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L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° 94 L’IMMOBILIER TERTIAIRE ET RÉSIDENTIEL, MUTATION NUMÉRIQUE ENGAGÉE LA VACANCE DES LOGEMENTS À L’ÉPREUVE DES CHIFFRES QUELLE INCITATION PRODUCTIVE EN FRANCE ?

L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT …...PIB, contre un plus haut de 87% du PIB en 2012. L’écono - mie de ce pays, qui connaît un excédent extérieur certes beaucoup

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L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIERn°

94

L’IMMOBILIER TERTIAIRE ET RÉSIDENTIEL, MUTATION NUMÉRIQUE ENGAGÉE

LA VACANCE DES LOGEMENTS À L’ÉPREUVE DES CHIFFRES

QUELLE INCITATION PRODUCTIVE EN FRANCE ?

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creditfoncierimmobilier.fr

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Au contact de nos clients - investisseurs, propriétaires privés et institutionnels, promoteurs et utilisateurs -, nous avons appris à envisager les questions qui nous sont posées sous tous les angles. Et nous avons forgé cette conviction que nos métiers impliquent une approche sur-mesure et exigent la plus grande proximité. C’est pourquoi nos 280 collaborateurs ont l'ambition de conduire leurs missions de conseil, d'expertise et de commercialisation, avec le souci de confronter les points de vue pour réussir au plus près des objectifs de chacun.

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ÉDITORIAL

Les temps changent, notre quotidien

se transforme, les hommes et leurs

modes de pensée évoluent.

Au final, tous ces changements seront

davantage perçus comme les révéla-

teurs d’une mutation sociétale pro-

fonde, plutôt que les symptômes d’une crise économique

qui n’en finirait pas.

Peut-être parce que ces mutations sont devenues enfin

visibles, touchant notre vie de simples citoyens autant que

notre activité professionnelle, se dessine une réalité plus

tangible de notre futur immédiat.

– Un contexte économique instable et marqué par l’interdé-

pendance des économies, où un choix électoral fait au-delà

des mers ou des océans vient impacter nos taux de crédit

et ainsi notre capacité à acheter un logement ou à investir.

– Une vision nouvelle des Français sur le logement qui n’est

plus seulement un toit protecteur, mais aussi une oppor-

tunité de revenu immédiat par la location temporaire, ou

encore une réserve de capital, à consommer plus tard ou à

transmettre à sa famille. À la froide lumière des chiffres, le

logement se désacralise et son utilisation ou sa vacance sont

désormais à envisager avec la même objectivité rationnelle

que les autres actifs économiques.

– Dans l’immobilier de bureaux, la recherche de flexibilité

et de modularité conduit à repenser la structuration des

immeubles. Nouveaux usages ou recherche d’une « ergo-

nomie immobilière » qui maximiserait l’utilisation d’espace

au bénéfice des coûts ? La technique au service de la pra-

tique, voilà une dialectique qui devrait soutenir pour des

années la construction de neuf et la rénovation du parc

ancien, après les vagues successives de normes thermiques

et environnementales.

– À l’heure où les exigences de professionnalisation s’ac-

croissent sur les intervenants (notamment en matière de

formation), on aperçoit les prémices d’une dérégulation para-

doxale dans le financement et l’intermédiation immobiliers.

Malgré toute la publicité faite autour d’eux, les signaux sont

encore faibles : le financement participatif et les plates-formes

de vente de biens immobiliers en ligne n’ont encore été que

peu disruptifs pour les métiers. Ce qui ne les empêchera pas

de concevoir comme numériques leurs paradigmes de demain.

Évolution, donc, plutôt que révolution ?Dans l’immédiat, on peut certes s’en féliciter, mais, pour

demain, tous ces sujets nous interpellent : ce nouveau

numéro de l’Observateur de l’Immobilier leur est consacré,

avec l’ambition de partager les travaux, réflexions et opi-

nions de ses auteurs.

Je vous en souhaite une très utile et agréable lecture.

Emmanuel DucasseDirecteur des Études, Crédit Foncier Immobilier

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

SOMMAIREL’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIERREVUE DU CRÉDIT FONCIER

Crédit Foncier Immobilier19, rue des Capucines – Paris 1er

Adresse postale : 4, quai de Bercy94224 Charenton CedexTéléphone : 01 57 44 80 00Télécopie : 01 57 44 86 85

Directeur de la publication : Anne-Marguerite Gascard.

Rédacteur en chef : Emmanuel Ducasse.

Comité de rédaction : Mirella Blanchard, Éric Buffandeau, Denis Burckel, Nicole Chavrier, Bernard Coloos, Bruno Deletré, Emmanuel Ducasse, Christian de Kerangal, Marc Ménagé, Michel Mouillart, Nicolas Pécourt et Bernard Vorms.

Abonnements : Karima Zerguit : 01 57 44 78 61Mail : [email protected]

Changement d’adresse :prière de joindre la dernière étiquette-adresse en nous précisant votre nouvelle adresse.

Prix abonnement au numéro : 30 €Prix abonnement 4 numéros : 100 €

Crédit Foncier de France – S. A. au capital de 1 331 400 718,80 € – 542 029 848 RCS Paris.

Maquette et réalisation :

Impression : Stipa.

Dans le souci du respect de l’environnement, le présent document est réalisé par un imprimeur Imprim’Vert®, avec des encres bio à base d’huile végétale sur un papier certifié PEFC™ fabriqué à partir de fibres issues de forêts gérées durablement.

N° de commission paritaire :2026 AD – ISSN 0767– 6794.

Dépôt légal : juin 2017.

ÉCONOMIE1 Quelle incitation productive

en France ? > P. 8Par Éric Buffandeau, Directeur adjoint Études, Veille et Prospective, pôle Stratégie, BPCE.Il décrit les incitations économiques et fiscales nécessaires à la productivité française.

RÉSIDENTIEL3 À propos des logements

vacants > P. 28Par Michel Mouillart, Professeur d’économie à l’université Paris Ouest, FRICS.Il mène une réflexion sur la réalité de la vacance des logements depuis les années 1940.

RÉGLEMENTATION2 La formation, un levier central

dans la sécurisation de la chaîne de valeur de l’immobilier et de son financement > P. 14

Par Jean-François Metz, Directeur, et Chantal Harito, Responsable communication et marketing, École Nationale du Financement de l’Immobilier (ENFI).Ils analysent au travers d’illustrations concrètes les obligations de formation pour les métiers de l’immobilier.

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5

NDLR : Les opinions exprimées dans les articles de cette revue n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement l’opinion de la rédaction ou du Crédit Foncier.

4 Transmettre un patrimoine immobilier reste-t-il une priorité ? > P. 38

Par Nicolas Pécourt, Directeur de la Communication et RSE du Crédit Foncier.Il pose la question de la place de la transmission du patrimoine immobilier aujourd’hui.

5 La VEFA inversée, un dispositif original au service des bailleurs sociaux > P. 44

Par Matthieu Merlen, Responsable d’activités, Direction Conseil & Audit de Crédit Foncier Immobilier.Il décrypte les tenants et les aboutissants de cet outil et en expose les finalités.

NUMÉRIQUE & IMMOBILIER8 La révolution numérique

et le marché du logement > P. 70

Par Bernard Vorms, Président du Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilières.Il examine l’impact de la révolution numérique sur le marché des transactions immobilières et ses conséquences sur les méthodes de travail ainsi que les acteurs concernés.

6 Gecina, pour un immobilier flexible, responsable et innovant en ville > P. 54

Par Méka Brunel, Administratrice Directrice Générale de Gecina.Elle présente les récentes expérimentations menées par Gecina pour offrir des espaces de travail en lien avec les attentes des utilisateurs actuels et futurs.

TERTIAIRE

7 L’usage serait-il le levier de l’accélération de la rénovation des bureaux ? > P. 60

Par Sébastien Boussuge, Directeur Conseil & Audit, Crédit Foncier Immobilier, et Jeanne Frangié, Vice présidente Gallileo Business Consulting.Ils analysent les pratiques en matière de rénovation de bureaux ainsi que les grandes évolutions sociologiques pouvant impacter ces pratiques.

9 La révolution airbnb > P. 74Par Nicolas Tarnaud, FRICS, Économiste, Professeur, Directeur du MBA Immobilier International à Financia Business School, Chercheur associé au Larefi, Université de Bordeaux.Il étudie le phénomène airbnb dans ses implications immobilières.

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ÉCONOMIEQUELLE INCITATION PRODUCTIVE EN FRANCE ?Par Éric Buffandeau, Directeur adjoint Études, Veille et Prospective, pôle Stratégie, BPCE.

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QUELLE INCITATION PRODUCTIVE EN FRANCE ? Par Éric Buffandeau, Directeur adjoint Études, Veille et Prospective, pôle Stratégie, BPCE.

1

1.1 / INTRODUCTION

L e constat est banalement unanime, donc implicitement

partagé : l’économie française, où qu’elle se situe dans

le cycle conjoncturel mondial, souffre d’un chômage (de

masse) durablement élevé (1), d’un haut niveau de dette

publique, de prélèvements obligatoires excessifs et d’un

déficit structurel de compétitivité – reflété en partie par le

déficit extérieur (2) de 1,3 % du PIB en 2016 –. En réalité, ces

quatre causes génèrent un cercle vicieux, qui nourrit une

dynamique d’interdépendance logique mais néfaste. Celle-ci

produit un environnement profondément peu incitatif, sin-

gulièrement en matière de pression fiscale, pour financer

(1) De 1985 à 2016, selon l’Insee, le taux de chômage a enregistré une moyenne annuelle de 9,11 % de la population active de métropole : il a été compris sur la période entre 7,4 % (en 2008) et plus de 10 %. Il était de 9,7 % en 2016.

(2) Au sens de la balance courante, qui traduit, selon le signe, un déficit (–) ou un excédent (+) global d’épargne de l’ensemble des agents économiques (ménages, entreprises, État) du pays considéré.

une dérive considérable des dépenses publiques désormais

à 56,2 % du PIB (3). En conséquence, la dette publique a

atteint 96 % du PIB en 2016, contre seulement 20 % en 1980.

En Allemagne, par une comparaison qui peut paraître sim-

pliste, elle tend plutôt à diminuer, revenant vers 68 % du

PIB, contre un plus haut de 87 % du PIB en 2012. L’écono-

mie de ce pays, qui connaît un excédent extérieur certes

beaucoup trop important (4) (8,6 % du PIB en 2016, c’est-à-

dire bien au-delà du plafond de 6 % de la procédure de désé-

quilibre macroéconomique de l’Union européenne), est au

quasi plein emploi, tout en ayant un excédent budgétaire de

0,8 % du PIB en 2016, un record depuis la réunification.

(3) Selon l’Insee (Informations rapides numéro 82 du 24 mars 2017), le poids des dépenses publiques a baissé de 0,5 point de PIB en 2016, passant ainsi de 56,7 % à 56,2 %. En 2016, le déficit public a été de 3,4 % du PIB. Le taux de prélèvement obligatoire a diminué de 0,1 point de PIB, pour s’établir à 44,3 % du PIB.

(4) Une telle performance ne doit jamais être considérée comme un objectif absolu de politique économique, surtout pour un grand pays, au risque de créer potentiellement les conditions dangereuses de déséquilibres économiques mondiaux et de guerre des changes ou de processus protectionnistes de rétorsion.

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DEPUIS 40 ANS, LES RECETTES HABITUELLES

DE RELANCE BUDGÉTAIRE (6) OU MONÉTAIRE S’ÉPUISENT SOUVENT DANS LES MÉANDRES ÉLECTORALISTES ET CONSTRUCTIVISTES DE LA MANIPULATION RÉCURRENTE DU COURT TERME.

(6) Le maintien durable d’un déficit public important (par exemple au-dessus de 3 % du PIB, norme par essence déjà contestable, du fait de l’abaissement continu de la croissance potentielle) peut aussi implicitement être considéré comme une politique non affichée de relance budgétaire, même si ce déficit peut s’expliquer en partie mécaniquement par la détérioration temporaire de la conjoncture, voire, dans le meilleur des cas, par la mise en œuvre de véritables réformes structurelles.

économie

1.2 / UN EFFET BOULE DE NEIGE DE LA DETTE TEMPORAIREMENT OUBLIÉ

P oint d’attention, la normalisation des taux d’intérêt

semble se dessiner lentement en Europe. Les rende-

ments obligataires se situent pourtant toujours dans une

zone nominale d’aberration économique, par nature transi-

toire : ils étaient récemment proches de zéro ou négatifs

pour les valeurs refuges et les maturités inférieures à 5-7 ans

en France. Cette correction se déroule depuis sep-

tembre 2016 par contagion encore modeste avec la hausse

observée aux États-Unis, du fait de l’éloignement du spectre

déflationniste, de la remontée des prix du pétrole, du dur-

cissement monétaire graduel de la Fed et du programme

protectionniste plutôt inflationniste de relance keynésienne

annoncé par Donald Trump. Si cette remontée des taux

s’accentue, en dépit de la pression à la baisse exercée tem-

porairement par la politique monétaire quantitative extrê-

mement accommodante de la BCE, elle risque progressive-

ment de créer les conditions dangereuses d’un effet de boule

de neige sur la charge de la dette française, mécanisme

aujourd’hui volontairement oublié.

1.3 / FISCALITÉ EXCESSIVE ET VISION STRUCTURELLE DE COURT TERME

Selon Coe-Rexecode (5), le poids de la fiscalité du capital a

augmenté de 7,3 % du PIB en 1995 à 10 % en 2014 (5,9 %

en Allemagne), portant la France au rang des grands pays

européens les plus imposés. La spécificité française est

d’ajouter à l’impôt sur le revenu un deuxième impôt pro-

gressif, calculé sur le patrimoine, l’ISF. De plus, l’instabilité

(5) Michel Didier et Jean-François Ouvrard, L’impôt sur le capital au XXIe siècle : une coûteuse singularité française, Economica / Coe-Rexecode, Paris 2016.

chronique des règles fiscales perturbe les décisions

d’épargne et d’investissement. Elle décourage ainsi les pro-

jets de long terme. Surtout, l’excès de progressivité du

barème de l’impôt sur le capital freine naturellement l’accu-

mulation du capital, ce qui réduit inévitablement la crois-

sance potentielle. La solution n’est certainement pas de sti-

muler artificiellement la demande, action qui induit

systématiquement un déficit public et une dégradation du

commerce extérieur (hors énergie) : l’inadéquation entre

l’offre et la demande (solvable) entraîne une hausse des

importations du fait de l’insuffisance de l’appareil productif.

Depuis 40 ans, les recettes habituelles de relance budgé-

taire (6) ou monétaire s’épuisent souvent dans les méandres

électoralistes et constructivistes de la manipulation récur-

rente du court terme. En effet, toute politique de stabilisa-

tion de la conjoncture n’a théoriquement de fondements

économiques qu’en cas de défaillance avérée du marché,

d’apparition dramatique d’effets externes (les externalités

négatives) ou, plus spécifiquement, de risques graves d’irré-

versibilité.

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

1.4 / JUSTIFIER TOUT PLAN DE RELANCE

Ces phénomènes d’irréversibilité s’enracinent dans la

destruction probable ou définitive d’entreprises

viables, de moyens efficaces de production ou de compé-

tences rares, dont la reconstruction serait par essence

longue, coûteuse ou difficile. D’ailleurs, seule la lutte contre

l’émergence d’une déflation ou contre l’implosion d’un sys-

tème bancaire en déshérence peut ponctuellement justifier

ce type d’intervention : il s’agit alors d’apporter en urgence

la liquidité nécessaire ou de compenser momentanément

l’effondrement de la demande privée par le déficit budgé-

taire, en privilégiant l’investissement public le plus effi-

cace (7), afin de raffermir le bien-être et ultérieurement la

croissance tendancielle. Cependant, toute action temporaire

de soutien, plutôt par des mesures adaptées et ciblées sur

les risques extrêmes, doit respecter une condition majeure :

l’interdiction de résoudre indûment les problèmes de solva-

bilité privée ou publique, afin de protéger à long terme l’éco-

nomie contre une perte éventuelle et graduelle de confiance

dans la monnaie, situation éminemment dangereuse.

1.5 / RECHERCHER DES AVANTAGES COMPARATIFS

L’alibi de l’harmonisation nécessaire (la standardisa-

tion ?) des politiques économiques et des conditions de

concurrence en termes de coûts salariaux est une manière

d’ignorer le principe intangible de Ricardo sur les avantages

comparatifs du commerce international. Ce dernier stipule

que seule la différenciation relative alimente l’échange com-

mercial et, plus généralement, la richesse des relations entre

les hommes. La clé est donc fondamentalement interne : elle

s’incarne dans une montée en gamme des activités produc-

(7) Cet investissement public concerne aussi le capital humain comme l’éducation ainsi que la stimulation des capacités de recherche et d’innovation…

tives et la création d’une offre différenciée. Conséquence de

cet environnement profondément peu incitatif, la croissance

potentielle, désormais à moins de 1 % l’an contre 2 % l’an

dans les années 1990, tend continuellement à se réduire, au-

delà de la question de l’intégration plus ou moins réussie du

progrès technique. La diffusion des innovations, lente et

destructrice en début de processus, serait insuffisante pour

compenser l’effet négatif du vieillissement et du désendette-

ment à venir, malgré la révolution numérique.

1.6 / LES MAUX DU CORPORATISME ET DE L’ÉTATISME

U ne explication complémentaire du cercle économique

vicieux déjà décrit peut être trouvée dans La société de

défiance, de Yann Algan et Pierre Cahuc (Cepremap, 2016).

Selon eux, le modèle social français s’autodétruit, en entra-

vant l’accès au plein emploi et à une croissance forte. La

défiance et l’incivisme sont plus prononcés que dans la plu-

part des pays riches, phénomènes persistant depuis plu-

sieurs décennies. Tout cela viendrait de l’instauration d’un

modèle social combinant corporatisme et étatisme. Celui-ci

saperait la confiance en instaurant des inégalités statutaires.

Il conduirait à l’effritement de la solidarité et de la confiance

mutuelle. En effet, le corporatisme, qu’ils définissent comme

QUELLE INCITATION PRODUCTIVE EN FRANCE ?

L’INCITATION PRODUCTIVE DOIT REPOSER SUR UNE

TAXATION RAISONNABLE DES FRUITS LÉGITIMES DU TRAVAIL DES ENTREPRENEURS COMME DES SALARIÉS.

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économie

l’octroi de droits sociaux associés au statut et à la profession,

institutionnaliserait la segmentation des relations sociales,

d’où la recherche de rentes et l’émergence répétée de suspi-

cions partagées. L’étatisme consisterait à réglementer l’en-

semble des domaines économiques et sociaux dans les

moindres détails. Il viderait le dialogue social de son

contenu, au détriment de la concurrence et en faveur de

formes de corruption. Plus précisément, le mécanisme serait

le suivant. Le déficit de confiance nécessite l’intervention de

l’État. Celui-ci opacifie les relations entre les citoyens en

réglementant à l’excès (8) et en légiférant de manière hiérar-

chique : il entrave ainsi le dialogue social et détruit la

confiance mutuelle en court-circuitant la société civile.

1.7 / RETROUVER UNE MÉCANIQUE NATURELLE D’INCITATION

L a confiance, tout comme la création de richesse, ne

tombe pas du ciel. Elle ne se décrète pas non plus : elle

s’organise par la mise en œuvre de conditions favorisant une

stimulation saine de la productivité. Celle-ci n’a jamais été

l’ennemi de l’emploi à long terme, bien au contraire. Cela

passe par l’élaboration d’un contexte social, réglementaire et

fiscal attrayant, qui ne nuise pas au rendement final du capi-

tal pour encourager l’effort d’épargne et d’investissement.

N’oublions pas que la théorie micro-économique et l’obser-

vation des comportements humains nous enseignent que

toute décision d’individus rationnels se prend à la marge, au

mieux de leurs intérêts, de leurs connaissances et de leurs

expériences personnelles, tout en tenant compte des

contraintes perçues. De plus, ces innombrables décisions se

(8) Le code du travail Dalloz, dont le volume de pages (3 809 pages en mars 2016, sans compter les conventions collectives) augmente chaque année, en est une bonne illustration.

projettent dans un processus dynamique, sans cesse renou-

velé et changeant, donc impossible à appréhender par un

planificateur, comme par exemple l’État (9). Enfin, n’existe-t-

il pas un paradoxe singulier à juger et à traiter différemment

le paiement des heures supplémentaires et l’impôt progres-

sif  ? Le premier principe reconnaît que l’effort a un coût

marginal croissant pour un salarié, supposant une compen-

sation sous la forme d’un salaire plus élevé. À l’inverse,

l’impôt progressif induit un revenu net par heure de travail

d’autant plus faible qu’on travaille plus. L’incitation produc-

tive doit reposer sur une taxation raisonnable des fruits légi-

times du travail des entrepreneurs comme des salariés.

Cette stratégie est au cœur du processus de croissance.

(9) Jean Tirole, prix Nobel d’économie en 2014, troisième Français après Gérard Debreu en 1983 et Maurice Allais en 1988, décrit notamment une nouvelle conception de l’État, dans son livre pédagogique : Économie du bien commun, PUF, 2016. Dans sa forme moderne, l’État doit être plus « arbitre et régulateur » que « planificateur et producteur », afin d’être davantage et nécessairement en complémentarité avec le secteur privé, tout en étant proactif dans son fonctionnement. L’État devrait ainsi « dépenser moins mais mieux » en étant plus fermement « au service du citoyen ». Jean Tirole a d’ailleurs la conviction que « les réformes d’ampleur sont possibles, voire électoralement payantes » : il appelle aussi au changement des mentalités des fonctionnaires, pour sauver le système social français.

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RÉGLEMENTATIONLA FORMATION, UN LEVIER CENTRAL DANS LA SÉCURISATION DE LA CHAÎNE DE VALEUR DE L’IMMOBILIER ET DE SON FINANCEMENT Par Jean-François Metz, Directeur, et Chantal Harito, Responsable communication et marketing, École Nationale du Financement de l’Immobilier (ENFI).

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

LA FORMATION, UN LEVIER CENTRAL DANS LA SÉCURISATION DE LA CHAÎNE DE VALEUR DE L’IMMOBILIER ET DE SON FINANCEMENT Par Jean-François Metz, Directeur, et Chantal Harito, Responsable communication et marketing, École Nationale du Financement de l’Immobilier (ENFI).

2

2.1 / INTRODUCTION

La crise des subprimes des années 2007-2008 a engen-

dré une crise bancaire et financière avec pour corollaire

une perte de confiance des consommateurs, ainsi que des

impacts sensibles sur l’emploi du secteur immobilier (– 5,5 %

de l’emploi salarié entre 2008-2009).

Afin de redonner un nouvel élan au marché, des mesures

structurantes ont été prises tant au niveau international,

européen que national. Le sujet de la protection du consom-

mateur a été traité pour bonne part par la mise en place de

dispositifs réglementaires encadrant les activités immobi-

lières et du financement de l’acquisition, assortis quasi sys-

tématiquement de nouvelles obligations de formation pour

les professionnels de l’immobilier et de son financement.

Ainsi, les professions clés du parcours de l’acquisition

immobilière ont été conduites à intégrer ces nouvelles exi-

gences réglementaires de formation à des cursus qu’elles

avaient mis en place à des degrés divers, selon la maturité

du métier.

Afin de traiter du rôle central de la formation dans ce pro-

cessus vertueux, nous aborderons successivement un certain

nombre d’illustrations concrètes d’actions mises en œuvre,

de témoignages de dirigeants de référence du secteur, avant

d’identifier les nouvelles perspectives que revêtent de notre

point de vue les évolutions stratégiques de la formation.

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Figure 1. Le poids de l’immobilier dans l’économie française(Sources : Observatoire de la production de crédits immobiliers, Insee et IEIF.)

réglementation

22,2 %

Part du logement dans le patrimoine national, soit

8 339,2 Md€ (Source : IEIF – 2014.)

157 Md€ Montant des crédits accordés en 2016.

(Source : OPCI.)

58 %6 ménages sur 10

sont propriétaires de leur résidence principale. (Source : Insee – 2016.)

378 300 logements neufs construits.

848 000 transactions dans l’ancien.2016

22,2 %

Part du logement dans le patrimoine national, soit

8 339,2 Md€ (Source : IEIF – 2014.)

157 Md€ Montant des crédits accordés en 2016.

(Source : OPCI.)

58 %6 ménages sur 10

sont propriétaires de leur résidence principale. (Source : Insee – 2016.)

378 300 logements neufs construits.

