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UNIVERSITÉ DE TOULOUSE-LE MIRAIL / U.F.R Sciences Economiques et Sociales DÉPARTEMENT DE GÉOGRAPHIE ET AMÉNAGEMENT Mémoire de MASTER 1 Mention GÉOGRAPHIE ET AMÉNAGEMENT Année universitaire 2005-2006. Les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) : un nouvel outil pour les diasporas L’exemple des pratiques et usages des clients « d’Hackney.com » à Londres Préparé par Jonathan Stebig Sous la direction de Yveline Dévérin Soutenu le 1 décembre 2006, devant un jury composé de Yveline Dévérin, Jean-Jacques Guibbert et Emmanuel Eveno

"Les TIC : un nouvel outil pour les diasporas - L'exemple des pratiques et usages des clients "d'Hackney.com" à Londres", 12.2006

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Mémoire de Master I Géographie et migrations internationales, 2006.

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UNIVERSITÉ DE TOULOUSE-LE MIRAIL / U.F.R Sciences Economiques et Sociales

DÉPARTEMENT DE GÉOGRAPHIE ET AMÉNAGEMENT

Mémoire de MASTER 1 Mention GÉOGRAPHIE ET AMÉNAGEMENT

Année universitaire 2005-2006.

Les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) : un nouvel outil pour les diasporas

L’exemple des pratiques et usages des clients « d’Hackney.com » à Londres

Préparé par Jonathan Stebig Sous la direction de Yveline Dévérin

Soutenu le 1 décembre 2006,

devant un jury composé de Yveline Dévérin, Jean-Jacques Guibbert et Emmanuel Eveno

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Citation : « Hier, immigrer et couper les racines ; aujourd’hui : circuler et garder contact. Cette évolution semble marquer un nouvel âge dans l’histoire des migrations : l’ère du migrant connecté (Diminescu, 2002)

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Remerciements :

Je voudrais tout d’abord remercier le système universitaire français, sans lequel je n’aurais

jamais pu passer une année à Londres, le terrain qui a fait l’objet de mon mémoire.

L’attribution des bourses du conseil régional, du ministère de l’éducation, du CROUS et

accessoirement d’ERASMUS, m’a donné un capital indispensable pour m’installer à Londres.

Ensuite, je voudrais adresser un grand merci à Mme Yveline Dévérin, sans qui je n’aurais

jamais pu réaliser ce travail, et ce pour plusieurs raisons :

-Elle m’a tout d’abord suivi tout au long de la construction de mon mémoire, répondant à

toutes mes interrogations dans des délais très brefs.

-Elle m’a fourni une documentation non négligeable sur les questions des TIC.

-Elle m’a donné le contact de Dana Diminescu, un auteur clef dans la réalisation de mon

travail. En effet, ma rencontre avec elle a été très précieuse dans la recherche d’appuis

théoriques pertinents à mes analyses.

Je voudrais aussi remercier tous les étudiants résidents à Connaught Hall (mon logement)

avec qui j’ai pu perfectionner mon anglais tout au long de ce voyage, et qui m’ont donné une

plus grande assurance pour entreprendre un réel travail de terrain.

Dans un tout autre registre, je me sens obligé de saluer la culture musicale londonienne, à la

fois très ouverte et très pointue, à travers laquelle j’ai pu me détendre, pour entretenir une

certaine motivation pour ce travail de mémoire.

Internet : outil de travail indispensable dans la construction de mon travail, support grâce

auquel j’ai pu entretenir un suivi avec Mme Dévérin, accéder à des ressources

bibliographiques et visiter les sites Internet fréquentés par les migrants.

Tous les clients « d’Hackney.com », qui sont en quelques sortes le fondement de mon étude.

Mais plus qu’une population d’enquêtés, ces gens sont devenus de véritables amis, avec

lesquels j’espère garder des relations. Je voudrais remercier particulièrement Michael, qui a

fait de son cybercafé un endroit très personnel, et qui m’a accueilli très chaleureusement.

Les professeurs et élèves de UCL en Géographie, avec lesquels j’ai pu entreprendre des

discussions sur mon sujet d’étude, et remettre en question certains aspects de mon analyse.

Enfin, je voudrais remercier mes parents, qui m’ont soutenu tout au long de l’année. Ils m’ont

avant tout offert l’opportunité de voyager et d’ouvrir mon esprit vers d’autres cultures. Mes

voyages au Burkina Faso et au Mali sont d’ailleurs à l’origine de mon grand intérêt pour le

continent africain.

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Table des matières :

I) Introduction………………………………...……………………..8-13 II) Méthodologie et démarche…………………………..…...…..…13-34

1) Les TIC : un outil efficace pour les diasporas…………...………13-17

2) Londres : un terrain particulièrement pertinent pour cette

problématique…..……………………………………...………….17-34

a) Présentation du terrain : de l’Angleterre au cybercafé

« d’Hackney.com »…………………………………………………….19-21

b) L’approche du terrain et des populations : entre prise de contact et

observation……………………………………………………………..22-25

c) Réalisation, retranscription et utilisation des entretiens…………....25-29

• Construction des supports pour la réalisation des entretiens.....................25-27

• Réalisation des entretiens……………………………………………………..28

• Utilisation des entretiens dans l’analyse thématique……………………..28-29

d) Le travail bibliographique et la recherche d’appuis théoriques aux

analyses pratiques…………...……………………………………...…29-34

• La fixation des contours du sujet d’étude……...…………………………29-30

• La définition des thématiques abordées………………...…………………30-33

• Les appuis théoriques de l’ analyse pratique…………….……….………33-34

III) Analyses thématiques…………………………………………...35-85

1) Le cybercafé comme lieu de solidarité et d’intégration sociale :

véritable carrefour de l’information……………………………..35-47

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a) « Hackney.com », un cybercafé aux allures de centre

d’intégration et de solidarité intercommunautaire……..36-39

-« Hackney.com » : un exemple de mixité culturelle……………………………………..36-37 -« Hackney.com » : un espace ouvert au dialogue, à l’entraide et à la solidarité……........37-38 -« Hackney.com » : cybercafé dans son intitulé, bien plus dans ses fonctionnalités……...38-39

b) Le cybercafé : un centre décentralisé………………….…39-43

-Un véritable carrefour de l’information……………………………………………….....40-41

-Espace générateur d’une « identité décentralisée »……………………………………....41-43

c) Le maintien des relations avec le pays d’origine………..43-46

-Dans l’espace d’accueil : le moyen de contact privilégié…………………………………...44

-Dans le pays d’origine : un usage collectif, une distribution géographiquement inégale..45-46

• L’email : une adresse collective

• Des cybercafés très inégalement répartis sur le territoire

2) Les TIC : un outil d’intégration, d’intégrité sociale et d’organisation

économique…………………………………..…………………….47-61

a) Au niveau local, les TIC comme outil d’organisation

économique et sociale……………………………………48-52

-Le téléphone portable, un moyen de contourner les démarches institutionnelles

d’intégration……………………………………………………………………………….49-50

-Le téléphone portable : l’adresse virtuelle et informelle du migrant……………………..50-51

-Des habilités relationnelles qui peuvent se transformer en compétences productives........51-52

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b) Au niveau transnational : les TIC comme support de

l’intégrité identitaire et de l’activité économique……...52-59

-L’espace virtuel transnational : outil de pérennisation identitaire…………..…………....53-56

-Internet : support de l’organisation économique des diasporas encore limité……….…...56-59

• Une organisation économique transnationale encore très sporadique…………...56-57

• Un moyen d’orienter les fonds transférés dans le pays d’origine..………………57-59

3) Les TIC : un support de liberté d’expression et de militantisme

politique……………………………………………………………61-72

a) Les TIC : symbole de libre accès et de démocratisation de

l’information et de la communication……………………62-65

-Une diffusion mondiale d’évènements très localisés……………………………….……62-63

-Le rôle des diasporas dans la diffusion de l’information sur les réseaux transnationaux…...63

-Un pluralisme culturel source de richesse et de créativité…………………………….…64-65

b) Les TIC : nouveau support de militantisme virtuel ?.......65-70

-Internet : un espace politique aterritorial et transnational………………………………..65-67

-Internet : théoriquement support d’un militantisme virtuel, concrètement plus espace

d’échange et de débat……………………………………………………………………..68-69

-Internet : un terrain de débat qui ne peut se substituer à la lutte sur le terrain…………..69-70

4) Internet : bouleversement des hiérarchies traditionnelles et

des rapports de genres…………………………………………..73-85

a) Les jeunes : un rôle de médiateur entre les communautés

diasporiques et les membres de la famille restés au

pays……………………………………………………......73-78

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-Une meilleure appropriation de l’outil par les jeunes générations……………………….74-75

-Une vision septique de cet outil par les anciennes générations…………………………..75-76

-L’intermédiaire idéale entre la diaspora et le pays d’origine…………………………….76-78

b) Internet : un nouveau média qui risque de remettre en cause

les organisations traditionnelles…………………………..78-84

-Internet ou le bouleversement des rapports entre les générations………………………..78-80

-Le bouleversement des rapports de genre : vers une émancipation de la femme………...80-84

IV) Conclusion……………………………………………………….86-90

-Références bibliographiques …………………………………………………….….…91-97 -Glossaire………………………………………………………………………………….....98 -Liste des sigles………………………………………………………………………………98 -Table des illustrations…………………………………………………………………99-100 -Annexes………………………………………………………………………………..101-128

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I) Introduction.

Dans cette ère de l’information et de la communication, les nouvelles technologies semblent

être à l’origine d’importantes opportunités et ont un impact dans l’organisation des diasporas.

Tout au long de ce travail, nous nous attacherons à faire ressortir les différents domaines dans

lesquels les TIC sont à l’origine de ces changements. L’arrivée de nouvelles conceptions

concernant la migration nécessite cependant de nouvelles approches géographiques. Ainsi,

nous mettrons en relation les changements qu’a entraîné l’utilisation accrue des TIC par les

différentes diasporas avec ces nouvelles notions et mettre en avant les méthodes qui sont plus

appropriées pour étudier les phénomènes de migration d’aujourd’hui.

Commençons ce travail en établissant une comparaison entre deux façons de définir la

migration : celle de Pierre Bourdieu et celle de Dana Diminescu, qui montrent parfaitement

l’évolution de penser la migration, représentant le migrant de façons très différentes.

Bourdieu défini le migrant comme un individu qui serait ni citoyen ni étranger, ni moi ni

autre, à la fois absent dans le pays d’accueil comme dans celui d’origine. Autrement dit,

vivant dans un « no man’s land », à la frontière de l’être et du non être social, résumant

parfaitement la vision de la littérature sur les migrations durant le siècle dernier.

A l’inverse, Dana Diminescu définit aujourd’hui le migrant comme apte à développer des

relations de proximité (grâce à des outils comme les e-mails, le téléphone portable, ou encore

Skype1) dans un réseau transnational, entre des places géographiquement distantes.

Par l’intermédiaire des TIC, le migrant développe une « culture du lien » qu’il entretient dans

sa mobilité.

Grâce aux outils d’information et de communication, le migrant a aujourd’hui la capacité de

s’approprier le réseau dans lequel il s’inscrit, et d’en tirer avantage pour son intégration dans

le pays d’accueil. Il entretient par ailleurs des liens réguliers avec son pays d’origine.

L’espace d’appartenance n’est plus exclusivement le territoire; le migrant établi des relations

de proximité qui sont moins d’ordre physique, mais plus de l’ordre du virtuel. En d’autres

termes, l’identité du migrant se construit autour d’une articulation entre cette connectivité

transnationale, son territoire d’accueil, et sa terre natale.

Reprenons une citation de Abdelayek Sayad2 : « le paradoxe de la science des migrations,

c’est qu’elle est une science de l’absence et des absents » (Diminescu, 2006). Cette vision des 1 : Skype : système de téléphonie par Internet : très utilisé par les migrants qui n’ont qu’une connaissance infime de l’anglais écrit, les conversations orales étant donc très souvent bien adaptées. Cependant, la nécessité de se retrouver au même moment dans les « lieux de connexion » fait que cet outil n’est utilisé qu’occasionnellement.

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phénomènes migratoires définie par une série de ruptures entre l’homme et son milieu semble

aujourd’hui remise en cause, puisque basée sur des critères physiques. L’ère de l’information

et de la communication permet au migrant de s’identifier à un espace élargi, qui dépasse les

frontières physiques. Il est aujourd’hui dans un contexte d’hyper mobilité, qui est à la fois

physique, imaginé, et virtuel.

Par l’intermédiaire des TIC, nous assistons au développement d’une « communauté en

ligne ». Les sites d’informations sur la situation au pays d’origine ainsi que sur les

événements à venir dans les différents pays de résidence de la communauté, les journaux

publiés en ligne, les forums de discussion et les e-mails sont à l’origine d’une prise de

conscience de l’appartenance à un groupe diasporique. Les TIC (Internet en particulier)

deviennent un media alternatif à part entière, permettant aux migrants de mettre en relation les

sphères publiques avec les sphères privées (mouvements associatifs, militants politiques,

scientifiques…etc.), et de s’organiser comme une « nation » indépendante dans un espace

virtuel, créant par la même une source de vitalité au sein de la communauté réelle. Qui plus

est, cette communauté virtuelle intègre tous les membres de la diaspora souhaitant faire partie

de cette espace, étant un lieu ouvert ; la relative libre expression permet à tout individu

d’exprimer sa propre vision de sa « nation » et de l’organisation de cette dernière. Le

caractère « multi ethniques » laissant place à l’expression individuelle au sein de cette

communauté est un phénomène diamétralement opposé aux représentations des diasporas

dans les médias classiques (journaux, TV), qui sont présentées comme des communautés

harmonieuses et homogènes. Le migrant se retrouve donc dans un système de représentations

sociales positives.

Le développement d’une « communauté en ligne » est un pilier pour la pérennité de la

diaspora. Les migrants de deuxième génération, nées sur sol étranger, a priori moins liés à

leurs cultures d’origines, et leurs racines en général, se retrouvent submergés par ce vaste

réseau d’information et de communication qu’ils articulent autour de leur propre identité.

Ainsi, bien qu’intégrés à la société d’accueil, ils restent, par l’intermédiaire de cet outil,

continuellement imprégnés par cette culture qui est la leur.

L’usage avéré des e-mails par les migrants est d’ailleurs très significatif de ce lien réel.

L’utilisation de ce service représente 85 % de l’usage que font les migrants d’Internet

2 : Chercheur au CNRS depuis 1977, il est nommé Directeur de recherche en sociologie. Il a notamment récemment publié : « The suffering of the immigrants » [la souffrance des immigrés]. Polity press, 2004. 360 p.

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(Georgiou, 2002 [a]). Moyen de communication privilégié entre personnes géographiquement

éloignées, il est très facile à utiliser comme très facile d’accès (cybercafé). Utilisé autant pour

donner des nouvelles aux membres de la famille restés au pays que pour entretenir des

contacts avec les autres places de la diaspora, cet outil se démocratise à un rythme effréné

dans les communautés de migrants. C’est ainsi qu’aujourd’hui on retrouve, grâce aux e-mails,

mais aussi Messenger, Skype, ou le téléphone portable, de plus en plus de migrants qui font

une utilisation banale de ce moyen de communication, en ce sens qu’ils parlent de leur vie de

tous les jours, leurs expériences et les anecdotes, comme dans des relations de proximité. Par

l’intermédiaire des TIC, s’installe une sorte de ciment relationnel avec des personnes

physiquement absentes, mais affectivement très proches.

C’est en ce sens que l’email comme le téléphone, devient un outil stratégique, une arme pour

les migrants (et plus particulièrement les clandestins). Ces outils de communications

représentent la nouvelle adresse virtuelle du migrant, sorte de « secrétariat du pauvre »

permettant de contourner une intégration institutionnelle de plus en plus difficile, et de

s’organiser une vie en société.

Afin d’ouvrir cette présentation sur la suite de mon travail, je vais maintenant énumérer les

différentes hypothèses de départs, à travers les thématiques que j’aborderai plus loin.

L’analyse est découpée en quatre parties thématiques, traitant des opportunités et des impacts

d’Internet dans les diasporas :

-Première thématique : le rôle central du cybercafé.

Ce lieu, a priori marqué par des comportements individualistes, où chacun est concentré sur sa

machine, préoccupé par ses propres intérêts, peut il se convertir en un lieu d’échange,

d’entraide et de solidarité, qui deviendrai en un sens, le ciment social du migrant ? Le

cybercafé peut-il devenir un lieu d’intégration multiculturel, dépassant les appartenances

intracommunautaires ?

A un autre niveau, c’est ici que se réalise l’essentiel des prises de contact avec le territoire

d’origine, ainsi qu’avec les différentes places de la diaspora. Nous sommes donc face à un

lieu d’articulation entre les échelles locales (solidarité entre migrants), nationales (contact

régulier avec le pays d’origine) et transnationales (connexion entre différentes places de la

diaspora). Le cybercafé ne serait-il pas le véritable « carrefour » de l’information et de la

communication pour les communautés de migrants ? L’usage massif de ce moyen d’accès à

Internet devenant en un sens, la colonne vertébrale organisationnelle de la diaspora.

Enfin, l’implantation limitée du réseaux Internet en Afrique ne risque t-elle pas de perturber le

système d’échange et de relation sur lequel s’organisent les diasporas ?

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-Deuxième thématique : l’usage des TIC comme outil d’intégration sociale, et

d’organisation économique.

L’usage des TIC dans le pays d’accueil pourrait devenir un réel moyen, pour le migrant, de

contourner les procédures institutionnelles classiques. Inscrit dans des réseaux relationnels

connectés, il sera en mesure de développer des activités productives. Le téléphone portable

devient la principale arme d’intégration, grâce laquelle le migrant pourra trouver une certaine

stabilité liée à sa mobilité et à sa connectivité.

A une échelle transnationale, l’implication du migrant dans des réseaux transnationaux lui

permettra d’entretenir une identité particulière, caractérisée par l’articulation entre

l’installation dans le pays d’accueil, l’implication dans les réseaux transnationaux et

l’entretien d’une mémoire commune symbolisée par le pays d’origine.

Par la mise en commun des informations, les migrants ont de nos jours une vision globale de

la situation économique, permettant ainsi d’accroître les opportunités commerciales au sein de

la diaspora. L’accélération des échanges, l’effacement des frontières comme des distances

offerts par le réseau Internet sont autant d’éléments qui s’avèrent déterminants dans

l’organisation économique de ces communautés. Les connexions régulières avec le pays

d’origine représentent le moyen le plus efficace de réaliser des transferts d’argent sécurisés,

tout en gardant un contrôle sur l’investissement fait des fonds transférés.

-Troisième thématique : l’émergence d’un nouveau support de conscience politique

pouvant déboucher sur des actions politiques.

La démocratisation de l’information et de la communication permet au migrant de s’intégrer

dans un espace de dialogue, d’échange et de débat relativement libre d’accès, ce que ne

permettent pas les médias classiques (dans lesquels la diffusion de l’information est

unilatérale).

Cette démocratisation articulée avec les connexions transnationales des migrants est à

l’origine d’une diffusion de problématiques localisées (pays d’origine) dans un système

d’information mondialisé.

Internet offre pour les acteurs de la vie politique un terrain de lutte contre les pouvoirs en

place dans les pays d’origine, un moyen de contourner le contrôle des Etats, et d’organiser des

actions de manière décentralisée. Ce nouveau territoire d’activité politique, à la fois

déterritorialisé (dans le sens ou le militant n’est pas sur le terrain) et inter relié (avec les

différentes places de la diaspora et les acteurs restés au pays) offre des opportunités d’action

plus englobantes. L’interaction entre les différents ancrages de la diaspora, tous orientés vers

la situation politique dans le pays d’origine, permet d’avoir un rayon d’action plus large, et

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d’être entendu au sein de la communauté internationale. Ce terrain de lutte « virtuel »

correspond à une nouvelle forme de militantisme, moins révolutionnaire, pacifiste, et organisé

transnationalement.

- Quatrième thématique : le bouleversement des hiérarchies et des rapports humains.

Le contact entre les membres de la diaspora et le pays d’origine passe par « un médiateur »

qui joue le rôle d’intermédiaire. Les nouvelles générations dans le pays d’origine ont souvent

suivi des études, parlent et lisent un minimum l’anglais, se retrouvant ainsi mieux placées

pour jouer ce rôle d’intermédiaire.

L’arrivée de ces nouvelles générations et le rôle nouveau qu’elles sont amenées à jouer dans

l’articulation entre les communautés diasporiques et le pays d’origine risque d’entraîner de

profonds bouleversements dans les organisations traditionnelles.

L’implication de ces nouvelles générations dans l’utilisation d’Internet, ainsi que l’ouverture

vers le monde extérieur qu’il propose, provoque un décalage important avec les anciennes

générations qui elles, ne sont pas nées avec cet outil. L’accès à l’information ainsi que les

connexions avec l’extérieur sont à l’origine d’une opposition au pouvoir des anciens, dont le

savoir est remis en cause par les jeunes.

La place de la femme est aussi bouleversée. En effet, elle se trouve souvent impliquée dans

l’organisation économique, et est en liaison avec les membres de la diaspora. L’accès à

Internet leur permet enfin d’avoir une vue sur la situation extérieure, ainsi que sur la place de

la femme dans les autres sociétés. Les femmes se retrouvent plus impliquées dans

l’organisation économique de la société et développent des perspectives d’avenir souvent

tournées vers l’extérieur.

Pour clore cette introduction générale sur l’usage des TIC, il serait bon de rappeler

qu’une infime partie de la population mondiale utilise Internet. Qui plus est, une part

importante de ceux qui utilisent le Net ne le fait pas à des fins pratiques, mais plus pour le

loisir. Ceci pour dire que le profit, dans l’immédiat n’est qu’encore très peu évident pour les

communautés de migrant.

De plus, il faut rester aussi sensible aux risques d’exclusions et de ségrégations qu’aux

possibilités de pérennisations de l’identité et de démocratisations de l’usage du Net dans les

diasporas. Bien que ce soit moins le cas que dans les médias classiques, la pauvreté,

l’exclusion sociale et la faiblesse du capital culturel constituent encore d’importantes

barrières.

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Les TIC représentent un support d’intégration et d’organisation qui s’avère essentiel pour les

diasporas, encore faut-il qu’elles parviennent à se l’approprier, de façon à en faire un usage

juste, équitable et bénéfique pour tous.

II) méthodologie et démarche.

1) Les TIC : un outil efficace pour les diasporas.

Dans cette partie, nous tenterons de définir le terme « diaspora », tel qu’il sera utilisé tout

au long de l’analyse qui suivra. L’usage généralisé et abstrait de cette notion, selon les auteurs

et les époques, ne facilite pas son emploi. Avant de soumettre une définition personnelle, nous

nous appuierons sur les écrits de quatre auteurs, qui ont remis en question beaucoup de

caractéristiques passées qui ne sont plus compatibles avec le quotidien des groupes de

migrants considérés comme diaspora.

Longtemps utilisé pour désigner la Diaspora juive, le terme s’est étendu à tout types de

populations disséminées et dont la dispersion fut d’origine contrainte, avec pour corollaire une

conscientisation de leurs origines et appartenances communes (Cohen, 1997).

Avec l’avènement de l’ère de l’information et de la communication, la notion de

« communauté diasporique » se voit sensiblement remaniée. Bien que l’organisation en réseau

ait toujours été une caractéristique centrale propre à toute diaspora, l’usage des TIC permet

des rapports plus rapides et réguliers, renforçant ainsi les liens entre différentes « places » de

la communauté.

Afin de bien rendre compte de cette nouvelle dimension, nous allons nous concentrer sur les

travaux de Cohen (1997), qui a construit son analyse à partir des écrits de Marienstras (1988),

Safran (1991) et Brah (1996). Leurs analyses se rapprochent sensiblement de la façon de

percevoir une diaspora aujourd’hui.

Selon Cohen, l’existence d’une diaspora et sa conscience d’exister en tant que tel, dépend

d’une articulation aiguë entre un imaginaire populaire, et une approche académique.

Autrement dit, le groupe doit être conscient d’exister, développer une mémoire collective et

l’entretenir afin de pérenniser son existence. Parallèlement à cette conscience commune, les

associations, ainsi que les intellectuels doivent mettre en place des structures et des

programmes renforçant ce sentiment d’appartenance. L’histoire et le vécu migratoire de la

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communauté (apprentissage de la langue, de la culture…) doublés par un encadrement

académique maintiennent les populations dans cette appartenance commune.

Cohen a donc établit neuf critères pour définir ce qu’est une diaspora3, ainsi qu’un principe de

catégorisation, afin de différencier les types de diasporas qui peuvent être « victim

diasporas », « labour and imperial diasporas », « trade diasporas », ou enfin, « cultural

diasporas »4.

Cependant, cette catégorisation semble trop générale, dans la mesure où certaines catégories

de diasporas pourraient être divisées en sub-groupe, comme par exemple les « victim

diasporas », qui ont effectivement été victimes de catastrophes naturelles, ou de violences, ou

de guerres civiles, ou de génocides, ou même être des descendantes de la période de

l’esclavage.

Une seconde dimension primordiale qui semble négligée dans l’analyse de Cohen est le

rapport au pouvoir, dans le pays d’accueil. La plupart des diasporas ont à faire face à des

problèmes d’intégration, d’exclusion et de discrimination.

Les travaux de Safran (1991) qui ont influencés l’analyse de Cohen ont en un sens bien

intégré cette notion de rapport de pouvoir dans le territoire d’accueil. Safran établit quatre

critères essentiels pour la définition de toute diaspora :

-Une population dispersée

-Une mémoire collective (au sens d’un mythe)

-Des croyances et cultures pas complètement acceptées dans le pays d’accueil

-Une terre d’origine idéalisée, avec un mythe du retour (pas forcement vécu, mais imaginé)

Il ajoute à ces quatre critères la nécessaire mobilisation de la communauté dans le maintien, la

sauvegarde et la prospérité de leur culture commune.

L’analyse de Brah (1996) apporte un dernier élément incontournable pour la définition d’une

diaspora à l’ère de l’information et de la communication. Selon lui, l’idée d’une origine fixe et

3 : traduction :

1-Départ d’une terre d’origine, souvent traumatique, dans deux pays étrangers au minimum. 2-Départ souvent déterminé par des objectifs économiques, de commerces ou toute autre opportunité. 3-Une mémoire collective de la terre d’origine, par rapport à l’histoire et à la construction de la nation. 4-Une idéalisation de la terre ancestrale, ainsi qu’un engagement collectif pour son entretien, sa restauration,

son dynamisme et même sa continuelle création. 5-Des retours réguliers qui entretiennent cette conscience collective. 6-Une conscience ethnique fondé sur une longue période de différentiation, d’histoire commune, et la

croyance dans une destinée commune. 7-Des relations problématiques avec les sociétés d’accueils, en raison du manque de reconnaissance, qui

mettent les groupes continuellement sous pression. 8-Relations et solidarités avec les autres membres de la diaspora installés dans d’autres pays. 9-La possibilité d’une vie créative et enrichissante dans le pays d’accueil, avec une grande acceptation du

pluralisme. 4 : diasporas de victimes, diasporas intellectuelles du travail, diasporas commerciales, diasporas culturelles.

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d’une « communauté homogène » est erronée. Il considère l’appartenance diasporique

comme un mélange, sorte d’amalgame fait entre individus dont les croyances peuvent

diverger, dans le temps et dans l’espace. C’est par cette hétérogénéité que le groupe sera apte

à évoluer, continuellement produire et reproduire son identité, afin de s’adapter dans des

situations de relocalisation et de mixité culturelle. En d’autres termes, c’est la diversité du

groupe dans le temps et dans l’espace qui va permettre d’assurer son adaptation à des

environnements constamment fluctuants, et ainsi assurer sa continuité.

A travers le travail de ces quatre auteurs, nous avons établi un ensemble de douze critères, à

partir desquels nous nous appuierons pour définir une diaspora :

-1 : Un groupe de personnes dont une partie des ancêtres ou eux même ont été dispersés de

la terre d’origine.

-2 : Cette dispersion s’est faite dans plus d’un pays étranger, en ce sens elle est

transnationale.

-3 : Une histoire commune au sens fort par rapport aux raisons de la dispersion (guerre,

famine, pauvreté, génocide).

-4 : Une mémoire collective de la terre natale, sorte d’idéologie, d’imagination commune.

-5 : Un mythe du retour qui soit plus imaginé que réellement désiré.

-6 : Des relations contradictoires avec les membres de la famille restés au pays. Du fait de

leurs nouvelles expériences et de leur nouvel environnement, ils sont différents, laissant

apparaître certaines tensions.

-7 : Une intégration difficile et trouble dans la société d’accueil, où ils font souvent face à

des menaces d’exclusions.

-8 : Une solidarité et une appartenance aux autres fractions de la diaspora, formant une

« communauté virtuelle ».

-9 : Cette « communauté virtuelle » devenant à la fois décentralisée, et multi centralisée.

-10 : Il n’y a ni origine, ni destination fixe, l’identité diasporique se formant dans la

mobilité avec pour corollaire le fait d’être d’ici, de là-bas, et d’entre les deux.

-11 : Le rôle des médias et des TIC est devenu central dans l’image et l’imaginaire d’une

appartenance qui se perpétue.

-12 : La communication, la virtualité et la croissante mobilité sont responsables de la co-

existence d’un espace vécu de la diaspora au niveau local, national, et transnational.

Afin d’être plus synthétique, voici une définition du terme de « diaspora », à laquelle nous

nous référerons tout au long de ce travail :

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Un ensemble de relations vécues ou imaginées entre personnes d’origine commune

géographiquement éparpillées, qui par la communication et l’échange parviennent à

faire advenir une « hybridité », amalgame permettant d’atténuer la diversité et

d’encourager l’hétérogénéité au sein du groupe en question. C’est en ce sens qu’un

membre d’une diaspora n’est pas nécessairement migrant ; quelqu’un née dans le

pays d’accueil, dont le sentiment d’appartenance au groupe est entretenu, peut se

considérer comme membre nonobstant de cette « communauté », au même titre que

celui contraint de quitter son pays d’origine. L’appartenance diasporique est plus

imaginée que vécue, basée sur des croyances autant que sur de réelles expériences.

