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SIÉGE SOCIAL, MONTRÉAL, SEPTEMBRE 1951 L’ART DE PENSER L A vie est pleine de tracas. Souvent ce sontde petites choses qui nous irritent, comme l’odeur d’un cigare au restaurant ou desgens qui bloquent le trottoir. Mais ce qui estplus sérieux, ce sont les malentendus causés parnotre incapacité de compren- dre nos semblables ou de nousexpliquer clairement. Et la tension monte, notre mauvaise humeur s’aggrave, et nousvoilà toutd’un coup en proie ~ une fouie de désagréments, pasbien graves sans doute, mais suffi- sants pour gâter notre journée. Le seul fait de penser à nosproblèmes personnels et sociaux ne suffit pas à dissiper nos soucis et nos craintes, mais en raisonnant nosproblèmes, nos espoirs et nosplans, nous acquérons plus d’assurance, plus de confiance en nous-mêmes, ce qui nous fait moins redouter les craintes etles soucis. Le raisonnement n’est passimple affaire de logique, maisil exige le temps de réfléchir. Sans exagérer, naturellement. Un homme qui passerait trop de temps à réfléchir deviendrait incapable d’agir et ses ré- flexions risqueraient de n’aboutir à rien. Il s’agit, comme en toute chose, de tenir le juste milieu. Il faut nous méfier de tomber dans l’erreur en assem. blant nospensées. Toute pensée n’est pas nécessaire- ment exacte. Il se peut quedeux idées soient parfaite. ment exactes en soi, mais il faut aussi tenir compte de la manière dontnous les accouplons dansnotre pen- sée. Si nous disons que"Lalune estun gros fromage", nous avons deux idées distinctesmla lune et un fromage m maiselles ne vont pas ensemble et notre raisonnement estfaux. La logique est la science de bien penser, c’est-à-dire la science des conditions nécessaires et suffisantes de lavérité. Cen’est pas unsujet difficile, à part les termes quine sont pasd’un usage courant. Les principes du raisonnement Il y a deux manières d’arriver à une décision. On peut d’abord observer, peser le pour et le contre, et décider ensuite. C’est la méthode rationnelle. Ou bien on peut décider sans réflexion consciente, comme nous le faisons la plupart du temps dans la viecourante. ....... Nous perdrions latête s’il fallait toujours réfléchir profondément et suivre les règles de la logique au sujet de tout ce que nous faisons dans le courant de la journée. Ce serait fatigant, nous perdrions beaucoup de notre spontanéité, nous trouverions de plus en plus difficile d’agir, etaulieu d’aller droit aubut, nous nous égarerions continuellement dansdesà-côtés. Trop de réflexion conduit à l’indécision. Il n’est pas facile de penser. Nousnous imaginons parfois que nouspensons quand nousassistons sim- plement à un défilé panoramique de nos souvenirs dans notrecerveau. Nous nous abandonnons souvent à la rêverie. Nousnous proposons de réfléchir à un problème et au lleu de concentrer notre attention sur le sujet, nous perdons notre temps à penser à un tasde choses, très intéressantes sans doute, mais quin’ont aucun rapport avecce quinous occupe. La logique L’étude de la logique dure toute la vie. Du moins, de nombreux philosophes y ont c.onsacré toute leurvie pour rendre cette science au ~oint où elle estaujour- d’hui, maistout ce que les nommes d’affaires et la plupart de nous ont besoin de connaître et d’appliquer, consiste en quelques règles élémentaires. Voici quatre principes à appliquer à nosjugements: (1) Le principe d’identité. Toute chose est ce qu’elle est, c’est-à-dire qu’un jugement estvrai ou qu’il ne l’est pas. (Inutile, donc, de chercher midi à quatorze heures.) (2) Le principe de contradiction. Deuxjugements contradictoires ne peuvent pastous lesdeux être vrais. N’essayez donc pas de prouverqu’uneidée peut être à la fois vraie etfausse. (3)Le principe de l’absence du moyen terme dans la conclusion. Le moyen terme, n’étant qu’un point de comparaison, ne doit se trouver que là où se fait la comparaison, c’est-à-dire dans les prémisses d’un raisonnement. Un exemple fera mieux comprendre: Tout bien estaimable; l Or lavertu est un bien, ~ Prémisses Donc la vertuest aimable. Conclusion

