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ALAIN CASTE.PLAINPICTURE LA GUERRE DU COCHON CACOPHONY: LA SUBVERSION ORIGINALE CAHIER CENTRAL leMag Bien moins chère pour cause de dumping social, l’Allemagne attire les industriels de l’agroalimentaire français et met en péril la filière porcine bretonne. PAGES 2-5 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9986 SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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CACOPHONY: LA SUBVERSION ORIGINALE CAHIER CENTRALleMag

Bien moins chère pour cause de dumping social,l’Allemagne attire les industriels de l’agroalimentaire

français et met en péril la filière porcine bretonne.PAGES 2­5

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9986 SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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Par ÉRIC DECOUTY

Sordide

Il y a d’abord les mots.Ignobles et dérisoires.Ces cris germanophobesque la colère ne peutjustifier. Et puis il y a laréalité, ce recourscroissant à une main-d’œuvre étrangère etsous-payée, ces salariéslow-cost qui font le mield’entreprises du BTP ou del’agroalimentaire. Cetteconcurrence déloyale,qui prospère sur ledésarroi des salariés lesplus pauvres et qui est entrain de détruire la filièreporcine bretonne, n’est enaucun cas l’apanage del’Allemagne. L’industriefrançaise exploiteraitainsi 300 000 travailleursà bas prix dans une Unioneuropéenne qui encompterait 1,5 million.La démarche originellequi devait permettre derépondre à des besoinsindustriels spécifiquesn’est plus qu’un sordideoutil pour réduire le coûtdu travail dans tous lesgrands pays européens.Insupportablesocialement, cette réalité ade sérieuses conséquencespolitiques. Car dans uneéconomie en crise où tousles populismes senourrissent de discoursantieuropéens, le dumpingsocial est un danger tenacepour nos démocraties.La sonnette d’alarme tiréejeudi par FrançoisHollande – qui s’estengagé à mettre le sujetsur la table du prochainConseil européen –ne suffira pas. Les Etatsde l’Union doivent sansdélai organiser uneharmonisation socialeet imposer un salaireminimum. Ils doivent toutaussi vite organiser uncontrôle rigoureux etdésigner les entreprisesqui s’affranchissent sansvergogne de toutes règlessociales. Sans négligerl’indispensable répressiondes fraudeurs.

ÉDITORIAL Destabilisée par l’exploitation, en Allemagne, de travailleursde l’Est sous-payés, la filière porcine française craint pourson avenir. Hollande et des députés PS s’emparent du sujet.

Dumping social:va y avoir du porc!E lle avait hanté le référendum

de 2005 sur la Constitutioneuropéenne. La voilà qui risqued’animer, en pleine récession,

la campagne des élections européennesde mai 2014. La directive Bolkestein surles services, et sa grande sœur de 1996,sur les «travailleurs détachés», sont deretour, accusées de favoriser le dum-ping social entre pays de l’UE. En parti-culier dans l’agroalimentaire. Les abat-toirs français, en très grande difficulté,attribuent leurs malheurs au dumpingsocial de leurs concurrents allemands,qui abusent de la directive pour sous-payer des ouvriers venus de l’Est.Jeudi, François Hollande s’en est ému.Dans son discours d’ouverture de laconférence sociale, le chef de l’Etat aexpliqué qu’il ne pouvait «pas accepterqu’il puisse y avoir, au nom de cette direc-tive, des concurrences faussées qui détrui-sent de l’emploi en France». Ni qu’onpuisse «utiliser […] le malheur d’un cer-tain nombre de pays pour faire venir destravailleurs européens en les payant à desniveaux qui ne sont pas raisonnables». Ila promis de porter les questions de sa-laire minimum et «l’organisation d’uneharmonisation fiscale en Europe», jeudiet vendredi, en Conseil européen. Unpremier pas. Depuis plusieurs mois, des

parlementaires s’alarment. Après le«mythe du plombier polonais», écrit lesénateur (PCF) Eric Bocquet dans unrapport parlementaire, c’est «le spectredu maçon portugais ou de l’ouvrier agri-cole roumain» qui plane. «Cette directiveétait un progrès : avant 1996, c’était lajungle absolue, explique l’élu. Mais de-puis la crise et la course à la réduction descoûts, elle est contournée sans arrêt.»

GERMANOPHOBIE. Dans leurs circons-criptions, certains élus entendent desexpressions qu’on croyait disparues :«schleus», «boches», ou «doryphores»,toutes sur la gamme de la germanopho-bie. «Je donne pas six à neuf mois pourqu’on ait un drapeau allemand brûlé en

Bretagne lors d’une manifestation. Touteune région très europhile est en train de seretourner, s’inquiète Gwénégan Bui, dé-puté (PS) du Finistère, départementtouché par la fermeture des abattoirs(lire ci-contre). On pourra toujours faire debeaux discours sur l’amitié franco-alle-mande, si on ne règle pas ces questions onva détruire l’Europe.»Pourquoi l’Allemagne ? Parce qu’enl’absence de salaire minimum là-bas,de très gros abattoirs payent desouvriers d’Europe de l’Est à moinsde 10 euros de l’heure (lire page 5). Unabus de la loi européenne, car le contratde travail d’un ouvrier détaché doitobligatoirement être conforme avec ledroit du pays d’accueil. Seules les coti-sations sociales sont payées dans le paysd’origine. Problème: «L’absence de dis-positif de contrôle réellement efficace [acréé] un outil redoutable de concurrencedéloyale, notamment dans les secteurs duBTP et de l’agroalimentaire», insistentles députés (PS) Gilles Savary et ChantalGuittet ainsi que Michel Piron (UDI),dans un rapport publié fin mai.Mais il n’y a pas qu’outre-Rhin qu’onfait appel aux travailleurs détachés. EnFrance, on estime à 300000 le nombrede ces salariés low-cost (1,5 million ausein de l’UE, selon la Commission). Cequi fait de l’Hexagone le deuxième paysd’accueil derrière l’Allemagne. Parfoispour de bonnes raisons (pénurie demain-d’œuvre), parfois pour de mau-vaises (réduction des coûts). Rien quedans le BTP, leur nombre a triplé en troisans, pour atteindre 64 000 en 2011.Quand ils sont déclarés… Ces salariéstransitent parfois par des sociétés «boî-tes aux lettres», sans existence physi-que dans le pays d’origine, permettantà l’entreprise de s’exonérer de cotisa-tions sociales. «J’ai vu une fiche de paied’un salarié portugais sur un chantier deClermont-Ferrand : 2,89 euros del’heure», illustre Bocquet.

«POISON». Avec un chômage au plushaut, «on voit le Front national se saisirde cette question pour en faire un brûlotanti-européen», alerte Guillaume Garot,le ministre délégué à l’Agroalimentaire.Le député Gilles Savary abonde: «Cettesituation installe un poison violent, insi-dieux, dans l’opinion publique.» Le par-lementaire avance des solutions :agence du travail mobile au niveau del’UE, carte vitale européenne, salaire

Par LILIAN ALEMAGNAPhotos ISABELLE RIMBERT L’ESSENTIEL

LE CONTEXTEDes directives européennesfavorisent le dumping social.Le président Hollande a évoquéle sujet en ouverture de laconférence sociale.

L’ENJEUL’Europe doit procéder àune harmonisation sociale etinstaurer un salaire minimum.

A gauche, lesporcs de DavidRiou, éleveurdu Finistère.A droite, l’abattoirGad à Lampaul­Guimiliau, quicherchedésespérémentun repreneuraprès de trèslourdes pertesen 2012.

REPÈRES

«Je ne peux pas accepterqu’il puisse y avoir,au nom de cette directive,des concurrences fausséesqui détruisent de l’emploien France.»François Hollandejeudi à la conférence sociale

850salariés sont menacés de licencie­ment à l’abattoir du groupe Gadà Lampaul­Guimiliau (Finistère).Le site devrait fermer ses portesle 20 août, faute de repreneur.

LES «TRAVAILLEURS DÉTACHÉS»La directive 96/71/CE, adoptéeen 1996, encadre le «détachement»temporaire de travailleurs européensdans un autre pays de l’Union. Le sala­rié est soumis au droit du travail dupays d’accueil, sauf s’il lui est moinsfavorable. Les cotisations socialesrelèvent, elles, du pays d’origine.

«Nos deux pays partagentl’objectif de lutter contre ledétournement des règlesde détachement au seinde l’Union européenne.»

Déclaration du Conseil des ministresfranco­allemand du 22 janvier

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 20132 • EVENEMENT

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L e ballet des bétaillères s’est étiolé.Comme le moral, aussi bas, ce ma-tin-là, qu’un ciel en transhumance.Dans cet abattoir de porcs du groupe

Gad, 4000 bêtes sont avalées par jour, alorsque 6 000 pourraient l’être. Ici, surtout,850 hommes et femmes abattent,découpent, transforment. Tousrisquent de passer à la trappele 20 août, «pas loin de 3 000 personnes, encomptant les emplois indirects», lâche un sala-rié. Ici, c’est Lampaul-Guimiliau (Finistère),son église, ses 2 500 habitants d’apparenceimpassible, et son maire, Jean-Marc Puchois,qui refuse de céder à l’impuissance : «Legroupe est là depuis soixante ans, et là, l’ac-tionnaire laisse entendre qu’il va laisser partirun tel outil ? C’est dramatique, suicidaire…»Propriété du groupe coopératif Cecab (connu

pour sa marque D’Aucy), Gad aurait perdu«20 millions d’euros en 2012», confie un ac-tionnaire. Faute de repreneur s’étant pré-senté devant le tribunal de commerce deRennes pour «mettre un gros billet, de l’ordrede 40 millions d’euros», comme le dit un pro-

che de la direction, rien ne sem-ble pouvoir empêcher la ferme-ture annoncée.

Un choc pour la Bretagne, berceau de l’agroa-limentaire, qui produit 57% des 24 millionsde porcs français par an. Un trauma quis’ajoute aux plans sociaux chez Doux (poulet)et Marine Harvest (saumon). Et entraîne,dans son sillage, un sentiment de résignation,«de défaitisme», lâche un élu local, inhabituelpour la région. «Et ce n’est que le début dufeuilleton “Le porc de l’angoisse”», prophétisele patron d’une coopérative… «Notre avenir

est mal barré», résume Olivier Le Bras, élu FO(majoritaire) à Lampaul. Il a dix-huit ans deboîte au compteur. Ouvrier de découpe: leplus raide des postes. Qui martyrise épaules,coudes, poignets et dos. Il raconte les an-nées 90, quand les 1200 ouvriers récupéraient«un salaire et demi» en participation. Pas lalune, quand on gagne 1 200 euros net parmois. Idem pour son collègue Jean-Marc Des-tivelle, 50 ans, dont sept ans de découpe, «unjob usant physiquement et moralement, pas va-lorisant». Mais de quoi vivre, «acheter à côtéà crédit», élever sa famille. «A l’époque, on sesentait intouchables: Gad était numéro 1 en Eu-rope», ajoute Le Bras.«En pleine gueule». Voilà la chute. «Quevont devenir ceux sans diplôme, ceux qui vontrester sur le carreau ? Direction RSA, lâche lesyndicaliste. On n’a pas vu venir

Mises KO par le modèle allemand, nombre d’entreprises craignent de fermer.

Des ouvriers bretonsenvoyés à l’abattoir

minimum de référence, liste noire desentreprises. Au ministère de l’Agricul-ture, on s’avoue satisfait de voir l’Alle-magne et les pays de l’Est pris petit àpetit en étau par les critiques média-tiques et les plaintes de pays européens.Sans toutefois le claironner trop fort.De quoi faire peur à Merkel? Pas vrai-ment… Lors de sa visite, fin mai, à Paris,la chancelière a parlé de simples «ma-lentendus», et a assumé sans ciller lapolitique de bas salaires. Et Bruxelles?La Commission s’est engagée à renfor-cer les moyens de lutte contre les abus.Et, à l’aube de la campagne de 2014, leParlement européen pourrait aussi s’ymettre. A sa grande surprise, le députéGwénégan Bui a reçu une réponse posi-tive du président du Parlement, l’Alle-mand Martin Schulz. Dans son courrier,le social-démocrate dénonce «l’embau-che massive de travailleurs détachés à bascoûts» qui «sape directement les bases denotre modèle social». De quoi encoura-ger des députés français démunis,comme Jean-Luc Drapeau, élu (PS) desDeux-Sèvres, territoire agricole con-cerné au premier chef: «Comment vou-lez-vous faire accepter des mesures envi-ronnementales ou sanitaires aux éleveursquand ils ne voient dans l’Europe que con-traintes et concurrence déloyale ?» •

REPORTAGE

Suite page 4

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 • 3

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L’Allemagne, avec ses ouvriers roumains oubulgares, est devenue la bête noire des Bre-tons. Chaque semaine, des camions quittentla région pour emmener des porcs bretons sefaire découper outre-Rhin, mais aussi en Es-pagne, où c’est moins cher. Même résiduel(on évoque 6000 à 8000 porcs par semainesur 400000), le phénomène est symbolique.Et nourrit un climat anti-élus, doublé d’unsentiment anti-allemand. «Pour la premièrefois, des fachos sont venus tracter devant

l’usine», enrage Patrick Le Goas, «pousseurde viande» à Lampaul. Du jamais-vu dans undépartement où le PS a fait carton plein auxlégislatives. Les ministres de l’Agriculture?«Des intermittents du spectacle», tacle un sala-rié. «Leur impuissance fait peur: les conseillersnous disent, “oui, c’est dégueulasse, mais on ypeut rien !”» ajoute un syndicaliste.Bien être animal. La crise est générale.L’agroalimentaire tricolore souffre d’«un pro-blème de compétitivité», aggravé par «l’ab-sence d’harmonisation fiscale et sociale» enEurope, explique Guillaume Roué, à la tête del’interprofessionnelle porcine. S’il n’y avaitcette concurrence déloyale, il ne cacheraitpas une certaine admiration pour le modèleallemand. «Là-bas, le pouvoir a cédé aux éco-los sur le nucléaire mais a mis le paquet sur lamétanisation et le photovoltaïque qui ont permisaux paysans de se diversifier.» Tandis que laFrance aurait cédé aux environnementalistes

et entravé la filière. Cédant aussi, au nom dupouvoir d’achat, à la grande distribution quimatraque les éleveurs avec une politique deprix bas. Résultat? «On s’achemine vers uneconcentration des ateliers agroalimentaires»,note Guillaume Roué. La France compte en-viron 180 abattoirs, dont dix seulement «fontplus d’un million de porcs par an», rappelle-t-il. Cela ne va pas durer. L’Allemagne, le Da-nemark et l’Espagne (les plus grands produc-teurs) ont déjà taillé des croupières à laFrance grâce à leurs abattoirs géants.Le monde du porc pointe aussi l’entrée en vi-gueur, en 2013, d’une directive européennesur le bien-être animal qui impose (notam-ment) davantage d’espace pour les truies.«Entre les 26% des 12 000 éleveurs qui n’ontpas les moyens de s’y conformer et l’arrêt desexploitations, la chute de la production s’élèveà 4% depuis le début de l’année», s’alarmeGuillaume Roué. La flambée du prix des ma-tières premières, alimentée par le boom del’agroalimentaire en Asie, a aussi dopé lescoûts de production. Le prix des alimentspour porcs a doublé entre 2005 et 2010. Et,malgré une légère décrue, la tonne coûte302 euros, 22% de plus que l’an passé.«Juste prix». David Riou le sait bien.A 32 ans, cet éleveur de Kerdrein raconte ladifficile équation du métier. Après un BTS de«gestion de système d’exploitation», l’hommea repris la ferme de son oncle. Il vient d’in-vestir 350 000 euros pour agrandir son ex-ploitation, et tente de s’accorder chaque an-née un revenu de 40 000 euros et deuxsemaines de vacances. David Riou se dit op-timiste. Mais rêve de voir ses cochons payés«au juste prix». «On me l’achète à 1,55 eurole kilo avec les primes. Il faudrait que le prixgrimpe à 1,75 pour être serein.» Il dit aussi :«Depuis des années, les éleveurs tirent la son-nette d’alarme. Ils disparaissent sans bruit, etça ne dérangeait pas grand monde. Maintenantque les abattoirs sont dans la tourmente, les po-litiques se réveillent. Doucement.»Dans un marché ultralibéralisé, symbole dela mondialisation, la concurrence est terrible.Et, dans la filière, c’est chacun pour soi.«Entre producteurs, industriels et grands distri-buteurs, chacun se fait la guerre et se rejette laresponsabilité de la crise», note Olivier Le Bras.«Entre les éleveurs et les transformateurs, il ya une cassure», admet Jean-Pierre Astruc,conseiller municipal de Josselin (Morbihan).Mais aussi entre les communes. A Josselin,Gad a un deuxième abattoir, de 650 salariés,qui pourrait également finir en rillettes. Lemaire de Lampaul a appelé celui de Josselinpour qu’ils se mobilisent. «J’attends toujoursla réponse», dit le premier. Franck Guillot, éluCFDT de Gad à Josselin, le déplore : «Laguerre économique fait rage en Europe, et voilàqu’on doit aussi la vivre entre nous, dans unemême région. C’est terrible…» A ses côtés, An-nick Le Guevel, secrétaire du comité d’entre-prise de Josselin, cherche en vain l’issue: «Onest pris en tenaille entre la grande distributionet les éleveurs.»Et si la France, Bretagne en tête, avait tardéà faire muter son modèle productiviste ?«Peut-être, avoue Olivier Le Bras. Mais, saufà être suicidaire, on ne peut le changer du jourau lendemain.» Le porc bio ou label rouge pèsemoins de 0,5%. «La faute aux normes qui im-posent de ne pas dépasser 40 truies, dit un ex-pert. Cela tient du militantisme, pas du modèlealternatif.» Et si rien ne change? «La filièreporcine passera à l’abattoir», souffle un indus-triel. «C’est déjà écrit, enrage Patrick Le Goas,de FO, la révolte des ouvriers de la viande, entrain de tout vouloir péter faute d’avoir été en-tendus. Après la sidérurgie, le textile, l’agro-alimentaire plonge; on perd notre autonomie, ettout le monde s’en fout.»Envoyé spécial en Bretagne CHRISTIAN LOSSON

l’Allemagne, son dumpingsocial et ses salaires trois fois moins chers. Onn’a pas modernisé nos outils de production. Ona pris en pleine gueule la concurrence des abat-toirs de la grande distribution.»Des abattoirs, comme ceux de Kermené (Le-clerc), dans les Côtes-d’Armor, ou Gâtine(Intermarché), en Ille-et-Vilaine, qui ontaugmenté leur production l’an dernier alorsque l’activité recule de 2% par an depuis2007. Ceux-là font rêver les forçats de Lam-paul. «Mais eux ont investi jusqu’à 8 millionspar an pour automatiser leur outil», rappelleun élu local. Et Guillaume Roué, éleveur dansle Finistère et patron de l’interprofessionnelleporcine française, d’ajouter : «Surtout, ilsn’ont pas besoin de service commercial. L’ar-gent économisé leur permet de moderniser et derobotiser, avec moins d’emplois. D’être compé-titif quand les Allemands taillent des parts demarché en exploitant la main-d’œuvre.»

Annick Le Guevel, du comité d’entreprise de l’abattoir Gad à Josselin.

Suite de la page 3

FINISTÈRE

CÔTES-D’ARMOR

MORBIHAN

ILLE-ET-VILAINE

OcéanAtlantique

50 km

BRETAGNERennes

Brest

Josselin

Lampaul-Guimiliau

Olivier Le Bras, élu FO à l’abattoir de Lampaul. David Riou, 32 ans, éleveur à Kerdrein.

Jean­Marc Destivelle, 50 ans, dont sept ans à la découpe chez Gad.

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 20134 • EVENEMENT

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Le syndicaliste allemand Matthias Brümmer appelle l’UE à faire cesser ce dumping:

«Bientôt, ce seront des Françaisque nous verrons ici»M atthias Brümmer est président du

syndicat allemand de l’industrie ali-mentaire NGG pour la région d’Ol-

denburg (Nord-Ouest). Pour lui, les condi-tions des travailleurs étrangers dans lesabattoirs d’outre-Rhin «s’apparentent à uneforme d’esclavage moderne».Comment les difficultés des abattoirs françaissont-elles perçues en Allemagne?Le problème existe en France, mais aussi enBelgique, au Danemark ou en Autriche. Lapolitique des bas salaires en Allemagne etl’inexistence d’un salaire minimum provo-quent des dégâts sociaux dans les pays voisinset mettent sous pression les salariés allemandset européens dans nos abattoirs.Qui est responsable?D’abord les dirigeants des abattoirs, qui sepermettent de pratiquer des salaires aussi basavec des conditions de travail inhumaines.Ensuite, notre gouvernement : en refusantd’instaurer un salaire minimum et en ne met-tant pas les moyens suffisants pour contrôlerles contrats de travail et la réalité de ses abat-toirs, il cautionne un système. Il doit mettrefin aux abus pratiqués dans ces usines. Enfin,l’Union européenne doit faire cesser cedumping social. Car l’Allemagne connaît au-jourd’hui une forme de tourisme liée à ce

dumping. Après les travailleurs d’Europe del’Est, ce sont des chômeurs grecs et espagnolsque l’ont fait venir. Certains disent que, bien-tôt, ce sont des Français que nous verrons ici…L’Europe ne peut fonctionner ainsi.Dans quelles conditions vivent ces ouvriers?Nous n’avons pas de chiffres précis, mais ceque nous avons pu observer s’apparente à uneforme d’esclavage moderne. On a recensé dessalaires allant de 1 à 10 euros del’heure. Ils vivent dans des préfa-briqués ou s’entassent à 40 dansdes logements prévus pour 6. Cer-tains paient parfois 200 euros parmois pour un lit et sont six ou septpar chambre… Pendant que la moi-tié est de service de jour, les autresdorment. Lorsque la nuit tombe, ilsfilent au boulot. On considère aujourd’huique 75% des salariés dans les abattoirs alle-mands travaillent dans ces conditions.Et les 25% restants?Ils sont protégés par des accords de branche,payés 13 à 18 euros de l’heure pour des semai-nes de travail allant de 37 à 40 heures. Ilsbénéficient aussi de 30 jours de congéspayés par an et de règles strictes de tempsde travail. Ce sont les plus anciens qui enbénéficient.

Comment expliquer une telle évolution?Depuis des années, l’Allemagne veut devenirle numéro 1 du secteur de la viande. Elle s’estmise à attaquer des parts de marché en bais-sant de manière drastique le coût du travail.En dix ans, le marché de la viande a exploséde plus de 30%, avec une demande forte dansles pays de l’Est. Les entreprises du secteur sesont lancées dans une politique de concentra-

tion, mettant à genoux leurs con-currents des pays voisins et ontprofité de l’ouverture du marchédu travail et de règles européennesambiguës pour faire travailler àmoindres coûts, via des agencesd’intérim.Et les syndicats allemands ne disentrien?

Bien sûr qu’ils protestent ! Nous réclamonstout d’abord une convention collective cou-vrant l’ensemble de la branche et un salaireminimum d’au moins 8,5 euros de l’heure.Nous demandons aussi que ces ouvriers soientassurés et rattachés à une caisse d’assurance-maladie. Le gouvernement doit se saisir de cesquestions. Mais les premières réactions politi-ques à Berlin et au Parlement régional de Bas-se-Saxe à Hanovre sont encourageantes.

