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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES Les modalités du renforcement musculaire. Quelles applications aux membres supérieurs du patient blessé médullaire de niveau thoracique bas ? En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Masseur-Kinésithérapeute Kevin GISBERT 2011-2012

Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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Page 1: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES

Les modalités du renforcement musculaire.

Quelles applications aux membres supérieurs du patient

blessé médullaire de niveau thoracique bas ?

En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Masseur-Kinésithérapeute

Kevin GISBERT

2011-2012

clarisse
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Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illégale.
Page 2: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Ministère de la Santé et des Sports

Région Bretagne

Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie de Rennes

Les modalités du renforcement musculaire.

Quelles applications aux membres supérieurs du patient

blessé médullaire de niveau thoracique bas ?

Sous la direction de KOSTUR Laurent

Travail personnel présenté par :

Kevin GISBERT

En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Masseur-Kinésithérapeute

2011-2012

Page 3: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Résumé

Ce travail cherche à définir les objectifs que le kinésithérapeute doit rechercher lors de

l’athlétisation des membres supérieurs du patient paraplégique afin de lui offrir de bonnes

capacités de déplacement et de transferts, donc une bonne autonomie. Il cherche également à

déterminer les modalités des exercices qui doivent être proposés aux patients afin d’atteindre

ces objectifs.

Une revue de la littérature sur le renforcement musculaire permet de déterminer les

différents objectifs qui peuvent être atteints par celui-ci sur un muscle sain et les modalités

des exercices correspondant à chaque objectif. Une seconde revue de littérature sur les

activités de propulsion du fauteuil manuel et de transferts du patient paraplégique permet de

définir les muscles sollicités lors de ces activités. A partir de ces informations les objectifs et

les modalités de renforcement afin de faciliter ces activités peuvent être déterminés.

Ces objectifs d’endurance, d’explosivité et de force cherchent à être remplis au cours

d’un programme déterminé par la mise en lien des besoins et des moyens d’y parvenir. Ce

programme d’exercices de 12 semaines est présenté avec ses principes et précautions. Les

exercices sont décrits un à un et pour la plupart illustrés.

La discussion pose les limites de ce travail et les obstacles rencontrés.

Mots-clés :

Paraplégie, lésion médullaire, renforcement musculaire, membres supérieurs,

propulsion, transferts

Keywords :

Paraplegia, Spinal Cord Injury (SCI), strength training, upper limbs, propulsion,

transfers

Page 4: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Sommaire I. Introduction ..................................................................................................................................... 1

1. Expérience personnelle ................................................................................................................ 1

2. Intérêt du renforcement musculaire chez le patient paraplégique ............................................... 2

3. Problématique .............................................................................................................................. 3

II. Méthodologie de recherche ............................................................................................................. 3

III. Le renforcement musculaire sur muscle sain .............................................................................. 4

1. Le calcul de résistance maximale (RM) ...................................................................................... 4

2. Les différents types de fibres ....................................................................................................... 5

3. Les différents modes de contraction ............................................................................................ 6

a. Le travail isométrique .............................................................................................................. 6

b. Le travail concentrique ............................................................................................................ 6

c. Le travail excentrique .............................................................................................................. 7

d. Le travail pliométrique ............................................................................................................ 7

e. Synthèse .................................................................................................................................. 8

4. Les différents objectifs ................................................................................................................ 9

a. Le gain de force maximale ...................................................................................................... 9

b. Le gain de puissance .............................................................................................................. 10

c. Le gain de force explosive ..................................................................................................... 11

d. Le gain d’endurance .............................................................................................................. 11

e. Le gain de volume ................................................................................................................. 12

f. Synthèse ................................................................................................................................ 13

5. La fréquence des séances .......................................................................................................... 13

IV. Application aux membres supérieurs du patient paraplégique complet thoracique bas ............ 14

1. La pathologie ............................................................................................................................. 14

2. Analyse des activités quotidiennes du patient paraplégique en fauteuil roulant manuel .......... 14

a. La propulsion ......................................................................................................................... 14

b. Les transferts ......................................................................................................................... 17

c. Synthèse ................................................................................................................................ 21

3. Les muscles à renforcer ............................................................................................................. 22

4. Objectifs du programme de renforcement ................................................................................. 23

5. Programme de renforcement ..................................................................................................... 24

V. Discussion ..................................................................................................................................... 29

VI. Conclusion ................................................................................................................................. 30

Bibliographie ........................................................................................................................................... 1

Annexes ................................................................................................................................................... 4

Page 5: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

1

I. Introduction

1. Expérience personnelle

Au fur et à mesure de mes stages, le renforcement musculaire a toujours été quelque

chose qui m’a beaucoup questionné. Au cours de différentes prises en charge, j’ai eu à utiliser

le renforcement musculaire et je me suis souvent demandé combien de répétitions et combien

de séries je devais faire effectuer à mes patients. En effet, j’observais les kinésithérapeutes qui

en faisaient faire à leurs patients et je constatais que chacun avait une pratique différente et

bien à lui de cette technique. Doit-on arriver à une fatigue musculaire importante pour être

efficace ? Tous les muscles doivent-ils être renforcés de la même manière ? Fort de toutes ces

constatations, j’ai alors décidé de réaliser mon mémoire sur le renforcement musculaire afin

d’étudier la littérature sur ce sujet et ainsi de développer mes connaissances.

Le renforcement musculaire est la technique active de base de la kinésithérapie. Celui-

ci peut être utilisé dans différents objectifs : curatif, préventif ou palliatif selon s’il s’agit de

traiter un déficit (suite à une immobilisation par exemple), d’éviter la perte musculaire (durant

l’immobilisation par exemple) ou de compenser la perte de muscles (comme l’athlétisation

supra-lésionnelle chez le patient paraplégique) (Gain & Coll., 2003b).

D’un point de vue physiologique, le muscle ne répond pas de la même façon selon la

stimulation. Ainsi lors d’un renforcement musculaire, le nombre de séries, de répétitions,

l’intensité de la résistance, la vitesse du mouvement, les temps de récupération, les modes de

contraction ou encore la course musculaire travaillée sont autant de paramètres que le

kinésithérapeute doit maitriser au mieux afin d’optimiser le renforcement musculaire et

atteindre les objectifs fixés (Bellaud & Coll, 2003 ; Marsal, 2007). Ainsi, le renforcement

musculaire optimisé est relativement complexe à réaliser pour le kinésithérapeute qui doit être

capable de maitriser tous ces paramètres (Gain, 2001).

Ainsi, sur le terrain, l’ensemble des paramètres précédemment cités ne sont pas

toujours maitrisés. Ceux tels que la course musculaire et le mode contractile le sont

généralement bien mais les autres ne le sont pas toujours. Par exemple, l’utilisation des

résistances manuelles très fréquente en kinésithérapie compte tenu de sa facilité d’utilisation

présente l’inconvénient majeur de ne pas permettre de chiffrer l’intensité de l’exercice. En

revanche, les résistances élastiques fréquemment utilisées également permettent de donner

une valeur chiffrée à la résistance appliquée au mouvement par l’intermédiaire de calculs

Page 6: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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fonction du modèle et du pourcentage d’allongement de l’élastique (Annexe 1). Toutefois,

cette possibilité offerte par les bandes élastiques n’est pas toujours exploitée (par manque de

temps ou de diversité de bandes).

Lors d’un de mes stages, la rééducation d’un jeune patient paraplégique en phase

d’autonomisation a été la source d’une réflexion avec mes collègues stagiaires. Nous

souhaitions lui proposer un protocole de renforcement et d’athlétisation des membres

supérieurs mais nous nous sommes retrouvés face à nos difficultés et notre manque

d’expérience dans ce domaine. Sachant que le protocole proposé devait répondre à des

objectifs précis, nous ne savions pas quelles modalités les exercices de renforcement devaient

respecter.

2. Intérêt du renforcement musculaire chez le patient paraplégique

Les membres supérieurs du paraplégique qui se retrouve dans un fauteuil roulant

deviennent ses membres portants : son autonomie passe par ses membres supérieurs

(propulsion du fauteuil manuel et transferts principalement) (De Morand, 2008). Les échelles

d’indépendance telles que l’index de Barthel (Annexe 2), la mesure d’indépendance

fonctionnelle (MIF, Annexe 3) ou encore la Spinal Cord Independence Mesure (SCIM III,

Annexe 4) qui est spécifique au patient blessé médullaire prennent en compte la capacité à se

déplacer sur de longues distances ou à réaliser sans aides techniques les transferts. Ces

capacités reposent bien entendu sur un apprentissage technique de la gestuelle mais leur

réalisation nécessite également une musculature appropriée (Chivilo & Coll., 2002). La Haute

Autorité de la Santé (HAS), dans son guide Affections Longue Durée n°20 concernant la

paraplégie publié en juillet 2007, préconise d’ailleurs une athlétisation des membres

supérieurs du patient dans la partie rééducation du plan de prise en charge thérapeutique

proposé.

Une étude ayant testé les effets de la musculation des membres supérieurs chez des

sujets blessés médullaires et des sujets valides rapporte que les patients blessés médullaires

répondent au moins aussi bien au renforcement musculaire que les sujets valides (Turbanski

& Coll., 2010) cependant, peu de données dans la littérature concernent les modalités du

renforcement musculaire qui doit être appliqué au patients blessés médullaires.

Lors de ses activités quotidiennes, le patient blessé médullaire sollicite ses membres

supérieurs selon une fonction à laquelle ils ne sont pas habitués. Ils nécessitent davantage de

force et vont désormais fonctionner très souvent en chaîne cinétique fermée (CCF) ou semi-

Page 7: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

3

fermée alors que la personne valide utilise ses membres supérieurs presque exclusivement en

chaîne cinétique ouverte (CCO). Cela explique le fait que les membres supérieurs du patient

paraplégique nécessitent une rééducation à type d’athlétisation via le renforcement

musculaire. Cependant, quel programme de renforcement doit être proposé aux patients

paraplégiques ? Quel est l’objectif recherché au cours de ce renforcement ?

3. Problématique

Ce travail cherchera à trouver des éléments de réponse à la problématique suivante :

Dans le but d’obtenir une athlétisation des membres supérieurs optimale pour son

autonomie, quelles sont les modalités d’application du renforcement musculaire aux

membres supérieurs du patient paraplégique complet de niveau thoracique bas lors de

la phase d’autonomisation ?

