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JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 76 E ANNÉE – N O 23608 3,00 € – FRANCE MÉTROPOLITAINE WWW.LEMONDE.FR – FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO Algérie 220 DA, Allemagne 3,70 €, Andorre 3,50 €, Autriche 3,80 €, Belgique 3,20 €, Canada 5,80 $ Can, Chypre 3,20 €, Danemark 36 KRD, Espagne 3,50 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,10 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,30 €, Guyane 3,50 €, Hongrie 1 440 HUF, Italie 3,50 €, Luxembourg 3,30 €, Malte 3,20 €, Maroc 22 DH, Pays-Bas 3,80 €, Portugal cont. 3,50 €, La Réunion 3,30 €, Sénégal 2 400 F CFA, Suisse 4,40 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,10 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA LA  FRANCE DES LICENCIEMENTS LE REGARD DE PLANTU Etats-Unis Trump lâché par son ministre de la justice nouveau revers pour Donald Trump. Mardi 1 er décembre, son propre ministre de la justice, William Barr, a porté un coup sé- vère à l’accusation de fraude élec- torale massive, qui justifie, selon le président des Etats-Unis, son refus de reconnaître sa défaite à la présidentielle. « Nous n’avons pas vu de fraude à une échelle sus- ceptible de changer le résultat de l’élection », a assuré M. Barr. Pendant ce temps, le président élu, le démocrate Joe Biden, dé- fend un programme économique qui revendique une priorité abso- lue : l’emploi. PAGES 4 ET 26 Tribune « Le projet de réforme de la justice pénale des mineurs est inutile et dangereux » PAGE 36 Recherche Religion, genre : les sciences sociales, champ de bataille entre le savant et le politique PAGE 15 Disparition Anne Sylvestre, chanteuse pour petits et grands, défenseuse de la liberté des femmes PAGE 30 Amazonie Effroyable déforestation plus de 11 000 km 2 de forêt tropi- cale ont été rasés dans l’Amazo- nie brésilienne entre août 2019 et juillet 2020, peu ou prou la super- ficie de la région Ile-de-France. Il faut remonter douze ans en ar- rière pour retrouver un tel niveau de dévastation. Derrière ce sac- cage, qui paraît largement hors de contrôle, les ONG de défense de l’environnement voient la main et l’influence d’un homme : le président Jair Bolsonaro. PAGE 9 Malgré les aides massi- ves de l’Etat, les effets de la crise sanitaire liée au Covid-19 sur l’écono- mie et l’emploi se font sentir sur tout le territoire Plus de 330 entreprises ont annoncé des réduc- tions d’effectifs au cours des trois derniers mois, qui pourraient détruire plus de 35 000 postes Les experts s’accordent à dire que le pire est à venir : les faillites risquent de se compter par dizaines de milliers en 2021 PAGES 22 À 25 LA DOUBLE LEÇON DE L’ARTICLE 24 PAGE 39 1 ÉDITORIAL COVID-19 CHINE La polémique sur l’origine du virus s’amplifie : selon un rapport confidentiel, la province du Hubei enregistrait, dès décembre 2019, une très forte hausse du nombre de grippes PAGE 5 MARSEILLE Reportage au cœur de l’institut hospitalier universitaire, la forteresse de Didier Raoult, dont le personnel défend le travail et le directeur PAGE 6 ENQUÊTE Du contrat première embauche (CPE) à Big Pharma, portrait de Louis-Charles Viossat, le « M. Vaccin » du gouvernement, au CV controversé PAGE 7 TRAITEMENT A Argenteuil, des malades rentrent plus vite chez eux grâce à l’oxygénothérapie à domicile PAGE 8 35 000 SUPPRESSIONS DE POSTES ANNONCÉES EN TROIS MOIS CATHERINE CUSSET L’autre qu’on adorait Gallimard présente HERVÉ LE TELLIER Photo F. Mantovani © Gallimard L’anomalie GALLIMARD HERVÉ LE TELLIER L’ANOMALIE roman

Le Monde - 03 12 2020

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Page 1: Le Monde - 03 12 2020

JEUDI 3 DÉCEMBRE 202076E ANNÉE – NO 23608

3,00 € – FRANCE MÉTROPOLITAINEWWW.LEMONDE.FR –

FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRYDIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO

Algérie 220 DA, Allemagne 3,70 €, Andorre 3,50 €, Autriche 3,80 €, Belgique 3,20 €, Canada 5,80 $ Can, Chypre 3,20 €, Danemark 36 KRD, Espagne 3,50 €, Gabon 2 400 F CFA, Grande-Bretagne 3,10 £, Grèce 3,50 €, Guadeloupe-Martinique 3,30 €, Guyane 3,50 €, Hongrie 1 440 HUF, Italie 3,50 €, Luxembourg 3,30 €, Malte 3,20 €, Maroc 22 DH, Pays-Bas 3,80 €, Portugal cont. 3,50 €, La Réunion 3,30 €, Sénégal 2 400 F CFA, Suisse 4,40 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 4,10 DT, Afrique CFA autres 2 400 F CFA

LA FRANCEDES LICENCIEMENTS

LE REGARD DE PLANTU

Etats­Unis Trump lâché par son ministre de la justicenouveau revers pour DonaldTrump. Mardi 1er décembre, son propre ministre de la justice,William Barr, a porté un coup sé­vère à l’accusation de fraude élec­torale massive, qui justifie, selon

le président des Etats­Unis, son refus de reconnaître sa défaite à la présidentielle. « Nous n’avonspas vu de fraude à une échelle sus­ceptible de changer le résultat de l’élection », a assuré M. Barr.

Pendant ce temps, le présidentélu, le démocrate Joe Biden, dé­fend un programme économiquequi revendique une priorité abso­lue : l’emploi.

PAGES 4 ET 26

Tribune« Le projet de réforme de la justice pénale des mineurs est inutile et dangereux »PAGE 36

RechercheReligion, genre : les sciences sociales, champ de bataille entre le savant et le politiquePAGE 15

DisparitionAnne Sylvestre, chanteuse pour petits et grands, défenseuse de la liberté des femmesPAGE 30

Amazonie Effroyable déforestationplus de 11 000 km2 de forêt tropi­cale ont été rasés dans l’Amazo­nie brésilienne entre août 2019 et juillet 2020, peu ou prou la super­ficie de la région Ile­de­France. Il faut remonter douze ans en ar­rière pour retrouver un tel niveau

de dévastation. Derrière ce sac­cage, qui paraît largement hors de contrôle, les ONG de défense de l’environnement voient la main et l’influence d’un homme :le président Jair Bolsonaro.

PAGE 9

▶ Malgré les aides massi­ves de l’Etat, les effets de la crise sanitaire liée au Covid­19 sur l’écono­mie et l’emploi se font sentir sur tout le territoire

▶ Plus de 330 entreprises ont annoncé des réduc­tions d’effectifs au cours des trois derniers mois, qui pourraient détruire plus de 35 000 postes

▶ Les experts s’accordent à dire que le pire est à venir : les faillites risquent de se compter par dizaines de milliers en 2021PAGES 22 À 25

LA DOUBLE LEÇON DE L’ARTICLE 24

PAGE 39

1É D I T O R I A L

COVID-19CHINELa polémique sur l’origine du virus s’amplifie : selon unrapport confidentiel, la province du Hubei enregistrait, dès décembre 2019, une très forte hausse du nombre de grippesPAGE 5

MARSEILLEReportage au cœur de l’institut hospitalier universitaire, la forteresse de Didier Raoult, dontle personnel défend le travail et le directeurPAGE 6

ENQUÊTEDu contrat première embauche (CPE) à Big Pharma, portrait de Louis­Charles Viossat, le « M. Vaccin » du gouvernement, au CV controverséPAGE 7

TRAITEMENTA Argenteuil, des malades rentrent plus vite chez eux grâce à l’oxygénothérapie à domicilePAGE 8

35 000 SUPPRESSIONS DE POSTES ANNONCÉES EN TROIS MOIS

CATHERINE

CUSSETL’autre

qu’on adorait

Gallimardprésente

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Page 2: Le Monde - 03 12 2020

2 | INTERNATIONAL JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

premier ministre de la roumaniedepuis novembre 2019, Ludovic Orban partage avec son homologue hongrois Viktor Orban son patronyme, son âge (57 ans), et son affiliation au Parti popu­laire européen (PPE) – la famille des droi­tes conservatrices. Mais leur ressem­blance s’arrête là. En pleine campagne pour les législatives du dimanche 6 dé­cembre en Roumanie, Ludovic Orban critique les veto hongrois et polonais auplan de relance européen post­Covid.

La Hongrie et la Pologne bloquent le budget de l’UE en refusant tout lien entre les subventions européennes et l’Etat de droit. Qu’en pensez­vous ?

Il est vital pour l’Europe d’adopter et demettre en place le plus vite possible le budget de l’UE et le plan de relance. Nousavons une chance de soutenir des inves­tissements et d’accélérer la relance. Il faut l’utiliser. Les gouvernements hon­grois et polonais doivent prendre en compte l’intérêt de leurs citoyens qui sont les mêmes que ceux de tous les ci­toyens européens, ils doivent lever leurs veto contre ces deux décisions majeures.

Budapest et Varsovie disent défendre l’esprit de l’Europe centrale contre Bruxelles. N’êtes­vous pas d’accord ?

Ils ne peuvent pas parler au nom detous les pays d’Europe centrale et orien­tale. C’est très difficile de comprendre pourquoi ils ne sont pas d’accord pourlier les fonds européens à l’Etat de droit. Tous les pays européens doivent respec­ter l’Etat de droit. L’indépendance de la justice, l’accès à la justice sans interfé­rence, la lutte contre la corruption sont une chose normale en Europe. Nous [les Roumains] sommes sous le mécanismede coopération et de vérification [qui prévoit une surveillance européenne dusystème judiciaire de la Roumanie et de laBulgarie depuis leur adhésion à l’UEen 2007]. Nous devons appliquer les re­commandations de la Commission européenne, et nous sommes d’accord, car tous les contribuables de l’UE doi­vent être certains que l’Etat dépensel’argent public de façon correcte.

Ne pouvez­vous pas faire davantage pression sur vos voisins ?

Nous essayons de les convaincre, mais

la Roumanie ne peut pas décider pour legouvernement hongrois. Je reste opti­miste, leur position n’est pas raisonna­ble, sinon tous les autres pays euro­péens se révolteront et cela ne sera pas oublié. Le futur de l’Europe en dépend.

Vous êtes membre du PPE comme le Fidesz de Viktor Orban. Pourquoi en est­il toujours membre ?

Ils sont suspendus du PPE et tousles leaders du PPE ont envoyé des mes­sages aux Hongrois et aux Polonais. En pratique, le PPE n’a plus de pouvoir sur le Fidesz.

Soutenez­vous une exclusion ?Je préfère ne pas parler de ce sujet, cela

doit être décidé au niveau du PPE.

Les réformes de la justice menées par vos prédécesseurs du parti social­démocrate ont été un sujet de préoc­cupation. Pourquoi n’êtes­vous pas encore revenus sur ces réformes ?

Quand nous étions dans l’opposition,nous avons lutté contre les réformesdu gouvernement précédent qui vou­

lait arrêter la lutte contre la corruption. Nous avons eu du succès en participantau mouvement civique et en allant devant la Cour constitutionnelle. Nousavons réussi à stopper le gouvernementsocialiste et depuis novembre 2019, laRoumanie a changé radicalement de position.

Notre intention est de réparer lesmauvaises choses qui ont été faites enrespectant les recommandations euro­péennes. Nous n’avons pas encore pu lefaire car le président Klaus Iohannis aconvoqué un référendum [en mai 2019]dans lequel plus de 6 millions de ci­toyens roumains ont décidé que le gou­vernement ne devrait pas pouvoirréformer la justice par décret, mais en passant par le Parlement. Or nous n’avons toujours pas la majorité au Par­lement pour soutenir nos propositions.Si les élections nous donnent une majo­rité proeuropéenne et projustice, nous agirons dès le premier semestre 2021.C’est une priorité.

propos recueillis parjean­baptiste chastand

(bucarest, envoyé spécial)

« La Hongrie ne peut pas parler au nom de tous les pays d’Europe centrale »

Varsovie et Budapest, la rupture avec l’UEEtat de droit, migration, genre… la Pologne et la Hongrie font front commun sur la question des valeurs

bruxelles ­ bureau européen

P our l’instant, la Pologneet la Hongrie affichentun front parfaitementsoudé face à leurs parte­

naires européens : tant que le mécanisme de conditionnalitéentre le versement des fondseuropéens et le respect de l’Etat dedroit sera sur la table, disent­elles,elles mettront leur veto au plan derelance européen de 750 milliardsd’euros et au budget communau­taire (2021­2027) de 1 074 mil­liards. Le premier ministre polo­nais, Mateusz Morawiecki, et son homologue hongrois, Viktor Or­ban, l’ont répété, lundi 30 novem­bre dans la soirée, après s’être retrouvés pour une réunion de travail à Varsovie.

Epinglés régulièrement parBruxelles pour des projets en rup­ture avec les valeurs démocrati­ques, l’indépendance de la justice, les droits des minorités ou la li­berté des médias, les deux diri­geants s’attachent à mettre enscène leur union. Le 26 novembre,déjà, ils s’étaient rencontrés à Bu­dapest et avaient profité de l’occa­sion pour réaffirmer leur détermi­nation. « Jamais ni la Pologne ni la Hongrie n’accepteront une propo­sition que l’autre jugerait inaccep­table », avaient insisté MM. Orban et Morawiecki, pour justifier le blocage des aides aux pays les plustouchés par la pandémie.

Sur l’Etat de droit, c’est un fait,Varsovie et Budapest ont scelléune sorte de pacte face à Bruxel­les. Une procédure dite « arti­cle 7 », qui vise en principe à sanc­tionner (jusqu’au retrait de leur droit de vote) des pays qui ne respectent pas les valeurs del’Union européenne (UE), a été enclenchée contre la Pologne en décembre 2017, une autre contre la Hongrie en septembre 2018. Mais, tant que les deux gouverne­ments seront solidaires, celles­ci n’auront, en réalité, aucunechance d’aboutir. En vertu de la règle de l’unanimité, il faut en ef­fet que tous les Etats membres (sauf celui visé) y consentent.

Bande à part« Quand vous voyez les positionsde la Pologne et de la Hongrie surles migrations, le climat, l’Etat dedroit, le budget, ça fait pas mal desujets sur lesquels ils ont des diffi­cultés. Demandons­leur ce qu’ilsveulent faire de cette UE ! », iro­nise un diplomate. Qui fait ainsipasser le message que le plan derelance pourrait, après tout, sefaire à vingt­cinq, sans les deuxfrondeurs, prompts à brandirleur souveraineté.

Même si cette menace, brandieégalement par d’autres responsa­bles, dont Clément Beaune, le se­crétaire d’Etat français aux affai­res européennes, reste à ce stade purement tactique, elle donne à penser que la Pologne et la Hon­grie font, d’une certaine manière, bande à part au sein de l’UE.

Les deux pays, qui ont rejointl’Europe communautaire le 1er mai 2004, étaient, au début de leur histoire européenne, des « al­liés naturels », quinze ans après la chute du mur de Berlin. Comme ils l’étaient d’ailleurs avec la Répu­blique tchèque et la Slovaquie (au sein du groupe de Visegrad), qui avaient intégré l’UE en même temps qu’eux. Ces quatre­là se serrent encore aujourd’hui lescoudes dès qu’il s’agit de défendreune Europe plus redistributive àleur bénéfice. Mais pour le reste,ils sont moins alignés.

« Sur les sujets qui font partied’un agenda idéologique, Varsovie

et Budapest se soutiennent mu­tuellement, même si la situation de la Pologne est plus complexe que celle de la Hongrie », explique un diplomate. Sur le thème de la migration, qui empoisonne la vie de l’UE depuis 2015, c’est ViktorOrban qui tient le haut du pavé, s’opposant à tout principe de solidarité et aux quotas obligatoi­res de relocalisation. Jean­Claude Juncker, l’ancien président de laCommission, en était tellement exaspéré qu’il déclarait que le Hongrois n’avait plus sa place au Parti populaire européen (PPE,qui fédère les formations dedroite, comme la CDU et LR).Aujourd’hui, son parti, le Fidesz, y siège toujours même s’il est of­ficiellement « suspendu » par la famille conservatrice.

On ignore encore si la Hongrieet ses alliés accepteront le « pactemigratoire » élaboré récemment par Bruxelles, qui entend leur im­poser le principe de la solidarité

en les amenant soit à contribuer,d’une manière ou d’une autre, à la surveillance renforcée desfrontières extérieures de l’UE,soit à organiser les rapatrie­ments pour les déboutés du droitd’asile. Sans obligation d’accueil,sauf s’ils ne souscrivent à aucun autre engagement.

« Orban a théorisé la démocratieillibérale. En Pologne, c’est plus un conservatisme extraordinaire­ment fort qui s’exprime. Mais les deux pays se retrouvent pour dé­fendre tout ce qui touche aux va­leurs chrétiennes », juge Nathalie Loiseau, eurodéputée Renew Eu­rope (« Renaissance Europe ») etancienne ministre chargée des affaires européennes.

La question du genre, notam­ment, est hautement sensible,comme l’a illustré une nouvelle fois le Conseil européen du 16 oc­tobre, au cours duquel les Vingt­Sept avaient prévu de parler de leur partenariat avec l’Afrique.

Alors que, dans ce contexte, lesconclusions du sommet pré­voyaient d’évoquer la nécessité d’y promouvoir « l’égalité entre leshommes et les femmes », le pre­mier ministre luxembourgeois,Xavier Bettel, suivi par son homo­logue danoise, Mette Frederiksen,a jugé qu’il fallait aller plus loinet parler d’« égalité des genres ».

« Chez moi, on ne parle pasd’égalité des genres. C’est une expression suridéologisée ! », s’est

Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, et son homologue polonais, Mateusz Morawiecki, à Budapest, le 26 novembre. ZOLTAN FISCHER/REUTERS

Un diplomate fait passer

le message que le plan de relancepourrait se faire

à vingt-cinq, sans les deux

frondeurs

insurgé Viktor Orban. S’en est suivi un débat d’une heure et de­mie, loin de l’Afrique, avec unesuspension de séance au cours de laquelle le Hongrois a téléphoné àM. Morawiecki, absent pour causede quarantaine, avant d’accepter le compromis final : un texte qui parle de « mêmes droits et d’oppor­tunités pour tous » mais se réfère àun document qui lui évoque « l’égalité des genres »…

Désaccords sur les Etats-UnisEn Hongrie, la ville de Nagykata a décidé, en novembre, d’imiter la Pologne en instaurant une pre­mière zone « LGBTQ­free » où se­ront interdites toute « propa­gande » et toute marche pourl’égalité. La Hongrie prohibe aussi le changement de genre des transsexuels dans le code civil et compte réserver l’adoption aux couples hétérosexuels ma­riés, alors que la Commission de Bruxelles vient d’annoncer une« stratégie LGBTQ » et évoque la« dérive inquiétante » de l’Est.

Il est un domaine où Varsovieet Budapest ne se retrouvent pas, celui de la politique étrangère.Si, contrairement à leurs parte­naires européens, les deux gou­vernements se réjouissaient de la victoire de Donald Trump en 2016 – sans doute parce qu’ilétait insensible aux questions de l’Etat de droit ou du climat –, ils ont rapidement divergé. La Polo­gne, que le président américain qualifiait de « cœur géographique de l’Europe », s’est alignée surWashington, avec qui elle a conclunotamment des contrats gazierset d’armement.

Proche de Moscou et de Pékin,M. Orban s’est, en revanche, attiréles foudres de l’administrationaméricaine à propos de sa politi­que énergétique ou de la 5G. Les deux rebelles étaient en tout cas d’accord pour se démarquer, dansce domaine aussi, des recom­mandations de leurs partenaires européens, enclins à développerl’autonomie de l’UE à l’égard de tous ses grands rivaux.

virginie malingreet jean­pierre stroobants

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0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 international | 3

L’OTAN réfléchit à son adaptation stratégique à l’horizon 2030Dans un rapport, un groupe d’experts recommande de renforcer la cohésion interne de l’Alliance et de tenir compte de la montée en puissance de la Chine

perts – dont Hubert Védrine, an­cien ministre des affaires étran­gères français, fait partie – ne seraque « l’un des éléments » dans la redéfinition du fonctionnementet du rôle de l’Alliance. Une façonde vouloir garder le contrôle sur un exercice doctrinal très sensi­ble, alors qu’un membre même de l’OTAN pose problème. Il s’agitde la Turquie, depuis l’offensive qu’elle a lancée, en octobre 2019, en Syrie contre les partenaireskurdes de l’Occident en lutte contre l’organisation Etat islami­que. Depuis lors, les coups de force militaires d’Ankara en Mé­diterranée orientale, en Libye et dans le Haut­Karabakh sont ap­parus en contradiction avec les principes et la pratique au sein del’Alliance. Ils ont renforcé l’idée d’une dérive au sein de l’OTAN,que l’organisation a refusé jus­qu’à présent de traiter frontale­ment. Mais la prise de cons­cience, à Washington, de l’exis­tence d’un problème turc, mili­taire et politique s’est accélérée.

La Russie, « menace militaire »Sur plusieurs sujets classiques, comme la menace russe, les ex­perts du groupe de réflexion s’inscrivent sans surprise dans la tradition de l’OTAN. De ce fait, ils se démarquent, collectivement,du dialogue stratégique à l’initia­tive d’Emmanuel Macron avec la Russie, à l’été 2019. « Les tentativesde l’OTAN pour construire un par­tenariat significatif et impliquer laRussie dans la création d’une ar­chitecture de sécurité euroatlanti­que post­guerre froide ont été re­poussées », note le rapport, rappe­lant l’annexion de la Crimée, en2014. Selon les experts, la Russie « va probablement demeurer la principale menace militaire pour l’Alliance » d’ici à 2030. Il faudra donc préserver une approche

duale à son égard : dissuasion et dialogue. La Chine, elle, « rivale systémique », n’est pas, à ce jour,considérée comme une menace de même nature.

Pour Paris, l’essentiel résidedans le fait que les questions­cléssoulevées depuis un an par Em­manuel Macron ont été portéesau cœur de l’Alliance. Il s’agit de son adaptation à la nouvelle réa­lité stratégique, de sa cohésionpolitique et de l’articulation en­tre l’affirmation de l’Union euro­péenne (UE) et l’OTAN. Ce dernierpoint est particulièrement cru­cial. La France ne veut pas quesoit relâché l’effort européen envue d’une véritable autonomie,d’une capacité collective de trai­ter les crises dans le voisinage del’UE. A ce sujet, le rapport estimeque l’OTAN devrait saluer les ef­forts de l’UE pour fortifier ses ca­pacités de défense dès lors qu’el­les renforcent l’OTAN également, dans le cadre d’un « partage dufardeau » financier.

Mais le logiciel OTAN demeureconfiguré selon des normes amé­ricaines, auxquelles se conforme naturellement une partie de l’UE, dans le Nord et dans l’Est. « Unrenforcement de l’Europe est un renforcement de l’OTAN, a souli­gné, mardi, M. Stoltenberg. Mais toute tentative d’affaiblir le lien transatlantique affaiblira autant l’Europe que l’OTAN. » Ressusci­tant le spectre d’un « pilier euro­péen » dans l’Alliance, la bureau­cratie otanienne cache donc malson scepticisme quant à l’affirma­tion d’une « Europe puissance ».Mais l’essentiel, pour les capitaleseuropéennes, reste l’idée d’uneporte ouverte. Il appartiendra aux Etats concernés de démon­trer la volonté et les moyens de s’yengouffrer.

piotr smolar (a paris)et jean­pierre stroobants

Le réengagementaméricain

fait espérer aux alliés

la possibilité d’un regain

de souffle après le traumatisme

Trump

Un eurodéputé proche de Viktor Orban arrêté lors d’une soirée de débaucheEn plein confinement, à Bruxelles, Jozsef Szajer, le vice­président du groupe conservateur, a été surpris par la police et a dû démissionner

vienne ­ correspondant régionalbruxelles ­ bureau européen

L es voisins d’un apparte­ment de Bruxelles qui, ven­dredi 27 novembre, appe­

laient la police pour se plaindre d’un tapage nocturne, ignoraient qu’ils allaient causer une déflagra­tion au sein du Fidesz, le parti ul­traconservateur du premier mi­nistre hongrois, Viktor Orban. Les policiers, arrivés sur place pour constater une infraction aux me­sures de confinement en vigueur dans la capitale belge, troublaient alors une partie de débauche sexuelle, avec alcool et stupéfiants à la clé. Parmi la vingtaine de personnes présentes, essentielle­ment des hommes, deux diplo­mates ont rapidement invoqué leur immunité.

Un troisième individu, qui avaittenté de s’échapper en dégringo­lant, à moitié dénudé, le long d’une gouttière, était retrouvé les mains ensanglantées. Démuni de tout papier d’identité, il invoquait, lui aussi, son statut diplomatique et dévoilait qu’il était Jozsef Szajer, eurodéputé et pilier du Fidesz, uneformation pour laquelle il a siégé sans discontinuer depuis l’adhé­sion de son pays à l’Union euro­péenne (UE), en 2004.

Dimanche, alors que ces événe­ments n’étaient pas connus, l’élu tentait d’éteindre le feu qui cou­vait. Il annonçait sa démission « après une longue période de ré­flexion » et affirmait que ce retrait de la vie publique n’avait rien à voir avec « le débat politique animédu moment au niveau européen ». Une allusion, sans doute, au refus de M. Orban d’accepter une clause relative à l’Etat de droit pour béné­ficier des fonds européens. Avec la

Pologne, la Hongrie bloque le plan de relance et le futur budget de l’UE. Mardi après­midi, M. Szajer diffusait un deuxième communi­qué, d’une tout autre teneur. Aprèsles révélations d’un quotidien belge, il devait, cette fois, confesserson regret d’avoir violé les règles du confinement. Il présentait ses excuses et priait chacun de ne pas mettre en cause son pays. L’élu niait aussi avoir consommé de la drogue et affirmait que des pro­duits trouvés dans son son sac à dos y avaient été glissés à son insu.

« Mensonge » ou « hypocrisie »Véritable pilier du Fidesz à Bruxel­les, aîné de deux ans du premierministre hongrois, M. Szajer a participé à la fondation de ce parti, au côté de M. Orban, en 1988, alors que la Hongrie étaitencore soumise à une dictature communiste. En tant que vice­président du groupe Parti popu­laire européen (PPE) au sein duParlement européen, ce brillantjuriste a notamment été en pre­mière ligne pour négocier les re­lations difficiles de son parti avec la famille des droites européen­nes au cours des dernières an­nées. En mars 2019, il avait pu,avec d’autres, empêcher l’exclu­sion de son parti du PPE, mais il avait dû se résigner à la suspen­sion du Fidesz, laquelle a été re­confirmée en janvier par DonaldTusk, le président du parti conser­vateur européen.

M. Szajer aime surtout se pré­senter comme un des coauteursde la Constitution hongroise adoptée en 2011 à l’initiative de M. Orban et prévoyant notam­ment que le « mariage est l’union d’un homme et d’une femme ». Au sein d’un pouvoir qui se fait fort

de défendre les « valeurs familia­les chrétiennes conservatrices », M. Szajer avait, d’une certaine fa­çon, respecté cette dispositionconstitutionnelle par avance, en étant marié depuis 1983 avec une juriste aujourd’hui juge à la Cour constitutionnelle. Entre 2012 et2019, celle­ci a dirigé un des orga­nes les plus contestés, créés dans la foulée de la nouvelle Constitu­tion, pour contrôler les nomina­tions des magistrats en Hongrie. L’homosexualité de M. Szajer avait toutefois été révélée dès2015 par l’une des rares homo­sexuelles assumées de la classe politique hongroise, la libéraleKlara Ungar.

Les nouvelles venues mardi deBelgique ont fortement troubléle système bien rodé de la propa­gande orbanienne. Pour preuve,le silence initial d’Origo, le site d’information aux ordres dugouvernement, qui a fini par publier une simple « déclarationde Jozsef Szajer », sans plus de détails. De son côté, la délégationdu Fidesz au Parlement euro­péen, d’habitude plus loquace, a salué dans une déclarationen trois phrases « une décisionjuste », notant que l’intéressé« s’est excusé auprès de sa famille,de sa communauté politique et deses électeurs ». Les partis d’oppo­sition se sont, eux, déchaînés en dénonçant au choix « lafaillite morale », le « mensonge »ou l’« hypocrisie » d’une forma­tion politique qui a déjà dû faireface, il y a un an, à la démissiondu maire de la ville de Györ, filméà son insu sur un yacht alors qu’ilse livrait à une orgie avec desprostituées et de la drogue.

jean­baptiste chastandet j.­p. s.

bruxelles ­ bureau européen

P ersistance du risque ter­roriste, approche tradi­tionnelle et dure vis­à­vis de la Russie, mais

aussi prise en compte de la nouvelle puissance chinoise, etporte laissée ouverte à l’affirma­tion européenne en matière dedéfense : tel est le subtil équilibrerésumant le document remis, mercredi 25 novembre, au se­crétaire général de l’Organisationdu traité de l’Atlantique Nord (OTAN), Jens Stoltenberg. Cerapport de soixante­sept pagesest le fruit d’innombrables com­promis entre les dix experts réu­nis, depuis la fin mars, autourd’une mission : réfléchir à l’adap­tation stratégique de l’Alliance, à un horizon 2030.

Les ministres des affaires étran­gères, dialoguant en visioconfé­rence, mardi 1er décembre, ont dis­cuté des pistes ouvertes par ce tra­vail, qui représente une première étape et non un aboutissement. Le chef de la diplomatie française, Jean­Yves Le Drian, et son homo­

logue allemand, Heiko Maas, ontsalué, dans la soirée, par un com­muniqué commun, un « travail re­marquable » et des « recomman­dations importantes et équili­brées ». Au premier semestre 2021 pourrait se tenir à Bruxelles un sommet de l’OTAN avec la nou­velle administration Biden. Le réengagement américain au sein de l’Alliance fait espérer aux alliés la possibilité de lui redonner du souffle, après le traumatisme poli­tique – plus qu’opérationnel – des années Trump. Puis, en 2022, l’OTAN pourrait alors endosser

formellement les nouveaux élé­ments de langage choisis et lesmesures préconisées pour renfor­cer sa cohérence – un mot cité quarante­huit fois dans le rapport.Une cohérence qui devrait être consolidée sur la base de « valeurs partagées et d’idéaux, enracinés dans la démocratie, l’Etat de droit et la liberté individuelle », précise letexte, qui suggère la mise en placed’un « code de bonne conduite » aux contours encore incertains. Il reviendra aux chefs d’Etat et de gouvernement de donner, éven­tuellement, un contenu à cette idée. Sans entrer dans le détail destensions internes, au sein de l’Al­liance, les auteurs du document mettent en garde : « Les divergen­ces politiques au dans l’OTAN sont dangereuses, car elles permettent àdes acteurs extérieurs, et en parti­culier à la Russie et à la Chine, d’ex­ploiter les différends dans l’Allianceet de tirer profit d’alliés individuels de façon à mettre en péril leurs in­térêts collectifs et leur sécurité »,souligne le texte.

Mais, d’ores et déjà, Jens Stol­tenberg avertit : le rapport des ex­

HONGKONGJoshua Wong condamné à la prisonJoshua Wong, l’une des figu­res les plus connues de la contestation à Hongkong, et deux autres célèbres mili­tants ont été condamnés, mercredi 2 décembre, à des peines d’emprisonnement pour leur rôle dans les mani­festations de 2019, dans l’an­cienne colonie britannique. M. Wong a été condamné à treize mois et demi de prison, tandis que ses camarades Agnes Chow et Ivan Lam ont été respectivement condam­nés à dix et sept mois de dé­tention. Lors du procès, le 23 novembre, M. Wong, 24 ans, ainsi que les deux autres dissidents, âgés de 26 ans, avaient plaidé coupa­ble des faits qui leur étaient reprochés. – (AFP.)

NIGERIABoko Haram revendique le massacre de 76 paysansLe groupe djihadiste Boko Haram a revendiqué, mardi 1er décembre, la tuerie de sa­medi contre des travailleurs agricoles dans le nord­est du Nigeria, qui a fait 76 morts, selon un dernier bilan des autorités. Dans une vidéo de propagande, le groupe, dirigé par le chef traditionnel Abu­bakar Shekau, affirme avoir tué des dizaines de villageois du district de Jere, à quelques kilomètres de Maiduguri, la capitale de l’Etat du Borno, pour des motifs de ven­geance. Le nord­est du Nige­ria est en proie à l’insurrec­tion du groupe Boko Haram depuis 2009. Le conflit a fait 36 000 morts et plus de deux millions de déplacés. – (AFP.)

« Son roman traversetout un siècle,à la hauteurdes âmes,à la hauteurdes gens.»Xavier Houssin,Le Monde des livres

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4 | international JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

La Norvège va extrader un suspect de l’attentat de la rue des RosiersL’homme de 62 ans, un Palestinien exilé dans le royaume puis naturalisé norvégien, est attendu à Paris trente­huit ans après l’attaque

malmö (suède) ­correspondante régionale

T rente­huit années ontpassé depuis l’attentatantisémite de la rue desRosiers, qui a fait six

morts et vingt­deux blessés, l’été 1982, à Paris. Longtemps, les sur­vivants et les familles des victi­mes ont cru qu’il n’y aurait jamaisde procès. La décision de la Nor­vège, prise en conseil des minis­tres, le 27 novembre, ravive leur espoir de voir au moins un desterroristes présumés peut­être bientôt traduit en justice. Dans lesprochains jours, Oslo va extradervers la France un homme de 62 ans, originaire de Palestine, ar­rivé dans le royaume scandinave

en 1991 et identifié, par plusieurstémoins, comme un des tueurs dela rue des Rosiers.

Ce 9 août 1982, plusieurs hom­mes armés entrent, à l’heure dudéjeuner, chez Jo Goldenberg, unrestaurant du quartier du Marais. Les assaillants lancent une gre­nade, avant d’ouvrir le feu sur les clients, puis de repartir à pied, en tirant sur les passants. Très vite, l’enquête s’enlise, même si la pisted’un commando palestinien estévoquée, en raison des armes em­ployées par les terroristes : despistolets­mitrailleurs WZ­63, de fabrication polonaise, utilisés lorsd’attaques attribuées au Fatah­Conseil révolutionnaire (Fa­tah­CR) d’Abou Nidal, groupe dis­sident de l’Organisation de libéra­tion de la Palestine (OLP), dirigée à l’époque par Yasser Arafat.

Les pistes ont­elles étébrouillées délibérément ? En août 2019, l’ancien patron de l’an­titerrorisme, Yves Bonnet, a con­firmé au journal Le Parisien qu’il avait passé un accord secret avec le groupe d’Abou Nidal quelquesmois après l’attentat. Contre la ga­rantie qu’il n’y aurait pas de nou­velles attaques sur le sol français, ses membres pouvaient circuler en France sans être appréhendés.

En 2011, les révélations d’an­ciens cadres du Fatah­CR permet­tent toutefois aux policiers de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) d’identifier plu­sieurs suspects. En 2015, le juge d’instruction Marc Trévidic déli­vre quatre mandats d’arrêt inter­nationaux. Tous visent des Pales­tiniens. L’un vit à Ramallah, enCisjordanie. Deux autres habitenten Jordanie. Le dernier est domi­cilié à Skien, commune de 50 000habitants, au sud d’Oslo.

Mais l’enquête patine de nou­veau. En 2015, puis en 2019, la jus­tice jordanienne rejette les de­mandes d’extradition visant les hommes vivant sur son territoire.La Norvège, elle aussi, dit non, car Walid Abdulrahman Abou Zayed, connu sous le nom de Walid Ab­dulrahman Osman, alias SouhaïlOthman, a été naturalisé norvé­

gien en 1997. Or le royaume scan­dinave ne livre pas ses ressortis­sants. Il faudra patienter quatreans, le temps qu’Oslo ratifie un ac­cord d’extradition avec l’Unioneuropéenne, entré en vigueur en novembre 2019, pour relancer la procédure. Le 9 septem­bre 2020, enfin, M. Zayed est in­terpellé à Skien et placé en déten­tion provisoire. L’ensemble desinstances judiciaires du royaume ayant validé la demande d’extra­dition, il ne manquait plus que l’accord du roi, Harald V, qui l’adonné, le 27 novembre.

La Norvège a dix jours pour li­vrer le suspect aux autorités fran­çaises. « Nous avons pris contactavec le parquet à Paris pour orga­niser l’extradition », rapporte Annett Aamodt, porte­parole des services de renseignementnorvégiens (PST). Une source pro­che du dossier assure que « lapression était forte pour que cette affaire, très embarrassante pour laNorvège, soit enfin résolue ».

Très grande discrétionCar M. Zayed est loin d’être un ci­toyen exemplaire. D’après nos in­formations, son casier judiciaireest bien chargé. Condamné pourdes faits de violence contre des proches et suite au dépôt d’une fausse plainte, il a fait trois séjoursen prison. Conduisant sans per­mis, en état d’ivresse, il a aussi écopé d’amendes, y compris pour possession de stupéfiants et achatde produits de contrebande.

En 1991, dans sa demande d’asile,que Le Monde a pu consulter, il re­connaissait avoir appartenu au Fa­

tah, mais sans avoir participé à ses opérations. Arrivé sans papiers d’identité à Oslo, il certifiait être néà Jenine, en Cisjordanie, en 1958. Soudeur de formation, il aurait tra­vaillé dans le bâtiment, puis auraitrejoint la Syrie et le Fatah en 1981, après avoir été arrêté et torturé parles forces israéliennes.

Il s’entraîne au maniement d’ar­mes, puis est, tour à tour, gardien d’un camp au Liban, chauffeur dans un autre en Syrie, avant dedevenir instructeur au manie­ment d’armes. Il affirmait ensuiteavoir été emprisonné pour avoir refusé d’aller se battre contrel’OLP, au Liban, en 1988. Ayantréussi à fuir en Algérie, il prendun avion pour Francfort, direc­tion Oslo, en octobre 1991, avec sa femme et leurs deux enfants (ils en auront deux autres en Norvègeavant de divorcer en 2005).

Qu’a­t­il fait depuis ? Impossiblede le savoir. Les médias norvé­giens, comme les autorités, font preuve d’une très grande discré­tion sur cette affaire. Même sonavocat, Ole­Martin Meland, ad­met qu’il ne « connaît pas les dé­tails de la vie » de son client. An­nett Aamodt se borne à dire que lePST était « au courant de son exis­tence depuis un certain temps ». Contacté, le ministère de la jus­tice, à Oslo, n’a pas souhaité faire de commentaire. Selon Me Me­land, son client « assure qu’il n’est jamais allé en France, ni à Paris ». Ilsoutient que « les policiers fran­çais font erreur sur sa personne »et qu’il est « accusé à tort, par des personnes qui cherchent à lui nuire ». Les témoins, pourtant, l’ont identifié comme un mem­bre influent d’Abou Nidal et con­firment qu’il a participé à plu­sieurs attentats en Europe.

Avocat des parties civiles,Romain Boulet encourage à la prudence : « Il n’y a aucune assu­rance tant qu’il n’a pas été re­connu coupable. » Mais il admetque « pour les familles, c’est unsoulagement. Elles ont le senti­ment que la justice va enfin pou­voir faire son boulot ».

anne­françoise hivert

William Barr lâche Donald Trump sur les accusations de fraudeL’attorney general n’a pas constaté de fraude pouvant changer l’issue de la présidentielle

washington ­ correspondant

L es revers continuent des’accumuler pour DonaldTrump. Mardi 1er décembre,

son propre ministre de la justice, William Barr, a porté un coup sé­vère à l’accusation de fraude élec­torale massive qui justifie, selon le président des Etats­Unis, sonrefus de reconnaître sa défaite à laprésidentielle face au démocrate Joe Biden. « A ce stade, nousn’avons pas vu de fraude à uneéchelle susceptible de changer lerésultat de l’élection », a assuré l’attorney general des Etats­Unisdans un entretien accordé àl’agence Associated Press.

M. Barr s’en est pris spécifique­ment aux attaques véhiculées par M. Trump à propos d’un système de comptabilisation des voix. « Il ya eu des allégations de fraudes sys­tématiques, selon lesquelles des machines auraient été program­mées pour fausser les résultats des élections », a indiqué M. Barr, mais ses services, comme ceux du dé­partement à la sécurité intérieure, « ont enquêté et, pour l’instant, n’ont rien trouvé pour les étayer ». Le 17 novembre, le président des Etats­Unis avait limogé le chef de son administration chargé de la cybersécurité des élections, Chris­topher Krebs, qui avait assuré pu­bliquement que les élections du 3 novembre avaient été « les plus sûres de l’histoire américaine ».

Les avocats du président ont pro­testé dans un communiqué. « Avectout le respect dû à l’attorney gene­ral, son opinion semble être dé­pourvue de connaissance et d’en­quête sur les irrégularités impor­tantes et les preuves de fraude sys­témique », ont estimé Jenna Ellis etRudy Giuliani. Des élus proches duprésident, Matt Gaetz, représen­tant de Floride, et Ron Johnson, sé­nateur du Wisconsin, ont égale­ment exprimé leur déception.

Le jugement de M. Barr tranched’autant plus qu’il s’est montré très loyal à l’égard de M . Trump de­puis sa prise de fonction, en 2019,

en défendant le principe d’une présidence renforcée. L’attorney general s’est aussi prononcé à deux reprises en faveur de prochesdu président aux prises avec la jus­tice, Roger Stone et Michael Flynn.

M. Trump a cependant exprimésa mauvaise humeur vis­à­vis de son ministre, jugé « porté dis­paru » lors d’un entretien à la chaîne Fox News, dimanche, au cours duquel il a réitéré ses atta­ques contre l’élection après une série de défaites cuisantes. Le même jour, les opérations de re­comptage des voix demandées par l’équipe du président dans deux comtés du Wisconsin, d’uncoût de 3 millions de dollars, se sont soldées par le gain de 87 voixpour Joe Biden. Des recours de­vant la Cour suprême sont enga­gés ou envisagés à propos d’unautre Etat, la Pennsylvanie, après des échecs dévastateurs auprès d’une cour d’appel fédérale et de­vant la Cour suprême de l’Etat.

« Nous avons largement gagné »Depuis le 30 novembre, tous les Etats remportés par M. Biden dans lesquels les républicains ont engagé des recours ont certifié leurs résultats. Il s’agit de l’Ari­zona, de la Géorgie, du Nevada, duMichigan, de la Pennsylvanie et du Wisconsin. Ces Etats ont jus­qu’au 8 décembre pour épuiserles contentieux judiciaires. Le col­lège électoral, qui rassemble les grands électeurs élus le 3 novem­bre dans ce scrutin au suffrage in­direct, se prononcera le 14 décem­bre. « Je n’aurai pas changé d’avis dans six mois », a assuré diman­che M. Trump. « Cette élection était truquée », a­t­il ajouté. Avecla prise en compte de nouveaux résultats, mardi, Joe Biden a accru son avantage sur le président sor­tant au niveau du vote populaire, qui est désormais de 4,4 %. Et le démocrate est devenu le premier candidat à la présidentielle del’histoire américaine à obtenir plus de 81 millions de voix.

gilles paris

Photo d’archives datant du 9 août 1982, après l’attentat commis rue des Rosiers, à Paris. JACQUES DEMARTHON/AFP

Selon une sourceproche du dossier, « la pression était

forte pour que cetteaffaire, très

embarrassante pour la Norvège,

soit enfin résolue »

LE CONTEXTE

RUE DES ROSIERSLe 9 août 1982, un commando attaque le restaurant de Jo Goldenberg, en plein quartier juif de Paris, rue des Rosiers, faisant six morts et vingt-deux blessés. Il est 13 h 15 ce jour-là. Une cinquantaine de personnes sont présentes dans l’établisse-ment, situé dans une petite rue très passante du quartier, dans le 4e arrondissement. Un commando de deux ou qua-tre hommes arrive en deux grou-pes. Le premier jette une gre-nade en direction du restaurant. Le second y pénètre et ouvre le feu avec des pistolets-mi-trailleurs WZ-63 de fabrication polonaise. Quelques instants plus tard, les hommes du com-mando remontent en courant la rue des Rosiers, se dirigeant vers la rue Vieille-du-Temple. Ils font feu sur les passants. Le Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d’Abou Nidal, un groupe palestinien dissident de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), est très vite soupçonné.

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0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 international | 5

La polémique sur l’origine du Covid­19 s’amplifieSelon un rapport confidentiel, les autorités chinoises du Hubei ont tu l’existence de cas suspects en décembre 2019

pékin ­ correspondant

U n an environ aprèsson apparition, la po­lémique rebondit surl’origine du Covid­19,

sa transmission et sa gestionpar les autorités chinoises. Unsujet scientifique devenu extrê­mement politique. Mardi 1er dé­cembre, la chaîne américaineCNN mais aussi le Wall Steet Jour­nal ont fait de nouvelles révé­lations. La date ne doit peut­êtrerien au hasard : c’est, officielle­ment, le 1er décembre 2019qu’un premier malade a été re­péré à Wuhan, la capitale de laprovince chinoise du Hubei, pré­sentant les symptômes d’unenouvelle maladie respiratoire.

Selon un rapport confidentielde 117 pages rédigé par le centre decontrôle et de prévention duHubei et transmis à la chaîne CNNpar un lanceur d’alerte, les autori­tés régionales ont passé sous si­lence le fait qu’en décembre 2019plusieurs villes de la province,dont Wuhan, enregistraient unnombre de grippes jusqu’à vingt fois supérieur à celui de l’année précédente. Elles auraient doncmanqué de vigilance ou de pro­fessionnalisme et n’auraient pas fait le lien avec ce premier cas.

Officiellement, selon le Livreblanc publié par la Chine le 7 juin, c’est le 30 décembre 2019 que les autorités de Wuhan révèlent l’exis­tence de plusieurs cas de pneu­monie inconnue. Elles ne font pas état d’une transmission entre hu­mains, un scénario qui, pourtant,

inquiète déjà plusieurs médecins des hôpitaux de Wuhan.

Selon le rapport révélé par CNN,les autorités chinoises auraient également eu tendance à sous­estimer le nombre de personnes malades. Ainsi, le 10 février, elles signalaient 2 478 nouveaux cas confirmés. En fait, le même jour,les autorités du Hubei en signa­laient 5 918 – en cumulant les casconfirmés, les cas « diagnosti­qués cliniquement » et les « cas suspects ». Au même moment,le président Xi Jinping, inhabi­tuellement absent des médias lesjours précédents, tient une visio­conférence avec le personnelhospitalier de Wuhan.

TâtonnementsPrésentées comme fracassantes, les révélations de CNN montrentsurtout que les autorités chinoi­ses semblent avoir tâtonné tout au long du mois de décem­bre 2019. Puis, dans un second temps, ont établi un comptage des cas, selon une estimation mi­nimum. Incidemment, la publica­

tion d’un document classé confi­dentiel montre qu’il y a encore des personnes au sein du systèmede santé du Hubei qui ne se satis­font pas de la vérité officielle et prennent le risque de diffuser desinformations à l’extérieur.

De leur côté, les autorités chi­noises ne cessent depuis des moisde prétendre que le virus vient« probablement » de l’étranger. Le 12 mars, Zhao Lijian, un des porte­parole du ministère des affaires étrangères, avait même accusé lesEtats­Unis. « Quand le patient zéroest­il apparu aux Etats­Unis ? Com­bien de personnes sont infectées ? Quels sont les noms des hôpitaux ?C’est peut­être l’armée américaine qui a apporté le virus à Wuhan. Soyez transparents ! Rendez publi­ques vos données ! Les Etats­Unis nous doivent une explication », écrivait­il sur Twitter.

Certes, en parallèle, les autoritéschinoises affirmaient que c’était aux scientifiques de déterminer l’origine du virus, mais le malétait fait. De nombreux Chinois sont encore convaincus que cesont les soldats américains qui ont introduit le virus à Wuhan lors des Jeux olympiques militai­res qui s’y sont déroulés en octo­bre 2019. Ceux­ci avaient accueilli 9 300 athlètes du monde entier,dont 172 Nord­Américains. Fu­rieux de ces allégations, le prési­dent Donald Trump ne cessera de qualifier le Covid­19 de « virus chi­nois » à partir du 16 mars.

Depuis l’apparition de nou­veaux cas liés à un marché dePékin en juin, la Chine affirme

que plusieurs dizaines sont inhé­rentes à la chaîne du froid de pro­duits importés, une hypothèse qui semble laisser sceptiques denombreux experts. Les ports de Tianjin, de Qingdao, de Dalian etde Shanghaï ont été touchés. Unphénomène en forte progressionen novembre, selon le quotidien Global Times. Saumon norvé­gien, crevettes d’Equateur, bœuf brésilien, poulets argentins, pois­sons d’Indonésie, calamars de Russie ou porc américain ont étésuccessivement pointés du doigt par les autorités et les médias ces dernières semaines.

Forte connotation politiqueParfois des « traces » du virus auraient été détectées sur les pro­duits eux­mêmes, parfois sur leurs emballages. A Shanghaï, ce serait des employés travaillant à l’aéroport de Pudong pour les sociétés américaines de fret UPSet Fedex qui seraient à l’originedes nouveaux cas apparus récem­

ment. Désormais, les autorités recommandent aux consomma­teurs de désinfecter les produitssurgelés venant de l’étranger. Unmessage sanitaire lui aussi à forteconnotation politique. « Selon toutes les preuves disponibles, le coronavirus ne vient pas de la ville de Wuhan », affirmait le 26 no­vembre Le Quotidien du peuple.

La Chine met également enavant des études indiquant que des cas de Covid­19 seraient appa­rus dans le reste du monde avant décembre 2019. « Une étude del’Institut national du cancer de Mi­lan a trouvé le nouveau coronavi­rus dans des échantillons de sangcollectés en octobre 2019 et des re­cherches menées par l’université de Barcelone ont montré la pré­sence du virus dans des échan­tillons d’eaux usées dans la ville enmars 2019. Lundi, le Wall Street Journal a aussi cité une étude du gouvernement [des Etats­Unis] qui dit que le Covid­19 était proba­blement présent aux Etats­Unis

mi­décembre, environ un moisavant que le pays ne fasse état de son premier cas et des semaines avant que la Chine signale sonpremier cas », écrit le Global Timesle 1er décembre.

De fait, le Wall Street Journal ré­vèle que, sur 7 389 échantillonsde sang collectés par la Croix­Rouge dans neuf Etats des Etats­Unis entre le 13 décembre 2019 et le 17 janvier 2020, 106 étaientinfectés par le SARS­CoV­2. « Le vi­rus s’est propagé dans le monde bien avant que les autorités sa­nitaires et les chercheurs en soientconscients », note le Wall StreetJournal. Pékin y voit la confirma­tion de ses thèses. « Le Covid­19était présent dans des payscomme les Etats­Unis, l’Italie et laFrance bien avant qu’on ne le pen­sait », écrit le China Daily le 2 dé­cembre. Le « virus pourrait avoircirculé en Italie à partir de sep­tembre 2019 », précise le journal.

Une chose est certaine. LaChine, malgré ses affirmations,n’est aucunement désireuse devoir des chercheurs internatio­naux enquêter dans le pays surl’origine du virus. Une équipe de l’Organisation mondiale de la santé est prête à s’y rendre, mais elle « attend » depuis des mois le feu vert des autorités. Pour avoir osé réclamer une commission d’enquête internationale sur le sujet, en avril 2019, l’Australie fait d’ailleurs l’objet de sévères sanc­tions économiques et d’une véri­table campagne de dénigrement de la part de Pékin.

frédéric lemaître

Les autorités chinoises ne

cessent depuisdes mois

de prétendre quele virus vient

« probablement »de l’étranger

Londres approuve un vaccinLe Royaume-Uni devient le premier pays occidental à autoriser la mise sur le marché et l’utilisation du vaccin anti-Covid Pfizer-BioNTech. L’agence nationale de santé, le MHRA (Medicines and Healthcare products Regulatory Agency), a donné, mercredi 2 décembre, son feu vert. « C’est une grande nouvelle, qui va permettre de sauver des vies, nous avons maintenant de l’espoir que la vie reviendra à la normale autour de Pâques », s’est félicité le ministre de la santé, Matt Hancock, au micro de la BBC. Le Royaume-Uni a précommandé 40 millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech, manufacturé en Belgique pour les clients européens, mais il ne devrait pas recevoir plus de 100 000 doses à partir de la semaine prochaine.

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L’accompagnement :levier essentiel de la préparation à la retraiteUn actif sur deux ne se sent pas bien accompagné dans sa préparation à la retraite. Selon la Macif, les Français attendent unaccompagnement plus personnalisé, allant au-delà du pur aspect financier en couvrant des enjeux de vie sociale, de santé ou même deloisirs. Dans cette optique, le groupe mutualiste propose une série d’outils et de solutions pour construire un véritable projet de vie.

L a préparation à la retraite resteune étape sensible dans une vieprofessionnelle. Les questionssont nombreuses : quelles sont les

démarches à suivre ?Quel sera lemontantde ma retraite ? Quelles solutions finan-cières existent pour maintenir sonniveau de vie ? Face à ces interrogations,se préparerseul peut releverduparcoursdu combattant. L’accompagnement d’unprofessionnel est donc une solution deplus en plus prisée. Mais, selon unerécente étude1, un actif sur deux ne se

sent ainsi pas bien accompagné dans sapréparation à la retraite et près d’un tiersd’entre eux recherche des aides pluspersonnalisées, tenant davantage comptede leur carrière et leur projet de vie.C’est dans cet esprit que laMacif proposeune série d’outils visant à faciliter lapréparation à la retraite. C’est le cas detrois simulateurs en ligne permettant decalculer des éléments clés de saretraite, à savoir : l’estimation dumontant de la pension, la perte estiméedu revenu net mensuel, l’épargne

retraite et les déductions d’impôtsqu’offre un Plan Epargne Retraite (PER).Ces simulateurs sont accessibles à tous,sans que l’on doive être sociétaire.

Multi Horizon Retraite :un PER « accessible et responsable »Dans le cadre de la loi PACTE, la Macifpropose également un nouveau PER,baptisé Multi Horizon Retraite. Cecontrat se veut résolument simple àappréhender, dans sa structure et saprésentation, afin d’être accessible auplus grand nombre. Il bénéficie d’unetarification relativement serrée avec unversement à l’ouverture dès 150 euros etdes versements libres mensuels à partirde 50 euros.Constitué d’un fonds euros et de16 supports en unités de compte, ildispose de deux modes de gestion : unegestion libre, pilotée par le sociétaire, ouune gestion à horizon. « La Macif béné-ficie de quarante ans d’expérience dansles produits d’épargne retraite que nousmettons à disposition de nos sociétairesvia plus de 500 agences et une plate-forme téléphonique comptant plus d’unecentaine de téléconseillers », souligneOdile Ezerzer, Directrice deMacif FinanceEpargne et Directrice générale deMutavie.Enfin, en accord avec les valeurs mutua-listes de la Macif, ce PER se veut une

solution d’épargne « engagée ». Elleintègre ainsi huit fonds labellisésresponsables ou solidaires (OFI actionsClimat, OFI actions Solidaire, OFI profilEquilibre, OFI Economie positive,Sycomore Sélection Responsable, Syco-more Happy@Work, Comgest Monde etComgest Magellan).

Un accompagnement au-delà de l’aspectfinancierLe PER de la Macif est associé au service« Mon projet retraite », qui assure unaccompagnement au-delà de l’aspectpurement financier. Proposé avec InterMutuelles Assistance, il aborde desthématiques comme les démarchesadministratives, l’amélioration du cadrede vie, le maintien d’une activité profes-sionnelle ou même les loisirs. A la suited’un entretien téléphonique, le sociétairereçoit une synthèse intégrant toutes lesinformations nécessaires à la construc-tion de son projet.« Conformément à nos valeurs mutua-listes, nous sommes convaincus del’importance d’accompagner nos adhé-rents au-delà de l’aspect purementfinancier, en couvrant également desenjeux de vie sociale, de santé ou deloisirs. Cet accompagnement est essen-tiel pour concrétiser ce projet de vie queconstitue le départ à la retraite », conclutOdile Ezerzer.