C’est par la continuelle reproduction à travers le temps et l’espace de cette

appartenance collective que le groupe existe.

Nous sommes face à une remise en cause profonde de cette notion dualiste très fréquente dans

les études sur les migrations, qui met l’accent sur des phénomènes d’assimilation, et de perte

de racine, et qui ne semble plus s’appliquer au phénomènes actuels de la migration.

Aujourd’hui, une diaspora se définie par la multitude de ces points de départs, de destinations,

une mobilité constante et un dynamisme, autant d’élément lui permettant de s’adapter à des

environnements réels tout en gardant un sentiment d’appartenance entretenu dans un espace

virtuel.

L’existence de ces réseaux d’appartenance transnationaux met en valeur le dépassement des

frontières spatiales. A l’inverse, l’identité, dans une conception classique, se rattache très

souvent à une appartenance territoriale. Les membres d’une diaspora se reconnaissent dans un

espace déterritorialisé, dans le sens où ils construisent leur identité dans un espace virtuel, où

les notions d’image et de mémoire communes sont primordiales (la représentation de la terre

d’origine comme base de leur identité est idéalisée et matérialisée, mais pas obligatoirement

vécu). Chaque individu se retrouve intégré dans un environnement particulier. Eloignés

géographiquement les uns et des autres, mais inter reliés dans cet espace déterritorialisé qu’est

le Net, ils peuvent entretenir des rapports de proximités.

C’est essentiellement à ce niveau que les TIC ont un impact énorme sur l’organisation des

diasporas. Les outils de communications jouent un rôle d’articulation entre des espaces

éloignés, mais virtuellement liés et interpénétrés. Ce qui remet considérablement en cause les

notions de frontières fixes entre deux mondes distincts et imperméables l’un de l’autre, entre

des identités propres à chaque environnement. Un migrant peut se sentir intégré dans son pays

d’accueil (échelle locale), construire son identité par rapport à des images et des croyances

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collectives concernant son milieu d’origine, et entretenir ce sentiment d’appartenance par la

communication et l’échange avec d’autres membres de la diaspora géographiquement

dispersés (échelle transnationale).

2) Londres : un terrain particulièrement pertinent pour cette problématique

(voir carte n°1 page 17).

Carte n°1 : Carte de l’agglomération londonienne (extraite du site : www.quid.fr//monde).

Dans la présentation de ma démarche de travail, je vais donner une vision de mon

approche du terrain d’étude qui est Londres. Quelques informations concernant cette ville

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permettrons de mieux situer les minorités et de mieux contextualiser leurs organisations.

Ensuite, nous nous concentrerons sur l’approche du terrain, et sur les populations étudiées ;

tout en essayant de faire ressortir les méthodes entreprises pour entrer en contact avec les

communautés de migrants. Il s’agira par la suite de se concentrer sur les entretiens réalisés sur

le terrain ; de la progressive construction des guides d’entretiens, jusqu’aux choix de

retranscriptions intégrées dans les annexes. Enfin, je retracerai l’approche bibliographique du

sujet d’étude, en essayant de faire ressortir les méthodes de lecture entreprises afin d’arriver à

une littérature précise concernant les questions étudiées.

Commençons cette partie de méthodologie en nous focalisant petit à petit sur le quartier

d’Hackney dans lequel j’ai réalisé ce travail. Celle-ci servira à montrer mes premières idées

sur Londres, qui ont initialisé ce travail ainsi que les différentes caractéristiques du pays et de

cette ville qui l’ont orienté.

Le choix du terrain d’enquête s’est essentiellement dessiné en rapport à deux éléments

représentatifs de la Grande-Bretagne.

Tout d’abord, en tant qu’ancien pays colonisateur, la Grande-Bretagne représente depuis les

années 1850 une terre d’attraction privilégiée pour les migrants. En effet, depuis la révolution

industrielle, les flux migratoires en direction de ce pays sont importants, offrant un choix très

large vis-à-vis des communautés à étudier. Bien que les politiques d’immigration en

Angleterre soient depuis quelques années bien plus restrictives (régularisation des sans

papiers…) et indépendantes des directives européennes concernant l’espace Schengen ; c’est

une terre qui reste particulièrement marquée par une importante population d’origine

étrangère (« Commonwealth »). Ce point rejoint ainsi le deuxième paramètre déterminant dans

le choix du terrain : l’Angleterre pouvait sembler, vu de France, comme un pays avec un haut

niveau d’intégration et de multiculturalisme. Le contexte de « multi ethnicité » résultant du

besoin de main d’œuvre immense au lendemain de la guerre, a poussé tout naturellement les

britanniques à se tourner vers le vaste réservoir du « Commonwealth », un élément clef pour

analyser la vie des minorités sur le sol anglais. La diversité des langues et des religions

reconnues dans la législation anglaise contraste parfaitement avec le système républicain

français basé sur la laïcité, ou le système allemand sur la consanguinité (Kastoryano, 2004).

Dans ce contexte culturel très diversifié, les phénomènes de racisme et d’exclusion sociale

s’expriment différemment.

Dans le cadre de cette recherche mettant en interrelation les comportements des migrants sur

les trois échelles d’analyses qui sont locales, nationales et transnationales ; l’Angleterre

représentait le terrain le plus approprié afin de comprendre les comportements des migrants au

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niveau local et national, dans lequel ils sont intégrés, tout en élargissant mon objectif sur les

connexions qu’ils entretiennent à des échelles plus petites.

Afin d’être plus précis, ciblons maintenant cette présentation générale sur Londres, ville

dans laquelle s’est établie cette recherche. Dans le but de faire ressortir la concentration de

minorités établies à Londres, nous nous appuierons sur un seul chiffre : en 2001, sur trois

millions de minorités ethniques recensées en Angleterre, un million et demi sont à Londres

(Georgiou, 2002 [b]). (Voir carte n°2 page 20).

Au sein de l’ensemble des minorités, la « communauté » noire africaine ne représente que 0,3

pourcents des groupes recensés en 2000, composée essentiellement de minorités originaire

d’Angola, d’Egypte, d’Erythrée, du Ghana, de Gambie, du Kenya, du Nigeria, de Sierra

Leone, de Tanzanie, et du Togo ; les ghanéens représentant le groupe le plus important avec

291 000 membres, (Georgiou, 2002 [b]).

Les premières observations sur le terrain, ainsi que certaines lectures, notamment Myria

Georgiou qui a beaucoup travaillé sur les notions d’identité et d’intégration des minorités en

Angleterre, ont permis de remettre en cause cette idée qui décrit l’Angleterre comme un pays

de multiculturalisme « institutionnalisé ».

A partir de mes analyses élaborées avant de commencer les recherches sur le terrain, j’ai

décidé de travailler sur une communauté « noire » vivant à Londres.

a) La présentation du terrain d’étude : De l’Angleterre au cybercafé

« d’Hackney.com ».

Les modes de recensement des minorités établis en 2001 étaient basés sur des notions

de races, ce qui regroupe souvent des migrants d’origines nationales différentes dans une

même minorité ethnique. La NACEM (« National Advisory Council for Ethnic Minority »5),

un organisme chargé de l’intégration, du recensement et de la défense des droits des

minorités, reflète parfaitement ce travers de généralisation sur les différentes cultures

africaines présentent à Londres. La plupart des études issues de cet organisme sont basées sur

des enquêtes et des analyses réalisées auprès des élites de chaque minorité. La majorité des

5 : traduction : Conseil National des Minorités Ethniques

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Carte n°2 : La répartition des communautés noires Africaines à Londres (extrait de « the Guardian »

21/01/05 : « The world in one city »).

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communautés peu intégrées, et donc isolées sur le sol londonien, n’est pas pris en compte

dans ces analyses. Ainsi, les résultats ne sont que partiellement représentatifs de la réalité

ethnique de cette ville. Les élites en question, souvent présentes depuis plusieurs générations

en Angleterre, et de ce fait intégrées institutionnellement et aussi culturellement, se

définissent plus comme étant anglaises (bien que revendiquant toujours leur appartenance à

leur pays d’origine). L’intégration en question se rapproche donc plus d’une assimilation des

élites qui sont minoritaires, ont réussies leur implantation, et ont leur place dans la société ;

une masse importante des minorités ethniques étant encore dans des situations précaires au

niveau de l’intégration « socio-institutionelle ».

Cette vision de Londres comme étant une ville de grande mixité culturelle n’est vrai qu’en

apparence. Après un mois d’observation, j’ai remarqué l’existence de quartiers à dominance

communautaires, bien qu’au sein de ceux-ci, se mélangent différentes nationalités (issues d’un

même continent). Des endroits comme Whitechapel à l’ouest de Londres, à dominante

essentiellement pakistanaise et indienne ; ou Brixton, au sud, plus caraïbes ; ou encore

Hackney, au nord est, essentiellement africain, sont caractérisés par des situations de

regroupements communautaires très marquées. Le contexte est sensiblement différent en

France, où les banlieues ont une autre façon de rassembler les minorités. En effet, les cités

HLM regroupent l’ensemble des populations en situation précaire, essentiellement issues de

l’immigration.

Après avoir visité quelques quartiers de Londres majoritairement « noirs africains »,

comme Stroud Green Road, Canning town, Tottenham, Wembley central (« West African »),

je me suis focalisé sur le quartier d’Hackney, au nord-est de Londres, pour deux raisons

essentielles : la première, d’ordre pratique, réside dans le fait que ce quartier n’était pas très

excentré, ainsi je pouvais m’y rendre plus facilement et plus régulièrement. Ensuite, après

avoir rencontré quelques personnes dans différents quartiers avec qui le contact à été un peu

difficile, et les enquêtes très peu concluantes, il semblait tout naturel d’approfondir mes

enquêtes à Hackney afin de pénétrer réellement au sein de la vie communautaire dans ce

quartier.

Malheureusement, peu de photos ont put être prises dans le site choisi. Afin de donner un

aperçu visuel de mon terrain d’étude, je tenterais d’en rendre compte essentiellement à travers

l’analyse pour essayer de donner l’image la plus juste de ce lieu si peu ordinaire : le

cybercafé.

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b) L’approche du terrain et des populations : entre prise de contact et

observation.

Les trois premiers mois sur le terrain, de octobre à janvier, ont été infructueux. J’ai

commencé par chercher à obtenir des rendez-vous avec des migrants dont on m’avait fourni le

contact. Cependant la fixation de rendez-vous avec des personnes occupées tous les jours à

cumuler les emplois pour simplement survivre s’est avérée très aléatoire.

Ensuite j’ai choisi de partir dans les quartiers à dominante africaine, avec le guide d’entretien,

pour essayer de trouver des personnes dans la rue, les cafés ou les marchés, prêtes à donner de

leurs temps et à répondre à mes questions. Deux sorties à Brixton et à Tottenham furent

infructueuses. Le profil type de migrant que je recherchais, à savoir, d’origine africaine et

utilisateur d’Internet ne courait pas les rues. D’autant plus que les gens n’étaient pas du tout

réceptifs à ma manière d’aborder des sujets assez approfondis avec un inconnu. Le sujet

d’étude ne semblait pas les mettre à l’aise. J’ai donc remis en cause cette méthode trop

directe, et opté pour une autre approche de ces communautés.

Pendant les deux mois suivant, j’ai adopté une méthode d’approche que je qualifierai de

« prise de contact ». Au côté de deux étudiants ghanéens résidant à Hackney, rencontrés à

University College of London (où j’étais moi-même inscrit), j’ai pu dévoiler mes désirs de

rencontrer d’autres membres de cette minorité, et plus particulièrement d’entrer dans leur

« milieu ». Du fait de cette étiquette d’étudiant que l’on avait en commun, le contact s’est fait

relativement naturellement, sans crainte de leur part concernant ma position de « chercheur ».

Ainsi, la peur inhérente à toute population en situation précaire s’est progressivement effacée.

J’ai enfin pu rencontrer différentes personnes d’Hackney avec qui ils résidaient, et donc

appréhender de manière plus précise le sujet de recherche.

Cibler le travail d’enquête sur un public plus précis, et trouver un moyen de rencontrer des

gens dont l’usage d’Internet faisait parti de leur quotidien, représentait l’étape suivante. J’ai

donc entrepris un tour d’horizon des cybercafés fréquentés par des membres de

« communautés » africaines que j’avais préalablement rencontrés.

Finalement, j’ai choisi de me concentrer sur le cybercafé « Hackney.com »6, dans lequel j’ai

passé des journées à « surfer » sur des sites de diasporas africaines comme « Diastode »7 (voir

6 : J’ai changé le nom du cybercafé étant donné que je parle dans ce travail, de pratiques illégales de la part des migrants dans Hackney.com. 7 : www.diastode.org : Réalisé à l’initiative de membres de la diaspora, et destiné essentiellement aux communautés vivant à l’étranger, ce site fait office de guide pour le migrant togolais, il peut y faire des rencontres, trouver du travail, s’informer sur la situation dans son pays, entrer en contact avec différentes associations dans le monde travaillant sur des sujets qui touchent la communauté migrante togolaise.

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la capture d’écran n°1 page 248), ou encore, des sites d’informations afférents à différents

pays d’Afrique noire. L’objectif de cette prise de contact avec le public a permis de faire

ressortir une minorité sur laquelle j’allais établir mes analyses. Le contact s’est vite établi. Le

simple fait de poser quelques questions au sujet de l’actualité concernant des pays respectifs a

souvent poussé les gens à se livrer plus facilement. Qualifions cette approche de « passive »,

dans le sens où je n’allais pas directement vers les gens, guide d’entretien en main, pour

interroger le premier venu au sujet de mon travail, mais au contraire j’ai adopté une attitude

intéressée mais relativement discrète. Au fur et à mesure, les gens ont commencé à me

connaître dans le cybercafé, le contact est donc devenu plus direct et plus facile.

De plus, je suis arrivé à Londres avec une connaissance de l’anglais très scolaire, et donc

essentiellement écrite et littéraire. L’apprentissage de l’anglais en France ne met que très peu

l’accent sur l’application orale des connaissances, c’est pourquoi la période d’acclimatation à

la langue a été longue. Les premiers contacts étaient donc très limités, les discussions

n’étaient pas réellement en rapport avec le travail en question, mais au contraire très

personnelles, au sujet de nos vies respectives, et de l’actualité ; une sorte de moyen de

travailler l’expression et la compréhension de l’anglais au contact des personnes qui feraient

plus tard l’objet de mes entretiens.

Cette approche, plus amicale que « scientifique », a été très concluante, dans le sens où j’ai pu

établir des relations de confiance, avec des gens qui se livraient de façon sincère, sans trop de

tabou. Au bout d’un mois et demi de fréquentation, le travail d’entretien a réellement pu

débuter dans ce cybercafé.

La démarche s’est donc décomposée en trois principaux temps :

-1 : La « prise de contact » : phase durant laquelle j’ai multiplié les rencontres diverses, afin

de cibler le public qui me paraissait le plus approprié pour le travail de terrain.

-2 : L’approche « passive » : l’arrivé dans le cybercafé comme individu anonyme intéressé, et

ouvert à toute discussion. L’installation à un poste et le « surf » sur des sites d’actualités

africaines, facilitant le contact.

-3 : La création de liens amicaux : après plusieurs semaines passées dans le cybercafé

« Hackney.com », les multiples rencontres m’ont progressivement intégré dans le cercle

relationnel de ce lieu.

8 : Pages de sites Internet à partir du logiciel « capturino 1.4 ».

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Capture d’écran n°1 : Deuxième page de « Diastode » : présentation des domaines d’informations du site, extrait

du site « www.diastode.org ».

Après un mois passé dans ce cybercafé, il était toujours difficile de discerner une

« communauté » en particulier, sur laquelle j’entreprendrai mes recherches. La plupart des

migrants étaient dans une situation sociale précaire, les poussant à étendre leur champ

relationnel à des individus de diverses nationalités, pour pallier aux lourdes et laborieuses

démarches institutionnelles d’intégration.

Ce phénomène était très présent à « Hackney.com », où j’ai vu des migrants venant de

différents pays d’Afrique noire communiquer, s’entraider, et même emménager ensemble afin

de partager leurs expériences et rendre ainsi plus facile leur installation dans la société

anglaise. Il s’est donc agit de remettre en cause les objectifs de départ, et d’axer la recherche

au niveau local, dans ce cybercafé, auprès de migrants venant de différents pays.

Bien que ce choix ne mette pas en valeur l’organisation d’une minorité en particulier, il a

permis de centrer l’analyse sur la fréquentation très hétérogène de ce cybercafé, et de faire

ressortir la solidarité qui s’installe parmi les clients, dépassant le fait de communautés isolées,

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à l’écart les unes des autres. Nous développerons plus loin dans ce travail le phénomène de

solidarité intercommunautaire.

En parallèle à ce développement de relations avec les clients « d’Hackney.com », j’ai passé

l’essentiel du temps à observer. J’ai prêté une attention particulière à noter les relations que

les gens entretenaient, les liens qu’ils tissaient entre eux, afin d’avoir un point de vue peu

impliqué, et comprendre plus simplement le fonctionnement interne à ce cybercafé. Cette

démarche a permis de préparer les entretiens tout en connaissant un minimum l’organisation

et le fonctionnement de ce terrain d’enquête. C’est aussi à travers cette approche que j’ai pu

me rendre compte de la solidarité et de l’entraide qui caractérisait « Hackney.com ». J’ai

parfois passé cinq à six heures, assis au même poste à simplement me balader sur des sites

Internet, tout en restant très attentif à ce qui se passait autour de moi. Il m’est même souvent

arrivé de prendre des notes sur des anecdotes qui m’interpellaient ou des activités annexes qui

s’organisaient. Cette phase d’observation a été essentielle pour mon analyse dans la première

partie thématique, concernant le cybercafé d’Hackney.

c) Réalisation, retranscriptions, et utilisation des entretiens.

• Construction des supports pour la réalisation des entretiens.

La création de mon guide d’entretien a été très longue à se dessiner de façon

définitive, les premières versions n’étant pas concluante.

Au début, j’ai en fait établi mes entretiens par rapport à mes premières lectures, avant de

réellement me retrouvé impliqué avec les communautés de migrants. Les premières sorties à

Brixton ont été un vrai échec. Bien que je n’avais pas vraiment réussi à établir un échange

avec les individus interrogés, je n’ai pas tiré de conclusions trop rapides sur la qualité de mon

guide. Cependant, après quelques premiers essais à Hackney, j’ai compris que mes questions

étaient d’une manière générale, bien trop affirmatives. En fait, je sous-entendais les réponses

que j’attendais dans la formulation de la question, et indirectement, j’exposais mon avis

personnel, ne donnant pas à la personne interrogée la liberté de s’exprimer.

C’est pourquoi j’ai décidé de retravailler mon guide d’entretien, et de le rendre plus objectif,

sans trop faire ressortir mes attentes et idées concernant le sujet. Avec ce nouveau guide

comme support j’ai commencé à enregistrer des entretiens de manière plus régulière et

efficace, c’est à ce moment que j’ai choisi d’utiliser ce guide comme support, en raison des

résultats plus intéressant que j’avais avec les personnes enquêtées.

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Pour mes derniers entretiens enregistrés, je ne me servais de mon guide qu’uniquement pour

réorienter une personne qui commençait à trop s’écarter des thématiques sur lesquelles je

voulais travailler. Par cette méthode, j’ai pu obtenir des informations sur les nouvelles pistes

que je pouvais exploiter dans mon analyse. Le fait de laisser la personne s’exprimer tout en le

canalisant dans les domaines auxquels je m’intéressais s’est avéré très efficace, d’autant plus

que mon attitude paraissait plus naturelle, celle de quelqu’un qui partage une discussion, plus

qu’un enquêteur qui baisse les yeux sur ces papiers toutes les deux minutes, sous forme

d’interrogatoire. J’ai placé en annexe mes deux guides d’entretiens, afin de montrer en quoi

j’avais changé ma méthode d’approche des populations interrogées.

Pour donner un aperçu chiffré de mon travail d’enquête dans ce cybercafé, je vais maintenant

exposer brièvement le nombre d’entretiens réalisés et les origines de chacun des sujets. J’ai

donc, en l’espace de deux mois réalisé vingt-trois entretiens, six avec des ghanéens, quatre

avec des nigérians, quatre avec des togolais, quatre avec des congolais, trois avec des

érythréen, un avec un kenyan, et un avec un tanzanien. L’ensemble de cette échantillon de

sondé étant résidents à Hackney, originaire d’Afrique noire, et client régulier du cybercafé

« Hackney.com ». Afin d’avoir un aperçu représentatif et global de mon public, j’ai fais

attention de travailler avec des femmes comme des hommes, des nouveaux arrivant et des

étrangers nées sur le sol anglais, des personnes au statut social différent (étudiants, ouvriers,

employés, vendeurs sur les marchés…) ainsi que des gens de tout âge (voir tableau n°1 page

27).

A côté de ce guide d’entretien, j’ai essayé de pallier aux difficultés que je rencontrais pour

obtenir des informations statistiques sur la fréquentation d’« Hackney.com », sur les heures de

connexions, les sites majoritairement fréquentés, les attentes des clients, leurs relations avec le

patron…etc. J’ai donc voulu réaliser un questionnaire, qui m’aurait donné des chiffres précis

sur ce cybercafé et sa clientèle, en ayant un échantillon relativement représentatif de

l’ensemble de la clientèle. Cette méthode n’a pas réellement fonctionné, essentiellement parce

que l’échantillon de sondés était vraiment trop faible pour donner un aperçu statistique

pertinent.

J’ai donc choisi de m’orienter essentiellement sur le vécu des clients, leurs relations

dans le pays d’accueil et leurs modes d’intégrations dans la société anglaise. Par la mise en

commun des expériences concrètes de chaque personne entretenue, j’ai abouti à des

phénomènes massifs, qui caractérisent la plupart des gens interrogés.

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Tableau n°1 : présentation des 23 individus choisis pour les entretiens (Stebig Jonathan).

Noms des

enquêtés

Ages Sexe Origine génération du

migrant

Statut social

Michael

32 M Ghana 1ère génération Gérant « d’Hackney.com »

Karim 21 M Ghana 1ère génération Travailleur informel

Alex 21 M Ghana 2ème génération Etudiant à UCL

Linsey 20 F Ghana 2ème génération Etudiant à UCL

John 16 M Ghana 2ème génération High school à Hackney (Lycéen)

Sandy 25 F Ghana 2ème génération Vendeuse à H&M

Yomi 26 F Nigeria 1ère génération Caissière et peintre

Laolu 24 M Nigeria 1ère génération Etudiant en anglais

Temi 42 M Nigeria 1ère génération Stand de repas à Camden Town

Scheni 50 F Nigeria 1ère génération Employée à KFC (fast food)

Samuel 28 M Congo 1ère génération Commerçant (marchés)

Faida 43 F Congo 2ème génération Employée à HSBC (banque)

Christine 19 F Congo 2ème génération Etudiante à SOAS

Christian 33 M Congo 1ère génération Employé chez Mac Donald

Salomon 28 M Togo 1ère génération Etudiant en anglais + cours

d’informatique

Faure 26 M Togo 1ère génération Etudiant en anglais

Akosse 38 F Togo 1ère génération Commerçant (marché)

Kossi 65 M Togo 2ème génération Retraité

Faytinga 27 F Erythrée 1ère génération Vendeuse à Tesco

Gavin 14 M Erythrée 2ème génération High School à Hackney

(Lycéenne)

Sénamé 25 M Erythrée 1ère génération Conducteur de pousse-pousse

(vélo pour touristes)

Wilson 35 M Kenya 2ème génération Caissier

Claudia 24 F Tanzanie 1ère génération Commerçante (marché)

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• Retranscription des entretiens.

J’ai choisi de retranscrire en annexe deux entretiens dans lesquels j’ai sélectionné

les passages qui me semblaient les plus pertinents pour donner des exemples concrets dans

mes parties d’analyses thématiques. Dans un soucis de mettre en valeur les différents points

que je voulais aborder dans mon travail, j’ai choisi l’entretien avec un migrant qui fait les

marchés, et est très impliqué dans les réseaux de commerces « informels » ; un étudiant très

impliqué dans la situation politique de son pays. A côté de ces deux entretiens, j’ai aussi

retranscrit de brefs extraits que j’ai cité dans mon analyse, notamment celui du gérant

« d’Hackney.com », qui m’a exposé sa conception de son lieu de travail, à savoir mon lieu

d’enquête. Durant tout ce travail, je vais utiliser au total huit entretiens.

Pour la plupart, ils ne figurent pas en intégralité afin de ne pas encombrer ce mémoire

d’éléments impertinents. J’ai donc condensé mes notes, et gardé les passages qui m’ont

permis de faire ressortir les éléments thématiques à étudier.

Sur ces huit retranscriptions, j’ai choisi quatre nigérian, un togolais, un somalien, un

congolais, tous des clients « d’Hackney.com », et le gérant, Michael qui est d’origine

ghanéenne.

Les entretiens retranscrits ayant été réalisés à des périodes différentes de l’année, ils donnent

une vision de l’évolution de mon guide, et de ma façon de l’utiliser. C’est pourquoi j’ai choisi

de dater mes entretiens, pour donner un aperçu rapide de l’évolution de ma façon d’aborder

les personnes interrogées.

La retranscription de toute mes enquête est en anglais, dans un souci de ne pas partir dans des

traductions qui risqueraient de déformer la véritable signification de ce que j’ai pu entendre.

• Utilisation des entretiens dans l’analyse thématique.

Dans mon travail de rédaction, j’ai utilisé les retranscriptions souvent comme la

base de mon travail. Mes hypothèses de départ étant confirmées ou réfutées par les attitudes et

expériences personnelles et collectives des clients de ce lieu. Chaque partie dans ce mémoire

est construite selon cette configuration.

En fait, partant de cas concrets et particuliers, j’ai fait ressortir des phénomènes généralisables

à l’ensemble de la communauté migrante.

Les passages tirés des entretiens, les observations faites dans cet endroit, ainsi que les

anecdotes auxquels j’ai assisté, m’ont semblés être des exemples parfaits pour confirmer ou

étayer mes premières hypothèses.

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Dans l’analyse, les phrases des entretiens sont insérées en anglais. J’ai préféré utiliser les

passages pertinents sous leur forme originelle, et donner mes propres traductions et

interprétations des citations utilisées dans les notes de bas de page. Cette méthode permet de

se référer plus simplement aux annexes pour retrouver les passages choisis.

A partir de ces mises en commun de mes enquêtes de terrain, j’ai ajouté les

interprétations que j’en faisais, et émis des conclusions sur les phénomènes étudiés. Dans le

but d’appuyer ces analyses personnelles, un travail de recherche bibliographique a été

indispensable, afin de donner plus de pertinence et d’appui théorique à mes hypothèses et à

leurs applications sur le terrain.

d) Le travail bibliographique et la recherche d’appuis théoriques à mes analyses

pratiques.

Ma prospection bibliographique s’est décomposée en trois phases principales.

Tout d’abord, j’ai commencé par des lectures très larges, de manière à appréhender mon sujet

de manière précise. Ensuite, en parallèle aux premières approches du terrain, j’ai axé ma

recherche bibliographique sur les thématiques que je voulais approfondir. La dernière étape a

consisté à trouver des appuis théoriques à mes analyses pratiques, de manière à soutenir mes

analyses de terrain.

• La fixation des contours de mon sujet d’étude.

Cette phase a durée environ deux mois, de octobre à décembre, durant laquelle j’ai

essentiellement cherché à bien définir les termes centraux de mon travail. Cette première

approche du sujet s’est organisée en deux phases.

Dans un premier temps, j’ai fait des recherches dans les bibliothèques de Géographie à UCL

(mon université), mais aussi à SOAS (« School of Oriental and African Studies »), ainsi qu’à

LSE («London School of Economics »). Durant le premier mois, je me suis donc attaché à

définir le terme de diaspora, afin de comprendre sa construction, et les différentes conceptions

qui ont évolué au fil du temps (je consacre d’ailleurs une courte partie à la définition de ce

terme, qui représente le centre de mon analyse).

Cette phase m’a également permis de me familiariser avec le langage scientifique anglais sur

les migrations, et plus généralement la Géographie.

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Dans un second temps, je me suis focalisé sur le deuxième aspect central de mon sujet, à

savoir les TIC en Afrique. Cette période de lecture s’est faite durant les mois de novembre et

décembre, deux mois durant lesquels j’ai mis l’accent sur l’étude de l’implantation d’Internet

en Afrique, l’usage, les opportunités pour le continent et ainsi de suite. Deux supports m’ont

beaucoup apporté dans cette recherche :

La bibliothèque de SOAS, spécialisé sur les questions de développement dans les continents

asiatiques et africains m’a donné accès à une quantité importante de documents qui traitaient

de l’implantation des TIC sur le continent africain, et l’appropriation de l’outil par ses

populations.

En parallèle, j’ai trouvé le site Internet « www.africa’nti.org » (voir capture d’écran n°2 page

31), un site français qui travail exclusivement sur l’articulation entre les TIC et l’Afrique.

Dans ce portail, j’ai eu accès à une multitude d’articles, de conte rendus de colloques,

d’ouvrages, qui sont pour la plupart gratuits et libres d’accès (voir capture d’écran n°3 page

32). De plus, les différents liens de ce site m’ont très bien orienté, autant par les

bibliographies des différents auteurs, que par les liens Internet vers d’autres sites.

L’approche de mes termes de recherches, de manière relativement isolée l’un de

l’autre m’a donné une vision assez large des pistes à étudier. J’ai choisi d’étudier de manière

isolée la notion de diaspora, puis les TIC en Afrique afin d’élargir les différentes thématiques

que je pouvais aborder, et avoir une vision plus ou moins globale des axes vers lesquels je

voulais m’orienter.

• La définition des thématiques abordées.

Sur une durée d’à peu près deux mois, cette nouvelle étape s’est faite en parallèle à

mes premières approches de terrain concluantes. Deux phases me sont apparues comme

déterminantes dans la fixation de mes thématiques.