Une première partie présentera les données de la littérature concernant le renforcement

musculaire sur muscle sain d’une manière générale. En effet, les membres supérieurs du

patient paraplégique étant situés en zone supra-lésionnelle il s’agit de muscles sains. Puis une

seconde partie sera consacrée à son application sur les patients paraplégiques dans le but

d’athlétisation des membres supérieurs après une analyse guidée par la littérature des besoins

précis de ces patients.

II. Méthodologie de recherche

Les recherches ont été effectuées du 22 janvier 2012 au 07 mars 2012 sur les bases de

données suivantes : Kinedoc, PubMed, EM-Consulte, Google Scholar, ScienceDirect et le

moteur de recherche du Centre de Documentation de l’IFPEK.

Les mots clés employés ont été « paraplégie » (« paraplegia »), « blessé médullaire »

(« spinal cord injury »), « renforcement musculaire » (« strengh training »), « transferts »

(« transfers »), « propulsion », « wheelchair ».

Compte tenu du faible nombre de résultats intéressants pour le sujet de ce travail, tous les

articles ayant un lien ont été retenus qu’il s’agisse d’études, de retours d’expérience ou d’avis

d’experts.

Page 8: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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III. Le renforcement musculaire sur muscle sain

Le renforcement musculaire peut répondre à différents objectifs. Selon l’objectif de

l’exercice, ses modalités diffèreront. Ainsi la musculation peut être appliquée dans un but de

gain de force, de puissance, d’explosivité, d’endurance ou de trophicité (volume). En fonction

de l’objectif du pratiquant et afin d’avoir une bonne efficacité, le nombre de répétitions, la

charge ou encore la vitesse du mouvement sont autant de paramètres qui sont à maîtriser

(Marsal, 2007). De plus, différents modes de contraction existent, il faut donc choisir le ou les

modes contractiles qui s’appliquent le mieux à la situation. Afin de faire le meilleur choix

possible pour le patient, des connaissances sur les effets de chacun de ces modes sont

nécessaires.

1. Le calcul de résistance maximale (RM)

La résistance maximale ou charge maximale d’un muscle est la charge maximale qu’il

est capable de mobiliser une fois et une seule sur l’amplitude totale du mouvement concerné.

Cette valeur permet ensuite d’évaluer la résistance à imposer au muscle en fonction de

l’objectif recherché. Avant de commencer le programme il faut donc mesurer la RM du

patient sur l’ensemble des exercices qui vont composer le programme. Le calcul de RM doit

être réalisé avec le matériel qui sera utilisé ensuite lors du programme de renforcement et

après une phase d’échauffement car on va alors demander à un muscle non-entraîné de

soulever une charge importante.

Il existe deux façons de déterminer la RM, une méthode directe et une indirecte. La

méthode directe consiste à trouver la charge correspondant à la RM en augmentant

progressivement la charge « à tâtons » jusqu’à trouver celle qui ne peut être mobilisée qu’une

seule fois et qui constitue donc la RM. La méthode indirecte consiste à soulever une charge

moins importante que la RM le maximum de fois possible, il existe ensuite une relation entre

le nombre de répétitions qu’a été capable de réaliser le patient et le % de RM que représente

la charge qui a été mobilisée. Selon Brzycki, cette relation serait RM = charge déplacée /

1.0278-(0.0278 x nombre de répétitions) (Bernard & Coll., 2008). Ainsi par exemple une

charge ayant été mobilisée à 10 répétitions représente 75% de la RM. Cependant lors du

calcul de RM plus la charge est importante et donc le nombre de répétitions réalisées est

faible et plus la valeur de la RM déterminée est fiable.

Page 9: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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2. Les différents types de fibres

Les muscles sont principalement composés de trois types de fibres. Les fibres de type I

encore appelées fibres rouges ou fibres lentes sont les fibres les plus endurantes, ce sont celles

qui développent le moins de force mais elles sont peu fatigables. Elles fonctionnent sur un

mode oxydatif, c’est-à-dire aérobie : elles utilisent l’oxygène pour fabriquer leur énergie

(ATP) et nécessitent donc un muscle bien capillarisé.

Les fibres de type II également appelées fibres blanches ou fibres rapides. Il en existe

2 types différents : les fibres IIa et IIb. Ces deux types de fibres fonctionnent principalement

sur un mode anaérobie. Les fibres IIb sont celles qui développent le plus de force mais sont

les plus fatigables. Les fibres IIa sont intermédiaires par rapport aux types I et IIb : elles sont

relativement fatigables et développent une force modérée.

Lors d’une contraction musculaire, les différents types de fibres ne sont pas recrutés

simultanément dès le début de l’exercice. Leur recrutement se fait selon l’intensité de la

résistance avec un recrutement principal des fibres I pour une intensité faible (jusqu’à 50% de

la RM) auxquelles vont se rajouter les fibres IIa (à partir de 50% de la RM) puis les fibres IIb

(au-delà de 80% de la RM). Cet ordre de recrutement est cependant modifié lors d’une

contraction intense explosive avec un recrutement prioritaire des fibres IIb (Gain & Coll.,

2003a). Cette chronologie de recrutement est illustrée sur le schéma suivant (figure 1).

Figure 1 : Recrutement des différents types de fibres en fonction de la charge imposée.

(D’après Costill, 1980)

Page 10: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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3. Les différents modes de contraction

a. Le travail isométrique

La contraction isométrique est une contraction statique ce qui implique que le

développement de la force s’effectue principalement dans la position angulaire de travail. Par

conséquent cette position doit être judicieusement choisie en lien avec l’utilisation

fonctionnelle du muscle, ou le renforcement isométrique devra être effectué successivement à

différentes positions (Gain, 2001 ; Bellaud & Coll., 2003 ; Gain & Coll., 2003a et 2003b).

Ce mode de contraction est favorable au développement du volume musculaire (Gain,

2001 ; Bellaud & Coll., 2003 ; Gain & Coll., 2003a ; Vanbiervliet, 2008) et il permet de

développer une force supérieure de 10% à la force maximale concentrique (Gain & Coll.,

2003a).

Ses principaux inconvénients sont qu’il diminue la capillarisation intramusculaire, est

peu favorable à la vitesse de contraction (Gain, 2001 ; Bellaud & Coll., 2003 ; Gain & Coll.,

2003a) et ne permet pas le développement de la coordination intra et intermusculaire (Gain,

2001).

Finalement ce type de contraction semble peu fonctionnel et un entraînement

musculaire en mode isométrique est répétitif et monotone pour le sujet (Bellaud & Coll.,

2003). Son utilisation doit être modérée et couplée à d’autres modes de travail (Gain, 2001).

b. Le travail concentrique

La contraction concentrique est un mode de travail dynamique du muscle dans lequel

sa longueur se réduit et ses points d’insertion se rapprochent.

Il s’agit du régime de contraction qui développe le moins la force mais il présente

l’intérêt de nécessiter un temps de récupération plus court. Il sollicite un grand nombre

d’unités motrices ce qui le rend efficace à l’échauffement, mais cela implique également une

grande consommation d’énergie (Gain, 2001 ; Gain & Coll., 2003a).

Il semble peu judicieux de l’utiliser seul car finalement dans les activités quotidiennes

il ne s’agit généralement pas du mode contractile dans lequel sont sollicités les muscles (Gain

& Coll., 2003b).

Page 11: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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c. Le travail excentrique

Lors de la contraction excentrique, le muscle s’allonge et ses points d’insertion

s’éloignent (Bellaud & Coll., 2003). Cette contraction part donc d’une course plutôt interne

vers une course plutôt externe et l’action réalisée est alors une action de freinage d’une

charge, comme par exemple la contraction quadricipitale excentrique lorsqu’un sujet

s’accroupi pour retenir la charge qui est le poids de son corps.

Ce mode de contraction est celui qui développe le plus de force (30 à 50% de plus que

la force maximale isométrique selon Gain). Il est peu consommateur en énergie métabolique

et nerveuse est très efficace dans l’objectif de gain de force tout en n’entraînant que peu

d’augmentation du volume musculaire (Gain & Coll., 2003a). Toujours selon Gain, le

renforcement musculaire en mode excentrique améliore la force également dans le mode

concentrique à moyen et long terme (après restructuration des stries Z lésées par

l’entraînement excentrique) et permet de renforcer les structures passives ce qui n’est pas

négligeable pour la prévention d’apparition de tendinopathies.

Cependant, le mode excentrique doit être utilisé avec précaution car le risque de

lésions musculaires est présent, notamment à vitesse rapide, alors que le travail à vitesse

ralentie ne présente qu’un intérêt limité car peu fréquent dans les activités courantes (Bernard

& Coll., 2008).

d. Le travail pliométrique

Il s’agit d’une contraction excentrique suivie immédiatement d’une contraction

concentrique.

Ce mode de contraction est retrouvé dans les activités quotidiennes majoritairement

sur les membres inférieurs : course, sauts ce qui rend cet entraînement proche de la fonction

(Gain, 2001). Il ne présente en revanche pas d’intérêt dans le cas du patient paraplégique.

Page 12: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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e. Synthèse

Chaque mode de contraction présente ses avantages et ses inconvénients. En fonction

du patient, de sa pathologie et de ses objectifs, un mode sera préférentiellement choisi par

rapport à un autre. Le mode de contraction utilisé au cours des exercices de renforcement

musculaire sera donc lié aux objectifs : par exemple si l’objectif est de lutter contre

l’amyotrophie, les modes concentrique ou isométrique sont à privilégier.

D’une manière générale, le renforcement musculaire afin d’être optimal doit mêler

différents modes de contraction afin d’utiliser au mieux les avantages et inconvénients de

chaque type de contraction. Ce mélange de modes de travail peut se faire par exemple selon

une progressivité : le renforcement isométrique ou concentrique est moins fonctionnel mais le

renforcement excentrique ou pliométrique, plus fonctionnel, peut être potentiellement lésant

notamment chez un sujet non-habitué. On peut alors imaginer un début de programme en

isométrique, moins traumatisant, puis rapidement une progression vers le concentrique et

enfin, lorsque le sujet se sent à l’aise, un renforcement excentrique et pliométrique bien

contrôlé afin d’être au plus proche de la fonction.

