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7/28/2019 Les.afriques.diplomatie.1
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D I R E C T E U R D
E L A P
U B L I C A T I O N :
A B D E R R A
Z Z A K
S I T A I L
L’UNESCOÀ LA CROISÉEDES CHEMINS
GÉOSTRATÉGIEAMBASSADEUR DOSSIERUNESCO
L’UNESCOà la croiséedes chemins
Rached Farah
Le Sud doit’approprier’UNESCO»
Mali
Les vrais enjeux de la guerredans le nord-Mali
Philippe Hugon
Les perspectivesdu NouveauMali
Les perspectivesdu NouveauMali
Alain PellegriniINTERVIEW INTERVIEW
DIPLOMATIEN° 1 - Février 2013
lesafriques.com
7/28/2019 Les.afriques.diplomatie.1
http://slidepdf.com/reader/full/lesafriquesdiplomatie1 2/8
SOMMAIRE
3
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7
8
Pour tous les décideurs qui s’intéressentau continent africain et qui cherchentdésespérément des clés de lecture qui leur
apportent un regard analytique sur les muta-tions, les défis et les changements que connaîtl’Afrique, vous êtes désormais servis. Votredemande est exhaussée avec le lancement de cenouveau mensuel que notre rédaction a nommé
Les Afriques Diplomatie qui vient complétervotre journal hebdomadaire Les Afriques.A travers ce nouveau lancement, le groupe
Les Afriques apporte un complément essen-tiel au journal hebdomadaire panafricain Les
Afriques qui ne cesse de s’enrichir pourmieux répondre aux exigences d’un lectoratintellectuel en quête d’informations écono-miques, financières et politiques sur l’Afriquequi avance.Avec une fréquence de sortie d’un numéro audébut de chaque mois, Les Afriques Diplo-
matie s’est choisi volontairement une ligneéditoriale basée sur l’objectivité et l’ouvertured’esprit afin de délivrer une vision analytiqueneutre des aspects géopolitiques, géostraté-giques et diplomatiques en rapport avec lecontinent africain.
Les Afriques Diplomatie s’adresse en prioritéaux décideurs de la sphère diplomatique, dumonde politique, du monde des affaires quicherchent des outils pour comprendre lesenjeux du continent. Le support vous offre ainsiune bonne grille de lecture qui aide à mieux comprendre les enjeux sur les événements mar-quants, les phénomènes importants, les muta-tions qui impactent le continent africain surle plan économique, politique, et stratégique.Dès ce premier numéro, vous découvrirez notredossier spécial sur l’Unesco (page 4), cette ins-titution onusienne phare qui traverse une zonede turbulence depuis quelques années. Vouspouvez lire également notre analyse géostra-tégique qui explique les différents enjeux quise cachent derrière le conflit du nord-Mali(page 6). Entre-autres. Bonne lecture.
L’Afrique des enjeux diplomatiques
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Groupe Les AfriquesEdition & Communication S.A.Société anonyme au capital de 2’657’600.- CHFSiège Social : Rue du Cendrier 24 - 1201 GenèveSuisse
Président administrateur déléguéAbderrazzak Sitaïl
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Directeur de la PublicationAbderrazzak Sitaïl
Directeur de la RédactionAdama [email protected]
Rédacteur en chefLes Afriques DIPLOMATIEIbrahim [email protected]
Secrétaire de Rédaction :Daouda Mbaye
Rédaction :Walid Kefi, Tunis,Ismaïla Aidara, Paris, Dakar,Louis Amédée, UEMOA,Rodrigue Fenelon Massala, Abidjan,
Achille Mbog Pibasso, CEMAC,François Bambou, Yaoundé,Bénédicte Chatel, Paris,Anne Guillaume-Gentil, Paris,Khalid Berrada, Casablanca,Sanae Taleb, Casablanca,Olivier Tovor, Lomé,Willy Kamdem, Yaoundé,Amadou Seck, Nouakchott,Mohamedou Ndiaye, Dakar.
Responsable Artistique :Mouhcine El GarehMaquettiste :El Mahfoud Ait Boukroum
Directeur Développement et MarketingLibasse [email protected]
Responsable e-Marketing :Khalid Essajidi
Responsable Abonnement et DistributionNada Benayad
Commercial,[email protected]@lesafriques.com
Edition internationaleCommission paritaire : 1012 C 89135Edition Maroc
B.O.N°5618-26 rabii 1429 (3-4-2008)
Crédit photosAFP, DR
© Reproduction interdite sans l’accord écritde l’éditeur
DIPLOMATIE N°1FÉVRIER 2013
AMBASSADEURRached Farah, ambassa-deur de Djibouti à Paris,candidat à la direction gé-nérale de l’UNESCO.
DOSSIERAvec un budget de fonctionne-ment réduit et une efficacitémitigée, l’UNESCO risque deperdre toute son influence entant qu’organisation onusiennede premier plan. Mais l’institu-tion tente d’opérer une nou-velle orientation stratégiquevitale pour sa survie. Entre lesmachinations politiques et lesnombreux défis à relever sur leterrain, la tâche s’annonceardue pour le nouveau direc-teur qui sera élu à la tête del’institution à la fin 2013.
GÉOSTRATÉGIEBien que la lutte contre le terro-risme soit l’objectif affiché, leconflit dans le nord-Mali cachede multiples enjeux. En effet,pour les différentes parties pre-nantes (le Mali, le MNLA, laFrance, la CEDEAO, les groupesislamistes, et même la commu-nauté internationale) chacun ases intérêts à défendre. Eclairagesur les enjeux d’une guerre iné-dite au cœur du Sahel.
6INTERVIEWPhilippe Hugon, directeur derecherche à l’IRIS, auteur degéopolitique de l’Afrique, ParisSEDES 2012, rappelle qu’à labase du chaudron Nord Ma-lien, il y a des revendicationstouarégues anciennes.
INTERVIEWPour Alain PELLEGRINI, Gé-
néral français à la retraite,Consultant en stratégie mili-taire et maintien de la paix, an-cien commandant de la Forceintérimaire des Nations uniesau Liban(FINUL), le conflitmalien est une conséquence dela guerre en Libye.
