Le projet de loi Macron ou comment construire une France hyper libérale

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Paul Boccara y otros

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  • les dossiersdconomie et politique :

    Ce projet de loi abusivement nomm pour la croissance et lactivit est dune grande gravit pour lavenir de lconomie franaise.Ce texte quil faut lire absolument dans tous les dtails est dune grande nocivit. Loin dtre simplement un fourre-tout, il est dune cohrence hyber librale rgressive redoutable. Il ose prtendre renouer avec une croissance durable, en modernisant lconomie franaise et en la librant de ce quil qualifie de freins lactivit . Le projet de loi viserait assurer la confiance, dtruite en ralit par les renoncements de Hollande et de Valls. Il veut aller beaucoup plus loin en simplifiant les rgles censes entraver lactivit conomique. En ralit, articul la loi de scurisation de lemploi de 2013 et au Pacte de responsabilit, il prpare une transformation de fond en comble du modle social franais, une rupture avec les valeurs de la gauche en France, ainsi quavec tous les acquis sociaux conquis de haute lutte, une marche force vers les rformes et les valeurs de lhyperlibralisme.

    Le projet de loi Macronou comment construireune France hyper librale

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    Les dossiers dconomie et Politique

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    Sur la signification gnrale

    Le projet de loi prtend librer lactivit, pour renouer avec une croissance durable. En ralit il sagit de mesures dhyperlibralisme rac-tionnaire. Faire davantage pour le patronat, le Medef, les privatisations, les profits capitalistes et la rentabilit financire, contre les salaris renforcera les difficults de la croissance relle.Bien sr, il y a une grande dmagogie de prsentation. Sous prtexte de faciliter la vie des entreprises il sagit du patronat et des grandes entreprises, plus que des PME. Et la pression accrue sur les salaris, mme sil y a un effort dintgration sur lintressement. loppos de lintrt gnral, cest librer les entreprises des contrles publics, sous prtexte de librer les activits contraintes. Y compris en relation avec les directives europennes pour lintgration europenne.Pour lorientation du PS, a va dans le sens de la mise en cause des ides mmes du socialisme. Cest le pari de faire une sorte de parti libral, conomique et poli-tique, avec la recherche dalliances avec le centre. Avec une dmagogie considrable, cest un pt dalouette, un fourre-tout, avec une alouette de quelques assou-plissements et plusieurs chevaux dhyperlibralisme ractionnaire. On prtend sattaquer aux corporatismes, on pointe les notaires et les professions juridiques mais aussi les syndicats.Cela tendra renforcer les difficults de la croissance. Tandis que le taux de chmage est trs haut : 10,5 % et continue daugmenter, la croissance atone 0,4 %, lin-vestissement trs faible, on veut renforcer la politique daustrit, de rentabilit financire pour les entre-prises et les banques contre les contrles et incitations dintrt gnral, pour dit-on allger les obligations des entreprises. On veut faciliter linvestissement financier, sous prtexte dinvestir, accrotre les privatisations, faire reculer le droit du travail, en prtendant faire travailler ?Sur le plan thorique le projet de loi Macron est proche du libral de droite Jean Tirole : cest la lutte contre les soit-disant rigidits, les rigidits syndicales, de ltat, les rigidits publiques, cest--dire tous les chevaux de bataille libraux noclassiques. Cela rejoint le rapport de la Commission Attali dont Macron tait rappor-

    le projet de loi macron : Pt dalouetteet hyperlibralisme

    paul boccara

    Le projet de loi prtend librer lactivit, pour renouer avec une croissance durable. En ralit il sagit de mesures dhyper-libralisme ractionnaire. Faire davantage pour le patronat, le Medef, les privatisations, les profits capitalistes et la rentabilit financire, contre les salaris renforcera les difficults de la croissance relle.

    teur sous Sarkozy, pour librer le patronat de ses charges , cest un plan contre les travailleurs, contre les syndicats, contre une vraie rgulation publique.

    Points et articles significatifs dans le projet

    PrivatisationsTransports par autocars. Les articles 2 et 3 prvoient louverture de lignes de transports rguliers non urbains par autocars. Cela peut sembler en partie positif. Mais aussi cela pousse la privatisation et la concurrence par rapport aux chemins de fer.CHU. Larticle 42 modifie le code de la sant publique. Il dclare que les Centres hospitaliers universitaires peuvent prendre des participations et crer des filiales pour assurer des prestations dexpertise au niveau internatio-nal, valoriser les activits de recherche et leurs rsultats et exploiter des brevets et des licences . Il est prcis, dans lexpos des motifs, que lobjectif de cet article est dintroduire dans la loi la facult pour les tablissements publics de sant dexercer des activits subsidiaires

    LuisResaltado

    LuisNota adhesivaQu entienden aqu por "crecimiento real"?

    LuisResaltado

    LuisNota adhesivaPodra esto estar relacionado con el "travaille au noir"?

  • Loi Macron

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    Pt dalouette

    leurs activits principales pour la valorisation indus-trielle et commerciale notamment des rsultats de la recherche et de faciliter les relations avec les partenaires industriels extrieurs.Armements. Larticle 47 dclare : Est autoris le trans-fert au secteur priv de la majorit du capital de la socit Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) et de ses filiales. Il est prcis que cela permettra la cra-tion dun champion europen de larmement terrestre.Aroports. Larticle 49 est relatif au projet de priva-tisation des socits Aroports de la Cte dAzur et Aroports de Lyon.Publicit. Larticle 62 accorde un pouvoir accru aux collectivits territoriales dans le domaine de lexploi-tation publicitaire des grands stades.

    Recul des contrles publics sur les entreprisesIl sagit des articles 55 visant allger les obligations sur les entreprises , et 60 pour faciliter la vie des entreprises .

    lntgration salariale : sous prtexte de renforcer lintressement et lpargne salarialeOn veut drainer lpargne salariale au bnfice des investissements des entreprises.Les articles 36 40 concernent les dispositifs dpargne salariale avec notamment leur largissement aux PME mais aussi la mobilisation du Fonds de lpargne sala-riale au profit du financement de lconomie.

    Ouverture du public au priv dans le cadre europenLarticle 57, dans le cadre de la rnovation du droit de la commande publique, concerne notamment les contrats de concession pour la ralisation de projets publics sappuyant sur le savoir-faire, lesprit dinnovation et les ressources du secteur priv . Et la transposition des directives europennes sur cette question doit faciliter laccs ce type de contrat.

    Travail dominical et en soireLes articles 71 79 instituent des drogations au repos dominical pour les tablissements de vente dans les zones touristiques, internationales et zones com-merciales exceptionnelles de cinq plus sept semaines (12 semaines) ainsi que dans les gares de ces zones ou figureront dans un arrt ministriel.Larticle 81 tablit la facult demployer des salaris entre 21 heures et 24 heures dans les zones mentionnes.

    Justice prudhomaleDes obligations et restrictions nouvelles sont institues pour les conseillers prudhommes selon larticle 83. Les conseillers sont tenus au secret des dlibrations. Il leur est interdit toute action concerte de nature arrter ou entraver le fonctionnement des juridictions.Ils ont une obligation de formation initiale sous peine dtre rputs dmissionnaires. Lacceptation dun mandat impratif constitue un manquement grave aux

    devoirs sanctionn par une commission nationale de discipline. En cas dchec de la conciliation, laffaire peut tre renvoye devant une formation de jugement prside par un juge du tribunal de grande instance.

    Droit du travailLarticle 85 rvise la nature et le montant des primes et des sanctions applicables en cas dentrave au fonction-nement des institutions reprsentatives du personnel.Larticle 87 modifie le Code du travail sur le dialogue social dans lentreprise, avec certains remplacements de linspecteur du travail par un juge judiciaire et des suppressions de consultations des organisations syndi-cales reprsentatives dans lentreprise.La modification de larticle 2064 du Code civil exprime une mancipation du droit du travail.En effet, est supprime la restriction selon laquelle aucune convention ne peut tre conclue leffet de rsoudre les diffrends qui slvent loccasion des contrats de travail.Il sagit de permettre des contrats qui ne relvent plus du droit du travail et de ses protections, mais de droit civil, avec des conventions de gr gr entre employeurs et salaris.

    Loi de scurisation de lemploi et licenciements conomiquesLes articles 98 104 apportent des modifications aggravant encore les consquences ngatives de la loi dite de scurisation de lemploi sur les licenciements, comme pour le reclassement linternational ou le primtre dapplication de lordre des licenciements, au dtriment des droits antrieurs des travailleurs.

    lments dalternative pour librer rellement et dvelopper lactivit relle dans la socit1. Un contrle public et social largi des entreprises prives, des banques, de la BPI (Banque publique dinvestissement), de la BCE, contre les spculations financires et pour le progrs social.2. Un autre financement, un autre crdit, une autre cration montaire pour lemploi, la croissance relle, les investissements rels matriels et de recherche, les services publics en coopration jusquau niveau europen.3. Des obligations sociales des entreprises en faveur des salaris, de leur emploi, leur formation, leur promotion.4. Des droits et pouvoirs nouveaux des travailleurs et des usagers, dans les services publics, et la gestion des entreprises de production ou de services privs.5. Un dveloppement et des prennisations des CDI (contrats dure indtermine). Des rductions, pna-lisations et scurisations des contrats prcaires.6. Des droits nouveaux de suspension des licencie-ments, de propositions alternatives, et de nouvelles garanties, notamment pour les reclassements.7. Une extension des participations et des entreprises publiques, avec de nouveaux critres de gestion deffi-cacit sociale.

