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Jean-Luc Buridans

L e M a n a g e m e n t

d e s D é p a r t s Comment accompagner les salariés licenciés...

et ceux qui restent.

Les Presses du Management

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Jean-Luc BURIDANS est le Directeur Général du cabinet Garon, Bonvalot & Associés, spécialisé dans la réorientation profession- nelle et l'''accompagnement social des restructurations". Il est, par ailleurs, vice-président de l'ASCOREP, en charge du Collège "Opérations Collectives de Reclassement".

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Constat, réflexion, parfois anticipation, ce livre est aussi l'œuvre d'une équipe.

Je tiens ici à remercier tout particulièrement

Fanny Barbier, qui sait si bien conjuger écoute, présence et clarté,

Jean-Pierre Hébert, dont le sourire malicieux cache une extraordinaire acuité de perception,

Sylvie Lauze, infatigable apôtre de la rigueur et de la méthode,

Pierre Sahnoun, auteur créatif et impertinent de plusieurs ouvrages cités dans celui-ci,

Claudine Travier, qui oeuvre avec autant de discrétion que de compétence,

et Cookie Lamy, dont le coup d'œil incisif permet aux autres d'être plus proche

de leur vérité.

Je remercie enfin tous les consultants de Garon, Bonvalot & Associés dont l'expérience quotidienne est la meilleure source qu'un auteur puisse trouver.

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Du m ê m e auteur :

L'outplacement démystifié - DUNOD - 1991

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A tous ceux qui, professionnellement ou bénévolement, associent leurs énergies pour que chacun trouve sa place.

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Le vent des licenciements continue de souffler sur le monde de l'entreprise. Vers la fin des années 80, beaucoup pensaient que les restructurations les plus importantes avaient eu lieu, que les grandes manœuvres allaient cesser. La crise du Golfe Persique — associée à la poursuite des efforts de productivité — a relancé la machine à licencier et, pire, le marché de l'emploi, déjà peu vaillant, s'est effon- dré. Le reclassement des salariés est devenu de plus en plus difficile.

Les cadres, relativement peu concernés jusqu'alors, ont découvert qu'ils pouvaient eux-mêmes être exclus.

Depuis, chaque début d'année, les plus optimistes pensent entr'apercevoir l'annonce d'une amélioration, et, quelques mois plus tard, déchantent. Tout le monde est à l'affût du moindre signe de relance. Encore récemment, à l'occasion du changement de gou- vernement, le flux des "charrettes" s'est ralenti ; il ne s'agissait que d'une accalmie s'inscrivant dans l'attentisme habituel des périodes pré et post-électorales.

Ainsi, l'usage des plans sociaux se développe, voire s'amplifie. Chez les gestionnaires des ressources humaines, beaucoup en sont deve- nus — par la force des choses — de véritables spécialistes. Certainement pas sans avoir l'impression d'y laisser un peu de leur âme...

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Cependant malgré ce qui ressemble à un "scénario catastrophe", il ne se passe pas de jour sans que des personnes licenciées ne retrouvent un emploi ou satisfassent un projet qui leur tient à cœur.

Pour y arriver, il a fallu — et il faudra encore — que les pratiques d'accompagnement évoluent. Car les contextes changent, les men- talités se transforment, la législation s'adapte. Ce qui se pratiquait en 1986 ne peut plus avoir cours en 1994.

Qu ' e s t - ce -qu i a c h a n g é ?

Deux éléments rendent remarquable l'évolution du contexte : d'une part, au plan macro-économique, la raréfaction de l'offre d'emploi et, par ailleurs, au plan individuel, l'acceptation de l'état de chômeur. Bien sûr, les deux sont liés. Mais, en dehors de ce lien, mesurons les effets de chacun de ces éléments.

La raréfaction de l'offre d'emploi

L'évolution du marché de l'emploi est soumise à trois types de flux : la création d'emplois nouveaux, la réduction des emplois existants, et, enfin, la "rotation du marché". La rotation du marché est créée par le fait qu'un emploi est rendu disponible par la promotion de son titulaire, ou son départ naturel, volontaire ou provoqué ; quelqu'un d'autre vient prendre sa place. On dit que les emplois tournent. Plus le cycle est accéléré, plus une personne exclue momentanément du marché a des chances de s'y réinsérer ; plus le cycle est lent, plus cela lui sera difficile1.

