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Le reportage Genève Le 31 octobre dernier, One FM apprenait avec stupéfaction qu’elle allait disparaître des ondes au profit de Buzz FM, une radio virtuelle qui n’existe que sur papier. Une épreuve parmi d’autres que la première radio privée genevoise est parvenue à surmonter. Car, une semaine après, ce fut la résurrection. One FM , la radio qui traverse les tempêtes L’ILLUSTRÉ 46/08 19 18 L’ILLUSTRÉ 46/08 Un patron soulagé Le soir de la bonne nouvelle, Antoine de Raemy lève une bière Moritz à la santé du conseiller fédéral Leuenberger. Ses services ont accepté d’accorder à One FM une seconde chance de présenter un nouveau dossier pour l’obtention d’une concession radio. Explosion de joie Vendredi 7 novembre, dans le studio rénové de One FM, en milieu d’après-midi, les animateurs Lionel et Carole, entourés de toute l’équipe, hurlent de joie sur les ondes pour annoncer aux auditeurs que, contrairement à ce qui avait été annoncé une semaine plus tôt, leur radio continuera d’exister. Photos: Niels Ackermann/Rezo

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Page 1: les tempêtes - Quan Lyles animateurs Lionel et Carole, entourés de toute l’équipe, hurlent de joie sur les ondes pour annoncer aux auditeurs que, contrairement à ce qui avait

Le reportage

GenèveLe 31 octobre dernier, One FM apprenait avec stupéfaction qu’elle allait disparaître des ondes au profit de Buzz FM, une radio virtuelle qui n’existe que sur papier. Une épreuve parmi d’autres que la première radio privée genevoise est parvenue à surmonter. Car, une semaine après, ce fut la résurrection.

One FM, la radio qui traverse les tempêtes

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L’ILLUSTRÉ 46/08 1918 L’ILLUSTRÉ 46/08

Un patron soulagéLe soir de la bonne nouvelle, Antoine de Raemy lève une bière Moritz à la santé du conseiller fédéral Leuenberger. Ses services ont accepté d’accorder à One FM une seconde chance de présenter un nouveau dossier pour l’obtention d’une concession radio.

Explosion de joieVendredi 7 novembre, dans le studio rénové de One FM, en milieu d’après-midi, les animateurs Lionel et Carole, entourés de toute l’équipe, hurlent de joie sur les ondes pour annoncer aux auditeurs que, contrairement à ce qui avait été annoncé une semaine plus tôt, leur radio continuera d’exister.

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Page 2: les tempêtes - Quan Lyles animateurs Lionel et Carole, entourés de toute l’équipe, hurlent de joie sur les ondes pour annoncer aux auditeurs que, contrairement à ce qui avait

Texte: Quan LyPhotos: Niels Ackermann/Rezo

«On a connu des heures chaudes cette semaine!» A la barre de One FM depuis

2003, Antoine de Raemy avoue qu’il vient de vivre «la pire période» de sa vie professionnelle. Il faut dire que la première radio privée de Genève et la troisième de Suisse romande, considérée comme décédée le vendredi 31 octobre dernier, est ressuscitée d’entre les morts exactement une semaine après. Un vrai miracle. «On revient de loin», reconnaît, soulagé,

Fabrice Benedet, directeur des programmes.

En ce fameux vendredi noir, One FM est un paquebot, solide finan-cièrement, qui vogue depuis douze ans sur les ondes du bassin léma-nique. Avec plus de 100 000 audi-teurs par jour ces dernières années, la station a le vent en poupe. Mais, à 7 heures du matin, les 40 mem-bres d’équipage sont soudain sub-mergés par un tsunami que per-sonne n’a vu venir et dont l’origine se trouve à Berne: l’autorité fédérale chargée d’attribuer les nouvelles concessions radio pour émettre dès le 1er avril 2009 sur une période de dix ans a rejeté le dossier de candi-dature de One FM au profit de celui

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Cris de résistanceVendredi 7 novembre, le personnel de One FM s’est réuni à midi au 6e étage du 35, rue des Bains, pour crier sa rage de vaincre. La nouvelle tombe dans l’après-midi: leur radio est sauvée.

La mission: le réd’ chef David Ramseyer (au centre) et les sept journalistes boosteront l’info sur One, jugée insuffisante par Berne.

La fête: Jérémie, Hervé, Lionel, Régis (de g. à dr.) et les autres arrosent l’heureux épilogue, d’abord à la radio (photo), puis en boîte.

Le temps de l’insouciance: les sorties, les émissions à l’extérieur, ici à Saint-Trop’ en avril 2006, ont fait de One «une famille soudée».

La crise: mercredi 5 novembre, l’équipe télé de «Mise au point» filme la mobilisation qui s’est organisée au sein de la radio genevoise.

«On revient de loin!»

Fabrice Benedet

Une semaine de folie pour une radio unie comme une famille

Page 3: les tempêtes - Quan Lyles animateurs Lionel et Carole, entourés de toute l’équipe, hurlent de joie sur les ondes pour annoncer aux auditeurs que, contrairement à ce qui avait

de Buzz FM, qui n’existe alors que sur papier. Motif invoqué: trop de divertissement et pas assez d’infor-mations sur One.

