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TEXTE : BREILLER PIRES (JOURNALISTE POUR LE MAGAZINE PLACAR ) - TRADUCTION & ADAPTATION : MARCELO MARTINS - PHOTOS : VIVIEN LAVAU / DR / ©MIGUEL RUIZ - NEYMAR PORTE UN MAILLOT NIKE SON FUTUR SEMBLAIT SE DESSINER DU CÔTÉ DE MADRID, MAIS C’EST À BARCELONE QU’IL A DÉCIDÉ DE POSER SES VALISES APRÈS AVOIR MARQUÉ DE SA PATTE TOUTE UNE ÉPOQUE DU FOOTBALL BRÉSILIEN. VOICI L’HISTOIRE DE NEYMAR, L’ENFANT « DIFFÉRENT » DE SANTOS QUI S’APPRÊTE À CONQUÉRIR LE MONDE SOUS LES COULEURS DU BARÇA, APRÈS AVOIR DOMPTÉ UNE TERRE DE FOOTBALL, LE BRÉSIL. LE NOUVEAU ROI COUVERTURE NEYMAR

Le Nouveau Roi

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Perfil de Neymar, do Barcelona, para a revista francesa Surface Football Magazine

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TEXTE : BREILLER PIRES (JOURNALISTE POUR LE MAGAZINE PLACAR) - TRADUCTION & ADAPTATION : MARCELO MARTINS - PHOTOS : V IVIEN LAVAU / DR / ©MIGUEL RUIZ - NEYMAR PORTE UN MAILLOT NIKE

SON FUTUR SEMBLAIT SE DESSINER DU CÔTÉ DE MADRID, MAIS C’EST À BARCELONE QU’IL A DÉCIDÉ DE POSER SES VALISES APRÈS AVOIR MARQUÉ DE SA PATTE TOUTE UNE ÉPOQUE DU FOOTBALL BRÉSILIEN. VOICI L’HISTOIRE DE NEYMAR, L’ENFANT «  DIFFÉRENT  » DE SANTOS QUI S’APPRÊTE À CONQUÉRIR LE MONDE SOUS LES COULEURS DU BARÇA, APRÈS

AVOIR DOMPTÉ UNE TERRE DE FOOTBALL, LE BRÉSIL.

LENOUVEAU

ROI

COUVERTURENEYMAR

Un peu plus d’un mois après

son quatorzième anni-

versaire, un gamin frêle

échange quelques passes

sur l’un des terrains de Val-

debebas (le centre d’entraî-

nement du Real Madrid,

ndlr) avec Ronaldo et Roberto Carlos, stars brési-

liennes des Galactiques du Real Madrid. Fin mars

2006, alors que les prémices du printemps arrivent

en Espagne, Neymar rend sa première visite à l’Eu-

rope au sein d’un club qui se dessine comme sa future

maison. Encore hypnotisé par cette intime rencontre

avec ses idoles de jeunesse, le gamin reçoit une belle

accolade de la part de Fernando Martín, récemment

nommé président du club. Un signe qui

montrait que l’affaire était pliée. Neymar

allait signer au Real !

UN JOUEUR NOMMÉ DÉSIR

Pour ceux qui ont assisté à cette scène

et savent à quel point l’équipe madrilène

enchante les jeunes pépites brésiliennes,

voir Neymar enfiler le maillot du FC Barce-

lone, sept ans plus tard, est aussi déroutant

qu’un dribble du prodige et renforce l’éter-

nelle rivalité qui existe entre les deux géants

du football espagnol. Wagner Ribeiro, agent du joueur,

était avec lui en 2006 à Madrid. Un an auparavant, il

bouclait la venue de Robinho dans la capitale espagnole.

Lorsqu’il prit connaissance que le Barça avait soufflé

Neymar au nez et à la barbe du Real, il resta sans voix.