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    On ne fera pas linjure de penser quune loi dite Pour la croissance et lactivit montre du doigt les fainants de chmeurs ou lindolence des travailleurs dans un pays o leur productivit est une des plus fortes du monde. La loi Macron affirme quil faut drguler pour librer les nergies et crer de lemploi . Cest linverse, moins il y a de rglementation et plus il y a de chmage. Cela fait dix ans quils drgulent, et depuis dix ans le chmage saccrot. LANI du 11 janvier 2013 et la loi du 14 juin 2013 devaient, en assouplissant les licencie-ments, scuriser lemploi : on a 250 000 chmeurs de plus. Et la loi Macron propose dassouplir encore plus les licenciements, ce qui fera encore plus de chmeurs.En 1992, le travail de nuit a t autoris pour les femmes, en arguant que ctait pour lgalit profes-sionnelle hommes-femmes et pour lemploi. Vingt ans aprs, en 2012, 7,4 % des salaris travaillent de nuit, contre 3,5 % en 1991, soit un total de 3,5 millions de personnes. Un million de femmes ont t frappes de plein fouet par cette nuisance. Elles sont aujourdhui plus de 9 % tre des travailleuses de nuit : deux fois plus quil y a 20 ans ! Et il y a un million et demi de chmeurs de plus ! Et Macron nous propose, dans sa nouvelle loi librale, de travailler en soire (sic)Cest grotesque de chercher vendre du parfum minuit ou le dimanche des touristes chinois prsu-ms, alors quils restent en moyenne 7 jours Paris et que leurs tours operators ont planifi davance une demi-journe dachats en plein jour de semaine ! Alors pourquoi faire venir des femmes pauvres et prcaires, qui nont pas le choix, vendre des parfums en soire ou le dimanche ? a ne marchera pas, et elles seront obliges de rentrer chez elles en banlieue 2 heures du matin, ou de ne pas voir leurs enfants le dimanche.La drglementation la Macron frappe tout, lins-pection du travail, la mdecine du travail, la justice du travail, le droit pnal du travail, les institutions repr-sentatives du personnel, et mme le bulletin de paie qui deviendra opaque. Elle sen prend aussi toutes les professions de droit, avocats, avous, notaires, huissiers, greffiers, afin de les soumettre aux firmes juridiques

    loi macron : En route pourle rgressisme ?

    Grard Filoche

    Quand on dcouvre la loi Macron, il est permis dinventer le mot rgressisme (1). Jamais sans doute, un gouvernement issu de la gauche na os proposer une loi aussi rtrograde, librale, en tout point destructrice des droits des salaris. Cest un projet qui porte sur le droit du travail, fait par un ministre de lconomie librale. Ce projet dans son titre III, tonnamment intitul TRAVAILLER , en donne toute la mesure.

    anglo-saxonnes qui sempareront ainsi du traitement de nos successions et des ventes. Alors quil aurait fallu transformer ces officines en service public et contrler leurs actes et leurs cots, elles vont, au contraire, tre clates et davantage soumises aux puissantes et rapaces multinationales juridiques.Tout comme les taxis : Macron pousse la G7 se sabor-der pour le compte de la multinationale Uber low cost qui fait main basse sur les VTC (voiture tourisme avec chauffeur) et lon trouvera bientt des chauffeurs philippins aux horaires mortels, et aux prix ngocis au cas par cas sans compteur. Cest aussi le principe dAir France et de Transavia a consiste rserver la scurit et le confort des services aux riches et crer des alias de seconde zone et second prix pour les pauvres ! Macron r-invente la troisime classe des trains la SNCF : ce seront les autocars pour les jeunes pauvres qui ne peuvent plus se payer le TGV.La flexibilit cre du chmage : ce sont les salaris, bien forms, bien protgs, bien pays qui produisent le plus et le mieux, pas les flexibles ! Si on veut crer de lemploi, il faut faire reculer la flexibilit ! Or la loi Macron fait tout le contraire, et ouvre des champs nouveaux aux revendications les plus intgristes du Medef. Ce projet de loi nest mme pas social-libral , il est libral tout court !Mais au motif quil sagit dun texte compliqu, peu mdiatique, la grande presse va masquer son contenu aux salaris et syndiqus. Comme pour lANI de 2013, ils vont privilgier la propagande gnrale, reprendre la chanson de la modernisation du gouvernement, en dlaissant lanalyse prcise, dans le dtail des mesures avances par ce texte. nous de faire percer la vrit, dans les dtails et sur le fond.

    Subordination ou soumission ?Cest le plus incroyable : le projet de loi modifie larticle 2064 du Code civil et abroge larticle 24 de la loi n 95-125 du 8 fvrier 1995 relative lorganisation des juridictions et la procdure civile, pnale et admi-

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    nistrative. La modification de larticle 2064 du Code civil est une tentative de supprimer le droit du travail !En effet, larticle 1529 du Code de procdure civile explique que, pour la rsolution amiable des diffrends, les dispositions du code de procdure civile sappliquent sous les rserves prvues par les articles 2064 du code civil (qui exclut jusquici le droit du travail des conventions amiables) et de larticle 24 de la loi du 8 fvrier 1995 (qui limite jusquici la mdiation conventionnelle dans les diffrents qui slvent loccasion dun contrat de travail aux seuls cas des transfrontaliers). Et le projet de loi Macron supprime la restriction de larticle 2064 et abroge la limitation de la loi de 1995 Veut-il nous ramener la loi Le Chapelier et au Code civil de 1804 ?Il supprime le deuxime alina de larticle 2064 du Code civil : Toutefois, aucune convention ne peut tre conclue leffet de rsoudre les diffrends qui slvent loccasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre les employeurs, ou leurs reprsen-tants, et les salaris quils emploient. Or cet alina exclut la convention entre les parties pour le rglement des litiges en droit du travail. Pourquoi ? Parce que le droit du travail est construit sur la reconnaissance de linga-lit intrinsque entre le patron et son subordonn, le salari. Ingalit que la juridiction prudhomale a pour objet de limiter.Dsormais reste de larticle 2064 : Toute personne, assiste de son avocat, peut conclure une convention de procdure participative sur les droits dont elle a la libre disposition, sous rserve des dispositions de larticle 2067. La convention de procdure participative est une convention par laquelle les parties un diffrend qui na pas encore donn lieu la saisine dun juge ou dun arbitre sengagent uvrer conjointement et de bonne foi la rsolution amiable de leur diffrend. Cette convention est conclue pour une dure dtermine et son contenu est fix par larticle 2063 : La convention de procdure participative est, peine de nullit, contenue dans un crit qui prcise : 1. Son terme ; 2. Lobjet du diffrend ; 3. Les pices et informations ncessaires la rsolution du diffrend et les modalits de leur change. Convention engage, prudhommes interdits. Selon larticle 2065 : Tant quelle est en cours, la convention de procdure participative rend irrecevable tout recours au juge pour quil statue sur le litige. Toutefois, linexcution de la convention par lune des parties autorise une autre partie saisir le juge pour quil statue sur le litige. Sil y a accord sur la convention, les parties peuvent (article 2066) soumettre, sils le veulent laccord lhomologation dun juge (lequel ?). Sil ny a pas accord, les parties peuvent soumettre le litige un juge, mais larticle 2066 supprime la phase de conciliationL on est en pleine interrogation : les quipes autour de Macron sont forges dans la culture Medef, pas dans celle de la gauche elles ouvrent au Medef la voie radieuse quil recherche depuis des annes afin de sup-primer le concept de subordination qui caractrise le contrat de travail. Car si le contrat de travail est un lien de subordination juridique permanent , il donne en contre-partie des droits, contenus dans le Code du travail. Pour supprimer ces droits, il faut supprimer les concepts qui les justifient.

    Laurence Parisot avait organis, dans les locaux du Medef Wagram, un colloque de trois jours sur la soumission librement consentie , quelle traduisait dans la presse par la libert de penser sarrte l o commence le code du travail . Sagit-il de tout envoyer au civil, comme aux tats-Unis o le code fait 36 000 pages de ce fait ? O il ny a donc pas de protection particulire au contrat de travail. Le contrat sera comme entre bail-leur et locataire, ou entre voisins gaux, pas entre un employeur et un subordonn, et les droits que donne le Code du travail en contrepartie de la subordination seront non-invocables. Est-ce cela quil faut dbusquer en douce dans lordonnance ?Soumis librement de votre plein gr, vous ntes plus en situation de rclamer des droits. Le contrat de travail qui est spcifique parce que les deux parties signataires sont rputes ne pas tre gales serait requalifi en un contrat civil o elles le deviendraient. Il ny aurait donc plus matire invoquer un droit spcifique de protection des contrats .

    Travail dominical et en soire : bosser le dimanche pour pas un rond de plus !Art.75 : Autorisation du Prfet pour prjudice au pu-blic ou au fonctionnement normal de ltablissement . Lancien article L.3132-21 du Code du travail ( Les autorisations prvues larticle L. 3132-20 ne peuvent tre accordes que pour une dure limite. ), abrog par la loi n 2009-974 du 10 aot 2009, devient : Les autorisations prvues larticle L. 3132-20 sont accordes pour une dure qui ne peut excder trois ans. Art. 76 : Dcisions des Ministres pour le travail du dimanche. Larticle L. 3132-24 du Code du travail ( Les recours prsents contre les dcisions prvues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-23 ont un effet suspen-sif. ), abrog par dcision du Conseil constitutionnel du 4 avril 2014, est rcrit avec une tout autre significa-tion : ouverture le dimanche dans les zones touristiques internationales qui seront dcides par les ministres du Travail, du Tourisme et du Commerce .Art.77 : Par la suppression des deux premiers alinas de larticle L.3132-25 (Code du travail) et son rem-placement, on obtient : Suppression de la procdure de dtermination des communes dintrt touristique et des zones touristiques daffluence exceptionnelle ou danimation culturelle permanente par le prfet, aprs proposition de lautorit administrative (maire ou prfet de Paris), aprs avis du comit dpartemental du tourisme, des syndicats demployeurs et de salaris intresss, ainsi que des communauts de communes, des communauts dagglomration, des mtropoles et des communauts urbaines, lorsquelles existent .Alignement sur les zones internationales des condi-tions de lautorisation de travailler le dimanche dans des zones dsormais simplement nommes touristiques .Ce qui, en clair, permet davoir le travail du dimanche tous les coups : soit par un accord collectif ou terri-torial , soit par dcision unilatrale de lemployeur , certes prise aprs rfrendum, mais on sait dexprience quelle sera la marge de rsistance possible des salaris dans un rfrendum organis par lemployeur. noter la nouvelle notion d accord territorial qui est sans doute la plus dfavorable pour les organisations