MOUVEMENTSET NOMINATIONSChakib Benmoussa, ambassa-deur du Maroc en France / unbrillant technocrate ambassa-deur du Maroc en France.
8AGENDADIPLOMATIQUELes dates clés pour les grandsrendez-vous diplomatiques àne pas manquer.
2 • FÉVRIER 2013
Abderrazzak Sitaïl,Directeur de Publication
ÉDITORIAL
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AMBASSADEUR
L es Afriques Diplomatie :Vous êtes
candidat à la direction générale del’UNESCO. Est-ce une candidature
Djiboutienne ou africaine ?Rached Farah : Nous présentons cette candi-
dature comme celle du Sud. Elle est africaine,
arabe mais aussi elle est celle de l’ensemble des
pays du Sud. L’UNESCO compte 198 pays
membres dont le groupe des 77 et de grands
pays comme la Chine. C’est une organisation
unique qui a contribué énormément à faire
avancer la paix dans le monde. Ces nobles ob-
jectifs ont créé un courant de tolérance et de
réconciliation à la fin de la deuxième guerremondiale, avec le soutien de personnalités em-
blématiques comme Eisenhower et De
Gaulles. Plus que la paix, l’Unesco a contribué
à la construction de l’Union Européenne avec
le soutien de la société civile, du monde scien-
tifique et universitaire. C’est fort de ces sou-
tiens que l’organisation a pu promouvoir
l’intégration à travers la promotion de la
science et de la culture, pour imposer l’école
de Jules Ferry. Après la seconde guerre mon-
diale, l’autre grand rendez-vous avec l’histoire
aura été la chute du Mur de Berlin.
L’UNESCO a adopté l’approche de la crois-
sance et développement comme moteurs de la
paix en Europe. L’intégration du vieux conti-
nent a eu comme socle la culture de la paix et
le développement. Ce sont autant d’objectifs
atteints par l’Europe, mais qui constituent en-
core des défis pour le Sud. Nous avons encore
dans la partie Sud du globe des problèmes liés
au manque de tolérance, des populations dé-
placées, des réfugiés. Si le HCR et l’UNICEF
jouent bien leur rôle, en apportant les soins né-
cessaires aux 700 000 réfugiés massés dans un
camp au Kenya, quid de l’éducation ? L’impli-cation de l’UNESCO est indispensable dans
ces points chauds du globe pour promouvoir
la paix et la tolérance, à travers l’éducation et la
culture. Voilà pourquoi je trouve pertinent que
le Sud se réapproprie l’UNESCO. Les conflits
et les camps déplacés menacent la croissance
dans les pays du Sud. A l’exemple de l’Europe
qui s’est reconstruite avec la consolidation de
la paix, nous pouvons dire que toute croissance
pérenne doit s’accompagner d’un développe-
ment scientifique. Et, comme le disait Nehru,
l’UNESCO doit être la conscience universelle.Nous devons faire en sorte que l’UNESCO ré-
investisse le terrain et soit à l’écoute des popu-
lations du Sud, pour promouvoir le dialogue
à travers la culture et la paix.
LAD :Pourquoi c’est à l’UNESCO et non à
l’ONU de faire cette promotion de la paix dans les pays du Sud ?RF :Vous savez, l’UNESCO de par son archi-
tecture démocratique présente une opportu-
nité pour faire avancer la paix. Peut être c’est
une machine qui manque de souplesse et qui
a pris un peu d’âge. En 2015, l’UNESCO fê-
tera ses 70 ans, d’où la nécessité de revoir le
dispositif et d’impliquer la jeunesse. En com-
posant avec les jeunes, l’organisation se met-
tra au diapason des enjeux du 21e siècle.
LAD :Vous considérez-vous comme lecontinuateur de l’œuvre du sénégalaisAmadou Mahtar Mbow, ancien directeurgénéral de l’UNESCO ?RF : Absolument. Monsieur Mbow avait eu
à faire avec quelques tiraillements nés de la
guerre froide. C’est un personnage impor-
tant. Son passage à l’UNESCO correspond à
une étape importante de l’histoire de l’orga-
nisation. Je m’inscris dans la continuation
de son œuvre de rendre l’UNESCO univer-
selle, quoique, il faut le dire, notre époque
fait face plutôt aux enjeux de la globalisation
et d’une certaine unipolarisation. Le Sud a,
dans ce cadre, besoin de l’UNESCO comme
l’Europe en avait besoin à la fin de la
deuxième guerre mondiale.
LAD :Quelles sont vos chances par rapportau directeur général sortant, citoyenne bul-gare, candidate à sa propre succession ?RF : La Bulgarie est un pays européen des
Balkans qui n’a pas les caractéristiques de
nos pays du Sud. Je suis persuadé que la re-
conduction automatique doit être l’excep-
tion dans les grandes organisations commel’UNESCO. Il faudrait que ce qu’on exige des
gouvernements soit aussi appliqué par les or-
ganisations internationales. La reconduction
automatique appartient au 20e siécle, aux ar-
rangements politiques et aux compromis du
temps de la Guerre froide. Cela ne doit pas
être un réflexe dans un monde de débat. La
transparence doit être au cœur du débat.
LAD :L’UNESCO a été la première organi-sation à avoir admis la Palestine comme
observateur. Comment allez-vous gérer cedossier délicat une fois élu ?RF : Le cas palestinien est un dossier qui date
d’il y a 60 ans. La Palestine a été acceptée à
l’UNESCO en tant qu’Etat observateur. Les
choses vont dans la bonne direction. Il est
temps de faire en quelque sorte que la Pales-
tine soit reconnue à part entière. C’est ma
conviction.
LAD :Vous êtes Djiboutien, c'est-à-dire res-sortissant d’une région de l’Afrique de l’Estfort agitée. Comment impliquer l’UNESCOdans la résolution des dossiers chauds decette partie du monde ?RF : Nous devons créer une dynamique plus
forte dans la culture de la paix, de la tolérance
et du vivre ensemble. L’UNESCO est dans
son rôle de bâtir la paix par l’éducation, laculture et la science. En Afrique, en Asie et en
Amérique Latine, beaucoup reste à faire dans
ce domaine. L’exemple de l’Europe est assez
intéressant. Il y a quelques années, on a connu
un génocide dans les Balkans. Les pays euro-
péens ont dépassé cette tragédie grâce à la cul-
ture de la paix. Nous devons, nous pays du
Sud, nous approprier l’UNESCO à notre tour
pour promouvoir la culture de la paix. Nous
avons eu quelques exemples de success story
en Afrique. C’est le cas de la Somalie où avec
les efforts du président djiboutien, Ismaël
Guelleh, et d’autres leaders de la région, à
faire revenir la paix au terme d’un référen-
dum dont les résultats furent accepté par tous
les protagonistes. Il y a espoir tant que les gens
peuvent s’entendre sur une responsabilité
partagée. La culture dans la paix est une cul-
ture de responsabilité, de droits et de devoirs.