Cependant les critères de chaque mode de contraction ne sont pas les seuls éléments à

prendre en compte. En effet, il faut déterminer le mode de contraction fonctionnel du muscle

dans les activités quotidiennes ou sportives. Le mode de contraction utilisé ensuite en

entraînement sera le même afin de pouvoir transposer les acquis de l’entraînement dans la

fonction (Gain, 2001 ; Marsal, 2007). Ainsi par exemple, le muscle moyen fessier

fonctionnant majoritairement comme stabilisateur en contraction statique lors de la phase

unipodale de la marche sera préférentiellement renforcé dans le mode statique et dans

l’angulation d’abduction de hanche correspondant à celle de la phase d’appui unipodal de

marche. De la même manière un muscle sollicité en concentrique dans l’activité ne sera pas

entraîné en excentrique.

Afin d’atteindre les objectifs fixés, le choix du bon mode de contraction est important,

mais d’autres paramètres entrent également en jeu. Ceux-ci sont entre autres la résistance

appliquée, le nombre de répétitions effectuées ou encore les temps de repos entre les séries.

La partie suivante nous permet de déterminer ces paramètres d’après la littérature en fonction

de l’objectif de rééducation.

Page 13: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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4. Les différents objectifs

a. Le gain de force maximale

La musculation est une technique permettant le gain de force. Ce gain est dû dans un

premier temps à l’adaptation des facteurs nerveux sans modification importante de la structure

même du muscle (lors des 8 premières semaines environ) grâce à un meilleur recrutement et

une meilleure synchronisation des unités motrices (un maximum de fibres musculaires sont

recrutées au sein du muscle) ainsi qu’une meilleure coordination intramusculaire (l’ensemble

des fibres recrutées se contractent au même moment) et intermusculaire (les muscles

agonistes du mouvement se contractent en synergie et les muscles antagonistes sont relâchés

au maximum). Puis à partir de la 8ème

semaine entrent en jeu des facteurs structuraux avec une

hypertrophie musculaire liée à une augmentation du nombre de myofibrilles dans le muscle et

donc une augmentation de volume des fibres musculaires (Portero, 2001 ; Gain, 2001 ;

Bellaud & Coll., 2003).

Malgré une multitude de protocoles existants, tous les auteurs semblent s’accorder sur

les points suivants : un renforcement musculaire par lequel on cherche à développer la force

doit s’effectuer à au moins 60% de la RM pour espérer un minimum d’efficacité (Portero,

2001 ; Bellaud, 2003 ; Marsal, 2007 ; Vanbiervliet, 2008) et à plus de 80% de la RM pour

avoir une action sur les fibres IIb et donc recruter l’ensemble des fibres du muscle (Gain,

2001 ; Vanbiervliet, 2008). Les séries sont composées d’un faible nombre de répétitions, en

lien avec la charge importante à déplacer. Les gains en force sont plus importants avec des

charges lourdes et un nombre de répétitions faible (par exemple 3 répétitions à 95% de la RM

plutôt que 8 répétitions à 80% de la RM), mais en fonction de l’entraînement du sujet

l’utilisation de charges proches de la RM n’est pas toujours possible (Portero, 2001). De plus,

la récupération entre chaque série de mouvements doit être complète, c’est-à-dire de 3 à 5

minutes (Gain, 2001 ; Bellaud, 2003 ; Bernard & Coll., 2008).

Une méta-analyse réalisée par Bird et ses collaborateurs (2005) indique suite à

l’analyse de diverses études les paramètres du renforcement musculaire en force. Ainsi, au

cours de la séance, les exercices doivent être globaux puis analytiques afin d’obtenir un gain

plus important. L’inverse entraînerait une fatigue du muscle cible qui serait suppléé dans le

mouvement global par les autres groupes musculaire, rendant les mouvements globaux moins

efficaces dans le renforcement du muscle cible. Les séries sont composées de 3 à 8 répétitions

et espacées de 3 à 5 minutes de récupération. La charge est proportionnelle au nombre de

répétitions selon la formule de Brzycki précédemment citée.

Page 14: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

10

Concernant le nombre de séries, le gain de force maximale nécessite 3 à 4 séries (Bird

& Coll., 2005) mais une autre méta-analyse dans laquelle a été étudié ce point spécifique

rapporte que 2 à 3 séries entraîneraient un gain en force 46% supérieur à une série seule et

qu’il n’y aurait pas de différence significative entre 2 à 3 séries et 4 à 6 séries (Krieger, 2009).

Ainsi, il semblerait que 2 à 3 séries soient suffisantes pour développer la force maximale, ce

qui reste valable chez le sujet non-entraîné et entraîné (Krieger, 2009).

b. Le gain de puissance

La puissance musculaire correspond à la capacité de réaliser un mouvement avec une

charge donnée à une vitesse maximale. Il s’agit donc d’une relation entre la force et la vitesse.

Elle s’exprime selon le produit suivant : Puissance = Force x Vitesse.

Le renforcement musculaire dans l’objectif de développer la puissance s’effectue avec

des charges légères à modérées comprises entre 30 et 60% de la RM (American College of

sports medicine, 2002) voire jusqu’à 70% de la RM (Gain & Coll., 2003b ; Burtin, 2010).

Gain et ses collaborateurs (2003b) rapportent que Miller et Quièvre dans Les techniques de

renforcement musclaire (1997) différencient deux types de procédés : la puissance maximale

à composante de force qui se travaille avec des charges comprises entre 50 et 70% de la RM

et la puissance maximale à composante de vitesse qui se travaille avec des charges allant de

30 et 50% de la RM. Cependant quelle que soit la charge, le principe de l’entraînement à

visée de gain de puissance reste l’accélération maximale du mouvement, l’objectif étant

d’atteindre la vitesse maximale pour une charge donnée (Gain & Coll., 2003b).

Les séries, au nombre de 3 à 6, sont composées de 3 à 6 répétitions non-limitées par la

fatigue, l’objectif étant d’être capable de maintenir la même vitesse de mouvement à chaque

répétition. Afin de maintenir cette capacité de développer une grande vitesse de mouvement,

la récupération entre chaque série doit être complète, de l’ordre de 3 à 5 minutes (American

College of sports medicine, 2002). Enfin, les exercices utilisés pour développer la puissance

seront principalement pluri-articulaires (American College of sports medicine, 2002).

Page 15: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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c. Le gain de force explosive

La force explosive, ou explosivité, correspond à la rapidité de montée en tension du

muscle, c’est-à-dire sa capacité à se contracter rapidement à une intensité maximale. Cela

nécessite un bon développement de la coordination inter et intramusculaire (Gain, 2007), par

conséquent, dans un but d’optimisation, l’utilisation de mode contractiles tels que

l’excentrique ou le pliométrique qui développent cette coordination peut être judicieuse.

Les charges appliquées sont faibles, inférieures à 30% de la RM et les mouvements

doivent être rapides. Les séries sont composées de peu de répétitions afin de maintenir le

niveau de vitesse comme pour le développement de la puissance. Le temps de récupération

doit être total pour conserver la capacité de vitesse dans le mouvement.

Les méthodes stato-dynamiques qui sont composées d’un temps statique suivi d’un

temps dynamique explosif, et bulgare / lourd-léger (encore appelée méthode par contraste des

charges) où l’alternance de charges lourdes et légères est censée permettre un transfert de la

force vers l’explosivité sont particulièrement utilisées dans l’objectif de gain d’explosivité

(Gain, 2007 ; Burtin, 2010).

d. Le gain d’endurance

Pour gagner en endurance, le renforcement doit solliciter les fibres de type I qui sont

les plus endurantes et fonctionnent sur un mode aérobie (consommation d’oxygène) (Gain,

2007). Ce type d’entraînement « vise à améliorer les capacités du muscle sur le plan

métabolique » (Gain & Coll., 2003b).

Les auteurs s’accordent sur le fait que les charges à mobiliser ne sont pas importantes

30 à 50% de la RM (Burtin, 2010) ou 30 à 60% de la RM (Marsal, 2007) mais que la

répétition des exercices est recherchée (Marsal, 2007) avec des séries de plus de 20 répétitions

(Bird & Coll., 2005) voire même plus de 30 répétitions (Burtin, 2010). Pour un travail en

endurance, le nombre de séries et de 4 à 6 avec 30 à 60 secondes de repos entre chaque série

(Bird & Coll., 2005).

Il est possible de travailler l’endurance spécifique d’un muscle par l’alternance

d’exercices globaux et analytiques, organisés du plus global au plus analytique permettant un

épuisement musculaire localisé. Une pré-fatigue est obtenue par l’exercice global suite auquel

on réalise un exercice analytique sur le muscle cible (Cometti, 2002).

Page 16: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

12

D’autre part, l’entraînement peut être spécifique à différents niveaux d‘endurance qui

ont chacun leurs caractéristiques : l’endurance de force maximale (capacité à mobiliser des

charges lourdes dans la durée), l’endurance axée sur la vitesse (capacité à répéter des

exercices à grande vitesse) et l’endurance à puissance maximale (capacité à répéter des

exercices dans le secteur optimal du produit force-vitesse) (Gain & Coll., 2003b). L’action de

l’entraînement sur chaque type d’endurance est fonction de l’intensité de la résistance

appliquée - dans la fourchette de 30 à 60% de la RM - et par conséquent de la vitesse du

mouvement.

e. Le gain de volume

Comme cela a été précisé précédemment, lors d’un entraînement musculaire, les

modifications structurales du muscle n’interviennent pas immédiatement puisque les

premières modifications concernent les facteurs nerveux. C’est la raison pour laquelle on

observe généralement un gain de force avant d’observer une modification du volume

musculaire. Les gains en hypertrophie sont généralement observés à partir de la 8ème

semaine

d’entraînement (Bird & Coll., 2005), ce qui implique qu’un renforcement musculaire à but

hypertrophique nécessite un programme prolongé au-delà de 8 à 12 semaines.

Tous les types de fibres n’ont pas le même potentiel hypertrophique. Ainsi, les fibres

de type II et plus particulièrement de type IIa ont un fort potentiel hypertrophique, tandis que

les fibres de type I ont un potentiel hypertrophique moindre (Bird & Coll., 2005). Afin

d’atteindre l’objectif de volume musculaire, le renforcement doit donc se faire à une intensité

de travail élevée afin d’avoir une action sur les fibres de type II. Par conséquent une intensité

comprise entre 70 et 85% de la RM est souhaitable (American College of sports medicine,

2002). Les séries, au nombre de 3 à 4 (Bird & Coll., 2005), sont composées de 8 à 12

répétitions (American College of sports medicine, 2002). L’objectif est de mettre le muscle en

difficulté de ravitaillement afin de favoriser la stimulation de la synthèse protéique (Gain &

Coll., 2003b), le temps de récupération entre chaque série n’est donc pas total mais de l’ordre

d’une à deux minutes (Bird & Coll., 2005). La vitesse du mouvement n’est pas recherchée, les

mouvements s’effectuent plutôt à vitesse lente (Gain & Coll., 2003b).

