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Q U E S A I S - J E ?

L'égyptologie D O M I N I Q U E V A L B E L L E

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ISBN 2 13 043 562 9

Dépôt légal — 1 édition : 1991, février

© Presses Universitaires de type="BWD" 108, boulevard type="BWD"

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INTRODUCTION

Quelle que soit l'aura qui accompagne cette disci- pline, l'égyptologie fait partie des sciences de l'homme et de la société, au même titre que l'histoire médiévale, moderne ou contemporaine de la France. Elle use d'approches similaires, se situe dans un cadre institutionnel commun, emploie le même type de spé- cialistes. Elle a cependant des spécificités qu'il serait vain de nier. Elle a mené, depuis sa naissance au XIX siècle, une vie indépendante que l'on peut quali- fier d'originale ou de marginale, selon l'humeur. Et surtout elle embrasse une matière abondante et va- riée, sur plusieurs millénaires : elle est riche d'une in- finité de disciplines au long d'une période exception- nellement étendue qui commence très tôt dans l'histoire de l'humanité. Si la discipline est originale, ses sujets le sont tout autant : ils fascinent depuis l'Antiquité voisins, visiteurs et envahisseurs. Ils font rêver, frissonner, ils inquiètent ou ils émerveillent. Le plus souvent ils attirent, mais quelquefois repoussent. Ils laissent rarement indifférent. On peut s'interroger sur les causes profondes de ces comportements. Cer- taines sont évidentes : la civilisation pharaonique a produit des œuvres, laissé des témoignages uniques, universellement reconnus. L'emprise qu'elle exerce notamment sur nous n'en frise pas moins l'excès et la démesure, abus que l'on relève quotidiennement dans des campagnes publicitaires ou dans certains phéno-

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mènes médiatiques, par exemple. Manne du public tout autant que des spécialistes, elle s'offre aux uns et aux autres sous des aspects plus ou moins authenti- ques, plus ou moins précis. Tandis qu'un nombre grandissant d'amateurs visite, s'informe, lit et entre- prend même des études sérieuses et difficiles, d'autres se plaisent à de mystérieuses élucubrations issues d'observations plus ou moins légendaires, d'autres encore puisent à cette source une inspiration artisti- que. Les approches scientifiques, si elles n'ont pas à tenir compte de quelques démarches contestables, ne peuvent ignorer ni les curiosités du grand public, ni le regard que celui-ci porte sur l'actualité de la pro- fession et les découvertes qui s'y font. Quoique ces approches concernent un champ de recherche qui dé- borde largement du cadre de ce que l'on considère habituellement comme le monde pharaonique, chro- nologiquement et culturellement, c'est cependant ce dernier qui continue d'attirer et de retenir l'attention de la majorité des égyptologues. Ceux-ci, plus nom- breux que par le passé, ont à la fois tendance à se spécialiser et à étendre leurs moyens d'action, s'ai- dant de pratiques intellectuelles ou de techniques éprouvées ailleurs. Après s'être singularisés, ils retrou- vent leurs pairs. Leurs méthodes finissent par se di- versifier un peu plus souvent que dans les autres dis- ciplines historiques. La complémentarité des recher- ches archéologiques et philologiques, en particulier, constitue un postulat qu'il est imprudent de mé- connaître. Aussi les interventions se déroulent-elles peut-être plus volontiers qu'ailleurs dans un contexte international, quel que soit le cadre de l'enquête et son support institutionnel. C'est néanmoins en Egypte même que les caractères internationaux de la discipline sont les plus marqués. Historiquement

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d'abord, puisque la France a tenu le rôle principal dans la création du Service des Antiquités égyp- tiennes, relayée ensuite par l'Angleterre. Par nécessité aussi, lors des grandes campagnes de sauvetage no- tamment qui mobilisent pendant un temps limité des équipes venues de partout. Par chance enfin, puisque les missions archéologiques sont une occasion privilé- giée de rencontres pour des spécialistes et des étu- diants égyptiens et étrangers.