L’UNESCO de par son background peut ac-
compagner dans la durée toutes les initiatives
engagées dans les pays du Sud pour ramener
la paix et la stabilité. On n’insistera jamais
assez sur le parcours de l’Europe depuis la fin
de la deuxième guerre mondiale. Voilà unerégion qui a connu le nazisme et les cata-
clysmes de la Shoah et qui, en l’espace d’une
génération, est parvenu à la réconciliation
puis a créé un mouvement politique, écono-
mique et de développement. Nous devons ar-
river à cela. L’UNESCO a rempli son rôle en
Europe. Il lui faut ouvrir une nouvelle page
avec les pays du Sud. Il y a eu quatre direc-
teurs généraux européens. Il appartient
maintenant aux pays du Sud (avec la paren-
thèse de Amadou Mahtar Mbow) de s’appro-
prier l’UNESCO. Je suis musulman modéré,africain et arabe. Je demeure persuadé qu’on
peut tourner la page du clash des civilisations.
Propos recueillis par
Adama Wade
FÉVRIER 2013 • 3
Rached Farah, ambassadeur de Djibouti à Paris,candidat à la direction générale de l’UNESCO
«Le Sud doit s’approprier l’UNESCO»
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Créée il y a plus de 60 ans pour pro-
mouvoir la paix dans le monde à tra-
vers notamment l’éducation, la
science et la culture, l’UNESCO peine
à jouer pleinement son rôle aujourd’hui. D’ail-
leurs le prochain directeur général qui sera élu
cette année à la tête de l’instance culturelle aura
du pain sur la planche. Et pour cause, le contextedéfavorable dans lequel végète, aujourd’hui,
«l’organisation intellectuelle» des Nations Unies.
C’est, en principe, en novembre prochain que se
tiendra l’élection du successeur de la bulgare
Irina Bokova. Une élection qui interviendra
dans un contexte délétère pour l’organisation
qui fait face depuis quelques années à une multi-
tude de défis dont le manque crucial de moyens
pour financer ses ambitieux programmes dans le
monde. Le budget de l’UNESCO a été amputé
de plus de 20 % pour les exercices 2012 et 2013
suite à la décision des Etats-Unis, jusqu’ici plus
gros contributeur, de suspendre leur finance-
ment à l’organisation. En plus de cela, certains
Etats donateurs ont fait fluctuer leur contribu-
tion à cause notamment du contexte de crise
économique de ces dernières années.
Enjeux politiquesL’UNESCO paie par-là le prix fort pour avoir va-
lidé l’adhésion de la Palestine en tant que 195e
membre de l’organisation, et ceux contre la vo-
lonté des Etats-Unis et d’Israël opposés à cette
idée. C’était à l’automne 2011, un an après l’en-
trée de la Palestine comme membre observateurde l’ONU. L’affaire avait, à l’époque, défrayée la
chronique, notamment à cause de la tournure po-
litique des choses (d’un côté les mises en garde
des Etats-Unis et d’Israël alors que de l’autre côté
les palestiniens étaient soutenus par de nombreux
pays dont de grandes puissances occidentales).
En guise de représailles à cette adhésion de la Pa-
lestine, les Etats-Unis ont décidé de suspendre
leur contribution financière qui constituait une
partie conséquente du budget de l’UNESCO. Plu-
sieurs Etats, musulmans pour la plupart, ont tenté
de compenser ce manque à gagner en créant unfonds d’urgence qui a été alimentée par le Qatar à
hauteur de 20 millions d’euros, la Turquie avec 5
millions, entre autres. Mais cette contribution est
loin de compenser l’aide américaine.
Cure d’austéritéL’UNESCO s’est vu donc dans l’obligation d’opé-
rer une coupe drastique dans plusieurs pro-
grammes faisant chuter le budget de
l’Organisation pour 2012 et 2013 à 350 millions
d’Euros, soit une réduction de 29 % sur les deux
ans, selon la directrice de l’organisation lors d’un
récent conseil exécutif de l'agence qui s’est tenu àParis. Cela s’est traduit dans les faits par une ré-
duction des effectifs et la suspension de plusieurs
projets de grande envergure et programmes dans
différents pays. Tout cela a considérablement ré-
duit la marge de manœuvre de cette institution.
Priorité à l’AfriqueAujourd’hui , avec des moyens l imités
l’UNESCO tente d’opérer un revirement straté-
gique de son plan d’action à court et moyen
terme et, par la même occasion, de redorer son
blason. C’est le pari actuel de la directrice géné-
rale qui a engagé un ambitieux programme qui
devrait atteindre sa vitesse de croisière en 2013.
«Les circonstances sont difficiles, et les contraintes
sont fortes – mais ces dernières doivent nous pous-
ser à l'action, et c’est exactement ce que nous fai-
sons» a plaidé à l’occasion la directrice générale
de l’UNESCO, Irina Bokova. Le programme à
moyen terme de l’Organisation a été orienté au-
tour de trois axes stratégiques. Il s’agit de culti-
ver la diversité, de favoriser le développement
durable et de promouvoir l’innovation pour
construire la paix.
Pour se faire, l’UNESCO qui était fortement criti-quée pour le gaspillage des moyens mis à sa dis-
position par les Etats membres a décidé de mettre
en place une «culture de responsabilité et d'effica-
cité» en matière de gouvernance. Dans le même
temps, un recentrage des programmes de l'agence
a été opéré. Par ces actions Irina Bokova entend
d’une part, résorber le déficit budgétaire, mais
également et surtout «mieux positionner
l’UNESCO» et mieux définir sa valeur ajoutée.