1. Baromètre « Quels regards sur la préparation de la retraite ? », réalisé par Grand Mercredi pour la Macif du 24 juillet au 21 août 2020. 1 874 répondants âgés de plus de 45 ans.Multi Horizon Retraite est un contrat d’épargne retraite assurance-vie multisupport accordé dans les conditions fixées dans la note d’information disponible sur macif.fr et selon la réglementation en vigueur.Il comporte des supports en unités de compte sur lesquels il existe un risque de perte en capital supporté par l’épargnant.Mon projet retraite est un service proposé par INTER MUTUELLESASSISTANCE-SERVICES (IMASERVICES), SAS au capital de 3 553 329 €. Siège social : 118, avenue de Paris - CS 40 000 - 79033 Niort Cedex 9, immatriculée au Registre du Commerce et desSociétés de Niort sous le numéro 430 336 552. / Multi Horizon Retraite est souscrit par l’Ageper, assuré par Mutavie et distribué par Macif. / AGEPER - Association pour la gestion de l’épargne retraite (association loi 1901) – 9, rue des Iris - CS 50 000 - 79000 Bessines.MUTAVIE SE - Société européenne à Directoire et Conseil de Surveillance. Entreprise régie par le Code des assurances. Capital 46 200 000 €. RCS B 315 652 263. Siège social : 9, rue des Iris - CS 50 000 - Bessines - 79088 Niort Cedex 9.MACIF -MUTUELLEASSURANCEDESCOMMERÇANTSET INDUSTRIELSDEFRANCEETDESCADRESETSALARIÉSDEL’INDUSTRIEETDUCOMMERCE. Société d’assurancemutuelle à cotisations variables. Entreprise régie par le Code des assurances. Siège social :2 et 4, rue de Pied-de-Fond - 79000Niort.

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6 | PLANÈTE JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

Au cœur de la forteresse de Didier RaoultMalgré les critiques, le personnel de l’IHU Méditerranée Infection défend avec vigueur son travail et son chef

Didier Raoult », reconnaît Hervé Tissot­Dupont. Sur la rue, au som­met d’une volée de marches, le di­recteur a fait inscrire une citationd’Horace. En latin, elle dit : « J’ai achevé un monument plus durable que l’airain. » Un peu plus loin, unebanderole accrochée par des mains anonymes clame : « Soutienau Pr Didier Raoult ». « Tous ensem­ble, restons vigilants pour que nos médecins préservent la liberté de prescrire », ont ajouté les auteurs à leur déclaration d’amour.

« Une organisation militaire »Si son bureau, le seul à usage indi­viduel de l’IHU, est au quatrième étage, le visage druidique du pa­tron des lieux apparaît dès le hall. Un écran y diffuse les vidéos que l’institut poste sur sa chaîne You­Tube. Dans sa dernière interven­tion, le 21 novembre, le microbio­logiste y dénonce le remdésivir, « produit inutile et même dange­reux », et égratigne les « mesures sociales contraignantes », confine­ment et autre couvre­feu, qui, se­lon lui, « n’ont pas eu d’effet sur l’évolution de l’épidémie ».

Pour affronter ce qu’on se refuseà appeler ici la « deuxième va­gue » et appliquer le mantra de Di­dier Raoult – « tester et prendre en charge tous les patients qui se pré­sentent » –, le rez­de­chaussée del’institut a été bouleversé. « Nousavons mis en place une organisa­tion militaire, assure fièrement Marion Bechet, cadre supérieure de santé de l’AP­HM, qui gère l’en­semble des soins de l’IHU. Tous lesmatins, à 8 heures, la réunion destaff, c’est comme une conférenced’état­major dans le bureau duprofesseur Raoult. » De 150 unités,le personnel soignant a été pres­que doublé au plus fort de la crise.« L’AP­HM a toujours été au sou­tien de nos demandes de recrute­ment », précise Mme Bechet.

A l’été, l’attente pour un testpouvait atteindre plus de quatre

heures. Depuis la fin août, les filesdébordent rarement sur la rue. La prise de rendez­vous sur la plate­forme Doctolib a fluidifié les flux.Une batterie de six opérateurs, enblouse protectrice, masque et charlotte, enregistre les arrivants. Derrière, un long couloir ouvre sur une dizaine de salles de prélè­vement où des aides­soignantes,souvent en CDD, procèdent auxtests PCR. « On a même des pa­tients qui viennent de Paris. On leur demande : “Mais commentvous faites ? On est tous confinés,non ?” », s’amuse l’une d’elles. Les études internationales qui affir­ment l’inutilité de l’hydroxychlo­roquine dans le traitement du Co­vid­19 n’ont pas altéré l’aura de l’IHU pour bon nombre de pa­tients frappés par le virus.

Ce mardi de fin novembre, Lae­titia (qui a requis l’anonymat), 44 ans, salariée d’une grande sur­face d’ameublement, déboule ainsi de Toulon. D’un petit geste,elle salue sa maman, dont le test positif vient d’être confirmé et qui part, au bras d’un infirmier, vers l’un des dix box de consulta­tion. « Ma mère est diabétique et dès qu’elle a su qu’elle avait le virus,on a pris la voiture. C’est ma belle­mère qui nous a conseillé de venirici parce qu’elle y a été très bien traitée. En trois jours, elle n’avait plus de symptômes. Elle est à fond professeur Raoult ! »

En matière de tests, l’IHU n’aconfiance qu’en lui­même. Sous les escaliers du hall, deux tentes deprélèvement, hermétiques et sous pression, tournent à plein régime. Ces structures sont développées par une start­up, Pocramé, qui a ses bureaux sur place et dont l’ins­titut est actionnaire. Elles servent à contrôler les patients qui ont déjà été déclarés positifs dans un laboratoire de ville. Un prélève­ment PCR dont les résultats tom­bent en moins d’une heure. « En refaisant ce test rapide, on élimine

près de 30 % des cas », explicite Ya­nis Roussel, chargé de communi­cation de l’établissement.

Au quatrième étage, le profes­seur Philippe Brouqui regarde les chiffres du jour s’afficher en tempsréel sur un écran, dans un couloir. Depuis la rentrée, l’institut intègre directement ses données à la pla­te­forme nationale Sidep, qui comptabilise les cas de Covid­19. « Ça baisse, on va bientôt partir au chômage ! Ça va être difficile de re­trouver un travail vu notre réputa­tion », plaisante cet expert des ma­ladies tropicales, qui, à 63 ans dont36 à collaborer avec Didier Raoult, est l’un des cadres dirigeants de l’IHU. Comme son camarade, il a été convoqué par le conseil de l’or­dre des médecins des Bouches­du­Rhône, le 12 octobre, pour « man­quements à la déontologie médi­cale telle que la définit le code de santé publique ». « C’était surréa­liste », glisse­t­il, agacé.

Alors que le patron de l’IHUcomparaîtra bientôt devant lachambre départementale disci­plinaire de première instance, Philippe Brouqui, lui, est ressorti sans suite. En riposte, Didier Raoult a attaqué l’un des vice­pré­sidents de l’ordre, le docteur Guillaume Gorincour, pour « non­confraternité ». « Ici, on a l’impression d’être dans une forte­resse, poursuit le professeur Brou­qui. On soigne, on observe, on pu­blie. Les critiques sévères, je m’en contrebalance. Je ne regarde pas latélé. Et aujourd’hui, personne en Europe ne peut plus dire qu’il ne connaît pas l’IHU. »

A tous les étages, la question del’hydroxychloroquine fait hausser les épaules. Le 23 octobre, l’Agence nationale de sécurité du médica­ment (ANSM) a refusé une recom­mandation temporaire d’utilisa­tion au motif qu’elle ne pouvait « présumer d’un rapport bénéfice­risque favorable » dans la prise en charge du Covid­19. Une décision

qui n’a rien changé de la stratégie de l’IHU et contre laquelle son chefa déposé un recours devant le Con­seil d’Etat. « Ici, tout le monde ad­hère et personne n’est venu me dire je ne suis pas d’accord avec ce que fait l’IHU. La question de notre effi­cacité ne porte pas uniquement sur un médicament, mais sur la prise en charge globale du patient », abonde Marion Bechet. « Nous, on n’a jamais dit à personne : rentrez chez vous avec du Doliprane », grince Hervé Tissot­Dupont.

« Une période difficile »Selon les chiffres de l’institut, sur les 3 070 patients traités à l’hy­droxychloroquine plus de trois jours depuis le 1er septembre, quinze sont décédés. « On a prouvéque cette molécule fait baisser la charge virale », insiste Philippe Brouqui, qui reconnaît toutefois que, « sur la mortalité, l’IHU n’a pasréalisé d’étude qui montre une baisse de manière définitive ».

En interne, on a noté avec soula­gement que la procureure de Mar­seille a classé sans suite une plainte portant sur les premiers essais cliniques menés par l’IHU. Vendredi 27 novembre, Didier Raoult a salué d’un Tweet piquant le départ de Dominique Martin de la présidence de l’ANSM. Lundi 30, il a fait déposer par son nouvel avocat, Fabrice Di Vizio, une plainte visant le même Domini­que Martin pour « prise illégale d’intérêts ». Au cœur de cette plainte, la différence de traitement

Au sein de l’institut hospitalier universitaire Méditerranée Infection, à Marseille, le 24 novembre. En haut à gauche, le docteur Hervé Tissot­Dupont, spécialiste du VIH. OLIVIER MONGE POUR « LE MONDE »

« LES CRITIQUES SÉVÈRES, JE M’EN 

CONTREBALANCE. JE NE REGARDE PAS LA TÉLÉ »

DIDIER RAOULTdirecteur de l’IHU Méditerranée

Infection

par l’ANSM entre le remdésivir (quia obtenu une autorisation d’utili­sation) et l’hydroxychloroquine. « Il va y avoir une période difficile parce qu’on s’est mis tout le monde à dos. Mais les gens qui ont été in­corrects avec nous, on les atta­quera », promet Philippe Brouqui.

Le calme des unités d’hospitali­sation contraste avec l’efferves­cence du hall. Sur les 75 chambres, réparties sur trois étages, une soixantaine reçoivent des patientsatteints du Covid­19. Des person­nes très âgées pour la plupart, trai­tées grâce aux appareils d’oxygé­nothérapie à très haut débit ré­cemment acquis. Au troisième, un couloir extérieur permet aux raresvisiteurs de voir leurs proches au travers de vitres teintées.

Dans les prochaines semaines,l’IHU récupérera d’autres mala­des au fur et à mesure que les ser­vices de soins de suite de l’AP­HM retrouveront leurs activités nor­males. « C’est notre fonction, pour­suit Philippe Brouqui. Même si tout le monde ici aimerait bien re­venir à ses sujets habituels. »

Localement, la tendance de Di­dier Raoult à ferrailler devant les tribunaux n’affecte aucunement son image. Pour Noël, un santon à son effigie fait fureur. A Avignon, un « graff » le représente faisant le signe du rappeur Jul, autre icône locale. Mardi 1er décembre, le pro­fesseur a ouvert le colloque « Mé­diterranée du futur », consacré aux épidémies dans l’histoire, or­ganisé à Marseille par le président (LR) de la région Provence­Alpes­Côte d’Azur, son ami Renaud Mu­selier. Lancé dans sa campagne de réélection, ce dernier entend bien utiliser l’image de son confrère médecin, qu’il n’a cessé de défen­dre. « Raoult sur la liste de Muse­lier ? Je ne pense pas que cela l’inté­resse, mais il n’empêchera pas ceux qui l’ont soutenu d’utiliser son nom », pense savoir un proche.

gilles rof

C R I S E   S A N I TA I R E

REPORTAGEmarseille ­ correspondant

C’ est la fin de la tem­pête. » Crâne lisse debaroudeur, carrureimposante, le doc­

teur Hervé Tissot­Dupont balaye de son regard clair le vaste hall de l’institut hospitalier universitaire (IHU) Méditerranée infection. Il est 16 heures, ce mardi 24 novem­bre, et le rez­de­chaussée du sitemarseillais ne compte plus que quelques dizaines de visiteurs.

Depuis quelques jours, l’établis­sement fondé et dirigé par l’hy­permédiatique professeur Raoult vit aux premières loges la décélé­ration brutale de l’épidémie deCovid­19. « Il y a encore une se­maine, nous recevions plus de1 600 personnes quotidienne­ment. Aujourd’hui, nous en som­mes à 460. Comme en avril, l’épidé­mie s’écroule d’un coup », résume le médecin de 60 ans, dont trente à collaborer avec Didier Raoult.

Spécialiste du VIH, Hervé Tissot­Dupont a été propulsé, dès les pre­mières heures de l’épidémie, co­responsable de l’accueil des pa­tients pour le dépistage et les consultations de l’IHU. Avec ses équipes, il se souvient avoir af­fronté au printemps un tsunami inédit. « Pour ce deuxième acte, nous étions mieux préparés. Cela nous a permis de recevoir un peu plus de monde de manière fluide », souffle­t­il. Depuis le 1er septembre,le laboratoire de l’IHU a analysé plus de 168 000 tests PCR, contre 141 000 au cours du premier se­mestre. Sur les deux derniers mois, près de 9 000 patients venusici ont été diagnostiqués positifs au Covid­19. Après consultation et tests cardiaques, un tiers s’est vu prescrire de l’hydroxychloroqui­ne, le médicament que préconi­sent, en bithérapie avec l’antibioti­que azithromycine, le professeur Raoult et ses équipes – alors que cette molécule n’a toujours pas fait la démonstration de son effi­cacité dans des études de « phase 3contrôlées randomisées », les plus fiables, qui comportent des grou­pes témoins constitués de façon aléatoire, rappelle la Haute Auto­rité de santé (HAS).

L’IHU, inauguré officiellementen mars 2018, est un imposant bâ­timent de 27 000 m2, posé à chevalentre le Jarret, cet alignement de boulevards qui sert de périphéri­que au cœur de Marseille, et la Ti­mone, le plus grand hôpital de la ville. L’emplacement est symboli­que. L’unique IHU consacré aux maladies infectieuses de France est régi par une fondation, mais reste viscéralement lié aux hôpi­taux universitaires de Marseille (AP­HM), qui lui fournissent bon nombre de ses 750 collaborateurs. Au deuxième étage, un couloir re­lie même le service d’hospitalisa­tion high­tech de l’établissement– il compte 75 chambres dont vingt­cinq équipées pour recevoir des maladies infectieuses aiguës – à la réanimation de la Timone.

Mais l’institut constitue un Etatdans l’Etat. « Ici, chercheurs commepraticiens, on est tous les enfants de

« ICI, CHERCHEURSCOMME PRATICIENS,

ON EST TOUS LES ENFANTS

DE DIDIER RAOULT »HERVÉ TISSOT-DUPONT

spécialiste du VIH

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0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 planète | 7

Le CV controversé du nouveau « M. Vaccin »Louis­Charles Viossat a été nommé, mi­octobre, pour piloter la stratégie vaccinale contre le Covid­19

PORTRAIT

D ans la forêt adminis­trative, pleine de si­gles, de comités et dedirections, chargée de

résoudre la crise sanitaire, Louis­Charles Viossat a d’abord été affu­blé d’un surnom rassurant le ren­dant facilement identifiable : « Monsieur vaccin ». Cet énarque de 56 ans, choisi à la mi­octobre par l’Elysée et Matignon, devait or­ganiser l’énorme chantier de la stratégie vaccinale contre le Co­vid­19. Il s’est donc tout de suite mis à l’ouvrage, recevant dès le2 novembre les représentants des laboratoires, puis les syndicats de médecins, recensant sur tout le territoire les réfrigérateurs sus­ceptibles de conserver à très basse température les nouveaux vac­cins, réfléchissant aux popula­tions prioritaires à protéger.

Et puis, soudain, « Monsieur vac­cin » a disparu des radars. Est­ce un effet des compétitions de pou­voir qui agitent les instances de santé ? Ou la crainte tardive que produit aujourd’hui son CV ? Moins de deux mois après sa no­mination, Louis­Charles Viossat n’est plus tout à fait présenté comme l’organisateur de cette fu­ture campagne de vaccination.

Un solide réseau« Il n’est qu’un rouage parmi d’autres, minimise aujourd’huil’Elysée. La stratégie est d’aborddécidée par une instance parfaite­ment indépendante, la Haute Autorité de santé. » La direction dela communication de crise du mi­nistère de la santé le présente, de son côté – en deux SMS –, commeune couche supplémentaire à un millefeuille administratif déjà épais : 1) « Il a une mission d’appui à la “task force” interministérielle nommée par le premier ministre sur proposition du [ministre de la santé] Olivier Véran. » 2) « Il n’estpas “Monsieur vaccin”… mais pi­lote coordinateur. » Louis­CharlesViossat, lui, refuse tous les entre­tiens avec la presse.

Il y a encore quelques semaines,ce barbu jovial était présenté comme un inspecteur général des affaires sociales (IGAS), son corps d’origine, depuis sa sortie de l’ENA en 1992. Autant dire, l’un de ceux qui contrôlent et évaluent les poli­tiques publiques en matière so­ciale. Dans les coulisses du pou­voir, on savait qu’il est un ami du ministre de l’économie et des fi­nances, Bruno Le Maire, côtoyé à Matignon entre 2005 et 2007, au sein du cabinet de Dominique de Villepin. Issu de la bourgeoisie parisienne, ancien de l’Ecole alsa­cienne, des prépas du lycée Louis­le­Grand et de Sciences Po, élève à l’ENA dans la promo de Valérie Pé­cresse, Louis­Charles Viossat a tou­jours disposé d’un solide réseau, renforcé par sa fréquentation du Siècle, ce club d’influence des éli­tes. Bref, un pedigree classique dans la haute fonction publique.

Depuis quelques jours, cepen­dant, un autre aspect de sa vie professionnelle suscite bien plusd’inquiétude au sein du gouver­nement : ses passages dans deuxlaboratoires pharmaceutiques, grâce à une mise en disponibilité de l’administration qui lui a per­mis ensuite de revenir, chaque fois, dans son corps d’origine.Connu par ses anciens condisci­ples de Sciences Po, en 1986, comme un militant du mouve­ment des jeunes rocardiens, Louis­Charles Viossat a vite aban­donné ses premières amours po­litiques pour rejoindre les cabi­

nets ministériels du centre et de la droite, devenant en 1995 con­seiller technique du ministre du travail et des affaires sociales Jac­ques Barrot et, parallèlement, ce­lui de son secrétaire d’Etat à la santé, Hervé Gaymard.

M. Viossat est doté d’un humourpince­sans­rire, affiche une assez haute opinion de lui­même et masque à peine son ambition. Il seserait volontiers vu poursuivre encore quelques années dans les cabinets ministériels, ce tremplin des carrières, mais la dissolution hasardeuse lancée par Jacques Chirac, en 1997, l’oblige à modifier ses plans. Le voici donc d’abord à Washington, au sein de la Banque mondiale. Sans doute parce qu’il ne croit pas une réélection possi­ble de Jacques Chirac, il fait ensuiteune première incursion dans le privé en septembre 2001. Ce seraauprès de la filiale française du la­boratoire pharmaceutique améri­cain Lilly qui teste aujourd’hui deux anticorps monoclonaux dans le traitement du Covid­19. A l’époque, l’énarque est directeur « corporate affairs », c’est­à­dire des affaires commerciales.

Superviser les lobbyistesLa greffe ne semble pas prendre, cependant. Ou du moins, d’autresperspectives s’ouvrent à lui.Jacques Chirac a été réélu le 5 mai 2002, la droite est victo­rieuse aux législatives un mois plus tard. Et revoici Louis­Charles Viossat directeur de cabinet duministre de la santé d’alors, Jean­François Mattei. Cela ne pose aucune difficulté. La commission de déontologie de la fonction pu­blique contrôle les départs des agents publics dans le privé, de fa­çon à éviter le pantouflage. Elle n’empêche aucunement un hautfonctionnaire de revenir dans la haute administration après uneincursion dans le privé. « J’ai de­mandé à l’époque au ministred’être déchargé des décisions con­cernant les médicaments », expli­quera­t­il en 2011 au président dela commission d’enquête parle­mentaire sur le Mediator qui s’étonne de ces allers et retours.

Dans ses nouvelles fonctions,Louis­Charles Viossat doit gérer les 15 000 à 20 000 morts de la ca­nicule, à l’été 2003, alors que Jean­François Mattei est en vacancesdans le sud de la France. Il s’en tiresans mise en cause mais M. Mat­tei doit quitter l’Avenue de Ségur et lui dans son sillage.

Le haut fonctionnaire revientà nouveau au gouvernementmoins d’un an plus tard, cette foiscomme directeur adjoint de cabi­net pour les affaires sociales dans le saint des saints, à Matignon ! Le premier ministre, Dominique deVillepin, veut aller vite. S’adresser à la jeunesse. M. Viossat s’était chargé cinq ans plus tôt d’une mission d’évaluation pour l’IGAS de « la mise en œuvre des fonds d’aide aux jeunes ». C’est lui qui imagine le CPE, ce contrat pre­mière embauche – censé faciliter l’emploi des moins de 26 ans – qui

déclenche bientôt des manifesta­tions monstres de jeunes gens et le blocage des universités. Il fautdire que le premier ministre n’est pas un as de la concertation. Sui­vant ses consignes, Viossat n’a pour sa part ouvert aucune dis­cussion avec les syndicats.

En 2007, lorsque NicolasSarkozy est élu président de la Ré­publique, l’ancien conseiller deDominique de Villepin se recase comme ambassadeur français chargé de la lutte contre le sida,avant d’effectuer une seconde incursion dans un laboratoire pharmaceutique. Nous sommes en mai 2009 et AbbVie­Abbott, entreprise biopharmaceutique

américaine, l’embauche comme directeur des affaires institution­nelles. En clair, il est chargé de su­perviser les lobbyistes de l’entre­prise auprès des institutionseuropéennes, des pays d’Europe de l’Ouest et du Canada. Il travailledans le secteur du médicament,loin de l’industrie du vaccin. Pour Abbott, M. Viossat présente l’im­mense avantage d’être parfaite­ment « bilingue » comme on ditdans le milieu : très au fait des en­jeux économiques de l’industriepharmaceutique et parlant la lan­gue de l’administration française.

En janvier 2013, il est nommé vi­ce­président chargé des relations gouvernementales internationa­

les. En vérité, hormis la hauteur desa rémunération, cela ne changepas vraiment. Mais il est plus ex­posé. « Il a longtemps fait illusion grâce à sa culture, ses réseaux, sa façon de parler avec le bon ton,rapporte un lobbyiste d’Abbott. Mais ce n’était pas un très bon ma­nager. » Il suffit en tout cas qu’ar­rive Michael Boyd, un Américain de Pfizer, pour qu’il soit débarqué avec de confortables indemnités.

C’est la résurgence de ce passé­làque craint le ministère de la santé,alors même que la France doitfaire face à un nombre record de mouvements antivaccins. Depuis une semaine, cette mouvancemais aussi les soutiens du profes­

DEPUIS QUELQUES JOURS, UN ASPECT DE SA VIE 

PROFESSIONNELLE SUSCITE L’INQUIÉTUDE : SES PASSAGES AU SEIN DE DEUX LABORATOIRES 

PHARMACEUTIQUES EN 2001 ET 2009

seur Raoult se sont en effet empa­rés les premiers du CV de Louis­Charles Viossat, le soupçonnant ouvertement, sur les réseaux so­ciaux, de toutes les collusions. Le26 novembre, à la tribune de l’As­semblée nationale, c’est le député de la Somme François Ruffin (LFI) qui a dénoncé à son tour « ce petit soldat de Big Pharma ou plutôt un grand général des labos améri­cains ». S’étant rendu compte trop tard des risques politiques que pourrait susciter cette nomina­tion, le gouvernement n’a trouvéqu’une parade : gommer autant que faire se peut le titre censé ras­surer de « Monsieur vaccin ».

raphaëlle bacqué

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8 | planète JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

De l’oxygène à domicile pour guérir chez soiDepuis la mi­octobre, 140 patients Covid ont été pris en charge chez eux par les équipes de l’hôpital d’Argenteuil, libérant ainsi des lits

REPORTAGE

I l y a quinze jours, LucienJoyes a ressenti « un grandfroid dans la nuit ». Il ne le sa­vait pas encore, mais il

s’agissait des premiers symptô­mes du Covid­19. Après deuxcourtes hospitalisations de cinqet trois jours au centre hospitalier(CH) d’Argenteuil, dans le Val­d’Oise, il est désormais soignédans son appartement. Au pied de son lit installé dans le salon,contre la fenêtre et face à la télé­vision, une machine lui propulse de l’oxygène dans les narines par le biais d’un long tube en plasti­que. « J’ai une famille qui m’en­toure, ils sont aux petits soins et font tout pour me rendre la vie agréable », dit en souriant l’homme de 70 ans, soulagé d’êtresorti de l’hôpital qu’il ne connaît que trop bien, ses différents pro­blèmes de santé l’ayant déjàmené les années passées dans les services de neurologie, de cardio­logie et de pneumologie.

Si Lucien a pu rentrer chez luisi vite, c’est grâce au dispositif d’oxygénothérapie à domicile misen place par le centre hospitalier d’Argenteuil depuis la mi­octobre pour faire face à la deuxième va­gue de l’épidémie.

Une petite équipe d’infirmièreset d’aides­soignantes se partage une trentaine de patients sur un territoire allant de Sannois à Car­rières­sur­Seine et d’Herblay à Gennevilliers, dans un rayon d’environ 8 kilomètres autourd’Argenteuil. Tous les matins, el­les se rendent au domiciledes malades passés par l’hôpital et dont l’état a été jugé assez bon pour leur permettre de finir chez eux leur sevrage en oxygène.

Au bout de dix à quinze jours engénéral, si leur saturation en oxy­

gène, c’est­à­dire leur taux d’oxy­gène dans le sang, devient supé­rieure à 94 %, ils passeront à un suivi téléphonique quotidien, jus­qu’à leur complète guérison. La société Vitalaire viendra alors récupérer les extracteurs d’oxy­gène mis à leur disposition.

Pour leur tournée, Cécile Hubert,infirmière depuis vingt­sept ans à Argenteuil, et Natalia Pereira da Silva, aide­soignante depuis 2003, ont une routine bien au point. Devant le domicile de chaque pa­tient, Natalia passe à Cécile, en plus de son masque, les différents équipements nécessaires à sa pro­tection et à celle du malade : char­lotte, surblouse, surchaussures et gants. Le tout sera jeté à la poubelleà la fin de chaque consultation.

Outil de coordinationPendant que Cécile mesure la ten­sion, les fréquences respiratoireet cardiaque, la saturation en oxy­gène et prend la température du malade, Natalia note tout sur une fiche de suivi. Des données qui seront ensuite entrées sur la pla­te­forme Terr­eSanté, un outil decoordination, d’échange et de partage d’informations entre pro­fessionnels de santé pour assurer le suivi optimal des patients.

Si ce dispositif demande unegrande organisation, il repré­sente un avantage sans contestepour les personnes désireuses de quitter l’hôpital, à l’image deFrançoise Tourbin, 73 ans. « C’est bon, les hôpitaux j’y vais trop fré­quemment », souffle cette grandefumeuse qui vient de se faire opé­rer du cœur. Après plus d’un de­mi­siècle de cigarette, elle venait juste d’arrêter de fumer quandelle a attrapé le Covid­19. Après unpassage éclair à l’hôpital le temps d’un bilan de santé, elle accueille désormais les soignantes à la

porte de son petit pavillon sans tube d’oxygène dans le nez.

Comme tous les soignés à domi­cile, son oxygénothérapie étaitaccompagnée de corticoïdes en cachet et de piqûres d’anticoagu­lant réalisées par une infirmière libérale. Un traitement que l’on sait, depuis la première vague, ef­ficace contre la maladie.

A Montigny­lès­Cormeilles, Jo­siane Loyot accueille aussi ses vi­siteuses sans oxygène, mais elle est gentiment rappelée à l’ordrecar sa saturation n’est pas encore jugée assez bonne. « A l’hôpital, j’ai été mal reçue. Ils ont du boulot et nous, les patients, on est plus oumoins chiants, mais ça se voitqu’ils n’en peuvent plus, les soi­gnants. J’ai demandé à sortir, ça m’a soulagée de rentrer chez moi »,raconte cette femme de 72 ans en­tre deux plaisanteries. Quand sonfils sera reparti sur son chantieren Côte d’Ivoire, elle fera appel au service de portage de repas à do­micile mis en place par la mairie pour les personnes âgées.

« Quand on est à l’hôpital, on estcontraints par une institution »,opine Catherine Le Gall, chef des urgences du CH d’Argenteuil, quireconnaît que les malades sont contents de rentrer plus vite chez eux. La coordinatrice du disposi­tif de suivi à domicile dresse un bilan positif de cette expérience :sur 140 patients pris en charge de­puis la mi­octobre, aucun n’est mort à domicile et seulement10 % d’entre eux ont eu besoin de repasser par l’hôpital, essentielle­ment pour des examens complé­

mentaires. « Cent dix malades, c’est l’équivalent de l’activité d’unservice de trente lits », souligne­t­elle. Autant de lits libérés pourd’autres malades, dans un hôpitalqui voit passer dans ses urgences de 160 à 200 personnes par jour.

A Argenteuil comme partout enFrance, la question du nombre de lits disponibles pour accueillir l’af­flux de nouveaux patients atteintsdu Covid­19 était au cœur de toutes les préoccupations cet automne. D’autant plus dans un département comme le Val­d’Oise,gravement touché par la première vague. Au printemps, « l’hôpital a été submergé, tout a été dépro­grammé et ça a désorganisé les soins, se souvient Mme Le Gall. Pourcette deuxième vague, on n’a pas voulu vivre la même chose ».

De mars à mai, l’hôpital comp­tait 200 lits réservés au Covid­19, dont quarante en réanimation,tandis que, de septembre à no­vembre, seulement 75 « lits Co­vid » ont été ouverts, dont dix­huit en réanimation. Au pic de la première vague, les soignants ontdû gérer 242 patients en même temps, tandis que, à celui de ladeuxième vague, 91 malades duCovid­19 se trouvaient à l’hôpital.

Une situation observée dansl’ensemble du Val­d’Oise, dernierdépartement français avecMayotte à passer en vert sur lacarte du déconfinement à la finmai. Quand le territoire comptait 180 lits de réanimation occupés par des patients du Covid­19 le 8 avril, ils n’étaient plus que 70 à lami­novembre. « La trajectoire est

bonne mais l’objectif n’est pas at­teint », souligne toutefois Anne Carli, déléguée départementale du Val­d’Oise de l’agence régio­nale de santé (ARS) d’Ile­de­France, qui ne veut pas se féliciter trop tôt de la fin de cette deuxième vague. « On est encoretrès loin du seuil d’incidence de cinquante nouveaux cas par se­maine pour 100 000 habitants,qui constitue le seuil d’alerte. »

Qualité du lienLes raisons pour lesquelles cette deuxième vague s’est mieux pas­sée que la première sont nom­breuses, et notamment la meilleure prise en charge des ma­lades grâce aux corticoïdes, aux anticoagulants et une oxygéno­thérapie préférée à l’intubation. « La grande différence entre les deux vagues, c’est la qualité du lien entre la médecine de ville et l’hôpi­tal », appuie également Anne Carli.Au printemps, c’est en effet sur­tout l’hôpital qui a été en premièreligne pour faire face à cette mala­

die infectieuse émergente, avec des professions libérales plus dif­ficilement associées. « Mais le Val­d’Oise a beaucoup investi sur le lien ville­hôpital », explique la délé­guée départementale, notam­ment par le biais de l’outil Terre­eSanté mis à disposition par l’ARS d’Ile­de­France depuis plus d’un an, mais dont les professionnels de santé peinaient à s’emparer. « Cette crise a rendu l’outil indispen­sable », insiste Anne Carli.

Un constat partagé par Cathe­rine Le Gall, dont les équipes ont commencé à utiliser l’outil avec le Covid­19. « Il permet de mettre en place un parcours de soins coor­donnés entre différents profession­nels de santé », explique­t­elle. Par exemple, dans le cas d’un suivi de Covid­19, sont mis en relation autour d’un même patient le mé­decin des urgences, son infectiolo­gue, son médecin traitant, les in­firmières, le centre de télésur­veillance, et un pneumologue quelques mois plus tard. Le ma­lade a également accès à son dos­sier et peut informer ses médecinsde ses nouveaux symptômes.

« Dans le futur, il faudrait créerdes cercles de soins pour d’autres pathologies », s’enthousiasme Ca­therine Le Gall. Pour gérer le Co­vid­19, « un médecin seul dans son coin, c’est dangereux, et l’hôpital seul, c’est un canard boiteux. Le lien entre la ville et l’hôpital, c’est l’avenir pour les malades ». D’autant plus dans une régioncomme l’Ile­de­France frappéepar la désertification médicale.

delphine roucaute

Le recours à l’oxygénothérapie à domicile ne fait pas consensusLes recommandations de la Haute Autorité de santé, pourtant très contraignantes, ont été jugées insuffisantes par plusieurs spécialistes

F aut­il encourager la priseen charge des personnesatteintes du Covid­19 à do­

micile, même quand elles ont be­soin d’apports constants en oxy­gène ? Pour répondre à cette ques­tion, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié, le 9 novembre, un ensemble de recommandationspratiques. L’institution estimeque cette prise en charge doit êtreréservée à deux situations :d’abord pour les patients hospita­lisés et pouvant achever leur se­vrage en oxygène à domicile, donc en aval de l’hôpital, et en­suite pour les malades non hospi­talisés, mais ayant néanmoins des besoins en oxygène, donc en amont de l’hôpital.

Les critères d’éligibilité sont lesmêmes pour les deux types de pa­tients. D’abord, un environne­ment favorable, c’est­à­dire un do­micile salubre, à moins de 30 mi­

nutes d’un hôpital et du SAMU, la présence d’un tiers vingt­qua­tre heures sur vingt­quatre et l’ac­compagnement d’une équipe de médecins. Mais aussi des critèresliés au patient, qui ne doit pasavoir une saturation en oxygène trop basse ni de contre­indicationsignalant des risques de formegrave de la maladie (diabète, in­suffisance rénale, etc.).

Ces recommandations, pour­tant très contraignantes, ont été jugées insuffisantes par plusieursspécialistes. La Société de patho­logie infectieuse de langue fran­çaise (SPILF) a ainsi déclaré que« le maintien à domicile de pa­tients devenant oxygénorequé­rants est dangereux ». La Société de pneumologie de langue fran­çaise a appelé à la prudence et pu­blié ses propres « rappels régle­mentaires et techniques », insis­tant sur la nécessité d’un encadre­

ment par un pneumologue, alors que la HAS place la responsabilitéde coordination entre les mains des médecins généralistes.

Si l’oxygénothérapie en aval del’hôpital fait plutôt consensus parmi les spécialistes, c’est bien l’opportunité d’une prise en charge directement à domicile quifait débat. Le président de la SPILF, Pierre Tattevin, explique cette dif­férence : « Dans le cas du Covid, quand on commence à avoir be­soin d’oxygène à domicile, c’est que ça commence à être grave. Même àl’hôpital, c’est difficile à suivre. » Parailleurs, insiste­t­il : « Organiser le suivi du patient en lien avec un gé­néraliste, c’est compliqué. Il y a un risque de manque de réactivité en cas de problème. »

« Sur le fond, on est d’accord quel’oxygénothérapie en amont est ris­quée et relève de l’exceptionnel ; ces recommandations sont là pour

créer des repères et fixer le cadre si ce genre de cas se présente pour desmédecins généralistes », explique Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale, qui a par­ticipé au groupe de travail de la HAS. Car ces cas existent déjà, sou­vent à la demande de patients ne désirant pas entrer à l’hôpital. Prèsde 30 000 patients atteints du Co­vid­19 requérant une oxygénothé­rapie ont été pris en charge par les prestataires de santé à domicile (PSAD), 20 000 au cours de la pre­mière vague et 10 000 au cours de la seconde. Les prescriptions d’oxygénothérapie émanant de médecins généralistes n’ont pas dépassé 5 % des patients lors de la seconde vague, selon le président de la Fédération des PSAD.

Il ne faut pas oublier que ces re­commandations sont émises en situation de crise sanitaire, pour désengorger les services hospita­

liers. « L’oxygénothérapie à domi­cile est un moyen de conserver leschances des patients en cas de sa­turation des services », et notam­ment dans l’éventualité d’unetroisième vague, fait ainsi valoir de son côté Jean­Pierre Thierry,conseiller médical de France As­sos Santé, organisation représen­tant les patients.

« Une demande des patients »Pour l’infectiologue AurélienDinh, l’un des créateurs du dispo­sitif Covidom (télésurveillance des patients atteints de Covid­19) de l’AP­HP, ces recommandations « ne sont pas suffisamment pru­dentes, car il y a souvent une ag­gravation brutale de l’état du pa­tient après sept jours de maladie ».Pour autant, l’équipe qui a pris en charge en aval de l’hôpital 75 ma­lades oxygénorequérants lors de la première vague, sans aucun dé­

cès ni réhospitalisation, est prêteà tenter l’expérience.

Si la présidente de la HAS, Domi­nique Le Guludec, reconnaît une communication un peu hâtive, elle ne compte pas revenir sur les préconisations et préfère traiter directement avec les sociétés sa­vantes. « Il faut faire confiance aux médecins, on a besoin de toutes les forces disponibles. Dès qu’on voit que l’état du patient ne s’améliore pas rapidement, il faut passer la main à l’hôpital », explique­t­elle. « On a précisé que la prise en chargedirectement à domicile en amont de l’hôpital est exceptionnelle, ren­chérit Catherine Grenier, direc­trice de l’amélioration de la qualitéet de la sécurité des soins à la HAS. Mais c’est aussi une demande des patients. Il est important de pren­dre en compte le caractère délétère de l’hospitalisation. »

d. ro.

L’infirmière et l’aide­soignante vérifient l’état de santé de Francoise Tourbin, 73 ans,à son domicile. LUCAS BARIOULET POUR « LE MONDE »

« À L’HÔPITAL, ÇA SE VOIT QU’ILS N’EN PEUVENT 

PLUS, LES SOIGNANTS. J’AI DEMANDÉ À SORTIR, 

ÇA M’A SOULAGÉEDE RENTRER CHEZ MOI »

JOSIANE LOYOTune malade du Covid

C R I S E   S A N I TA I R E

Page 9: Le Monde - 03 12 2020

0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 planète | 9

Amazonie : la déforestation au plus haut depuis 2008Plus de 11 000 km2 de forêt tropicale ont été rasés en douze mois, soit la superficie de la région Ile­de­France

rio de janeiro ­ correspondant

C e cycle mortifère aura­t­il une fin ? Cette annéeencore, la déforestations’est intensifiée en

Amazonie brésilienne. Au total, 11 088 km2 de forêt tropicale ont été rasés dans le pays en douze mois, durant la période allantd’août 2019 à juillet 2020, selon les données rendues publiques lundi 30 novembre par l’Institut national de recherches spatiales (INPE). 11 088 km2 ? C’est à peu dechose près la superficie de la ré­gion Ile­de­France ou d’un pays comme le Liban. L’équivalent de4 300 terrains de football raséschaque jour. Trois terrains par mi­nute. Voilà plus d’une décennieque l’Amazonie n’avait pas connu un bilan aussi catastrophique.

Il faut remonter douze ans en ar­rière, en 2008, pour retrouver un tel niveau de dévastation dans la grande forêt tropicale. Selon l’INPE, le déboisement aurait pro­gressé de 9,5 % par rapport à l’an­née précédente. Ce bilan, déjà in­quiétant, devient alarmant si on lecompare aux chiffres de 2018. En deux ans, la déforestation en Amazonie a bondi de près de 50 %.

Les régions les plus atteintes setrouvent le long des routes, qui traversent désormais de part en part la forêt. Le grand Etat du Para est ici en première ligne. C’est là qu’a lieu près de la moitié du déboisement selon l’INPE. Plusieurs nouveaux « fronts » de la déforestation sont également àl’œuvre, notamment dans la ré­gion critique de Labrea (Amazo­nas), ultime étape de la routetransamazonienne et véritableverrou, ouvrant sur d’immenses forêts primaires intouchées, re­fuge des dernières tribus indien­nes isolées du pays.

Derrière cet épouvantable sac­cage, qui paraît désormais large­ment hors de contrôle, les ONG de défense de l’environnementvoient d’abord la main et l’in­fluence d’un homme : le prési­dent Jair Bolsonaro, au pouvoir depuis le 1er janvier 2019, clima­tosceptique assumé, entièrementfavorable à l’agronégoce et à l’ex­ploration minière de l’Amazonie.

Les chiffres de la déforestationont provoqué l’effroi, mais n’ontsurpris personne. Depuis deux ans, M. Bolsonaro s’est en effet employé à démanteler les fragiles agences fédérales de protection de la nature, telle la police envi­ronnementale Ibama, dont les di­rigeants ont été remplacés et les finances asséchées. Selon l’ONG Greenpeace, les organes de pro­tection de la nature brésiliens de­vraient ainsi voir leur budget total

chuter de 35 % en 2021 – et ce alorsque la déforestation bat son plein.

La crise due au Covid­19 a fait lesaffaires du gouvernement de Bra­silia, qui a pu, à l’abri des regards, faire fi de ses engagements en matière de changement climati­que, dans l’indifférence générale. « En raison de l’augmentation dela déforestation, le Brésil devraitêtre le seul grand émetteur de gaz à effet de serre à voir ses émissionsaugmenter cette année, alors que l’économie mondiale s’est arrêtéeà cause de la pandémie », a fait re­marquer, dans une note, l’Obser­vatoire du climat, réunissant plusde 50 ONG au Brésil.

Impunité généraliséeEn vérité, Jair Bolsonaro n’est pas seul en cause, loin s’en faut. Le président actuel ne fait qu’accélé­rer une tendance lancée bien avant sa présidence, les chiffres dela déforestation se dégradant an­née après année depuis 2012. Le président est par ailleurs secondé sur le terrain par des élus locaux favorables à ses vues. C’est le cas, par exemple, dans l’Etat de l’Acre, à l’extrême occident amazonien, du gouverneur de droite Gladson Cameli. Celui­ci ambitionne de bâtir une longue route en direc­tion du Pérou, traversant la ré­serve écologique de la Serra do Di­visor, l’une des zones de biodiver­sité les plus riches de la planète.

Pour faire face aux critiques in­ternationales, le gouvernement Bolsonaro a cette année encoretout misé sur ses forces armées.En février a été créé un « conseil de l’Amazonie », censé veiller surla forêt. Présidé par le vice­prési­dent et général quatre étoiles, Ha­milton Mourao, il est composé pour l’essentiel de militaires.Cette année, durant la saison sè­che, le gouvernement a égale­ment décrété l’opération « VertBrésil 2 », sur le modèle de celle enclenchée lors des incendies d’août 2019, déployant plus de 3 400 soldats dans la région.

Bilan ? Une explosion de la dé­forestation et des incendies, letout dans un climat d’impunité généralisé. Depuis le début del’année, plus de 99 600 départsde feu ont été comptabilisés par les satellites de l’agence spatialeINPE en Amazonie, contre autourde 85 900 en 2019, soit une aug­

mentation de plus de 16 %. Pas dequoi ébranler Jair Bolsonaro, ninon plus Hamilton Mourao, qui, présentant les chiffres de la déforestation ce 30 novembre, s’est montré presque satisfait deses résultats en matière de déboi­sement. « Ça aurait pu être pireencore… », a lancé le vice­prési­dent, appelant à « maintenir l’impulsion » du travail déjà en­gagé « dans la recherche cons­tante pour la réduction des indica­teurs de déforestation ».

Mais le temps presse. Les ONGs’inquiètent de voir la région ap­procher du très craint et très dis­cuté « point de bascule », soit un possible « effondrement » irré­versible de l’Amazonie, qui seraitatteint avec 20 % ou 25 % de sa surface totale rasée, et pourraittransformer par endroits la grande forêt en vaste savane.

« Aujourd’hui, on observe déjàune dégradation très nette de la fo­rêt. Elle est plus chaude, plus sèche,plus vulnérable. Les températures

augmentent, les pluies diminuent. Tout cela affecte déjà la richesse biologique de l’Amazonie. La dyna­mique n’est vraiment pas bonne », constate Antonio Ovideo, cher­cheur à l’Institut Socioambiental.

Les défenseurs de l’environne­ment mettent désormais tous leurs espoirs entre les mains dunouveau locataire de la MaisonBlanche. Joe Biden a en effet

fermement pris parti en faveurde la défense de l’Amazonie. « Ar­rêtez de détruire la forêt ! Si vous continuez, vous ferez face à des conséquences économiques signi­ficatives ! », avait­il lancé, alorscandidat, à l’adresse de Jair Bolso­naro, le 29 septembre, lors d’undébat avec Donald Trump, pro­mettant un fonds international de 20 milliards de dollars afin de préserver l’Amazonie.

Joe Biden, qui doit certes s’assu­rer du soutien de l’aile gauche du Parti démocrate, tiendra­t­il ses engagements une fois au pou­voir ? « Il faut dire les chosescomme elles sont : Bolsonaro etl’Amazonie ne sont pas les prioritésdu président américain, qui doit d’abord s’occuper de l’Iran, de la Russie, de la Chine, de la Corée du Nord… Si action et sanctions il y a, cela ne viendra que dans un second temps de son mandat », confie un fin connaisseur des re­lations américano­brésiliennes.

bruno meyerfeld

Surfaces concernées par la déforestation en AmazonieSurfaces concernées par la déforestation en AmazonieEn milliers de kilomètres carrésLes données annuelles s’étendent sur des périodes d'août à juillet

7,97,94,64,6

12,912,9

27,827,8

11,111,1

25

20

15

10

5

02004 2008 2012 2016 2020*

Infographie : Le Monde*Au 30/11/2020 Source : Prodes, INPE« Les

températures augmentent, les

pluies diminuent.Tout cela affectedéjà la richesse

biologique de l’Amazonie »

ANTONIO OVIDEOchercheur

NOUVELLE-ZÉL ANDEL’« urgence climatique » décrétéeLa première ministre néo­zélandaise, Jacinda Ardern, a proclamé, mercredi 2 décem­bre, un état d’« urgence clima­tique » devant le Parlement, soulignant la nécessité d’une action rapide en ce domaine dans l’intérêt des générations futures. Le pays, qui compte moins de cinq millions d’ha­bitants, fait partie des nations qui se sont engagées à attein­dre l’objectif de neutralité carbone pour les gaz à effet de serre d’ici à 2050. Il s’est également engagé à produire 100 % d’énergie renouvelable d’ici à 2035. – (AFP.)

GRAND PARISLa limitation de circulation de certains diesels repousséeLa limitation de circulation des véhicules avec des vignet­tes Crit’Air 4 (voitures diesel de 15 ans et plus), dans la

zone à faible émission du Grand Paris a été repoussée de six mois, au 1er juin 2021, selon un vote, mardi 1er dé­cembre, du Conseil de cette métropole. Dès le 1er juin 2021, les véhicules particuliers clas­sés Crit’Air 4, 5 et non classés ne pourront circuler la se­maine, de 8 heures à 20 heu­res, dans un large périmètre situé à l’intérieur de l’A86, qui forme une boucle autour de Paris. – (AFP.)

G20L’Italie promet de travailler à « une reprise équitable »Le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, a ouvert, mardi 1er décembre, l’année du G20 en Italie en promettant de travailler à « une reprise équitable ». Dans une vidéo, il a assuré que « les personnes, la planète et la prospérité sont les trois piliers de la présidence italienne du G20 ». – (AFP.)

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Page 10: Le Monde - 03 12 2020

COMMUNIQUÉ JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 ❶

Spécial Dermatologie

MOBILISÉS POUR RÉPONDRE AUXBESOINS MÉDICAUX NON COUVERTS

Traitement,accompagnement,parcours et prescription, l’innovation scientifique et digitale endermatologie est active pour apporter de nouvelles réponses aux besoins des patients et des soignants.

www.grandanglesante.fr

En dermatologie, comme dans denombreux autres domaines médicaux,l’innovation thérapeutique repose engrande partie sur les biothérapies etthérapies ciblées. C’est notamment lecas en onco-dermatologie. Il y a près dedix ans, l’arrivée des traitements ciblantBRAF et de l’immunothérapie a révolu-tionné la prise en charge du mélanome.Aujourd’hui, l’intérêt de ces thérapeu-tiques est plus que jamais d’actualité,associées ounonet utilisées à différentesétapes de la stratégie de prise en charge.L’innovation, à travers les biothérapies,a également fait évoluer les patholo-gies non oncogènes comme les formessévères de dermatite atopique et de pso-riasis.Maladie inflammatoire chroniquede la peau, la dermatite atopique est unepathologie affichante, stigmatisantemais aussi douloureuse et handicapanteau quotidien.La qualité de vie des patients est considérablement dégradée,notamment chez lesadolescents.Dans certains cas, les dermocorticoïdes ne suffisent plus.Pour ces patients, les bio-thérapies injectables (anticorpsmonoclonaux) sont une nouvelle option depuis trois ans.Ce sont

également les biothérapies qui,depuis près de vingtans, apportent diverses solutions dans le psoriasis,maladie associée à une atteinte rhumatologiquedans 10 à 15 % des cas.

ARRIVÉE DES TRAITEMENTSFace à l’arrivée massive de nombreux traitements,mais aussi pour faciliter la prescription des méde-cins et la prise en charge des patients, la Sociétéfrançaise de dermatologie amis en place un Centrede preuves. Son objectif : établir des recommanda-tions de prise en charge en adéquation avec la pra-tique et au plus près des besoins de chaquemalade.Plusieurs guidelines ont déjà vu le jour pour despathologies ayant ou non des traitements spéci-fiques.En effet,les besoinsmédicaux restent colos-saux comme dans la maladie de Verneuil.Cette pa-thologie qui touche préférentiellement les jeunesfemmes ne bénéficie toujours pas de solutions thé-rapeutiques.Pourtant,ses retentissements psycho-logiques et socio-professionnels sontmajeurs.

Le chemin parcouru est impressionnant,mais pour aller plus loin soignants,sociétés savantes,industriels et associations de patients restent plus mobilisés que jamais pour répondre auxbesoins de l’ensemble des patients atteints de pathologies dermatologiques. Gézabelle Hauray

P. 1 • INNOVER Améliorer la vie des patients atteints de psoriasis • P. 2 • INFORMER Vivre avec le psoriasis • GUIDER Faciliter l’accès aux traitements innovants dans le psoriasis • S’ENGAGER Penser de nouvellessolutions en dermatologie médicale • OBJECTIVER Prendre conscience du fardeau des maladies de peau • P. 3 • PSORIASIS MODÉRÉ À SÉVÈRE Agir au plus tôt pour permettre aux patients de mener leur projetde vie • ÉCLAIRER Redonner du sens aux recommandations • TRAITER De nouvelles options médicamenteuses dans le psoriasis et la dermatite atopique P. 4 • ADOLESCENTS Optimiser le parcours de soins encas de dermatite atopique •MÉLANOME Dix ans de révolution thérapeutique • PSORIASIS EN PLAQUES AbbVie s’engage pour faire évoluer la prise en charge des patients.

nécessiter des traitements dits sys-témiques, comme la photothérapieou les immunomodulateurs. Dansces cas, la prise en charge par undermatologue spécialisé est souhai-table pour instaurer un protocolethérapeutique adapté. Bien qu’il n’yait pas de thérapeutique curativedu psoriasis, les traitements dis-ponibles actuellement permettentd’obtenir la rémission (disparitionquasi complète voire complète deslésions) chez lamajorité des patientset de retrouver une qualité de vietrès satisfaisante, objectif au cœurde la prise en charge de cette mala-die chronique,dont il faut continuerd’améliorer la compréhension touten dépassant les préjugés.

idées reçues sur cette maladie, amé-liorer le parcours de soins et éclairersur lescomorbiditésassociéesaupso-riasis. Pour répondre à ces besoins,prévenir les complications et antici-per l’apparition des symptômes, leséquipes travaillent en étroite colla-boration avec des experts médicauxet des associations de patients.Deuxoutils digitaux sont issus de cetteréflexion. L’un a été développé pouraméliorer la prise en charge, l’autrepour sensibiliser à lamaladie.

Quelle solution innovanteavez-vous imaginée pouraméliorer la prise en charge ?C’MaConsult est un outil Web déve-loppé avec des professionnels de san-

Quel est l’impact du psoriasissur la vie des patients ?Dermatose inflammatoire chro-nique, le psoriasis n’est pas seule-mentunemaladie cutanée,il a égale-ment un retentissement systémiqueet est associé à diverses comorbidités(atteintes articulaires, risque cardio-vasculaire,obésité,etc.)Ni infectieux ni contagieux, le pso-riasis est une maladie multifacto-rielle associant prédispositions gé-nétiques, facteurs environnemen-taux et dérégulation du systèmeimmunitaire et touche hommeset femmes de manière égale. De1,5 million à 3 millions de personnessont concernées en France.Cette maladie se manifeste clas-siquement sous forme de plaquesrouges inflammatoires, prurigi-neuses, squameuses voire doulou-reuses. Autant de symptômes auxretentissements psycho-sociaux etprofessionnels importants.

Comment définir le parcoursdu patient ?Le diagnostic de la maladie estsimple. En revanche, la prise encharge est plus complexe et l’errancethérapeutique peut durer de septà dix ans entre le diagnostic et uneprise en charge optimale, bien quel’arsenal thérapeutique à disposi-tion des patients soit aujourd’huitrès large, quel que soit le niveau desévérité de la maladie. Si les traite-ments topiques peuvent suffire dansles formes légères,les formes sévèresavec des plaques étendues peuvent

Innover AMÉLIORER LAVIE DES PATIENTS ATTEINTS DE PSORIASIS

« Les équipes travaillent en étroite collaborationavec des experts médicaux et des associationsde patients.Deux outils digitaux sont issus de

cette réflexion.» Dr Christine Contré

Engagé dansla prise en charge

du psoriasis,Janssendéveloppe des outilsnovateurs pouraccompagner lesmalades.Interviewdu Dr ChristineContré,Directrice

médicaleimmunologieJanssen France.

té etFrancePsoriasis,quimetàprofitle tempspassé en salle d’attente,chezle médecin, pour préparer sa consul-tation et ainsi améliorer le dialogueentre les professionnels de santé etleurs patients. Comment ? En don-nant l’occasion au patient d’évaluersamaladie et d’aborder des questionsessentielles et des sujets délicatscomme celui de la vie intime; cetoutil libère du temps de consultation.Transversal, C’MaConsult est aussibien destiné aux patients atteints de

psoriasis que de pathologies intes-tinales inflammatoires chroniquescomme la maladie de Crohn ou larectocolite hémorragique.

Quel outil avez-vous conçupour sensibiliser au psoriasis ?Citizen Pso est le premier dispositifpédagogique et interactif permet-tantd’aborder toutes lesdimensionsdu psoriasis, co-construit avec uncomité d’experts et France Psoriasis.Sous forme d’escape game, il metl’accent sur l’urgence de la prise encharge et apporte des informationssur lamaladie,ses comorbidités et leparcours de soins. En entrant dansun centre Citizen Pso, qui accueilledes personnes atteintes de psoriasis,vous participez à une enquête sur lasituation de trois d’entre elles (troispersona), ce qui permet au grandpublic demieux connaître et mieuxcomprendre la maladie et ainsilutter contre les idées reçues et dés-tigmatiser les patients. Quant auxmalades, l’objectif est de les aiderà accepter les symptômes et d’enapprendre davantage sur la maladieet leparcoursde soins.Lancéen2019en situation réelle, ce jeu possèdeune version digitale, citizenpso.fr,avec deux persona,mise en ligne le29 octobre dernier à l’occasion de laJournéemondiale du psoriasis.En 2021,de juin à septembre,CitizenPso pourrait même faire un tour deFrance en bus si le contexte sani-taire le permet. G. H.