Pendant sa présentation aux socios, dans l’enceinte du

Camp Nou, Neymar, ému, justifiait son choix par ses

mots : « J’ai écouté mon cœur. Et mon cœur appar-

tient à Barcelone. » Malgré tous les efforts fournis afin

qu’il signe au Real, Ribeiro savait que les yeux de son

client brillaient pour le club catalan. « Au moment

d’entrer au Camp Nou, cela a été une émotion inexpli-

cable », déclare Neymar. « Être applaudi par tous les

supporters… J’ai eu du mal à ne pas pleurer. Être à

Barcelone, c’est la réalisation du rêve d’un gamin qui

s’est toujours imaginé jouer là-bas. Je n’ai pas choisi

ce club pour des motifs financiers car mon père m’a

appris que le bonheur était au-dessus de tout. Pour

que je sois heureux, Barcelone était ce qu’il manquait

à ma carrière. » Les petits cadeaux du club madrilène

offerts lors de la première visite de Neymar à Madrid

n’ont donc pas suffi à faire chavirer son cœur. Ce prin-

temps-là, en 2006, il a même eu le privilège d’assister à

deux matches des Galactiques en tribune d’honneur du

stade Santiago Bernabéu. Avec les joueurs brésiliens,

la magie d’un stade est en théorie infaillible. À titre

d’exemple, en 2002, avant de s’engager en faveur de l’AC

Milan, Kaká avait posé le pied sur la pelouse madrilène

à l’occasion d’un match commémorant le centenaire du

club. Le milieu avait alors 20 ans, et Wagner Ribeiro

était aussi son agent. Lors de cette rencontre, Kaká a

marqué un but qu’il n’allait jamais oublier : le Real était

en lui ! Jusqu’à ce qu’il porte le maillot blanc sept ans

plus tard, suite à l’un des transferts les plus chers de

l’histoire du club. Alors, pourquoi « l’effet Real Madrid »

n’a pas fonctionné sur Neymar ? Sans doute à cause d’un

feuilleton politico-financier, en dépit des propos du

joueur ! En 2006, Florentino Pérez, alors président du

club (son premier mandat), invite Ribeiro et le père de

Neymar (d’ailleurs un ancien pro qui se faisait égale-

ment appeler Neymar) à découvrir les installations de

Valdebebas. Le plan d’action était simple. Pérez allait

offrir maison, voiture et de bons emplois aux parents

du jeune joueur, sachant que la FIFA n’autorise pas les

transferts de mineurs de moins de 18 ans. Au-delà de

cet âge, Pérez était prêt à payer près de 50 000 euros

au père de Neymar et à son agent pour clore les négo-

ciations. Un montant presque mille fois inférieur aux

57 millions que le Barça a déboursés pour lui fin mai.

Dans le même temps, le mandat de Pérez touchait à sa

fin et il renonçait à la présidence du club, peu avant l’ar-

rivée « actée » de Neymar. En dépit de l’intérêt de Fer-

nando Martín, successeur de « Florentino », la nouvelle

direction a préféré ne pas dépenser une telle somme

pour un joueur aussi jeune. L’enchantement de Neymar

s’est alors transformé en frustration. De retour au Bré-

sil, il prolonge donc son contrat avec Santos, l’équipe

pensionnaire du Vila Belmiro, le surnom du stade du

club qui l’a vu évoluer depuis ses douze ans.

ARGENT GLOIRE ET TROPHÉES

Découvert par Santos, le club qui révéla Pelé et

Robinho, dans une petite équipe de futsal du littoral de

São Paulo, Neymar est devenu célèbre très jeune. Quand

il revient de Madrid en 2006, le gamin de 14 ans signe

son premier gros contrat et obtient directement deux

millions de reais (presque 687 000 euros) de prime à

la signature. Quand il jouait dans les catégories infé-

rieures de Santos, il recevait déjà 25 000 reais (8 585

euros) par mois, salaire supérieur à plus de 90% des

joueurs professionnels au Brésil. Jeune, il était déjà une

star. À 17 ans en 2009, il fait son premier match avec

l’équipe première du club. Malgré quelques

prestations de très belle facture, ce n’est

qu’en 2010 qu’a lieu « l’année Neymar ». Déjà

titulaire indiscutable de l’équipe, il réalise

son rêve de toujours : jouer avec son idole,

Robinho, qui, prêté par Manchester City,

réintégrait l’effectif de Santos. L’entente des

deux hommes porte ses fruits. Cette année-

là, l’équipe gagne le championnat « pau-

lista » et la Coupe du Brésil. Le pays entier,

et principalement les supporters de Santos,

sont bouche bée devant l’incroyable capacité

du gamin à allier dribbles déconcertants et capacité

de finition rare devant le but. Il existait une clameur

populaire pour que Neymar soit convoqué à la Coupe du

monde 2010. Mais Dunga, alors sélectionneur du Brésil,

n’y prête pas attention. Selon lui, le numéro 11 de San-

tos n’a pas encore l’expérience suffisante pour disputer

un Mondial.