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CHAPITRE PREMIER

LE GOÛT DE LA CIVILISATION

PHARAONIQUE

I. — Les attraits

L'art égyptien étonne, séduit, impressionne les foules depuis l'Antiquité. L'architecture funéraire et religieuse, la première, en proposant des modèles tout aussi remarquables par leur complète originalité que par leurs dimensions hors du commun, n'a pas peu contribué à la renommée de la culture pharaonique : pyramides, obélisques, temples et colosses lui ont acquis un prestige inégalé et permanent auprès des civilisations les plus proches comme les plus éloignées. Au-delà des caractères d'exception les plus voyants, ses sculptures, ses peintures et ses joyaux ont exercé une séduction plus subtile encore qui consiste en même temps à rendre si habilement l'apparence de la vie que le spectateur se sent d'étroites affinités avec les sil- houettes qu'il contemple et à le placer dans la situation du sujet de Pharaon saisi d'admiration devant les témoignages extraordinaires de la grandeur de son divin maître. Il y a de la magie dans l'art égyptien et son charme opère encore aujourd'hui. Les coutumes et, en premier lieu, les coutumes funéraires et religieuses ne sont, du reste, pas étrangères à cette curiosité mêlée

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d'une délicieuse inquiétude que partagent volontiers nombre de nos contemporains. Une alchimie, un peu brouillonne mais efficace, concentre dans le même chaudron le culte du soleil, la zoomorphie des dieux, la victoire des momies sur le temps et bien d'autres choses encore pour proposer aventure et mystère.

L'aventurier, c'est bien sûr l'égyptologue lorsqu'il explore un tombeau inviolé ou qu'il déchiffre un papy- rus : il peut prendre les traits d'un vieux savant, tantôt sage et distrait, tantôt fou et dangereux, d'un jeune et entreprenant archéologue ou encore d'une frêle demoi- selle, un peu maladroite et effrayée à tout bout de champ. Libre ensuite à chacun de s'identifier à l'un ou l'autre de ces modèles ou d'inventer de nouvelles combinaisons. Il lui restera alors à se persuader, ce qui ne saurait présenter de difficulté majeure, qu'il va de but en blanc faire de mirobolantes découvertes qui ont jusqu'ici échappé aux spécialistes. Qui n'a pas rêvé, un jour, de déterrer un trésor ? Et quel trésor surpasse en célébrité celui qui compose le mobilier funéraire de la tombe du roi Toutankhamon ? Tous les ingrédients sont là : le soleil, le désert, la proximité du Nil, la beauté et la variété des paysages, la luxuriance de la végétation contrastant sans nuance avec l'aridité des montagnes, le poids des traditions, la gentillesse des gens. Il ne reste plus au touriste qu'à s'égarer un ins- tant, à perdre son guide et ses compagnons pour s'as- surer que l'aventure n'attend qu'un signe de lui pour commencer et revenir en frissonnant raconter à une oreille accueillante ce qui aurait pu lui arriver. D'au- tres vont plus loin et tentent de monter parfois, sous des formes diverses, des expéditions qui prolongent leurs rêves.

C'est que, plus fort encore peut-être que le goût de l'aventure, celui du mystère titille agréablement nos

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imaginations. Or, pour de multiples raisons, les no- tions de secret et de mystère sont étroitement liées à la culture pharaonique. Pour des raisons intrinsèques d'abord : dans le domaine religieux, les prêtres réser- vaient certaines aires sacrées et certaines connaissances aux initiés, tandis que, dans le domaine funéraire, les maîtres d'œuvres tentaient par toutes sortes de moyens astucieux de soustraire le contenu des sépultures à la convoitise des pillards. Par une vision erronée de pra- tiques anciennes, ensuite : est mystérieux tout ce que l'on ne comprend pas, les hiéroglyphes, les dieux à têtes d'animaux, les génies ophidiens, les symboles de toutes natures, l'état de conservation étonnant de pro- duits périssables comme le papyrus, le bois, les pains et, par-dessus tout, les corps embaumés. A une époque où ces pratiques étaient encore vivantes, les Grecs par exemple en faisaient déjà d'étranges descriptions qui mettent en évidence de larges plages d'incompréhen- sion. La magie des anciens Egyptiens, célèbre dès la plus haute Antiquité, a certes contribué à la surinter- prétation courante de faits anodins. De l'aspiration des Egyptiens à la vie éternelle, aspiration qui s'exprime aussi bien par le soin apporté à l'aménagement des tombeaux que par la qualité de la momification, à la résurrection effective du défunt ou à la vengeance im- placable de celui-ci en cas de violation de son caveau, il n'y a qu'un pas que d'aucuns paraissent franchir avec conviction. Mais quelles que soient les hésitations du public en ces matières scabreuses, il recherche de plus en plus une information directe sur les sujets qui lui sont chers.