848 000 transactions dans l’ancien.2016

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À l’aune de ce témoignage, nous pouvons souligner que la perception de la formation est non seulement une évidence, nullement une contrainte, mais qu’elle constitue également une forme d’état d’esprit, une intégration naturelle de l’acte de formation dans la relation manifeste qui relie la compétence à la protection du consommateur.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

LA FORMATION, UN LEVIER CENTRAL DANS LA SÉCURISATION DE LA CHAÎNE DE VALEUR DE L’IMMOBILIER ET DE SON FINANCEMENT

PLACER LA FORMATION AU CENTRE DE SES PRÉOCCUPATIONS : L’EXEMPLE DE LA RICS POUR L’EXPERT IMMOBILIERMarc Ménagé, MRICS, Country Manager, RICS France

Pouvez-vous nous présenter rapi-dement la RICS pour ceux qui ne la connaissent pas ?Créée au XIXe siècle en Angleterre, la RICS est une organisation profession-nelle indépendante autorégulée. Elle réunit l’ensemble des professionnels de la filière en immobilier et construction (banquiers, promoteurs, géomètres, éco-nomistes, conseils, investisseurs, asset managers, urbanistes, évaluateurs…) et dont l’objet est d’agir dans l’intérêt du public à travers l’utilisation de stan-dards, de bonnes pratiques et le respect d’un code d’éthique et de déontologie.

La formation tient un rôle central et le titre de « Chartered Surveyor » reste une qualification recherchée, véritable garantie du niveau d’expertise du pro-fessionnel. Elle est reconnue dans plus de 140 pays, que ce soit par les mar-chés ou les gouvernements.

Aujourd’hui, nous comptons plus de 118 000 professionnels de par le monde accrédités FRICS (Fellow of RICS) ou MRICS (Member of RICS). Les experts représentent près de 13 % des 1 500 membres en France.

Quelle place tient la formation dans l’esprit de la RICS, notamment pour un expert ?Pour la RICS, l’expert immobilier a suivi un cursus particulier. C’est un profes-sionnel qui a obtenu la certification de

Chartered Surveyor en évaluation et réussi un examen après une période de formation associant la maîtrise de connaissances théoriques et de com-pétences acquises dans le cadre d’une pratique du métier. La validation de son accréditation est liée à l’évaluation de ses compétences par un jury de profes-sionnels. Tout au long de sa carrière, il sera soumis à un contrôle continu annuel (Value Registration) associant des obligations de formation continue et le respect d’un code d’éthique et de déontologie. Pour la RICS, un Chartered Surveyor doit se former chaque année, participer à la rédaction d’études ou à l’animation d’enseignements.

Cette exigence de formation a-t-elle eu un impact sur la reconnais-sance du métier d’expert ?Nos exigences en matière de forma-tion et de pratiques nous ont permis de faire émerger une distinction entre un professionnel délivrant un avis de valeur et celui réalisant une expertise immobilière, l’absence de cadre régle-mentaire ayant longtemps entretenu la confusion.En effet, le métier d’expert n’est pas soumis à l’obtention d’une carte ou d’une garantie particulière. Le terme « d’évaluation » doit être réservé au professionnel ayant suivi une forma-tion, avec une expérience pratique et couvert par une assurance profession-nelle spécifique aux types d’actifs et

au montant de l’expertise réalisée. Il se doit également de suivre un code déontologique garantissant le consom-mateur de la bonne pratique du métier et levant d’éventuels soupçons de conflit d’intérêts. Si ces critères ne sont pas réunis, l’expression « avis de valeur » est plus appropriée. Pour un agent immobilier, il s’agit d’une activité accessoire à ses missions centrales comme la transaction ou la location.

Que pensez-vous des dernières obligations de formation réglemen-taire pour les experts immobiliers établies par la charte de l’exper-tise ?Nous avons accueilli avec la plus grande satisfaction cette obligation de forma-tion de 20 heures annuelles, qui s’ins-pire de ce que nous mettons en œuvre pour nos membres et pas seulement pour les experts mais pour tous les Chartered Surveyors. Nos formations sont partie intégrante de ces heures de validation de formation continue, l’objectif étant d’éviter l’empilement des exigences et d’aller vers une har-monisation entre l’existant dont le fonc-tionnement est avéré et les nouvelles réglementations françaises.

Ce qui anime depuis toujours la RICS est de garantir la qualification profes-sionnelle de ses membres en veillant à faire évoluer les métiers et mieux protéger le consommateur.

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réglementation

2.2 / LA FORMATION PROFESSIONNELLE POUR LE SECTEUR IMMOBILIER EST DÉSORMAIS RÉGLEMENTÉE

L a loi Hoguet du 2 janvier 1970, complétée par le décret

du 20 juillet 1972, posait les règles nécessaires à la pro-

fessionnalisation du secteur. Des conditions d’accès ont été

définies en termes de diplômes ou d’expérience, mais égale-

ment des obligations de formation continue, renforcées par

la loi Alur.

LES PROFESSIONNELS DE L’IMMOBILIER SE FORMAIENT DÉJÀ AVANT LA RÉFORMEJean-François Buet, Président de la FNAIM, souligne ainsi

que « La profession a développé depuis une dizaine d’années son

code d’éthique et de déontologie en s’appuyant notamment sur

le développement de la formation continue, de l’éthique, de la

médiation… autant de points qui se sont retrouvés au coeur de la

loi Alur. » Une entreprise comme Crédit Foncier Immobilier,

par exemple, inclut depuis plusieurs années dans le contrat

de travail des salariés concernés une clause spécifique sur la

déontologie, clause inspirée des pratiques de la RICS.

Enfin, avant même l’entrée en vigueur de la loi Alur – appli-

cable au 1er avril 2016 – et de ses obligations de formation, la

branche professionnelle de l’immobilier s’était préoccupée de

la formation de ses salariés. Ainsi, en 2015, l’AGEFOS PME

comptait 28 060 entreprises représentant 129 000 salariés dont

23 000 formés dans l’année, soit près de 18 %. Un salarié sur

trois est ainsi formé dans les TPE du secteur contre un sur

dix tous secteurs confondus.

LA LOI ALUR : DE NOUVELLES OBLIGATIONS DE FORMATION CONTINUELa loi Alur du 24 mars 2014 est venue modifier des dispo-

sitions de la loi Hoguet en changeant notamment les condi-

tions d’exercice des professionnels et en intégrant une nou-

velle obligation de formation continue.

Le décret 2016-173 du 18 février 2016 précise les contours de

ces obligations de formation.

Tous les professionnels de l’immobilier, qu’ils exercent

avec un statut de salarié, d’agent commercial ou d’autoen-

trepreneur sont soumis à une obligation – applicable au 1er

avril 2016 – de formation continue de 14 heures par an ou

42 heures au cours des trois dernières années. L’objectif est

d’assurer la mise à jour et le perfectionnement des connais-

sances et des compétences nécessaires à l’exercice de sa

profession.

DES THÈMES DE FORMATION VISANT LA MISE À JOUR DES CONNAISSANCES DES PROFESSIONNELSLe décret prévoit que les différentes activités validées au

titre de l’obligation de formation continue soient : les actions

d’adaptation et de développement des compétences des

salariés, les actions d’acquisition, d’entretien ou de per-

fectionnement des connaissances, les actions de formation

continue relatives au développement durable et à la transi-

tion énergétique.

Les programmes doivent avoir trait à des thèmes d’ordre

juridique, économique, commercial, à la déontologie ainsi

qu’aux domaines techniques relatifs à la construction, l’habi-

tation, l’urbanisme, la transition énergétique. Au cours de

trois années consécutives d’exercice, la formation continue

LES PROGRAMMES DOIVENT AVOIR TRAIT À DES THÈMES D’ORDRE

JURIDIQUE, ÉCONOMIQUE, COMMERCIAL, À LA DÉONTOLOGIE AINSI QU’AUX DOMAINES TECHNIQUES RELATIFS À LA CONSTRUCTION, L’HABITATION, L’URBANISME, LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE.

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

doit inclure au moins deux heures sur la déontologie.

Pour assurer le décompte de ces heures sont prises en

compte les heures suivies auprès d’un organisme de forma-

tion agréé, la présence à des colloques (limitée à deux heures

par an) et l’enseignement dans la limite de trois heures par

an. Lorsque les professionnels en détiennent une, leur carte

professionnelle ne peut être renouvelée s’ils ne justifient pas

avoir rempli cette obligation.

2.3 / L’ENCADREMENT DE LA DISTRIBUTION DU CRÉDIT IMMOBILIER : LES IMPACTS SUR LA FORMATION

DISTRIBUTION DU CRÉDIT IMMOBILIER ET AVALANCHE DE DISPOSITIFS RÉGLEMENTAIRESÀ la suite de la crise bancaire et financière de 2007-2008,

les pouvoirs publics internationaux et nationaux ont prêté

une attention vigilante au secteur bancaire et financier afin

d’atténuer la perte de confiance du consommateur, stabiliser

les marchés et permettre ainsi de mieux financer l’économie

réelle. Citons notamment la loi de régulation bancaire du

22 octobre 2010 qui avait pour objectif d’améliorer la sécurité

du système financier en renforçant la régulation du secteur

financier et des marchés. Dans ce contexte, les IOBSP (1) ont

fait également l’objet d’une régulation de leur profession, for-

malisée notamment par un décret du 12 janvier 2012 : règles de

bonne conduite, compétence professionnelle, condition d’accès

soumis à l’inscription sur un registre (ORIAS) et mise en place

d’un code de déontologie et de contrôle (ACPR).

Par la suite, et sous l’impulsion du droit européen, la Direc-

tive Crédit Immobilier ou Mortgage Crédit Directive (MCD)

née, en avril 2014, a porté son attention sur la distribution du

crédit immobilier pour les particuliers à l’échelle des États

membres, et ce quelle que soit la nature du financement du

(1) Intermédiaires en Opération de Banque et services de Paiement.

bien acheté (accession, investissement locatif, etc.).

En plus de devoir trouver sa place dans un contexte régle-

mentaire complexe (Bâle qui fixe des exigences de fonds

propres relatives au crédit immobilier, la réglementation

française sur les IOB, la loi Alur, la loi Pinel, directive sur les

assurances à venir, etc.), cette directive MCD a dû composer

avec des modèles de distribution du crédit immobilier très

hétérogènes à travers l’Europe.

En effet, le modèle anglo-saxon privilégie en termes de

conditions d’octroi la valorisation du bien, sur le plan du

financement, le taux variable et sur le plan de la garantie,

l’hypothèque. En France, une distribution liée à l’endette-

ment et à la capacité de remboursement de l’emprunteur

est le modèle dominant, avec un crédit immobilier majo-

ritairement à taux fixe et des garanties par des personnes

morales, comme la SACCEF (Société d’Assurance des Cré-

dits des Caisses d’Épargne de France) ou Crédit Logement,

par exemple.

Cette Directive Crédit immobilier a pour vocation de créer

un espace commun dans la distribution du crédit immobilier

au particulier dans tous les États membres de l’Union euro-

péenne. Pour ce faire, elle a défini un cadre commun à la

distribution du crédit à travers les axes prioritaires suivants.

◗ L’obligation d’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur.

◗ Des règles de conduite définies envers les prêteurs et

les intermédiaires de crédit, surtout dans la phase précon-

tractuelle.

LA FORMATION CONTINUE OBLIGATOIRE APPLICABLE DEPUIS

MARS 2017 EST DE SEPT HEURES DE FORMATION PAR AN POUR TOUTES LES POPULATIONS CONCERNÉES.

LA FORMATION, UN LEVIER CENTRAL DANS LA SÉCURISATION DE LA CHAÎNE DE VALEUR DE L’IMMOBILIER ET DE SON FINANCEMENT

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◗ Des exigences sur les connaissances et compétences du

personnel bancaire distribuant le crédit et des intermé-

diaires de crédit.

◗ La création d’un passeport européen pour les intermé-

diaires de crédit qui souhaitent exercer leurs activités dans

un pays de l’Union européenne.

Dans les mesures phares de la Directive, on retrouve

notamment de nouvelles exigences en matière de forma-

tion. En effet, depuis janvier 2017, le législateur a mis en

place une obligation de compétence pour les personnels

bancaires chargés de « proposer, conseiller, élaborer et

octroyer » le crédit immobilier, et n’ayant pas la formation

académique ou l’expérience professionnelle adéquate. Dans

ce cadre de compétence, 40 heures de formation initiale

sont depuis le 1er janvier 2017 exigibles. Certains diplômes

listés par le législateur dispensent cependant leurs déten-

teurs d’être dispensés des exigences de formation initiale.

Enfin, à partir de mars 2019, le personnel ayant déjà un

minimum d’expérience dans d’autres filières telles que

le front de vente ou la production bancaire pourra satis-

faire une formation complémentaire. Mais dans tous les

cas, dans un souci de mise à niveau régulière, la formation

continue obligatoire applicable depuis mars 2017 est de

sept heures de formation par an pour toutes les popula-

tions concernées.

LA CRÉATION D’UN STATUT D’IOBSP CRÉDIT IMMOBILIER AVEC DES OBLIGATIONS DE FORMATION SPÉCIFIQUESi le Code de la consommation encadre le statut de l’inter-

médiaire en crédit immobilier, c’est le Code monétaire et

financier qui encadre celui de l’IOBSP.

La mise en place des nouvelles obligations de formation a

fait la distinction entre les deux statuts et l’intermédiaire

en crédit immobilier, a vu par conséquent relever son

obligation de formation initiale à 40 heures au lieu d’une

« formation suffisante » pour l’IOBSP niveau III. Rappe-

lons que dans ces catégories figurent potentiellement de

nombreux métiers amenés à présenter le crédit immobi-

lier : promoteurs, constructeurs en maisons individuelles,

agents immobiliers, gestionnaires de patrimoine, notam-

ment. Cette distinction se fait de par la nature des textes

qui encadrent chacun des statuts. (Source : banque et droit

2017 – Hugues de Bouchetemble).

réglementation

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Figure 2 : Pour le courtier en crédits immobiliers : une liste de diplômes élargie(Sources : Orias.)

Figure 3 : Pour l’IOBSP mandataire exclusif en crédit immobilier : peu de changement(Sources : Orias.)

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

LA FORMATION, UN LEVIER CENTRAL DANS LA SÉCURISATION DE LA CHAÎNE DE VALEUR DE L’IMMOBILIER ET DE SON FINANCEMENT

AVANT MCD APRÈS MCDIOBSP niveau I – Crédit immobilier

Formation initiale150 heures

ExpérienceCadre : 2 ans dans les 3 ans

Salarié non-cadre : 4 ans dans les 5 ans*

DiplômesLicence RNCP, NSF 313

(banque, finance, assurances, immobilier)

Formation initiale150 heures

ExpérienceCadre : 2 ans dans les 3 ansSalarié non-cadre : 4 ans dans les 5 ans*OUExpérience au sein de l’UE/EEE + stage de 3 mois + formation de 28 heures

DiplômesAjout des NSF :– 122 (économie)– 128 (droit, sciences politiques)– 313 (finance, banque, assurances, immobilier)– 314 (comptabilité, gestion)• Éligibilité des diplômes étrangers reconnus comme

comparables par l’État• Ajout des diplômes d’école de commerce reconnus

de niveau master par le ministère de l’Enseignement supérieur

Formation continue7 heures/an

* À compter de la date d’inscription sur le registre.Infographie : source ENFI – 2016.

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AVANT MCD APRÈS MCDIOBSP niveau II – Crédit immobilier

Formation initiale80 heures

ExpérienceCadre : 1 an dans les 3 ans

Salarié non-cadre : 2 ans dans les 5 ans*

DiplômesDiplômes inscrits au RNCP classification 313,

niveaux I, I/II ou II ou III

Formation initiale80 heures

ExpérienceCadre : 1 an dans les 3 ansSalarié non-cadre : 2 ans dans les 5 ans* OUExpérience au sein de l’UE/EEE + stage de 3 mois + formation de 28 heures

DiplômesAjout des NSF :– 122 (économie) ;– 128 (droit, sciences politiques) ;– 313 (finance, banque, assurances, immobilier) ;– 314 (comptabilité, gestion)• Éligibilité des diplômes étrangers reconnus comme

comparables par l’État• Ajout des diplômes d’école de commerce reconnus

de niveau master par le ministère de l’Enseignement supérieur

Formation continue7 heures/an

* À compter de la date d’inscription sur le registre.Infographie : source ENFI – 2016.

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ÉVOLUTION DE L'EXIGENCE DE CAPACITÉ PROFESSIONNELLE APRÈS LA DIRECTIVE CRÉDIT IMMOBILIER

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Figure 4 : Création d’une exigence de capacité professionnelle pour le salarié prêteur(Sources : Orias.)

Figure 5 : Une nouvelle catégorie d’IOBSP crédit immobilier en niveau III : renforcement des exigences de capacité professionnelle (Sources : Orias.)

réglementation

AVANT MCD APRÈS MCDLe prêteur

Formation initialePas de formation exigée par les textes

ExpériencePas d’expérience exigée par les textes

DiplômesPas de diplôme exigé par les textes

Formation initiale40 heures

OUExpérience1 an dans les 3 ans ou 3 ans dans les 10 ans

OUDiplômes1- Les diplômes bancaires relevant de l’accord bancaire du 10 juin 2011 (inscrits ou non au RNCP) à l’exclusion du BP Banque

2- Les diplômes généralistes de niveau III (a minima) et uniquement inscrits au RNCP, relevant des NSF 122 (économie), 128 (droit, sciences politiques), 313 (finances, banque, assurances, immobilier) ou 314 (comptabilité, gestion)

3- Les diplômes master d’école de commerce reconnus par le ministère de l’Enseignement supérieur

S’ajoutent par exception des diplômes étrangers reconnus comme comparables par l’Etat.

Formation continue7 heures/an

AVANT MCD APRÈS MCDIOBSP niveau III – Crédit immobilier

Formation initialePas de formation exigée par les textes

Expérience6 mois dans les 2 ans

DiplômesPas de diplôme exigé par les textes

Formation initiale40 heures

OUExpérience1 an dans les 3 ans ou 3 ans dans les 10 ans

OUDiplômesAjout des NSF :– 122 (économie)

– 128 (droit, sciences politiques)

– 313 (finance, banque, assurances, immobilier)

– 314 (comptabilité, gestion)

• Éligibilité des diplômes étrangers reconnus comme comparables par l’État

• Ajout des diplômes d’école de commerce reconnus de niveau master par le ministère de l’Enseignement supérieur

Formation continue7 heures/an

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La nouvelle réglementation DCI fait émerger un espace commun d’exigences de formation, l’acte du financement immobilier ne pouvant plus de fait être assimilé à une action complémentaire ou secondaire mais bien centrale, quel que soit le positionnement du métier dans la chaîne de valeur du crédit.

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

Ainsi, à l’échelle du territoire européen, nous pouvons démontrer qu’une exigence renforcée de la réglementation com-porte comme corollaire une augmentation mécanique de l’influence du professionnel sur son marché.

LA PROFESSIONNALISATION, UN COROLLAIRE INDISPENSABLE AU DÉVELOPPEMENT DES PARTS DE MARCHÉPhilippe Taboret, Président de l’Association Professionnelle des Intermédiaires en Crédits (Apic).

Quelle est la place des courtiers, aujourd’hui, sur le marché du crédit immobilier ?En Europe, la production de cré-dit immobilier intermédiée par les courtiers se situe entre 40 et 60 % (elle est de 90 % aux États-Unis). En France, notre part de marché a doublé en dix ans et se situe à près de 35 %, à présent, ce qui peut laisser augurer un fort potentiel de développement de notre secteur d’activité.

Comment avez-vous appréhendé la réglementation développée pour encadrer le métier de courtier ?Toutes les études ont montré que le niveau de la réglementation favori-sait le développement du métier de courtier. Pour la Grande-Bretagne, qui a depuis longtemps encadré la profession, la part de marché était de

60 % en 2010 pour 23 % en France. Depuis la mise en place de la régle-mentation, notre part de marché est à 35 % et plus de 40 % dans certaines grandes villes ; nous visons 50 % très rapidement.

Quelle place occupe la formation pour l’Apic ?Pour l’Apic, l’objectif est de participer à l’intégration de nos métiers dans une branche professionnelle à part entière. Cette ambition nécessite la mise en place d’une charte compor-tant plusieurs objectifs : accompagner nos membres dans la mise en œuvre de pratiques vertueuses en confor-mité avec les attentes de la régle-mentation – pour cela, nous avons mis en place « le Guide des pratiques professionnelles » et le service « Ma conformité » en partenariat avec le

cabinet Astrée ; et les accompagner également dans la sélection d’orga-nismes de formation répondant à des critères qualitatifs. Autant d’éléments qui nous permettront de nous renfor-cer et de nous constituer peu à peu en branche professionnelle. Dès lors, nous serons un interlocuteur à part entière dans les consultations avec les pouvoirs publics et nous pourrons faciliter le refinancement de nos for-mations. Nous sommes aujourd’hui à même de prendre toute notre place.Si la formation pouvait être jusqu’alors considérée comme une action impo-sée, subie, voire contrainte par la réglementation – dans le meilleur des cas comme un investissement avec un ROI hypothétique, l’expé-rience d’autres pays européens révèle l’efficacité du lien vertueux exigence réglementaire/formation/business.

2.4 / LE TRYPTIQUE RÉGLEMENTATION/FORMATION/GPEC : AU SERVICE DE LA PROFESSIONNALISATION ET D’UNE POLITIQUE DE FORMATION TRANSFORMÉE

UNE PROFESSIONNALISATION NÉCESSAIRE POUR ANTICIPER L’APPARITION DE NOUVEAUX MÉTIERSAu-delà de la montée en puissance des formations régle-

mentaires, le développement des compétences est un enjeu

majeur pour faire face à une potentielle « ubérisation ». Les

professionnels ont un rôle d’expert à renforcer, afin de rap-

peler au consommateur qu’ils lui apportent la sécurité, un

service et un conseil de qualité et une relation humaine de

confiance… et mieux préparer les mutations profondes des

métiers avec l’explosion des modalités digitales. À cet égard,

une étude CEFI/AGEFOS PME de 2013 anticipait déjà

l’arrivée de nouveaux métiers d’ici 2020 dans la branche

de l’immobilier : conseiller relation client pour accompagner

les investisseurs dans l’optimisation de leurs actifs, anima-

teur de syndic en ligne, spécialiste du domaine énergétique

et environnemental, spécialiste du marketing relationnel et

LA FORMATION, UN LEVIER CENTRAL DANS LA SÉCURISATION DE LA CHAÎNE DE VALEUR DE L’IMMOBILIER ET DE SON FINANCEMENT

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LES PROFESSIONS INTERVENANT DANS LA CHAÎNE DE VALEUR

IMMOBILIÈRE SONT AUJOURD’HUI PLUS ENCADRÉES, RÉGLEMENTÉES ET CONTRÔLÉES.

des nouveaux outils, juriste spécialisé en charge du suivi

des évolutions réglementaires et spécialiste des contentieux

immobiliers… Pour ne citer que quelques exemples.

UNE TRANSFORMATION DES PLANS DE FORMATIONEn termes de politique de formation, ce nouvel envi-

ronnement comportant de forts enjeux réglementaires

transforme mécaniquement la physionomie des plans

de formation des entreprises du secteur immobilier et

bancaire. En effet, la part que représente le poids des

formations bancaires en termes budgétaires et temporels

devient telle qu’il devient nécessaire de concilier obli-

gations réglementaires et montée en compétence, deux

sphères qui avaient tendance jusqu’alors à s’additionner

sans « correspondance » réelle. Certaines entreprises en

ont du reste pris conscience et capitalisent l’opportunité

de montée en compétence en s’appuyant sur la contrainte

des formations réglementaires pour répondre à la double

attente.

Autant de défis à relever, qui devront composer avec

les enjeux majeurs dans les politiques RH des secteurs

concernés.

2.5 / UN EXEMPLE DES IMPACTS POSSIBLES : L’ÉVOLUTION DU CONSEILLER BANCAIRE AVEC LA DCI

On constate l’émergence, d’une façon structurelle depuis

plusieurs années, de la notion de formation continue. Il est

à noter que sur ce point, la directive européenne est plus

permissive que le texte tel qu’il a été transposé en droit

français, puisqu’elle laisse la liberté aux établissements ban-

caires d’appliquer le niveau de formation qu’ils souhaitent.

Mais, dans une volonté de standardisation et d’homogénéi-

sation encore plus forte, les pouvoirs publics français ont

décidé de fixer des exigences précises de formation initiale

et continue au moins en temps (40 et 7 heures) et en définis-

sant un programme précis par un arrêté ministériel du 9 juin

2016 pour la formation initiale.

Ces exigences de formation ont des impacts élargis au

niveau des ressources humaines, puisqu’elles devront iden-

tifier auprès des collaborateurs les diplômes agréés par la

réglementation et permettant aux employés d’être exemptés

de formation initiale. Les DRH auront tendance à orien-

ter dans la mesure du possible leur politique de recrute-

ment vers ceux-ci, et cela transformera naturellement leurs

relations et partenariats avec les écoles et les universités.