En tout cas, en dépit des difficultés auxquelles
elle est confrontée, l’UNESCO ne manque pas
de faire entendre sa voix à chaque fois que l’oc-casion se présente comme l’illustre la crise ma-
lienne où l’organisation a pris des mesures pour
sauvegarder l’immense patrimoine historique
et culturelle que recèle la région de Tombouctou
face à la destruction du patrimoine culturel par
les groupes islamistes. «A l’heure où le monde
cherche des voies nouvelles pour construire la
paix et le développement durable, nous devons
compter sur le pouvoir de l’intelligence à innover,
à élargir nos horizons pour faire vivre l’espoir
d’un nouvel humanisme», proclame l’UNESCO
qui se dit exister « pour donner à c ette inte lli- gence les moyens de se développer, car c’est dans
l’esprit des hommes et des femmes que doivent
s’élever les défenses de la paix, et les conditions du
développement durable».
Concernant les défis pour l’avenir, l’UNESCO
cherche à renforcer la réflexion sur la «durabilité»
du développement. Reste à savoir comment
concrétiser de telles ambitions avec des moyens li-
mités. Ce qui sera le lourd héritage et le pari pour
le prochain directeur général de l’organisation, à
défaut d’une plus grande marge de manœuvre.Ibrahim Souleymane
A la tête de l’UNESCO depuis 2009, l’actuel
directrice générale, la bulgare Irina Bokova
termine son premier mandat cette année.
En novembre prochain se déroulera l’élec-
tion pour choisir son successeur. Si Irina
Bokova est candidate pour un second man-
dat, ses chances de réélection sont minces
puisque selon les règles de la tradition decette institution, le poste, qui a échu quatre
fois à un européen, devrait revenir à un can-
didat africain. Le diplomate djiboutien Ra-
chad Farah part favori, soutenu par le
monde arabe, l’Afrique et de nombreux
pays en développement. L’intéressé qui oc-
cupe déjà le poste de vice-président du
groupe africain au Conseil Exécutif de
l'Unesco a déjà reçu le soutien de l’Organi-
sation de la conférence islamique dont les
voix comptent beaucoup lors du vote. S’il
est élu, Rachad Farah sera le deuxième afri-cain à occuper ce poste après le Sénégalais
Amadou-Mahtar M'Bow qui a été porté à la
tête de l’UNESCO en 1974.
Un africain à la têtede l’UNESCO ?
4 • FÉVRIER 2013
DOSSIER UNESCO
Avec un budget de fonctionnement réduit et une efficacité mitigée, l’UNESCO risque deperdre toute son influence en tant qu’organisation onusienne de premier plan. Mais
l’institution tente d’opérer une nouvelle orientation stratégique vitale pour sa survie. Entreles machinations politiques et les nombreux défis à relever sur le terrain, la tâche s’annonceardue pour le nouveau directeur qui sera élu à la tête de l’institution à la fin 2013.
L’UNESCO à la croisée des chemins
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GÉOSTRATÉGIE Mali
FÉVRIER 2013 • 5
Pourquoi une intervention française
soudaine dans le nord-Mali ? Com-
bien de temps faudra-t-il pour re-
prendre le contrôle du nord du Mali
aux groupes islamistes ? Quelles seront les consé-
quences de ce conflit ? Quels enjeux ? Autant de
questions que se posent aujourd’hui de nom-
breuses personnes. En effet, après l’euphorie despremiers jours qui ont suivi l’entrée en guerre des
forces françaises au Mali, place aux interrogations
sur ce conflit inédit dans le Sahel. Pour beaucoup
d’observateurs, le conflit dans le nord-Mali res-
semble à toutes les guerres contre le terrorisme.
Une guerre qui risque d’être longue, avec des
conséquences au-delà des frontières maliennes.
De l’Etat failli, à l’invasion terroristeLes djihadistes ont profité de la faiblesse du gou-
vernement malien et de ses forces armées. «Forte-
ment armés par les équipements puisés dans les
arsenaux libyens et aguerris par la guerre en Libye,
les mercenaires Touaregs ont fait la jonction avec
les groupes islamistes. La petite armée malienne
n’a pu résister à une telle poussée.», explique Jean-
François Daguzan, Directeur-adjoint de la Fon-
dation pour la recherche stratégique. «Mais plus
globalement, cette affaire est le fruit de l’islamisme
radical combattant tel qu’il s’est développé depuis
trente ans - dont la guerre civile algérienne fut un
de ses creusets majeurs». Dans leur offensive ra-
pide, les groupes islamistes ont profité d’une
conjugaison de facteurs qui leur était favorable. Il
y’avait d’abord, la faiblesse de l’armée malienne,qui manque d’organisation et de moyens. En-
suite, la situation politique fragile depuis le coup
d’Etat du 22 mars 2012 qui a renversé le président
Amadou Toumani Touré (ATT). Enfin, les hésita-
tions de la communauté internationale qui tergi-
verse pour adopter un plan solide afin de sortir le
Mali de l’impasse politico-militaire qui y règne.
Les multiples enjeux de la guerredu MaliLes maliens quant à eux cherchent à reconquérir
la totalité de leur territoire et restaurer la souve-raineté de leur pays. Les rebelles touaregs du
MNLA veulent créer leur propre Etat dénommé
Azawad, dans la partie nord du Mali. La France
cherche à sécuriser ses intérêts économiques au
Mali et au Niger notamment, et en même temps
protéger les ressortissants français. La CEDEAO
cherche à éviter un embrasement de la sous-ré-
gion à cause de la multiplication des groupes isla-
mistes en Afrique de l’Ouest et des risques de
connexions qui existent entre eux (Boko Haram
du Nigeria, MUJAO, Ansar Eddine, etc.). La com-
munauté internationale cherche à restaurer ledroit international dans le nord-Mali et éradiquer
le terrorisme de cette zone, pour empêcher la
contagion de toute l’Afrique de l’Ouest et éviter la
création d’une base arrière pour le terrorisme in-
ternational. De l’autre côté, il y a les groupes ter-
roristes qui eux veulent s’approprier un vaste
territoire afin de s’établir de façon durable, pour
instaurer la charia, mais aussi pour gérer libre-
ment le trafic de drogues, le trafic d’armes et le
«business des enlèvements» de ressortissants oc-
cidentaux qu’ils pourraient ensuite échanger
contre des rançons afin de financer leurs activités.