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    syndicales du point de vue du rapport des forces (il sagit des organisations syndicales les plus reprsenta-tives dans la rgion concerne , comment seront-elles dcides ?)Art. 78 : par la modification de larticle L.3132-25-1 (Code du travail), les drogations accordes par le prfet dans les units urbaines de plus de 1 000 000 habitants pour les tablissements de vente au dtail qui mettent disposition des biens et des services dans un primtre dusage de consommation exceptionnel caractris par des habitudes de consommation dominicale, limportance de la clientle concerne et lloignement de celle-ci de ce primtre deviennent des drogations pour les ta-blissements de vente au dtail qui mettent disposition des biens et des services situs dans des zones commerciales, caractrises par un potentiel commercial et cette dro-gation se fera par accord collectif ou territorial ou dcision unilatrale de lemployeur .Art. 79 : Modification de larticle L.3132-25-2 (Code du travail), par laquelle la cration (dlimitation, modification) des zones touristiques (L.3132-25) et des zones commerciales (L.3132-25-1) est faite sur demande du maire ou du prsident de ltablissement public de coopration intercommunale, et dcide par le prfet aprs plusieurs avis.Art. 80 : Les contreparties pour les salaris fixes par lactuel article L.3132-25-3 (repos compensateur, salaire doubl) sont modifies. Pour les autorisations douverture le dimanche pour prjudice au public ou au fonctionnement normal de ltablissement , pour les zones internationales , les zones touristiques et les zones commerciales , il faudra soit un accord collectif ou territorial , soit une dcision unilatrale de lemployeur qui fixe les contreparties.Contrairement aux dispositions de lactuel article L.3132-25-3, en cas de dcision unilatrale de lem-ployeur, le salaire ne sera pas doubl automatiquement pour les entreprises de moins de 20 salaris dans les zones touristiques ( Dans les tablissements de moins de vingt salaris situs dans les zones dfinies larticle L. 3132-25, la dcision unilatrale de lemployeur peut fixer des contreparties diffrentes de celles mentionnes au III. ). Et mme si elles franchissent le seuil des 20 salaris (tiens, l ils veulent bien des seuils), elles auront droit au minimum trois ans de dlai (application compter de la troisime anne conscutive au cours de laquelle leffectif de lentreprise employ dans la zone atteint ce seuil ).Art. 83 : Avec la modification de larticle L.3132-25-6, le nouvel article ajoute encore une catgorie dtablis-sements qui pourront ouvrir le dimanche avec accord collectif ou dcision unilatrale de lemployeur : les

    tablissements situs dans les emprises des gares . Soit parce quils sont dans une zone touristique internatio-nale ou une zone touristique potentiel, soit une zone commerciale. Soit par arrt conjoint des ministres chargs des Transports, du Travail et du Commerce .Art. 84 : Le nombre de dimanches pouvant tre sup-prims par le maire passe de 5 12 ! (modification de larticle L.3132-26) Mais larticle ajoute : Cette sup-pression, est de droit pour cinq de ces dimanches. . Cela veut-il dire que pour 5 dimanches, les tablissements nauront pas demander la suppression ? Sans doute si on se rfre aux dispositions transitoires pour 2015 (Art. 86), o il est prvu que sur les 8 dimanches pou-vant tre supprims par le maire, 3 devront tre fixs par arrt du maire dans un dlai maximum de deux mois aprs la promulgation de la loi. Il est sans doute utile de rappeler que pour ces dimanches, le volontariat des salaris nest pas de droit.Art. 86 : Rien ne se perd. Les anciennes zones cres par la loi n 2009-974 du 10 aot 2009 ne sont pas oublies : les communes dintrt touristique ou ther-males et les zones touristiques daffluence exceptionnelle ou danimation culturelle permanente deviennent de plein droit des zones touristiques potentiel ; les primtres dusage de consommation exceptionnelle deviennent de plein droit des zones commerciales .Art. 85 : Le travail de nuit devient travail de soire . Plus belle la vie ! Larticle L.3122-29-1 permettra aux tablissements de vente au dtail dans les zones tou-ristiques internationales de faire travailler de nuit (de 21 heures 24 heures) des salaris volontaires ds que lemployeur a obtenu un accord collectif .

    Ny a-t-il pas dsordre dans les lois actuelles sur le repos dominical ?Les dcisions de justice sur le travail du dimanche, cest vrai, sont contradictoires. Les juges ont des opinions personnelles diffrentes sur louverture du dimanche et le laissent transparatre dans leurs dcisions. Cela est rendu possible parce que le principe du repos dominical existe toujours, mais il y a trop de drogations dispa-rates et injustifies depuis la loi Maill-Sarkozy. On en arrive ce que des juges condamnent les infractions louverture du dimanche, mais avec des astreintes insuffisamment dissuasives. Dautres donnent raison un patron qui porte plainte contre les autres, et dautres annulent ce jugement Avant la loi quinquennale de dcembre 1993-janvier 1994 il ny avait que 3 dimanches douverture autoriss. La loi Giraud avait envisag 12 puis 8 puis 7 puis 5 au lieu de 3. Cest donc un dbat hasardeux et artificiel. Avec la loi Maill, en

    Le combat de 2012, cest de prserver le principe du repos dominical, cest--dire de per-mettre aux travailleurs de consacrer un jour de leur semaine leur famille, au sport, la culture, la libert. Et jy veillerai !

    Franois Hollande, le 17 avril 2012 Lille.

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    2008, il sagissait de drguler afin de plaire au Medef, qui vise casser la semaine de 35 heures et de faon plus gnrale le temps lgal de travail . Il en est de mme pour le travail de nuit dans le commerce, qui vise casser les rfrences journalires de limitation du temps de travail. Pour simplifier , il faut rtablir le principe : interdiction du travail dominical , sauf drogations ncessaires, motives et contrles.

    Quelle est actuellement la ralit du travail le dimanche ? Sur 700 000 commerces, 22 000 sont ouverts lgale-ment avec des drogations prfectorales et municipales (zones touristiques, primtres dusage commercial exceptionnel). Aprs a, il y en a quelques milliers ouverts illgalement. Lenjeu du oui ou non au travail du dimanche dans tout le secteur du commerce concerne 4 millions de salaris concerns avec emplois induits. 5 % des salaris travaillent le dimanche de faon rgulire (hpitaux, feux continus, transports, loisirs, l o cest indispensable) et 25 % travaillent occasionnel-lement. On dit que plus de 75 % des sonds seraient favorables louverture le dimanche, mais 85 % des son-ds disent aussi queux-mmes ne veulent pas travailler ce jour-l Les salaris de Leroy Merlin et Castorama ont t totalement organiss par leurs patrons : sances de formation avec des communicants sur leur temps de travail, dplacements, transports, jours et repas pays, T-shirts, banderoles, tracts pays. Ils habillent cela du mot volontariat , mais le volontariat nexiste pas en droit du travail. Ce qui caractrise un contrat de travail est un lien de subordination juridique permanent . Aucun salari de ce pays ne travaille le dimanche par volontariat , mais parce que le patron le veut. En fait, mettre en avant des salaris qui veulent travailler le dimanche, cest une manipulation complte.

    Patrons et ministres invoquent la relance de la consommation. Alibi ou ralit ?Cest hors sujet. Ce qui sera achet le dimanche ne le sera pas le samedi ou le lundi. Les portes monnaies ne sont pas extensibles en ces temps daustrit. Les maga-sins ouverts en fraude claironnent des chiffres daffaires mirobolants majors de 20 % mais justement cest parce quils fraudent, violent la concurrence et se font de la pub en plus. Banalis, le travail du dimanche sera vite dmontis, avec des magasins vides, a co-tera plus cher et naura plus quun effet ngatif pour les salaris, sans mme une relle contrepartie financire.

    Et la sauvegarde des emplois ?Louverture gnralise profiterait aux grandes chanes contre les petits commerces qui en subiraient le contre-coup : il a t calcul (DARES) que ce serait un solde ngatif de 30 000 emplois perdus.

    Un emploi du dimanche sera un emploi de moins le lundi.Les grandes chanes sen tireront en embauchant des femmes pauvres et prcaires ou des tudiants dsar-gents en turn-over permanent faon Mc Donalds.

    Ils tenaient les salaris pauvres en leur donnant des primes de 25 %, 30 %, 50 % parfois mais trs rarement 100 % : ces primes ntaient pas inscrites dans la loi. Il tait question pour appter les salaris de lgifrer en leur faveur Vu que les salaires sont trop bas, les pauvres nont pas le choix, ils courent aprs 30 euros et a se comprend.Mais cest fini. Lordonnance Macron prvoit quelles ne seront pas majores lgalement dans les entreprises de moins de 20 salaris, les plus nombreuses (97 % des salaris Paris). Et au-del de 20 salaris, une ven-tuelle majoration de salaire le dimanche ou en soire, ce sera du domaine de la ngociation, de laccord, donc alatoire puis instable puis supprimable. Quand il sera certain que le dimanche le chiffre daffaires est le plus bas de la semaine, quand les chalands ne viendront plus, les patrons diront que a cote cher douvrir le dimanche et refuseront toute prime.

    Une ncessit conomique dans les secteurs concerns ? Le patronat veut surtout drguler la semaine et les dures du travail hebdomadaires.Cest pareil pour les ouvertures de nuit genre Sephora. Les touristes chinois qui restent six jours et demi Paris en moyenne ont tout le temps dacheter dans la journe ou en duty free laroport a ne fera pas un centime de chiffre daffaire supplmentaire ! Ce qui sera achet le dimanche ne le sera pas le lundi.Le but rel du travail le dimanche est de remplacer la semaine de 35 heures par des horaires la carte comme lexige le Medef. Toutes les activits commer-ciales et annexes peuvent tre concernes par la dr-glementation voulue par le Medef : vendre du parfum et de la fringue le dimanche, quel sens cela a-t-il ?

    Une question de socit, de civilisationLe dimanche, cest un jour de repos collectif, socialis, facilitant les rapports humains pour toutes les activits de loisirs, culturelles, associatives, citoyennes, familiales et mme sportives ou religieuses. Il arrive quun tu-diant veuille travailler le dimanche, mais cela ne durera pas car plus tard, qui gardera les enfants, qui ftera leur anniversaire si les parents travaillent le dimanche ? Cest un vandalisme anti-social que de supprimer un jour de repos commun, collectif, point de rencontre POUR TOUTES ET TOUS dans la socit. Remplacer la civilisation du loisir par celle du caddie : le caddie Auchan du 7e jour pour les salaris et le caddie de golf pour le patron ce jour-l.

    Qui sont les bricoleurs du dimanche ?Des braves gens qui pourraient faire leurs courses le vendredi aprs-midi sils bnficiaient vraiment des 35 heures ou de la semaine de quatre jours.

    Que dfendent les syndicats hostiles au travail du dimanche ? Le respect du principe du repos dominical vot en 1906 lunanimit par lAssemble nationale, et des drogations limites strictement aux ncessits.

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    En vrit, on devrait rclamer le retour aux deux jours de repos conscutifs, dont le dimanche. La semaine de 5 jours (vers quatre jours de 8 heures) serait un minimum et seule la rduction du temps de travail peut faire reculer le chmage de masse. Quant au salaire du dimanche dans les secteurs ou il est contraint et ncessaire (sant, transports, loisir, restauration, alimentation, feux continus, etc), il devrait tre doubl par la loi avec repos compensatoire. Bien sr, il y a des travaux indispensables le dimanche, mais comme ceux de nuit, donc des drogations prcises et motives doivent tre accordes, condition quelles soient bien encadres.