Au-delà des politiques de recrutement, ce sont également

les systèmes d’information qui sont exposés, car ils devront

consigner toutes les informations de leurs salariés (diplômes

précis, expérience dans le crédit immobilier, attestations et

livret de stage pour le volet formation).

Enfin, les impacts en termes de stratégie de distribution de

crédit immobilier ne seront pas des moindres. Les banques

devront se poser la question de l’utilité de former tous leurs

conseillers bancaires, et elles pourraient choisir de recen-

trer les efforts de formation sur les agences les plus dyna-

miques en activité de crédit immobilier aux particuliers.

Nous pourrions donc voir s’imposer encore davantage le

modèle de spécialisation des agences, que BNP Paribas et

Société Générale ont déjà bien amorcé avec la création de

leurs agences projets.

réglementation 23

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

◗ Une réflexion suscitée sur l’évolution des métiers, de la

stratégie de distribution, de l’organisation de leur activité.

Afin de quérir les nombreuses opportunités, il nous semble

opportun d’organiser toutes les conditions d’une réflexion

commune et d’une mise en œuvre réussie. Elle porte

comme noms : décloisonnement, transversalité… toutes

ces nouvelles postures d’animation que la digitalisation

de notre économie suggère fortement au management des

organisations.

2.6 / CONCLUSION

L a mise en place de nouvelles exigences de formation

participe à un objectif central : créer les conditions

nécessaires au renforcement de la confiance du consom-

mateur et des marchés.

Les professions intervenant dans la chaîne de valeur immo-

bilière sont aujourd’hui plus encadrées, réglementées et

contrôlées. Les professionnels doivent désormais se for-

mer, maintenir et développer leurs compétences, autant

d’éléments qui contribuent à sécuriser le parcours d’acqui-

sition des particuliers.

En qualité d’observateurs privilégiés de la formation des

professionnels de l’immobilier et de son financement, et en

nous appuyant sur de précieux témoignages, nous souhai-

tions montrer comment les métiers s’étaient emparés de ces

nouvelles exigences de formation et comment elles avaient

été intégrées dans leur environnement respectif.

Convenons que si le sentiment premier qui domine peut

être celui de l’excès, de la saturation du niveau d’exigence

imposé par le législateur, la situation se nourrit, à la base,

de la nécessité de réguler des situations destructrices pour

la confiance du consommateur.

Au-delà des premières réactions vient le temps de poser plus

sereinement l’équation. Force est de constater en la matière

que l’exigence entraîne de nombreux effets positifs.

◗ Une réelle montée en compétence car la formation régle-

mentaire comporte bien souvent une exigence dans la

mesure réelle des acquis.

◗ Une relation très directe entre l’investissement formation

et le ROI en termes d’activité, de prise de part de marché,

voire de différenciation concurrentielle.

◗ Une forme d’urbanisation de l’offre de formations dispo-

nible en limitant les effets « millefeuille », en capitalisant

inversement sur l’opportunité réglementaire pour mettre à

niveau les compétences requises dans le poste.

LA FORMATION, UN LEVIER CENTRAL DANS LA SÉCURISATION DE LA CHAÎNE DE VALEUR DE L’IMMOBILIER ET DE SON FINANCEMENT

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n° 9

4 RÉSIDENTIEL

À PROPOS DES LOGEMENTS VACANTSPar Michel Mouillart, Professeur d’Économie à l’Université Paris Ouest, FRICS.

TRANSMETTRE UN PATRIMOINE IMMOBILIER RESTE-T-IL UNE PRIORITÉ ?Par Nicolas Pécourt, Directeur de la Communication et RSE du Crédit Foncier.

LA VEFA INVERSÉE, UN DISPOSITIF ORIGINAL AU SERVICE DES BAILLEURS SOCIAUXPar Matthieu Merlen, Responsable d’activités, Direction Conseil & Audit de Crédit Foncier Immobilier.

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À PROPOS DES LOGEMENTS VACANTSPar Michel Mouillart, Professeur d’économie à l’université Paris Ouest, FRICS.

3

3.1 / INTRODUCTION

Afin d’élargir l’offre de logements et de résoudre une

crise quantitative du logement qui pour beaucoup n’en

finit pas de durer, mais aussi pour alléger les engagements

budgétaires de ressources publiques toujours plus rares, la

lutte contre la vacance occupe une bonne place dans la boîte

à outils des décideurs.

Il est vrai qu’avec plus de 2,8 millions de logements

vacants comptabilisés par l’Insee en métropole, la piste

mérite attention. D’autant qu’après avoir fluctué autour de

deux millions d’unités durant plus de 20 années, de 1985

à 2007, le nombre de logements vacants s’élève presque

régulièrement depuis lors.

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Bien sûr, la préoccupation n’est guère récente. Dans un

contexte quelque peu différent, en 1872, Friedrich Engels

avait été parmi les premiers à suggérer la mobilisation des

logements vacants pour faire face à l’insuffisance de l’offre :

« Il y a dans les grandes villes déjà suffisamment d’immeubles

à usage d’habitation pour remédier sans délai par leur emploi

rationnel à toute véritable crise du logement » (1). Certes, les

propositions qu’il formule en conséquence de ce constat

peuvent paraître pour le moins radicales (2). Pourtant,

et suivant une formule plus policée, les décisions de

réquisition de logements vacants reviennent plus ou moins

régulièrement à l’ordre du jour, même si leur efficacité n’a

jamais été clairement établie.

Comme cela a été récemment souligné (3), depuis l’ordonnance

du 11 octobre 1945 et jusque dans les années 60, les pouvoirs

publics ont en effet régulièrement utilisé la réquisition pour

faire face à des relogements en urgence. Puis, après l’avoir

progressivement délaissée, cinq campagnes de réquisition

(1) « Zur Wohnungsfrage », Der Volksstaat, Leipzig, 1872, page 22.

(2) Mais à une période durant laquelle la crise du logement de la classe ouvrière constituait une vraie préoccupation : « … dès que le prolétariat aura conquis le pouvoir politique, cette mesure exigée par le bien public sera aussi facile à réaliser que le sont aujourd’hui les expropriations et réquisitions de logements par l’État » (ibidem, page 22). D’ailleurs, cette préoccupation était partagée, en France, par les philanthropes et les hygiénistes dont les initiatives, loin des recommandations d’Engels, vont être relayées par une partie du patronat, « social et éclairé », qui s’efforce de rendre plus humaines les conditions de logement des ouvriers.

(3) Anne Boquet, Jean-Louis Hélary, Paul Sauveplane et Alain Weber, « Évaluation de la politique publique de mobilisation des logements et des bureaux vacants », IGF-CGEDD. 13 juillet 2016 (mis à jour le 25 juillet 2016).

ont été décidées dont la dernière en 2012, à la demande

de Cécile Duflot, alors ministre du Logement. Mais dans

l’ensemble, la lourdeur des procédures engagées et la piètre

qualité des résultats obtenus ne plaident guère pour la

poursuite de ces actions publiques.

Au-delà de cet aspect particulier d’une situation qui mérite

sans doute d’être réexaminée, depuis la fin des années 70, la

question de la mobilisation des logements vacants redevient

préoccupante pour les pouvoirs publics à chaque fois que

les moyens de la politique du logement font défaut ou

sont remis en cause par des orientations budgétaires peu

favorables. Et pourtant, la quasi-totalité des articles et des

rapports de l’administration publiés depuis un demi-siècle

s’accordent sur un constat : le faible nombre des logements

qu’une stratégie publique de lutte contre la vacance pourrait

mobiliser ne saurait contribuer à une élévation suffisante

de l’offre globale. Et à cet égard, le dernier rapport en date

est pour le moins sévère : « La vacance dans le parc privé

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Figure 1 : Nombre de logements vacants (métropole)(Sources : Insee et modèles Despina.)

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LA VACANCE DANS LE PARC PRIVÉ DE LOGEMENTS

EST MAL CONNUE PAR LA PUISSANCE PUBLIQUE.

de logements est mal connue par la puissance publique.

Les statistiques disponibles offrent une vision faussée de

la vacance et laissent à penser qu’il existerait un gisement

important de logements vides et rapidement mobilisables …

(alors que) la mission évalue à moins de 140 000 le nombre de

biens durablement vacants en zone tendue (4) ».

3.2 / RETOUR SUR UN QUESTIONNEMENT

Au milieu des années 60, le niveau annuel de la construc-

tion venait de franchir le seuil des 400 000 logements

commencés. Le nombre de logements vacants qui était resté

cantonné juste au-dessus des 500 000 unités jusqu’en 1955

s’était alors relevé pour dépasser le million, dès 1965. Dans

le contexte des premières remises en cause des aides à la

pierre qui avaient jusqu’alors porté le redressement des

mises en chantier, les interrogations se font de plus en plus

nombreuses : la montée de la vacance va commencer à four-

nir une base d’argumentation à ceux qui estiment, tant du

côté de l’administration des finances qu’au sein même des

secrétariats d’État au Logement (5) placés sous la tutelle d’un

ministre de l’Équipement (et du Logement) (6), que l’effort

consenti lors de la reconstruction est parvenu à son terme

et que les orientations de la politique du logement doivent

être reconsidérées.

L’exploitation des premiers résultats du recensement de

1975 va alors faire ressortir une nouvelle augmentation

sensible du nombre de logements vacants : plus de 1,6 million

de logements sont en effet déclarés vacants. Alors que,

(4) IGF-CGEDD, opus cité, page 36.

(5) D’ailleurs, depuis juin 1958, le terme de reconstruction ne figure plus dans la dénomination officielle du ministère en charge du Logement, Michel Debré ayant été le dernier ministre de la Reconstruction et du Logement.(6) Jusqu’au ministère de l’Environnement et du Cadre de vie de Michel d’Ornano, en 1978.

depuis le début des années 70 la France met chaque année

près de 540 000 logements en chantier, l’interprétation

de cette situation nouvelle paraît délicate (7). Aussi, une

enquête spécifique est réalisée par l’Insee en octobre 1977,

afin de mieux comprendre l’origine et les évolutions du

parc des logements vacants situés en zones urbaines. Les

résultats de cette enquête qui vont alimenter la réflexion du

ministère en charge du Logement s’inscrivent en fait dans la

suite logique de la première réflexion engagée une dizaine

d’années auparavant (8) : partant du constat que « le nombre…

des logements vacants a crû de façon assez importante

depuis une quinzaine d’années », l’Insee effectue alors une

enquête complémentaire en marge du recensement de

1968. Cette enquête est limitée aux territoires des grandes

agglomérations et les résultats qu’elle présente vont être

confirmés et approfondis par l’enquête de 1977 : vacance et

disponibilité sont loin d’être synonymes.

Les résultats sont en effet très clairs : le parc de logements

vacants situés en zones urbaines ne constitue pas un

ensemble homogène. Et quatre composantes principales de

la vacance doivent être distinguées :

◗ les logements disponibles à la vente ou à la location

représentent en 1977 42 % des logements vacants en zones

(7) Pour reprendre l’expression utilisée par les auteurs du célèbre article consacré à cette question : – François Fabre et Christian Nicol, – « Les logements vacants ne sont pas tous disponibles », Économie et Statistique, n° 107, janvier 1979, pp 53-63.(8) Françoise Seligmann, « Les logements vacants en 1968 », Économie et Statistique, n° 10, mars 1970, pp 27-38.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

à propos des logements vacants30

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urbaines (57 % en 1968) : ce sont des logements qui, pour

70 % d’entre eux, étaient préalablement occupés par un

locataire et qui de toute façon vont revenir (rapidement)

sur le marché ;

◗ les logements réservés par leur propriétaire ou non

encore affectés : 25 % en 1977 (21 % en 1968). Ce sont

essentiellement des logements anciens, voire vétustes

ou inscrits dans une liquidation successorale et ils

seront (presque sûrement) remis sur le marché après

la réalisation de travaux ou le règlement des questions

juridiques en cours ;

◗ les logements déjà attribués et seulement en attente

d’occupation : 22 % en 1977 (16 % en 1968) ;

◗ les logements en ruine, en instance de démolition ou

destinés à un autre usage que l’habitation et qui vont

sortir du parc de logements (transformation en bureaux,

par exemple) : 11 % en 1977 (6 % en 1968).

Les deux dernières composantes sont en fait hors marché :

surtout que les trois-quarts de ces logements étaient incon-

fortables et (très) dégradés, sachant que dans tous les cas,

il s’agissait majoritairement de petits logements construits

avant 1914.

Sur un parc de logements vacants estimé à 1,722 million

d’unités en 1977 dont 1 million en zones urbaines (9), seuls

alors que les logements disponibles à la vente ou à la

location pouvaient donc être « mieux » mobilisés : un peu

plus de 400 000 logements, soit 23 % de ce parc (cette

proportion était de 19 % en 1968). Et parmi ces logements

mobilisables, plus d’un tiers pouvaient alors être qualifiés

d’inconfortables, étant en outre relativement anciens

(construits avant 1914, pour une grande part d’entre eux).

Donc, résorber la vacance pouvait contribuer à élever

l’offre globale : mais il ne s’agissait que d’un fusil à un coup.

300  000 logements pouvaient (peut-être) être mobilisés.

(9) Parmi l’ensemble des vacants, 30 % se situaient en zones rurales : du fait de l’exode rural d’alors qui deviendra la désertification rurale 20 années plus tard, ces logements vacants ne sont pas considérés comme disponibles. En outre, il convient d’éliminer ceux qui ne sont pas de « vrais » logements et qui entrent dans cette catégorie des « non ordinaires » : les chambres en hôtel meublé ou en pension de famille, les constructions provisoires à usage d’habitation, les logements de fortune et les pièces indépendantes (telles les chambres de bonne). Ces logements « non ordinaires » représentant près de 10 % du parc des vacants.

Et encore fallait-il prévoir d’en améliorer la qualité et le

confort avant de les remettre sur le marché…

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3.3 / POURSUITE DE LA RÉFLEXION

M ais cette question de la vacance va être remisée

pour de nombreuses années, d’autant que vacance et

disponibilité des logements délimitent deux univers large-

ment disjoints. Tous les experts en sont convaincus, et les

travaux qui se sont multipliés l’ont bien établi (10) : une part

de la vacance est inutilisable, une autre reviendra d’elle-

même toujours sur le marché… quant au solde, sa capacité

de mobilisation dépendra de l’effort de réalisation des tra-

vaux indispensables de remise en état (d’habitabilité) des

logements. Aussi, bien qu’il soit tentant s’assimiler réduc-

tion de la vacance et offre supplémentaire de logements, les

analyses s’accordent pour estimer que seuls 200 000 loge-

ments pourraient être mobilisés plus rapidement que cela

n’est fait. Cette offre potentielle serait donc insuffisante

pour desserrer les contraintes des marchés tendus. Et elle

(10) Par exemple :• Claudie Louvot et Jean-Pierre Renaudat, « Le parc de logements et son occupation », Insee Résultats, n° 15-16, juillet 1990, 220 pages.• Yannick Martin et Michel Mouillart, « Mobiliser les logements vacants pour élever l’offre globale ? », L’Observateur de l’Immobilier, n°19, 1991, pp 20-24.• Bernard Coloos et Claude Robert, « Rapport sur le fonctionnement du marché du logement et de la vacance », Direction de l’Habitat et de la Construction, 1992.

supposerait une large utilisation de ressources budgétaires

et de mesures d’incitation.

En outre, comme François Fabre et Christian Nicol pouvaient

l’écrire dans leur article : « Il existe… des signes de détente ».

D’ailleurs, le taux de vacance (11), qui s’établissait à 7,9 %

en 1977, va fluctuer durant près de 20 années. Il va même

redescendre à 6,1 % en 2003 : ainsi, l’exploitation de l’enquête

Logement 2002 est sans appel (12), le pourcentage de logements

vacants est alors au plus bas depuis le milieu des années 60.

Certes, le pourcentage n’est pas redescendu au plus fort de

la crise de l’hiver 1954 (3,6 %) : mais néanmoins, alors que

le nombre de logements vacants est le même que 25 années

auparavant, depuis 1979 le parc de logements s’est accru de

près de 7.5 millions d’unités. Il compte maintenant plus de

30,2 millions de logements dont 1,8 million vacants.

(11) Soit la part des logements vacants dans l’ensemble du parc.

(12) Sabine Bessière, « La proportion de logements vacants la plus faible depuis 30 ans », Insee Première, n° 880, 2003.

Figure 2 : Nombre de logements vacants pour 100 logements (métropole)(Sources : Insee et modèles Despina.)

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à propos des logements vacants32

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Il est vrai que durant toutes ces années, le niveau annuel de

la construction a sensiblement reculé : de plus de 538 000

logements mis en chantier dans la première moitié des

années 70 à un peu moins de 304 000 commencés dans la

première moitié des années 90 (13) (avec un minimum absolu

à 273 600 en 1993), lorsque la fameuse « ligne bleue des

300 000 mises en chantier » constituait la référence absolue

de la politique du logement, pour ne se ressaisir que vers la

fin des années 90.

Il paraît alors logique, pour nombre d’observateurs, que le

relèvement du taux de vacance constaté à partir de 2003

(13) Au-delà de l’embellie de la fin des années 80.

ne puisse que se trouver associé à un desserrement de la

pression de la demande. La construction de logements se

redresse rapidement, en effet, pour retrouver un niveau

annuel moyen de 491 000 unités en 2006-2007, avant

le déclenchement de la crise économique et financière

internationale. Et comme cela a bien été analysé à plusieurs

reprises depuis la fin des années 70 tant dans des rapports

de l’administration que dans des articles de chercheurs, le

chiffre global de la vacance comprend celui de la vacance

temporaire, donc ces logements disponibles à la vente

ou à la location et ceux déjà attribués à un acheteur ou à

un locataire et en attente d’occupation, pour reprendre

la typologie de François Fabre et Christian Nicol. Or,

cette vacance temporaire s’élève lorsque le niveau de la

construction s’accroît, lorsque la mobilité résidentielle

des ménages augmente, lorsque le marché de l’ancien se

redresse…

Mais à y regarder de plus près, cette explication n’a rien

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Figure 3 : Nombre de logements mis en chantier pour 1 000 ménages(Sources : Siroco/Siclone/Sitadel/SIT@DEL Dre et modèle Fanie.)

LE CHIFFRE GLOBAL DE LA VACANCE COMPREND CELUI DE LA VACANCE

TEMPORAIRE.

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d’évident. Elle peut paraître recevable pour les années

2003 à 2007 mais durant cette période, le niveau et le

taux de vacance ne se redressent que très modérément.

D’ailleurs, durant ces années, le taux de vacance ne rejoint

que péniblement sa moyenne de longue période : il est

de 6,4 % en 2007, à son niveau du milieu des années 60,

contre 6,7  % en moyenne de 1947 à 2016. En revanche,

il est difficile de comprendre comment cette explication

peut éclairer la dernière période, celle des années 2008 à

2016 : durant ces années, le niveau de construction réalisé

pour 1 000 ménages est resté au plus bas (14) et la chute du

rythme de création des résidences principales a été sans

précédent, depuis la fin des années 60.

3.4 / CONVERGENCE DES CONSTATS

Depuis le milieu des années 2000, l’intérêt pour cette

question de la vacance s’est ravivé. La réflexion

autour de la mesure du niveau de la vacance a souligné

toute la difficulté qu’il y avait à connaître précisément le

nombre des logements concernés. Par exemple (15), alors

que le recensement évaluait à 1,846 million le nombre de

logements vacants en 2003, l’enquête Logement de l’In-

see avait décompté 2,008 millions de logements en 2002,

alors que Filocom (16) estimait à 2,574 millions ce nombre en

2003. Ce constat a d’ailleurs été renforcé dans le rapport

IGF-CGEDD de 2016 (17), qui commence simplement par :

« Le parc privé de logements vacants est mal appréhendé par la sta-

(14) Descendant même durant deux années, en 2014 et 2015, sous le niveau observé en 1953, juste avant l’appel de l’Abbé Pierre à l’insurrection de la bonté.

(15) Annelise Robert et Claire Plateau, « Mesurer la vacance dans les logements », Note du SESP, n° 162, avril-juin 2006, repris dans « Compte du logement », Commissariat Général au Développement Durable, 2006.

(16) Le système d’observation statistique des logements, dénommé Filocom, correspond à un traitement automatisé de données issues des fichiers fiscaux et fonciers. Il est constitué par le rapprochement du fichier de la taxe d’habitation, du fichier foncier (pour ce qui concerne les propriétés bâties soumises à la taxe d’habitation), du fichier des propriétaires et du fichier de l’impôt sur les revenus des personnes physiques.

(17) IGF-CGEDD, opus cité, page 36.

tistique publique. Le parc privé de logements durablement vacants

est surestimé… ».

En outre, et sans que cela remette en cause les conclusions

présentées dès 1970 par Françoise Seligmann et précisé, en

1979 par François Fabre et Christian Nicol, la typologie de la

vacance s’est affinée en distinguant deux grandes catégories

de logements vacants et en leur aj putant la nature de la

vacance associée (18).

LOGEMENTS VACANTS HORS MARCHÉ :◗ La vacance d’obsolescence ou de dévalorisation : dans

le cas des logements obsolètes ou en attente de destruction.

◗ La vacance de transformation du bien : en cas de travaux

ou de succession, d’indivision…

◗ La vacance expectative : en attente de transmission à

des héritiers ou d’utilisation par le propriétaire ou ses

proches, mais aussi la rétention spéculative.

◗ La vacance de désintérêt : en raison de la faiblesse

de la rentabilité ou de l’absence de temps pour s’en occuper.

LOGEMENTS VACANTS SUR LE MARCHÉLa vacance frictionnelle normale, consécutive aux délais de

réalisation des ventes ou des locations.

Néanmoins, et au-delà de l’approfondissement d’une

situation complexe, ces approches n’ont guère débouché sur

une meilleure connaissance du niveau de la vacance ou sur

un chiffrage précis de chacune des catégories suggérées.

En revanche, la mobilisation de Filocom et une analyse

plus fine des résultats du recensement ont confirmé les

(18) Annelise Robert et Claire Plateau, « Mesurer la vacance dans les logements », Note du SESP, n° 162, avril-juin 2006, repris dans « Compte du logement », Commissariat Général au Développement Durable, 2006.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

à propos des logements vacants34

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diagnostics qui étaient partagés depuis la fin des années 60.

Une part importante des logements vacants est localisée

sur des territoires ruraux, rendant de facto inopérante une

mobilisation ayant pour objectif de satisfaire une demande

située dans des zones qualifiées de « tendues ». Ces territoires

ruraux, qui ont souvent buté sur des difficultés économiques

persistantes, ont de plus été écartés progressivement, dès

2011, du bénéfice des aides à la construction et des dispositifs

de soutien de la demande d’accession et d’investissement

locatif privé : une vacance d’obsolescence d’une part de leur

parc de logements, d’abandon du patrimoine résidentiel et de

disparition démographique de populations âgées s’est alors

accompagnée d’une (très) faible progression (voire d’une

diminution) du parc de résidences principales et donc d’une

montée rapide du taux de vacance.

Ainsi, ce n’est probablement pas dans la « mobilisation

de la vacance » que la réponse à l’insuffisance de l’offre

se trouve, autant parce que les biens ne répondent pas

aux aspirations de la demande et ne sont pas situés là

où les besoins s’expriment, que parce que de nouvelles

exigences sociétales ont vu le jour avec celles qu’imposent

la lutte contre le réchauffement climatique et les émissions

de GES(19).

(19) Sur ce point, par exemple, Olivier Piron (« L’accroissement récent de la vacance, comment l’expliquer ? », Revue Foncière, n° 11, mai 2016), estime qu’une large part de la montée de la vacance s’explique par l’obsolescence d’une partie du parc, et, notamment, son obsolescence énergétique : « Toute la réglementation énergétique, notablement durcie au moment du Grenelle de l’environnement, a posé des exigences complémentaires en matière d’isolation thermique, avec une classification des immeubles en fonction de leur qualité d’isolation, et devant être obligatoirement communiquée à tous candidats locataires ou acquéreurs ». Et l’auteur d’ajouter : « Ces logements devenus vacants par obsolescence sont assez rapidement considérés comme hors-jeu de par leur substance propre. Et comme les travaux nécessaires pour les remettre dans le marché sont souvent assez coûteux, avec un résultat aléatoire, et présentant donc un risque économique élevé, les propriétaires concernés, disposant souvent de faibles ressources pour la vie de tous les jours, ne se lancent pas dans l’aventure ».

Tableau 1 : Évolution du taux de vacance en fonction du classement cadastral du logement(Source : IGF-CGEDD d’après Filocom 2007 et 2013.)