Le rapport de forces sur le terrainBien que la plupart des pays s’accordaient à dire
qu’une opération militaire était inévitable pour
enrayer la menace islamiste au Mali, les ater-
moiements de la communauté internationale
qui peinait à fixer un calendrier précis de l’inter-
vention militaire qui doit libérer le nord-Mali
ont bien profité aux jihadistes qui ont pu, entre-
temps, renforcer leurs effectifs de combattants
en provenance de plusieurs pays (Algérie, Nige-
ria, Pakistan, Afghanistan, Mauritanie, …).
Se sentant en position de force, les combattants is-lamistes entament une remontée vers le sud en di-
rection de la capitale Bamako. Dès le 10 Janvier,
une intervention militaire de la France (opération
Serval) est lancée pour «stopper l’avancée des isla-
mistes». Des troupes de la CEDEAO (MISMA)
sont également déployés progressivement.
Quelques jours après le lancement de l’opération
Serval, plusieurs villes du Nord-Mali ont été libé-
rés du joug des islamistes. La tactique est assez
simple et bien rodée : l’aviation française entre en
scène à travers des frappes ciblées qui réduisent
considérablement la capacité de frappe des com-battants islamistes avant que n’interviennent les
troupes au sol pour permettre à l’armée ma-
lienne de s’installer par la suite dans les villes re-
conquises alors que l’armée française continue
d’avancer plus au Nord. C’est ainsi qu’après
Konna, Douenzta et Diabaly, les villes de Gao
puis Tombouctou ont été libérées avec pour ces
dernières l’appui des militaires nigériens (avec
500 soldats) et tchadiens (2.000 soldats) sous le
mandat de la CEDEAO. Avec la prise des villes
stratégiques qui faisaient office de QG pour les
groupes islamistes (Kidal pour Ansar Eddine,Gao pour Aqmi et Tombouctou pour le Mujao),
le rapport de force a été inversé en défaveur des
islamistes qui ont perdu le gros de leur matériel
dans les frappes aériennes de l’aviation française.
Quelle suite pour ce conflit ?Mais l’euphorie des premiers jours de «l’opéra-
tion Serval», a rapidement fait place à des inquié-
tudes. D’abord, il y a la crainte d’un enlisement
du conflit et d’un scénario de type «Afghanistan».
Les experts militaires redoutent surtout un épar-
pillement des jihadistes du nord-Mali vers les
pays voisins (Algérie, Mauritanie, Lybie, Ni-
ger…). Certains essayeront, de s’infiltrer dans les
grandes agglomérations de la sous-région (Ba-
mako, Niamey, Ouagadougou) en se mélangeant
avec la population. Dans les deux cas, les jiha-
distes se retrouveront sur un terrain qui leur est
plus propice, celui de la guérilla urbaine ou des at-
taques ciblées. «Il faut remarquer que les talibans
n’ont jamais voulu contrôler aucune ville depuis le
début de l’intervention américaine» rappelle un
consultant pour qui cette éventualité mérite
d’être prise au sérieux. En tout cas la prise d’otage
d’In Amenas en Algérie est venue apporter unnouvel élément dans cette guerre, le risque d’insé-
mination d’éléments terroristes dans les autres
pays du Sahel. Une menace prise au sérieux par
Paris qui a par exemple, décidé d’envoyer une
force spéciale pour appuyer l’armée nigérienne à
sécuriser les installations minières dans le Nord
du Niger où le géant français AREVA exploite de
l’uranium et s’apprête même à ouvrir, d’ici
quelques années, la deuxième plus grande mine
d’uranium au monde. Une fois les groupes isla-
mistes chassés du nord-Mali, la question épineuse
de la rébellion touareg sera aussi remise sur la ta-ble. Car jusqu’à présent, les Touaregs maliens
maintiennent leur projet de création de d’un Etat
touareg, l’Azawad dans le nord du Mali.Ibrahim Souleymane
Bien que la lutte contre le terrorisme soit l’objectif affiché, le conflit dans le nord-Mali cache
de multiples enjeux. En effet, pour les différentes parties prenantes (le Mali, le MNLA, laFrance, la CEDEAO, les groupes islamistes, et même la communauté internationale) chacuna ses intérêts à défendre. Eclairage sur les enjeux d’une guerre inédite au cœur du Sahel.
Les vrais enjeux de la guerredans le nord-Mali
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INTERVIEW Géostratégie
6 • FÉVRIER 2013
L es Afriques Diplomatie : Des groupesislamistes se sont emparés d’un vasteterritoire dans le nord du Mali, au
cœur du Sahel. Comment en sommes-nousarrivés là ?Philippe Hugon : Il y a eu conjonction de plu-
sieurs facteurs qui se sont enchaînés. Dans la
longue durée. Les revendications touarègues
sont anciennes et se sont traduites depuis l’in-
dépendance par des successions de rébellions,
de répression et de négociation. Elles ontconduit après la chute de Khadafi à un retour
des mercenaires armés, la constitution du
MNLA réclamant l’indépendance de l’Azawad
et le renforcement d’Ansar Eddinne. Aqmi
s’est installé après avoir été bouté d’Algérie.
L’influence salafiste et wahhabite appuyée par
les Etats pétroliers (Arabie Saoudite, Qatar)
s’est renforcée en opposition à la tradition de
l’Islam des confréries et du soufisme. Le Nord
Mali est devenu depuis une dizaine d’années
un espace non contrôlé par les autorités de dif-
férents trafics à commencer par la drogue.
L’appareil d’Etat malien, à l’époque du prési-
dent Touré ATT, a fait preuve de faiblesse et de
connivence au niveau politique et militaire. Le
putsch des militaires de base du 22 mars n’a
fait en réalité qu’accroitre la décomposition de
l’armée. Il faut aussi prendre en compte, à côté
de l’extension d’un islamisme radical salafiste
et de la faiblesse de l’Etat malien, les causes
socio économiques de la crise sahélo-saha-
rienne. Il y a conjonction entre une explosion
démographique, des jeunes sans perspectives,
une prolifération des trafics notamment de
drogue et d’armes sur un territoire noncontrôlé, de crises environnementales et ali-
mentaires liées au climat et à la vulnérabilité
des éco systèmes, et de marginalisation de po-
pulations rurales vulnérables. L’insécurité n’a
fait qu’accentuer la défaillance de l’Etat et des
collectivités décentralisées.