Daté du 3 décembre 2020, Grand Angle est édité par CommÉdition • Directeur général Éric Lista • CommÉdition, agence de communication éditoriale • www.commedition.com •• Rédaction Gézabelle Hauray et Pierre Mongis • Secrétaire de rédaction Iris Mondrian •Maquette, technique & réalisation Aline Joly (andie.j) •

LA RÉDACTION DU QUOTIDIEN LE MONDE N’A PAS PARTICIPÉ À LA RÉDACTION DE CE COMMUNIQUÉ.NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT.

Quelle est l’implication deJanssen en dermatologie ?Le laboratoire pharmaceutiqueJanssen est engagé depuis plus devingt ans en immunologie et endermatologie, en particulier dans lepsoriasis, et développe également saR&D aujourd’hui dans la maladie deVerneuil et la dermatite atopique.L’amélioration de la qualité de vieguide cette démarche auprès despatients, avec trois objectifs : mieuxconnaître le psoriasis et lever les

©MichaelMoore-DroneBeesMedia-JANSSEN

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©SNAB

-stock.adobe.com

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CP-194842 – 11/2020

Psoriasis aigu sur les coudes

Page 11: Le Monde - 03 12 2020

JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 ❷

Communiqué spécial Dermatologie

Guider FACILITER L’ACCÈS AUX TRAITEMENTSINNOVANTS DANS LE PSORIASIS

Rencontre avec le Pr Thierry Passeron,dermatologue au CHU de Niceet chef d’équipe à l’unité Inserm U1065.

©DR

Apporter de nouvelles optionsthérapeutiques

« Le psoriasis est une pathologiechronique qui détériore la qualitéde vie des patients. Si, aujourd’hui,de multiples options thérapeutiquesexistent,permettant à une très largemajorité de patients traités d’at-teindre la rémission, tout n’est pasrésolu. D’une part, certaines formescomplexes de la maladie, comme lepsoriasis pustuleux ou les atteintesarticulaires, constituent encore unbesoin médical à couvrir. D’autrepart, pour le psoriasis comme pourles autres pathologies dermatolo-giques, nous attendons davantaged’investissements dans la recherche

S’engager PENSER DE NOUVELLES SOLUTIONSEN DERMATOLOGIE MÉDICALE

Almirall : devenir un acteurmajeur en dermatologiemédicale en France

Fondé en 1943 à Barcelone,Almirall arecentré ses activités sur la dermato-logie médicale en 2014, avec l’ambi-tiondedevenirunacteurbiopharma-ceutique de premier plan. L’objectifde ce positionnement stratégiqueest de répondre aux besoins médi-caux non couverts en dermatologie,où ils sont les plus nombreux. Lespathologies dermatologiques sont laquatrième cause de maladie dans lemondeetdenombreusespathologiesprésentent une expression derma-tologique. L’ambition d’Almirall estd’apporter des solutions pour aiderles patients dont la qualité de vie estdégradée. « Je suis fière de participerà cette aventure et d’écrire une nou-velle page de l’histoire d’Almirall enFrance, avec une équipe dédiée à ladermatologie, en lien avec les pro-fessionnels de santé et les patients »,déclare Laurence Faboumy.

La France,priorité stratégiqued’Almirall

Pour le grand laboratoire espagnol,le développement de la filiale fran-çaise est une priorité stratégique.La nouvelle équipe mobilise sonexpertise et sa passion au serviced’une meilleure prise en chargedes patients. Cet engagement seconcrétise par de nouveaux parte-nariats avec les sociétés savanteset les associations de patients, dé-marche essentielle pour Almirall.L’approbation récente du rembour-sement du tildrakizumab, anti-corps monoclonal inhibiteur del’interleukine23 dans le traitementdu psoriasis en plaques chroniquessévère de l’adulte,illustre cette nou-velle dynamique engagée en France.D’autres molécules rejoindront leportefeuille d’Almirall dans le trai-tement de la kératose actinique, dela dermatite atopique et du lym-phome cutané à cellules T réfrac-taires.

©DR

Engagé auprès des professionnelsde santé et des patients

Almirall France développe des liensforts avec la communauté scien-tifique et médicale et celle des pa-tients, à travers des partenariatsinnovants, pour apporter des ré-ponses pragmatiques aux besoins.Le laboratoire souhaite ainsi contri-buer à améliorer le parcours de soinsdes patients atteints de psoriasiset promouvoir l’accès à l’innova-tion. « Nous soutenons l’associationFrance Psoriasis dans certaines mis-sions structurantes qu’elle mène :la professionnalisation des patientsexperts, pour un meilleur accompa-gnement des patients par l’associa-tion,et une évaluationdu stress dansles dermatoses inflammatoires pourdes maladies cutanées chroniquesinflammatoires.C’est avec les profes-sionnels de santé et les patients quenous souhaitons co-construire l’his-toire d’Almirall en France », conclutLaurence Faboumy.

Parole de patiente

« Virée de la piscine!la plus grosse honte dema vie ! Aujourd’hui soustraitement, je n’ai plusde plaques. Mais retour-ner à la piscine,c’est compliqué... »Stéphanie 32 ans

Parole de patient

« J’étais tellement dégoûté de ce corps, que j’ai repoussé les rapports sexuels pendant des années. Enfin un traitementqui marche ! Je suis plus sûr de moi, je sais ce qu’est le désir mutuel probablement grâce à la confiance en moi retrouvée. »Mathieu 40 ans

« En tant qu’association, notreobjecif est d’aider les patients à mieuxvivre avec cette maladie mal connue.La résolution de l’OMS du 24mai 2014reconnaît le statut de maladie incu-rable non contagieuse au psoriasis etinvite les Etats à soutenir les actionsd’informationafind’éviterbonnombrede souffrances. En effet, un travailénorme doit être réalisé pour contre-carrer les idées reçues dont est victimecette maladie affichante, dégradantl’image sociale des patients. Vivre avecle psoriasis, c’est vivre entre la honteet le rejet. Autant de ressentis négatifsqui trouvent leur source dans le regarddes autres. 70 % des personnes sontvictimes de moqueries dans le cadrede leur vie professionnelle. Surnomsou remarques insidieuses, ces rail-leries dégradent l’image et la qualitéde vie des patients. Contagieux, lié àun déficit d’hygiène ou à une maladiepsychiatrique sous-jacente, les clichésassociés au psoriasis sont en effetnombreux. Le plus délétère est qu’ilne se soignerait pas. Pourtant, desoptions thérapeutiques existent. »

RÉHABILITER, INFORMER, ÉDUQUER« Pour lutter contre les préjugés, nousmenons des campagnes d’informationdestinées aux malades et au grandpublic. Si avant la crise sanitaire nousproposions des cafés Pso en présen-tiel, nous concentrons en ce momentnos prises de parole sur les réseauxsociaux et sur notre site Internet. Enparallèle, nous assurons une perma-nence téléphonique et développonsdes webinaires, une newsletter, desbrochures et des fiches conseils. Notreaction est soutenue par le groupede Recherche sur le psoriasis de laSociété française de dermatologie.Nous contribuons également à l’édu-cation thérapeutique afin d’éclairerles patients sur la prise en charge. Uneinformation sur le parcours de soins etsur la stratégie thérapeutique mise enœuvre permet de comprendre son trai-tement et d’y adhérer. »

FACILITER L’ACCÈS AUX SOINS« Si l’éducation thérapeutique estcapitale pour les patients, la compré-hension des articulations du parcoursde soins est essentielle quant au rôlecomplémentaire du généraliste, duspécialiste de ville et du dermatologuehospitalier. Cela permet d’accéder àl’innovation thérapeutique si néces-saire. Une certaine sous-estimation dela maladie renforce encore les inégali-tés d’accès à ces solutions, qui, pour-tant, ont changé les perspectives devie des psoriasiques. »

©FrancePsoriasis/DR

Informer

VIVRE AVECLE PSORIASIS

Soutenir et informer,telles sont les missionsde France Psoriasis.Présentation de

l’association par saprésidente, Mme Aubert.

Roberte Aubert

Pr Thierry Passeron

Acteur biopharmaceutique spécialisé en dermatologie médicale,Almirall France fait le choix de l’innovation.

Éclairage de Laurence Faboumy,Directrice générale du laboratoire.©chrispeus.com/DR

Objectiver PRENDRE CONSCIENCEDU FARDEAU DES MALADIES DE PEAU

L’important retentissement des maladiesdermatologiques au quotidien

« Le fardeau du psoriasis,comme celui d’autres pa-thologies cutanées comme le vitiligo,la dermatiteatopique,la pelade,lamaladie deVerneuil estmul-tidimensionnel. Les atteintes affichantes commele visage, les mains, les ongles sont symboliqueset mal vécues. Les symptômes associés peuventégalement avoir un impact sur la vie des patients,comme de fortes démangeaisons qui perturbentle sommeil ou des crevasses qui gênent la pré-hension. Les abcès de la maladie de Verneuil sontparfois si douloureux qu’ils empêchent le travail.Les affections cutanées liées à une inflammationchronique sont également associées à des comor-bidités comme le diabète,l’hypertension artérielleouunsyndromemétabolique.De leur côté,l’anxié-

té ou la dépression induites peuvent amener à desidées suicidaires.Autant de ressentis qui trouventleur source dans les réactions de l’entourage.»

Un poids économique à prendre en compte« Le coût de ces pathologies est important pour lasociété et pour les patients eux-mêmes.Leur reste àcharge est en effet important.S’il était enmoyennede214eurosparFrançaisen2018,cemontantatteint500 euros en cas de psoriasis et 350 pour la derma-tite atopique(1). Ce coût devient colossal lorsqu’il esttransposé à l’ensemble des Français concernés parune maladie de peau. En effet, au cours de l’étudeObjectif peau(2) menée en 2016, 30 % des Françaisadultes avaient déclaré au moins un problèmede peau au cours de l’année. 22 % des personnesinterrogées avaient eu recours à un dermatologue.

Le psoriasis figure au premier rang des motifsde consultation auprès des dermatologues, avecen plus des cancers de la peau, la dermatite ato-pique,l’acné,lesmycoses,etc.Cesmaladies consi-dérées comme bénignes affectent le quotidien etnécessitent un traitement par voie générale dansles formes sévères.»1) Richard MA et al.Out-of-pocket expendituresin France to manage psoriasis in adult patients:results from an observational,cross-sectional,non-comparative,multicentre study. J.Eur.Acad.Dermatol Venereol,2020.Online ahead of print.2) Objectifs peau.Etude épidémiologiquemenéepar la Société française de dermatologie,2016.

Affichantes, les pathologies cutanées comme le psoriasis peuventêtre un handicap.Décryptage avec le Pr Marie-Aleth Richard,

dermatologue à l’hôpital de la Timone,à Marseille.

Pr Marie-Aleth Richard

au sens large et plus précisémentdans la recherchecliniqueenEurope.Les études cliniques préliminairessont encore trop souvent réaliséesaux Etats-Unis,ce qui entrave l’accèsdes patients à l’innovation dans cesphases précoces.»

Réorganiser le parcours de soins« L’accès aux traitements d’ores etdéjà disponibles est également àsolutionner. En effet, énormémentde traitements arrivent, et c’est for-midable,mais la quasi-totalité de cesthérapeutiques requièrent l’expertiseetuneprescription initiale dederma-tologues hospitaliers.Par ailleurs, trop peu de patients et

de professionnels de santé sont infor-més de ces progrès en dermatologie.En pratique, cela soulève deux ques-tions. Celle des délais importantsdans la prise de rendez-vous et cellede la proximité d’un dermatologuehospitalier. La télémédecine peutparfois apporter des réponses dansles situations de suivi,mais une pre-mière consultation exige un examenclinique approfondi. Ces inégalitésd’accès aux soins, synonymes depertes de chances pour les patients,nécessitent une évolution du par-cours de soins. Cela implique uneplus grande sensibilisation des mé-decins généralistes et peut-être uneformationde certains dermatologues

de ville permettant l’ouverture de laprescriptiondeces thérapiesenville.Impliquer les pharmaciens dansl’orientation vers des spécialistes enmesuredeprescriredesbiothérapiesest également une piste à envisagerpar les pouvoirs publics.»

Laurence Faboumy

Tous les propos ont étérecueillis par Gézabelle Hauray.

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Communiqué spécial Dermatologie

TRAITER LE PLUS TÔT POSSIBLELa prise en charge du psoriasis, dèsl’apparition des premiers symp-tômes et tout au long de la vie despatients, doit donc constituer unepriorité pour les patients et l’en-semble des professionnels de santé.Une nécessité d’autant plus impé-rieuse que des progrès thérapeu-tiques majeurs ont été réalisés de-puis dix ans,permettant d’envisagerle contrôle au long cours des symp-tômes pour de nombreux patients.Près de 30 % des patients déclarentainsi que l’objectif principal de leurthérapie, incluant l’élimination desplaques, le contrôle des signes etsymptômes et la réduction des dé-mangeaisons, n’est pas totalementatteint. 56 % des patients pensentque la disparition totale des plaques

diminution des plaques ne suffitpas. Les patients veulent une peaunette, que la maladie disparaisseet avec elle ses impacts physiques,émotionnels et sociaux. UCB s’en-gage dans cette voie pour apporterdes solutions thérapeutiques inno-vantes dont l’efficacité est non seu-lement rapide, mais aussi main-tenue dans le temps pour le plusgrand nombre de ces patients »,affirme Christopher Meyer.

CONVAINCRE LES PATIENTSOutre lamise à disposition des trai-tements,la bataille contre le psoria-sis se gagne également dans l’orga-nisation des parcours de soins.UCBœuvre donc pour apporter son sou-tienauxdermatologues,enville et àl’hôpital,mais également aux côtés

UCB,ACTEUR ENGAGÉDANS L’INNOVATIONEN DERMATOLOGIE

Entreprise biopharmaceutique,UCBest engagée depuis plus de quinzeans dans la recherche en immuno-dermatologie pour contribuer à unemeilleure connaissance du psoria-sis en France. « Nous menons destravaux de recherche très impor-tants pour développer une com-préhension globale approfondie dupsoriasis, en explorant les causeset les mécanismes qui impactentla vie des patients présentant unpsoriasis en plaques modéré à sé-vère », explique Christopher Meyer,Directeur Immunologie UCB France.

L’ALTÉRATION « CUMULATIVE »DU PSORIASIS,

L’entreprise pharmaceutique s’inté-resse en particulier à une dimensionexplorée depuis quelques années :l’altération « cumulative » du pso-riasis, alors que la maladie survientdans 30 % des cas avant l’âge de16 ans.« Elle se caractérise par l’inter-action de facteurs sociaux, tels quela stigmatisation sociale induisantun lourd fardeau psychologique, etde facteurs physiques, tels que ladouleur et les complications pos-sibles associées. L’évaluation de cetaspect cumulatif devrait permettreune compréhension plus approfon-die de l’impact du psoriasis chez lespatients. Elle ouvre la voie à un ac-compagnement plus adapté tout aulong du parcours de vie », poursuitChristopher Meyer.

Psoriasis modéré à sévère AGIR AU PLUS TÔT POUR PERMETTREAUX PATIENTS DE MENER LEUR PROJET DE VIE

« L’un des enjeuxmajeurs,aujourd’hui,consiste à convaincre

les patients qu’ils peuventse sortir de la maladie.»

Christopher Meyer

125 millionsde personnes sont

atteintes du psoriasisou du rhumatismepsoriasique dansle monde.Et 3 %des Français y sont

confrontés : le psoriasisde formemodérée àsévère est unemaladie

dermatologiquehandicapante,à fortretentissement surla qualité de viedes patients.

de psoriasis est un objectif inat-teignable. Pourtant, les solutionsthérapeutiques actuellement surle marché vont au-delà de la seuleréduction des plaques, qui fut long-temps le seul espoir des patients.« Nous savons que des besoins noncouverts persistent dans la prise encharge des patients vivant avec unpsoriasis.Leniveaud’attente des pa-tients est légitimement élevé. Une

des associations de patients. « L’undes enjeux majeurs, aujourd’hui,consiste à convaincre les patientsqu’ils peuvent se sortir de la mala-die, conclut Christopher Meyer. Ilfaut donc les aider à construire undialogue constructif avec l’équipede soins et à se convaincre que lepsoriasis n’est plus une fatalité quiva inévitablement altérer leur exis-tence.» Pierre Mongis

Pour faciliter la décision thérapeutique, la Société française dedermatologie a créé une structure.Entretien avec le Pr OlivierChosidow,président du Centre de Preuves de la SFD et ancienChef du service de dermatologie de l’hôpital Henri-Mondor.

Si de nombreuses différencesexistent entre psoriasis etdermatite atopique,

ces pathologies ont égalementde nombreux points

communs.Explications duPr Manuelle-Anne Viguier,dermatologue à l’hôpitalRobert Debré de Reims.

Eclairer REDONNER DU SENSAUX RECOMMANDATIONS

Traiter DE NOUVELLES OPTIONSMÉDICAMENTEUSES DANS

LE PSORIASIS ETLA DERMATITE ATOPIQUE

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De façon générale,dans quel contexte ontlieu les prescriptions de médicaments ?La décision thérapeutique a lieu dans uncontexte de plus en plus complexe. Les nou-veaux médicaments sont généralement issusd’un développement industriel et ont une auto-risation demise sur lemarché (AMM) pour uneindication donnée et un marché identifié. Laplupartdeces traitements sontévalués contre placebo, plusrarement contre un compara-teurpertinent et leurs donnéesde tolérance sont limitées. Deleur côté, les médicaments an-ciens ne bénéficient pas d’ac-tualisation de données liéesauxprogrès des connaissances.Ils ont souvent été évaluéssans comparateurs et enfinleurs données de tolérance sesont enrichies. D’un point devue pratique, les médicamentsles plus anciens peuvent plusfacilement être en rupturede stock. Enfin, la littératuremédicale est exponentielleet ne peut être lue désormaisdans son intégralité. Du côtédes patients, les données sontnombreuses, souvent hétéro-gènes du fait de systèmes de santé différents etd’une incroyable diversité de génotypes et dephénotypes influant sur les réactionsauxmédi-caments (efficacité,tolérance).Cela,ajouté à unmanque d’adéquation à la pratique, rendaitles recommandations peu lues et peu utilisées.

Comment le Centre de Preuvesde la Société française de dermatologiea-t-il vu le jour ?La Haute Autorité de Santé (HAS) souhaitaittravailler avec les professionnels de santé et lessociétés savantes pour créer des recommanda-tions en accord avec les besoins et restaurerla confiance des prescripteurs. Le Centre de

Preuves de la Société françaisede dermatologie (SFD) a étécréé en avril 2015.Nous avonsmis sur pied une méthodo-logie combinant analyse dedonnées de preuves de hautniveau et consensus d’experts.Notre souhait était de sor-tir d’une méthodologie tropconventionnelle et de faciliterl’analyse des données pouraboutir à des arbres décision-nels pratiques et pensés parsous-populations, applicablespar le prescripteur en face deson patient. Les premièresrecommandations émisesconcernaient l’acné puis lamaladie de Verneuil et l’urti-caire chronique spontané.De nouvelles recommanda-tions sont au programme

2021 : la gale du petit enfant, l’urticaire aufroid, la dermatite atopique et les carcinomesbaso-cellulaires. Des recommandations exis-tantes seront également actualisées, commecelles du mélanome et, nous l’espérons, dupsoriasis. G. H.

Des maladies aux nombreuses similitudesLe psoriasis et la dermatite atopique (DA)ont de nombreux points communs. « Toutesdeux sont des maladies inflammatoires quiaffectent la peau et démangent », indique lePr Manuelle-Anne Viguier, dermatologue àl’hôpital Robert Debré de Reims. Autant desymptômes qui stigmatisent et peuvent dé-grader la qualité devie.LaDAtoucheprincipa-lement les enfants et atteint fréquemment levisage et lesmains.Elle entrave fréquemmentles choix vestimentaires. Quant au psoriasis,il touche souvent le cuir chevelu et les ongleset peut être associé à une atteinte articulaire.Contrairement à la DA, le psoriasis concernesurtout les adultes.

DE GRANDES INÉGALITÉS THÉRAPEUTIQUESLes thérapies ciblées dans le psoriasis sontapparues il y a vingt ans, avec les anti-TNF.Depuis, l’arsenal thérapeutique s’est accruavec l’arrivée des traitements ciblant les IL-12et 23, l’IL-17 puis l’IL-23. Cette classe est laplus récente et la plus efficace. Pourtant,

certains patients ne bénéficient des biothéra-pies que tardivement. « Les malades atteintsdes formes modérées à sévères ne doiventpas hésiter à avoir recours à des spécialistespour bénéficier de ces traitements spéci-fiques », recommande le Pr Manuelle-AnneViguier. Concernant la DA, les voies physio-pathologiques ont été identifiées plus récem-ment, le traitement biologique anti-IL-4/IL-13n’est disponible que depuis trois ans danscette indication. Mais les choses bougentet plusieurs essais sont en cours (anti-IL-13,anti-IL-31,anti-IL-22,anti-TSLP).De leur côté, les inhibiteurs de JAK, traite-ments ciblés non biologiques et administrésoralement, sont également prometteurs avec,notamment, le baricitinib désormais enre-gistré dans cette indication. Issu de la mêmeclasse, l’upadacitinib est accessible dans lecadre d’uneATU nominative.La DA sera la première pathologie cutanéequi bénéficiera de ces traitements en France.« Nous vivons une époque thérapeutique for-midable », conclut l’experte. G. H.

« De nouvellesrecommandationssont au programme

2021… »Pr Olivier Chosidow

❸ JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020

Douleurs,démangeaisons,anxiété,stress…Aux symptômes physiqueset psychiques liés à l’apparitiondes plaques qui surviennent parpoussées s’ajoute très souvent unfacteur de mal-être au quotidien.Parce qu’elle est visible, la mala-die génère un poids émotionnelqu’il ne faut pas négliger. Près dela moitié des patients sont expo-sés, durant leur vie, au risque dedépression,voire de passage à l’actesuicidaire. Renoncement à la car-rière professionnelle, difficultésrelationnelles…

ENQUÊTES…Outre les effets sur la vie sociale,des enquêtes vont même plus loin,en s’intéressant à la sexualité despersonnes atteintes de psoriasis.Menée actuellement par l’associa-tionFrancePsoriasis,avec le soutieninstitutionnel d’UCB, l’une d’entreelles démontre que 67% des femmesinterrogées reconnaissent que lepsoriasis a impacté leurvie sexuelle.41 % déclarent que le psoriasis ynuittoujours, 27% rapportent l’absencede rapports sexuels lors du derniertrimestre en raisonde leur psoriasis.Une autre enquête, menée parResopso (association de 150 der-matologues), révèle que 41 % seu-lement des femmes interrogéesexpriment un désir de grossesse àlong terme. Parmi les femmes quin’étaient pas enceintes,plus de 85%ont reconnu que le médecin chargéde leur psoriasis n’avait pas évoquéavec elles leur projet de grossesse.

Pr Manuelle-Anne Viguier

Christopher Meyer

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©DraganaGordic-stock.adobe.com

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JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 ❹Communiqué spécial Dermatologie

Invalidante,notamment à l’adolescence, la dermatiteatopique sévère bénéficie désormais de prises en charge avecl’implication de médecins spécialistes hospitaliers.SanofiGenzyme s’engage à réduire l’errance thérapeutique de

ces jeunes patients en attente de solution.

Cancer cutané le plus agressif, le mélanome a vu sa priseen charge progresser avec l’arrivée de l’immunothérapie

et des thérapies ciblées, il y a près de dix ans.Depuis, les stratégies thérapeutiques n’ont cessé d’évoluer.

Adolescents OPTIMISER LEPARCOURS DE SOINS EN CASDE DERMATITE ATOPIQUE

Mélanome DIX ANS DERÉVOLUTIONTHÉRAPEUTIQUE

La dermatite atopique est une pathologieinflammatoire chronique de la peau quitrouve son origine dans une anomalie de laréponse immunitaire et une déficience de labarrière cutanée. Les formes modérées à sé-vères de la maladie provoquent des éruptions

cutanées persis-tantes et intenseset une inflamma-tion de type 2 (ré-ponse hyperactivedu système immu-nitaire) peut êtreimpliquée, commec’est le cas dansplusieurs maladiesatopiques (asthme,

polyposenasale,allergie).Parexemple, jusqu’à50% des patients souffrant de dermatite ato-pique ont un asthme associé. « Cette pluri-pathologie complexifie la prise en charge »,explique le Dr Benjamin Ferey, Directeurmédical Immunologie Sanofi Genzyme.

Une maladie invalidante,notammentà l’adolescence

En France, près de 700 000 adolescents âgésde 12 à 17 ans souffrent de dermatite atopique,dont environ 22 000 présentent une formesévère. Peau sèche, plaques rouges et inflam-matoires, de nombreuses parties visibles ducorps sont atteintes,notamment les paupières,

le visage ou le cou. « Invalidante et affichante,cette pathologie dégrade considérablement laqualité de vie des jeunesmalades », constate leDr Benjamin Ferey. Les répercussions surl’estime de soi et l’image auprès des autres gé-nèrent une discrimination sociale et scolaire.En effet, 52 % des adolescents touchés décla-rent souffrir de dépression.La sphère familialeenpâtit également,tant en termesd’anxiété etde culpabilité chez les parents que dans l’orga-nisation familiale,avec 42% d’entre eux décla-rant avoir subi de l’absentéisme au travail.

Le rôle des parents est essentiel pourconduire l’adolescent à l’hôpital

Les retentissements de la maladie pour l’ado-lescent ou sa famille peuvent être allégés parune prise en charge adaptée. « De nombreusesfamilles sont encore, malheureusement, enerrance thérapeutique », relève le Dr Ferey.Car il faut compter en moyenne une à deuxannées avant d’aboutir à un diagnostic précis.Pourtant, si l’offre thérapeutique a longtempsété relativement modeste, des solutions sontaujourd’hui possibles pour les adolescents at-teintsde formessévèresdedermatiteatopique.Ces prises en charge spécifiques requièrentune expertise le plus souvent hospitalière.Et cette maladie complexe nécessite d’êtreappréhendée le plus tôt possible pourminimi-ser la double peine physique et psychologiquequ’elle engendre chez les adolescents. G.H.

Une pathologie fréquenteLes mélanomes sont les cancers cutanés lesplus dangereux du fait de leur fort poten-tiel métastasique. Leur incidence ne fait queprogresser au niveau mondial. Avec plus de15 000 nouveaux cas de mélanomes cutanésen France métropolitaine et 1 783 décès (esti-mation 2017), les mélanomes représentent10 % des cancers cutanés. Avant 2011, le pro-nostic de la maladie au stade métastatiqueétait sombre, notamment du fait de sa résis-tance à la chimiothérapie.La survie moyenneétait d’environ huit mois, avec une survie àcinq ans inférieure à 5 %.Depuis, les choses ont changé, le mélanomeest entré dans une autre ère thérapeutique.

Une décennied’innovationsArrivées coupsur coup en 2011et 2012, l’immu-nothérapie et lesthérapies cibléesont considérable-ment fait évoluerla prise en chargedumélanomemé-tastatique. Depuis,l’offre thérapeu-tique s’est étoffée et ces molécules ont faitl’objet de différentes stratégies thérapeu-tiques. Aujourd’hui,les thérapies ciblées,asso-ciées ounonàune immunothérapie,montrentd’emblée leur intérêt. De son côté, l’immuno-thérapie, anti-PD1 et anti-CTLA-4, demeure

centrale dans l’avancée de la prise en charge.Une étude a confirmé l’efficacité à long termede l’immunothérapie (anti-PD1), avec unesurvie globale de 35 % à cinq ans. Ce chiffreatteint même 52 % avec la combinaison d’im-munothérapie anti-PD1 + anti-CTLA-4. Chezles patients en rémission complète confirmée,la durabilité des bénéfices permet de main-tenir la rémission de deux à trois ans aprèsl’arrêt de l’immunothérapie.En cas de rechute,cette classe de traitements permet d’obtenirune nouvelle réponse dans 50 % des cas.

L’immunothérapie demainPour réduire le risque de rechute chez despatients à risque, deux anti-PD1 ont obtenuune autorisation de mise sur le marché en

adjuvants. La pro-chaine étape serala situation néo-adjuvante, avantles traitementscuratifs.Différentes asso-ciations thérapiesc ib lées / immu-nothérapies oudes séquences deces différentesclasses font égale-

ment partie des perspectives thérapeutiques.L’immunothérapie pourrait également êtreassociée au TIL (tumor-infiltrating lympho-cytes) ou à de nouveaux anticorps mono-clonaux (anti-LAG-3, etc.). Des essais sont encours. G. H.

COUPE TRANSVERSALE D’UNE PEAU MALADELe mélanome entre dans le sang et le tractus lymphatique.

©ChristophBurgstedt-stock.adobe.comDR

« Même si l’arrivéedes biothérapies a permisd’améliorer la priseen charge des patientsatteints de formesmodérées à sévères,il est indispensable

d’aller encore plus loinpour atteindre

le “blanchiment cutané”…»Aurélie Andrieux-Bonneau

©FranckJuery-Abbvie/DR

Pourquoi est-il encore importantaujourd’hui de faire évoluer les standardsde soins dans le psoriasis en plaques ?Le psoriasis en plaques, maladie inflamma-toire chronique de la peau, touche 2,5 mil-lions de personnes en France(1). Evoluantpar poussées(2), il se caractérise par l’appari-tion de plaques bien délimitées, rouges, enrelief et recouvertes de squames blanchâtres.Au-delà de l’atteinte physique, cette maladiea un fort retentissement sur la qualité de viedes patients. Selon les publications scienti-fiques, 50 % des patients déclarent souffrirde syndromes dépressifs(3). Même si l’arri-

les solutions pour essayer de rompre avec lamaladie.AbbVie est fière de relayer cette aspi-ration partagée.

Au-delà de cette campagne desensibilisation, comment AbbVies’investit-elle dans l’améliorationdu parcours de soins des patients ?AbbVie est une entreprise biopharmaceu-tique dont l’expertise en immunologie estreconnue depuis vingt ans, notamment endermatologie. En ayant l’objectif de transfor-mer la vie des patients atteints de psoriasisen plaques, on peut faire avancer la connais-

sance de la maladie. Nos efforts de recherchecontinus visent à mettre au point des solu-tions thérapeutiques pour élargir les optionsde traitements disponibles pour les patients.Un effort qui s’est traduit cette année, enFrance, par la conduite de 11 études cliniquesen dermatologie pour évaluer trois moléculesdifférentes,des biothérapies aux petitesmolé-cules. Notre engagement, c’est aussi de parti-ciper,comme partenaire du système de santé,à améliorer le parcours de soins des patientsen travaillant avec l’ensemble des acteurs quiles entourent au quotidien. Avec notre pro-grammeAbbVie Care,nous accompagnons lespatients dans leur quotidien avec le traitement.Nous agissons également auprès des pharma-ciens avec la campagne « Ici on parle Pso »,lancée depuis le 15 novembre. Elle vise à sou-tenir les pharmaciens dans leurs missions deconseil,avec lamise à disposition d’outils d’in-formation pour améliorer la discussion avecles patients souffrants de formes modéréesà sévères et la coordination des parcours desoins.Enfin,nouscherchonsà favoriser l’émer-gence des initiatives innovantes portées parles acteurs de santé sur le terrain, à travers lefondsdedotationAbbVieSanté&Perspectives,lancé en 2019.Cette année, le nouvel appel àprojets de ce fonds vise justement à soutenirdes initiatives capables d’améliorer la priseen charge des patients atteints de maladiesinflammatoires chroniques,dont le psoriasisen plaques. Il est ouvert jusqu’au 15 janvier2021. Pierre Mongis

Psoriasis en plaques ABBVIE S’ENGAGEPOUR FAIRE ÉVOLUER LA PRISEEN CHARGE DES PATIENTS

Acteur majeur de la lutte contre le psoriasisen plaques,AbbVie lance la campagne

« C’est Clair et Net,#Fini J’te plaque »,en collaborationavec l’association de patients France Psoriasis,pour susciterle déclic chez les patients qui souhaitent rompre aveccettemaladie douloureuse et socialement stigmatisante.

Explications avec Aurélie Andrieux-Bonneau,Directrice des Affaires publiques et de la Communication.

vée des biothérapies a permis d’améliorerla prise en charge des patients atteints deformes modérées à sévères, il est indispen-sable d’aller encore plus loin pour atteindre le«blanchiment cutané », soit la disparition de90 à 100 %des plaques. C’est l’objectif thérapeu-tique recommandé par les sociétés savantes.

Vous lancez une campagnede sensibilisation avec l’associationde patients France Psoriasis.Avec quel objectif ?Cette campagne, c’est d’abord un partenariatavec l’association de patients France Psoriasispour s’adresser avec le plus d’impact possibleaux patients atteints de psoriasis en plaques età leurs professionnels de santé.C’est ensuite lavolonté,dans cette période si particulièremar-quée par la Covid-19,de dire aux patients souf-frant de maladies chroniques qu’ils peuventcontinuer à être pris en charge. C’est pour-quoi cette campagne est un appel à l’action.Elle exprime une revendication forte, sur unton décalé qui dit l’exaspération du patient :« C’est Clair et Net,#Fini j’te plaque.» Unmes-sage qui valorise ce moment où, ensemble,patients et professionnels de santé trouvent

« Cette campagne est un appelà l’action.Elle exprime une

revendication forte, sur un ton décaléqui dit l’exaspération du patient. »

Aurélie Andrieux-Bonneau

1) Livre blanc de la SFD,Les Défis de la dermatologie en France,2018.2) Dubertret L.Le Psoriasis,de la clinique au traitement.2e edition,EditionsMed’com,2009.3) Mattei P.L.,CoreyK.C.,KimballA.B.PsoriasisArea Severity Index (PASI) and theDermatologyLife Quality Index(DLQI): the correlation between disease severity and psychological burden in patients treatedwith biologicaltherapies.J.Eur.Acad.Dermatol.Venerol.2014;28(3):333-7.

Information communiquée par l’entreprise de santé AbbVie - FR-IMMD-200097 – 11/2020

Page 14: Le Monde - 03 12 2020

14 | FRANCE JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

L’ article 24 ? Circulez, iln’y a rien à voir, ou, se­lon l’expression du por­te­parole de La Républi­

que en marche (LRM) Roland Les­cure, « l’incident est clos, on passe àautre chose ». Chez les cadres du parti présidentiel, on aimerait clore la séquence cauchemardes­que ouverte par cette disposition sur la prise d’images de policiers de la proposition de loi « sécurité globale ». Il est temps d’éteindre l’incendie déclenché entre la ma­jorité et l’exécutif par la révélation des images de l’interpellation vio­lente par la police d’un producteurde musique, Michel Zecler, à Paris, suivie par l’annonce de la réécri­ture de l’article 24 par une com­mission indépendante.

Après les manifestations pourla liberté d’expression, samedi 28 novembre, marquées par une forte mobilisation dans plusieursvilles et par des violences, « il ne fallait surtout pas laisser pourrir leschoses », explique M. Lescure, qui reconnaît « une incompréhension, voire sans doute une erreur » autour du texte. « On ne peut pas laisser s’installer un nouveau feuilleton de manifestations », ajoute le député (LRM) de l’Eure Bruno Questel. Sur le fond, lundi,les trois présidents de groupe de lamajorité à l’Assemblée ont donc enclenché une « réécriture totale » de l’article après une entrevue à l’Elysée marquée par les repro­ches d’Emmanuel Macron, no­tamment à son ministre de l’inté­rieur, Gérald Darmanin. Sur la forme, après la menace d’une criseinstitutionnelle scindant Parle­ment et gouvernement, le pre­mier ministre et M. Darmanin sont venus devant les députés LRM en réunion de groupe, mardi, afin de dissiper tout malentendu. « Il n’y a jamais eu la moindre inten­tion de ma part de rompre la rela­tion indispensable de confiance entre la majorité et le gouverne­ment », a déclaré Jean Castex aux parlementaires.

« Modifier, ça n’est pas reculer »Certains élus se disent « extrême­ment rassurés ». « Modifier, ça n’est pas reculer, c’est se rendre compte de ses erreurs, en tenir compte pouravancer », dit la députée des Bou­ches­du­Rhône Anne­Laurence Petel. D’autres restent amers. En réunion de groupe, François de Rugy (Loire­Atlantique) a fait va­loir que « le corollaire de la solida­rité de la majorité, c’est le respect duParlement » et jugé que ce respect avait été perdu, dernièrement. En face, le premier ministre « a fait

une mimique difficile à interpréter derrière le masque », dans une salleColbert déserte, visioconférence oblige, dit un participant. « Soyons plutôt fiers de ce qui s’est passé », a lancé, pour sa part, le président (LRM) de l’Assemblée, Richard Ferrand, saluant le sursaut des parlementaires qu’il a lui­même mené. « Vous avez accrédité toutes les critiques qui nous sont faites surnotre manque de professionna­lisme. Le mépris ressenti n’est pas possible entre nous », a réagi la dé­putée des Yvelines Aurore Bergé.

Au­delà des traces laissées dansla majorité, l’atterrissage de l’arti­cle 24 reste flou. Si plusieurs op­tions ont été évoquées mardi, aucune n’est encore certaine. Le gouvernement pourrait déposer un amendement de réécriture dans le cadre des débats au Sénat, dès mars. Il reviendrait alors au groupe Rassemblement des dé­mocrates, progressistes et indé­pendants, présidé par le macro­niste François Patriat, de le porter face à la droite, majoritaire, et sans

grand espoir d’adoption. Aussi, la commission des lois de l’Assem­blée mise davantage sur la com­mission mixte paritaire, à l’issue des deux lectures, où sept députés et sept sénateurs s’accorderont surla mouture finale de la proposi­tion de loi « sécurité globale ». Sa présidente, Yaël Braun­Pivet, se donne « une quinzaine de jours » pour proposer une nouvelle écri­ture au gouvernement, qui la sou­mettra à l’avis du Conseil d’Etat.

Une autre option se profile, àl’heure où plusieurs députés LRM appellent au retrait de l’article : le faire disparaître de la loi au profit de l’écriture plus large et ancrée dans le code pénal de l’article 25 d’un autre projet de loi, celui censélutter contre les séparatismes en « confortant les principes républi­cains », qui doit être présenté de­vant le conseil des ministres le 9 décembre. Mardi matin, plu­sieurs députés se sont toutefois prononcés contre ce scénario, estimant que ce serait polluer le texte sur les séparatismes avec un

sujet hautement polémique. « On va se reprendre un retour de bal­les avec l’article 25 », prédit ainsi Bruno Questel. Mme Braun­Pivet a, quant à elle, prévenu sur RTL que l’article 24 serait « retiré de la loi de 1881 » pour marquer la volonté du gouvernement de ne pas « attenterà la liberté de la presse ».

Procès en amateurismeParmi les députés LRM, ces incer­titudes alimentent un sentiment de désorganisation, l’impression d’un « pataquès » institutionnel qui ne débouche sur rien. « Les dé­putés vont réécrire l’article ? La belleaffaire, ça s’appelle la navette par­lementaire ! », s’agace un élu. Cer­tains mettent en cause le « man­que de culture parlementaire » d’Emmanuel Macron et de Jean Castex pour expliquer la cacopho­nie. « Le problème vient aussi du fait qu’ils n’ont jamais été parle­mentaires », avance un député.

Au Sénat, l’opposition de droites’est déjà fait entendre. En ouver­ture de la séance de mardi après­

midi, son président Gérard Lar­cher, a jugé nécessaire de « rappe­ler solennellement quelques­uns des principes de notre Républi­que » : « Le pouvoir législatif appar­tient au Parlement et à lui seul. » « L’urgence est donc de revenir dansles mots et les faits à un fonctionne­ment normal de nos institutions et de respecter tout simplement les procédures constitutionnelles », a­t­il ajouté, prévenant qu’il revenaitau Sénat de réécrire l’article 24. Même l’ancien président du Con­seil constitutionnel, Jean­Louis Debré, sollicité par l’exécutif pour

statuer sur le report des élections régionales et départementales, est sorti de sa réserve pour dénoncer, sur BFM­TV, une crise « créée par manque de professionnalisme ». Dans ce quinquennat, « on ne con­naît pas la Constitution (…), on est dans l’absurde », a­t­il asséné.

Dans le reste de l’opposition, lesprocès en amateurisme ont égale­ment fleuri contre le parti prési­dentiel. « LRM s’emmêle dans le ta­pis du Sénat », a relevé le prési­dent du groupe La France insou­mise à l’Assemblée nationale, Jean­Luc Mélenchon. Le président du groupe LR, Damien Abad, a crié à « l’incompétence du gouverne­ment ». Fustigeant les « règlements de comptes entre M. Castaner et M. Darmanin », le député (LR) de la Manche Philippe Gosselin a, quant à lui, qualifié l’épisode de « leçon de droit constitutionnel pour les nuls ». Sa question au gou­vernement ? « Si gouverner est un art, pensez­vous le posséder ? »

julie carriatet mariama darame

Gérard Larcher a fait savoir que

la réécriture de l’article 24

revenait de droitau Sénat,

qu’il préside

Le premier ministre, Jean Castex, à l’Assemblée, mardi 1er décembre. JULIEN MUGUETPOUR « LE MONDE »

Article 24 : la majorité peine à sortir de la criseLe premier ministre et le ministre de l’intérieur sont venus, mardi, s’expliquer devant les députés LRM

Deux hommes jugés pour violences lors de la Marche des libertésLes prévenus ont été condamnés respectivement à six mois de prison avec sursis et six mois ferme. Trois autres comparaîtront ultérieurement

A u surlendemain des inci­dents ayant émaillé, sa­medi 28 novembre, plu­

sieurs manifestations contre le texte de loi « sécurité globale », le parquet de Paris a ouvert une en­quête pour « violences sur per­sonnes dépositaires de l’autorité publique en réunion » pour tenterd’identifier les auteurs des coupsportés sur un policier au sol, placede la Bastille, à Paris. Celle­ci a été confiée à la sûreté territoriale.

Les vidéos réalisées sur le mo­ment montrent, dans un nuage degaz lacrymogène, des affronte­ments entre des policiers et quel­ques individus dont on ne voit pasles visages. Puis un policier à terre,frappé à coups de pied par plu­sieurs personnes avant d’être ex­trait de la scène par ses collègues. Avec deux dents cassées et quatre jours d’interruption temporaire de travail (ITT), le fonctionnaire,

âgé de 25 ans, fait partie des 98 po­liciers et gendarmes blessés à l’oc­casion de la mobilisation, selon le ministère de l’intérieur.

Soucieux d’apporter son sou­tien aux forces de l’ordre, GéraldDarmanin s’est rendu, mardi1er décembre, à la caserne Bessiè­res, dans le 17e arrondissement deParis, pour rencontrer plusieursdes fonctionnaires blessés. « Vousauriez pu mourir. Ce qui est in­croyable, ce sont les images despersonnes qui filment quand vousêtes à terre. C’est peut­être encoreplus choquant, me semble­t­il, queceux qui tapent. Ceux qui tapent,on voit que ce sont des dingues »,a notamment dit le ministrede l’intérieur au jeune policier blessé, selon des propos rappor­tés par Le Parisien. L’enquête, qui ne fait que débuter, doit désor­mais s’attacher à analyser lesnombreuses images réalisées sur

place pour tenter de retrouver lesauteurs des coups.

Lundi, le parquet de Paris avaiten outre déféré 17 personnes surles 29 qui avaient été placées en garde à vue samedi soir. Parmi el­les, dix ont fait l’objet d’un rappel à la loi, deux d’une procédure de plaider­coupable et cinq d’unecomparution immédiate. Parmi

les cinq personnes renvoyées de­vant le tribunal, trois seront ju­gées ultérieurement. Un qua­trième a été condamné lundi à sixmois de prison assortis d’un sur­sis probatoire avec l’obligation d’effectuer 105 heures de travail d’intérêt général pour port d’arme – un marteau – et partici­pation à un groupement en vue de commettre des violences.

AttroupementDans le box des prévenus, mardi,Joël M., le cinquième, un intéri­maire de 32 ans résidant dans leCher, reconnaît les faits. Il a bien cassé les vitres d’un Abribus avec un marteau sur la place de la Bas­tille alors que les manifestantsavaient commencé à se disperser. « Y a eu une charge de gaz, j’ai cruque j’allais mourir, j’ai une colèrequi est montée. J’ai littéralement pété les plombs », explique­t­il.

A la présidente qui l’interroge, ilraconte avoir déjà participé à des manifestations de « gilets jau­nes », mais sans heurts et peine à expliquer les raisons de sa pré­sence à 18 h 45, place de la Bastille, alors que la marche est terminée. Ilassure avoir trouvé le marteau parterre et n’avoir aucunement tenté de se rebeller au moment de son interpellation. Les forces de l’ordreont indiqué dans leur rapport qu’ilavait crié « aidez­moi, aidez­moi, c’est les flics ! », provoquant un at­troupement autour d’eux et desjets de projectiles entraînant la blessure à la tête d’un policier.

La procureure tente alors d’ex­pliquer la gravité de son geste auprévenu. Elle cite un « procès­ver­bal de contexte » qui rappelle la chronologie des incidents : « A 14 h 50, des black blocs sont repé­rés. Des incendies se déclarent à plusieurs endroits, mais dans un

premier temps, les pompiers nepeuvent pas intervenir, des poli­ciers caillassés sont contraints dereculer, certains font l’objet d’em­buscade. Après 17 h 50, des mani­festants s’attaquent à un chantier place de la Bastille autour de la co­lonne de Juillet, jusqu’à mettre le feu autour de la colonne, détaille­t­elle. Je ne dis pas que monsieur est l’organisateur en chef des blackblocs, loin de là, mais ces événe­ments peuvent dissuader les ci­toyens de manifester à nouveau. Tout comme ils peuvent contri­buer à vider de sens les propos des manifestants de bonne foi. »

« On essaie de le faire rentrerdans une case, celle des violences politiques, où il n’a pas sa place », déplore son avocat avant que Joël M. ne soit finalement condamné à six mois de prison ferme sansmandat de dépôt.

simon piel

« Y a eu une charge de gaz,

j’ai cru quej’allais mourir,

j’ai une colère qui est montée. J’ai

pété les plombs »JOËL M.prévenu

Page 15: Le Monde - 03 12 2020

0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 france | 15

Les sciences socialesdans le viseurdu politiqueDes travaux de recherche sur le genre, le décolonialisme ou la race sont accusés de porter atteinte aux « valeurs de la République »

L e pouvoir politiquepeut­il juger de la perti­nence de recherches uni­versitaires ? Après l’offen­

sive, fin octobre, de Jean­MichelBlanquer contre les « ravages » de« l’islamo­gauchisme », deux dé­putés LR, Julien Aubert et Da­mien Abad, sont revenus à lacharge le 25 novembre, deman­dant au président de l’Assemblée nationale l’ouverture d’une mis­sion d’information sur « les déri­ves idéologiques dans les milieuxuniversitaires ».

Outre des « courants islamo­gauchistes puissants dans l’ensei­gnement supérieur », ils dénon­cent la « cancel culture », qui ré­duirait au silence « tous ceux qui portent des paroles ou un compor­tement jugés “offensants” », en provoquant la perturbation, voire l’annulation, de conférences, comme celle que devait donner Alain Finkielkraut à Sciences Po,en avril 2019, qu’un groupe d’étu­diants se réclamant de « l’antira­cisme » a contraint à reprogram­mer sous surveillance policière. Ou encore celle que devait pro­noncer en octobre 2019 Sylviane Agacinski, annulée par le prési­dent de l’université Bordeaux­Montaigne sous la pression d’as­sociations étudiantes jugeant « homophobe » la philosophe, op­posée à l’ouverture de la PMA àtoutes les femmes.

La tension est montée d’un cranquand, le 26 novembre, JulienAubert a publié un Tweet alignantles captures d’écran de sept comp­tes Twitter d’universitaires qui s’étaient émus de l’initiative des députés. « Les coupables s’autodé­signent », commentait­il. Coupa­bles de quoi ? « De complaisance, explique l’élu du Vaucluse. Quand une tribune d’une centaine d’uni­versitaires nous alerte sur l’emprisede l’islamisme, on ne peut pas dire qu’il n’y a rien », justifie­t­il en ré­férence au « manifeste des 100 »signé dans Le Monde par des uni­versitaires de renom comme Mar­cel Gauchet, Pierre­André Ta­guieff, Gilles Kepel et Pierre Nora (Le Monde des 1er et 2 novembre). Ils y dénoncent les frilosités de leurs pairs, « la plupart des univer­sités et des associations de spé­cialistes universitaires » qui se bor­nent à parler d’« obscurantisme » ou de « fanatisme », au lieu de dési­gner l’islamisme comme respon­sable de l’assassinat du professeurSamuel Paty. Ils mettent aussi en cause les « idéologies indigénistes, racialistes et décoloniales », nour­rissant une haine des « Blancs » et de la France.

« Boucs émissaires »Chercheur en sciences du langageà l’université Rennes­II, Albin Wa­gener s’alarme : « Un député a donc le droit de jeter à la vindictepopulaire des noms d’ensei­gnants. On ne jugule absolumentpas les causes qui ont amené à l’assassinat de Samuel Paty ; au contraire, on les déporte ailleurs. » Pour Olivier Beaud, professeur dedroit à l’université Paris­II­Pan­théon­Assas, spécialiste des liber­tés universitaires, « demanderl’ouverture d’une enquête parle­mentaire sur ce qu’écrivent les uni­versitaires ou sur leurs débats sa­

vants est inédit en France. Le seulprécédent, c’était aux Etats­Unis avec le sénateur McCarthy, de si­nistre mémoire ».

Emmanuel Macron avait accuséen juin le « monde universitaire »d’avoir « cassé la République en deux » à force d’« encourager l’eth­nicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon ».Fin octobre, Jean­Michel Blanquer avait épinglé « les thèses intersec­tionnelles qui veulent essentialiserles communautés et les identités, aux antipodes de notre modèle ré­publicain ». L’intersectionnalité, dont la caractéristique est de pen­ser comme des rapports sociauxce qui est envisagé habituelle­ment comme des variables sépa­rées (genre, âge, sexualité, race, classe, etc.), créerait, selon lui, « le terreau d’une fragmentation de notre société et d’une vision du monde qui converge avec les inté­rêts des islamistes ».

Derrière l’escalade verbale sepose nettement la question du statut du savoir universitaire, qui, à la différence de celui dispensé dans l’enseignement secondaire, consiste à enseigner un savoir en train de se faire. Selon les mots du philosophe Karl Jaspers, un ensei­gnement de type universitaire « sesitue nécessairement dans un dé­bat en cours », ce que le gouverne­ment feindrait de ne pas voir.

« La tendance actuelle est de faireporter à l’université la crise de la démocratie », s’inquiète Rose­Ma­rie Lagrave, directrice d’études à l’EHESS. Mais la crise vient d’un « abus de pouvoir du politique sur les sciences sociales, véritables boucs émissaires », soutient­elle. « On assiste à des tentatives de dé­légitimation et de dénigrement dessciences sociales au motif qu’elles remplissent pleinement leur fonc­tion critique d’une société dont cer­tains représentants politiques vou­draient cacher l’envers du décor : la pauvreté, le racisme, le sexisme, les inégalités sociales face à l’école, l’habitat, l’emploi et la culture », détaille la sociologue.

A y regarder de plus près, lacommunauté universitaire estpourtant loin de faire bloc. « Je re­fuse l’inquisition politique mais jerefuse aussi le silence qui serait de la lâcheté intellectuelle et revien­drait à cautionner des universi­taires dont la pratique serait de surdéterminer leurs recherches censément scientifiques (donc ob­jectives) par des considérationslourdement idéologiques, fût­ceau motif de défendre telle ou telle minorité », nuance Olivier Beaud.Selon lui, des universitaires « ra­dicaux » auraient délaissé la distinction opérée par Max We­ber entre le « jugement de fait », qui fonde leurs recherches, et le

« jugement de valeur », qui fondeleurs opinions.

A l’évocation de certains thè­mes d’étude comme le décolonia­lisme, l’antiracisme ou le genre apparaît au grand jour une frac­ture quasi philosophique. « Il y a des conflits d’écoles, des conflits gé­nérationnels, notamment un mou­vement de résistance à des savoirs qui viennent d’ailleurs ou d’autres épistémés, de champs de référence du savoir qui menacent les modes de validation du savoir en place », analyse Marie­Anne Paveau, pro­fesseure en sciences du langage à l’université Sorbonne­Paris­Nord. Le « manifeste des 100 » incarne à ses yeux « un repli de chercheurs français sur les savoirs européens issus du terreau gréco­latin ». Dansses propres travaux, la chercheusedécentre ces derniers « pour modi­fier l’universalisme et installer le pluriversalisme », fondé sur des « centres de valeurs » en Inde, en Amérique latine, en Afrique, en Asie, et pas seulement en Europe.

Une « question d’appréciation »Derrière la volonté de « mettre au pas » des savoirs jugés trop enga­gés, deux visions du rôle de la re­cherche scientifique s’affrontent. « Pour le gouvernement, elle doit répondre à des défis sociaux fixés par le ministère de l’enseignement supérieur, illustre Clyde Plumau­zille, chargée de recherche auCNRS. Pour l’université, lieu collé­gial et de contre­pouvoir intellec­tuel, le savoir et les recherches sontles produits de la volonté des indi­vidus qui portent cette institution pour faire avancer les connaissan­ces générales et les sociétés elles­mêmes. » Des recherches peuvent avoir des liens originels avec lemilitantisme, mais, « du momentque les choses sont dites et assu­mées, cela ne pose pas problème », estime­t­elle, cassant l’image d’un savant libre de passions par­tisanes tel que défini par Max We­ber : « La science ne peut pas êtreneutre car elle est toujours située dans des personnes, des objets ou dans des lieux. »

Mais jusqu’où un universitairepeut­il aller dans sa liberté d’ex­pression ? « C’est une question très délicate, selon Bernard Toule­monde, ancien professeur de droit à l’université de Lille et auteur d’une thèse sur les franchi­ses universitaires. Il a parfaite­ment le droit de dire ou écrire ce qu’il croit vrai, mais le droit lui im­pose de respecter deux principes : celui de tolérance et celui d’objecti­vité. Tout est donc question d’ap­préciation, car on sait bien que l’onpeut tendre à l’objectivité mais que celle­ci n’existe pas en soi, surtout dans les sciences sociales. »

Qu’il puisse y avoir des invitéspour une conférence empêchés de s’exprimer ne choque pas Ma­rie­Anne Paveau. « C’est un geste

politique. Des personnes comme Sylviane Agacinski viennent porter à l’université un discours idéologi­que, et pas un discours de recher­che », affirme­t­elle. « Ces débats empêchés sont extrêmement mi­noritaires et ne disent pas du tout ce qu’est la vitalité des échanges ausein des universités, complète Clyde Plumauzille. C’est plus sou­vent des non­débats qui sont em­pêchés, où les possibilités d’un échange autour d’un contenu scientifique sont minimes. »

Moins catégorique, la présidentede la commission permanente du Conseil national des universités tient à ce que « l’espace universi­taire reste extrêmement ouvert, de sorte que le débat puisse toujours yavoir lieu ». « Couper la parole avant même que l’invité ait pu la prendre est une impasse, estime Sylvie Bauer, également profes­seure de littérature américaine à Rennes­II. Empêcher le débat, c’est trahir la pensée universitaire. »

soazig le nevé

« Demander l’ouverture

d’une enquêteparlementaire

sur ce qu’écriventles universitaires

(…) est inédit »OLIVIER BEAUD

professeur de droit

« La tendance actuelle est

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ROSE-MARIE LAGRAVEdirectrice d’études à l’EHESS

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Page 16: Le Monde - 03 12 2020

16 | france JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

Pas de « coup de pouce » en 2021 pour le smicLe gouvernement doit prochainement se prononcer sur la hausse du salaire minimum

D ans un contexte de réces­sion exceptionnelle, laprotection de l’emploi

doit, plus que jamais, primer sur l’amélioration du pouvoir d’achat.C’est l’un des arguments invoquéspar un groupe d’experts pour plai­der en faveur d’une augmentationlimitée du smic. La recommanda­tion figure dans un rapport trans­mis, mardi 1er décembre, au minis­tère du travail ainsi qu’aux parte­naires sociaux.