« J’AI ÉCOUTÉ MON CŒUR. ET MON CŒUR APPARTIENT

À BARCELONE. ÊTRE ICI, C’EST LA RÉALISATION

D’UN RÊVE DE GAMIN. »

COUVERTURENEYMAR

Le Brésil se fait éliminer en quarts de finale par les

Pays-Bas. Dunga est démis de ses fonctions. Mano

Menezes, son remplaçant, sélectionne Neymar pour la

première fois. Et pour ses débuts sous le numéro 11 (qui

était celui du légendaire « goleador » Romario), Neymar

marque de la tête son premier but lors d’une victoire 2-0

des siens face aux Etats-Unis en amical. En quelques

touches de balle, Neymar prouve qu’il est « différent »,

un terme communément utilisé par les commentateurs

sportifs locaux pour définir un joueur au-dessus de la

moyenne. Si l’uniforme auriverde lui va à ravir, il fait

pourtant face à ses premières turbulences au sein de

Santos. Après que le technicien – Dorival Júnior – l’em-

pêche de tirer un penalty, l’attaquant perd ses nerfs,

profère de nombreuses insultes à son encontre et se

met même à se battre avec ses coéquipiers. L’entraî-

neur demande alors la mise à l’écart du joueur, mais la

direction du club ferme les yeux. Dorival finira limogé

de ses fonctions. Cet épisode a pourtant des consé-

quences pour le petit prodige : en guise de sanction,

Mano Menezes ne le convoquera pas pour deux

matches amicaux de la sélection. Sa conduite

insolente fera même réagir le roi Pelé : « Il doit

être plus mature. Il doit plus jouer pour les sup-

porters que pour lui. » Ce dernier, tout comme

la presse, n’a pas toujours été tendre avec lui,

même encore de nos jours. Neymar lui, la joue

zen : « Si je marque beaucoup de buts, les gens

en réclament encore plus. Ils disent alors que je

suis gourmand et individualiste. Si je participe au jeu

et fait des passes, ils disent que je ne suis pas décisif.

C’est difficile de plaire à tout le monde. Heureusement

que Dieu m’a donné le don de jouer au foot, mais éga-

lement beaucoup de patience. » La rédemption viendra

avec l’arrivée de Muricy Ramalho à Santos. Le nouveau

technicien parvient à s’entendre avec le joueur et celui-

ci montre alors un bien meilleur comportement. Cela

se ressent grandement sur le terrain. En 2011, il est

sacré meilleur buteur de la Copa Libertadores (Ligue

des champions d’Amérique du Sud). Il marque un des

deux buts en finale face à Peñarol et aide l’équipe à

s’adjuger la compétition pour la troisième fois. Un tro-

phée que Santos ne gagnait plus depuis l’ère Pelé, en

1963. « La victoire en Copa Libertadores m’a marqué.

Jamais je n’oublierai, mais ce n’est que le début. Parce

que mon ambition est de jouer et de gagner les meil-

leurs championnats du monde », disait Neymar début

2013. Avant de signer un contrat de cinq ans avec le club

catalan, l’ancien numéro 11 de Santos était aussi dans

le collimateur de Chelsea en 2010, qui avait à l’époque

formulé une offre de 35 millions d’euros. Par la suite,

il est devenu la cible affichée de Barcelone et du Real

Madrid, deux clubs qui ont multiplié les négociations

avec le père du joueur et Wagner Ribeiro pour l’atti-

rer dans leurs filets. Mais deux freins existaient à sa

venue en Europe : Santos ne voulait pas le vendre, et

Neymar voulait rester au pays. Lors d’une mise en scène

assez atypique pour le football brésilien, Luis Alvaro de

Oliveira Ribeiro, le président de Santos, annonçait la

prolongation du contrat de Neymar le 9 novembre 2011.

Cette date marquait la fin des spéculations. Neymar

allait jouer à Santos pour au moins une année de plus.

Au-delà des buts et des titres, sa décision de rester est

devenu un vrai symbole pour le foot brésilien. Le pays

est depuis des décennies habitué à vendre ses meilleurs

éléments, mais là, dans une conjoncture économique

très favorable, le Brésil prouvait qu’il était capable de

conserver ses jeunes pépites. Neymar a renversé la

logique du marché et a même inspiré toute une nou-

velle génération de joueurs brésiliens. « En parvenant

à le garder, on assurait la poursuite du “spectacle” »,

confirme le président de Santos, fier de son élève. « Ney-

mar était l’artiste, la star qui a fait se lever les foules

et nous a procuré beaucoup de gloires. Il a été un vrai

symbole pour le football brésilien. »

UN JOUEUR PAS SI EXEMPLAIRE

Lors de la Coupe du monde U20 en janvier 2011, avant

de gagner la « Libertadores », Neymar a officielle-

ment été « présenté » à Barcelone. En fait, c’est à ce

moment-là que le club blaugrana a commencé à étudier

plus concrètement le parcours de l’attaquant, meilleur

buteur du tournoi avec neuf buts. Le Brésil a été sacré

champion, garantissant au passage sa participation aux

Jeux olympiques de Londres. De leur côté, les Catalans

étaient maintenant certains que le gamin n’était plus

seulement une promesse, mais une véritable pépite

en pleine progression. Le plus notable était la capa-

cité physique du joueur, au faible gabarit, à détruire

les défenses adverses avec sa vitesse, mais surtout sa

propension à ne jamais se blesser malgré la hargne

des défenseurs. Dès sa promotion en équipe première

de Santos, Neymar prend douze kilos de masse mus-

culaire, pour atteindre un poids de 65 kilos. L’objectif

de Barcelone est de faire en sorte que Neymar soit plus

puissant et atteigne la barre des 70 kilos, une philoso-

phie à l’opposée de celle des préparateurs de Santos.