A partir de l’ensemble des pistes émanant du travail de balayage accompli à la fois à SOAS,

et sur Internet ; j’ai essayé de faire ressortir différentes thématiques qui me paraissaient

intéressantes à étudier. J’ai donc établi une première synthèse des notes prises sur l’ensemble

des ouvrages lus auparavant, de manière à orienter mon travail vers les différentes

thématiques que j’allais aborder sur le terrain. Plus qu’un apport théorique, cette phase de

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Capture d’écran n°2 : présentation générale des objectifs « d’Africa’nti », extrait du site « www.africa’nti.org ».

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Capture d’écran n°3 : exemples d’articles disponibles en ligne gratuitement sur « Africa’nti », extrait du site

« www.africa’nti.org ».

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lecture m’a permis de construire des hypothèses, et une problématique que j’allais développer

sur le terrain.

J’ai donc réalisé un premier travail de synthèse, dans lequel j’ai résumé mes premières

approches du terrain et exposé les différentes thématiques que j’allais aborder, tout en

cherchant à montrer en quoi mon travail s’inscrivait parfaitement dans une démarche

géographique. J’ai rendu ce travail à Mme Yveline Dévérin à Noël, qui m’a donné le « feu

vert ». J’ai entrepris, à Londres, l’approfondissement des axes de recherche que j’avais

choisis.

Au début du mois de janvier, j’ai obtenu un rendez-vous déterminant pour la poursuite de ce

mémoire. Par l’intermédiaire de Mme Dévérin, je suis entré en contact avec Dana Diminescu,

qui travail sur l’usage des TIC par les migrants, à « la Maison des Sciences Humaines » à

Paris (MSH). Elle m’a proposé de la rencontrer à Paris, au début du mois de janvier, afin de

parler de mon travail et des idées que je voulais aborder. Le courant est très bien passé, et bien

que l’entretien n’ait duré qu’une petite heure, j’ai pu lui exposer mes différentes hypothèses,

et les orientations que je voulais donner à mon étude. Sa grande connaissance en matière

bibliographique sur les questions de diaspora, de migration, et des TIC m’a apporté des appuis

théoriques essentiels, qui m’ont énormément servis par la suite. Ces lectures m’ont permis de

construire des hypothèses, et une problématique que j’allais développer sur le terrain.

• Les appuis théoriques de mon analyse pratique.

C’est sur cette troisième phase d’environ quatre mois que j’ai réalisé l’essentiel de

mon travail de terrain, me permettant de mettre en relation les écrits théoriques avec mes

entretiens à « Hackney.com ».

J’ai tout de suite exploré l’ensemble des pistes bibliographiques que m’avait conseillé Mlle

Diminescu, en anglais comme en français.

J’ai pu visionner des colloques et séminaires en ligne, réalisés par Dana Diminescu et son

équipe de recherche, mais aussi des entretiens avec Riva Kastoryano ; accéder via le Net à des

articles de Myria Georgiou, et d’Alain Tarrius ; trouver des ouvrages dans les bibliothèques

de ces différents auteurs ; élargissant ainsi mon support bibliographique à des documents très

précis, axés sur mes thématiques de recherche. C’est essentiellement avec l’appui des travaux

de ces auteurs que j’ai pu aborder mon sujet en remettant en cause certaines notions de

Géographie concernant les migrations, qui sont aujourd’hui dépassées en raison de

l’introduction des TIC dans ces communautés.

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Dans un même temps, Dana Diminescu m’avait donné l’adresse email de Myria Georgiou,

professeur à LSE, travaillant également sur les usages des TIC par les migrants, mais dont le

terrain d’étude est plus centré sur les migrants à Londres. Bien que n’étant pas vraiment

intéressée par « les communautés noires africaines », mais plutôt par les chypriotes, et les

communautés asiatiques, ce contact m’a permis de mettre directement en rapport mon travail

de terrain avec les nouvelles notions de Géographie concernant les migrations, et donc

d’articuler mon terrain avec mes lectures.

En conclusion, je voudrais revenir sur mon choix de me focaliser sur l’étude d’un lieu, le

cybercafé, plutôt que de m’axer sur l’étude d’un groupe de migrants de nationalités

semblables, établi dans un quartier. Cet aspect très ouvert de mon analyse concernant les

personnes est toutefois très en rapport avec mon sujet. Mon terrain virtuel rend difficile une

approche très géographique, au sens d’une étude basée sur un support physique. Dans ce

mémoire, j’ai donc voulu mettre en rapport cet espace hyper localisé, à savoir le cybercafé

« d’Hackney.com », un lieu à partir duquel les migrants ont accès à un espace virtuel,

déterritorialisé, dans lequel ils entretiennent des relations avec des espaces physiques

géographiquement éloignés, mais interconnectés dans ce système de réseau. A partir du

cybercafé, j’ai donc pu mettre en relation mes différentes échelles d’analyses, à la fois locales,

le cybercafé étant un lieu de rencontre, d’échange interethnique et de solidarité dans l’espace

d’accueil, mais aussi le moyen d’accès à un réseau virtuel transnational, dans lequel le

migrant est connecté à la fois avec les autres places de la diaspora, ainsi qu’avec son pays

d’origine. Pour mettre en valeur cette articulation des différentes échelles d’implication du

migrant, j’ai choisi, dans les différentes parties thématiques de mon travail, de réaliser des

schémas qui mettent en formes ces coordinations.

Pour terminer cette partie méthodologique, je voudrais mettre l’accent sur l’organisation de

mon travail. J’ai choisi dans un premier temps de balayer l’ensemble des pistes de recherches

autour de la question des TIC et des diasporas. Ensuite, après avoir déterminé mes axes de

recherches, j’ai entrepris un travail de terrain qui m’a permis de comprendre les usages des

TIC par les migrants, à partir des expériences concrètes des clients « d’Hackney.com ». Enfin,

j’ai choisi de me concentrer sur les phénomènes qui sont le plus souvent ressortis de mes

enquêtes de terrain, et d’appuyer mes analyses par les études théoriques de certains auteurs

clef9, qui ont travaillé sur des questions similaires dans d’autres terrains.

9 : Dana Diminescu, Myria Georgiou, Riva Kastoryano, Alain Tarrius, Michel Elie (cf. Annexe 1 : bibliographie)

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III) Analyses thématiques.

1) Le cybercafé comme lieu de solidarité et d’intégration sociale :

véritable carrefour de l’information.

Samuel est arrivé à Londres depuis seulement un mois, il parle encore à peine l’anglais, et

n’a pas de logement. Bien que n’ayant que très peu de connaissances en informatique, c’est au

cybercafé « d’Hackney.com » qu’il passe beaucoup de son temps et qu’il rencontre

progressivement des gens et apprend à se servir des ordinateurs ; autrement dit, c’est ici qu’il

arrive, pas à pas, à se trouver une place dans la société anglaise. Salomon, lui est togolais, il

est à Londres depuis plusieurs années, mais il a pris l’habitude de venir régulièrement à

« Hackney.com », où il est très apprécié pour ses connaissances en informatique, il a

d’ailleurs mis en place une formation de trois heures hebdomadaires, pour les débutants, sur

les usages généraux d’Internet. Laolu, lui, est nigérian, il vit à Hackney et vient au cybercafé

afin de se tenir informer de l’investissement de l’argent qu’il envoi tous les mois dans son

pays ; il a pour désir de construire une maison à sa famille restée au pays, et il prend un soin

méticuleux à suivre la bonne évolution de ces travaux. Enfin, Yomi est une jeune artiste

nigériane, elle fréquente ce cybercafé à peu près tous les deux jours pour donner des nouvelles

à son compagnon resté au pays, via les emails ; en plus de cette mise en relation avec son pays

d’origine, elle expose ses peintures dans le cybercafé, qui sont mises en vente et donnent à cet

espace une personnalité très touchante. A travers ces trois exemples, nous pouvons constater

l’étendue des possibilités qu’offre la fréquentation d’un tel lieu. Moyen de rencontre avec les

autres clients, centre de formation en informatique, salle d’exposition, moyen de connexion

vers le pays d’origine, vers les autres parties du monde où les membres de la diaspora sont

établis, et bien d’autres pas encore énumérés. C’est en ce sens que le cybercafé devient pour

les migrants, bien plus qu’un simple lieu de consultation individuel de l’information, mais un

véritable centre « d’interaction communicative » (Flécha, 2002). Comme le résume

parfaitement le gérant de ce cybercafé, ghanéen, et lui-même issue de l’immigration : « of

course there are computers in this place, but what people is looking for is more than a basic

Internet connexion, it’s social exchange and integration »10.

Afin de bien rendre compte de l’étendue des fonctions de ce nouvel espace, et du rôle

qu’il joue dans la migration, je vais l’aborder à trois échelles d’analyses différentes. Tout

10 : traduction : bien sur qu’il y a des ordinateurs ici, mais les gens cherchent plus qu’une simple connexion Internet, ce sont des relations sociales et de l’intégration.

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d’abord au niveau local, c'est-à-dire à l’échelle du cybercafé, dans lequel s’organise une

véritable microsociété. Ensuite, à l’échelle transnationale, « Hackney.com » étant un des

moyens privilégiés par les migrants pour se connecter avec d’autres lieu d’établissement de

communauté. Enfin, je voudrais m’intéresser aux contacts que les migrants entretiennent avec

le pays d’origine, via Internet et les emails, ce que je considèrerai comme l’échelle nationale

(au sens de nationalité).

Etant donné que les fonctions de cet espace au niveau transnational et national vont être plus

approfondies dans les parties suivantes, je vais ici essentiellement insister sur la multitude de

fonctions que remplit ce lieu à un niveau très localisé.

a) « Hackney.com », un cybercafé aux allures de centre d’intégration et de

solidarité intercommunautaire.

Dans un souci de clarté, j’ai décidé de faire ressortir trois aspects (sensiblement liés les

uns aux autres), mettant particulièrement en valeur la personnalité de ce lieu (voir photo n°2

page 37).

-« Hackney.com » : un exemple de mixité culturelle.

C’est essentiellement ici que je me suis rendu compte de cet aspect multiculturel, très

caractéristique des populations migrantes en mal d’intégration. Je me suis d’ailleurs très

étonné de l’accueil et de l’enthousiasme avec lequel Karim, un nouvel arrivant, avait été reçu.

C’est pourquoi la notion de communauté, de culture, ou de langue natale perd quelque peu de

son sens dans un contexte comme celui là. Tous les migrants étant passés par une phase

d’adaptation plus ou moins difficile, ils semblent très conscients de l’importance que peut

représenter un premier contact, une attache à quelque chose dans un espace encore inconnu.

Michael, le gérant du lieu résume parfaitement cet aspect intercommunautaire : « I don’t want

to make my telecenter exclusively ghannean, or ethiopian. What I’m proud about is especially

this mixture. In a way, Hackney.com is a community, which overcomes all the different

cultural belongings »11. Cette apparente mixité culturelle n’est pas innée, elle émane d’un

désir de son propriétaire de développer un lieu qui serait plus qu’un simple moyen de

connexion à Internet, mais un espace d’ouverture culturelle, exemple de tolérance et d’écoute

pour les migrants. Dans bien d’autres cas, le migrant se retrouve face à une hiérarchie, des

11 : traduction : « je ne cherche pas à faire de mon cybercafé un endroit exclusivement ghanéen ou éthiopien. Ce dont je suis fier, c’est ce mélange. En un sens Hackney.com est une communauté, qui dépasse toute appartenance culturelle différente ».

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Photo n° 2 : intérieur du cybercafé « Hackney.com » (photo prise par Michael, le gérant).

préjugés, qui ne lui permettent pas d’être jugé en tant que personne, mais plutôt comme un

immigré. Mis à part des associations dont l’activité se concentre sur une communauté en

question, où le migrant pourra trouvé sa place, il existe très peu dans les société d’accueils,

d’espaces de socialisation interculturelle, où l’accès est libéré de tout jugement, et où toutes

les voix sont entendues. La façon dont Yomi décrit ce lieu est à mon sens très representative

du climat qui règne dans ce cybercafé: « Basically, what I found in this centre is more than a

way to communicate with my fellows home, I could have been any elsewhere. I found a real

way to express myself, to display my work, and to open my mind to other way of thought »12.

Ramon Flécha (2002) résume parfaitement cet aspect intercommunautaire qui règne dans

certain cybercafé : « La compréhension des réalités éloignées et l’entente entre cultures

différentes par le biais de nouvelles formes de dialogues qui voient le jour dans les sociétés

actuelles ».

-« Hackney.com » : un espace ouvert au dialogue, à l’entraide et à la solidarité.

« We can summarize what characterized Hackney.com in a word: solidarity »13. Voilà la

vision que Laolu a de ce lieu, et elle est partagée par la majorité des clients, qui sont là pour

plus que des conversations Internet, ils cherchent véritablement à créer du lien social, à

donner autant qu’ils reçoivent. Les échanges sont réciproques, tout le monde est curieux de

savoir comment le quotidien des uns et des autres se déroule, c’est un véritable centre

12 : traduction : « ce que j’ai trouvé dans ce cybercafé, c’est plus qu’un moyen de communiquer avec mon pays, j’aurais pu aller n’importe où pour ça. J’ai trouvé un moyen de m’exprimer, d’exposer mon travail et de m’ouvrir à d’autres façons de penser ». 13 : traduction : « on peut résumer ce qui caractérise Hackney.com en un mot : solidarité ».

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d’entraide entre migrants d’origines différentes, qui ont simplement besoin de partager leur

vécu, et de participer à une vie sociale dans leur pays d’accueil. Lorsque Yomi est entrain de

lire des nouvelles de sa famille restée au pays, un immense sourire se dessine sur son visage,

et elle regarde Michael (le gérant), avec des yeux étincelants de bonheur ; c’est alors d’un pas

décidé qu’il se précipite à son poste pour connaître la nouvelle. Yomi vient d’apprendre que

sa sœur a mis au monde un enfant, et Michael fait partager ce bonheur à l’ensemble des

personnes de la salle, moi y compris. Ce simple exemple pour montrer à quel point le

quotidien des clients « d’Hackney.com » est partagé ; la solitude à laquelle doit faire face le

migrant dans beaucoup d’autres contextes dans le pays d’accueil est ici bannie. Les gens

viennent pour partager du vécu, des choses simples, et pour se sentir entourés. Ainsi, toute

situation délicate peut être résolue par les compétences des autres. Samuel qui vient d’arriver

à Londres demande à Laolu de l’aide pour l’élaboration et l’envoi de ses CV afin de trouver

du travail. Karim, qui cherche un logement, est conseillé par Michael à propos de la visite de

sites Internet consacrés à l’offre de places en collocation…etc. La vitalité, le dynamisme et la

bonne humeur des clients diffusent une atmosphère communautaire, dans laquelle on oubli

facilement d’où l’on vient, et qui on est tout simplement. Les gens sont écoutés pour ce qu’ils

ont à dire, et pas par rapport à ce qu’ils représentent. C’est un espace « d’interaction

communicative » égalitaire (Flécha, 2002).

-« Hackney.com » : cybercafé dans son intitulé, bien plus dans ses fonctionnalités.

Enfin, en plus de ce caractère très solidaire et multiculturel, « Hackney.com » développe aussi

des fonctions parallèles, émanant du désir de son gérant qui attache une attention particulière

à diversifier les usages de son cybercafé, afin de faire de ce lieu un véritable point de chute

pour les nouveaux arrivants.

La plus importante, c’est la formation informatique hebdomadaire, 1h30 le mardi et le

dimanche de 18h30 à 20h, tenu par Salomon. En échange de ce service rendu par Salomon,

Michael lui offre des heures de consultations gratuites dans son cybercafé, ce qui souligne

encore le système d’entraide qui rend ce lieu si particulier. En un sens ces cours sur les usages

principaux d’Internet permettent à Michael d’attirer de nouveaux clients, et à Salomon de se

connecter gratuitement.

Afin de donner un peu de chaleur à son cybercafé, Michael a décidé d’accorder la décoration

à différents artistes, qui ont du mal à se faire connaître et vendre leurs œuvres ; ainsi, de

manière complètement libre, des artistes exposent leurs œuvres sur les murs du cybercafé, et

les mettent en vente. Yomi nous parle de cette fonction de « salle d’exposition » très

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simplement: « I know that it doesn’t represent a way for me to earn money or start a real

career, but I don’t care. That does enlighten the inside, attracts people’s eyes, and gives me

the opportunity to show my paints »14 (voir photo n°3, page 40).

De façon plus ponctuelle (à peu près une fois par mois), Michael organise des débats

concernant des sujets qui peuvent intéresser les clients. Sa conception est d’ailleurs

particulièrement ingénieuse. Le cours d’informatique va s’axer sur la recherche de documents

sur le Net concernant un sujet précis (par exemple, les politiques d’intégrations en

Angleterre). Les clients vont donc à la fois apprendre à balayer le Net pour obtenir des

informations particulières, puis un débat sera organisé pendant une heure, juste à la suite du

cours. Ces discussions structurées permettent ainsi d’échanger des opinions différentes où

toutes les voix sont entendues. Plus qu’un moyen de traiter de sujets d’actualités intéressant

les migrants, ces débats sont l’occasion pour certains nouveaux arrivants de travailler leur

expression, et leur compréhension de l’anglais.

Enfin, l’affichage concernant la tenue de séminaires à venir, de festivals ou de rendez-vous

culturels, embellit la porte d’entrée et la vitrine du cybercafé.

« Hackney.com » est bien plus qu’un simple cybercafé, c’est « une communauté » ouverte

vers d’autres cultures, dans laquelle la différence est un atout, et où la solidarité se fait sentir

dès les premiers instants. A un niveau très localisé, c’est un espace qui joue un rôle de « pré

socialisation », dans lequel le migrant peut être entendu, et où il peut tisser des liens qui lui

seront essentiels pour son intégration. Je voudrais citer ici Karim qui m’a dit une chose simple

mais pleine de sens: « We come to Hackney.com to be connected to the outside, and we left

the place seduced by the vitality and the happiness of the inside »15.

b) Le cybercafé : un centre décentralisé.

Au niveau transnational, le cybercafé est le centre à partir duquel les migrants vont pouvoir se

connecter avec les autres pays d’établissement de la diaspora. C’est dans ce lieu qu’ils vont

échanger leur vécu, et organiser les relations à distance avec leur communauté. C’est en ce

sens que le cybercafé devient en quelques sortes un support identitaire décentralisé pour les

diasporas.

14 : traduction : « Je sais que ce n’est pas un moyen de gagner ma vie ou de commencer une carrière, mais je m’en moque. Mes peintures illuminent le cybercafé, attirent les regards et cela me permet d’exposer mes tableaux ». 15 : traduction : « On vient à Hackney.com pour se connecter avec le monde extérieur, on en sort séduit par la vitalité et le bonheur de l’intérieur.

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Photo n°3 : peinture de Yomi exposé dans le cybercafé « Hackney.com » (photo prise par Michael).

-Un véritable carrefour de l’information.

Du fait des coûts relativement faibles, et de la facilité d’accès, le cybercafé est véritablement

« le point » par lequel transite l’essentiel des informations entre les différentes places de la

diaspora. Ainsi, l’ensemble des cybercafés éparpillés dans les différents pays de résidence de

la communauté en question sont reliés entre eux par « des lignes », formant « une surface »

dans laquelle s’organisent tous ces échanges. Nous sommes donc dans un schéma très

classique de la Géographie, une organisation de l’espace dans la configuration « points,

lignes, surfaces », formant un système dans lequel l’ensemble des points sont en

interrelations. Cependant, dans le cadre des migrations, le cybercafé correspond à l’espace

hyper localisé au sein duquel les migrants vont pouvoir mettre en marche ce système. A

« Hackney.com », les analyses des clients sont d’ailleurs très explicites. « It is the easier way

to communicate » (Laolu)16, « you have computers, people to help you, and a friendly mood »

(Wilson)17, « Hackney.com is an open place toward the outside, toward the community settled

abroad» (Michael)18. C’est depuis le cybercafé que partent toutes les informations, et c’est ici

que le migrant les reçoit.

Pour donner une application concrète de cette organisation en réseau dont le centre serait le

cybercafé, je vais citer Salomon, qui a trouvé dans le cybercafé « Hackney.com » un moyen

d’articuler sa vie en société dans son espace d’accueil, avec son appartenance communautaire

qu’il entretient dans ce réseau : « The way in which I use Diastode is mostly practical, to

16 : traduction : « c’est la façon la plus simple de communiquer ». 17 : traduction : « il y a des ordinateurs, des gens pour t’aider et une ambiance chaleureuse ». 18 : traduction : « Hackney.com est un endroit ouvert sur les communautés éparpillées dans le monde ».

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connect myself with other members in different places of the diaspora, and discuss about what

are the economic opportunities over there, when the togolese events are settled around

Europe, and… basically to express what I think about our situation, how to increase, enhance

the diaspora’s organisation, and so on »19.

-Espace générateur d’une identité « décentralisée ».

« Le réseau Internet est un espace social particulièrement pertinent au sein des diasporas, car

décentralisé, interactif et transnational par essence ». Cette phrase de Myria Georgiou (2002)

caractérise parfaitement ce nouveau support d’identification pour le migrant. En effet, nous

entrons dans une nouvelle ère de la communication et de l’information, dont les diasporas ont

su tirer parti afin de tisser un réseau relationnel articulant le local, le national et le

transnational.

A « Hackney.com », j’ai constaté que c’est essentiellement à partir des cybercafé que les

migrants arrivaient à entretenir leur culture ; et ceci à travers les connexions avec les autres

membres de la diaspora, les membres de la famille restés au pays, la consultation de sites

consacrés à leur pays d’origine, la participation à des forums, et ainsi de suite.

Le partage d’images et de sons a toujours été l’élément clef de la pérennité d’une diaspora,

dans le sens où c’est par des émotions communes et des mémoires partagées que les membres

vont parvenir à entretenir cette notion d’appartenance à une culture propre.

L’utilisation des TIC dans les migrations, et l’identification à une communauté organisée sur

un « espace virtuel » (dont le support est essentiellement le cybercafé) pose cependant la

question du centre, qui depuis des siècle, était matérialisé par la terre natale, sorte de cœur de

l’imagination des diasporas. La « mère patrie » représente toujours pour le migrant l’image

d’un passé partagé avec les membres de la communauté ; qu’elle soit vécue ou imaginée, elle

reste la pierre de l’édifice identitaire de la diaspora. Cependant elle a perdu son rôle de centre

autour duquel s’articule l’ensemble de la communauté dispersée dans le monde.

Donnons ici l’exemple du site « Diastode » (Capture d’écran n°3 page 42 et 43), très utilisé

par Salomon à « Hackney.com ». Réalisé à l’initiative de membres de la diaspora, et destiné

essentiellement aux communautés vivant à l’étranger, ce site fait office de guide pour le

migrant togolais, il peut y faire des rencontres, trouver du travail, s’informer sur la situation

dans son pays, entrer en contact avec différentes associations dans le monde travaillant sur des

sujets concernant la communauté migrante togolaise. Bien que la part de ce site consacré à la 19 : traduction : « j’utilise Diastode pour des raisons pratiques, me connecter avec les membres de la diaspora, discuter des opportunités économiques, de la tenu d’évènements togolais en Europe. C’est un moyen d’évaluer notre situation, comment perfectionner l’organisation de la diaspora, et ainsi de suite ».

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Capture d’écran n°4 : Présentation des objectifs et de l’historique de « Diastode », extrait du site

« www.diastode.org ».

situation politico-économique au Togo ne soit pas négligeable, c’est une initiative émanant de

la périphérie.

La diaspora ne peut plus être considérée comme un satellite organisé autour, en fonction et

sous contrôle du pays d’origine, mais au contraire, en fonction de ses connexions et des

relations transnationales avec les autres centres de la diaspora. C’est pourquoi Myria

Georgiou (2001) parle de « l’identité décentralisée », qu’on pourrait aussi considérer multi

centralisée. L’identité diasporique se construit dans un espace virtuel où les centres (les

cybercafés) sont connectés en réseau. Ceci pérennise l’existence d’une communauté réelle,

dispersée géographiquement, partageant une conception similaire de la terre d’origine, vécue

et pensée comme un mythe commun.

c) Le maintien des relations avec le pays d’origine.

Dans cette troisième sous partie, nous nous intéresserons aux moyens de connexions

privilégiés pour rester en contact avec les membres de la famille toujours au pays. Pour

terminer en s’écartant légèrement du terrain d’étude, nous donnerons un aperçu de la place

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qu’occupe le cybercafé dans les pays d’origines, dans le but de nuancer les atouts de ce

support pour l’organisation des diasporas.

-Dans l’espace d’accueil : le moyen de contact privilégié.

A la suite de mes enquêtes, j’ai remarqué que le cybercafé correspondait au moyen de

communication le plus utilisé par les migrants pour entretenir des relations avec le pays

d’origine. Le courrier, le téléphone semblent donc moins utilisés, à l’exception du téléphone

portable, qui pour la plupart des enquêtés, représente un moyen supplémentaire de

communiquer. Le portable apparaît plus comme un moyen de donner une date et une heure de

rendez-vous dans un cybercafé, afin d’entretenir des discussions plus longues : « I only

contact my relatives home by phone to fix a date, in the telecentre, to discuss longer »

(Salomon)20.

Sur les vingt-trois enquêtés, j’ai constaté que tous utilisaient les emails, et que plus de la

moitié, treize exactement, utilisaient Skype. Ce moyen de communication semble en effet plus

approprié pour les analphabètes, la communication orale étant appropriée pour tous. L’usage

de Skype permet donc d’associer les avantages du téléphone (communication orale), et celles

du cybercafé (communications plus économiques). Cependant, en aucun cas l’usage de Skype

ne se substitue à l’envoi d’emails, qui reste par-dessus tout le moyen de communication

privilégié, dû essentiellement au fait que les deux interlocuteurs ne peuvent pas toujours se

retrouver en même temps connectés. La communication orale est donc plus utilisée de

manière ponctuelle, notamment pour joindre son compagnon resté au pays : « I just use Skype

when I am feeling sad, and when I miss my husband » (Yomi)21. « I prefer to send emails, but

sometimes, when I need some comfort, I call my wife, and tell how much I am in love with

her» (Laolu)22.

A travers ces différents usages d’Internet, le migrant se sent toujours très lié à sa famille au

pays, lui permettant d’entretenir des relations régulières avec ses proches. La consultation des

nouvelles sur les sites consacrés au pays d’origine, les lectures des journaux en ligne ainsi que

l’écoute des radios, permettent au migrant de rester sensibilisé par ce qu’il se passe chez lui.

Ainsi, à des distances géographiquement très éloignées, le migrant peut entretenir des

relations de proximité quasi-quotidiennes, ce qui renforce son identité (Diminescu, 2006).

20 : traduction : « J’appels mes parents au pays par téléphone seulement pour fixer un rendez-vous au cybercafé pour discuter plus longtemps (via Skype) ». 21 : traduction : « J’utilise Skype quand je me sens triste, et que mon mari me manque ». 22 : traduction : « Je préfère envoyer des emails, mais quand j’ai besoin de réconfort, j’appelle ma femme, et lui dit combien je l’aime ».

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-Dans le pays d’origine : un usage collectif, une distribution géographiquement inégale.

Intéressons nous ici à la situation sensiblement différente dans le pays d’origine, et ce à deux

niveaux :

• L’email : une adresse collective.

Dans les cybercafés en Afrique de l’ouest, l’usage de la boîte mail est

essentiellement collectif, et ce pour deux raisons que nous allons maintenant exposer.

Très souvent, il y a une personne qui gère la boite mail d’un groupe de gens, étant donné que

l’usage d’Internet nécessite une connaissance de l’anglais écrit (dans le cadre de mon sujet),

ainsi qu’une appropriation minimum de l’outil. A Lomé par exemple, une adresse e-mail est

souvent partagée par cinq à dix personnes. Cet usage collectif pose cependant des problèmes

de confidentialité ; la personne qui gère la boîte mail ayant accès à toutes les informations

échangées avec l’extérieur ( Institut Panos, 1999).

La distribution du réseau Internet très limitée, ainsi que sa qualité de réception médiocre

représente une sérieuse limite pour une utilisation de masse d’Internet. En effet, les coûts de

connexion représentent des sommes relativement importantes par rapport au niveau de vie très

faible dans la plupart des pays d‘Afrique. Lorsque qu’un individu se connecte, il arrive parfois

qu’il attende plusieurs dizaines de minutes avant l’ouverture complète d’une page. La vitesse

de connexion très lente, associée à des coûts très élevés pousse les africains à ouvrir des boîtes

mails collectives, afin d’ouvrir un seul poste, et de minimiser les coûts.

• Des cybercafés très inégalement repartis sur le territoire.

Dans la plupart des pays d’Afrique de l’ouest, les capitales et villes principales

sont généralement assez bien desservies, ce qui contraste avec la très faible implantation des

cybercafés dans les villes plus petites, et la quasi inexistence dans les région rurales ( Institut

Panos, 1999). Ces disparités territoriales, qui s’expliquent par la faible extension du réseau

Internet en Afrique, montre que le cybercafé, véritable point d’attache du migrant dans les

territoires d’accueils, ne permet pas à tous d’entretenir des contacts avec leur famille restée au

pays. C’est le cas de Wilson, qui vient d’une région rurale au Kenya, et qui n’utilise Internet

que pour consulter les sites, et participer à certains forums. « In my homeland, there is no

Internet connection, I am here totally disconnected from my background, the only way to have

news is to call by phone or to send letters, but it’s long, expensive, and not regular at all »23.

23 : traduction : « Dans mon pays, il n’y a pas de connexion Internet, je suis ici complètement isolé de mes racines, le seul moyen d’avoir des nouvelles est de passer un coup de fil, ou d’envoyer une lettre ; mais c’est long, cher, et pas du tout régulier ».

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Les disparités au niveau de la distribution d’Internet en Afrique peuvent donc avoir des

répercutions sur l’entretien de relations avec les membres de la diaspora, dans les pays

d’accueils.