L'écriture ne compte pas pour peu dans la fascina- tion qu'exerce l'égyptologie sur nos contemporains, non plus que les circonstances de son déchiffrement. D'autres systèmes hiéroglyphiques ou autres ont été

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découverts ou gardent encore leurs secrets. Ils retien- nent périodiquement l'attention du public. Mais aucun n'intrigue autant. L'extrême précision des signes, des- sinés, sculptés ou peints, notamment celle des ani- maux, n'est évidemment pas sans rapport avec cet inté- rêt fidèle. Le succès de Jean-François Champollion sur cette foule de pictogrammes est entré dans le livre des actions dont s'honore l'humanité : une victoire sur le temps, la reconquête de tant de pages extraordinaires de notre passé ! Il n'était pas le premier à tenter sa chance. Young, en particulier, avait déjà reconnu, quelques années plus tôt, la nature non alphabétique de l'écriture hiéroglyphique égyptienne. C'est pourtant grâce à leur utilisation alphabétique dans les car- touches de souverains ptolémaïques que Champollion parvint à lire certains de ces signes. La pierre trilingue de Rosette lui fournit d'autres éléments de comparai- son. Sa connaissance du grec et du copte fit le reste. Et, en 1822, il est en mesure d'adresser sa « Lettre à M. Dacier — secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres — relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques ». Après quoi, il publia, coup sur coup, malgré la maladie qui allait l'emporter à 41 ans, son Précis du système hiéroglyphique et sa cé- lèbre grammaire.

La personnalité de figures aussi remarquables que lui, Auguste Mariette, Gaston Maspero, Sir Flinders Petrie ou James Henry Brestead, a enthousiasmé des générations de jeunes et de moins jeunes. Les uns sont remarquables pour leur intuition du terrain, des mo- numents importants, des sites majeurs ou pour leur sens de l'histoire. D'autres se sont illustrés pour leurs rapports avec les Egyptiens et le rôle qu'ils ont joué dans la naissance d'une archéologie scientifique. D'au- tres encore, comme Kurt Sethe, Adolf Erman, Sir Alan

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Gardiner ou Jaroslav type="BWD" par exemple, ont, par leur travail sur les textes, le vocabulaire, la grammaire, fait progresser notre compréhension profonde de la culture égyptienne, dans ses aspects les plus fondamentaux. Chacun a ses modèles et ses maîtres selon ses affinités, mais peu sont les égyptologues et les amateurs qui ne doivent pas à un de ces savants sa vocation.

II. — Les approches du public

Si l'on s'en tient ici, dans un premier temps, aux ap- proches les plus largement répandues d'un public dési- reux de découvrir une civilisation à la fois prestigieuse, antérieure à la plupart des cultures connues, et exoti- que, trois étapes se proposent à lui : l'évocation du su- jet à travers des lectures, des conférences, des films ; les musées et les expositions ; les voyages.

Ces trois étapes « initiatiques » peuvent être franchies dans l'ordre suggéré ou dans le désordre, avec toutes sortes de retours ou de combinaisons entre elles. L'inté- rêt est suscité aussi bien par l'annonce, dans la presse, d'une découverte en Egypte, par le récit d'un collègue de bureau rentrant d'une croisière sur le Nil, que par un ro- man historique à succès, un débat télévisé ou l'affiche d'une exposition. Selon les goûts et les circonstances, le premier contact véritable avec la culture pharaonique empruntera une voie plus ou moins directe.

La découverte de l'Egypte par les voyageurs est un phénomène ancien qui remonte à l'Antiquité classique, puis qui se manifeste sous des formes variées mais généralement dans le cadre d'un pèlerinage aux Lieux Saints, du Moyen Age au XIX siècle. Dès la fin du XVIII siècle cependant, d'autres curiosités se font jour et le pays est de plus en plus visité pour lui-même, ses vestiges, ses traditions, ses paysages. Rien, dans le

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une réalité incontournable et essentielle de l'héritage qu'a laissé cette extraordinaire civilisation.