Tous les ans, peu avant Noël, legouvernement fixe le pourcen­tage de revalorisation du salaire minimum, à compter du 1er janviersuivant. Sa décision est prise aprèsavoir recueilli l’avis, purementconsultatif, de la Commission na­tionale de la négociation collectivede l’emploi et de la formation pro­fessionnelle, dans laquelle siègent les organisations d’employeurs et de salariés. Cette année, elle doit seréunir le 15 décembre.

La règle veut que le smic pro­gresse, tous les douze mois, en se calant sur l’addition de deux va­leurs : l’inflation (telle qu’elle est mesurée pour les 20 % de ména­ges les plus modestes) et la moitié de l’accroissement annuel du pou­voir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers et des employés (SHBOE). En plus de cette augmen­tation, qui est de droit, l’exécutif peut donner un bonus supplé­mentaire. Pour rendre cet arbi­trage, il dispose d’un rapport, re­mis à la veille de chaque hiver, par un comité de « sachants », que l’économiste Gilbert Cette préside.

Une hausse estimée à 0,99 %Ces experts préconisent, tout comme les années précédentes, « de s’abstenir de tout coup de pouce sur le smic au 1er jan­vier 2021 ». Les pouvoirs publics sont invités à relever le salaire mi­nimum « selon les seuls mécanis­mes de revalorisation automati­que » : l’inflation et le SHBOE.

De combien sera la hausse ? Il esttrop tôt pour le dire avec exacti­tude, faute d’avoir toutes les infor­mations requises. Le rapport livre toutefois une « estimation provi­soire » : + 0,99 %, contre + 1,2 % l’andernier, ce qui garantirait tout de même une majoration du pouvoird’achat supérieure à celle de début2020, grâce à une évolution des prix presque nulle. Pour mé­moire, le smic brut horaire s’élève,depuis le 1er janvier, à 10,15 euros, soit 1 539,42 euros brut par mois pour une personne travaillant trente­cinq heures par semaine (ce qui correspond à un peu plus de 1 200 euros net).

Si le gouvernement voulait semontrer plus généreux que la for­mule « automatique », un tel choix « risquerait d’être préjudicia­ble à l’emploi des personnes les plusvulnérables », souligne le rapport. Avant même la crise déclenchée par l’épidémie de Covid­19, l’éco­nomie française était « fragile » : « chômage important », « compéti­tivité faible », « situation financière des entreprises dégradée ».

Depuis mars, le contexte est de­venu encore plus sombre : effon­drement du produit intérieur brut(PIB), qui pourrait se situer entre –10 % et – 11 % en 2020, détériora­tion des comptes « de la plupart » des sociétés, destruction de 300 000 postes dans le privé entredébut janvier et fin septembre…Cela « renforce la priorité à accor­der à l’emploi [ainsi qu’à l’activité] à temps plein », et non pas « aux gains de pouvoir d’achat », consi­dèrent les experts. La dernière foisqu’un coup de pouce avait été donné, c’était au début du quin­quennat de François Hollande.

Le comité suggère par ailleurs demodifier les « clauses de la revalo­risation automatique », comme il l’avait déjà fait en 2017. Deux op­tions avaient alors été évoquées. La première : ne tenir compte que de l’indice des prix – et donc aban­donner la référence au SHBOE, ce qui entraînerait une augmenta­tion moindre du smic. La seconde piste, nettement plus radicale, consiste à supprimer toute règle d’indexation obligatoire : dans cette hypothèse, le pouvoir d’achat du smic pourrait ne plus être préservé.

Une telle mesure permettraittoutefois d’attribuer « une respon­sabilité accrue aux pouvoirs pu­blics » : ils seraient, selon le rap­port, en mesure de mieux maîtri­ser les évolutions du salaire mini­mum, en fonction de la situation du marché de l’emploi, et d’adap­ter leur action pour réduire le nombre de travailleurs pauvres, par le biais des minima sociaux.

Plusieurs syndicats désapprou­vent les recommandations des ex­perts. « Nous demandons au gou­vernement de ne pas les suivre »,confie Boris Plazzi (CGT). A ses yeux, il est nécessaire d’accorder un coup de pouce au smic, de ma­nière à « soutenir la consomma­tion » et à promouvoir une « politi­que de relance économique ». Un tel geste, ajoute­t­il, serait le bien­venu pour tous les « premiers decorvée », employés dans le com­merce, le transport, les entrepri­ses de propreté et de sécurité, dontl’activité s’est avérée « essentielle »,en particulier durant le premier confinement. Une fois de plus, le comité présente le salaire mini­mum « comme un coût et un frein à l’emploi », regrette Karen Gour­nay (FO) : son organisation ré­clame un relèvement du smic pour qu’il atteigne environ 1 480 euros net par mois.

bertrand bissuel

Les élus locaux sonnent l’alarme sur l’état des finances des communesUne étude de l’Association des maires de France, de la Banque des territoires et de la Banque postale s’inquiète d’une chute des investissements des municipalités, causée par la crise

L es élus communaux et in­tercommunaux du mois dejuin abordent leur mandat

dans un climat d’incertitude causé par la crise du Covid. Le précédent mandat (2014­2020), marqué par une série de réformes territoriales et par la baisse des do­tations de l’Etat pour un montant cumulé de 20,6 milliards d’euros, avait déjà été « considérablement perturbé », selon André Laignel, vi­ce­président délégué de l’Associa­tion des maires de France (AMF). Ilen était résulté un effondrementdes dépenses d’équipement dubloc communal en 2014 et 2015, avant qu’elles ne commencent à se redresser en 2017. Néanmoins, selon l’étude publiée mardi 1er dé­cembre par l’AMF, la Banque des territoires et La Banque postale, le montant des investissements réa­lisés entre 2014 et 2019 (153,8 mil­liards d’euros) a reculé de 15,9 mil­liards par rapport au sextennat précédent (169,7 milliards d’euros entre 2008 et 2013).

Les pertes de recettes commu­nales et intercommunales liées àla crise sanitaire et économiquefont craindre une nouvelle re­chute des investissements aumoment où le gouvernement en­gage un plan de relance massif.« La relance de notre pays passerapar deux choses : les entreprises etla capacité des collectivités terri­

toriales à investir dans des projetsde territoire », souligne la direc­trice du réseau Banque des terri­toires, Gisèle Rossat­Mignod,rappelant que 70 % de l’investis­sement public passe par les col­lectivités. C’est là que le bâtblesse. Les communes et les in­tercommunalités vont essuyer en 2020, 2021 et 2022, comptetenu des versements différés de certaines recettes fiscales, delourdes pertes, que l’AMF évalue à8 milliards d’euros.

Puiser dans les réservesLes mesures prises par le gouver­nement, chiffrées à 2,2 milliards d’euros par le président de la délé­gation aux collectivités territoria­les de l’Assemblée nationale, Jean­René Cazeneuve, ne suffiront pas à les compenser. Elles vont devoir puiser dans leurs réserves. Même si elles avaient abordé la crise « en bonne santé financière », comme l’avait souligné la Cour des comp­tes, début juillet, dans son rapportsur les finances locales, avec une épargne brute de 39 milliards d’euros en 2019, en hausse de 8,8 % par rapport à 2018, cela pè­sera sur leurs capacités d’autofi­nancement. La Cour des comptes estime que ce dernier pourrait baisser de 20 % en 2021.

Certes, les collectivités disposentde leviers de financement non né­

gligeables. « Aujourd’hui, elles peu­vent emprunter à quinze ans à moins de 0,50 %, et des lignes de trésorerie sont ouvertes à taux zéropour six mois », rappelle Betty Marcerou, directrice adjointe de La Banque postale. « Les maires ne vont pas se précipiter vers unendettement disproportionné, compte tenu de leurs capacités de financement, estime le secrétaire général de l’AMF, Philippe Laurent.Les offres de prêt, c’est très bien, pascher et même gratuit, c’est encore mieux, mais ça ne suffit pas. Il faut encore qu’on ait stabilité et visibi­lité. » L’AMF, fidèle à elle­même, dé­plore, avec la suppression de la taxe d’habitation qui va, à partir de 2021, être étendue aux 20 % de ménages les plus aisés, ainsi que labaisse des impôts de production, une perte d’autonomie fiscale et financière. « Nous sommes à un

point de bascule, un point de non­retour où ces deux piliers de la dé­centralisation sont en train d’être détruits », maugrée M. Laurent, même si l’autonomie fiscale n’est pas constitutionnalisée. S’y ajoute une perte de ressources tarifairesliée à la crise que l’AMF chiffre entre 2,5 et 3 milliards d’euros pour le bloc communal, « jamais prise en compte par le gouverne­ment et sa majorité ».

2022, « l’année la plus difficile »« L’Etat a oublié le principal levier de la relance que nous pouvons être, renchérit M. Laignel. Il existe un très grand risque que nous ne puissions pas participer à hauteur de ce que nécessite le plan de re­lance. » Même si, consent­il, un certain nombre d’investisse­ments inscrits au budget des col­lectivités en 2020 mais qui n’ont pu être réalisés à cause de la crise et des confinements pourraient,par glissement, l’être en 2021. « Mais il s’agit d’un trompe­l’œil, prévient le maire d’Issoudun (In­dre), 2022 sera l’année la plus diffi­cile. » Tout en ajoutant : « Peut­êtresommes­nous trop pessimistes, mais qu’est­ce qui pourrait nous rendre optimistes ? » Disons que lepire n’est jamais sûr, malgré les si­gnaux d’alarme régulièrement lancés par l’AMF.

p. rr

La loi « séparatismes » heurteles collectivités territorialesLes élus dénoncent notamment les pouvoirs donnés aux préfets en cas d’atteinte au principe de neutralité des services publics

L’ avis rendu lundi 23 no­vembre par le Conseilnational d’évaluationdes normes (CNEN) est

d’une rare sévérité. Comme pourtout texte législatif ou réglemen­taire concernant les collectivités territoriales, le CNEN, haute auto­rité chargée du contrôle et de l’évaluation du droit applicableaux collectivités, composée de re­présentants des élus et de repré­sentants de l’Etat, a été saisi par le gouvernement de l’avant­projet de loi « confortant les principes ré­publicains », destiné à lutter con­tre les séparatismes, qui doit être présenté le 9 décembre en conseildes ministres. Par 14 voix des re­présentants des élus contre 2 abs­tentions des représentants des élus et 3 voix favorables des repré­sentants de l’Etat, il a émis un avisdéfavorable.

La délibération elle­même,d’une longueur inhabituelle, té­moigne de l’incompréhension qu’a suscitée chez les élus cet avant­projet de loi. Non qu’ils aient « quelque réserve vis­à­vis de l’objectif poursuivi de prévention etde lutte contre les radicalisationset de ce qui peut remettre en cause la laïcité et la neutralité du service public », précise le président du CNEN, Alain Lambert, joint par Le Monde. « Mais les moyens envi­sagés nous ont un peu agacés, pourne pas dire indignés », ajoute l’an­cien ministre du budget, ancien sénateur et ancien président du conseil général de l’Orne.

Au centre des récriminations,l’article 2 du texte transmis auConseil d’Etat, qui met à disposi­tion des préfets de nouvellesvoies de recours en cas d’atteinteau principe de neutralité des ser­

vices publics. Il leur sera possibled’introduire une procédure de dé­féré­suspension prenant effet im­médiatement. Soumise au jugeadministratif, ce dernier dispo­sera de 30 jours pour se pronon­cer. D’autre part, en cas de non­exécution d’une décision d’une juridiction administrative visantà mettre fin à une atteinte grave à la neutralité des services publics, le préfet pourra procéder à l’exé­cution d’office de cette décision.

Ainsi le préfet est­il doté demoyens supplémentaires pour pallier ce qui est qualifié dans l’exposé des motifs de l’avant­projet de loi de « carence républi­caine ». « Les membres élus du CNEN expriment unanimement leur très vive contrariété du fait de l’utilisation par le gouvernement de l’expression “carence républi­caine” dans l’étude d’impact pourdésigner le mécanisme figurant àl’article 2, souligne l’avis. L’emploi de ce terme constitue une manifes­tation de défiance, une stigmati­sation d’une catégorie particulièred’administration publique qui serait supposée responsable de manquements dans ses obliga­tions républicaines. »

« Parler de “carence républi­caine” ! Est­ce qu’on se rend compte

de l’insulte pour des élus républi­cains ? », s’insurge M. Lambert.Certes, l’expression utilisée dans l’exposé des motifs n’est pas re­prise dans le texte de l’avant­pro­jet de loi. « C’est une ruse de garçonde bains, balaie le président duCNEN. On n’ose pas l’écrire dans le texte mais on l’écrit dans l’ex­posé des motifs. A l’insulte on ajoute la perfidie et l’hypocrisie. »

Le CNEN note, en outre, que laprocédure de déféré­suspension lui apparaît « manifestement dis­proportionnée au regard des ob­jectifs poursuivis par le gouverne­ment et du nombre de cas effective­ment concernés ». Pour le Conseil,ce type de procédure dérogatoire s’apparente à « une défiance a priori ». Il dénonce « un retour insidieux à une forme allégée de contrôle a priori » par le préfet.

« Un signe de défiance »Les élus ne comprennent pas plus que certaines obligations conte­nues dans ce texte ne s’imposent qu’au seul code des collectivités territoriales, notamment en ce quiconcerne la commande publique. « La solution d’une disposition uni­que imposant à toute personne, pu­blique ou privée, chargée d’une mis­sion de service public de respecter les principes de laïcité et de neutra­lité aurait été de beaucoup préféra­ble », observe le CNEN. « Le code de la commande publique est déjà impraticable. Vouloir lui faire faire en plus de la lutte contre le sépara­tisme est pour ainsi dire impossible,ajoute M. Lambert. Peut­on encore croire que seul le code des collectivi­tés territoriales serait entaché d’un défaut d’application ? »

Avant même que soit rendul’avis du Conseil d’Etat, celui du

CNEN augure de fortes résistan­ces, notamment de la part des éluslocaux, à certaines dispositions dela loi dite sur les « séparatismes ». « On a cherché à trouver un bouc émissaire à travers les collectivités territoriales, analyse l’ancien pré­sident de la commission des fi­nances du Sénat. C’est incompré­hensible. Je n’ai même pas l’impres­sion que ce soit politique. Plutôt une maladresse XXL des adminis­trations centrales. J’avais fait sa­voir aux administrations qui te­naient la plume que ce n’était pas opportun de maintenir un tel texte.Elles n’ont rien voulu entendre. »

Comme en témoigne la réactionde l’Association des maires deFrance lors de sa conférence depresse du 24 novembre, qui dé­nonçait « un signe de défiance in­supportable pour la totalité des maires », la rédaction actuelle del’avant­projet de loi ne fait qu’ac­centuer le sentiment d’une vo­lonté de reprise en main de l’exé­cutif sur les élus locaux. M. Lam­bert partage cette appréciation.« C’est une façon de revenir sur les lois de décentralisation, une manière rampante de redonner aux préfets le contrôle a prioriqu’ils ont perdu », analyse­t­il.

Et de conclure par un jugementdéfinitif sur ce texte, qui n’estencore qu’à l’état d’avant­projet de loi : « Au concours d’entrée à l’ENA, ça vaut zéro. » Ce n’est pasle meilleur départ qu’eût pu es­pérer ce projet de loi emblémati­que du président de la Républi­que pour la dernière partie de son quinquennat. Même si lescritiques exprimées dans cet avisdu CNEN ne concernent qu’unepartie des articles.

patrick roger

« C’est une maladresse

XXL des administrations

centrales »ALAIN LAMBERT

président du Conseil nationald’évaluation des normes

« L’Etat a oubliéle principal levier de la

relance que nouspouvons être »

ANDRÉ LAIGNELvice-président délégué

de l’Association des mairesde France (AMF)

Un bonus « risquerait d’être

préjudiciable à l’emploi

des personnesles plus

vulnérables », selon le rapport

COVID-19L’isolement envisagé pour les Français qui skieront à l’étrangerJean Castex a indiqué, mer­credi 2 décembre sur BFM­TV­RMC, que le gouvernement envisageait d’instaurer une période d’isolement de sept jours pour les Français quiseront allés skier à l’étranger pendant les fêtes, avec des contrôles aléatoires aux fron­tières de l’Espagne et de la Suisse. Il s’agit d’empêcher lespersonnes « d’aller se conta­miner dans les stations » des pays limitrophes, justifie­t­il.

FAMILLELes députés examinent une réforme de l’adoptionL’Assemblée nationale devait examiner, mercredi 2 décem­bre, une proposition de loivisant à faciliter l’adoption d’enfants délaissés. Porté par la députée Monique Limon (LRM), le texte prévoit d’ouvrir la possibilité d’adopter aux couples non mariés et d’abais­ser l’âge minimal requis pour les parents, en le ramenantde 28 ans à 26 ans. Les élus LR sont contre de tels change­ments, au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Page 17: Le Monde - 03 12 2020

PUBLICATION JUDICIAIRE

Publication judiciaire : décision de l’Autorité de la concurrence n° 20-D-09 du 16 juillet 2020relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et deproduits de charcuterie

Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionneplusieurs sociétés actives dans le secteur des achats et ventes des pièces de porcs et de produits decharcuterie pour avoir mis en œuvre trois pratiques anticoncurrentielles constituées, pour la première,par une entente entre concurrents sur le prix du jambon sans mouille (ci-après « JSM »), utilisé pourfabriquer des jambons cuits, et pour les deuxième et troisième, par des ententes entre concurrents surle marché de la commercialisation de produits de charcuterie crus, d’une part, cuits, d’autre part, sousmarque de distributeurs (ci-après « MDD ») et premiers prix.

Ces pratiques ont notamment été révélées grâce à la procédure de clémence, qui permet aux entre-prises ayant participé à une entente d’en dévoiler l’existence à l’Autorité et d’obtenir, sous certainesconditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire.

En effet, le groupe Campofrio a sollicité en octobre 2012 le bénéfice de la clémence dans le secteurde l’approvisionnement en JSM par les charcutiers-salaisonniers auprès des abatteurs et découpeurs(grief n° 1), d’une part, et dans le secteur des produits de charcuterie vendus par les charcutiers-sa-laisonniers sous MDD (griefs n° 2 et 3), d’autre part.

Les opérations de visite et saisie réalisées en France en mai 2013 ont permis de réunir de nombreusespreuves qui ont complété celles apportées par le premier demandeur de clémence.

Par ailleurs, à la suite de ces opérations, le groupe Coop a également sollicité, en septembre 2013, lamise en œuvre du programme de clémence dans le secteur de la fourniture de produits de charcuteriecrus vendus sous MDD (grief n° 2).

L’exploitation des milliers de pièces reçues et saisies par les services d’instruction, complétée parde nombreuses auditions ainsi que par une expertise en écritures visant à analyser la valeur probanted’une pièce versée par le primo-demandeur de clémence, a permis de sanctionner les trois ententessuivantes :Entente sur la variation du prix hebdomadaire du jambon sans mouille

Les groupes Campofrio, Fleury Michon, Financière Turenne Lafayette (ci-après « FTL ») et LesMousquetaires se sont entendus, entre le 14 janvier 2011 et le 26 avril 2013 pour défendre une posi-tion commune sur la variation du prix hebdomadaire du jambon sans mouille dans leurs négociationsavec les abatteurs (grief n° 1).

En effet, il ressort des éléments du dossier que les charcutiers-salaisonniers se contactaient via desappels téléphoniques bilatéraux avant le début des négociations, généralement le vendredi matin, afind’aboutir à une position commune de négociation.

Ce consensus, qui portait sur la variation de prix du JSM sur le marché d’intérêt national de Rungis(ci-après « MIN ») et non le prix lui-même, leur permettait de présenter un « front commun » faceaux abatteurs, de manière à mieux résister aux hausses de prix ou à obtenir des baisses de prix.

Cette entente a modifié le rapport de force entre charcutiers-salaisonniers et abatteurs, au bénéfice despremiers et au détriment des seconds. Elle a par ailleurs impacté la variation de la cotation du JSMsur le MIN, qui sert de référence pour les transactions réalisées hors de ce marché. Elle présente, parconséquent, un caractère particulièrement grave, qui justifie le prononcé de sanctions d’un montantglobal de 21 428 000 euros, qui se répartissent comme suit entre les entreprises concernées :

Entreprise Montant (en €)Charcuteries Cuisinées du Plélan 6 731 000Fleury Michon LS 8 030 000Salaisons Celtiques 6 667 000

Page 18: Le Monde - 03 12 2020

PUBLICATION JUDICIAIRE

Ententes sur les prix des produits de charcuterie crue et cuite

S’agissant des produits de charcuterie crue (grief n° 2), huit entreprises (appartenant aux groupes

CAAnimation, Campofrio, Coop, La Financière du Haut Pays, FTL, Savencia, Sonical, ainsi que

la société Salaisons du Mâconnais) ont mis en œuvre entre le 8 avril 2010 et le 30 avril 2013 des

accords et pratiques concertées, via des réunions secrètes et des échanges bilatéraux, d’une part,

pour faire passer des demandes de hausses de prix de vente auprès des enseignes de la grande

distribution et, d’autre part, pour se concerter sur les offres en prix à proposer en réponse aux

appels d’offres de ces enseignes.

Eu égard à la gravité intrinsèque de cette pratique, l’Autorité inflige des sanctions d’un montant

global de 10 150 000 euros qui se répartissent comme suit :

S’agissant des produits de charcuterie cuite (grief n° 3), sept entreprises (appartenant aux groupes

Campofrio, Cooperl Arc Atlantique, FTL, Les Mousquetaires, Nestlé et Roullier, ainsi que la

société Aubret) ont mis en œuvre des accords et pratiques concertées, dans le cadre d’échanges

bilatéraux entre le 2 juillet 2010 et le 7 juin 2012, pour se concerter sur les offres en prix à pro-

poser, notamment en réponse aux appels d’offres des enseignes de la grande distribution.

Cette pratique a diminué l’incertitude devant normalement peser sur chaque opérateur. Elle a pu

concourir, soit directement soit indirectement, à la fixation de prix supérieurs à ceux qui auraient

résulté d’une situation normale de concurrence.

Les sanctions infligées à ce titre, d’un montant total de 61 459 000 euros, sont les suivantes :

Entreprise Montant (en €)Aoste SNC 892 000Bell France 1 125 000France Salaisons 350 000Les Monts de la Roche 116 000Maison de Savoie 689 000Établissements Rochebillard etBlein, au nom de Peguet Savoie

44 000

Établissements Rochebillard et Blein 286 000Salaisons du Mâconnais 1 000Salaisons Moroni 108 000Salaison Polette et Cie 3 367 000Saloir de Virieu 14 000Sapresti Traiteur 87 000Souchon d’Auvergne 2 257 000Val de Lyon 814 000

Entreprise Montant (en €)Aubret 750 000Brocéliande - ALH 25 763 000Cooperl Arc Atlantique 9 767 000Herta 96 000Salaisons Celtiques 7 338 000Salaisons du Guéméné 2 320 000S.C.O. 15 425 000

Page 19: Le Monde - 03 12 2020

0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 france | 19

Cités sensibles : des dispositifs inefficacesLa Cour des comptes dresse un constat sans appel de la politique de la ville dans les quartiers prioritaires

L a Cour des comptes n’apas lésiné sur les moyens :deux ans d’études et d’en­quêtes de terrain, 25 per­

sonnes mobilisées, des centaines d’auditions d’acteurs locaux et nationaux et la production de « cahiers territoriaux » portant surhuit quartiers populaires répartis dans quatre régions (Hauts­de­France, Ile­de­France, Auvergne­Rhône­Alpes et Provence­Alpes­Côte d’Azur). L’objectif ? Evaluer l’impact des politiques publiques sur l’attractivité des quartiers prioritaires en analysant trois aspects essentiels de la vie des ha­bitants – le logement, l’éducationet l’activité économique – et leurs évolutions sur dix ans (2008­2018). C’est sur cette « dimension majeure de la politique de la ville » que la juridiction indépendante s’est penchée dans un rapport pu­blié mercredi 2 décembre.

Et le constat, dressé avant la crisesanitaire, est sans appel : « En dépit des moyens financiers et humains déployés, cette attractivité a peu progressé en dix ans. » Pis, en ma­tière d’activité, les quartiers priori­

taires ont connu un recul écono­mique et commercial. Les disposi­tifs de développement économi­que tels que les emplois francs (prime versée aux entreprises em­bauchant en CDI ou CDD un habi­tant issu des quartiers) se révèlent « inefficaces » alors que les activitésillicites prospèrent.

Objectif plus modesteQu’il s’agisse du quartier des Min­guettes­Clochettes, sur les com­munes de Vénissieux et Saint­Fons (Rhône), de celui des Provin­ces Françaises, à Maubeuge (Nord),du Grand Pont à Rive­de­Gier (Loire) ou des Rosiers­Chantepie à Sarcelles (Val­d’Oise), la cause prin­cipale est la même : la paupérisa­tion grandissante de ces territoiresdue à l’absence d’une véritable « politique de peuplement » (poli­tique d’attribution des logements sociaux). En clair, les populations les moins défavorisées quittent ces quartiers dès qu’elles en ont lesmoyens, remplacées dans la fou­lée par les familles les plus précai­res, rendant dès lors toute mixité sociale impossible. C’est l’une des

treize recommandations émise par les magistrats financiers.

L’image ternie des cités et l’insé­curité – réelle ou ressentie – qui y règne entravent également toute tentative de changement. Etl’amélioration du bâti, à traversles programmes de rénovation ur­baine, ne parvient pas à elle seule à inverser la tendance. En matière d’éducation, les élèves continuentd’enregistrer des résultats scolai­res inférieurs à la moyenne de leur académie, malgré une amé­lioration depuis dix ans. Ainsi ausein du quartier Rosiers­Chante­pie, à Sarcelles, où, « malgré des ré­sultats variables selon les années,les collégiens conservent un niveau

faible en français et très faible en mathématiques ». Dans la réalité, les ambitions de la politique de la ville – « réduire les écarts entre les quartiers urbains défavorisés et les autres quartiers des mêmes agglomérations » – s’effacent le plus souvent au profit d’un objec­tif plus modeste, est­il constaté dans le rapport : l’amélioration des conditions de vie des 5,4 mil­lions de personnes des 1 514 quar­tiers désignés comme quartiers prioritaires de la politique de la ville, situés dans 859 communes. Mais sans parvenir à endiguer lechômage et la pauvreté.

Les pouvoirs publics y consa­crent pourtant environ 10 mil­

liards d’euros chaque année, selon les estimations des magistrats fi­nanciers, auxquels s’ajoutent les fonds consacrés à la rénovation urbaine et les dépenses, « difficile­ment mesurables », des collectivi­tés territoriales. « Les moyens dé­ployés par l’Etat et les collectivités au titre du “droit commun” en ter­mes de sécurité, de propreté, d’aide à la petite enfance ou de transport répondent insuffisamment aux besoins spécifiques ou amplifiés des quartiers », est­il souligné. Car cette politique mobilise en effet tant des moyens « de droit com­mun » (dans le cadre général des services publics) que des disposi­tifs spécifiques. L’articulation en­

tre ces deux types d’action man­que d’ailleurs de clarté, aux yeux des auteurs, et trop souvent de stratégie commune.

Et c’est justement l’empilementde dispositifs illisibles – et parfois même concurrentiels – qui rend lapolitique de la ville peu opérante. Le rapport évoque une « vision na­tionale prescriptive, assortie d’ob­jectifs nombreux et imprécis ». C’estune autre recommandation : pen­ser les projets au niveau du quar­tier – et non de la commune, du département ou de l’aggloméra­tion – en se donnant des objectifs clairs et mesurables, et des outils d’évaluation efficaces.

louise couvelaire

Démolition d’un immeuble du quartier de la Bourgogne, à Tourcoing (Nord), le 18 novembre. THIERRY THOREL/MAXPPP

PUBLICATION JUDICIAIRE

La sanction des manquements du premier demandeur de clémence

Pour la deuxième fois dans sa pratique décisionnelle après l’affaire des messageries (décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerieet de la messagerie express), l’Autorité refuse d’accorder au premier demandeur de clémence le béné-fice de l’exonération totale de sanctions.Après avoir constaté, en effet, que le groupe Campofrio avaitomis d’informer les services d’instruction de la tenue d’une réunion anticoncurrentielle à laquelle ilavait participé en avril 2013, et, partant, manqué à son obligation de coopération, elle lui inflige unesanction de 1 million d’euros au titre du deuxième grief.

L’octroi de la « clémence Plus » au second demandeur de clémence

S’agissant du second demandeur de clémence, l’Autorité, également pour la deuxième fois dans sapratique décisionnelle après l’affaire des produits blancs (décision n° 18-D-24 du 5 décembre 2018relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers), fait applicationde la possibilité, dite « clémence Plus », prévue au paragraphe 19 du communiqué de procédure du2 mars 2009 relatif au programme de clémence français, d’accorder une exonération supplémentaireaux entreprises pouvant prétendre à une exonération partielle. Elle accorde donc, en l’espèce, augroupe Coop, second demandeur de clémence, une exonération totale de sanctions pour la périodedes pratiques que seuls les éléments fournis par ce groupe ont permis de révéler.

En sus des sanctions pécuniaires infligées, l’Autorité enjoint aux entreprises sanctionnées de publierun résumé de la décision dans l’édition papier et dans l’édition en ligne des journaux Le Monde, LesÉchos et de la Revue Porc Mag. Par ailleurs, les frais de l’expertise sont mis à la charge des entre-prises concernées.

Certaines des entreprises sanctionnées ont formé un recours devant la cour d’appel de Paris contrecette décision.

Page 20: Le Monde - 03 12 2020

20 | france JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

Attentat du Thalys : en quête du « chauffeur » d’AbaaoudAu procès de l’attentat d’août 2015, un travail complexe de téléphonie a été exposé à la cour

C’ est l’un des pointsles plus complexes,et l’un des princi­paux enjeux du pro­

cès de l’attentat du Thalys : qui est le détenteur de la « lignechauffeur » ? Derrière ce numérode téléphone, actif seulement trois jours, se cache l’homme quia convoyé Abdelhamid Abaaoud(depuis Budapest) et Ayoub El­Khazzani (depuis Cologne) jus­qu’à Bruxelles au début du moisd’août 2015. C’est grâce à ce com­plice que le futur coordinateur des attentats du 13 novem­bre 2015 et l’auteur de l’attaque du Thalys du 21 août 2015 se sontrejoints dans la capitale belge, auterme d’un périple de trois se­maines à travers l’Europe en pro­venance de Syrie.

Dans le box des accusés, unhomme est soupçonné d’être ce fameux « chauffeur » : Mohamed Bakkali. L’accusation lui prête un rôle comparable à celui que jouera,quelques semaines plus tard, Sa­lah Abdeslam en acheminant jus­qu’à Bruxelles les commandos du 13­Novembre. Posé, habile, maîtri­sant aussi bien son dossier que le second degré, voilà deux semai­nes que ce Belge de 33 ans attend que la cour d’assises spéciale de Paris aborde son cas. Il sait que l’accusation avance sur une lignede crête : un travail de téléphonie indirect qui a établi, par déduc­tions successives, un « rapproche­ment » entre la « ligne chauffeur »et sa ligne personnelle.

Pour l’accusation, l’enjeu est detaille. L’enquête du Thalys souffre

déjà de nombreuses carences sur le volet logistique : elle n’a pas permis de localiser l’apparte­ment dans lequel Abaaoud et El­Khazzani se sont terrés entre leur arrivée à Bruxelles, le 7 août, et l’attentat du Thalys deux semai­nes plus tard, ni d’identifierl’homme qui leur a apporté les ar­mes (un temps soupçonné, Bak­kali n’a finalement pas été ren­voyé pour ces faits), pas davan­tage que l’homme qui a effectué des repérages dans le train, cinqjours avant l’attaque.

« On a parfois un peu de chance »Après deux premières semainesde procès consacrées aux partiesciviles et au tireur du Thalys, lacour a commencé à aborder le cas de Mohamed Bakkali. Ven­dredi 27 novembre d’abord, lors de l’audition de la juge antiterro­riste belge Isabelle Panou, puismardi 1er décembre, avec le té­moignage anonyme de l’agent dela sous­direction antiterroriste« SDAT 141 », qui a réalisé la syn­thèse du travail de téléphonie ef­fectué par les enquêteurs belges.Sa déposition, il le sait, va être ar­due à suivre : « Dans un souci desimplicité, les numéros que j’évo­querai le seront par leurs trois der­niers chiffres… »

Tout commence par l’identifi­cation d’une ligne, la « 187 », qui aservi, le 5 août 2015, à la créationen Autriche d’un compte Face­book utilisé par Abaaoud. Les en­quêteurs s’aperçoivent que cette« ligne chauffeur », active du 3 au6 août, a effectué deux allers­re­

tours sur cette période : le pre­mier entre Bruxelles et Budapestpour chercher Abaaoud ; le se­cond entre Bruxelles et Colognepour récupérer El­Khazzani.

Les policiers belges interrogentalors leurs bases de données. « La seule ligne présentant un intérêt par rapport à la “ligne chauffeur” est la ligne de Bakkali », résume « SDAT 141 ». Mais la démonstra­tion souffre d’une fragilité : lesenquêteurs ne disposent pas de latéléphonie de Bakkali sur cette période. Par chance, un autre membre de la cellule était sur écoute dans le cadre d’un dossier de droit commun en août 2015 : leBelge Khalid El Bakraoui, logisti­cien en chef des attentats de Paris,qui se fera exploser dans un mé­tro de Bruxelles le 22 mars 2016.

Il se trouve que le contact privi­légié du futur kamikaze est Mo­hamed Bakkali, les deux hom­mes échangeant une vingtainede fois par jour au cours de l’été2015. « On a parfois un peu de chance : ils étaient chez le mêmeopérateur, explique la juge Pa­nou. En Belgique, un opérateurpeut aussi fournir la localisation du correspondant. » C’est donc enanalysant l’activité et le bornagede la ligne de Bakkali à tra­vers ses seuls contacts avec Kha­lid El Bakraoui que les enquê­teurs l’ont rapprochée de celle duchauffeur. Ils ont relevé plu­sieurs points « remarquables »,résume « SDAT 141 ». Alors que lesdeux hommes sont en contactpermanent, leurs échanges s’in­terrompent uniquement pen­

dant les trajets de la « lignechauffeur ». La seule fois où le té­léphone de Bakkali et la « lignechauffeur » bornent au même endroit, ils activent une cellule couvrant le domicile bruxelloisde Khalid El Bakraoui, qui yborne aussi, juste avant le pre­mier voyage. Lors du second voyage, le chauffeur fait unepause de deux heures dans laville belge de Verviers et accro­che une borne proche du do­micile des parents et du frère deBakkali. Durant ce second aller­retour, la compagne de Bakkali,ne parvenant pas à le joindre, en­voie un SMS à Khalid El Bakraouidemandant que son conjoint la rappelle.

Pour l’accusation, ces élémentsde téléphonie convergent vers l’accusé. « Le numéro chauffeur estce que j’appelle un “numéro de tra­vail”. Pendant les trajets, seuls les numéros opérationnels sont utili­sés en circuit fermé. Les lignes per­sonnelles, elles, sont alors évidem­ment fermées, explique la juge Pa­nou. Un seul numéro apparaît

comme concordant avec la ligne chauffeur, c’est celui de Bakkali. Est­ce que ça suffit ? Non. On a exa­miné si d’autres personnes pou­vaient avoir été le chauffeur. Jus­qu’à présent, je n’en ai pas trouvé. »

« C’est très flou »Pour les avocats de Bakkali, cescoïncidences sont insuffisantes pour établir que leur client étaitbien le chauffeur. Me AbrahamJohnson fait ainsi remarquer à« SDAT 141 » qu’un simple bor­nage ne permet pas de localiserBakkali et le chauffeur dans unmême lieu : « Savez­vous quelleest la distance de couvertured’une borne ?

– Ça dépend, répond le policier.– Exactement, c’est très flou. »

Il l’interroge ensuite sur l’ab­sence de contacts entre sonclient et Khalid El Bakraoui pen­dant les trajets du chauffeur :« Vous êtes­vous intéressé aux autres périodes où ils n’avaientpas de contact ? » L’enquêteur ob­serve un long silence. « C’est ouiou non, pas une question piège…Vous ne savez pas ?

– Non. »La thèse de l’accusation repose

sur un fil. Un fil d’autant plusténu qu’Ayoub El­Khazzani n’a ja­mais identifié l’homme qui étaitvenu le chercher à Cologne. Mo­hamed Bakkali est le seul accuséà avoir été autorisé à ôter son masque durant ce procès. C’était le premier jour. Le président venait de demander à El­Khaz­zani s’il connaissait ses coaccu­sés. Quand le tour de Bakkali est

Pour les avocatsde Mohamed Bakkali, ces

coïncidences sont insuffisantespour établir queleur client était

bien le chauffeur

venu, il a hésité, puis a demandé :« Il peut retirer son masque ? »Bakkali a ôté son masque : « Je l’aijamais vu. »

Les déclarations d’El­Khazzanisont sujettes à caution. Le tireurdu Thalys a toujours déclaré du­rant ce procès que son chauffeur avait pour kounya (« nom de guerre ») « Abou Walid », et quec’est ce même homme qui luiavait fourni les armes. Durantl’instruction, il avait réalisé uncroquis de ce mystérieux com­plice. Le dessin ressemblait étran­gement à Khalid El Bakraoui, qui se trouve avoir pour kounya « Abou Walid ». Or, l’étude de sa téléphonie a établi que Khalid El Bakraoui était à Bruxelles pen­dant les trajets du chauffeur.

Le destin de Mohamed Bakkalidurant ce procès tient à l’activitéd’une ligne téléphonique. Quellequ’en soit l’issue, il sera de nou­veau jugé dans ce qu’il appelle pu­diquement « l’autre dossier » : ilest aussi soupçonné d’avoir faci­lité l’hébergement des comman­dos du 13 novembre 2015. Un des logisticiens des attentats de Paris,Najim Laachraoui, qui se fera en­suite exploser à Bruxelles, avaitd’ailleurs évoqué son nom dans un message audio envoyé à sonémir en Syrie : « On avait aussi euune idée (…). C’est kidnapper une ou deux têtes et demander en contrepartie (…) la libération de certains frères. En priorité, les frè­res qui ont travaillé… comme Nem­mouche et Bakkali, tu vois ? » Il ne précisait pas pour quel attentat.

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Page 21: Le Monde - 03 12 2020

0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 france | 21

Le besoin de places en Ehpadva devenir « massif » d’ici à 2030Une étude évalue à près de 720 000 le nombre de résidents dans dix ans

L a pandémie de Covid­19a décimé en France21 644 personnes vivanten maison de retraite en­

tre le 1er mars et le 22 novembre. El­les comptaient pour 43 % des per­sonnes décédées du virus, selon le bilan de Santé Publique France à cette date. Cette hécatombe a fait vaciller les établissements d’hé­bergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et éprouvé larésistance de leurs soignants, don­nant l’image d’un modèle à bout de souffle. L’avenir des Ehpad n’est pourtant pas compromis. La France va devoir ouvrir de très nombreux établissements dans les dix prochaines années, sauf à produire d’autres formes d’accueilalternatives à grande échelle.

Le « besoin » de places en Eh­pad sera « massif », prévoit une étude publiée mercredi 2 décem­bre par la direction de la recherche,des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), qui dépend du ministère des solidarités et de la santé. Jusque­là, aucune étude n’avait prédit un tel saut : 108 000 nouvelles places seront nécessai­res dans les dix ans qui viennent, soit plus qu’un doublement du rythme actuel de créations.

La France compte 611 000 rési­dents en Ehpad ; ils seront 719 000dans dix ans. Quelque 4 300 pla­ces en Ehpad ont été ouvertes en moyenne chaque année entre 2012 et 2018 ; 9 800 supplémen­taires seront nécessaires chaque année entre 2019 et 2030. En 2018,le Syndicat national des établisse­ments et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) pen­sait pourtant avoir placé la barre très haut en évaluant les besoins à62 000 places supplémentaires d’ici à 2030…

Le scénario de la Drees découled’un constat : le nombre de per­sonnes en perte d’autonomie va

foyers d’accueil) permettent de vi­vre sous un même toit que d’autres personnes âgées, mais dans un logement particulier, avecdes repas et activités communes, des soins et un suivi médicalisé.

La France compte aujourd’hui110 000 places en résidence auto­nomie. Quelque 1 300 ont été créées chaque année entre 2012 et 2018. Pour atteindre 33 000 nou­velles places en dix ans, il faudrait plus que doubler le rythme de pro­duction annuelle. Dans ce cas, il faudra « une redéfinition impor­tante des missions de ces structureset une adaptation en termes de per­sonnels », indique la Drees. « Très majoritairement publiques, les rési­dences autonomie ont un taux d’encadrement [en personnel] si­gnificativement plus bas qu’en Eh­pad, étant donné le nombre limité de personnes en perte d’autonomie accueillies », rappelle le rapport de Dominique Libault sur les réfor­mes de la politique du grand âge, remis au gouvernement en octo­bre 2019. Faute d’un doublement

des créations de places en Ehpad, « 90 000 places supplémentaires » en résidence autonomie seraient nécessaires.

Le gouvernement devrait pré­senter un projet de loi sur le grandâge « au printemps [2021] », es­compte l’entourage de Brigitte Bourguignon. La ministre délé­guée à l’autonomie se fait déjà l’apôtre du maintien à domiciledes personnes âgées. Les groupes d’Ehpad commerciaux ou asso­ciatifs s’activent quant à eux pourdéfendre leur prééminence. « L’Ehpad n’est pas un modèlemort ! Cela restera une solution pour les personnes qui ont desmultipathologies », insiste MaryseDuval, directrice générale dugroupe SOS Seniors. « Il n’y a pas d’alternatives crédibles, qu’il s’agisse du domicile, des habitatsintermédiaires ou inclusifs qui per­mettent de le suppléer », renchérit M. Broussy. Aucun arbitrage del’exécutif, pour le moment, n’est propre à le démentir.

béatrice jérôme

La DG de Santé publique France au tribunal pour harcèlement moralGeneviève Chêne doit comparaître jeudi. Une demande de dépaysement a été émise

E n pleine deuxième vaguede Covid­19, l’agenda de Ge­neviève Chêne est particu­

lièrement chargé. Outre ses activi­tés de directrice générale de Santé publique France, elle est censéehonorer un rendez­vous judi­ciaire, jeudi 3 décembre, au tribu­nal correctionnel de Bordeaux. Se­lon les informations du Monde, elle est citée à comparaître, à l’ins­tar de trois médecins légistes bor­delais, pour « harcèlement moral »et « dénonciation calomnieuse ».

Partie civile dans cette affaire, lamédecin Karine Dabadie repro­che au quatuor d’avoir contribué àson éviction, en décembre 2019, de son poste de responsable de l’unité médico­judiciaire et du Centre d’accueil d’urgence des victimes d’agression (Cauva) rat­taché au pôle de santé publiquedu CHU de Bordeaux. « Je suis la sixième femme à avoir été écartée de ses fonctions dans ce service parMme Chêne [alors chef du pôle de santé publique du CHU de Bor­deaux], explique Mme Dabadie, re­crutée à ce poste en juin 2018. J’ai vécu une descente aux enfers de dix­huit mois. Injonctions, respon­sabilités données et retirées du jourau lendemain, remises en cause de mes compétences… »

L’affaire met en lumière l’at­mosphère délétère au sein de l’unité médico­judiciaire­Cauva. En 2018, l’éviction de Sophie Gromb, ex­chef de médecine lé­gale, avait témoigné des haines re­cuites qui minent le service. « Ce fut une guerre contre une équipeantérieure, on a lavé son linge sale à travers moi », considère Karine Dabadie. Le 11 décembre 2019, cette dernière s’est vu notifier ver­balement son éviction par la suc­cesseure de Mme Chêne, Anne­Ma­rie Rogues. « Elle me dit alors qu’elle ne fait qu’appliquer les di­rectives de Mme Chêne », assure Ka­rine Dabadie. Un seul document écrit atteste de sa mise à l’écart : unorganigramme, où son nom a été remplacé par celui d’un confrère.

Actuellement en disponibilitéaprès un long arrêt de travail, Mme Dabadie a obtenu, le 22 juin, du juge des référés du tribunal ad­ministratif de Bordeaux, la « sus­pension de l’exécution de la déci­sion » du CHU de Bordeaux de l’écarter de ses fonctions. Dans le cadre de la procédure pénale encours, elle pointe une note cosi­

gnée, le 30 octobre 2019, par Mme Chêne, destinée au directeur général du CHU de Bordeaux ainsiqu’au président de la commission médicale d’établissement.

Dans ce document sont notifiésles reproches formulés à l’encon­tre de Mme Dabadie (« attitudes peuconfraternelles », « management révélant des pratiques contesta­bles »). La note fait écho à desgriefs émis par trois médecins lé­gistes, reçus ce 30 octobre 2019 par Mme Chêne. Or, la veille, cette dernière avait été nommée « DG » de Santé publique France par un décret d’Emmanuel Macron.

« Télescopage d’acteurs »Avocat de Mme Chêne et du CHU deBordeaux, Me Paul­Albert Iweinsne souhaite pas s’exprimer sur le fond « pour le moment ». « Nos clients contestent formellement lesaccusations formulées à leur en­contre », déclarent Mes Marine Gautreau et Lionel Béthune de Moro, conseils de deux médecins légistes cités à comparaître.

L’audience pourrait ne pas avoirlieu ce jeudi. Le procureur généralde Bordeaux, Vincent Lesclous, a émis en novembre, auprès de lachambre criminelle de la Cour de cassation, et à l’unisson des pré­venus, une requête de dépayse­ment de la procédure « hors res­sort de la cour d’appel de Bor­deaux ». Motif invoqué : la proxi­mité supposée entre les parties, en leur qualité d’experts judiciai­res, et la juridiction bordelaise. La Cour de cassation doit se pencher sur la requête le 2 décembre.

Le cas de l’un des prévenus,Larbi Benali, interpelle le camp Dabadie, opposé au renvoi de l’audience. Le praticien est l’ex­pert judiciaire qui a considéré que l’ex­haut magistrat Gilbert Azibert était apte à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris dans le cadre du procès « Sarkozy­Bismuth ». De surcroît, l’avocat de Thierry Herzog, pré­venu dans l’affaire des écoutes, estMe Paul­Albert Iweins, lui­même conseil de Mme Chêne. Défenseur de Mme Dabadie, Me Alain Garay s’interroge sur « ce télescopaged’acteurs et de procédures ». Quantà Me Iweins et à l’avocate de M. Benali, Me Diane Hervey­Chu­pin, ils n’ont pas fait de commen­taire sur ce point.

rémi dupré

De 2,4 millions en 2019, le nombre

de personnes en perte

d’autonomie passera à 3 millions

en 2030

Dans l’Ehpad Le Coustil, à Salles (Tarn), le 15 octobre. LIONEL BONAVENTURE/AFP

En bonne santé plus longtempsDepuis 2008, les hommes ont gagné deux ans de vie en moyenne, contre à peine plus d’un an pour les femmes. L’espérance de vie des femmes est de 85,6 ans en 2019, et celle des hommes, de 79,7 ans, selon une étude publiée mercredi par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Les Français vivent plus longtemps que les autres Européens. Mais pas toujours en meilleure santé qu’eux. Après 65 ans, les femmes peuvent espérer vivre 11,5 ans sans perte d’autonomie ; les hom-mes, en moyenne 10,4 ans en bonne forme. L’âge d’entrée « en in-capacité » recule. Les femmes ont gagné un an et six mois de vie « sans incapacité » depuis 2008, et les hommes, un an et huit mois.

exploser : de 2,4 millions en 2019, elles passeront à 3 millions en 2030. Les plus de 60 ans seront21 millions en 2030 – contre 18 millions à ce jour. La France va affronter son « Alpe­d’Huez démo­graphique » à partir de 2030, ré­sume Luc Broussy, cofondateur du think tank Matières grises.« Nous avons dix ans pour nous y préparer », écrit­il dans une notepubliée en septembre pour ce cer­cle de réflexion consacré aux en­jeux du vieillissement.

« Résidences autonomie »Pour parvenir à cette projection, la Drees pose deux hypothèses. D’abord, le maintien du fort taux d’institutionnalisation des se­niors : la France est l’un des pays européens qui comptent la pro­portion la plus élevée de person­nes âgées en Ehpad (8,8 % des 75 ans et plus). Ensuite, elle tablesur la stabilité de la perte d’auto­nomie parmi la population vieillissante, malgré l’allonge­ment de l’espérance de vie.

Ce boom des Ehpad ne suffiraitpas à accueillir l’ensemble des per­sonnes âgées qui ne peuvent ou neveulent plus rester vivre chez elles.L’étude quantifie le besoin de solu­tions d’accueil alternatives. Aux 108 000 en maison de retraite, il faudrait ajouter 33 000 places en « résidences autonomie », estime la Drees. Ces établissements (ex­

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22 | ÉCONOMIE & ENTREPRISE JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

C R I S E   S O C I A L E

La vague des licenciements frappe la FranceDéjà 35 000 annonces de suppressions de postes depuis septembre. Les experts s’alarment pour 2021

L’ un de mes clients, uncommerçant, a déjà con­sommé la totalité de sonprêt garanti par l’Etat

[PGE]. Il ne sait pas comment il va passer décembre. Il fait partie de ces chefs d’entreprise qui auraient dû se rapprocher des tribunaux de commerce depuis plusieurs mois déjà, car plus on prend les difficul­tés en amont, plus on a de solutionsà disposition. En distribuant de l’ar­gent gratuit, on a tout fait pour évi­ter les faillites, mais on a créé une bombe à retardement. » Etienne Charbonnel, associé au sein du ca­binet Vivaldi Avocats et spécia­liste des procédures collectives, est formel : après les deux vagues épidémiques de 2020, « la troi­sième vague sera économique ». Et les faillites risquent alors de se compter par dizaines de milliers.

Danone, Sodexo, Bridgestone,Disney ou, dans une moindre me­sure, Jacob Delafon dans le Jura… Quelle que soit l’ampleur des plans de restructuration ou de li­cenciements déjà annoncés ou dans les tuyaux – la société Tren­deo a recensé plus de 35 000 sup­pressions de postes au cours des seuls trois derniers mois –, tousles experts s’accordent à dire que le pire est encore à venir.

« Il y aura de la casse »Fin novembre, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) décomptait 657 restructurations engagées, représentant 67 605 emplois depuis le 2 mars. Un chif­fre bien supérieur à celui de 2019 (369 procédures pour 26 987 em­plois sur cette période), mais en re­trait par rapport à la crise de 2008­2009. Car si les défaillances d’en­treprise n’ont pas encore explosé, c’est parce qu’elles sont toujours « sous perfusion », comme l’expli­que Me Nicolas Morelli, avocat as­socié du cabinet Bird & Bird, dont il a fondé le pôle « restructuring ».

« Il y a eu énormément de liquidi­tés injectées dans le marché via les PGE », rappelle l’avocat. Ceux­ci ont atteint 125 milliards d’euros à la fin novembre, au bénéfice de plus de 600 000 entreprises. Pa­

rallèlement, les sociétés ont béné­ficié de reports de charges fiscales et sociales, tandis que les salaires étaient pris en charge par le chô­mage partiel. « Certains de nos clients, comme des commerces ou des hôtels, ont encore de la trésore­rie grâce aux PGE et aux mesures de soutien, alors que l’activité est à un niveau catastrophique. Mais une fois qu’ils auront gratté les fonds de tiroir, en mars ou en avril, il y aura de la casse », s’in­quiète Raymond Dorge, associé ausein du cabinet d’expertise­comp­table GMBA. Et de citer l’exemple d’un client, un commerçant spé­cialisé installé dans le 8e arrondis­sement parisien, qui, depuis le mouvement des « gilets jaunes », n’a jamais connu un exercice « normal ». « Depuis trois ans quela boutique existe, ils n’ont toujourspas réussi à savoir si leur business tient la route », relève­t­il. Et pour­tant la boutique n’a pas fermé…

Les grands groupes ne sont pasépargnés. Selon une enquête réa­lisée par Rexecode pour l’Associa­tion française des trésoriers d’en­treprise (AFTE), la situation s’est dégradée en novembre. Ces der­niers sont 16 % à évoquer des diffi­cultés de liquidité. Qu’en sera­t­il quand les aides cesseront et qu’il faudra honorer les échéances ?

« Cette dette que l’on a créée a vo­cation à être remboursée, nel’oublions pas, poursuit Me Mo­relli. Il faudra faire face aux échéances en 2021 avec un chiffre d’affaires qui n’aura pas forcémentretrouvé son niveau de 2019, parti­culièrement dans des secteurs comme le tourisme ou l’hôtelle­

rie ». Il fauda aussi s’acquitter des échéances fiscales et sociales.

Dans certains cas, il sera possi­ble de restructurer la dette, no­tamment en organisant des re­ports d’échéances coordonnés, le cas échéant à la faveur de procé­dures préventives adaptées, à sa­voir le mandat ad hoc ou la conci­liation. Au risque toutefois que le pronostic vital de l’entreprise soitdéjà engagé. « Le problème des pe­tites entreprises tient en ce qu’elles ignorent ce type d’outil et que biensouvent elles réagissent malheu­

reusement trop tardivement », poursuit l’avocat. Michel Bes­sière, président du Centre d’infor­mation sur la prévention des dif­ficultés des entreprises (CIP) de l’Essonne, juge, lui, que l’avalan­che des mesures de soutien, sielle est louable dans l’absolu, ne contribue pas à faciliter la tâ­che des chefs d’entreprise.

« Les annonces changent de jouren jour, en matière de pilotage c’esttrès compliqué, souligne­t­il. Par exemple, le chômage de longue du­rée, une mesure qui me paraît

bonne dans sa conception, estdifficile à mettre en œuvre. » « Ce qui angoisse beaucoup nos clients,c’est de ne pas voir la fin de la crise et de ne pas savoir jusqu’à quand ils vont être soutenus », souligne de son côté Céline Chicot, égale­ment expert­comptable au sein du cabinet GMBA.

TriptyqueSi les professionnels de l’accom­pagnement des entreprises crai­gnent une explosion des licencie­ments et des défaillances en 2021,

ils observent aussi avec inquié­tude le plongeon du moral des chefs d’entreprise. Le redoutable triptyque « DDD » (dépôt de bilan, divorce, dépression) guette les commerçants, hôteliers ou petitspatrons épuisés par une annus horribilis, commencée avec les manifestations contre la réforme des retraites et qui devrait s’ache­ver entre jauge de clientèle, proto­cole sanitaire et couvre­feu. « Ily aura aussi de la casse de ce cô­té­là », prédit Raymond Dorge.

béatrice madeline

11 011 10 45714 196

Septembre Octobre Novembre

Par mois, en 2020

Industrie manufacturière

Commerce

Hébergement et restauration

Conseil et services spécialisés

Information et communication

Finances et assurances

Arts et spectacles

Agriculture, sylviculture et pêche

Transports et logistique

Electricité et gaz

Bâtiment et travaux publics

Santé et action sociale

Immobilier

Eau et déchets

Enseignement

Autres

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Pertes d’emploi par secteur depuis le mois de septembre

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Hauts-de-Seine*8 402

Loire1 008

Pas-de-Calais1 172

Ille-et-Vilaine1 107

Haute-Garonne3 087

Paris*2 354

Rhône1 018

Seine-et-Marne1 268

Nord1 825

Par département

* La surreprésentation de Paris et des Hauts-de-Seine s'explique par la présence de nombreux sièges sociaux, ces suppressions de postes a�ectent ensuite d'autres départements.