Recueilli par LILIAN ALEMAGNA

DR

Ce que la France n’ose pas vis­à­vis del’Allemagne –vie de couple oblige–,la Belgique l’a fait: porter plaintecontre Berlin. Par l’intermédiaire deses ministres, de l’Economie et del’Emploi, le pays a saisi en marsla Commission européenne contreles autorités allemandes. Legouvernement belge compte, par cebiais, tenter de sauver un secteur de laviande en grande difficulté. Dans leurplainte, ils soulignent que la loiallemande «n’est manifestement pasmise en œuvre de manière effective […]au profit des travailleurs détachés dansles entreprises établies en Allemagneet actives dans le secteur de l’abattageet de la transformation de la viande».La France a une autre stratégie:la négociation de la nouvelle directivequi doit encadrer à l’avenir lestravailleurs détachés. Face aux paysde l’Est qui aimeraient qu’on ne toucherien, la France retrouve là l’Allemagnepour tirer vers le haut la législationeuropéenne. Le ministre du Travail,Michel Sapin, tente de faire accepterqu’en termes de contrôle,l’administration puisse demander toutdocument à une entreprise pours’assurer qu’elle est en règle. Ellecompte également inscrire dans ledroit européen qu’«un donneurd’ordre soit responsable de sonpremier sous­traitant» qui pourraitfrauder. L.A.

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 EVENEMENT • 5

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Elyakim,villagelibanaiscréésurmesureparTsahalEn Israël,des militairess’entraînentà une possibleconfrontationavec le Hezbollah.

D ans un fracassant bruit de ferraille,le char s’avance dans la rue princi-pale du petit village. Des fantassinssont déjà sur place, échine cour-

bée, ils progressent lentement, se glissanthors des venelles pour atteindre l’artère cen-trale. Sur les toits environnants, d’autres sol-dats protègent leur progression en mettant

Par AUDE MARCOVITCHEnvoyée spéciale à Elyakim

en 2006. «Durant le conflit, les chars entraienten premier pour protéger l’infanterie. Mais cer-tains ont sauté sur des explosifs placés par leHezbollah sur leur chemin. On perdait alors àla fois le char et les soldats qu’il était censé pro-

téger. Du coup, on a changé notretactique», commente Archi Leo-nard, instructeur de troupes à

Elyakim. Des buissons avoisinants, viennentd’émerger une poignée de soldats, quelques-uns entrent dans une des maisons où ils dé-

Des soldats israéliens lors d’un exercice sur la base militaire d’Elyakim. PHOTO UPI. VISUAL PRESS AGENCY

en joue les ennemis. De la poussière, descombattants qui courent, des tirs.Fin de l’exercice. Sur la base militaire israé-lienne d’Elyakim, dans le nord du pays, unelocalité libanaise a été reconstituée. Elle sertde terrain d’entraînement auxforces de Tsahal qui cherchent àaméliorer leurs techniques decombat en cas de nouvelle confrontation avecle Hezbollah, tout en évitant de répéter leserreurs de la guerre de trente-quatre jours

REPORTAGE

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 20136 • MONDE

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couvrent un tunnel menant à l’extérieur duvillage, façonné à l’image de ceux que les mi-litaires pourraient trouver côté libanais.A 36 ans, Dan, sergent d’une unité comptantune trentaine de soldats, suit des sessions dedix jours à trois semaines par an. «Les entraî-nements sont devenus de plus en plus compli-qués, ils augmentent en intensité et les technolo-gies qu’on emploie changent tout le temps»,explique-t-il.

CONVOIS D’ARMES. Pour les responsablesmilitaires israéliens, le Hezbollah libanaisreste l’ennemi principal de la frontière nordet son réarmement une des préoccupationsde l’état-major de Tsahal. Trois attaques aé-riennes menées par l’aviation israélienne surle sol syrien, en janvier et mai, visaient –se-lon les informations confirmées de manièreofficieuse en Israël– des convois d’armes duHezbollah qu’il cherchait à mettre à l’abri descombats en les rapatriant au Liban. Dans lemême temps, l’implication de la formationchiite dans la guerre syrienne a pour consé-quence un affaiblissement du mouvementchiite, jugent les hauts gradés de Tsahal. «La

situation stratégique du Hezbollah est en déclin,à la fois parce qu’il a perdu une partie de sonsoutien au Liban et que la Syrie n’a plus la forcede le soutenir, juge un responsable israélien.Ils ont aussi perdu de nombreux combattants.Mais on peut imaginer que leurs capacités àcombattre se renforcent grâce à ces nouvellesexpériences sur le terrain.»Ce militaire prévient que l’acheminementd’armes sophistiquées au Liban, telles quedes missiles antiaériens, des missiles sol-mer

ou des armes chimiques, pourraient avoirdes conséquences désastreuses sur la popu-lation libanaise : «Si le Hezbollah fait usaged’armes sophistiquées contre Israël et lance desmissiles sur nos villes, nous réagirons très fortet ce sont les civils libanais qui en pâtiront. Le

Craignant l’escalade, le président libanais appelleles combattants chiites à quitter la Syrie.

Le Hezbollah,péril en sa demeureA u Liban, l’intervention

militaire du Hezbollahaux côtés du régime sy-

rien de Bachar al-Assad conti-nue de provoquer des remous.Jeudi, c’est le président liba-nais, Michel Sleimane, qui estmonté au créneau, appelant lescombattants du Hezbollah «àrentrer au Liban», dans une in-terview parue dans le quoti-dien libanais As Safir. «S’ilsparticipent à la bataille d’Alep,cela attisera davantage les ten-sions. J’ai dit que protéger la ré-sistance [le Hezbollah, ndlr] estquelque chose qui m’est cher,mais je veux aussi la protégercontre elle-même», a-t-il af-firmé.«Poignardés». Le Président,partisan de la «neutralité» li-banaise dans le conflit syrien,envoie ainsi un signal fort à lacommunauté internationale,même si son influence reste li-mitée sur le plan intérieur.Depuis les accords de Taëf quiont mis fin à la guerre civileen 1989, le Président joue sur-tout un rôle d’arbitre au seindes institutions libanaises. Saprise de position intervientpeu après la remise d’un mé-morandum signé par 57 dépu-tés du «14 mars», la coalitionantisyrienne conduite parSaad Hariri, exhortant le chefde l’Etat à demander au Hez-bollah de «se retirer immédia-tement et totalement des com-bats en Syrie». Début juin, le«Parti de Dieu» a joué un rôlecrucial dans la reconquête de

la ville d’Al-Qoussayr, bastiondes rebelles syriens proche dela frontière libanaise, et estégalement présent en forcedans la ville de Sayeda Zeinab,dans la banlieue sud de Da-mas. Selon l’opposition sy-rienne, il serait aussi impliquédans les combats dans le norddu pays.L’engagement total du Hezbol-lah en Syrie fait même grincerles dents de certains de sessoutiens les plus fidèles. Demanière inattendue, GebranBassil, ministre démission-naire et gendre du généralMichel Aoun, principal alliéchrétien du Hezbollah de-puis 2006, a taclé le parti chiiteces derniers jours. «Les occu-pations régionales du Hezbollahl’ont poussé à commettre deserreurs internes», a soutenu leministre. «Il nous a poignardés,il a poignardé la démocratie», a-t-il affirmé dans le quotidienpanarabe Asharq al-Awsat,accusant le «Parti de Dieu»d’avoir manœuvré avecd’autres formations pour re-porter les élections législativesjusqu’en novembre 2014. Lescrutin, qui aurait dû se tenirce mois-ci, aurait pu mettre endifficulté le Hezbollah etl’amener à reconsidérer sonimplication en Syrie.«Ces déclarations ne remettentpas en cause l’alliance straté-gique du général Aoun avec leHezbollah, mais elles reflètent lesentiment de l’opinion publiquechrétienne, qui majoritairement

n’est pas favorable à son actionen Syrie», estime Ghassan el-Ezzi, professeur de sciencespolitiques à l’université liba-naise de Beyrouth.Roquettes. L’implication du«Parti de Dieu» a des réper-cussions sécuritaires de plus enplus importantes au Liban,particulièrement dans la plainede la Bekaa, dans l’est du pays.En «représailles» à la reprised’Al-Qoussayr par le Hezbol-lah, une trentaine de roquettestirées depuis le territoire sy-rien ont touché depuis le débutdu mois de juin la ville deBaalbek, fief du parti chiite, etplusieurs villages environ-nants. Les relations entresunnites et chiites se sont en-core dégradées cette semainedans la Bekaa, avec l’assassinatde trois Libanais chiites, dontdeux membres du puissantclan tribal des Jaafar. Ils ontété attaqués par des hommesarmés à proximité de la localitéd’Ersal, bastion sunnite et basearrière des rebelles syriens auLiban. Les foyers de tension semultiplient également dansd’autres régions, comme à Tri-poli, la grande ville portuairedu Nord, ou à Saïda. Dans cetteville côtière au sud du pays,des affrontements au lance-roquettes entre partisans ducheikh salafiste Ahmad al-As-sir et du Hezbollah ont faitmardi un mort et plusieursblessés.De notre correspondant à Beyrouth

THOMAS ABGRALL

Gol

an

MerMéditerranée

Plaine dela Bekaa

ISRAËL

LIBAN

30 km

CISJ�JORD�

SYRIE

Tripoli

Haïfa

Saïda

Tel-Aviv

Beyrouth

Damas

Elyakim

Camp de ZaritQuneitra

Créé en réponse à l’invasionisraélienne au Sud­Liban en 1982,le Hezbollah est un mouvementchiite fondamentaliste armé. Le«parti de Dieu» bénéficie du sou­tien de Téhéran et de Damas, quil’arment et le financent. Il s’estengagé dans le conflit syrien, auxcôtés des forces d’Al­Assad.

REPÈRES

Hezbollah se dissimule dans la population etchercher à l’atteindre revient inévitablement àtoucher des civils.»De la base militaire de Zarit, isolée dans lesbosquets touffus face à la frontière libanaise,des soldats ont les yeux rivés sur les appareilsd’observation qui ne perdent pas une miettede ce qui se passe de l’autre côté de la clô-ture. A intervalles réguliers, des représen-tants de Tsahal, de l’armée libanaise et de laForce intérimaire des Nations unies au Liban

(Finul) se retrouvent pour faire lepoint sur le résultat de leurs ob-servations à la frontière. Les offi-ciels israéliens aiment relever queles rapports avec l’armée libanaisesont plutôt sereins, mais laissentouverte la question de savoir sicette non-belligérance seraitmaintenue en cas de nouveau

conflit entre l’Etat israélien et le parti chiitelibanais.Mais c’est à l’est, sur la frontière israélo-sy-rienne, que la situation s’est soudainementdégradée. Après les Japonais, puis les Cro-ates, les Autrichiens ont à leur tour retiré

«Le Hezbollah a perdu de nombreuxcombattants. Mais on peut imaginerque leurs capacités à combattrese renforcent grâce à ces nouvellesexpériences sur le terrain.»Un responsable militaire israélien

leurs observateurs de la Force des Nationsunies sur le Golan, après que deux d’entreeux ont été blessés dans des échauffouréesentre armée syrienne et rebelles. Pour la pre-mière fois, début juin, les combats ont atteintle point de passage de Quneitra, les insurgéstenant pour quelques heures la position desgarde-frontières syriens. Côté israélien, lesmilitaires disent ne pas craindre de confron-tation avec l’armée syrienne, jugeant que lesforces de Bachar al-Assad ont d’autres chatsà fouetter.

JIHADISTES. C’est davantage une situationsimilaire à celle qui perdure avec la bandede Gaza, avec des tirs de roquettes spora-diques, que craint Tsahal. L’enrôlementd’hommes du Hezbollah sur le terrain sy-rien pourrait leur donner un accès à la fron-tière entre Israël et la Syrie. Dans le scénarioinverse où les forces loyales à Bachar al-As-sad perdraient du terrain, Israël craint alorsque des groupes de jihadistes profitent del’occasion pour faire de la frontière sur leGolan une nouvelle zone de confrontationisraélo-syrienne. •

970Casques bleus sont en perma­nence déployés sur le plateaudu Golan depuis 1974 pour fairerespecter le cessez­le­feu entreIsraël et la Syrie.

«Le projet du Hezbollahau Liban […] détruit laformule de coexistencecommune, le systèmedémocratique et l’unitédes confessionsmusulmanes.»Saad Hariri chef de l’oppositionlibanaise, le 13 juin

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 MONDE • 7

Page 8: Liberation

AuBrésil, ladroitedurechercheàraflerlamise

Avec plus d’unmillion demanifestants jeudisoir, la révolte aatteint uneampleur qui laissela présidente,Dilma Rousseff,sans voix.

P as un mot. La présidente duBrésil, Dilma Rousseff, duParti des travailleurs (PT,gauche), est restée murée

dans son silence après la réunion decrise tenue vendredi avec ses con-seillers pour étudier la marche à

suivre face à la révoltepopulaire qui embrasele Brésil. Rien n’a fil-

tré, sinon qu’elle restait «perplexe»face à l’ampleur de la convulsionsociale. Mais aucune déclaration of-ficielle n’est venue répondre à lacolère de la rue qui a atteint jeudiune ampleur inédite. Plus d’un mil-lion de manifestants avaientprotesté dans une centaine devilles, du jamais-vu depuis trenteans. Ils étaient au moins 300000 àRio, 110 000 à São Paulo,100000 à Vitória, 52000 à Recife,30000 à Manaus… La révolte, dé-clenchée il y a deux semaines par lahausse du tarif des transports ur-bains, a en effet redoublé de vi-gueur, et cela malgré la révocationde la mesure par près d’une cin-quantaine de villes. Une fois deplus, c’est la classe politique toutentière, et même les institutions,qui ont été dans le collimateur. Lesmanifestants dénonçaient la cor-ruption et l’impunité, ainsi que laprécarité des services publics, alorsque le pays va débourser au moins10 milliards d’euros pour organiserle Mondial de foot l’an prochain.

DÉSAVEU. Les débordements, mar-qués par des scènes de pillage etde vandalisme, ont entraînédeux morts accidentelles et aumoins 77 blessés. La Fifa, organisa-trice de la Coupe des confédérationsde foot, qui se déroule actuellementsur place, a pour sa part démentiavoir menacé de mettre fin à lacompétition après que deux auto-bus liés à l’organisation ont été vi-sés à Salvador de Bahia. C’est àBrasília, la capitale, que la tensionétait la plus forte. Des contestatairesont attaqué le siège du ministère desAffaires étrangères et tenté d’enva-hir le Congrès. Et, pour la premièrefois depuis le début de la révolte, ily a deux semaines, le palais prési-dentiel du Planalto a été pris pourcible. Un millier de manifestantsont marché sur l’édifice aux lignesépurées –autour duquel s’était dé-ployée l’armée–, avant d’être re-poussés à coups de lacrymos. DilmaRousseff est restée retranchée toute

la journée sur place. La crise a bel etbien frappé à la porte du Planalto.La Présidente a annulé tous ses dé-placements, et notamment une vi-site officielle qu’elle devait effectuerau Japon la semaine prochaine.Mais son silence –elle s’est conten-tée jusqu’ici de rendre hommage àla vitalité démocratique du pays,dont le mouvement serait lapreuve– s’était fait de plus en plusassourdissant. Son entourage seraitdivisé quant à l’opportunité de seprononcer ou non sur les événe-ments. Ne serait-ce pas une façonde reconnaître que le gouvernementest lui aussi visé par le désaveu po-pulaire?Brasília n’en cherche pas moins laparade. Un train de mesures so-ciales pour les jeunes, principauxacteurs de la contestation, serait àl’étude. Selon la presse, certains au

PT prêchent un virage à gauchepour doper les investissementsdans la santé et l’éducation. Leparti, qui s’est joint aux manifes-tants, a été désavoué par laPrésidente. Cette décision de re-

joindre les manifs a été perçuecomme une tentative, sinon de ré-cupérer le mouvement, du moinsde montrer que le PT –qui croyaitdétenir le monopole de la rue et sevoit débordé par elle– n’est pas in-sensible aux revendications. Mais,pour Dilma Rousseff, l’irruption de

sa formation sur l’avenue Paulista,jeudi soir à São Paulo, risquaitd’exposer explicitement son gou-vernement à la colère populaire,alors qu’il n’est pas – du moinspour l’instant - la cible principale

des manifestants. Lesmilitants du PT ont ef-fectivement été fraî-chement reçus et ontdû être carrémentévacués pour échap-per aux foudres d’unefoule rétive à la pré-sence de toute forma-

tion politique. «Hey, PT, va te fairef…» hurlaient des protestataires, enmettant rageusement le feu à labannière rouge du parti de Lula.«Partez à Cuba, partez au Ve-nezuela», criaient d’autres. «Fas-cistes!» s’époumonaient en retourles gens du Movimento Passe Livre

(Mouvement du libre passage,MPL). A l’origine de la fronde quiembrase le pays, le MPL, groupe-ment «anticapitaliste» qui militepour la gratuité des transports encommun, a même abandonné lamanifestation.

AVORTEMENT. Alors que des cor-tèges étaient programmés hier dansune soixantaine de villes, le MPL aannoncé qu’il ne convoquerait plusd’autres mobilisations. Ses repré-sentants dénoncent une récupé-ration de la révolte par la droite.«Nous avons vu surgir des bannièresterribles comme la baisse de la majo-rité pénale ou le rejet de l’avorte-ment», a expliqué l’un d’eux. «Audépart, le mouvement réclamait labaisse du tarif des transports en com-mun et voilà que se joint à nous main-tenant une classe moyenne réaction-naire qui vomit les pauvres et ne seremet toujours pas d’être gouvernéepar la gauche», déplorait lundi Leo-nardo, un étudiant en histoirecroisé sur la Paulista. La politologueMaria Izabel Noll fait écho à cescraintes : «Mai 68 avait renforcé legaullisme, rappelle-t-elle. Au Brésil,on peut craindre que l’avancée dela mobilisation serve à justifier le re-tour d’un gouvernement conserva-teur, qui délogerait le PT du pou-voir.» •

Par CHANTAL RAYESCorrespondante à São Paulo

«Voilà que se joint à nous uneclasse moyenne réactionnairequi vomit les pauvres etne se remet pas d’être gouvernéepar la gauche.»Leonardo étudiant en histoire

RÉCIT

Des manifestants après le tir de gaz lacrymogènes par la police, à Rio, jeudi soir. PHOTO NICOLAS TANNER. AP

20centimes de real (7 centimesd’euros). C’est le montantde l’augmentation du ticketde bus qui a mis le feu auxpoudres, il y a dix jours.

Le plus vaste mouvement socialau Brésil depuis vingt et un ans aculminé jeudi avec plus d’un mil­lion de personnes dans 80 villes.A l’opposition au prix des trans­ports s’est ajoutée la contestationde la précarité, de la corruption,et des 11 milliards d’euros dépen­sés pour le Mondial de foot.

REPÈRES

RÉSEAUX SOCIAUX«Nous sortons de Facebook»,proclament certains slogans.Le réseau joue un rôle clédans les manifestations, orga­nisant les rassemblements. Lafronde brésilienne se veutrévolution 2.0.

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 20138 • MONDE

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D es dizaines de milliersd’Egyptiens se sontrassemblés hier à

Medinat Nasr, en périphériedu Caire, pour apporterleur soutien au présidentMohamed Morsi. Sous unsoleil étouffant, la foule,majoritairement composéede provinciaux, a brandi desdrapeaux égyptiens et desportraits du chef de l’Etat ;de nombreux slogans fai-saient rimer Morsi et démo-cratie, d’autres appelaient àl’instauration de la charia.Initiée par les Frères musul-mans, dont est issu le raïs,cette manifestation a réunidix-sept partis islamistesderrière un triple motd’ordre : défendre le bilandu gouvernement, rétablirla légitimité de Morsi et dé-noncer la violence politique.Il y avait aussi une volontéd’intimidation : montrerl’unité et la puissance ducamp islamiste alors que lePrésident est critiqué de tou-tes parts et que l’oppositiona prévu une grande mani-festation le 30 juin. Fortsdes 15 millions de signaturesde la pétition anti-Morsiqu’ils ont lancée, les mili-tants libéraux et de gaucheattendent beaucoup de cetteéchéance et rêvent d’une se-conde révolution.Hier, le pari des islamistesn’a été qu’à moitié réussi :si les soutiens étaient aurendez-vous, Al-Nour, leplus important parti sala-fiste, n’a pas pris part audéfilé par crainte d’aggraverla polarisation. Mais aussipour se démarquer du pou-voir et soigner son image envue des législatives prévuescet automne.Un an après l’investiturede Morsi, le pays est totale-ment divisé, pas loin de larupture. Le bilan n’est pas àla hauteur des espérances :l’économie est au plus mal,le processus de transitiondémocratique traîne despieds et le régime fait preuved’une brutalité qui n’a rienà envier à la dictature deHosni Moubarak. Si lePrésident a hérité d’une si-tuation compliquée et nesaurait être tenu pour uniqueresponsable de la crise, sesmaladresses à répétition etle mépris dont il fait preuveà l’égard de l’oppositionattisent les mécontente-

ments. Dernier exemple : lasemaine passée, le chef del’Etat a nommé Adel al-Khayat, membre de laGamaa al-Islamiya, au postede gouverneur de Louxor. Orc’est dans cette provinceque des militants de cemouvement islamiste onttué 58 touristes sur le sitearchéologique de Deir-el-

Bahari, en 1997. Morsi, qui seprésentait comme «le prési-dent de tous les Egyptiens»,apparaît de plus en pluscomme le président des seulsislamistes. Et l’oppositionespère secrètement qu’aprèsle 30 juin, il ne sera plus leprésident de personne. •De notre correspondant au Caire

MARWAN CHAHINE

AuCaire, lessoutiensdeMorsisemanifestentÉGYPTE Les partisans du raïs ont paradé hier. Sesopposants préparent l’épreuve de force.

PAKISTAN Un attentat-sui-cide a fait au moins 15 mortsvendredi dans une mosquéechiite près de Peshawar,dans le nord-ouest du pays.

ESPAGNE Huit personnesappartenant à un réseau liéà Al-Qaeda ont été arrêtéesvendredi dans l’enclave es-pagnole de Ceuta (Maroc).

TUNISIE Le procès en appeldes trois Femen européennescondamnées à quatre mois deprison se tiendra mercredi.

RDC L’Afrique du Sud a dé-ployé ses troupes en républi-que démocratique du Congovendredi en coopérationavec l’ONU, afin d’y com-battre les groupes armés.

SYRIE L’armée a bombardé lequartier de Qaboun, à Da-mas, vendredi, dans le butd’en déloger les rebelles.

RUSSIE La Douma a voté,vendredi, l’interdiction,pour des homosexuels,d’adopter des enfants russes.

Retrouvez notre carte animée et commentéeQuatre minutes pour comprendre le conflit en Syrieet notre dossier Le conflit en Syrie

• SUR LIBÉRATION.FR

«Il y a eu avecl’opération Servalun affaiblissementconsidérable desgroupes [islamistes].Mais ils ontdes capacitésde reconstructiontrès rapides.»Michel Reveyrandde Menthon représentantspécial de l’UE pour la régionsahélienne, vendredi

Les alliances contre­naturene durent jamais: il y aun an, Fotis Kouvelis avaitaccepté de participer à lacoalition gouvernementaledominée par le parti con­servateur Nouvelle Démo­cratie pour éviter à laGrèce une nouvelle crisepolitique. Pour cet ex­com­muniste de 65 ans, c’étaitun pari risqué: son petitparti, Dimar, créé en 2010et issu d’une scission de lagauche radicale, pouvait yperdre son âme et sonélectorat. Mais après avoiravalé bien des couleuvres(comme le rejet d’une loiantiraciste par NouvelleDémocratie), Kouvelis aperdu sa sérénité légen­daire lors de la suppressionbrutale de la télévisionpublique, le 11 juin. Opposéà cette mesure, Kouveliss’est aussi offusqué de voirle Premier ministre, Anto­nis Samaras, s’obstiner mal­gré l’avis défavorable duConseil d’Etat prononcélundi. Du coup, vendredi,Kouvelis a demandé auxquatre ministres de sonparti de quitter un gouver­nement qu’il ne soutientplus. Ce qui laisse face àface socialistes et conser­vateurs, autre alliance con­tre­nature. PHOTO REUTERS

LE VIEUX LIONGREC KOUVELISLÂCHE SAMARAS

LES GENS

127ans de prison. C’est lacondamnation dont aécopé, en Espagne, JoanVila Dilmé, pour le meur­tre de 11 personnes âgéesdans la maison de retraiteoù il travaillait commevigile, entre 2009 et 2010.