Part dans le parc de logements Taux de vacance

2007 2013 2007 2013

Grand luxe à confortable 10,5 % 11,3 % 5,7 % 5,7 %

Assez confortable 47,5 % 50,1 % 6 % 6,7 %

Ordinaire 35,5 % 33,8 % 9,4 % 10,7 %

Médiocre 6,5 % 4,7 % 23,5 % 26,3 %

résidentiel

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35

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Parc de logements identifiés fiscalement vacants 3 184 000

Parc instantané de logements vacants 2 640 000

Parc privé de logements vacants 2 280 000

Logements privés vacants en zones A bis, A et B1 910 000

Logements durablement vacants (plus de deux ans) 228 000

Logements privés vacants de plus de deux 2 ans (hors démolition en zone A bis, A et B1) 137 000

Logements durablement vacants et habitables en zone tendue 103 000(dont 55 000 en zone A et A bis)

Une telle approche de la vacance se retrouve dans le

rapport IGF-CGEDD de 2016 : seuls 10 % des logements

vacants feraient l’objet d’une « rétention volontaire » et la

moitié du parc durablement vacant « nécessite des travaux

lourds »(20). « L’augmentation de 30 % du stock de logements

vacants observée depuis 2006 » s’explique en fait « par

une hausse conjoncturelle de la vacance de courte durée

notamment en zones rurales et parmi les biens les plus

dégradés ». Ainsi, si on se limite à ce qui est habituellement

considéré comme une zone tendue (A bis, A ou B1) :

« Le volume de logements potentiellement mobilisables par

la puissance publique s’élèverait à 137 000 biens, soit 0,8 %

du parc de logements dans ces territoires ».

(20) Et le rapport IGF-CGEDD d’expliquer qu’il existe un « décalage entre le stock de logements vacants mesuré par les statistiques publiques et la réalité de la vacance », celle-ci n’étant « toujours pas suivie de façon régulière et transparente » (sous-entendu, par l’Insee), puisque son évaluation s’appuie sur des « mesures instantanées » et « sans distinction de durée ».

LE VOLUME DE LOGEMENTS POTENTIELLEMENT

MOBILISABLES PAR LA PUISSANCE PUBLIQUE S’ÉLÈVERAIT À 137 000 BIENS, SOIT 0,8 % DU PARC DE LOGEMENTS DANS CES TERRITOIRES.

Tableau 2 : Estimation du parc de logements vacants mobilisables en zone tendue en 2014(Source : rapport IGF-CGEDD – 2016.)

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

à propos des logements vacants36

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D’ailleurs, le ministère du Logement a récemment bien pris

toute la mesure de la difficulté de l’exercice : « Avec 100 000

logements vacants immédiatement mobilisables en zones

tendues, une remise sur le marché de ces logements est un

moyen rapide et efficace d’apporter des solutions aux ménages

éprouvant des difficultés à trouver un logement à loyer

abordable dans le parc privé » (21). Il est vrai que les dispositifs

qui, depuis plus d’un quart de siècle, ont affiché une telle

(21) « Trois axes pour un logement abordable et un habitat durable », MLHD, 28 juin.

ambition (le Borloo ancien et, auparavant, le Besson) n’ont

guère produit de résultat probant, sans véritable impact sur

le niveau de la vacance.

D’autant que les dispositifs fiscaux coercitifs, telles la taxe

sur les logements vacants et la taxe d’habitation sur les

logements vacants, ont montré leur inefficacité à maîtriser ce

qui n’est que trop souvent présenté comme un dérèglement

des marchés (22), là où il ne faudrait certainement voir que

les conséquences des mutations économiques et territoriales

que la politique du logement ne cherche plus à intégrer dans

sa stratégie depuis la fin des années 2000, notamment.

3.5 / EN GUISE DE CONCLUSION

L a conclusion du rapport IGF-CGEDD, près d’un

demi-siècle après le premier article de l’Insee, ne fait

finalement que rappeler une vérité généralement partagée :

les logements vacants ne sont pas tous des logements

disponibles, loin s’en faut. Et, surtout : « La publication de

données agrégées relatives à la vacance contribue à alimenter

une polémique autour du scandale des logements vacants »

(page 8).

Alors, si l’affaire est entendue, il ne reste plus qu’à construire

beaucoup, partout et pendant de nombreuses années,

encore. Puisque, si on en croit les dernières projections

démographiques que l’Insee a publiées en novembre 2016 (23),

la demande de logements va rester très forte, à l’avenir,

dans les 25 prochaines années notamment. Et la lutte contre

la vacance ne sera pas plus efficace demain pour loger tous

ceux qui devraient l’être qu’elle ne le fut par le passé.

(22) Ce que le rapport IGF-CGEDD précédemment cité suggère en expliquant : « Le zonage spécifique dont fait l’objet la TLV fait apparaître des incohérences avec la réalité locale de la vacance »… « plus de 90 % des communes ayant institué la THLV sont situées dans des zones sans tension sur le marché immobilier ».

(23) Nathalie Blanpain et Guillemette Buisson, « Projections de population à l’horizon 2070 », Insee Première, n° 1619, novembre 2016.

résidentiel

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37

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4

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

38

TRANSMETTRE UN PATRIMOINE IMMOBILIER RESTE-T-IL UNE PRIORITÉ ? Par Nicolas Pécourt, Directeur de la Communication et RSE du Crédit Foncier.

É tape importante de la vie pour les uns, patrimoine à

transmettre pour les autres, la propriété est une aspi-

ration profonde pour une majorité de Français. Si ce souhait

largement partagé semble naturellement légitime, son ana-

lyse est plus complexe qu’il n’y paraît. C’est ce que montre

une enquête réalisée pour le Crédit Foncier par le Cabinet

Elabe (1) auprès des Français sur leur perception du patri-

moine immobilier, ainsi que sur sa transmission.

Les changements de vie liés à la situation professionnelle

et économique de chaque foyer, mais aussi l’allongement de

l’espérance de vie, ont non seulement modifié les habitudes

de vie des Français, mais également leur rapport au patri-

moine immobilier, acquisition et transmission confondues.

Si, en 1950, les Français héritaient en moyenne à l’âge de

(1) Enquête réalisée auprès de 2 000 ménages en janvier 2017.

35 ans, désormais, il n’est pas rare qu’ils aient au-delà de

60 ans, âge auquel ils possèdent depuis longtemps leur rési-

dence principale. Dans le même temps, la cohabitation des

générations sous un même toit a quasiment disparu, tant par

souci d’indépendance que par nécessité de mobilité profes-

sionnelle.

Si les habitudes de vie ont changé, une chose demeure, néan-

moins, la volonté de transmettre un héritage. Aujourd’hui,

neuf ménages sur dix le font. Ils sont également nombreux à

opter pour une donation de leur vivant : un ménage sur sept

en réaliserait une ou plusieurs au cours de son existence.

Dans les deux cas, la place de l’immobilier est essentielle :

l’immobilier est présent dans plus de la moitié des héritages

et des donations.

4

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résidentiel 39

4.1 / DEVENIR PROPRIÉTAIRE RESTE UNE PRIORITÉ

Selon cette enquête, pour 92 % des Français, être pro-

priétaire est une chose positive. Cette affirmation, qua-

siment identique dans tous les segments de la population,

peut sembler une évidence. Cependant, il n’en est rien

lorsqu’on compare la France aux autres pays de l’Union

européenne (UE). En effet, la France affiche une proportion

de propriétaires inférieure à celle de la plupart de ses voi-

sins et ne se classe qu’au 24e rang (2) des 28 pays membres

de l’UE, avec un taux inférieur de six points par rapport à

la moyenne européenne, et de 12 à 13 points par rapport à

des pays comme l’Espagne ou la République tchèque. Une

situation d’autant plus caractéristique qu’il ne semble pas y

avoir, par ailleurs, de phénomène de rattrapage.

(2) Classement établi par Eurostat.

Malgré tout, l’importance de la propriété immobilière en

France est bien réelle. Cette opinion, que le Cabinet Elabe a

cherché à comprendre et à définir, peut être examinée sous

quatre angles principaux.

◗ Le premier angle s’intéresse aux avantages procurés

par la propriété, indifféremment de l’âge des personnes

interrogées. Il est alors question, et en premier lieu, du

« sentiment d’être chez soi ». Puis les Français évoquent la

propriété comme une forme d’indépendance, qui est éga-

lement une manière d’optimiser son budget et de ne plus

payer à fonds perdus des loyers.

◗ Le deuxième explore les avantages de la propriété cités par

les plus jeunes. Les résultats de l’enquête contredisent l’idée

que la notion de propriété n’intéresserait plus les jeunes

générations, portées par la nouvelle économie du partage.

Au contraire, l’étude révèle que les plus jeunes considèrent

la propriété comme « une étape importante de la vie », « une

fierté » ou encore « un signe de réussite sociale ». Ils affir-

ment également que c’est un « investissement pour l’avenir ».

◗ Le troisième se concentre sur les attributs positifs cités

par les seniors. Pour eux, l’immobilier constitue « un patri-

moine à transmettre », mais aussi « une sécurité pour la

retraite » (1re affirmation faite par les 65 ans et plus).

◗ Enfin, le quatrième met en exergues des ressentis plus néga-

tifs mais très minoritaires. Ainsi, seulement 3 % des ménages

affirment qu’être propriétaire est « inutile » et 6 % pensent

que la propriété constitue « un manque de flexibilité ».

Rappelons, enfin, que la propriété immobilière ne signifie

pas obligatoirement être propriétaire de son logement. En

France, 63 % (3) des Français sont propriétaires et 59 % le

sont de leur résidence principale. 17 % possèdent une autre

catégorie de biens immobiliers : investissement locatif,

mais aussi résidence secondaire, pied-à-terre, immeuble à

l’étranger, logement vacant…(3) Rapport Insee « Les revenus et le patrimoine des ménages » – édition 2016.

UNE ÉTAPE IMPORTANTE DE LA VIE.

7 %

46 % 45 %

1 %

Question 1 : Être propriétaire d’un logement, cela évoque-t-il pour vous quelque chose de positif ou de négatif ?(Source : Elabe 2017.)

Très positif

Très négatifPlutot négatifPlutot positif

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

transmettre un patrimoine immobilier reste-t-il une priorité ?

40

4.2 / DE LA DIFFICULTÉ DE SE CONSTITUER UN PATRIMOINE IMMOBILIER

L a deuxième partie de cette étude diligentée par le

Crédit Foncier démontre que l’immobilier est l’actif pri-

vilégié par les ménages pour se constituer un patrimoine. À

la question « Si vous receviez une importante somme d’argent,

vers quel type d’actif vous dirigeriez-vous ? », sept Français

sur dix répondent, ainsi, qu’ils feraient le choix de la pierre

pour réaliser un investissement locatif (33 % d’entre eux),

acheter leur résidence principale (30 %) ou une résidence

secondaire (9 %). Les données les plus récentes de l’Insee

confirment ce poids de l’immobilier dans le patrimoine des

Français : en effet, il représente 66 % du patrimoine brut des

ménages en France – dont une partie leur a été léguée, pour

certains d’entre eux –, loin devant le patrimoine financier

(22 % du total) et le patrimoine professionnel (12 %).

Le patrimoine immobilier moyen s’élève en France à

164 200 euros avec de fortes variations dans le cycle de

vie : d’un montant de 128 500 euros pour les 30 à 39 ans, il

Question 2 : Selon vous, être propriétaire, c’est… (quatre réponses possibles).(Source : Elabe 2017.)

Moyens Total citations Commentaires

Le sentiment d’être chez soi 67 % Score quasi identique pour tous les âges

Un patrimoine à transmettre à ses enfants 54 % Évolue avec l’âge : de 42 % (25-34 ans) à 63 % (65 ans et +)

Une sécurité pour la retraite 50 %1re affirmation des 65 ans et + (71 %)2e affirmation des 50-64 ans (59 %)

Un investissement pour l’avenir 49 % 2e affirmation citée chez les 18-34 ans

Une étape importante de la vie 42 % 3e affirmation chez les 18-34 ans

L’indépendance 37 % Score quasi identique pour tous les âges

Une contrainte financière 20 % Notamment chez les 50-64 ans (24 %)

Une optimisation de son budget 20 % Score quasi identique pour tous les âges

Une fierté 19 %Notamment chez les jeunes (36 % des citations chez les 18-24 ans et 29 % chez les 25-34 ans)

Un signe de réussite sociale 13 %Notamment chez les jeunes (36 % des citations chez les 18-24 ans et 18 % chez les 25-34 ans)

Un risque 10 % Score quasi identique pour tous les âges sauf chez les 65 ans et + (5 %)

Un manque de flexibilité 6 % Score quasi identique pour tous les âges

Inutile 3 % Score quasi identique pour tous les âges

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résidentiel 41

grimpe à 216 400 euros pour les sexagénaires ; ce montant

baisse au-delà de 70 ans, traduisant l’effet des transmissions

patrimoniales au profit de la génération suivante, mais aussi

la vente de la résidence principale pour un bien plus petit.

Si l’immobilier est sans conteste l’actif privilégié des Fran-

çais, l’étude montre également que son acquisition n’est

pas chose aisée. À la question « Considérez-vous qu’il est

facile ou difficile de se constituer un patrimoine immobilier,

aujourd’hui ? », sept Français sur dix répondent qu’il est

assez difficile (52 %), voire très difficile (19 %), d’acquérir

un bien. Cette difficulté est attribuée au niveau des prix

(65 % des répondants), mais aussi à des facteurs exogènes

à l’immobilier comme l’insuffisance de pouvoir d’achat

(66 %), la situation économique (54 %) ou encore le niveau

d’imposition (33 %).

Une difficulté d’acquisition qui s’est accrue, surtout, avec le

temps. 65 % des personnes interrogées considèrent en effet,

qu’il est aujourd’hui plus difficile de se constituer un patri-

moine immobilier que cela ne l’était pour leurs parents au

même âge. 17 % répondent que ce n’est « ni plus facile, ni plus

difficile » et seulement 18 % affirment que cela est plus aisé.

À noter, également, que les Français reconnaissent, à une

courte majorité, que le confort de leur logement s’est amé-

lioré au regard de celui de leurs parents. Un sentiment que

confortent à nouveau les statistiques de l’Insee : en 30 ans, la

superficie moyenne par personne a ainsi augmenté de plus

de 30 %.

Figure 1 : Montant des grandes composantes du patrimoine brut par âge(Source : Insee enquête Patrimoine 2015.)

Ensemble

70 ans et +

60-69 ans

50-59 ans

40-49 ans

30-39 ans

– de 30 ans

33 100 €

171 300 €

216 400 €

164 200 €

26 900 €

63 500 €

82 700 €

55 300 €

3 500 €

53 600 €

31 800 €28 500 €

ProfessionnelFinancierImmobilier

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

transmettre un patrimoine immobilier reste-t-il une priorité ?

42

4.3 / UN PATRIMOINE POUR FAIRE FACE AUX ALÉAS DE LA VIE

Pour finir, le Cabinet Elabe s’est également concentré

sur la volonté de transmission du patrimoine immobi-

lier, qui apparaît comme complexe, voire ambivalente.

L’étude montre en premier lieu que la transmission du patri-

moine immobilier est un principe solidement ancré : trois

Français sur quatre affirment lui accorder une place impor-

tante et ce, quel que soit l’âge des répondants. De plus, 25 %

des personnes interrogées (28 % à partir de 50 ans) répondent

spontanément qu’elles ont déjà un projet de transmission de

patrimoine et 37 % qu’elles y ont « déjà pensé mais n’ont encore

rien prévu ». Enfin, trois Français sur quatre, toutes généra-

tions confondues, jugent également important de constituer

une épargne pour leurs enfants, afin qu’ils aient un premier

patrimoine lorsqu’ils quitteront le foyer familial (4).

Si ces différentes données attestent l’importance donnée par

les Français à la transmission patrimoniale, sa nature et son

(4) En France, les jeunes partent du foyer familial à l’âge de 24 ans, comme en Allemagne et au Royaume-Uni. L’âge moyen dans l’Union européenne est de 26 ans, 29 ans en Espagne et 30 ans en Italie.

ampleur peuvent, quant à elles, diverger assez fortement

entre individus.

En effet, 32 % des personnes interrogées répondent qu’« il

faut transmettre le plus possible », 29 % qu’« il faut transmettre

juste ce qu’il faut pour aider mais pas plus » et 39 % qu’« il faut

transmettre ce qu’il reste après avoir vécu le mieux possible ».

Des résultats qui, de prime abord, peuvent surprendre.

D’autant qu’une analyse fine par génération laisse entre-

voir des écarts encore plus tranchés. En effet, il apparaît

que plus une personne est âgée, c’est-à-dire en position

de transmettre, moins elle souhaite transmettre de façon

importante ; plus ils sont âgés et plus les Français interro-

gés considèrent qu’il ne faut transmettre qu’« après avoir

vécu le mieux possible » : cette affirmation recueille 29 % des

réponses chez les 18-24 ans, mais 48 %, soit la moitié de

cette classe d’âge, chez les 65 ans et plus ! Inversement, plus

la personne interrogée est jeune, plus elle répond qu’« il faut

transmettre le plus possible » (45 % chez les 18-24 ans, contre

22 % chez les 65 ans et plus).

Comment doit-on interpréter ces résultats ? Il est vraisem-

blable que les plus jeunes affirment un principe dont ils

aimeraient bénéficier de façon immédiate. Ajoutons à cela

que la part des résidences principales acquises grâce à un

héritage ou une donation a diminué.

Les raisons qui expliquent les réponses des aînés sont proba-

blement moins évidentes. Une première hypothèse pourrait

laisser à penser qu’il s’agit d’une génération plus hédoniste

privilégiant son confort plutôt que l’aide intergénération-

nelle. Hypothèse à laquelle il serait possible d’ajouter l’effet

des divorces et la constitution de familles recomposées, qui

rendent moins évidente l’aide à un jeune adulte, enfant de

seulement l’un des deux membres du couple. La réalité est

probablement autre. Ces réponses sont en effet motivées par

diverses incertitudes ressenties par les seniors. Notamment

celles liées au maintien de leur pouvoir d’achat, qu’il s’agisse

du niveau de la pension perçue et de sa revalorisation ou de

l’augmentation des impositions. Mais également celles pro-

voquées par les dépenses liées à l’âge, tout particulièrement

la dépendance. Un rapport (5) publié en 2014 par un groupe

de travail auquel le Crédit Foncier était associé a établi la

difficulté, pour les seniors, de financer certaines dépenses.

(5) Rapport sur les nouveaux besoins de financement des seniors, « Quelle place pour l’immobilier ? » 2014. Rapport disponible sur creditfoncier.com.

39 %

29 %

Question 3 : Et vous, personnellement, sur une échelle allant de 0 à 10, quelle importance accordez-vous au fait de transmettre un patrimoine, quelle que soit votre situation actuelle ?(Source : Elabe 2017.)

49 %

27 %18 %

6 %

8 à 10

4 à 50 à 3

6 à 7

Note de :

Question 4 : Concernant la transmission du patrimoine à un enfant ou à un proche, de quelle attitude vous sentez-vous le plus proche ?(Source : Elabe 2017.)

Il faut transmettre ce qu’il reste après avoir vécu le mieu possible

Il faut transmettre juste ce qu’il faut pour aider mais pas plus

Il faut transmettre le plus possible

32 %

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résidentiel 43

Comment doit-on interpréter ces résultats ? Il est vraisem-

blable que les plus jeunes affirment un principe dont ils

aimeraient bénéficier de façon immédiate. Ajoutons à cela

que la part des résidences principales acquises grâce à un

héritage ou une donation a diminué.

Les raisons qui expliquent les réponses des aînés sont proba-

blement moins évidentes. Une première hypothèse pourrait

laisser à penser qu’il s’agit d’une génération plus hédoniste

privilégiant son confort plutôt que l’aide intergénération-

nelle. Hypothèse à laquelle il serait possible d’ajouter l’effet

des divorces et la constitution de familles recomposées, qui

rendent moins évidente l’aide à un jeune adulte, enfant de

seulement l’un des deux membres du couple. La réalité est

probablement autre. Ces réponses sont en effet motivées par

diverses incertitudes ressenties par les seniors. Notamment

celles liées au maintien de leur pouvoir d’achat, qu’il s’agisse

du niveau de la pension perçue et de sa revalorisation ou de

l’augmentation des impositions. Mais également celles pro-

voquées par les dépenses liées à l’âge, tout particulièrement

la dépendance. Un rapport (5) publié en 2014 par un groupe

de travail auquel le Crédit Foncier était associé a établi la

difficulté, pour les seniors, de financer certaines dépenses.

(5) Rapport sur les nouveaux besoins de financement des seniors, « Quelle place pour l’immobilier ? » 2014. Rapport disponible sur creditfoncier.com.

Surtout dès lors qu’ils ne vivent plus sous le même toit que

leurs descendants, comme cela se faisait autrefois. Pour eux,

conserver un patrimoine immobilier est la garantie de pou-

voir faire face aux aléas de la vie sans avoir à demander

d’aide à leurs proches.

La dernière question de cette enquête illustre, une nouvelle

fois, le rôle joué par l’immobilier dans la transmission patri-

moniale. Interrogés sur les actifs qu’ils privilégieraient afin

de constituer une épargne pour leurs enfants, les Français

plébiscitent les supports liés à l’immobilier ; ils citent pour

16 % l’achat de parts ou d’actions de SCPI, 47 % les PEL et

CEL, et 55 % l’investissement dans l’immobilier. Soit une

importante majorité qui, par-delà les années, vient corrobo-

rer les propos toujours d’actualité du président américain

Franklin D. Roosevelt : « L’immobilier ne peut pas être perdu

ou volé, et il ne peut pas être emporté. Acheté avec bon sens,

payé en totalité, et géré avec raison, il est le placement le plus

sûr du monde ».

Question 5 : Concernant la transmission du patrimoine à un enfant ou à un proche, de quelle attitude vous sentez-vous le plus proche ? Répartition des réponses en pourcentage(Source : Elabe 2017.)

Ce qu’il resteJuste ce qu’il fautLe plus possible

18-24 ans 25-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et +

29 %

24 %

45 %

33 %

28 %

38 %

36 %

29 %

35 %

42 %

30 %

28 %

48 %

30 %

22 %

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LA VEFA INVERSÉE, UN DISPOSITIF ORIGINAL AU SERVICE DES BAILLEURS SOCIAUX Par Matthieu Merlen, Responsable d’activités, Direction Conseil & Audit de Crédit Foncier Immobilier.

5

5.1 / LE CADRE LÉGISLATIF DE LA VEFA INVERSÉE OU VEFA À L’ENVERS

QU’EST-CE QUE LA VENTE EN ÉTAT FUTUR D’ACHÈVEMENT ?La vente en état futur d’achèvement (Vefa) est définie par

l’article 1601-3 du Code civil. C’est « le contrat par lequel

le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits

sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes.

Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur

au fur et à mesure de leur exécution ; l’acquéreur est tenu

d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux. Le

vendeur conserve les pouvoirs de maître de l’ouvrage jusqu’à

la réception des travaux ». Une opération de Vefa met donc

en scène un vendeur, propriétaire et maître d’ouvrage

d’un projet immobilier, et un (ou plusieurs) acquéreur(s)

qui deviendra(ont) propriétaire(s) de tout ou partie de la

construction au fur et à mesure de son édification. On est

ainsi en droit de s’interroger sur ce à quoi renvoie l’adjectif

« inversée » du dispositif objet de cet article.

LA VEFA INVERSÉE, UN DISPOSITIF À CONTRE-COURANTIl est possible que l’expression « Vefa inversée » ou « Vefa à l’envers » ait été imaginée en réaction, voire en oppo-sition, à la pratique relativement récente qui a vu de nombreux organismes HLM recourir à la Vefa pour

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

44

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produire des logements sociaux (1). Les organismes HLM

ne seraient donc plus cantonnés au rôle de « consomma-

teurs » de Vefa, mais deviendraient producteurs, en d’autres

termes promoteurs.

L’acquisition en Vefa a permis et permet encore aux orga-

nismes HLM de développer leur parc de logements sans

modifier profondément l’organisation de leurs équipes en

charge du développement. Grâce à elle, ils accompagnent

également les opérateurs privés dans le développement

d’opérations plus ou moins complexes, pour lesquelles les

plans locaux d’urbanisme imposent un pourcentage minimal

de logements sociaux.

Pour ce type d’opérations, mixant logements libres et logements sociaux, et avant les avancées des lois Alur et

Macron, le cadre réglementaire (le Code de la construction

et de l’habitation) interdisait aux organismes d’HLM d’en

être les développeurs, ceux-ci n’étant pas autorisés à vendre des logements à une personne privée.