Le besoin de conserver quelque chose d'un pays que l'on a visité n'est pas neuf. Aussi est-il peu de voyageurs qui n'aient pas au moins rapporté de leur séjour dans la vallée du Nil un ouchebti ou un scarabée. Les nouvelles réglementations ne changent rien à ce réflexe. C'est pourquoi un commerce de faux, rarement habiles du reste, est venu remplacer celui des objets authentiques. Le marchand à la sauvette fait semblant d'enfreindre la loi et le touriste se sentant flatté d'avoir été reconnu pour un amateur d'art tombe dans le panneau, avant de courir montrer à des égyptologues, agacés autant par la malhonnêteté que par la stupidité de la démarche, sa splendide acquisition. Des officines ayant pignon sur rue proposent, parallèlement, des copies vendues comme telles à une clientèle plus clairvoyante.

Les grandes collections et les expositions itiné- rantes répondent à différents critères, selon les conceptions des conservateurs et des commissaires gé- néraux. Certaines ont pour principal objectif le dé- paysement et l'éblouissement du public : choix de pièces brillant, ambiances mystérieuses, effets orien- taux, voire décors pseudo-pharaoniques. D'autres cherchent à la fois à satisfaire le plus grand nombre par une présentation agréable et claire et à rendre ac- cessible aux spécialistes la quasi-totalité de leur fonds. Le Metropolitan Museum de New York a réussi ce pari magnifiquement en offrant aux visiteurs deux parcours : l'un réservé aux objets les plus connus et les mieux conservés, l'autre plus didactique et ne crai- gnant pas de montrer des pièces incomplètes si elles sont intéressantes, des ensembles archéologiques dans le contexte de leur découverte, etc.

Les temples nubiens qui ont été donnés en remercie-

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ment à divers pays ayant participé à la campagne inter- nationale de sauvetage sont généralement inclus dans l'enceinte des musées : le spéos d'Ellésiya à Turin ou le temple de Dendour à New York, par exemple. D'autres grands bâtiments fouillés dans le passé étaient destinés à être remontés, comme le palais de Mérenptah prove- nant de Memphis et exposé en pièces détachées à l'Uni- versity Museum de Philadelphie pour des raisons de poids et de dimensions, supérieurs aux capacités du lieu. On pourrait également citer la « Chambre des Ancê- tres » de Karnak et le mastaba reconstruits au Musée du Louvre. Ce souci de réunir des ensembles architecturaux cohérents se retrouve dans bien des musées.

A l'inverse, les dons de colosses, de sphinx et d'obélisques à des chefs d'Etats, tout comme leur érection sur les grandes places du Caire, contribuent à disperser des compositions monumentales qu'on souhaiterait plutôt pouvoir contempler telles qu'elles ont été conçues. Il est vain de porter une appréciation sur les politiques suivies dans le passé et les demandes de restitution de reliefs ou statues aux pays d'origine, un ou deux siècles après l'événement, apparaissent plus comme des initiatives nationalistes un peu naïves que comme des démarches cohérentes pour trouver des solutions harmonieuses. Il n'en reste pas moins que la pratique d'échanges négociés entre l'Egypte et les pays possesseurs des fragments d'un même ensemble pourrait aboutir à une sensible amélioration de la situation actuelle.

V. — Les monuments d'Egypte et le tourisme

L'Organisation des Antiquités égyptiennes doit faire face quotidiennement à des problèmes d'une autre gra-

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vité : un accroissement du tourisme totalement dispro- portionné par rapport à la structure même du pays comme aux capacités d'accueil des sites et des monu- ments. Là où l'on ne voyait que des promeneurs isolés une ou deux fois par semaine, on compte chaque jour des dizaines de cars pleins. Les plus grands temples eux-mêmes finissent par disparaître sous le nombre et les petites tombes, par exemple, souffrent beaucoup de ces visites incessantes qui conduisent les voyageurs les mieux intentionnés à se frotter contre des peintures qui avaient traversé intactes trois mille à quatre mille ans jusqu'ici !