    Vivent les prudhommesLes prudhommes, cest une belle justice spcifique du travail, paritaire, de proximit, en principe orale. Btes noires du Medef, L. Parisot aimait les qualifier de tribunaux qui inscurisent les employeurs , ces Cours de justice (lues par tous les salaris, y compris les immi-grs) ont fait lobjet dattaques acharnes par Sarkozy, Fillon, Dati, Larcher, puis Sapin et Rebsamen. Leur audience a t limite, les dlais de saisine raccourcis, les temps et moyens des juges rduits, les rparations de dols plafonns, et les lections des conseillers syn-dicaux supprimes.Pourtant, chaque anne, prs de 200 000 apprentis, salaris, en CDI, en CDD, intrimaires, ou licencis, saisissent les 210 conseils de prudhommes rpartis sur le territoire franais et leurs 14 512 conseillers. La justice du travail ne connat pas de rpit, mais elle rame, faute de moyens, de reconnaissance. On y rclame des gros ou des petits dommages et intrts, des jours de congs ou des heures supplmentaires impayes, parfois le simple paiement dune carte Navigo.

    Macron contre les Conseils de prudhommesOn pensait avoir tout vu ou presque dans la volont patronale dtouffer la juridiction prudhomale, ctait sans compter le projet Macron et son nouvel arsenal anti-prudhommes. Les conseillers prudhomaux y sont soumis un contrle plus fort, une vraie tutelle. Leurs conditions de travail ainsi que le rapport de force pour les conseillers salaris sont dgrads. Se met en place une justice expditive et forfaitaire rpondant ainsi aux demandes constantes du Medef dj avances dans lANI du 11 janvier 2013 et la loi qui les ont consacrs :1. Extension du pouvoir des juges dpartiteurs sa demande, le juge dpartiteur assiste au moins une fois par an lassemble gnrale du conseil de prudhommes. Par ailleurs, il peut runir le prsident et le vice-prsident du conseil de prudhommes ainsi que, le cas chant, les prsidents et vice-prsidents de section (nou-vel article L.1423-3). Et en cas dinterruption durable de son fonctionnement ou de difficults graves rendant ce fonctionnement impossible dans des conditions normales et lorsquil na pas t fait application de larticle L. 1423-11, le premier prsident de la cour dappel dsigne le juge dpartiteur pour connatre des affaires inscrites au rle du conseil de prudhommes (nouvel article L.1423-11-1). En bref, la mise en extinction des prudhommes est dsormais prvue par le Code du travail.

    2. Extension de la formation restreinte (2 conseillers au lieu de 4), sur demande du bureau de conciliation, rebaptis bureau de conciliation et dorientation (nouveaux articles L.1235-1, L.1454-2, L.1454-4).Cette formation restreinte sur demande du bureau de conciliation et dorientation (nouvel article L.1454-1-2) ncessite certes laccord des deux parties , mais sachant que cette ventualit est rserve aux cas o le litige porte sur un licenciement ou une demande de rsiliation judiciaire , soit 92 % des cas de saisie des prudhommes, et que le projet a prvu comme carotte lespoir (illusoire) de rduction des dlais ( Le bureau de jugement statue dans un dlai de trois mois. ), il est vrai-semblable que cette nouvelle procdure sera largement utilise. Consquence inluctable : un engorgement supplmentaire et des jugements expditifs encore plus dfavorables aux salaris faute de temps.3. Suppression possible de la case bureau de juge-ment au completa. Si le bureau de jugement estime que la formation restreinte ne simposait pas, le salari naura pas droit un bureau de jugement au complet ! Laffaire sera renvoye directement en formation de dpartage ( En cas de partage ou lorsque le bureau de jugement estime que le dossier ne relve pas de la formation restreinte, laffaire est renvoye devant la formation de dpartage nouvel article L.1454-1-2).b. Si le bureau de conciliation et dorientation le dcide, le renvoi directement en formation de dpartage est de droit si toutes les parties le demandent ou bien en cas de partage du bureau de conciliation ! ( En cas dchec de la conciliation, le bureau de conciliation et dorienta-tion peut, mme doffice, en raison de la nature du litige, renvoyer laffaire devant la formation de jugement prside par le juge dsign en application de larticle L. 1454-2. Ce renvoi est de droit si toutes les parties le demandent. Lorsque la demande de renvoi forme en application de lalina prcdent nmane pas de toutes les parties, laffaire est de plein droit renvoye devant la formation de jugement vise lalina prcdent en cas de partage du bureau de conciliation et dorientation sur cette demande nouvel article L.1454-1-3.Et, dans tous les cas, cette dcision du bureau de conciliation et dorientation se fera par simple mesure dadministration judiciaire en clair par oral, sans motivation obligatoire, sans jugement et sans recours possible ! ( Dans tous les cas, le bureau de conciliation et dorientation se prononce par simple mesure dadministra-tion judiciaire nouvel article L.1454-1-3).On peut aussi se demander quelle sera la composition de la formation de dpartage en cas dabsence dun conseiller prudhomal car les dispositions actuellement prvues par dcret sont supprimes par le nouvel article L.1454-1-3 ( Larticle L. 1454-4 nest pas applicable lorsque laffaire est renvoye devant la formation compose comme il est indiqu au premier alina ).4. Contrle et organisation de la dmission des conseillers prudhomauxPar la modification de larticle L.1442-1, la loi Macron organise un nouveau contrle des conseillers prudhomaux : dsormais, lagrment dj prvu des organismes de formation des organisations syndicales (article R.1442-2) sajoute un contrle des conseillers

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    prudhomaux eux-mmes sur leur formation initiale et mme continue ( Les conseillers prudhommes sont soumis une obligation de formation initiale et continue. ). La sanction est mme prvue : en violation des principes fondamentaux du droit du travail, le conseiller prudho-mal dont il sera estim quil na pas rempli ses nouvelles obligations de formation sera considr comme dmis-sionnaire ! ( Tout conseiller prudhomme qui na pas satisfait lobligation de formation initiale dans un dlai fix par dcret est rput dmissionnaire .)LANI du 11 janvier 2013 avait dj inaugur cette inno-vation juridique (pour la mobilit externe) qui dcrte une dmission en dehors de la volont du salari et sans passer par la case justice pour lapprciation de cette dmission . Chaque recul porte en germe le suivant.5. Une suspicion et un contrle institutionnaliss (nouvel article L.1442-11).Aux exigences dindpendance et dimpartialit requises pour tout juge, la loi Macron ajoute pour les conseil-lers prudhomaux la dignit ( ?), la probit ( ?) et lobligation de soumettre leur comportement des exigences dont on apprciera la saveur : les conseillers prudhomaux devront agir de sorte quon (qui on ?) ne puisse nourrir le moindre doute lgitime (cest quoi le lgitime ici ?) ( Les conseillers prudhommes exercent leurs fonctions en toute indpendance, impartialit, dignit et probit, et se comportent de faon prvenir tout doute lgitime cet gard ). Et de sorte quaucun acte ou comportement caractre public ne vienne mettre mal un devoir de rserve qui, jusquici, ntait prvu par aucun texte. ( Ils sabstiennent de tout acte ou com-portement caractre public incompatible avec la rserve que leur imposent leurs fonctions. )Et pour le cas o les conseillers prudhommes vou-draient exprimer leur mcontentement, la loi Macron prvoit dappliquer lordonnance du 22 dcembre 1958 qui limite le droit de grve des juges professionnels (hormis les juges administratifs) dune formule qui permet de sanctionner toute action : Leur est interdite toute action concerte de nature arrter ou entraver le fonctionnement des juridictions. Et pour corseter le tout, la loi Macron prvoit tout simplement lcriture, encadre par un dcret, dun recueil des obligations dontologiques des conseillers prudhommes .6. Des sanctions renforces (nouveaux articles L.1442-13-1, L.1442-13-2, L.1442-13-3, L.1442-14, L.1442-16, L.1442-16-1, L.1442-16-2).Le terme de faute disciplinaire est employ pour qualifier tout manquement grave. Une sanction nou-velle est cre, l avertissement du premier prsident de la cour dappel (nouvel article L.1442-13-1) sans recours possible, elle est cense ne pas tre une sanction. Une procdure disciplinaire pour les actuelles peines (censure, suspension, dchance), transformes en sanctions disciplinaires , est organise avec la cration dune commission nationale de discipline qui pourra utiliser une nouvelle sanction : le blme .La dchance est galement durcie. Un conseiller prudhomme peut actuellement demander en tre relev au bout de 5 ans (actuel article. L1442-18). Les nouvelles dispositions prvoient la fois une dchance dfinitive et une dchance provisoire pouvant aller jusqu 10 ans.

    Et le projet de loi Macron introduit en outre lqui-valent de la mise pied titre conservatoire pour les conseillers prudhommes. Le prsident de la commis-sion nationale de discipline peut suspendre un conseil-ler pendant 6 mois sil est souponn dtre passible de sanctions disciplinaires (dont une suspension de 6 mois).En bref, les conseillers prudhommes sont considrs par la loi Macron comme des salaris soumis au pouvoir disciplinaire dun employeur.7. La reprsentation deviendrait obligatoire en appel ! (nouvel article L.1461-1) et les dfenseurs syndicaux, dj trs peu nombreux, pourraient avec un nouveau statut tre introuvables aussi bien aux prudhommes quen appel (nouveaux articles L.1453-4 L.1453-4-5).Un des prtextes pour cette nime attaque contre la juri-diction prudhomale est quil y aurait trop dappel des procdures engages. Avec la reprsentation dsormais obligatoire, on peut penser que le but recherch sera atteint. Dsormais, les salaris devront soit prendre un avocat, soit trouver un dfenseur syndical correspon-dant la nouvelle mouture prvu par la loi Macron.Dans des conditions fixes par dcret, les dfenseurs syndicaux devraient dsormais tre prsents sur une liste par les organisations syndicales et accepts par lautorit administrative (la DIRECCTE ?) (2). Et, pour les dfenseurs syndicaux qui sont salaris dans une entreprise, alors mme quils nont pas de protection ce titre contre leur licenciement, la loi Macron prvoit quils soient tenus au secret profes-sionnel pour toutes les questions relatives au procd de fabrication et une obligation de discrtion lgard des informations prsentant un caractre confidentiel et donnes comme telles par lemployeur. La loi Macron donne lemployeur la possibilit de faire radier de la liste par lautorit administrative le dfenseur syndical qui ne respecterait pas ces obligations...8. Moins de juges pour juger et des juges mieux choisis (nouveaux articles L.1458-1 tonnant car larticle L.1458 nexiste pas- et L.1454-2).Outre les formations restreintes, la loi Macron innove en crant la notion de litiges sriels . discrtion du premier prsident de la cour dappel ou du prsident de la chambre sociale de la cour de cassation ( simple mesure dadministration judiciaire ), sans possibilit de recours, il pourra ainsi tre dcid de faire juger plusieurs affaires par un seul conseil de prudhommes. Pour ce faire, il suffira dinvoquer lintrt dune bonne justice . discrtion des mmes, la dsignation de ce supercon-seil de prudhommes.Et, pour faire bonne justice sans doute, ce superconseil pourra de lui-mme renvoyer devant la formation de dpartage, renvoi qui sera de droit si toutes les parties le demandent . Dans ce dpartage, les juges dparti-teurs qui relveraient du TGI et non plus du tribunal dinstance seraient choisis sur critres par le prsident du tribunal de grande instance, critres dont on appr-ciera le souci dune bonne justice : prioritairement en fonction de leurs aptitudes et connaissances particulires . Le Medef peut tre satisfait.