L’ÉVOLUTION DU CADRE LÉGISLATIFLa loi Alur (24 mars 2014) autorise les organismes HLM, de manière expérimentale et pour une durée de cinq ans, à vendre à des opérateurs privés des logements libres fai-

sant partie, à titre accessoire, d’une opération principale de

construction de logements sociaux réalisés sur des terrains

acquis dans le cadre de la loi du 18 janvier 2013 relative à la

mobilisation du foncier public en faveur du logement et au ren-

forcement des obligations de production de logement social.

Cette disposition a modifié la rédaction de l’article L. 433-2

du CCH, qui a par la suite été amendé par la loi Macron

(6 août 2015). Celle-ci prévoit les dispositions suivantes :

« Un organisme d’habitations à loyer modéré peut également

(…) vendre des logements à une personne privée, dès lors

que ces logements font partie d’un programme de construc-

(1) « Un logement HLM sur quatre bâti en 2014 était issu de la promotion privée, selon une étude de la Caisse des dépôts (CDC) publiée en mai ». Extrait de l’article « Pourquoi les bailleurs sociaux vont bouder la Vefa » – Barbara Kiraly – Moniteur N° 5820 – Publié le 12/06/2015. « En Île-de-France – et dans les grandes agglomérations, la construction en Vefa représente autour d’un tiers de la production du logement social neuf » – Extrait de l’entretien avec Jean-Louis Dumont, président de l’USH – Management Immobilier – septembre 2014. « Le besoin de logement est tel que tout le monde a finalement accepté cette méthode. En zone tendue, elle nous permet de produire plus. Là où nous ne sommes pas encore implantés, de garder un œil sur la maîtrise d’ouvrage sans avoir besoin de dépêcher toute une équipe », détaille Pierre Paulot, le directeur de l’architecture, de l’aménagement et de l’environnement du groupe I3F. Extrait des Echos du 04/04/2013.

tion composé majoritairement de logements sociaux, dans la

limite de 30 % de ce programme. Ces logements sont réalisés

sur des terrains, bâtis ou non, ayant été acquis dans le cadre

des articles L. 3211-7 ou L. 3211-13-1 du code général de la

propriété des personnes publiques ou sur un terrain situé sur

le territoire des communes appartenant à une zone d’urbani-

sation continue de plus de 50 000 habitants, telle que définie à

l’article 232 du Code général des impôts. Cette vente est sou-

mise à l’autorisation du représentant de l’État dans le dépar-

tement du lieu de l’opération et subordonnée au respect, par

l’organisme d’habitations à loyer modéré, de critères prenant

notamment en compte la production et la rénovation de loge-

ments locatifs sociaux, tels que définis à l’article L. 445-1 du

présent Code. »

La loi Macron a donc supprimé le caractère expérimen-tal exposé dans la loi Alur, étendu le dispositif de la Vefa

inversée aux zones tendues, et l’a pérennisé (suppression

de la durée de cinq ans). Il peut être utile de revenir sur

quelques éléments de contexte qui aident à comprendre

l’essor de ce nouveau dispositif.

5.2 / UN CONTEXTE PROPICE À LA NAISSANCE DE CE DISPOSITIF

À l’heure où les acteurs de la promotion privée ont lar-

gement développé leur activité auprès des organismes

HLM, la naissance du dispositif de Vefa inversée ou Vefa à

l’envers, grâce auquel les organismes HLM sont à même de

percer le secteur du logement libre, peut apparaître comme

un juste retour des choses.

résidentiel 45

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LA MAÎTRISE D’OUVRAGE, UN TRONC COMMUN AUX BAILLEURS SOCIAUX ET AUX PROMOTEURSCela peut s’expliquer d’abord par ce qui relie les promo-

teurs immobiliers (vendeurs en état futur d’achèvement), qui

fabriquent des logements libres, et les équipes en charge du

développement des organismes HLM, qui construisent des

logements sociaux : ces deux types d’opérateurs ont le même

ADN, ils sont tous les deux développeur immobilier. Les

premiers exercent une activité commerciale, et bâtissent des

logements pour les vendre à une clientèle libre institution-

nelle ou de particuliers (en accession à la propriété et/ou en

investissement locatif). Les seconds, qui s’appuient sur un

système de financement spécifique, mêlant aides publiques,

prêts et fonds propres, cherchent à développer un parc

immobilier et à répondre à leur objectif principal, qui est

de fournir des logements sociaux accessibles à une clientèle

sociale. Mais chacun exerce le même métier : celui de maître d’ouvrage. En effet, qu’est-ce que la direction du

développement d’un organisme HLM, si ce n’est une struc-

ture de promotion spécialisée dans une typologie bien pré-

cise de produit : le logement social.

En outre, par leurs compétences et leurs savoir-faire, les

directions du développement des organismes HLM riva-lisent aujourd’hui avec les grandes structures de promo-tion. Leur pratique de la maîtrise d’ouvrage, à la différence

des promoteurs, est directement et régulièrement challengée

par les équipes en charge de la gestion et de l’exploitation de

leur patrimoine. Ces organismes ne construisant exclusive-

ment que pour exploiter, et pour de longues durées (supé-

rieures à 40 ans), ils sont en prise directe avec toutes les

problématiques d’exploitation et d’entretien-maintenance, et

adaptent leurs pratiques de maître d’ouvrage en conséquence

pour répondre à cette approche globale.

Même s’ils n’exploitent pas directement les ensembles qu’ils

bâtissent, les promoteurs sont tout de même confrontés à

ces problématiques d’exploitation et d’entretien-mainte-

nance, mais sous l’angle du service après-vente. Les promo-

teurs, eux, construisent pour vendre et doivent, pour cela,

connaître parfaitement le marché, la forme et les attentes

des futurs acquéreurs, du particulier à l’investisseur insti-

tutionnel. C’est précisément sur ces aspects que les orga-

nismes HLM doivent en priorité travailler s’ils veulent se

lancer dans la « Vefa inversée ».

Une autre réflexion, plus architecturale, peut être esquis-

sée pour expliquer l’essor de ce nouveau dispositif : la Vefa inversée a été imaginée dans une période où il était devenu difficile de distinguer à première vue l’immobi-lier résidentiel neuf social du secteur libre.

DES MARQUEURS ARCHITECTURAUX QUI TENDENT À DISPARAÎTRE ENTRE LOGEMENTS LIBRES ET LOGEMENTS SOCIAUXLes éléments architecturaux et urbains distinctifs, qui permet-

taient autrefois d’identifier rapidement la destination sociale

ou libre d’un programme résidentiel collectif, ont été progres-

sivement gommés entre les programmes neufs développés par

les promoteurs et ceux développés par les organismes HLM.

En effet, la production neuve de logements, qui est assez lar-

gement concentrée dans les zones d’aménagement concertée,

est soumise à des contraintes et prescriptions architecturales,

urbaines et paysagères définies par les aménageurs et leurs

partenaires (urbanistes, BET) lesquelles s’appliquent à tous

les opérateurs, sans exception, qu’ils réalisent des logements

sociaux ou libres, ce qui a pour conséquence de lisser la forme

et la qualité des produits architecturaux résultants.

Par ailleurs, pour les opérations résidentielles récentes pri-

vées développées en zones tendues, généralement situées

PAR LEURS COMPÉTENCES ET LEURS SAVOIR-FAIRE,

LES DIRECTIONS DU DÉVELOPPEMENT DES ORGANISMES HLM RIVALISENT AUJOURD’HUI AVEC LES GRANDES STRUCTURES DE PROMOTION.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

la vefa inversée, un dispositif originalau service des bailleurs sociaux

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résidentiel

en dents creuses, la loi SRU a imposé la destination sociale

à des produits immobiliers initialement conçus pour être

commercialisés exclusivement en libre. Pour ce type de

programme résidentiel, il est tout bonnement impossible

d’identifier les logements sociaux.

La Vefa inversée est ainsi née dans un contexte de rap-prochement des modèles architecturaux entre logement social et logement libre.Enfin, l’arrivée des premières opérations de Vefa inversée

comprenant un volet résidentiel libre ne doit pas occulter

les premières expériences réussies de certains organismes

HLM en matière de Vefa, agissant comme promoteurs.

LA VEFA À L’ENVERS, UN DISPOSITIF D’ORES ET DÉJÀ TESTÉ PAR LES BAILLEURSMême si « l’inversion » n’était pas évoquée, certains orga-

nismes HLM ont construit pour le compte d’autres bailleurs

ou de collectivités, en complément de leurs opérations, des

ouvrages vendus en état futur d’achèvement. Il faut citer

plusieurs opérations réalisées par ICF Habitat La Sablière

mêlant production de logements sociaux pour le compte de

plusieurs bailleurs, ou mixant logements sociaux et équipe-

ments publics.

◗ Le lot 6 du lotissement Rotonde Charolais (Paris 12e), livré en 2014, qui comprenait la réalisation au sein d’une opé-

ration totalisant plus de 300 logements sociaux, d’une crèche

de 66 berceaux vendue à la Ville de Paris.

◗ L’opération Delessert (Paris 10e), livrée en 2016, qui inté-

grait la réalisation d’un gymnase (vendu à la Ville de Paris) au

sein d’un ensemble de 69 logements sociaux.

◗ La résidence du quartier Pasteur (Le Blanc-Mesnil), livrée en 2013, qui totalise 76 logements sociaux sur deux

immeubles. Un immeuble a été vendu en Vefa à l’Esh Opievoy.

◗ Une résidence à Saint-Germain-en-Laye, en cours de

construction, mixant 50 logements sociaux et une résidence

étudiants de 100 chambres, vendue en Vefa au bailleur social

Domnis.

Pour ces opérations, l’organisme HLM a dû adapter sa pra-

tique de maître d’ouvrage en endossant le rôle de vendeur.

Ces opérations constituent les prémices de la Vefa inver-

sée résidentielle. Leur analyse pose les bases et les bonnes

pratiques en matière de gestion de projet incluant une Vefa

inversée.

5.3 / LA CONDUITE D’UN PROJET EN VEFA INVERSÉE

L es paramètres fondamentaux à définir pour une Vefa

inversée sont la quantité et la nature des logements libres qui y seront développés, leur mode de commercia-lisation et l’organisation fonctionnelle et technique avec

les logements sociaux.

Logements familiaux, Le Blanc-Mesnil (93)

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MIXITÉ SOCIALE MAIS AUTONOMIE FONCTIONNELLEUne opération incluant une Vefa inversée est une opéra-

tion de mixité sociale par excellence. L’organisme HLM

devra toutefois dès le début énoncer les principes géné-raux d’organisation de l’opération envisagée, et notam-

ment celui de prévoir dans la mesure du possible une étan-chéité et une autonomie maximales entre le volet social

et le volet libre, en prévision de la phase d’exploitation.

Une autonomie fonctionnelle totale pourra être recher-

chée (halls d’accès indépendants, accès indépendants au

sous-sol, raccordements aux réseaux propres à chaque

entité…), l’objectif étant, tant pour l’organisme social que

son (ou ses) partenaire(s) acquéreur(s) en Vefa, de limiter

au maximum les interfaces et le partage d’espaces, d’évi-

ter la mise en copropriété et d’organiser le futur ensemble

immobilier en volumes. Dans le cas où la configuration et/

ou les contraintes techniques ne se prêteraient pas à la réa-

lisation d’une division volumétrique, une grande attention

devra être portée à la mise en copropriété et à la rédac-

tion du règlement associé. Pour la bonne gestion future,

il devra être étudié la mise en place de syndicats secon-

daires destinés à optimiser la gestion et l’exploitation des

futurs ensembles, et à limiter au strict minimum les parties

communes.

Cette réflexion peut conduire à fixer une quantité minimale

de logements libres que devrait prévoir une opération en

Vefa inversée pour favoriser cette autonomie. Ce nombre

devrait se situer autour d’une vingtaine de logements

(une cage d’escalier, un bloc). Soit, par déduction, un

nombre total de logements (logements libres + logements

sociaux) d’environ 65. Mais ce volume de logements libres

doit également être analysé sous l’angle de leur commer-

cialisation.

LA VEFA INVERSÉE, POUR QUEL ACQUÉREUR ?Cela nous amène à poser les deux réflexions suivantes :

pour une opération qui prévoirait une commercialisation

à l’unité des logements libres, il ne semble pas y avoir de

nombre minimal global de logements à produire, hormis

les impératifs d’indépendance fonctionnelle souhaitable

évoqués ci-dessus. Si, par contre, on considère une opé-

ration destinée à être commercialisée auprès d’un ou plu-

sieurs investisseurs institutionnels, le volume minimal de

logements libres susceptibles de susciter un intérêt de la

part de ces acteurs dépendra de leur typologie. Si l’inté-

rêt des sociétés de type SCPI ou OPCI devrait se situer

à partir de 30 ou 40 logements, celui des grands inves-

tisseurs (assureurs) sera probablement pour un volume

dépassant la centaine de logements. Soit, par déduction,

par rapport au seuil maximal de 30 % que doivent repré-

senter les logements libres, des opérations globales (loge-

ments sociaux et logements libres) développant plus de

100 logements.

Ces raisonnements aident à mieux appréhender les tailles critiques globales d’opérations qui pourraient se prêter à une Vefa inversée : si l’on vise un produit à la découpe, le seuil devrait se situer autour de 65 logements. Si l’on vise un produit locatif libre, celui-ci devrait être autour de 100 logements.

Crèche Charolais, lot 6 du lotissement Rotonde Charolais, Paris 12e

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

la vefa inversée, un dispositif originalau service des bailleurs sociaux

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Il est maintenant nécessaire de se pencher sur les impacts

sur la maîtrise d’ouvrage, en termes d’organisation de

l’équipe projet, notamment, de ce nouveau type d’opéra-

tions.

IMPACT SUR LA MAÎTRISE D’OUVRAGESelon les dispositions de la loi Macron, les logements

libres pourront donc être soit des logements locatifs, cédés

en bloc à un investisseur, soit des logements en accession,

commercialisés à l’unité, soit un mix des deux. S’il peut être

admis que la plupart des organismes HLM seront en capa-

cité de réaliser, sans mobiliser de nouvelles ressources,

un bloc de logements libres et de le commercialiser à un

investisseur institutionnel (qui lui-même se chargera de la

commercialisation locative), il n’en sera pas de même en

cas de logements en accession, commercialisés auprès de

particuliers. L’organisme HLM ne pourra, sauf à s’associer

dès le démarrage du projet à des partenaires compétents

et spécialisés, assurer la réalisation et la commercialisation

à l’unité des logements libres. Cette problématique est tout aussi fondamentale que la nécessaire recherche d’autonomie maximale entre les volets social et libre d’une telle opération car elle conditionnera l’organi-sation générale de la maîtrise d’ouvrage d’un projet.Ces réflexions ont été clairement énoncées lors des débats

qui ont précédé la promulgation des lois Alur et Macron.

La loi n’a toutefois enfermé la Vefa inversée ni dans une

typologie particulière de logement, ni dans un type de com-

mercialisation.

D’autres innovations devront également être intégrées très

en amont par l’organisme HLM qui souhaite lancer une

opération incluant une Vefa inversée : l’organisme qui pra-

tique la Vefa inversée devra mettre en place une compta-bilité indépendante pour chaque volet, qui distinguera

les opérations relevant du service d’intérêt économique

général (logements sociaux) de celles qui n’en relèvent pas

(logements privés). Cette mesure, conforme à la législa-

tion européenne, doit faciliter le contrôle a posteriori par

l’Ancols. Une autre disposition inhérente aux opérateurs

intervenant est l’obligation de délivrer aux acquéreurs une

garantie financière d’achèvement (GFA). En effet, « la Vefa

fait peser sur l’acquéreur un risque puisque cet acte porte par

définition sur un bien qui n’existe pas (ou n’est pas encore

achevé) au moment de sa signature. Les dangers encourus

par l’acquéreur sont essentiellement un défaut d’achèvement

par le vendeur alors que le prix aurait été payé pour par-

tie, ou la livraison d’un bien non conforme aux prévisions

contractuelles, voire comportant des vices de construction.

C’est pour cette raison que la Vefa fait l’objet d’une réglemen-

tation spécifique et impérative pour les biens immobiliers à

usage d’habitation ou à usage d’habitation et professionnel

(on parle de “secteur protégé”) ». (2)

LA COMPLEXITÉ PROGRAMMATIQUE D’UNE OPÉRATION EN VEFA INVERSÉEUne fois les paramètres déterminants définis (organisation

générale, typologie de logements et mode de commercia-

lisation associé), l’organisme HLM devra établir la notice

programmatique de son projet, qui posera les fondamen-

taux attendus pour les logements libres et les logements

sociaux, à savoir : la granulométrie recherchée, les surfaces

(2) Source : www.notaires.paris-idf.fr.

LA VEFA FAIT L’OBJET D’UNE RÉGLEMENTATION SPÉCIFIQUE ET

IMPÉRATIVE POUR LES BIENS IMMOBILIERS À USAGE D’HABITATION OU À USAGE D’HABITATION ET PROFESSIONNEL.

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minimales et maximales par typologie, les fonctionnalités

et les niveaux de prestation attendus. Tous ces éléments

seront bien évidemment spécifiques et différents pour les

logements sociaux et les logements libres. En fonction du

stade auquel intervient le (ou les) acquéreur(s) des loge-

ments libres, la notice de programmation pourra être

enrichie ou adaptée de ses préconisations spécifiques, fonc-

tionnelles et/ou techniques.

5.4 / POUR QUELLES FINALITÉS ?

PROMOTION DE LA MAÎTRISE D’OUVRAGE HLMLa Vefa inversée sera possible en mobilisant les équipes des

organismes HLM rompues à la maîtrise d’ouvrage. C’est une

façon de valoriser leur travail et elle peut servir de vitrine

de leurs savoir-faire de maîtrise d’ouvrage, mais aussi les

confronter aux logiques des investisseurs de tout type. Inves-

tisseurs qui devraient par ailleurs être sensibles à l’approche

globale propre aux organismes HLM en matière de dévelop-

pement immobilier, gage de qualité et de durabilité.

Les organismes HLM pourraient également développer via

la Vefa inversée des produits résidentiels libres avec services

(résidences seniors et résidences étudiants), qui pourraient

correspondre à un besoin local. Cette typologie de produits,

présentant généralement des rendements plus élevés, serait

de nature à ouvrir le champ des investisseurs pour de telles

opérations.

OUTIL DE RÉGÉNÉRATION ET DE DENSIFICATION DU PATRIMOINELa Vefa inversée peut également être appréhendée comme

un outil au service d’opérations de régénération et de

densification du patrimoine des organismes HLM, lequel

apporterait des réponses ponctuelles à la problématique de

Résidence étudiants et logements familiaux, Saint Germain en Laye (78)

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

la vefa inversée, un dispositif originalau service des bailleurs sociaux

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l’accès de ces organismes au foncier dans les zones tendues

en procurant des ressources financières complémentaires.

L’opération menée actuellement par ICF Habitat La

Sablière aux Lilas, qui multiplie par deux le nombre de

logements sociaux moyennant la production d’une tren-

taine de logements libres, en est une illustration concrète.

UN OUTIL DE SYNERGIE POUR LES GRANDS OPÉRATEURS DE LOGEMENTS (SNI, ACTION LOGEMENT, ICF HABITAT…)Les grands opérateurs immobiliers spécialisés dans le loge-

ment dont le patrimoine est constitué à la fois de logements

sociaux et de logements libres (ICF Habitat, Action Loge-

ment, SNI) pourraient également trouver dans le méca-

nisme de la Vefa inversée un outil de synergie au service

du développement de leur patrimoine de logements libres.

En effet, chacun de ces opérateurs présente la particularité

de disposer de filiales ESH (entreprises sociales pour l’ha-

bitat) qui construisent et exploitent des logements sociaux,

et de filiales de logements libres. Le dispositif de la Vefa

inversée pourrait être utilisé pour mutualiser les équipes

de maîtrise d’ouvrage, aujourd’hui réparties dans chacune

des filiales, et développer des projets mixtes en termes de

destination.

UN OUTIL IDÉAL POUR LE REDÉVELOPPEMENT DE FONCIER COMPLEXE/STRATÉGIQUELe dispositif de la Vefa inversée paraît, enfin, très bien adapté au repositionnement, au redéveloppement et/ou à la restructuration de sites stratégiques de cœur de ville intégrant une majorité de logements sociaux. L’opération de restructuration de la caserne de Reuilly, dans

le 12e arrondissement de Paris, en est une bonne illustra-

tion. Pour cette opération, développée en parallèle des évo-

lutions législatives, le foncier a été vendu en 2013 par l’État

à la Ville de Paris, qui a fait intervenir son office public

d’HLM, Paris Habitat, en tant qu’opérateur global en charge

du redéveloppement du site. Le projet développe, sur un

terrain de 2 hectares, un programme de 580 logements envi-

ron, dont un bloc de 132 logements libres vendu en Vefa

inversée à la Caisse des dépôts et consignations. Via le mon-

tage en Vefa inversée, la restructuration et le redéveloppe-

ment du site ont été confiés à un opérateur unique public,

Paris Habitat, qui a bénéficié de recettes complémentaires

et a donc contracté moins d’emprunts. Avant les lois Alur

et Macron, un redéveloppement de la caserne de Reuilly

mixant logements libres et logements sociaux n’aurait été

possible qu’avec les montages suivants : soit en vendant à la

découpe l’ensemble immobilier, ce qui aurait impliqué des

opérations préalables de division foncière, soit en vendant

le tout à un opérateur privé, lui-même se chargeant par la

suite de revendre les logements sociaux en Vefa aux orga-

nismes HLM.

L’opération de la caserne de Reuilly, et plus largement

toutes les expériences de Vefa inversée des organismes

HLM, ont ouvert une nouvelle voie dans le développement

d’opérations stratégiques complexes, mixant logements

sociaux, libres et équipements. Une voie que pourraient par

exemple suivre certaines opérations lauréates de l’appel à

projets urbains innovants Réinventer Paris…

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

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n° 9

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TERTIAIRE

GECINA, POUR UN IMMOBILIER FLEXIBLE, RESPONSABLE ET INNOVANT EN VILLEpar Méka Brunel, Administratrice Directrice Générale de Gecina.

L’USAGE SERAIT-IL LE LEVIER DE L’ACCÉLÉRATION DE LA RÉNOVATION DES BUREAUX ?Par Sébastien Boussuge, Directeur Conseil & Audit, Crédit Foncier Immobilier, et Jeanne Frangié vice Présidente Gallileo Business Consulting.

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GECINA, POUR UN IMMOBILIER FLEXIBLE, RESPONSABLE ET INNOVANT EN VILLEPar Méka Brunel, Administratrice Directrice Générale de Gecina.

6

Espace du vivre-ensemble par excellence, la ville connaît

aujourd’hui de profondes transformations. Toutes ses

dimensions sont remises en jeu sous l’influence de la techno-

logie, des préoccupations environnementales ou des muta-

tions sociétales. Tous les usagers de la ville ressentent déjà

ces changements. La frontière entre travail, vie privée et

loisirs s’estompe. Ainsi, on peut préparer une réunion au

café, prendre soin de soi sur son lieu de travail, travailler

sur un projet chez soi. La vie professionnelle ressemble à

la vie tout court : hybride, agile, elle se joue des lieux et

des temporalités. Cette hybridation gagne le secteur immo-

bilier : les services que l’on trouvait jusqu’ici dans les hôtels

– conciergerie, salle de fitness, salle de séminaire, lieux de

restauration – figurent désormais au cahier des charges des

immeubles tertiaires. Les sites monofonctionnels ont vécu,

ils doivent se réinventer à l’aune d’un nouvel art de vivre

en ville.

Les bouleversements sociétaux, l’actuelle évolution des

modes de travail et de management impactent directement

la façon de concevoir les espaces de bureaux et donc d’ima-

giner les immeubles. L’enjeu est de savoir anticiper et réin-

venter en permanence l’immeuble dans sa conception et

son intégration dans la ville, mais aussi et surtout dans ses

usages. Quelle expérience offrir aux futurs utilisateurs de

ces espaces de travail ?

Le bureau reste un lieu fortement investi, qui suscite de

nombreuses attentes en matière de santé, de confort ou

encore de bien-être. La notion d’efficacité au travail est au

cœur des réflexions des entreprises et de leurs salariés.

Ces aspirations, partagées par toutes les générations, sont

particulièrement revendiquées par les millenials. Collabo-

rative, connectée, urbaine, cette nouvelle génération sou-

haite travailler dans un environnement qui lui ressemble

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

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et nourrit son équilibre. Selon une étude de CBRE Global

Millenials publiée en 2016, la tendance la plus prégnante

dans l’aménagement intérieur des bâtiments est celle qui

favorise le mouvement et la productivité. Pour cette géné-

ration, être performant, c’est aussi le bien-être au travail

et par exemple se nourrir sainement et pouvoir accéder à

des équipements de sport. Autre signe des temps : dans

un nombre croissant d’entreprises, les escaliers ne sont

plus considérés comme une alternative de dernier recours

à l’ascenseur quand ce dernier est en panne. Ils ne se

cachent plus et deviennent des lieux favorisant rencontres,

convivialité et exercice physique.