Cette situation alarmante n'est plaisante pour per- sonne : ni pour les Egyptiens qui voient leur patri- moine s'effriter sous leurs yeux, ni pour les égyptolo- gues qui sont souvent gênés pour leurs travaux, ni même pour les touristes qui sont placés dans des conditions telles qu'ils n'aperçoivent parfois qu'avec difficulté, entre deux têtes, les antiquités qu'ils sont ve- nus voir de très loin et pour lesquelles ils subissent de longues files d'attente au soleil. L'exploitation touristi- que de la vallée du Nil est un phénomène de société en même temps qu'un filon lucratif. Mais il n'est pas né- cessaire de remonter bien haut en arrière pour consta- ter la rapidité de la dégradation de ces monuments li- vrés à des foules généralement peu scrupuleuses. Elles ne sont, du reste, pas les seules responsables de cet état de fait. Les vestiges, dès qu'ils sont sortis de terre, su- bissent les attaques de maints agents destructeurs : l'humidité, la sécheresse, l'alternance des deux, les re- montées de sel, les vents de sable, la pluie dans le nord, la pollution, etc.

L'Egypte tente de répondre à ces menaces sérieuses par toutes sortes de solutions. Le tourisme est une part essentielle de l'économie du pays et sa limitation serait

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tout aussi suicidaire que ne l'est la situation présente. La politique adoptée tend donc à mieux prévoir l'ac- cueil des visiteurs, quitte à protéger les endroits les plus vulnérables, et surtout à ouvrir un plus grand nombre de sites de manières à déconcentrer, autant que possible, ces foules dangereuses. La multiplication des croisières sur le Nil a constitué, un temps, une ré- ponse efficace. Les bateaux permettaient ainsi à d'heu- reux privilégiés de se rendre agréablement dans des temples répartis tout au long de la vallée. Mais le fleuve est aujourd'hui saturé de ces hôtels flottants et de nouvelles mesures s'imposent.

L'effort porte actuellement sur l'aménagement de sites moins connus que Thèbes ou Saqqara, mais tout aussi beaux et riches, une fois restaurés et rendus acces- sibles. Il concerne aussi une clientèle abondante d'ama- teurs qui viennent pour la deuxième ou pour la troisième fois dans le pays et souhaitent découvrir des aspects iné- dits : Egypte chrétienne ou islamique, déserts... Enfin une dernière catégorie de vacanciers, en fait peu passion- nés par les vieilles pierres, est dirigée vers de nouveaux centres de loisirs et particulièrement des centres de plon- gée sous-marine sur les rives de la mer Rouge. Ces for- mules décongestionnent les hauts lieux du tourisme tra- ditionnel, sans imposer des circuits fatigants à des gens qui n'en ont cure et sont plus attirés par l'exotisme que par l'archéologie.

VI. — Les collaborations internationales

Pour parvenir à protéger et présenter ses sites ar- chéologiques, l'Egypte fait appel aux missions et leur demande de prévoir, en fin de travail, un programme de mise en valeur des bâtiments dégagés. Des projets internationaux de sauvetage sont également requis de

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temps à autre, on l'a vu, lorsqu'une région est menacée à brève échéance. En dehors de ces participations, ré- gulières ou exceptionnelles, l'Egypte entretient, sur plusieurs sites majeurs, des collaborations où Egyp- tiens et étrangers travaillent véritablement ensemble. Le Centre franco-égyptien des Temples de Karnak en est probablement l'exemple le plus développé. L'enjeu est multiple. Karnak est un des endroits les plus presti- gieux et, par voie de conséquence, l'un des plus visités de la vallée du Nil. La gestion de ce domaine archéolo- gique, sur tous les plans — étude, publication, conser- vation, reconstruction, fouilles, aménagements touris- tiques, etc. —, est donc un défi constant. Sous cette forme, c'est un accord qui dure depuis plus de vingt ans et qui donne une idée de ce que peut faire une équipe mixte permanente chargée d'une tâche définie, malgré les énormes contraintes d'un des plus grands champs de vestiges existants.

La formule consistant à associer, à parts égales, Egyptiens et étrangers donne, partout où on l'adopte, d'excellents résultats et permet au pays d'avoir sa pro- pre politique archéologique, tout en bénéficiant des avis et de l'aide matérielle de spécialistes appropriés. La mise en commun de tous les moyens disponibles et de toutes les compétences offertes est évidemment l'une des seules chances qu'a l'Egypte de surmonter les graves difficultés qu'elle traverse. La formation accélé- rée d'archéologues opérationnels, et pas seulement de docteurs en philologie ou en histoire des religions — spécialités plus prisées des étudiants —, en est une au- tre. L'installation, sur place, de moyens techniques ap- propriés enfin est une condition indispensable de cette mutation en cours.