Un film deAntonin PERETJATKO

« Resplendissant. Une joie communicative et une audace dans la blague qui connaît peu de limites…

bienvenue chez les fous ! » LES INROCKS

« Hyper jouissif ! » TÉLÉ CINÉ OBS

« Une ode à la légéreté et à l'aventure. »

SO FILM

« Singulière et craquante, une comédie qui fait du bien à la vie. »

20 MINUTES

« Drôle. Très drôle. Une pépite d'humour décalé. »

L'EXPRESS

« Une folie plus que bienvenue dans

le cinéma. » EVENE.FR

« Givré ! » LIBÉRATION

« Hilarious Vincent Macaigne ! » HOLLYWOOD REPORTER

« Un road movie complètement barré. Réjouissant ! »

FRANCE INTER

ACTUELLEMENT

Emmanuel Chaumet présente

Vimala PONS Vincent MACAIGNEGrégoire TACHNAKIAN Marie-Lorna VACONSIN

ET AUSSI SERGE TRINQUECOSTE, THOMAS SCHMITT, ESTEBAN, PHILIPPE GOUIN, LUCIE BORLETEAU, PIERRE MEREJKOWSKI, CLAUDE SANCHEZ, YOANN REY ET LA PARTICIPATION AMICALE DE ALBERT DELPY ET BRUNO PODALYDÈS

« Si j'étais encore vivant j'irais voir ce film. »

GROUCHO MARX

« Craquante Vimala Pons, hilarant Vincent Macaigne,

on jubile, on savoure. » LE MONDE

« Se foutre carrément de tout ! » STENDHAL

« La comédie en or ! » ELLE

« Jolie façon de rentrer dans l'été. Une petite pépite. »

STUDIO CINÉLIVE

« Jubilatoire ! » TGV MAGAZINE

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 MONDEXPRESSO • 9

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Villeneuve-sur-Lot:uneaubainepourladroitedécomplexée?Une victoire du FN, dimanche, serait un coup dur pour le front républicain.

D ans les états-majors pari-siens, rares sont ceux quise risquent à exclure unevictoire du Front national

à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Ga-ronne), dans l’ancienne circons-cription de Jérôme Cahuzac, di-manche, au deuxième tour de lalégislative partielle. A droite, l’hy-pothèse est envisagée plutôt serei-nement, avec un brin de résigna-tion. Plus personne ne croit, en toutcas, que le candidat de l’UMP Jean-Louis Costes pourra compter sur unsursaut comparable à celui qui aporté Jacques Chirac à l’Elyséeen 2002, avec 82% des suffragesface à Jean-Marie Le Pen. Aprèsl’élection partielle dans l’Oisedu 24 mars, qui avait vu l’UMP

Jean-François Mancel l’emporterde quelques centaines de voix sur saconcurrente frontiste, le scrutin dedimanche pourrait signer, une foispour toutes, l’arrêt demort du «front républi-cain». «Si le FN obtient45% ou plus pour la deuxième foiscette année, c’est énorme», souligneJérôme Fourquet de l’Ifop.Dans le parti de Jacques Chirac,certains se réjouissent de l’enterre-ment de ce vieux «front républi-cain». Jean-François Copé et sesamis, partisans d’une «droite dé-complexée», y verront la justifica-tion définitive de leur ligne «ni-ni»(ni FN ni front républicain) contes-tée par les modérés, notammentNathalie Kosciusko-Morizet etFrançois Baroin. Pour GuillaumePeltier, animateur de la Droiteforte, courant le plus droitier de

l’UMP, la partielle de Villeneuve-sur-Lot confirme que «les diguesdes reports de voix ont définitivementsauté». Les électeurs de gauche ne

sont pas plus sensiblesque ceux de droite aux«consignes de Paris» et il

n’est pas de plus grand service àrendre au FN que de «laisser enten-dre qu’il n’y aurait pas de différencesentre droite et gauche».

GOURMANDISE. De fait, le timideappel de la direction du PS au frontrépublicain fournit au FN ses slo-gans favoris : vendredi sur RFI, lebras droit de Marine Le Pen, FlorianPhilippot, dénonçait avec gour-mandise «un front des copains pourrester en place». Reprenant une rhé-torique chère à l’ancien patron deMinute Patrick Buisson, conseillerultra-droitier de Nicolas Sarkozy,

Peltier affirme que la droite parle-mentaire doit «s’adresser aux petitset aux invisibles», leur montrer qu’ilexiste «une vraie droite». Inutile,selon lui, de remonter à CharlesMaurras: «Sarkozy a montré la voiedès 2004. En prônant la rupture avecle chiraquisme, il tournait la paged’une droite qui avait honte de ne pasêtre de gauche.» Copé, présidentd’une UMP en crise, ne dit pas autrechose. En meeting dans l’Aisnemercredi, il a ressorti son hymne à«la droite décomplexée» qui necraint pas de «dire les choses». De-vant les militants picards, il s’esttaillé un franc succès, jurant de neplus leur servir «d’eau tiède» et enosant un hommage appuyé aux vic-times du désormais célèbre «ra-cisme antiblanc».Pour l’aile droite de l’UMP, l’entréeà l’Assemblée nationale d’un qua-

trième député d’extrême droiten’aurait rien d’une catastrophe.Bien au contraire: ce pourrait êtrel’électrochoc salutaire qui encoura-gera la droite à se débarrasser de ses«complexes».Soucieux de ne pas décourager lesélecteurs de gauche susceptibles derespecter le front républicain,l’UMP Jean-Louis Costes s’est biengardé de solliciter le soutien deschampions de la droite décom-plexée. Il s’est contenté de la visitede l’ancien ministre de l’Agricul-ture Bruno Le Maire, possible atoutdans cette circonscription très ru-rale, en meeting à Casseneuil mardisoir. Attendu jeudi, le centristeJean-Pierre Raffarin a dû renoncerà cause d’un «problème d’avion».

CRISE. Gilbert Collard et FlorianPhilippot n’ont eu, en revanche,aucun souci de transport pour venirsoutenir le jeune frontiste EtienneBousquet-Cassagne, jeudi. Pour sondirecteur de campagne Michel Gui-niot, vieux cadre du FN, la victoireà Villeneuve-sur-Lot est plus pro-bable encore qu’à Beauvais où iln’avait manqué que quelques cen-taines de voix à Florence Italiani.Dans le Lot-et-Garonne et dansl’Oise, les candidats du Front natio-nal ont fait à peu près le mêmescore au premier tour: près de 26%.Mais avec 40%, l’UMP Jean-Fran-çois Mancel avait fait beaucoupmieux que le modeste 28% de Cos-tes. Sans mobilisation significativedes abstentionnistes, une victoiredu FN peut donc raisonnablementêtre envisagée.En toute hypothèse, l’élection par-tielle de Villeneuve renvoie la droiteà sa crise existentielle. Dans l’UMPbalkanisée, nombreux sont ceuxqui ne se rallieront jamais à la stra-tégie de droitisation. Nathalie Kos-ciusko-Morizet rappelle qu’à Paris,comme à Lyon, les élections pri-maires ouvertes à tous les sympa-thisants ont abouti à la désignationde candidats «qui refusent de mettresur le même plan un parti extrémiste[le FN] et un parti qui s’inscrit dansle champ républicain [le PS]».Plusieurs responsables de l’UMPse revendiquant de la sensibilitégaulliste militent pour la renais-sance d’un rassemblement «au-dessus des partis». L’ancien prési-dent de l’Assemblée nationale Ber-nard Accoyer est de ceux-là.Comme de nombreux proches deFrançois Fillon, il estime qu’encherchant à s’affirmer comme une«vraie droite» capable de doublerle FN sur son terrain, l’UMP «se ré-signe au populisme». L’alternative?«Ce serait de faire du vrai gaul-lisme», affirme Accoyer. Vaste pro-gramme… comme disait, juste-ment, le Général. •

Par ALAIN AUFFRAYet GILBERT LAVAL

ANALYSE

26%des Français pourraient voterFN à une élection nationale,et 29% à une élection locale,selon un sondage BVA pourl’émission CQFD d’i­Télé.

LOT

TARN-ET-GARONNETARN-ET-

GARONNEGERS

LANDES

GIRONDE LOT-ET-GARONNE

DORDOGNE

Agen

25 km25 km

Villeneuve-sur-Lot «Les Français ont biendécrypté que ça n’étaitpas un front républicain.C’est un front des copainspour rester en place.»

Florian Philippotvice­président du FN, vendredi

REPÈRES «Le FN [n’est pas]une alternative crédible.Voter FN, ce serait aiderHollande en affaiblissantla droite et le centre.»

Jean­François Copéprésident de l’UMP, dimanche

Le candidat UMPJean­Louis Costesen meeting mardi

à Casseneuil ( Lot­et­Garonne). PHOTOCHRISTIAN BELLAVIA

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 201310 • FRANCE

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JUSTICE La plainte pour«provocation à la haine ra-ciale» déposée par la Fonda-tion du mémorial contre latraite des Noirs contre le dé-puté UMP Jean-ChristopheVialatte pour un tweet, postéle 13 mai lors des violencesdu Paris-SG au Trocadéro,assimilant les «casseurs» àdes «descendants d’escla-

ves», va être retirée aprèsun accord entre les intéres-sés.

PARIS La vice-présidentedu Modem, Marielle deSarnez, candidate à la mairiede Paris, a dit vendredi vou-loir «arriver à un rassemble-ment du centre» dans la capi-tale.

«J’ai le sentimentsurtout d’êtreextraordinairementinfluente dansl’équilibrecroissance-austérité.»Karine Bergerdéputée PS des Hautes­Alpes, dans la Provence devendredi, et qui provoquel’hilarité sur Twitter

2Femen ont tenté de sejeter sur François Hol­lande au Bourget en criantle nom de deux Françaisescondamnées en Tunisiepour avoir manifesté seinsnus. Elles ont été menot­tées et éloignées par lesservices de sécurité.

M arquer la bonne dis-tance. Ni trop prèsni trop loin. Voilà le

principal enjeu ce week-endde la visite de François Hol-lande au Qatar. Un confetti,grand comme la Corse,bourré de réserves en gazet pétrole, et donc richecomme Crésus. En 2010, cepays est même devenu leplus riche du monde en ter-mes de PIB par habitant.Voilà qui force évidemmentle respect.Pour François Hollande, ils’agit à la fois de s’inscriredans cette longue histoirefranco-qatarie, commencéeavec François Miterrand etaccélérée avec Jacques Chi-rac, et de se détacher (un peumais pas trop non plus) de laquasi-fusion qu’avait entre-tenue Nicolas Sarkozy avecl’émir Hamed ben Khalifaal-Thani. Une histoire quicontinue, d’ailleurs, puis-que, selon le Canard en-chaîné, des diplomates fran-çais venus préparer le voyagede François Hollande ont eula surprise de tomber nez ànez à Doha avec l’ancienPrésident venu, lui, rendrevisite incognito à son trèsriche ami.Opacité. Très vite aprèsl’élection de Hollande, leQatar a fait assaut d’amabi-lité auprès de l’Elysée. Pen-dant l’été 2012, le Royaumeaura été reçu à trois reprises.L’Emir une fois, avec tousles égards. Et le Premierministre à deux reprises.Mais en toute discrétion.

Au total, ce sera plus quel’Allemagne d’Angela Mer-kel. «Ils n’avaient qu’uneseule crainte, c’est que la col-laboration entre nos deux payss’arrête», confie un diplo-mate. Le Qatar avait surtoutenvie que la convention fis-cale qui l’exonère de toutimpôt de plus-value immo-bilière dans ses investisse-ments dans l’Hexagone soitconfirmée. Elle le sera.Mais, entre-temps, Hollandea cherché à clarifier les non-

dits de la diplomatie qatarie.Et notamment ce fonds, ini-tialement destiné aux ban-lieues françaises, et finale-ment fusionné avec la Caissedes dépôts et consignationspour aider au financementdes PME. Et puis il y a le jeutrouble du Qatar au Mali,suspecté d’aider des groupesliés à Al-Qaeda au Maghrebislamique. Et enfin cettelutte d’influence sur l’oppo-sition syrienne à laquelle selivrent le Qatar et l’ArabieSaoudite. Paris assure quetout est devenu transparent.«Je ne vois pas d’opacité dansles relations entre nos deuxpays», assure même unfonctionnaire. Ce n’est pro-bablement pas vrai. Mais,dans l’entourage du chef del’Etat, on souhaite que cette

visite se place au-dessus«des interrogations et des po-lémiques».En matière de diplomatietout est affaire de dosage etde symbole. Hollande pas-sera une nuit et presquevingt-quatre heures à Doha.Soit quasiment le tempspassé en Russie. Ce qui estbeaucoup pour un Présidentqui ne quitte jamais l’Hexa-gone plus de quarante-huit heures. Mais, en mêmetemps, cette visite intervient

après son pas-sage en ArabieSaoudite et auxEmirats arabesunis, les deuxconcurrents dupetit royaume.Une façon, pour

Hollande, de prendre un peude distance.Entrisme. Le chef de l’Etatva évidemment parler affai-res. Redire que le Qatar estle bienvenu en France.D’ailleurs, Paris veut relati-viser l’entrisme du petitémirat au sien du capitalismefrançais. A l’Elysée, on aimerépéter que ses investisse-ments en France (autour de15 milliards d’euros) ne re-présentent que 10% de la to-talité de son fonds. «Et puis,la France n’est que le qua-trième partenaire commercialdu Qatar, loin derrière l’Alle-magne et le Royaume-Uni»,assure un conseiller du chefde l’Etat. Ce qui signifie qu’ily a donc une marge de pro-gression.

GRÉGOIRE BISEAU

FaceauQatar,Hollandegardel’équilibreDIPLOMATIE Le Président ajoute ce week-end unevisite à sa longue série de rencontres avec l’émirat.

Dominique Strauss­Kahn sera auditionné durant uneheure, mercredi, par la commission d’enquête du Sénat,sur le rôle des banques et des acteurs financiers dansl’évasion des capitaux. C’est en tant qu’ancien ministre etancien directeur général du Fonds monétaire internatio­nal que Dominique Strauss­Kahn sera écouté. Presque undébut de réhabilitation pour celui qui, depuis deux ans,est davantage entendu sur les affaires du Sofitel ou duCarlton que sur ses expertises économiques. Hasardmalencontreux du calendrier, le même jour, l’ex­ministredu budget Jérôme Cahuzac doit être entendu par uneautre commission d’enquête, cette fois à l’Assembléenationale, sur le rôle du gouvernement dans son affairede fraude fiscale. PHOTO AP

DSK AUDITIONNÉLE MÊME JOURQUE CAHUZAC

LES GENS

L’émir qatari Hamed ben Khalifa al­Thani, à l’Elysée le 22 août 2012. PHOTO K. TRIBOUILLARD. AFP

Il s’agit pour le chef de l’Etatde s’inscrire dans l’histoirefranco-qatarie et se détacherde la fusion qu’entretenaitSarkozy avec l’émir.

La droite crie au scan­dale après l’incarcéra­tion d’un manifestantanti­mariage pour tous.

• SUR LIBÉ.FR

Par CATHERINE COROLLER

Hommage à Jean Moulin:Ayrault appelle à «la plusgrande vigilance»

L’ ex-chef de l’Etat Nico-las Sarkozy se plaçaitsans vergogne dans

les pas des résistants à l’oc-cupation nazie, comme JeanMoulin ou Guy Môquet. Endéplacement dans le Rhôneavec son épouse, vendredi,à l’occasion des 70 ans del’arrestation de Jean Moulin,Jean-Marc Ayrault a fait part,lui, de ses craintes et de sesdoutes. Première étape : lamaison du docteur Dugou-jon, à Caluire, dans la ban-lieue de Lyon, où Jean Mou-lin fut arrêté le 21 juin 1943.«Nous avons la chance devivre dans une démocratie,dans une république, mais enmême temps on doit se dire quetout cela est fragile, tout celan’est jamais définitif», a dé-claré le Premier ministre.

Faut-il y voir une allusion aucontexte politique avec lamontée de l’extrême droite,qu’il s’agisse de la législativepartielle du Lot-et-Garonnequi voit s’opposer des candi-dats UMP et FN pour le siègede l’ancien ministre JérômeCahuzac ou de la mort deClément Méric, ce militantantifasciste tué par un natio-

naliste? «On voit partout re-monter, dans les périodes dedésarroi, d’incertitude, dansles pays européens, des mou-vements populistes, des thèsesd’extrême droite», a poursuiviJean-Marc Ayrault. Qui pré-vient: «Il faut toujours resterdans la plus grande vigilance,ne jamais renoncer, ne jamaiscéder, ne jamais faire preuvede faiblesse.»

Deuxième étape: la prison deMontluc, à Lyon, où JeanMoulin et de nombreux ré-sistants furent torturés, no-tamment par Klaus Barbie.Saluant «l’immense couragedu préfet résistant» qui a tentéde se suicider en «se tran-chant la gorge avec un débrisde verre» plutôt que de céderaux «forces de la tyrannie»qui lui demandaient de si-gner un document accusantles troupes noires de l’arméefrançaise de massacres defemmes et d’enfants, Ayraults’est interrogé : «Je me suisdemandé si, moi aussi, j’auraistrouvé la force nécessaire pourrésister.» Et d’inviter lesécoliers présents à faire demême: «Qu’aurais-je fait à saplace ?» •

VU DE CALUIRE

L’ex­trader de la Sociétégénérale Jérôme Kervielreçoit du soutien… poli­tique. Jean­Luc Mélenchonjeudi, l’écologiste JulienBayou hier, sur Libé.fr…Depuis deux jours, du beaumonde à gauche sort publi­quement pour défendre legarçon, peu avant son pas­sage aux Prud’hommes, ins­tance devant laquelleil réclame 4,9 milliardsd’euros de dommages etintérêts à la banque qui l’alicencié en 2008. «Monengagement s’inscrit dansla lignée des actions du col­lectif Sauvons les riches, quimilite pour la régulationbancaire, explique JulienBayou. Au­delà de l’affaireKerviel, il y a peut­être uneaffaire Société générale[…]. Quand une fraude estcommise dans une entre­prise, elle doit prouver quela hiérarchie n’était pas aucourant –ce que j’ai du malà croire.» «Kerviel est inno­cent», pour Mélenchon, quin’hésite pas à dresser, danssa lutte contre la finance,un parallèle avec l’affaireDreyfus. Dans cette «rudebataille en perspective», ilcompte prendre sa «placecomme soldat du rang»,explique­t­il sur son blog.

LA GAUCHEAU SECOURSDE KERVIEL

L’HISTOIRE

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 FRANCEXPRESSO • 11

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 201312 • FRANCE

L e premier tour des électionsmusulmanes, le 8 juin, est pres-que passé inaperçu. Le seconda lieu ce dimanche. Le Conseil

français du culte musulman (CFCM) vase doter d’un nouveau bureau et d’unnouveau président, sans doute le recteurde la Grande Mosquée de Paris (GMP),Dalil Boubakeur. Alliés dans beaucoupd’endroits, le RMF (Rassemblement desmusulmans de France, sous influencemarocaine) et la GMP (sous contrôle al-gérien) ont raflé la mise au premier tour.L’Union des organisations islamiques deFrance (UOIF, liée aux Frères musul-mans), elle, a décidé au derniermoment de boycotter le scrutin.Le principal défi des institutionsmusulmanes est leur manque de crédi-bilité auprès des deuxième et troisièmegénérations. Elles ne se reconnaissentpas dans ces batailles alimentées par lesréseaux consulaires ni dans la culturedes «blédards» qui gèrent le plus sou-vent les mosquées. L’imam de Bordeaux

Tareq Oubrou tente de dépasser ces cli-vages. Nous l’avons suivi durant vingt-quatre heures.

Vendredi, 13h05Plutôt habitué du complet veston, TareqOubrou, recteur de la plus grande mos-quée de Bordeaux, a revêtu un longmanteau sombre et un imam sarik, lecouvre-chef blanc et rouge traditionnel.Devant une foule compacte, il s’avancevers le micro pour prononcer la khotba,le prêche traditionnel du vendredi.Quelques minutes auparavant, le muez-zin avait appelé les fidèles, un appelseulement diffusé à l’intérieur de lamosquée pour ne pas perturber le voisi-

nage. Rue Jules-Guesde, dans lequartier populaire de la gare, lasalle du rez-de-chaussée, aux al-

lures orientales avec ses carreaux defaïence et ses piliers, est comble. Laconsigne est stricte: personne ne s’ins-talle dans la rue. Pour faire face à l’af-fluence, les salles de classe à l’étage ontété mises à la disposition des fidèles. Ausol, on a déroulé les tapis. Des

VendredioulaviesagedelamosquéeAl-Huda«Libération» a passé vingt-quatre heuresavec l’imam bordelais Tareq Oubrou, loindes divisions qui animent les institutionsmusulmanes de France.

Par BERNADETTE SAUVAGETPhotos FRANCK PERROGON

RÉCIT

Ici, les femmes ont le droit de prier dans la même salle que les hommes.Tareq Oubrou, recteur de la mosquée Al­Huda, la plus grande de Bordeaux.

Une des salles de classe de la mosquée. On y apprend l’arabe, les sciences islamiques et la récitation du Coran. Charaffedine Mouslim, secrétaire général des musulmans de la Gironde.

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 FRANCE • 13

haut-parleurs retransmettent lakhotba. Tareq Oubrou s’exprime enarabe, puis en français : «Je dois êtrecompris par tous», explique le recteurqui a entamé un cycle de réflexion sur«la parole de Dieu». «Elle a plusieursfonctions, se lance-t-il. Elle est d’abordcréatrice.» Son prêche a une tonalité in-tellectuelle, contrairement à beaucoupd’autres prononcés dans les mosquées,à forte connotation morale. L’assistanceest hétéroclite, d’origine africaine oumaghrébine. Figure respectée et charis-matique, Tareq Oubrou fédère et attire.Parfois, on vient de loin pour l’écouter.Pragmatique, il a avancé d’une demi-heure la grande prière du vendredi.«Cela permet aux gens qui travaillent devenir pendant la pause déjeuner.» Y as-sister est une obligation pour les hom-mes. C’est facultatif pour les femmes.

13h22Le prêche est terminé. Dans la salle deprière, il y a au moins 400 personnes.Tareq Oubrou, froissant les fondamen-talistes, a innové: il a autorisé les fem-mes à prier dans la même salle que leshommes. Jeunes ou âgées, elles sontune quarantaine, groupées derrière leshommes. D’autres sont à l’étage. D’unstrict point de vue religieux, celles quiont leurs règles ne peuvent pasparticiper à la prière.

16h30Un grand silence règne dans la mos-quée. Un homme passe la serpillière.Deux femmes voilées, bénévoles, assu-rent la permanence à la bibliothèque. Ily a peu d’ouvrages. Ils sont essentielle-ment consacrés à l’islam. Tareq Oubrouest parti se reposer avant la réunion ducercle soufi. Il rentre de Bruxelles, où ila donné une conférence. Auteur dequelques ouvrages, il promeut uneadaptation de la religion musulmane aucontexte européen, et défend, commeil dit, une «invisibilisation» de l’islam,soutenant que le voile n’est pas uneobligation religieuse. Le recteur de lamosquée de Bordeaux est très souventsur les routes, pour donner des confé-rences. Face à la montée du fondamen-talisme, l’«école Oubrou» tente de fairecontrepoids.Très pris, l’homme est épaulé par uneéquipe: des adjoints, un directeur ad-ministratif et beaucoup de bénévoles.Auparavant, à la fin de la grande prière,il recevait les fidèles pour des consulta-tions privées. «Il faut savoir s’arrêter. Jen’étais plus capable de tout assumer.»Dans les mosquées, l’imam interprètele droit musulman, prodigue desconseils, et joue même parfois le rôle duconseiller conjugal.Le bras droit d’Oubrou, CharafeddineMouslim, rentre à son bureau, rue Jules-Guesde, après avoir rencontré le direc-

teur de cabinet du préfet. «J’ai régulière-ment des rendez-vous avec les autorités»,dit-il. Lui dirige la Fédération musul-mane de la Gironde (FMG), qui regroupedeux mosquées, celle de la rue Jules-Guesde et celle de Cenon, aux portes deBordeaux, et une dizaine d’associations.Une mosaïque de structures qui montrela capacité des Frères musulmans– mouvance dans laquelle gravite laFMG, affiliée à l’UOIF– à occuper le ter-rain. Dans ses cartons, le projet d’unegrande mosquée à 22 millions d’euros,qui devrait voir le jour d’ici 2020 sur lesite d’Euratlantique, un vaste projetd’aménagement de Bordeaux.