De plus, compte tenu de leur effet hypertrophique, les contractions de type isométrique

et concentrique sont à privilégier (Gain & Coll., 2003b). Comme pour le gain de force, au

cours de la séance, les exercices seront d’abord globaux puis analytiques (Bird & Coll., 2005).

Page 17: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

13

f. Synthèse

Objectif Force

maximale Puissance Explosivité

Endurance

musculaire Hypertrophie

Intensité (%

de RM) 60 à 100 %

30 à 70 % (axé sur

la vitesse à

intensité faible, axé

sur la force à

intensité élevée)

< à 30 % 30 à 60 % 70 à 85 %

Répétitions

par série 3 à 8 3 à 6 3 à 6

> à 20 voire

> à 30 8 à 12

Nombre de

séries 2 à 3 3 à 6 3 à 6 4 à 6 3 à 4

Temps de

récupération

entre les

séries

3 à 5 minutes 3 à 5 minutes 3 à 5 minutes 30 à 60

secondes 1 à 2 minutes

Vitesse du

mouvement Lente Maximale Maximale

Lente ou

rapide selon

l’intensité et le

niveau

d’endurance

travaillé

Lente

Types

d’exercices

Globaux puis

analytiques

Principalement

globaux

Pluri-articulaires

Stato-

dynamique

Bulgare /

contraste des

charges

Globaux puis

analytiques

Globaux puis

analytiques

Concentrique -

Isométrique

Tableau 1 : Synthèse des modalités d’entraînement en fonction des objectifs

5. La fréquence des séances

Bird et ses collaborateurs (2005) rapportent dans leur méta-analyse une étude ayant

montré qu’un programme comprenant 2 séances par semaine permettait de générer 80 à 90%

des gains développés par des programmes comprenant plus de 2 séances par semaine. Ils

rapportent également qu’une autre étude ayant été réalisée chez des novices a conclu sur le

fait que 3 séances par semaines était la posologie optimale. Finalement 2 à 3 séances par

semaine sont recommandées.

Le repos recommandé entre chaque séance est de 48 heures (Portero, 2001), il faut

cependant noter que si l’entraînement s’effectue sur un mode excentrique ou pliométrique,

l’espacement des séances doit être plus important compte tenu du caractère lésionnel de ces

modes contractiles.

Page 18: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

14

IV. Application aux membres supérieurs du patient paraplégique

complet thoracique bas

1. La pathologie

La paraplégie est un état survenant suite à une lésion médullaire thoracique ou

lombaire. Cette lésion entraîne une paralysie généralement définitive qui peut être complète

ou incomplète. Elle intéresse les membres inférieurs ainsi que le tronc ; elle varie fonction de

la hauteur de la lésion. Une lésion thoracique basse (T12) entraîne une paralysie et anesthésie

de l’ensemble des membres inférieurs et de la sphère vésico-sphinctérienne, tout en laissant

intacts les muscles abdominaux et érecteurs du rachis dont l’innervation est supérieure

permettant donc un meilleur équilibre et contrôle du tronc. La conservation de ces muscles est

le critère justifiant le choix de ce niveau lésionnel dans ce travail puisque le meilleur contrôle

du tronc facilitera les possibilités de travail efficace du renforcement des membres supérieurs

en offrant un meilleur point fixe.

2. Analyse des activités quotidiennes du patient paraplégique en

fauteuil roulant manuel

Le paraplégique en fauteuil roulant manuel utilise ses membres supérieurs tout au long

de la journée. Son autonomie en fauteuil passe par des membres supérieurs efficaces dans ses

activités quotidiennes. Les muscles des membres supérieurs du patient paraplégique doivent

donc être entraînés afin d’obtenir cette efficacité. Pour cela, il est nécessaire de déterminer les

principales activités communes à l’ensemble des patients paraplégiques et de les analyser. Ces

activités sont la propulsion du fauteuil roulant manuel afin de se déplacer, ainsi que les push-

up et transferts afin de décomprimer les points d’appuis au fauteuil et de passer du fauteuil au

lit, au canapé, aux toilettes ou encore à la voiture et inversement (liste non-exhaustive).

a. La propulsion

Le cycle de propulsion se divise en deux phases : une phase de propulsion en chaîne

cinétique semi-fermée, durant selon les auteurs entre 20 et 35% du cycle, pendant laquelle la

main est en contact avec la main courante et une phase de récupération en chaîne cinétique

ouverte située du moment où la main lâche la main courante au moment où elle se repose sur

celle-ci. De plus, plusieurs auteurs s’accordent pour dire que la phase de propulsion est

Page 19: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

15

divisée en deux phases distinctes déterminées par des activités musculaires différentes : une

phase de « tirer » du début de la propulsion jusqu’au vertex de la roue et une phase de

« pousser » du vertex de la roue à la fin de la propulsion.

Selon Vanlandewijck & Coll. (1997) qui se sont appuyés sur plusieurs études

analysant le mouvement de propulsion en fauteuil roulant manuel via une électromyographie

(EMG) de surface, la phase de « tirer » montre une action du biceps brachial, du deltoïde

antérieur ainsi que du grand pectoral. Le passage au niveau du vertex de la roue entraîne une

diminution de l’activité du biceps brachial simultanément à l’apparition d’une activité au

niveau du triceps brachial. Enfin, durant la phase de « pousser », les muscles deltoïde

antérieur et grand pectoral sont toujours actifs ainsi que le muscle triceps brachial. Ces

données indiqueraient que le grand pectoral et le deltoïde antérieur seraient les principaux

muscles de la phase de propulsion. La phase de récupération quant à elle montre une activité

des chefs moyen et postérieur du deltoïde ainsi que du trapèze supérieur. La fin de cette phase

serait marquée par l’apparition d’une contraction sur les muscles deltoïde antérieur, grand

pectoral et grand dorsal pour accélérer les mains et les ramener sur la main courante.

Vanlandewijck et ses collaborateurs indiquent que le cycle de propulsion serait constitué

principalement de contractions concentriques.

Les caractéristiques d’activation musculaires sont identiques pour l’ensemble des

patients paraplégiques, quel que soit leur niveau lésionnel (Thoumie & Coll., 1997). Les

données présentées par Vanlandewijck & Coll. concordent avec celles présentées par Schantz

& Coll. (1999).

L’analyse de l’étude de Mulroy & Coll. (1996) confirme également les données

précédentes mais nous apporte des informations complémentaires. En effet cette étude n’a pas

été réalisée en utilisant une EMG de surface mais une EMG avec des aiguilles implantées

dans les muscles, ce qui permet de recueillir des informations non plus seulement sur les

muscles superficiels, mais sur l’ensemble des muscles de l’épaule soit 12 muscles au total.

Cette étude a été réalisée sur 17 hommes paraplégiques de niveau T10 à L3 ne présentant

aucune douleur d’épaule et ne pratiquant pas de sports en fauteuil de niveau compétition. Le

niveau de bruit de fond de l’EMG a été évalué au repos puis une contraction maximale sur

chaque muscle a été évaluée afin d’obtenir les données EMG de cette contraction maximale et

ainsi pouvoir déterminer pour chaque muscle l’intensité de la contraction au moment de la

propulsion.

D’après cette étude, les muscles de la phase propulsive sont le deltoïde antérieur, le

chef sternal du grand pectoral, le supra-épineux, l’infra-épineux, le dentelé antérieur, le chef

Page 20: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

16

long du biceps brachial et le chef long du triceps brachial. Le triceps brachial prenant le relais

du biceps brachial au cours de la propulsion. L’ensemble de ces muscles hormis le triceps

brachial commencent à travailler en fin de phase de récupération aux alentours de 80 à 90%

du cycle, probablement de manière excentrique afin de freiner le retour en fin d’amplitude et

de ramener les mains vers l’avant pour les positionner sur la main courante. Les muscles de la

phase de propulsion sont actifs sur une période durant entre 30% et 40% de la durée totale du

cycle. Mulroy et ses collaborateurs ne présentent pas la phase de propulsion divisée en deux

comme le font les autres auteurs, cependant, l’activité retrouvée au niveau des muscles biceps

brachial et triceps brachial semblent confirmer cette distinction.

Concernant la phase de récupération, les muscles activés sont les chefs moyen et

postérieur du deltoïde, le subscapulaire, le supra-épineux et le trapèze moyen. De la même

manière, ces muscles commencent à travailler en fin de phase de propulsion, probablement

de manière excentrique afin de freiner le mouvement de propulsion et de préparer la phase de

retour. Les muscles de la phase de récupération sont actifs sur une période durant entre 55% et

70% de la durée totale du cycle.

Il est intéressant de noter que le muscle supra-épineux est retrouvé à la fois dans les

muscles sollicités lors de la phase de propulsion et lors de la phase de récupération. La

chronologie de mise en jeu des différents muscles est la même, quel que soit le niveau

lésionnel ou l’installation au fauteuil (Codine & Coll, 1997)

L’étude de Mulroy et ses collaborateurs présente également l’intérêt d’évaluer

l’intensité de la contraction de chacun des muscles mis en jeu dans l’activité de propulsion.

Ainsi, il est possible de définir la part d’activité de chaque muscle mis en évidence lors de ce

mouvement. Cette étude a permis de déterminer que chez les sujets étudiés les muscles de la

phase de propulsion (tiré et poussé) se contractent à une intensité moyenne comprise entre

20% et 23% de leur intensité maximale déterminée par contraction maximale avant le test,

hormis le supra-épineux (27%) et le chef sternal du grand pectoral (35%) qui semblent

davantage sollicités lors de cette phase. Concernant les muscles de la phase de récupération,

ceux-ci se contractent à une intensité moyenne comprise entre 28% et 32% de leur capacité

maximale sauf le supra-épineux qui travaille à une intensité moyenne de 21% de sa capacité

maximale.