L'art de penser

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  • SIGE SOCIAL, MONTRAL, SEPTEMBRE 1951

    LART DE PENSER

    LA vie est pleine de tracas. Souvent ce sont depetites choses qui nous irritent, comme lodeurdun cigare au restaurant ou des gens qui bloquent

    le trottoir. Mais ce qui est plus srieux, ce sont lesmalentendus causs par notre incapacit de compren-dre nos semblables ou de nous expliquer clairement.Et la tension monte, notre mauvaise humeur saggrave,et nous voil tout dun coup en proie ~ une fouie dedsagrments, pas bien graves sans doute, mais suffi-sants pour gter notre journe.Le seul fait de penser nos problmes personnels et

    sociaux ne suffit pas dissiper nos soucis et noscraintes, mais en raisonnant nos problmes, nos espoirset nos plans, nous acqurons plus dassurance, plus deconfiance en nous-mmes, ce qui nous fait moinsredouter les craintes et les soucis.

    Le raisonnement nest pas simple affaire de logique,mais il exige le temps de rflchir. Sans exagrer,naturellement. Un homme qui passerait trop de temps rflchir deviendrait incapable dagir et ses r-flexions risqueraient de naboutir rien. Il sagit,comme en toute chose, de tenir le juste milieu.Il faut nous mfier de tomber dans lerreur en assem.

    blant nos penses. Toute pense nest pas ncessaire-ment exacte. Il se peut que deux ides soient parfaite.ment exactes en soi, mais il faut aussi tenir compte dela manire dont nous les accouplons dans notre pen-se. Si nous disons que "La lune est un gros fromage",nous avons deux ides distinctesmla lune et unfromage m mais elles ne vont pas ensemble et notreraisonnement est faux.

    La logique est la science de bien penser, cest--direla science des conditions ncessaires et suffisantes dela vrit. Ce nest pas un sujet difficile, part les termesqui ne sont pas dun usage courant.

    Les principes du raisonnement

    Il y a deux manires darriver une dcision. Onpeut dabord observer, peser le pour et le contre, etdcider ensuite. Cest la mthode rationnelle. Ou bienon peut dcider sans rflexion consciente, comme nousle faisons la plupart du temps dans la vie courante.

    ....... Nous perdrions la tte sil fallait toujours rflchirprofondment et suivre les rgles de la logique ausujet de tout ce que nous faisons dans le courant de lajourne. Ce serait fatigant, nous perdrions beaucoupde notre spontanit, nous trouverions de plus en plusdifficile dagir, et au lieu daller droit au but, nous nousgarerions continuellement dans des -cts. Trop derflexion conduit lindcision.

    Il nest pas facile de penser. Nous nous imaginonsparfois que nous pensons quand nous assistons sim-plement un dfil panoramique de nos souvenirsdans notre cerveau. Nous nous abandonnons souvent la rverie. Nous nous proposons de rflchir unproblme et au lleu de concentrer notre attention surle sujet, nous perdons notre temps penser un tas dechoses, trs intressantes sans doute, mais qui nontaucun rapport avec ce qui nous occupe.

    La logique

    Ltude de la logique dure toute la vie. Du moins, denombreux philosophes y ont c.onsacr toute leur viepour rendre cette science au ~oint o elle est aujour-dhui, mais tout ce que les nommes daffaires et laplupart de nous ont besoin de connatre et dappliquer,consiste en quelques rgles lmentaires.

    Voici quatre principes appliquer nos jugements:(1) Le principe didentit. Toute chose est ce quelle

    est, cest--dire quun jugement est vrai ou quil nelest pas. (Inutile, donc, de chercher midi quatorzeheures.)(2) Le principe de contradiction. Deux jugements

    contradictoires ne peuvent pas tous les deux tre vrais.Nessayez donc pas de prouver quune ide peuttre la fois vraie et fausse.(3) Le principe de labsence du moyen terme dans la

    conclusion. Le moyen terme, ntant quun point decomparaison, ne doit se trouver que l o se fait lacomparaison, cest--dire dans les prmisses dunraisonnement. Un exemple fera mieux comprendre:

    Tout bien est aimable;lOr la vertu est un bien, ~ Prmisses

    Donc la vertu est aimable. Conclusion

  • Aucune quivoque possible. La vertu est un bien ou elle ne lest pas. Si elle est un bien, eUe est par cons-quent aimable, attendu que lattribut ou qualit dunbien est dtre aimable.(4) Le principe de raison dtre. Il y a une raison

    pour tout. (Par consquent, si les choses ne tournentpas votre gr, dites-vous quil y a une raison pour

    cela.) Certains logiciens estiment que ce princapenappartient pas la logique formeUe, mais il est toutde mme utile dans les affaires et pour tous ceux quicherchent raisonner juste.Lemploi de la logique ne nous fera pas toujours

    dcouvrir la vrit, mais elle nous mettra sur la voie.Apprendre quon peut arriver dcouvrir la vrit parle raisonnement, et que la vrite nest pas toujoursconforme nos plus chres croyances, est le commen-cement de la sagesse.

    Le bon sens"Le bon sens est la chose du monde la mieux parta.

    ge", dit Descartes dans le Discours de la Mthode,"car chacun pense en tre si bien pourvu que ceuxmme qui sont les plus difficiles contenter en touteautre chose nont point coutume den dsirer plusquils en ont. En quoi il nest pas vraisemblable quetous se trompent; mais plutt cela tmoigne que lapuissance de bien juger et distinguer le vrai davecle faux, qui est proprement ce quon nomme le bonsens ou la raison, est naturellement gale en tous leshommes; et ainsi que la diversit de nos opinions nevient pas de ce que les unes sont plus raisonnablesque les autres, mais seulement que nous conduisonsnos penses par diverses voies, et ne considrons pasles mmes choses.

    Car. . ce nest pas assez, davoir, lesprit bon, mais lepmnclpal est de lappliquer bien."

    Et il est important, si on veut dcouvrir la vrit, dene pas se laisser aveugler par les prjugs.Pour raisonner justeOn pourrait trouver trange de sappuyer sur un

    "systme" pour penser. Nous sommes gnralementhabitus croire que la pense est une facult vaga-bonde qui, notre tonnement, tombe souvent juste.Lobjet du prsent Bulletin est de vous fournir unemthode qui, sans prtendre vous inspirer des ides,aidera votre pense tomber juste plus souvent.Empruntons cet gard la rgle lmentaire des

    Boy Scouts pour trouver un objet gar. Dcidez laplace approximative de lobjet, et commencez dcrire tout autour des cercles qui vont en se rtr-cissant. Vous ne trouverez pas toujours lobjet aucentre m car alors il ne serait pas egar m mais vousarriverez de meilleurs rsultats quen marchant auhasard.

    Et cela nous suggre une autre rgle: nessayez pasdenvisager dans son ensemble une affaire complique.Etudiez-en soigneusement tous les dtails. Ne vouslaissez pas distraire par ce qui ne touche pas laquestion.

    Donnez libre jeu votre imagination dans le cadreque vous avez fix. La marque dun bon chef dentre-prise est de laisser son imagination, concentre sur unproblme, faire usage de toutes les connaissancesacquises au sujet du problme ou dautres du mmegenre. Cest par une combinaison de vieilles et neuvesides, fusionnes par !a rflexion, quon arrive ~ lasolution des problmes. Nous avons souvent, dans ces Bulletins, recommand

    de prendre des notes par crit, et en aucun cas celanest plus utile pour voir clair dans les ides.

    Les ides et les penses qui paraissent se heurterconfusment dans notre esprit deviennent claires etordonnes quand nous les mettons sur le papier. Leseul fait de prendre un crayon semble mettre fin audsordre.En prenant des notes nous avons les faits sous les

    yeux, et cela nous donne une chance de les tudierminutieusement. Nous percevons les rapports entreeux. Et cela nous permet de vrifier lexactiide denotre raisonnement.

    Le raisonnement appuy sur les faitsLe choix des faits sur lesquels appuyer notre rai-

    sonnement offre parfois des difficults. Limportantest de considrer la chane de nos ides et de ne pren-dre que les faits qui nous sont essentiels.Les faits sont le matriel du raisonnement et ils sont

    tirs de quatre sources principales: lobservationdirecte; nos souvenirs; les rapports qui nous sontprocurs par dautres personnes, etlesvrits videntes.