18 heuresTareq Oubrou prend la route vers lamosquée de Cenon. Ce soir, il y a un in-vité de marque, Eric Geoffroy, islamo-logue de renom, Français converti àl’islam, adepte du soufisme, la branchespirituelle de la religion musulmane. Aufil des ans, Tareq Oubrou s’est créé deplus en plus d’affinités avec cette mou-vance. Pourtant, il ne renie rien de sesattaches avec l’UOIF. Au début des an-nées 80, il faisait partie du «clan desBordelais», les pères fondateurs de l’or-ganisation. Désormais, il trace sa proprevoie, parfois controversée au sein mêmede l’UOIF. A la mosquée de Cenon,inaugurée en 2005, en attendant la con-férence, certains lisent le Coran,d’autres prient. Tareq Oubrou et EricGeoffroy sont sur la même longueurd’onde: pour échapper au fondamenta-lisme, plaident-ils, l’islam doit se re-centrer sur sa dimension spirituelle.

Samedi, 10 heuresIl y a foule à la mosquée, rue Jules-Guesde. Beaucoup d’enfants et dejeunes. Toutes les salles de classe sontoccupées. «Ce n’est pas une école cora-nique au sens strict. On vient ici aussipour apprendre l’arabe, pour la culture»,précise Nabil, le directeur bénévole.Mais il est quand même beaucoup ques-tion de religion. Le coût est modique :15 euros par mois. Tous les professeurssont bénévoles. Entre 300 et 400 élèvesfréquentent les cours. Dans la grandesalle de prière, autour de petites tables,de jeunes enfants s’initient à l’arabe. Lamoitié des petites filles sont voilées.Française non musulmane, Danielle suitdes cours d’arabe à la mosquée. «J’aibeaucoup voyagé dans les pays arabes.Je voulais apprendre la langue», raconte-t-elle. «Il y a trois ou quatre ans, j’ai euune période un peu difficile ici, poursuit-elle. Des femmes très voilées considéraientque je n’étais pas à ma place.» Rue Jules-Guesde, il y a un silence pudique sur lacrise traversée entre 2008 et 2010, avecla tentative d’infiltration de musulmanstrès fondamentalistes. Depuis, leschoses se sont arrangées. •

REPÈRES

Créé en mai 2003, le Conseil fran­çais du culte musulman (CFCM)est une instance représentative del’islam de France, notamment auprèsdes pouvoirs publics. Mais, déchirépar des batailles internes, il ne jouepas pleinement son rôle dans desdossiers comme la construction demosquées ou la formation des imams.

1,5million, tel serait le nombre demusulmans pratiquants en France.Les personnes issues de familles d’ori­gine musulmane seraient 6 millions.

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MATIGNON Le Premier mi-nistre, Jean-Marc Ayrault,réunira plusieurs ministreslundi matin à Matignon pourfaire le point sur «les ques-tions des réparations et de laprévention» après les inonda-tions qui ont touché le Sud-Ouest cette semaine.

INONDATIONS De nombreu-ses routes restaient coupées

et des villages isolés, ven-dredi, dans le Sud-Ouest. ALourdes (Hautes-Pyrénées),37 hôtels resteront ferméspendant des mois.

MÈRE Une Jordanienne de36 ans a été placée sous écrouextraditionnel vendredi àMarseille. Suite à un conflitfamilial, elle aurait enlevé sesdeux fillettes en Suisse.

130C’est le nombre deprêtres qui vont êtreordonnés cette année,un chiffre loin de compen­ser les départs desanciens. Depuis plusieursannées, les ordinationsoscillent autour d’unecentaine, soit huit foismoins que les départs dusaux retraites ou aux décès.Avec 10 nouveaux curés,Fréjus­Toulon est lediocèse qui attire le plusde postulants. SuiventVersailles (8) et Paris (6).

L es preuves manquenttoujours, mais les té-moignages sont acca-

blants. Le conseiller di-plomatique et interprètepersonnel du colonel Kadhafia répété, dans une interviewà Complément d’enquête dif-fusé sur France 2 jeudi soir,les accusations de finance-ment de la campagne prési-dentielle de Nicolas Sarkozyen 2007 par l’ancien régimelibyen. Alors qu’une infor-mation judiciaire a étéouverte en France à ce sujet,ce diplomate du nom deMoftah Missouri affirme :«Même Kadhafi m’a dit, àmoi, verbalement, que la Libyeavait versé une vingtaine demillions de dollars.»Menace. Le 30 avril 2012,entre les deux tours de laprésidentielle française,Moftah Missouri avait livréune autre version au Figaro.Interrogé par le quotidien, ilavait confirmé avoir «eu ventdes rumeurs concernant unecontribution financière du co-lonel Kadhafi à la campagnedu président Sarkozy». Il avait

cependant ajouté : «J’ai étépendant quinze ans, en maqualité d’ambassadeur, l’in-terprète officiel [de] Kadhafi.Je n’ai jamais eu connaissanced’un accord financier.»Avant la chute de Tripoli àl’été 2010, le fils de Kadhafi,Saïf al-Islam, avait aussi ac-crédité la thèse d’un finan-cement, déclarant en guisede menace à l’égard deSarkozy : «C’est nous quiavons financé sa campagne etnous en avons la preuve. Noussommes prêts à tout révéler.Nous avons les détails.»Enfin, l’avocat tunisien del’ex-Premier ministre libyenMahmoudi Baghdadi, ren-contré par Libération il y aun an, avait également con-firmé ces soupçons. Lors del’interview à Complémentd’enquête, Moftah Missouri ade plus affirmé l’authenticitéd’un document dévoilé parMediapart en avril 2012, quiindique que Tripoli avait ac-cepté de financer pour«50 millions d’euros» la cam-pagne de Nicolas Sarkozy.«Ça, c’est le document de pro-

jet, d’appui ou de soutien fi-nancier à la campagne prési-dentielle du président Sarkozy,s’est-il souvenu. C’est un vraidocument.»Authenticité. Une authen-ticité pourtant fortementmise en cause. Une enquêteest ouverte concernant sacrédibilité après une plaintede Nicolas Sarkozy contreMediapart pour «publicationde fausses nouvelles». Toutesles personnes mentionnéesdans ce document avaientdémenti son authenticité,tout comme, en 2012, le pré-sident du Conseil national detransition, au pouvoir en Li-bye, Mustapha Abdeljalil.L’enquête des juges permet-tra d’y voir plus clair.Les enquêteurs ont déjà per-quisitionné le domicile deZiad Takieddine, intermé-diaire en armement, qui aaffirmé que la Libye avaitbien versé de l’argent à laFrance. Ainsi que celui deClaude Guéant, où ils ont re-trouvé la trace de plusieursvirements suspects.

S.Soc.

Argentlibyen:unevoixdepluscontreSarkozyFONDS Un diplomate affirme que l’ex-président areçu des millions de dollars avant l’élection de 2007.

Voyageur solitaire sur lesroutes de France, unhomme de 48 ans a com­mis 93 cambriolages enl’espace de cinq mois ensillonnant les routes de33 départements. Connude longue date par les ser­vices de police, il auraitempoché 40000 euros ens’attaquant aux coffresforts d’établissements sco­laires, de clubs de sport, en«visitant» des presbytères.Il aurait été arrêté en fla­grant délit en novembrepar une brigade de nuit ducommissariat d’Aubenas(Ardèche). Il s’était intro­duit dans les locaux d’unclub de tennis, a révélé,vendredi, le commissariatdu chef­lieu du départe­ment. Il est depuis endétention provisoire.En fouillant son véhicule,des policiers ont trouvé lematériel nécessaire pourpercer les coffres, notam­ment une disqueuse muniede disques en diamants.Sur son ordinateur, les poli­ciers auraient découvertdes films pédo­pornogra­phiques. L’homme seraitfiché comme délinquantsexuel.

40 000 EUROSDÉROBÉS EN93 CAMBRIOLAGES

L’HISTOIRE

Un meeting de campagne de Nicolas Sarkozy, en avril 2007. PHOTO LAURENT TROUDE. AFP

Un rassemblement silencieux auralieu samedi en début d’après-mididevant la sous-préfecture d’Argen-teuil (Val-d’Oise) en réaction auxagressions récentes de deux femmesvoilées et à un contrôle de policed’une autre en niqab qui dégénéré le13 juin dans cette commune. Denombreuses associations de luttecontre le racisme et l’islamophobie

ainsi qu’un collectif d’habitants se-ront présents. Tous demandent unecondamnation sans faille de la partdes autorités des actes islamophobes.Cette semaine, le ministre de l’Inté-rieur, Manuel Valls, a envoyé uncourrier aux deux femmes agressées.L’une d’elles et l’avocat de l’autre ontpar ailleurs été reçus par son direc-teur de cabinet adjoint, jeudi soir.

Tout au long de la semaine, denombreuses voix, dont celle du prési-dent d’ACleFeu, Mohamed Mechma-che, avaient alerté le gouvernementsur la tension montante autour deces affaires, notamment au sein dela communauté musulmane, étonnéede l’absence de prises de positionsde la classe politique après ces agres-sions. Alice Géraud

G À CHAUD RASSEMBLEMENT SUITE AUX AGRESSIONS DE FEMMES VOILÉES

L’Etat appelé à condamner l’islamophobiePar ONDINE MILLOT

L’héritier du caviar,cocaïnomane, condamnéà huit ans pour viols

S ur sa page Facebook, lavidéo d’un bébé qui faitdes câlins à un gros

chien sur fond de musiquedouce. Dans le huis clos de lacour d’assises de Paris, où ilvient d’être jugé pendantdeux semaines, le récit desrelations sexuelles violenteset des tortures (coups, brûlu-res au briquet-chalumeau,perforation anale) qu’il auraitimposées à deux jeunesfemmes. Cyril de Lalagade,43 ans, héritier du prestigieuxrestaurant la Maison du ca-viar et de la société d’importCaviar Volga, a été condamnévendredi à huit ans de prisonpour «viols» et «violences vo-lontaires».

Cyril a rencontré Julie (1),alors âgée de 19 ans, en 2003,quand elle était en cure dedésintoxication. Séduite, lajeune femme accepte unverre, puis un rail, puis l’ac-compagne dans ses soiréesd’orgie, qui durent parfoistrois ou quatre jours, à nou-veau totalement accro à lafree base (cocaïne fumée).Aux enquêteurs, elle a décritdes partouzes où les «filles»étaient incitées à consommercocaïne et kétamine, unpuissant anesthésiant fournipar un infirmier de l’hôpitalTenon. Coups de ceinture,introduction d’une pipe àcrack dans le rectum, «souf-flettes» de fumée brûlantedans le sexe, il «s’acharnait»sur son corps rachitique desjournées entières, a-t-elleexpliqué. Déchaîné par leseffets du free base.La deuxième partie civile,Astrid (1), elle aussi dépen-

dante à la drogue fournie parl’accusé, a détaillé les mê-mes sévices. Mais, au débutdu procès, elle lui a murmuréun «je t’aime», et tient undiscours ambivalent, où semêlent les violences subies etson attachement toujoursfort à «Cyril». Sur Facebook,elle a liké tous ses posts.

Qui est vraiment Cyrilde Lalagade? Derrière la ca-ricature de l’odieux enfantgâté, élevé dans le caviar,ayant si peu à faire de sonargent qu’il le consacre à as-sujettir et faire souffrir, sedresse une autre image, celled’Odette de Lalagade, sagrand-mère. La «reine ducaviar», femme du monde etfemme à poigne, est à la têtede l’entreprise familiale de-puis la mort de son mari dansles années 80. Elle a élevéson fils, le père de Cyril qui,devenu alcoolique au dernierdegré, a été écarté des affai-res et placé sous tutelle. Ellea ensuite élevé Cyril, dont ledestin est assez comparable–lui non plus n’a jamais tra-vaillé. On dit qu’Odette,qu’il appelait «maman» (samère est absente depuis sanaissance) était «très stricte»mais «ne lui refusait rien dematériel», lui versant un«salaire» de 9000 euros parmois. Ultradépendant à lacocaïne, Cyril de Lalagaden’a pas pu se présenter à sonprocès, lundi, car il n’était«pas en état». «Avant de fairedu mal aux autres, c’est quel-qu’un qui s’est d’abord détruitlui-même», dit son avocat,Jean-Yves Le Borgne. •(1) Les prénoms ont été modifiés.

À LA BARRE

Après un printemps d’intempéries, quelles perspec­tives pour la saison touristique à venir? Décryptage.A l’issue d’une semaine d’épreuves, retrouvez nos quiz,reportages et décryptages dans le dossier Bac 2013.

• SUR LIBÉRATION.FR

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 201314 • FRANCEXPRESSO

Page 15: Liberation

Japon L’île d’Iwaïshima, noyau dur de la résistance antinucléaire Page VIII

Piano Behzod Abduraimov, une touche ouzbèke à Montpellier Page XII

leMag SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23JUIN 2013

www.liberation.fr

Feu la cacophonie

Dès 1986, ils semaientle chaos à coups defarces et d’événementspérilleux. Histoire de labande légendaire quicréa le Burning Man,une ville éphémèresurgie dans le désert duNevada chaque fin d’été.

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Page 16: Liberation

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013II • LE MAG SOMMAIRE

ENTRETIEN

John LawL’épopée de laCacophony SocietyTrublion de la premièreheure, l’un des fondateursde ce réseau anarchiquequi a sévi sur troisdécennies, raconte.SEBASTIAN HYDE

REPORTAGE

Yamato TakashiUn Japonaissans atome crochuNatif de l’île d’Iwaïshima,cet entrepreneur a repris leflambeau d’une lutte vieillede trente ans contre laconstruction d’une centrale.RAFAËLE BRILLAUD

PORTRAIT

BehzodAbduraimovPianiste prodigeAvec Daniil Trifonov,le jeune Ouzbek compteparmi les meilleursinterprètes apparus cesdix dernières années.ÉRIC DAHAN

LA SEMAINE DE L’ÉCRIVAIN

Didier DecoinEmbrasser un avionsur le museauCroire au GPS, dénombrerune armada, voir les Airbusau Bourget et caserles «Goncourables» dansquatre valises.JF PAGA. GRASSET

BOURRE­PAF

Antoine de CaunesRevenu de«Nulle part»L’animateur fera sa rentréeau Grand Journal. Du coup,petits doigts et croûtes auxgenoux, le Dr Garribertsregresse en 1991.PATRICK KOVARIK

JE ME SOUVIENS

MahmoudAhmadinejadLe pouvoir absoluLe 26 juin 2005, la victoirede l’ultraconservateur à laprésidence de l’Iran suscitel’inquiétude dans le payset à l’étranger.CARLOS G. RAWLINS. REUTERS

LE CASTING DU 22 JUIN 2013PAGE VIIIPAGE IV PAGE XII PAGE XV PAGE XXPAGE XVIII

«VU DES ÉTATS­UNIS» SÉLECTIONNÉ PAR PETER KUPER

«La lutte elle-même vers lessommets suffit à remplir uncœur d’homme. Il fautimaginer Sisyphe heureux.»Il y a quelque chose decamusien dans le combattrentenaire mené par unepetite brigade d’insulairesjaponais, farouchementopposés au projetd’installation d’unecentrale nucléaire, endépit de la catastrophe deFukushima. Quelque chosequi force le respect et laisseaussi un arrière-goûtd’«à-quoi-bonisme», selonl’expression chère à SergeGainsbourg. Le respecttient à la ténacité d’uneminuscule population quiveut sauver sa peau etrefuse mordicus lachronique d’un suicideannoncé. Le malaiseréside, lui, dans lesentiment que le combatsera perdu. C’est tout ledilemme camusien : on araison de se révolter, car

c’est le seul moyen deconduire sa vie dans unmonde absurde, et celaquel que soit le but quel’on veut atteindre. A leurmodeste échelle, ceshabitants de l’îled’Iwaïshima sont unmodèle de résistance pourla planète entière et c’estbien la force de leur choixet de leur engagement.Si leur lutte renvoie encoreà celle de David contreGoliath, elle a aussi lamodernité d’une répliqueau sens employé ensismographie : lesrépliques successives d’untremblement de terre. Ens’entêtant à ne pas serésigner, ces hommes dubout du monde incarnentencore une belle idée del’humanité qui n’a jamaispourtant cessé de s’enprendre plein la figure.L’idée d’un bonheurparadoxal : pour vivreheureux, il faut se battre.

L’humanité d’une île

ÉDITO

Par BÉATRICE VALLAEYS

Artiste: EdelRodriguez, inédit.«Turquie: laréponse duPremier ministreErdogan à lavague decontestation».

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 CHRONIQUES LE MAG • III

VOX POPULI

Par MATHIEU LINDON

Sic transitmorale mundi

Un spectre hante la justice française :Nicolas Sarkozy. Pour peu que toutesles juridictions s’y mettent en mêmetemps, on imagine l’ancien président

décrivant son agenda. «Lundi, j’aiBettencourt. Mardi, j’ai Karachi. Mercredi,j’ai Kadhafi. Jeudi, j’ai Tapie, et vendredi, c’estla journée comptes de campagne.» Peut-êtreest-ce pour ça qu’il a bourré les prisons, pourêtre sûr qu’il n’y ait pas de place pour lui. Lespetits pois se rebiffent (enfin), ainsi qu’il avaitsurnommé les magistrats, on ne sait pas qui vapasser à la casserole. Ça se paie d’avoir été aupouvoir, on ne peut pas avoir le beurre etl’innocence du beurre. D’autant qu’il y atoujours le risque que, quand le chat n’est pluslà, les souris se mettent à table. A commencerpar Christine Lagarde qui parle malgré elleavec sa lettre de soumission. Elle, au moins,il peut encore la remercier pour tout ce qu’ellene sait pas. Et Claude Guéant, qui avait un telgoût du secret qu’il faisait des choses louchessans même tenir son patron au courant, envoilà un autre sur qui compter. Lui, il n’hésitepas à mettre les mains dans la peinture. Il y aun peu plus d’un an, Claude Guéant étaitministre de l’Intérieur et faisait les leçons demorale, et maintenant il les reçoit en pleinegueule. Sic transit morale mundi. Mais siClaude Guéant avait droit à 10 000 euros parmois, combien pouvait se faire son boss, celuiqui allait augmenter dès 2007 le pouvoird’achat du Président pour que, en toute logiquehiérarchique, il soit supérieur à celui duPremier ministre ?Nicolas Sarkozy va-t-il réapparaître en tenuede trappiste, robe de bure, sandales et Swatchpour cause de bling-bling badaboum ?Le problème est que, s’il dit «j’ai changé»,comme il le dit à chaque fois, ça voudra direqu’il n’a pas changé. Et s’il dit qu’il n’a paschangé, ce qui serait un changement, il est àcraindre que ce ne soit pas fameux en termesde retombées électorales.L’ancien président ne peut pas écrire ses«Mémoires» ; ses mémoires, il les confie auxgreffiers. Peut-être que, désœuvré, il jouemaintenant dans sa chambre avec des petitsministres de plomb sur une grande carte deFrance pour mener l’offensive contre lechômage. «A toi, Brice, enfonce-le sur ladroite.» On le voit devant sa télé, à chaque G8ou G20, comme un érudit devant un jeutélévisé : «Mais non, ce n’est pas du tout ça labonne réponse.» Il doit être dégoûté que sesanciens copains (Obama, Poutine) continuentde s’amuser sans lui – c’est comme si on avaitenvoyé Atlas jouer sur la plage, un pur gâchis.Et chaque fois qu’apparaît François Hollandeen représentation : «C’est ça, mon gars, régale-toi, prends ton bon temps. Aie l’air content,au moins. Gâche pas ta joie.» Ça doit lui fairebizarre de penser qu’il n’est plus auxcommandes et que ça ne change pas : il vaencore falloir travailler plus pour gagnermoins. Même ses adversaires ne peuventtoutefois pas nier que, sous son quinquennat,certains scandales auraient épargné la France.«Si j’avais été là, il n’y aurait pas eu d’affaireCahuzac ou autre. On tenait la justice, nous,on ne faisait pas le jeu du Front national.» •

REGARDER VOIR

Par GÉRARD LEFORT

Classe de merQ

uelle allure, quelchic, quelle classe.Le parfait portraità deux d’un cer-tain style de vê-

ture qui est aussi un style devie. A gauche, le composi-teur Benjamin Britten, et deprofil, le regardant, Eric Cro-zier, écrivain, metteur enscène et surtout principal li-brettiste des œuvres de Brit-ten. On ne peut pas faire abs-traction du fait ethnologiqueque ces deux-là sont britan-niques. Et que leur allure endécoule en partie, parangondu fameux dandysme anglaisqui, à l’instar de l’inégalableBrummell, permet de resterélégant même après s’êtreroulé dans la boue ou avoirchuté dans la misère.Détaillons l’ensemble: cos-tume (en tweed probable-ment, la netteté de la photone permettant pas de tran-cher), chemise blanche, pullà torsades pour Crozier, cer-tainement sans manches, et,accessoire d’importance, unecravate. Ces deux hommessont jeunes à la date (1949) dela photo (Britten a 36 ans etCrozier 35), même si, à l’épo-que, on était plus vieux plustôt, a fortiori quand on a der-rière soi des œuvres majeureset un opéra, Peter Grimes, quifait déjà date dans l’histoirede la musique du XXe siècle.Ils sont jeunes, Benjamin etEric, et ils portent cravate.Aujourd’hui, on dirait qu’ilsfont fanés, désuets ou réac-tionnaires ainsi radicalementcravatés. Or pas du tout. Leurclassicisme est tel, si inac-tuel, si parfait en son genre(jusqu’aux chaussures im-peccablement cirées de Brit-ten, à cinq œillets) qu’il con-fine à l’excentricité. Ainsi, denouveau, cette satanée cra-vate dont Soupault expliquaun jour à Breton, qui s’éner-

vait qu’il la porte aux AG sur-réalistes, qu’elle est aussi unnœud pour se pendre.La disposition physique desdeux hommes est comme lamétaphysique de leurs cos-tumes. Le temps devait êtregris et incertain ce jour-làsur la plage de galets d’Alde-burgh. On sent la mer duNord prête à bondir, le vent

hargneux. Ce qui est phéno-ménal, c’est que le climat apriori maussade soit prisavec autant de grâce et debonheur par les deux com-pagnons : Crozier qui souritd’être aussi superbementcoiffé-décoiffé par la risée,Britten qui, grimpé sur unebitte d’amarrage et en pleindevenir lierre, improvise detout son corps un entortille-ment de liane propre à défierles arrachements d’une lamede fond traîtresse. Voyons sesmains, fines et longues, quine sont pas tant des mains depianiste que des pattes ani-males, griffes ou serres, prê-tes à agripper. Voyons sur-tout qu’embellis par leséléments, Britten et Croziersont comme deux machinis-tes de l’univers, à la fois pré-posés et inspirés.Car, enfin, que voit-on dansl’arrière-monde de cette

image? Un canot en cale sè-che, peut-être une barque desauvetage, une promessed’aventure en mer, aussi ex-citante que périlleuse.Autant dire le futur, carl’avenir de ces deux gars dela plage sera océanique lors-que, deux ans plus tard, Brit-ten et Crozier, avec le renfortde E. M. Forster, vont inven-ter, d’après Melville, l’opéraBilly Budd, marin. Ce seraitplausible, donc idéal, queBritten et Crozier en aient eule pressentiment ce jour-là,entre deux grains, une bonneblague (on soupçonne queCrozier sourit autant auxpropos de Britten qu’aux ca-prices du vent) et l’épreuvephotographique qui, à cetinstant d’immortalité, fixedes artistes, des hommes,des amis, déjetés et libres,heureux d’être vivants, che-veux au vent. •

LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JUIN 2013 LIBÉRATION SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 JUIN 2013VIII • LE MAG CÉLÉBRATION CÉLÉBRATION LE MAG • IX

Texte et photos ÉRIC DAHANEnvoyé spécial dans le SuffolkDe Lowestoft où il est né

il y a cent ans, à Aldeburghoù il s’est éteint le 4 décembre1976, des membres de safamille, des amis et desinterprètes de sa musiqueévoquent le compositeuranglais majeur du XXe siècledont l’œuvre est hantéepar la guerre, l’injusticeet la souillure morale.