Les pics d’intensité maximale de chaque muscle ont également été précisés, tous sont

sollicités à un moment donné du cycle à une intensité supérieure à 40% de leur capacité

maximale. Il faut noter que lors de la phase de propulsion, les muscles grand pectoral avec un

pic à 58% et supra-épineux avec un pic à 67% sont les plus sollicités. De la même manière,

Page 21: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

17

lors de la phase de récupération, les muscles trapèze moyen avec un pic à 55% et

subscapulaire avec un pic à 67% sont davantage sollicités.

b. Les transferts

Plusieurs types de transferts sont décrits chez les patients paraplégiques. Il y a le

« push-up » qui est la simple élévation du corps en prenant appui sur les mains des deux côtés

du fauteuil roulant. Cette technique doit être réalisée plusieurs fois par heure par le patient

paraplégique afin de décomprimer les appuis fessiers dans le but de prévenir les escarres. On

peut également citer les transferts latéraux, qui sont généralement utilisés pour tous les

transferts de type fauteuil-lit ou fauteuil-toilettes où le fauteuil est positionné latéralement au

point d’arrivée du transfert. La troisième classe de transferts est le relevé du sol où le patient

assis sur le sol prend appui avec ses mains sur le fauteuil qui est placé dans son dos afin de

s’élever et de venir s’asseoir. Cette troisième classe pourrait s’apparenter au push-up mais en

y associant un recul du bassin et du tronc. Quel que soit le type de transfert, tous ont en

commun le fait que le patient doit soulever le poids de son corps à la force de ses bras.

Le « push-up »

Une étude publiée par Reyes et ses collaborateurs en 1995 présente les données EMG

recueillies chez 13 sujets masculins paraplégiques bas de niveau lésionnel T8 à L1 ne

présentant pas de douleurs d’épaules qui auraient pu fausser les tests. Afin d’obtenir des

données fiables, la possibilité de contraction des muscles abdominaux infra-ombilicaux a été

testée, aucun sujet ne présente de paralysie des abdominaux inférieurs (signe de Beevor

négatif). L’analyse EMG a été réalisée en intramusculaire sur 12 muscles qui sont les

suivants : grand dorsal, chef sternal du grand pectoral, trapèze moyen, dentelé antérieur, les

trois chefs du deltoïde (antérieur, moyen et postérieur), supra-épineux, infra-épineux,

subscapulaire, chefs longs du triceps brachial et du biceps brachial. Soit les mêmes muscles

que l’étude de Mulroy et ses collaborateurs sur le mouvement de propulsion. Toujours comme

dans l’étude précédente, le niveau de bruit de fond EMG ainsi que les données EMGmax de la

contraction maximale de chaque muscle durant 1 seconde ont été relevés. Afin de réaliser les

mesures en conditions identiques pour l’ensemble des sujets, la consigne suivante a été

donnée : réaliser un push-up de la même manière que lorsqu’ils souhaitent soulager les appuis

fessiers du fauteuil et maintenir 1 à 2 secondes la position d’élévation avant de redescendre.

Quatre phases ont été déterminées : le chargement initial du début du mouvement

jusqu’au moment de décollement des fesses, l’élévation, le maintien et la redescente. La phase

Page 22: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

18

de redescente n’a pas été analysée car les données EMG montraient une cessation d’activité

musculaire lors de cette phase. Cette cessation d’activité n’a pas été expliquée dans l’étude

mais il peut s’agir soit d’une redescente brusque des sujets, soit du fait que la contraction est

excentrique lors de la redescente et donc moins intense sur l’EMG. La durée moyenne du

push-up est de 2,6 secondes dont 1,4 secondes de maintien. La stratégie d’élévation retrouvée

est identique pour l’ensemble des sujets avec des activations musculaires semblables.

Les données EMG présentées dans l’étude sont les intensités moyennes relevées au

cours de l’action de push-up. Elles montrent une activité importante synergique des muscles

grand dorsal (58% EMGmax lors de la phase d’élévation) et grand pectoral (32% EMGmax

lors de la même phase) avec une activité significativement (p<0.01) plus importante du grand

dorsal. Ces deux muscles en synergie et en CCF permettent l’élévation du tronc. Le chef long

du triceps brachial présente également une activité importante (54% EMGmax lors de

l’élévation) en lien avec l’extension du coude observée lors du push-up qui contribue à la

majeure partie de l’élévation totale obtenue. Les muscles de la coiffe des rotateurs

(subscapulaire, infra-épineux et supra-épineux) montrent une faible activité EMG lors de cette

action (environ 10% EMGmax) ce qui d’après Reyes et ses collaborateurs montre que leur

rôle pour éviter l’impact de la tête humérale sous l’acromion chez des sujets dont le grand

dorsal et le grand pectoral sont bien renforcés est réduit, les deux gros muscles s’insérant sur

le thorax et l’humérus remplissant cette fonction. Le dentelé antérieur présente lui aussi une

faible activité EMG (environ 10% EMGmax également) indiquant qu’il ne réalise pas une

action importante au cours de ce mouvement. Enfin, les trois chefs du deltoïde, le trapèze

moyen et le biceps brachial ne présentent pas d’activité EMG supérieure à 5% EMGmax, ce

qui selon les paramètres de l’étude indique leur absence d’action au cours de ce mouvement.

Le transfert latéral

Le transfert latéral présente plusieurs séquences : des séquences horizontales et des

séquences verticales. Les séquences horizontales sont « l’avancée » au cours de laquelle le

bassin va être dirigé vers l’avant afin d’éviter tout choc avec la roue du fauteuil roulant et « le

translaté » avec un déplacement latéral du point de départ à la cible. Les séquences verticales

sont « le soulevé » avec un décollement des appuis sur le coussin afin d’éviter toute friction,

« le maintien » au cours du translaté afin de rester en élévation et « le contrôlé » avec une

maitrise de la redescente sur la cible. (Perrouin-Verbe & coll., 1997).

Page 23: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

19

Dans les faits, ces différentes séquences ne sont pas strictement séparées les unes des

autres. Ainsi, comme le décrivent Perry et ses collaborateurs lors d’une étude en 1996, le

transfert latéral est divisé en trois phases qui sont « la préparation » de la prise d’appui sur les

mains jusqu’à la perte de contact des appuis fessiers, « l’élévation » et « la descente ». Selon

cette description, les séquences horizontales seraient donc mêlées afin d’observer un

déplacement en diagonale, tandis que les séquences verticales se dérouleraient simultanément

au déplacement latéral.

L’étude de Perry et ses collaborateurs présente les données EMG intramusculaire des

muscles de l’épaule lors d’un transfert latéral chez 12 hommes paraplégiques bas (T8 à L1) ne

présentant pas de douleurs d’épaules qui pourraient fausser les données. Les caractéristiques

de l’étude sont les mêmes que celles de Reyes & Coll. dans leur étude sur le push-up : les 12

muscles étudiés sont les mêmes, le niveau de bruit de fond et la mesure EMGmax ont été

réalisées de la même manière et la présence d’un minimum d’abdominaux sous-ombilicaux a

également été testée par le signe de Beevor. La consigne donnée à l’ensemble des sujets était

la même à savoir : réaliser un transfert comme ils le font habituellement, du fauteuil à un plan

de rééducation réglé à la même hauteur que l’assise du fauteuil.

Les données EMG recueillies sont différentes pour le bras dont le sujet se rapproche

lors du transfert et pour le bras dont il s’éloigne.

Au cours du transfert, du côté dont le sujet s’éloigne, une activité EMG est décelée

tout au long du transfert sur les muscles grand pectoral (de 31% à 49% EMGmax) et dentelé

antérieur (de 21% à 54% EMGmax). Les muscles infra-épineux (de 21% à 45% EMGmax) et

grand dorsal (de 20% à 25% EMGmax) présentent une activité EMG principalement dans les

phases de préparation et d’élévation. Enfin, les muscles supra-épineux et deltoïde antérieur

(environ 45% EMGmax) ont une activité majoritairement durant la phase d’élévation.

Du côté dont le sujet se rapproche, le grand pectoral est le seul muscle à présenter une

activité importante au cours des trois phases (de 33% à 81% EMGmax) tandis que le

subscapulaire a pour sa part une activité décroissante (26%, 19% et 16% EMGmax). Le grand

dorsal montre une activité durant les phases d’élévation et de descente (40% et 26%

EMGmax). Le chef long du biceps brachial présente au cours des phases de préparation et

d’élévation une activité notable (26% et 28% EMGmax) tandis que les muscles dentelé

antérieur, infra-épineux et deltoïde antérieur ne présentent une activité significative que

durant la phase d’élévation (respectivement 47%, 37% et 20% EMGmax)

Page 24: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

20

Les chefs moyen et postérieur du deltoïde et le trapèze moyen ne présentent à aucune

phase et sur aucun bras d’activité EMG suffisante pour être considérés comme effecteurs du

mouvement de transfert latéral. Le cas du chef long du triceps brachial est quelque peu

différent car même si son activité EMG est comprise pour l’ensemble des phases et pour les

deux bras entre 10% et 20% de l’activité EMG maximale, le transfert latéral nécessite

forcément de par ce mouvement d’élévation associé à une extension des coudes une activité

importante du triceps brachial. L’hypothèse posée par l’équipe ayant réalisé cette étude est

que l’activité ayant été mesurée uniquement sur le chef long du muscle, celle-ci n’est pas

représentative de l’activité réelle de l’ensemble du muscle.

Sur l’ensemble des muscles étudiés, l’intensité EMG lors de la phase d’élévation est

plus importante que lors de la phase de descente, bien que le poids du corps repose toujours

sur les bras. Les auteurs précisent que cette inégalité est liée à la différence de mode de

contraction entre les deux phases, la première se déroulant sur un mode concentrique et la

seconde sur un mode excentrique. La contraction excentrique est moins détectée à l’EMG que

la concentrique, ce qui explique cette activité EMG plus faible.

Les données EMG de chaque muscle prises en compte lors de cette étude

correspondent à la médiane des individus étudiés car les valeurs recueillies ne correspondent

pas à la loi normale donc la moyenne n’aurait pas été représentative de l’ensemble des sujets.

Les valeurs minimales et maximales de chaque muscle sont comprises sur une très grande

fourchette de valeurs pouvant résulter de capacités différentes de chaque individu. En effet,

pour se transférer, un sujet dont la force maximale et plus élevée développe un pourcentage de

cette force moins important qu’un sujet dont la force maximale est plus faible.

