small-hotels-approach-laundry-
sustainability
“Offering employees breaks between these periods of bar-raising and goal-setting”:
David T. Welsh and Lisa D. Ordóñez (2014), “The Dark Side of Consecutive High Performance
Goals: Linking Goal Setting, Depletion, and Unethical Behavior,” Organizational Behavior and
Human Decision Processes 123, no. 2: 79-89.
Harvey: Angela Fritz and Jason Samenow, “Harvey unloaded 33 trillion gallons of water in the U.S.,” The Washington Post, September 2, 2017, https://www.washingtonpost.com/news/capital-weather-gang/wp/2017/08/30/harvey-has-unloaded-24-5-trillion-gallons-of-water-on-texas-and-louisiana/ “2017 Hurricane Harvey: Facts, FAQs, and how to help,” World Vision, https://www.worldvision.org/disaster-relief-news-stories/hurricane-harvey-facts
TROISIÈME SECTION
ISTANBUL Details of Istanbul opening: Hilton, Be My Guest, 265.
Mehmet Altun, Hilton Istanbul: 55 years in the chronicles of Hilton Istanbul, 2010.
Mehmet Altun, Ambassadors of Turkish hospitality since 1955. Hilton Worldwide, 2015.
“Drinking a cup of coffee in Turkey has a very special significance”: Be My Guest, 266.
BUENOS AIRES Eric Firley and Katharina Grön, “Puerto Madero,” The Urban Masterplanning Handbook (2013).
“Timeline: Argentina’s economic crisis; How did Argentina get into this mess? Here are the key
dates in its tale of woe,” The Guardian, December 20, 2001,
https://www.theguardian.com/world/2001/dec/20/argentina1
CLEVELAND/YORK Andrew Small, “The Difference a DIY Cultural Revival Can Make,” Citylab, September 2017,
https://www.citylab.com/life/2017/09/the-difference-a-diy-cultural-revival-can-make/538812/
“Hilton in your downtown – that’s a prestige factor”: Anthony J. Machcinski, “Saving Yorktowne:
Unlikely story of how York landed Hilton and why that’s such a big deal,” York Daily Record,
June 4, 2018, https://www.ydr.com/story/news/2018/06/04/hilton-tapestry-rescue-yorktowne-
hotel-story-behind-deal-downtown-york-efforts-could-have-died/630300002/
Susan Moses, “Cleveland job seekers find second chances and new careers,” WKYC,
https://www.wkyc.com/article/money/economy/possible-u/cleveland-job-seekers-find-second-
chances-and-new-careers/429584313
ABUJA Size of Africa: William Turvill, Daily Mail, October 5, 2013,
http://www.dailymail.co.uk/news/article-2445615/True-size-Africa-continent-big-China-India-US-
Europe-together.html
https://www.naija.ng/574434-nigeriaat55-top-5-reasons-nigerias-capital-moved-lagos-abuja-
photos.html#574434
Curt R. Strand (1996), “Lessons of a Lifetime: The Development of Hilton International,” Cornell
Hotel and Restaurant Administration Quarterly 37, no. 3: 83-95.
ÉTUDE “Consider one study”: Priyanka B. Carr and Gregory M. Walton (2014), “Cues of Working
Together Fuel Intrinsic Motivation,” Journal of Experimental Social Psychology 53: 169-184.
SRI LANKA No More Blue Elephant: Sunday Times, http://www.sundaytimes.lk/070415/TV/000tv.html
Blue Elephant Retro Party: YAMU TV, https://www.yamu.lk/event/blue-elephant-retro-party
Bank blast: “17 Die, 100 Wounded by Huge Bomb and Gunfire in Sri Lanka,” New York Times,
October 15, 1997, https://www.nytimes.com/1997/10/15/world/17-die-100-wounded-by-huge-
bomb-and-gunfire-in-sri-lanka.html
John F. Burns, “Bombing’s Fallout Adds to the Gloom Hanging Over Sri Lanka,” New York
Times, October 17, 1997, https://www.nytimes.com/1997/10/17/world/bombing-s-fallout-adds-to-
the-gloom-hanging-over-sri-lanka.html
“Pioneers at Hilton Colombo: Kapila Mohotti.” October 30, 2012,
https://www.pressreader.com/sri-lanka/daily-mirror-sri-lanka/20121030/283128541111558
“Suicide bomb in Sri Lanka capital,” BBC News, May 16, 2008,
http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/7404147.stm
Intervention de Conrad N. Hilton au déjeuner annuel de la convention, American Hotel
Association, New York, NY. November 5, 1954. Transcription fournie par le département
Hospitality Industry Archives, Conrad N. Hilton College of Hotel & Restaurant Management,
University of Houston, Texas.