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    Inspection du travailLinspection du travail a dj vu son indpendance foule au pied par le dcret Sapin de mars 2014. Le projet dordonnance Macron est la suite du dcret Sapin. Aussi peut-on discerner les intentions affiches par lordonnance venir : 1. Renforcer le rle de sur-veillance du systme dinspection du travail et rviser les modes de sanction en matire de droit du travail ; 2. rvi-ser la nature et le montant des peines applicables en cas dentrave au fonctionnement des institutions reprsenta-tives du personnel de faon crer un nouveau rgime de sanctions dont lapplication sera plus effective ; 3. Abroger les dispositions devenues sans objet et assurer la cohrence rdactionnelle des renvois au sein des codes. Le changement pour les sanctions consiste, sous pr-texte dune meilleure efficacit, passer des amendes pnales aux amendes administratives et transfrer le pouvoir de sanction des mains de linspecteur du travail celles de la DIRECCTE, dont il est ncessaire de cerner nomination, fonctions, et profil qui en dcoule pour voir le sourire du Medef derrire cette prtendue avance. La DIRECCTE, cre en 2009, est la Direc-tion rgionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de lemploi, un titre qui rsume la place que linspection du travail occupe dsormais (les agents de contrle ne reprsentent quun quart des effectifs) et sa subordination aux intrts des employeurs. Les directeurs rgionaux de ce regroupe-

    ment interministriel sont choisis pour leur aptitude servir les entreprises et accompagner leurs objectifs.Pour les peines applicables pour entrave aux fonctions des dlgus du personnel, des membres du comit dentreprise, du CHSCT et des dlgus syndicaux, changer la nature des peines fait craindre le pire quand on le rapproche de lapplication sera plus effec-tive . Plaider coupable, amende administrative ? Dans les deux cas, le patronat chappe au procs-pnal et accde tous les petits arrangements entre amis .Enfin, lexprience de la recodification en 2008 permet de prvoir que labrogation des dispositions devenues sans objet vaut quon y regarde de plus prs. De mme, pour les renvois au sein des codes , la recodification de 2008 ayant clat le Code du travail en de multiples codes, permettant ainsi de ne plus assurer le mme droit pour tous les salaris.La loi Macron noublie pas de supprimer dores et dj quelques attributions des inspecteurs du travail. Ce quelle ne donne pas encore aux DIRECCTE, elle loctroie aux juges qui vont remplacer lautorit administrative (nouveaux articles L.2312-5, L.2314-11, L.2314-31, L.2322-5, L.2324-13, L.2327-7) ou mme directement linspecteur du travail (nouveaux articles L.2314-20 et L.2324-18).Ces transferts de dcision ne sont pas anodins. Lactuel article L.2312-5 permet lautorit administrative de dcider de la mise en place de dlgus du personnel dans les tablissements de moins de 11 salaris, mais sur un site o sont employs plus de 50 salaris (centres commerciaux par exemple). Jusqu la recodification de 2008, lautorit tait le directeur dpartemental du travail. Depuis, ce pouvoir a t transfr lindispen-sable DIRECCTE. dfaut daccord lectoral avec les organisations syndicales, la DIRECCTE dcide du nombre et de la composition de collges lectoraux ain-si que du nombre de siges et de leur rpartition entre les collges. Des questions souvent trs importantes qui font souvent la diffrence entre avoir un dlgu qui soit vraiment un dlgu du personnel ou bien un dlgu du patron. Transfrer ces dcisions relatives aux lections un juge nest sans doute pas de bon augure : outre lasphyxie judiciaire, les dcisions de la hirarchie de linspection du travail taient au moins prpares par les agents de contrle comptents.Le mme transfert (nouveaux articles L.2314-11, L.2324-13) est prvu pour toutes les lections de dl-gus du personnel dans les tablissements de plus de 11 salaris et pour les lections au comit dentreprise dans les entreprises de plus de 50 salaris.Passerait galement lautorit judiciaire (nouveaux articles L.2314-31, L.2322-5, L.2327-7) la recon-naissance dun tablissement distinct qui permet dorganiser dans une entreprise autant dlections de dlgus du personnel ou de membres de comit dta-blissement quil y a dtablissements considrs comme distincts du point de vue de la gestion du personnel. Un enjeu parfois important dans de grandes ou moyennes entreprises, pouvant permettre lemployeur de peser sur le choix des dlgus.Enfin, linspecteur du travail perd au profit du juge judiciaire (une formule nouvelle introduite dans la recodification de 2008 qui, dj, prvoyait derrire

    Dialogue social

    Derrire cet euphmisme qui cache depuis des lustres le monologue patronal ou le duo quil forme avec le gouvernement, le projet de loi Macron a inscrit : les dispositions prcdentes de dessaisissement de lins-pection du travail, qui na aucun rapport ; un gadget (la transmission rapide des PV des lections professionnelles aux organi-sations syndicales), destin sans doute nourrir les divisions et distractions qui sont leffet des nouvelles rgles de reprsenta-tivit;etenfinlajoutdelapossibilitpourles entreprises, consquences de lANI du 11 janvier 2013, de rduire dsormais le dialogue social , par exemple pour les licenciements pour motif conomique la fourniture au comit dentreprise de la base de donnes unique dont le contenu limitatifestfixpardcret.Ileuttpluslogique de verser ce prtendu progrs dans larubriqueintitulepar leprojetMacron Simplifications pour les entreprises .

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    ce terme gnrique la disparition terme des juges prudhomaux, car dans la plupart des articles du Code, juge judiciaire voulait videmment dire juge des tribu-naux dinstance ou de grande instance) les dcisions de drogation aux conditions danciennet pour les lecteurs et les ligibles aux lections de dlgus du personnel et des membres du comit dentreprise. Au passage, le juge ne sera apparemment plus oblig pour cette dcision de consulter les organisations syndicales pour les lections de dlgus du personnel et seule-ment pour les ligibles pour les lections aux comits dentreprise.

    Mdecine du travailMacron a prvu de supprimer la mdecine du travail. Mais cela est renvoy une loi parallle de Thierry Mandon dite de simplification du Code du travail et qui supprime celle-ci en douce.La mdecine du travail a t progressivement dconsi-dre, et le Medef veut labattre.Tous les arguments sont utiliss : la mdecine du travail serait dj inutile ou asphyxie, ses mdecins en voie de disparition ou bien dj vendus au patronat, la sant au travail serait dj tellement mise mal que ce serait un combat darrire-garde, il faudrait tellement la moderniser que, finalement, elle serait ranger au rayon des vieilleries !Au contraire, il faut une mdecine de prvention, une spcialit mdicale, ancre sur ltude, le suivi des conditions de travail au sein mme des entreprises. La mdecine du travail nest pas gnraliste , cest une spcialit concentre sur la connaissance pratique des postes, des atmosphres, des cadences, des risques psychosociaux au travail. Oui, la mdecine du travail est dj mal en point, il manque dj 600 mdecins et 1 700 dentre eux partent en retraite de faon immi-

    Simplificationspourlesentreprisesettravailleurshandicaps

    Pour pouvoir se soustraire lobligation dembaucher des travailleurs handicaps, les employeurs pouvaient dj passer des contrats des entreprises adaptes , des centres de distribution de travail domicile , des tablissements ou services daide par le travail le projet de loi Macron voit plus loin (articles L.5212-6 et L.5212-7-1). Dsormais, il suffirait de faire appel : des personnes que lemployeur ne paierait pas et quil naurait pas lobligation dembaucher ( personnes handicapes pour des priodes de mise en situation en milieu professionnel dans les conditions fixes par les articles L. 5135-1 et suivants la mise en situation en milieu profession-nel est issue dune loi sclrate du 5 mars 2014 qui permet de fournir de la main-duvre gratuite sous couvert de dcouvrir un mtier , de confirmer un projet professionnel ou d initier une dmarche de recrutement ) ; des non-salaris ( travailleurs indpendants handicaps ), ce qui constituera sans nul doute une occasion supplmentaire de travail non dclar.

    nente. Oui, certains centres font des visites de routine ou bien ratent des gros problmes de sant, faute de moyens et de suivi Mais cela provient dune mauvaise gestion dlibre, du numerus clausus, de la dmobilisation idologique et pratique orchestre par le patronat autour de la sant au travail. Dailleurs, Gattaz ne veut-il pas aussi supprimer les CHSCT ?Pourquoi ? Parce que depuis 1998, cest aux patrons de payer les consquences des risques quils font courir leurs salaris.Il faudrait davantage de mdecins, davantage de visites, davantage de moyens, dexamens, au plus prs de chaque entreprise, de chaque branche, de chaque mtier, il faut dpister les maladies professionnelles et chaque accident sur le terrain, et tout cela doit chapper totalement au contrle des patrons ! Ce nest pas aux profiteurs de diriger les services de sant au travail, cest aux exploits et leurs syndicats, leurs institu-tions reprsentatives de les grer. Les mdecins doivent tre totalement libres et indpendants dans lexercice dontologique de leurs fonctions. La mobilisation doit samplifier pour dfendre la mdecine du travail !Des considrations gnrales du projet de loi Macron ( mesures relevant du domaine de la loi relatives la constatation de linaptitude mdicale et ses consquences au regard du salari et de lemployeur, ainsi quau regard de lorganisation des services de sant au travail et des mis-sions des personnels concourant ces services, notamment celles des mdecins du travail en vue de dterminer des priorits dintervention au bnfice dune application plus effective du droit du travail dans les entreprises. ) ainsi que de l tude dimpact de la loi Macron, on peut dduire le sort rserv la mdecine du travail. Ltude dimpact a lavantage de donner voir les soubasse-ments des changements lgislatifs. Il y est expliqu que :- lobligation lgale de la visite dembauche ne peut tre effectue car il manque des+ mdecins du travail et que