La raréfaction tient non seulement à une réduction notable et per- sistante des créations d'emplois, relayée par une disparition pure et simple de postes, mais aussi à un ralentissement de la rotation du marché : celui qui n'y est pas contraint — ou pas encouragé — n'envisage pas de quitter son emploi. La fréquence de ces disponi- bilités se réduit, les turn-over s'affaissent, et pour reprendre l'expres- sion d'un DRH : le corps social se « gélifie ». Pour les spécialistes

1 Précisons que la "rotation du marché" n'est en rien génératrice d'emplois et ne concourt pas à la résorption du chômage : un salarié prend un emploi disponible, à la place d'un autre.

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du r e c l a s s e m e n t , c e p h é n o m è n e e s t u n e p r e m i è r e s o u r c e d e p ré -

o c c u p a t i o n .

L ' a c c è s a u m a r c h é d e l 'emploi e s t d ' a u t a n t p lu s difficile.

La r a ré fac t ion d e l'offre d ' e m p l o i a p o u r c o n s é q u e n c e i m m é d i a t e la

sé l ec t iv i t é du m a r c h é . P o u r cho i s i r un c a n d i d a t , l e s d é c i d e u r s y

r e g a r d e n t à d e u x fois. P l u s le d e g r é d e qual i f ica t ion e s t é l e v é ( c h e z

l e s c a d r e s , l e s t e c h n i c i e n s , c e r t a i n s n i v e a u x d ' e m p l o y é s e t

d ' ouvr i e r s ) , p lus c e t t e sé lec t iv i t é e s t s e n s i b l e . C e n ' e s t p a s un p lu s

h a u t n i v e a u d e c o m p é t e n c e s g loba l qui e s t ex igé , m a i s t ou t s im-

p l e m e n t le profil p r o f e s s i o n n e l qui s ' a d a p t e le m i e u x à la d e m a n d e

du m o m e n t . Ainsi l ' e x p é r i e n c e p r i m e s u r le po ten t ie l . C e c o l l a b o r a -

t e u r ou c e s a l a r i é c o n v i e n d r a p a r c e qu'il p o s s è d e b i en s o n m é t i e r e t

qu'il v ien t du s e c t e u r . P o u r les a u t r e s , le t r a n s f e r t d e savo i r - f a i r e

s ' a v é r e r a difficile. Un r e s p o n s a b l e m a r k e t i n g i s su d e l ' ag ro -a l imen-

ta i re a u r a d e la difficulté à p é n é t r e r l ' un ivers du j o u e t ; un " g r a d é

b a n c a i r e " , m ê m e i s su d e s s e r v i c e s c o m p t a b l e s , a u r a d e s difficultés

à s ' i n s é r e r d a n s le m o n d e d e la pe t i te e n t r e p r i s e ; tel a g e n t d e m a î -

t r i se qui e n c a d r a i t un peti t a te l ie r d e m o n t a g e e n é l e c t r o n i q u e n ' a c c é -

d e r a p a s f a c i l e m e n t à la m ê m e r e s p o n s a b i l i t é d a n s u n e e n t r e p r i s e

d e m é c a n i q u e d e p réc i s ion , m a l g r é u n e fo rma t ion idoine.

L e s m é t i e r s p r i m e n t e t l es p a s s a g e s d ' u n s e c t e u r à un a u t r e , e n c o r e

a c c e p t a b l e s il y a p e u , s e raréf ient . La r é s u l t a n t e p r e m i è r e : b e a u -

c o u p d e b o n s p r o f e s s i o n n e l s i s s u s d e s e c t e u r s l o c a l e m e n t e n p a n n e

d ' e m b a u c h e d o i v e n t d é v e l o p p e r d ' a u t a n t p lu s d ' é n e r g i e , a c c e p t e r

d e p r e n d r e p lu s d e t e m p s , r édu i r e l eurs a m b i t i o n s — p o u r t a n t légi-

t i m e s — p o u r s ' i m m i s c e r d a n s le m a r c h é . La s e c o n d e r é s u l t a n t e

c o n c e r n e t o u s les a u t r e s : c e u x d o n t le p r o f e s s i o n n a l i s m e n ' e s t p a s

a s s u r é , qui on t gravi t rop vite, ou c e u x d o n t les a p t i t u d e s à " se v e n d r e "

n e s o n t g u è r e d é v e l o p p é e s .