Afin d’apporter les meilleures réponses à ces questions

sociétales majeures, nous expérimentons des solutions nou-

velles pour offrir dans notre patrimoine des espaces inno-

vants en lien avec les attentes et aspirations de nos utilisa-

teurs actuels et futurs.

6.1 / PROPOSER UNE OFFRE COMPLÉMENTAIRE DE BUREAUX POUR RÉPONDRE À LA DEMANDE DE FLEXIBILITÉ DES SALARIÉS

L es changements profonds dans les modes de vie,

de consommation, de loisirs et dans les habitudes

de travail sont facilités par la révolution du numérique.

La manière d’utiliser les espaces de travail se transforme et

se diversifie face à la mobilité des salariés (siège, bureaux de

passage, domicile, tiers-lieux…). De nombreux salariés ont

besoin d’espaces de travail complémentaires, pour un dépla-

cement professionnel, rencontrer leurs clients, brainstor-

mer avec leurs équipes, ou tout simplement pour travailler

autrement. Par ailleurs, les nouveaux concepts d’intelligence

collective et les modes de travail collaboratifs transforment

l’organisation du travail et appellent à de nouveaux espaces,

adaptés à ces évolutions.

tertiaire

Au titre des expérimentations que nous menons actuelle-

ment sur notre parc immobilier, nous développons depuis

début avril Secondesk, une offre de tiers-lieux répondant

aux enjeux de flexibilité et de mobilité liés aux nouveaux

modes de travail. Cette offre est spécifiquement adaptée aux

salariés amenés à se déplacer en dehors de l’entreprise sur

un territoire parisien de plus en plus connecté. Secondesk

s’adresse notamment aux salariés des entreprises clientes

actuelles ou futures de Gecina, en proposant des espaces de

travail complémentaires du « premier » bureau. Cette solu-

tion innovante facilite la vie de ces salariés mobiles grâce à

une offre d’espaces à la demande, sans engagement, pour

travailler de quelques minutes à quelques heures ou plus.

Afin de concevoir cette nouvelle offre, Gecina a mené, en

amont, une série d’entretiens avec ses clients. Notre objec-

tif était de mieux comprendre leurs besoins et de préciser

leur appétence pour ce type d’offre. Avec Secondesk, Gecina

peut ainsi compléter son offre de bureaux et répondre aux

nouveaux besoins de ses clients. Nous avons déjà ouvert

deux adresses cette année l’une à Colombes dans les Hauts-

de-Seine, l’autre avenue de Villiers dans le 17e arrondisse-

ment de Paris. La force de Secondesk est de combiner des

espaces que ne proposent pas les sièges d’entreprise clas-

siques. Par exemple, le « workafé » est conçu pour conjuguer

Nouveaux espaces du siège de Gecina, Paris 2e.

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travail et détente. Il propose des espaces par demi-journée

ou par heure mais aussi des services tout au long de la jour-

née afin de faciliter la vie quotidienne, les échanges et le

confort des usagers. La « creative room » est un espace de

travail nouvelle génération créé pour favoriser l’émergence

des idées et le travail collaboratif. Modulable, il offre une

grande souplesse, tant en termes d’horaires que d’aména-

gement, allant du séminaire d’une demi-journée au projet

s’étendant sur plusieurs jours.

À noter, une application smartphone et un site Internet

dédiés permettent aux entreprises clientes de réserver leur

espace. Si le parcours client est entièrement digitalisé de la

réservation à l’accès aux espaces, des Welcome Managers

sont présents sur chaque site pour accueillir les utilisateurs.

Enfin, une offre de services à la carte est proposée sur place :

petit déjeuner, service traiteur, animation, privatisation des

espaces…

6.2 / EXPÉRIMENTER LES NOUVEAUX CONCEPTS D’AMÉNAGEMENT POUR RÉPONDRE AUX ENJEUX D’OPTIMISATION DES ESPACES

Dans la poursuite de notre démarche « test and learn »,

nous avons mis en place un nouveau concept de

bureau par l’usage au niveau du 3e étage de notre siège

social parisien. Cet espace permet de repenser l’organisation

du travail en conditions réelles et offre des pistes pour de

nouvelles pratiques managériales. Ce concept innovant de

bureaux mobiles, collaboratifs et flexibles a été imaginé avec

les collaborateurs au cours d’ateliers de coconstruction. Les

activités et tâches de chacun ont été étudiées afin de définir

les types d’espaces et d’organisation les plus propices. Sur

le plateau, il y a désormais une variété d’espaces adaptés

aux différents usages : espaces ouverts collaboratifs, salles

de réunion et de brainstorming, mais aussi cabines télépho-

niques isolées, bibliothèque, coin silence et même espace

de repos. On est passé de la notion de bureau individuel à

celle de position de travail, plus souple, capable de varier

dans une même journée et de répondre ainsi aux besoins de

flexibilité mais aussi de densification des entreprises. Les

résultats montrent que les collaborateurs se sont appro-

prié ces nouveaux lieux. Selon un sondage interne mené en

septembre 2016, 73 % d’entre eux changent régulièrement

de bureau et 80 % affirment avoir pris leurs marques dans

ce nouvel espace. Par ailleurs, 75 % des collaborateurs

constatent une meilleure cohésion d’équipe.

gecina, pour un immobilier flexible, responsable et innovant en ville

Secondesk, avenue de Villiers, Paris 17e.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

© J

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6.3 / REPENSER LA MIXITÉ DES LIEUX DE TRAVAIL

En tant qu’acteur engagé au cœur du Grand Paris et de la

ville de Lyon, Gecina développe, avec les collectivités

locales, une réflexion sur la mixité des usages en intégrant

dans ses projets de bureaux des commerces, mais aussi des

résidences pour étudiants, voire des crèches et même des

bibliothèques.

Parmi les projets que Gecina développe aujourd’hui,

deux illustrent particulièrement notre vision de la mixité

des usages. Le premier est Sky 56 à Lyon : cette tour de

14 étages qui renouvellera la skyline de la Part-Dieu com-

prendra des bureaux mais aussi des espaces de coworking,

une crèche, une bibliothèque, un commerce et un sky-bar

avec vue sur Lyon. Ces équipements répondent à une

volonté : ouvrir le bâtiment à la vie du quartier en créant

entre espace public et privé des espaces de convivialité, de

rencontre et d’échange avec les habitants. Le deuxième est

le projet Ibox, un immeuble de bureaux que nous dévelop-

pons à Paris en plein cœur du quartier de la gare de Lyon.

Outre des espaces multifonctionnels pouvant accueillir du

public, cet immeuble disposera, à sa livraison en 2018, du

seul rooftop avec bar à ciel ouvert du quartier. Accessible

par ascenseur direct pour ne pas gêner la circulation des

utilisateurs des espaces de travail, cette terrasse participera

activement à l’effervescence du quartier tout en offrant à

l’immeuble un potentiel d’attractivité exceptionnel.

Dans cette même logique d’ouverture, nous avons lancé

avec la start-up OPnGO une offre de parkings partagés. En

proposant à terme une offre de plus d’un millier de places

de parking au sein de son patrimoine, Gecina répond à la

raréfaction grandissante des places de stationnement dans

les grandes villes tout en simplifiant la vie des automobi-

listes parisiens.

tertiaire

Projet Ibox, Paris gare de Lyon.

© J

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6.4/ LE BIEN-ÊTRE DES SALARIÉS AU CŒUR DE L’ÉVOLUTION DES ESPACES

Gecina a intégré sa démarche RSE au cœur de sa dyna-

mique de progrès et d’innovation. Cette approche a

pour objectif de répondre aux enjeux sociétaux avec des

immeubles et des services durables et responsables, asso-

ciant l’ensemble de ses parties prenantes.

Pour mieux anticiper les bouleversements sociaux et envi-

ronnementaux qui nous attendent, nous poursuivons acti-

vement notre réflexion sur l’innovation, réinterrogeant

sans cesse les thématiques du bureau, notamment autour

des enjeux de mobilité, de flexibilité, des nouveaux usages,

du bien-être et de la qualité de vie au travail. Convain-

cus que le bien-être a un réel impact sur la motivation des

salariés, et par conséquent sur les performances de l’entre-

prise, nous plaçons l’utilisateur et l’humain au cœur nos

préoccupations quotidiennes.

Nous avons ainsi été la première foncière à tester le label

Well sur l’un de nos projets de restructuration à Paris.

Ce  label d’origine américaine est centré sur la santé et

le bien-être de l’utilisateur du bâtiment en se basant sur

sept critères : air, eau, nourriture, lumière, fitness, confort,

esprit. Il constitue une nouvelle référence en matière d’im-

mobilier de grande qualité. Gecina s’est ainsi engagée dans

une démarche de labellisation Well pour son immeuble du

55 rue d’Amsterdam. Souhaitant rompre avec les standards

actuels, l’immeuble qui peut accueillir 850 personnes a

été repensé pour privilégier la qualité de vie au travail et

anticiper les attentes des utilisateurs. Il associe aux per-

formances techniques une gamme de services dédiés à la

vie au bureau et multiplie les initiatives qui contribuent à

l’épanouissement personnel et professionnel des équipes,

dans la logique des labels Well et BiodiverCity.

Conçu par les architectes Naud & Poux, sa restructuration

a été l’occasion de revenir aux fondamentaux : retrouver un

rez-de-chaussée de plain-pied, dégager des espaces verts

en continuité des espaces collectifs, offrir une séquence

escalier/ascenseur unique et centrale et inviter la lumière

à entrer partout. Elle initie également de nouveaux usages

grâce à un hall traversant qui affiche un parcours d’accueil

innovant et une galerie ouverte sur deux niveaux : l’Art

Gallery, qui accueille une œuvre d’art contemporaine créée

par l’artiste Jan Kaláb. Cette démarche innovante de pro-

motion de l’art dans les immeubles concrétise les engage-

ments que nous avons pris dans le cadre de la charte « Un

immeuble, Une œuvre ».

6.5 / MESURER ET RÉDUIRE L’EMPREINTE DES IMMEUBLES

L e bâtiment responsable est le moteur de l’ambition de

Gecina qui s’attache à améliorer sans cesse l’impact

carbone de ses immeubles. Son patrimoine est le reflet de

ces engagements pionniers avec l’objectif de réduire de

60 % son empreinte carbone d’ici 2030. C’est une approche

volontariste choisie par Gecina pour limiter son impact

sur le changement climatique et inscrire son action dans

la perspective des engagements nationaux tels que la loi

relative à la transition énergétique pour la croissance verte

et la stratégie nationale bas carbone.

NOTRE AMBITION EST DE DÉVELOPPER UN IMMOBILIER

RESPONSABLE : UN PATRIMOINE PERFORMANT, ÉCONOME, À LA POINTE DES USAGES ET CONFORME AUX MEILLEURS STANDARDS ENVIRONNEMENTAUX.

gecina, pour un immobilier flexible, responsable et innovant en ville

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

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Ces éléments confirment notre ambition de développer un

immobilier responsable : un patrimoine performant, éco-

nome, à la pointe des usages et conforme aux meilleurs

standards environnementaux. Nous sommes ainsi particu-

lièrement fiers d’avoir livré à Lyon notre premier immeuble

labellisé BBCA (Bâtiment Bas Carbone). L’une des spéci-

ficités de ce projet dénommé « Grande Halle », combinant

restructuration d’anciennes halles et construction neuve,

aura été le recours massif au bois : une ossature bois et des

planchers bois/béton pour la halle, et une façade manteau

bois pour les bâtiments neufs. Afin de limiter davantage les

impacts environnementaux de l’ossature bois, ce dernier

est issu d’une forêt écogérée, certifiée FSC ou PEFC, sans

traitement ou traité avec un produit certifié. Par ailleurs,

nous entamons, à Issy-les-Moulineaux, la construction d’un

immeuble BEPOS. Il s’agit d’un immeuble à énergie posi-

tive grâce à la conception bioclimatique optimisée et à l’uti-

lisation des énergies renouvelables comme la géothermie

et le photovoltaïque.

Avec ces opérations, Gecina s’affirme comme un acteur

résolument impliqué dans la lutte contre les dérèglements

climatiques. Par l’ampleur de son patrimoine et de son por-

tefeuille de projets, Gecina contribue à rendre la ville plus

attractive, séduisante, facile à vivre, au cœur des nouveaux

usages. Une ville à vivre autrement.

tertiaire

SKY 56, Lyon Part-Dieu.

© A

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orel

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L’USAGE SERAIT-IL LE LEVIER DE L’ACCÉLÉRATION DE LA RÉNOVATION DES BUREAUX ? Par Sébastien Boussuge, Directeur Conseil & Audit, Crédit Foncier Immobilier, et Jeanne Frangié vice Présidente Gallileo Business Consulting.

7

L e Crédit Foncier Immobilier et le cabinet de conseil

Gallileo ont mené une étude (1) sur les pratiques en

matière de rénovation sur la place parisienne. Trente-sept

asset managers et 12 directeurs immobiliers de grands

groupes ont été interrogés. Il s’agissait de connaître leurs

pratiques en matière de rénovation et les tendances pou-

vant impacter ces pratiques. Face à l’émergence et à la

généralisation du flex, il apparaît que les professionnels

sont à la recherche de méthodes nouvelles d’accompagne-

ment au changement. Les pratiques plus orientées vers

l’économie de services ne touchent pas encore l’amont des

(1) Étude menée en octobre 2016 et février 2017 commanditée par ENGIE, référent Paulo Cameijo, Directeur de marché – aménagement, bâtiment.

opérations de rénovation, mais pourraient offrir un intérêt,

sous certaines conditions.

7.1 / LES OPÉRATIONS DE RÉNOVATION MOTIVÉES PAR DES CRITÈRES ÉCONOMIQUES ET TECHNIQUES…

Ce qu’a montré l’écoute des professionnels du mar-

ché, c’est que les opérations de rénovation sont bien

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

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rodées. L’allotissement permet d’orchestrer une succession

de savoir-faire, de la conception à la réalisation. Interrogés

sur les critères de choix des opérations de rénovation, les

professionnels indiquent prioritairement des critères écono-

miques et techniques. Économiques, on aurait pu l’anticiper :

pour faciliter une mise sur le marché ou une augmentation

de loyer, ou lorsque les dépenses de réparation au mètre

carré tutoient les coûts d’une rénovation complète… Ce qui

est plus étonnant, c’est que les critères techniques occupent

la première ou la deuxième place en fonction des indivi-

dus interrogés, devant les critères sociologiques, architec-

turaux…

7.2 / … QUI AGISSENT COMME MESURE DE LA MODERNITÉ D’UN ACTIF

L es facteurs explicatifs sont de plusieurs natures.

D’abord, les aspects techniques traduisent sou-

vent les exigences réglementaires. Ensuite, et surtout, les

choix techniques sont traités prioritairement car jugés les

« plus visibles » comme indicateurs de mesure factuels de

la modernité de l’immeuble. Enfin, et c’est assez intéres-

sant, les critères techniques sont utilisés comme critères de

conversion des adaptations sociologiques des immeubles de

bureaux. Adapter les immeubles aux attentes du preneur,

tertiaire

ASSET MANAGERS

TECHNIQUE

ÉCONOMIQUE4,6

4,1

3,8

1

DIRECTIONS IMMOBILIÈRES

TECHNIQUE

ÉCONOMIQUE4,7

4,2

1,5

ASSET MANAGERS❑ D’abord technique

❑ Puis économique et réglementaire

DIRECTIONS IMMOBILIÈRES❑ D’abord économique

❑ Puis technique et sociologique

La modernité technique est un criète majeur de rénovation : elle est plus factuelle et « universelle » que celle de l’architecture.

1,92,5

5,1TERRITORIAL

ARCHITECTURAL

SOCIOLOGIQUE

RÉGLEMENTAIRE

3,2

3,1

Figure 1 : Hiérarchisation des domaines d’obsolescence lors d’une opération de rénovation(Sources : Crédit Foncier Immobilier et Gallileo.)

ADAPTER LES IMMEUBLES AUX ATTENTES DU PRENEUR,

À SON ORGANISATION ET AUX ÉVOLUTIONS SOCIOLOGIQUES SE TRADUIT PAR LA RECHERCHE DE « MODULARITÉ ».

RÉGLEMENTAIREARCHITECTURAL

SOCIOLOGIQUE

TERRITORIAL

61

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à son organisation et aux évolutions sociologiques se tra-

duit par la recherche de « modularité » pour l’asset mana-

ger. Or, la modularité est traduite par la prise de mesures

dites « conservatoires » : surdimensionner les installations et

les capacités techniques pour s’assurer de l’adaptabilité aux

différentes configurations possibles du preneur. De même,

une direction immobilière se pose les questions sur un plan

technique lors d’une opération menant à une nouvelle orga-

nisation de l’espace de travail. Est-ce que techniquement les

débits d’air sont adaptés à cette reconfiguration ? Est-ce que

les installations techniques de l’immeuble permettent cette

agilité organisationnelle ? Les questions techniques sont à la

fois étalon de mesure de la modernité, du niveau de « mise

à jour » de l’immeuble (et de la conformité réglementaire)

et critères de questionnement de l’adaptabilité sociologique

d’un bien. Ils sont ainsi au centre des critères de choix des

rénovations aux côtés des critères économiques.

7.3 / LES ÉVOLUTIONS SOCIOLOGIQUES ACCÉLÈRENT LES CHANGEMENTS…

Il est intéressant d’étudier la place des critères socio-

logiques : ils arrivent en troisième position dans les

critères de choix d’une rénovation pour les directeurs

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

l’usage serait-il le levier de l’accélération de la rénovation des bureaux ?

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immobiliers. Pourtant, ils sont bien reconnus au cœur

de la mission stratégique de la direction immobilière, au

moins au même niveau que la mission de pilotage écono-

mique. Pour ces derniers, l’adaptabilité de l’immeuble est

formulée sous le terme « agilité » et non « modularité »

ou « mesures compensatoires » comme vu précédemment

pour les asset managers. Pour le directeur immobilier,

l’agilité est la traduction de sa capacité à faire le lien entre

l’occupation de l’espace et la stratégie de l’entreprise. C’est

très stratégique, mais la méthode et la mesure restent en

phase d’essai.

Aujourd’hui, refléter la stratégie des groupes, c’est favori-

ser une plus grande transversalité, et l’agilité des espaces

collaboratifs – réservés ou spontanés, – dans lesquels les

rencontres sur des temps improductifs peuvent devenir

productives au travers de cette transversalité. Si la confi-

guration des espaces en flex, « bureaux dynamiques » ou

autres appellations, est une attente généralisée des occu-

pants, la mise à disposition des bureaux à la demande,

en mode « services » aux occupants, ne s’est pas encore

déployée pleinement. Le fait que les critères sociologiques

soient à cette troisième place renvoie à la faible maturité

du retour d’expérience sur les pratiques : quels indicateurs

de performance, quels bénéfices et surtout quelle mesure

économique ?

tertiaire

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7.4 / … ET SUPPOSENT DE DÉVELOPPER DES CRITÈRES OBJECTIFS

Ainsi, même si les pratiques sont très bien rodées et que

la conduite d’une opération de rénovation ne semble

pas poser de problème, les aspects sociologiques prégnants

n’ont pas encore trouvé leur terrain de traduction autrement

que dans les critères de choix techniques auxquels ils ren-

voient.

Pourtant, si l’on ne parle que d’un point de vue technique,

si la mode du flex perdure, et c’est ce qui semble poindre,

les travaux n’en seront que simplifiés. Car le principe du

« plug and play », c’est que tout est déjà décloisonné et

anticipé pour faciliter cette flexibilité. Et ce qui apparaît,

en poussant la réflexion, c’est que moderniser un bâtiment

lors d’une rénovation n’est pas qu’une affaire de travaux

avec un bon cahier des charges technique… On le voit avec

WeWork, TheBureau… l’approche esthétique, le bien-être

et « l’art de travailler en communauté » redéfinissent les

référentiels esthétiques et collaboratifs. Il s’agit pour les

espaces de bureaux de remplacer leur fonction servicielle

et expériencielle, pour prendre des termes empruntés à la

nouvelle économie.

Or, ces dimensions impliquent de nouveaux instruments de

performance et un nouveau cadre de travail, en particulier

des approches contractuelles nouvelles.

7.5 / FLEXIBILISER LE CADRE DES PRATIQUES

Avant d’évoquer ce point, il serait bon de s’interro-ger sur la pertinence de la réflexion. Ne cherche-

t-on pas trop à parler d’ubérisation de l’immobilier de

bureaux ? Nous ne le croyons pas. Car d’abord, aux côtés

des transports, c’est l’immobilier, dans sa vocation rési-

dentielle, qui a aussi été touché en premier (AirBnB). Se

poser la question sur le tertiaire immobilier est pleinement

légitime. Ensuite, la variabilisation des coûts est en train

de se renforcer de manière médiatisée avec des modèles

comme WeWork, et le flex généralisé offre un potentiel de

mise à disposition/sous-location d’espaces non utilisés que

certaines entreprises occupantes explorent déjà, même si

elles le font davantage aujourd’hui dans une vocation de

« rayonnement » auprès de startups (ex. : IBM) ou auprès

d’un quartier, dans une logique gracieuse, que dans une

logique économique (ex. : Engie qui libère la Tour T2 à La

Défense ou Atos & Nexity Blue Office à Bezons).

Les marchés touchés par l’ubérisation sont souvent histo-

riques, rigides (ici, les baux 3-6-9) et déstabilisés par une

offre qui crée de la demande. Ce que nous disons, c’est

que les acteurs de l’immobilier adaptent leurs propres

surfaces pour accueillir pour leurs propres occupants/

collaborateurs un modèle serviciel « de l’intérieur »,

sans pousser cette flexibilité au-delà de cette première

frontière interne. Uber a déstabilisé les taxis, mais a

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

l’usage serait-il le levier de l’accélération de la rénovation des bureaux ?

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augmenté en volume et en valeur le marché des déplace-

ments urbains par VTC. Une étude (2) récente lancée par

l’Ademe montre même que certains citadins ont renoncé

à l’achat d’une voiture grâce à Uber.

Nous pensons que les acteurs « classiques » de l’immobi-

lier pourraient être les initiateurs d’un modèle davantage

orienté vers le service et ainsi créer de la valeur plutôt

que le subir.

ET SI LA FLEXIBILITÉ ET L’IMPORTANCE DES USAGES AGISSAIT SUR LES MODÈLES DE GESTION ?Au-delà des effets physiques (surfaces, espaces…) induits

par les nouveaux modes de travail, la modularité et la flexi-

bilité peuvent également avoir une incidence sur le mode

juridique d’occupation des locaux et sur les habitudes de

gestion des espaces de bureaux.

7.6 / DE LA FLEXIBILITÉ PHYSIQUE À LA FLEXIBILITÉ DES CONTRATS

Du point de vue des utilisateurs, nous avons vu que

la flexibilité était essentielle, à savoir adapter l’im-

meuble aux process de travail. En somme, l’utilisateur suit

un mouvement général de notre société, ne souhaitant plus

être engagé au-delà de ses besoins immédiats. L’un des

(2) Étude sur les différentes formes de services de véhicules de transport avec chauffeur (VTC) du point de vue de l’organisation des services et des usages, Ademe, juin 2016.

premiers effets de l’ubérisation de l’économie réside dans

cet axiome : je veux bénéficier d’un service le temps stric-

tement nécessaire et ne plus m’engager sur des périodes

longues. Les opérateurs économiques sont des consomma-

teurs comme les autres et demandent la même réactivité

et la même souplesse.

En matière tertiaire, trois domaines peuvent concentrer le

besoin de flexibilité :

◗celui de la durée ;

◗celui des surfaces ;

◗celui du niveau de service.

Il s’agit bien de trois éléments primordiaux aux yeux des

propriétaires pour leur stratégie et la sécurisation de leurs

revenus. La flexibilité ramenée au cadre juridique aurait un

impact évident sur la lisibilité de leurs revenus. Pour autant,

des pratiques vont dans le sens d’une souplesse contrac-

tuelle.

◗ En matière de flexibilité des espaces, entendue ici comme

la libération d’espaces (et donc un processus continu d’opti-

misation de l’occupation) : l’outil existe, il s’agit de favori-

ser la sous-location et d’en libérer les pratiques pour les

preneurs (assumant les charges et efforts induits). Mais on

peut imaginer une synergie entre propriétaire et preneur

pour favoriser cette sous-location (pratique de recherche de

successeur, partage des économies, affectation d’espaces de

coworking ouverts, etc.).