Le cloisonnement traditionnel des missions étran- gères, pays par pays, est un mode d'intervention dé-

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passé qui présente plus d'inconvénients que d'avan- tages. L'une des richesses du travail égyptologique est précisément la possibilité qui est donnée à des cher- cheurs et à des étudiants de divers pays de confronter leurs connaissances et leur savoir-faire. La complé- mentarité est la clé des entreprises complexes. Or, on l'a vu, chacun reçoit et acquiert une instruction per- sonnelle qui est rarement interchangeable avec celle des autres. Le caractère international, que les hasards des rencontres, les besoins de spécialités particulières ont souvent introduit par le passé dans des structures initialement rigides et qui se développe ensuite au gré des relations individuelles, est devenu aujourd'hui une nécessité. La mise en œuvre de programmes européens devrait accélérer, souhaitons-le, ce processus stimu- lant.

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CONCLUSION

Au terme de ce tour d'horizon, on remarque à quel point l'égyptologie, qui pourrait apparaître comme un domaine essentiellement tourné vers le passé et fuyant le présent est, à l'inverse, profondément ancré dans nos civilisations modernes et ne peut s'en abstraire. Il est certain que la discipline a considérablement évolué, non seulement depuis son invention, mais depuis un quart de siècle environ. Jadis l'apanage d'une société européenne aisée, elle est maintenant largement répan- due dans des pays qui ne peuvent la revendiquer comme un héritage culturel propre. Elle s'est dévelop- pée partout, malgré d'énormes difficultés de la part des pouvoirs publics respectifs.

Elle réserve encore bien des surprises et bien des aventures passionnantes à ceux qui sauront adapter leurs compétences professionnelles et celles de leurs collaborateurs aux possibilités nouvelles qu'offrent sans cesse des spécialités et des techniques originales. C'est sans doute un point de vue un peu différent de celui de nos prédécesseurs, qui demande des facultés d'adaptation mais qui rend la recherche encore plus excitante. On commence à peine à entrevoir certains aspects de l'histoire de l'Egypte pharaonique et seul un désintérêt général soudain pour ces questions ou une fermeture imprévisible et définitive du pays pourrait compromettre l'avenir de l'égyptologie.

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B I B L I O G R A P H I E

Sur quelques épisodes remarquables de l'histoire de l'égyptologie, on pourra lire : H. Carter, La tombe de Toutankhamon, régulièrement réédité dans toutes les langues ; T. G. H. James (éd.), Excavating in Egypt, Lon- dres, 1982 ; J.-Ph. Lauer, Le mystère des pyramides, Paris, 1988 ; H. Lau- rens et coll., L'expédition d'Egypte 1798-1801, Paris, 1989 ; Mémoires d'Egypte, hommage à Jean-François Champollion, Strasbourg, 1990.

Sur l'égyptomanie : J.-M. Humbert, L'égyptomanie dans l'art occiden- tal, Paris, 1989 ; et si l'on veut se faire une idée de la confusion des genres dans l'ésotérisme, il convient de lire le dernier roman d'U. Ecco, Le pen- dule de Foucault, Paris, 1989.

Sur les survivances de l'Egypte pharaonique : S. Sauneron, Villes et lé- gendes d'Egypte, Le Caire, 1974 ; et N. H. Henein, Mari Girgis, village de Haute-Egypte, Le Caire, 1988.

Sur quelques méthodes d'investigation et d'intervention modernes : J. Leclant, « A la quête des Pyramides des Reines de Pépi I », Bulletin de la Société française d'Egyptologie 113, Paris, 1988 ; J. Vercoutter (éd.), Mirgissa, I, Paris, 1970 ; L. Balout et C. Roubet (éd.), La momie de Ram- sès II, Paris, 1985.

Sur divers aspects de l'égyptologie récente : K. W. Butzer, Archaeology as human ecology, Cambridge, 1982 ; H. G. Fischer, L'écriture et l'art de l'Egypte ancienne, Paris, 1986 ; J. Assmann, Maât, l'Egypte pharaonique et l'idée de justice sociale, Paris, 1989; M.-A. Bonhême et A. Forgeau, Pharaon, les secrets du pouvoir, Paris, 1988 ; D. Valbelle, Les Neuf Arcs, l'Egyptien et les étrangers, Paris, 1990.

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