Le cybercafé «Hackney.com » est un véritable support d’intégration pour le migrant au

niveau local, par l’ensemble des rencontres qu’il fait, par les cours d’informatiques, par ses

activités parallèles (expositions, débats), ainsi que plus généralement par le climat de

solidarité qui le caractérise. Afin de donner une vision plus simplifiée du rôle de ce cybercafé,

j’ai réalisé un schéma qui en résume son organisation (voir schéma n°1 page 47).

A un niveau transnational, nous constatons que le cybercafé est au cœur du système de la

diaspora, jouant le rôle de carrefour, où toutes les informations passant dans le réseau Internet

sont récupérées, et rattachées au territoire par ces lieux de connexions, remettant en cause

l’organisation diasporique articulée autour d’un centre : le pays d’origine. Il représente un

deuxième centre, un support pour l’entretien de l’identité du migrant, l’organisation

diasporique devient ainsi multi centralisée.

Enfin, concernant la connexion avec le pays d’origine, nous remarquons que c’est le

support le plus utilisé par les migrants pour entretenir des contact avec les proches restés au

pays, malgré une distribution inégale sur le territoire africain.

Pour beaucoup de clients « d’Hackney.com », c’est un cybercafé qui permet d’entretenir

un contact « extraterritorial », avec les membres de la diaspora éparpillés autour du globe, et

de garder une sensibilité vis-à-vis de la culture d’origine et du pays natal, tout en organisant

son intégration et son adaptation « intraterritoriale », par les rencontres, la solidarité et

l’ouverture d’esprit qui règne dans cette enceinte.

Les mots de Michael semblent résumer parfaitement le rôle du cybercafé dans l’organisation

d’une diaspora: « What I tried to do when I opened this telecentre was to create a place in

which the migrant could find a way to associate the use of the Internet to feel still belonging

to his community; with a natural adaptation to the londonian everyday life»24.

24 : traduction: Quand j’ai ouvert ce cybercafé, j’ai essayé de créer un endroit dans lequel le migrant peut associer l’entretien de l’appartenance communautaire par l’usage d’Internet avec un moyen d’adaptation au quotidien londonien.

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Schéma n°1 : Le cybercafé : un support d’intégration, de connexion transnationale et de pérennisation identitaire. (Stebig Jonathan)

2) Les TIC : un outil d’intégration, d’intégrité sociale et d’organisation

économique.

Samuel est congolais, il vit à Londres depuis déjà quatre ans. Il a su tisser autour de lui un

véritable réseau relationnel, qui ne s’arrête pas aux frontières de Londres, mais qui s’articule

entre les différentes places de la diaspora à travers le monde. Grâce aux nouvelles

Cybercafé du pays d’accueil

Cybercafé du pays d’origine

Développement de relations

inter-communautaires

Multi-

fonctionnalité

Intégration sociale

alternative

Disparité territoriale de

l’accès à Internet

Usage collectif

d’Internet

Accès relativement difficile et

inégalement réparti

-moyen de communication privilégié -accès élargi à l’information

-mise en relation avec les places de la diaspora

Générateur d’identité à la fois décentralisée et multi centrée

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technologies de la communication, il a su articuler sa vie dans la société d’accueil avec son

appartenance à la communauté congolaise. Son réseau relationnel à l’échelle nationale, ne se

limite pas à l’espace fermé de sa communauté congolaise ; sa situation précaire le pousse à

élargir son entourage sans tenir compte des appartenances ethniques ou culturelles de ses

relations. Cet élément est généralisable à l’ensemble des migrants, qui dans le contexte local,

cherchent les moyens de contourner les difficultés d’intégration, sans tenir compte de leurs

origines respectives : « I’m not a racist, I’m living in the shit, like my brothers, so we need

help. In this city if you want to make money, to survive, you must overpass differences; that is

business » (Samuel)25.

Face aux politiques d’immigrations de plus en plus restrictives en Angleterre, le migrant doit

aujourd’hui trouver des moyens de contourner les contraintes institutionnelles, et d’organiser

sa vie en société de manière alternative. Les TIC semblent très adéquates, et l’appropriation

de ces outils par les migrants a été très rapide et efficace.

Au niveau local, il va être capable de se sortir de situations précaires en utilisant son réseau

relationnel « virtuel », lui permettant de s’adapter à différents contextes sociopolitiques

défavorables. Ces réseaux relationnels vont lui donner l’opportunité de développer des

activités productives et économiquement efficaces.

Au niveau transnational, c’est l’intégrité sociale du migrant qui va être entretenue, par

l’établissement d’un réseau virtuel, dans lequel il développe des liens avec la communauté

diasporique, et où il maintient des relations avec son pays d’origine. C’est dans ce système

transnational de communication qu’il va être en mesure d’amortir les sentiments

d’éloignements. Dans ce contexte d’organisation transnationale, des opportunités

économiques vont se dessiner ; bien qu’encore à l’état embryonnaire, elles donnent des

perspectives pour l’avenir, notamment concernant l’impact positif de la migration sur le

développement économique du pays d’origine.

a) Au niveau local, les TIC comme instrument d’organisation économique et

sociale.

Pour introduire cette partie, je veux tout d’abord mettre l’accent sur l’apparente

articulation entre l’outil de communication et le milieu dans lequel s’établissent les relations.

A l’échelle locale, en l'occurrence la ville de Londres, les migrants semblent privilégier

l’usage du téléphone portable, apparemment plus approprié pour des rapports de 25 : traduction : « je ne suis pas raciste, mais comme mes frères, je vie dans la merde, alors on s’entraide. Dans cette ville, si tu veux survivre, faire de l’argent, tu dois outrepasser les différences. C’est le business ».

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proximités : « The common tool for communication in the UK is the mobile. You know that is

cheaper, and easier for work, I never had problem to get my friends on mobile, and some

don’t write english very well » (Samuel)26.

-Le téléphone portable, un moyen de contourner les démarches institutionnelles

d’intégrations.

Dans un contexte d’intégration difficile, le migrant va utiliser ses relations afin de trouver des

moyens d’adaptations. Augustin, nigérian de 22 ans, qui n’arrive pas à être régularisé va

organiser son intégration dans le quartier d’Hackney en utilisant ses contacts. C’est dans ce

système d’échange que l’on peut considérer qu’un ami représente une ressource qui protège,

qui socialise, et qui à terme, peut devenir un capital d’installation dans la mobilité. C’est en

articulant cette mobilité avec la connectivité qu’une personne sera en mesure de trouver une

place dans la société d’accueil. Prenons la situation de Karim, arrivé à Londres de manière

clandestine, n’ayant ni domicile, ni travail, mais parvenant à s’adapter à ce nouveau contexte

en utilisant toute opportunité : « I work once a week with michæl in the telecentre, I help

Samuel on the market in Brixton, I sell some food with Temi in Camden Town. I travel every

day, waiting for a call, to make money »27. L’intégration dans un espace d’accueil est facilitée

par l’individu, et les relations entretenues, plus que par des démarches formelles ou la société

en général. Se développe ainsi une sorte de solidarité spontanée entre les migrants, le rôle des

connexions se placent au-dessus des contextes économiques ou politiques défavorables.

Michael résume parfaitement cette idée : « when a new customer is coming, and he starts to

ask me about the way to find work, or flat; I just tell him, the more people you know, the

easier it is going to be for you to find. So just look around you, and don’t be shy»28. Ainsi, la

toile relationnelle que le migrant a tissée autour de lui va lui permettre de se détacher

spontanément d’un milieu dans lequel il s’est installé. L’individu peut changer de milieu

géographique, tout en gardant son réseau relationnel.

26 : traduction : « Le portable est le moyen de communication le mieux approprié au Royaume-Uni. C’est moins cher, plus simple pour le travail ; je n’ai aucun problème pour joindre mes amis, et certains ne parlent pas bien anglais ». 27 : traduction : « Je travaille une fois par semaine avec Michael au cybercafé, j’aide Samuel sur les marchés de Brixton, je vends des repas à Camden Town avec Temi. Je circules tous les jours, en attente d’un coup de fil, et de gagner de l’argent ». 28 : traduction : « quand un nouveau client arrive et qu’il me demande comment trouver du travail ou un logement, je lui dit simplement que plus on connai de gens, plus ce sera simple de trouver. Alors regarde autour de toi et ne soit pas timide ».

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Cette organisation du « migrant connecté »29 se rapproche de l’analyse théorique de

Dominique Boullié (1999), qui établit un néologisme avec sa notion « d’habitèle »,

correspondant à « l’appropriation matérielle et symbolique d’un espace de réseaux ». Il met

cette analyse en parallèle avec le fait que l’être humain à toujours habillé son statut social de

plusieurs peaux (l’habitat, l’habit, l’habitacle). Nous passerions donc d’un régime basé sur la

propriété (symbolisé par l’habitat) à un régime fondé sur l’usage de ressources contrôlées par

un réseau de prestataires (symbolisé par « l’habitèle »), offrant ainsi aux migrants une plus

grande autonomie. Nous parlerons donc moins d’intégration institutionnelle, mais

d’installation relationnelle, la vie du migrant étant organisée en mobilité (Diminescu, 2002

[a]).

-Le téléphone portable : l’adresse virtuelle et informelle du migrant.

Le téléphone portable, dont l’usage s’est beaucoup développé, est un moyen de

communication accessible pour tous, quel que soit le niveau d’intégration et de régulation. Le

migrant peut donc atténuer ses difficultés d’intégration en utilisant son téléphone portable

comme une sorte d’adresse anonyme, servant à organiser sa vie en société. Le cas de Karim

est ici très représentatif. N’ayant pas de logement, il ne peut acquérir de téléphone par lui-

même. C’est donc Michael, qui l’emploi pour des activités annexes dans son cybercafé

(ménage et travail à la caisse), qui lui a fournit le téléphone : « Michael bought me a phone,

and he sends me messages regularly to know when I must come to work »30. Afin de

contourner les démarches administratives coûteuses comme la déclaration d’un employé dans

le cybercafé, et risquées pour Karim (en situation irrégulière), Michael a préféré prendre en

charge l’achat du téléphone de Karim et le paiement de son abonnement pour le faire

travailler. Le téléphone devient donc une arme, un véritable outil stratégique pour le migrant

en situation précaire. La boite vocale fait office de secrétariat, le numéro de téléphone

d’adresse, et dans sa mobilité physique, le migrant reste constamment disponible. Son identité

demeure institutionnellement anonyme, son portable devenant le support matériel de ses

appartenances citadines. Dana Diminescu (2004) parle « d’identité numérique », le migrant

n’ayant aucune attache physique au territoire. Grâce à cette technologie, il peut s’affranchir de

toutes les démarches administratives qui laisseraient des traces de sa présence. Son identité,

29 : La migration n’est plus vécue comme une mobilité entre deux cultures distinctes, marquée par des relations indépendantes les unes des autres, mais une relation quotidienne de proximité (mail, téléphone, Skype, Msn). Nous avons donc à faire à une nouvelle figure du migrant qui se déplace et fait appel à des alliances extérieures à son groupe sans se détacher de sa culture d’origine (Diminescu, 2006). 30 : traduction : « Michael m’a acheté un téléphone portable, et il m’envoit des messages régulièrement pour me dire quand je dois venir travailler ».

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aux vues de ces relations dans la société est virtuelle, et lui permet de s’installer réellement

dans un espace physique, en se l’appropriant.

-Des habilités relationnelles qui peuvent se transformer en compétences productives.

Dans un procédé relativement naturel, les migrants vont réussir à utiliser ces réseaux

relationnels pour en tirer un avantage économique. Samuel vend une multitude de produits

variés sur les marchés, et grâce à ses relations, il s’adapte aux différents types de clientèles

suivant les localisations : « I adapt my self to the place, to the market. I mean, in Brixton I’m

specialized in many traditional and typical (il rit), from my own country, because there is

tourist who enjoy this kind of products. Unlike in Hackney, I sell food, duvets, watch, useful

goods, for everyday life » (Samuel)31.

Constamment accroché à son téléphone afin de se renseigner sur les évènements susceptibles

d’attirer du monde, il circule d’un quartier à l’autre de Londres pour vendre ses marchandises

dans toute la ville : « The more places we have, the more money we get. Here, there is the

market in Hackney central, every day, but we see people especially on week end, when they’ve

got spare days. During the week, I go to Brixton on Monday and Tuesday, it is maybe the

biggest one, and there are many tourists. And Thursday and Friday, I go to Woolwich and

Abbey wood, in far east London, many nigerian are living there, I’ve got a couple of mate

there, we do some business together » (Samuel)32.

Grâce à ses relations et à sa mobilité, il a réussi à faire de cette activité une ressource

productive lui offrant une situation relativement stable.

Son réseau de connaissances ne se limite cependant pas à des membres de la communauté

congolaise, il travaille avec tout le monde, afin de tirer le plus de profit de son activité.

L’organisation est très hiérarchisée, les contrats reposent sur la parole et la confiance : « In

this work, you must know your workingfellows; you must trust them, in order to have good

relations. Everything is regulated by talk, there is no contract, nothing is written, it is

informal, and so you must be very clean » (Karim)33. « People you don’t know very well are

quite distrustful. They fear about there markets. You need time to trust a foreigner. We work 31 : traduction : « Je m’adapte à l’endroit, au marché. Je veux dire, à Brixton, je suis spécialisé dans les marchandises traditionnelles de mon pays, parce que les touristes aiment ce genre de produits. Alors qu’à Hackney, je vends des repas, des couettes, des montres, des trucs utiles pour la vie de tous les jours ». 32 : traduction : « Plus on connait d’endroits, plus on gagne d’argent. Ici, il y a le marché d’Hackney, tous les jours, mais on voit du monde essentiellement pendant les jours de congé et le week-end. Pendant la semaine, je vais à Brixton les lundi et mardi, c’est sûrement le plus grand, plein de touristes. Les jeudi et vendredi, je vais à Woolwich et Abbey Wood, dans l’est de Londres, où vivent beaucoup de nigérian ; j’ai quelques collègues avec qui on fait des affaires ». 33 : traduction : « Dans ce travail, tu dois connaître tes partenaires. Tu dois leur faire confiance, afin d’entretenir de bonnes relations. Tout est réglé oralement, il n’y a pas de contrat, rien n’est écrit ; c’est informel, alors on doit être réglo ».

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in a jungle, and we are conscious that everybody can try to steal our market » (Samuel)34.

Par leurs réseaux, les petits commerçants vont pouvoir anticiper les changements et s’adapter

perpétuellement aux évolutions des marchés et de la demande. Cette situation rejoint en tout

point l’analyse d’Alain Tarrius (2002), qui parle « d’économie nomade ». A travers cette

organisation, le migrant va trouver une place dans l’activité économique du pays, Tarrius

parle « d’intégration par le bas », dans le sens où le migrant contourne les circuits

institutionnels et s’installe pleinement dans la société.

Cependant, cette organisation n’est pas fermée, elle ne marche que par l’articulation avec les

autres espaces urbains du pays, comme Samuel qui étend son activité dans les différentes

villes d’Angleterre : « I’ve got fellows in Manchester, Liverpool, Birmingham, Brixton (petite

pause), and many in Brighton. That’s work my friend you know, If I want to eat, in this city, I

must be organised and connected. We keep up-to-date all together about events, festival, big

markets, and any event likely to attract population, and make money »35.

Ainsi, dans un contexte de mondialisation, ce système de réseau informel d’activité

économique ressemble parfaitement à une nouvelle forme d’extension du capitalisme

(Tarrius, 2002). Forme dans laquelle l’individu va articuler différents espaces, à savoir le

territoire d’accueil, le pays d’origine et les multiples places de la diaspora, ce qui fera l’objet

de ma seconde partie.

Pour conclure je me contenterai de citer Dana Diminescu (2002 [a]) qui dit : « Dans

les sociétés d’accueils, ce support technique (le téléphone mobile) a généré l’apparition de

différents mécanismes d’intégrations sociales spontanés, multiples et individuels qui ont

suppléé d’une manière informelle au dispositif de l’intégration institutionnelle ».

b) Au niveau transnational : Les TIC comme support de l’intégrité identitaire et

de l’activité économique.

De nos jours, la notion « d’espace virtuel » prend tout son sens dans l’étude sur les

migrations. Développée par Myria Georgiou (2002 [a]) et Dana Diminescu (2006), elle

consiste à dire que le migrant définit son identité non pas par rapport à un territoire, mais par

rapport aux relations et échanges qu’il entretient avec les membres de sa communauté par

34 : traduction : « Les gens qu’ont ne connait pas bien sont très craintifs. Ils ont peur pour leurs marchés. Tu as besoin de temps pour faire confiance à un étranger. On travaille dans une jungle, conscient que quiconque peut nous piquer notre marché ». 35 : traduction : « J’ai des collègues à Manchester, Liverpool, Birmingham, Brixton, et beaucoup à Brighton. C’est le travail mon ami, si je veux manger, je dois être organisé et connecté. On se tient au courant des évènements, festivals, grands marchés, et tout ce qui serait susceptible d’attirer des gens et de faire de l’argent ».

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l’intermédiaire d’emails essentiellement : « the longer is the distance, the better is the

Internet » (Samuel)36. A travers l’articulation avec les différentes sphères de la diaspora, et les

relations entretenues avec le pays d’origine, le migrant à la capacité d’orienter ces réseaux

vers une organisation économique transnationale, qui reste cependant à un état embryonnaire.

Bien que ces organisations économiques ne soient pas encore très développées, Internet

représente un moyen de « contrôler » les transferts d’argent vers le pays d’origine et

l’investissement qui en est fait.

-« l’espace virtuel » transnational : un outil de pérennisation identitaire.

Dans cette partie, nous nous appuierons essentiellement sur l’expérience des quatre togolais

rencontrés à « Hackney.com », tous membres de « Diastode », véritable portail identitaire de

la communauté togolaise.

Ce site, développé à l’initiative de membres de la diaspora togolaise, mais accessible à tout

individu, est un portail très représentatif de l’usage d’Internet comme support de l’identité.

Ainsi, mes connaissances concernant ce portail proviennent des discussions avec mes quatre

interlocuteurs, mais aussi du « surf » régulier sur le site. Afin de donner un aperçu général de

l’opportunité que représente ce site dans le dynamisme identitaire de la diaspora, je vais

exposer les différents domaines virtuels auxquels il est consacré :

-Un portail sur l’aide des nouveaux arrivants, donnant des indications sur les opportunités

professionnelles à Londres, des conseils sur l’acclimatation à l’espace d’accueil à partir de

différents témoignages et des expériences migratoires diffusées sur le site par les anciens

migrants. Par l’intermédiaire de ce portail, le migrant va donc obtenir un ensemble

d’informations sur la société d’accueil, ayant un effet de « pré socialisation ». « But actually

Diastode is not a forum, I’m publishing some articles on the website, I pay for my adhesion,

it’s completely different. It seems to me important to share my ideas, feelings, point of view

about what is happening here in London, to give some advices about the integration in this

city » (Faure)37.

-Un deuxième portail sur l’ensemble des évènements à travers le monde, concernant la

diaspora togolaise de manière plus générale. Une sorte de support communautaire qui

véhicule toute information concernant les spectacles, expositions, concerts, publications de

journaux, programmes de radio ou même offres d’emplois (voir capture d’écran n°4 page 53).

36 : traduction : « Plus la distance est longue, plus Internet est approprié ». 37 : traduction : « mais en fait Diastode n’est pas un forum, je publi quelques articles sur le site, et je paye pour mon adhésion, c’est complètement différent. Cela me paraît important de partager mes idées, mes sentiments à propos de ce qui se passe à Londres, pour donner quelques indications sur l’intégration dans la ville ».

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Capture d’écran n°5 : Exemple de publications des membres de la diaspora sur « Diastode », extrait de

« www.diastode.org ».

-Enfin, un forum de discussion est mis en place, concernant des thèmes très large allant des

processus migratoires à l’étude des racines en passant par la vie dans l’espace d’accueil. A

travers ce forum, les migrants togolais vont pouvoir développer des solidarités spontanées,

avec des membres géographiquement éloignés, mais dont l’origine partagée va atténuer la

distance. A travers le partage des expériences et des idées concernant la définition de leur

identité, les participants au forum vont parvenir à créer et entretenir un amalgame autour de

leur identité reconstruite sur un terrain virtuel transnational. « That’s through Diastode that

we keep up the vitality of our community. And even more, we manage to remote from the

traditional isolation of each community in the host country, we are well connected, and aware

about our common belongings throughout the world » (Salomon)38.

38 : traduction : « C’est grâce à Diastode qu l’on entretient la vitalité de la communauté. Même plus, on arrive à s’éloigner de l’isolation habituelle des groupes de migrants dans les pays d’accueils ; on est bien coordonné, et conscient de nos appartenances communes à travers le monde ».

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L’analyse de Mihaela Nedelscu (2002) appuie parfaitement l’idée qu’Internet devient un

support identitaire transnational pour les diasporas. Selon elle, la nature égalitaire du Net,

reliée à l’anonymat possible des usagers, devient un moyen d’auto valorisation à la fois

symbolique et sociale. Autrement dit, c’est un outil qui permet de négocier, bricoler,

juxtaposer et affirmer des identités difficilement recomposables en situation migratoire.

Je voudrais rattacher cette analyse au travail de Riva Kastoryano (2002 [b]) sur la notion de

« transnationalité ». Selon elle, l’établissement de ces réseaux transnationaux aura

essentiellement deux impacts dans l’étude des migrations :

Le migrant ne se définira ni par son appartenance à son pays d’origine, ni par son

appartenance au pays d’accueil, mais par une identification à une communauté transnationale

qui articule ces deux espaces. L’attachement au territoire d’origine est émotionnel et

sentimental, il est entretenu par le développement d’associations, la création de sites Internet,

les discussions sur les forums et l’envoi d’emails à la famille restée au pays. C’est en ce sens

que le territoire d’origine reste le symbole d’un passé identitaire commun. En parallèle, le

migrant va organiser sa vie en société dans le pays d’accueil. Cette combinaison va lui

permettre de créer une unité dans la diversité et la dispersion (des membres de la diaspora).

C’est pourquoi, dans l’étude des diasporas, nous devons aujourd’hui faire une différence entre

la citoyenneté (l’organisation sociale et économique du migrant dans l’espace d’accueil), et la

nationalité (l’appartenance à un réseau transnational complètement déterritorialisé). Ceci

amenant au second point : le nationalisme sans territoire.

Dans le réseau d’appartenance transnational, le maintien de l’identité commune se fait sur un

terrain virtuel, qui permet de coordonner les différentes places de la diaspora, sorte de noyau

d’une nationalité qui s’exprime au-delà des frontières. L’appartenance est donc complètement

déterritorialisée. La notion de nationalité se détache donc clairement de l’appartenance et de

l’identification à un Etat ou un territoire, pour ce qui concerne les diasporas. L’ensemble des

communautés dispersées et localisées (dans leur espace d’accueil) est articulé, dans un espace

d’appartenance national « aterritorial ». Par l’usage des Technologies de l’Information et de la

Communication, les modes d’actions et d’identifications du migrant sont devenus

complètement déterritorialisés.

Enfin, dans le but de nuancer cette analyse, je voudrais mettre l’accent sur le fait que ce

réseau relationnel transnational, créateur d’identité, n’est ni général, ni automatique. Les

membres de la diaspora doivent constamment dynamiser et entretenir les réseaux, afin de faire

perdurer ce sentiment d’appartenance commune. Autrement dit, la solidarité transnationale

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n’est pas innée, elle doit au contraire être « auto construite » et « intra pensée ». Pour ne

donner qu’un seul exemple, je vais citer Wilson, le kenyan que j’ai rencontré à

« Hackney.com »: « The more you are internationally connected, the more you have the

opportunity to develop a common feeling across boundaries. I’m not linked, or involve in a

kenyan network, which doesn’t really exist by the way. I’m here isolated in my city, and I

don’t feel kenyan, I don’t even feel english, I feel from nowhere »39.

-Internet : un support de l’organisation économique des diasporas aux résultats encore limités.

• Une organisation économique transnationale encore très sporadique.

L’usage d’Internet permet aux migrants de coordonner leurs activités économiques entre

les différents lieux d’établissement de la diaspora, tous articulés au pays d’origine. Grâce à cet

outil, le migrant peut faire jouer l’avantage d’être présent dans deux pays à la fois. L’envoi de

marchandises provenant du pays d’origine, le déplacement entre les différents centres de la

diaspora sont à l’image d’une véritable « économie de fourmis », dans le sens où les mobilités

transfrontalières sont de plus en plus importantes, en terme de flux de populations et de

capitaux : « It is important for us to know what is happening in other countries, about

economic opportunities. Actually, I am often connected with my mates in the US, and in

France, and we organize our business relative to the season, the economic situation, the

demand in each country. Each of us then, is in relation with his country to oriented goods

towards the good place »40. «Yes, I’m going to Paris once or twice a year, when there are

some great events, which are attracting tourists; and also in my homeland, to bring big

amounts of goods » (Samuel)41.

A travers ces témoignages, nous pouvons considérer que « ces entrepreneurs sans

entreprises » (Diminescu, 2002 [b]) s’intègrent dans des circuits globaux dans le champ des

migrations internationales. Autrement dit, de plus en plus de migrants savent profiter de leurs

mobilités transfrontalières, et de leurs implications dans ces réseaux transnationaux afin de

transformer une habilité relationnelle en véritable compétence productive, économiquement

efficace.

39 : traduction : « Plus tu es connecté dans les réseaux internationaux, plus il est simple d’entretenir un sentiment d’appartenance commune au delà des frontières. Je ne suis pas vraiment impliqué dans la diaspora kenyan, qui n’existe pas vraiment. Je suis isolé, je ne me sens ni kenyan, ni anglais, je me sens de nulle part ». 40: traduction : « C’est important pour nous de savoir ce qui se passe ailleurs, à propos des opportunités économiques. Je suis en relation avec mes collègues aux Etats-Unis, en France, et on organise notre business selon les saisons, la demande. Nous sommes tous reliés au pays d’origine pour orienter les marchandises ». 41 : traduction : « Je vais à Paris une à deux fois par an, pour les grands évènements, qui attirent du monde, mais aussi dans mon pays, pour ramener des marchandises ».

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Cependant, ces opportunités économiques restent très sporadiques, et le manque de

coordinations avec les autorités des pays d’origines rend difficile le véritable développement

d’organisations économiques « institutionnalisés », qui pourraient être un moyen de revitaliser

les économies dans les pays en développement, pour lesquels la communauté migrante est

importante. Les gouvernements des pays d’origines ont encore énormément de mal à contrôler

leurs migrants et leurs activités afin de tirer parti du capital humain et matériel qu’ils

représentent. D’autant plus que les membres des diasporas organisent leurs activités dans des

perspectives qui restent concentrées au cercle de la famille élargie.

Les programmes développés par les gouvernements comme celui instauré par l’Erythrée en

1997 émane d’un effort des dirigeants de ce pays pour orienter « le capital diasporique » vers

le pays d’origine. Ce programme consiste à reconnaître le migrant comme érythréen

seulement s’il accepte de reverser deux pourcent de ses salaires à l’Etat. Comme me l’a

longuement souligné Faytinga à « Hackney.com », bien que partant d’une idée

économiquement intéressante, cette « institutionnalisation » de la diaspora a été vécue par les

migrants érythréen comme une atteinte à leur autonomie, et un désir de profiter de leur

« réussite professionnelle » personnelle. Bien que la mise en place de programmes de ce type

provienne d’une bonne intention de la part de l’Etat, les résultats ne sont jamais très probants.

L’organisation d’une articulation économique entre la diaspora et le pays d’origine, de

manière institutionnalisée, doit être précédée d’un véritable travail en amont qui pourrait

sensibiliser le migrant aux réelles opportunités que peuvent représenter ces programmes.

• Un moyen d’orienter les fonds transférés vers le pays d’origine.

A partir des enquêtes de terrain, nous avons remarqué qu’Internet représentait un moyen

pour le migrant de transférer son argent de manière sûre et fiable. Il existe un organisme, géré

par Internet, appelé « money express » qui permet le transfert d’argent vers le pays d’origine.

Les offices sont nombreuses, à la fois en Angleterre, mais aussi dans la plupart des pays

d’Afrique. Bien que le système de transfert ne se fasse pas directement par le biais du Net

(l’argent étant envoyé par les bureaux en Angleterre), le site permet un suivi régulier de

l’évolution des transferts, mais donne aussi des possibilités de modification ou d’annulation.

La plupart des personnes rencontrées à « Hackney.com » utilisent ce moyen, à la fois très

sécurisé et facile à utiliser : « That is a great organism, there are three offices in the UK, and

a great number in Togo. It’s possible to send Cash to cash, cash to bank account, it’s very

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flexible » (Faure)42. « As many migrants, I use the money express organism, and control

transactions through the Internet. It is well securised and easy for them to get the money »

(Samuel)43.

De plus - et c’est essentiellement ici que nous pouvons prendre la réelle mesure de l’avantage

économique apporté par cet outil – le migrant peut suivre, de manière régulière et assidue,

l’utilisation qui est faite de l’argent qu’il envoit. Par l’intermédiaire de cet outil, il va se tenir

régulièrement informé de l’avancée de la construction d’une maison, du placement de l’argent

dans l’achat d’une terre, du développement d’un petit commerce. D’autant plus qu’il peut

aussi se tenir au courant du contexte économique dans son pays d’origine, et orienter

l’investissement de l’argent vers des secteurs économiquement plus bénéfiques: « Then, with

the spare money, he saves that, the principal goal being to invest in a land around the city »

(Samuel)44. Le migrant devient, dans cet espace virtuel, un véritable entrepreneur, qui gère

son entreprise virtuellement, à des milliers de kilomètres du lieu d’investissement. Si on met

en relation ce système de transfert à la fois sécurisé, bien orienté et organisé, avec le poids

chiffré que représentent les transferts d’argent des migrants vers les pays d’origines, cela

donne un aperçu de l’influence économique de la diaspora. En effet, sur une échelle globale,

les transferts s’élèvent à soixante-dix billions de dollars par an, ce qui représente plus que le

montant des trafics de drogue, mais aussi plus que le montant global de l’aide internationale

accordée par le FMI aux pays en développement (Bonjawo, 2002).