LAD : Quels sont les enjeux de ce conflitpour le Mali ? Pour les groupes islamistesqui tiennent le nord-Mali ? Et pour lacommunauté internationale ?
PH : Les enjeux pour les djihadistes sont à lafois mafieux (contrôle des différents trafics à
commencer par la drogue) et idéologiques ou
religieux (califat de la Mautritanie à la Soma-
lie pour certaines Katibas d’Aqmi, mise en
place de la charia au Mali pour le chef d’Ansar
Eddine). Les mouvements touaregs qui se sont
alliés de manière versatile à certains circuits
mafieux, au Mujao et Aqmi, ont désiré la re-
connaissance de droits et une plus grande au-
tonomie voire l’indépendance de l’Azawad qui
n’avait aucune légitimité historique. Il y a col-
lusion entre les narco trafiquants, les djiha-
distes et les salafistes. Certains chefs tels
Mokhtar Belmokhtar voudraient devenir
l’émir du Sahara en remplaçant Ben Laden.Les enjeux pour la communauté internatio-
nale sont le retour à l’intégrité nationale du
Mali, la lutte contre le terrorisme et le djiha-
disme, le respect de la souveraineté des Etats et
la sécurisation d’un territoire y compris pour
protéger des intérêts stratégiques. Le conseil
de sécurité a, à l’unanimité, voté en décembre
la résolution 2085. Tous les pays du monde ont
approuvé cette intervention à l’exception par-
fois versatile de l’Egypte, de la Tunisie et du
Qatar. Les opinions publiques africaines ont
approuvé à l’exception de certains pays
d’Afrique du Nord ou de certains imams wah-
habites. En revanche, les forces africaines ont
mis du temps à se mobiliser, l’armée malienne
est décomposée dans sa hiérarchie et mal
équipée et l’Europe a soutenu verbalement
plus que militairement. L’attaque contre le
bloc gazier d’In Aminas en Algérie en février
2013 a toutefois fait basculer certains hésitants.
Il faut néanmoins rappeler que, malgré des ré-
sultats a priori rapides de l’armée française et
malienne, la vision de territoires libérés peut
se transformer en celle de zones occupées et
que l’intervention d’un pays occidental, an-cienne puissance coloniale, peut créer un cer-
tain malaise en dévoilant notamment les
insuffisances du dispositif militaire africain.
LAD : Certains observateurs affirmentque le conflit qui se déroule au Nord-Maliest une conséquence de la guerre en Libye.Est-ce bien le cas ?PH : La chute de Khadafi a été un des facteurs
contribuant à la crise et des dégâts collatéraux
prévisibles. Il était à la fois un pyromane et un
pompier et après avoir attisé les conflits, il étaitle négociateur de la paix. Il voulait constituer
un ensemble autonome ou indépendant toua-
reg. Sa chute s’est traduite par un retour des
mercenaires essentiellement touareg avec
armes constituant les mouvements du MNLA
et de Ansar Eddine. Le non contrôle du terri-
toire Lybien a conduit depuis à des trafics
d’armes vers le Mali transitant par l’Algérie.
LAD : Peut-on faire un parallèle entrele conflit au Nord-Mali et la guerre enAfghanistan ?PH : Il y a effectivement certaines proximités
en termes de terrains (grottes, zones monta-
gneuses), d’intégrisme religieux, de risquesd’enlisement dans certaines zones et surtout
de risques d’échecs de la reconstruction na-
tionale . Mais les djihadistes sont beaucoup
plus un corps étranger que les Talibans. L’Af-
ghanisatn n’a jamais été conquise de son his-
toire. L’Algérie peut ne pas jouer le rôle du
Pakistan en approvisionnant les djihadistes en
armes, essences et autres soutiens. Les djiha-
distes isolés peuvent se réfugier durablement
dans certaines zones mais ils seront asséchés
en essence et armes si les pays limitrophes
contrôlent leurs frontières. En même temps
l’Afghanistan est un exemple à ne pas suivre
pour la reconstruction de l’Etat et l’alimenta-
tion de la corruption au sein de l’appareil
d’Etat. Il s’agit pour l’aide au sahel d’appuyer
les projets de développement de base et de fa-
voriser la recomposition du tissu social et du
vouloir vivre ensemble.
LAD : Quelle leçon peut-on tirer de ceconflit ?PH : Ce conflit montre que le monde a changé
et que l’intervention militaire française n’est
pas néo coloniale ou une croisade contre l’Is-lam mais une action contre des actions inté-
gristes et mafieuses qui menacent les pays
africains et au-delà l’Europe. Elle répond au
sens large à une sécurisation de l’Afrique sa-
hélo saharienne y compris pour des intérêts
miniers et pétroliers africains et internatio-
naux. Il montre également que les conflits mo-
dernes correspondent à des emboîtements
d’échelle allant du local à l’international, par
des enchevêtrements de facteurs et d’acteurs
éloignant les guerres modernes et asymé-
triques des guerres anciennes. Elle a été aussi lesigne d’une Europe non puissance et d’une re-
lative faiblesse des armées africaines limitant
la solution d’une pax africana.
Propos recueillis par Ibrahim Souleymane
Philippe Hugon, directeur de recherche à l’IRIS, auteurde géopolitique de l’Afrique, Paris SEDES 2012, rappelle
qu’à la base du chaudron Nord Malien, il y a des revendications
touarègues anciennes.
Les perspectives du Nouveau Mali
7/28/2019 Les.afriques.diplomatie.1
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INTERVIEW Géostratégie
FÉVRIER 2013 • 7
Pour Alain Pellegrini, Général français à la retraite, Consultanten stratégie militaire et maintien de la paix, ancien commandant
de la Force intérimaire des Nations unies au Liban(FINUL),
le conflit malien est une conséquence de la guerre en Libye.