◗ Sur la flexibilité de la durée : cela revient à interroger la

question de la durée ferme des engagements. Les textes pré-

paratoires aux dispositions de la loi Pinel avaient envisagé

d’empêcher les durées fermes pour revenir au congé triennal

puis l’autoriser pour les locaux à usage exclusif de bureaux

(les propriétaires ayant relayé leur inquiétude et besoin de

sécurité) L’évolution des comportements aura peut-être

pour effet d’introduire une certaine souplesse dans l’enga-

gement temporel. S’il est peu probable que cela aboutisse à

NE CHERCHE-T-ON PAS TROP À PARLER D’UBÉRISATION

DE L’IMMOBILIER DE BUREAUX ?

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une liberté totale, c’est-à-dire une faculté de résiliation dans

un court délai, en revanche, des tempéraments pourraient

être envisagés dans le cadre de négociations : limités à cer-

tains espaces ou proportions, par exemple (ils existent déjà

lorsque l’on raisonne à l’échelle d’un patrimoine important).

Au fond, poussée à son extrême, la flexibilité des espaces

répondant à un besoin pourrait aboutir à une gestion hôte-

lière des espaces de bureaux.

◗ Sur la flexibilité des cadres contractuels du service : cela

revient à permettre un cadre élargi des engagements de per-

formance. La clé sera de construire un business case de la

performance qui va au-delà des critères directement écono-

miques. Comment contractualiser sur le bien-être, la satis-

faction, l’usage et le confort ?

7.7 / ACCOMPAGNER LA DYNAMIQUE DE LA GESTION HÔTELIÈRE

À proprement parler, la gestion hôtelière des espaces de

bureaux existe déjà, par exemple les incubateurs ou

pépinières d’entreprises, les centres d’affaires, les espaces

de coworking (Nextdoor, WeWork).

Ce qui pourrait s’amplifier, c’est…

1 – L’incitation à densifier et l’importance prise par certains

espaces dans des immeubles de bureaux (notamment la mul-

tiplication des besoins de salle de réunion) : la technologie

rend possible la valorisation et la gestion de l’occupation.

2 – L’immixtion du phénomène pour les espaces libérés

dans le cadre d’une flexibilité de surface ou de durée (ou

conjointe) ; ce serait une alternative à la sous-location (per-

tinente parfois, selon les besoins).

3 – L’importance prise par certains espaces dans des

immeubles de bureaux (notamment la multiplication des

besoins de salle de réunion), qui supposent une valorisation

et une gestion de l’occupation (rendue possible par la tech-

nologie).

En somme, nous pourrions passer d’une logique de cash-

flow selon un modèle de sécurisation des flux à une gestion

du remplissage. Dans tous les cas, ce phénomène conduit

d’ores et déjà à trouver une fonction plus valorisante à

des espaces moins « standard » en terme d’usage tertiaire.

Cette tendance à la flexibilité trouvera donc certainement

un relais de croissance dans l’accompagnement du client et

la logique servicielle, avec peut-être des engagements à la

performance.

LA FLEXIBILITÉ OUVRE LE CHAMP À UNE GESTION HÔTELIÈRE

DES ESPACES DE BUREAUX.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

l’usage serait-il le levier de l’accélération de la rénovation des bureaux ?

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LES PROJETS D’AVENIRCEUX QUI PARTICIPENT AUDÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES,ceux qui naissent de la volonté conjuguée des investisseurs, des acteurs de l’immobilier social et des collectivités territoriales.

Ces projets se réalisent et le Crédit Foncier y prend part. Chaque jour, et depuis 160 ans.

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NUMÉRIQUE & IMMOBILIER

LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET LE MARCHÉ DU LOGEMENTPar Bernard Vorms, Président du Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilières.

LA RÉVOLUTION AIRBNBPar Nicolas Tarnaud, Frics, Économiste, Professeur, Directeur du MBA Immobilier International à Financia Business School, Chercheur associé au Larefi, Université de Bordeaux.

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LA PART DES VENTES RÉALISÉES PAR L’INTERMÉDIAIRE DES

AGENTS IMMOBILIERS N’A PAS DIMINUÉ DEPUIS LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE, APRÈS AVOIR BEAUCOUP AUGMENTÉ JUSQU’AU MILIEU DES ANNÉES 2000.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET LE MARCHÉ DU LOGEMENTPar Bernard Vorms, Président du Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilières.

8

L a révolution numérique transforme l’économie

générale du marché du logement. De nouveaux usages

du logement apparaissent, de nouveaux acteurs émergent

et viennent bouleverser tant le jeu concurrentiel que les

modalités d’intervention de l’État. C’est le cas pour ce

qui concerne le marché des transactions immobilières.

Désormais, toute recherche d’un logement, à l’achat ou à la

location, commence sur Internet. Les portails d’annonces

facilitent la rencontre entre l’offre et la demande et

fournissent immédiatement de nombreuses informations ;

les logiciels d’estimation des prix et des loyers fondés sur

l’observation systématique des transactions progressent

régulièrement, comme les modalités de présentation

« virtuelle » des logements. Dans quelle mesure tout cela

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remet-il en cause les méthodes de travail et surtout la

situation des principaux acteurs de ce marché, et notamment

des agents immobiliers ?

8.1 / UN SECTEUR QUI N’EST PAS REMIS EN CAUSE PAR LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE…

Un tour d’horizon international prouve qu’à la différence

d’autres activités de service (comme les agences de voyages

ou les courtiers en valeurs mobilières), les professionnels

en place n’ont pas été marginalisés. La part des ventes

réalisées par l’intermédiaire des agents immobiliers n’a

pas diminué depuis la révolution numérique, après avoir

beaucoup augmenté jusqu’au milieu des années 2000. Seul le

rôle des agents immobiliers dans les transactions locatives

semble marquer le pas, a fortiori pour ce qui concerne

les locations de courte durée, mais dans ce dernier cas, il

s’agit d’un nouveau marché né avec le développement des

plates-formes de l’économie collaborative, comme AirBnB.

Ce phénomène s’observe dans tous les pays, alors même que

l’économie générale des systèmes – c’est-à-dire leur cadre

réglementaire, le poids des organisations professionnelles,

leurs conditions d’intervention et la nature des mandats –

diffère profondément dans chacun d’entre eux.

8.2 / … MAIS QUI ÉVOLUE EN PROFONDEUR

Pourtant, partout de nouveaux acteurs sont bien apparus.

Les portails d’annonces ont pris une place considérable,

mais seuls ont réussi, pour le moment, ceux qui se sont

insérés dans les processus de vente sans se substituer aux

agents traditionnels et sans parvenir à les vassaliser. De

leur côté, les professionnels se sont approprié les outils

numériques pour améliorer leurs offres de service et se

sont entendus pour mettre en place leurs propres portails

afin d’essayer de limiter leur dépendance à l’égard des

nouveaux acteurs et la part de la valeur ajoutée que

ceux-ci prélèvent. C’est notamment le cas en France avec

Bienici. En outre, aucun intervenant n’occupe encore chez

nous la place qui est celle de ceux que l’on appelle les

« agrégateurs » aux États-Unis. La puissance d’une société

comme Zillow provient de ce qu’elle a réussi à gagner

une place dominante dans la réunion et l’exploitation des

données sur le parc de logements. Ces données portent sur

les caractéristiques détaillées des logements, l’évolution de

leur prix et/ou de leur loyer et le contexte dans lequel ils se

situent ; elles vont bien au-delà de ce qui est disponible en

France. À l’origine, ces agrégateurs ont bâti leur système

en prenant appui sur les offres collectées par les agents

immobiliers. Certains de ces derniers voudraient faire

marche arrière et reprendre le contrôle de données qu’ils

estiment leur appartenir, mais la place prise par Zillow leur

interdit de le faire. La situation française est différente.

D’abord, parce que le modèle économique des organismes

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ciaux ; ils leur fournissent un appui technique et, surtout,

la possibilité juridique d’intervenir dans les transactions.

Il faut noter que l’apparition de ces nouveaux acteurs s’est

faite dans le strict respect du cadre réglementaire de la loi

Hoguet.

8.4 / DES BÉNÉFICES ÉCONOMIQUES QUI N’IMPACTENT PAS ENCORE LES CONSOMMATEURS

Plus décevant, nulle part les économies rendues possibles

par les nouvelles technologies n’ont été répercutées sur

le consommateur. Les frais d’agence, qui vont du simple

au triple ou au quadruple (1) selon les pays pour un ser-

vice sensiblement équivalent, ne se sont pas réduits mal-

gré l’émergence d’offres à bas prix. De la même façon,

ces frais sont identiques quel que soit le niveau de cherté

des marchés. C’est que le nombre de transactions que

traite chaque agent commercial (et non chaque agent

immobilier) varie considérablement selon les pays, et ni

les nouvelles technologies ni l’intervention de nouveaux

acteurs n’ont modifié cet état de fait. Selon une étude

de l’université de San Diego, un agent commercial amé-

ricain ferait sept transactions par an contre 40 pour un

agent commercial britannique. On estime que la pratique

française s’établirait autour de 12 transactions annuelles.

Une chose est certaine : la concurrence ne se joue pas vrai-

ment sur le niveau des honoraires.

À ce jour, en tout cas, la disruption n’a donc pas eu lieu, ou

pas encore. Mais l’histoire n’est pas achevée. Les modèles

d’affaires innovants ne manquent pas, même si la plupart

ne semblent pas encore parvenus au stade de la rentabilité.

(1) Source : Royaume-Uni 1 à 2 %, Singapour 1,5 à 2 %, Pays-Bas 1,5 à 2 %, Australie 2 à %, Belgique 3 %, Allemagne 3 à 6 %.

comme Seloger.com ou Leboncoin.fr est encore très

différent de celui de Zillow et qu’il n’existe pas d’outil de

centralisation et de mise en commun des offres équivalent

à ce que sont les multiple listing systems aux États-Unis.

L’Amepi s’attache depuis peu à mettre au point un système

de MLS (multiple listing systems) français, lequel existe

déjà aux États-Unis depuis 80 ans. En outre, il se heurte à

la faible part (entre 20 et 30 %) des mandats exclusifs, alors

que c’est la pratique générale aux États-Unis. Ensuite,

parce que la loi assure aux notaires le contrôle des données

sur les prix, même si elle prévoit également que celles-ci

soient désormais librement accessibles.

8.3 / LES DÉRIVES POSSIBLES D’UNE « UBÉRISATION » À L’EXTRÊME

En France, d’autres nouveaux acteurs, improprement

appelés « réseaux de mandataires », ont tiré profit de la

révolution numérique pour distendre le lien entre l’agence

et l’agent commercial, portant ainsi à l’extrême l’externali-

sation des fonctions commerciales et facilitant par la même

l’accès à la profession de nombreux agents commerciaux

dont le service se limite à l’entremise. Il s’agit d’une forme

d’ubérisation extrême. En effet, à la différence d’Uber, qui

procure les courses aux chauffeurs, les réseaux de man-

dataires n’apportent aucun mandat aux agents commer-

LA MAÎTRISE DES DONNÉES CONCERNANT LES LOGEMENTS

CONSTITUE DÉSORMAIS L’ENJEU FONDAMENTAL.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

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Aux États-Unis et plus encore au Royaume-Uni, des

offres à prix réduit tentent d’émerger. Au Royaume-Uni,

les agences en ligne représenteraient aujourd’hui 5 % du

marché, une part faible mais qui aurait doublé en deux ans.

La transposition de certains de ces modèles se heurterait

en France à la loi Hoguet, qui subordonne toute perception

d’honoraires par l’agent immobilier à la réalisation de

la vente. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, les

agences en ligne qui réussissent le mieux s’appuient bien

sur des agents implantés localement pour réaliser un

certain nombre de tâches. La disparition de l’agent n’est

donc pas à l’ordre du jour, d’autant moins que la vente de

particulier à particulier ne semble pas progresser. Il est

encore trop tôt pour savoir quelle part de marché ces offres

à prix réduits réussiront à capter et dans quelle mesure ces

nouveaux modèles d’affaires parviendront à trouver leur

équilibre financier.

8.5 / LA MAÎTRISE DES DONNÉES, UN DÉFI À RELEVER

La maîtrise des données concernant les logements constitue

désormais l’enjeu fondamental. À plus long terme, il est

possible que le paysage professionnel s’ordonne autour de

celui qui aura su s’assurer de leur maîtrise. Avec l’Internet

des objets, la compétition pour les données change de

dimension ; elle repose sur le croisement d’informations

de toutes sortes, notamment de comportement, et sur leur

accumulation privative à des fins commerciales. Il s’agit là

d’un enjeu de liberté publique qui dépasse le cadre de ce

rapport. Reste que le plus grand défi, pour la collectivité,

qui n’est pas propre au monde du logement, tient à l’écart

croissant qui existe entre les diverses dispositions de

protection, notamment de protection de la vie privée, et

les possibilités de profilage offertes par ce que l’on appelle

le big data.

Cf. le rapport complet « La révolution numérique et le marché du logement » de Pierre-Yves Cusset et Bernard Vorms, consultable sur le site de France Stratégie : http://www.strategie.gouv.fr/publications/revolution-numerique-marche-logement.

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

LA RÉVOLUTION AIRBNBPar Nicolas Tarnaud, FRICS, Économiste, Professeur, Directeur du MBA Immobilier International à Financia Business School, Chercheur associé au Larefi, Université de Bordeaux.

9

L es villes-mondes du XXIe siècle seront synonymes

d’économie numérique, de densification, de dévelop-

pement touristique, de transports propres et d’économie

collaborative. Aujourd’hui, 80 % des Français vivent dans

une zone urbaine. En 2050, 75 % de la population mondiale

vivra en ville. Davantage de logements et de bureaux se par-

tageront à l’heure, à la journée, à la semaine, au mois ou à

l’année. Le partage sera le dénominateur commun de cette

nouvelle économie basée sur la mobilité, la connectivité et

la flexibilité des citadins. Les siècles passent et de nouvelles

révolutions se produisent. Nous vivons une révolution tech-

nologique depuis une quinzaine d’années. Selon l’Encyclo-

paedia Universalis : « La révolution s’entend comme une rup-

ture […]. On parle de révolution démographique, économique,

juridique, politique, culturelle, sociale, intellectuelle, gastro-

nomique et autres déterminations, toutes aussi imprécises tant

qu’elles n’ont pas été définies dans leur contexte effectif. Dans

tous les cas, on veut dire qu’une rupture décisive est marquée ;

qu’avant l’événement révolutionnaire, il y avait une certaine

configuration, et qu’après un tout autre ordre s’instaure, tota-

lement différent de ce qui précédait ». Grâce à la révolution

digitale, de nouvelles infrastructures économiques sont

apparues telles que les plates-formes numériques. Homeway

à l’étranger ou Abritel en France existaient avant l’arrivée

d’Airbnb, mais elles n’étaient pas aussi industrialisées, digi-

talisées et mondialisées. L’acteur californien a donc profité

de la révolution technologique afin que son concept commu-

nautaire devienne un phénomène mondial et durable. En

effet, Airbnb a révolutionné la manière de communiquer et

de consommer des logements meublés quels que soient leur

durée, leur prix et leur localisation. En modifiant la pré-

sentation des appartements ou des maisons disponibles à la

location pour de courts séjours aux quatre coins du monde,

Airbnb a fédéré une communauté mondiale de 160 millions

de clients, touchant aussi bien des jeunes, des seniors, des

célibataires que des couples. En quelques années, Airbnb

a réussi à gagner la confiance des propriétaires pour qu’ils

confient leur résidence principale ou secondaire (classique

ou atypique) à la location pour des périodes plus ou moins

longues. On y trouve des chambres d’appartement à Paris,

des châteaux en Provence, des lofts à Bordeaux ou des Pro-

priétés sur la Riviera. À quelques exceptions près, aucun

pays n’est oublié. De plus en plus de professionnels de l’im-

mobilier et de l’hôtellerie passent par la plate-forme pour

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diminuer la vacance de leurs chambres d’hôtel, de leurs

appartements ou de leurs maisons à certaines périodes de

l’année. L’entité californienne a profité du développement

de l’internet dans le monde avec 3,5 milliards d’internautes

en 2016, alors que ces derniers ne représentaient qu’un mil-

liard en 2005. L’apparition d’Internet a facilité les échanges

entre internautes via de nouvelles plates-formes. En utili-

sant le big data et les algorithmes, celles-ci ont amélioré la

gestion commerciale à la vitesse de la lumière. Le lien entre

relation virtuelle et relation physique n’a pas disparu. En

effet, l’une précède l’autre dans ce scénario technologique.

Le géant américain a bénéficié également de la mondialisa-

tion du tourisme et des prix élevés de l’immobilier dans les

villes mondiales pour développer ses parts de marché et sa

notoriété « brand image ». L’économie collaborative n’aurait

pas pu se développer en quelques années sans l’émergence

des nouveaux géants de la tech américaine, dont fait partie

Airbnb aujourd’hui.

9.1 / L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE

Il n’existe pas de définition officielle de l’économie collabo-

rative même si celle-ci prétend contribuer au développe-

ment durable en limitant la quantité de nouveaux biens pro-

duits grâce à une utilisation plus intensive des biens existants.

Néanmoins, certains auteurs constatent que « l’économie col-

laborative repose sur quelques axiomes : un changement culturel

avec de nouvelles valeurs, un changement technologique, l’envie

d’un lien social plus fort, le rejet de l’économie classique et des

grandes entreprises et une préoccupation pour l’environnement.

Cette évolution générale concerne également l’industrie touris-

tique, et l’on parle aujourd’hui de tourisme collaboratif et parti-

cipatif »(1).Défini comme faisant partie de l’économie collabo-

(1) Dornier Raphaël, Selmi Noureddine, Senn Zilberberg Isabelle, Majd Thomas. « Développement durable et choix des indicateurs : le cas de l’hébergement type Airbnb ». Revue Management & avenir (avril 2016).

rative, Airbnb est également une plate-forme de réseaux entre

particuliers avec des objectifs communautaires et monétaires.

Contrairement aux États-Unis ou en Angleterre, la motiva-

tion économique est rarement exprimée par les propriétaires

de biens immobiliers en France.

Pourtant, celle-ci existe. Flavie Hallais confirme l’objectif

du propriétaire de réaliser un gain financier : « Lorsque je

mets une chambre à louer sur Airbnb, je partage effectivement

l’espace de mon appartement, mais ce, moyennant une rému-

nération qui dépasse largement, la valeur marchande de la

location, le but étant de réaliser un profit »(2).

En France, le gain financier doit rester confidentiel. L’em-

preinte de la culture judéo-chrétienne reste toujours mar-

quée. Les progressions salariales n’étant plus significatives

dans les pays de l’OCDE depuis une quinzaine d’années par

rapport à la valorisation de l’épargne financière et immo-

bilière, le citoyen doit donc trouver des solutions alterna-

tives. Il doit gagner davantage et/ou dépenser moins afin

de maintenir son pouvoir d’achat dans les grandes métro-

poles françaises et étrangères. En effet, le coût de la vie est

de plus en plus élevé au cœur de ces villes dynamiques.

La solution idéale n’existe pas mais l’économie collabora-

tive y contribue partiellement. Paradoxalement, le succès

de l’économie collaborative ne se résume pas seulement à

une simple dimension monétaire. Ainsi, les seniors peuvent

nouer des liens sociaux tout en complétant leur retraite.

Ce complément de revenu peut également financer des

voyages dans leur pays respectif ou à l’étranger via Airbnb.

L’hôte peut ainsi à son tour devenir locataire d’un logement

Airbnb, qui sert ainsi à faire des rencontres et à agrandir un

réseau de connaissances et d’amis dans son pays comme à

l’étranger : « Sache que l’hospitalité, la courtoisie et l’amitié

sont rencontres de l’homme dans l’homme » (3). De la relation

virtuelle découle une relation humaine, comme le rappellent

ces chercheurs : « Ce type de séjour est aujourd’hui fortement

(2) Halais Flavie. « L’économie du partage, utopie romantique des startups américaines ». Epub, Alo.

(3) Antoine de Saint-Exupéry. Citadelle (posthume, 1948).

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

lié à la relation qui se crée entre hôte et hébergé, qu’elle soit

virtuelle – avant et après le séjour –, ou physique, lorsque la

rencontre a lieu » (4). L’économie collaborative propose en

réalité un autre rapport à l’argent et à la propriété. Malgré

le souhait d’acquérir leur résidence principale, de plus en

plus d’individus vont devenir locataires de tout et proprié-

taires de rien. Selon Paul Ponçon, dans le cadre de l’étude

Concur : « L’essor de l’économie collaborative et l’apparition

de sites de réservation chez l’habitant comme Airbnb ont eu

un impact significatif […] sur le secteur des déplacements

professionnels ». En effet, dans cette économie collabora-

tive, Airbnb diversifie sa clientèle cible.

9.2 / LA CLIENTÈLE CIBLE

Selon Brian Chesky, l’un des trois cofondateurs de la

structure californienne, l’avantage de la plate-forme ne

réside pas uniquement dans le site Internet et son applica-

tion mais dans la communauté elle-même. Elle est compo-

sée de propriétaires et de locataires présents dans le monde

entier. Airbnb peut se résumer par « un jour tu loges chez

moi, un jour je loge chez toi ». Cette philosophie a eu un

impact fort lors du lancement d’Airbnb en août 2008, à San

Francisco. Tout le monde peut donc devenir hôte en ville,

à la campagne, à la mer ou à la montagne, dans son pays

comme à l’étranger. Les entreprises passent de plus en plus

par la plate-forme pour la réservation d’hébergements pour

leurs collaborateurs. Selon Emmanuel Marill, directeur

France d’Airbnb : « Les salariés des entreprises ont naturel-

lement commencé à utiliser Airbnb pour leurs voyages profes-

sionnels, notamment lorsqu’ils voyagent en équipe ou qu’ils

ont besoin de séjourner dans un quartier très précis ou une

commune dépourvue d’hôtel, en développant des outils spéci-

fiques, comme les comptes Airbnb pour les entreprises ». Les

(4) Ibid (1).

tarifs compétitifs permettent d’offrir des logements spacieux

pour les cadres en voyage d’affaires ou en séminaires. Les

collaborateurs disposent de d’avantage d’espace de travail

dans un petit appartement que dans une chambre classique

d’un hôtel deux étoiles. Paul Ponçon rappelle l’intérêt de

cette formule pour les entreprises : « Les entreprises ne se

détournent pas nécessairement des chambres d’hôtel clas-

siques pour l’hébergement de leurs employés, mais elles ont

réalisé l’enthousiasme grandissant, particulièrement du côté

des plus jeunes générations, pour séjourner dans des endroits

moins traditionnels offrant le confort et l’atmosphère avec

lesquels les hôtels ne peuvent pas rivaliser. La simplicité de

réservation et les tarifs avantageux proposés sur Airbnb accé-

lèrent la croissance de cette tendance et permettent également

aux entreprises de réaliser de précieuses économies ». Airbnb

envisage de mettre l’accent sur les voyageurs professionnels,

qui ne représentent que 10 % de ses utilisateurs mais 35 %

du chiffre d’affaires. Quelle que soit l’évolution de la clien-

tèle ciblée, cette dernière restera fidèle tant que la confiance

sera au rendez-vous. La clé de voûte de cette économie de la

confiance et du partage est constituée par un système d’éva-

luation où hébergeurs et voyageurs sont invités à formuler

un avis.

9.3 / L’HOSPITALITÉ

B ien recevoir ses locataires est essentiel quelle que soit

leur culture. La qualité de la relation entre l’hôte et le

locataire est primordiale afin que cette expérience soit unique :

« On se rappelle tous les jours de sa vie, l’hôte qui vous a mon-

tré de la bienveillance »(5). Selon Nicolas Ferray(6) : « Pour moi,

l’hospitalité, c’est l’art de faire tomber les barrières, de faire en

sorte que son invité se sente comme chez lui. Souvent, quand on

(5) Homère. L’Odyssée (XV, 54 – IXe s. av. J.-C).

(6) Les conseils d’un top host Airbnb pour mieux louer, de Romain Giacalone. Maxima Laurent Du Mesnil éditeur (2016). Préface de Nicolas Ferray.

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numérique & immobilier

arrive chez quelqu’un, on peut être mal à l’aise (“dois-je enle-

ver mes chaussures ?”), un peu inquiet (“la chambre sera-t-elle

propre ?”) ou tout simplement timide. L’hospitalité, c’est per-

mettre à son invité de devenir lui-même dans un autre chez soi.

Alors, une certaine magie a lieu et l’hôte et son invité en res-

sortent transformés ». Plus que l’art de bien recevoir, il s’agit

donc de créer un entre-soi et une atmosphère de proximité.