« Le gain de masse musculaire a été totalement natu-

rel, c’est uniquement dû à sa croissance », affirme le

préparateur physique du club, Ricardo Rosa. « Ce qu’on

a fait pour que Neymar grossisse ? Rien. On n’a jamais

voulu changer le cours naturel de la croissance de

son corps. » Une formule gagnante, donc, malgré le fait

d’avoir été le joueur de Santos qui affichait le plus de

kilomètres au compteur, trois années de suite, Neymar

a toujours présenté une capacité incroyable de récu-

pération. Il n’a jamais subi de blessure musculaire et

n’a jamais été mis sur le banc afin d’être préservé. « Il

a une génétique privilégiée. C’est un cas très rare ! »,

s’exclame Rosa. L’entraîneur Muricy Ramalho est d’ail-

leurs tout à fait d’accord avec cette analyse. Pour lui,

le corps de Neymar ne nécessite pas de travail

musculaire spécifique : « S’il gagne trop en

muscles, il perdra en agilité. Il est très bien

comme il est actuellement. » Doté d’un méta-

bolisme hors normes, Neymar n’est pas pour

autant infaillible. Au Brésil, comme à l’étranger,

il s’est attiré les foudres d’une bonne partie des

supporters adverses, mais aussi des arbitres.

Son péché mignon ? Il se laisse facilement tom-

ber ! Un joueur « cai-cai », disent les Brésiliens, soit

un simulateur. Voici la réputation que l’attaquant traîne

derrière lui au pays : certains de ses plongeons sont

même très théâtraux. « Neymar a l’air d’une petite

fille, il s’écroule beaucoup trop souvent. Il n’a pas

besoin de ça pour se faire remarquer », déclarait à son

sujet João Marcos, joueur du club de Ceará et protago-

niste d’une dispute avec Neymar lors d’une rencontre

où ils ont failli en venir aux mains. Entre janvier 2010

et décembre 2012, Neymar a été le joueur le plus averti

de Santos : 55 cartons jaunes au total. Chiffre supérieur

à celui des défenseurs de l’équipe, et très peu commun

pour un attaquant. Vingt-huits de ces cartons ont été

distribués pour simulation, ou réclamation d’une faute

non-sifflée sur lui. Mathieu Valbuena n’a qu’à bien se

tenir… Lors des Jeux de Londres, l’attaquant a vécu un

véritable choc. Les Britanniques ne l’ont pas lâché d’une

semelle. À chaque chute de Neymar, les spectateurs le

huaient. En quarts de finale, contre le Honduras, Cri-

santo a été expulsé pour une faute sur le Brésilien lors

de la première mi-temps. Conséquence ? Neymar a été

« NEYMAR A L’AIR D’UNE PETITE FILLE, IL S’ÉCROULE

BEAUCOUP TROP SOUVENT. » JOÃO MARCOS, JOUEUR DE CEARÁ

conspué par une grande partie du public de St. James

Park le reste du match. Mais c’est au Brésil que Neymar

a expérimenté la plus improbable des déconvenues : être

ridiculisé par ses propres supporters. Lors d’une oppo-

sition amicale face à l’Afrique du Sud, le 7 septembre

dernier, il simule, presque inconsciemment, à deux

reprises, après des tentatives de débordement. Il se fait

copieusement siffler et se fait même surnommer « pipo-

queiro », une appellation que les locaux décernent aux

joueurs absents lors de matches importants. Neymar en

est ressorti très marqué. Pour sa défense, il est aussi le

joueur qui a subi le plus de fautes lors des championnats

brésiliens 2011 et 2012. « Je saute et plonge

même parfois pour me défendre, afin que

les défenseurs adverses ne me blessent pas »,

affirme-t-il, sans plus de détails. Du côté de

Santos, le club attribue justement sa capacité

à ne pas se blesser au fait qu’il tente d’éviter

tout contact en plongeant.