Les perspectives du Nouveau Mali
L es Afriques Diplomatie : Certainsobservateurs affirment que leconflit qui se déroule au Nord-Mali
est une conséquence de la guerre en Libye.Est-ce que c’est bien le cas ?Alain PELLEGRINI : Le conflit au Mali est
effectivement une des conséquences de la
guerre en Libye. On peut dire que la guerre
en Libye a contribué à la naissance du
conflit dans le nord-Mali. Beaucoup
d’hommes qui combattaient pour Kadhafisont venus au Mali avec leur armement. Il y
a également des armements libyens qui cir-
culent dans la région et qui ont été vendus
aux groupes islamistes qui occupent actuel-
lement le nord du Mali. La guerre en Libye
a donc eu des conséquences sur le conflit
malien, ça c’est sûr. Et il apparaît qu'elles
n'ont pas été clairement anticipées lorsque
les opérations en Libye ont été menées. Ou
bien elles ont fait partie, à l'époque, des
risques acceptés.
LAD : Quels sont les enjeux de ce conflitpour le Mali ? Pour les groupes islamistesqui tiennent le nord-Mali ? Et pour lacommunauté internationale ?AP : Les enjeux pour le Mali et pour son
gouvernement sont de rétablir la souverai-
neté nationale en reprenant le contrôle de la
totalité du pays. Pour la communauté toua-
reg, l’enjeu est d’arriver à une situation de
compromis qui soit acceptable pour le gou-
vernement central et pour les touaregs.
Pour les islamistes, l’objectif principal est de
se maintenir dans cette position centraled'une zone sahélienne qui va du Mali
jusqu’au Soudan. Ils veulent continuer à se
maintenir dans cette zone de circulation
aisée qui leur permet d'exercer leur in-
fluence, voire leur contrôle, sur les popula-
tions de nombreux pays à majorité
musulmane (Mauritanie, Algérie, Mali,
Niger, Libye, Tchad, Soudan).
Par contre pour la communauté internatio-
nale, le but est d’éradiquer et de mettre fin
au terrorisme dans la région. Afin d’éviter un
«Afghanistan» africain et la persistance del'existence d'une zone de non-droit. L’autre
enjeu pour la communauté internationale
est de faire respecter le droit international
dans cette région. Et pour certains pays oc-
cidentaux et africains qui participent à la re-
conquête du nord-Mali, l’enjeu est aussi de
préserver leurs intérêts économiques au Mali
et dans les pays voisins.
LAD :Un tel conflit présente t-il des risquespour les pays voisins du Mali ?AP : Bien sûr, ce conflit présente des risques
pour les pays voisins. Car les pays voisins du
Mali sont aussi des pays à majorité musul-
mane et donc des cibles privilégiées pour leprosélytisme islamiste. Les groupes islamistes,
quand ils vont, sous la pression des opérations
en cours, devoir quitter le Mali, vont sûre-
ment tenter de s’implanter en Algérie ou en
Mauritanie, voire au Niger et en Libye. Les
frontières sont particulièrement perméables
et très difficiles à contrôler. Donc il faut que
les pays voisins du Mali se préparent à faire
face à la menace de ces groupes islamistes.
LAD : Sans l’aide de l’armée Française etdes forces armées de la CEDEAO, les mili-taires maliens disposaient-ils des moyensnécessaires pour faire face à cette invasiondes groupes islamistes ?AP : Sans l’intervention de la France, les ma-
liens n’avaient pas les moyens de faire face à
ces islamistes. Le Mali est passé par un coup
d’Etat. C’est un gouvernement de transition
qui gère le pays, avec une armée en pleine
décomposition. Bamako ne pouvait pas
compter sur son armée pour reconquérir le
nord du pays. Une partie d'ailleurs a rejoint
les groupes terroristes.
LAD :S’a-git-il d’une guerre comparable àcelle de l’Afghanistan ?AP : Il y a très peu de similitudes entre les
deux cas. La situation au nord-Mali est com-
parable à celle de l’Afghanistan à un seul
point de vue : le mali est un pays enclavé,
sans ouverture maritime, donc difficile d’ac-
cès. Aucune intervention ne peut s'y mener
sans une coopération à minima des pays qui
l'entourent (autorisations de survol, ache-
minement de convois par la voie terrestre,
appuis logistiques extérieurs). Le fait de vou-loir rétablir le droit international dans la
zone de souveraineté, d'éradiquer le terro-
risme et d’aider à un retour de la stabilité est
un but comparable au but poursuivi en Af-
ghanistan. Par contre en ce qui concerne la
population (moins nombreuse), les condi-
tions climatiques, les choses sont moins dif-
ficiles qu’en Afghanistan.
En plus pour le Mali, les Français connais-
sent ce genre de région pour y avoir mené
plusieurs missions dans un cadre semblable
(Tchad). L’environnement Malien est plus
facile à maîtriser pour eux que l’Afghanis-
tan. Et les bonnes relations avec les popula-
tions maliennes depuis longtemps font quele dialogue est plus facile.
LAD : Selon les officiels, l’objectif finalsera la libération totale du nord du Mali.Est-ce que cet objectif est réalisable ?AP : Oui l’objectif est réalisable. Plusieurs
pays ne vont pas s’engager sur des objectifs
qu’ils ne peuvent pas réaliser. Mais la ques-
tion est de savoir dans quel délai ? Car il
faudra quand même du temps pour recon-
quérir la totalité du pays et y maintenir la
sécurité.
LAD : Quelle est l’issue probable pour ceconflit ?AP : Le Mali va rétablir sa souveraineté sur
l’ensemble de son territoire. Mais cela risque
d’être long. Car la France n’a pas vocation à
mener cette guerre seule. Rétablir sa souve-
raineté, c’est une mission régalienne qui re-
vient à l’armée malienne avec l’aide de la
CEDEAO. Il faut que les forces françaises
soient relayées par les forces maliennes et les
forces de la CEDEAO. Et cela risque d’être
relativement long. D'un point de vue poli-tique ce conflit devrait déboucher sur l'éta-
blissement de nouvelles relations, apaisées et
durables, entre le gouvernement central ma-
lien et la communauté touareg. Cette der-
nière a contribué à la situation actuelle, car
elle espérait en tirer des avantages. Mais elle
a dû déchanter et le temps du dialogue de-
vrait revenir avec la reconquête du terrain
par les forces légales.