D’une manière générale, nous pouvons conclure qu’à l’échelle transnationale, l’apport

économique des diasporas n’est pas négligeable. Face à leur implication rapide et assez

généralisée dans les circuits des TIC, les migrants ont diversifié leurs activités, étendu leurs

espaces de commerces, et contrôlé les transferts vers les pays d’origines. Cependant,

l’opportunité économique que pourrait représenter les TIC pour les pays d’origines semble

encore très limitée. Le manque de coopération des trois acteurs, à savoir le pays d’accueil, le

pays d’origine, et les membres expatriés, empêche pour le moment de tirer parti du capital

intellectuel et matériel de la diaspora (Meyer, 2003).

42: traduction: « C’est un bon organisme, il y à trois bureaux au Royaume-Uni, ainsi qu’un grand nombre au Togo. Il est possible d’envoyer du liquide, mais aussi du liquide vers des comptes en banques, c’est très flexible ». 43 : traduction : « comme beaucoup de migrants, j’utilise l’organisme money express, et je contrôles les transactions par Internet. C’est très sécurisé, et facile pour eux d’obtenir l’argent ». 44 : transaction : « Ensuite, avec l’argent qu’il reste, il le met de côté, le principal but étant d’investir dans un terrain autour de Lomé ».

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D’une manière générale, les avantages économiques que représentent l’usage du Net dans

l’espace transnational ne touchent pour le moment que la sphère de « la famille élargie », les

initiatives restant généralement privées et personnelles, plus que publiques et institutionnelles.

Dans le but de rendre plus compréhensible cette articulation entre l’intégration, l’intégrité

identitaire et l’organisation économique, j’ai réalisé un schéma qui met en valeur les

principaux aspects de ce système (voir schéma n°2 page 60).

Pour finir, je voudrais mettre l’accent sur l’interpénétration des échelles. Si dans l’espace

local, à savoir la ville de Londres, le migrant arrive à organiser sa vie en société, et à

développer des activités productives, c’est en parti par les coordinations qu’il entretient :

- au niveau national, par sa connectivité, ainsi que ses déplacements vers les autres villes

anglaises.

- au niveau transnational, par sa mise en réseau avec les différentes places de la diaspora

(générateur d’une identité reconstruite), qui se traduit dans l’espace d’accueil par une plus

grande reconnaissance de son identité propre. Mais aussi par une extension de ses

coopérations commerciales ou professionnelles, vers des sphères plus élargies (mobilités

transnationales, connectivités étendues…etc.).

-par rapport au pays d’accueil : bien que géographiquement éloigné, il peut avoir un contrôle

sur l’investissement des fonds transférés et entretenir des contacts plus réguliers.

C’est en considérant cette articulation des différentes échelles d’appartenances du migrant que

l’on peut plus précisément analyser son implantation dans la société d’accueil.

Pour terminer, revenons sur un aspect primordial de cette analyse : à travers les enquêtes

réalisées, nous remarquons qu’à l’échelle transnationale, le réseau d’appartenance du migrant

était essentiellement intra-communautaire, c'est-à-dire limité à son groupe d’origine.

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Schéma n°2 : Les TIC : un outil d’intégration, d’intégrité identitaire et d’organisation économique. (Stebig Jonathan)

Entretien de

l’identité

Adresse virtuelle du migrant : secrétariat du

pauvre

Moyen de contourner les circuits formels d’intégrations

Habilités relationnelles transformées en

compétences productives

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Légende du schéma n°2 :

3) Les TIC : un support de liberté d’expression et de militantisme

politique.

Face à l’appropriation des TIC par les diasporas, nous assistons au développement d’une

« communauté en ligne ». Par l’intermédiaire des emails, des forums, des journaux publiés en

ligne et des sites particuliers à la situation de chaque pays, le migrant a accès à une masse

Echelle locale : moyen de communication privilégié : téléphone portable

Echelle transnationale : moyen de communication privilégié : Internet

Pays d’accueil

Pays d’origine

Différentes places de la diaspora

Retour au pays pour l’approvisionnement en marchandises

Déplacements par rapport aux évènements et festivals (opportunités économiques)

Envoi de marchandises

Transferts d’argents

Echanges de nouvelles : articulation entre les différents espaces d’installations

A un effet sur

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d’informations très spécifiques, et peut exprimer ses points de vues sur tout type de questions.

Au sein de cette communauté virtuelle, l’expression de la différence est acceptée ; la relative

libre expression permet à tout individu de donner sa vision de la nation et de son organisation.

Ainsi, Internet devient un média alternatif donnant une image plus juste des minorités

diasporiques, comparé à la vision très schématique diffusée dans les médias classiques

(Télévision, radios, journaux), où ces minorités sont souvent représentées comme des

communautés harmonieuses et homogènes. Le migrant se retrouve ainsi intégré dans un

système d’information et d’échange relativement libre et très ouvert.

L’implication des diasporas dans ces réseaux d’informations et de communications va donner

l’opportunité aux migrants de contourner les traditionnelles méthodes de censures dans les

médias classiques, en utilisant des circuits parallèles et alternatifs. Par la mise en réseau, les

informations circulent très vite d’un point à l’autre du globe, ce qui permet une coordination

entre les différents centres de la diaspora. Ainsi, toute dérive nationale va vite prendre une

portée internationale. Nous voyons donc se développer une nouvelle forme de militantisme

politique, qui est à la fois virtuel, aterritorial et « pacifique ».

Cependant, nous verrons que les impacts réels de ce nouveau moyen de lutte politique restent

très limités, le « militantisme virtuel » ne pouvant se substituer à de réelles actions sur le

terrain. Cet espace virtuel serait plutôt un support de libre expression permettant aux migrants

d’être impliqués politiquement dans le pays d’origine.

a) Les TIC : un symbole de libre accès et de démocratisation de l’information et

de la communication.

La démocratisation de l’information est un aspect essentiel d’Internet. Ce nouveau

support a permis de passer d’un système de discussion « d’une personne à plusieurs » (les

médias classiques), à un système de communication de « plusieurs à plusieurs ». Dans cette

perspective, l’appropriation des médias classiques par les gouvernements comme instrument

de propagande, jouant le rôle de vecteur de l’idéologie nationaliste est aujourd’hui

contrebalancée par la véritable liberté d’expression, et de diffusion égalitaire que représente

Internet.

-Une diffusion mondiale d’évènements très localisés.

« I am coming here very often to have some news about what happen in my country. I surf

essentially on two web sites: congoonline.com and congosite.com. It seems to me important to

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keep a keen eye on the news there, to see the evolution of the situation » (Samuel)45. « I’m

coming once a week to be informed about government decisions, new programs, and all the

stuff » (Faure)46. A travers ces témoignages, nous remarquons que grâce à Internet, les

membres des diasporas ont un moyen libre et facile d’accéder à l’information concernant les

situations dans leurs pays d’origines respectifs, contrairement aux médias classiques

occidentaux, généralement très peu orientés vers l’actualité africaine. La coordination entre

les différentes places de la diaspora permet une diffusion globale de l’actualité, ainsi qu’une

plus grande implication de ses membres : « I have many discussions with my mates in the US

and in France, they are very interested about our country, so we can share ideas » (Faure)47.

Cette diffusion des informations élargie au niveau transnational donne vite une visibilité

mondiale à des évènements localisés.

-Le rôle des diasporas dans la diffusion de l’information sur les réseaux transnationaux.

Tout d’abord, par la création d’une multitude de sites Internet ; c’est notamment le cas de

Michael, qui, avec l’aide de Salomon, a créé un forum sur le Net, dans lequel sont débattus

différents types de questions, relatifs à l’immigration, la politique, l’économie ou la culture en

Afrique. Bien que la fréquentation de ce site reste assez limitée, cela représente un bon

exemple d’initiatives de membres de la diaspora pour la démocratisation de l’information.

Le migrant semble aussi être le mieux placé pour diffuser, dans son espace d’accueil, des

informations qu’il a échangé dans le réseau virtuel. Il devient ainsi une sorte d’intermédiaire

entre l’espace virtuel, et la société civile du pays d’accueil. Reprenons ici l’exemple des

débats organisés à « Hackney.com ». Chacun propose des sujets de discussions divers qui ne

concernent directement qu’une minorité des participants ; ainsi, les données recueillies sur le

Web sont ensuite échangées et discutées avec l’ensemble des clients du cybercafé : « What I

am trying to do is to awake people about different topics very undercovered in the mass

media, and by this way, it is spreading through their own group » (Michael)48.

45 : traduction : « je viens ici pour savoir ce qui se passe dans mon pays. Je surf essentiellement sur deux sites : Congooline.com et Congosite.com. Il me semble important d’être attentif aux nouvelles de mon pays, pour suivre l’évolution de la situation ». 46 : traduction : « Je viens ici une fois par semaine pour m’informer des décisions gouvernementales, des nouveaux programmes, et plus encore ». 47 : traduction : « Je discutes souvent avec mes amis aux Etats-Unis et en France, ils sont très investis dans nôtre pays, alors on peut partager nos idées ». 48 : traduction : « Ce que j’essais de faire c’est d’éveiller les gens sur les sujets peu médiatisés, et ainsi, ils diffusent les informations dans leurs propres groupes ».

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-Un pluralisme culturel source de richesse et de créativité.

Cette libéralisation de l’information et de la communication, étendue au niveau mondial, est

aussi caractérisée par des échanges interculturels, les gens n’hésitant pas à partager leurs

expériences avec des personnes d’origines, de couleurs ou de cultures différentes : « Yes, I use

Transafricaforum, and Africaforum as well, more general, about different topics concerning

Africa » (Faure)49. « I need to enlarge my knowledge, to overtake the mere internal analysis,

and to know what external people think about our situation » (Salomon)50. Ce pluralisme

d’opinion se retrouve à la fois au niveau transnational, sur un terrain virtuel matérialisé par

Internet (forums de discussion) ; mais aussi au niveau local, les débats organisés à

« Hackney.com » sont marqués par des appartenances culturelles ou sociales souvent

éclectiques et distinctes. Mettons cette analyse en relation avec les travaux d’Alain Iribarne

(1996), qui considère qu’à travers la nouvelle diversité culturelle et sociale que peut apporter

Internet, les minorités diasporiques vont être entendues et mieux reconnues dans leurs espaces

d’accueil. L’expression de la différence devenant une réelle source de richesse et

d’autonomie. Bien qu’il soit utopique de parler d’une société civile transculturelle, Internet

peut être le support de nouveaux moyens de communications plus justes, marqués par une

plus grande égalité des genres, sans hiérarchies de droit. Autrement dit, cet outil peut devenir

le support d’une communauté démocratique ouverte géographiquement, culturellement et

ethniquement (Georgiou, 2002).

A travers les TIC, les minorités diasporiques vont être en mesure de faire ressortir l’immense

diversité qui les caractérisent. En effet, on dénombre plus de cent quarante minorités dans

l’Union Européenne (à quinze), qui sont souvent injustement regroupées dans des groupes

d’appartenances élargis, étant considérées comme culturellement et ethniquement homogènes.

C’est le cas en Angleterre, où l’on regroupe toutes les minorités sub-sahariennes dans le

groupe « black African ». Grâce à Internet, les minorités ont entre leurs mains un média qui

leur permet de donner une vision plus juste de la complexité identitaire existante au sein et

entre les différentes minorités. Ce nouveau moyen d’expression donne une plus juste

considération des migrants, et va à l’encontre de la traditionnelle opposition entre l’européen

et l’étranger (Georgiou, 2003).

Cependant, il me paraît essentiel de nuancer ces propos, étant donné que cet outil peut avoir

un effet diamétralement opposé, et devenir le support d’une dictature de la majorité

49 : traduction : « J’utilise Transafricaforum et Africaforum aussi, des sites plus larges sur l’Afrique en général ». 50 : traduction : « J’ai besoin d’élargir mes connaissances, de dépasser les analyses internes classiques, et ainsi, de savoir ce que les gens de l’extérieur pensent de nôtre situation ».

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électronique (Ossama, 2003). Les minorités diasporiques doivent se l’approprier et l’utiliser

comme vecteur de différenciation.

Ce système d’information et de communication, relativement indépendant permet de

s’opposer à l’autoritarisme et à la corruption des gouvernements, tant la censure devient

illusoire. A la fois décentralisé et aterritorial, Internet est un terrain sur lequel les Etats ne

peuvent avoir qu’un contrôle très limité. Nous assistons donc à l’émergence de nombreux

débats politiques sur le Net, et a l’organisation d’une nouvelle forme de militantisme : le

militantisme virtuel.

b) Internet : nouveau support d’un militantisme virtuel ?

Dans cet « espace virtuel », le militantisme politique va prendre une nouvelle forme.

Ce nouveau terrain de lutte politique pourrait représenter un moyen de mettre en avant les

problèmes de corruptions, de dégradations de l’environnement, ou d’atteintes aux droits de

l’homme au niveau international. Le caractère aterritorial, transnational et décentralisé de

l’usage d’Internet par les migrants rend son contrôle très délicat pour les gouvernements des

pays d’origines. Cependant, il n’est en aucun cas un moyen de lutte politique qui pourrait

remplacer l’action sur le terrain. L’usage de cet outil concernant des sujets politiques est

essentiellement basé sur le dialogue, l’échange de points de vus, et la prise de position, mais

la mise en place de réels programmes de lutte décentralisée reste limitée et peu efficace pour

l’évolution des politiques internes.

-Internet : un espace politique aterritorial et transnational.

Sur ce nouveau support, le migrant a les moyens de développer un « militantisme virtuel ».

Les complexités de contrôles dues aux caractéristiques d’Internet rendent cette méthode

d’autant plus efficace. De plus, les membres des diasporas ont un accès extrêmement large à

l’information, contrairement aux individus restés au pays. En effet, leurs connexions avec

différentes associations, la maîtrise de l’outil, de la langue, ainsi que l’inscription dans des

réseaux transnationaux sont autant d’éléments qui donnent au migrant une vision plus juste de

la situation dans le pays d’origine. « Of course, I had this discussion with my brother, and we

pointed out that I have more access to the congolese press than most of the congolese who are

still there. The government controls the press, but he cannot control the Internet, that’s why it

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is very useful for me. I can balance the ideas through different newspapers online »

(Samuel)51.

L’établissement de contacts avec les partis politiques dans les pays d’origines leur permet

d’avoir des informations régulières sur l’évolution dans le pays. Leur rôle dans la diffusion de

l’information va donc s’avérer central. Faure, togolais vivant à Hackney et étudiant à LSE, est

très impliqué dans la politique de son pays. Partisan de « Union Force for Changes » (UFC),

le principal parti de l’opposition, il a su, lors des élections d’avril 2005 utiliser ses relations

pour diffuser des informations concernant les problèmes de fraude électorales vers, les

différentes ambassades, les bureaux de presse à Londres, les sites Internet, (essentiellement

« Diastode »), ou encore des réseaux d’activistes comme le « Nobordercamp », projet

européen créé en 2002, réunissant des activistes politiques, des migrants et des artistes de

toute l’Europe52 (voir capture d’écran n°4 page 66) : « We were all of us in steady contact

home with members of the parties, who gave us information about how things were spending

on the field. Then, thanks to Diastode, we were trying to expand the information about

undemocratic situation held by the party in power through the Web-site to have a broaden

impact on the international sphere » (Faure)53.

Grâce à Internet, il suffit qu’une information soit découverte par un activiste pour qu’en

moins d’une heure, elle soit diffusée dans l’ensemble du réseau relationnel transnational.

Cette organisation transnationale peut se transformer en un réel outil de pression et de

négociation politique. Articulé avec différentes associations, dans un espace mondialisé, le

migrant va entreprendre une lutte politique qui est à la fois aterritoriale, transnationale et

décentralisée (Kastoryano, 2004). Cette organisation en réseau s’articule à l’intégration

sociale du migrant dans son espace d’accueil. Autrement dit, il va utiliser Internet, comme

source d’information, de débat, et de communication transnationale pour ensuite, diffuser ces

informations dans l’espace d’accueil. C’est par l’articulation entre ces deux sphères

d’appartenance qu’il va optimiser son action et son implication dans le militantisme.

51 : traduction : « J’ai eu cette discussion avec mon frère, et on a remarqué que j’avais plus accès à la presse congolaise que la plupart des habitants du pays. Le gouvernement contrôle la presse, mais il ne peut contrôler Internet, c’est pourquoi cet outil m’est très utile. Je peux nuancer les idées à travers les différents journaux publiés en ligne ». 52 : Ce projet consiste à créer « un laboratoire de résistance créative et de désobéissance civile ». Site Internet : www.nobordercamp.org. 53 : traduction : « Nous étions tous en contacts réguliers avec les membres des partis qui nous donnaient des informations sur l’évolution de la situation sur le terrain. Ensuite, grâce à Diastode, nous essayons d’étendre, via le web, les pratiques anti-démocratiques développées par le parti au pouvoir afin d’avoir un impact plus fort dans la sphère internationale ».

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Capture d’écran n°6 : présentation générale et historique de l’association « Nobordercamp », extrait du site

« www.nobordercamp.org ».

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-Internet : un terrain de débat qui ne peut se substituer à la lutte sur le terrain.

Cependant, cette lutte politique « virtuelle » n’a rien à voir avec l’action sur le terrain : « I like

to have some discussion with my brother, he lives there, so it is interesting to know how he

feels things, because it is completely different for him » (Samuel)54.

Internet est tout d’abord un espace dans lequel le militantisme reste pacifique. L’envoi d’un

email ou l’échange d’informations avec des bureaux de presse étrangers ne représente en

aucun cas des risques pour le migrant, qui par définition, n’est plus sur son territoire national.

Contrairement aux activistes politiques, membres des partis de l’opposition risquant leur vie

chaques jours, face à des partis qui n’hésitent pas à utiliser la force pour réduire au silence des

opposants politiques : « For example, two of my friends have been killed the day after the

elections in Togo. And one was absolutely not implied in politics, that’s why it’s even more

dangerous » (Samuel)55. « If you want, there, to invest yourself in the political actions, you

life is every day endangered, you cannot know if you will be still alive day after day, each

sunset is a kind of chance » (Salomon)56.

De manière isolée, cette nouvelle forme de « militantisme virtuel » ne peut avoir aucun

impact sur les situations politiques. Les différentes connexions de Fauré lui ont permis de

donner une visibilité de la situation au Togo plus étendue. Cependant, les seuls résultats

obtenus résident dans la publication d’un article sur le Web et l’organisation d’un séminaire à

« Africa Centre » (association responsable de l’intégration africaine à Londres) sur les

élections au Togo, ce qui reste assez limité : « it is not by debating, organising seminaries or

whatever that the situation will evolve overthere » (Faure)57.

Faure et ses compatriotes, très impliqués dans la politique intérieure du Togo sont d’ailleurs

entièrement conscients que leurs actions n’ont qu’une infime influence sur la situation au

Togo: « Man, that’s impossible for us to have any impact on what’s happening there, that’s

it»58. L’action sur le terrain reste le seul moyen efficace d’avoir de l’influence sur la politique

d’un pays : « Things can evolve only on the field, by physical actions. The associations, or all

the stuff interested about the political situation in our country are limited, and even if some

54 : traduction : « J’aime discuter avec mon frère, il vit là-bas ; alors c’est intéressant de savoir comment il ressent les choses, parce que c’est complètement différent pour lui ». 55 : traduction : « Par exemple, deux de mes amis ont été tué le lendemain des élections au Togo. De plus, l’un d’eux n’était absolument pas impliqué dans la politique, c’est donc d’autant plus dangereux ». 56 : traduction : « si tu veux t’investir dans l’activisme politique là-bas, ta vie est tous les jours menacée, jour après jour, tu te demandes si tu vas rester en vie, chaque lever de soleil est vécu comme une chance ». 57 : traduction : « Ce n’est pas avec les débats, l’organisation de séminaires, ou quoi que ce soit que là-bas, la situation va évoluer ». 58 : traduction : « Ecoute moi, il est impossible pour nous d’avoir un quelconque impact sur ce qu’il se passe là-bas, c’est comme ça ».

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important movement are created, the power is still in the hands of political parties home »

(Samuel)59.

Le rôle des membres de la diaspora réside essentiellement dans la diffusion des informations

qui pourraient rendre compte des différentes démarches et procédés anticonstitutionnels

entrepris par les gouvernements dans le pays d’origine. C’est cette balance qui doit être

trouvée afin d’utiliser au mieux ce nouvel outil de lutte. La coordination entre les membres

actifs sur le terrain et les ressortissants à l’étranger peut permettre d’étendre l’impact des

revendications et des causes défendues : « Actually in a sense yes, people abroad are thinking,

discussing and debating, but we are not on the field. But, I think it’s important to find the

balance between both, a part of the movement really active in the country, and another part

who is trying to develop, and enlarge the popularity of the cause defended » (Faure)60.

A travers la diaspora, le Net peut donc devenir un espace de lutte et d’affrontement politique

« aterritorial » et pacifique. Cependant comme le rappel Pascal Egré (2002), le « militantisme

virtuel » ne doit pas être une substitution, l’échange d’informations via Internet n’ayant en

aucune mesure le même impact qu’une manifestation populaire, ou une révolution.

-Internet : théoriquement support d’un militantisme virtuel, concrètement plus espace

d’échange et de débat.

Plus qu’une arme de pression politique, ce terrain virtuel semble avoir une grande influence

sur la prise de conscience, l’échange de points de vues et la diffusion à une échelle

transnationale des situations internes à l’Afrique.

Comme l’expliquent bien les clients « d’Hackney.com », ils utilisent cet outil pour,

indépendamment des partis politiques en place, développer leur propre vision de la politique à

mener par le pays. Leurs organisations et leurs actions politiques n’ont en effet que peu

d’impact sur la situation réelle, mais le fait de partager des points de vue dans leurs réseaux

relationnels permet de maintenir une conscience politique et un intérêt particulier pour ce

qu’il se passe chez eux : « But I’m not sure that people like me are involved to such an extent

that they try to develop this kind of movements. It is of course a new way for us to keep the

59 : traduction : « Les choses ne peuvent changer que par une action physique sur le terrain. Les associations, ou les quelconques entités intéressées par la situation politique dans nôtre pays sont peu nombreuses, et même dans le cas où des mouvements importants sont crées, le pouvoir reste entre les mains des partis politiques en place ». 60 : traduction : « En fait, en un sens oui, les gens à l’étranger pensent, discutent, débattent, mais nous ne sommes pas sur le terrain. Cependant, je penses qu’il est important pour nous de trouver la balance entre les gens très actifs sur le terrain, et ceux qui essayent d’élargir et de populariser la cause défendue ».

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70

country in touch, and to remain interested about it. But far away the idea to fight for political

rights » (Samuel)61.

L’usage d’Internet permet donc de rester impliqué dans l’activité politique, et d’étendre sa

conscience politique à travers les réseaux locaux, nationaux et transnationaux ; cependant, les

résultats concrets restent très limités : « people are aware, but what’s happening? is the

corruption in political sphere in Africa is erased? is the government enhancing the policies?

Even if people become aware about that, they don’t have influence » (Salomon)62.

L’articulation de certains groupes de militants membres de la diaspora, comme les togolais de

Hackney, permet aux partis d’être mieux représentés dans la sphère internationale. Lorsque

qu’on sait que les communautés togolaises sont présentes dans une multitude de pays (ceux

que j’ai rencontrés avaient des relations avec des togolais vivant en France, aux Etats-Unis, en

Angleterre, au Canada), nous pouvons en déduire que ces actions politiques sur le terrain

virtuel ont un impact sur la politisation de la diaspora : « My actions are perhaps

unproductive, but I share ideas, I’m politically engaged and I try to keep a contact with the

political member of UFC in Togo » (Faure)63.

Nous sommes donc face à un réel problème. L’usage d’Internet à des fins politiques ne

touche qu’une partie de la communauté diasporique, et encore moins dans le pays d’origine.

Cet outil n’est donc pas encore un véritable levier de transformation à l’intérieur du pays pour

l’exilé politique. D’autant plus que la marge de manœuvre virtuelle qu’offre Internet

décourage la plupart des militants d’un engagement réel dans la société. Les plus impliqués

dans l’activisme politique se contentent aujourd’hui de cette petite fenêtre de liberté qu’offre

le Net : « I do my best… Even if I’m not on the field, I try to inform all my fellows in the

network, and I’m connected home with some political parties » (Faure)64. Pour donner une

vision plus claire de cette liberalisation de l’information, de la communication et de l’action

politique via Internet, j’ai réalisé un schéma faisant ressortir les principaux aspects de cette

organisation (voir schéma n°3 page 71).

61 : traduction : « Comme moi, je ne penses pas que les gens soient investis au point de créer des mouvements de grande envergure. C’est effectivement un nouveau moyen pour nous de garder contact avec le pays, et de rester sensibilisé. Mais on est loin de l’idée de se battre pour des droits politiques ». 62 : traduction : « Les gens sont conscients, mais que se passe t’il ? Est-ce que la corruption politique en Afrique a disparu ? Est-ce que les gouvernements améliorent leurs politiques ? Même si les gens se sentent concernés, ils n’ont aucune influence ». 63 : traduction : « Mes actions ne sont peut-être pas efficaces, mais je partage mes idées, je suis politiquement engagé et j’essaye d’entretenir un contact avec les partisans politiques de l’UFC au Togo ». 64 : traduction : « Je fais de mon mieux… Même si je ne suis pas sur le terrain, j’essayes d’informer toutes mes relations sur le réseau, et je suis connecté avec certains partis politiques de mon pays ».

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71

Schéma n°3 : Internet : démocratisation de l’information et de la communication : outil de pression politique (Stebig Jonathan) Légende :

Relations avec les partis politiques :

« Militantisme virtuel »

Diffusion des

évènements sur le réseau virtuel :

Démocratisation de l’information

Communications

libres : Forums, Emails, Msn,

Skype

Activistes sur le

terrain

Situations politiques localisées

Meilleur accès à

l’information

Entretien de la

conscience politique

Reconnaissance des minorités

Militants politiques exilés : Contact avec les associations

Pays d’origine Pays d’accueil Réseau Internet

Potentiel moyen de pression sur les gouvernements et leurs politiques

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Les TIC sont à l’origine d’une réelle démocratisation de l’information et de la

communication. Par l’articulation entre les différents réseaux d’appartenance, la situation

dans les pays d’origines va atteindre une portée internationale. La coordination entre les

membres de la diaspora et les militants politiques dans le pays d’origine permet de donner une

visibilité internationale à des événements très localisés. C’est grâce à l’inscription du migrant

dans les réseaux transnationaux, et à ses relations avec certaines instances publiques et

chaînes d’activistes dans les différents pays d’établissement de la communauté, que des

situations de fraudes politiques, de corruptions ou encore de dégradations de l’environnement

vont éclater au grand jour. Cette interpénétration des échelles va être à l’origine d’une prise de

conscience politique généralisée pour les membres des diasporas.

Néanmoins, la transformation de ces réseaux politisés en un réel instrument de pression

politique nécessiterait un investissement de la communauté toute entière, ainsi qu’une

articulation accrue avec les partis politiques du Togo, les instances publiques et privées des

pays d’accueil, et les organisations internationales : « Things will not change thanks to a small

group of togolese abroad who wants to see the country evolve and shift radically. We need

power for that » (Faure)65.

Internet représente pour les migrants essentiellement un outil de dialogue communautaire, par

le biais duquel ils sont en mesure d’entretenir leur conscience politique, et d’élargir cet intérêt

à travers leurs réseaux relationnels virtuels.

Le « militantisme virtuel » ne peut pas être considérer comme une nouvelle forme d’activisme

qui permettrait de faire pression sur les situations politiques internes au pays d’origine ; mais

plus un nouveau support de débats, de réflexions indépendantes des groupes politiques en

places, permettant une extension des problèmes politiques en Afrique à l’échelle globale.

Je voudrais terminer cette partie en citant une phrase de Michael le gérant

« d’Hackney.com », selon moi pleine de vérité : « The Internet is changing the world. But the

world cannot change only by the Internet »66.

65 : traduction : « Les choses ne vont pas changer grâce à des petits groupes de togolais à l’étranger qui veulent impulser des changements radicaux dans leur pays. Il faut du pouvoir pour ça ». 66 : traduction : « Internet est en train de changer le monde, mais le monde ne peut changer seulement grâce à Internet ».

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4) Internet : bouleversement des hiérarchies traditionnelles et des

rapports de genre.

Internet, comme nous l’avons vu dans les parties précédentes, représente un nouveau

moyen de communication relativement libre, facile d’accès et peu cher. Cependant, il existe

encore certaines barrières pour que cet outil devienne un véritable moyen d’information et de

communication dénué de toutes contraintes. En effet, en Afrique, l’implantation des réseaux

est encore très limitée (seulement les villes principales en sont équipées), la maîtrise de l’outil

ne touche que peu d’habitants et les taux d’alphabétisations sont en règle générale très faible.

Face à ces différentes barrières, le migrant va utiliser un intermédiaire dans le pays d’origine,

qui sera le mieux placé pour recevoir, et transmettre les informations.

Dans ce contexte précis, les jeunes semblent les plus aptes à jouer ce rôle. Ils ont, en règle

générale, suivi des études, parlent et lisent un minimum l’anglais, et ont une connaissance

plus approfondie des nouvelles technologies de la communication.

Cette nouvelle place qu’ils intègrent dans la société d’origine leur donne un rôle plus

important au sein de la famille. D’autant plus que les anciennes générations voient souvent

d’un mauvais œil l’implantation d’Internet dans leurs sociétés.

Dans un deuxième temps, nous étudierons les différents effets que peut entraîner ce

nouveau rôle des jeunes dans l’organisation des hiérarchies et des rapports de genre. Cet accès

étendu à des informations « internationales », autrefois contrôlées par les gouvernements

étatiques, risque d’avoir d’importantes répercutions sur la place des individus dans les

hiérarchies sociétales.