OBJECTIF COUPE DU MONDE

À 21 ans, le meilleur espoir du football bré-

silien doit se défaire de cette réputation de

simulateur et prouver qu’il peut être déci-

sif au sein de la Seleção. « Neymar est un

prodige, mais uniquement au Brésil. Il

n’a pas encore prouvé qu’il pouvait être aussi bon

en sélection et il sait que les arbitres internationaux

ne siff lent pas à tout va… Lors de duels à un contre

un, il perd un peu en confiance », analyse Tim Vic-

kery, journaliste anglais et correspondant de la BBC

au Brésil. Lors du match amical de la France contre

le Brésil, on a en effet pu constater que Mathieu

Debuchy n’avait pas été surclassé par le phénomène

brésilien. Cette année, Neymar a déjà été siff lé deux

fois lors de matches amicaux de la sélection – non pas

pour des simulations, mais plutôt pour le contenu de

ses matches. Jusqu’à aujourd’hui, il n’a pas toujours

souvent été capable de reproduire en sélection ses

performances magistrales avec Santos. Et les sup-

porters brésiliens ne lui pardonnent pas. Cela peut-il

préoccuper le sélectionneur, Luiz Felipe Scolari, « o

Felipão » (Le Grand Felipe), l’homme qui a permis à

la sélection brésilienne de décrocher son cinquième

titre mondial ? « Non ! Neymar ne peut pas gagner un

match seul », répond-il, comme pour mieux évacuer la

pression qui pourrait peser sur le joueur à l’approche

de la Coupe du monde. « Tout comme à Barcelone,

Neymar n’est qu’un joueur de plus de la sélection.

Un joueur fantastique, qui peut tout aussi bien

jouer sur le côté que dans l’axe, tant qu’il est près

des buts adverses. Moi je suis totalement satisfait de

son rendement. » Face à cette pression, le désormais

ex-joueur de Santos se dit imperturbable : « La pres-

sion ne m’affecte pas. Depuis petit, je rêve de jouer

en sélection et d’être l’idole des foules. Je me sens

prêt pour n’importe quel défi. Je me suis toujours

préparé en ce sens. Des équipes comme la France,

l’Italie ou l’Allemagne sont très bonnes au marquage

et ferment rapidement les espaces. Et cela rend plus

difficile notre jeu, à base de une-deux à une touche

de balle. Mais j’aime affronter ces grandes nations

du football, ça me permet de me frotter à ce qu’il

se fait de mieux. » Les sélections que cite Neymar

seront probablement qualifiées pour la prochaine

échéance mondiale. Elles constitueront un obstacle

de taille et risquent de contrarier l’objectif principal

du joueur : gagner la Coupe du monde chez lui, devant

les supporters brésiliens. Comment y parvenir ? Le

néo-Catalan, lui, approuve à 100% le discours de

« Felipão ». Comme en 2002, Scolari joue la carte de

l’union sacrée entre population et joueurs. « L’union

entre l’équipe et les supporters est très importante,

encore plus sachant que la compétition aura lieu au

Brésil », affirme Neymar. La synergie n’a pourtant pas

encore opéré. À seulement six mois de la Coupe des

Confédérations, Scolari a remplacé au pied levé Mano

Menezes, remercié par la fédération brésilienne.

Cette valse des entraîneurs est très loin d’enthou-

siasmer les supporters. Pourtant, les résultats se sont

vite faits ressentir avec un parcours brillant jusqu’à

la finale, et une victoire 3-0 contre l’Espagne pour

finir en apothéose. Autres signes : le match nul 2-2

face à l’Angleterre et la victoire 3-0 face à la France,

début juin. Seuls trois joueurs du groupe de 2010 sont

toujours présents (Júlio César, Thiago Silva et Daniel

Alves). Des maillons essentiels du passé, comme

Ronaldinho Gaúcho et Kaká, ont été zappés de la liste

pour la Coupe des Confédérations, ce qui fait de Ney-

mar l’un des joueurs les plus expérimentés de cette

équipe à seulement 21 ans. « Il manque quelqu’un

qui endosserait toutes les responsabilités avec Ney-

mar. Ronaldinho serait idéal, mais « Felipão » ne lui

fait pas confiance », juge l’ex-milieu de terrain Rivel-

lino, champion du monde avec le Brésil en 1970, au

Mexique. « Neymar est la star, on attend tous monts

et merveilles de lui. Aujourd’hui, la sélection dépend

beaucoup de lui.» Beaucoup trop ?

BARCELONE, MON AMOUR

À Barcelone, la tendance est qu’il évoluera

aux côtés d’Iniesta, Xavi, Fàbregas et Messi.