Source : TrendeoInfographie : Le Monde

Radiographie de trois mois de destruction d’emplois« IL FAUDRA FAIRE FACE AUX ÉCHÉANCES EN 2021 

AVEC UN CHIFFRE D’AFFAIRES QUI N’AURA 

PAS RETROUVÉ SON NIVEAU DE 2019 »

NICOLAS MORELLI avocat chez Bird & Bird

« Notre savoir­faire va disparaître avec cette usine »Dans le Jura, l’américain Kohler se sépare du site historique de Jacob Delafon, la production étant déjà en grande partie réalisée au Maroc

damparis (jura) ­ envoyée spéciale

C’ est une signature bleueque l’on remarque dis­traitement sur le la­

vabo en se lavant les mains : « Ja­cob Delafon ». « S’il a été installéil y a plusieurs années, alors c’est nous qui l’avons fait. Mais si c’est du récent, il vient du Maroc votre lavabo, prévient tout de suite un ouvrier de l’usine historique de lamarque française, à Damparisdans le Jura. Et à partir de demain,ceux qui achèteront du Jacob Dela­fon seront sûrs que plus rien n’auraété fabriqué en France. »

Car, en septembre, le groupe desanitaire américain Kohler, qui a racheté la société en 1986, a an­noncé qu’il se séparait des der­niers sites français de production de la marque : Damparis et ses 151 salariés, qui fabriquent des sa­nitaires en céramique, ainsi que l’usine de robinetterie de Reims (Marne) et ses vingt­neuf salariés ne vont plus « s’inscrire dans la stratégie du groupe » à partir de2021. Après trois mois « dans le flou » pour les employés, la réu­

nion de lancement du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de­vait se tenir mercredi 2 décembre.

L’histoire de l’usine de cérami­que commence en 1889, lorsquela société d’Emile Jacob obtientune médaille d’or à l’Exposition universelle pour sa fabrication des grès émaillés blancs. Puis s’as­socie avec Maurice Delafon pour développer en France une indus­trie des équipements sanitaires,décrochant de nouvelles mé­dailles à l’exposition de 1900.En un siècle, la marque s’impo­sera comme l’un des leaders du marché, équipant nombre defoyers et d’établissements publicsen baignoires, lavabos et W­C.

« Surcapacité chronique »C’est en 1980 que la société ouvreson usine de céramique à Tanger,au Maroc. Toute la production ysera peu à peu délocalisée. Pour justifier sa décision de se séparerde l’usine de Damparis, Kohler – qui s’est refusé à tout commen­taire auprès du Monde – a fait étatd’une « surcapacité chronique »du site, de coûts de production

nettement supérieurs à ceux deTanger, et de l’impact négatif de la crise sanitaire. Les salariés ont réagi à cette annonce par unejournée de grève.

« On n’avait pas le cœur à tra­vailler, confie Nicolas C., 34 ans,qui est au coulage des pièces. Lesoir, j’ai retrouvé mon père, j’ai dit“la boutique ferme”. C’est un coupdur, il a fait toute sa carrière ici…Comme mon grand­père, monarrière­grand­père, mes oncles, mes deux frères. Tous les hommesde la famille ont travaillé ici. On est beaucoup dans ce cas. »

Depuis, les ouvriers ont repris laproduction comme si de rien n’était ou presque, dans l’espoir que leur sérieux séduise un repre­neur. Mais pleins d’une sourde amertume. « C’est l’une des derniè­res usines de céramique en France, notre savoir­faire disparaît avec elle », s’indigne Nicolas C. « Il ne restera que Duravit en Alsace », in­dique Jean­Claude, 41 ans.

Il est matriceur. Lui et ses deuxcollègues sont « des oiseaux rares,les derniers en France ». Leur mé­tier, qui consiste à faire le négatif

des futurs moules, ne s’apprend que sur le tas. « Il faut de trois à cinq ans pour se former au contactdes anciens, explique Frédéric, 47 ans. Et c’est dix ans pour un mo­deleur ! Donc c’est tout ce savoir­faire qu’on va perdre. »

Nicolas M., 39 ans, est émailleurchez Jacob Delafon depuis dix­sept ans : « Mon métier, c’est fini… Je retrouverai ça nulle part… », con­fie­t­il, écœuré par « un manque total de reconnaissance pour tou­tes ces années de travail. On est ve­nus bosser la nuit, les dimanches, les jours fériés… J’ai fini à 3 h 20 ce matin ! Et tout ça pour quoi ? »

L’autre raison de leur aigreur seniche dans cette réalité de l’éco­nomie mondialisée qui fait queKohler, groupe américain, restera propriétaire de Jacob Delafon, marque française, qui sera fabri­quée au Maroc. « La marque, ilsnous la prennent ! Ce sera de la marque française, mais made in Maroc ! », peste Frederic.

A l’heure où le « made inFrance » et la relocalisation sontprésentés comme des piliers duplan de relance, élus et syndicats

se sont démenés pour attirer l’at­tention sur l’usine de Damparis etses ouvriers. Philippe Martinez,secrétaire général de la CGT, est venu leur apporter son soutien.Son syndicat s’est mis à travailler sur un projet pour le site.

« Activité critique »Député (Les Républicains, LR) du Jura, Jean­Marie Sermier a égale­ment interpellé le ministre de l’économie en commission des affaires économiques de l’Assem­blée nationale, le 9 septembre :« Etes­vous prêt à prendre les me­sures nécessaires dans le plan derelance pour permettre à ce métierde la céramique, dont on a besoiny compris pour aller dans l’espace, de rester en France ? »

Bruno Le Maire s’était alors dit« très attentif à préserver notre souveraineté » sur des sujets comme « la céramique, qui est ef­fectivement une activité critique, utilisée industriellement dans beaucoup d’autres applications,l’aéronautique, la santé, les pro­thèses dentaires… » Près de troismois après, Rodolphe Gomis, dé­

légué CFE­CGC du site, ose dire qu’il y a « un petit espoir » d’avoir un repreneur. Les salariés s’y accrochent : « Il paraît qu’on avait une chance sur 1 000 et qu’aujourd’hui c’est une chance sur 100. » Il y aurait un candidat, dont personne ne veut parler, depeur qu’il se défile. « Mais Kohlervendra­t­il à un concurrent ? », in­terroge Isabelle Baudin, délé­guée CGT. « On n’est qu’au début de l’histoire », dit prudemment unbon connaisseur du dossier au sein des services de l’Etat.

Pour les salariés, le temps estcompté : les négociations de leursconditions de départ doiventaboutir dans trois mois. « On nousdit de rester sages pour trouver un repreneur, mais on perd peut­être une occasion de montrer lesmuscles pour la négociation d’uneprime supra­légale », s’inquièteun ouvrier. « Mais moi, ce que jeveux, c’est que l’activité continue,insiste Nicolas M., l’émailleur de39 ans. Vu le temps qui me reste à travailler, je ne veux pas un chè­que, mais un emploi ! »

aline leclerc

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Page 23: Le Monde - 03 12 2020

Aujourd’hui plus que jamais,il est essentiel de travailler tousensemble face au COVID-19Facebook collabore avec près de 100 gouvernements et organismes àtravers le monde, comme l’Organisation mondiale de la Santé ou le Centreeuropéen de prévention et de contrôle des maladies, pour partager desinformations fiables sur le COVID-19 à travers nos plateformes. Ensemble,nous développons des ressources qui offrent à tous des informationsprécises en temps réel, pour mieux lutter contre la pandémie.

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Page 24: Le Monde - 03 12 2020

24 | économie & entreprise JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

615 postes THE GILL CORPORATION (Construction aéronautique) Anglet (Pyrénées­Atlantiques) | 10  SYSCOBAT (Travail du bois) Aucamville (Haute­Garonne) | 50  EVANEOS (Agence de voyages) Paris (Paris) | 81  SANDVIK MATERIALS TECHNOLOGY

(Produits  métalliques)  Orléans (Loiret) |  27  PROCTER  GAMBLE  HEALTH  FRANCE (Commerce  de  gros)  Dijon (Côte­d'Or) |  20  CITF  ­  CONCEPTION  INDUSTRIELLE  TECHNOLOGIES  FUTURES (Réparation  de  machines  et  d'équipements)  Saint­

Cybardeaux (Charente) | 728  AUCHAN RETAIL FRANCE (Commerce de détail) Croix (Nord) | 134  ALTEN (TOULOUSE) (Développement de  logiciels) Toulouse (Haute­Garonne) | 46  CNB ­ CONSTRUCTION NAVALE BORDEAUX (Construction navale)

Bordeaux (Gironde) | 120  ARCADIE SUD­OUEST PRODUITS ÉLABORÉS (Industries alimentaires) Sainte­Geneviève­sur­Argence (Aveyron) | 23  JOUVE (ORMES) (Imprimerie) Ormes (Loiret) | 10  JOUVE (MÉRIGNAC) (Imprimerie) Mérignac (Gironde)

| 43 FLOW CONTROL TECHNOLOGIES (FCT) (Moteurs) Saint­Juéry (Tarn) | 400  DANONE (Industries alimentaires) Rueil­Malmaison (Hauts­de­Seine) | 13  SPÉCIAL MACHINES ­ SPEMA (Produits métalliques)  Issoudun (Indre) | 15  PENN AR BIO

(Restauration)  Brest (Finistère) |  10  PLAY  MEDIA  ­  PLAYTV (Diffusions  de  programmes  TV    radio)  Paris (Paris) |  89  SURVITEC (Construction  navale)  Chevanceaux (Charente­Maritime) |  65  THE  GILL  CORPORATION  ­  FRANCE  (Construction

aéronautique  et  spatiale)  Anglet (Pyrénées­Atlantiques) |  42  TEAM  PLASTIQUE (Fabrication  de  produits  en  caoutchouc  et  en  plastique)  Châteaubriant (Loire­Atlantique) |  52  ALINEA  (VILLARS) (Commerce  de  détail)  La  Mézière (Ille­et­Vilaine) | 52  ELIS SERVICES (SAINT­CLOUD) (Location et  location­bail) Saint­Cloud (Hauts­de­Seine) | 20  DELAPLACE (Moteurs) Etreillers (Aisne) | 218  HYATT REGENCY PARIS ÉTOILE (Hôtellerie) Paris (Paris) | 29  HÔTEL MARTINEZ (Hôtellerie) Cannes

(Alpes­Maritimes) | 26  MARINE HARVEST KRITSEN (Industries alimentaires) Châteaulin (Finistère) | 100  LIEBHERR AEROSPACE TOULOUSE (Construction aéronautique et spatiale) Toulouse (Haute­Garonne) | 300  DRESSER­RAND SA (Moteurs) Le

Havre (Seine­Maritime) | 97  HUTCHINSON  (Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique) Joué­lès­Tours (Indre­et­Loire) | 55  HUTCHINSON Sougé­le­Ganelon (Sarthe) | 17  MAISON POUR TOUS (Loisirs et sports) Calais (Pas­de­Calais) | 159  KINGFISHER FRANCE (Commerce de détail) Templemars (Nord) | 66  FINSA FRANCE (Industrie chimique) Morcenx (Landes) | 80  ÉTABLISSEMENTS PAUL TOUPNOT CONSERVES VIANDES (Industries alimentaires) Lourdes (Hautes­Pyrénées) |151  JACOB DELAFON ­ KOHLER FRANCE (Verre,  plâtre,  béton)  Damparis (Jura) | 29  JACOB DELAFON ­ KOHLER FRANCE Reims (Marne) | 70  HEXCEL COMPOSITES (Fabrication  de  textiles)  Bouguenais (Loire­Atlantique) | 25  VOA ­ VERRERIE

D'ALBI (Verre,  plâtre,  béton)  Albi (Tarn) |  20  LA  PREMIÈRE (Loisirs  et  sports)  Pontarlier (Doubs) |  51  LUDERIX  INTERNATIONAL  SAS  ­  PICWICTOYS (Commerce  de  détail)  Saint­Fargeau­Ponthierry (Seine­et­Marne) |  36  CLL  TRANSPORTS

(Transports terrestres) Eragny (Val­d'Oise) | 70  CNB ­ CONSTRUCTION NAVALE BORDEAUX (Construction navale) Bordeaux (Gironde) | 30  L'AMY (Autres  industries manufacturières) Morez (Jura)

| 57  ESPERA (AUCHAN) (Industries  alimentaires)  Lieusaint (Seine­et­Marne) | 30  L'AMY Paris (Paris) | 90  SPHEREA TEST&SERVICES (Construction  aéronautique  et  spatiale)  Toulouse (Haute­

Garonne) | 287  GRID SOLUTIONS (Equipements électriques) Puteaux (Hauts­de­Seine) | 41  VERALLIA (CHALON) (Verre, plâtre, béton) Chalon­sur­Saône (Saône­et­Loire) | 3  BRODARD ET TAUPIN

(Imprimerie)  La  Flèche (Sarthe) |  80  IMPRIMERIE  HELIO  CORBEIL (Imprimerie)  Corbeil­Essonnes (Essonne) |  46  GE  HYDRO  FRANCE (Equipements  électriques)  Boulogne­Billancourt (Hauts­

de­Seine) | 89  GE HYDRO FRANCE Belfort (Territoire de Belfort) | 16  SOLYSTIC (Réparation de machines et d'équipements) Bagneux (Hauts­de­Seine) | 44  SOLYSTIC Alixan (Drôme) | 33  GERBE

(Fabrication  de  textiles)  Saint­Vallier (Saône­et­Loire) | 100  MISTER AUTO (Commerce  d'automobiles  et  motos)  Corbas (Rhône) | 7  AUTO­ÉCOLE MAURICE (Autre  enseignement)  Tours (Indre­et­

Loire) |  200  GROUPE  ROYER (Commerce  de  gros)  Javené (Ille­et­Vilaine) |  20  ALLIANCE  ONE (Centre  d'appels  et  services)  Saint­Ouen (Seine­Saint­Denis) |  50  MKAD (Produits  métalliques)

Varilhes (Ariège) |  323  ALINÉA  (Commerce  de  détail)  Aubagne (Bouches­du­Rhône) |  91  REHAU  INDUSTRIE (Fabrication  de  produits  en  caoutchouc  et  en  plastique)  Morhange (Moselle) |219  JTEKT  AUTOMOTIVE  LYON (Industrie  automobile)  Irigny (Rhône) |  14  NORAUTO  (Commerce  d'automobiles  et  motos)  Gauchy (Aisne) |  125  GIFRER­BARBEZAT (Industrie  pharmaceutique)

Décines­Charpieu (Rhône) |  123  SKF  AEROENGINE (Construction  aéronautique  et  spatiale)  Lons­le­Saunier (Jura) |  863  BRIDGESTONE  FRANCE (Fabrication  de  produits  en  caoutchouc  et  en

plastique)  Béthune (Pas­de­Calais) | 80  SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE (Equipements  électriques)  Lattes (Hérault) | 175  GE GRID SOLUTIONS (Equipements  électriques)  Villeurbanne (Rhône) |156  GE GRID SOLUTIONS Saint­Priest (Rhône) | 77  FAUCHON (Commerce de détail) Paris (Paris) | 20  MAKEEN ENERGY TECHNOLOGY CENTER (Moteurs) Buzançais (Indre) | 105  TOP OFFICE

(Commerce  de  détail)  Villeneuve­d'Ascq (Nord) |  74  MERLIN  GÉRIN  LOIRE (Equipements  électriques)  Saumur (Maine­et­Loire) |  50  CADDIE  ­  LES  ATELIERS  RÉUNIS (Produits  métalliques)

Drusenheim (Bas­Rhin) | 36  3M FRANCE (Fabrication  de  produits  en  caoutchouc  et  en  plastique)  Cergy (Val­d'Oise) | 60  GRAVOTECH MARKETING (Moteurs  hors  automobile  et  aéronautique)  La

Chapelle­Saint­Luc (Aube) |  40  GRAVOTECH  MARKETING  (RILLIEUX­LA­PAPE) (Moteurs)  Rillieux­la­Pape (Rhône) |  626  EXPLEO  RÉGIONS  (Ingénierie)  Toulouse (Haute­Garonne) |  43  LA

MONTOISE DU BOIS (Travail du bois) Mont­de­Marsan (Landes) | 46  SUD­OUEST ÉTALAGES (Services immobiliers) Brive­la­Gaillarde (Corrèze) | 11  DECATHLON FRANCE (Commerce de détail) La

Trinité (Alpes­Maritimes) | 14  DECATHLON FRANCE Pierry (Marne) | 41  PROMOD (Habillement) Marcq­en­Barœul (Nord) | 42  PROMOD  Wattrelos (Nord) | 15  TIP TRAILER SERVICES (Location

et  location­bail)  Le  Plessis­Pâté (Essonne) |  6  BEST  OF  ASSISTANCE (Location  et  location­bail)  Torigni­sur­Vire (Manche) |  5  DOUCE  HYDRO (Moteurs)  Albert (Somme) |  123  PARASHOP

(Commerce de détail) Paris (Paris) | 19  SKIS ROSSIGNOL (Autres industries manufacturières) Saint­Jean­de­Moirans (Isère) | 6  SKIS ROSSIGNOL Saint­Etienne­de­Saint­Geoirs (Isère) | 52  SKIS

DYNASTAR (Autres  industries  manufacturières)  Sallanches (Haute­Savoie) |  49  C'SERVICES  ­  C  SERVICES (Transports  terrestres)  Forbach (Moselle) |  125  PP  YARNS  CO (Commerce  de  gros)

Neuville­en­Ferrain (Nord) | 73  PERMASWAGE (Construction aéronautique et spatiale) Les Clayes­sous­Bois (Yvelines) | 80  KALISTRUT AEROSPACE (Construction aéronautique et spatiale) Saint­

Vallier (Drôme) |  51  AUTOLIV  FRANCE (Industrie  automobile)  Gournay­en­Bray (Seine­Maritime) |  130  LORANS  ROBINETTERIE (Commerce  de  gros)  Rennes (Ille­et­Vilaine) |  11  GEISMAR

(Construction  ferroviaire)  Neuilly­sur­Seine (Hauts­de­Seine) |  39  GEISMAR  (Construction  ferroviaire)  Colmar (Haut­Rhin) |  86  AGC  FRANCE (Verre,  plâtre,  béton)  Boussois (Nord) |  50  AGC

AUTOMOTIVE  FRANCE (Verre,  plâtre,  béton)  Aniche (Nord) |  40  BASF  FRANCE  (Industrie  chimique)  Breuil­le­Sec (Oise) |  197  LISI  AEROSPACE  STRUCTURAL  COMPONENTS (Construction

aéronautique et spatiale) Marmande (Lot­et­Garonne) | 12  NETTO (Commerce de détail) Pontivy (Morbihan) | 20  GOLF DE LA VALDAINE ­ DOMAINE DE LA VALDAINE (Restauration) Montboucher­

sur­Jabron (Drôme) | 5  DELTISOL (Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique) Le Pontet (Vaucluse) | 345  LATÉCOÈRE (Construction aéronautique et spatiale) Toulouse (Haute­Garonne)

|  60  EIFFAGE  CONSTRUCTION  NORD­PAS­DE­CALAIS (Construction  de  bâtiments)  Calais (Pas­de­Calais) |  16  INNOVATIVE  WATER  CARE (Industrie  chimique)  Amboise (Indre­et­Loire) |56  MISTERFLY (Agence de voyages) Paris (Paris) | 44  AUCHAN RETAIL LOGISTIQUE (Commerce de détail) Cournon­d'Auvergne (Puy­de­Dôme) | 12  AUCHAN HYPERMARCHÉ (Commerce de détail)

Aubière (Puy­de­Dôme) | 70  FREQUENT FLYER TRAVEL PARIS (Agence  de  voyages)  Paris (Paris) |  14  LABORATOIRES BOIRON  (Industrie  pharmaceutique)  Pérols (Hérault) | 74  MECACHROME

DES SUPPRESSIONS DE POSTES PAR DIZAINES DE MILLIERS

De Calais à Anglet, en passant par Limoges, plus de 330 entreprises, petites et grandes, de tous les secteurs, ont annoncé des réductions d’effectifs au cours

des trois derniers mois, selon l’observatoire Trendeo. Tout le territoire est touché, et ce malgré les aides massives de l’Etat pour faire face à la crise liée au Covid­19

MÉTHODOLOGIEEn seulement trois mois, 35 664 em-plois ont été supprimés ou sont mena-cés de l’être en France. Soit près de 400 par jour. Une vague qui touche l’ensemble du territoire. Ce chiffre in-dicatif, correspondant aux annonces réalisées entre le 1er septembre et le 30 novembre, est issu de l’Observa-toire de l’emploi et de l’investisse-ment, une base de données collectées par Trendeo depuis 2009. Pour réaliser ce tableau de bord, Trendeo recueille les informations publiées dans la presse économique, la presse régio-nale et sur différents sites d’informa-tion en ligne. Il ne s’agit donc pas d’une liste des plans sociaux en tant que tels, ce qui correspond à une ap-proche juridique, mais des annonces faites par les entreprises elles-mêmes. Le nombre d’emplois supprimés ou menacés peut varier à l’issue de négo-ciations, restructurations, accompa-gnement de l’entreprise concernée. Les suppressions et créations d’em-plois dans des petites entreprises sont moins faciles à recenser, ce qui peut rendre moins visibles des secteurs comme l’hôtellerie-restauration, les spectacles ou le tourisme. Dans l’en-semble, il y a une bonne corrélation entre les tendances enregistrées par Trendeo et les données emplois de l’Insee. Concernant les groupes, la lo-calisation indiquée correspond parfois au siège de l’entreprise lorsque les emplois menacés peuvent appartenir à plusieurs établissements, voire être répartis sur la France entière. C’est no-tamment le cas pour les entreprises de services, comme Sodexo par exemple.

C R I S E   S O C I A L E

3 5 6 6 4EMPLOIS

Page 25: Le Monde - 03 12 2020

0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 économie & entreprise | 25

(Produits métalliques) Vibraye (Sarthe) | 120  MECACHROME Aubigny­sur­Nère (Cher) | 41  AUCHAN HYPERMARCHÉ (Commerce de détail) La Chapelle­Saint­Aubin (Sarthe) | 110  MECACHROME FRANCE (AMBOISE) (Produits métalliques) Amboise

(Indre­et­Loire) |  15  AUCHAN HYPERMARCHÉ  (Commerce  de  détail)  Saint­Etienne (Loire) |  10  AUCHAN HYPERMARCHÉ Villars (Loire) | 30  SOCIÉTÉ FONTENAISIENNE D’AMEUBLEMENT ­ SELF CRÉATIONS (Fabrication  de  meubles)  Fontenay­

le­Comte (Vendée) | 287  LES LABORATOIRES SERVIER (Industrie pharmaceutique) Gidy (Loiret) | 19  BUCHER VASLIN (Moteurs) Chalonnes­sur­Loire (Maine­et­Loire) | 16  CORA (LONGEVILLE­LÈS­SAINT­AVOLD) (Commerce de détail) Longeville­

lès­Saint­Avold (Moselle) | 40  DAHER AEROSPACE (Construction aéronautique et spatiale) Saint­Julien­de­Chédon (Loir­et­Cher) | 170  SACEM (Spectacles et activités artistiques) Neuilly­sur­Seine (Hauts­de­Seine) | 90  HIPPOCAMPE (Commerce

de  gros)  Caen (Calvados) |  3  CARNAVAL  ARTIFICES  ÉVÉNEMENTIELS (Spectacles  et  activités  artistiques)  Mesnil­Panneville (Seine­Maritime) |  100  PEUGEOT  JAPY (Produits  métalliques  divers  hors  machines)  Valentigney (Doubs) |  47  SIGFOX

(Ingénierie)  Labège (Haute­Garonne) |  13  AUCHAN  HYPERMARCHÉ  Dieppe (Seine­Maritime) |  57  BBDO  PARIS  ­  CLM  BBDO (Publicité  et  études  de  marché)  Boulogne­Billancourt (Hauts­de­Seine) |  1888  ELIOR  RESTAURATION  ET  SERVICES

(Restauration)  Courbevoie (Hauts­de­Seine) |  129  THALES  AVS  FRANCE (Construction  aéronautique  et  spatiale)  Mérignac (Gironde) |  64  DIVA  SALON (Fabrication  de  meubles)  Le  Coteau (Loire) |  121  SPHEREA  TEST&SERVICES  (ÉLANCOURT)

(Construction aéronautique et spatiale) Elancourt (Yvelines) | 38  THELLO (Transports terrestres  :  trains, bus, camions) Nice (Alpes­Maritimes) | 8  MAURY IMPRIMEUR (Imprimerie) Malesherbes (Loiret) | 51  FAURE­EXPRESS (Transports terrestres)

Valencin (Isère) | 37  UNITED BISCUITS FRANCE ­ BISCUITERIE NANTAISE (Industries alimentaires) Vertou (Loire­Atlantique) | 42  HEXCEL REINFORCEMENTS (Fabrication de textiles) Les Avenières (Isère) | 174  EXXONMOBIL CHEMICAL FRANCE

(Industrie chimique) Courbevoie (Hauts­de­Seine) | 61  SOCIÉTÉ ANNIC  (Fabrication de textiles) Laguépie (Tarn­et­Garonne) | 49  SIMAIR (COLOMIERS) (Construction aéronautique et spatiale) Colomiers (Haute­Garonne) | 11  SIMAIR (ROCHEFORT)

(Construction aéronautique et spatiale) Rochefort (Charente­Maritime) | 35  CAUQUIL (Construction aéronautique et spatiale) Mondouzil (Haute­Garonne) | 106  MÉCANIQUE AÉRONAUTIQUE PYRÉNÉENNE ­ MAP (Construction aéronautique et spatiale)

Serres­Castet (Pyrénées­Atlantiques) | 110  L'OCCITANE EN PROVENCE ­ M&L DISTRIBUTION (Commerce de détail) Manosque (Alpes­de­Haute­Provence) | 36  GENFIT (Recherche­développement scientifique) Loos (Nord) | 27  AEQUS AEROSPACE

AUBIGNY (Produits  métalliques  divers  hors  machines)  Aubigny­sur­Nère (Cher) |  266  BLIZZARD  ENTERTAINMENT (Loisirs  et  sports)  Versailles (Yvelines) |  51  LEACH  INTERNATIONAL (Equipements  électriques)  Sarralbe (Moselle) |  28  LEACH 

INTERNATIONAL (NIORT) (Equipements électriques) Niort (Deux­Sèvres) | 10  COURTEPAILLE (Restauration) Dammarie­lès­Lys (Seine­et­Marne) | 16  BWB (Dépollution) Guipavas (Finistère) | 459  SELECTA (Commerce de détail) Le Bourget (Seine­

Saint­Denis) |  26  RADISSON  BLU  1835  HÔTEL  THALASSO (Hôtellerie)  Cannes (Alpes­Maritimes) |  120  JAULIN  PAYSAGES (Ménage  et  entretien  de  bâtiments)  Carquefou (Loire­Atlantique) |  130  LATELEC  (Construction  aéronautique  et  spatiale)

Labège (Haute­Garonne) |  130  SKF AEROENGINE (Moteurs)  Rouvignies (Nord) |  8  AUCHAN HYPERMARCHÉ Englos (Nord) |  14  AUCHAN HYPERMARCHÉ Dury (Somme) | 39  AUCHAN RETAIL LOGISTIQUE Amiens (Somme) |  67  CAPGEMINI

TECHNOLOGY SERVICES  (Développement de  logiciels) Cherbourg­Octeville (Manche) | 252  INTEVA PRODUCTS FRANCE (Verre, plâtre, béton) Saint­Dié­des­Vosges (Vosges) | 35  OFW SHIPS (Transport) La Garenne­Colombes (Hauts­de­Seine) | 11  ROXLOR (Industrie chimique) La Ciotat (Bouches­du­Rhône) | 8  SOCIÉTÉ NOUVELLE DISTRIPAC (Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique) Somain (Nord) | 58  BAKER HUGUES ­ DRESSER PRODUITS INDUSTRIELS (Moteurs) Condé­

sur­Noireau (Calvados) | 30  SAINT LOUIS SUCRE (Industries alimentaires) Nassandres (Eure) | 42  INTEVA PRODUCTS FRANCE (SULLY­SUR­LOIRE) (Matériel informatique, électronique et optique) Sully­sur­Loire (Loiret) | 43  SOCIÉTÉ DU FIGARO

(Édition)  Paris (Paris) |  10  MODUL'INNOV (Travail  du  bois)  Giroussens (Tarn) |  158  HOWMET FIXATIONS SIMMONDS (Produits  métalliques)  Saint­Cosme­en­Vairais (Sarthe) | 9  HOWMET FIXATIONS SIMMONDS (CERGY) (Produits  métalliques)

Cergy (Val­d'Oise) |  20  AQUARESE  INDUSTRIE  (Produits  métalliques)  Billy­Berclau (Pas­de­Calais) |  23  ARTUS (Equipements  électriques)  Avrillé (Maine­et­Loire) |  7  ÉTABLISSEMENTS  PAUL  PAULET  ­  PETIT  NAVIRE (Industries  alimentaires) 

Douarnenez (Finistère) | 6  OUEST PYRO (Industrie chimique) Pluméliau (Morbihan) | 17  SIGNIFY FRANCE (Equipements électriques) Miribel (Ain) | 32  MATHIEU SA (Industrie automobile) Toul (Meurthe­et­Moselle) | 33  SÉRÉNA (Services d'aide à

domicile)  Angers (Maine­et­Loire) |  5  JULES (Commerce  de  détail)  Châteauroux (Indre) |  51  SANDVIK  MATERIALS  TECHNOLOGY  (Produits  métalliques)  Chârost (Cher) |  16  ART­TECH (Produits  métalliques)  Vineuil (Loir­et­Cher) |  30  TORAY 

CARBONE  FIBERS  EUROPE  (Fabrication  de  produits  en  caoutchouc  et  en  plastique)  Lacq (Pyrénées­Atlantiques) |  195  CONTITRADE  FRANCE  ­  BESTDRIVE (Commerce  d'automobiles  et  motos)  Le  Meux (Oise) |  25  NESPOLI  (Autres  industries 

manufacturières) Orange (Vaucluse) | 69  ASCOMETAL ­ ASCO INDUSTRIES (S+B) (Métallurgie) Leffrinckoucke (Nord) | 25  BONILAIT (Industries alimentaires) Belleville­sur­Vie (Vendée) | 8  LORD SOLUTIONS FRANCE (Construction aéronautique et

spatiale)  Pont­de­l'Isère (Drôme) |  70  VERESCENCE  FRANCE  (EX­SGD) (Verre,  plâtre,  béton)  Puteaux (Hauts­de­Seine) |  350  ACCOR (Hôtellerie)  Paris (Paris) |  5  VERESCENCE  FRANCE  (Verre,  plâtre,  béton)  Puteaux (Hauts­de­Seine) |45  VERESCENCE  FRANCE  Le  Tréport (Seine­Maritime) |  500  GAP  FRANCE (Commerce  de  détail)  Paris (Paris) |  90  XLM  SERVICES (Ingénierie)  Toulouse (Haute­Garonne) |  258  THALES  AVS  FRANCE  (Construction  aéronautique  et  spatiale) 

Châtellerault (Vienne) | 23  SALVATORI (Transports) Les Attaques (Pas­de­Calais) | 196  THALES AVS Toulouse (Haute­Garonne) | 20  DELLALUI (Fabrication de textiles) Miserey­Salines (Doubs) | 136  THALES AVS FRANCE Vendôme (Loir­et­Cher)

| 18  LA PROVENCE (Edition) Marseille (Bouches­du­Rhône) | 36  THALES AVIONICS (Matériel informatique, électronique et optique) Valence (Drôme) | 251  THALES AVS FRANCE Mérignac (Gironde) | 40  COCA­COLA EUROPEAN PARTNERS FRANCE

(Centre d'appels et services Villejust (Essonne) | 30  LE QUOTIDIEN (Agences de presse et veille  Internet) Saint­Denis (La Réunion) | 27  PORTES­EO (Commerce de gros) Lézat­sur­Lèze (Ariège) | 2083  SODEXO (Restauration) Issy­les­Moulineaux

(Hauts­de­Seine) |40  DUFIEUX (Produits  métalliques  divers  hors  machines)  Echirolles (Isère) |  7  ODÉOLIS (Développement  de  logiciels)  Paris (Paris) |  30  SACI  ATLANTIQUE (Construction  aéronautique  et  spatiale)  Carquefou (Loire­Atlantique) | 16  HÔTEL D'ASSEZAT ­ FONDATION GEORGES BEMBERG (Activités  culturelles)  Toulouse (Haute­Garonne) | 24  TELETECH INTERNATIONAL (Centre  d’appels  et  services)  Chantepie (Ille­et­Vilaine) | 20  TELETECH INTERNATIONAL Vendôme (Loir­

et­Cher) | 47  CAROMAR TECHNO (Produits métalliques) Bidart (Pyrénées­Atlantiques) | 10  KLOECKNER METALS FRANCE (DIEPPE) (Commerce de gros) Dieppe (Seine­Maritime) | 5  CONTITRADE FRANCE ­ BESTDRIVE (Commerce d'automobiles et

motos)  Privas (Ardèche) |  84  MAXAM  TAN (Industrie  chimique)  Mazingarbe (Pas­de­Calais) |  40  SONOCO  IPD  FRANCE (Industrie  du  papier  et  du  carton)  Cernay (Haut­Rhin) |  20  ALL  METAL  SERVICES (Produits  métalliques)  Losse (Landes) | 5  IMPRIMERIE MORDACQ (Imprimerie) Aire­sur­la­Lys (Pas­de­Calais) | 56  COOPTALIS (MARCQ­EN­BARŒUL) (Travail temporaire) Marcq­en­Baroeul (Nord) | 17  SFEP (Edition) Suresnes (Hauts­de­Seine) | 4  HB PUBLICATIONS (Edition) Suresnes

(Hauts­de­Seine) | 30  FOOTBALL CLUB DES GIRONDINS DE BORDEAUX (Loisirs  et  sports) Le Haillan (Gironde) | 15  FTI VOYAGES (Agence  de  voyages) Blotzheim (Haut­Rhin) | 1150  AKKA TECHNOLOGIES (Ingénierie) Blagnac (Haute­Garonne) | 6  BOOKS (Edition) Paris (Paris) | 28  LES JEUNES POUSSES (Services de santé) Briançon (Hautes­Alpes) | 13  CERINNOV (Moteurs) Limoges (Haute­Vienne) | 9  ROADY ­ FOUGAUTO (Commerce d'automobiles et motos) Lécousse (Ille­et­Vilaine) | 16  NESPOLI FRANCE (ORANGE) (Autres industries manufacturières) La Capelle (Aisne) | 500  PSA PEUGEOT CITROËN (Industrie automobile) Chartres­de­Bretagne (Ille­et­Vilaine) | 580  SOCIÉTÉ GÉNÉRALE (Services bancaires et financiers) Paris

(Paris) |  2  HJC  (CRÈME  DE  GÂTINE) (Restauration)  Parthenay (Deux­Sèvres) |  18  PPG  COATINGS (Industrie  chimique)  Gonfreville­l'Orcher (Seine­Maritime) |  13  CAMUS  LA  GRANDE  MARQUE (Fabrication  de  boissons)  Cognac (Charente) |31  REPETTO (Industrie du cuir et de la chaussure) Saint­Médard­d'Excideuil (Dordogne) | 20  REPETTO Paris (Paris) | 60  SOCIÉTÉ GÉNÉRALE Nantes (Loire­Atlantique) | 85  STIC M (Moteurs) Loué (Sarthe) | 9  MICRO MÉCANIQUE PYRÉNÉENNE

(Construction aéronautique et spatiale) Gurmençon (Pyrénées­Atlantiques) | 27  FEGE (Moteurs) Vouziers (Ardennes) | 5  HOSPITAVET (Activités vétérinaires) Givet (Ardennes) | 4  MONDE WOK (Restauration) Bourges (Cher) | 8  SOCIÉTÉ PERROT

TRAVAUX  PUBLICS (Travaux  de  construction  spécialisés)  Saint­Germain­du­Puy (Cher) |  38  CIMENTS  CALCIA (Verre,  plâtre,  béton)  Guerville (Yvelines) |  30  EURONEWS (Diffusion  de  programmes  TV,  radio)  Lyon (Rhône) |  17  VALLOUREC 

(Métallurgie) Boulogne­Billancourt (Hauts­de­Seine) | 200  VALLOUREC TUBES FRANCE (Métallurgie) Déville­lès­Rouen (Seine­Maritime) | 90  VALLOUREC TUBES FRANCE Saint­Saulve (Nord) | 43  VALLOUREC TUBES FRANCE Aulnoye­Aymeries

(Nord) | 66  CIMENTS CALCIA (Verre, plâtre, béton) Cruas (Ardèche) | 58  CIMENTS CALCIA Gargenville (Yvelines) | 90  HENDRIX GENETICS (Cultures végétales et agriculture ) Plouguenast (Côtes­d'Armor) | 9  MÉCAPREC (Produits métalliques divers

hors  machines)  Lavelanet (Ariège) |  5  SAINT­BRIEUC  EXPO  CONGRÈS (Centre  d'appels  et  services)  Saint­Brieuc (Côtes­d'Armor) |  22  CONSTANTIN (Design,  photo,  traduction)  Mérignac (Gironde) |  40  CONSTANTIN  Barbezieux­Saint­Hilaire

(Charente) |  85  QUALIPAC  CHARTRES (Fabrication  de  produits  en  caoutchouc  et  en  plastique)  Nogent­le­Phaye (Eure­et­Loir) |  9  COLIN  INDUSTRIES  ­  LMJ  GRANDE  DIMENSION (Produits  métalliques)  Joué­lès­Tours (Indre­et­Loire) | 32  INGÉLIANCE  TECHNOLOGIES  (Ingénierie)  Le  Havre (Seine­Maritime) |  28  INGÉLIANCE Mérignac (Gironde) |  8  CAMELIN (Produits  métalliques)  Besançon (Doubs) |  37  J.VANYWAEDE (Métallurgie)  Cappelle­la­Grande (Nord) |  700  TOTAL

(Cokéfaction  et  raffinage)  Courbevoie (Hauts­de­Seine) |  25  DOREL  FRANCE (Fabrication  de  produits  en  caoutchouc  et  en  plastique)  Cholet (Maine­et­Loire) |  51  O­I  FRANCE  (Verre,  plâtre,  béton)  Gironcourt­sur­Vraine (Vosges) |  216  WRIGLEY

FRANCE CONFECTIONERY (Industries  alimentaires)  Haguenau (Bas­Rhin) | 8  COGEVI (Fabrication  de  boissons)  Ay (Marne) | 205  COOPÉRATIVE CÉRÉALIÈRE AXÉRÉAL (Cultures  végétales  et  agriculture,  )  Olivet (Loiret) | 77  EOLANE MONTCEAU

(Matériel informatique, électronique et optique) Montceau­les­Mines (Saône­et­Loire) | 400  ÉTUDES ET PRODUCTIONS SCHLUMBERGER (Matériel informatique, électronique et optique) Clamart (Hauts­de­Seine) | 248  FONDERIE DU POITOU FONTE

(GFG  ALLIANCE) (Métallurgie)  Ingrandes (Vienne) |  8  REIMS  EVENTS (Centre  d'appels  et  services)  Reims (Marne) |  60  GE  STEAM  POWER  SYSTEMS (Equipements  électriques)  Boulogne­Billancourt (Hauts­de­Seine) |  240  GE  STEAM  POWER

SYSTEMS Belfort (Territoire de Belfort) | 12  GHESTEM (Travaux de construction) Quesnoy­sur­Deûle (Nord) | 30  LEBRONZE ALLOYS (DANGU) (Métallurgie) Dangu (Eure) | 23  AUCHAN HYPERMARCHÉ Chassieu (Rhône) | 36  BARBOT CM (Produits

métalliques)  Descartes (Indre­et­Loire) | 4  BARBOT CM Maxilly­sur­Saône (Côte­d'Or) | 919  KIDILIZ (Commerce  de  détail)  Saint­Chamond (Loire) | 54  CENTRALES D'ACHATS KIDILIZ (Commerce  de  détail)  Saint­Macaire­en­Mauges (Maine­et­

Loire) | 14  CENTRE DE KERAUDREN (Hôtellerie) Brest (Finistère) | 69  SOCIÉTÉ DE TRAITEMENT CHIMIQUE DES MÉTAUX (Métallurgie) Toulouse (Haute­Garonne) | 100  FAMAT (Construction aéronautique et spatiale) Saint­Nazaire (Loire­Atlantique)

|  160  KIDILIZ Saint­Chamant (Cantal) |  150  TOTAL  RAFFINAGE  FRANCE  Grandpuits­Bailly­Carrois (Seine­et­Marne) |  23  AUCHAN  HYPERMARCHÉ  Aubagne (Bouches­du­Rhône) |  9  AUCHAN  HYPERMARCHÉ  Marseille (Bouches­du­Rhône) | 12  AUCHAN HYPERMARCHÉ Martigues (Bouches­du­Rhône) | 383  CELIO FRANCE (Commerce de détail) Saint­Ouen (Seine­Saint­Denis) | 250  NESTLÉ WATERS SUPPLY SUD (Fabrication de boissons) Vergèze (Gard) | 33  PARAGON TRANSACTION

(Matériel  informatique,  électronique  et  optique) Romorantin­Lanthenay (Loir­et­Cher) | 86  PAULSTRA (SEGRÉ) (Fabrication  de  produits  en  caoutchouc  et  en  plastique) Segré (Maine­et­Loire) | 214  PRINTEMPS (Commerce  de  détail,  hors  voitures  et

motos) Paris (Paris) | 110  PRINTEMPS (Commerce de détail) Metz (Moselle) | 75  PRINTEMPS Strasbourg (Bas­Rhin) | 40  QUALIPAC AURILLAC (Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique) Aurillac (Cantal) | 37  MIRION TECHNOLOGIES

(Matériel  informatique,  électronique  et  optique)  Loches (Indre­et­Loire) |  102  IPSEN  PHARMA (Industrie  pharmaceutique)  Dreux (Eure­et­Loir) |  1180  COMPAGNIE  IBM  FRANCE (Développement  de  logiciels)  Bois­Colombes (Hauts­de­Seine) |56  EXXONMOBIL  CHEMICAL  FRANCE (Industrie  chimique)  Notre­Dame­de­Gravenchon (Seine­Maritime) |  232  FAREVA  (Industrie  pharmaceutique)  Riom (Puy­de­Dôme) |  230  GAZEL  ÉNERGIE (Production  et  distribution  d'électricité  et  de  gaz)

Colombes (Hauts­de­Seine) |  78  CHEVRON  ORONITE (Industrie  chimique)  Gonfreville­l'Orcher (Seine­Maritime) |  100  LINDT  SPRÜNGLI (Industries  alimentaires)  Oloron­Sainte­Marie (Pyrénées­Atlantiques) |  124  AUXITROL (Construction 

aéronautique  et  spatiale)  Bourges (Cher) |  208  SEALANTS  EUROPE (Construction  aéronautique  et  spatiale)  Bezons (Val­d'Oise) |  130  SAVIEL  FRANCE (Industries  alimentaires)  Estillac (Lot­et­Garonne) |  15  AXIANE  MEUNERIE  (SEMBLANÇAY)

(Industries  alimentaires)  Maure­de­Bretagne (Ille­et­Vilaine) |  110  SKF  FRANCE (Moteurs)  Saint­Cyr­sur­Loire (Indre­et­Loire) |  85  COLLINS  AEROSPACE  ­  GOODRICH  ACTUATION  SYSTEMS (Construction  aéronautique  et  spatiale)  Saint­Ouen­

l'Aumône (Val­d'Oise) |  75  COLLINS  AEROSPACE  ­  GOODRICH  ACTUATION  SYSTEMS  Saint­Marcel (Eure) |  40  AUCHAN  HYPERMARCHÉ  Vedène (Vaucluse) |  100  AKEBONO  EUROPE (Industrie  automobile)  Monchy­le­Preux (Pas­de­Calais) | 83  FROMAGERIES RAMBOL (Industries alimentaires) Saint­Arnoult­en­Yvelines (Yvelines) | 29  PRINTEMPS Le Havre (Seine­Maritime) | 153  RKS ­ SKF SLEWING BEARINGS (Produits métalliques) Avallon (Yonne) | 56  ESSILOR INTERNATIONAL

(Autres  industries  manufacturières)  Allonnes (Sarthe) |  100  ESSILOR  INTERNATIONAL  Vaulx­en­Velin (Rhône) |  100  ESSILOR  INTERNATIONAL  Antony (Hauts­de­Seine) |  35  ESSILOR  INTERNATIONAL  Saint­Martin­sur­le­Pré (Marne) |177  SOCIÉTÉ LAITIÈRE DE RETIERS (Industries alimentaires) Retiers (Ille­et­Vilaine) | 1000  DISNEYLAND PARIS (Loisirs) Chessy (Seine­et­Marne) | 30  O­I MANUFACTURING (Verre, plâtre, béton) Puy­Guillaume (Puy­de­Dôme) | 16  VERRERIE DU

LANGUEDOC (Verre, plâtre, béton) Vergèze (Gard) | 50  MERCK SANTÉ (Industrie pharmaceutique) Meyzieu (Rhône) | 8  AMPHENOL AIR LB (Matériel informatique) Carignan (Ardennes) | 400  ÉTUDES ET PRODUCTIONS SCHLUMBERGER (Matériel

informatique) Clamart (Hauts­de­Seine) | 248  FONDERIE DU POITOU FONTE (GFG ALLIANCE) (Métallurgie) Ingrandes (Vienne) | 8  REIMS EVENTS (Centre d'appels et services) Reims (Marne) | 5  HOSPITAVET (Activités vétérinaires) Givet (Ardennes)

| 133  INTERMARCHÉ ­ ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIRE INTERNATIONAL  (Entreposage et services) Chaulnes  (Somme). 

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26 | économie & entreprise JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

« Jobs, jobs, jobs » : l’emploi, priorité absolue de Joe BidenL’équipe économique du président élu est essentiellement composée de femmes et de personnes issues de l’immigration

new york ­ correspondant

L e président élu, Joe Biden,a de nouveau mentionnéson père, dans la villeouvrière de Scranton, en

Pennsylvanie, qui lui disait, aprèsavoir perdu son emploi : « Un job,c’est beaucoup plus qu’un chèqueà la fin du mois, c’est une questionde dignité. » Sa future secrétaireau Trésor, l’ancienne présidentede la Reserve fédérale américaine(Fed, banque centrale), Janet Yel­len, a aussi évoqué son père, mé­decin au chevet des ouvriersnew­yorkais de Brooklyn, expli­quant les dégâts de la perte d’un emploi sur leur famille, leursanté et leur dignité.

Puis, lors de cette présentation,mardi 1er décembre, de l’équipe économique de Joe Biden, ce fut au tour de Neera Tanden, future directrice du budget, de parler de sa mère, immigrée d’Inde, divor­cée, qui éleva ses enfants avecl’aide de bons alimentaires et en trouvant un emploi dans uneagence de voyages. Le futur direc­teur adjoint du Trésor, Wally Adeyemo, 38 ans, originaire du Ni­geria, a mentionné sa collabora­tion avec les équipes Obama et lasénatrice progressiste du Massa­chusetts Elizabeth Warren, dont il fut directeur de cabinet après la grande crise financière de 2008.

Le programme économique deJoe Biden se résume en troismots : « Jobs, jobs, jobs ». Il défend le rêve américain, mais accompa­gné des aides indispensables à saréalisation pour les plus faibles. C’est ainsi qu’une équipe compo­sée de spécialistes du travail, pro­

syndicats, vétérans de l’adminis­tration Obama, ayant eu à gérer les suites de la crise financière de 2008, partisans d’une politique derelance keynésienne, largement composée de femmes et de per­sonnes issues de l’immigration,va prendre le pouvoir économi­que à Washington. Aux précités s’ajoutent l’universitaire de Prin­ceton Cecilia Rouse, qui présidera le conseil économique de la Mai­son Blanche, et l’économiste de gauche Jared Bernstein, qui con­seillait déjà M. Biden sous Obama.

Le pire est passéDans cette présentation très poli­tique, pas un instant n’a été con­sacré aux affaires économiques etcommerciales internationales. L’urgence immédiate, c’est le sou­tien au travailleur américain, alors que les dernières mesures sociales ont expiré cet été et que lapandémie de Covid­19 repart for­tement. « Les secours sont enroute », a répété à deux reprises Joe Biden. En réalité, pas tout àfait. Le président élu ne prendra ses fonctions que le 20 janvier.

Et une nouvelle mouture d’unplan de relance de 900 milliards de dollars (745 milliards d’euros) aété présentée, mardi, par des sé­nateurs démocrates et républi­cains, mais son adoption n’est pascertaine. Les républicains, quipensent déjà aux élections de mi­mandat en 2022, menacent de torpiller toute relance budgétaire,comme ils l’avaient fait sous Obama à partir de 2010, au nomde l’orthodoxie financière. Eliza­beth Warren s’indigne de ce re­tour à la vertu après les années

laxistes de Donald Trump. Dans un éditorial intitulé « Le retourdes économistes d’Obama », le Wall Street Journal (WSJ) a étrillé les uns après les autres les mem­bres de l’équipe Biden, les invitantà ne pas entraver l’économie.

Economiquement, l’affaire estsérieuse, mais moins gravequ’après la crise financière de 2008, selon une longue analyse publiée par Jason Furman, con­seiller économique de Barack Obama. Le pire est passé, avec uneéconomie ayant recréé la moitié des 22 millions d’emplois détruitsen mars­avril.

La récession, qui atteindra,en 2020, 3,7 % du produit inté­rieur brut (PIB) selon l’Organisa­tion de coopération et de déve­loppement économiques (OCDE), se retrouve dans des domaines connus et ne sera sans doute pas dans les trois plus graves depuis1945. La capacité d’endettement de l’Etat est aussi plus forte qu’à l’arrivée d’Obama : non que ladette publique ait reculé – elle a doublé et dépasse 100 % du PIB –, mais les taux ont baissé et les éco­nomistes, en dépit des reproches du WSJ, ont retenu la leçon d’un

soutien trop mou à cette époque.Joe Biden a dénoncé une reprise

en « K », qui favoriserait les plus aisés et ferait sombrer les plus pauvres. Mais, si la fortune des plus riches s’est envolée avec la Bourse, il est inexact de dire queles plus pauvres ont été négligés.

Grands travaux« Les mesures américaines ont ététrès progressistes, profitant de ma­nière plus que proportionnelle auxménages à bas revenu », écritJason Furman dans Foreign Af­fairs. Des problèmes demeurent : les aides sociales se sont arrêtées en juillet, faute d’accord au Con­grès, et certains n’en ont pas reçu car ils ne savaient pas l’obtenir ou n’y avaient pas droit, comme les illégaux. Surtout, le nombre de chômeurs ayant perdu définitive­ment leur emploi a augmenté de trois millions.

La solution passe donc par la re­lance d’une assurance­chômage, une hausse de l’aide alimentaire,un renflouement des Etats et des collectivités touchés par la crise etdes grands travaux d’infrastructu­res. Ceux­ci font partie du pro­gramme de transition écologique de M. Biden. Certes, les emplois dans le secteur de la construction ne font pas partie des plus frappés– le chômage affecte avant tout l’industrie des services : restaura­tion, commerce, tourisme – et les infrastructures ne rapportent pas immédiatement, mais, poursuit le macro­économiste Jason Fur­man, « l’économie et l’emploi auront besoin de soutien pendantde nombreuses années encore ».

arnaud leparmentier

Le nombre de chômeurs ayant perdu

définitivementleur emploi a augmenté

de trois millions

Au palmarès des grandes gueules de la Silicon Valley, riche en figu­res pittoresques, Marc Benioff tient une place de choix. Ama­teur de vins fins, de palaces et d’œuvres charitables, ce géant barbu ignore la demi­mesure, ne doute de rien mais aime par­ler de tout. Avec les grands de ce monde au forum de Davos, comme avec les sans­abri de San Francisco, sa ville. Il y a fait cons­truire la tour la plus haute et la plus mégalomane de la cité, mais ses ambitions sont plus grandes encore. Salesforce.com, l’entre­prise qu’il a créée en 1999, atteint désormais les 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Jus­qu’à présent, son rêve était d’at­teindre les 50 milliards, mais dé­sormais il veut aller plus loin et battre Microsoft, l’empereur du logiciel d’entreprise, qui, avec ses 143 milliards de revenus domine de très loin ce secteur.

Popularité grandissanteC’est pour s’attaquer à Microsoft mais aussi à Google, qu’il a an­noncé, mardi 1er décembre, l’acquisition de la messagerie professionnelle Slack. Il débour­sera pour cela 27 milliards de dol­lars pour une société qui a enre­gistré sur son dernier trimestre fiscal, 234 millions de dollars de ventes pour 68 millions de per­tes. Pas fameux, d’autant que Slack, plutôt faible en matière de vidéo, n’a pas su tirer profit de la vague phénoménale du té­létravail qui a propulsé Zoom et sa célèbre application de visio­conférence vers les sommets.

En dépit des apparences, c’est plutôt une bonne affaire, compte tenu de la popularité grandissante de Slack dans les entreprises. Jusqu’à présent, Sa­

lesforce a prospéré dans le do­maine des logiciels de relations avec les clients. L’entreprise est la première à avoir popularisé dans ce domaine l’idée qu’un lo­giciel ne s’achète plus mais est fourni comme un service sur In­ternet moyennant abonnement. Une révolution copernicienne qui bouleverse en profondeur le modèle économique de la profession passant du statut d’industriel, la vente d’un bien, à celui d’une société de services. Ce qu’a bien compris Microsoft en opérant un virage à 180 de­grés vers l’informatique décen­tralisée, le « cloud computing », à la base de ce changement complet de paradigme.

Cette bascule vers le monde del’Internet impose pour grandir et se diversifier de s’adresser à la multitude des utilisateurs et plus uniquement à quelques ache­teurs d’un service informatique. D’où le succès de l’offre entre­prise de Google qui s’appuie sur la familiarité des utilisateurs avec sa plate­forme Gmail. Microsoft a frappé un grand coup en 2016 avec l’acquisition du réseau so­cial professionnel LinkedIn et ses 600 millions de membres, au nez et à la barbe de… Salesforce. Les tentatives de développement en interne de sa propre message­rie étant restées mitigées, la firme compte sur Slack pour rat­traper son retard face non seule­ment à Microsoft mais aussi à IBM, Oracle ou SAP. A l’heure où, en Europe, on se focalise sur l’hy­perpuissance des GAFA, il est tou­jours intéressant de constater, avec Salesforce, Tesla, Nvidia, Zoom et les autres, la capacité intacte de la Silicon Valley à créer des géants mondiaux en moins de deux décennies.

PERTES & PROFITS | SLACK­SALESFORCEpar philippe escande

Du rififi dans la messagerie

Le gouvernement muscle les aides à l’export pour accompagner la relanceL’une des cinq mesures vise à soutenir les participations aux salons ou aux foires pour prospecter de nouveaux marchés

E st­ce l’effet, comme le croitChristophe Lecourtier, di­recteur général de Business

France, de l’arrivée aux comman­des des entreprises d’une « géné­ration Erasmus », plus prompte à franchir les frontières et à penser global ? De plus en plus de petites entreprises se tournent vers l’export pour développer leur acti­vité. En 2019, alors que le com­merce international se contractait sous l’effet des tensions protec­tionnistes, le nombre d’entrepri­ses exportatrices a progressé.

Selon les données des douanes,129 200 entreprises françaises étaient présentes à l’export en 2019, dont 3 800 nouveaux en­trants. Parmi eux, essentiellementdes petites et moyennes entrepri­ses − alors que les groupes repré­sentent l’énorme majorité des 1 000 premiers exportateurs fran­çais. Plus précisément, le nombre d’ETI exportatrices a progressé de 2,2 % par rapport à 2018, pour une hausse des exportations en valeurde 0,7 %. Le nombre de PME et de microentreprises a, lui, augmenté de 3,7 % pour des ventes de pro­duits et services en hausse de 1,7 %.