A partir de l’expérience de deux migrants, un congolais et un togolais, rencontrés à

« Hackney.com » (dont les expériences sont à l’image des tendances retrouvées dans la

plupart des entretiens), nous allons tenter de rendre compte de ces changements qui touchent

la société africaine.

a) Les jeunes : un rôle de médiateur entre la communauté diasporique et les

membres de la famille restés au pays.

Dans cette partie, nous exposerons les raisons de cette nouvelle place prise par les

jeunes au sein de la société. Premièrement, leurs connaissances de l’outil les positionnent

comme étant les plus crédibles intermédiaires de la communauté diasporique. Deuxièmement,

les a priori des anciennes générations sur les bienfaits que peut apporter Internet empêchent

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toute vision objective de l’utilité de cet outil. Enfin, dans un troisième temps, nous

expliquerons plus précisément en quoi consiste leur rôle de médiateur dans le pays d’origine.

-Une meilleure appropriation de l’outil par les jeunes générations.

L’introduction d’Internet en Afrique s’est faite dans les années 1990, avec l’implantation du

réseau « Health Net » (le plus répandu sur le continent), et le développement de son usage de

façon plus généralisée ne remonte qu’aux cinq dernières années, avec en 2001, un taux de

croissance de deux fois supérieur à la moyenne mondiale (Ntambue, 2001). Dans ce contexte,

nous remarquons que les dix dernières années sont marquées par une accélération de

l’utilisation d’Internet, les nouvelles générations se retrouvent donc en plein dans le « boom »

de la popularisation d’Internet en Afrique.

Les jeunes sont dans une situation privilégiée pour se mettre en contact avec les communautés

diasporiques à l’étranger. Leurs connaissances en informatique leur permettent de jouer un

rôle de « médiateur » pour le pays d’origine: « that is why we need somebody we can trust,

and somebody familiarized with the Internet, because many people home don’t even know

how to send an email » (Samuel)67. « she was, as my brother, the only one to know how the

Internet was working, she was well placed to make the link with us abroad, and she acquired

much more, through forums, and all the stuff » (Faure)68. Nous sommes donc dans une sorte

de cercle vicieux, leur présence régulière dans les cybercafés enrichit leurs connaissances en

informatique.

La plupart de ces jeunes ont suivis un cursus scolaire minimum, c’est pourquoi ils ont une

connaissance de l’anglais (orale et écrite) relativement bonne, ou du moins suffisante pour lire

des mails, en envoyer, ou recueillir des informations sur le Web : « My brother who is still

there, he speaks English quite well, and read as well (…). He is very important, I trust him,

and he is studying and very clever » (Samuel)69.

Ce décalage entre les anciennes générations, quelque peu dépassées par l’avancée

technologique que représente Internet, et les nouvelles générations, en quelque sorte obligées

de tenir cette place d’intermédiaire, risque de renforcer ces disparités. L’intégration de

l’Afrique dans la société de l’information et de la communication mondialisée, via Internet se

fera par l’intermédiaire des jeunes, et ce non sans conséquences, comme nous l’aborderons

67 : traduction : « C’est pourquoi on a besoin d’une personne de confiance familiarisée avec l’usage d’Internet, parce que beaucoup de gens ne savent même pas comment envoyer un email chez moi ». 68 : traduction : « Elle, comme mon frère, sont les seuls à savoir comment se servir d’Internet ; elle est donc idéalement placée pour faire le lien avec nous ; ainsi, elle apprend encore plus, avec les forums et tout ». 69 : traduction : « Mon frère qui est encore au pays parle et lit assez bien l’anglais (…). Il est très important, je lui fais confiance, il est étudiant et très lucide ».

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dans la seconde partie : « That’s why, my sister and my bro (brother) are indispensable in this

trade, they are the only one able to deal with me, and the rest of my family would be

overwhelmed, so they have of course a greater position » (Faure)70.

-Une vision septique de cet outil par les anciennes générations.

Cette place privilégiée de la nouvelle génération peut s’expliquer aussi par les suspicions

qu’émettent les anciennes générations quand à l’apport que peut représenter cet outil pour les

sociétés africaines.

Les personnes plus âgées ne comprennent souvent pas les bénéfices de ce nouvel instrument

d’ouverture vers le monde occidental, souvent appréhendé avec beaucoup de craintes et

d’appréhensions. Les différentes perspectives d’avenir, qu’offrent cette fenêtre vers le monde

ne sont pas toujours vécues comme des opportunités par les anciens, mais plutôt comme une

trahison à l’encontre de la famille et un moyen de s’affranchir des obligations et des devoirs

de chacun dans la société : « Apparently, Fayel (la plus grande soeur), looks what yenda is

doing very badly. I mean, studies, her time spent in Internet coffee, and all what she talks

about at dinner time, her desires, plans for future » (Faure)71.

La raison ressortie le plus souvent des entretiens réside dans la crainte des anciennes

générations de voir en Internet, un nouvel outil de domination mis en place par « l’occident »

dans le but de garder une mainmise sur ce continent et son évolution. La période de

colonisation reste vécue par les africains comme une trahison, l’ensemble des programmes

mis en place durant cette période étant considérés comme des moyens de tirer profit du savoir,

des ressources et des populations en général : « my brother told me last time that he had a

long discussion with our grand-father about the Internet (…). He asks him about what he was

always doing in the internet coffee (…). My brother told me that he had a really suspicious

eye about this technology, it will make him ill, that it is a colonisation tool, a domination tool

use by industrialized countries to keep us under control » (Samuel)72.

La crainte d’un retour de l’impérialisme occidental à travers l’implantation d’Internet semble

marquer beaucoup d’esprits, tant la connaissance qu’ils ont de cet outil est limitée. C’est une

caractéristique qui risque d’encore accroître le fossé entre l’ancienne et la nouvelle

génération. L’usage « démocratique » d’Internet nécessite en effet une réelle implication des

70 : traduction : « C’est pourquoi mes frères et sœurs sont indispensables dans ces échanges, ils sont les seuls capables de traiter avec moi, le reste de ma famille serait dépassé, alors ils ont une position centrale ». 71 : traduction : « Apparemment, Fayel voit ce que fait Yenda d’un mauvais œil. Je veux dire, les études, son temps passé dans le cybercafé, et tout ce qu’elle raconte à table, ses désirs, ses plans d’avenir ». 72 : traduction : « mon frère m’a parlé d’une discussion qu’il a eu avec nôtre grand-père à propos d’Internet (…). Il lui demandait ce qu’il faisait dans les cybercafés (…). Mon père m’a dit qu’il avait une vision très suspicieuse de cet outil de colonisation et de domination utilisé par les pays industrialisés pour nous garder sous contrôle ».

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individus, afin d’éviter qu’il devienne un levier de domination supplémentaire entre les mains

de « l’occident » : « it’s just to make you understand how lost old people are in my country,

they are still marked by the former imperial system, and will never believe that the Internet

can be a good thing » (Samuel)73.

-L’intermédiaire idéal entre la diaspora et le pays d’origine.

Du fait de cette meilleure appropriation de l’outil par les nouvelles générations, et de la

réticence des anciennes concernant les bienfaits d’Internet, les jeunes se retrouvent dans un

rôle d’interface entre la diaspora et le pays d’origine. Ils deviennent le maillon principal qui

lie l’échelle transnationale (le réseau diasporique et l’information via Internet) et l’échelle

locale (la famille « élargie » dans le pays d’origine).

Dans cette situation de médiation, le jeune va voir son rôle changer dans la famille au niveau

économique et informationnel.

En premier lieu, par rapport aux transferts d’argent, et c’est vraisemblablement le secteur dans

lequel son implication va s’accroître de manière brutale. L’ensemble des transferts d’argent

réalisés par les membres de la diaspora vers le pays d’origine est suivi par Internet, le migrant

donnant des indications sur les sommes transférées et les dates de réceptions. Mais c’est

essentiellement par rapport à l’usage de cet argent que le « médiateur » va avoir un rôle

important. En effet, par l’intermédiaire des emails et autres moyens de communications sur

Internet, le migrant va exposer ses exigences et discuter avec « le médiateur » des meilleurs

usages possibles de cet argent entre les mains de la famille. Ainsi, la répartition de l’argent

entre les membres de la famille, le placement de l’argent, l’achat de matériaux, de terres, la

construction d’une maison ou encore le développement d’un commerce, sont au centre des

discussions entre ces deux interlocuteurs : « he is organizing the investment of the money I

send back home. Thanks to him, I can ensure that what I send there will be well used, and not

spent in stupid things »74. « First, he uses that to ensure the every day life of the extended

family, but he don’t give the money directly; he organizes expenditures, according to the

needs of each one. Then, with the spare money, he saves that, the principal goal being to

invest in a land around the city. In a way, he is the bank officer of my extended family »

(Samuel)75. « I think he bought lands around Lomé, for cultures, and may be later build a

73 : traduction : « C’est juste pour te faire comprendre à quel point les vieux sont perdus chez moi, il sont encore marqués par le système impérialiste, et ne croiront jamais en les bénéfices d’Internet ». 74 : traduction : « Il organise l’investissement de l’argent que j’envois dans le pays, grâce à lui je m’assure du bon usage des transfert, pas dépensés dans des stupidités ». 75 : traduction : « Tout d’abord il utilise l’argent pour assurer la vie de la famille élargie, mais il ne le distribu pas directement. Il organise les dépenses en fonction des besoins de chacun. Ensuite, il met de côté le reste, le but étant d’investir dans des terres autour de la ville, pour cultiver et éventuellement construire une maison ».

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house » (Faure)76. A travers ces différents témoignages, nous remarquons que « le

médiateur » devient un maillon essentiel dans l’organisation économique dans le pays

d’origine. De plus, cette relation que le jeune entretient avec les membres de la diaspora est

basée sur la confiance, le migrant n’ayant aucun moyen de contrôler le fonctionnement de ce

système depuis le pays d’accueil : « No my brother is responsible, he knows what to do, so I

let him share the money fairly » (Faure)77. « He will never try to keep the money for him, or

dupe the family. He is a good guy »78. « Our relations are based on confidence, I give him the

full responsibility to use the money how we decided, and make everybody taking advantage of

these transfers » (Salomon)79.

L’importance des sommes transférées donne aux « médiateurs » un pouvoir économique

important dans la famille, représentant parfois des montant supérieurs à ce qu’un agriculteur

peut tirer de sa production.

Les jeunes, en contact avec la communauté diasporique, qui se retrouvent dans les cybercafés

régulièrement, ont ainsi accès à une masse d’information énorme, et peuvent discuter avec les

migrants sur des sujets divers, participer à des forums, et donc élargir leurs

connaissances…etc. C’est en ce sens qu’ils vont acquérir des savoirs qui sont très peu

disponibles avec les médias classiques (souvent contrôlés par les gouvernements) et échanger

des points de vus avec les membres de la diaspora. Nous nous en tiendrons ici à l’expérience

des « médiateurs » qui entretiennent des contacts réguliers avec les migrants, n’ayant pas

d’informations concernant les jeunes en général dans le pays d’origine. Le constat est

frappant, du simple fait que « ceux-ci » sont présents régulièrement dans les cybercafés, ils

vont être en possession d’une masse d’information qu’ils vont transmettre à leurs proches,

leurs donnant une plus grande crédibilité dans les discussions : « he uses that for information,

knowledge, and further opening toward the world » (Salomon)80. « I know that my brother is

really awake about what is happening in the world, and he is regularly going on forums,

asking me questions, and giving me his idea about how the congolese society should be »

(Samuel)81. « My brother is often telling me that he is debating with my parents about the

governments programs in Togo, and the knowledge he got through the Internet allows him to

76 : traduction : « Je crois qu’il a acheté du terrain autour de Lomé, pour les cultures, et peut-être une maison ». 77 : traduction : « Non, mon frère est responsable, il sait quoi faire, alors je le laisse partager l’argent ». 78 : traduction : « Il n’essayera jamais de garder l’argent, ou tromper la famille. C’est un bon garçon ». 79 : traduction : « Nos relations sont basées sur la confiance, je lui donne toutes les responsabilités d’entreprendre ce que l’on a décidé, et faire profiter tout le monde de ces transferts ». 80 : traduction : « il utilise Internet pour les informations, la connaissance, et une ouverture vers le monde extérieur ». 81 : traduction : « Je sais que mon frère est très concerné par ce qu’il se passe dans le monde, et il participe régulièrement à des forums en ligne, me pause des questions, et me donne son idée de la société congolaise ».

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argument his ideas, and spread his knowledge around him » (Faure)82. L’ouverture que

représente Internet en matière d’informations, ainsi que l’implication des « médiateurs » dans

les réseaux diasporiques, leurs donnent un rôle accru dans la diffusion des informations. Ils

sont en effet en mesure de diffuser leurs connaissances dans la famille, ce qui leurs accordent

une position plus crédible.

Cette nouvelle place que les jeunes ont dans l’organisation des familles en Afrique n’est pas

sans conséquences dans les hiérarchies intrafamiliales, mais aussi dans les rapports de genre.

Le fait est que les anciennes générations ne sont en aucun cas en mesure de jouer ce rôle

d’intermédiaire, les bouleversements que risquent d’entraîner ces changements semblent donc

être irréversibles : « I cannot deny that his role has increased. But, I think it’s happening in a

lot of household in Togo, and perhaps broadly in Africa. The Internet, and basically

communications technologies concern a great deal more younger people, so much that their

role have changed, and they now have a louder voice. Especially relative to these kinds of

economic trades, such as money transfer, well, everything related to the Internet » (Faure)83.

b) Internet : un nouveau média qui risque de remettre en question les

hiérarchies traditionnelles.

Cette place d’intermédiaire qu’occupent les jeunes dans l’organisation des

relations diaspora / pays d’origine risque de devenir le détonateur d’un bouleversement

remarquable des organisations traditionnelles dans les familles en Afrique. L’accès à Internet

est vécu comme une ouverture sur le monde ; les jeunes, hommes comme femmes, s’étant

relativement familiarisés avec cet outil se retrouvent ainsi réellement impliqués dans la

société de l’information et de la communication. Ils développent des perspectives nouvelles,

qui vont souvent à l’encontre des coutumes et habitudes de vie dans leurs sociétés d’origines.

Nous verrons dans un premier temps en quoi la prise de pouvoir par les jeunes, et leur accès

généralisé à l’information risquent de remettre en cause la position des « anciens », souvent

considérés comme les détenteur du savoir. Dans un deuxième temps, nous montrerons en quoi

82 : traduction : « Mon frère me dit souvent qu’il débat avec mes parents des programmes gouvernementaux au Togo, et les connaissances qu’il développe grâce à Internet lui permettent d’argumenter ses idées, et d’étaler son savoir autour de lui ». 83 : traduction : « Je ne peux pas renier que son rôle s’est accru. Mais je pense que c’est un phénomène remarquable dans beaucoup de foyers au Togo, et peut-être plus largement en Afrique. Internet, et plus simplement les technologies de la communication, concerne bien plus les jeunes, tellement que leurs rôles ont évolués, et leurs voix sont entendues. Spécialement dans les échanges économiques, les transferts, en gros, tout ce qui est lié à Internet ».

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la connexion des femmes avec les réseaux transnationaux leurs donnent de nouvelles

ambitions, et perturbent les rapports de genre.

-Internet ou l’accroissement du décalage entre les générations.

Le nouveau rôle des jeunes, à la fois « médiateur » de l’information, mais aussi gestionnaire

de l’argent transféré depuis les communautés de migrants, leur accorde de plus importantes

responsabilités vis-à-vis de leurs familles : « he has more responsibilities than before, he

decides many things for the family. (Il s’arrête un moment, avant de reprendre). He’ve got

power » (Samuel)84.

Cependant, les plus anciens qui voient souvent d’un mauvais œil l’introduction et l’usage

d’Internet en Afrique, perdent de leur crédibilité, leur savoir étant parfois remis en cause. En

fait, nous sommes face à une opposition de penser entre les jeunes, dont les motivations, les

idées et les projets d’avenir sont essentiellement tournés vers l’extérieur, comparée avec les

plus anciens, qui ont une vision plus « traditionnelle » de la société africaine.

L’expérience de Faure et de ses frères et sœurs est ici très représentative. Dans leur famille au

Togo, nous assistons à une évolution des relations entre les générations, illustrée par des

visions de l’avenir diamétralement opposées. Le grand père de Faure considère que le départ

de déjà trois membres de la famille à l’étranger est suffisant, d’autant plus que deux d’entre

eux ont pratiquement coupé tout contact avec le pays. Les nouvelles perspectives (nourries

par Internet essentiellement) de ses deux frères et sœurs sont principalement marquées par un

désir de migration, le but étant de partir étudier à l’étranger. Nous remarquons facilement à

travers cet exemple le décalage que représentent ces nouvelles orientations par rapport aux

visions plus enclavées des anciennes générations. La présence régulière dans les cybercafés,

la connexion avec les membres de la diaspora, et l’accès à une masse d’information

considérable sur le monde d’aujourd’hui, offrent un tableau du monde extérieur vécu comme

un paradis. D’autant plus que les migrants ne manquent pas de vanter leur nouvelle situation,

et de donner une image très positive du monde dans lequel ils se sont installés: « My brother

is always telling me that the time he spends in the Internet coffee is a way to escape the daily

life, to dream about better places, and to open his mind to the world. Basically, he wants to

move away, to evolve and to change every thing, I think he is pissed off with the older

84 : traduction : « Il a plus de responsabilités qu’avant, il décide d’énormément de choses dans la famille. Il a du pouvoir ».

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generation way of thought, and I understand that well » (Samuel)85.

L’implication des jeunes dans les réseaux Internet est à l’origine d’un réel choc entre les

générations, remettant en cause le pouvoir et le savoir des anciens : « I think it is changing

relations, and even hierarchy » (Samuel)86. Bien qu’à l’intérieur du pays ils soient toujours

considérés comme tels, leur influence sur les jeunes devient de plus en plus limitée, et leur

scepticisme face à l’utilité d’Internet ne fait que renforcer ce décalage : « Things are

changing, and very quickly, I told you the incomprehension between my sister and her elder

about her use of the Internet. And this gap is similar for the whole older generation.

Migration is still important in Africa, but what has changed is that even people who are still

home is hugely connected to the foreign world » (Faure)87.

Cette incompréhension qui affecte les relations entre les jeunes et les anciens risque de

s’accroître au fil du temps. L’indispensable implication des sociétés africaines sur le terrain

virtuel que représente Internet ne touche encore qu’une part trop faible de la population, et les

suspicions émises par les anciens concernant cet outil risquent d’amplifier ce phénomène de

migration de masse. A la place d’une introduction massive d’Internet en Afrique, et une

représentation plus conséquente du continent sur « la toile », on risque d’aller vers une fuite

de plus en plus massive des nouvelles générations.

Le bouleversement des rapports entre les générations risque d’être d’autant plus amplifié si

l’on se pose la question du partage du savoir. En Afrique noire, les connaissances ne sont que

très rarement échangées, marquant une sorte de monopole du savoir par les « anciens ».

Internet (espace fondamentalement basé sur la circulation des informations) donne

l’opportunité aux nouvelles générations d’acquérir un savoir qui s’oppose au monopole des

« anciens ». Il donne la possibilité de s’ouvrir à la fois à des savoirs et au monde extérieur, au

risque de profondes transformations des rapports entre les générations.

-Le bouleversement des rapports de genre : vers une émancipation de la femme.

Ce phénomène d’ouverture vers l’extérieur et ce décalage grandissant entre les générations

touche aussi les femmes. A travers les entretiens nous avons constaté à quel point les jeunes

85 : traduction : « Mon frère me raconte sans cesse que le temps qu’il passe dans le cybercafé est un moyen d’oublier la vie de tous les jours, de rêver d’endroits meilleurs, et de s’ouvrir au monde. Simplement, il veut partir, pour évoluer et tout changer, je pense qu’il ne supporte plus les modes de penser de l’ancienne génération, et je le comprend ». 86 : traduction : « je penses que cela change les relations, et remet en cause les hiérarchies ». 87 : traduction : « Les choses changent, et très rapidement, je t’ai parlé de l’incompréhension entre ma sœur et son aîné concernant l’utilisation d’Internet. Ce décalage est semblable à l’ensemble de l’ancienne génération, la migration a toujours été importante en Afrique, mais ce qui a évolué, c’est que même les gens au pays sont connectés vers le monde extérieur ».

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femmes encore au pays se retrouvent emprises d’un désir d’émancipation et d’épanouissement

par rapport à leur train de vie traditionnel.

En effet, la place de la femme se résumait très souvent à des rôles d’éducation des enfants et

d’entretien des jardins aux alentours des maisons. Depuis la crise des matières premières, et

des grandes monocultures qui faisaient tourner l’économie de beaucoup de pays en Afrique,

les femmes ont acquis une place plus importante dans l’organisation économique ; notamment

en matière de commerce et de production. Leurs petites parcelles deviennent des sources de

revenus non négligeables pour les ménages (ventes des productions agricoles sur les marchés

urbains). Cette émancipation féminine dans le commerce intérieur leur a donné de plus

grandes responsabilités, et a quelque peu perturbé la hiérarchie entre les hommes et les

femmes, ces dernières ayant souvent entre les mains la gestion des ressources financières

principales des ménages.

L’introduction des TIC en Afrique, associée à l’accès Internet relativement facile, a poussé les

femmes à utiliser cet outil pour se mettre en relation avec les membres de la diaspora (pour

beaucoup avec leur mari qui est déjà parti à l’étranger) et élargir leurs commerces au delà des

frontières nationales. Du fait de cette fréquentation régulière des cybercafés, elles ont eu accès

à une information plus massive, ont pu débattre de leur situation sur « la toile », nourrissant de

nouvelles perspectives en matière d’avenir : « I know that my wife is in a dire need to move

abroad, she wants to leave the country, so I tell her how things are happening here, how are

the lectures, the everyday life. In a sense, the Internet permits her to escape from the everyday

life there, and to open her mind toward new perspectives. She can access to some forums, visit

web sites, and speak with me, abroad » (Laolu)88.

Nous assistons donc encore ici à un probable bouleversement de l’organisation de la société

au niveau interne. Les femmes, conscientes de leur rôle accru dans la gestion économique des

ménages, ont de nouvelles ambitions, et entretiennent de plus en plus souvent le désir de

quitter le pays, afin d’intégrer des modes de vies dans lesquelles la femme a plus de

considération : « she can have some news about me and our cousins in France, which gives

her the desire to follow us, to leave the country, to study in a foreign university, she is really

keen on starting a new life. She doesn’t want to stay there, to married a man, grown up

children, and follow this routine (…). She is always accounting me about debates she had,

always questioning herself about the relation with her courses, she is studying international

88 : traduction : « Je sais que ma femme a vraiment besoin de partir, elle veut quitter le pays alors je lui dis comment les choses se passent ici, comment sont les cours, la vie de tous les jours. En un sens, Internet permet de fuir le quotidien, et de s’ouvrir à de nouvelles perspectives. Elle peut participer aux forums, visiter des sites, et parler avec moi ».

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relationship. I think that through the Internet, she has extremely increased her willing to

leave » (Faure)89.

Nous assistons donc à une réelle mutation dans les rapports de genre, qui s’est amorcée avec

la chute du prix des matières premières, plaçant la femme dans une position privilégiée en

matière de gestion commerciale ; puis dans un second temps, par l’introduction d’Internet, qui

leur a donné une plus grande ouverture sur le monde. Les responsabilités en matière de

ressources financières qu’elles ont acquis au sein de la famille les ont placé comme

prioritaires pour jouer le rôle d’intermédiaire avec les communautés de migrants.

De plus, nous remarquons que ces nouvelles perspectives émanent d’un réel désir de faire

changer les choses, et d’une grande motivation de leur part : « she had hard time for that,

after primary school, she had her husband already. But she didn’t want to married at all.

That was a year ago, and she was already discussing with me, going on forums. I think that

was step by step that thing have changed » (Faure)90.

Cette recrudescence de la fréquentation des cybercafés par les femmes a aussi entraîné un

effet boule de neige. Les premières (maillon intermédiaire de l’organisation relationnelle de la

diaspora avec le pays d’origine) ont vite diffusé les avantages de cet outil, et attiré leurs

proches à utiliser Internet afin d’élargir leurs visions des rapports de genre (débats sur des

forums, échanges d’idées, aperçus sur l’organisation des sociétés

« occidentales » : « approximately once a week, she is going in the website

Planetafrique.com, where she can share a lot of debates, about situation in Africa, and many

other topics » (Faure)91. « She is always spreading the advantages of this new communication

and information tool to her fellows, and she told me that a lot of women are coming with her

to learn and use the computers » (Laolu)92.

D’une manière générale nous pouvons donc considérer que la nouvelle génération

est plus impliquée dans la société de l’information via Internet, et donc plus intégrée dans les

réseaux relationnels mondialisés. Ce phénomène touchant les jeunes hommes comme les

89 : traduction : « elle peut avoir des nouvelles de moi et mes cousins en France, ce qui la pousse à partir, pour étudier à l’étranger, elle a vraiment envie de changer de vie. Elle ne veut plus rester, se marier, élever les enfants, et suivre cette routine (…). Elle me parle toujours des débats, elle met tout en relation avec ses cours, elle étudie les relations internationales. Je pense qu’Internet a extrêmement accru sa volonté de partir ». 90 : traduction : « ça a été difficile, elle a eu des moments difficiles après l’école. Elle avait un mari, mais ne voulais pas rester dans cette situation. C’était il y a un an, elle discutait déjà avec moi, allait sur les forums ; c’est petit à petit que les choses ont changés ». 91 : traduction : « A peu près une fois par semaine, elle visite le site Africaforum, où elle partage ses idées à propos de la situation en Afrique et d’autres sujets ». 92 : traduction : « Elle diffuse régulièrement les avantages que représentent les nouvelles technologies d’information et de communication à ses amies, et elle m’a dit que beaucoup de femmes l’accompagnent au cybercafé pour apprendre à se servir d’Internet ».

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jeunes femmes est à l’origine d’un décalage grandissant entre les anciennes et les nouvelles

générations, qui risque d’entraîner de profonds bouleversements des hiérarchies et des

organisations familiales en Afrique. Cependant, ces perspectives d’avenir tournées vers

« l’occident », qui touchent la jeunesse en général, ne sous-entendent pas que les migrants

partent pour tirer un trait sur leur passé, et se détacher définitivement de leur identité

d’origine. A l’inverse, les ambitions de départ sont essentiellement poussées par l’idée qu’ils

seront plus efficace à l’étranger pour aider la famille financièrement, et de manière

personnelle, qu’ils pourront s’ouvrir à de nouvelles cultures et modes de vie : « while we are

away from home, not able to help parents for everyday work, harvests, we are still belonging

to the homeland. I will never leave my family definitely, I’m here to study, but I want later to

use my skills and knowledge to help them » (Faure)93.

Je joins ici un schéma qui reprend de façon simplifiée la place des nouvelles générations dans

la connexion avec le monde extérieur, et les potentiels bouleversements que cela pourrait

entraîner (voir schéma n°4 page 85 et 86).

Pour clore cette partie, je voudrais mettre l’accent sur le caractère relativement

hypothétique de mes propos. Bien que ce nouveau rôle des jeunes générations en position de

« médiateur » de la diaspora revient dans la plupart des entretiens, mon analyse n’est fondée

sur aucune étude statistique, l’échantillon de personnes rencontrées restant assez limité (aux

alentours de trente). Notamment pour le rôle des femmes, étant donné que l’établissement de

ces hypothèses est construit uniquement à partir de récits de migrants qui parlent de la

situation des femmes dans leur pays d’origine.

Je n’ai trouvé aucune référence bibliographique étudiant ces questions, l’analyse n’est donc

appuyée par aucun écrit théorique concernant le bouleversement des hiérarchies et des

rapports humains en Afrique causé par Internet.

De ce fait, les analyses doivent être considérées comme des pistes de recherches, et non pas

comme des conclusions qui seraient trop peu fondées. Les phénomènes étudiés semblent être

en pleine phase de mutation, ce qui oblige à limiter ces idées à des suppositions basées sur le

vécu et les récits des migrants.

J’ai donc volontairement choisi de terminer cette partie par une analyse hypothétique afin de

lui donner une certaine ouverture, tout en parlant d’un des impacts d’Internet les plus

significatifs pour les diasporas et leurs relations virtuelles avec le pays d’origine. Cette 93 : traduction : « Bien que l’on soit loin de chez nous, incapable d’aider nos parents pour les travaux quotidiens, les récoltes, nous considérons toujours appartenir à ce pays. Je ne quitterai jamais ma famille, je suis ici pour étudier, mais je veux utiliser le savoir que j’aurais acquis ici pour les aider ».

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articulation entre le réseau transnational de la diaspora et le pays d’origine par l’intermédiaire

« d’un médiateur » va avoir des répercutions énormes sur le pouvoir que vont détenir ces

intermédiaires, en matière d’information, de connaissance et de savoir-faire (maîtrise des

technologies de la communication et de l’information du monde moderne). Cette

appropriation d’Internet, qui submergera l’Afrique tôt ou tard, va ouvrir à ces personnes des

perspectives d’avenir déterminantes.

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Schéma n°4 : Le rôle central des « médiateurs » : à l’origine de probables perturbations de l’organisation

sociétale en Afrique. (Stebig Jonathan).