Ils partageront avec lui la tâche d’attaquer et

de faire jouer l’équipe. L’attaquant ne pourra

pas invoquer la période d’adaptation dans

son nouveau club comme excuse : il va devoir

concilier ce statut avec celui de joueur-clé de

la sélection brésilienne. « Lucas a signé au

Paris Saint-Germain et est immédiatement

devenu titulaire. Je suis certain que ce sera

pareil avec Neymar au Barça », s’exclame

Wagner Ribeiro, qui est également l’agent

du numéro 29 parisien. L’intéressé, lui, savoure son

bonheur : « Le Brésil va me manquer, il n’y a aucun

doute là-dessus. Ses supporters, ma famille et princi-

palement mon enfant. Mais je sais que j’ai signé dans

l’un des meilleurs clubs du monde. C’est ce qui me

motive le plus. Je ne suis pas de ceux qui choisissent

leur poste ou leur côté sur le terrain. Ce que je souhaite,

c’est être simplement sur la pelouse. À Barcelone, je

jouerai même en tant que gardien s’il le faut. » Muricy

Ramalho, son ancien entraîneur, est l’un des convain-

cus du succès de Neymar en Europe. « Il dispose d’une

caractéristique géniale bien à lui : avec le ballon, il est

capable de changer de direction à tout moment et à

très grande vitesse. Il est fantastique », s’enthousiasme

le technicien. Pour ceux qui douteraient de la capacité

de Neymar a déséquilibrer les défenses européennes,

voici la réponse du joueur : « Je ne changerai pas de

style de jeu. Je continuerai à jouer près de la surface et

à marquer des buts. Ce qui change, c’est la langue. Le

foot lui, ne change pas, il est le même à n’importe quel

endroit du monde. » Prétentieux, Neymar ? Non ! Plu-

tôt humble, mais néanmoins sûr de lui : « Je suis encore

très loin d’être le meilleur joueur du monde. Beaucoup

de grands joueurs sont devant moi : Messi, Cristiano

« JE NE CHANGERAI PAS DE STYLE DE JEU. CE QUI CHANGE,

C’EST LA LANGUE. LE FOOT LUI, NE CHANGE PAS, IL EST LE MÊME À N’IMPORTE QUEL

ENDROIT DU MONDE. »

CE QU’ENPENSENT SES

COMPATRIOTES

CRIS (ancien joueur de l’OL, de 2004 à 2012)

« Neymar est le meilleur joueur du pays pour beaucoup de Brésiliens. Il a tout pour devenir aussi légendaire que Pelé, Zico ou Ronaldo. Ça dépend évidemment de lui, mais aussi des parte-naires qui l’entoureront. On sait qu’il est en train de devenir l’un des meilleurs et pour franchir une nouvelle étape, il fallait qu’il aille en Europe. Et c’est là qu’il devra prouver ses qualités au monde, comme l’ont fait ses prédécesseurs. Il va avoir sa

chance, à lui de ne pas la gâcher. »

DEMETRIUS FERREIRA (ancien joueur de l’OM, de 2004 à 2006)

« Neymar est aujourd’hui la référence brésilienne, c’est le meilleur joueur en activité. Il fera par-tie des meilleurs du monde dans les prochaines années. Je ne sais pas s’il peut devenir aussi légendaire que Ronaldo ou Romario, mais il a les capacités pour le devenir. Déjà, à Barcelone, les

supporters se souviendront de lui. »

SON ANNÉEPRÉ-COUPE DU MONDE

CRIS (ancien joueur de l’OL, de 2004 à 2012)

« Pour moi, il n’y a pas de doutes, c’était le bon choix de signer maintenant. Il va jouer dans une grande équipe. Cette année pré-Coupe du monde en Europe ne peut lui être que bénéfique, il va acquérir l’expérience qu’il lui faut avant d’affron-ter ce Mondial. Et je pense que dans un an, cela portera aussi ses fruits au niveau de la sélection. »

ANDRÉ LUIZ (ancien joueur de Nancy, de 2005 à 2013)

« Le championnat espagnol ressemble un peu au brésilien, ça joue plus “au ballon”, il y a plus d’es-paces… Bien sûr, au début, il va avoir des difficultés parce qu’en Europe, les équipes jouent en avan-çant et réduisent les espaces, alors qu’au Brésil il y en a beaucoup plus. Mais lui, c’est un phénomène !

Il saura s’adapter. »

Neymar est un véritable phénomène sur les réseaux sociaux. Il ne se passe pas un jour où le joueur ne poste pas une photo ou un petit tweet. À l’heure où la communication des footballeurs est parfois ultra-contrô-lée, lui s’exprime librement et entretient cette interaction continue avec ses fans. En chiffres, il compte environ 11,8 millions de « J’aime » sur Facebook et 7,2 millions de fol-lowers sur Twitter, soit le deuxième Brésilien le plus populaire, après Kaká, dans l’univers 2.0. À titre de comparaison, c’est beaucoup moins que le leader de la catégorie, Cris-tiano Ronaldo. Le Portugais en est lui à 58,5 millions de « J’aime » et 19,1 millions de followers. L’arrivée de Neymar en Europe devrait rapidement équilibrer la tendance.