Insertion professionnelleCe constat, publié mercredi 2 dé­cembre par Business France, con­forte la stratégie gouvernemen­tale qui vise à faire de l’export un levier de la relance. Franck Ries­ter, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attrac­

tivité, a présenté lundi 30 novem­bre, au cours d’un comité stratégi­que de l’export, un panel de cinqmesures pour muscler l’accom­pagnement proposé aux entre­prises désireuses de partir à la conquête des marchés étrangers, Europe en tête. Elles s’inscrivent dans le cadre du volet export du plan de relance, doté de 247 mil­lions d’euros. « Malgré la crise, les entreprises françaises ont envie de se déployer à l’international, et nous avons vraiment la volontéd’en accompagner un maxi­mum », souligne Franck Riester.

Trois mesures ont une traduc­tion financière. La première, le « chèque relance export », est des­tinée à financer les frais de parti­cipation aux salons, foires, événe­ments présentiels ou virtuels pour prospecter de nouveaux marchés. Mise en œuvre dès le 1er octobre, parmi d’autres mesu­res du plan de relance, elle a déjàbénéficié à un millier d’entrepri­ses, pour un montant moyen de

1 500 euros. Deuxième mesure, 3 000 chèques « Relance VIE » d’un montant de 5 000 euros cha­cun seront accordés pour l’em­bauche d’un volontaire interna­tional en entreprise (VIE), « par­tout où les conditions sanitaires et l’environnement local le permet­tent ». Ces jeunes, âgés de 18 à 28 ans, ont pour rôle d’accompa­gner sur le terrain, dans tous les pays, l’entreprise qui les embau­che pendant une durée de deuxans. Cette aide, disponible depuis le 1er décembre, vise aussi à soute­nir l’insertion professionnelle des jeunes diplômés.

Troisième mesure, le gouverne­ment va, à brève échéance, créer un produit spécifique d’assuran­ce­prospection qui sera distribué par BPI France, dont les contours exacts restent à définir. Deux dis­positifs vont compléter l’ensem­ble. Une plate­forme d’informa­tions sur les marchés, secteur par secteur, pays par pays, sera miseen ligne début 2021 à destinationdes entreprises soucieuses de dé­velopper leur part de marché à l’étranger. Environ 50 000 entre­prises bénéficieront ainsi d’un « fil » d’informations personna­lisé selon leurs besoins. Et, enfin,le gouvernement va lancer unecampagne de communication autour des différentes « mar­ques » et labels français tels queFrench Tech, French Fab, FrenchHealthcare ou Taste France.

béatrice madeline

CONJONCTUREL’Australie sort de sa première récession en près de trente ansL’Australie est sortie de sa pre­mière récession depuis près de trente ans après un rebond de son produit intérieur brut (PIB) de 3,3 % sur un an au troisième trimestre, selon les données du Bureau australien des statistiques (ABS) publiées mercredi 2 décembre. Pour le secrétaire au Trésor Josh Frydenberg, ces « chiffres sont un motif d’espoir et d’opti­misme pour les Australiens ». De plus, « c’est l’un des pays au monde à avoir obtenu les meilleurs résultats sur les fronts sanitaire et économi­que », s’est­il félicité. – (AFP.)

FINANCEMonnaie numérique : Libra se renomme DiemL’association Libra, qui pilote le projet de monnaie numéri­que lancé par Facebook, va se renommer « Association Diem », a­t­elle annoncé mardi 1er décembre, pour marquer l’avancée de ses tra­vaux, a­t­elle mis en avant. L’association, basée à Genève, a également renforcé son équipe de direction. – (AFP.)

TRANSPORTAlstom autorisé à absorber BombardierAlstom a obtenu toutes les autorisations réglementaires nécessaires en vue du rachat du canadien Bombardier Transport, qu’il prévoit de réaliser le 29 janvier 2021, selon un communiqué publié mardi 1er décembre. Cette opération donnera naissance au numéro deux mondial du rail derrière le chinois CRRC. – (AFP.)

Bruno Le Maire pose un ultimatum aux assureurs

N ouveau rappel à l’ordre pour les assureurs. Mardi 1er dé­cembre, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’estentretenu « pour la énième fois » avec les assureurs,

pour leur demander « d’en faire plus » pour soutenir les cafés,l’hôtellerie et la restauration, durement touchés par le deuxièmeconfinement. « J’attends d’eux, au minimum, le gel des primes d’assurance pour tous ces secteurs », a­t­il précisé sur LCI, jugeant « insuffisants » les gestes consentis par la profession. « Aujour­d’hui, je n’ai pas de réponse positive », a­t­il précisé. Pour obtenir gain de cause, le ministre a posé un ultimatum. Il a rappelé quele Sénat avait voté un amendement budgétaire « très brutal » instaurant « un prélèvement de 1,2 milliard sur les assureurs ».

« Je suis prêt à demander à l’Assemblée qu’on trouve quelquechose de plus équilibré, de plus responsable, mais à une condi­tion très simple : que les assureurs fassent un geste significatif en

direction de l’hôtellerie, des cafés et desrestaurants. Ils ont jusqu’à lundi pro­chain pour le faire. » Sinon ? « On adop­tera cet amendement. »

Depuis le début de la pandémie, lesecteur de l’assurance fait l’objet de cri­tiques répétées, accusé de ne pas soute­nir les entreprises frappées par la crise.Dès le mois de mars, Bruno Le Maireavait pris la profession à partie pour luidemander de « participer à l’effort de so­lidarité nationale ». « Les assurancesdoivent être au rendez­vous de cette mo­

bilisation économique. J’y serai attentif », avait aussi déclaré, en avril, Emmanuel Macron. Les assureurs ont conservé la même li­gne : le risque « pandémie » n’est pas assurable, car il touche toutle monde en même temps, ce qui rend la mutualisation impossi­ble. Ces dernières semaines, le secteur a de nouveau été pointé du doigt. En pleine campagne de renouvellement des contrats, tous les assureurs ont décidé d’exclure les pandémies, et donc leCovid­19, de leurs garanties et ont demandé à leurs clients de si­gner des avenants en ce sens.

Plusieurs compagnies ont dans le même temps augmentéleurs tarifs pour 2021, déclenchant la colère de l’Union des mé­tiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH). Dans la foulée, leprésident (ex­LR) de la région des Hauts­de­France, Xavier Ber­trand, s’en est pris dimanche, dans l’émission « BFM Politique »,aux assureurs « bien cachés depuis le début de la crise » du Co­vid­19, estimant qu’ils devaient participer « à l’effort de guerre » pour indemniser les secteurs économiques les plus touchés.

véronique chocron

LE SECTEUR A DÉCIDÉ D’EXCLURE LES PANDÉMIES DE SES GARANTIES DANS LES CONTRATS RENOUVELÉS

« Les entreprisesfrançaises ont envie

de se déployer à l’international »

FRANCK RIESTERministre délégué chargé du commerce extérieur

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0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 économie & entreprise | 27

londres ­ correspondance

D eux faillites specta­culaires, précipitéespar le confinement,secouent les commer­

ces britanniques. Lundi 30 no­vembre, Arcadia, qui possède 500 boutiques, dont l’enseigne très connue Topshop, a déposé le bilan. Le lendemain, mardi 1er dé­cembre, les grands magasins De­benhams, dont Arcadia est juste­ment le premier locataire, ont été mis en liquidation. Au total, 13 000 et 12 000 emplois respecti­vement sont en danger.

Derrière eux, l’inquiétude est devoir de nombreux sous­traitants mettre eux­mêmes la clé sousla porte. « Le risque systémique est énorme », analyse Flemming Bengtsen, le patron de Nimbla,une entreprise qui fait de l’assu­rance­crédit. La situation est par­ticulièrement inquiétante pour Debenhams. Enseigne star desannées 1990, encore aujourd’hui incontournable dans les centres­villes britanniques, ses 124 grandsmagasins sont appelés à fermer définitivement une fois que lesstocks seront écoulés.

« Tout a été essayé pour trouverun repreneur qui assure l’avenirde Debenhams, mais la conjonc­ture économique est extrême­ment difficile, et avec les incertitu­des auxquelles font face les com­

merces britanniques, un accord viable n’a pas pu être trouvé », ex­plique Geoff Rowley, qui s’occupede la procédure de liquidation aucabinet FRP.

Un inquiétant jeu de dominosDebenhams, qui devait fêter ses250 ans en 2022, connaît de sé­rieuses difficultés depuis des an­nées. Il était déjà très endettéavant la crise financière de 2008, n’a pas suffisamment investi et demeure peu présent sur Inter­net. « On savait depuis des années que [la mise en liquidation] allaitfinir par arriver, le Covid n’a fait qu’accélérer le calendrier », ana­lyse David Fox, de Colliers Inter­national, une agence spécialiséedans l’immobilier commercial.

Ian Cheshire, l’ancien présidentdu groupe, évincé lors d’une ré­volte des actionnaires en 2019, n’est pas surpris non plus. « Le problème, et c’était déjà vraiquand j’y étais, est qu’il y a une for­midable entreprise à l’intérieur detout ça, probablement 70 maga­sins et le site Web. Et je suis sûr qu’ily aura un acheteur pour ça », a­t­il confié à Sky News.

Peu après le début de la pandé­mie, en avril, Debenhams avait déposé le bilan, mais les magasinsétaient restés ouverts pendantqu’un repreneur était recherché. Un seul candidat sérieux s’était présenté : JD Sports, une chaîne de

770 magasins, qui flairait la bonneaffaire. Pas de chance, Arcadia est très présent dans Debenhams. Sesmarques Wallis, Dorothy Perkins ou encore Burton (qui apparte­naient à Debenhams dans les an­nées 1980) y possèdent de nom­breuses concessions. Le dépôt debilan d’Arcadia, lundi, a donc changé la donne. Désormais, col­lecter les loyers de ces emplace­ments va être difficile. JD Sports a annoncé dans un communiqué d’une ligne qu’il se retirait du processus de rachat. Debenhams, qui chancelait, s’est effondré.

Cet inquiétant jeu de dominospourrait faire d’autres victimes. M. Bengtsen calcule qu’Arcadia laisse une facture estimée à 250 millions de livres sterling (280 millions d’euros) d’impayés auprès de ses fournisseurs. « En fé­vrier, Arcadia payait ses factures enmoyenne au bout de trente jours.En juillet, c’était quatre­vingt­dix

jours. Désormais, il y aura des im­payés. Si vous êtes Levi’s, vous pou­vez sans doute faire face. Mais si vous êtes une petite maison de mode, ou l’entreprise qui fait le mé­nage, ça risque d’être difficile. »

Centres commerciaux désertésLa chute d’Arcadia et de Deben­hams symbolise le déclin d’une spécialité britannique : les centrescommerciaux situés au cœur des villes secondaires. Construits en grand nombre dans les années 1990, ils sont généralement cons­titués d’une galerie marchande etd’un grand magasin. Aujourd’hui,beaucoup paraissent datés et ils sont de plus en plus désertés.

L’avènement d’Internet et laconcurrence de nouvelles ensei­gnes ont scellé leur sort. « Ce qu’il se passe est l’équivalent d’une ré­volution industrielle, c’est la find’une époque », estime M. Fox, de Colliers International. Ce n’est

pas nécessairement une mau­vaise chose, souligne ce dernier : « Les consommateurs ont aujour­d’hui bien plus de pouvoir qu’au­trefois. Ils peuvent acheter en lignes’il le souhaite. On peut toujoursleur dire d’aller sauver les ma­gasins, ça ne suffira pas à aller contre cette vague. »

Il souligne que certains centrescommerciaux ont su se réinven­ter, en proposant, par exemple, des centres de jeux pour enfants ou des pharmacies, là où l’achat

en ligne n’est pas possible. Demême, John Lewis, autre enseignede grands magasins, qui étaitconsidérée en concurrence de De­benhams il y a quelques décen­nies, reste en relative bonne santé financière, preuve que le déclin n’est pas inéluctable. Elle a su s’im­poser pour la qualité de ses ven­deurs, qui connaissent leurs pro­duits et savent conseiller. Son site Web est également performant.

Mais pour les produits peu cherset où les conseils ne sont pas né­cessaires, Internet est devenu in­contournable. La mode, long­temps épargnée, est désormais touchée de plein fouet. Des sites comme PrettyLittleThing ou Boo­hoo se sont imposés en seulementquelques années. Difficile de se battre contre des shorts en jean à 6,50 livres (7,25 euros) ou une pe­tite robe jaune à 7 livres (prix au 1er décembre sur un de ces sites)…

éric albert

Nouvelle confrontation au sommet de VolkswagenLe patron du constructeur automobile allemand, Herbert Diess, est en conflit ouvert avec le représentant des salariés

berlin ­ correspondance

C hez Volkswagen (VW), lesplaies ne se referment ja­mais vraiment. Le diffé­

rend qui oppose depuis deux ans le patron du groupe, Herbert Diess, au président de la puissante assemblée des salariés, Bernd Os­terloh, s’est de nouveau en­flammé. A tel point qu’une réu­nion de crise a été organisée, dans la soirée de mardi 1er décembre, avec la formation resserrée du conseil de surveillance du groupe, pour calmer temporairement le jeu et éviter un blocage.

C’est Herbert Diess qui a provo­qué le conflit, la semaine dernière. Dans une longue tribune publiée sur le réseau social LinkedIn, di­

manche 29 novembre, intitulé « C’est ainsi que nous changeons Volkswagen », il dresse le bilan de son action de transformation du premier constructeur mondial, qu’il dirige depuis avril 2018. Ses succès, incontestables, mais aussi – fait rare – ses échecs. Il souligne qu’il n’a pas réussi, depuis son en­trée dans le directoire du groupe en 2015, à réaliser son objectif de « changer le système VW », en cas­sant les « vieilles structures encroû­tées ». « J’y suis parvenu à beaucoupd’endroits, pas à d’autres, notam­ment au siège du groupe à Wolfsburg. » Une attaque non voi­lée à l’encontre de celui qu’il consi­dère comme le principal frein de ses réformes : Bernd Osterloh, un syndicaliste au caractère volcani­

que, qui défend bec et ongles les prérogatives du fameux Betriebs­rat (« comité d’entreprise »), excep­tionnelles chez VW. Rien ne se dé­cide contre cet organe de repré­sentation des salariés, qui se con­sidère historiquement comme le copropriétaire du groupe.

Fragile équilibreAuparavant, Herbert Diess avait fait savoir qu’il mettrait son poste en jeu, si le conseil de surveillancene lui accordait pas immédiate­ment la prolongation de son con­trat, qui court jusqu’en 2023. La de­mande est surprenante, car pré­maturée. Normalement, les dis­cussions sur ce sujet débutent un an avant la fin du contrat. M. Diessveut aussi imposer des fidèles à

des postes stratégiques vacants, notamment celui de directeur fi­nancier, bientôt libre. Or, Bernd Osterloh rejette les candidats pro­posés. La demande de M. Diess estun ultimatum posé aux action­naires – la famille Porsche­Piëch(50 % des droits de vote) et le Landde Basse­Saxe (20 %) – pour conso­lider son pouvoir.

De quoi ébranler l’univers Volks­wagen, qui repose sur un équilibrefragile, hérité de l’après­guerre, entre la famille actionnaire, les di­rigeants politiques régionaux et le syndicat IG Metall. Pour M. Diess, cette configuration lourde, aux in­térêts contradictoires, est un obs­tacle majeur à son objectif de pousser le groupe automobile au niveau technologique de Tesla

d’ici à 2024. Dans cet affronte­ment, il estime qu’aucun autre que lui ne peut mener à bien cette transformation. Peu importe que son style de management soit jugé cassant et autoritaire. Con­vaincu de sa mission, il semble ré­pugner de plus en plus à la recher­che de compromis. Le dernier conflit, qui remonte à l’été, s’était pourtant soldé par un échec pour lui. Son prestige auprès de la fa­mille Porsche­Piëch en avait pâli.

Gestion uniqueSelon les informations parues mardi soir dans presse allemande,aucune décision formelle n’a été prise au terme des trois heures d’entretien. M. Diess conserve sonposte, mais il n’a apparemment

pas obtenu la prolongation im­médiate qu’il demandait, ni la no­mination de ses proches. Il est peuprobable que cela permette d’apaiser le conflit durablement.

Le constructeur allemand entre­tient depuis soixante­quinze ans un modèle de gestion unique en son genre. Aucune autre entre­prise du monde ne prend ses déci­sions de cette manière. IG Metall yvoit la raison du succès mondial du groupe, d’autres observateurs jugent qu’elle est au contraire con­damnée à terme, car inadaptée aux évolutions rapides de l’indus­trie automobile. Chaque conflit à la tête du VW rejoue ce débat. Pourl’instant, c’est le statu quo qui l’a de nouveau emporté.

cécile boutelet

Le magasin Debenhams sur Oxford Street, à Londres, mardi 1er décembre. HENRY NICHOLLS/ REUTERS

Au total, ce sont25 000 emplois

qui sont en danger. Et de

nombreux sous-traitants aussi

Au Royaume­Uni, deux faillites spectaculairesLe groupe Arcadia, qui possède les magasins Topshop, et l’enseigne Debenhams mettent la clé sous la porte

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28 |management JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

CARNET DE BUREAU CHRONIQUE  PAR  ANNE  RODIER

LES POLITIQUES DU HANDICAP

LIVRE

L ongtemps perçu sous leseul angle médical, lehandicap est aussi uneréalité sociale, souvent

synonyme de pauvreté, de défaut d’accessibilité, et d’absence de pouvoir. Qu’est­ce que la recon­naissance des droits par l’action publique change à l’expérience sociale du handicap ? Les droits ont­ils des effets réels sur la vie des individus ? Dans Des Droits vulnérables, Anne Revillard s’inté­resse aux conséquences des poli­tiques du handicap sur la concré­tisation des droits.

« L’expérience du handicap est à lafois celle de certaines caractéristi­ques physiques, sensorielles, cogni­tives ou psychiques induisant des capacités durables, et celle du trai­tement social qui leur est associé », souligne la sociologue. Les politi­ques publiques affectent ces deuxdimensions : les politiques de santé touchent aux aspects médi­caux, tandis que de nombreuses autres politiques ont une inci­dence sur les aspects sociaux.

L’ouvrage examine le rôle quejouent ces politiques dans la con­crétisation des droits des person­nes en situation de handicap. Ils’appuie sur des entretiens bio­graphiques de dix­sept femmeset treize hommes, âgés de 23 ans à 75 ans. La moitié d’entre euxont une incapacité visuelle, etl’autre une incapacité motrice.Les origines sociales et tranches

d’âge sont diverses, et les ni­veaux d’études vont du brevet(ou moins) au doctorat. Un tiersdes personnes interrogées vi­vent uniquement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) etsont très éloignées du marchédu travail, les autres ont des em­plois de différents degrés de sta­bilité et de prestige, du travail ensecteur protégé au professeur d’université.

Education et travailLes deux premiers chapitres sui­vent le cycle de vie des personneset abordent l’éducation et le tra­vail. La question des droits relatifsau travail « cristallise les ambiva­lences des politiques du handicap :entre hypothèse d’inaptitude autravail ouvrant droit à des presta­tions d’assistance et promotion de l’insertion professionnelle, entre travail protégé, quotas et antidis­crimination. » Le secteur du tra­vail illustre la portée contrai­gnante et habilitante de l’actionpublique. D’un individu à l’autre, un instrument d’action publiquedonné peut être aussi bien perçucomme une contrainte que comme une ressource.

Les deux chapitres suivants con­sacrés aux politiques sociales et à la mobilité analysent comment la « réception » de l’action publique« participe de la (non­)concrétisa­tion des droits ». Du point de vue des individus, l’action publique peut être décrite non seulement à partir de ses effets, mais aussi des

usages dont elle fait l’objet. Les personnes n’ont pas toujours re­cours aux prestations sociales auxquelles elles sont éligibles. El­les utilisent les dispositifs d’unecertaine manière, et parfois les re­fusent, les contournent ou les con­testent. Effets et usages de l’action publique « gagnent donc à être étu­diés conjointement ».

Dans le champ du handicap,l’idée de vulnérabilité est plus cou­ramment associée aux personnes qu’à leurs droits. Or, ce sont les droits qui méritent ce qualificatif : souvent imprécis dans leur ins­cription juridique, ils souffrent de défauts majeurs d’effectivité. Face à ces droits bien imparfaitement réalisés, « les individus protestent et agissent, négocient bricolent, aménagent pour rendre leurs droits plus concrets, et dans le même mouvement, pour s’affirmer comme des sujets de droits ».

margherita nasi

DES DROITS VULNÉRABLESd’Anne Revillard. Editions Sciences Po Les Presses, 160 pages, 23 euros

Recrutement : les Ehpad et les hôpitaux s’organisent pour « tenir »Face à une crise durable, les établissements de santé modifient leurs stratégies d’embauche

L es aides­soignantes et lesinfirmières ? Tout lemonde se les arrache ! »Dans cet établissement

d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du Sud­Ouest, la directrice consulte chaque matin avec anxiété les ré­ponses aux offres d’emploi qu’ellea diffusées. Les retours sont peu nombreux. Les besoins sont pourtant urgents, afin de soula­ger des équipes qu’elle dit « exté­nuées ». Mais les profils recher­chés sont rares et la concurrence fait rage entre établissements (hô­pitaux, Ehpad, etc.).

Le phénomène n’est pas nou­veau : le marché de l’emploi est en tension dans les Ehpad depuis de nombreuses années. Mais la crise liée au Covid­19 a donné une am­pleur inédite à ces difficultés.

Au cœur de la seconde vague,beaucoup d’établissements souf­frent. « Les équipes sont épuisées par le traumatisme du printemps, constate Florence Arnaiz­Maumé, déléguée générale du Syndicat na­tional des établissements et rési­dences privés pour personnes âgées (Synerpa). Dans le même

temps, si les tests réguliers nous permettent d’avoir une vision pré­cise du personnel contaminé, ils peuvent entraîner des diminutions rapides d’effectifs avec la détection de cas asymptomatiques qui sont placés en septaine. Un établisse­ment peut perdre un quart de son personnel en quelques jours. »

Face à l’augmentation de l’ab­sentéisme dans certaines struc­tures, des dispositifs ont été mis en place. « Les professionnels libé­raux bénéficient par exemple d’une mesure incitative : leurs ac­tes sont surcotés lorsqu’ils nous prêtent main­forte en Ehpad », ex­plique Mme Arnaiz­Maumé. Les pouvoirs publics souhaitent, par ailleurs, lancer des formationscourtes, de deux semaines, pour que des agents puissent rapide­ment épauler les aides­soignants dans leurs missions.

Le Synerpa a en outre travaillésur la question de la formation : ila conçu en Occitanie un cursusde trois mois pour devenir « ac­compagnant en gérontologie » et demande aujourd’hui qu’il soit reconnu à l’échelle nationale.

Salaires à la hausseLes établissements peuvent aussi recourir à l’intérim. « Mais ce n’est pas toujours possible, constate Di­dier Meyrand, directeur de l’Eh­pad Les Monts­du­Matin, dans la Drôme. Les agences avec lesquellesnous travaillons subissent égale­ment la tension actuelle : elles n’ontplus un seul candidat aide­soi­gnant ou infirmier. » Comment, dès lors, recruter ?

L’arrivée de la deuxième vaguel’a convaincu de se saisir du le­vier de la rémunération. Les sa­laires proposés ont été revus à la hausse : 1 800 euros net par moisau minimum pour un aide­soi­gnant (contre 1 600 euros net jusqu’alors), 2 200 euros net au minimum pour un infirmier. Le dispositif a fonctionné : des re­

résignés. Et il y a beaucoup delassitude, d’épuisement. »

Son interrogation fait écho àune autre, posée dans de nom­breux établissements : comment tenir sur le long terme ? Car au­delà du reflux de la deuxième va­gue, la tension restera forte sur lesprofessionnels de santé durant encore de long mois. C’est toute laquestion de l’accompagnement des équipes en place qui se pose donc aujourd’hui.

Des équipes exposées, commele note Simon Lefebvre, le DRH duCentre hospitalier d’Avignon : « Dans ce contexte de crise, les changements de service que nous pratiquons sont très impactants et stressants pour le personnel. Il fautintégrer une équipe, un environne­ment de travail, se saisir de techni­ques parfois nouvelles. » Pour « te­nir sur la longueur », il s’appuie notamment sur le « renforcement des équipes » orchestré depuis lemois d’août. « Nous cherchons aussi à prévenir l’épuisement en es­sayant de limiter les suppressions de congés et en ménageant les temps de repos », poursuit­il.

Comme dans de nombreux éta­blissements, l’accompagnement consiste également à apporter une écoute aux soignants. « Nous avons renforcé les maraudes depsychologues, qui sont présents dans les services de manière infor­melle », poursuit M. Lefebvre.

Le CHI d’Elbeuf a par ailleurscherché à soutenir les médecins.Le comité éthique du centre hos­pitalier a ainsi créé une cellule consacrée aux prises en charge des patients atteints du Covid, qui fournit une aide au raisonne­ment médical. Elle permet uneréflexion et une prise de décision collectives, afin de ne pas faire porter aux médecins, seuls, lepoids de certains choix. Et de ten­ter ainsi de limiter l’apparition detroubles psychologiques.

françois desnoyers

LES CHIFFRES

80 %C’est la part des établissements hospitaliers publics cherchant activement à renforcer leurs ef-fectifs durant la seconde quin-zaine d’octobre (enquête Fédé-ration hospitalière de France).

+ 1,8 %C’est l’augmentation de l’absen-téisme dans les Ehpad du secteur public hospitalier en 2020 (de janvier à septembre), par rapport à 2019, selon la même enquête.

AVIS D’EXPERT | GOUVERNANCEL’avenir de l’actionnariat familial

D ès ses origines, le capitalisme s’est dé­veloppé dans la matrice de l’institutionfamiliale, qui garantissait la confiance

dans les échanges économiques. Au début du XIXe siècle, le droit ne fit que renforcer cette symbiose : le code civil institua en même tempsles sociétés commerciales et la famille dite « nucléaire ». Cette dernière fut réduite à la li­néarité directe entre ses membres, centrée sur les parents, avec les grands­parents en amont etles enfants en aval.

La loi fit ainsi disparaître la communauté fami­liale élargie mais elle renforça l’institution fami­liale pour en faire le cœur de la société civile. Le nom de famille était une garantie morale auprèsdes tiers et le « père de famille » devait en assurerla respectabilité. Parallèlement, la société com­merciale fut promue comme l’institution­clé de la dynamique capitaliste. Elle fut conçue commeun véhicule juridique permettant l’accumula­tion du capital par transfert générationnel et conservation dans les mêmes familles.

En toute logique, la société en commanditefut la forme juridique dominante, pendantplus d’un siècle : dirigée par un gérant ayant lestatut de commerçant, elle imposait à celui­cid’engager ses biens propres en cas de faillite del’entreprise. Une telle responsabilité person­nelle était d’autant plus grande que l’entrepre­neur hypothéquait le patrimoine familial dansla durée, son capital étant reçu et transmis parhéritage. Le nom des familles témoignait deleur implication sur le long terme et garantis­sait la pérennité des entreprises au point dedevenir celui des entreprises elles­mêmes : Wendel, Renault ou Krupp.

Ce capitalisme d’héritage déclina dès le débutdu XXe siècle. Le montant des investissements nécessaires à la production de masse dépassait les capacités des familles ou leur faisait courir unrisque économique trop grand. Beaucoup com­mencèrent à diversifier leur patrimoine dans

des holdings financières. Plus radicalement, l’es­prit démocratique contesta le bien­fondé d’un pouvoir capitaliste acquis selon l’antique droitde succession. De garant de la pérennité, le capi­tal reçu en héritage apparut comme le reliquat d’un régime paternaliste arbitraire et dépassé.

C’est alors que la société anonyme s’est impo­sée : ni l’actionnaire ni le dirigeant ne sont res­ponsables sur leurs biens propres. Sans attaches,ils peuvent entrer et sortir de l’entreprise en uti­lisant le jeu du marché. Parallèlement, parce queles actionnaires sont devenus anonymes et que leur responsabilité se limite à leurs apports fi­nanciers, la demande de responsabilité s’est dé­placée vers les entrepri­ses elles­mêmes. D’où l’exigence contempo­raine d’une responsabi­lité sociale des entrepri­ses (RSE) associée désor­mais à une mission.

Pour autant, mêmedans les sociétés anony­mes, l’actionnariat des entreprises reste massi­vement familial et la fa­mille demeure l’institution sociale de référencedans l’opinion. Ce paradoxe invite à réfléchir sur l’avenir d’un pouvoir actionnarial fondé surl’héritage. S’il se réduit à un simple transfert gé­nérationnel de patrimoine en vue de rentes, ilachève de perdre toute légitimité. Mais si l’héri­tage est assumé comme une charge engageantà maintenir un projet social, des savoir­faire ou une communauté de travail, l’actionnariat fa­milial apporte aux parties prenantes une cau­tion de continuité dans la durée. Dans une so­ciété fractionnée et rongée d’incertitudes, cette forme de gouvernance ancienne pourrait trou­ver dès lors une nouvelle pertinence.

Pierre­Yves Gomez est professeur à l'EM Lyon

LA FAMILLE DEMEURE L’INSTITUTION SOCIALE DE RÉFÉRENCE DANS L’OPINION

L’ année 2021 verra un nouveau pont construit entreles métiers en tension et la demande d’emploi enfacilitant le passage des salariés d’une branched’activité à une autre sur un même territoire. Le

ministère du travail a lancé, samedi 28 novembre, un appel à « manifestation d’intérêt » pour déployer un nouveau disposi­tif dans des bassins d’emploi pilotes : les « transitions collecti­ves », annoncées par le gouvernement le 26 octobre. La phaseexpérimentale commence en ce mois de décembre.

Le dispositif ne s’adresse pas aux chômeurs mais aux sala­riés dont les emplois sont menacés. Il s’agit de leur éviter lacase chômage. Destinée à financer des formations longues(jusqu’à vingt­quatre mois) ou certifiantes, cette innova­tion pourrait être bienvenue face au risque de casse sociale du printemps prochain. « Les premières restructurationslourdes arrivent depuis septembre. Le fait qu’il y ait unedeuxième vague sanitaire risque d’augmenter le besoin en6reconversions », estime Jean­Marie Thuillier, directeur des

mobilités collectives chez BPI Group. Se­lon le dernier bilan du ministère du tra­vail, 657 plans de sauvegarde de l’emploi(PSE) ont été initiés depuis mars, pour plusde 67 000 ruptures de contrat envisagées.« C’est moins compliqué d’organiser unetransition d’un métier à un autre à l’inté­rieur d’un même territoire qu’entre deuxterritoires différents. Notre volonté est derendre ce dispositif intelligible, accessible »,a indiqué à l’agence de presse AEF le prési­dent délégué du Medef, Patrick Martin,

soulignant l’intérêt de cette nouvelle approche.Les partenaires sociaux se sont entendus début novembre

pour finaliser le projet. « Les “transitions collectives” s’inscri­vent dans une forme de dialogue social entre les territoires, les entreprises et les salariés, explique Jean­Marie Thuillier. Pour être éligibles, les entreprises [de plus de 300 salariés] doivent signer un accord collectif. » Sur une plate­forme territoriale, elles transmettent le nombre de leurs emplois menacés aux associations Transitions pro de leur région, qui vont recenserl’ensemble des besoins pour organiser les transitions profes­sionnelles avec l’appui des opérateurs de compétences (OPCO). Chaque région aura la liste des métiers dits « por­teurs ». Le salarié est attendu « sur la base du volontariat », précisent les syndicats. Jusqu’à la fin de sa formation, il reste sous contrat avec son entreprise.

La généralisation des « transitions collectives » est prévuedébut 2021. Le dispositif, lancé au pas de charge, est doté d’unbudget de 500 millions d’euros, pour couvrir la rémunéra­tion des salariés et le coût des formations. Le financement estpris en charge par l’Etat, à 40 % pour les entreprises de plus de1 000 salariés, à 75 % à partir de 300 salariés, et à 100 % des TPE aux PME. Quel que soit son succès, « ça remet du budget dans la reconversion professionnelle », salue M. Thuillier.

LE DISPOSITIF NE S’ADRESSE PAS AUX 

CHÔMEURS MAIS AUX SALARIÉS 

DONT LES EMPLOIS SONT MENACÉS

Un clip posté sur les réseauxet présentant

les services d’uncentre hospitalier

a permis de recevoir 160 CV

2021, année des « transitions collectives » ?

crutements ont rapidement pu se concrétiser.

Les difficultés observées dansles Ehpad se retrouvent dans nombre d’hôpitaux français. Aucentre hospitalier intercommu­nal (CHI) d’Elbeuf­Louviers­Val de Reuil (Seine­Maritime), ladeuxième vague a pris de l’am­pleur alors que l’établissement tentait, avec peine, de recruter. Face à l’urgence, il a cherché,comme d’autres organisations, à renouveler ses pratiques.

Pour gagner en visibilité, le CHIa envoyé une « bouteille à la mer » : un clip présentant ses ser­vices et invitant à rejoindre ses équipes a été posté sur les réseauxsociaux. Il a permis de recevoir 160 CV. « Une vingtaine de recrute­ments sont en cours », précise­t­onau centre hospitalier, où l’on se dit« soulagé ».

Au centre hospitalier d’Avi­gnon (Vaucluse), très touché parla deuxième vague, on a aussi connu des tensions sur le recru­tement. L’établissement s’estappuyé sur plusieurs levierspour tenter d’adapter ses res­sources aux besoins : embauchede contrats courts depuis août,retour de retraités mais aussid’agents suivant une formationou de syndicalistes renonçant àleur détachement… L’hôpital atenu. « Mais après ? », s’interrogeChristophe Del Rey, secrétairegénéral FO du site. « Les gensviennent au combat mais sont

Page 29: Le Monde - 03 12 2020

0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 carnet | 29

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M. Jean-Marc Amigues,son neveuainsi que son épouse, Hélèneet leurs enfants, Pascaline, Sophie,Nathalie et Philippe,Mme Isabelle Amigues,

sa nièce,ainsi que sa fille, Claire-Agathe,Les familles Aubert, Seignobosc,

Amigues, Giraud, Perben,

ont la douleur de faire part du décèsde

M. Jacques AUBERT,docteur ès lettres,professeur émérite

de l’université Lyon 2,

survenu le 28 novembre 2020,à l’âge de quatre-vingt-huit ans.

La cérémonie religieuse aura lieule lundi 7 décembre, à 9h 30, en l’égliseNotre-Dame-du-Point-du-Jour, Lyon 5e,suivie de l’inhumation dans le caveaufamilial à l’ancien cimetière de Tassin-la-Demi-Lune (Rhône).

Ils rappellent à votre pieuxsouvenir, son père,

Ernest,

décédé en 1965,

sa mère,

Angèle SEIGNOBOSC,

décédée en 1985,

son fils,

Laurent,

décédé en 2018,

sa sœur,

Michèle AMIGUES,

décédée en 2009,

son épouse,

Yvonne,

décédée en 1996

ainsi que sa seconde épouse,

Danièle,

décédée en 2018.

Pôle Funéraire Public,Agence Berthelot,Tél. : 04 72 76 08 18.

Emily et Samuel,sa fille et son petit-fils,Monique,

sa sœur,Toute sa famille,Ses amis,

ont l’infinie douleur de faire partdu décès de

Pierre BEUCHOT,

survenu le 27 novembre 2020,à l’âge de quatre-vingt-deux ans.

L’inhumation aura lieu le lundi7 décembre, à 16 h 30, au cimetièrede la Pommeraye, à Saint-Désir(Calvados).

Pour celles et ceux quisouhaiteraient lui rendre un dernierhommage, la mise en bière aura lieule vendredi 4 décembre, à 10 heures,au funérarium de l’hôpital Foch,à Suresnes.

[email protected]

Saint-Marc-Jaumegarde.

Bernadette Augé, dite Dadou,son épouse,Antoine et Juliana,Pauline et Alexandre,

ses enfants,Jules et Victor,

ses petits-enfants,Bruno et Nathalie,

ses frère et sœur,Denise, Yannis et Thierry,

ses belle-sœur et beaux-frères,Ses amis,

ont la douleur de faire part du décèsde

Alain BLANC,

survenu le 27 novembre 2020,à Marseille,à l’âge de soixante-treize ans.

Les obsèques auront lieu le4 décembre, au crématorium d’Aix-en-Provence, dans la stricte intimitéfamiliale, en raison du contextesanitaire.

Nous nous retrouverons auxbeaux jours, lorsque nous pourronsnous embrasser et nous serrer dansles bras, pour rendre hommage à samémoire.

Cet avis tient lieu de faire-part.

[email protected]

Paris.

M. François-Xavier Dousset,son fils,

a la profonde tristesse d’annoncerle décès de

Mme Marie DOUSSET,néeMABBOUX,

survenu le 27 novembre 2020.

De la part de

Ses amis,

Martine DURAND,

nous a quittés, dans la nuit du29 au 30 novembre 2020.

Nous l’aimions pour sa générositéà nulle autre pareille.

Nous l’aimions pour son sacrécaractère à nul autre pareil.

Nous l’aimions.

Anne-Sophie, Eraliyahet Eva-Calixte,ses petites-fillesAinsi que le restant de la famille

Ebongué,

ont la tristesse de faire part du décèsde

Pierre EBONGUÉ JONG,né à Bonajinje (Cameroun),

le 22 février 1947,

survenu le 22 novembre 2020,à Vitry-sur-Seine,à l’âge de soixante-treize ans.

Je ne vous ferai pas ici unebiographie de mon grand-père. Lesgens qui le connaissaient sesouviennent d’un homme joyeux,honnête, généreux, drôle etcourageux, qui a toujours été présentpour ses enfants et a comblé magrand-mère de bonheur. Et nous,ses petites-filles, nous avons reçutellement d’amour et d’attention,qu’il est difficile d’imaginer la viesans lui. J’avais encore besoin de toià mes côtés, je ne sais pas si je m’enremettrai un jour, mais sache que jet’aime et tu resteras à jamais dansmon cœur.

À toi notre grand-père, un hommerayonnant et rieur, indissociable deson travail. Tu as toujours été unimmense passionné, tu as su avecbrio me transmettre ta passion. Jen’oublierai jamais l’expression debonheur que tu as eue quand je t’aiannoncé que je voulais suivre testraces. Oui, tu étais indissociable dumonde de la Presse, on le voyait dèsqu’on entrait dans ta maison : dansun cadre doré au premier plan, toncadeau de départ à la retraite, unarticle fait par tes collègues, lesymbole d’une passion et d’unefierté qui ne t’ont jamais quitté.

Au grand homme qu’était notregrand-père, qui, par sa bienveillance,a su nous guider tout au long de savie. Qui a su nous épauler et nousinciter à toujours donner le meilleurde nous-même, et ce quelle quesoit la situation. Qui prenait soinde tout le monde et qui veillaitparticulièrement à nous et à notrebien-être, je sais que tu continueras àle faire de là-haut. Tu étais toujoursfier de nous, ce qui faisait notreforce. Tu nous avais promis de ne pasnous laisser si vite, la vie en a décidéautrement… Ton sourire resteragravé dans nos mémoires. Tu nousmanqueras énormément à tous.

Tes trois petites-fillesEt toute la famille Ebongué.

[«Le Monde» et l’ensemble de sesanciens collègues présentent à sa familleleurs plus sincères condoléances.]

Anne Fourneuf,son épouse,Brigitte, Martine et Frédéric,

ses enfants,

ont la douleur de faire part du rappelà Dieu de

Charles-Louis FOURNEUF,

le 29 novembre 2020.

La cérémonie religieuse aura lieule lundi 7 décembre, à 14 h 30, enl’église de Saint-Paul-de-Loubressac(Lot).

Daniel,sonmari,François, Laurent, Antoine,

ses enfants,Marion, Alice, Zoé, Jeanne, Clara,

Elia,ses petits-enfants,

ont la douleur de faire part du décèssoudain, de

Mme Anne GERMA,néeMEYRIAT,ancienne élève

de l’École normale supérieurede Cachan,

professeure des Universités,

survenu le 29 novembre 2020,à l’âge de soixante-seize ans.

Paris (France). Brasilia (Brésil).

Marc Girard,son père,Anik Globa,

sa mère,Larissa,

son épouse,Luana et Mathieu,

ses enfants,Alice et Lucas,

ses petits-enfants,Frédéric, Christophe et Clara,

ses frères et sa sœur,L’ensemble de sa famille

et de ses amis,

ont la douleur de faire part du décèsde

Manuel Henri GeorgesGIRARD,

survenu brutalement à soixante etun ans, le vendredi 27 novembre2020, à Brasilia.

La cérémonie de crémation a étécélébrée au Jardim Metropolitano,Valparaiso, dans la région de Brasilia.

La famille remercie toutes lespersonnes qui s’associent à sa peine.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Marianne Harth

annonce avec tristesse le décès deson époux,

Jean-Bernard HARTH,ancien ambassadeur de Franceen Lituanie et en Ouzbekistan,

survenu le 30 novembre 2020,à la suite d’une longuemaladie.

Marianne Harth,Rue deMadame-Bouquey,33330 Saint-Émilion.

Nous avons l’immense douleurd’annoncer le décès du

docteurSylvie LAPUYADE-WANG,psychiatre, psychanalyste,

survenu brutalement le mardi24 novembre 2020, à Paris.

Sa famille.

Jean-Claude, Jean-Luc et Yves,ses frèresAinsi que Anouck,

sa compagne,

ont la tristesse de faire part du décèsde

Jean-Pierre MANENTI,

survenu le 29 novembre 2020,à l’âge de cinquante-trois ans.

L’incinération aura lieu le samedi5 décembre, à 10h 30, au crématoriumde Cannes (Alpes-Maritimes).

Pierre Michel,son compagnondepuis cinquante ans,Pierre et Denis Guérin,

ses fils,Sa familleEt ses amis,

ont la très grande douleur de fairepart du décès de

Mme Janie MICHEL,née FROSTIN,

ancienne présidenteet présidente d’honneurde la Fédération nationale

solidarité femmes,ancienne présidente

du planning familial 49pendant un quart de siècle,

qui s’est éteinte paisiblement, le29 novembre 2020, à Angers, à l’âgede quatre-vingt-dix ans.

Un dernier hommage lui serarendu le lundi 7 décembre, à 15 h 30,au crématorium de Montreuil-Juigné, près d’Angers.

Une grande âme s’en est allée.Son engagement féministe a étéexemplaire. Sa générosité, sondévouement, sa joie de vivre,sa cordialité et son rire nousmanqueront terriblement.

Paris.

Dominique Kondracki, née Davet,son épouse,Vital Kondracki,

son filset son conjoint, David,Chloé et Antoine,

ses petits-enfants,Nicolas, Nathalie et Sophia,

ses neveuxet leurs enfants,

ont la tristesse de faire part du décèsde

Thomas OSTOYA KONDRACKI,artiste peintre et sculpteur,

survenu le 26 novembre 2020,à Paris,à l’âge de quatre-vingt-sept ans.

Une bénédiction sera donnée enl’église Saint-Sulpice, Paris 6e, le jeudi3 décembre, à 10 h 30, suivie del’inhumation au cimetière parisiende Bagneux (Hauts-de-Seine).

Cet avis tient lieu de faire-part.

7, rue Corneille,75006 Paris.24295 Roma Ridge Dr,Novi, MI 48374(Etats-Unis).

Mme Jeanine Pétry,son épouse,M. Marc Pétry,

son épouse, Mme Jane MacKinnonet leurs enfants,Le capitaine (er) Frédéric Pétry,

son épouse, Nathalieet leurs enfants,Le colonel Hervé Pétry,

son épouse, Cécileet leurs enfants,Mme et M. Véronique et Rémy Lo

Piccoloet leurs enfants,Les familles Pétry, Réess,Parents alliés et amis,

font part du décès du

colonel (h) Serge PÉTRY,Saint-Cyr, promotion Bir-Hakeim

1961-1963,chevalier de la Légion d’honneur,chevalier de l’ordre national

duMérite,croix de la Valeur militaire,

dans sa quatre-vingtième année.

Les obsèques ont été célébréesle samedi 21 novembre 2020, enl’église de Poey-de-Lescar (Pyrénées-Atlantiques).

Gérard Machline,son beau-fils,Prosper Abittan, Katalin Gàl,

Colette Lecompte, Liliana Sferlea,Ibolya Virag, Eszter Vince,ses amis proches,

ont la profonde tristesse de faire partdu décès de

Thomas Tibor SEBESTYEN,directeur généraldu groupe Express,

président directeur généraldu quotidienMagyar Nemzet,président directeur généraldu conseil d’administration

de la SA Didot-Bottin,

survenu le 30 novembre 2020, aucours de sa quatre-vingt-quatorzièmeannée.

Son corps ayant été donné à lascience, il n’y aura pas de cérémonied’obsèques.

[email protected]

Perla Servan-Schreiber,son épouse,Pascaline, Florence, Eric et Camille,

ses enfantsainsi que leur mère, Claude Servan-Schreiber,et leurs conjoint(e)s,Arthur, Pénélope, Luc, Nicolas,

Léon, Alma, Théo et Zacharie,ses petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décèsde

Jean-LouisSERVAN-SCHREIBER,

Pater familias,journaliste,

patron de presseet essayiste,

survenu à Paris,le 28 novembre 2020,à l’âge de quatre-vingt-trois ans.

Les obsèques auront lieu dansl’intimité familiale.

[email protected]

Francis EsmenardEt les Éditions Albin Michel,

ont la tristesse de faire part du décèsde

Jean-LouisSERVAN-SCHREIBER,

auteur et ami,

survenu le samedi 28 novembre 2020,à l’âge de quatre-vingt-trois ans.

Ils s’associent à la douleur de safamille et de ses proches.(Le Monde du 1er décembre.)

Envie d’être utile ? Rejoignez-nous !

Les bénévoles de SOS Amitiéécoutent

par téléphone et/ou par internetceux qui souffrent de solitude,demal-être et peuvent avoirdes pensées suicidaires.

Nous recherchons des écoutantsbénévoles

sur toute la France.L’écoute peut sauver des vies

et enrichir la vôtre !Choix des heures d’écoute,

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En IdF RDV surwww.sosamitieidf.asso.fr

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La Fédération des Aveuglesde France

rend hommageà ses généreux bienfaiteurs.

En désignant notre associationcomme bénéficiairede leur patrimoine,

ils contribuent à améliorerla vie quotidienne

des personnes aveugleset malvoyantes.

Leur mémoire restera à jamaisancrée dans nos souvenirs.

Nous ne les oublierons jamais.

Fédération des Aveuglesde France,

6, rue Gager Gabillot,75015 Paris.

Tél. : 01 44 42 91 91.

Remerciements

Communication diverse

Page 30: Le Monde - 03 12 2020

30 |disparitions JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

20 JUIN 1934 Naissance à Lyon1961 Premier album « Anne Sylvestre chante »1962 « Fabulettes »1974 « Les Pierres dans mon jardin »2007 « 50 ans de chansons »2013 « Juste une femme »2014 Publie « Coquelicot, et autres mots que j’aime » (Points)2020 Tournée « Nouveaux manèges »30 NOVEMBRE 2020 Mort à Paris

Anne SylvestreChanteuse et compositrice

A nne Sylvestre étaitdrôle, on l’avait pres­que oublié, tellementelle râlait. Pourtant,

souvent, elle pouffait, avec un énorme sourire, l’œil vert et mali­cieux. Elle se moquait, d’elle­même en premier lieu, fustigeaitavec humour un monde peuplé « d’étagères qui se prennent pourdes gens/Tout bien rangé dans la tête ». Sa préférence allait à « ceux qui doutent, ceux qui paniquent », les dubitatifs professionnels, tousceux qui « font voguer les incerti­tudes sur des flottilles de papier ».Elle aimait les adolescentes casse­pieds qui se mettent en anorak sur la plage, les nanas qui ratent les mayonnaises, ou leur ma­quillage. Elle aimait ceux dont la tête ressemble à des épiceries devillage, avec, « sur leurs rayons, du fil, des harengs, des poires, des cornichons, des histoires, des tue­mouches, des crayons, même pas en rang d’oignons ».

Née à Lyon, le 20 juin 1934, AnneBeugras, dite Anne Sylvestre, a quitté ce monde si compliqué, le 30 novembre à Paris, à l’âge de86 ans.

Anne Sylvestre a écrit une gale­rie de caractères, les a chantés de sa drôle de voix blessée, et pres­que trop forte, avec des mots cise­lés, des rimes à l’ancienne. Son humanité portait des noms, Jules,Simone, Charlotte, Pierre­Jean, Clémence, Honoré, Xavier… Etpuis Richard, son arrière­arrière­grand­père, chef de gare boiteuxqui adorait les bateaux, comme elle qui découvrit, adolescente,autour de l’archipel des Glénans, qu’il y avait une vie après la hontedu vichysme.

« Brassens en jupons »En 1955, la guerre d’Indochinevient de se terminer, celle d’Algé­rie commence. A 21 ans, excel­lente élève d’hypokhâgne, et adepte du scoutisme, elle est aux Glénans, rude école de voile, créée après la guerre par la gaucherésistante, « spartiate à cette épo­que », disait­elle. Bivouac sous tentes militaires, bateaux tirés à la main, « on prévenait les filles que ce serait dur ». Elle joue de la guitare. « Avec un type qui avaitune clarinette, on avait composé Drenec Blues », du nom de l’île où l’école a alors installé ses quar­tiers – la chanson deviendra,en 1963, Les Amis d’autrefois.

On lui donne le numéro de télé­phone de Michel Valette, le patrondu cabaret parisien La Colombe, où elle débute en 1957, « après un an d’hésitations » et de timidité. Elle a changé de nom, elle s’ap­pelle Sylvestre. A La Colombe pas­sent, en guest stars, Serge Gains­bourg, Brigitte Fontaine, Léo Ferréet Jean Ferrat et, en vedette, Hélène Martin et Guy Béart. Entre rive gauche et rive droite, l’effer­vescence est à son comble. Brel ap­prend son métier à L’Echelle de Jacob, Devos s’amuse aux TroisBaudets, comme Georges Bras­sens ou Juliette Gréco. « Sur scène, confiait Anne Sylvestre au Monde, en 1998, j’étais morte de peur. J’arri­vais comme ça, sans maquillage, en jupe plissée. J’avais un ciré jauneet trois couches de pulls en dessous.Il fallait couvrir le bruit des dîneurs,il n’y avait pas de micro, juste de la place pour la guitare et le tabou­ret. » Son père vient la soutenir.

Cheveux longs et frange aufront, elle s’encanaille avec Boby Lapointe jusqu’à l’aube. « J’avais froid. J’étais enceinte, sans voiture ni téléphone. J’habitais à Saint­Mi­chel­sur­Orge [Essonne], il fallait que j’attende le premier train, alors on tuait le temps dans un bar, Aux autobus. » En 1959, Anne Sylvestre sort son premier 45­tours, chez Philips, où Jacques Canetti, patron des Trois Baudets et frère de l’écri­vain et Prix Nobel (1981) Elias Canetti, exerce les fonctions de

directeur artistique. Tout y est déjà : La Porteuse d’eau, Ma­ryvonne, Philomène. Vedette amé­ricaine de Jean­Claude Pascal à Bo­bino, de Bécaud à l’Olympia, puis en solo, partout où le music­hall secrée, Anne Sylvestre est plébiscitéepar son public et reçoit des récom­penses, notamment, le fameux Grand Prix international du dis­que de l’Académie Charles­Cros.

Mais voici qu’arrive la déferlanteyéyé, et ses teenagers qui inven­tent les twists et les covers de tu­bes américains. Gréco et Barbararésistent. Mais « la Brassens en ju­pons » – l’appellation amusait Brassens, qui aimait sa poésie et lasobriété de son interprétation – fuit le procès en sorcellerie qui estalors fait au style rive gauche.

Drame artistique personnelAnne Sylvestre n’a pas toujours eu la place qu’elle méritait dans lachanson française. Il est vrai qu’elle n’a pas tout fait pour. Elle n’était pas tous les jours de bonnehumeur. « Quand ell’naquit,c’était déjà un bébé qui n’rigolait pas… Et plissant d’un air indécis son nez légué par un aïeul, ell’f’saitla gueule », chantait­elle dans Les Arbres verts (1998). Son nez, jugé imposant, ne fut pas refait. « Co­quatrix [le patron de l’Olympia], avouait­elle dans un entretien au Monde de la musique, en 1978, me disait : “N’entrez pas sur le côté, on vous verrait de profil.” Un homme, ça a le droit d’avoir de grandesoreilles et de dire merde, et on mereproche encore de mettre de vi­lains mots dans mes chansons. »

Autre sujet épineux, générateurde grogne et de fractures : Les Fabulettes, dix­huit volumes de chansons pour enfants, soutenuespar toutes les écoles de France, dont les ventes se comptent en millions. Les Fabulettes devinrent un drame artistique personnel. Non pas qu’elle les reniait, elle les aimait, mais l’autrice­compositri­ce­interprète a détesté y être exclu­sivement identifiée, alors qu’elle avait écrit près de quatre cents chansons « adultes », dont des chefs­d’œuvre tels que Lazare et

Cécile, Les Gens qui doutent, Ma­ryvonne… Vingt­quatre albums originaux, plus de 3 000 specta­cles, le tout étouffé par Chanson pour sauter à la corde…

« On a dit : quand Anne Sylvestre aeu moins de succès, elle s’est reclas­sée dans la chanson pour enfants. Faux. Ce sont deux répertoires dis­tincts, deux activités parallèles. J’ai commencé à chanter en 1957 et, dès1961, je me suis mise à écrire des chansons pour les enfants, par plaisir et pour ma fille. Parce que je voulais retarder la crétinisation… En 1963, pour me faire plaisir, Phi­lips avait accepté d’enregistrer un 45­tours où il y avait Veux­tu mon­ter sur mon bateau, Hérisson. Je savais ce qui est au centre des pré­occupations quotidiennes des en­fants, le rôle du vélo, des nouilles…Avec les Fabulettes, j’ai pu les struc­turer, leur donner le goût de la li­berté, du plaisir de chanter. »

Anne Sylvestre a toujoursrefusé de chanter ses Fabulettes sur scène. Seule concession auxpetits : une pièce de théâtre mu­sicale, Lala et le cirque du vent,créée en 1993, alors que le mou­vement de son public s’est in­versé. Ceux qui ont été nourrisau petit lait de « Y’a des yaya, y’ades yaourts à tout » sont devenusadultes et découvrent cette autreAnne Sylvestre. Elle en fait unechanson en 2007, Les Rescapés des Fabulettes.

Politique, citoyenne, féministeAnne Sylvestre est bâtie d’un bois dur. En 1973, après avoir rompu avec Philips, puis avec les Disques Meys, elle impose un modèle iné­dit en fondant son label discogra­phique, Production Anne Sylves­tre (distribué par EPM). Elle triom­phe, en 1973, au Théâtre des Capu­cines, se retire de nouveau, balaie l’étiquette has been, en 1986, à l’Olympia, puis au Théâtre de laPotinière. Elle est adulée au Qué­bec. En 1988, on la voit dans Gé­meaux croisés, avec Pauline Julien,puis, un an plus tard, au Bataclan, pour La Ballade de Calamity Jane –son unique petit­fils sera l’une desvictimes des attentats de 2015.

En 1963. STAN WIEZNIAK/GAMMA-RAPHO

Politique à fond, citoyenne, elleétait viscéralement allergique aux« foules, drapeaux, oriflammes », discours populistes et alliances tactiques. On lui doit pourtant Lazare et Cécile, très belle chansonmilitante, écrite en 1965 en faveur« du droit d’exister sous le regard des autres ». Elle s’oppose à la guerre, qui prive les enfants de père et les femmes d’amants (Mon mari est parti, composée en pleine guerre d’Algérie), autant qu’à l’ordre moral, qui pousse au sordide. Elle radiographie l’étouf­fante misogynie (Une sorcière comme les autres, 1975 : « S’il vous plaît, faites­vous plus léger, moi, je ne peux plus bouger »), décortique le viol (Douce maison, 1978), dé­fend le droit des femmes à dispo­ser de leur corps. « Féministe, oui.C’est la seule étiquette que je ne dé­colle pas », affirmait­elle.