Médiateur

Bouleversement des rapports : -entre les générations -de genre

Pays d’origine

Pays d’accueil

Désir de migration accru

Nouvelles générations : Hommes et

femmes jeunes

Remise en cause du savoir des anciens

Rôle économique central

Meilleur appropriation d’Internet

Connaissances de l’anglais (écrire, lire)

Moins de suspicions que les anciens

Diffusion des informations du « web »

Réalisation des investissements

Répartition de l’argent dans la famille

Transferts d’argent

Discussions sur les actualités

Ouverture sur le monde extérieur

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IV) Conclusion :

Pour terminer ce mémoire, revenons tout d’abord sur mon expérience personnelle dans ce

cybercafé « d’Hackney.com ». Dès mes premières visites là-bas, j’ai tout de suite ressenti

cette atmosphère chaleureuse, cette ambiance harmonieuse qui faisait de cet espace un endroit

vraiment particulier, dans lequel je me sentais vraiment accepté. Les premières fois, je suis

resté très discret, me contentant d’observer les comportements des gens, d’étudier leurs

rapports avec Michael, afin de connaître ce cybercafé de l’intérieur. Malgré cette attitude

relativement « passive », j’ai vite été interpellé par les clients habitués et par Michael, qui

m’ont tout de suite mis à l’aise, en me faisant participer à cette vie « communautaire ». Ainsi,

bien qu’étant un étudiant, blanc, français et d’un niveau de vie relativement élevé, je n’ai senti

aucun blocage de leur part. Ils ont fait totale abstraction de ma situation, et m’ont jugé plus

par mon comportement et ma façon de penser, n’hésitant pas à me proposer leur aide sur

n’importe quelle situation où ils pensaient pouvoir m’apporter quelque chose. Je voudrais à ce

sujet citer une anecdote particulièrement pertinente pour la compréhension de ce quotidien

très convivial : c’était au mois d’avril, au moment où je devais rendre une dissertation sur

l’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale. Je suis venu là pour l’imprimer, et

Michael m’a de suite proposé de faire une relecture de mon travail, afin de corriger les fautes

d’anglais, et de me donner son avis sur certains points qui lui semblaient impertinents. Nous

sommes donc allés sur Internet afin de retoucher certaines parties de ma dissertation, mais

plus étonnamment encore, il m’a proposé d’utiliser mon sujet de travail dans le débat organisé

la semaine suivante, à la suite du cours d’informatique. Cette initiative m’a vraiment surprise,

Causes personnelles

Conséquences personnelles

Conséquences pratiques et matérielles

Probables effets politiques et sociaux

Légende du schéma n°4 :

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et j’ai compris que tous les problèmes auxquels pouvaient faire face les clients de ce lieu

étaient partagés avec l’ensemble des habitués « d’Hackey.com », pour trouver les solutions les

plus adaptées.

Si je parle de mon expérience personnelle, c’est pour montrer à quel point les gens étaient

soudés à « Hackney.com », bien qu’étant un petit blanc, très en marge des problèmes

quotidiens auxquels ils devaient faire face, ils m’ont jugé en tant que personne, et ont abordé

mes problèmes de façon très impliqués. Cette ouverture d’esprit m’a très vite marqué dans ce

cybercafé, et je suis tombé sous le charme. J’ai d’ailleurs retrouvé cette ambiance de

solidarité, et cette organisation que je qualifierais de « communautaire », dans très peu

d’autres lieux du quartier.

Pour en revenir plus précisément au sujet de ce mémoire, il s’agit ici d’exposer les trois

aspects essentiels qui lient le migrant à son cybercafé :

-Tout d’abord, et particulièrement à « Hackney.com », le cybercafé va devenir le principal

espace de pré socialisation du migrant ; c’est ici qu’il va réaliser un grand nombre de

rencontres, échanger son quotidien, profiter des expériences des autres afin de trouver un

chemin alternatif vers une intégration dans l’espace d’accueil.

-Ensuite, et de manière plus générale, le cybercafé est le lieu à partir duquel le migrant va être

en mesure de se connecter avec les différentes places de la diaspora, lui permettant

d’entretenir son identité, et de se sentir toujours appartenir à une entité qui se superpose à une

simple intégration physique dans le territoire d’accueil.

-Enfin, c’est ici qu’il va entretenir des relations avec les membres de sa famille restés au pays,

et garder une sensibilité envers son passé et sa terre d’origine, « la mère patrie » ou

« homeland » en anglais ; c’est un sentiment d’appartenance qui se transforme en véritable

mythe pour les migrants de deuxièmes générations, nés dans l’espace d’accueil, qui ont une

vision mythique de cette terre d’origine.

Ainsi, l’articulation entre les trois échelles d’appartenance du migrant (locale, transnationale,

et « nationale »), essentielle à l’entretien de son identité, émane de ce lieu qui devient un

véritable centre pour le maintien du dynamisme identitaire de la diaspora.

Cependant, cette articulation entre les différentes sphères d’appartenance provient

essentiellement du bon désir des migrants de s’impliquer. La mise en place de réels

programmes visant à orienter le savoir-faire, le capital matériel et intellectuel des diasporas

vers le pays d’origine reste quasi inexistante.

Au niveau économique, le migrant va développer, à titre personnel, une activité qui met en

relation son espace local, son pays d’origine, et le réseau transnational qui articule les

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différentes places de la diaspora. En ce sens, il devient un véritable « entrepreneur sans

entreprise » (Diminescu, 2001), profitant de ces différents réseaux d’appartenance, pour

développer de réelles activités productives. Cependant, ce système ne débouche pas sur la

création de réels programmes par les gouvernements, afin de tirer parti de cette organisation

transfrontalière de la diaspora, qui permettraient des retombées positives sur l’économie du

pays d’origine.

Au niveau politique, le problème est sensiblement le même. Le migrant se retrouve impliqué

dans un réseau de communication et d’information véritablement libre de toute censure

gouvernementale. Dans des situations politiques localisées, il va être un maillon de la

diffusion de l’information sur le réseau Internet et prendre contact avec des bureaux de presse

et associations dans le territoire d’accueil. A travers le réseau Internet, nous assistons à une

amplification de la conscience politique des membres des diasporas, ainsi qu’au

développement, plus ponctuel, d’un militantisme virtuel. Cependant, bien que la majorité des

migrants se disent engagés, et sensibilisés par la situation politique dans leur pays d’origine ;

les initiatives sur le réseau virtuel n’ont encore réussi à aboutir à aucun changement sur le

terrain. Mis à part des groupes isolés qui tentent d’organiser une réelle action politique à

l’étranger, la plupart des migrants sont dans une sorte « d’activisme passif ». Les individus

ont bonne conscience du fait de leurs implications dans les circuits de l’information et de la

communication, et de leurs sensibilisations vis-à-vis des programmes politiques mis en place

dans leur pays d’origine. Le manque de prise de risque, et l’absence de programmes de luttes

aterritoriales à grandes envergures fait ressortir une attitude relativement fataliste et résignée

des ressortissants, qui considèrent leur implication économique (transfert d’argent), et

politique (suivi des situations) comme suffisantes.

De plus, en abordant le problème du côté du pays d’origine, la situation ne semble pas

pouvoir s’améliorer. En effet, la position des nouvelles générations (qui jouent le rôle de

« médiateur ») dans la coordination avec le réseau international d’information et de

communication ne fait qu’accentuer leurs désirs d’ouvertures vers l’extérieur. Nous sommes

donc face au développement d’un réel cercle vicieux ; l’incompréhension entre les

générations vis-à-vis des opportunités que représentent Internet risque d’accentuer ce

décalage, et pousser les jeunes à envisager leur avenir dans des perspectives de migrations. La

fuite de ces populations, les mieux placées pour orienter les pays d’origines vers une réelle

appropriation des réseaux Internet, risque de limiter l’implication des pays africains dans les

réseaux d’information et de communication transnationaux, un espace virtuel de plus en plus

central dans l’ère de la mondialisation.

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Pour terminer, je voudrais brièvement parler d’un aspect relativement important pour

les diasporas, que je n’ai pas développé dans ce travail, faute d’appuis dans les entretiens de

terrain : Internet comme outil de contrôle pour les services de l’immigration, véritable

instrument de « traçabilité » de la mobilité. Si j’ai choisi de ne pas développer cette question

des systèmes de contrôle, c’est aussi parce que ce travail est essentiellement tourné vers

l’étude de l’usage des TIC dans les diasporas. L’informatisation des systèmes de contrôle par

les pays d’accueils et d’origines pourrait en revanche faire l’objet d’un autre mémoire, qui

s’orienterait vers l’apport des TIC pour les Etats dans des perspectives de contrôle de la

migration et des mobilités (n’entrant pas vraiment dans ce sujet d’étude). Ainsi, j’ai préféré

m’en tenir ici à l’étude de l’usage des TIC par les migrants, sans développer réellement la

question du contrôle par les Etats.

Le contrôle des migrants se fait de plus en plus sur un support informatique. Les frontières

physiques s’estompent progressivement en Europe, alors que les frontières informatiques

s’installent dans les consulats et les services de douane. La mise en place du système

EURODAC94 en Europe (dont fait parti la Grande Bretagne) représente parfaitement ce

nouveau support de contrôle des migrations. C’est un programme qui consiste à retracer

l’historicité du parcours des migrants, et à organiser la gestion informatique des dossiers de

ressortissants étrangers. Les possibilités de contourner les circuits d’intégration classiques,

offertes par les TIC, semblent contrebalancées par l’informatisation des dossiers concernant

les migrants. Certains programmes déjà utilisés aux Etats-Unis sont d’ailleurs à l’étude en

Europe, comme la biométrie95, ou encore les projets de puce sous-cutanés (dont on récupère

les informations dans une base de donnée).

Bien que ces nouveaux moyens de contrôle pour les gouvernements d’accueils permettent un

meilleur suivi de la mobilité des ressortissants étrangers, Internet reste l‘outil le plus adapté

dans le monde moderne mondialisé. Support d’une identité à la fois anonyme, aterritoriale, et

transnationale, il est un moyen de s’intégrer dans le monde de la communication et de

l’information, en utilisant ses connectivités pour transformer sa mobilité physique (de plus en

plus contrôlée) en une mobilité virtuelle (présence quotidienne dans les différentes sphères

d’appartenance).

94 Crée le 15 juin 1990, lors de la signature de la convention de Dublin, EURODAC est un programme utilisé par tous les Etats membres. C’est un système de comparaison des empreintes digitales de tous les demandeurs d’asiles et immigrants clandestins. Cet instrument communautaire de contrôle, mis en place en Mars 1998 est coordonné autour d’une base de donnée centrale, accessible à tous les pays membres de l’U.E ( Diminescu, 2006) 95 : Biométrie : un programme qui consiste à remplacer progressivement les cartes d’identités par des puces informatiques dans lesquelles sont enregistrées les caractéristiques du corps humain du migrant (empreintes digitales, pupille de l’œil) (Diminescu, 2006).

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Les TIC apparaissent comme encore plus indispensables pour les migrants clandestins quand

on considère les difficultés qu’ils rencontrent pour rentrer au pays. En effet, les migrants en

situations irrégulières ne sont pas acceptés par les sociétés d’accueils, mais ne peuvent pas

non plus retourner au pays, les systèmes de contrôle étant de plus en plus stricts (d’autant plus

que la lutte anti-terroriste renforce les craintes de la part des autorités, et accentue les

procédures de contrôle). En un sens nous passons d’un système de « diaspora noria »

(migration temporaire) à un système de « diaspora définitive » (le retour au pays étant très

difficile). Avant, les migrants d’une même famille se relayaient, maintenant c’est devenu

presque impossible, c’est pourquoi les TIC sont d’autant plus importants pour eux.

Cependant, comme le souligne Mlle Diminescu (2001), nous entrons dans une période où le

contrôle de l’immigration risque de s’étendre à l’ensemble des mobilités. Nous sommes donc

face à une généralisation de la « traçabilité » à l’ensemble des mouvements des individus, tout

type de mouvement étant fiché et informatisé.

Se pose alors la question suivante : allons nous vers une fin de la liberté de circuler ?

Pour clore mon travail sur une note plus optimiste, je voudrais revenir sur l’aspect

central de mon analyse, à savoir que les TIC semblent être un outil très efficace pour les

diasporas. Bien que la mise en place de programmes d’orientations du capital humain et

matériel que représente la diaspora vers les pays d’origine soit encore inexistante ; les TIC

jouent un rôle central dans le dynamisme de ces communautés de migrants. Support d’une

identité qui se construit sur une articulation des échelles d’appartenance, le réseau virtuel

donne l’opportunité aux diasporas de coordonner leurs actions, au niveau local, transnational,

et vers le pays d’origine.

En dernier lieu, je voudrais citer Seydou Badian Kouyaté96, afin de rendre la parole au

continent africain, et donner une voix aux intellectuels qui en sont originaire : « Le groupe est

la réalité, le souverain bien, le refuge, la citadelle sans laquelle l’individu serait en péril.

L’homme se meut, évolue, se réalise au sein du groupe. Le refus absolu – refus rupture – est

une hérésie. Il est désintégrateur du groupe, il fragilise l’individu, le condamne, c’est un

suicide ». C’est ainsi en ce sens que les TIC ont un rôle essentiel, celui de réunir et

d’entretenir le lien du groupe.

96 : Seydou Badian Kouyaté est ministre du développement de la république du Mali dans le gouvernement dirigé par Modibo Kéita. Il a beaucoup travaillé sur les problèmes psychologiques d’une société africaine en évolution. Il prône la synthèse plutôt que le choix entre tradition et modernisme qui amputerait l’âme africaine.

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Page 98: "Les TIC : un nouvel outil pour les diasporas - L'exemple des pratiques et usages des clients "d'Hackney.com" à Londres", 12.2006

98

Glossaire

Africa Centre : Association dont le siège est à Covent Garden (Londres), dont l’objectif est

d’aider les minorités africaines à s’intégrer à Londres.

Commonwealth : organisation économique issue de la période coloniale de la Grande

Bretagne qui rassemble la Grande Bretagne, l’Australie et les Etats-Unis.

Cultural diaspora : diaspora « intellectuelle ».

Health Net : réseau Internet le plus répandu sur le continent africain dont l’introduction

remonte aux début des années 1990.

Labour and Imperial diaspora : diaspora du travail et diaspora à fort capital humain.

Money Express : programme qui permet le transfert d’argent qui permet aux migrants

d’envoyer des fonds vers le pays d’origine, et de suivre l’évolution des transferts via Internet.

Nobordercamp : projet Européen créé en 2002, réunissant des activistes politiques, des

migrants et des artistes de toute l’Europe (site Internet : www.nobordercamp.org).

Trade diaspora : diaspora de l’échange et du commerce.

Victim diaspora : diaspora pour laquelle le départ du pays d’origine à été contraint.

Liste des sigles

-FMI : Fond Monétaire Internationale

-LSE : Ecole d’Economie de Londres

-MSH : Maison des Sciences de Humaine

-NACEM : Conseil National pour les Minorités Ethiques

-PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

-SOAS : Ecole d’études orientales et africaines

-TIC : Téchnologies de l’Information et de la Communication

-UCL : Université de Londres

-UFC : Union des Forces pour le Changement

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Table des illustrations

• Cartographie

-Carte n°1 : Agglomération londonienne (extrait du site : www.quid.fr//monde)............page 17

-Carte n°2 : Répartition des communautés noires Africaines à Londres (extrait de « the

guardians » 21/01/05 : « The world in one city »)……………………………….……..page 20

• Schémas

-Schéma n°1 : Le cybercafé : un support d’intégration, de connexion transnationale et de

pérennisation identitaire (Stebig Jonathan)………………………………………….…page 47

-Schéma n°2 : Les TIC : un outil d’intégration, d’intégrité identitaire et d’organisation

économique (Stebig Jonathan)…………………………………………………...…page 60-61

-Schéma n°3 : Internet : démocratisation de l’information et de la communication : outil de

pression politique (Stebig Jonathan)……………………………………………………page 71

-Schéma n°4 : Le rôle central des « médiateurs » : à l’origine de probables perturbations de

l’organisation sociétale en Afrique (Stebig Jonathan)…………………………...…page 85-86

• Tableaux

-Tableau n°1 : Présentation des 23 individus choisis pour la réalisation des entretiens (Stebig

Jonathan)………………………………………………………………………………...page 27

• Photos

-Photo n°1 : Page de présentation, devanture du cybercafé « Hackney.com » à Londres (photo

prise par Michael, le gérant)…………………………………………………..………….page 1

-Photo n°2 : Intérieur du cybercafé « Hackney. Com » (photo prise par Michael)……..page 37

-Photo n°3 : Peinture de Yomi exposée dans le cybercafé « Hackney.com » (photo prise par

Michael)………………………………………………………………………………....page 40

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• Pages Web illustratives (captures d’écran)

-Capture d’écran n°1 : Deuxième page de « Diastode » : présentation des domaines

d’informations du site, extrait du site « www.diastode.org »…………………………...page 24

-Capture d’écran n°2 : Présentation générale des objectifs « d’Africa’nti », extrait du site

« www.africa’nti.org »……………………………………………………………….…page 31

-Capture d’écran n°3 : Exemples d’articles disponibles en ligne gratuitement sur

« Africa’nti », extrait du site « www.africa’nti.org ».…………………………………..page 32

-Capture d’écran n°4 : Présentation des objectifs et de l’historique de « Diastode », extrait du

site « www.diastode.org »………………………………………………………...…page 42-43

-Capture d’écran n°5 : Exemple de publications des membres de la Diaspora sur « Diastode »,

extrait de « www.diastode.org »………………………………………………………...page 54

-Capture d’écran n°6 : Présentation générale et historique de l’association « Nobordercamp »,

extrait du site « www.nobordercamp.org »…………………………………………..…page 67

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101

Annexes

-Annexe 1 : guides d’entretiens………………………………………………………102-107

• 1er guide…………………………………………..……………………………102-105 • Guide définitif……………………………………………..……………………105-107

-Annexe 2 : retranscriptions d’entretiens……………………………………….…...108-128

• Entretiens retranscrits en quasi intégralité………………………………..…...108-120 • Extraits d’entretiens : passages pertinents……………………………………..121-128

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Annexe 1 : guide d’entretien

• Première version :

I am a French student in geography, I study in London for one year and I have to make

a research about the African Diaspora’s relationship with the homeland, and I have chosen to

focus on the use of Internet in these relationships.

• General relationship:

-Do you keep any contact with your family in the homeland?

-Do you use Internet in order to keep relationship?

Were do you go in order to connect to Internet?

How many times in a week?

Is there a particular person with who you keep the correspondence?

Do you supply your family in informatics’ material?

-Do you keep correspondence with other people from the Diaspora‘s network? In

London? In U.K? In the World?

• Identity and territoriality:

-Do you feel belonging to this host city? Or do you have a personal identity which

is a mixture of your belonging to London and your own culture?

-Did you lose your original identity because of the travel in this host city?

-Do you think that Internet network have given to you a particular identity due to

the interconnection within the Diaspora’s communities?

Is the use of Internet increases your connection and thus, your own identity?

-Do you think Internet is a way to cross the physical borders, to increase the links

in the Diaspora?

• Homeland connection:

-Is Internet gives you the opportunity to organize yours actions toward the

homeland? To invest yourself in your country?

-Do you carry the purpose to go back home later?

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-Have you moved abroad just in order to increase your family standard of living

and your future life? Is the migration just a step in your life?

• Disruption of traditional rules and hierarchy:

-Do you have a mediator in the homeland?

-What are the young people functions in your original country? Are they more

connected to the web? Do they know the use of computers better than others?

-Is Internet a chance for women to go round the traditional gender relation? A way

to be more independent?

-How women have integrated this new technology? Are they sensitized?

-Is the Internet influence upsets the original custom in your homeland? I mean the

hierarchy and gender relationship?

-Is Internet a disruption in the old people power in Africa?

-Is Internet an emancipation way for women, in order to get round the rules and

customs?

• Economic relationship:

-Do you send back money or material things in the homeland?

-Do you trade with other members of the Diaspora?

-What are the opportunities of using Internet for economic relationship?

Is there a trade network in the Diaspora?

Do you take opportunity of shows, events or meetings in other parts of the

world to sell some African goods?

-Do you make some Investment in your original country?

I mean, buy fields, organize a trade store, or build a house?

Is Internet increases the opportunity to organize your economic investment in

the homeland? How is it beneficial?

• Political relationship:

-Do you use for African information through newspapers, radio and T.V, available

online?

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-Do you use online forum to exchange points of view with your community about

political situation in your homeland?

-Do you think Internet is a way to be a citizen who live abroad, but keep political

conscious of what is happening in his homeland?

-Do you think that the web could be a good counter power in order to fight against

corruption and dictatorship?

-Do you have relationship via the web with your original country’s government?

Is there some political program on behalf of government to keep you connected

to the country? In order to take advantage of Diaspora network.

Is there some return program? I mean some attraction strategy by the

government to encourage you to come back or to be engaged in the homeland.

-Do you think Internet could become the modern militancy for opponent and for

people who lives abroad?

• "Transnationality", international connection and cultural diversity:

-Do you think Internet give a way to broaden the impact of African culture in the

world?

-Do you think Internet allows a cultural mixture, in the sense that people from

different religion, culture or nationality can meet each other online to share

different opinion and feelings, like “an international society”?

-Is Internet a network of co-ordination, connectivity and relationship with different

people?

-Do you use Internet in order to take part in a global organization? Like alter-

globalization movement? I mean, meet different people online to share a common

goal in global actions or feelings?

• “Brain drain” or “Brain gain”?

-Do you think people who leave the homeland to study have a role to play in

development of their own country?

-Is the “brain drain” could become a “brain gain”, because of the Internet inter-

connection and the Diaspora’s Investment in the home country?

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-Do you think that government should develop return program, or co-ordination

program in order to attract migrants or, basically take advantage of their

knowledge?

• Imperialism instrument:

-Do you think Internet could become the power instrument for industrialized

countries if African governments don’t try to control this modern technology and

to increase their use of it?

• Guide d’entretien : Version definitive.

• General relationship:

-Do you keep any contact with your family in the homeland?

-Why did you choose this particular Internet coffee?

How many times a week are you coming?

What are your uses of the Internet?

-Do you keep up good relations with other customers of this place?

-Do you keep correspondence with other people from the Diaspora‘s network? In

London? In U.K? In the World?

• Identity and territoriality:

-Do you feel belonging to this host city?

-What do you think about this Internet coffee? Is it usual for your integration in

London?

-Did you lose your original identity because of the travel in this host city?

-Do you think the Internet is a way to increase the links in the Diaspora? A way to

keep up your own identity?

• Homeland connection:

-Is Internet gives you the opportunity to organize yours actions toward the

homeland? To invest yourself in your country?

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106

- Is there a particular person with who you keep the correspondence?

-What are his functions in the country? Is he more connected to the web? Does he

know the use of computers better than others?

-Are there any consequences related to the new role of people connected with you

through the web?

-What are the uses of the Internet for women?

-Is the new access to the international network gives a further path to the outside

world?

-How older generations consider this new tool? Is their position disrupted in the

society?

-Is the migration just a step in your life?

• Economic relationship:

-Do you send back money or material things in the homeland?

-Do you make some Investment in your country?

Is the Internet increase the opportunity to organize your economic investment

in the homeland?

-Do you trade with other members of the Diaspora?

-What are the opportunities of using Internet for economic relationship?

Is there a trade network in the Diaspora?

Do you take opportunity of shows, events or meetings in other parts of the

world to sell some goods?

• Political relationship:

-Is the access to African news (TV, press, radio) easier since you increased you use

of the Internet? Is there any difference compared with when you were home?

-Do you use online forum to exchange points of view with your community about

political and social topics?

-Do you think the Internet is a way to keep political consciousness of what is

happening in his homeland?

-Do you think Internet could become the modern militancy tool for people who

live abroad?

-Do you think that the web could be a way to fight against corruption and

dictatorship?

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-Do you have relationship via the web with political parties home?

-Is there some political program on behalf of government to keep you connected to

the country?

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Annexe 2 : Retranscriptions d’entretiens

• Entretiens retranscrits en quasi-intégralité.

Faure, togolais, 26 ans, étudiant en anglais.

Date de la réalisation de l’entretien : 14 mars 2006

-Well, could you told me about your connection, and discussion with your relatives, in Togo,

and outside. Is there a particular person with who you are conversing in Togo?

-Actually there are 2, my sister, Yenda, and my brother, Abdou. It depend of there timetable,

there are student you know, quite busy, and they mustn’t fail, that’s a chance for us to study.

-Ok, how do you communicate?

-Emails essentially

-She tells you about her personal uses of the Internet?

-Well, approximately once a week, she is going in the website planetafrique.com, where she

can share a lot of debates, about situation in Africa, and many other topics.

-Do you think that her new habits with the Internet have changed her life?

-That’s sure, that’s essentially why she wants to move abroad. First, she can have some news

about me and our cousins in France, which give her the desire to follow us, to leave the

country, to study in a foreign university, she is really keen on starting a new life. She doesn’t

want to stay there, to married a man, grown up children, and follow this routine. (il a l’ai un

peu perdu, l’air d’avoir oublié de quoi il parlé). Emm, and what else, oh, and the forums as

well. She is always accounting me about debates she had, always questioning her self about

the relation with her courses, she is studying international relationship. I think that through the

Internet, she has extremely increased her willing to leave, that’s sure.

(je tente d’intervenir, mais il me coupe la parole)

-I’m going to tell you something, to show you how far things have change. Yenda counted me

about her relation with our older sister, which is (il lève les yeux et réflechi), I think 35 years

old. Apparently, Fayel (la plus grande soeur), looks what yenda is doing very badly. I mean,

studies, her time spend in Internet coffee, and all what she talks about at dinner time, her

desires, plans for future. In my mind, things have changed very quickly, from one generation

to the other; the Internet has developed such rapidly that misunderstanding is quite common

between people.

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-That’s really interesting, so, according to you, what your sister is planning to do result a great

deal from her uses of the Internet.

-Yes, among others, the Internet, studies, my departure, our cousins in France. But that’s sure,

all these things are related to the fact that she uses more and more this tool.

-And what people think about that, I mean, your parents, grand-parents?

-They look that quite unfavourably. That’s may be why she really wants to leave. I know that

she has some friends at school, which are in the same feeling as her.

-And what about you, what do you think about these traditions disruptions? You look really

close to your sister, do you thing what’s happening is good for her?

-Definitely, I’m living for almost 2 years, enough to see how women are considered,

respected. For example, in LSE, how many students are women? That’s crazy, we couldn’t

see that home, women are fated to grown up children, to feed the family, nothing more.

-So why was she able to study?

-Man, she had hard time for that, after primary school, she had her husband already. But she

was didn’t want to married at all. That was a year ago, and she was already discussing with

me, going on forums. I things was step by step that thing have changed. Because she was, as

my brother, the only one to know how the Internet was working, she was well placed to make

the link with us abroad, and she acquired much more, through forums, and all the stuff. Thus,

she asks to carry on studies, and she managed to. She always has what she deserves.

-What is your point of view about that? Don’t you think that this change will disrupted the

traditional customs in your county?

-And so, you think that she should stop studies, going back, she has done so much, she

deserve to leave, and people will be aware later how useful it was for everybody.

-Why?

-Because, while we are away from home, not able to help parents for everyday work, harvests,

we are still belonging to the homeland. I will never leave my family definitely, I’m here to

study, but I want later to use my skills and knowledge to help them.

-Yes, but may be they fear you to be too much attracted by this new kind of life, and never

want to do a step back.

-That’s what they must think, but that’s wrong. (il réflechi un instant) But actually you’re

wrong as well, the situation is different for me, I’m working here, in my spare time, I’m

dealing flyers in the street, and I send back money home, and I fund my classes by myself.

That was the condition for my departure. I’m not sure that my sister will be as involve as me

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in the situation in Togo. She is pissed off you know, if she manage to come here, she will

basically think about her, and never look backward.

-You just told me that you send back money home.

-Yes

-Is the Internet useful for these transfers?

-Of course. I never send money by post now, I only use money express.

-What’s that?

-You don’t know. That’s a great program, there are 3 offices in the UK, and a great number in

Togo. It’s possible to send Cash to cash, cash to bank account, it’s very flexible.

-Who is receiving the money?

-My sister and my bro (brother) are indispensable in this trade, they are the only one able to

deal with me, and the rest of my family would be overwhelmed. They’ve got a central role in

the economic exchanges with me, and so, are responsible for investments, purchases, and all

the stuff home.

-It makes things shift?

- (me regarde avec un léger sourire) Things are changing, and very quickly, I told you the

incomprehension between my sister and her elder about her use of the Internet. And this gap

is similar for the whole older generation. Migration is still important in Africa, but what has

changed is that even people who are still home are hugely connected to the foreign world.

-(un petit silence, le temps de relancer la discussion sur quelque chose d’autre). Ok, that’s

perfect, let’s now speak about you. Do you feel belonging to the host country?

-Oh no, I’ve got a proper identity, If I cross somebody in a bar, I will never tell him that I’m

English, I’m Togolese, and I will be forever. That’s my only identity.

-I see, but, you feel integrated to London, don’t you?

-Well, I share a flat, I’m studying working here, enough to consider myself as well integrated,

but that is completely different than a feeling of belonging.

-Is the Internet moved you closer to your home?

-Yes, that’s definitely easier for me to find information about my country, as there is nothing

here concerning Togo. The Internet gave me a steady connection to the evolvement in Togo.

-Do you feel still involve relative to the situation in your country?

-Extremely, in Togo, corruption is still important; the political situation isn’t stable yet. I’m a

member of the website diastode.com, targeting on the Togolese Diaspora.

-Do you use other forums?

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-Yes, I use Transafricaforum, and Africaforum as well, more general, about different topics

concerning Africa. But actually Diastode is not a forum, I publishing some articles on the

website, I pay for my adhesion, it’s completely different. It seems to me important to share

my ideas, feelings, point of view about what is happening in the world. I really would like to

start studies in international relations here, but I need to pas the First Cambridge Certificate, a

condition to apply for any university in the UK. So, by the moment, I’m debating on the net.

-And what about your family, or friends from Togo, who are living in other parts of the world,

as France, and may be elsewhere.

-I’ve got Togolese mates in Canada and France essentially, and we are almost all members of

Diastode, and we sometimes discuss in some forums.

-Do you think the Internet is a way for you to get people living in different countries closer?

-Yes, I know what you mean. Let me tell you something. This tool is for me essential, to keep

contact with other people from Togo. Aside from forums, I use very often Skype to discuss

with my friends and relatives in France, we share ideas, advice each other about good website

to use, co-ordinate our actions relative to the Togo’s political actions.

-So, through the Internet you can be involved a larger community of Togolese people?

-Yes, and that is important for my identity. Here in London, there is not a lot of Togolese, so,

it’s important for me to communicate regularly on the web, with fellows, it give me a further

way to still feel belonging to my country.