NEYMAR FOOTBALLEUR 2.0

NEYMARFACTSAvec 138 buts, il est le meilleur buteur de l’histoire de Santos, après « l’ère Pelé ». « Le Roi » en a marqué 1 091.

Neymar compte 28 buts avec le Brésil, 17 d’entre eux marqués en matches amicaux.

La crête iroquoise de Neymar a déjà atteint 10 centimètres de hauteur. Cosme, son coiffeur officiel, fait payer 15 euros à tout ceux qui veulent copier la coupe du joueur.

SELEÇAO« Le Brésil doit prouver qu’il ne joue pas uniquement avec son histoire de quintuple champion du monde (sic), mais que l’équipe actuelle est capable de pratiquer un football moderne, de gagnants. On doit renouer avec l’essence de notre football, à base de toucher de balle et d’audace dans le jeu. Voilà le Brésil que les supporters veulent voir à la Coupe du monde. »

NEYMAR...TISTENeymar n’est pas qu’un virtuose sur le terrain, il l’est aussi sur papier, ou pas. Voici pour preuve un croquis réalisé par le joueur pour son grand ami Lucas Moura du PSG, lors de la préparation du Mondial U20 en 2011 avec les Auriverdes. Crayon d’Or haut la main !

Ronaldo, Iniesta, Xavi ou Robinho, qui a également été

formé à Santos. Mais jouer à Barcelone va me donner

l’opportunité d’apprendre avec les meilleurs. »

MINE D’ARGENT

Retour sur l’hiver 2012. Nous sommes le 3 décembre. Dans

un coin de la salle, Neymar est penaud. Il ne peut dissi-

muler sa tristesse lorsque son conseiller personnel lui

annonce qu’il ne recevrait que le « Ballon d’Argent », titre

attribué par le magazine Placar au Brésil (équivalent de

France Football). C’était une réelle surprise. Quand il

est appelé à rejoindre le podium, l’attaquant se retrouve

devant Ronaldinho, élu « Ballon d’Or ». Un titre bien

spécial lui est cependant également décerné, le « hors-

concours ». Soit un trophée indiquant que Neymar faisait

l’unanimité auprès de tous les journalistes du

magazine. Depuis Pelé, jamais aucun joueur ne

s’était vu attribuer une telle récompense. Son

attitude presque ronchonne laisse alors place

à un large sourire d’enfant. « Je n’arrive pas

à y croire. Recevoir un tel prix, qui plus est

d’une idole comme Ronaldinho, est quelque

chose d’indescriptible », déclare le joueur ce

jour-là, le trophée entre les mains. Neymar

est ainsi. Timide, taciturne et boutonneux, il

paraît plus jeune qu’il ne l’est réellement. Son

statut de pop star au Brésil n’est pas du tout

proportionnel à l’humilité du joueur. Peu après

sa présentation en tant que nouveau joueur

du Barça, en prétendant aider Lionel Messi à être encore

meilleur et non pas le surpasser pour devenir le meilleur

joueur du monde, Neymar faisait preuve de la même sim-

plicité face à l’Argentin qu’en 2011, après la finale du Mon-

dial des clubs entre Santos et Barcelone. Après la défaite

de son équipe 4-0, Neymar fit l’éloge de Messi, auteur d’un

doublé ce soir-là. C’est à ce moment-là que sont nés un

respect et une admiration mutuels entre les deux joueurs,

de quoi raviver encore plus la flamme barcelonaise dans

le cœur du joueur. Le milieu de terrain Walter Montillo,

lui, est un privilégié : il a eu la chance de côtoyer Neymar

à Santos et Messi en sélection argentine. Pour lui, aucun

doute possible, leur entente sera destructrice. « Neymar

est incroyable, il peut gagner un match à lui tout seul

grâce à son talent. Messi est lui très intelligent et objec-

tif », décrit Montillo. « Pour moi, Neymar est le numéro 2

mondial vu que Messi est le numéro 1. Je remercie le foot-

ball de m’avoir donné la chance de partager le vestiaire

et de jouer avec ces deux-là. » Au-delà du fait qu’il soit un

représentant légitime du beau jeu dans le monde, d’autres

attributs ont converti Neymar en objet de convoitise.

Aujourd’hui, il est la plus importante figure marketing du

Brésil. Le joueur a d’ailleurs été choisi pour être le porte-

drapeau de 9ine, une entreprise de marketing sportif lan-

cée en 2011 par l’ex-attaquant Ronaldo. Ce dernier affirme

que son client est son successeur : « la star mondiale du

football brésilien. » En début de carrière, le jeune néo-

Barcelonais fait déjà de l’ombre aux meilleurs succès

commerciaux du « Fenômeno », c’est dire. Neymar détient

pas moins de onze sponsors qui ont fait exploser ses reve-

nus l’année dernière. On parle de 14 millions d’euros de

recettes. Un record par rapport aux standards du pays.