En 1971, Le Nouvel Observateurpublie le manifeste des 343 Fran­çaises célèbres reconnaissantavoir avorté. L’année suivante, le« procès de Bobigny », celui d’unejeune fille ayant avorté avec l’aidede sa mère et défendue par GisèleHalimi, fait grand bruit avantque, en 1973, 331 médecins décla­rent publiquement avoir prati­qué des avortements, crime que la loi punit sévèrement. Anne Syl­vestre en écrit la chronique : Non,tu n’as pas de nom, hymne nonpas à l’avortement, mais au libre choix des femmes.

« J’ai aussi écrit Rose, expliquaitAnne Sylvestre, une chanson qui raconte l’histoire d’une infanticide de 16 ans. Je l’avais lue dans un jour­nal qui avait titré : “Elle n’aimait passon enfant”, comme si l’instinct maternel était inné. » Composée en 1973, la Berceuse aux petits vam­pires décrit l’envie récurrente des parents de balancer leurs enfants par la fenêtre à la fin de la journée. Le problème n’est pas là. « Je suis ré­voltée, disait la chanteuse, mère dedeux filles, Alice et Philomène, parla façon dont on casse les enfants. »

Anne Sylvestre n’était ni unechanteuse « à texte » ni une chan­teuse « engagée ». Elle avait ses raisons et l’écrit, en 1968, dans

Chanson dégagée : « Mais moi, quand j’avais 15 ans, quand on meparlait de justice, j’entrevoyais un précipice… J’ai pleuré pour ma vie entière. » C’est un « outing » quipasse inaperçu, tout comme Roméo et Judith, en 1994 : « J’aisouffert du mauvais côté/Dans mon enfance dévastée/Mais dois­je me sentir coupable ? »

On ne choisit pas ses parents.Pis, on ignore parfois ce qu’ils sont, ou pourquoi ils le sont.Albert Beugras, le père d’Anne Sylvestre, qui est aussi celui del’écrivaine et secrétaire de Bar­bara, Marie Chaix, fut l’un des bras droits du collaborateur Jac­ques Doriot pendant la secondeguerre mondiale. Sauvé de jus­tesse de la condamnation à mortà la Libération, il purgea dix ansde prison à Fresnes.

Marie Chaix, à qui son père avaitlégué huit cahiers expliquant sonengagement au sein du Parti po­pulaire français, se défendit parl’écriture d’une enfance pourtant heureuse et innocente. Elle ra­conte, dans Les Lauriers du lac deConstance (Seuil, 1974), la fuite, lors de la débâcle allemande– « Anne, assise près de toi, muette,serrant sa poupée » –, l’arrivéesemi­clandestine chez un oncle, àSuresnes (Hauts­de­Seine), la dis­parition de leur frère, Jean, sous un bombardement, les hommesarmés qui viennent quelques jours plus tard, cherchant AlbertBeugras. « Et la famille du traître. »Marie a 3 ans, Anne 10.

Sa sœur, son secretLongtemps Anne Sylvestre a ca­ché son secret, refusant de dire que Marie Chaix était sa sœur : « J’avais 10 ans, la photo d’AlbertBeugras était partout, des pagesentières dans les journaux. C’était mon père, un père aimant. Je suisallée à son procès, maman y te­nait, elle a eu raison. On m’avait mise à l’école chez les dominicai­nes. Mes camarades, chapitrées par leurs parents, m’ont placée en quarantaine. La directrice, quiétait la sœur du colonel Rémy, ré­sistant notoire, elle­même dépor­tée, m’a défendue et sauvée. »

Avant de se libérer de son secret,à la fin des années 1990, elle s’étaitallégée en abandonnant sa gui­tare, ce « buffet », rempart contre la timidité, sur les conseils du pia­niste et accompagnateur FrançoisRauber. Elle parcourt aussi la France, et le Québec, qui l’adule.Elle aime les marges et déteste la droite radicale. En 1997, elle publieun album succulent, Chante… au bord de La Fontaine, douze chan­sons inventées à partir du fabu­liste, dénonciation des loups pa­trons de bistrots glauques, qui font la peau au petit mouton noir et frisé qui a tagué leurs murs. « Leracisme, la banalisation de la dis­crimination me font froid dans le dos, et cette façon de dire : “On n’ypeut rien” ! », dit­elle alors. Le spec­tacle est créé à La Comedia de Tou­lon, « en solidarité pour ce théâtrequi avait en face de lui une mairie Front national ».

Longtemps accompagnée aupiano par Philippe Davenet, elle se produisait désormais entouréede musiciennes, dont la pianiste Nathalie Miravette, portant sur scène (Olympia, La Cigale, les Francofolies, Le Hall de la chan­son, le Printemps de Bourges, etc.) ses nouvelles œuvres. En 2013, elle publie Juste unefemme, un acte #metoo avantl’heure, dénonciation de ce « petitmonsieur, petit costard, petit’be­daine/petite saleté dans le re­gard ». Elle est hérissée à l’idéequ’on « tripote, pelote, pousse dans les coins » des femmes qui nele veulent pas, et qu’on dise,quand elles s’insurgent : « Elles exagèrent, ce n’est pas un drame, iln’y a pas mort d’homme. »

véronique mortaigne

Page 31: Le Monde - 03 12 2020

0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 CULTURE | 31

Les contradictions chinoises à Jimei × ArlesL’édition 2020 du festival de photographie, ouverte le 27 novembre, ignore les guerres, le terrorisme et le féminisme

PHOTOGRAPHIExiamen (chine) ­ envoyé spécial

P our l’amateur d’art, leFestival international dephotographie Jimei × Ar­les, qui s’est ouvert le

27 novembre à Xiamen, ne resterapas dans les annales. « Il n’y a rien de très mauvais, mais rien de très bon non plus », résume le photo­graphe néerlandais Ruben Lund­gren, un des curateurs invités.

En revanche, pour qui s’inté­resse à l’empire du Milieu, cette sixième édition constitue un vrai bonheur. Tant son organisation que son contenu offrent aux visi­teurs un rare condensé du rapportschizophrénique de la Chine de Xi Jinping au reste du monde.

Alors que les Rencontres d’Arles,qui en sont partenaires, n’ont pas pu se tenir cette année en raison du Covid­19, les responsables de Jimei, le district financier deXiamen, ne sont pas peu fiers de montrer que, en Chine, l’activité, y compris culturelle, a repris ses droits. L’entrée n’est conditionnéequ’à l’achat d’un billet, au port du masque et à un contrôle de tem­pérature. Encore faut­il habiter en Chine, bien entendu. Pékin impo­sant de telles conditions à l’entrée sur son territoire, nulle personne venue de France ou d’ailleurs n’était présente à l’inauguration.

Un entre­soi chinois renforcépar le remplacement – avant le Covid­19 – des deux curatrices françaises Bérénice Angremy et Victoria Jonathan par un Chinois, Gu Zheng, professeur à l’univer­

sité Fudan (Shanghaï). Après cinq années, un tel changement peut parfaitement se justifier, mais il correspond aussi à une tendance àla sinisation du management des entreprises et institutions instal­lées dans le pays. Ce choix n’est pasneutre. En 2019, les deux Françai­ses avaient tenu à présenter une série de la photographe Luo Yang : des portraits­chocs d’une jeunessechinoise peu conventionnelle.

Perspective internationaleEn 2020, Gu Zheng présente, lui, une exposition sur les infirmièresqui ont combattu le Covid­ 19 à Wuhan (Hubei), réalisée par Li Ge, photographe star du People’s Daily, l’organe de presse officiel ducomité central du Parti commu­niste chinois. De la pure propa­gande, reléguée, il est vrai, dans la dernière salle de l’exposition.

Celle­ci est d’ailleurs la seule ré­férence à l’actualité. Jimei × Arles 2020, qui connaît à peine le Covid,ignore les guerres, le terrorisme et le féminisme. Comme pour se racheter, le jury a décerné le prix Découverte, à Sim Chi Yin, une photojournaliste singapourienne,pour son travail sur l’utilisation du sable dans la transformation du monde. The Shifting Sands et Most People Were Silent ne sont pas parfaits – les photos sont trop grandes, les explications lacunai­res – mais ont séduit le jury par leur esthétique et leur perspectiveinternationale.

En remettant le prix, Mme HuangYing, directrice de la propagande du district de Jimei, est restée si­

lencieuse. On la comprend : l’ur­banisation de la Chine – dont ledistrict de Jimei est si représenta­tif – est l’une des principales cau­ses de la surexploitation du sable.

L’attribution du prix à une ar­tiste singapourienne le prouve : réduire Jimei × Arles à un entre­soichinois serait malhonnête. Les dix­sept curateurs ont quasiment tous un parcours international. L’apport d’Arles n’est pas négligea­ble. Les photos de Raymond Cau­chetier sur la Nouvelle Vague (Truffaut, Godard, Belmondo…) apportent un air de liberté bien­venu. La série de Philippe Braque­nier, La Terre n’est pas ronde, qui il­lustre et démonte brillamment lesthéories conspirationnistes, n’est pas sans écho avec le travail du photographe chinois Zhou Yulongsur la mise en scène de la réalité.

Surtout, le reportage du Franco­Ivoirien François­Xavier Gbré sur la grandeur et la décadence de la

Côte d’Ivoire constitue une par­faite introduction à l’un des pro­jets les plus ambitieux de cette édition : Photoethics Chinafrica, del’artiste Pu Yingwei. C’est en étu­diant aux Beaux­Arts de Lyon que ce jeune Chinois s’est intéressé à lanotion de race et au colonialisme. Son matériau – des vidéos et des photos retouchées, des timbres et des cartes postales – provient des témoignages de son oncle, ingé­nieur au Kenya, d’un reporter chi­

nois et d’une amie qui vend sur Taobao (principal site de vente en ligne chinois) des produits afri­cains. Une très subtile réflexion sur le rôle de la Chine en Afrique.

Hommage à Robert FrankQuasi absente des œuvres présen­tées dans l’immense hall des ex­positions, la société chinoise n’est pourtant pas laissée pour compte de cette édition. Paradoxalement, elle est mise en valeur dans un hommage au grand photographe américain, décédé en 2019, RobertFrank. Une initiative que l’on doit à Gu Zhang. Saluer l’œuvre d’un « maître » américain serait­il, par les temps qui courent, politique­ment incorrect en Chine ?

Toujours est­il que l’organisa­teur chinois de Jimei × Arles, la so­ciété Three Shadows, a gardé pour ses propres locaux de Xiamen, si­tués à proximité du hall des expo­sitions, ce qui constitue l’un des

Les responsablesde Jimei sont

fiers de montrerque, en Chine,

l’activité culturelle aussi

a repris ses droits

temps forts de cette édition : « Re­sonance. A Tribute to Robert Frank », l’hommage de onze pho­tographes chinois au père de la sé­rie­culte Les Américains (1958). Le road trip tendre et facétieux de Luo Dan à travers la Chine, les ca­drages audacieux de Wang Yishu,les personnages perdus dans la brume de Lu Heng sont autant de clins d’œil à ce maître, que cer­tains sont allés rencontrer dans son atelier nord­américain. Con­çue par le curateur Jinmu, la série pourrait s’appeler « Les Chinois ».

Faut­il en conclure que les artis­tes chinois ne sont jamais meilleurs que quand ils s’inspi­rent des Américains ? Bien sûr quenon. Mais c’est en s’ouvrant sur le monde que, eux aussi, donnent le meilleur d’eux­mêmes. « Seul ce moyen permettra à la photogra­phie chinoise de s’épanouir pleine­ment », assure Gu Zheng.

frédéric lemaître

Les trente ans de The Divine Comedy célébrésUn coffret rassemble la discographiedu groupe de Neil Hannon, avec des inédits

MUSIQUE

C e devait être, au débutde l’automne, un grandmoment pour The Divine

Comedy, mené par Neil Hannon, natif de Londonderry (Irlande du Nord). Avec les rééditions de plusieurs des albums studio, avec inédits et raretés, de cet orfèvred’une pop orchestrale sophisti­quée, une série de concerts com­mémoratifs et une intégrale dis­cographique en coffret.

La crise sanitaire a repoussé à2021 les concerts et si la diffusion des albums a pu avoir lieu à peu près normalement, à partir du 9 octobre, celle du coffret a connu des problèmes d’acheminement qui l’ont un temps rendu indispo­nible. Depuis fin novembre, il est en stock, comme l’a confirmé son distributeur en France.

Légèreté et gravitéDans un emballage orné de florai­sons dorées façon gravure, sous le titre Venus, Cupid, Folly and Time (référence au Vénus, Cupidon, Folie et Temps (circa 1545), tableau du peintre italien Agnolo Bronzino), on y trouve les douze albums de The Divine Comedy, complétés, comme pour les sorties indivi­duelles, d’un volume de pistes de travail, inédits aboutis, titres parusen singles, extraits de concerts. Cela commence par Juveneilia – une exclusivité du coffret – et les débuts de Neil Hannon. Chansons bricolées seul à la maison, ébauched’un groupe, puis trio qui enregis­tre l’album Fanfare for The Comic Muse publié en 1990 et deux EP, avant de se séparer en 1991. Neil Hannon devient alors le seul maître de The Divine Comedy.

Ce sera d’abord Liberation (1993)porté par un violon, un violon­celle, un cor, du clavecin, mélange de pop légère et de musique de chambre. Puis Promenade (1994) et son quatuor à cordes, une écri­ture mélodique maîtrisée, qui, par la voix plus affirmée de Neil Hannon, conte le séjour d’un couple à la plage. Avec Casanova (1996), tout en ampleur orches­trale, Hannon évolue vers la comé­die musicale, la variété pop de luxe(Becoming More Like Alfie cite clai­rement la manière du composi­teur Burt Bacharach). Même ap­proche avec son successeur, le court, justement titré, A Short Album About Love (1997), que pro­longent de nombreux inédits et un film en DVD. Au plus grandiosede ces envols, Fin de siècle, avec un déploiement choral, sort en 1998.

L’entrée dans le nouveau millé­naire se fait, en 2001, avec le plus dépouillé Regeneration. Plus som­bre aussi. Absent Friends (2004) constitue un retour aux orchestra­tions, moins « symphonistes », où s’équilibrent légèreté et gravité, cette manière d’Hannon qui irri­gue les albums suivants, avec des variantes. Victory for The Comic Muse (2006), dans une approche plus directement pop ; Bang Goes The Knighthood (2010) qui laisse entendre des éléments de cabaret, de vieux jazz ; Foreverland (2016), avec des traces folks ; Office Politics(2019), dernier en date, le plus va­rié, rock’n’roll, funk, jazz ou électrominimale y étant conviés.

sylvain siclier

Venus, Cupid, Folly and Time,de The Divine Comedy, 1 coffret de 23 CD et 1 DVD Divine Comedy Recordings/PIAS.

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Page 32: Le Monde - 03 12 2020

32 | culture JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

L’Europe de la culture à l’arrêtCinémas fermés, spectacles et concerts annulés ou reportés, personnels licenciés… Depuis mars, les conséquences de la crise sanitaire n’épargnent aucune discipline du secteur

T ous les pays européens ont vuleur vie culturelle paralysée enraison de la pandémie due auCovid­19. Tour d’horizon avecnos correspondants qui illus­trent, chacun avec une parti­

cularité locale, les conséquences de cettemise à l’arrêt du secteur.

Espagne Le flamenco à l’agonieLes « olé » lancés au rythme du taconeo, les bailaores et les cantaores en sueur à quelques pas du public, et l’intimité de la salle où l’on prend un verre en partageant l’émotion du spectacle… Tout cela est fini. Qu’un tablao fla­menco puisse résister aux restrictions sanitai­res et à la distanciation physique imposées par la pandémie aurait été déjà en soi une ga­geure. Mais qu’il survive à l’absence de touris­tes, alors que ces derniers représentent en moyenne 90 % de leur public, aurait presque relevé du miracle… Sans surprise, en Espagne,et mis à part quelques rares exceptions, les ta­blaos ont donc fermé leurs portes. « Nous rele­vons à la fois des secteurs de la restauration, des arts scéniques et du tourisme, les plus tou­chés par la pandémie et les restrictions, et, pourmoi, il était évident que nous allions droit vers la cessation de paiement », résume Martin Guerrero, directeur de Casa Patas, institution emblématique de Madrid qui fut le premier tablao, fin mai, à annoncer sa fermeture défi­nitive. Et pas le dernier. Le Café de Chinitas n’apas tardé à lui emboîter le pas. Au total, six desvingt et une salles madrilènes ont mis la clé sous la porte depuis le début de la pandémie. La plupart des autres, à Madrid, mais aussi à Barcelone ou Séville, se trouvent en hiberna­tion : elles n’ont pas rouvert leurs portes de­puis mars ni ne savent quand elles le feront etmaintiennent les salariés au chômage partiel.« De tous les secteurs d’activité, celui qui nous inquiète le plus est celui du flamenco, et plus généralement les petites salles de spectacle vi­vant, souligne Marta Rivera, la conseillère deculture et tourisme de la région de Madrid. C’est pour cela que nous avons organisé desfestivals en plein air qui nous permettent de donner du travail aux artistes, en particulierceux du flamenco qui souffrent de la ferme­ture des tablaos. »

Les artistes se préparent au pire. Selon unsondage du syndicat Union flamenco, publié le 18 novembre, 42 % d’entre eux ont décidé d’abandonner la profession. Sans doute car63 % ne perçoivent aucune aide… « Beaucoup d’artistes de flamenco sont embauchés de ma­nière irrégulière, avec des contrats qui ne cor­respondent pas à leur travail, parfois comme serveurs, souvent payés au noir, et nombre d’entre eux n’ont donc pas eu accès aux aides, résume José Manuel Cepero, directeur de l’Union Flamenca, qui demande aux adminis­trations une solution. Le flamenco génère des millions d’euros en retombées et, en le laissant s’effondrer, sans aides directes ni investisse­ments, l’Espagne est en train de perdre d’im­menses talents et un véritable patrimoine. »

Dans la capitale, quelques établissementssurvivent tant bien que mal, comme le Café Ziryab, petite salle récente plus à même de s’adapter à un public très restreint. Le célèbre tablao Corral de la Moreria, pour sa part, se contente de produire des spectacles pour des festivals ou des événements ponctuels. Le Teatro Real, l’Opéra de Madrid, qui a com­mencé en 2018 à programmer d’ambitieux cycles de flamenco dans ses salons, a en re­vanche maintenu sa programmation, se con­tentant de supprimer le service de restaura­tion. Casa Patas a choisi de procéder à sa fer­meture ordonnée et aux licenciements de ses28 employés plutôt que d’attendre la faillite, « inévitable » selon M. Guerrero, et de risquer de perdre la salle créée par son père il y a tren­te­six ans. « J’espère que nous pourrons rouvrirun jour, quand il y aura un vaccin et la fin des restrictions envers les voyageurs, mais aussi quand les gens auront perdu la peur de sortir etretrouvé la confiance dans l’économie », pour­suit l’homme qui imagine qu’alors « les ta­blaos auront changé, il y aura de nouveaux ac­teurs et sans doute une nouvelle étape fonda­trice, comme dans les années 1980… ».

Allemagne Un club fétichiste transformé en centre de dépistage du Covid­19Fermé depuis huit mois, menacé de devoirmettre définitivement la clé sous la porte, leKitKatClub s’apprête à rouvrir. Mais seule­ment en journée, sur rendez­vous, et nulle­ment pour des fêtes enfiévrées comme dans

le monde d’avant. Non, à partir du vendredi 4 décembre, c’est comme centre de dépistagedu Covid­19 que le plus célèbre club fétichistede Berlin va reprendre du service. Des tests rapides pour 24,50 euros, résultat garanti entrente minutes, annonce l’établissement sur sa page Facebook.

Pour survivre, les clubs berlinois font cequ’ils peuvent. Certains, comme le Berghain, le plus grand d’entre eux, ont renoncé aux soirées techno pour se transformer en lieux d’exposition, avant de devoir à nouveau fer­mer, début novembre, face à l’arrivée de la deuxième vague. D’autres se sont mis au « distanciel », accueillant des DJ dont on peutécouter les sets en streaming, depuis chez soi. Inaugurée au printemps et reconduite ennovembre, cette initiative baptisée United We Stream – en coopération avec Arte – a per­mis de collecter 500 000 euros à destination des seuls clubs berlinois.

Les sommes récoltées grâce à cette campa­gne de financement participatif n’ont toute­fois rien à voir avec celles débloquées par la municipalité de Berlin. Depuis le début del’épidémie, la capitale allemande – qui est un Land à part entière – a déjà voté trois tran­ches de 10 millions d’euros destinées à soute­nir ce secteur essentiel à l’économie locale, puisque l’on estime que plus d’un tiers des13 millions de touristes qui se rendaient cha­que année à Berlin avant l’épidémie venaientpour le clubbing, avec des retombées esti­mées à 1,6 milliard d’euros.

Député au Parlement de Berlin, l’écologisteGeorg Kössler est paradoxalement plus opti­miste aujourd’hui qu’il ne l’était au début duprintemps lorsqu’on l’interroge sur l’avenir

des clubs. « La volonté politique est là. L’argent est là aussi. Le problème, ce n’est pas qu’il en manque, c’est que beaucoup de clubs n’en font pas la demande », dit­il. Sur les 10 millions d’euros de la dernière tranche, un peu moins de 8 millions ont été distribués, seule une soixantaine de clubs – sur un peu moins de trois cents – ayant sollicité une aide publique.

Optimiste, Georg Kössler l’est aussi en rai­son de l’adoption par le Parlement de Berlin, le 19 novembre, d’une proposition de loi pré­sentée par les Verts, qui transforme le statutjuridique des clubs. Jusqu’à présent, ceux­ci étaient considérés comme des « établisse­ments récréatifs », au même titre que les bor­dels et les casinos. Désormais, ils seront con­sidérés comme des « établissements cultu­rels », à l’instar des cinémas ou des théâtres, ce qui aura pour avantage de les protéger faceaux risques d’expulsion. Par ailleurs, les en­trées ne seront plus taxées qu’à 9 % de TVA, au lieu de 17 %, les soirées électro étant doré­navant reconnues comme des concerts.

« Le fait de considérer la musique électroni­que comme de la musique à part entière est unsignal très fort, et le fait que cela ait été voté aumilieu d’une crise comme celle­ci montre qu’on est pris au sérieux en Allemagne », se ré­jouit Jennifer Cardini, DJ vedette installée outre­Rhin depuis une quinzaine d’années. Elle­même, en tant qu’artiste indépendante,a touché au printemps une première aide de 5 000 euros puis une deuxième de9 000 euros, destinées à couvrir ses frais pro­fessionnels (comptable, label, etc.). « L’argenta été débloqué très vite, en quelques jours. Il y a clairement une volonté de l’Etat allemand dene pas laisser les gens dans une trop grande

précarité », explique­t­elle, tout en étant consciente que, « plus cette période durera, plus nombreux seront les clubs qui ne rouvri­ront pas et les artistes seront vraiment dans une grosse galère. »

Suède La culture populaire menacéeDans certaines localités de province, déser­tées depuis longtemps par les écoles, les pe­tits commerces et les administrations, il ne reste plus qu’elles, les Folkets Hus. Derniers endroits, où il est encore possible de se re­trouver, pour assister à une représentation du Metropolitan Opera, diffusée sur grand écran, au concert d’une star de la variété sué­doise, ou au spectacle d’une troupe de théâtrepour enfants.

La première Folkets Hus – maison du peu­ple – a été inaugurée en 1893, à Malmö. Une association d’ouvriers l’avait bâtie pour ac­cueillir ses réunions. « Cela a toujours été unlieu d’éducation populaire », précise Calle Na­thanson, directeur de l’organisation natio­nale qui recense aujourd’hui plus de 500 éta­blissements dans tout le pays et qui fait vivre artistes et travailleurs du secteur de la cultureen Suède. En janvier, comme chaque année, Calle Nathanson a tout juste eu le temps de présenter la liste des productions parmi les­quelles chaque Folkets Hus peut faire son choix. Il y avait une douzaine de pièces de théâtre, plusieurs concerts et spectacles de danse, une quinzaine d’expositions et 75 évé­nements live pour celles qui possèdent unesalle de cinéma.

Les artistes Liselotte Hummel, au piano, etGertrud Stenung, au violoncelle, forment, de­puis une vingtaine d’années, le duo Lise& Gertrud. Elles devaient partir en tournée,dans le royaume, quand le gouvernement aannoncé l’interdiction des regroupements publics de plus de 50 personnes, le 27 mars. « Nous avions un programme chargé cette an­née, indiquent­elles. Tout à coup, il n’y avait plus rien sur notre calendrier. »

Contrairement aux autres pays européens,la Suède n’a pas confiné, mais elle n’a pas dé­confiné non plus. Pendant l’été, la jauge est restée inchangée, contraignant les FolketsHus – « pour la première fois depuis 1893 », pré­cise Calle Nathason – à faire un trait sur leur programmation estivale. Avec la décrue, au début de l’automne, une lueur d’espoir est re­venue. Lise & Gertrud ont eu le temps de don­ner huit spectacles, devant un public certes li­mité, mais « en grande demande », avant que de nouvelles restrictions soient imposées etque les rassemblements de plus de huit per­

SIX DES VINGT ET UNE SALLES 

MADRILÈNES DÉVOLUES 

AU FLAMENCO ONT MIS LA CLÉ SOUS LA PORTE 

DEPUIS LE DÉBUT DE LA PANDÉMIE

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sonnes soient finalement interdits, à comp­ter du 24 novembre.

En attendant des jours meilleurs, les « mai­sons du peuple » tentent de survivre. Celles qui avaient des salariés les ont mis en chô­mage partiel. Depuis le début de l’année, l’Etat a débloqué 2 milliards de couronnes (200 millions d’euros) pour venir en aide au secteur de la culture. « Aucune pour le mo­ment n’a fait faillite », se réjouit Calle Nathan­son. Mais il s’inquiète pour les artistes. Lise & Gertrud, « incapables de se projeter dans l’avenir », vivent sur leurs réserves. « Certains de nos collègues n’ont pas ce luxe et font de l’intérim en supermarché », confient­elles. Se­lon une enquête réalisée fin août, un tiers des musiciens envisageaient de changer de carrière. « Des techniciens du son ou de la lu­mière vendent leur matériel pour survivre », précise Calle Nathanson, qui craint la dispari­tion de compétences.

Italie La Scala de Milan privée d’ouvertureC’est un rituel immuable, qui n’a connu aucune modification depuis 1951 : le Théâtre de la Scala de Milan ouvre sa saison le 7 dé­cembre, jour de la Saint­Ambroise, le patron de la ville. Dans la salle, pas une place vide : l’attribution des 2 000 sièges est l’objet de sé­vères arbitrages, et les rares fauteuils dispo­nibles se sont vendus, en 2019, à plus de 2 500 euros. Comme souvent en ce genre d’occasion, on vient autant ici pour voir quepour être vu. Quant au commun des mor­tels, du simple curieux au plus passionné, il doit se contenter d’assister à la représenta­tion, diffusée en direct sur la Rai depuis plu­sieurs années.

Dans un pays où l’opéra jouit d’une aurasingulière, liée au rôle que l’art lyrique a jouédans la structuration du sentiment national, un tel événement a une fonction politiqueautant qu’artistique. D’ordinaire, le prési­dent de la République vient une année sur deux, en alternance avec le président du Con­seil. Mais l’actuel chef de l’Etat, Sergio Matta­rella, goûtant particulièrement l’exercice, s’y rend chaque année. La longue ovation qui luiavait été adressée par cette assistance triée sur le volet, en 2019, a fait l’objet de nom­breux commentaires dans les semaines sui­vantes, tous les éditorialistes du pays y ayantvu la marque du soutien des élites lombar­des aux institutions, violemment attaquéespar la Ligue de Matteo Salvini.

Cette année rien de tel : en raison des con­traintes liées à la crise sanitaire, la Lucia deDonizetti, qui devait ouvrir la saison, a été

annulée, et nul ne sait encore quand pour­ront reprendre les représentations. Lundi7 décembre, les téléspectateurs italiens au­ront droit à un concert en direct, avec un dis­positif scénique tout à fait inédit, l’orchestreétant placé sur le parterre, tandis que lesmembres du chœur (enfin les valides, plus dela moitié de l’effectif étant positif au Co­vid­19) chanteront depuis les loges.

Institution à part – et fière de sa différence –dans le paysage des scènes nationales italien­nes, le Théâtre de la Scala traverse la crise sa­nitaire avec, paradoxalement, plus de diffi­cultés que ses concurrentes. « Il y a quatorze scènes nationales, dont la plupart des frais sont constitués de dépenses de personnel. Lesautres scènes, du San Carlo de Naples à l’Opérade Rome, dépendent surtout des subventions,et marginalement de la billetterie. Pour elles,comme l’Etat a couvert le chômage partiel tout en versant sa subvention habituelle, qui n’a pas été dépensée, les affaires ont été plutôt bonnes. En revanche, à la Scala c’est différent : les recettes de billetterie représentent prèsd’un tiers des entrées d’argent, et les mécènes un autre tiers. Du coup, quand il n’y a pas de spectacles, on perd beaucoup d’argent, et les comptes ne sont pas bons du tout », décrypteun observateur de la scène lyrique italienne.

A court terme, le vénérable théâtre mila­nais n’a pas trop à s’en faire, les généreux mé­cènes ne manquant pas autour de lui. Mais une autre perspective fait grincer les dents : de Naples à Plaisance en passant par l’Opéra de Rome, plusieurs scènes nationales ont an­noncé à partir des prochains jours des repré­sentations d’opéras en streaming. En refu­sant de suivre le mouvement, la Scala ne ris­que­t­elle pas, si les fermetures persistent, d’abîmer son image ?

Autriche Le classique réduit au silence« Depuis le 13 mars, la scène musicale privéeviennoise est foutue, morte, finie. » Viennois pur jus et organisateur de concerts classiques surtout fréquentés par les touristes, Udo Zwölfer n’a pas le moral, d’autant qu’il sort àpeine d’une hospitalisation pour Covid­19. D’habitude, l’hiver est la haute saison pour la musique classique à Vienne, à l’occasion des fêtes de fin d’année et des marchés de Noël, suivis des bals en janvier et février. « Mais là,tout a déjà été annulé », prévient ce violoniste qui emploie en temps normal 120 musiciens par mois pour jouer devant les 450 places assi­ses de sa magnifique salle du Kursalon, palais situé au cœur de la capitale autrichienne.

Si le confinement a pour l’instant été décidéjusqu’au 6 décembre dans la république al­pine, personne ne croit que les touristes se­ront de retour rapidement, même si les salles de concerts sont ensuite autorisées à rouvrir. Or ce public est crucial pour les musiciens ve­nus du monde entier pour essayer de percer dans la capitale de la musique classique. « Pen­dant ces quelques semaines, tout le mondejoue tous les soirs », rappelle ainsi Wang­yu Ko,violoniste taïwanais qui vit depuis près de trente ans à Vienne. Pour tromper l’ennui de la ville réduite au silence, lui s’est recon­verti en conseiller en patrimoine lors du pre­mier confinement.

Cela lui permet aussi de maintenir son ni­veau de vie. « D’habitude je fais un chiffre d’af­faires entre 2 000 et 3 000 euros par mois », ex­plique­t­il en comparaison des quelque 1 000 euros d’aide qu’il touche du gouverne­ment. Dans un pays dépourvu d’intermit­tence à la française, le gouvernement a déblo­qué plusieurs dizaines de millions d’euros pour soutenir les artistes. Ces aides ont per­mis aux indépendants de subsister, tandis que les salariés des grands orchestres ont puprofiter du chômage partiel. « Nous sommes tous au chômage partiel actuellement, même si en réalité on travaille plus que d’habitude », souligne Matthias Naske, intendant du Kon­zerthaus, une des plus importantes institu­tions culturelles de Vienne.

Lui espère encore sauver le mois de décem­bre, « où plus de 1 000 musiciens doivent jouer », même si c’est devant un public réduit. Financièrement, son institution a fini la sai­son dernière « en légère perte », grâce aux aides publiques et à des dons privés. Mais plusque pour des raisons financières, il dit vouloirjouer pour satisfaire « le désir de résonance in­dividuelle » propre à la musique, qui « sinon sera canalisé ailleurs ». Contrairement au pre­mier confinement, les répétitions restent tou­tefois autorisées et la musique résonne tou­jours dans ses murs.

Le Philharmonique de Vienne a réussi àpartir en tournée au Japon en novembre,moyennant des règles de confinement dras­

ANDRÉ SANCHEZ

« DEPUIS LE 13 MARS, 

LA SCÈNE MUSICALE PRIVÉE VIENNOISE 

EST FOUTUE, MORTE, FINIE »

UDO ZWÖLFERorganisateur autrichien de concerts classiques

tiques. Après le succès du Festival de Salz­bourg organisé cet été sans connaître d’in­fections, la scène classique autrichienne veut croire que cela montre qu’elle n’aurapas perdu son aura malgré cette longue in­terruption. « Quand j’ai rejoué après le pre­mier confinement, j’ai cru pleurer tellement on sortait d’une catastrophe artistique », ra­conte Wang­yu Ko, qui a quand même pu jouer en septembre et octobre dans des égli­ses ou pour des cérémonies privées. UdoZwölfer espère, lui, « un vaccin à Pâques » pour pouvoir enfin redémarrer.

Flandre La « guerre culturelle » contre la gaucheEn Flandre, la question posée aujourd’hui au monde culturel est de savoir sur quel front il doit se battre. Sur celui de la pandémie, alors que, comme partout, elle a entraîné fermetu­res, aides publiques jugées insuffisantes et incertitude collective ? Ou sur celui de la poli­tique, face à un pouvoir nationaliste qui pourrait bien profiter de la situation pour ra­mener dans « le droit chemin » – celui de la défense d’une prétendue identité collective – un secteur qui n’est, en fait, qu’une somme d’individus dotés d’un pouvoir créatif consi­dérable, mais développent une aversion pourceux qui voudraient diviser un pays déjà bientrop petit à leurs yeux ?

Difficile, en tout cas, de faire entrer dansun carcan « flamand » des artistes visuels comme Luc Tuymans ou Wim Delvoye, les écrivains Stefan Hertmans ou Tom Lanoyeou encore des créateurs comme Anne Te­resa De Keersmaeker et Tom Barman, du groupe dEUS…

En Flandre, le gouvernement régional a dé­bloqué 65 millions pour aider la culture du­rant la première vague de la pandémie. « Inté­ressant, mais trop tard et trop peu, comparé à ce que font nos voisins », répondent tous les artistes que l’on interroge. L’argent devrait al­ler, pour l’essentiel, aux grandes institutions. Le geste ne fera pas oublier le coup de Jarnac survenu à la fin de 2019 : dans le cadre d’un plan d’économies, le gouvernement du mi­nistre­président Jan Jambon rabotait de 6 % lebudget des opérateurs, plafonnait les subven­tions de fonctionnement et réduisait de 60 %les moyens des petites structures, celles oùpoussent les jeunes racines. « C’est criminel et risible », tranchait à l’époque Luc Tuymans.

« On nous a dit qu’il s’agissait de couvrir denouveaux besoins sociaux. Sous­entendu, la culture n’en est pas un… L’argument, audible par de nombreuses personnes, pourra être fa­cilement resservi dans les semaines à venir », redoute un directeur de théâtre, soucieux degarder l’anonymat. Ceux qui doutaient en­core de la finalité de l’initiative pouvaientnoter que, si le secteur créatif, jugé contesta­taire – et trop à gauche – était clairement visé, des projets liés au folklore et au patri­moine continueraient, en revanche, à béné­ficier de subventions égales, ou accrues. Surles réseaux sociaux, des flamingants – ceux qui, à l’époque, faisaient rire Jacques Brel, « à [se] souffler dans le cul pour devenir autobus »– multiplient les invectives contre les artistes« subventionnés ».

« Ce double langage des nationalistes medérange énormément, expliquait Tom La­noye dans un débat convoqué, en juin, par lequotidien De Morgen. D’un côté, ils évoquentune Flandre qui doit rayonner dans le monde,ce à quoi l’art devrait contribuer. De l’autre, ilstraitent les arts comme des parents pauvres. »Un projet de documentaire sur le groupe dEUS n’a pas été financé : il a été jugé trop « international », et Tom Barman s’y expri­mait en anglais.

Si le Covid­19 a paralysé la culture belge,sauf lors d’une courte pause et d’un déconfi­nement limité durant l’été, il n’a, en revan­che, pas ralenti les projets nationalistes. A la fin octobre, le gouvernement dirigé par la N­VA (alliée aux partis chrétien­démocrate etlibéral) a nommé neuf experts chargés deconcrétiser son projet de « canon flamand ». Une tentative pour déterminer les « fonde­ments historiques » de la région, tracer « le ca­dre clair de valeurs communes » et, à terme, déboucher sur la création d’un Musée de l’histoire de la Flandre. Ce projet, dénoncé pard’autres intellectuels, s’inscrit clairement dans une volonté de construire une « na­tion », à laquelle la culture devrait contribuer en célébrant pour l’essentiel les grands maî­tres du passé. Derrière la dénonciation del’excès de subventions dont bénéficieraient de nombreux artistes « qui crachent au vi­sage des Flamands » (la formule est d’un autre député, Klaas Slootmans), c’est bien la volonté de la N­VA de mener une « guerre

culturelle » contre la gauche qui s’illustre aunord du royaume belge. Avec l’aide inatten­due d’un virus.

Royaume­Uni De l’argent pourles « joyaux de la couronne »Depuis le début de la pandémie, la culture bri­tannique, ses institutions et ses travailleurs ont dû surtout compter sur eux­mêmes et sur la générosité du public pour survivre. Legouvernement britannique a certes fini par débloquer une aide d’urgence, de 1,6 milliard de livres sterling (soit 1,7 milliard d’euros) en juillet, mais à répartir sur l’ensemble du sec­teur (théâtres, musées, musique). A l’époque, Oliver Dowden, le ministre de la culture, avaitété clair : l’argent ira en priorité à la sauve­garde des « joyaux de la couronne ».

Ont ainsi bénéficié de ces subsides publicsle Shakespeare’s Globe ou le Old Vic à Lon­dres, des théâtres régionaux emblématiques et jusqu’alors très dynamiques, comme le Sheffield Crucible ou Manchester’s Royal Ex­change Theatre, ou des musées régionaux comme le Black Country Living Museum, dans les Midlands. Mais les très nombreux musées ou salles de spectacle, dépendantpresque exclusivement de la billetterie, ontvu leurs revenus quasiment disparaître etsont aujourd’hui en sursis.

Après un premier confinement au prin­temps, puis un deuxième en novembre, le gouvernement britannique offre très peu de certitudes : à partir du 3 décembre, mal­gré le déconfinement, 23 millions de Britan­niques vont rester soumis à de considéra­bles restrictions. Dans les Midlands et prati­quement tout le nord de l’Angleterre, les sal­les de spectacle, cinémas… ne peuventtoujours pas rouvrir, comme les bars et les pubs, qui parfois, équilibrent les comptes decertaines salles.

Les grandes institutions londoniennes ontsu s’adapter, accélérer la numérisation de leur contenu, proposer de nouvelles expé­riences immersives. Mais ces ajustements se font au prix de sérieux sacrifices : trois centspostes étaient menacés au groupe de muséesTate cet automne. Le fameux National Trust,qui gère des milliers de sites remarquables enAngleterre et au Pays de Galles, a licencié des centaines de salariés. Et c’est sans parler des dizaines de milliers d’indépendants, sans tra­vail du jour au lendemain, et parfois sansplus aucun revenu, ni aide gouvernementale.

« A la décharge du gouvernement britanni­que, depuis une vingtaine d’années, la ten­dance dans les institutions culturelles de notrepays est de recourir de plus en plus à de la main­d’œuvre extérieure avec un statut d’autoentrepreneur. La taille moyenne est de trois salariés, il est donc difficile de répon­dre à leurs besoins avec une politique très gé­nérique », souligne Andy Pratt, spécialiste de l’économie de la culture à la City Univer­sity of London.

Il y a quelques motifs d’optimisme : le Glas­tonbury Festival a déjà fait le plein de réserva­tions pour son édition 2021. Et à West End,le quartier des théâtres londonien, certainescomédies musicales sont déjà reprogram­mées pour décembre (Six ou Les Misérables), de nombreux acteurs se sont mobilisés pour lever des fonds afin d’aider la profession, pour remonter sur les planches malgré les contraintes de la « distanciation sociale » (Claire Foy qui a joué à nouveau dans Lungsau Old Vic) ou sensibiliser le gouvernement (Vanessa Redgrave). Le secteur est résilient, même si « le gouvernement ne reconnaît mal­heureusement pas l’apport économique du secteur culturel, ni son apport social », re­grette Andy Pratt.

Mi­octobre, le gouvernement britannique abrièvement mis en ligne une publicité très mal perçue par la profession. On y voyait la photo d’une ballerine ajustant ses chaussons avec ce commentaire : « Le prochain job de Fa­tima sera peut­être dans le secteur digital, c’estjuste qu’elle ne le sait pas encore. » La période est « particulièrement difficile pour les musi­ciens, notamment dans la musique pop, pour qui les concerts live jouent un peu le rôle de la­boratoire de recherche et de développement.C’est grâce à eux qu’ils ont des idées, se créent un public », note encore Andy Pratt.

jean­baptiste chastand (à vienne),cécile ducourtieux (à londres),

jérôme gautheret (à rome),anne­françoise hivert (malmö,

en suède),sandrine morel (à madrid),

jean­pierre stroobants (à bruxelles,bureau européen)

et thomas wieder (à berlin)

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34 |télévision JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

HORIZONTALEMENT

I. Sévère et critique. II. Pour discrète-ment ne rien rater. Coup de baguet-tes. III. Terminer en berceau. Déga-geant. IV. Ses recherches alimentent nos pompes. Ouvre en grand le cha-pitre. V. Tête de loup. Proche des vio-lons dans la fosse. Se lancer. VI. Ou-verte à tous les adhérents. Patron en région. A la fin du lycée. Pour un re-doublement. VII. Supporte la plante. Pris en partant. Dans la poche du Nip-pon. VIII. Européenne de l’Atlantique Nord. N’est jamais sûr. IX. Supprima. Fin de dictée. Met les meilleurs crus à l’abri. X. Suiveuses hérétiques.

VERTICALEMENT

1. Grande découverte. 2. Pense à l’environnement d’aujourd’hui et de demain. 3. Bruit de chute. Sonne lugubrement. 4. Chaude période. Ne peut être prévu. 5. Le Maure chez Verdi. Fait du neuf. 6. Un basque bien français. A pris place dans son avion. 7. Vaut de l’or. A voyagé accompagné de Gabriel. 8. Belle allure. L’argon. Article. 9. Echange de bons procédés. Porteur de pommes. 10. Te rendrais. Possessif. 11. Accompagne le renne en sauce. 12. Lues et approuvées.

SOLUTION DE LA GRILLE N° 20 - 281

HORIZONTALEMENT I. Triomphateur. II. Reçu. Aubigné. III. Amadouée. Oïl. IV. For. Il. Ta. Fa. V. Idées. Ti. Fit. VI. Ce. Cerclai. VII. Olé. Relaie. VIII. Tartare. Etui. IX. Egrenage. Rot. X. Réanimatrice.

VERTICALEMENT 1. Traficoter. 2. Remodelage. 3. Icare. Erra. 4. Oud. En. Ten. 5. Ois. Rani. 6. Paul. Ceram. 7. Hue. Téléga. 8. Abêtira. Et. 9. Ti. Cie. 10. Ego. Flétri. 11. Unifia. Uoc (cou). 12. Relativité.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

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ArteNo Man’s Land20.55 Cette minisérie franco-israélienne met en scène la quête d’Antoine (Félix Moati) pour retrouver sa sœur Anna (Mélanie Thierry), partie en Syrie rejoindre un groupe de combattantes kurdes.En intégralité à la demandesur Arte.tv.

France 3De chaque instant22.55 Après le Louvre, l’écoleet la Maison de la radio,le documentariste Nicolas Philiberta filmé pendant plusieurs moisla formation d’élèves infirmièreset infirmiers.

Canal+What We Do in the Shadows22.40 Les vampires déjantésde cette série inclassableet désopilante, conçue commeun faux documentaire de télé-réalité, sont de retour pour une deuxième saison. Une pépite à ne surtoutpas manquer.

TCM CinémaBarry Lyndon20.50 Extraordinaire adaptation d’un roman de W. M. Thackeray.Les mœurs d’une époque, une reconstitution exacte jusque dans les éclairages aux chandelles, une interprétation remarquable. Du très grand Kubrick.

Une histoire de la traite des Noirs, avec Samuel L. Jackson« Esclaves », saga en six épisodes, mêle quête personnelle de l’acteur, archéologie sous­marine et enquête historique

HISTOIRE TVJEUDI 3 - 20 H 50

SÉRIE DOCUMENTAIRE

C onnu pour sa filmogra­phie prolifique, de Jun­gle Fever (Spike Lee, 1991)à sa longue collabora­

tion avec Quentin Tarantino (Pulp Fiction, 1994 ; Jackie Brown, 1997 ; Django Unchained, 2013…), SamuelL. Jackson l’est aussi pour son mili­tantisme : à 19 ans, il est un des nombreux porteurs du cercueil deMartin Luther King lors de ses funérailles à Atlanta, en avril 1968. On le découvre ici en héros d’une superproduction documentaire, Esclaves, qui retrace l’histoire du trafic transatlantique d’êtres humains en six épisodes thémati­ques, dont les deux premiers sont diffusés jeudi 3 décembre.

Tout commence par un testADN, qui va permettre à l’acteur d’identifier certains de ses ancê­tres : des membres de la tribu benga, originaire de l’actuel Gabon, arrachés à leur terre et vendus comme esclaves de l’autre côté de l’océan, comme 12 millionsd’Africains. A partir de cette his­toire personnelle, le réalisateur Simcha Jacobovici a bâti une saga inédite, en faisant appel d’une partà une équipe de plongeurs spécia­lisés pour explorer différentes épa­ves de navires négriers, d’autre part à une journaliste d’investiga­

tion, Afua Hirsch, chargée d’éclai­rer les mécanismes politiques, sociaux et économiques par lesquels ce système a pu perdurer pendant plus de trois siècles.

Chaque épisode suit ainsi troisfils conducteurs qui s’entremê­lent : le parcours de Samuel L. Jackson (aussi producteur exé­cutif avec son épouse LaTanya),sur les traces de ses origines, l’en­

quête historique et l’exploration sous­marine par les plongeurs de l’association Diving with aPurpose (DWP), dévolue à la pro­tection du patrimoine englouti.

Racines de la pensée racisteSi l’on peut rester dubitatif devant la mise en scène « à l’américaine » des séquences sous­marines, qui pousse à l’extrême le suspense, on

ne peut qu’admirer le résultat. Qu’il s’agisse du site du naufrage du Guerrero, en Floride, dans le premier épisode sur La Mémoire engloutie, ou, dans le suivant, lors­que les plongeurs sont les pre­miers à explorer, près des côtes de Cornouailles, ce qui reste du « 35F », nom de code donné au plusancien navire négrier connu à ce jour, coulé probablement en 1685.

De son côté, Samuel L. Jacksonpart au Gabon rencontrer les Benga, qui l’accueillent commeun chef d’Etat avant de lui faire passer un rite initiatique. L’acteurs’y prête de bonne grâce. On lesuit, dans le premier opus, d’échoppes en préparatifs jusqu’à la cérémonie finale. Parallèle­ment, l’équipe se rend au bord de la lagune d’Iguéla, site paradisia­que du parc national de Loango, d’où est parti, en 1720, le premier navire chargé d’esclaves à desti­nation de la Caroline du Sud. Au total, 1 million d’hommes ont em­barqué ici une fois vendus, à l’instar d’une autre « marchan­dise » ,très lucrative alors : l’ivoire.

Le deuxième épisode, Rationali­sation, poursuit l’enquête et cherche à comprendre comment les Européens ont pu justifier la traite d’esclaves au­delà de son simple aspect économique. Le do­cumentaire s’intéresse alors aux racines de la pensée raciste. Face à une église construite au milieu de la cour d’un centre de détention négrier, Afua Hirsch s’interroge : « Pour tous ces Européens, ce n’étaitpas contradictoire de s’adonner à ce commerce horrible ? »

catherine pacary

Esclaves, réalisé par Simcha Jacobovici (EU, 2020, 6 × 60 min). Episodes 3 et 4, le 10 décembre ; épisodes 5 et 6, le 17 décembre.

Samuel L. Jackson, au Gabon, en juillet 2019. JOLADE OLUSANYA/ASSOCIATED PRODUCERS LTD./CORNELIA STREET PRODUCTIONS

Entre Paris et Haïti, mémoires du vaudou et sortilèges amoureuxMêlant deux réalités distantes dans l’espace et dans le temps, Bertrand Bonello signe un récit sur le thème des morts­vivants

CANAL+ CINÉMAJEUDI 3 - 20 H 55

FILM

L’ histoire n’est pas seule­ment constituée d’unesuccession d’événements,

mais creusée souterrainementpar une nébuleuse de faits étran­ges et de gestes inconscients, de béances insondables et de ru­meurs incertaines, qui formentcomme l’obscur soubassement des destinées humaines. C’est l’hypothèse de son travail incons­cient qu’explore Bertrand Bonello

dans Zombi Child, qui marque le retour du cinéaste à une forme modeste après Saint Laurent (2014) et Nocturama (2016). Hypo­thèse formulée dès les premières scènes par l’historien Patrick Bou­cheron, qui apparaît devant une assemblée de jeunes élèves, citant Le Peuple, de Jules Michelet (1846), et professant une histoire « discon­tinue, hoquetante ».

Cette discontinuité est celle quipréside à un récit à cheval sur deux époques. En 1962, à Haïti, un homme ordinaire nommé Clair­vius Narcisse (Bijou Mackenson)

fut intoxiqué par une poudre glis­sée dans sa chaussure et trans­formé en zombi, pauvre créature humaine privée de volonté et ex­ploitée sans merci dans les planta­tions de canne à sucre. Ayant in­géré par hasard un morceau de viande – prohibée pour sa vertu d’antipoison –, Clairvius s’enfuit, l’esprit toujours embrumé, pour se cacher dans les hauteurs mon­tagneuses de l’île, redescendant certains soirs en ville pour obser­ver sa femme à distance.

En parallèle, on suit en France etde nos jours le parcours de Fanny

(Louise Labeque), lycéenne pen­sionnaire de la maison d’éduca­tion de la Légion d’honneur, à Saint­Denis (Seine­Saint­Denis), qui se languit d’amour pour un garçon éloigné. Fanny propose d’intégrer à sa sororité littéraire une camarade de classe d’origine haïtienne, Melissa (Wislanda Loui­mat), dont la solitude et l’étrange réserve semblent recouvrir un in­quiétant secret, ayant partie liée avec la pratique du vaudou.

En entremêlant ainsi deux réali­tés distantes dans l’espace et dans le temps, le film ouvre entre elles

une chambre d’échos réels ou imaginaires. A travers le cas connu de Clairvius Narcisse, docu­menté par l’anthropologue cana­dien Wade Davis, c’est la réalité de l’esclavage qui est mise au jour. Ainsi le zombi de Bonello n’a­t­il rien d’une figure folklorique, il se dresse comme le souvenir persis­tant d’un préjudice réel, une dé­possession achevée des individus.

Des circulations du film dans letemps, l’amour constitue la tramesecrète, celle des magnifiques images mentales qui en ponc­tuent le cours : Clairvius se souve­

nant en pleine « zombification » du visage de sa femme, Fanny, rê­vant à son amoureux lointain et peut­être imaginaire. Sous les vo­lutes de magie noire, l’amour re­monte le cours du temps, réactive le labyrinthe de la mémoire et se porte garant d’une histoire dé­mantelée, dont la seule continuitéréside sur le terrain des affects.

mathieu macheret

Zombi Child, de Bertrand Bonello. Avec Louise Labeque, Wislanda Louimat, Adilé David (Fr., 2019, 103 min).

N O T R ES É L E C T I O N

0123 est édité par la Société éditricedu « Monde » SA. Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 124.610.348,70 ¤.Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).

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durablement, porteur de l’Ecolabel européen sous le N°FI/37/001. Eutrophisation : PTot = 0.009 kg/tonne de papier

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0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 styles | 35

Le festival de courgesPotimarron, butternut, buttercup, patidou…ça se bouscule sur les étals d’automne. Et commeces cucurbitacées peuvent être remplacées les unes parles autres dans la plupart des recettes, aucune raison de se priver de toutes leurs variétés !

GASTRONOMIE

L e carrossier de Cendrillonne saurait plus où donnerde la baguette. Loin de secontenter des imposants

volumes orangés des citrouilles oudes potirons, le rayon des courges multiplie désormais tailles, formes et couleurs pour offrir quelques­uns des plus chatoyants tableaux gourmands de l’automne. Miniatu­res ou géantes, rondes, ovales, allon­gées, rouge brique, ivoire, vertes ou même bleues, monochromes, ta­chetées ou striées, lisses ou embos­sées de cannelures, voire boursou­flées comme une coiffe de sultan… Au coin de la rue Choron et de la ruede Maubeuge (Paris 9e), ce ne sont pas moins d’une douzaine de varié­tés de ces cucurbitacées qui garnis­sent, par exemple, l’étal d’un maga­sin Biocoop, donnant autant envie d’approvisionner sa cuisine que dedécorer son salon.

Au­delà des lanternes ajouréesd’Halloween, la peau épaisse des courges et leur haute teneur en ami­don permettent en effet de conser­ver de longues semaines, hors du frigo, des légumes autorisant desculpturales natures mortes comme d’innombrables recettes.L’Europe n’a d’ailleurs longtempsconnu que la vertu ornementale (et parfois fonctionnelle) des rares va­riétés de courges poussant sur sonsol. Jusqu’à ce qu’à la suite de Chris­tophe Colomb les navigateurs rapa­trient du continent américain la mi­raculeuse diversité botanique de l’« échange colombien ». Différen­tes espèces de Cucurbita pepo, maxima ou moschata complétant un panier garni, entre autres, de to­mates, pommes de terre, poivrons,cacao, maïs ou haricots.

A quelques particularismes régio­naux près, les maraîchers français se sont longtemps contentés de mettre en avant les lourds potirons, débités en quartiers. Avant que la toupie vermillon du potimarronconquiert nos palais à partir des an­nées 1980. De la famille japonaise des kabochas (introduite dans l’Ar­chipel par des navigateurs portu­gais), cette courge a hérité d’un mot­valise décrivant idéalement sa sa­veur de châtaigne.

Un goût qui a fait son succès, toutcomme sa taille réduite, convenant aux petits ménages, et la fermeté desa pulpe contrastant avec celle, plus aqueuse, du potiron ou de la ci­trouille. Certains ont pu s’abîmer les doigts en voulant peler sa peaurésistante avant de préparer unesoupe ou une purée, alors qu’après cuisson l’écorce s’attendrit et se consomme sans problème. Débar­rassé de ses graines, mais pas de sapeau, puis découpé en quartiers, rô­tis au four, avec une touche d’huile d’olive et quelques épices, le poti­marron se révèle ainsi une vraie friandise.

Velouté et dés de foie grasStar réconfortante de l’automne et des premiers frimas, se mariant d’ailleurs joliment avec les champi­gnons et gibiers de saison, le poti­marron est aujourd’hui concur­rencé par la butternut, variété de courge musquée à la forme de poire(ou de Barbapapa). « Depuis trois, quatre ans, nous vendons autant debutternuts que de potimarrons », confirme Cécile Perret, responsable filière et sourcing à la Ferme de la Motte, grand producteur maraîcher établi à Talcy, dans le Loir­et­Cher. « Les deux réunis représentent 80 % des 700 tonnes de la dizaine de cour­ges bio que nous produisons. »

Bien plus pleine que le potimar­ron, la butternut offre aussi une chair moins farineuse, dont la sa­veur beurrée et la texture tendre, sans être aqueuse, permet de mixer de délicieux veloutés (après l’avoirfait revenir avec un oignon, puis mi­jotée avec du bouillon) sans prati­quement d’ajout de matière grasse.