Q u a n t a u x p o p u l a t i o n s d e fa ib le qual i f ica t ion, la d e m a n d e d ' e m p l o i

e s t t e l l e m e n t d é v e l o p p é e q u e leur s é l e c t i o n s e f e r a — u n e fois l e s

t e s t s p r a t i q u e s p a s s é s — s u r leur d e g r é d ' évo lu t ion s u p p o s é , la

mot iva t ion qu ' i ls a f f icheront , vo i re leur b o n n e p r é s e n t a t i o n .

Ainsi, l ' a c c è s à un emplo i n é c e s s i t e un s o u t i e n — n o u s d i r o n s un

a c c o m p a g n e m e n t — d ' a u t a n t p l u s p u i s s a n t p o u r ê t r e e f f i c a c e .

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L'acceptation de l'état de chômeur

L'autre phénomène du contexte actuel découle de ce que nous venons d'énoncer : l'emploi devient rare, le nombre de personnes en panne d'emploi s'accroît. Il n'est pas nécessaire de vivre dans le monde de l'entreprise pour connaître dans son entourage un, deux ou trois chômeurs. Le demandeur d'emploi n'est plus isolé, ils sont "légions" autour de lui1 . Aussi se sent-il moins "coupable". Devons- nous dire que le chômage "se vulgarise" ? A tout le moins, il se banalise.

Cet effet est renforcé par le chômage des cadres. Le chômeur n'est plus celui qui n'avait pas de diplôme, n'avait pas progressé ou n'était pas un bon professionnel. Le moins qualifié d'entre eux croise aussi celui qui — jusqu'à présent — avait réussi.

Cette déculpabilisation a une résultante négative tout à fait remar- quable. L'impact le plus fort et le plus visible de cette déculpabilisa- tion est l'attentisme ou l'abandon d'une frange de plus en plus importante des populations les moins armées. L'effort à fournir en rebute plus d'un, le retrait derrière l'Impossibilité de trouver un emploi" convient à beaucoup.

D'autant que les systèmes d'allocations constituent — encore — un refuge ou simplement une justification à refuser tel emploi : « J'y gagnerai moins qu'en restant au chômage... ». Les moins vaillants (et donc les moins actifs à rechercher) ne se sentent plus "repérés" ; ils sont "victimes non-responsables". A l'analyse des opérations que nous menons, nous constatons que cette frange de populations non- actives est passée, tous secteurs confondus, d'environ 6 % il y a cinq ans à près de 14 % (avec des pointes jusqu'à 18 %, dans cer- tains cas).

Cette réticence à rechercher sera d'autant plus forte chez les sala- r i é s i s s u s d e s g r a n d e s e n t r e p r i s e s . L e s s o c i o l o g u e s l ' e x p l i q u e n t 2 :

elles auront apporté un prestige, des conditions de travail, d'orga- nisation et des avantages sociaux tels que le même emploi dans de

1 Ne sont-ils pas en droit de considérer qu'ils représentent "la plus grande famille professionnelle" ?

2 Bernard Perret et Guy Rostand, in l'Economie contre la société - Collection Esprit/Seuil.

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plus petites entreprises moins structurées et n'offrant pas les mêmes conditions sociales apparaîtra moins valorisant que celui qu'ils ont perdu, voire moins valorisant que l'état de chômeur. La notion d'emploi est supportée par une identité sociale (au-delà de l'identité professionnelle). Plus cette identité sociale est forte (et le renom de l'entreprise y contribue), plus il sera difficile d'en faire le deuil. Lorsque cette identité s'amoindrit ou se dévalorise, la notion d'emploi se réduit à la notion de travail. Pour beaucoup, l'état de chômeur, ex-salarié de..., reste plus valorisant que l'accès à un travail.

Nous avons aussi à lutter contre cette désaffection.

Apportons une lueur optimiste à ce constat. Si, au plan individuel, la banalisation du chômage autorise certains à baisser les bras, au plan collectif, son développement réveille des consciences. Un phé- nomène de solidarité se développe, les initiatives privées et locales se font jour à travers des structures de toute nature : celles créées spécifiquement dans ce but comme les associations d'entraide, les commissions-carrières des Grandes - ou moins grandes — Ecoles, les entreprises d'insertion..., et les clubs et les réseaux déjà consti- tués à d'autres fins qui orientent leurs actions dans ce sens. Beaucoup plus de gens offrent leur temps et appuient les groupes de chercheurs d'emploi.

L'impact des licenciements sur l'opinion

Nous ne pouvons évoquer les évolutions de contexte sans parler du rôle des médias et, au-delà — ou en corollaire —, de l'état de l'opi- nion publique.