    Aprs avoir recueiUi et emmagasin les faits etdcid quels sont ceux qui sont utiles et vridiques, ilsagit de les mettre sous une forme qui produira uneconc/usion va/able. Un des meilleurs moyens est les , ,crire en forme de syllogisme qui n est qu un argumentcompos de trois propositions. Les deux premiresnoncent des faits connus; ce sont les prmisses; et latroisime est la conclusion. Lexemple ordinaire donnpar tous les traits de logique est le suivant:

    Tout homme est mortelOr Pierre est homme;Donc Pierre est mortel.

    La premire proposition est dordre gnral (Touthomme est mortel); la deuxime nonce un cas parti-culier (Pierre est homme) qui est contenu dans le plusgrand, et cela nous donne la conclusion (Pierre estmortel).Remarquez bien que le syllogisme ne produit pas la

    vrit, mais ne fait que la dmontrer. Il faut que lesprmisses soient vraies. Si les faits noncs dans lesprmisses sont exacts, et si le syllogisme est conformeaux rgles, la conclusion est forcment juste.Intuition et exprience

    Beaucoup de gens se moquent de la logique, ou dumoins prtendent sen passer facilement. Les femmes,par exemple, au lieu de dire "Cela est ainsi pour telleou telle raison" disent souvent: "Cela est ainsi parcemon ide est que cest ainsi."

  • Lintuition joue un rle important dans la vie. Il ya des vrits que lesprit humain peroit sans effort.Nos sciences, notre philosophie et notre commercesont bass sur des vrits perues intuitivement. Lascience les appelle "axiomes", la philosophie "idesinnes", et les hommes daffaires "simple bon sens."

    En y rflchissant un instant, nous nous apercevonsque les raisonnements sont fonds sur des axiomes.Les axiomes dEuclide forment le point de dpart deses Elments de Gomtrie. Les axiomes servent de:fondement des structures dans lesquelles lobserva-

    ,

    tion, I experxence, la preuve et la demonstrauon trou-vent ncessairement place. Il est bon de limiter notreemploi du mot "intuition" deux cas: notre sensinstinctif de la vrit des axiomes, et notre perceptionde la validit des conclusions.La plupart des chefs dentreprise sont plus ports

    sen remettre lexprience qu dautres moyens.La vie est une longue suite de leons, et, comme lescoliers, nous sommes punis quand nous commettonsdes fautes et rcompenss quand nous faisons bien.Experientia docet. Cest peut-tre un dur moyen desinstruire, mais cest certainement le meilleur.Point nest besoin cependant de nous en tenir

    notre propre exprience. Pensez donc sil fallait quechaque enfant apprenne par exprience quon se brleles doigts en touchant le feu, si personne ne lui en-seignait attraper et faire cuire son dner, et ~ sedfendre contre les animaux sauvages.

    Celui qui se fie seulement sa propre exprience nafPaiaS beaucoup doutils sa disposition. Cest ce quit lutilit des traits techniques et des magazines ducommerce--ils nous offrent la connaissance desprocds invents ou employs par dautres. Quelquunavant nous a fait bouillir des oeufs, et nous savons quedans cinq minutes ils deviennent durs.

    Cause et effet

    Lanalyse de notre propre exprience et de celle desautres nous permet de decouvrir la cause des resultats.Nous arrivons ainsi trouver de nouvelles combinai-sons, introduire de nouveaux facteurs et peut-treinventer de nouvelles applications.En faisant cela, nous nous apercevrons que les

    rsultats ne sont pas toujours attrbus leur causerelle. Cest l une des erreurs les plus communes dujugement humain.Quelques conseils ce sujet ne seront pas inutiles.

    Il est bon de chercher un troisime facteur dans tousles rapports entre cause et effet. Il se peut que la causeapparente et leffet apparent subissent une mmeinfluence externe. Cela est particulrement vrai danslanalyse des ~atistiques commerciales, dans la com-paraison des resultats de deux dpartements au coursdun exercice financier, ou encore en comparant lesfluctuations du volume montaire au Canada avec leschiffres des Etats-Unis.