-Are you interested about the political situation there?

-Sure, I’m coming once a week to be informed about government decisions, new programs,

and all the stuff.

-Do you have any particular case in witch you are co-operated all together about the Togolese

political situation?

-Of course, I will quickly present you the political situation there. I’m, as all my friends from

Togo, an active member of the Union of Forces for Changes called UFC, it was the major

opponent party for the last elections, the candidate to the elections was Emmanuel Bob-

Akitani, we are supported by no less than 5 other parties, but we lost the elections against the

Rally for the Togolese People in April 2005, the new president was the son of Eyadéma,

Fauré Gnassingbé, after many unconstitutional decisions by the parliament. During this all

period, I was in the UK, debating with my friends about the chances of Bob-Akitani to

succeed to Eyadéma, but we already knew how hard would be the task for him, so much the

RTP was controlling the political sphere. We were all of us in steady contact home with

members of the parties, who gave us information about how things were spending on the

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field. Then, thanks to diastode, we were trying to expand the information about undemocratic

situation held by the party in power through the web site to have a broaden impact on the

international sphere. But, as I told you, the election has occurred, and Gnassingbé won.

-You seem a bit disappointed, why?

-Man, that’s impossible for us to have any impact on what’s happen there, that’s it.

-Don’t you think that through further actions and co-operations as you did with you fellows in

using Diastode, problems of corruption could be enlarged to the international community, and

eventually have reversal effects over your country.

-Never ever, what is Togo for people abroad, we are a small country, without interests, we

were living a dictatorship for 40 years when Eyadéma was president, marginalized from the

international community due to our undemocratic policies and actions, even excluded from

(OAU) the Organisation for African Unity. Things will not change thanks to a small group of

Togolese abroad who want to see the country evolve and shift radically. We need power for

that.

-So, in a sense you consider your actions inefficient?

-Well I just see what’s happening, we were sincerely implied in the last elections, and we

didn’t manage to make thing change.

-Do you consider yourself as a militant?

-I am, and I will ever be. My actions are perhaps unproductive, but I share ideas, I’m

politically engaged and I try to keep a contact with the political member of UFC in Togo. I do

my best… Even if I’m not on the field, I try to inform all my fellows in the network, and I’m

connected home with some political parties.

-Do you think you could have a higher impact if you were still living in the country?

-I’m not sure (il s’arrête, et se reprend après un petit hochement de tête). Actually in a sense

yes, people abroad are thinking, discussing debating, but we are not on the field. But, I think

it’s important to find the balance between both, a part of the movement really active in the

country, and another part who is trying to develop, and enlarge the popularity of the cause

defended.

-So, do you still feel citizen of Togo, through all these actions and interests you carry

concerning your country?

-No man, I cannot say that, I moved abroad, I physically away. That’s why it’s different for

my.

-But, I mean, perhaps your actions allow you to feel integrated in Togo.

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-As I already told you, I’m Togolese, it’s my identity, my country. But I would be ashamed

and dishonest on my behalf to say that I’m as people there a citizen of Togo. Even if I’m may

be more politically imply that a lot pf people there, I’m in a quieter climate. For example, two

of my friends have been killed the day after the elections in Togo. And one was absolutely not

implied in politics, that’s why it’s even more dangerous.

-Is there any program implemented by the Togolese government focused on the Diaspora?

-(il fronce les sourcils, l’air de ne pas comprendre de quoi je veux parler)

-I mean, some return program to encourage people abroad to return home, or taxes on the

incomes you get in the host country, things like that.

-I don’t think so, never eared about that. I already send money home, and I think many

migrants do the same; it’s much more efficient for the standard of living of our families than

sending money to the government.

-But what about the money you send back home. Do you ask them to spend that in particular

investments?

-No my brother is responsible, he know what to do, so I let him share the money fairly. I think

he bought lands around Lomé, for cultures, and may be later build a house. But that’s not my

problem any more, I’m here now, I keep what I need to live, or survive (il me regarde avec un

sourire crispé). Our relation is based on confidence, I give him the full responsibility to use

the money how we decided, and make everybody taking advantage of these transfers.

-So, it is again an important evolution in family’s roles, I mean you brother carries much more

responsibilities.

-Yes, I cannot deny that his role has increased. But, I think it’s happening in a lot of

household in Togo, and perhaps broadly in Africa. The Internet, and basically

communications technologies concern a great deal more younger people, so much that their

role have changed, and they now have a louder voice. Especially relative to these kinds of

economic trades, such as money transfer, well, everything related to the Internet. And also

related to information and knowledge. My brother is often telling me that he is debating with

my parents about the governments programs in Togo, and the knowledge he got through the

Internet allows him to argument his ideas, and spread his knowledge around him.

-What do you think about these changes? Do you think it's good?

-Pretty good yes, we need to have people able to appropriate the Internet, that’s the

tomorrow’s technology, and Africa must be able to not be pushed away from this stuff.

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Samuel, congolais, 28 ans, commerçant.

Date de réalisation de l’entretien : 22 avril 2006

-Well, when did you arrive in the Internet coffee?

-About an hour ago, I’m waiting for some news about my friend in Manchester, there is a

market in one week, in Brixton, and we must discuss about the goods we already have.

-Ok, do you essentially correspond with your working fellows by the Internet?

-Well, this man is particular, he don’t have any mobile. He just arrived from Ethiopia a month

ago, and he still don’t have mobile. Do you know what I mean?

-Yes, sure; so the common tool for communication in the UK is the mobile?

-(courte hésitation, le temps de réfléchir). Mostly, you know that is cheaper, and easier for

work, I never had problem to get my friends on mobile, and some don’t write English very

well.

-I see. (Petit silence) So do you have many relations across UK?

-Yes man, I’ve got fellow in Manchester, Liverpool, Birmingham, Brighton (petite pause),

and many in Brighton. That’s work my friend you know, If I want to eat, in this city, I must

be organised and connected. We keep up-to-date all together about events, festival, big

markets, and any event likely to attract population, and make money

-(d’un ton un peu gêné). But, you’re from Congo, aren’t you?

-Yes man

-Well, and you have relations with people originally from different countries?

-Obviously, what do you think? I’m not a racist, I living in the shit, like my brothers, so we

need help. In this city if you want to make money to survive, you must overpass differences,

that is business.

-I understand, I understand (j’hésite un peu, je cherche quoi dire). And what about London,

you live in Hackney, a West African neighbourhood, and do you have connection with other

parts of London, for trade, or commodities exchanges?

-Yes a lot of, the more places we have, the more money we get. Here there is the market in

Hackney central, every day, but we see people especially on week end, when they’ve got

spare days. During the week, I go to Brixton on Monday and Tuesday, it is maybe the biggest

one, and there are many tourists. And Thursday and Friday, I go to Woolwich and Abbey

wood, in far east London, many Nigerian are living there, I’ve got a couple of mate there, we

do some business together.

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-So if I try to summarize, you are connected in the whole UK as well as in London, essentially

by phone, you are always looking for any opportunity to sell your goods, wherever, thanks to

your numerous relations.

-Exactly my friend, my job, it is to be awake; I never stop, always at the top.

-And, what kind of goods do you sell?

-Whatever you want, I adapt my self to the place, to the market. I mean, in Brixton I’m

specialized in many traditional and typical (il rit), from my own country, because there is

tourist who enjoy this kind of products. Unlike in Hackney, I sell food, duvets, watch, useful

goods, for everyday life.

-(il me coupe la parole)

-Wait, and it’s very different when I’m moving throughout UK, because it is more for

specialized markets, and events, relative to festivals, especially in summer. There, I sell

almost only goods from my country.

- And what about your connections with your country, do you keep the contact.

-Sure my friend, I will never forget my origins, it is important for me. I was born there; I will

always belong to this country.

-Do you use the Internet for that?

-Yes, mostly, it is easier, cheaper, and we can send a great number of information, in only one

email.

-Is it useful for your business, to keep a steady contact there?

-Yes, I communicate only by the Internet, approximately once a month I ask them for

supplies.

-So, this tool is an advantage for your work.

-I think it is essential, It’s cheaper, faster, we can communicate from anywhere in the world.

And, in my city, the mobile network is still very limited. I could be easier for us to use only

phones, but there is as much Internet coffee as mobile relays. I use the Internet.

-And what about the other places in the world where some of your brothers are living? Do you

enlarge your trade network in other countries?

-Yes, I know some people who are in France (il rit), In Paris, your home. And I know some

other in the USA.

-How do you communicate with them?

-The Internet man, the same thing, the longer is the distance, the better is the Internet. It is

important for us to know what is happening in other countries, about economic opportunities.

Actually, I am often connected with my mates in the US, and in France, and we organize our

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business relative to the season, the economic situation, the demand in each country. Each of

us then, is in relation with his country to oriented goods towards the good place.

-Well, so tell me if I am right, you’re in a sort of big connected exchange market with other

places in the world. With which you communicate by the web, to check-out possibilities in

each places, and you are all linked to your homeland, in order to organize your trade market.

-Yes, it is like that.

-But, are you in relation with people from different country, in the world network, such as in

the UK, and especially in London?

-No, of course not, it is to far away, how do you want us to develop real relations with people

we have never seen. (il s’arrête et réflechit un peu). By the way, there is one or two Malian I

know in Paris. I met a guy last time in Brixton, who is living in London, and he gave me the

contact of one of his friends in Paris. So now, I have other contact in Paris, which is quite cool

for my job.

-Do you move abroad, for special events, when there is opportunity to make money?

-Yes, I’m going to Paris once or twice a year, but I’ve never been to the US, fly is too

expensive my friend.

-And do you go to see the guys you know from Mali?

-People you don’t know very well are quite distrustful. They fear about there markets. You

need time to trust a foreigner. We work in a jungle, and we are conscious that everybody can

try to steal our market.

-That’s interesting. (je marque une pause). Do you send back some money for your family, in

your country?

-Yes, approximately one third of my incomes. (il semble un peu trouble). Actually, I am here

to enhance the living standard of my family in Brazzaville. Every month, according to the

amount of money I have received from my business, I send back some to my home.

-Is the Internet useful for this kind of transaction?

-Sure, my brother who is still there, he speaks English quite well, and reads as well. So, he is

organizing the investment of the money I send back home. Thanks to him, I can ensure that

what I send there will be well use, and not spend in stupid things. He is very important, I trust

him, and he is studying and very clever, that’s why I know he will make the whole family

take advantage of this money.

-How do you send back the money? By post?

-No, as many migrants, I use the money express organism, and control the transaction through

the Internet. It is well controlled and easy for them to get the money.

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-What do you ask him to do with the money?

-First, they use that to ensure the every day life of the extended family, but he don’t give the

money directly; he organizes expenditures, according to the needs of each one. Then, with the

spare money, he saves that, the principal goal being to invest in a land around the city. In a

way, he is the bank officer of my extended family. It is very interesting to be a home owner.

When my family will have a land, the purpose is to build a house for every body. It will take

long time, but I’m sure we will manage to do that. Especially since I’m not alone, my two

brothers in New York are sending money as well.

-How do you communicate with your brother home? Emails, instant messages through

hotmail, or Skype.

-Well, most of the time I send him just emails, but some times, when there is important things

to say, which are urgent, I give him a meeting, and either I call him by Skype or discuss with

hotmail. Both are good, it depend of the feeling, no special use for each one.

-What do you think about the role of your brother in your country?

-He has many responsibilities, he is a key man for me. That is why we need somebody we can

trust, and somebody familiarized with the Internet, because many people home don’t even

know how to send an email.

-Indeed, don’t you think kind of power gathered by your brother can be disrupting for the

traditional hierarchy?

-(il à l’air un peu hésitant, ne sais pas trop quoi dire). Well, I mean, (il bafouille), may be. I

don’t know. Basically, in a sense yes. I know that my brother is really awake about what is

happening in the world, and he is regularly going on forums, asking me questions, and giving

me his idea about how the Congolese society should be.

-What do you think about the relations between generations?

-My brother is always telling me that the time he spends in the Internet coffee is a way to

escape the daily life, to dream about better places, and to open his mind to the world.

Basically, he wants to move away, to evolve and to change every thing, I think he is pissed off

with the older generation way of thought, and I understand that well.

-Is their role positive for the life of your family in Congo?

-Yes, without my brother, things wouldn’t be as well organized as they are.

-His position has changed in the society there?

-Yes, he have more responsibilities than before, he decides many things for the family. (il

s’arrête un moment, avant de reprendre). He’ve got power.

-How old people perceive this new role in society?

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-They must accept, in the sense that it’s beneficial for us. Otherwise, nobody would be able to

do this task, my brother is very efficient. But, I will tell you something, my brother told me

last time that he had a long discussion with our grand-father about the Internet. He told me

that grand-dad knows something is changing, and he is conscious that he cannot control it. He

asks him about what he was always doing in the Internet coffee. Why he was going there. My

brother told him that he was exchanging information with me and organizing the money

transfer and all the stuff. My brother told me that he had a really suspicious eye about this

technology, it will make him ill. That it is a colonisation tool, a domination tool use by

industrialized countries to keep us under control. (Il s’arrête, le temps de réfléchir)

-That’s very interesting, carry on.

-Well, if I tell you that, it’s just to make you understand how lost are old people in my

country, they are still marked by the former imperial system, and will never believe that the

Internet can be a good thing.

-The Internet, in this sense is not without consequences on customs and traditions in your

country.

-Yes, I think it is changing relations, and even hierarchy.

-And what about women, do you think their positions have changed in the society due to this

tool?

-(il lève les yeux, l’air pensif). Well, in my experiences, and my family, there are no women

who use the tool.

-Is your brother aware of this power he has acquired with the skill of this tool?

-Sure my friend, but how I told you, he his clever, and he will not try to use this for his own.

Of course, he uses that for information, knowledge, and further opening toward the world, but

he will never try to keep the money for him, or dupe the family. He is a good guy.

-Let speak about your use of the Internet? Do you come here only to communicate for your

work, with family and organize your trades?

-No man, that is only one of my practices, I am coming here very often to have some news

about what happen in my country. I surf essentially on two websites: congoonline.com and

congosite.com. It seems to me important to keep a keen eye on the news there, to see the

evolution of the situation.

-And do you still feel involve in the political situation there?

-Definitely, it’s my country, I grown up there, and my family is still there, it is important for

me to know the evolution there. I like to have some discussion with my brother, he lives there,

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so it is interesting to know how he feels things, because it is completely different for him. (il

s’arrête)

-Why?

-He is living there, I told you, and he has a different view of Congo’s political life. I can go on

the websites, I told you about, but there are not really objective, they tell us what is good to

ear, not what is really happening for populations. My brother is studying so he can tell me

how things are evolving.

-Is he the only person with who you are debating about that?

-No, of course no, I have many discussions with my relations in the US and in France, they

are very interested about our country, so we can share ideas.

-So, for you, your exchanges on the web are limited to discussions with your mates.

-Almost my friend.

-And do you have some relations with the political parties in the homeland? To give them

your ideas.

Not me, I’ve got some friends who are maybe more involved than me.

-Well, that’s good. According to you, is the Internet a good tool for political action in the

original country?

-I think so, when you see how my Togolese friend is implied in political actions. But I don’t

think he can have some impact over the government programs in Togo even with the

connections he has throughout the world. But, it is not by debating, organising seminaries or

whatever that the situation will evolve over there. Institutions here still don’t care about our

situation, and it is by action on the field that we will manage to change things.

-You don’t look really interested by this kind of things.

-You know what, I don’t have time, I’m here to make money, for my family, to enhance their

situation in the country, and for me to eat here. I don’t have time to waste with political

actions.

-You told me about the pressure that the communities abroad can exercised over the

government through their connections with different organisations such an amnesty and many

else. Do you know if governments try to keep a hand over these populations abroad?

-In my country there is nothing like that.

-Relative to the problem of press freedom in your country, don’t you think that the Internet

could represent a further path for journalist to publish their articles?

-Of course, I had this discussion with my brother, and we pointed out that I have more access

to the Congolese press than most of the Congolese who are still there. The government

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controls the press, but he cannot control the Internet, that’s why it is very useful for me. I can

balance the ideas through different newspapers online.

-Do you think the Internet could be a new way of political actions?

-(il s’arrête un instant et réfléchi). Well, sure it could be. But I’m not sure that people like me

are involved to such an extent that they try to develop this kind of movements. It is of course

a new way for us to keep the country in touch, and to remain interested about it. But far away

the idea to fight for political rights. Actually, I’m sure that there are some people who went

abroad by force, people who represented threats for the governments, and who continue their

political practices, but this kind of movement will never make things change, you can trust

me. Things can evolve only on the field, by physical actions. The associations, or all the stuff

interested about the political situation in our country are limited, and even if some important

movement are created, the power is still in the hands of political parties home.

-So, for you, the Internet is a good way for pacifist mobilization, share of ideas, but in any

way a good tool for powerful political organization.

-Yes.

-Do you think that the Internet will enlarge the interest about Africa in the world?

-Of course not, my continent is delayed, people don’t care about, the situation there, they

don’t mind. Read the news man, whatever the newspapers, the guardian, the Independent,

they just write article concerning Africa when there is wars, turmoil, elections. Broadly, only

when the situation is under a lot of strain, especially for European people who are living there.

-That’s true.

-What do you think, the Internet is not a revolution, things won’t change because of

technology. Of course, it is easier for me to organize my commerce, but in no way it will

change the vision of Africa by people.

-Of course that’s true.

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• Extraits d’entretiens : passages pertinents.

Salomon, 28 ans, togolais, étudiant en anglais.

Date de réalisation de l’entretien : 3 mars 2006.

-What are your relations with your brother home?

-I send him emails, about the transactions, the way I want him to use the money. But also to

give him some news about my situation here.

-How can you ensure that your brother will make the good investments with the money you

send home?

- Our relation is based on confidence, I give him the full responsibility to use the money how

we decided, and make everybody taking advantage of these transfers. He will never try to

keep the money for him, or dupe the family. He is a good guy.

-Do you contact your family home only by emails?

-No I also use phone, and Skype, but it’s not steady at all. I only contact my relative home by

phone to fix a date, in the Internet coffee, to discuss longer, with Skype. But it is only when I

need to tell something important and hurry.

-And tell me more about your brother. What is he doing in the Internet coffee, about his uses

of the Internet?

- He uses that for information, knowledge, and further opening toward the world. This access

to internationals information gave him the possibility to have further vision about the situation

in Togo, and to discuss about his political ideas.

-Are you also invest in the political situation in Togo?

Yes, I’m a member of Diastode, and I surf on the Togolese news websites, and so on.

-Tell me about Diastode, and your expectations about this website.

-There is one essential point I wanted to tell you about. The way in which I use Diastode is

mostly practical, to connect myself with other members in different places of the Diaspora,

and discuss about what are the economic opportunities over there, when the Togolese events

are settled around Europe, and… basically to express what I think about our situation, how to

increase, enhance the Diaspora’s organisation, and so on.

-So you essentially use that related to the Togolese community abroad. Is it important for your

identity?

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-That’s through Diastode that we keep up the vitality of our community. And even more, we

manage to remote from the traditional isolation of each community in the host country, we are

well connected, and aware about our common belongings throughout the world.

-And what about your political involvement in Togo?

-I’m very implying in politic, but I’m not an activist. And I don’t think that things will evolve

there thanks to the Internet and the broaden access to information.

- (je m’arrête, il a l’air embarassé) You don’t even think that it can enlarge the consciousness

of the situation there. I mean, at least, people can access to some news about what happen,

and discuss, as you do, in forums or by mail.

-You’re right, people are aware, but what’s happening? Is the corruption in political sphere in

Togo erased? Is the government enhanced the policies? Even if people become aware about

that, they don’t have influence.

-Sure, that’s true. (Je marque une pause) So, you don’t consider yourself as a militant, acting

to change politics in Togo.

-If you want, there, to be invest in the political actions, you life is every day endangered, you

cannot know if you will be still alive day after day, each sunset is a kind of chance. I’m not

living under such a strain; I’m away from the field, isolated from the political fights. It would

be too proud to feel myself as active as people there.

-Ok, I understand. And what about your other uses of the Internet, do you go on different

forums, websites…?

-Of course, that’s why I’m not only a member of Diastode, I need to enlarge my knowledge,

and to overtake the mere internal analysis, and to know what external people think about our

situation.

Michael, ghannéen, 32 ans, gérant « d’Hackney.com ».

Date de réalisation de l’entretien : 10 mars 2006.

-How could you define me this cyber coffee?

-Hackney Centre is an open place toward the outside, toward the community settled abroad,

and also the news about every single place in the world. A way to access, in a full freedom, to

a huge amount of information.

-But what is happening in the inside is very particular, isn’t it?

-Of course there are computers in this place, but what people is looking for is more than a

basic Internet connexion, it’s social exchange and integration. What I tried to do when I

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opened this Internet coffee was to create a place in which the migrant could find a way to

associate the use of the Internet to feel still belonging to his community; with a natural

adaptation to the London Ian everyday life.

-I’m a little astonished by the national mixture of your customers, who all seems to be friends,

standing by each people.

-I don’t want to make my cyber coffee exclusively Ghanaian, or Ethiopian. What I’m proud

about is especially this mixture. In a way, Hackney Centre is a community, which overcomes

all the different cultural belongings.

-The friendship mood of your place must be attractive for people. Do you think it is the key of

your success?

-I really don’t consider my work as a success. I’m not looking for personal glory. I created

this Internet coffee to live, and make money. But much more to help migrants to feel

belonging to a group of people, happy to come together, and to share the everyday life.

-Do you think your coffee is a good way for people to find jobs?

-When a new customer is coming, and he starts to ask me about the way to find work, or flat;

I just tell him, the more people you know, the easier it is going to be for you to find. So just

look around you, and don’t be shy. That is not due to my coffee in particular, but more due to

people and mood inside.

-Tell me a bit more about the computer courses Salomon gives to your customers. Do you

choose the topics by yourself?

-Most of the time yes. What I am trying to do is to awake people about different topics very

under covered in the mass media, and by this way, it is spreading through their own group.

-It is a great method, very clever. You found a way to articulate social, political and economic

topics about what is happening in the world with the basic learns of the Internet. What do you

think about this tool, I mean, the shift it will introduce in society.

-I know a sentence full of truth, let me tell you. The Internet is changing the world. But the

world cannot change only by the Internet.

Wilson, kenyan, 35 ans, caissier.

Date de réalisation de l’entretien: 18 mars 2006

-Why do you come to this Internet coffee?

-Well it is simple. You have computers, people to help you, and a friendly mood. Everything

you need in this kind of place.

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-Do you use the Internet to connect yourself to your homeland?

-Not at all. My relatives are living in a village. In my homeland, there is no Internet

connection, I am here totally disconnected from my background, the only way to have news is

to call by phone or to send letters, but it’s long, expensive, and not regular at all.

-I’m sorry. So for you what is useful with the Internet?

-I am coming here to go on forums, and to read some news about the situation in Kenya. But

what I found here is more than a way to surf on the web. It is a proper community, a group of

people who doesn’t care about origins, about culture. I’m feeling well surrounded here, so I

come regularly.

-So even if you aren’t very imply in international communications, you still feel the need to

come here, visit people, and spend friendly time?

-Exactly.

-But you don’t have any relations, or connections with other people from Kenya, settling in

other parts of the world? A way to still feeling belonging to your country.

-Not really, but I know what you mean. The more you are internationally connected, the more

you have the opportunity to develop a common feeling across boundaries. I’m not linked, or

involve in a Kenyan network, which doesn’t really exist by the way. I’m here isolated in my

city, and I don’t feel Kenyan, I don’t even feel English, I feel from nowhere. Or only from

“Hackney Centre”

Karim, ghanéen, 21 ans, travailleur informel.

Date de réalisation de l’entretien : 2 avril 2006

-Tell me about your activities here in London.

-I do a lot of things, I just arrived, and I need money.

-Tell me more precisely.

-I work once a week with michæl in the Internet coffee, I help Samuel on the market in

Brixton, I sell some food with Temi in Camden Town. I travel every day, waiting for a call, to

make money

-Tell me about your work with Michael, what are you doing?

-I’m casher, cleaner, I’m doing the coffee. Actually, I’m doing many things.

-How is he contacting you?

-Michael bought me a phone, and he sends me messages regularly to know when I must come

to work.

-That’s interesting, why did he buy you a phone?

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-Just because I needed a house to make a contract, and other conditions. I still don’t have

-Sorry to ask that, but that’s an informal job, isn’t it?

-Well, yes. As all my jobs, I’m an illegal migrant. Not allowed to be here. So I try to do as

much as I can.

-And what about your activity with Samuel? Is he a good guy?

- (Il se marre) Yes, he is. He just needs me in Brixton, because there are a lot of people. And

this market looks like a jungle, a competition between marketers. When somebody asks for

something we don’t have, we are going to another man, and keep a commission on the total

price. So we need to be two. One who stays, the other who moves.

-But is it a fair competition between people?

-Almost. Actually yes, but in this work, you must know your working fellows; you must trust

them, in order to have good relations. Everything is regulated by talk, there is no contract,

nothing is written, it is informal, and so you must be very clean.

-And you met all these people in “Hackney Centre”?

-Yes

-Is it a good way to be integrated to the society?

-Yes, of course. There is many people, everybody is nice, and have plan to share for work. I

would resume this place like that: we come to “Hackney Centre” to be connected to the

outside, and we left the place seduced by the vitality and the happiness of the inside.

Yomi, nigérianne, 26 ans, Caissière et peintre.

Date de réalisation de l’entretien: 12 avril 2006

-Do you use the Internet to communicate with your relatives in Nigeria?

-Yes, I’m sending emails approximately every week, to tell them about my daily life, my

problems. And especially to show them that I can live on my own, and continue to paint, as an

independent artist.

-Do you use only emails?

-Not really, but mostly yes.

-Which other communication way?

- (Elle hésite, semble un peu génée) Well, sometimes I’m looking for an oral conversation, to

feel closer to my mate. So, I just use Skype when I am feeling sad, and when I miss my

husband. But nothing else.

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-Ok well, and let’s talk again about the news you send back home by mail, and especially

your artistic project.

-Yes

-How does your family home regard your artistic activity?

-They don’t feel really keen on. According to my husband, I should have stayed in Nigeria

and just painting for pleasure. He doesn’t understand why I travelled here to try to become a

real artist, able to earn money by painting.

-And so, are you able to live by you art?

-Not yet, I’m still in the need to work as a casher in Sainsbury. But apart from this job, I can

display my paints in this Internet coffee thanks to Michael. And also in the market here in

Hackney every Sunday, and in Brixton on Monday. I have a kind of contract with Africa

Centre as well; they allow me to use their office in Covent Garden to display over there.

-Tell me more about this function of displaying in “Hackney Centre”; is it an idea coming

from Michael?

-Yes, he is really keen on enlarge the activity in the cyber coffee, he tries to diversified this

place.

-And, what do you think about this diversification?

-Basically, what I found in this centre is more than a way to communicate with my fellows

home, I could have been any elsewhere. I found a real way to express myself, to display my

work, and to open my mind to other way of thought. It is very friendly here, I’m feeling well.

-But it still doesn’t allow you to earn money?

-I know that it doesn’t represent a way for me to earn money or start a real career, but I don’t

care. That does enlighten the inside, attract people’s eyes, and give me the opportunity to

show my paints.

-So why don’t you try to find another way to display?

-I try, I’m very active, and looking for as much opportunity as I can find. But, you mustn’t be

too pretentious when you are an artist. Things will not come directly, you need to use every

opportunity you have to show your work. It is evolving step by step.

Laolu, nigérian, 24 ans, étudiant en anglais

Date de réalisation de l’entretien: 12 avril 2006

-How did you find the address of this Internet coffee?

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-You know, it is quite easy to come here when you live in Hackney. Many people comes here,

it is the best Internet coffee I know, because people are very pleasant.

-And what did attract you to come in this particular place?

-Actually, that’s Salomon who told me about this place, I was looking for Internet courses,

which is important for me in my English school. Salomon is my neighbour, and he told me

that he gave classes here during the week. It was great for me to find a way to articulate my

links toward the homeland with the training of the basic uses of the Internet.

-What do you think about this cyber coffee? The atmosphere, the mood, and so on. I’m gonna

be clear and brief: we can summarize what characterized Hackney Centre in a word:

solidarity. It is a perfect place to find friends, and to settle in a steady way in the city.

-Let’s talk about something else

-Carry on

-Why do you use the Internet?

-A lot of things man. First to give and receive news about my wife essentially, who is still

there, waiting for a possibility to come. But also to discuss on forums, to read news about

Nigeria, and a lot of things.

-How do you communicate with your wife in Nigeria?

-I prefer to send e-mails, but sometimes, when I need some comfort, I call my wife, with

Skype, and tell how much I am in love with her

-Why emails?

-It is the easier way to communicate. You don’t have to be free at the same time, you can send

a lot of information in only one mail. It is great.

-Can you merely explain what are you talking about?

-Well, it depend, I know that my wife is in a dire need to move abroad, she wants to leave the

country, so I tell her how things are happening here, how are the lectures, the everyday life. In

a sense, the Internet permits her to escape from the everyday life there, and to open her mind

toward new perspectives. She can access to some forums, visit web site, and speak with me,

abroad.

-Is the fact that you went here had repercussions over her use of the Internet?

-Yes, I told her when I left that I will send news essentially through the Internet, so she made

a lot of effort to learn the basic functions of this tool. But, by the way, she known read and

speak English, so it was easier for her.

-Do you think her access to this tool of information and communication has changed her

vision of life and future?

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-As I told you, she planned to come here, but I’m sending her money to help her to pay the

ticket; it takes time, but soon, she’s going to join me. I hope so (dit-il d’un air impatient). But

apart from that, she is sharing ideas on forums and she is bored with the habits here. She

wants to work, to have a role, and to discover Europe. She had a big chance to access to the

Internet, and she is not the only one.

-What do you mean?

-She is always spreading the advantages of this new communication and information tool to

her fellows, and she told me that a lot of women are coming with her to learn and use the

computers. They desire to change their life is increasing, and the Internet is one of the

reasons.