Le monde cruel etlyrique de Britten

que le plus important compositeur an-glais depuis Henry Purcell a vécu et crééson festival dans un village portuairevoisin, Aldeburgh. Pour le centenaire desa naissance, Lowestoft s’est toutefoisfendu d’une nouvelle plaque commé-morative au 21 Kirkley Cliff Road,adresse de la Britten House en briquerouge où il a grandi, désormais trans-formée en hôtel.

Tennis et croquetLe maire a également bataillé pour quela fontaine municipale s’anime à inter-valles réguliers, au son des Sea Interlu-des de l’opéra Peter Grimes et autre Sim-ple Symphony, une pièce ludique etvirtuose écrite par Britten entre ses 9 et13 ans. Son père, chirurgien-dentiste,recevait ses clients au rez-de-chaussée et, depuis sa fenêtre,Britten pouvait voir la mer du

Malgré les nomsfamiliers desgrandes surfa-ces aperçuessur la route, vi-siter le comtéde Suffolk, surla côte Est de

l’Angleterre, c’est aussi voyager dans letemps. Il y a d’abord le premier train,aux allures de micheline, qui part de lagare de Liverpool Street à Londres. Puisle second, deux wagons à peine, qu’onattrape à Ipswich. Enfin, les passagerscomme le contrôleur parlent un anglaisaffable, lui aussi d’un autre âge.Si Lowestoft n’a jamais développé letourisme en rapport avec Britten qui yest né le 22 novembre 1913, c’est parce

Benjamin Britten et EricCrozier, sur la plaged’Aldeburgh, en 1949.PHOTO KURT HUTTON. PICTUREPOST. GETTY IMAGES

Le moulinoù Britten,ci­dessous en1946, écrira PeterGrimes, son pluscélèbre opéra.PHOTOS É. DAHAN.GEORGE RODGER.TIME LIFE PICTURES.GETTY IMAGES

The Red House,la dernièredemeure ducompositeur,(ci­dessus)au volant,en juin 1964.PHOTOS ÉRIC DAHAN.LEBRECHT, RUE DESARCHIVES

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Libération des 15 et 16 juin.

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«Avant qu’In-ternet ne vo-misse desgros titres àchaque milli-seconde et netransformela trivialité

de millions de vies Facebook ennuyeusesen information, il nous restait le privilègedu mystère. Et c’est ce que la CacophonySociety de San Francisco m’a abondam-ment donné», déclare l’excentriqueMargaret Cho, star américano-co-réenne du stand-up, madone des gayset bisexuelle affichée, à l’occasion de laparution d’un livre qui retrace l’épopéede Cacophony Society. Bande légen-daire de misfits californiens, figuresphare de l’underground des années 80et 90, les cacophonistes ont fait surgirl’aventure au coin de la rue et trans-formé San Francisco en vaste terrain dejeu. Aux antipodes de la ville sans fric-tions dont rêve Google, qui s’ingénie ànous transformer en créatures prévisi-bles, anticipant nos déplacements etcomportements – histoire d’être sûrqu’il ne nous arrive (plus) rien–, il peutêtre salvateur de rappeler le rôle vital dudésordre, du chaos, de l’inattendu dansl’expérience urbaine. Et qui de mieuxpour secouer une société rivée à sesécrans que la Society of Cacophony.Durant près de trois décennies, ils ontescaladé tous les ponts de la ville, pa-gayé dans ses égouts, dansé en rappelsur les façades, infiltré ses zones d’om-bre, fait des pique-niques de minuitdans des friches, quand ils n’organi-saient pas toutes sortes de happeningsperturbateurs. Massacre sadique de500 postes de télévision, course à con-tre-courant d’un marathon déguisés ensaumons géants, ou parade de Marie-Antoinette offrant de la brioche auxpauvres pour fêter la prise de la Bastille.Ce sont eux qui sont à l’origine du my-thique festival Burning Man, ville éphé-mère surgie du désert de Black Rock, auNevada, qui draine tout ce que la SiliconValley compte de freaks et d’informati-ciens en goguette. Mais aussi du Bill-board Liberation Front qui, depuis

Par MARIE LECHNER

En 1986, un groupe de trublionscaliforniens organisait un chahutfarfelu: massacre de télés, marathonen saumons géants et le mythiquefestival Burning Man. L’un desmeneurs, John Law, raconte lespérégrinations de ces grands-pèresdes flash-mobs et autres Anonymous.

The Cacophony Society: total chaos

trente ans, «corrige» les panneaux pu-blicitaires, ou encore des Santarchy, cesmeutes de vilains pères Noël lâchésdans les grands magasins à la périodedes fêtes, qui ont proliféré tout autourdu monde.Amateurs de pic d’adrénaline maisaussi de rigolade, de farces gargantues-ques et de manifestations contre tout etn’importe quoi, les cacophonistes ontcontribué à lutter contre l’artériosclé-rose culturelle. Leur créativité effrénéecontinue d’irriguer tant le théâtre derue d’Improv Everywhere que les canu-lars médiatiques des Yes Men, ou lacommunication guérilla des activistesd’Adbusters, à l’origine d’Occupy WallStreet. Ils sont les grands-pères desflash-mobs, des jeux urbains, des dé-tournements publicitaires. Et préfèrentle divertissement fait maison à celuivendu en magasin.

Défense des carnivoresLeurs péripéties font l’objet d’un fan-tastique livre, Tales of The CacophonySociety, compilation de documents etphotos inédites qui raconte pour la pre-mière fois l’histoire de ce réseau anar-chique d’anticonformistes que seul ras-semblait le plaisir du jeu (1). «C’est unmode d’emploi à mettre entre les mains detous les kids, en espérant que ça leurdonne des mauvaises idées», plaisanteJohn Law, l’un des membres histori-ques et coauteur avec Kevin Evans etCarrie Galbraith. Bel homme au regardbienveillant, barbe à la Souvorov, JohnLaw était de passage à Paris en mai àl’invitation de ses amis français de l’UX(Urban eXperiment), organisation clan-destine parisienne qui compte parmises faits d’armes la restauration del’horloge du Panthéon ou l’aménage-ment d’une salle de cinéma dans descarrières souterraines.La veille encore, Law explorait un sana-torium abandonné de la région pari-sienne avec des amis, rentrant tout cou-vert de poussière chez leur hôte étonné.«Quand je visite un bâtiment abandonné,je finis toujours par grimper sur le toitpour faire une petite sieste», dit le frin-gant cinquantenaire. John Law est de lagénération d’avant les portables. Il estd’une ponctualité polie, pile à l’heure

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au rendez-vous matinal, fixé au guichetde la station de métro Michel-Bizot,dans le XIIe à Paris. On repère immédia-tement la silhouette à l’élégante désin-volture, feutre sur la tête, costume sou-ple et sombre, chemise hawaïenne noireà fleur orange. Dans le livre, on le voitquelques années plus tôt, suspendudans le vide aux câbles du Golden Gate.Ou encore, hirsute, dans un completblanc tâché de sang brandissant unetronçonneuse ou une tête de porc, lorsde la Meat parade, manifestation de dé-fense des carnivores dont il est à l’ini-tiative. «Les légumes, c’est mondeuxième plat préféré, plaide Law, maisje suis contre les gens qui se prennent tropau sérieux, qui sont persuadés que leursystème de pensée est le bon et veulentl’imposer aux autres», dit-il, visant lesextrémistes «Veget-Aryans», de lacause animale, PETA.

Pluie de tripes et de sangDans l’ouvrage, John Law apparaît sousdifférents pseudos, Sebastian Melmoth,Vito Lawtoni ou Ed Norton, en hom-mage à l’excentrique empereur Norton,businessman ruiné devenu fou autopro-clamé empereur des Etats-Unis en 1859.

Norton est l’un des saints patrons descacophonistes, aux côtés d’Alfred Jarry,les trublions se réclamant plutôt de l’in-venteur de la pataphysique ou des da-daïstes, que de Guy Debord, chef de filedes situs.

Comme ses héros, Cacophony adoptaitdes comportements déviants pour re-mettre en cause la bien-pensance bour-geoise et la vie par procuration. «Etcomme dans la vie réelle, contrairement àce qui se passe sur l’écran, Cacophonyn’était pas simplement amusant et diver-tissant. Ça pouvait être effrayant, sale,dangereux et même particulièrement stu-pide par moments», tient à préciser levétéran. La Cacophony Society n’a passurgi du néant, mais des cendres duSuicide Club, beaucoup plus secret etfermé, qui a inspiré le célèbre roman Fi-

The Cacophony Society: total chaos

Une voiture sauvée du séisme de 1989 sert de mascotte à la bande, avec mannequins de crash­test en 1996 (ci­dessus). DESSIN K. EVANS. PHOTO COURTESY «CHAD MULLIGAN».

«Race of Doom factoid», par Kevin Evans, co­auteur de l’ouvrage qui retrace l’épopée. Escalade du Golden Gate Bridge à San Francisco, en 1988. PHOTO JOHN LAW

ght Club, de l’écrivain américain ChuckPalahniuk, porté à l’écran par Fincher.Palahniuk lui-même raconte, dans lapréface hilarante de l’ouvrage, sa ren-contre avec la Cacophony Society, lorsd’une soirée voodoo organisée à Port-

land, qui dé-génère dansune pluie desang et de tri-pes. «Ils ne sesouciaient pasde leur look.C’est commes’ils n’avaientjamais été à la

gym ou compté les calories. Quand ils es-sayaient de danser, c’était pire… Ils dan-saient comme des paralympiques. Cesgens de Cacophony, ils étaient si peu coolque même moi j’avais l’air cool en compa-raison. Bon Dieu, ils étaient pitoyables»,décrit l’écrivain en début de soiréeavant de revoir son jugement et de re-joindre le club. «C’était un laboratoirepour expérimenter avec la culture. Et pourexpérimenter avec nous-mêmes», dira-t-il de ses nouveaux amis, devenus unesource d’inspiration féconde.L’histoire tortueuse de ces renégats dé-

bute à la fin des années 70, dans laCommuniversity de l’université d’Etatde San Francisco, une free schoolcomme il en existait alors à travers toutle pays, où n’importe qui pouvait pro-poser un «cours»: des conversations enfrançais, des rudiments de mécaniqueou des interventions moins académi-ques, comme le très populaire «Pie ofthe Month Club», initié par l’un des ad-ministrateurs, Gary Warne. «Une per-sonne était choisie sur la liste chaque se-maine pour en assassiner une autre… avecune tarte. L’université goûtait très peu cegenre de cours, dont elle ne mesurait pasla portée éducative», rigole John Law,fraîchement débarqué à San Francisco,en stop en 1976. Grandi dans une petiteville de campagne du Michigan puis duTennessee, l’ado turbulent s’enfuit dela maison à 17 ans, alors qu’il est enprobation. «J’ai fait pas mal de conne-ries, mon père était professeur, mais d’unmilieu modeste. Il croyait très fort enl’éducation, moi, j’étais le seul à ne pasavoir été à l’université.»Law dort dans les parcs, mendie, fait laplonge: «Quand je ne travaillaispas, je marchais pendant desheures. J’ai tout exploré, j’ai tou-

«Bien que nous ayons fait des tas de trucsillégaux–ce qui nous a valu d’être arrêtés denombreuses fois–, nous n’avons jamais rienfait d’immoral. On disparaissait comme onétait venu, sans dégrader, sans laisser de tracesJohn Law, cacophoniste à propos du Suicide Club

John Law,à la «MeatParade», en 1997.PHOTO MAYA HAYUK

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013VI • LE MAG ENQUÊTE

jours rêvé de grandes villes. Etpuis, mon coloc m’a parlé de cescours bizarres à la Communiver-

sity. Il y en avait un à l’intitulé très bref quidisait “Suicide Club, now and for the restof your life”, suivi de deux paragraphesqui m’ont fait rouler de rire sur le tapis.C’était le truc le plus cool dont j’aie jamaisentendu parler. Je voulais faire ça et ça al-lait changer ma vie.»

Infiltrer des barbecues nazisLe Suicide Club est né en 1977, un soird’orage. Gary Warne et ses amisAdrianne Burk (future universitaire fé-ministe respectée), la discrète NancyPrussia et David T. Warren, fils debonne famille devenu cracheur de feu,cherchaient un format pour tester leurslimites. Tandis que la tempête fait rage,ils décident de longer le mur d’unevieille forteresse militaire sous le Gol-den Gate, battue par d’énormes vagues,en se cramponnant à la chaîne. «Trèsdangereux et stupide, concède Law, maisils survécurent» et formèrent le Suicide

Club dans la foulée. Ses membresétaient invités à créer des événementspour explorer leurs peurs et leurs fan-tasmes et les mettre à l’épreuve. «Lapeur pétrifie le futur, c’est un barrage àl’imagination», écrivit Gary Warne, quia suggéré le nom, inspiré d’une nou-velle de Stevenson. «Gary était fan deHuysmans, il aimait dada et les surréalis-tes, les pulps américains et la littératurevictorienne, où les villes sont des endroitsétranges, il s’y passe des choses bizarres,dit Law de son mentor. C’est le seul vi-sionnaire que j’ai jamais rencontré. C’étaitune personne très éthique. Quand les flicsnous arrêtaient, il disait toujours lavérité.» Et de préciser : «Bien que nousayons fait des tas de trucs illégaux –ce quinous a valu d’être arrêtés de nombreusesfois–, nous n’avons jamais rien fait d’im-moral. On disparaissait comme on étaitvenu, sans dégrader ni laisser de traces.»Outre les expéditions urbaines plus oumoins périlleuses, les événements litté-raires et théâtraux, les jeux costumésdans des hangars abandonnés, les défi-lés de «voitures artistiques», l’une deleurs marottes était d’infiltrer des sec-tes bizarres ou des barbecues nazis enprétendant vouloir en devenir mem-bres. A l’image des Diggers, ils vivaientleur vie comme au cinéma, comme sichaque jour était le dernier. «De nom-

breuses peurs sont liées à l’ignorance. Sigrimper sur les ponts ne m’effrayait pas,j’étais en revanche terrorisé à l’idée d’êtremis dans l’embarras», raconte JohnLaw. L’événement le plus extrême qu’ilait fait, c’était de prendre le «cable car»tout nu. «Ça m’a rendu malade. Je suisde la classe moyenne et ce genre de truc,ça ne se faisait pas. Mais au final, rien degrave ne s’est passé et cette expériencem’a permis de surmonter ma timidité, etde parler en public.»

Portland, LA, New York…Le club est démantelé en 1982. Après sixans, «tout le monde couchait avec tout lemonde, c’était devenu une clique, ferméesur elle-même, l’antithèse de ce que vou-lait Gary». L’année suivante, c’est GaryWarne qui meurt prématurément à35 ans d’une crise cardiaque, laissantses compagnons dévastés. Les anciensdu Suicide Club s’ennuient et décidentde reformer un groupe en 1986. «Caco-phony Society était plus ouverte, une or-ganisation plus lâche et inclusive, qui pou-vait fédérer des initiatives d’originesdiverses, ce qui a ses bons côtés, mais àcertains égards, c’était aussi moins in-tense», estime rétrospectivement JohnLaw.Cacophony multiplie les «événements»et contamine bientôt Los Angeles, Port-

land, New York, essaimant des sectionsdans douze grandes villes à son apo-gée… «Toute idée farfelue ou non, specta-culaire ou non, pouvait donner lieu à unévénement. Un livre qu’on aimait, unehistoire de famille, un jeu d’enfant, n’im-porte quoi. C’était une manière de ras-sembler des gens qui n’est basée ni surl’argent ni sur le commerce. Ensemble, oncréait une réalité alternative, à laquelle ondécidait de croire», explique John Law.«Un événement Cacophony est tout ce quel’esprit peut imaginer et le corps exécu-ter», résume un autre participant quicompare ces expériences «à celles qu’onpeut avoir sous l’emprise de la drogue,mais sans les drogues.»A ce titre, l’aventure Burning Man estce qui s’en rapproche le plus. L’événe-ment débute comme un feu de joie ri-tuel sur la plage de Baker Beach, à SanFrancisco au solstice d’été de 1986, aucours duquel est brûlé un mannequinde bois de 2,40 mètres. En 1990, la po-lice empêche l’immolation, fauted’autorisation officielle. Un groupe decacophonistes –John Law en tête–, dé-cide alors de transporter la monumen-tale sculpture en camion dans le désertdu Nevada. «Avant, c’était une fête surla plage, mais lorsqu’on a emporté l’effi-gie dans cet environnement étranger,cette page vide qu’est le désert, tout deve-

THE CACOPHONYSOCIETY:

TOTAL CHAOS

De haut en baset de gaucheà droite:Première éditiondu Burning Mandans le Nevada,en 1990, avecSteve Mobia etDavid T. Warren,le cracheur de feu(à droite).PHOTO CINDYKOLNICKDétournementpublicitaire, pourles 50 ans deMcDo, en 2005.PHOTO DR.Lors d’uneopérationpères Noël à NewYork, en 1998.PHOTO LEILAGODOWSKIInstituée en 1994,la coursede saumonsà contre­courants’immisce dansle marathonde San Francisco.PHOTO PETER FIELD.

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nait possible.» Quatre-vingts personnesse pointent pour ce trek inédit. «Nousétions prêts à quitter la ville, pour fairequoi ? Ça n’avait pas d’importance,c’était une aventure (avec un grand A)vers l’inconnu», écrit Louis M.Brill, l’undes participants, qui évoque la génialeélectricité dans l’air : «Quatre-vingtsétrangers brusquement devenus amiss’engageaient à suivre cet étrange hommede bois dans le désert et vivre avec lui jus-qu’à son dernier moment, lorsque le boisne serait plus que cendre et fumée.»Au bout du voyage, le paysage lunairede Black Rock, ancien lac asséché parle soleil où plus rien ne pousse, encercléau loin par la montagne, où l’étrangecaravane établit son campement. La«plage» est régulièrement parcouruepar des colonnes de poussière de près de30 mètres de haut qui dansent dans ledésert. Conformément au rituel, les ca-cophonistes ont tracé une ligne sur lesable pour définir la Zone, puis ils l’ontfranchie. «Nous n’étions plus au Nevada,mais dans la Zone.» Ici, plus de règles,chacun est libre de faire ce qu’il veut.Seule consigne : «No spectator».L’homme de bois est assemblé puisérigé et tout le camp s’organise autourde lui jusqu’à la cérémonie finale, oùDavid Warren crache une longueflamme qui vient lécher les genoux deBurning Man, lequel s’embrase. Lesparticipants ont ensuite revêtu d’élé-gants habits de soirée ou costumes bi-zarres pour faire la fête dans la fumée etla joie. «Les premiers Burning Menétaient vraiment de l’anarchie pure, maisdans le meilleur sens du terme, chacunétait responsable de lui-même, tout enétant conscient des gens qui l’entourent,personne n’avait besoin de dire ce qu’onavait à faire», confie Law.

Communautés éphémèresBurning Man faisait partie des «ZoneTrip», ces expéditions de cacophonistesintrépides vers des destinations incon-nues et mystérieuses, inspirées par lefilm Stalker de Tarkovski. S’y sont gref-fées des communautés artistiqueséphémères, collaborant sur des perfor-mances et installations in situ dans lepaysage inhospitalier. Burning Mandonnait forme au concept de TAZ, la«zone autonome temporaire» initiéepar Hakim Bey en 1991 : elle «occupeprovisoirement un territoire, dans l’es-pace, le temps ou l’imaginaire, avant dese dissoudre».Mais l’événement s’est répété, pour de-venir l’un des rendez-vous les plus cou-rus de la côte Ouest, et la taille de l’effi-gie, désormais faite de tubes de néons,n’a cessé de croître pour atteindre prèsde 30 mètres de haut. Les 58000 billetsde l’édition 2013 se sont arrachés mal-gré les prix élevés (380 dollars,283 euros). «Ça s’est professionnalisé,avec le contrôle renforcé qu’implique toutebureaucratie. C’est devenu un lieu de va-cances pour des informaticiens. Beaucoupparlent de Burning Man comme d’uneutopie, mais l’hédonisme ne me semblepas une bonne pierre d’angle pour édifierun mouvement», dit Law, qui s’est retiréaprès le désastreux événement de 1996,où l’un de ses amis s’est tué dans un ac-cident de moto et où plusieurs person-nes furent blessées.Law se désolidarise de la direction prisepar la manifestation. «Agrandir uneimage centrale, même s’il n’y a pas demauvaise intention derrière, je trouve ça

répréhensible. Burning Man est devenu cequ’il est parce que les gens ont réaliséqu’ils pouvaient faire leur propre créationdans cet endroit extraterrestre. Et parceque l’environnement générait un nouveaugenre de communauté, mais une commu-nauté de marginaux. Je ne veux pas quetout le monde ait la même idée, ça devien-drait ennuyeux.»

Les kids et la technologieAujourd’hui, Law dit préférer les MakerFair, rendez-vous des bricoleurs adep-tes du Do it yourself. «Lorsque les événe-ments se répètent, ils perdent de leur inté-rêt et de leur impact visuel. C’est arrivésouvent, comme avec Santarchy. La pre-mière fois, on était une trentaine de pèresNoël à picoler et à manger dans les assiet-tes des autres. Plus de cent l’année sui-vante, et toujours plus. C’est devenu aussifolklorique que le mythe dont on se mo-quait», analyse avec lucidité mais sansamertume celui qui fut à l’origine du

projet. «Quand j’ai appris à 9 ans que lepère Noël était un mensonge, ça m’a renducynique. Se promener dans la rue avectrente autres pères Noël, c’était se réap-proprier ce symbole qui appartient à Co-ca-Cola et à toutes ces horribles multina-tionales qui veulent nous vendre deschoses dont on n’a pas besoin. Mais plutôtque de tout casser, on a choisi de s’en mo-quer», dit celui qui est resté fidèle à sesprincipes.«Même si les artistes étaient très impli-qués et les événements empreints d’unetonalité politique, Cacophony n’était pasun mouvement politique ni artistique, ex-plique Law. C’était une expérience so-ciale. Un endroit où les gens qui avaientleurs propres visions étranges pouvaientse retrouver.» Avec l’apparition d’Inter-net, Cacophony est devenu moins né-cessaire, les mêmes idées pouvaients’organiser en ligne, la mythique lettred’information en papier Rough Draft,organe officiel de la Cacophony Society,

est arrêtée en 2000. «C’est devenu lepassé», constate Law. Mais il fait con-fiance aux kids pour faire perdurer lemauvais esprit des cacophonistes. «Jesuis pathétique quand il s’agit de techno-logies, mais les jeunes ont grandi avec cesoutils, ils savent comment les utiliser etéchapper au contrôle», dit-il, évoquantles Anonymous, essaim anarchique quis’assemble pour une action commune,préméditée sur le réseau avant de dis-paraître dans la tuyauterie «for theLulz» comme ils disent.Le slogan des cacophonistes pourraitpasser pour l’un de leurs communi-qués : «Nous sommes les farceurs, lespoètes, les artistes, les enfants indiscipli-nés, le cafard sous le tapis, les sages trousdu cul, l’œuf pourri au pique-nique d’en-treprise, les esprits vitaux de la fermenta-tion culturelle. Vous êtes probablementdéjà membre.» •

(1) Talesofsfcacophony.com

TALES OFTHE SANFRANCISCOCACOPHONYSOCIETYde KEVINEVANS,CARRIEGALBRAITHet JOHN LAWLast Gap Publishing,292 pp., 39,95 $,non traduit.