Il y a un seul pays qui a agi en tant qu'ultima
ratio, c’est la France. Car il fallait absolument
riposter rapidement. Sinon c’était Bamakoqui risquait de tomber aux mains des
groupes islamistes, et ce serait la fin du Mali
en tant qu’Etat souverain.
Propos recueillis par Ibrahim Souleymane
7/28/2019 Les.afriques.diplomatie.1
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MOUVEMENTSET NOMINATIONS
Chakib Benmoussa, ambassa-deur du Maroc en France / unbrillant technocrate ambassa-deur à Paris L'ex-ministre maro-
cain de l'Intérieur, devientambassadeur en France. C’est untechnocrate surdiplômé qui prendainsi les rennes de la diplomatie marocaine en France (ChakibBenmoussa est lauréat de l'École polytechnique de Paris, diplôméde l’École nationale des ponts et chaussées de Paris, diplômé del’Institut d'administration des entreprises de Lille (IAE Lille) et lau-réat du Massachusetts Institute of Technology (MIT)). Par cette no-mination le Maroc comble un vide, le poste était resté vacantdepuis Octobre 2011 lorsque El Mostapha Sahel alors Ambassa-deur en France a été nommé conseillé du Roi Mohamed VI.
8 • FÉVRIER 2013
C’est désormais offi-ciel, John Kerry prendla tête de la diplomatieaméricaine. Ce franco-phile candidat démo-crate malheureux aux
élections présiden-tielles de 2004 rem-place ainsi Hilary Clinton qui n’a passouhaité être recon-duite à son poste desecrétaire d’Etat, du-rant le second mandatde Barack Obama.
John Kerry, qui parleparfaitement le fran-çais, va-t-il donnerplus de tonus aux rela-tions entre les Etats-Unis et les paysfrancophones commela France où il a vécudurant des années ?
Gestionnaire puispolitologue, le jeuneambassadeur duBénin en Turquie néle 12 Aout 1979 àCotonou a un par-
cours professionnelbien accompli. Il estmembre de conseild’administration deplusieurs sociétésprivées. Promoteurde la Société Afri-caine de Pétrole,d’Investissement etde Négoce (SAPINSarl). Titulaire d’unMaster en RelationsInternationales,Moïse Tchando Ké-
rékou fils du Géné-ral Mathieu Kérékouex-président duBenin a créé en2010 sa formationpolitique, le Mouve-ment Pour la Relève(MPR), dont il de-meure le Président.
Jack Lang nouveau présidentde l’Institut duMonde ArabeJack Lang ancien minis-tre français de la Cul-ture, vient d’êtrenommé président del’Institut du MondeArabe. L'Institut duMonde Arabe est lefruit d'un partenariat
entre la France et vingt-deux pays arabes.L’IMA conçu pour faireconnaître et rayonnerla culture arabe est de-venu aujourd'hui un vé-ritable «pont culturel»entre la France et lemonde arabe.
Du 14 au 15 février2013 : 2ème Conférenceannuelle de l’AllianceBorderless, à Ouaga-dougou. La deuxièmeconférence annuelle del’Alliance Borderless sedéroulera à Ouagadou-gou au Burkina Faso du14 au 15 février 2013.L’Alliance Borderlessqui vise à accroître leséchanges commer-ciaux en Afrique del’Ouest est une coali-tion dirigée par le sec-teur privé. La CEDEAOet l'UEMOA qui se sont
accordées sur la poli-tique commerciale de larégion participent éga-lement à cette impor-tante rencontre auxcotés des représentantsdes différents départe-ments ministériels del'Afrique de l'Ouest.Cette année, la rencon-tre est placée sous lethème : «Intégrer lesMarchés».Du 26 au 30 Mars 2013 :Forum Social Mondial, àTunis. Le Forum SocialMondial (FSM) tiendrasa prochaine édition à
Tunis du 26 au 30 Mars2013. Créé en 2001 auBrésil, le FSM qui réunitles mouvements de lasociété civile du mondeentier est un espace derencontre, de réflexionet de débat sur les ques-tions de démocratie, decrises financière, écono-mique, alimentaire etenvironnementale quiaffectent la planète. LeFSM s’emploie à bâtirune société planétaireaxée sur l’être humain.Mars 2013: 5ème Som-met des BRICS à Dur-
ban, en Afrique du Sud.Le 5ème sommet desBRICS (Brésil, Russie,Inde, Chine, Afrique duSud) se tiendra le 30mars prochain, à Dur-ban en Afrique du Sud.Le thème de cette édi-tion s’intitule «le BRICSet l’Afrique – un parte-nariat pour le dévelop-pement, l'intégration etl'industrialisation».4 avril - Sommet Inter-national du Pétrole, àParis. Le 14ème SommetInternational du Pétroleva se tenir le 04 avril
2013 à Paris. De nom-breux enjeux serontexaminés lors de cettenouvelle édition. Rap-pelons que le précé-dent sommet avait misen évidence les muta-tions que connait lemarché de l’énergie,notamment avec le dé-veloppement du gaz deschistes, un gaz écono-mique dont le prix est90% inférieur à celuidu pétrole, et qui esten passe de changer ladonne sur le marchéénergétique mondial.
Paul Badji, Nouvelambassadeur duSénégal en France
Moïse TchandoKérékou,Nouvelambassadeur
du Béninen Turquie /Un jeuneambassadeurpour la diplo-matie beninoise
Paul Badji, diplomatede carrière devientAmbassadeur du Sé-négal en France unposte très convoitélaissé vacant depuis le29 octobre 2012 parMankeur Ndiaye,suite à sa nomination
comme ministre desaffaires étrangères duSénégal. Paul Badji aune riche expériencediplomatique. Eneffet, il a occupé plu-sieurs postes diplo-matiques dans lepassé.
Amadou SOW,nomméAmbassadeur duSénégal au MarocPrécédemment Ambas-sadeur du Sénégal àTunis, Amadou SOWvient d’etre nommé
Ambassadeur du Séné-gal auprès du Royaumedu Maroc, en remplace-ment d’Amadou Habi-bou NDIAYE, appelé àd’autres fonctions.
John Kerry,nouveausecrétaire d’Etataméricain/
Un francophileà la tête de ladiplomatieaméricaine
AGENDA DIPLOMATIQUE