Chip Conley (7) déclarait, en 2013 : « Les hôtes Airbnb sont

tous différents et pourtant, ils partagent tous le même esprit

de générosité qui est l’hospitalité, partageant, bien plus qu’un

hébergement, un moment de leur vie, […] leur maison et leur

coeur ». L’hospitalité fait partie de l’état d’esprit d’Airbnb.

S’il n’est pas respecté par les hôtes, ces derniers seront mal

notés par les locataires. De mauvaises critiques dévalorisent

l’hôte et diminuent les demandes de réservation.

(7) Romain Giacalone. Dans « Strategic advisor for hospitality and leadership at Airbnb » – Les conseils d’un top host Airbnb pour mieux louer. Maxima Laurent Du Mesnil éditeur (2016).

9.4 / L’IMPACT ÉCONOMIQUE

En France, selon une étude menée par la plate-forme,

Airbnb génère chaque année, 2 300 euros pour ses hôtes

à Paris et 2 100 euros en France, en louant leur logement 33

nuits en moyenne. La communauté Airbnb a généré plus

de 1,6 milliard d’euros de retombées économiques à Paris

et 6,5 milliards d’euros en France en 2016. Ces montants

intègrent à la fois les dépenses des voyageurs et les reve-

nus des hôtes. Ces sommes prennent également en compte

le chiffre d’affaires réalisé par les restaurateurs et les com-

mercants. Ces chiffres masquent néanmoins de nombreux

contrastes. En effet, il n’est pas rare de trouver un magni-

fique deux-pièces bien agencé dans le quartier du Marais, à

Paris, qui obtient un taux d’occupation élevé toute l’année. À

l’opposé, un logement inadapté aux attentes des vacanciers

se louera difficilement et son taux de vacance sera élevé.

Par ailleurs, un locataire qui loue un appartement pour une

semaine via la plate-forme et décide de prolonger son séjour

pour une longue période négociera directement avec le bail-

leur de nouvelles conditions contractuelles. Les paiements

ne s’effectueront plus sur la plate-forme mais entre le loca-

taire et le propriétaire. Airbnb ne pourra pas intégrer les

revenus générés par cette location pour réaliser ses statis-

tiques annuelles.

9.5 / L’IMPACT SUR LE MARCHÉ LOCATIF

Lorsqu’un marché locatif touristique est dynamique

comme dans les quatre premiers arrondissements pari-

siens, l’impact se fait à la fois sur le prix des appartements

loués nus et sur celui des transactions immobilières. S’il y a

de moins en moins d’offres de locations « nues », les prix des

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

locations suivent une courbe haussière. Lorsque les impayés

augmentent, les propriétaires optent davantage pour la loca-

tion meublée, diminuant ainsi l’offre de logements loués

vides. Dans cet environnement de rareté, le marché locatif

parisien est aujourd’hui particulièrement tendu. Malgré l’en-

cadrement des loyers, ces derniers sont élevés et haussiers.

La demande reste bien supérieure à l’offre, quels que soient

les quartiers recherchés et en dépit de l’augmentation des

loyers du secteur privé. D’un point de vue démographique,

selon l’Insee, la population parisienne enregistre une baisse

dans les arrondissements centraux, qui comptent le plus

grand nombre de logements inscrits sur la plate-forme. Ainsi,

entre 2009 et 2014, on constate une baisse de 5 % de la popu-

lation dans les 2e, 4e et 8e arrondissements et 4,25 % dans le

1er. Dans les 3e et 7e arrondissements, la baisse atteint 3 %.

Paris intra-muros est ainsi la seule commune d’Île-de-France

à avoir perdu des ménages entre 2009 et 2014. La raréfaction

du nombre de logements destinés à devenir des résidences

principales explique cette diminution sensible de 0,6 % des

ménages pour une population totale de 2,22 millions à Paris

intra-muros.

9.6 / LE RENDEMENT LOCATIF D’UN BIEN MEUBLÉ

L e loyer moyen d’un appartement meublé en centre-

ville est 30 à 50 % supérieur à celui d’un logement nu,

pour une nuit, une semaine ou un mois. Plus la durée de la

location est courte et plus le loyer est élevé. Durant toutes

les périodes estivales ou lors d’événements exceptionnels

comme le festival de Cannes, ce pourcentage peut être

encore plus élevé.

Quelles sont les possibilités offertes à un propriétaire qui

vient d’acheter un deux-pièces de 60 m2 avenue George V

(Paris 8e) pour un montant de 800 000 euros ? La première

option est de louer ce bien nu avec un bail de trois ans, la

deuxième est de louer le bien meublé pour deux personnes

avec un bail d’un an, la troisième d’occuper le logement

comme résidence principale et de le mettre en location quatre

mois par an maximum. Selon la loi, il n’y a pas de changement

d’affectation lorsque la location saisonnière est inférieure à

quatre mois (consécutifs ou non) dans l’année. Les mois res-

tants doivent être réservés à la jouissance du propriétaire.

La quatrième option est d’acheter la commercialité. Une fois

la destination commerciale acquise, le propriétaire pourra

faire de la location de tourisme toute l’année. La rentabilité

locative finale variera en fonction de l’option sélectionnée,

du taux d’occupation et des frais occasionnés par la location

(détérioration, remplacement de meubles, etc.). Le rendement

locatif que procure un actif résidentiel donne la valeur vénale

du bien. Plus le taux est faible par rapport aux revenus géné-

rés et plus la valeur vénale est élevée. Le logement est à la

fois un bien que l’on utilise et un actif qui se valorise. Contrai-

rement à l’immobilier de bureaux, un appartement libre de

toute occupation se vendra plus cher (loué nu ou meublé).

Dans tous les cas, plus la rentabilité locative nette est élevée

par rapport à un rendement sécurisé (OAT 10 ans) et plus la

valeur de l’actif immobilier le sera.

9.7 / AIRBNB ET PRIX IMMOBILIERS

La valeur d’un appartement ou d’une maison varie en

fonction de l’inflation, du niveau des taux d’intérêt et de

la politique monétaire. Le marché de l’offre et de la demande

impacte également le prix d’un actif immobilier résidentiel

à un instant T. Ainsi, une propriété sur le versant ouest du

Cap d’Antibes ne trouvera pas preneur au prix exigé par le

vendeur si la clientèle étrangère se raréfie sur le marché local.

Selon que cette absence est temporaire ou durable, la marge

de négociation ne sera pas la même. Si le propriétaire ne doit

pas vendre son bien dans l’urgence, il pourra le confier à un

agent immobilier qui le proposera sur une plate-forme comme

Airbnb, par exemple. Dans l’immobilier de luxe, de plus en

plus d’acquéreurs étrangers préfèrent louer le bien pendant

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plusieurs semaines avant de proposer une éventuelle offre

aux propriétaires. L’immobilier est un actif hétérogène par

essence et peut générer des différences de prix en fonction

de sa localisation et des revenus qu’il est susceptible d’en-

gendrer. Reprenons l’exemple du deux-pièces de 60 m2 ave-

nue George V, dans le 8e arrondissement de Paris, que nous

destinions à la location. La première option est de louer cet

appartement nu avec un bail de trois ans, pour 2 300 euros

par mois. En appliquant un taux de rendement de 3,5 % par

rapport à la valeur locative, cet appartement parisien vau-

dra 789 000 euros. S’il est loué 2 600 euros par mois (location

meublée avec un bail d’un an), en appliquant un taux de ren-

dement de 3,5 %, il vaudra 685 000 euros.

Si le propriétaire occupant le loue quatre mois (120 jours)

au prix de 130 euros la nuit, ce logement lui rapportera

15 600 euros brut. En appliquant un taux de rendement de

3,5 %, la valeur de son logement sera de 446 000 euros. C’est

une somme moins élevée, puisqu’elle ne procure que quatre

mois de revenus locatifs par an mais le propriétaire peut

occuper le logement durant les huit mois restants. Enfin, le

propriétaire peut acheter la commercialité de son bien au

prix de 2 000 euros le mètre carré, soit 120 000 euros pour

un appartement de 60 m2. Une fois la destination du local

(commercial) changée, il pourra louer le bien comme un loge-

ment meublé de tourisme 365 jours par an à condition que

le règlement de copropriété l’autorise. Si le bien était loué

130 euros la nuit sur une base de 365 jours, avec un taux d’oc-

cupation de 70 % (255 jours par an), les revenus locatifs bruts

seraient de 33 150 euros par an. Avec un taux de rendement

de 4 % (prime de risque de 50 points de base par rapport à

une location nue), la valeur vénale serait de 829 000 euros.

Cette option est réalisable à condition que la commercialité

permette de louer le bien au moins 255 jours par an.

Toutes choses égales par ailleurs, l’évaluation par le rende-

ment donne une indication sur la valeur d’un actif immobilier

mais ne représente en aucun cas le prix de transaction dudit

bien. Les revenus locatifs bruts d’un logement meublé avec

un bail de trois ans sont supérieurs à ceux perçus avec un bail

d’un an. La location d’un meublé de tourisme dans un quar-

tier recherché augmente la valeur locative et la valeur vénale

du bien. Plus le quartier est recherché et plus la rentabilité

locative est faible. Dans ces conditions, l’investisseur privi-

légie une rentabilité en capital qui pourra se réaliser à long

terme. Plus le différentiel de rendement est important entre

les deux formules, et plus les locations nues seront rares dans

les zones touristiques recherchées.

9.8 / RISQUE & INVESTISSEMENT IMMOBILIER

Quel que soit le sous-jacent de l’immobilier résidentiel,

l’appréhension du risque reste la même. L’ennemi de

l’investisseur est le défaut de paiement, la baisse de la valeur

locative et l’augmentation des taux d’intérêt. Malgré un envi-

ronnement de taux d’intérêt très bas, l’investisseur surfe

aujourd’hui sur une mer de plus en plus agitée (crise écono-

mique, politique, géopolitique), avec des périodes d’accalmie.

Depuis la crise financière mondiale de 2008, le comportement

des investisseurs privés et institutionnels a évolué face aux

risques, dans le choix de leurs stratégies et de leurs anticipa-

tions futures. Ainsi, lorsqu’un attentat se produit, les touristes

peuvent reporter leur voyage pour des périodes plus ou moins

longues, et les propriétaires se retrouver avec de la vacance.

Dans ces conditions, il pourrait y avoir moins de liquidité

pour le marché de la location comme pour celui de la tran-

saction. Depuis la crise des subprimes, les investisseurs ont de

numérique & immobilier

L’ÉVALUATION PAR LE RENDEMENT DONNE UNE INDICATION SUR

LA VALEUR D’UN ACTIF IMMOBILIER MAIS NE REPRÉSENTE EN AUCUN CAS LE PRIX DE TRANSACTION DUDIT BIEN.

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

moins en moins d’appétence pour le risque, ce qui explique leur

intérêt pour les actifs sûrs et de court terme, au détriment des

investissements risqués et de long terme. En se financiarisant,

l’immobilier est devenu un actif de référence pour les institu-

tionnels comme pour les privés. La valeur totale du patrimoine

immobilier dans le monde représente trois fois le PIB mondial.

Un immeuble était autrefois considéré comme un actif patri-

monial. Il est aujourd’hui perçu par les investisseurs comme

la somme des « cash flows » futurs où le TRI (8) est devenu le

langage quotidien des acteurs immobiliers. Cette approche

assez récente remonte à une vingtaine d’années. Peter Berns-

tein résume parfaitement le risque d’aujourd’hui : « La science

du risque génère de nouveaux risques à mesure qu’elle neutralise

les anciens. Notre confiance dans une bonne gestion nous pousse

à l’imprudence. Tout compte fait, cette attitude est bénéfique,

mais gare aux effets pervers ! » (9). Nous vivons dans une société

digitalisée qui va changer le monde pour les utilisateurs et les

investisseurs immobiliers. Dans cette mondialisation, il ne faut

pas négliger l’importance de la prime de risque dans l’évolution

d’un marché résidentiel. La localisation meublée résidentielle

dans les localisations prime offre une prime de risque intéres-

sante par rapport à la location classique. Le goût du risque

n’est-il pas un tremplin essentiel pour l’économie de marché ?

Comme le rappelle Anne Pezet, dans un projet d’investisse-

ment, confiance et risque sont étroitement liés : « Risque et

investissement sont indissociables : un investissement comporte

(8) Taux de rentabilité interne.

(9) Anne Pezet. La gestion du risque dans la décision d’investissement industriel : de la mesure à l’analyse. Une étude longitudinale et contextuelle, Comptabilité – Contrôle – Audit 2000/2 (tome 6), p. 5-19.

un risque naturel compte tenu de la non certitude qui pèse sur les

profits que l’on attend » (10). Dans une société dite « libérale »,

l’absence de risque est difficilement concevable.

9.9 / UNE PRÉSENCE IMPORTANTE EN FRANCE

L a France est le deuxième marché après les États-Unis

pour Airbnb. Le nombre d’annonces parisiennes sur le

site vaut à la capitale française d’occuper la première place

mondiale de la plate-forme. La France compte 300 000 hôtes

qui ont enregistré 400 000 logements sur la plate-forme. En

2016, plus de huit millions de voyageurs ont logé dans les

400 000 chambres, appartements et maisons de l’hexagone

qui y sont proposés. Des chiffres élevés si on les compare

à ceux des hôtels français, qui totalisent 650 000 chambres.

En 2016, 60 % des clients Airbnb étaient français. Paris et

l’Île-de-France y comptaient 78 000 logements inscrits. En

2016, à Paris, les logements (entiers) représentaient 87,3 %,

les chambres privées 11,6 % et le partage de chambre 1,1 %.

Londres comptait 47 000 logements, New York 46 000 et Rio

33 000 en 2016. Pour ce qui concerne les voyages d’affaires

avec Airbnb, Londres arrive en première position devant

Paris et Cannes, suivis par Berlin et Munich.

9.10 / DES RÉGLEMENTATIONS DE PLUS EN PLUS IMPORTANTES

L a plate-forme est sous la surveillance de nombreuses

agglomérations à travers le monde. Face à la croissance

(10) Bernstein Peter Lewyn. Plus forts que les dieux. Flammarion (1998).

la révolution airbnb

NOUS VIVONS DANS UNE SOCIÉTÉ DIGITALISÉE QUI VA

CHANGER LE MONDE POUR LES UTILISATEURS ET LES INVESTISSEURS IMMOBILIERS.

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d’Airbnb, certaines grandes villes comme Berlin, Paris,

Amsterdam, Barcelone, San Francisco et New York ont pris

des mesures afin de limiter l’expansion de l’entreprise cali-

fornienne.

Ainsi, à Londres, le groupe Airbnb a annoncé qu’il limite-

rait à 90 jours par an la durée de location des logements à

ses membres. Amsterdam limite la location à 60 jours par

an tandis que New York interdit de louer plusieurs apparte-

ments simultanément. Il y est ainsi devenu illégal, de louer

un appartement entier pour une durée inférieure à 30 jours,

et à San Francisco, la location est à présent limitée à 90 jours

par an pour les logements entiers. Dans cette même ville, les

propriétaires-loueurs sont obligés de se déclarer auprès de la

mairie. Berlin interdit de louer un appartement entier, quelle

que soit la durée de location.

Dans la capitale allemande, il n’est plus possible de louer son

appartement à moins de disposer d’une autorisation officielle,

sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 euros

par logement.

En France, depuis juillet 2016, les sites Internet de location

de logements entre particuliers ont l’obligation d’envoyer à

leurs utilisateurs un récapitulatif annuel des revenus géné-

rés par leur intermédiaire. En 2019, les plates-formes col-

laboratives devront transmettre automatiquement à l’admi-

nistration fiscale le montant des revenus réalisés par leur

intermédiaire. Depuis mars 2017, la plate-forme de location

touristique Airbnb propose de limiter automatiquement la

location d’un logement par son propriétaire à 120 nuitées

par an à Paris. Cependant, si les hôtes ont des autorisations

pour louer davantage pour des raisons professionnelles, ou

parce qu’ils ont un bail touristique, ils pourront dépasser cette

limite de 120 jours en déclarant sur l’honneur disposer des

autorisations pour le faire. La plate-forme tente de collaborer

avec les autorités officielles dans chaque pays afin de dimi-

nuer d’éventuels contentieux avec des impacts juridiques et

financiers importants. En effet, les conséquences pourraient

remettre en cause l’équilibre financier de la plate-forme.

En 2015, Airbnb a mis en place la collecte automatique de la

taxe de séjour auprès de ses utilisateurs à Paris et Chamonix,

et a étendu cette procédure à d’autres grandes villes. Elle

entend généraliser la collecte de la taxe de séjour à 14 000

communes françaises d’ici à fin 2017. Par ailleurs, dans la

grande majorité des contrats des copropriétés, ladite clause

d’« habitation bourgeoise » interdit dans les lots dédiés à

l’habitation toute activité commerciale elle est également

applicables aux locations de courte durée avec services

annexes. La cour d’appel de Paris, au mois de juin 2016, a

précisé que, même lorsque le copropriétaire a obtenu l’auto-

risation administrative requise, il ne peut pas louer en meublé

de tourisme si la clause en question existe dans le règlement

de l’immeuble. Cette clause d’habitation bourgeoise va pro-

bablement être la source de nombreux contentieux entre les

copropriétaires et les syndics de copropriété.

9.11 / AIRBNB & LES PROFESSIONNELS

Inexistante il y a encore une dizaine d’années, le groupe

Airbnb ne laisse personne indifférent aussi bien en

France qu’à l’étranger (11). Le sujet Airbnb est régulièrement

abordé dans les médias : « Pour les uns, Airbnb contribue à

(11) Airbnb est valorisé par ses actionnaires à 31 milliards de dollars durant le premier trimestre 2017. À titre d’exemple, le groupe Accor valait 11,68 milliards d’euros le 18 mai 2017.

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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 94

l’augmentation des loyers et devrait donc être interdite, ou du

moins fortement règlementée ; pour les autres, le site constitue

une source de revenus supplémentaires bienvenus ». Pour cer-

tains professionnels, Airbnb ubérise à la fois le secteur de

l’hôtellerie et celui de l’immobilier. Il est donc légitime de

voir des organisations publiques et privées s’ériger contre

la plate-forme : « Syndicats, organisations professionnelles de

l’hébergement touristique classique, ministères, communes,

etc. s’expriment en effet tour à tour sur le flou juridique qui

profite aux nouveaux venus, sur la concurrence déloyale faite

aux acteurs classiques, sur des revenus non déclarés et un

manque à gagner pour l’État ».

L’industrie du tourisme considère que le succès des plates-

formes de location en ligne non soumises aux mêmes

contraintes réglementaires entraîne un manque à gagner

pour la profession. La plate-forme n’est pas seulement accu-

sée de concurrence déloyale par les hôteliers, mais elle est

également montrée du doigt par de nombreuses villes dont

les maires considèrent que leur activité d’intermédiation de

location touristique contribue à la pénurie de logements.

En effet, selon certains maires, les locations meublées sont

autant de biens qui disparaissent du parc immobilier loca-

tif classique de leur commune. La mairie de Paris préfère

contre-attaquer en multipliant les contrôles, puisqu’elle peut

compter sur ses 25 inspecteurs. Elle a augmenté la surtaxe

d’habitation sur les résidences secondaires de 20 % à 60 %

(le nombre de résidences secondaires a augmenté de 42 %

depuis 1999). Elle a également exigé qu’un courrier soit

envoyé aux loueurs dès qu’ils dépassent les 120 jours.

9.12 / AIRBNB & LES SERVICES

A irbnb s’est différenciée en faisant appel à des photo-

graphes professionnels pour valoriser les biens pro-

posés. En effet, un internaute consacre 60 % de son temps

à étudier les photographies d’un bien, contre 20 % de ses

caractéristiques et 20 % de sa description. Sur Internet, une

annonce immobilière comprenant une bonne photo est dix

fois plus consultée qu’une autre proposant une photographie

de mauvaise qualité. L’offre de services est régulièrement

renouvelée sur la plate-forme. Airbnb a lancé récemment

« Trips », qui propose de découvrir les activités disponibles

dans chaque ville où le vacancier séjourne. Ainsi, à Paris,

près de 100 expériences locales, une cinquantaine de guides

et des meetups enrichissent l’offre communautaire sur la

plate-forme.

Les voyageurs peuvent se rencontrer et échanger avec les

locaux et se retrouver par exemple, dans une boutique, un

bar à cocktails, ou dans d’autres endroits conviviaux. Ainsi,

les services proposés valorisent la plate-forme et consolident

une image à la fois locale et internationale. Airbnb peut se

résumer à deux mots clés : proximité et ouverture. « Trips »

a été dévoilé en novembre 2016 dans 12 villes internatio-

nales comme Paris. Quarante nouvelles villes, dont Mar-

seille et l’arrière-pays provençal, suivront en 2017. Les ser-

vices valorisent l’offre globale auprès des 160 millions de

clients d’Airbnb. Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook,

confirme l’importance de l’offre de services via ses réseaux

et plates-formes : « Nous ne construisons pas des services

pour gagner de l’argent, nous gagnons de l’argent pour créer

la révolution airbnb

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de meilleurs services ». Par ailleurs, la plate-forme fait vivre

de nombreuses petites structures. Ces dernières accueillent

les voyageurs, établissent l’état des lieux d’entrée et de sor-

tie, se chargent du ménage, s’occupent du linge, rédigent les

annonces sur le site et répondent aux messages. Sur Paris,

on trouve Bnbcare, Bnblord, Welkeys, Hostnfly, Tranquille

Émile, Le Porte-clefs, Smart Flux, et Luckey Homes. Ces

entités se définissent comme des gestionnaires de location

de courte durée ou des services de conciergerie adaptés à

l’offre Airbnb. Bien qu’elles n’aient aucun lien commercial

avec le géant californien, elles sont de plus en plus nom-

breuses à se distinguer les unes des autres et contribuent à

valoriser la structure californienne.

9.13 / POUR CONCLURE

A irbnb a racheté Luxury Retreats, plate-forme réunis-

sant plus de 4 000 biens luxueux avec un prix moyen

par nuit de 2 000 à 3 000 euros. L’intermédiation dans

la location meublée est le cœur de métier d’Airbnb. Ses

projets sont à la fois ambitieux et mondiaux. Le groupe

prévoit d’ailleurs d’investir 1 milliard de dollars en Chine

sous un nouveau nom. Les meilleures plates-formes de

demain réuniront rapidement et facilement de plus en plus

d’individus. Comme le rappelle Jeremiah Owyang, fonda-

teur de Crowd companies : « B2C et B2B n’existent plus. Ce

qui importe, désormais, c’est le P2P. Le people-to-people ».

Airbnb est un phénomène planétaire même si l’entité est

encore absente de la Corée du Nord, de l’Iran, de la Syrie

et du Soudan du Sud. Sans la révolution technologique de

ces 20 dernières années, Airbnb n’aurait pas pu se déve-

lopper et obtenir si rapidement une telle image de marque

dans le monde. Pour conclure, citons Jacques Barthélémy

et Gilbert Cette : « La révolution technologique associée aux

technologies de l’information et de l’économie numérique

transforme radicalement les modes aussi bien de vie que de

production. Cela n’a rien de nouveau : il en a été de même

pour les précédentes révolutions industrielles » (12). L’ambi-

tion d’Airbnb est de devenir la plate-forme incontournable

du voyage en la rendant encore plus authentique, plus

locale et avec plus de services. On pourra ainsi louer une

voiture ou réserver un billet d’avion lors de la réservation

de son logement. L’offre Airbnb est complémentaire de

l’offre hôtelière existante. Cette complémentarité n’est pas

encore bien perçue par l’ensemble des professionnels de

l’hôtellerie et de l’immobilier. Enfin, grâce à la révolution

technologique, le géant californien a révolutionné la loca-

tion meublée dans le monde. Le groupe Airbnb est-il un

phénomène passager ou durable ? Selon Peter Drucker « le

meilleur moyen de prédire l’avenir est de le créer ». Airbnb

doit évoluer pour à la fois se distinguer de la concurrence,

améliorer son image et sa profitabilité. Pour Airbnb, le

XXIe siècle sera tourné vers la technologie, la connectivité

et le voyage. Dans un monde de plus en plus urbanisé, les

citadins comme les vacanciers voyageront dans des villes

à la fois réelles et virtuelles. Comment ne pas conclure par

une citation de Milan Kundera sur le voyage : « Et il n’est

rien de plus beau que l’instant qui précède le voyage, l’instant

où l’horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire

ses promesses ».

(12) Barthélémy Jacques, Cette Gilbert. Travailler au XXIe siècle. L’ubérisation de l’économie. Odile Jacob (janvier 2017).

L’AMBITION D’AIRBNB EST DE DEVENIR LA PLATE-FORME

INCONTOURNABLE DU VOYAGE EN LA RENDANT ENCORE PLUS AUTHENTIQUE, PLUS LOCALE ET AVEC PLUS DE SERVICES.

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