FORUM DEL’EUROMETROPOLE

Inscriptions sur liberation.fr

À LILLE AU THÉÂTRE DU NORD LES 28 ET 29 JUIN LA CULTURE, UNEVALEUR AJOUTEE?DEUX JOURS DE DÉBATS AVEC JOACHIM LAFOSSE, ODILE DECQ,MICHAEL GOLDMAN, PATRICK ROEGIERS, CAROLINE BOURGEOIS,CATHY DE ZEGHER...

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013VIII • LE MAG REPORTAGE

JAPON

250 km

Île d’Iwaïshima

Tokyo

Hiroshima

HONSHU

KYUSHUSHIKOKU

Merde Seto

Nucléairejaponais

Le village d’Iwaïshima, dans la baie de Tanoura, compte aujourd’hui 470 personnes.

L’île desirréductibles

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 REPORTAGE LE MAG • IX

Le terminus est en vue. Aupied des collines qui vien-nent mourir dans la mer, leport d’Iwaïshima a des allu-res de bout du monde. C’estlà, sur ce confetti d’île bai-gné par la mer de Seto, dansle sud du Japon, que tout

commence et que tout s’achève. Le retour àla terre comme l’adieu au village. Les retrou-vailles et les au revoir. Les fêtes et les dé-faites. Les victoires et les déboires. Les joieset les peines.Ce lundi, c’est jour de peine. Une habitantede l’île est décédée, de vieillesse. Alors,aujourd’hui, Iwaïshima va vivre au ralenti.La traditionnelle manifestation du lundi a été

Par ARNAUD VAULERINEnvoyé spécial à Iwaïshima et KaminosekiPhotos RAFAËLE BRILLAUD

annulée. Pas de calicots déployés, pas depoings levés ni de slogans clamés. Les470 habitants de cette île paisible n’oublientpas pour autant leur mobilisation, leur com-bat. Un deuil n’aura pas raison de trente ansde lutte contre l’installationd’une centrale nucléaire àmoins de quatre kilomètresdu port d’Iwaïshima.Dans la magnifique baie deTanoura, une succession decôtes rocheuses et de criquessauvages aux eaux transluci-des, la compagnie électriqueChugoku a entrepris de-puis 1982 de bâtir deux réacteurs avec le sou-tien des élus de Kaminoseki, dont dépendIwaïshima. Au fil des ans, le projet est de-venu une aventure épique, un bras de fer em-blématique. D’un côté, le géant Chugokuprétend «promouvoir le développement de

l’île» et encourager l’indépendance énergéti-que du pays. De l’autre, les irréductibles vil-lageois antinucléaires bannissent un chantiersynonyme à leurs yeux de disparition assuréeet de contamination programmée. Dans ceJapon des mers et des terres du Sud, deux vi-sions s’affrontent, deux mondes se font face.Depuis trente ans, même s’ils vieillissent ets’épuisent, ces deux camps n’ont jamais dé-sarmé. Ils se livrent à des batailles navales,verbales, politiques, juridiques, très rare-ment physiques.La région est donc devenue le cœur d’uncombat entre anti et pro nucléaire. Il rested’autant plus emblématique que la centralede Kaminoseki est la seule aujourd’hui enconstruction au Japon. Mais la catastrophede Fukushima, en mars 2011, a considérable-ment rebattu les cartes. Chugoku a suspenduses travaux de terrassement pour la créationde polders dès le 15 mars 2011. Des doutes ontsurgi chez les partisans de l’atome. Au mo-ment où les autorités nippones définissent lesnouvelles règles de sécurité du nucléaire etplanchent sur la prochaine politique énergé-tique, la centrale de Chugoku fait aujourd’huil’objet de toutes les attentions. Car le site estinstallé dans la préfecture de Yamaguchi, fiefélectoral de Shinzo Abe. Depuis son retourtriomphal au pouvoir en décembre, le droi-tier Premier ministre du Japon n’a jamais faitmystère de sa volonté de relancer les centra-les du pays que son prédécesseur voulaitstopper à l’horizon 2040.

«Le plus important n’est pas degagner, mais de ne pas perdre»

La nuit s’empare de la baie de Tanoura. Af-fairé sur le port d’Iwaïshima, Yamato Takashisait pertinemment que le combat est déme-suré contre le village nucléaire nippon.«Seuls, on ne pourra pas arrêter la constructionde la centrale. La population vieillit et diminue.Ça va devenir très difficile de se mobiliser dansles années qui viennent. On s’opposera autantque l’on peut pour retarder le projet, en atten-dant que la société japonaise change, juge cetautoentrepreneur de 36 ans au visage poupin.Fukushima a eu évidemment un grand impact,mais je crains que cette catastrophe deviennecomme celle de Tchernobyl: malgré l’explosionen 1986, les constructions de centrales nucléai-res se sont poursuivies. A la fin, ceux qui peu-vent influencer, ce sont les électeurs. Nous, onpeut dire non et on va continuer à pêcher, à pro-duire des nèfles, du riz, des pommes de terre, àramasser des algues, à être unis et solidaires.Mais qui va protéger notre façon de vivre prèsde la nature ?»En sceptique suractif, Yamato Takashi se dé-mène pour l’île, ses habitants, sa famille, sonavenir, son commerce. Une mission qui re-lève quasiment de la survie. Yamato y investitson temps, son énergie, une partie de sesnuits avec, pour feuille de route, un sloganhérité de son père : «Le plus important n’estpas de gagner, mais de ne pas perdre.» A ma-rée basse, il est sur la plage pour ramasser leshijiki, des algues brunes que l’on sert cuites

en salade ou comme condiment pour le riz.En bottes et salopette, il file aux fourneauxpour cuire sa récolte dans une cahute du portinstallée juste en face de la centraleen chantier. Puis, il s’échappe der-rière son écran d’ordinateur pour

«Fukushima a eu évidemment un grandimpact, mais je crains que cette catastrophedevienne comme celle de Tchernobyl:malgré l’explosion, les constructionsde centrales se sont poursuivies.»Yamato Takashi autoentrepreneur de 36 ans

Depuis trente ans,les habitantsd’Iwaïshimase battent contre laconstruction d’unecentrale. Un projetsuspendu depuisFukushima mais quipourrait être relancépar les autorités.

Le village d’Iwaïshima, dans la baie de Tanoura, compte aujourd’hui 470 personnes. Chaque lundi, les antinucléaires de l’île manifestent contre l’installation de la centrale. PHOTOS KEIKO NASU

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013X • LE MAG REPORTAGE

vendre via son site en ligne les pro-duits naturels des habitants de l’île.Pour l’heure, cet homme-orchestre

pressé entame juste la cueillette des nèflesjaunes sur les pentes des collines vertes. Là,dans la brise marine, il arpente les champsque son grand-père lui a légués avant demourir. Ce sont les nèfles de son enfance quil’ont enraciné à Iwaïshima. Il était revenuen 2000 pour participer à la traditionnellefête des dieux, le Kanmai, quand il a goûté lesfruits. «Elles étaient succulentes. On ne peutpas vivre sans connaître ce goût-là, ce n’est paspossible.» Le diplômé en langue chinoise, quigalérait à Osaka au moment où l’économienippone tournait vinaigre, n’est pas reparti.Il s’est marié, a eu trois enfants, s’est rappro-ché des anciens du village, comme Sadao,son père, résistant de la première heure à lacentrale. Il les a consultés avant de se lancerdans l’agriculture, pour défricher, ensemen-cer ses terres et reprendre le flambeau de lalutte. Puis, il en a embauché certains.

Ni pesticides ni OGMCe matin, Emiko Shomoto étale des kilos dehijiki sur des tamis en bois pour les faire sé-cher sur le port. A 77 ans, cette ancienneouvrière d’une usine textile a la prunellesombre et vive, le pas alerte et la langue bienpendue. «Si la centrale est construite, nous nepourrons plus profiter de ce que la mer nousdonne, de ce que la nature produit. Bien avantFukushima, je savais que l’humain et le nu-cléaire ne peuvent pas vivre ensemble. Ça faittrente ans que je me bats contre ce projet, expli-que cette femme en pointant du doigt la baiede Tanoura. Ici, nous avons largement de quoivivre, mais il faut se défendre.»Un leitmotiv à Iwaïshima. Les paysans, lesmilitants, la poignée de nouveaux habitantsfraîchement débarqués sur l’île défendent,avec des envies farouches d’autarcie, un vi-vre ensemble fait de développement durableet d’énergie renouvelable. Tout cela est àmille lieues du productivisme ambiant dansl’industrie et la politique nippone. Unefemme de Hiroshima vient d’ouvrir un res-taurant pour servir de la nourriture locale,sans pesticides, ni OGM. Un élu et résistantde la première heure vante le tourisme vert,le solaire, l’éolien et le photovoltaïque pourfournir de l’électricité. Un éleveur a troquéun très profitable poste de manager dans unegigantesque compagnie d’élevage de3 000 têtes à Hokkaido (nord) contre quel-ques arpents de terre sur l’île où sont élevésà l’air libre une vingtaine de cochons.«Ce que je faisais avant n’était pas naturel.On importait des quantités énormes de nourri-ture et d’énergie pour engraisser des milliers debêtes. Ça n’a pas de sens de produire autant, ilvaut mieux travailler sur la qualité et, surtout,ne pas dépendre du nucléaire», insiste UjimotoChoichi, imprégné de la pensée du bien vivreet du bien manger de José Bové. A 63 ans,cet homme communicatif aux faux airs deFernandel ne sait plus s’il est d’abord éleveur,pêcheur, agriculteur ou commerçant.Comme Yamato Takashi, Ujimoto Choichi serévèle en touche-à-tout affairé, car une seuleactivité ne suffit plus pour vivre. Mais il estheureux d’avoir retrouvé l’île de son enfanceet sourit de voir des «jeunes gens» s’y instal-ler. «Une trentaine de personnes sont arrivéesici depuis cinq ans. C’est un espoir énorme.Il faut maintenant que les vieux transmettentleur savoir-faire avant qu’il ne soit trop tard.»Iwaïshima tout comme Kaminoseki, la com-

mune dont elle dépend à quinze minutes debateau, n’oublient jamais une inexorableréalité. La ville se meurt lentement, sûre-ment. Il y a cinquante ans, Kaminosekicomptait 12 000 âmes. On en recenseaujourd’hui 3 300, dont la moitié a plus de65 ans. A ce rythme, la commune étenduesur plusieurs îles ne dépassera pas les quel-que 1800 habitants à l’horizon 2050. Mêmesous un soleil printanier, la ville affiche déjàles stigmates d’un Japon vieillissant : portdésert, rues vides arpentées parfois par despersonnes âgées en déambulateur, magasinsfermés, maisons abandonnées, jardins enfriche. Ceux qui travaillent flirtent souventavec les 70-80 ans.Parmi eux, Yasuto Imamura. Il tient unedroguerie poussiéreuse à mi-distance duport et de la mairie. La télévision diffuse unbruit de fond rarement interrompu par lasonnette de la porte d’entrée. C’est unhomme calme et affable qui propose deschaises à ses hôtes. «Après avoir vuFukushima, tout le monde pense bien sûr quele nucléaire n’est pas une bonne chose. Le com-bat des habitants d’Iwaïshima est évidemmenttrès courageux mais, économiquement, ça n’estpas possible. La pêche ne durera pas indéfini-ment. On a essayé le tourisme il y a quelquesannées, mais tout s’est effondré. Il n’y a plus dejeunes dans cette ville», se désole ce père defamille de 70 ans qui n’a rien du militant. Il avu partir ses deux fils aînés à Tokyo etHiroshima, faute de travail sur l’île. «Onaimerait penser à une autre source de revenupour Kaminoseki, mais il n’y a pas d’autrechoix que la centrale.»La centrale comme une bouée de sauvetagepour ces îles doublement condamnées par ladémographie et l’économie: c’est l’autre re-frain repris par une partie des habitants deKaminoseki et le camp pronucléaire. La mai-rie a fait ses comptes et les chiffres parlentd’eux-mêmes. La ville a besoin de 3,5 mil-liards de yens (27 millions d’euros) pour sonbudget annuel. Elle n’en collecte que200 millions avec les taxes. Alors les aidesviennent de l’Etat qui, depuis 1974, subven-tionne généreusement les collectivitésaccueillant des centrales nucléaires. Dans lemême temps, la mairie dit se démener «pouraccueillir les entreprises». Sans succès. SelonMasaki Yoshida, en charge du dossier de lacentrale à la ville, «Kaminoseki n’a pas assezde terrain disponible, pas assez d’eau pour lesattirer, pas de particularités touristiquesmajeures, et se trouve loin des axes routiersprincipaux. Le seul choix, c’est la centrale.»Fermez le ban.

Blocus naval de la baieL’argumentaire de la survie est bien rodé. Lalangue de bois réapparaît presque mot pourmot dans la bouche de Harada Takenobu, ledirecteur de la compagnie électriqueChugoku à Kaminoseki. Costume sombre etmontre chic, il reçoit dans un salon climatiséde la filiale à la sortie de Kaminoseki. Il rap-pelle qu’il a le soutien des autorités locales,qu’il faut «assurer la sécurité énergétique dupays. 96% de notre énergie est importée»depuis la mise à l’arrêt de 48 réacteurssur 50. Harada Takenobu vante son projet decentrale qui devrait à terme fournir de l’élec-tricité à près de 8 millions de Japonais.Et donner du travail à 3500 personnes pen-dant la construction et à 1000 une fois l’ex-ploitation commencée. Une manne pourKaminoseki !Le patron de Chugoku s’affiche en dirigeantprudent et responsable. Il se fait l’apôtre d’un«fort et vif débat sur le nucléaire», avantd’ajouter immédiatement qu’il y a «beaucoupd’inconvénients à arrêter ce type d’énergie».Il dit attendre le futur code de sécurité pro-

NUCLÉAIRE JAPONAIS:L’ÎLE DES

IRRÉDUCTIBLES

Yamato Takashi est revenu sur l’île en 2000. Il cultive, entre autres, des algues brunes.

A Kaminoseki, une pancarte vante les bienfaits du nucléaire pour l’économie locale.

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 REPORTAGE LE MAG • XI

mis en juillet par la nouvelle Autorité de ré-gulation. Et propose déjà d’élever la centraleà quinze mètres au-dessus du niveau de lamer, tout en reconnaissant que «le 100% sé-curité n’existe pas avec le nucléaire». On at-tendrait plus de circonspection de la part decet homme dont l’histoire familiale a été peuépargnée par l’atome. Il est né à Nagasaki.Son père et son grand-père ont été victimesde la bombe, et sa femme est originaire deFukushima ! «Ça n’a pas de sens de renier latechnologie, se défend-il. Il faut rendre les gensplus aptes à gérer des centrales et éviter aumaximum l’erreur humaine.» Inutile de préci-ser que Chugoku s’est trouvé un bon soldatà envoyer au front d’Iwaïshima. A trois repri-ses, il a tenté d’aller prêcher la bonne parolenucléaire sur l’île. A trois reprises, il a étéempêché de descendre du bateau. Un comitéd’accueil de 100 personnes l’attendait depied ferme sur le quai avec seaux d’eau etmenaces verbales.C’est l’un des nombreux épisodes d’une gué-guerre des nerfs qui n’a pas cessé depuistrente ans. Pétition, sit-in, campagnesbruyantes, grève de la faim, études environ-nementales, blocage de chantier… les habi-tants d’Iwaïshima n’ont pas lésiné sur lesmoyens pour faire barrage à la centrale.Quand les premières études de faisabilité ontdémarré, ils ont acheté des parcelles de ter-rain pour retarder les travaux. En septem-bre 2009, ils ont pris de court Chugoku enorganisant un blocus naval de la baie de Ta-

noura (1), empêchant les bateaux-platefor-mes de la compagnie de délimiter le chantieravec d’immenses bouées.La bataille a rebondi devant les tribunaux oùl’Etat et Chugoku ont poursuivi une poignéede manifestants pour entrave. «Mon pèren’arrête pas de perdre, raconte Takashi Ya-mato, le producteur de hijiki. Mais c’est im-portant d’aller au tribunal, de répéter pourquoinous ne voulons pas de la centrale. On perdrapeut-être 100 fois, mais si on gagne une seulefois, ça peut donner un sens à notre combat.»Ils ont dû dégager le site avant d’être con-damnés à verser des centaines de milliers deyens. Mais le paiement des amendes attendral’issue des procès en appel. «C’est très diffi-cile d’avancer avec les gens d’Iwaïshima quivivotent sur leur île. Il n’y a pas de communica-tion possible avec eux, regrette Harada Take-nobu. Ils disent qu’ils ne pêcheront plus depoissons et qu’ils n’auront pas d’échappatoireen cas de gros accident. Mais il s’agit de faus-ses informations pour justifier la non-construc-tion de la centrale.»Iwaïshima a rejeté avec la même fermetél’argent que lui promettait Chugoku pouracheter la paix sociale. Les 53 pêcheurs onttoujours refusé d’encaisser le 1,1 milliard deyens. Car la compagnie électrique s’estmontrée très généreuse pour faire accepterson projet de centrale. Takenobu avance lacoquette somme de 5 milliards de yens dé-versés dans les caisses de la mairie de-puis 1982, qui se sont ajoutés aux 6,9 mil-liards octroyés par Tokyo. Des bus, uneécole, un collège, une route côtière, unemaison de retraite, un bain public-spa cossubâti au pied du pont de la ville… Les travauxn’ont pas manqué pour «dynamiser et réno-ver la commune», reconnaît Masaki Yoshida

à la mairie qui s’est ainsi placée sous la dé-pendance de la compagnie électrique. Uneemprise dont il est difficile de se défaireaujourd’hui, même après la catastrophe deFukushima.Chugoku-Kaminoseki ou Kaminoseki-Chu-goku, la centrale dans la baie de Tanoura, estaussi l’histoire d’un couple aux intérêts com-muns. Sitôt le projet évoqué à la fin des an-nées 70, la mairie et la compagnie électriquetentent de rebondir après deux ratés retentis-sants. La première vient d’être retoquée pourl’installation d’une usine de stockage de gazliquéfié pourtant porteuse d’espoirs en ter-mes d’emplois. La seconde a dû remballerson projet de centrale dans la ville de Hohoku(préfecture de Yamaguchi) après l’arrivée auxaffaires d’un maire antinucléaire.

Soirées arrosées, voyagesd’études et cours d’électricité

A Kaminoseki, une poignée de décideurs as-surent que l’avenir de la ville passe par lacentrale. En septembre 1982, ils approchentChugoku qui, de son côté, a tiré les enseigne-ments de son échec à Hohoku. La compagniea compris qu’il va lui falloir convaincre et al-ler chercher des partisans et des obligés chezles élus, autant que chez les habitants pourne pas essuyer un nouveau camouflet.Comme l’a bien raconté l’historien MartinDusinberre (2), Chugoku va s’activer à «pé-nétrer la société locale pour jeter les bases» deson projet et d’un «contrôle social soft» de la

population. Les approches démar-rent par des discussions informel-les et des soirées bien arrosées,organisées plus ou moins secrète-ment pour ne pas mobiliser lecamp antinucléaire. Des associa-tions de citoyens favorables auprojet voient le jour dans la ville.Puis ce sont des voyages d’études,des «cours d’électricité», qui sontproposés aux habitants de Kami-

noseki. Deux jours durant, ils sont conviésà constater par eux-mêmes la sûreté desinstallations nucléaires et de leurs bienfaitspour l’économie locale. Tout en prenant dubon temps. «Je me souviens d’un voyageen 1982 qui se finissait dans un hôtel luxueuxde Kyoto, raconte Shimizu Toshiyasu, l’un desreprésentants des habitants d’Iwaïshima. Lacompagnie payait tout pour faire la promotionde la centrale. Ils nous ont fait visiter les sites deTsuruga et Mihama pour que l’on se rendecompte, selon eux, des zones dynamisées parl’arrivée des réacteurs, des succès économi-ques. J’y suis allé, j’ai vu, j’ai lu, j’ai écouté; jen’ai pas trouvé ça franchement radieux, commenous le disait Chugoku.»Quand il est rentré, il a rejoint le camp desopposants. La lutte démarre vraiment audébut de l’année 1983. A Iwaïshima, lacommunauté, jadis solidaire, se déchireautour de la centrale. «Notre richesse se dé-sagrège», se désole Takashi Yamato. Le27 septembre 1985, après des mois de ru-meurs et de tractations, ce qui n’était plus unsecret pour personne est confirmé par unvote du conseil municipal: Chugoku est offi-ciellement invité à investir dans la cons-truction d’une centrale à Kaminoseki.L’enthousiasme du maire d’alors, KatayamaHideyuki, est inspiré: «Nous sommes en traind’élaborer une vision d’avenir pour la ville avecla centrale atomique pour noyau.» Vingt-sept ans plus tard, le noyau n’est qu’une co-quille vide, un projet en rade dans la baie deTanoura. •

(1) «Comme l’abeille qui fait tourner la terre»,documentaire de Hitomi Kamanaka, 2011.(2) «Hard Times in the Hometown, a History ofCommunity Survival in Modern Japan»,éd. University of Hawaii Press.

«Le combat des habitants d’Iwaïshimaest évidemment très courageux, maiséconomiquement, ça n’est pas possible.La pêche ne durera pas indéfiniment.On a essayé le tourisme il y a quelquesannées, mais tout s’est effondré.»Yasuto Imamura commerçant de 70 ans

La commune de Kaminoseki compte 3300 habitants, dont la moitié a plus de 65 ans.

Le chantier de la centrale est à moins de 4 kilomètres du port.

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013XII • LE MAG RENCONTRE

La voiture file sur l’autoroute écra-sée de soleil en direction de Saba-dell, à une vingtaine de kilomè-tres de Barcelone. BehzodAbduraimov arrive de Moscouoù, trois jours plus tôt, il inter-prétait le Concerto n°2 de SaintSaëns avec le Philharmonique de

la ville. A peine son concert achevé, il prenait unvol de nuit pour Tachkent, la capitale de l’Ouzbé-kistan, où il est né le 11 septembre 1990 et où vi-vent encore sa mère et sa sœur, qu’il n’a pas vuesdepuis décembre. Pendant deux jours, il a ré-pondu aux questions de la famille et des amis :«Alors, c’est comment Copenhague? Et Londres?»Sa grand-mère l’a même assuré du fait que dèsque son grand frère sera marié, elle se mettra enquête de lui trouver «une belle fiancée».Behzod Abduraimov est épuisé, car il a dû repas-ser par Moscou et attendre six heures que sonavion décolle pour l’Espagne, où il n’a encorejamais joué. Le temps de poser ses affaires à l’hô-tel de Sabadell, et il rejoint le chef Ruben Gi-meno, qui l’a invité à interpréter le Concerto n°1de Tchaïkovski avec l’Orquestra Simfònica delVallès. Behzod Abduraimov n’a que 22 ans, maisse produit sur scène depuis l’âge de 8 ans et adonc des idées très arrêtées sur certaines œuvres.«Le n°1 de Tchaïkovski a beau être ultracélèbre, lesorchestres ont toujours des problèmes aux mêmesendroits, notamment dans le troisième mouvement»,explique-t-il en début de soirée, ajoutant: «Je nefais que suivre la partition, mais on a chacun notreidée du rubato et c’est mieux si l’on s’y prépare enrépétition.»