    Les causes relles nous chappent Ie plus souvent.Nous avons observ que, dans certains cas, tel vne-ment est suivi par tel autre. Il faut toutefois nous garder

    de penser que, parce que/un vient aprs lautre, lesecond est le rsultat du premier. Le mme rsultatpeut avoir plusieurs causes. Par exemple, il est pro-bablement vrai que la sauce nest pas bonne quandplusieurs cuisiniers sen mlent, mais il est galementvrai quun seul cuisinier suffit pour la gter.

    Il est important de dfinir exactement ce quondiscute pour viter la confusion. La Logique enseignequil faut "dfinir les termes" quon emploie, et celaest tout aussi utile lhomme daffaires quau philo-sophe. Mais la dfinition est difficile; elle exige ungrand effort intellectuel que nous trouvons souventfatigant.

    Dfinir, cest limiter, cest circonscrire, du latinde-finire. Dfinir une chose, ce nest pas dfinir la choseelle-mme telle quelle existe dans la ralit, cestnumrer et grouper les lments qui la constituent.Dfinir une ide, cest en dterminer le contenu, cestcirconscrire les limites qui la sparent des antres ides.

    De la dfinition au jugementAprs avoir recueilli les faits, observ les vne-

    ments, pass en revue nos propres expriences etcelles des autres, et dfini notre objectif et les termesque nous employons, nous passons au raisonnement,

    Nous procdons cet gard par induction et dduc-tion. La mthode inductive, est celle par laquellelesprit conclut du particulier au gnral, cest--diredes effets aux causes: ce qui est vrai dun individu estvrai, en consequence, dela classe laquelle il appar-tient. La mthode dductive est celle par laquellelesprit conclut du gnral au particuiier, cest--diredes principes aux consquences, des causes aux effets.

    Aprs avoir raisonn par lune des deux mthodes,nous formons une hypothse, qui nest quune suppo-sition, une thorie que nous nous proposons dedmontrer. Du moment, disons-nous, que telle causeproduit tel effet, le mme rsultat se produira danstous les cas semblables. Quand nous tronvons quenotre hypothse est vraie, dans tous les cas quil nousest possible dobserver, et que le rsultat nest produitque dans les conditions que nous avons juges nces-saires, nous en concluons que nous avons trouv lavrit. Mme. . quand notre, hypothse, est fausse, le faitden avoir fait la preuve redmt le champ de nos recher-ches et nous met parfois sur le bon chemin.

    Le danger viter dans ce genre de raisonnementest de trop nous attacher A une hypothse et dy tenirmalgr tout. Les mthodes de raisonnement nadmet-tent pas les sentiments; ce sont simplement des pro-cds inteliectuels pour arriver la vrit.

    En nonant des propositions, qui sont la fois lapremiere preuve dune hypothse et le premier pasvers la vrit drive dune hypothse, nous commen-ons raisonner clairement. Nous employons quatreformes de propositions dans la mthode dductive deraisonnement, et quand nous avons exprim nos ides

  • sous une de ces formes, nous avons limin toutes lespossibilits derreur. La Logique classe ces quatrepropositions comme suit:A... Universelle affirmative (Tout A est X)E... Universelle ngative (Nul A nest X)I... Particulire affirmative (Quelque A est X)O... Particulire ngative (Quelque A nest pas X)

    La proposition offre notre esprit ou lesprit desautres le rsultat dun jugement dans lequel nous avonsaccoupl deux ides. Elle nous offre toujours deuxchoix et deux seulement la fois.

    Obstacles la penseLe premier ennemi de la pense cratrice est la

    rverie. On appelle songe-creux ceIui qui nourritconstamment son esprit de chimres et qui fuit larealite.

    Viennent ensuite les prjugs, qui ferment la porte la vrit et aux connaissances. Lhomme instruit atoujours lesprit ouvert. La forme la plus commune depriug est de trop tenir nos opinions. Certainspreluges sont causs par nos sentiments, qui nous fontprfrer les incidents favorables nos opinions etignorer ceux qui militent contre elles, de sorte que laconclusion simpose en notre faveur.

    Nous concluons parfois la lgre. Nous avons lesprit une ide qm nous plat, et nous prsumonsquelle est vraie; nous nous en servons ensuite commepoint de dpart pour en dmontrer la vrit.