Erreur de lecture de la part de l’Office fédéral de la communica-tion (OFCOM) selon certains, dossier «honnête, mais insuffi-sant, voire léger» de l’aveu même d’Antoine de Raemy. Au sein de la radio, c’est le choc et les larmes. La musique reste perceptible alors que le paquebot One FM est en train de sombrer. Semblable au Titanic.

Silence radio? Pas tout à fait. La décision fédérale a suscité un élan de solidarité sans précédent des Genevois pour sauver One FM. Mais la véritable bouée de secours est lancée par Stéphane Barbier-Mueller, patron de Buzz FM. Ce dernier, agent immobilier et actionnaire de la télé genevoise Léman Bleu, visait en réalité la concession de Radio Lac, dont les effectifs ont été transférés à Lau-sanne. Le scénario n’étant pas celui escompté, il appelle le jour même de la funeste annonce son ami Antoine de Raemy pour lui dire qu’il ne veut pas être le «fos-soyeur» de sa radio et qu’il renonce à la concession, «sans aucune contrepartie».

Menaces permanentesLes deux hommes se rendent le 6 novembre dernier à l’OFCOM, qui leur propose une porte de sortie honorable: Buzz transfère sa concession à One à la condition que cette dernière renforce son volet journalistique. Sur ce plan, la leçon a été retenue: le nouveau dossier de candidature, qui sera «bétonné» par le rédacteur en chef David Ramseyer, expliquera en détail que les débats d’actualité seront renforcés, soulignant que la radio One FM et la télé Léman Bleu se partagent en fait huit journalistes reporters d’images, depuis plus d’un an.

Vendredi 7, l’affaire est réglée. One FM est sauvée: les employés hurlent de joie sur les ondes de leur radio. Ils veulent partager l’incroyable nouvelle avec leurs auditeurs, avec les 6500 signatai-res de la pétition de soutien, les 10 000 supporters sur Facebook, les personnalités politiques, juri-diques et artistiques qui ont défilé dans le studio de la rue des Bains. «Le point positif est qu’on a beau-

coup parlé de nous!» relève avec malice Vanessa Guagliani, une des voix connues de la radio.

Une radio qui en a vu d’autres: 2008 avait déjà mal débuté pour One FM, avec le décès dramatique d’un jeune animateur et le départ inattendu, en août, d’Enzo Lo Bue, directeur et animateur-vedette de la radio, pour la télévision. De quoi saper le moral. Comme en 2006, où les neuf commerciaux de la régie publicitaire ont démissionné

en bloc pour passer à la concur-rence avec armes et carnets d’adresses. Pour les dix ans d’exis-tence de la radio, on a connu mieux comme cadeau d’anniver-saire.

Pour tout dire, depuis le lance-ment de One FM, le 15 mars 1996 à midi, jusqu’en 2001, où les comptes étaient enfin en équilibre, les avis de tempête étaient perma-nents. Le nouveau système infor-matique qui gérait la diffusion se

plantait fréquemment, de préfé-rence tard le soir et tôt le matin: il transmettait en boucle les cinq dernières secondes qui venaient de passer sur les ondes. Un cau-chemar.

Passé l’effet nouveauté du début, 1997 a été l’année des doutes, des engueulades et des regrets. Cha-que mois, Christian Kupfer- schmid, sans qui One FM n’aurait pas vu le jour, allait supplier Pio Fontana (décédé depuis) et Louis-Pierre Roger d’injecter de l’argent: «Tu ne dois pas dépenser les sous que tu n’as pas gagnés!» tonnaient alors les deux investisseurs. Qui finissaient toujours par délier les cordons de la bourse. «A l’époque, la radio, c’était un gouffre à pognon, un truc voué à l’échec», se souvient, amusé, Enzo Lo Bue, membre fondateur. Cela ne les a pas empêchés de participer à la première édition de la Lake Parade, devenue depuis l’une des plus grosses manifestations de musi-que techno de Suisse.

Radio boum boumOne FM, c’était aussi une radio qui se cherchait une identité: assez ou pas assez d’informations (déjà à l’époque…)? Plus, ou moins de tchatche? Quel genre de musique? «Avec la techno qu’on diffusait à longueur de journée, on nous surnommait radio boum boum», rigole Daniel Perroud, le cin-quième membre fondateur. «Le bateau a mis longtemps à se frayer une route et à trouver sa vitesse de croisière», résume Christian Kupferschmid. Mais One FM a toujours su maintenir le cap contre vents et marées. Maintes fois tou-chée, jamais coulée. Car au départ, comme aujourd’hui, il y a une passion, servie par pas mal de folie.

«One, c’est une famille, assure Lionel Demander, qui anime la radio depuis onze ans. Les vacan-ces, les sorties, les week-ends, on les passe souvent ensemble.» La famille a fait bloc pour ne pas disparaître. Et tire une leçon de cette dernière épreuve: «Nous tra-vaillons dans un milieu de requins où rien n’est acquis et où il faut constamment se battre», conclut Lionel. A côté de lui, son collègue Hervé fredonne les paroles d’une chanson de France Gall: «Résiste / Prouve que tu existes!»

Q. L. J

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«One, c’est du professionna-lisme avec un grain de folie»

Daniel Perroud, fondateur, désormais à la tête de son garage BMW

«On est tous optimistes pour l’avenir de cette radio»

Enzo, Christian et Louis-Pierre, fondateurs de la radio partis vers d’autres défis

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