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    les employeurs sont donc dans une situation dinscurit juridique car la Cour de cassation sanctionnerait lourdement le non-respect de lobligation de scurit.- que les mdecins du travail rdigent beaucoup trop davis daptitude comportant des restrictions daptitude ou des amnagements de poste (plus dun million par an), pas toujours clairement ( difficults dinterprta-tion ), et surtout empcheraient par ce biais tout licen-ciement ! ( Tant que lavis mentionne laptitude, aucun licenciement ne peut tre envisag mme si lemployeur est dans lincapacit de suivre les recommandations et propositions du mdecin du travail. )

    Concernant la prestation de service internationale illgale

    On en est 350 000 travailleurs dtachs sur le territoire franais, faute de contrles suffisants et de sanctions assez fortes. On trouve Clermont-Ferrand des ouvriers du btiment pour 2,86 euros de lheure et en Gironde on vient den dcouvrir 2,22 euros de lheure pays 7 jours sur 7, travaillant 11 h 30 pays 8 heures Ce sont des salaris que des patrons franais surtout du btiment, qui touchent du CICE et des millions daides de ltat, font venir de Hongrie, de Bulgarie ou de Roumanie en les payant, au tarif de l-bas en matire de salaire brut, de cotisations sociales. Cest illgal au regard du droit franais, mais le gouvernement, le ministre du Travail et le ministre de lIntrieur laissent faire. Il parat tous les jours des annonces de pseudo agences dintrim qui proposent aux employeurs (dlinquants) des salaris roumains ou bulgares souples, faibles cots et en toute qualit et lgalit . Elles crivent sans tre sanc-tionnes : cest la solution pour vos recrutements par le dtachement de personne au titre de larticle L 1262-1 du Code du travail. Elles affirment que lutilisateur naura rien grer et quelles se chargent de toutes les formalits, dont la dclaration de dtachement auprs de linspection du travail. Elles mentent : vous naurez aucune formalit accomplir, pas de bulletin de salaire, pas de dclaration URSSAF, pas de cotisation sociale . Les rglements se feraient sur la base dune facture hebdomadaire et cela serait possible, dans les mtiers du btiment (carreleurs, plaquistes, maons, couvreurs, plombier, lectriciens), de lhtellerie (femmes de mnages, serveurs, plongeurs), les mtiers du bois (menuisier, charpentiers), les mtiers de service (aide-soignante, chauffeur, jardinier, secrtariat), les mtiers de lindustrie En fait, elles jouent les intermdiaires entre des socits bidon de l-bas (que, parfois, elles crent elles-mmes) et des socits dici pour court-circuiter lemploi local. Parfois ce sont des cache-sexe de grands patrons franais. Elles imposent que ne soit pay ici quun Smic net, et non pas le Smic brut, sous prtexte que la partie lie la protection sociale serait prise en charge dans le pays dorigineEn fait, on pourrait les contrler, les sanctionner et empcher ce grossier trafic de main duvre bas prix. On peut en effet partir du fait que cest le droit du travail franais qui sapplique sur notre territoire, quil faut des dclarations pralables lembauche , respecter les conventions collectives en matire de salaire, et forcment payer le Smic brut sur le bulletin de paie personnalis (lequel nest pas une facture hebdomadaire). On peut en effet avoir une inspection du travail forte et indpendante avec des effectifs et moyens suffisants pour dresser suffisamment de procs-verbaux suivis de condamnations des tribunaux correctionnels assez massives et brutales pour dissuader ces trafiquants. Mais encore faut-il en avoir la volont politique : car il sagit de sen prendre aux donneurs dordre, notamment les gros majors du btiment, qui tirent fortune de ce trafic infme. Quattend-on pour mener une campagne combine, syn-dicats, inspection du travail, police, juges, et mettre fin ce scandale en renforant la loi ? En allant jusquau bout, viser le donneur dordre, en haut : quand un pseudo travailleur dtach est dcouvert dans un chantier Bouygues que ce soit Bouygues qui soit sanctionn ! Mais non ! Macron rend plus compliqu la traque de ce trafic et supprime les sanctions pnales contre les employeurs.Dailleurs, le projet de loi Macron na pas inscrit cette question dans la rubrique Simplification . Il sagit ici (nouveaux articles L. 1263-3 et L. 1263-4) de lorganisation du laisser-faire pour les infractions au dtachement illgal de salaris. Si un agent de contrle constate des infractions au salaire minimum, la dure du travail ou des conditions de travail ou dhbergement incompatibles avec la dignit humaine , il doit donner un dlai (qui sera fix par dcret) lemployeur pour se mettre en rgle ! Si rien nest fait au terme du dlai, lagent de contrle doit faire un rapport administratif l autorit administrative (non dsigne par le projet de loi, mais ce sera la DIRECCTE).Celle-ci, au vu de ce rapport et eu gard la rptition ou la gravit des faits constats , pourra, par dcision motive , suspendre la prestation en question pour une dure ne pouvant excder un mois ; cela met fin la mesure si lemployeur justifie de la cessation de ses manquements ; et si lemployeur refuse de suspendre son activit, elle peut fixer une amende administrative, mais avec circonspection : elle doit tenir compte, non seulement des circonstances et la gravit du manquement , mais aussi du comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges . Les employeurs ne sont dcidment pas des citoyens comme les autres.

    Ds lors, selon ltude dimpact, pour Scuriser les employeurs , il convient de rduire les visites, de les assurer par dautres professionnels que les mdecins, de faciliter les avis daptitude faits par des collabora-teurs mdecins et dencadrer, voire de supprimer les rserves . Au total, licencier plus et plus vite pour inaptitude, tel est la scurisation recherche par le projet de loi.Mandon propose mme pour simplifier des visites tous les quatre ans, et quelles puissent tre faites par les mdecins gnralistes...

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    Flexibilisation outrance du droit de licencier pour lemployeurVoil ce qui se cache derrire l Amlioration du dis-positif de scurisation de lemploi .LANI du 11 janvier puis la loi du 14 juin 2013 faci-litaient dj les licenciements. Le 5 juillet 2013, les personnels des DIRECCTE ont t forms sur les nou-velles rgles dencadrement des PSE dcoulant de la loi du 14 juin de scurisation de lemploi issue de lANI.Avec larticle 18 de la loi relative la refonte du licencie-ment conomique collectif, les DIRECCTE ont reu pour consigne de se tenir la disposition des entreprises pour quun accord puisse exister face chaque PSE (plan de licenciements). Lobjectif a t fix : zro refus dhomologation ou de validation des PSE .Cest l que sest mise en place une complicit assez inoue et scandaleuse du ministre du Travail avec les licenciements et lextension du chmage. A contrario de leurs discours officiels qui prtendaient inverser la courbe du chmage, Michel Sapin et Franois Rebsamen ont en fait opt pour donner des preuves damour aux patrons en acceptant tous leurs plans de licenciements. Cest un zro refus !Pour la loi Macron, il sagit en effet d amliorer la loi du 14 juin 2013, copi-coll de lANI du 11 jan-vier 2013, qui avait dj beaucoup scuris les licenciements.En effet, aprs avoir dessaisi la justice civile et transfr ladministration (la DIRECCTE) le soin de mettre dans un dlai expditif un coup de tampon (validation si accord collectif ou sinon homologation du plan unilatral de lemployeur), le but du Medef semblait atteint. Mais quelques tribunaux administratifs, saisis par des recours, ont cependant os critiquer ces coups de tampon trop expditifs. Qu cela ne tienne, si des tribunaux appliquent la loi dune faon qui leur dplat, on change la loi.1. Grce la loi du 14 juin 2013, lemployeur pouvait dj, sur les quatre critres de choix des licenci(e)s, retenir prioritairement le critre quil voulait, par exemple le critre arbitraire de la qualit profession-nelle au dtriment des critres sociaux (charges de famille, ge, handicap, anciennet). Le projet Macron permet lemployeur, en modifiant larticle L.1233-5 du Code du travail, de moduler mme les critres choisis en les fixant un niveau infrieur celui de lentreprise . En clair, le choix de licencier qui on veut, o on veut.2. Le projet Macron simplifie les petits licencie-ments (de 2 9 salaris) dans les entreprises de plus de 50 salaris. Plus besoin pour la DIRECCTE de vrifier si les reprsentants du personnel ont t runis, informs et consults selon les dispositions lgales et conventionnelles, si les obligations relatives aux mesures sociales ont t respectes, et si les mesures pour viter les licenciements et pour faciliter le reclas-sement seront effectivement mises en uvre (nouvel article L.1233-53).3. Le projet Macron simplifie les efforts de reclasse-ment pour les grandes entreprises implantes sur plusieurs pays. Elles nauront plus lobligation de cher-cher un reclassement en dehors du territoire national (nouvel article L.1233-4).

    Le lien avec la disposition suivante qui est modifie est peut-tre subtil : en effet, le projet Macron nimpose plus ces grandes entreprises de demander au salari dont le licenciement est envisag sil accepte de recevoir des offres de reclassement ltranger il impose une humiliation supplmentaire au salari qui il revient dsormais de demander lemployeur de recevoir des offres demplois situs hors du territoire national disponibles dans lentreprise ou dans le groupe auquel elle appartient. Outre lhumiliation, un dcret doit prciser les moda-lits dapplication de ce nouvel article L.1233-4-1 du Code du travail : recevoir une offre de reclassement est-elle la mme chose que recevoir une offre demploi disponible ?4. Le projet Macron simplifie beaucoup les licen-ciements dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire en modifiant larticle L.1233-58.En effet, au regard des moyens dont dispose lentre-prise , en clair au regard de son expertise en trmolos, elle pourra dsormais sexonrer de ses obligations prvues par les pourtant tout rcents articles L.1233-61 L.1233-63 : faciliter le reclassement des salaris, notamment des gs et des fragiles.En outre, pour les entreprises qui font partie dun groupe, il ny aura plus dobligation de formation, dadaptation et de reclassement au niveau du groupe, mais seulement dans lentreprise . Lemployeur, ladministrateur ou le liquidateur est simplement invit solliciter les entreprises du groupe pour avoir une liste de postes disponibles.5. Le projet Macron simplifie beaucoup le licencie-ment sans retour et sans indemnits des salaris pour lesquels le tribunal administratif aurait annul la dcision de validation ou dhomologation du plan de licenciement.Lactuel article L.1235-16 prvoit quen dehors du cas o le tribunal administratif annule la dcision de la DIRECCTE pour absence ou insuffisance du plan de sauvegarde de lemploi (ce qui entrane la nullit de la procdure de licenciement), lannulation pour un autre motif entrane soit la rintgration du salari, soit, en cas de refus de lemployeur, le versement dune indemnit qui ne peut tre infrieure aux salaires des six derniers mois.Dsormais, par la modification de ce tout rcent article L.1235-16, si la dcision de ladministration a t casse pour insuffisance de motivation , on est un peu dans Ubu : la loi prvoit benotement que ladministration prend une dcision suffisamment motive ( !) ; que le jugement du tribunal administratif ne modifie pas la validit du licenciement et donc ne donne pas lieu au versement dune indemnit la charge de lemployeur .