De tout temps, la presse a relayé les annonces de licenciements col- lectifs, qu'elles concernent des entreprises de premier plan recon- nues nationalement ou qu'elles concernent des entreprises locales. Les responsabilités des entreprises étaient-elles mises en cause à chacune de ces annonces ? Parfois certaines défrayant la chronique à l'occasion de heurts, d'occupations sauvages ou de manifestations bruyantes, elles pouvaient être montrés du doigt. Mais l'image même du monde des entreprises ne semblait pas être touchée. Qui portait la responsabilité ? Le mauvais état de secteurs entiers et, petit à petit, c'était l'état général de la France. La faute en était aux politiques,

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ceux-là mêmes qui, depuis le début des années 80, avaient contri- bué à redorer le blason des entreprises !

Mais les choses ont évolué. Les politiques ont su se retourner vers les chefs d'entreprise. Depuis le début des années 90, le durcisse- ment de la réglementation a contribué à désigner les "vrais" res- ponsables. Ajoutons à cela l'effet répété d'annonces groupées concernant plusieurs milliers de personnes issues de très grandes entreprises, alors que le chômage dépassait la barre fatidique des trois millions ; voilà de quoi asseoir la certitude que les chefs d'entre- prise sont responsables. A telle enseigne que les médias, toujours eux, ne se privent pas de relater les incidents qui émaillent l'activité des licenciements : les taxis de telle société, l'annonce au micro de telle autre.1 Ils mettent les responsables en position d'accusés. L'opi- nion publique, et donc la majorité des salariés, renvoie la respon- sabilité à ceux qui, statutairement, la détiennent.

Ici, semble se développer un paradoxe. Nous avons dit que l'ampleur du chômage avait tendance à le banaliser, et par là même à induire une sorte de fatalisme ; dans le même temps, nous relevons que les salariés seraient de plus en plus en état de réclamer des comptes à ceux qui ne cessent de licencier.

Le paradoxe n'est qu'apparent, et les deux sentiments peuvent cohabiter. Le premier a une dimension individuelle ; le second peut se développer au sein d'un groupe. Cela implique que, s'il doit y avoir licenciements, les entreprises se doivent de gérer leur impact avec toute l'énergie, avec tous les ressorts permettant de les limi- ter, aujourd'hui et demain. C'est sur ce registre que les salariés les attendent.

L'autre incidence — l'autre leçon — de cet état de fait est que l'entre- prise qui licencie doit maîtriser sa communication, en interne comme en externe. Et les plans de communication deviennent de plus en plus élaborés.

1 Nous évoquons ici des incidents ayant fait la "une" des journaux au printemps 1993 : la première société a été accusée d'avoir affrété des taxis pour amener, de leur poste de travail à une antenne-emploi, des salariés venant d'apprendre leur licenciement ; le dirigeant de la seconde a eu la malencontreuse idée de convoquer les personnels à leur entretien de licenciement en usant des haut-par- leurs de l'usine !

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Le durcissement de la législation

Accompagnant ces évolutions de contexte, la législation s'est ren- forcée. De directives en décrets, de dispositifs fiscaux en amendements, les politiques ont cherché d'une part à freiner les vagues de licenciements, d'autre part à favoriser le réemploi. Le point d'orgue en la matière est certainement la loi du 27 janvier 1993 qui a donné à l'Administration un pouvoir de contrôle quasi absolu sur la qualité des plans sociaux.

Depuis cette loi, la DDTE* doit en effet procéder à un contrôle de conformité du plan social avec sa définition légale — telle que défi- nie à l'article L 321-4-1 du Code du Travail — et notamment dans son nouvel alinéa énonçant les quatre types de mesures désormais imposées : - actions de reclassement internes ou externes, - créations d'activités nouvelles, - actions de formation ou de conversion, - mesures de réduction ou d'aménagement de la durée du travail.

En ce qui concerne le volet des reclassements internes et externes, deux attitudes nouvelles sont notables. Au plan des reclassements externes, l'Administration ne se contente plus de se voir exposer des intentions de chercher à les satisfaire, mais vérifie la réalité des dispositifs, apprécie leur efficacité supposée, voire demande des engagements de réussite. Certaines DDTE se dotent, depuis peu, de véritables corps de fonctionnaires ayant pour mission le contrôle, sur le terrain, des actions d'aide au reclassement. Voilà qui accroît singulièrement le champ de contraintes des entreprises...