Le relevé du sol

Une étude publiée par Gagnon et ses collaborateurs (2005) présente les données EMG

de six muscles lors d’un transfert postérieur surélevé. Ce transfert avait un point d’arrivée

surélevé de 10 centimètres par rapport au point de départ, ce qui est évidemment plus faible

que la hauteur d’assise d’un fauteuil mais le mouvement réalisé lors de ce transfert se

rapproche tout de même de l’action réalisée afin de remonter dans un fauteuil roulant. Un

parallèle entre les données EMG recueillies lors de cette action et la demande musculaire

réelle d’un transfert sol-fauteuil peut donc être réalisé tout en sachant que celle-ci sera

forcément plus importante dans ce transfert.

Page 25: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

21

L’étude a porté sur 10 hommes blessés médullaires complets entre C7 et L2 selon les

individus. Les individus ne présentaient aucun trouble de l’épaule afin de ne pas fausser les

données. Les données EMG ont été recueillies par EMG de surface sur six muscles de

l’épaule : le deltoïde antérieur, le chef long du biceps brachial, le chef long du triceps

brachial, le chef claviculaire du grand pectoral, le grand dorsal et le trapèze inférieur. Une

mesure EMGmax a été déterminée pour chacun de ces muscles grâce à trois contractions

espacées de temps de repos avant le début de l’étude.

Trois méthodes de transfert ont été évaluées dans cette étude : une avec les deux mains

en appui sur la surface inférieure, une avec les deux mains sur la surface supérieure et une où

les sujets avaient une main sur chaque surface. La méthode avec les deux mains sur la surface

supérieure se rapproche davantage de la technique couramment utilisée par les patients

paraplégiques pour remonter dans leur fauteuil, les données EMG de cette technique seront

donc rapportées ici.

Seulement trois sujets ont réussi le transfert postérieur surélevé avec les deux mains en

appui sur la surface supérieure, les moyennes EMG présentées ici concernent donc seulement

ces trois individus. Leur niveau lésionnel est T4, T5 et T12. L’ensemble des muscles étudiés

présente une activité modérée à importante hormis le chef long du biceps brachial (16%

EMGmax) qui a probablement eu une action complémentaire du deltoïde antérieur sur la

flexion de l’épaule compte tenu de la position de départ en extension et de le position

d’arrivée en légère flexion. Le deltoïde antérieur (73% EMGmax), le trapèze inférieur (84%

EMGmax), le grand dorsal et le grand pectoral (55% EMGmax chacun) ainsi que le chef long

du triceps brachial (40% EMGmax) ont tous joué un rôle important dans la réalisation de ce

transfert. Comme pour l’étude précédente, l’activité du triceps brachial a probablement été

sous-estimée puisque seulement le chef long du muscle a été étudié. Compte tenu de l’action

qui nécessite la mise en charge du poids du corps associée à une extension du coude, il est

raisonnable de supposer que l’activité globale du triceps brachial est bien plus importante.

c. Synthèse

L’intérêt de ces différentes études réside avant tout dans la possibilité de déterminer

grâce aux intensités EMG recueillies si la part de travail demandée à chaque muscle ou

groupe musculaire est importante ou non. La valeur précise du rapport entre l’intensité de

contraction du muscle lors de l’activité et sa capacité maximale est individu-dépendante

puisque chaque individu présente une force maximale différente, elle ne présente donc pas un

Page 26: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

22

intérêt important. De plus les valeurs EMGmax déterminées dans chaque étude ne

correspondent pas forcément à une contraction maximale du muscle, en effet, rien ne permet

d’assurer que le sujet déploie le maximum de sa force au moment du test. Cela est d’ailleurs

vérifié dans quelques études où certains sujets lors de l’activité dépassent largement pour un

muscle donné l’intensité maximale EMG qui avait été déterminée lors du test.

Lors de l’activité de propulsion, l’analyse EMG permet donc de déterminer que les

principaux muscles activés sont les deltoïdes antérieurs, les grands pectoraux, les biceps et

triceps brachiaux, les dentelés antérieurs ainsi que les muscles infra- et supra-épineux lors de

la phase en chaîne cinétique semi-fermée. Lors de la phase en chaîne cinétique ouverte, les

principaux muscles activés sont les deltoïdes postérieurs et moyens, les trapèzes supérieurs et

moyens, les subscapulaires et les supra-épineux.

Concernant les activités de transferts, les muscles activés généralement retrouvés d’un

transfert à l’autre sont globalement les mêmes, le push-up étant celui qui sollicite le moins de

muscles puisqu’il s’agit du mouvement le moins complexe parmi ceux qui ont été présentés

ci-dessus. En confondant toutes sortes de transferts, les muscles sollicités lors de ces activités

sont nombreux : grands pectoraux, grands dorsaux, triceps brachiaux, dentelés antérieurs,

deltoïdes antérieurs, infra- et supra-épineux, subscapulaires et trapèzes inférieurs.

3. Les muscles à renforcer

L’analyse des activités d’autonomie du sujet paraplégique permet de définir les

groupes musculaires à renforcer afin de permettre à un patient en cours de rééducation et

d’autonomisation de développer une musculature appropriée à ses activités futures.

Les muscles sollicités dans les activités de propulsion et de transferts nécessitent d’être

renforcés puisqu’ils vont désormais être beaucoup plus sollicités que lorsque le sujet était

valide et dans une fonction inhabituelle.

Ainsi par exemple, compte tenu de la fréquence du mouvement de propulsion qui est

67cycles/minutes (Mulroy & Coll., 1996) et donc de l’activité prolongée des muscles mis en

jeu dans ce mouvement particulièrement lors de déplacements en extérieur, un gain en

endurance de l’ensemble de ces muscles est nécessaire. Le grand pectoral doit notamment être

renforcé dans sa fonction d’adduction car une fatigue de celui-ci lors de déplacements

prolongés induirait une moins bonne efficacité dans cette fonction ce qui impliquerait un

glissement de la tête humérale qui irait s’impacter contre l’acromion et pincerait les tendons

de la coiffe des rotateurs (Mulroy & Coll., 1996).

Page 27: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

23

De la même manière, l’étude de Reyes et ses collaborateurs nous indique que la

réalisation des push-up ne sollicite que très peu les muscles rotateurs de la coiffe dès lors que

les muscles grands dorsaux et grands pectoraux sont bien renforcés et travaillent en synergie.

D’autre part, lors du renforcement il faut veiller à ne pas créer de déséquilibres

musculaires agonistes / antagonistes. Ainsi, un muscle qui n’a pas une importance capitale

lors des activités quotidiennes mais qui est antagoniste à un muscle sollicité doit donc

également être renforcé. En effet, l’apparition de déséquilibres musculaires pourrait être un

facteur d’apparition de douleurs et tendinopathies de l’épaule (tendinites, ruptures tendineuses

de la coiffe des rotateurs…) (Chivilo & Coll., 2002). Un renforcement majoré sur les rotateurs

médiaux (RM) en délaissant les rotateurs latéraux (RL) entraîne un déséquilibre du ratio

RM/RL alors que pour être normal celui-ci doit être compris entre 1,2 et 1,5. Il a été décrit

dans la littérature un déséquilibre du ratio RM/RL chez des patients souffrant de conflit sous-

acromial sans savoir si le déséquilibre est une cause ou une conséquence du conflit (Codine &

Coll., 1997). Dans le doute, il est préférable de ne pas créer ces déséquilibres.

Enfin, un programme de prévention d’apparition de tendinopathies de la coiffe des

rotateurs peut être appliqué compte tenu de la fréquence de ces atteintes chez ce type de sujets

(Chivilo & Coll., 2002). En effet l’apparition de douleurs d’épaules sédentarise rapidement

les sujets paraplégiques car ils ne peuvent plus se déplacer sur de longues distances et réaliser

correctement leurs transferts. Il est donc primordial de conserver l’intégrité de la ceinture

scapulaire de ces patients.

4. Objectifs du programme de renforcement

Le programme de renforcement des membres supérieurs proposé aux patients

paraplégiques doit leur permettre d’acquérir une plus grande autonomie. C’est-à-dire qu’il

doit leur permettre de développer une musculature suffisante pour réaliser de longs

déplacements en fauteuil roulant manuel, pour réaliser seul et en sécurité toutes sortes de

transferts tout en évitant l’apparition de douleurs d’épaules.

La possibilité de se déplacer sur de longues distances dépend de la capacité qu’ont les

muscles à se contracter sur de longues périodes tout en conservant la même fréquence et la

même intensité de contraction, c’est-à-dire de l’endurance musculaire.

Les transferts doivent pouvoir être réalisés le plus rapidement possible, ils nécessitent

donc une certaine explosivité avec une mise en tension rapide des muscles à leur niveau

maximum. D’autre part, la force maximale développée doit être suffisante pour que le sujet

Page 28: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

24

puisse soulever le poids de son corps lors de la réalisation des transferts (Gain & Coll.,

2003b). En effet lorsque le sujet n’est pas capable de soulever le poids de son corps à cause

d’un déficit de force des abaisseurs ou de la chaîne d’extension des membres supérieurs, une

planche de transfert devient indispensable à la réalisation de tous les transferts ce qui entraîne

une limitation de l’autonomie (Perrouin-Verbe & Coll., 1997).

Le programme doit donc développer l’endurance musculaire des muscles sollicités

dans l’activité de propulsion, l’explosivité et la force maximale des muscles mis en jeu dans

les différents transferts, tout en renforçant les structures musculaires et tendineuses de la

coiffe des rotateurs afin de prévenir l’apparition de tendinopathies.

5. Programme de renforcement

Le programme ici proposé s’étale sur 12 semaines, avec 3 séances par semaine

séparées d’au moins 48h de repos. Des étirements des muscles sollicités sont proposés les

jours de récupération afin de conserver la souplesse et de favoriser la récupération. L’objectif

n’étant pas de créer une hypertrophie majeure chez les patients paraplégiques qui aurait pour

effet d’augmenter la charge à déplacer lors des transferts et donc de les rendre encore plus

compliqués à réaliser, il est donc préférable de ne pas prolonger un programme intensif au-

delà de 12 semaines puisque les modifications structurelles se réalisent majoritairement après

cette échéance. Ces 12 semaines se divisent en 3 cycles de 4 semaines avec des objectifs bien

distincts. Ces cycles sont ordonnés de manière à respecter un principe de progressivité des

charges au cours du programme : travail de l’endurance, puis travail de l’explosivité et enfin

travail de la force maximale. Le fait de commencer par un cycle d’endurance, donc avec des

charges plutôt faibles, permet au sujet d’acquérir la gestuelle appropriée à chaque exercice.