Cela ne vous empêchera pas de par­semer votre soupe de dés de foie gras, de ventrèche grillée, de lamel­les de magret ou de quelques gout­tes d’huile de truffe. Si sa peau estplus dure que d’autres, celle qu’on appelle aussi la « doubeurre » s’adapte parfaitement à la cuissonau four, qu’elle soit rôtie, préparéeen tarte ou gratin. Ne pas hésiter aussi à la goûter crue, râpée comme une carotte, ou en fines tranches, à la croque­au­sel.

Pas bégueule, une courge peutaisément être remplacée par une autre dans la plupart des recettes. Raison de plus pour déguster toutesles nuances de cucurbitacées à la gamme toujours élargie. « La vogue des légumes anciens a favorisé la dif­fusion d’une grande variété de cour­ges, remarque Cécile Perret. Tout comme l’augmentation de consom­mateurs de produits bio, dont on constate qu’ils cuisinent une plus grande diversité de fruits et légu­mes. » Parmi les espèces proposées par la Ferme de la Motte, la courge spaghetti confirme une percée due à l’étonnante structure d’une chair si filandreuse qu’elle se défait comme un plat de pâtes. Après une précuisson à la vapeur ou four, on ouvre ce légume ovoïde avant d’en détacher à la fourchette le bloc delongs filaments à cuisiner en saucetelle une « pasta » végétale.

A cette Cucurbita ludique, mais unpeu fade, Cécile Perret préfère la

buttercup. « Une des meilleures sur lemarché, avec sa saveur très fine et su­crée, sa texture ferme et onctueuse », s’enthousiasme­t­elle à propos decette sphère vert sapin à la pulpe orange foncé, encore méconnue.

« Les consommateurs hésitent sou­vent à acheter des courges vertes », constate de son côté Nicolas Jardin,ancien conseiller bancaire devenumaraîcher, à Neuvillalais (Sarthe). Passé par la case « cuisinier », Nico­las Jardin (ça ne s’invente pas) aime convaincre ses clients de passage à la ferme ou commandant des pa­niers sur le site Local.bio, en suggé­rant des recettes adaptées à la quin­zaine de courges qu’il cultive : « Plantées après les saints de glace, récoltées avant les premières gelées, les courges sont parmi les légumesles plus simples à cultiver. » Qu’il s’agisse de la très douce et fruitée sucrine du Berry, dont il aime faire un flan, de la bleue de Hongrie, à la chair très dense mais moins sucrée, ou de courges miniatures comme lajack be little ou la baby boo, qu’il conseille de cuire entières au four, farcies de champignons, crème et lardons. « Avec le confinement, les gens cuisinent beaucoup et tententplus d’expériences », assure­t­il.

De nature curieuse, les chefs qu’ilfournit ne sont pas difficiles à con­vaincre. A l’instar de l’étoilé WilliamLedeuil, dont les trois restaurantsparisiens – Ze Kitchen Galerie, KGB et Kitchen Ter (re) – continuent de

fonctionner en « click and collect ». En cette fin novembre, l’un de ses menus à emporter propose un plat composé avec quelques­unes des huit variétés de courges (kabocha, sucrine du Berry, butternut, pati­dou…) livrées par Nicolas Jardin : « Une déclinaison des différentsgoûts et textures de quartiers cuitsau four, associée à un bouillon de lé­gumes au lait, à la citronnelle et au parmesan, parsemé de dés de cédrat rôti. » Une recette que l’on retrou­vera presque à l’identique dans son dernier livre, Le Végétal (La Marti­nière, 301 pages, 39,90 euros), van­tant la potentielle originalité d’une cuisine légumière.

En famille, William Ledeuil ditfaire un malheur avec un roboratif gratin de potiron, enrichi d’oignondoux, d’une marmelade de cham­pignons (shiitake, trompettes, cè­pes…), de pancetta, de mascar­pone et de parmesan. Son truc : as­sécher les dés de potiron à la casse­role, après une cuisson rapide aumicro­ondes, histoire d’en concen­trer le goût.

La classique « pumpkin pie »Mais cet expert des cuisines del’Asie du Sud­Est aime relever la sucrosité des courges avec l’acidu­lité des agrumes, le feu du pimentou la saveur grillée des feuilles de pandanus. Comme dans ce veloutéde patidou (« une petite courge augoût de pâte d’amandes »), allongéd’un bouillon thaï au curry vert et lait de coco, sur lequel il saupou­

dre des noisettes caramélisées etpimentées.

Pas besoin de chercher trop loinl’exotisme culinaire. Grands ama­teurs de courges, nos voisins tran­salpins en ont fait la base de nom­breux plats traditionnels, comme ledécrit Alessandra Pierini, dans l’im­posant (et réjouissant) ouvrage col­lectif, On va déguster l’Italie (Mara­bout, 464 pages, 42 euros), signé par« François­Régis Gaudry et ses amis ». Egalement patronne de RAP (Paris 9e), caverne d’Ali Baba de l’épi­cerie italienne, la Génoise y vend ensaison des zucca mantovana, delicaou berretina, importées de Lombar­die, au pédoncule joliment cachetéde cire. « Dans la région de Mantoue,on farcit les tortelli d’une purée de mantovana, enrichie d’amaretti [bis­cuits aux amandes] écrasés et de mostarda di Cremona [à base de fruits confits à l’essence de mou­tarde] », rappelle Alessandra Pierini.

« On prépare aussi ces courges enrisotto, en infusant un peu de roma­rin dans le bouillon ; en gnocchis, as­saisonnées au beurre de sauge oud’un pesto de noisettes, et, autour dePavie, en gratin, le nusät, avec par­mesan, chapelure et noix concas­sées, souvent servi juste avant Noël »,ajoute l’Italienne. Plus au sud, en Si­cile, les Palermitains ont populariséla zucca in agrodolce (« courge en aigre­doux »). Des tranches de poti­ron qui, après avoir été frites, sont marinées dans un mélange d’huile d’olive, de vinaigre de vin blanc etde sucre, avant d’être servies froi­des, parsemées de feuilles de men­the ciselées.

En Ligurie, on en garnit des tartessalées (la farinata di zucca) ou su­crées, complétées de pignons et deraisins secs. Après tout, cette chairdouce est aussi propice aux des­serts. Les Américains ont ainsi faitdu pumpkin pie un incontournabledu menu de Thanksgiving. Un clas­sique réinventé par le pâtissier lor­rain Sébastien Gaudard qui, dans ses boutiques de la rue des Martyrs(Paris 9e) et de la rue des Pyramides(Paris 1er), propose, jusqu’au 6 dé­cembre, une fondante tarte aupotimarron, doucement bercée d’épices.

stéphane davet

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En famille, l’étoiléWilliam Ledeuil dit

faire un malheuravec un roboratifgratin de potiron,

oignon doux, marmelade

de champignons,pancetta,

mascarponeet parmesan

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36 | IDÉES JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

L’article 24 marche sur la tête : il faut le remettre sur ses piedsLa liberté de capter l’image des forces de police intervenant sur la voie publique est une garantie fondamentale pour les citoyenset doit être protégée, souligne un collectif de cinq spécialistes du droit, dont le professeur Paul Cassia et le politologue Patrick Weil

Après deux jours de garde àvue, les quatre policiersaccusés du passage à ta­bac de Michel Zecler, pro­

ducteur de musique, ont été mis en examen des chefs de « violen­ces volontaires par personne dé­positaire de l’autorité publique »,avec la circonstance aggravante de racisme, et « faux en écriture publique ». Au­delà de son reten­tissement considérable et légi­time, cette affaire appelle, sur leplan juridique, une réflexion sur le rôle de l’image pour protéger les citoyens contre toutes les vio­lences. A cet égard, le très contro­versé article 24 du projet de loi de« sécurité globale », qui pénalise la diffusion d’images des forcesde l’ordre, ne doit pas simple­ment être supprimé ou amendé àla marge ; il doit être réécrit et re­mis sur ses pieds.

Dans sa version actuelle, votéeen première lecture à l’Assemblée nationale, l’article institue un nouveau délit dans la loi de 1881sur la liberté de la presse en pu­nissant d’un an de prison et de45 000 euros d’amende la diffu­

sion d’images d’un policier « dans le but manifeste qu’il soitporté atteinte à son intégrité phy­sique ou psychique ». Sous le cou­vert de la volonté – légitime – deprotéger les policiers dans l’exer­cice de leurs fonctions, cet article,s’il entrait en vigueur, aurait undouble effet pervers, déjà ample­ment commenté.

Formidable occasionD’une part, en l’absence mêmede toute violence, il permettraitaux forces de l’ordre de confis­quer la caméra ou le téléphoneportable d’un journaliste ou d’un simple citoyen, et au besoind’interpeller le propriétaire de l’appareil pour le placer en gardeà vue, sous le prétexte de décelerune intention malveillante « ma­nifeste ». Mais d’autre part, dansce nouveau contexte, les té­moins d’éventuelles violences commises par des agents de po­lice seraient dissuadés de les fil­mer et de les porter à la connais­sance du public.

L’affaire Michel Zecler illustrepourtant une nouvelle fois l’im­

portance de l’image pour révéler de telles violences et poursuivreleurs auteurs. Si la présence de ca­méras est parfois inconfortable, voire gênante, dans le cadre de l’intervention des forces de l’or­dre, une telle présence ne saurait pour autant être interdite. C’est même l’inverse qu’il faut souhai­ter : la liberté de capter l’image

des forces de police, lorsque cel­les­ci interviennent sur la voie publique, est une garantie fonda­mentale pour les citoyens, et elle doit être protégée.

La loi de « sécurité globale » of­fre pour cela une formidable oc­casion. Afin d’assurer la sécuritéde tous et de chacun, et de proté­ger réellement les citoyens con­tre les violences commises à leur encontre, l’article 24 pourrait ainsi ériger en délit le fait, pourquiconque, d’empêcher la cap­ture ou la diffusion d’images detoute personne agissant sur lavoie publique.

De même que l’entrave à l’exer­cice des libertés d’expression, dutravail, d’association, de réunionou de manifestation, selon l’arti­cle 431­1 du code pénal, constitueun délit puni d’un an d’empri­sonnement et de 15 000 eurosd’amende, le fait d’empêcher un citoyen, exerçant ou non la pro­fession de journaliste, de fil­mer une intervention policière,au même titre que tout autre agissement, serait ainsi pénale­ment sanctionné.

La protection des forces de po­lice pourrait dans le même temps être renforcée. L’arti­cle 433­3 du code pénal punitdéjà de trois ans d’emprisonne­ment et de 45 000 eurosd’amende la menace de com­mettre un crime ou un délit àl’encontre d’un gendarme ou d’un policier. L’article 39 sexies de la loi de 1881 sur la liberté de lapresse punit également le fait derévéler, par quelque moyen quece soit, l’identité des agents depolice dont les missions exigentque l’anonymat soit préservé.

Relation de confianceLe délit de cyberharcèlement, prévu par l’article 222­33­2­2 ducode pénal, pourrait, quant à lui,être sanctionné par une peineaggravée lorsqu’il est commis à l’encontre d’une personne dépo­sitaire de l’autorité publique, àraison de ses fonctions.

De façon similaire, la provoca­tion à commettre des crimes et des délits, réprimée par les arti­cles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881, pourrait se voir

ajouter une circonstance aggra­vante lorsque la personne viséeest notamment un policier ou ungendarme.

De telles protections, si ellessont nécessaires, ne doivent ce­pendant pas occulter l’essentiel : la relation de confiance entre les citoyens et la police suppose que toute violence injustifiée, dans unsens comme dans l’autre, soit fer­mement sanctionnée. La liberté de filmer et diffuser toute inter­vention sur la voie publique est pour cela une garantie fondamen­tale, et elle doit être consacrée.

Paul Cassia, professeur de droit (université Paris-I-Panthéon-Sorbonne) ; François Expert, élève-avocat ; Thomas Hochmann, professeur de droit (université Paris-X-Nanterre) ; Jean-Baptiste Soufron, avocat ; Patrick Weil, direc-teur de recherche au CNRS

Le « code de justice pénale des mineurs » rapproche encore la justice des enfants

de celle des adultesLe texte, examiné par la Commission des lois

mardi 1er décembre, veut substituer à un instrument juridique adapté un dispositif dans lequel « le juge

n’instruira plus », dénoncent plus de 120 associationset personnalités, parmi lesquelles la médecin

Catherine Dolto et le magistrat Jean­Pierre Rosenczveig

Le Parlement s’apprête à substituerun « code de justice pénale des mi­neurs » à l’emblématique ordon­nance du 2 février 1945 sur l’en­

fance délinquante signée Charles deGaulle qui, en préambule, écrivait : « La France n’est pas assez riche d’enfantspour en perdre un seul… » Si ce projet estadopté, le juge des enfants n’instruiraplus, le rôle du parquet sera renforcé, lanouvelle procédure ouvrira grandes lesvannes vers le flagrant délit pour les mi­neurs. Un nouveau pas sera franchi pour rapprocher cette justice des en­fants de celle des adultes.

La délinquance des jeunes a­t­elle à cepoint mué pour qu’il faille changerd’instrument juridique ? Non. Elle baissedepuis cinq ans et ne représente plus que 13,5 % de la délinquance des adultes,contre 20 % dans les années 2000 ! (se­lon les chiffres du ministère de la jus­tice). Elle est certes plus violente que parle passé, comme l’ensemble de la délin­quance, mais gardons raison : les jeunesen conflit avec la loi ne sont pas des bar­bares, ce sont des enfants en carence éducative, qui présentent parfois des troubles de la personnalité.

L’instrument juridique actuel est­ilinadapté ? Non, encore. Il permet d’in­tervenir systématiquement – le taux declassement sans suite pour les mineursest de 6,5 %, quand il est de 12 % pour lesadultes – et rapidement… dès lors queles services de police ont fait leur tra­vail. Or le taux d’élucidation des faitspar la police reste extraordinairementbas. Il permet de réagir vite à l’interpel­lation. Dans les vingt heures suivant la

fin de la garde à vue, le jeune peut êtreprésenté à un juge avec possibilité dedétention provisoire ou de contrôle ju­diciaire, avec, notamment, placementen centre éducatif fermé. Et les parquetsne se privent pas de faire déférer les mi­neurs ! Exceptionnellement, le jeunepeut être jugé à la première audienceutile du tribunal pour enfants où il en­court une peine de prison ferme. Entre­temps auront été prises les mesuresd’ordre public qui s’imposent.

Augmentation des incarcérationsLa justice pour enfants serait laxiste ? 850 jeunes sont actuellement en prison(et environ 600 en centres éducatifs fermés, initialement réservés aux mul­ti­réitérants), avec une nette augmenta­tion des incarcérations ces dernières années. Alors que la loi veut que le re­cours à la répression soit exceptionnel,45 % des décisions prises le sont dans ceregistre. Inefficace ? Dans 85 % des cas(rapport du sénateur Jean­René Lecerf,2011), un jeune délinquant avant sa ma­jorité ne l’est plus après, s’il a été pris encharge par un juge et par la Protection judiciaire de la jeunesse.

Alors, pourquoi modifier fondamenta­lement un texte, l’ordonnance du 2 fé­vrier 1945, régulièrement mis à jour ? On entendrait répondre à une décision du Conseil constitutionnel de 2011, qui, à re­bours de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme,a tenu le juge des enfants pour partialquand il exerce le double rôle d’instruc­tion et de jugement des faits, oubliant aupassage qu’il suit aussi l’exécution de la

sanction. Or cette connaissance préala­ble du jeune est la garantie du suivi édu­catif dont il a manqué jusque­là.

Le juge des enfants n’instruisant plus,le parquet sera chargé de fournir des dos­siers « prêts à juger ». Qu’aurait produit cette future loi lors des révoltes de 2005 alors que, dans 45 % des cas, les juges desenfants ont refusé de mettre en examen par manque de preuves rapportées ?

Ce projet a surtout comme objectif af­fiché de juger toujours plus vite, au dé­triment du travail éducatif pourtant es­sentiel pour un enfant en délicatesse avec la loi. Comme si l’enjeu n’était pasplutôt de réagir vite aux carences éduca­tives, y compris par des mesures fer­mes. Ce n’est pas d’être tenu pour cou­pable qui permettra au jeune de rompreavec une séquence de vie difficile, maisle fait de retrouver de l’espoir, des pers­pectives et déjà de l’estime de soi par lamobilisation d’adultes présents et équi­librés. Qu’on ne s’y trompe pas, en ju­geant vite demain, on pense qu’on ju­gera fort. On met en place un dispositifvisant à « éliminer » provisoirement ducircuit des jeunes tenus pour dange­reux ; mais en quoi protégera­t­onmieux la société si rien de plus n’est fait

au fond pour changer leurs conditionsde vie ? L’enjeu n’est pas de modifier laloi, mais de l’appliquer. En quoi cette ré­forme répond­elle à l’appel des jugespour enfants de 2018 [paru dans Le Monde le 5 novembre 2018] dénonçant la difficulté à mettre en œuvre les mesu­res éducatives prises tant au pénal qu’enprotection de l’enfance ?

Prévenir la primo-délinquanceOn ne s’attaque pas mieux à la récidive,et on ne s’attache toujours pas à préve­nir la primo­délinquance : tous les élé­ments du dispositif de soutien à la pa­rentalité – Protection maternelle et in­fantile (PMI), service social scolaire, santé scolaire, psychiatrie infantile, pré­vention spécialisée – sont aujourd’hui en souffrance. Trop d’enfants, avec desparents eux­mêmes en difficulté, sont donc plus que jamais abandonnés à eux­mêmes. On peut s’inquiéter de l’état de nos prisons dans cinq à dix ans. Pour couronner le tout, on affiche vouloirrespecter (enfin !) la Convention inter­nationale des droits de l’enfant du20 novembre 1989, qui veut qu’un seuild’âge minimal soit fixé pour réduire lerecours à la justice. En principe, avant13 ans, un enfant ne pourra plus êtrepoursuivi et condamné, sauf aux magis­trats d’estimer qu’il avait conscience de ses actes. On sera donc toujours amené à rechercher le discernement qu’on tient aujourd’hui pour acquis autour de7­8 ans. Où est la différence par rapport au droit actuel si cette présomption d’ir­responsabilité n’est pas absolue ?

Mesdames et Messieurs les parlemen­taires, n’approuvez pas telle quelle cetteordonnance qui ne répond pas auxproblèmes du moment. Exigez aumoins de voir des moyens éducatifs déployés pour qu’un éducateur n’ait pasplus de 25 jeunes à charge, au risque de n’en suivre vraiment aucun. Mieux,différez la mise en œuvre de cetteréforme procédurale chronophage alorsque les juridictions sont exsangues dufait de la pandémie.

Premiers signataires : Dominique Attias, avocate au barreau de Paris ; Jean-Louis Auduc, ancien directeur d’études de l’ IUFMde Créteil ; Josiane Bigot, magistrat honoraire, présidente de la Convention nationale des associations de protec-tion de l’enfance (Cnape) ; Claire Brisset, ancienne Défenseure des enfants ; William Bourdon, avocat à la cour de Paris ; Catherine Dolto, médecin ; Michel Fize, sociologueet écrivain ; Georges Labazée, vice-président du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) ; Christine Lazerges, professeure émérite, ancienne présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ; Claude Roméo, ancien directeur « enfance et famille » de Seine-Saint-Denis ; Jean-Luc Rongé, président de DEI-France ; Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat honoraire, président de l’as-sociation Espoir ; Isabelle Santiago, ancienne vice-présidente du Conseil départemental du Val-de-Marne, chargée de l’enfance ; Michel Wieviorka, sociologue ; Maxime Zennou, directeur général du Groupe SOS Jeunesse. Liste complète sur Lemonde.fr

CE PROJET A SURTOUT COMME OBJECTIF AFFICHÉ DE JUGER TOUJOURS PLUS VITE, AU DÉTRIMENT DU TRAVAIL ÉDUCATIF POURTANT ESSENTIEL

L’AFFAIRE MICHEL ZECLER ILLUSTRE UNE NOUVELLE FOIS L’IMPORTANCEDE L’IMAGE POUR RÉVÉLER DE TELLES VIOLENCES ET POURSUIVRE LEURS AUTEURS

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0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 idées | 37

Patrick Lefas et Franceline Lepany Il est urgent de rendreaux populations lésées les fonds issus des biens mal acquisA la différence de la Suisse, aucune disposition ne permet encore en France de restituer aux peuples les avoirs saisis des dictateurs, relèvent les présidents de deux ONG engagées dans la lutte contre la corruption

Il y a un an, les députés de lamajorité Jean­Luc Warsmann(Ardennes, UDI) et LaurentSaint­Martin (Val­de­Marne,

LRM) rendaient public un rap­port parlementaire intitulé « In­vestir pour mieux saisir, confis­quer pour mieux sanctionner ».Parmi ses nombreuses recom­mandations, ce texte proposait la création d’un dispositif législatif et d’une procédure budgétaire ad hoc permettant la restitution des avoirs confisqués dans les affai­res dites des « biens mal acquis ».

Cette proposition s’inscrivaitdans la lignée de la proposition de loi du sénateur socialiste du Loiret Jean­Pierre Sueur, relative à l’affectation des avoirs issus dela corruption transnationale, adoptée en première lecture par le Sénat six mois plus tôt. S’inspi­rant des recommandations de l’ONG Transparency Internatio­nal France, ces deux textesproposent de faire reposer le pro­cessus de restitution des avoirssur des principes de transparenceet de redevabilité.

Le but est de combler un videlégislatif. En son état actuel, ledroit français ne permet pas derestituer les fonds issus de la confiscation des biens mal

acquis : faute de mécanisme de restitution, ils sont rattachés di­rectement en recettes au budgetgénéral de l’Etat français.

Dynamique au point mortIl serait, en effet, « moralement in­justifié pour l’Etat prononçant la confiscation de bénéficier de cel­le­ci sans égard aux conséquences de l’infraction », comme l’avait souligné le tribunal correctionnel qui a condamné Teodorin Obiang,vice­président de la Guinée équa­toriale, et ordonné la confiscation de tous ses biens. C’est l’espoir de voir un jour restitués les biens confisqués aux populations dans les pays d’origine qui a motivé les constitutions de partie civile des associations Transparency Inter­national France et Sherpa dans lesaffaires des « biens mal acquis » (visant Teodorin Obiang, les familles Sassou­Nguesso et Bongo, Rifaat Al­Assad, etc.).

A l’étranger, la restitution segénéralise peu à peu. La Suisse,figure de proue en la matière, la met en œuvre depuis plus de trente ans [un dispositif juridique existe depuis 1986]. Le Royaume­Uni s’engage à son tour dans cette voie. La Commission euro­péenne elle­même, qui a récem­

ment annoncé le lancementd’une étude d’impact des instru­ments européens de recouvre­ment des avoirs, a souligné lesprogrès qui demeurent nécessai­res en matière de restitution des avoirs confisqués et d’indemni­sation du préjudice subi par les victimes.

Par peur de voir les fonds resti­tués retomber dans les circuits de la corruption, de nombreux pays

rechignent à se doter de mécanis­mes innovants. Rien pourtant, pas même la défaillance de la gou­vernance dans les pays d’origine, ne justifie que les avoirs issus de la corruption ne soient pas retournés aux populations dans les pays d’origine. La société civile doit avoir un rôle à jouer pour déterminer les modalités d’une restitution dans ces situations.

Le rapport des députés Jean­LucWarsmann et Laurent Saint­Martin a également posé les pre­miers jalons de la mise en œuvre de l’engagement souscrit par le gouvernement d’Edouard Phi­lippe devant le Sénat de permet­tre à la France de se doter d’un dispositif de restitution « à la fin de l’année 2019 au plus tard ». Un an plus tard, la dynamique amor­cée par le sénateur Jean­Pierre Sueur et poursuivie par les deux députés est au point mort.

Or, le temps presse. Après plusde dix ans de procédure et une condamnation confirmée en ap­pel, l’horizon d’une confiscationdéfinitive des biens mal acquis sedessine dans l’affaire Obiang où la défense s’est pourvue en cassa­tion. La loi française n’étant pas rétroactive, si aucun texte n’estadopté avant que la Cour de

cassation ne rende une décision définitive – que nous espérons conforme à l’arrêt d’appel –, les fonds confisqués retomberont dans le budget général de l’Etatfrançais, sans possibilité d’en opérer la restitution.

Le risque d’une double peineEn l’absence d’un mécanisme lé­gal, les autorités françaises ont trouvé un moyen de restituer augouvernement de l’Ouzbékistan– pays classé 153e sur 180 selon le dernier indice de perception de lacorruption de Transparency International – des fonds issus de la vente de biens immobiliers confisqués d’une valeur deplusieurs dizaines de millionsd’euros, sans garantir ni la trans­parence ni la redevabilité du pro­cessus. La Suisse, également sur le point de restituer des avoirs à l’Ouzbékistan, a fait le choix de la transparence. Elle démontre pourtant qu’une restitution ré­pondant aux recommandationsdes ONG est possible.

La France doit s’inspirer de sonvoisin helvétique et ne peut se contenter, sous prétexte d’engor­gement de l’agenda parlemen­taire, d’un statu quo revenant àce que les biens « mal acquis »

deviennent des biens « mal resti­tués » ou « non restitués ». Unetelle solution constituerait une« double peine » pour les popula­tions des pays d’origine et auraitpour effet d’occulter les progrès accomplis par la France ces dix dernières années en matière delutte contre la corruption et leblanchiment. La France doit sanstarder matérialiser son engage­ment pris devant le Sénat de res­tituer de manière responsableles biens mal acquis confisqués par la justice française, en se dotant d’un dispositif législatif répondant aux plus hautesgaranties de transparence et de redevabilité. C’est une question de volonté politique et le tempsvient à manquer.

Patrick Lefas est président de Transparency International France, ONG spécialisée dans la lutte contre la corruptionFranceline Lepany est présidente de l’association Sherpa, dévolue à la défense des populations victimesde crimes économiques

Grégory SalleLes faux-semblants de la pénalisation

du « banditisme environnemental »L’instauration tardive du « délit d’écocide » sera sans grands effets car c’est le système économique lui­même qui repose sur la destruction de l’environnement, prévient le chercheur en sciences humaines, sociales et politiques

Eradiquer le banditisme environne­mental » : c’est par cette formule­choc que le ministre de la justice,aux côtés de son homologue res­

ponsable de la transition écologique, ajustifié [à l’Assemblée nationale, le 24 no­vembre] l’annonce d’une répression ac­crue des atteintes à l’environnement censée se traduire par de nouvelles dis­positions textuelles, ainsi que des modi­fications institutionnelles.

L’expression est d’autant plus frap­pante qu’elle est de source ministérielle. Naguère, le lexique juridique charriaitd’autres connotations, parlant de « con­tentieux » ou de « préjudice » environne­mental. Et si, en langue anglaise, le voca­ble « environnemental crime » est devenu courant, celui de « criminalité environ­nementale » ne s’est pas imposé dans le débat public, pas plus que celui de « dé­linquance environnementale ». Parler de banditisme environnemental, c’est­à­dire associer les infractions à la législa­tion sur l’environnement aux représen­tations ordinaires de la délinquance, semble ainsi ébranler l’armature symbo­lique qui soutient l’ordre pénal.

Il y a pourtant fort à parier que cettelogique ne sera pas déployée jusqu’à son terme. Et ce pour une raison bien plus profonde que les critiques récurrentes dé­

plorant le manque d’ambition (dans la formulation des normes) et le manque demoyens (dans l’exercice de leur applica­tion). Se contenter de voir le verre à moi­tié vide, c’est passer à côté du problème.

On peut certes relever, après d’autres,qu’en créant deux nouveaux délits, l’unvisant la pollution et l’autre la mise en danger de l’environnement, la réformerenonce de fait à criminaliser au sens strict y compris les plus graves atteintesà l’environnement. Cela en galvaudant au passage le concept d’écocide. Lesdeux ministres ont beau s’évertuer à mentionner un « délit d’écocide », l’ex­pression ne peut convaincre tant elle apparaît théoriquement contradictoireet pratiquement inappropriée. Remar­quons d’ailleurs qu’il existe déjà quan­tité de délits environnementaux dont lemoins que l’on puisse dire est que, même à l’état de slogan, la « tolérance zéro » les a épargnés. Bornons­nous à endonner deux exemples, aussi dissem­blables que révélateurs.

Inégalités socialesLe premier est la dégradation, voire la destruction, de l’herbier de posidoniepar les yachts de grande plaisancemouillant hors des zones autorisées. Porter atteinte à cette plante sous­ma­

rine, protégée en France depuis 1988, en raison de son caractère vital pour l’écosystème méditerranéen, est une in­fraction définie par le code de l’environ­nement, passible d’un an d’emprisonne­ment et de 15 000 euros d’amende. L’im­punité a, depuis, régné en la matière, en dépit d’un sursaut récent. Ici ce sont desindividus qui sont concernés, mais pasn’importe lesquels, sociologiquement parlant : les plus fortunés. Une politiqueécologique sérieuse supposerait de nepas oublier les classes supérieures, dontles pratiques sociales sont fort domma­geables sur le plan environnemental. Dans le contexte d’un mandat présiden­tiel qui a éhontément choyé les plus ri­ches, on est curieux de voir cela. C’est laquestion, cruciale, des inégalités socialesdevant le droit et la justice. Le secondexemple est celui de l’obsolescence pro­

grammée. C’est la production massivede déchets inutiles et nuisibles qui af­fecte ici l’environnement. Or on ne peut pas dire que la pénalisation de ce délit entré en 2015 dans le code de la consom­mation compte pour beaucoup dans l’engorgement des tribunaux. Ici, ce sont des entreprises qui sont concer­nées, quand bien même elles sont incar­nées par des individus – et l’on sait quele système pénal n’aime rien tant que lesimputations de responsabilité indivi­duelle. Et non seulement des entrepri­ses, mais des secteurs d’activité entiers.

Que l’on ne s’y trompe pas en effet : lesscandales qui affleurent trop fugace­ment dans l’actualité, de la fraude sur lesémissions polluantes dans l’industrieautomobile à la pollution des cours d’eau par des multinationales de l’indus­trie agroalimentaire, ne sont que la faceémergée de l’iceberg. Des symptômes,non des dérives.

Extractivisme et gaspillagePunir la pollution et la mise en danger délibérée de l’environnement voudrait donc dire, en bout de course, incrimi­ner… l’organisation économique actuelleelle­même. Et pour cause : le jeu avec les règles environnementales fait partie in­tégrante de la vie des affaires. Plus en­core : c’est notre système économique lui­même qui repose sur la destruction de l’environnement. Celle­ci est inscrite dans la logique motrice du mode de production capitaliste et des couplesqu’il génère : productivisme et consumé­risme, extractivisme et gaspillage.

Malgré son manque de consistance so­ciologique, c’est l’un des mérites du con­cept d’anthropocène que d’exprimer cet

état de fait. A une telle époque, ce qui mé­rite ou non d’être qualifié de criminel et poursuivi comme tel est des plus confus.Qu’est­ce que le « crime » quand le quali­ficatif de « criminel » peut être appliqué àdes dimensions structurantes de notre existence ? Quand nous sommes quoti­diennement exposés à des pesticides toxiques, des perturbateurs endocri­niens et un air pathogène ? Quand c’est loin d’être le crime patenté qui rétrécit la biodiversité, pollue les sols et les coursd’eau, empoisonne la nourriture ? Croit­on vraiment que nul « banditisme environnemental » n’entre dans le jus d’orange que nous buvons, l’essence que nous consommons, le téléphone quenous utilisons ?

Tel est bien le nœud du problème : celuide l’arbitrage entre ce qui est répréhensi­ble ou non quand c’est tout un modèle dedéveloppement qui peut à bon droit être qualifié de criminel. Conformément à la gestion différentielle des illégalismes, désigner le banditisme environnementalsignifie donc opérer un découpage : stig­matiser une partie des atteintes à l’envi­ronnement pour en tolérer d’autres,voire les laisser prospérer. Isoler arbitrai­rement des méfaits en dédouanant du même coup les principes qui guident ledéveloppement économique normal.En d’autres termes : fournir un alibi ausaccage légal de l’environnement.

Grégory Salle est chargé de recher-che en sciences humaines, sociales et politiques au CNRS

COMMENT ARBITRER ENTRE CE QUI EST RÉPRÉHENSIBLE OU NON QUAND C’EST TOUT UN MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT QUI PEUT À BON DROIT ÊTRE QUALIFIÉ DE CRIMINEL

PAR PEURDE VOIR LES FONDS RETOMBERDANS LES CIRCUITS DE LA CORRUPTION, DE NOMBREUX PAYS RECHIGNENT À SE DOTERDE MÉCANISMES INNOVANTS

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38 | idées JEUDI 3 DÉCEMBRE 20200123

HISTOIRE D’UNE NOTION

L e Baromètre de la diversité présentéfin septembre par le Conseil supé­rieur de l’audiovisuel (CSA) l’a con­firmé : celle­ci n’est toujours pas au

rendez­vous sur les chaînes de télévisionfrançaises. Alors que les femmes représen­tent 52 % de la population française, elles n’ont constitué en 2019 que 39 % des person­nes vues à la télévision.

Pour les femmes et les hommes « perçuscomme non blancs », le pourcentage est de 15 % (17 % en 2018), soit moins que dans la po­pulation réelle – même si l’interdiction par laloi française de consigner des statistiques techniques dans les recensements natio­naux ne permet pas d’effectuer de comparai­son chiffrée. Quant au handicap, qui con­cerne 20 % de la population, sa représenta­tion tombe à 0,7 %. Les télévisions, décidé­ment, ont bien du mal à rendre compte de la diversité de la société française.

Aux Etats­Unis, en revanche, « Diversitymakes money » (« la diversité, ça rapporte ») est désormais une antienne de l’industrie ducinéma et de la télévision. Selon le dernier « Hollywood Diversity Report » publié en fé­vrier 2020 par l’université de Californie à LosAngeles (UCLA), le nombre d’emplois pourles femmes et les personnes de couleur y est de plus en plus proportionné à la populationaméricaine. Un juste retour des choses, puis­que c’est outre­Atlantique que le mot « diver­sité » a été forgé à la fin des années 1970.

A cette époque, les programmes d’actionpositive (affirmative action) menés en faveurdes minorités ethnoraciales et des femmesfont l’objet d’une contestation croissante dela part des conservateurs américains. En ré­ponse, en 1978, la Cour suprême rejette leprincipe des quotas ethniques, mais consa­cre la rhétorique de la diversité comme justi­fication légale du maintien de la discrimina­tion positive dans l’enseignement supérieur sélectif. Comme le note Daniel Sabbagh, poli­

tiste à Sciences Po, c’est cet arrêt qui, « pour lapremière fois, a défini les conditions que lesprogrammes d’affirmative action dans l’en­seignement supérieur devaient satisfaire pourêtre jugés valides (« Discrimination positive et “diversité” : les chaînons manquants », Raison publique 2012/2, n° 17). Et c’est la no­tion « protéiforme » de diversité, connotéepositivement, qui a fourni cette justification.

« Caractère polysémique »Quelques années plus tard, les consultants américains inventent le diversity manage­ment. Hors du monde des affaires, le mot s’impose comme un référent progressiste consensuel. Dans son ouvrage The Enigma of Diversity (The University of Chicago Press, 2015, non traduit), la sociologue Ellen Berreycite l’essayiste américain Peter Schuck, pour qui, « dans le panthéon des biens non question­nés, la diversité se situe juste à côté du progrès, de la maternité et de la tarte aux pommes ».

En France, le terme fait son apparition aumilieu des années 2000. Alors que le droit an­tidiscriminatoire se renforce, une charte de la diversité est signée en 2004 par une trentainede représentants des grandes entreprises.En 2006, la loi pour l’égalité des chances con­fie au CSA la mission de veiller à ce que les pro­grammes audiovisuels « reflètent la diversité de la société ». En 2009, l’Etat crée le « label Di­versité », qui récompense les employeurs pour leurs bonnes pratiques en matière de discrimination. Bon an mal an, le mot fait sonchemin dans les démocraties libérales.

« Diversité : caractère de ce qui est divers, va­rié, différent », note le Larousse. « Son caractèrepolysémique est pour beaucoup dans son suc­cès et dans sa durabilité, mais c’est aussi ce

qu’on peut lui reprocher », souligne la sociolo­gue Laure Bereni (CNRS), spécialisée dans les dispositifs de promotion de la diversité. Qu’ilssoient féministes ou antiracistes, les mouve­ments de lutte contre les discriminations nese privent pas de dénoncer le caractère dépoli­tisant de ce mot­valise auquel on peut faire dire un peu ce qu’on veut. Comme l’illustre l’évolution qu’a connue son usage, en France, dans le monde de l’entreprise.

« Lorsqu’il a été introduit dans le débat public,ce terme avait pour principal objectif de lutter contre les discriminations des descendants de l’immigration postcoloniale ; c’était un euphé­misme pour parler de race et d’ethnicité, dé­taille Laure Bereni. Mais à mesure qu’il s’est institutionnalisé, les politiques de la diversité arborées par les employeurs se sont focalisées sur l’égalité professionnelle, le handicap et la gestion des âges, reflétant les priorités des poli­tiques publiques nationales. La question des discriminations liées à l’origine, entre tabou et déni, a progressivement disparu. »

Dans un article récent, publié dans la revuedes politiques culturelles L’Observatoire (2020/2, n° 56) sous le titre « La diversité : ruse ou dévoiement de l’égalité ? », la sociologue note ainsi que le discours de la diversité, créécomme « un moyen de maintenir des disposi­tifs de réparation des injustices en masquant leur raison d’être initiale » (ruse), peut égale­ment faire écran à la réalisation des idéaux dejustice sociale (dévoiement). Elle n’en estime pas moins que ce discours, comme celui de la parité « avec lequel il entretient de fortes affini­tés », peut parfois introduire une brèche dans l’ordre social et « se muer en outil de déstabili­sation discrète des inégalités ».

catherine vincent

« LA QUESTION DES DISCRIMINATIONS LIÉES À L’ORIGINE, 

ENTRE TABOU ET DÉNI, A 

PROGRESSIVEMENT DISPARU »

LAURE BERENIsociologue

DIVERSITÉLe terme fait son apparition dans l’espace public en France au milieu

des années 2000, mais les mouvements de lutte contre les discriminations féministes ou antiracistes ne se privent pas de dénoncer

le flou et le caractère dépolitisant de ce concept

JOUER LA GUERRE. HISTOIRE DU WARGAMEd’Antoine Bourguilleau,Passés composés, 272 pages, 21 euros

Réticence | par serguei

PENSER LA GUERRE À TRAVERS LE JEULIVRE

J ouer à la guerre n’est pas l’apa­nage des enfants, c’est aussicelui des soldats. Mais si l’en­traînement et les manœuvres

préparent au combat le soldat du rang et ses chefs directs, comment« entraîner » celui qui, à la tête d’une armée, voire d’un Etat, doit prendre les décisions opération­nelles et stratégiques ?

L’ouvrage est le premier, enfrançais, à décrire la genèse, les formes et les enjeux de cette acti­vité dont on sous­estime large­ment le rôle dans le déroulement des crises passées ou présentes. Pour donner un seul exemple, la campagne américaine de recon­quête du Pacifique entre 1942 et1945 avait fait l’objet de wargamesdès les années 1930.

Le jeu d’échecs est précisémentissu d’un jeu de guerre indien du VIe siècle, le chaturanga, adaptépar les Arabes, qui l’introduisent en Europe. Le jeu présente sur 64 cases une bataille modèle etles caractéristiques des quatreunités de base d’une arméeindienne de l’époque : les fantas­

sins (les pions), les chars (quideviendront les tours), les cava­liers et les éléphants (les fous), qui protègent le roi et la reine. AuXVIIe siècle, des innovateursintroduisent dans le jeu d’échecsde nouvelles pièces : mousquets, canons, cavalerie lourde et légère.Parallèlement se développent les « plans­reliefs » représentant entrois dimensions des villes forti­fiées, afin d’entraîner les officiersà leur défense ou leur siège.

Introduction du hasardAu XVIIIe siècle, des jeux de bataille navale utilisent des modè­les réduits réalistes tant à destina­tion du public qu’aux marins. A la fin de ce siècle épris de rationalité, la convergence de ces initiatives amène à la mise au point par plusieurs auteurs du Kriegspiel : la représentation modélisée d’un terrain sur un échiquier (dont la taille et la forme évoluent), d’uni­tés caractérisées (mouvement, armement) et, enfin, l’introduc­tion du hasard (jet de dés).

Dans une version proposéeen 1810, l’échiquier est remplacé par un terrain « réaliste » à l’image

des plans­reliefs, auxquels jouent les officiers prussiens dans les décennies qui suivent. Leurs suc­cès entre 1864 et 1870 sont pour partie attribués à cette pratique, aussitôt copiée par toutes les armées selon des modalités variées – allemande, britannique, américaine, japonaise et russe essentiellement, l’armée française restant longtemps réticente à cet exercice « peu sérieux ».

Après avoir décrit les développe­ments plus récents du wargame, avec l’irruption massive des mathématiques dans la modélisa­tion des conflits aussi bien du côtémilitaire que du côté civil (entre­prises, administrations, politi­ques, mais aussi grand public avec l’industrie du jeu), l’auteur ne né­glige pas les dimensions critiques de cette tentative sans cesse réité­rée de « rationaliser » l’incertitude de la guerre. Peut­on modéliser lesmilliers de facteurs qui se combi­nent pour produire une activité aussi complexe que la guerre ? Peut­on modéliser les effets de la violence sur le comportement des hommes qui la subissent ?

antoine reverchon

L e pic est la grande affaire denotre époque : pic de la pandé­mie, pic de la population mon­

diale (prédit pour 2050), pic du pétrole (récemment annoncé par BP). Que les émissions de CO2 stagnent en 2019, et voilà poindre l’espoir d’un autre pic salutaire. Cette figure du pic paraît plus naturelle qu’elle ne l’est en réalité.Que des phénomènes disparates s’y conforment repose sur différentes hypothèses : par exemple que les pro­cessus en question passent bien par un pic et non plusieurs, ou que la phase de croissance soit bien suivie d’un reflux de même ampleur. Ce sontces caractéristiques qui confèrent au pic sa vertu prédictive et salvatrice.

L’omniprésence actuelle du pic n’estpas sans rappeler la période de l’entre­deux­guerres. On scrutait alors avec angoisse les courbes de mortalité(de la grippe espagnole, entre autres), mais surtout celles des naissances : en 1927, un Congrès mondial de la population réunit à Genève le gratin des néomalthusiens – dont John Maynard Keynes, Raymond Pearl, Julian Huxley et Margaret Sanger – pour discuter du pic de population et des moyens de le hâter.

C’est aussi à cette époque que les bio­logistes établissent les lois mathéma­tiques gouvernant la croissance etl’effondrement des populations. En étudiant les mouches drosophiles dans un bocal, Raymond Pearl démon­tre que leur nombre suit une courbe en S : une croissance lente, puis rapide,suivie d’un point d’inflexion et d’une asymptote. Dans The Biology of Population Growth (1925, non traduit), Pearl fait suivre son étude sur les mouches d’une seconde, portant sur la démographie de l’Algérie. Verdict logistique : la population de ce pays culminera à 5,5 millions d’habitants…

La courbe en S s’appliquerait aussi àl’économie. La croissance de la con­sommation de charbon qui a prévalu au XIXe siècle ne peut perdurer : « Le volume de la planète est strictement li­mité (…) et il n’est pas besoin de projeterla consommation de houille loin dans

le temps avant qu’elle n’atteigne un point où son tonnage correspondrait à un globe entièrement composé de charbon » (Raymond Pearl, Studies inHuman Biology, 1924, non traduit). Lesnéomalthusiens conçoivent la Terre à l’instar d’un bocal au sein duquel l’hu­manité commence à se sentir à l’étroit. Et ces limites planétaires pour­raient produire un chaos dont la pre­mière guerre mondiale n’a donné qu’un avant­goût.

Le bocal et la fournaiseEn 1932, un petit groupe d’ingénieurs américains réunis au sein du think tank Technocracy Inc. commence à ap­pliquer ce type de modélisation à l’énergie. Le déclin des indicateurs de production pendant la crise de 1929 neserait pas le signe d’une récession, ex­pliquent­ils, mais celui du passage du pic de l’emploi industriel. Et ils inter­prètent la baisse de la consommation de charbon (causée par des prix élevés pendant la guerre, puis par la crise) comme un autre pic. La cheville ouvrière de Technocracy Inc. n’est au­tre que le géophysicien Marion K. Hub­bert, qui a joué un rôle essentiel dans la diffusion de la notion de pic pétro­lier dans la futurologie énergétique.

Les outils que nous utilisons en 2020pour penser l’énergie et son futur ontété forgés il y a un siècle aux Etats­Unis, dans le creuset néomalthusien et technocratique des années 1920­ 1930, quand des ingénieurs choisirent de penser l’économie avec les équations des démographes et des biologistes. Le problème est que la catastrophe climatique en cours n’est pas une affaire malthusienne. C’est au contraire une question de surabon­dance : notre bocal contient bien trop de charbon, de pétrole et de gaz, et aucune limite dictée par la nature ne nous empêche de le transformer en fournaise.

Dans un contexte d’abondance, lepassage d’un pic n’empêche pas des rebonds ultérieurs : après des flux etdes reflux, l’utilisation de charbonaux Etats­Unis a atteint son recordhistorique… en 2008. L’énergie est un phénomène qui s’appréhende malavec des équations forgées pour étu­dier la multiplication des mouches dans un bocal.

Jean­Baptiste Fressoz est historien au Centre de recherches historiques de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess) et chercheur au CNRS

CHRONIQUE  | PAR JEAN­BAPTISTE FRESSOZ 

Pétrolier, pandémique…l’épopée du pic

LA CATASTROPHE CLIMATIQUE EN COURS N’EST PAS UNE AFFAIRE MALTHUSIENNE, 

MAIS UNE QUESTIONDE SURABONDANCE

Page 39: Le Monde - 03 12 2020

0123JEUDI 3 DÉCEMBRE 2020 0123 | 39

L e grand public n’en a pasconscience – heureuse­ment, car, occupé qu’il està essayer de cohabiter

avec le Covid­19, il se demanderait,à juste titre, si tout cela est bien rai­sonnable. Deux mots agitent, de­puis un mois, la communauté européenne des experts de géopo­litique : autonomie stratégique. La discussion est d’autant plus vaine que par « autonomie stratégique »,on entend tout et son contraire. Le concept, nous explique l’histo­rien Justin Vaïsse, dérive de la conclusion tirée par la France de lacrise de Suez et de l’humiliation infligée à Paris et Londres par les grandes puissances en 1956. Ne dépendre de personne : ce fut la leçon retenue à Paris, à l’opposé duRoyaume­Uni, qui préféra, lui, se placer sous la protection des Etats­Unis. Ce concept d’autonomie stratégique, le Conseil européen l’a adopté à l’unanimité, Britan­niques compris, en 2013, puis de nouveau en 2016.

Justin Vaïsse, aujourd’hui à latête du Forum de Paris sur la paix, s’en souvient très bien : c’était lui qui représentait le Quai d’Orsay à la négociation de la rédaction de laStratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Unioneuropéenne (UE). Dans un monde livré aux rapports de force, la France avait poussé pour que l’as­piration européenne à l’autono­mie stratégique soit intégrée au texte. Le 24 juin 2016, le Conseil européen entérinait cette « Stra­tégie globale », toujours à l’unani­mité. Mais l’événement passa ina­perçu, comparé à celui de la veille :le 23 juin, les Britanniques avaient décidé, par référendum, de quitter l’UE. Cinq mois plus tard, Donald Trump était élu président des Etats­Unis. Puis, six mois après, Emmanuel Macron remportait l’élection en France. A eux deux, ils remirent l’autonomie straté­gique européenne au goût du jour,le premier par son unilatéralisme, le second par volontarisme.

La victoire de Joe Biden, le 3 no­vembre, a fait ressurgir les diffé­rences de sensibilités entre Paris et Berlin face à ce concept qui interroge, fondamentalement, la relation avec les Etats­Unis : à laministre de la défense allemande, Annegret Kramp­Karrenbauer, qui voit dans l’autonomie stratégi­que une « illusion », M. Macron ré­pond qu’elle commet un « contre­sens de l’histoire ». Les Allemands préfèrent de loin le mot de « sou­veraineté » européenne à celui d’autonomie, qu’ils jugent pé­rilleux pour leur relation étroite avec les Etats­Unis. Ils se méfient de l’activisme gaulois et de la gran­diloquence du président français.

Du plus mauvais effet au mo­ment où arrive une administra­tion américaine qui semble prête àsous­traiter aux Européens leur sécurité régionale, cette polémi­que est superflue. Au­delà des mots, il y a les faits : les Etats mem­bres qui, contraints par l’écono­mie en temps de Covid­19, vien­nent de diviser par deux le budget de la défense prévu pour les sept années à venir, ne sont pas prêts à se donner les moyens de l’autono­mie stratégique en la matière.

Pourtant, la notion de souverai­neté a gagné du terrain en Europe ces dernières années. Que recou­vre­t­elle, alors ? Robin Niblett, directeur du cercle de réflexion britannique Chatham House, constate que sur la relation avec l’OTAN, l’Allemagne est plus pro­che du Royaume­Uni que de la France. Mais une souveraineté européenne émerge dans d’au­tres domaines que la défense, sou­lignait­il lors d’un débat sur la « doctrine Macron » organisé ré­cemment par le Conseil allemand des relations extérieures (DGAP).Cette « souveraineté moderne », selon l’expression de Robin Ni­blett, englobe le domaine du cli­mat, avec la taxe carbone et les normes environnementales, celuides normes juridiques et celui desnormes numériques. On peut y inclure le domaine de la santé, dans lequel, sous l’effet de la pan­démie, l’Europe a acquis des pré­rogatives qu’elle n’avait pas il y a un an, lorsque les Etats membres ignoraient les conséquences po­tentiellement dévastatrices de leur dépendance à l’égard de l’Asie en matière d’équipements médi­caux et de médicaments. On peut aussi ajouter les normes sociales et de droit du travail, que l’UE atta­che à la négociation de ses traités commerciaux.

L’Europe, donc, avance, et sasouveraineté avec, sans doute plus stratégique qu’il n’y paraît. C’est ce qui a poussé la Commis­sion européenne à prendre les de­vants et à formuler ces jours­ci despropositions à l’intention de la fu­ture administration Biden pour relancer, sur la base d’un vrai par­tenariat, une relation transatlan­tique au point mort après quatre années de régime Trump.

Suprématie technologiqueLe document de la Commission, dont le Financial Times s’est fait l’écho, propose notamment aux Etats­Unis la création d’un « es­pace technologique transatlanti­que », susceptible de former « l’os­sature d’une coalition plus large de démocraties ». Inutile de s’épuiser à tenter de négocier denouveaux accords de libre­échange qui seront rejetés de partet d’autre, comme avant. C’est surles défis du XXIe siècle qu’il faut seconcentrer, au premier rang des­quels la volonté de suprématietechnologique de la Chine. S’ils veulent, dans ce domaine qui s’annonce comme la grande ba­taille, conserver le pouvoir nor­matif dans le giron démocrati­que, Européens et Américainsdoivent surmonter leurs profon­des divergences et s’unir.

Le monde a changé, l’Amériqueet l’Europe aussi. Un autre think tank, l’European Council on Fo­reign Relations, a lui aussi travaillésur ce que devrait proposer l’Eu­rope à Joe Biden. Son rapport plaide pour un « new deal transat­lantique » et offre « un plan d’ac­tion pour une transformation, pas pour une restauration ». On y parletrès peu d’autonomie stratégique, beaucoup d’une Europe « parte­naire » et « souveraine », à l’initia­tive. Cela revient au même, mais permet de sortir du piège.

N ul ne sait encore ce qu’il advien­dra de l’article 24 de la proposi­tion de loi de « sécurité globale »

dont le gouvernement et la majorité ont, dans un souci d’apaisement, annoncé,lundi 30 novembre, la « réécriture totale ».Le texte qui prévoit de pénaliser la diffu­sion malveillante d’images des forces del’ordre est devenu la patate chaude dontil faut se débarrasser. Pas si simple, car, voté à l’Assemblée nationale fin novembre,il est désormais entre les mains du Sénat,à majorité de droite.

C’est à lui « et à lui seul de l’examiner et deréécrire, si cela s’avère nécessaire, une ou plusieurs de ses dispositions », a souligné,mardi, le président du Palais du Luxem­bourg, Gérard Larcher, dans un rappel à la loi qui sonne comme un avertissement :

pour sortir de l’impasse, le président de la République doit non seulement comptersur la bonne volonté de l’opposition, maisaussi respecter à la lettre les institutions.

L’exécutif n’a pas fini de payer la fautequ’il a commise il y a quelques jours, lors­que, réalisant un peu tard qu’il s’était four­voyé, le premier ministre et le ministre de l’intérieur ont cru bon de proposer la créa­tion d’une commission indépendante pourréécrire l’article d’un texte de loi qui venait d’être voté. Comment avaient­ils pu ignorerqu’en agissant de la sorte l’exécutif portait atteinte à la séparation des pouvoirs ? Il y a eu heureusement, dans la foulée, la lettre du président de l’Assemblée nationale,Richard Ferrand, au premier ministre, Jean Castex, dénonçant « une atteinte aux mis­sions du Parlement, qui seul écrit et vote la loi ». La démocratie vit encore ! Il n’empê­che, l’incident a révélé l’aveuglementauquel conduit, depuis trois ans et demi, l’excessive concentration des pouvoirs.

A l’origine, l’article 24 ne résultait pasd’une demande des députés. Il a été intro­duit par le ministre de l’intérieur, qui vou­lait honorer une promesse faite aux syndi­cats de policiers de sanctionner ceux quiles menacent en se servant des vidéos dif­fusées sur les réseaux sociaux. L’intention n’a pas fait tiquer les élus de la majorité. Letexte avait cependant deux grosses faibles­ses : il était juridiquement mal ficelé et po­

litiquement très sensible. Non seulement ilrisquait de porter atteinte à la liberté de la presse, mais il activait aussi le soupçon d’un gouvernement cherchant à masquer les violences policières. Collant aux reven­dications des policiers, Gérald Darmaninn’a nullement cherché à calmer le jeu, bien au contraire. Il a poussé sa partition jusqu’àce que la diffusion, jeudi 26 novembre, par le site Loopsider, d’une vidéo montrant les violences exercées contre le producteur de musique Michel Zecler, assorties d’injures racistes, provoque un salutaire électrochoc.

La leçon est d’abord politique. Le virage àdroite opéré durant le quinquennat a pro­fondément déséquilibré le gouvernement :l’aile droite y règne en maître, aidée par le contexte, mais aussi par le manque d’expé­rience politique du premier ministre, qui peine à faire vivre l’interministériel. Si Em­manuel Macron veut sauver le « en même temps », les ministres étiquetés de gauche ont intérêt à donner de la voix, et vite.

Mais la leçon est aussi institutionnelle :le peu de considération portée au Parle­ment par une équipe qui le connaît mal et l’autocensure que s’impose la majorité, en partie à cause du souvenir de la fronde qui avait miné le quinquennat de François Hollande, ont fini par mettre en danger le président de la République. Une fois deplus, Emmanuel Macron se retrouve seul. Personne ne l’a protégé.

LA VICTOIRE DE JOE BIDEN AUX ÉTATS­UNIS 

A FAIT RESSURGIR LES DIFFÉRENCES DE SENSIBILITÉS ENTRE 

PARIS ET BERLIN FACE À CE CONCEPT 

LA DOUBLE LEÇON DE L’ARTICLE 24

GÉOPOLITIQUE | CHRONIQUEpar sylvie kauffmann

Sortir du piège del’autonomie stratégique

LA COMMISSION EUROPÉENNE A FAIT DES PROPOSITIONS 

POUR RELANCER UNE RELATION 

TRANSATLANTIQUE AU POINT MORT

Tirage du Monde daté mercredi 2 décembre : 128 207 exemplaires

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Page 40: Le Monde - 03 12 2020

L’AME DU VOYAGE