C’est par le biais de contrats publicitaires, qui correspon-

daient à plus de 90 % des revenus du joueur, que Santos est

d’ailleurs parvenu à conserver Neymar au pays. Selon une

étude de Esteve Calzada, consultant et ex-directeur mar-

keting du FC Barcelone, Neymar dispose d’un meilleur

potentiel publicitaire que Leo Messi, Cristiano Ronaldo

et Wayne Rooney car « Neymar est pourvu d’un profil

“rebelle”, il est plus complet que les autres. » Ses célé-

brations de buts tirées des chorégraphies de morceaux

populaires au Brésil telles que Tche Tchererê Tche Tche

ou Ai se eu te pego, ses coupes exotiques, allant de crêtes

iroquoises au blond décoloré, ou encore ses vêtements et

bijoux extravagants sont de véritables marques déposées

par Neymar. Toutes proportions gardées, il est en quelque

sorte le David Beckham brésilien. « Ce qui m’importe est

de jouer au foot, marquer des buts et gagner des titres.

Mon succès en dehors du terrain n’est que conséquence »,

affirme pourtant l’attaquant. « Ma seule ressemblance

avec Beckham est peut-être ma coupe de cheveux, rien

d’autre. Il n’y a pas lieu à d’autres comparaisons. » Et

d’en rajouter une couche : « Oui, j’aime m’acheter des

vêtements, de bons parfums, de bonnes crèmes pour

mes cheveux. Oui, je suis prétentieux. Je n’ai aucun pro-

blème avec ça ! Avec le fait que je m’épile les jambes par

exemple. Mais je ne me considère pas comme un métro-

sexuel. Ça, c’est plus pour Beckham, qui est quelqu’un

d’élégant. »

A STAR IS BORN ?

En 2011, Neymar a pris part à quelques séances de « media

training » et d’orthophonie afin de mieux s’exprimer en

public. Au même moment, afin de diffuser son image de

la meilleure des façons possibles, il suitdes cours d’an-

glais et d’espagnol. Une semaine avant de débarquer au

Camp Nou, il s’adonne même à des leçons intensives de

catalan. Le fait d’avoir prononcé quelques mots dans la

langue officielle de la communauté lui a d’ailleurs permis

d’acquérir le respect immédiat des supporters du Barça.

Plus de 56 000 personnes étaient présentes,

un record pour la présentation d’un joueur au

club. Plus que l’inconnue sur le fait que Ney-

mar puisse étendre sa célébrité construite à

Santos sur le sol européen, sur et en dehors

du terrain, son succès à Barcelone peut être

lié à la façon dont le club catalan reproduira

un environnement similaire à celui qui était

le sien au Brésil. Le prodige laisse derrière lui

un tas d’amis, sa famille – dont un fils de deux

ans, Davi Lucca, qui avait l’habitude de l’ac-

compagner aux matches et aux entraînements

de Santos. Et puis, il y a sa femme Bruna

Marquezini, actrice de « novelas », feuille-

tons télés typiquement brésiliens, de la plus grande

chaîne de télévision du pays. Tout cela sans compter

les innombrables cadeaux du président « santista », qui

n’a jamais lésiné sur les moyens pour satisfaire tous les

petits caprices de « son artiste ». Entre autres, l’emmener

piloter une Ferrari sur circuit, ou aller personnellement

au McDo lui acheter un Big Mac – son repas préféré –.

D’ailleurs, le président n’a jamais sanctionné sa mine d’or

qui, à plusieurs reprises, s’est présentée en retard aux

entraînements à cause de ses nombreux engagements

commerciaux. Neymar, de son côté, préfère ne pas se

projeter dans le futur. Il se limite à rappeler son humble

enfance et montre toute la gratitude qu’il a envers l’ave-

nir qu’il a choisi : le football. « Quand j’étais gamin, je ne

pensais qu’à courir derrière un ballon et rien d’autre.

Je n’avais absolument pas la notion de ce que le football

pourrait m’apporter. » La destination qu’il a choisi pour

continuer à faire la différence ne pouvait être plus appro-

priée. Si Barcelone est « més que un club », Neymar est

certainement plus qu’un simple joueur.

NEYMAR DÉTIENT PAS MOINS DE ONZE SPONSORS QUI ONT FAIT EXPLOSER SES REVENUS L’ANNÉE DERNIÈRE. ON PARLE

DE 14 MILLIONS D’EUROS DE RECETTES.