Lors des cycles suivants quand les charges augmenteront cela sera sur des exercices que le

patient maitrise donc le risque de mauvais placement et de compensations sera réduit.

L’objectif s’intéressant à la prévention des tendinopathies s’inscrit tout au long du

programme par l’intégration des muscles de la coiffe aux différentes phases du programme ou

encore par le renforcement des muscles grands pectoraux et grands dorsaux ayant pour effet

de protéger la coiffe des rotateurs lors des activités de propulsion et de transferts comme

précisé précédemment.

Le programme doit respecter certains principes : avant de commencer tout

renforcement musculaire, il faut s’assurer que le patient ne présente pas de douleurs

d’épaules. En effet, la présence de douleurs au niveau des épaules s’avère être une contre-

indication à la pratique du renforcement musculaire des membres supérieurs. Une attention

Page 29: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

25

toute particulière sera également portée à la fatigue du patient, qu’elle soit physique ou

mentale. Le patient doit pouvoir se consacrer entièrement à son exercice lorsqu’il l’exécute

faute de quoi le risque de blessure est majoré. De plus un patient fatigué aura une moins

bonne récupération et l’efficacité du programme de renforcement se verra diminuée. Il est

préférable de reporter une séance lorsque le patient n’est pas en pleine possession de ses

capacités. Avant de débuter les exercices avec des charges importantes, un échauffement

musculaire doit être réalisé. Enfin dans un but de prévention des épaules, une bonne stabilité

du tronc au cours des exercices est recherchée (quitte à sangler le patient si son équilibre est

précaire) et la course musculaire travaillée dans les différents exercices doit être réglée en

éliminant les secteurs contraignants pour l’épaule (Chivilo & Coll., 2002).

Avant de débuter le programme, un calcul de la RM doit être réalisé pour chaque

exercice proposé. La charge à laquelle chaque exercice doit être réalisé afin d’atteindre

l’objectif fixé (endurance, explosivité ou force) pourra ainsi être déterminée. La RM sera

remesurée au bout de 4 et 8 semaines lors du changement de cycle afin de ré-étalonner les

charges car les progrès peuvent être rapides chez des sujets non-entraînés (Burtin, 2010).

Les quatre premières semaines sont consacrées au travail de l’endurance musculaire.

Tous les exercices sont réalisés selon les mêmes modalités : ils se font donc à une intensité

comprise entre 30 et 60% de la RM et à une vitesse rapide ou lente selon la charge. Pour

chaque exercice, il est réalisé entre 4 et 6 séries espacées de 30 à 60 secondes de récupération

et constituées de plus de 20 à 30 répétitions. Au cours de 4 semaines, une progression peut

être instaurée en commençant la première semaine avec des charges d’environ 30% de la RM,

un mouvement répété 20 fois par série sur 4 séries séparées de 60 secondes de récupération et

en terminant la quatrième semaine avec des charges avoisinant les 60% de la RM, un

mouvement répété plus de 30 fois par série sur 6 séries espacées de 30 secondes de

récupération.

Le renforcement musculaire en endurance permet de développer au sein du muscle

l’utilisation de la filière aérobie. Cette filière, principalement utilisée par les fibres de type I

qui sont les fibres les plus endurantes, utilise l’oxygène apporté au muscle pour synthétiser de

l’ATP (énergie). Dès lors, on comprend que le système cardio-respiratoire doit également être

capable d’apporter au muscle l’oxygène nécessaire et qu’il est difficile de parler de travail

musculaire en endurance sans parler de réentraînement à l’effort dans le cas de patients

déconditionnés. Cependant, ce travail s’intéressant à l’application du renforcement musculaire

au patient paraplégique, le versant de la rééducation concernant le réentraînement à l’effort

nécessaire chez ce type de patients ne sera pas développé.

Page 30: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

26

Au cours de ce premier cycle, les exercices proposés visent les muscles sollicités au

cours de la propulsion du fauteuil roulant manuel. Les exercices sont réalisés du plus global

au plus analytique au cours de la séance. Les exercices suivants peuvent être proposés :

-développé-couché en décubitus avec un coussin sous les genoux pour protéger la

région lombaire (Annexe 5) : sollicite les muscles grands pectoraux, deltoïdes antérieurs et

triceps brachiaux principalement, ainsi que les petits pectoraux et les dentelés antérieurs

(Delavier, 1998).

-pull-over en décubitus avec une barre (Annexe 6) ou assis avec un appareil à charge

guidée (Annexe 7) : sollicite les muscles grands pectoraux, chefs longs des triceps brachiaux,

grands ronds, grands dorsaux, dentelés antérieurs, rhomboïdes et petits pectoraux (Delavier,

1998).

-simulation de propulsion de fauteuil roulant, assis avec élastique tendu vers l’arrière

et le haut tenu dans la main, départ coude fléchi à 90° et épaule en extension, réaliser une

extension du coude associée à une légère flexion de l’épaule (tirer sur l’élastique vers l’avant

et le bas). Sollicite principalement les triceps brachiaux, les deltoïdes antérieurs, les grands

pectoraux et les dentelés antérieurs.

-travail des biceps brachiaux assis au fauteuil avec haltère (Annexe 8) ou élastique

(Annexe 9) : flexion de coude contre résistance en supination sur toute l’amplitude en retenant

la descente. Garder l’épaule immobile. Alterner les deux bras (travailler un bras pendant la

récupération de l’autre).

-travail des triceps brachiaux assis au fauteuil avec élastique (Annexe 10), en

décubitus avec haltère (Annexe 11) ou en procubitus avec haltère (Annexe 12) : extension de

coude contre résistance en insistant sur la fin d’amplitude d’extension qui est la position dans

laquelle le muscle est sollicité lors de la propulsion.

-travail des deltoïdes antérieurs assis au fauteuil avec haltère (Annexe 13) ou

élastique (Annexe 14) : flexion d’épaule contre résistance en se limitant à 90° de flexion

(contrairement à l’illustration annexe 13).

-travail des deltoïdes postérieurs assis au fauteuil avec haltère (Annexe 15) ou

élastique (Annexe 16) : extension d’épaule contre résistance en allant bien jusqu’au bout du

mouvement avec la main en arrière du corps comme lors du mouvement de propulsion. Cet

exercice sollicite également les rhomboïdes et trapèzes, d’autant plus s’il est réalisé

simultanément des deux côtés.

Page 31: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

27

-travail des dentelés antérieurs assis au fauteuil avec élastique (Annexe 17).

L’élastique est tendu vers l’arrière, tendre le bras vers l’avant en réalisant une extension du

coude puis réaliser un déplacement antérieur de l’épaule (« enrouler l’épaule ») en gardant le

coude tendu et sans réaliser de rotation du tronc.

-travail en abduction assis au fauteuil avec haltère (Annexe 18) ou élastique (Annexe

19). Cet exercice sollicite principalement le chef moyen des deltoïdes ainsi que les supra-

épineux et trapèzes supérieurs (Delavier, 1998).

-travail en adduction horizontale en décubitus avec haltère (Annexe 20) ou assis sur

un appareil « butterfly » (Annexe 21) : sollicite le chef sternal du grand pectoral (grand

pectoral dans sa composante d’adduction), et travail en adduction assis au fauteuil avec

élastique (Annexe 22) en dessous de 60° d’abduction (contrairement à l’illustration) et en

gardant les épaules basses pour éviter les conflits au niveau de l’épaule. Réaliser le

mouvement dans le plan de la scapula. Cet exercice sollicite les abaisseurs en course interne

(grand pectoral et grand dorsal en synergie).

-travail en rotation latérale assis au fauteuil avec élastique en position R1 coudes au

corps (Annexe 23) ou en procubitus avec haltère en position R2 (Annexe 24). Cet exercice

sollicite principalement les muscles infra-épineux et petit rond.

-travail en rotation médiale assis au fauteuil avec élastique en position R1 coudes au

corps (Annexe 25). Cet exercice sollicite les muscles rotateurs médiaux qui sont le grand

dorsal, le grand pectoral, le grand rond ainsi que le subscapulaire.

Le deuxième cycle est consacré au développement de l’explosivité afin de permettre

au patient de réaliser les transferts rapidement. Les charges sont faibles, inférieures à 30% de

la RM mais les mouvements doivent être réalisés à une vitesse maximale. L’objectif pour le

patient est de conserver la même rapidité gestuelle tout au long de la série. Quand une

répétition est plus lente, il faut stopper la série même si elle n’est pas terminée. Les séries, au

nombre de 4 à 6, sont composées de 4 à 6 répétitions et espacées de 3 à 5 minutes de

récupération. Pour respecter une progression, le cycle peut commencer avec 4 séries de 4

répétitions, puis essayer de passer progressivement à 6 répétitions par séries, ensuite à 5 puis

6 séries et enfin le temps de repos peut progressivement être réduit de 5 à 3 minutes. Les

exercices mettent en jeu des mouvements globaux qui sollicitent les muscles sollicités lors des

transferts, en concentrique comme lors de l’activité.

Page 32: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

28

Les exercices proposés lors de ce cycle sont le développé couché (Annexe 5), le pull-

over (Annexes 6 et 7) et le travail à la presse à bras (Annexe 26) pour simuler le push-up,

qui sollicite en synergie les grands dorsaux et les grands pectoraux dans leur fonction

d’abaisseurs ainsi que les triceps brachiaux.

Ces exercices peuvent également être réalisés en suivant les modalités de contraste des

charges ou en stato-dynamique avec un début de mouvement, un arrêt de quelques secondes

en contraction statique puis une fin de mouvement explosive.