L'attitude de l'Administration face aux actions de reclassements internes est dans le droit fil de sa volonté de promouvoir la Gestion Prévisionnelle des Effectifs, volonté clairement affichée depuis 10 ans. Ainsi, à travers la « priorité au reclassement interne », elle insiste sur le fait que le terrain de redéploiement des salariés n'est pas uniquement l'établissement, mais la société et le groupe aux- quels appartient l'entreprise. Cela nécessite de la part de l'entre- prise une réelle capacité à détecter ses besoins, non seulement immédiats mais futurs. Et oblige à passer de la gestion prévision- nelle des effectifs — vision essentiellement quantitative — à une

* Direction Départementale du Travail et de l'Emploi

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gestion prévisionnelle individuelle- vision éminemment qualitative. Comment, en effet, anticiper sur le repositionnement durable de salariés sans maîtriser non seulement l'évolution probable des filières des métiers mais aussi l'exploitation des compétences et des potentiels de chacun ?

L'évolution du marché de l'emploi d'une part, celle de la législation d'autre part, dessinent les contours d'une nouvelle donne. Les pra- tiques des entreprises en restructuration et de leurs partenaires habi- tuels — les cabinets spécialisés dans le "reclassement" — ne peuvent plus être les mêmes qu'il y a encore quelques années.

La voie que certains précurseurs avaient tracée est aujourd'hui empruntée par la plupart, et les retardataires d'alors sont contraints de se soumettre. Ceux que nous appelons les précurseurs avaient choisi de ne pas gaspiller le potentiel humain. Par là même, ils préservaient également leur image, en interne comme en externe. Ne peut-on pas penser qu'ils préservaient ainsi leurs capacités d'adaptation aux évolutions et leurs chances de demeurer gagnants dans leur secteur ?

Nous consacrerons la première partie de cet ouvrage à la phase "amont" de l'accompagnement social d'une restructuration, c'est-à- dire depuis la décision de réduction d'effectifs jusqu'à la date de mise en œuvre concrète d'un plan social : la fin du dernier comité de consultation.

Après avoir posé le préalable que l'entreprise joue de sa responsa- bilité sociale, nous nous efforcerons d'instruire la collaboration de l'entreprise avec le prestataire qu'elle se choisit : comment le choi- sir et quels objectifs se donner ensemble ? Puis nous évoquerons certains aspects juridiques d'un plan social pour montrer comment ce plan peut être "bon" et où se situent les erreurs les plus fréquentes. Nous explorerons ce que peut être un plan de communication, interne et externe, inhérent à ce genre d'opération. Enfin, le recours aux départs volontaires ayant ouvert une voie nouvelle dans les stra- tégies de réduction d'effectifs, nous verrons quelles pratiques spé- cifiques cela induit.

Dans la deuxième partie, nous vivrons le quotidien des dispositifs d'aide au reclassement : comment se conçoivent-ils ? quelle est l'uti-

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lité des équipes mixtes associant des consultants externes et des "conseillers" internes ? comment s'organise une collecte d'emplois ? comment procède une équipe d"'antenne-emploi" pour accompa- gner des salariés vers leurs projets ? quelles sont les obstacles à la réussite ?

Enfin, la troisième partie nous amènera à aborder quelques points de repères de l'accompagnement social des salariés qui restent dans l'entreprise. Le registre n'est pas le même entre actions ponc- tuelles de re-motivation et développement de pratiques de gestion prévisionnelle. Ces dernières sont plus ambitieuses, elles condui- sent à un autre dialogue social.

Ce livre, c'est avant tout le regard de praticiens qui interviennent quotidiennement auprès des entreprises et de leurs salariés.

Il ne se veut pas un guide méthodologique qui recense toutes les recettes, toutes les astuces et autres arcanes de la maîtrise du mana- gement des départs. Si des aspects méthodologiques sont évoqués, il s'agit essentiellement d'expliciter à travers eux comment ces pra- tiques peuvent se vivre.

Il ne se veut pas non plus ouvrage d'experts ; il n'est pas une étude exhaustive de toutes les pratiques, une revue de tous les textes juri- diques, de toutes les expériences faites sur le sujet. S'il y a étude, c'est une étude comparée entre ce que les auteurs considèrent être de bonnes pratiques et de moins bonnes.