    Nous commettons aussi des erreurs de jugement. Laplus commune est de partir dune prmisse tropgnrale pour dmontrer un cas trop particulier;ou bien nous gnralisons sans tenir compte que nulterme ne peut tre plus gnral dans la conclusion quedans les prmisses.

    La vie quotidienne

    Lhabitude du raisonnement nous est dune grandeutilit dans nos relations sociales. Il nous aide nousexprimer beaucoup plus efficacement, et ~ comprendreles ides et les actions de nos semblables.

    Grce au raisonnement, nous arrivons voir leschoses du point de vue dautrui et nous mettre enquelque sorte en terrain neutre, do nous nous aper-cevons que nos opinions ne sont pas entirementvraies ou fausses, et que rien nest compltement bonou mauvais. Qui nentend quune cloche nentend~

    uun son. Un juge ne condamne pas un accus avantavoir entendu sa dfense.

    A mesure que nous raisonnons mieux nous appre-nons limp0rtance des mots. Ce sont les instrumentsde la pensee; sans eux nous serions aussi ignorantsque les animaux. Ce sont les filets avec lesquels nousattrapons ces papillons qui sont nos pensees et nosides; ce sont les briques avec lesquelles nous difionsnos idals.

    Efforons-nous donc de comprendre clairement les:mots dont nous revtons nos ides et den communi-quer exactement le sens ceux qui nous nous adres-sons.

    Les avantages du raisonnementNombreux sont les avantages du raisonnement. Il

    nous aide calmer nos irritations, adoucir nosdsappointements, mettre fin notre indcision, raffermir notre courage.Notre mauvaise humeur sapaise quand elle trouve

    une voie dcoulement, et comment saurions-nousmieux dtourner notre esprit quen loccupant lasolution dun problme? Souvent, en rflchissant, .la fin de la journe, aux dcisions que nous avonsprises et en les analysant la lumire de quelquesrgles lmentaires de logique, nous trouvons tran-quillit desprit lide que nous avons fait preuve debon jugement, ou, au cas contraire, en prenant larsolution de faire amende honorable.Au lieu de nous laisser abattre par les dsagrments,

    efforons-nous den raisonner clairement les causes.Le desappointement mme peut tre salutaire sil nousenseigne nous aguerrir contre les surprises de la vie.

    La mditationLa plupart de nos lecteurs, tout en admettant quil y

    a du bon dans les principes noncs dans ce Bulletin,diront quils nont pas le temps de les appliquer. Ilsadmettront galement, toutefois, quil est beaucoupmoins Jacile de rparer une erreur que de la com-mettre; quon perd beaucoup plus de temps a prendreune dcision quand on a les ides embrouilles quelorsquon raisonne juste et droit au but; que la fatigueintellectuelle cause lpuisement nerveux et physique.

    En apprenant raisonner mthodiquement au sujetde nos affaires quotidiennes, nous nous mettons enmesure davoir plus de temps pour penser aux chosesqui nous plaisent et qui nous reposent.Il ny a pas de solitude pendant la journe; on a beau

    fermer la porte, il y a toujours quelquun qui vientfrapper. Mais nous pouvons toujours fermer notreesprit aux intrus et prouver le mme contentementque, lorsquau cours dune promenade, nous entronssous un bois ou dans un vallon. Dans une atmosphrede calme et de scurit notre esprit souvre daimables ^

    Idees, et en communiant avec nous-memes, nousrparons nos forces morales et intellectuelles.

    Lhomme ne dsire pas toujours tre seul avec sespenses. Il est bon parfois de les echanger et derecevoir les penses des autres. Les bons penseurs necherchent pas lisolement, mais ils fuient la tension etle tumulte de lge moderne. Rien nest meilleur et plussain que davoir un ami avec qui parler et penser.

    Heureux celui chez qui la facult de rflchir et desmerveiller ne smousse jamais, et qui a des amispour partager ses trsors intellectuels. Les choses quicomptent le plus dans la vie ne lui manqueront jamais.Cest grce ses pareils, que par lart de penser, lemonde renat sans cesse.

    IMPRIM AU CANADApar La Banque Royale du Canada