Professeur et mentorLe Teatre Principal de Sabadell, où l’on retrouveAbduraimov le lendemain matin, est une bon-bonnière à l’italienne, idéale pour des spectaclesmais pas pour des concerts. Quant au piano, c’estun demi-queue ! Arrivé bien avant l’orchestre,le pianiste travaille le Concerto n°3 de Prokofiev,avec lequel il a remporté le premier prix du Con-cours international de Londres en 2009, maisqu’il va enregistrer en juillet pour Decca. Puis,il passe au Concerto n°5 de Beethoven qu’il inter-

Texte et photos ÉRIC DAHANEnvoyé spécial à Barcelone

Lauréat du Concours de Londres en 2009, le jeune pianiste ouzbek s’annonce comme lasensation du festival de Montpellier. Nous avons assisté à ses premiers concerts espagnols.

Behzod Abduraimov

De louablesintonations

MéditerranéeMer

300 km

FRANCE

PORT

UGAL

Barcelone

Sabadell

Madrid

ESPAGNE

prétera fin juin à Boulder, dans le Colorado.«J’adore Beethoven, j’aimerais apprendre la sonateHammerklavier et les cinq concertos. Mais ce nefut pas toujours le cas. Après avoir appris l’opus 109à 13 ans, je n’ai plus jamais joué de Beethoven, carje n’étais pas à l’aise avec sa musique. Ses sonatessont intimidantes, très orchestrales. Si on les trans-crivait, ça ferait des symphonies géniales», dit-il.On déjeune rapidement, puis il appelle son pro-fesseur Stanislav Ioudenitch, originaire commelui de Tachkent, et qui le suit à la Park Universityde Kansas City aux Etats-Unis: «C’est mon men-tor, je le consulte en permanence, car c’est la per-sonne qui me connaît le mieux et à qui je fais le plusconfiance. Chacun de ses conseils est judicieux.»La répétition avec l’orchestre se passe comme uncharme, tant les musiciens sont séduits par la vi-vacité, la perfection plastique et la maturité dujeu de Behzod Abduraimov. Il reste encore dansla salle, travaille quelques Impromptus de Schu-bert, Gaspard de la nuit de Ravel, la Danse macabrede Saint Saëns dans la transcription de Liszt et

Horowitz, et la Fantaisie de Chopin, en prévisiondu festival de Radio France et Montpellier – oùl’on découvrit Lang Lang il y a douze ans, et dontl’affiche est toujours prestigieuse avec des solistescomme Evgeny Kissin ou Alexander Kniazev etles chefs Bernard Haitink, Paul McCreesh et Tu-gan Sokhiev.En France, on a déjà entendu Behzod Abduraimoven 2012 dans le Concerto n°2 de Saint Saëns qu’ila donné au Midem de Cannes puis au festivald’Antibes. Mais, cette année risque de changerla donne: entre juillet et octobre, en plus du festi-val de Radio France et Montpellier, il se produiraà la Roque d’Anthéron, au festival Piano aux Jaco-bins de Toulouse et à l’Auditorium du Louvre, oùil donnera son premier récital dans la capitale.A 21 heures, malgré l’acoustique sèche du théâtreet l’instrument médiocre, Behzod Abduraimovne s’économise pas et livre une interprétation

éblouissante du «n°1» de Tchaïkovski. Sa maingauche est redoutablement puissante, mais, desoctaves de l’introduction au final de l’Allegro confuoco, la sonorité est toujours parfaitement rondeet gorgée de couleurs. Bien plus que sur son pre-mier album paru en 2012, souffrant comme ceuxde Nelson Freire et d’autres pianistes, du lissagede fréquences acoustiques opéré par lesingénieurs du son de Decca. Le public de Saba-dell, qui n’a pas la chance de voir souvent desphénomènes de cette envergure, fait une ovationdebout au petit prince en costume noir, qui réap-paraît en jean et espadrilles dans le hall pour dé-dicacer son album derrière une table.

Dessins de chevaux,de cow­boys et d’Indiens

Le lendemain matin, il veut partir tôt à Barceloneafin de travailler dans la salle avant le concert dusoir. Sur la route, il nous raconte que sa mère estprofesseure de piano, mais que c’est Tamara Po-povich qui l’a formé. Quant à son père, docteur

en mathématiques et enphysique, il est mortd’une crise cardiaquequand il avait 9 ans, nonsans avoir inventé unevoiture fonctionnant avecde l’oxygène pressurisé.«Le brevet a été déposé parun Français en 2002, mais

c’est bien mon père qui a inventé ce procédé quiaurait pu changer l’équilibre géopolitique mondial.Il a d’ailleurs construit un prototype roulant à20 km/h que j’ai conduit quand j’avais 6 ans», ra-conte-t-il.Il évoque son frère plus âgé qui achève ses étudesde chirurgie à Moscou, ses deux sœurs aînées,dont l’une est mère de famille à San Francisco etl’autre pianiste, avant de revenir à Tamara Popo-vitch: «Elle m’a d’abord rejeté et dit qu’elle ne tire-rait rien de bon de moi, avant de me reprendre un anplus tard sur l’insistance de ma mère.» Enfant, Be-hzod avait également une passion pour les avionset pour le dessin : «Je dessinais des chevaux, descow-boys et des Indiens puis, avec les concours etles concerts, je n’ai plus eu le temps.»On le laisse place de la cathédrale, non loin duPalau de la Musica où il doit redonner le «n°1» deTchaïkovski, et on le retrouve à l’heure du déjeu-

Son père, docteur en mathématiques et en physique,est mort d’une crise cardiaque quand il avait 9 ans,non sans avoir inventé une voiture fonctionnantavec de l’oxygène pressurisé «qui aurait pu changerl’équilibre géopolitique mondial».

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 RENCONTRE LE MAG • XIII

Behzod Abduraimov,le 24 mai, àBarcelone.

ner pour reprendre cette conversation. Lorsqu’ileut 13 ans, Behzod passa une audition à la JuilliardSchool de Manhattan et fut admis avec unebourse au précollège. Mais Stanislav Ioudenitchayant entendu parler de lui, il l’invita à participerà son académie d’été au bord du lac de Côme, enItalie. «Dès que j’ai joué pour lui, il m’a dit: “Tu esl’élève que j’attendais.” Il m’a testé, m’a donné desdéfis à relever, mais on s’est tout de suite entendus.En 2007, j’ai rejoint l’International Center for Musicde la Park University à Kansas City, où il enseigneet où j’étudie toujours six ans et demi plus tard. C’estun rêve, on a des studios de répétition équipés deSteinway de concert, ouverts 24 heures sur 24 et septjours sur sept. Le week-end, je lis, je regarde desfilms, je sors avec des amis ou je vais dîner dans lafamille de Stanislav. Mais la plupart du temps je tra-vaille, car le répertoire est immense.»Il a encore un peu mal au pouce, depuis un acci-dent à Halloween. «J’ai dû annuler un concert àNew York. Les médecins voulaient me plâtrer maisj’ai dit qu’il n’en était pas question. Je n’ai pas jouépendant dix-sept jours puis, voyant que j’allais tom-ber en dépression, j’ai pris des antidouleurs et je suisallé donner des concerts en Europe.» On lui de-mande, au vu de son répertoire actuel, qui com-prend le Scherzo et la Marche de Liszt, Gaspard dela nuit et la Danse macabre, s’il n’a pas une fasci-nation pour le démoniaque et il répond : «Biensûr, dans la vie, je suis réservé et je garde toutes mesfrustrations pour moi. Mais sur scène, tout ressort,je suis sous l’emprise de la musique.»

Dédicaces puis cocktailsau bar de l’Ohla

Il y a foule à 20 heures devant le splendide Palaude la Musica Catalana. L’acoustique, même si ellen’est pas encore idéale, est dix fois meilleure quecelle de la veille, et Behzod Abduraimov, courbésur son clavier comme feu Glenn Gould, électrisele public. Est-ce le style italianisant du chef? Lafermeté du jeu? On pense à Argerich avec Ab-bado, en moins nerveux et plus masculin. Aprèsle concert, Behzod Abduraimov signe encore desdisques. Un homme, venu avec son épouse et sesenfants, lui dit qu’il a assisté à son récital au Wig-more Hall en 2010 et lui demande quand il revien-dra à Londres.Behzod remet son jean, son tee-shirt et ses espa-drilles et on part boire des cocktails au bar del’Ohla. On lui dit qu’on est très impressionné parson intonation et son jeu immaculé. Il est touché,déclare qu’il est fan d’Alfred Cortot. «Son intona-tion était si profonde, et ses phrasés si chantants.Je me fiche du fait qu’il faisait des fausses notes, lepiano, ce n’est pas du sport. J’adore aussi ArthurSchnabel qui faisait chanter les mouvements lentsde Beethoven comme personne. Edwin Fischer dans“l’Empereur”, il n’y a pas toutes les notes maisquelle ampleur, quel souffle. Horowitz, quel inven-teur en matière de dynamiques et quel entertainer.Il savait éblouir le public avec ses transcriptions vir-tuoses, mais aussi le faire vibrer avec les Mazurkasde Chopin et les Préludes de Rachmaninov, plus in-times. Et puisque l’on parle de Rachmaninov, quandj’étais jeune, j’écoutais ses enregistrements et je lestrouvais froids et sévères. Mais aujourd’hui, je lesadore.»On lui demande si son objectif est de réaliser lasynthèse de ses pianistes favoris et il répond :«C’est impossible, il n’y a pas deux pianistes quijouent de la même manière. Certains professeursveulent que leurs élèves jouent comme eux, maisStanislav est différent. Il définit juste des limites àl’intérieur desquelles il nous appartient de trouvernotre propre voix. Chaque jour, j’apprends de nou-velles choses. Je n’ai déjà plus rien à voir avec le pia-niste que j’étais il y a encore un an. L’interprétationmusicale est un voyage sans fin. C’est ça qui est ex-citant. On n’arrive jamais.» •

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013XIV • LE MAG LIRE

Week-end

Il y a quelques mois l’historien Pierre Royerpubliait un passionnant ouvrage, Géopoli-tique de la mer et des océans (coll. Major auxPUF), dans lequel il regrettait que «la

France oublie sa vocation maritime». Ce cons-tat militaire ne vaut pas pour le commerce.Pour mémoire, le faste avec lequel FrançoisHollande inaugurait le 4 juin dernier, àMarseille, le Jules-Verne, le plus grand porte-conteneurs du monde, permet de mesurer àquel point les échanges maritimes sont cru-ciaux pour la France comme pour tous lesgrands pays occidentaux.Réplique ou prolongement du livre de Royer,dans un dossier intitulé «La mondialisationpar la mer», la revue Esprit propose une ex-pertise originale de cet espace économiqueinégalable que constituent les océans où«l’on rêve de trouver les solutions aux pénuries(d’énergie ou de ressources alimentaires) et auxinsuffisances (médicales et technologies)». Unespace où circulent plus de 50 000 navires dehaute mer qui suivent des routes reliant les

peuples du monde. Des chemins «qui se re-configurent en permanence en fonction desévolutions politiques, sociales et climatiques»,écrit Emmanuel Desclèves de l’Académiemaritime.Mais l’enjeu dé-passe largementce trafic en crois-sance constante.Selon Desclèves,« n o u s s o m m e sau début d’une èrenouvelle au coursde laquelle l’hommeva repartir à laconquête de la mer; non plus comme à l’époquedes grandes découvertes pour ouvrir des routesmaritimes, mais pour explorer puis exploiter lesrichesses des océans et des fonds marins quinous sont largement inconnues».Cette conquête autant scientifique qu’écono-mique, promet des affrontements semblablesà «la mondialisation terrestre». En revanche

Esprit insiste sur l’avantage relatifqu’auraient pris certains pays émergents.«Conscients de l’importance d’une marinepuissance pour défendre leurs intérêts et des

ressources que re-cèle l’océan quiborde leurs riva-ges», ils prati-queraient le dénid’accès aux autrespays «afin de setailler la part dulion dans la répar-tition des richessesdont la propriété

est encore incertaine.» Comme si la mondiali-sation maritime offrait une opportunité decontrecarrer la puissance des Etats les plusriches… C’est d’ailleurs pourquoi «les Etats-Unis envisagent de réviser complètement leurdoctrine stratégique globale.»Au fil d’un dossier foisonnant, Esprit organiseune visite approfondie des lieux essentiels de

cette «mondialisation par la mer», ces portsoù s’esquissent les nouvelles routes du com-merce : «Marseille la cosmopolite», Tanger«plaque tournante» de la Méditerranée ouLe Havre, en perte de vitesse par rapport àses voisins du nord de l’Europe.Mais au bout du compte la revue propose, etc’est peut-être l’essentiel, de penser un ave-nir maritime qui transcende la circulationdes marchandises. Une mondialisation pluspoétique où nous pourrions «apprendre à sevoir depuis l’océan pour contrer le repli dans lesfrontières terrestres». •

demeurent ainsi familiers.C’est ma manière de conserverun condensé de cette personne,de l’embaumer.» Pas deguillotine, pas une goutte desang, mais du noir et dublanc à profusion, extrême-ment doux.Ont posé volontairementpour Nelli Palomäki des ca-dets en uniforme de l’Acadé-mie navale de Saint-Péters-bourg, des amies, des mômesen habits du XIXe siècle,des danseuses en tutu, etmême son père, en salopetted’homme des bois. C’est ungéant, il a des gants, il a l’airde faire très froid. Sa fille està ses côtés, un bonnet sur latête et tous deux regardentl’objectif avec une vraiefierté. Un duo de charme.

BRIGITTE OLLIER

UN REGARD ÉCLATANTDE BEAUTÉDes cadetsen uniformeauxdanseusesen tutu,l’albumde laphotographefinlandaiseNelliPalomäki.

N elli Palomäki traiteses modèles avec unsoin particulier sans

les mettre pour autant sur unpied d’égalité. C’est elle quise tient derrière l’objectif,elle a ce pouvoir, mais n’enabuse pas, comme si l’im-portant se tenait ailleurs.Où ? Dans l’air, si l’on encroit le titre de son livre,Breathing the Same Air, quimontre de visu cette poudremystérieuse qu’elle paraîtinstiller dans chaque por-trait.Cette jeune Finlandaise, néeen 1981 à Forssa, a le don derendre beaux ses sujets. Pasbeaux et bêtes, juste beaux,à tel point qu’au premiercoup d’œil, on a l’impressionde ne voir que des mer-veilles, voire des reproduc-tions picturales. Cette idéede perfection n’est qu’illu-sion, bien sûr. Ce qui donnedu cachet à ces portraits,c’est le lien qui court, tel uncourant électrique entrephotographe et photogra-phié, un échange de regardsd’une si grande intensitéqu’il arrête tout, comme s’ilétait impossible d’aller plusloin dans la rencontre.Après, le néant…Quand elle parle de ce mo-ment, Nelli Palomäki est trèsnette : «Un portrait est éter-nel. C’est une manière déses-pérée de rester en contact avecdes individus qui, même lors-qu’ils me sont inconnus, meAino, 27 ans, 2010. PHOTO NELLI PALOMÄKI

BREATHING THESAME AIR deNELLI PALOMÄKIHatje Cantz(distribution Interart),136 pp., 48 €.

LA MONDIALISATIONPAR LA MERESPRIT N° 395Juin, Seuil, 158 pp., 20 €.

L’océan, terre defutures conquêtes

Par ÉRIC DECOUTY

LA CITÉ DES LIVRES

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 LIRE LE MAG • XV

BIOGRAPHIEERHARD LORETAN,LE ROI DES PICS

Une vie. Une grande vie. Intense, pas-sionnée, romanesque. Qu’on n’osequalifier de belle car interrompue à52 ans et traversée par la mort d’un en-fant. La vie d’un homme discret, parfoissecret, surdoué de l’escalade, à quiCharlie Buffet, écrivain et chroniqueurmontagne, ancien journaliste à Libéra-tion, consacre une belle biographie auxéditions Guérin.Erhard Loretan naît en 1959 dans lecanton de Fribourg, en Suisse romande.«Tout petit déjà…» S’il est une per-sonne à qui cette expression un peu gal-vaudée peut s’appliquer, c’est bien aujeune Erhard qui, à partir de 11 ans, vaenchaîner les courses, les voies, les fa-ces nord et les parois les plus folles, dé-vorant les cimes, jusqu’à sortir major desa promotion de guide à 21 ans. Commenombre de ses pairs à cette époque, il selance à l’assaut des géants de l’Hima-laya. Le 10 juin 1982, il atteint le som-met du Nanga Parbat, son premier8000. Le début d’une série qu’il achè-vera treize ans plus tard avec le Kang-chenjunga, devenant le troisièmehomme à avoir gravi les quatorze som-mets les plus hauts de la planète. Lelendemain, sur la même montagne,Benoît Chamoux, autre surdoué de sagénération, disparaissait après uneultime conversation radio.La mort donc, trop présente, ainsi quela souffrance et les drames intimes,transcendés par une légèreté, un amourde la liberté, une disponibilité, dontCharlie Buffet témoigne avec sensibilitéau travers de ce portrait nourri de nom-breuses rencontres avec les proches del’alpiniste disparu en 2011 dans le mas-sif de l’Oberland.De cette vie, de cette force vitale quel’auteur compare à la «flamme d’unebougie au bivouac», il reste désormaisune trace et une lumière, toujoursvivante.

FABRICE DROUZY

ERHARD LORETAN,UNE VIE SUSPENDUEde CHARLIE BUFFETEditions Guérin, 236 pp., 24 €.

DIDIERDECOINMembre del’académieGoncourt, DidierDecoin estl’auteur, entreautres, de Johnl’Enfer (1977, prixGoncourt),L’Enfant de lamer de Chine(1981), la Femmede chambre duTitanic (1991), laPromeneused’oiseaux (1996),MadameSeyerling (2002),Avec vue sur lamer (2005),Henri ou Henry,le roman de monpère (2006),Est­ce ainsi queles femmesmeurent?(2009). Sondernier roman,la Penduede Londres, vientde paraître chezGrasset.

Tous les samedisdans LeMag,l’actualité vuepar un écrivain,un artiste…La semaineprochaine:Ludovic Perrin.

LA SEMAINE DE DIDIER DECOIN

SAMEDI FLEURS NUITEUSES D’IRANA Pont-l’Evêque pour découvrir les Iris noirs de FarhadOstovani présentés à l’espace culturel les Dominicaines.Iranien, 63 ans, éperdument nostalgique du jardin deson enfance à Téhéran, Ostavani a peint des iris som-bres, plus violets que noirs. Il les a dessinés un peucomme Hiroshige gravant sur bois ses Cent Vues d’Edo,c’est-à-dire traçant (traquant ?) l’essentiel, rien quel’essentiel, puis remplissant celui-ci de teintes perdues,fondues, à la fois indécises et précises, en assemblagesévoquant les grands champagnes, les grands parfums.Iris, Iran : les fleurs nuiteuses de Farhad Ostovani merappellent qu’on vient d’élire dans son pays un nouveauprésident. Celui-ci ne sera qu’une sorte de Premier mi-nistre plus ou moins «marionnettisé» par Ali Khame-nei, le Guide suprême, mais Dieu (celui qu’il vous plaira,je ne suis pas sectaire) a tout de même bien voulu quece ne soit pas un acolyte de Mahmoud Ahmadinejad,le fou furieux qui rêvait d’exterminer les quelque septmillions huit cent mille citoyens de l’Etat hébreu, quisorte des urnes. J’aime le peuple iranien: il suffit de selaisser emporter par sa littérature, son cinéma, sa musi-que, et les iris d’Ostovani, pour comprendre que le mothaine n’est décidément pas iranien.

DIMANCHE DÉNOMBRER L’ARMADARouen clôture son Armada. Sixième du nom, sixièmeréussite. Tard le soir, sur la ligne de banlieue de Mantes-la-Jolie, je voyage de concert avec des marins du trois-mâts barque Cuauhtémoc. Sur cette ligne réputée malfa-mée, ils n’ont pas peur de porter leur uniforme. Ils sontfiers, ils rient, flirtent avec des jeunes femmes câlines.Combien de visiteurs, cette année, pour l’Armada? Per-sonne n’en sait trop rien. Mais beaucoup, ça, c’est sûr!D’aucuns disent deux millions, d’autres parlent de dixmillions. Bon, c’est comme pour les manifs. Sauf quedans le cas de l’Armada, ça ne prête pas à conséquence.Tandis que pour les manifs, ça devient de plus en plusgrotesque : car enfin, comment un gouvernementpeut-il, en 2013, ne pas être fichu de compter avecexactitude une foule en marche ? Il existe pourtant,m’assure-t-on, un système infaillible: un hélicoptèreéquipé d’un laser. Mais il paraît que ça coûte un peucher. Ah oui ? Parce que personne (et bien sûr aucunresponsable politique) n’a jamais gaspillé des heuresd’hélicoptère, dans notre douce France ?

LUNDI EMBRASSER L’AVIONSalon aéronautique du Bourget. L’entrée est (jusqu’àjeudi) réservée aux professionnels. Dommage, j’auraisvoulu voir de près l’A350 et (re)voir l’A380. Je nourrisune passion dévorante pour les avions commerciaux,avec un fantasme particulier pour les Airbus: j’ai tou-jours eu envie d’en embrasser un sur son museau blanc.Le rêve de ma vie aurait été de présider aux destinéesd’une compagnie aérienne, même une toute petite quin’aurait eu dans sa flotte que des avions à moteur élasti-que. Enfant, dans la maison des vacances, j’accrochaisaux branches d’arbres des avions faits de planches pein-tes en bleu Air France.A défaut du show du Bourget, je me retrouve à Orly oùje dois prendre un vol (très) matinal. Le seul moyen dene pas le rater, c’est de dormir près de l’aérogare. Passerla nuit dans un hôtel aéroportuaire est un régal. Sur-prendre les conversations, tenter de deviner les destina-tions. J’imagine qu’il y a des voyages tragiques, des gensqui s’envolent vers des deuils, des désastres, mais onne les distingue guère des autres passagers. Je n’ai passouvenir d’avoir jamais vu pleurer dans une aérogare.Ni à bord d’un avion. Dans des trains, oui. Lunettes noi-res masquant des yeux rouges et Kleenex froissés, ça serencontre. Mais ça ne s’aborde pas: que dire, quels motstrouver, comment apaiser un drame dont on ne sait

rien ? Etre le consolateur des wagons-lits, ce seraitpourtant un beau rôle. J’ai raffolé des wagons-lits. Pourla plupart des gens, le voyage est inséparable du soleil,pour moi il est intimement lié à la nuit.

MARDI LA VIE EN GPSOrage violent. Rien à dire, il éclate à la minute près oùil était prévu. La météo était pourtant tellement plusdrôle quand elle cafouillait. C’est d’ailleurs la seulechose dont l’incertitude me ravissait. Sinon, pour toutle reste, je n’en finis pas de vérifier et de revérifier, d’es-sayer de prévoir et d’analyser le potentiel d’exactitudede mes prévisions. La vie en GPS, quoi! L’ami qui devaitvenir dîner ce soir est arrivé avec plus d’une heure deretard. J’habite un petit village à la campagne, certes,mais ça n’est pas une raison! «J’avais bien branché monGPS, explique-t-il, mais je n’ai pas cru ce qu’il me di-sait…» Ne pas faire confiance à son GPS: et si c’était unedes dernières aventures possibles dans ce monde triste-ment prémâché ?