Ainsi, sous le constat percera peut-être le réquisitoire. Que l'on veuille bien ne pas nous en tenir rigueur : il nous semble difficile de pratiquer l'''accompagnement social des restructurations" sans être porteurs d'une certaine philosophie pour l'Entreprise et pour les Hommes qui la font vivre. Nous la défendrons. Cette philosophie veut que le terme Ressources Humaines ne soit pas utilisé unique- ment pour les distinguer des autres ressources telles que financières ou technologiques, mais bien pour désigner un patrimoine qui, parce qu'il est humain, exige qu'on le respecte, et parce qu'il est une res- source, justifie qu'on ne le gaspille pas. Cette philosophie veut aussi que le terme Relations Sociales ne soit pas attaché uniquement au dialogue obligé avec des partenaires non désirés, mais l'expression d'un engagement des responsables de l'entreprise vers ceux qui la servent.

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1 Partie :

De la décision à la mise en œuvre du Plan Social

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Une restructuration, cela se prépare

Rares sont les secteurs qui n'ont pas été ou ne seront pas concer- nés par des opérations de restructuration.

C'est la sidérurgie qui a ouvert la voie, suivie par l'ensemble des secteurs industriels. Le début des années 90 a touché la construc- tion informatique — y compris des entreprises que l'on n'attendait pas (Philips en 1991 et IBM en 1992). Les industries de l'armement sont aujourd'hui en pleine restructuration, ainsi que, depuis 1992, la publicité et les métiers de la communication. Le secteur bancaire (hormis une exception : le Crédit du Nord) ne s'est pas inscrit dans le processus avant 1990 ; depuis, les opérations de réduction s'y sont propagées. Les analystes attendent que les assurances, à leur tour, se mettent en œuvre.

Entre 1982 et 1990, ce sont essentiellement les grosses structures qui ont géré leurs réductions d'effectifs en développant les actions de reclassement. Depuis, des entités plus petites, y compris des PME, se sont engagées à leur tour dans des opérations d'accom- pagnement — qui, de fait, deviennent très nombreuses.

Jusqu'au début des années 1990, les PME en liquidation n'usaient que des possibilités d'accès aux conventions de conversion. Depuis, de nombreux liquidateurs, grâce à la contribution financière de l'Etat, font appel à des cabinets privés pour assurer le reclassement des salariés. L'Armée elle-même, depuis 1984, a mis en place des struc- tures de reconversion pour aider les officiers et sous-officiers qui, chaque année, la quittent pour un emploi dans le civil.

Page 22: Le management des départs : comment accompagner les salariés …excerpts.numilog.com/books/9782878451825.pdf · tard, déchantent. Tout le monde est à l'affût du moindre signe

En ce qui concerne les fonctionnaires, on peut légitimement penser que l'Etat se donnera, tôt ou tard, les moyens pour favoriser leur départ. Si, sur certains sites industriels pilotés par le Gouvernement (constructions navales, arsenaux, etc.), les ouvriers d'Etat sont pro- tégés et affectés à d'autres branches, des collectivités locales ou des administrations confient déjà à des cabinets d'outplacement, en mission individuelle, le reclassement de quelques contractuels.

Ant ic iper u n e r e s t ruc tu ra t i on

Trois déclencheurs peuvent amener l'entreprise à une restructuration :

- un facteur organisationnel qui incite à un transfert géographique, un regroupement de sites ou à une fusion d'unités avec pour consé- quence l'apparition de sureffectifs ou la disparition de certains métiers,

- un facteur structurel : l'entreprise anticipe la gestion de ses res- sources humaines, par exemple en modifiant la pyramide des âges de ses salariés ; ainsi, seules certaines populations appartenant à des tranches d'âge seront touchées (parfois en se donnant, dans le même temps, les moyens de recourir à des recrutements plus conformes à des visées à moyen terme),

- un facteur économique qui est lié le plus souvent à des difficultés que connaît l'entreprise. Réduire la masse salariale lui permet d'as- surer sa pérennité ou encore de se rendre plus attrayante pour d'éventuels repreneurs.

Une fois la décision prise, organisationnelle, structurelle ou écono- mique, le programme de réduction des effectifs s'élabore.

Quel que soit le déclencheur, la restructuration a pour but d'amélio- rer la situation de l'entreprise et se fait selon un plan plus ou moins élaboré.

Nous constatons qu'il peut exister, de la part de l'entreprise qui s'en- gage dans une restructuration, deux attitudes extrêmes, opposées l'une à l'autre :

• Première attitude : la restructuration est anticipée, guidée par une volonté stratégique.