Enfin, le troisième cycle est consacré au gain de force maximale afin de développer

principalement la force nécessaire pour soulever le poids du corps lors des transferts. Les

exercices sont donc réalisés lentement avec une charge supérieure à 60% de la RM en

réalisant 3 à 8 répétitions par série au cours de 2 à 3 séries séparées de 3 à 5 minutes de

récupération. Le cycle démarre avec des charges comprises entre 60 et 70% de la RM répétées

8 fois au cours de 2 ou 3 séries avec 3 minutes de récupération et se termine avec des charges

supérieures à 80% de la RM répétées 3 à 5 fois au cours de 2 ou 3 séries avec 5 minutes de

récupération. Au cours de la séance, les exercices sont globaux puis analytiques. L’ensemble

des exercices précités peuvent être réalisés lors de ce cycle, en insistant bien sûr sur les

exercices sollicitant les grands pectoraux, les grands dorsaux, les triceps brachiaux ainsi que

le dentelé antérieur. Cependant les autres exercices ne doivent pas être délaissés toujours dans

l’objectif de ne pas créer de déséquilibres et ainsi de protéger les épaules. L’exercice à la

presse à bras peut être abandonné dès que le patient est capable de soulever le poids de son

corps. Il est à ce moment remplacé par des séries de push-up sur table en appui sur des cales

avec une progression de la hauteur de celles-ci et comprend un temps concentrique, un temps

isométrique puis un temps excentrique (Gain & Coll., 2003b).

A la fin du programme de 12 semaines, l’objectif est que le patient garde ses acquis

(voire qu’il continue à les développer) afin de conserver son niveau d’autonomie. Un relai

avec un éducateur sportif APA peut être effectué afin de réaliser des activités adaptées telles

que le basket-fauteuil ou encore le hand-bike. Au cours de ces activités les qualités

musculaires du patient seront entretenues. En guise d’entretien, le patient peut conserver une

séance de musculation par semaine à domicile avec des élastiques ou en salle spécialisée en

utilisant des appareils et haltères. Les activités quotidiennes participent également au maintien

des acquis.

Page 33: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

29

V. Discussion

Le renforcement musculaire chez le patient paraplégique n’est que peu traité dans la

littérature, hormis si l’on s’intéresse au renforcement sous-lésionnel lors de lésions

incomplètes. Aucun article n’a été retrouvé proposant des exercices de renforcement

musculaire variés à proposer aux patients paraplégiques ni même ne citant précisément les

muscles à renforcer si ce n’est le grand dorsal et les triceps brachiaux. Cet obstacle a pu être

contourné par la lecture d’articles rapportant des études ayant analysé les muscles de l’épaule

mis en jeu lors des activités de propulsion et de transfert chez les patients paraplégiques. A

partir de ces études, il a été possible de dégager les muscles les plus sollicités et donc à

renforcer.

Cependant ces études présentent quelques limites. Tout d’abord elles n’ont été à

chaque fois que sur peu de sujets ce qui fait poser question sur la fiabilité de leurs résultats.

Toutefois, les résultats similaires de l’ensemble de ces auteurs suggèrent une certaine fiabilité.

Ensuite, certains muscles de l’épaule ne sont pas analysés au cours de ces études

(grand rond, petit rond…), il est donc impossible de savoir à quel point ceux-ci peuvent être

sollicités. Ces muscles ayant des actions réalisées également par d’autres muscles qui ont été

étudiés, on peut supposer que leur activation est similaire. Dans tous les cas, ils sont de toute

façon renforcés lors du programme proposé justement car leurs actions sont similaires à

d’autres muscles renforcés et car les déséquilibres doivent être évités.

Le programme de renforcement proposé se veut optimal, cependant il ne l’est pas. Il se

concentre uniquement sur les muscles de l’épaule car la littérature retrouvée n’étudiait que ces

muscles-là. Les muscles des avant-bras et des poignets sont également sollicités lors de la

propulsion et des transferts. Les poignets nécessitent entre autre une bonne stabilité. Aucune

littérature n’ayant été retrouvée sur ce point-là, ces exercices n’ont pas été évoqués.

Enfin ce travail s’intéressant aux membres supérieurs, le renforcement du tronc

(abdominaux, spinaux) n’a pas été évoqué. Il est évident qu’un des principaux objectifs de

renforcement chez le patient paraplégique se situe au niveau du tronc, avant même de

démarrer l’athlétisation des membres supérieurs puisqu’un tronc stable lors des exercices de

renforcement des épaules est essentiel. Généralement, ce renforcement est bien pris en charge

en rééducation car l’acquisition d’un bon équilibre assis fait partie d’un des objectifs majeurs

de la rééducation du paraplégique et que l’équilibre assis dépend de la musculature du tronc.

Le renforcement des membres supérieurs est parfois moins développé lors de la rééducation

car s’il est impossible de ne pas s’apercevoir que l’équilibre assis n’est pas acquis, il est

Page 34: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

30

beaucoup plus délicat de déceler un manque d’endurance chez un patient. Or ce manque

d’endurance va limiter les déplacements extérieurs et donc réduire l’autonomie.

Le programme ici proposé doit également être modulé en fonction de l’entraînement

antérieur du patient, c’est-à-dire avant sa paraplégie. S’il s’avère indispensable chez un

patient auparavant sédentaire, il peut sûrement être réduit chez un patient très sportif ayant

déjà toutes les qualités musculaires requises. De la même manière, chez un patient

relativement sportif ou ayant l’habitude de pratiquer de la musculation, les différents cycles

peuvent être attaqués de manière plus intensive avec des charges plus importantes.

VI. Conclusion

Ce travail cherchait à déterminer selon quelles modalités le renforcement musculaire

doit être appliqué aux membres supérieurs du patient paraplégique. En effet, le renforcement

musculaire peut répondre à différents objectifs. Selon ceux-ci, ses modalités diffèrent. Le

kinésithérapeute doit être capable d’appliquer ces modalités lors des séances avec ses patients

afin d’être efficient.

Concernant le patient paraplégique, un renforcement des membres supérieurs suite à la

lésion médullaire est indispensable dans la majorité des cas compte tenu des modifications

d’utilisation des membres supérieurs engendrées par la vie au fauteuil, dans l’objectif de lui

offrir une bonne qualité de vie. L’analyse des activités de propulsion et de transferts a montré

une sollicitation importante de l’ensemble des muscles de l’épaule, ce qui implique un

renforcement nécessaire de ces muscles afin de les préparer à ces sollicitations.

Les muscles des membres supérieurs doivent être entraînés en endurance afin de

développer leur capacité de résistance à des sollicitations prolongées lors de la propulsion du

fauteuil roulant sur de longues distances. Afin de permettre au sujet de réaliser efficacement

ses transferts, les muscles des membres supérieurs et notamment les grands dorsaux, grands

pectoraux et triceps brachiaux doivent être entraînés en explosivité et en force.

Ce travail propose un programme de renforcement musculaire de 12 semaines divisé

en 3 cycles de 4 semaines où chaque objectif est travaillé séparément. Des exercices de

renforcement sont proposés pour chaque cycle.

Ce programme n’a malheureusement pas pu être mis en pratique sur un patient

paraplégique. Il serait intéressant à l’avenir de le faire afin de tester son efficacité et

éventuellement d’y apporter les modifications nécessaires.

Page 35: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

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Page 38: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexes

Annexe 1 : Correspondance de résistance des bandes élastiques selon l’étirement et la couleur

Annexe 2 : Index de Barthel

Annexe 3 : Mesure d’indépendance fonctionnelle (MIF)

Annexe 4 : Spinal Cord Independence Measure (SCIM III)

Annexe 5 : Développé couché ou Bench Press

Annexe 6 : Pull-Over à la barre

Annexe 7 : Pull-Over sur appareil

Annexe 8 : Biceps Brachial (haltère)

Annexe 9 : Biceps Brachial (élastique)

Annexe 10 : Triceps Brachial (élastique)

Annexe 11 : Triceps Brachial en décubitus

Annexe 12 : Triceps Brachial en procubitus

Annexe 13 : Deltoïde antérieur (haltères)

Annexe 14 : Deltoïde antérieur (élastique)

Annexe 15 : Deltoïde postérieur (haltère)

Annexe 16 : Deltoïde postérieur (élastique)

Annexe 17 : Dentelé antérieur (élastique)

Annexe 18: Travail en abduction (haltère)

Annexe 19 : Travail en abduction (élastique)

Annexe 20 : Travail en adduction horizontale (haltère)

Annexe 21 : Travail en adduction horizontale (appareil butterfly)

Annexe 22 : Travail en adduction (élastique)

Annexe 23 : Travail des rotateurs latéraux en position R1 (élastique)

Annexe 24 : Travail des rotateurs latéraux en position R2 (haltère)

Annexe 25 : Travail des rotateurs médiaux en position R1 (élastique)

Annexe 26 : Travail des dépresseurs

Page 39: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 1 : Correspondance de résistance des bandes élastiques selon l’étirement et la couleur

(http://www.thera-band.com)

Annexe 2 : Index de Barthel (http://www.cofemer.fr/UserFiles/File/Barthel2.pdf)

Page 40: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 3 : Mesure d’indépendance fonctionnelle (MIF)

(http://www.cofemer.fr/UserFiles/File/ECH.1.9.1.MIF.pdf)

Page 41: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 4 : Spinal Cord Independence Measure (SCIM III)

(http://www.cofemer.fr/UserFiles/File/001_ECHELLES%20ADULTES%20TOME%202_page176SCIM%20III.pdf)

Page 42: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 5 : Développé couché ou Bench Press

Annexe 6 : Pull-Over à la barre Annexe 7 : Pull-Over sur appareil

(entraînement-sportif.fr)

Page 43: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 8 : Biceps Brachial (haltère) Annexe 9 : Biceps Brachial (élastique)

Annexe 10 : Triceps Brachial (élastique) Annexe 11 : Triceps Brachial en décubitus

Page 44: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 12 : Triceps Brachial en procubitus

Annexe 13 : Deltoïde antérieur (haltères) Annexe 14 : Deltoïde antérieur (élastique)

(limité à 90° de flexion)

Page 45: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 15 : Deltoïde postérieur (haltère) Annexe 16 : Deltoïde postérieur (élastique)

Annexe 17 : Dentelé antérieur (élastique)

Page 46: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 18: Travail en abduction (haltère) Annexe 19 : Travail en abduction (élastique)

Annexe 20 : Travail en adduction Annexe 21 : Travail en adduction horizontale

horizontale (haltère) (appareil butterfly) (entraînement-sportif.fr)

Page 47: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 22 : Travail en adduction (élastique)

Annexe 23 : Travail des rotateurs latéraux Annexe 24 : Travail des rotateurs latéraux

en position R1 (élastique) en position R2 (haltère)

Page 48: Les modalités du renforcement musculaire. Quelles

Annexe 25 : Travail des rotateurs médiaux en position R1 (élastique)

Annexe 26 : Travail des dépresseurs (idem presse à bras)