    Inscurisation des reprsentants du personnelCe qui se cache derrire la volont, discrtement affi-che, de modifier la sanction pnale pour les entraves au droit syndical et aux fonctions de reprsentant du personnel (DP, CE , CHSCT) : rien de moins que la suppression de la peine demprisonnement associe jusquici au dlit dentrave ( susceptible de dissuader

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    les socits trangres dinvestir dans les entreprises fran-aises ).Et, peut-tre plus encore, suppression de toute peine pnale, la formulation du dossier de presse ( les sanc-tions pnales associes au dlit dentrave au fonctionne-ment des instances reprsentatives du personnel seront remplaces par des sanctions financires. ) pouvant laisser entendre que les sanctions financires pourraient ntre plus quadministratives

    Le dlit dentrave devient moins sanctionnableEst-ce si choquant quun patron qui fait entrave aux lois dordre public social concernant linstauration et le fonctionnement des institutions reprsentatives du personnel, (comit dentreprise, dlgus du person-nel) soit punissable de peines de prison ? Cette peine figurait dans le Code du travail. En fait, les juges nont jamais prononc de peine de prison pour dlit dentrave. Mais la menace existait quand mme. En mai 2010 deux dirigeants de lusine Molex, apparte-nant un groupe amricain, avaient t condamns six mois de prison avec sursis par le tribunal cor-rectionnel de Toulouse pour ne pas avoir inform les reprsentants du personnel avant dannoncer la fermeture de lusine.Certains grands patrons trangers auraient dit leur inquitude face ce risque pnal, exceptionnel et si peu appliqu. Leurs avocats auraient souvent agit ce chiffon rouge, leur conseillant la plus grande prudence et les mettant en garde contre la tentative de dlit dentrave . videmment on nous raconte, sans preuve, non pas que cela aurait dissuad certaines entreprises de violer nos droits, mais que cela les aurait empches de sinstaller en France.Aussi, le prsident de la Rpublique lui-mme a-t-il annonc lors du deuxime conseil stratgique de lattractivit ouvert aux patrons trangers qui sest tenu le dimanche 19 octobre llyse, que cet article du droit pnal du travail serait annul : Les peines pnales associes au dlit dentrave, qui parfois mme pouvaient tre des peines de prisons qui ntaient bien sr jamais prononces mais qui nanmoins pouvaient inquiter, seront remplaces par des sanctions financires, et cest mieux quil en soit ainsi. Macron excute cette volont prsidentielle pro-patro-nale. En contrepartie de la suppression de cette peine, le ministre du Travail avait envisag que les contraven-tions aillent au-del des modestes 3 750 euros actuels. Mais quel niveau damende sera assez dissuasif envers des actionnaires milliardaires lointains pour leur faire respecter notre droit du travail ? Poser la question cest y rpondre : si la menace de prison ntait quun chiffon rouge, lamende les fera rire. Une fois de plus, on est loin du Franois Hollande au Bourget menaant la d-linquance financire : La Rpublique vous rattrapera.

    On peut gagner dans lunit et battre le projet de loi MacronIl y a cette fois des centaines de dputs qui peuvent voter contre. Plus de 120 dputs, dont 10 ministres actuels, se sont opposs au travail du dimanche en dcembre 2008. Il sagit de leur rappeler. Mais il faut

    argumenter serr sur le fond et en dtail. Le rejet du travail du dimanche, ce nest quune accroche, une approche de la loi. Mais cest aussi une entre. On peut convaincre aussi contre le travail en soire , et pour protger les prudhommes et linspection On peut souligner que faciliter les licenciements, cest faciliter le chmage Donc il y a possibilit de victoire lAssemble contre la loi Macron. Coup de force rtrograde prolong par ordonnances, il doit tre possible de rassembler assez de dputes conscients et courageux pour la rejeter.Le PS a pris position officiellement contre les ordon-nances et sur plusieurs points du texte : le travail du dimanche et en soire notamment. Et derrire, sur les questions des seuils sociaux, de la drglementation du droit du travail Il y a aussi de fortes oppositions et contradictions : la Mairie de Paris par exemple, sest oppose lextension du travail du dimanche. Et la pression syndicale est grande, avec une certaine unit l-dessus. Comme sur le reste de lordonnance Macron, il y a place pour une raction unitaire syndicale. Cest souhaitable, comme en Belgique.La preuve de la faiblesse du projet Macron cest quil a dj t pur lorsquil est pass en Conseil des ministres : il a t diminu de 160 articles 107. Et probablement a va continuer. Ce qui nenlve pas les dangers. Des lois ou ordonnances ou dcrets adhoc sur linspection du travail, sur la mdecine du travail... complteront le dispositif. Mais elles seront votes part, pour masquer les plus mchants des projets.Et si cette loi Macron est cadeau au Medef, si elle est le complment des 41 milliards de CICE le Medef nen est pas du tout reconnaissant au gouvernement ! Il manifeste mme contre lui ! Contrairement ce que prtend M. Valls sur les tlvisions (dmentant Macron qui, lui, a reconnu, un temps, lchec du Pacte de responsabilit), il ny a pas 7 signatures de branches mais une seule (la branche chimie et elle napporte aucun emploi).Enfin, arrive sur le bureau des Assembles les 20 ou 22 janvier 2015, la loi sera discute tout au long de fvrier et mars. Or on est deux mois des cantonales. Des mtiers et branches vont se mobiliser pendant les mois venir Une pousse syndicale indispensable peut tre entendue. Encore faut-il que toutes les forces de gauche sassocient pour crer un climat dindigna-tion et de lutte ds janvier.

    (1) extraits dun texte de grard Filoche, Inspecteur du travail, publi dans le revue Dmocratie et Socialisme. Un des premiers auteurs alerter sur les dangers du Projet de loi macron pour les droits des salaris.(2) dIreccte : direction rgionale des entreprises, de la concur-rence, de la consommation, du travail et de lemploi.

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    Le conseil des prudhommes est la juridiction spcialement comptente pour trancher les li-tiges ns du contrat de travail (1). Aujourdhui ce sont 14 512 conseillers qui officient au sein de 216 conseils de prudhommes, tous diviss en 5 sections, industrie, commerces et services, agriculture, activits diverses, encadrement. Chaque section est compose dun minimum de 8 conseillers.Une tude rcente rappelle quelques chiffres pour mieux saisir la ralit du contentieux prudhomal (2). En 2013, 176 859 demandes au fond ont t soumises devant la juridiction prudhomale, portant le nombre total des demandes, rfrs compris, 206 039. Cette mme tude souligne quen 2013, 92,8 % des demandes concernent la rupture du contrat de travail, tant prcis que le taux de recours ayant pour objet la contestation de licenciements pour motif conomique est trs faible : 1, 6 %. Concernant les ruptures pour des motifs autres quconomiques, les auteurs de ltude constatent une volution : si le taux des contestations augmente, leur nombre en valeur absolue diminue.Lvolution tiendrait notamment lessor de la rup-ture conventionnelle : [celle-ci] a contribu rduire le nombre de licencis [pour motif non conomique], mais les licenciements qui demeurent sont plus fortement contests . En 2013, 314 000 ruptures conventionnelles ont t homologues par ladministration, chiffre qui serait encore en augmentation en 2014. En novembre, ce nombre slevait 301 441. Il faut aussi souligner un taux de refus des homologations particulirement bas et dune rgularit tonnante (autour de 6 % en moyenne). Il existe assurment un effet de vases com-municants, ce que rvle galement une tude rcente de la DARES (3). Il est difficile de dire dans quelle mesure la rupture conventionnelle est utilise dans le but dchapper au droit du licenciement pour motif conomique. Mais assurment, lintention tait bien celle-ci : esquiver le juge !La fin poursuivie aujourdhui par le gouvernement est la mme, cette diffrence que cest directement linstitution prudhomale qui est maintenant vise.

    dans lempire du marchla justice prudhomale

    jospha dirringer

    Avec la cration de la rupture conventionnelle du contrat de travail, le gouvernement Sarkozy avait en tte la rduction du nombre de licenciements conomiques, en permettant lemployeur desquiver le juge. Lopration a fonctionn, les chiffres le prouvent. Mais les contentieux sur les licenciements conomiques restants augmentent. Avec la loi Macron, et la rforme des tribunaux prudhomaux quelle contient, qui met lcart le juge et favorise la ngociation employeur-salari dans le traitement en amont ou en aval des contentieux, le gouvernement Hollande-Valls poursuit le travail de scurisation des employeurs sur le dos des salaris. En mme temps quil entrine le principe austritaire dune justice sans moyens.

    Le contenu de la rformeLa fin des lections prudhomalesAujourdhui, le conseil des prudhommes est une juri-diction paritaire et lue au suffrage direct, par tous les employeurs et tous les salaris, mme privs demplois. Le scrutin, qui tait de liste, la proportionnelle, et, en principe, organis tous les 4 ans, navait pas pour seule fonction dassurer la dsignation des juges prudho-maux. Il servait aussi, avant la loi du 20 aot 2008, de critre dans lapprciation de la reprsentativit des syndicats au niveau national interprofessionnel (4).La dernire lection des conseillers prudhomaux remonte au 3 dcembre 2008 ! En dcembre 2014, le parlement a dcid, sans doute pour la dernire fois, de proroger le mandat des conseillers prudhomaux de deux annes supplmentaires. La loi du 18 dcembre 2014 marque en effet la fin des lections prudhomales (5). Larticle 1er habilite le gouvernement dfinir de nouvelles modalits de dsignation des conseillers prudhomaux en fonction de laudience des organisations syndicales de salaris. Le gouvernement dispose dun dlai de 18 mois. La date du prochain renouvellement gnral des conseils de prudhommes sera fixe par dcret, et au plus tard au 31 dcembre 2017. Le mandat des conseillers prudhommes est prorog jusqu cette date.Pourquoi donc supprimer les lections prudhomales ?La faiblesse de la participation et des raisons budgtaires sont souvent mises en avant pour justifier cette suppres-sion. Il est peine besoin dinsister Largument tir de la participation est particulirement dangereux si, par analogie, on songeait une minute lappliquer aux lections politiques. Quant au second argument, il est tout aussi inquitant de faire croire que la vigueur de la dmocratie sociale dpend des conomies budgtaires que le gouvernement entend raliser !Cette suppression vise autre chose encore. Les gouverne-ments successifs, mais sans doute aussi certains syndicats, ne souhaitaient pas fragiliser la lgitimit des interlo-cuteurs sociaux et leur rle dans le processus lgislatif.

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    Pour rappel, depuis 2008, laudience prise en compte pour apprcier la reprsentativit au niveau national interprofessionnel rsulte de la consolidation des suf-frages obtenus aux lections des membres du comit dentreprise et des lections rgionales organises pour les salaris des TPE, et ce, quel que soit le nombre de votants. La complexit du systme de consolidation rend le calcul de laudience totalement opaque. Cette opacit jette le trouble sur la sincrit des rsultats obtenus, non pas quil sagisse de dnoncer une quelconque fraude, mais de constater quil est impossible de contrler la manire dont il a t obtenu. Cest sans compter les irrgularits nombreuses qui affectent encore les procs-verbaux des lections au niveau de lentreprise (6) et la faible participation (42,78 %). Ce doute aurait t plus fort si lon avait dispos de rsultats lectoraux obtenus par le suffrage direct des salaris au niveau national interprofessionnel. Quel regard port sur la liste des syndicats reprsentatifs sil tait apparu ce qui est peu prs sr que laudience partir de laquelle ils ont t dclars reprsentatifs tait diffrente de celle obtenue par le suffrage direct aux lections prudhomales ?

    La rforme du fonctionnement du CPH et les petits arrangements lombre du jugeLe droulement de la procdure prudhomale dbute dabord et obligatoirement par une audience devant le bureau de conciliation (BC) (7). Il faut bien avouer cependant que la vocation originairement conciliatrice du conseil des prudhommes sest efface et, le plus souvent dsormais, le bureau de jugement (BJ) est saisi. Cette particularit de la procdure prudhomale explique sa dure. Elle le sera dautant plus que laffaire sera rejuge en prsence dun juge dpartiteur. Notons cet gard que les cas de dpartage, comme lappel, sont aujourdhui plus courants (8). Ainsi la dure de la procdure prudhomale en premire instance est en moyenne de 11,9 mois, mais peuvent aller jusqu plus de deux ans.Le BC serait rebaptis bureau de conciliation et dorien-tation (BCO). Il conserverait son pouvoir de concilia-tion actuel. Dsormais, il pourrait aussi, avec laccord des parties, dcider de renvoyer laffaire devant un BJ restreint 2 conseillers au lieu de 4, qui disposerait de seulement trois mois pour statuer.Par ailleurs, en cas dchec de la conciliation, le BCO peut aussi renvoyer doffice cest--dire sans accord des

    parties et directement laffaire devant le BJ prsid par le juge dpartiteur. La saisine directe du BJ prsid par un juge dpartiteur peut aussi tre dcide par le BJ restreint ou bien encore rsulter de la demande des deux parties.Si la formation du BJ 4 conseillers demeure le prin-cipe, le projet de loi multiplie les formules alternatives qui, soit tendent expdier rapidement le litige, soit faire intervenir un juge professionnel.Le projet Macron encourage aussi trs clairement le recours ce quon nomme dans le jargon les MARC, savoir les Modes alternatifs des rglements des conflits. Le projet en introduit deux : la mdiation convention-nelle et les conventions de procdure participatives.La premire tait interdite dans les litiges ns dun contrat de travail, sauf si le diffrend tait transfronta-lier (article 24 de la loi n 95-125 du 8 fvrier 1995). Le projet prvoit labrogation de larticle 24, ce qui reviendrait autoriser la mdiation conventionnelle. Il sagit de permettre au juge de dsigner, avec laccord des parties, un mdiateur judiciaire pour procder une mdiation, en tout tat de la procdure. Sur ce point, le projet Macron nest pas sans faire cho larticle L. 1235-1 du Code du travail, issu de la loi de scurisation de lemploi. Cet article prvoit quen cas de litige, lors de la conciliation, un accord peut prvoir le versement par lemployeur au salari dune indemnit forfai-taire dont le montant est dtermin, sans prjudice des indemnits lgales, conventionnelles ou contractuelles, en rfrence un barme fix par dcret en fonction de lanciennet du salari.Quel intrt y a-t-il recourir la mdiation conven-tionnelle alors quune phase de conciliation existe dj en matire prudhomale ? Faut-il avoir lesprit chagrin pour croire quil peut sagir dun moyen dexternaliser la justice prudhomale vers des mdiateurs privs ?Les secondes, les conventions de procdure par-ticipatives, taient galement interdites en matire prudhomale par lalina 2 de larticle 2064 du Code civil. L encore, le projet prvoit labrogation de cette disposition conduisant en dfinitive les rendre licites. La convention de procdure participative est une convention par laquelle les parties un diffrend qui na pas encore donn lieu la saisine dun juge ou dun arbitre sengagent uvrer conjointement et de bonne foi la rsolution amiable de leur diffrend. labore par crit, elle fixe sa dure, lobjet du diffrend, et les pices et les informations ncessaires sa rsolution.

    2008 (lections prudhomales)

    2013 (consolidation des lections professionnelles dans lentreprise et au niveau rgional (audience recalcule parmi les seules OSR)

    CGT 34% 26,77% (30, 63%)CFDT 21.81% 26, 00% ((29,71 %)FO 15.81% 15,94% (18,28 %)CFTC 8.69% 9,30% (10,62 %)CFE-CGC 8.19 % 9,43% (10,76 %)UNSA 6,25% 4,26%Sud 3, 82 % 3,47%

    Rsultats

    Audiences lectorales des organisations syndicales au niveau national interprofessionnel

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    Reconnatre leur licit soulve de nombreuses interroga-tions. Cela signifie-t-il que le salari ait la libre disposition de ses droits au point quil puisse y renoncer ? Admettra-t-on quun salari accepte de limiter lobjet du litige au seul motif du licenciement, en renonant, qui sait, au paiement dheures supplmentaires, ou une demande de rparation pour harclement moral ? Enfin, la reconnais-sance de ces conventions conduit se demander si le juge conservera son pouvoir dapprciation quant la recherche de la cause relle et srieuse du licenciement. Aujourdhui, cest la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en sera-t-il toujours de mme si les parties au contrat de travail dcident au moyen dune convention de procdure participative de dfinir autrement ces limites ?

    Le statut des conseillers prudhomauxLe statut des conseillers prudhomaux, juges lus et non professionnels, est relativement succinct. Dune part, le Code du travail reconnat aux salaris lus des garanties et des moyens pour exercer leur mission. Tout dabord, ils reoivent une vacation gale leur salaire. Ensuite, ils disposent dun amnagement de leur temps de travail afin de leur permettre dexercer leur charge et dtre forms. cet gard, la loi leur reconnat un cong de formation de six semaines par mandat. Enfin, ils bnficient dune protection contre le licenciement. Dautre part, leur fonction va de pair avec un certain nombre dobligations qui incombent tout magistrat. Le Conseil dtat a notamment admis la dchance dun conseiller prudhomal, sanctionnant un manquement son devoir de rserve (9).Tout dabord, le projet de loi oblige les conseillers suivre une formation initiale. Cela est une bonne chose. Cependant, il est prvu que cette formation soit confie lENM. Aujourdhui, la formation des conseillers est prise en charge, soit directement par les organisations syndicales, soit par les instituts du travail (IRT et ISST) qui sont intgrs aux universits. Le but est dassurer une formation lensemble des conseillers prudhomaux, quils soient salaris ou employeurs. Ainsi centralise, la formation initiale des conseillers prudhomaux serait commune tous pour ne pas dire uniforme et prtendument neutre. Les rserves concernent aussi la brivet de la formation initiale qui sera limite 5 jours. Enfin, dfaut de lavoir suivie, le conseiller sera rput dmissionnaire. Une formule telle que il peut tre dclar dmissionnaire aurait t plus respectueuse des droits des conseillers prudho-maux. Ces derniers auraient t mme dapporter des explications devant la Commission nationale de discipline. tout le moins, on peut peut-tre esprer quune procdure pralable de mise en demeure soit prvue par dcret.

    Ensuite, le projet renforce le droit disciplinaire appli-cable aux conseillers prudhomaux. Ces derniers sont soumis comme tout magistrat aux exigences dind-pendance et dimpartialit. Sajoutent ces exigences des devoirs de dignit et de probit. Autrement dit, les conseillers prudhomaux doivent faire montre dune cer-taine respectabilit Dommage que la rfrence au bon pre de famille ait disparu ! Ils doivent aussi sabstenir de tout acte ou comportement public incompatible avec la rserve que leur impose leur fonction . La gnralit de la formule constitue videmment un risque grave datteinte aux liberts fondamentales des conseillers prudhomaux. tre lu conseiller prudhomal serait-il le dernier acte de leur engagement syndical ? Doivent-ils craindre que lexercice de leur libert de manifester, de sexprimer, de mener une action syndicale constitue un manquement leur droit de rserve et leur devoir de probit ?Le droit disciplinaire applicable aux conseillers prudhomaux se dote aussi dune instance charge de son application et de sanction. La Commission nationale de discipline est cre. Elle est une instance distincte du conseil suprieur de la prudhomie, qui est un organisme consultatif plac auprs des ministres de la Justice et du Travail. La nouvelle commission est une instance disciplinaire prside par un prsident de chambre la Cour de cassation compose de conseillers dtat (1), des magistrats (2) et de conseillers prudho-maux, salaris (2) et patronaux (2). Contrairement ltat actuel du droit, o le pouvoir disciplinaire est exerc par le Premier ministre (10), la nouvelle institu-tion est sans conteste plus respectueuse de lautonomie de la justice par rapport au pouvoir excutif.

    Le sens de la rformeLa mise lcart du garant des droits sociauxLa rforme du fonctionnement du CPH est une rponse donne au problme important de lallonge-ment des procdures. Lallongement des procdures affecte trs directement leffectivit des droits sociaux et aggrave un peu plus la prcarit des salaris injustement privs de leur emploi pouvant attendre plusieurs annes avant que leur prjudice ne soit rpar. Rgulirement, la France est condamne par la CEDH en raison de la violation de larticle 6 garantissant toute personne le droit que sa cause soit entendue quitablement, publiquement et dans un dlai raisonnable. Le rap-port Lacabarats le rappelait : Le constat est unanime : la juridiction du travail, dans son mode dorganisation actuel, ne fonctionne pas dans des conditions conformes aux exigences des standards europens et connat de graves carences. (11)