MERCREDI GARDIEN DE MOTSA Brest, pour une rencontre signature à la librairie Dia-logues, établissement qu’il est inutile d’affubler d’ad-jectifs tellement le mot librairie suffit à le qualifier, àl’honorer. Il y a en France quelques librairies commeça. Pas nombreuses. L’élite, aujourd’hui, ce n’est plusforcément parmi les auteurs qu’il faut la chercher, maisparmi les libraires. Charles Kermarec, qui créa Dialo-gues, m’invite à dîner avec Michel Serres. Lequel, ense livrant à une sorte de micro-trottoir autour de la ta-ble, démontre que certains mots qui me sont familiers,des mots pour moi aussi banals que «bakélite», «houp-pelande» ou «écouteur», ont failli disparaître du dic-tionnaire de l’Académie parce que trop de gens, désor-mais, n’ont plus la moindre idée de ce à quoi ils serapportent. La seule raison de leur survivance dans lescolonnes du dictionnaire, c’est leur présence dans desœuvres littéraires auxquelles on continue de faire réfé-rence. Si plus personne ne lisait Balzac, le mot «ra-bouilleuse» aurait été expulsé. Reconduit à la frontièrede l’oubli. Remplacé peut-être par «relou», qui, lui,marche du tonnerre de Zeus. Du coup, je me fais l’effetd’un gardien de zoo préposé à la survie en captivité(puisqu’enfermés dans la cage des pages) de mots envoie d’extinction…

JEUDI CRABES ET GONCOURTMa femme et moi finissons de caser les livres «goncou-rables», c’est-à-dire la plupart de ceux qui vont fairela rentrée littéraire, dans quatre valises. Destination :notre petite maison de la Hague. Qui, le temps d’un été,ressemblera plus à une librairie inextricable et bohèmequ’à la maison de pêcheur qu’elle est supposée être.Mon rythme de lecture sera de deux à trois livres parjour. Avant, quand je partais en mer, j’embarquais dequoi pêcher des crabes. A présent, j’emporte des livres.Mais c’est toujours le même frisson d’excitation: après«y a-t-il une bestiole à pinces dans mon casier ?», c’estmaintenant «y a-t-il un prix Goncourt dans les pages dece livre ?»

VENDREDI LE REX ET L’OUVREUSEExposition Jean-Baptiste Sécheret à la galerie JacquesElbaz. Une toile époustouflante : Cinéma le Rex, Brive,la nuit. Un cinéma à la façade noire et aveugle, à l’excep-tion de ses portes vitrées qui se reflètent sur un trottoirmouillé. Quel film joue-t-on cette nuit-là dans ce ci-néma ? C’est la même interrogation que soulèvel’ouvreuse de la toile éponyme et sublime de Hopper.Le Rex de Sécheret et l’Ouvreuse de Hopper: ces deuxtableaux sont, à eux seuls, tout un musée – celui desquestions sans réponses, donc celui des rêves. •

Le consolateur des wagons-lits

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013XVI • LE MAG LIRE

UN ETHNOLOGUECHEZ LE COIFFEURde MICHEL MESSUFayard,231 pp., 18 €.

CAPILLICULTURERebelles ou sacrificiels… le sociologue Michel Messus’amuse à couper les cheveux en quatre.

«D e ce point de vue,le cheveu illustreparfaitement la sen-

tence durkheimienne selonlaquelle nous avons tendanceà aimer ce qui nous contraint,à nous soumettre à ce quis’impose à nous avec la forcede l’évidence, la puissance del’allant de soi.» Waaaou.Durkheim et les tifs, on n’yaurait pas pensé, maismaintenant que le MichelMessu le dit, ça paraît évi-dent : «Dire le cheveu, c’estdéjà énoncer ce qu’en dit lesocial, la manière dont celui-civa le contraindre à être ceci oucela : être un homme ou unefemme, un puissant ou un fai-ble, un Italien ou un Françaissous Louis XIII […], unconformiste ou un rebelle detout temps.»Voilà, c’est dit, le cheveu ason sociologue et ethnolo-gue, chercheur au CNRS, en-seignant à la fac de Nantes.Prof de cheveux ? Non, ça,c’est coiffeur titulaire, l’eth-nologue s’est borné (si l’onose dire, car l’ouvrage estfouillé comme les cheveuxdu petit avec un peigne àpoux) à aller enquêter dansles salons de coiffure dumonde entier, à fouiner surles gestes quotidiens et lesrituels avec lesquels nousentretenons notre patri-moine capillaire, à en racon-ter l’histoire (du cheveu), àen torturer la symbolique,dans ce passionnant Un eth-nologue chez le coiffeur.Comme on lirait Mon coiffeurchez les indigènes, tantl’ouvrage se dévore commeun récit de voyage plutôtmarrant sur certains chapi-tres, à l’image de ceux sur lavie dans les salons, le métierde coiffeur, ce qu’on vient ychercher…Les autres chapitres sontévidemment moins du res-sort de l’enquête-terrain. Telcelui sur la passionnantesymbolique sociale, reli-gieuse, sexuée, sacrificielledu cheveu : «Sans ses che-veux, l’individu n’est plus unepersonne», comme le mon-trent les scalpations desIndiens, l’abolition de lachevelure dans les rituelsreligieux d’entrée au cou-vent ou au monastère ouchez les punks et leurs

iroquoises, les zazous etleurs cheveux gras, la révoltedu cheveu long en période dedictature, les rastas et leursdreadlocks, etc.Le cheveu est aussi in-vraisemblablement sexuel,«dissimulé aux étrangers»,dans l’islam, caché parsimple obligation coutu-mière dans la loi juive: il fautcouvrir les cheveux desfemmes, afin qu’elles ne dé-tournent pas l’esprit del’homme (faible, par défini-tion) de la prière.Restons sur les cheveux desfemmes : encore un bonmoyen – si toutefois il enfallait un de plus– de les op-primer, de les humilier. Un«signe de déviance sociale,voire de trahison ontologique[…]. La faute commise, ra-pidement transformée en crimeperpétré, est ainsi symbo-liquement attribuée à la che-velure.»Un exemple poignant, lestondues de la Libération,«victimes émissaires», écritMichel Messu, au chapitre«le cheveu sacrificiel et ex-piatoire» : on les frappe, onleur arrache leurs vêtements,on leur accroche des pan-cartes «fille à Boches». Pisencore, on leur coupe lesymbole de leur féminité, etpartant, de leur sexualité,souvent mal, le coiffeur étantlà improvisé, leur laissant lecrâne ras, dans la honte desinsultes et des crachats.La révolte, la contestation,la misogynie séculaire, lareligion, le sacrifice, le com-merce… Toutes nos époquestiennent dans un cheveu.

EMMANUÈLE PEYRET

PARISLES PIEDSSOUS TERRE«Où existe-t-il encore des endroits dans le monde nefigurant sur aucune carte?» questionne Basile Ce-net. Nulle part, hormis sous nos pieds, à Paris, oùs’entremêlent carrières, souterrains et caveaux,construits à partir de 1777, officiellement interditsau public depuis 1813 mais toujours visités deux

cents ans après.C’est le sujet de l’ouvragede Basile Cenet, explorateurcavernicole depuis dix anset grand fondu de cet uni-vers défendu, secret et gri-sant. Construit comme unvéritable carnet de bord, lelivre décrit les déambula-tions de l’auteur dans«l’envers du décor» pari-sien. Décor physique : descatacombes et galeries.Alternatif : avec ses freeparties et bars enfouis.Technique : des portes,câbles et plans. Et enfin so-ciologique : une véritablecommunauté de «vaga-

bonds» y circule et cohabite.Dans cet univers de liberté totale, où l’explorateurest un jour géologue, l’autre archéologue, où secroisent des personnes aussi étonnantes que l’Ecu-reuil ou l’Homme minéral, les descriptions variéesdes lieux les plus incongrus permettent un élogede la transgression créatrice. Mais, ce qui fait deBasile Cenet un homme libre, c’est son activisme,sa curiosité et sa détermination ; il est ainsi librede tout «sa-voir». Et lorsque l’auteur «maudi[t]les jeunes puceaux parisiens qui descendent dans leréseau seulement pour pouvoir rayer une ligne de leurliste de choses à faire au moins une fois dans leur vie»,le lecteur n’a plus envie de se contenter d’une sim-ple visite aux catacombes de Denfert-Rochereau,mais s’imagine –déjà!– participer au développe-ment du concept cataphile…

CLARA WRIGHT

MÉMENTO

LES CHOIXDU CAHIER LIVRESDu Maghreb au Machreq, le voyage de Gilles Kepelà l’heure des révolutions: Passion arabe (Galli-mard). La littérature gay de Guillaume Dustan(1965-2005), en trois autofictions percutantes :Œuvres t. 1 (P.O.L). Le Hongrois Deszö Kosztolá-nyi, à la fin des années 20, mène une série d’entre-tiens avec divers corps de métiers : il en ressortd’hilarants Portraits(La Baconnière). Pilier dela SF, Philippe Curval nous envoie dans la baie deSomme, Juste à temps (La Volte). Quand le so-ciologue Erving Goffman sortait de la sphère pri-vée: Comment se conduire dans les lieux pu­blics (Economica). Où la gratitude est un lien quilibère: le Don, la dette et l’identité, de JacquesT. Godbout (Bord de l’eau). Qu’en est-il de la do-mination à l’heure des réseaux ? La réponse deManuel Castells dans Communication et pou­voir (la Maison des sciences de l’homme). Scènesde l’amour conjugal: Couples en psychanalyse,sous la direction d’Eric Smadja (PUF).

VINGT MILLELIEUX SOUSPARIS de BASILECENETEditions du Trésor,276 pp., 18 €.

Autoportraits de la série «Faces», réalisés sans truquage.PHOTOS OLIVIER CULMANN. TENDANCE FLOUE

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 COMPRENDRE LE MAG • XVII

Traducteur en France de Neige et d’Istanbuld’Orhan Pamuk, Jean-François Pérouse estaussi géographe. Il n’est jamais revenu d’unséjour d’études à Istanbul fin 1999 qui devait

durer six mois, et dirige aujourd’hui l’Institut françaisd’études anatoliennes (Ifea), dont l’Observatoire ur-bain d’Istanbul (Oui) permet d’étudier et de mettreen perspective les récents événements dans la capitaleéconomique et culturelle turque. Le géographe s’atta-che à déjouer les nombreux clichés sur cette méga-pole. Ce n’est pas New York, c’est davantage une villemulticulturelle que cosmopolite. Une mégapole à lafois turque et mondialisée.Les derniers projets d’aménagement ont déclenché unevéritable insurrection pacifique. Pourtant, la plusgrande ville européenne de Méditerranée ne doit pasen être à son premier plan d’aménagement urbain…Entre 1950 et 2000, la population d’Istanbul a étémultipliée par neuf. Le développement de la ville s’estaccéléré surtout à partir des années 50 ; entre 1970et 2010, la population stambouliote passe de 3 à12 millions. Jusque dans les années 80, c’est surtoutl’exode rural qui nourrit cette croissance urbaine. Puiselle devient exponentielle. La ville n’a pas attendu les

planificateurs. C’est le règne quasi exclusif du secteurspéculatif privé. L’expansion spatiale se fait en «tâched’huile», en suivant les grands axes de communica-tion. Des quartiers autoconstruits, qui finissent parêtre légalisés, aux no man’s lands traversés par cer-tains axes routiers qui mènent aux périphéries, onpeut parler d’une anarchie urbaine et d’une énergiecertaine.Comment la carte électorale peut-elle se lire so-cialement ?La carte des résultats des élections locales du 29 mars2009 –croisée à une carte du niveau socio-économi-que des ménages– montrerait la coïncidence entre lesquelques arrondissements remportés par le Parti répu-blicain du peuple (CHP) et les «beaux quartiers». C’estune des singularités de la social-démocratie nationa-liste turque. La classe moyenne conservatrice qui aémergé durant les années AKP (depuis fin 2002) nesemble pas encore se distinguer par son comporte-ment électoral.Quels sont les lieux des événements ?L’épicentre est connu – le parc Gezi et la place Tak-sim–, quoique déjà différencié socialement et topo-graphiquement et à contours variables. Entre la place

et le parc à proprement parler, on avait de grandesdifférences sociales et politiques: la place en contrebasdu parc était investie par des organisations de gaucheradicale à la base beaucoup plus populaire. Outre cetépicentre, on peut distinguer quatre types de lieuxd’affrontements: les points d’accès à Taksim (Besiktas,l’entrée des ponts sur le Bosphore, l’avenue Istiklal…),les beaux quartiers (Nisantasi, Akaretler…), quelquesquartiers populaires de gauche radicale (Bir Mayis,Gazi, Sarigazi, Nurtepe) et certains quartiers où la po-pulation alévie est importante, les deux derniers typespouvant se recouper. La carte des rassemblementsmassifs sans affrontements coïncide en partie aveccelle des quartiers aisés, où l’on vote social-démocratenationaliste. Toujours est-il que les arrondissementsoù la population kurde est importante et les quartierspopulaires sunnites –la grande majorité– sont restésen retrait. Depuis mardi, on assiste à une métamor-phose des répertoires d’action et à un redéploiementdans certains quartiers en fonction des enjeux urba-nistiques, selon le principe «Taksim, c’est partout».

Recueilli par CATHERINE CALVETCartographie PASCAL LEBOUTEILLER

Atelier de Cartographie de l’Ifea-Istanbul.

A Istanbul, la contestation turque prend ses quartiers

POINTS DE VUE ET CARTES DU MONDE

km0 10 20

© Atelier de cartographie - IFEA - Juin 2013, Jean-François Pérouse

LES����ARRONDISSEMENTSDU�DÉPARTEMENT�D'ISTANBUL

EN�����

LES�AFFRONTEMENTSAVEC�LA�POLICE

RASSEMBLEMENTS�SANSAFFRONTEMENTS

ARRONDISSEMENTS�EMPORTÉS�PAR�LE�CHP�

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ARRONDISSEMENTS�EMPORTÉSPAR�L’AKP��PARTI�POUR�LA�JUSTICE

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ORTÉSUSTICE

AVCILARBAĞCILAR

BAKIRKÖY

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EYÜPSARIYER

BEYKOZŞIŞLI

KAĞITHANE

BEŞIKTAŞ

BAYRAMPAŞA

BEYOĞLU

GÜNGÖREN

FATIHÜSKÜDAR

ÜMRANIYE

KADIKÖYATAŞEHIR

MALTEPE

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SULTANBEYLI

PENDIK

SANCAKTEPE

ÇEKMEKÖY

ŞILE

TUZLA

ADALARZEYTÏNBURNU

BAHÇELIEVLER

GAZIOSMANPAŞA

ÇATALCA

SILIVRI

ARNAVUTKÖY

BÜYÜKÇEKMECEESENYURT

BEYLIKDÜZÜ

KÜÇÜKÇEKMECE

MER NOIRE

MER DEMARMARA

TURQUIE

Istanbul

ÉPICENTRE�TAKSIM��HARBIYE

Page 32: Liberation

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013XVIII • LE MAG REGARDER

RETRAITEMENTMarie Drucker, Frédéric Lopez, LaurentRuquier, Stéphane Bern, Daphné Rou-lier, Anne-Elisabeth Lemoine, NathalieIannetta, Ariane Massenet. Ils ont tousété pressentis mais tous ont refuséd’animer la future émission quoti-dienne de 18 heures que France 2compte lancer à la rentrée. A ce train-làde désistements, on vous fiche notrebillet que le passé nazi de l’interprète deDerrick, feu Horst Tappert, qui a valu àla série allemande d’être excommuniéedes écrans publics, tout compte fait,hein, c’est vieux les nazis, tout ça.

RECONVERSIONEn même temps, sont-ils chichiteux, lesDrucker, Lopez, Bern… A croire qu’ilsne veulent pas travailler, tous ces nantisde la télé. Prenez Julien Courbet. Viré deTF1 en 2008, viré de France 2 cette an-née et récupéré juste avant Pôle Emploipar TMC, notre Juju n’a pas hésité: il vareprésenter sur la filiale de TF1, dont leconcept génial consiste à rediffuser lagrille de la Une d’il y a dix ans, Sansaucun doute. Oui, l’infâme émission oùCourbet résolvait des conflits de voisi-nage par téléphone en lançant son célè-bre slogan : «La régie fait le numéro.»

RÉCUPÉRATIONIl est pas mal, quand même, ce mer-cato 2013. Las, comme chaque année,certains animateurs sont oubliés sur lesaires d’autoroute des grilles de pro-gramme et voient encore une fois passerleur tour. Ayons ainsi une pensée pourGuillaume «Comment dirais-je?» Du-rand qui s’est rappelé à notre affectionà la faveur d’une interview dans le Fi-garo. «Aujourd’hui, analysait-il, c’est legrand retour des ambianceurs à la télévi-sion, à cause de la pression du Net, deYouTube, du buzz.» Oui bon d’accord,il est très bien sur Radio Classique.

BONNENOUVELLECette semaine dans Motus (France 2),Thierry Beccaro a chanté du IAM.

MAUVAISENOUVELLEIl a aussi chanté du Hervé Vilard.

INSTANTS TÉLÉ

ISTV

AN

BAJZ

AT.A

FP

En 1991, et «Nulle part ailleurs»

BOURRE­PAF

Par RAPHAËL GARRIGOS et ISABELLE ROBERTS

Antoine de Caunes était giga cool avec ses rouflaquettes. J.P. COUDERC. ROGER­VIOLLET

Allez, aujourd’hui, on vous dit tout:ahlala, quelle semaine. Il y a eul’interview de Rodolphe Belmer,le patron de Canal +, où il confir-

mait notre scoop de lundi, à savoir l’arrivéeau Grand journal, en septembre, d’Antoinede Caunes, vous savez celui quifffFZ-LIOUUSSCHBLOINGBOng-bangkrr…KRAkaboing… Hey, mais c’est giga zarbi!Hein? «Giga zarbi»? Mais que nous arrive-t-il ? Et c’est quoi, ce clavier étrange ?Mais… Mais… Mais… Nos doigts! ILS SONTTOUT PETITS ! Et nos jambes si courtes,avec des croûtes aux genoux. Au calendrier,pas d’erreur, on est bien le samedi 22 juin.1991. Quoi ? 1991 ? Mais alors, on a 8 ans.Oui bon, ta gueule. En tout cas, on est trèsjeunes. Plus jeunes. Hé, là-bas, le mec qui,pas gêné, fume dans le journal avec sagrande casquette et ses lunettes immenses,mais oui, c’est Serge Daney. Et cet énormemachin avec ce drôle d’écran bombé, çadoit être une télé. Et le giga zarbi, c’estaussi du 1991 tout craché. Trop pas swag lasituation. Enfin non, plutôt total nazebro-que la situation, on est en 1991 (1). C’estbien gentil, mais on a un Bourre-Paf àécrire, nous. Ne nous reste qu’une chose àfaire : allumer la télé, fût-elle de 1991.

Samedi TostakyTatadatadaaaa… tatadatadaaaa… «Salut lesptits clous !» Le Top ! C’est l’heure duTop 50! Ouais, on regarde, mais c’est telle-ment trop le seum, enfin non, hyper nul-los: Saga Africa de Yannick Noah en troize,Désenchantée de Mylène Farmer en deuzeet Auteuil-Neuilly-Passy des Inconnus enun. Les boules. Alors que nous, notre com-pact du Ciment sous les plaines, de NoirDés’, on l’écoute, mais alors gavé: «TOS-TAKYYYY…!» On a beau avoir sept chaînes(ben oui : TF1, Antenne 2, FR3, Canal+, laCinq, M6 et la Sept – même si la Cinq, y aquand même un peu trop de neige, desfois), on va rester sur Canal+: à 22 heures,c’est les Nuls, l’émission (où Farrugia nousdonne le secret pour garder ses toilettespropres : «Je vais chier chez mes voisins»),avec François Cluzet. La haine, on va raterBouillon de culture sur Antenne 2 avec Jacobvan Dormael, le réalisateur de Toto le héros.Mais on devrait être à l’heure pour la Sérierose sur FR3, à 0 h 05, hihi.

Long dimancheAh tiens, Michel Denisot. Heu, on n’avaitpas dit que c’était fini, Le grand j… ? Maisnon, c’est bien notre placide Mimiche de1991 dans un best of de Mon cirage à moi,pardon Mon zénith à moi. Il va être long, cedimanche: Jean-Louis Bianco dans l’Ecoledes fans sur Antenne 2, Pierre Bachelet dans7 sur 7 (ou l’inverse) sur TF1, Maguy sur laDeux («avec elle, ça bouge»), Ladislas deHoyos annonçant au 20 heures de la Une lasombre histoire d’une femme assassinée lejour même qui a écrit avec son sang «Omarm’a tuer», Jack Lang dans Mille Bravo surFR3… Et sur M6 à 22 h 35, la Clé, de TintoBrass. Oui, en 1991, on a les hormones quidansent le smurf en permanence.

Lundi chez RaoulRien de tel qu’un petit épisode d’Alf pourvous mettre en train (Antenne 2, 18h30) etça vous emmène pile jusqu’au Top 50 (pff,Jil Caplan a perdu neuf places) et Nulle partailleurs. L’ellipse de Canal +, puis les troisnotes du générique, jamais on en manqueun; on a même un carnet de notes avec lacouverture marbrée noire du plateau. Voilàune émission qui, comme dit notre grand-père, a du fun et du pep’s. Jeremy Irons eninvité, ce lundi, ouais d’accord, mais on at-tend Antoine de Caunes à la fin de l’émis-sion en Raoul Bitembois et sa voix déforméeaussi grave que son slip, Aquarium, le hip-pie défoncé en permanence, Gérard Lan-guedepute et ses cheveux dégueulasses etbien sûr Ouin-ouin, le scout martyr sur-nommé «Pine d’huître» par ses camarades(«Pine d’huître, il a pas d’orga-neu»).

Mardi: droit de vetoCette fois, c’est décidé : on sait ce qu’onfera quand on sera grands. Ça nous a prispendant Ciel, mon mardi ! où ChristopheDechavanne recevait Claude Brasseur. Etil y a eu un sujet sur les animaux domesti-ques: quel flash dans nos têtes! On veut de-venir vétérinaires. Voilà, c’est dit. On esttrop trop trop impatients d’avoir une jolieplaque dorée avec écrit dessus : «Cliniquevétérinaire du Dr Garriberts». Ce sera telle-ment tellement hypra bien.

Mercredi: c’est CroatieLu Libération ce matin qui raconte la pro-clamation d’indépendance de la Croatie etde la Slovénie et s’alarme de possibles déri-ves. N’importe quoi: tout va bien se passer

et la Yougoslavie a encore de longues an-nées devant elle. En revanche, cette fois,c’est sûr : avec sa déclaration sur «le bruitet l’odeur» des potes immigrés, jamais Chi-rac ne sera élu président de la République.Cool. Giga cool. Sinon, les parents nous ontobligés à regarder la Marche du siècle. Si çacontinue, on va faire une fugue.

Jeudi: on litOù sont-elles, les promesses de mieux-di-sant culturel prononcées lors de la privati-sation de TF1, hein? Rendez-vous compte:Ex-Libris, l’émission littéraire de PatrickPoivre d’Arvor (et si on disait PPDA pouraller plus vite?) est diffusée à… 22h35! Etpourquoi pas à 4 heures du matin tantqu’on y est ?

Vendredi: ça suffitHeureusement que, ce soir à 22h30 sur laCinq il y a Mystères à Twin Peaks (vivement:dans l’épisode de la semaine dernière,l’agent Cooper mettait Bob sous les ver-rous). Parce que la télé quand même, c’estbien ripou. Télématin avec William Leymer-gie à 6 h 30 tous les jours sur Antenne 2,Amour, gloire et beauté encore sur la Deux,Des chiffres et des lettres, Questions pour unchampion, les Feux de l’amour sur TF1, Unefamille en or et la Roue de la fortune toujourssur la Une, la Petite Maison dans la prairiesur M6… Hé, ho, les présidents-directeurs-généraux de la téloche, ça va durer encorelongtemps ? Ça craint, on vous le dit, çacraint du boudin. Pourvu que les généra-tions futures n’aient pas à subir ça. •(1) Ah au fait, à ceux qui nous croient enfermésdans «Secret Story» depuis la semaine dernière,en vrai, on n’est pas en 1991 non plus.

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 CHRONIQUES LE MAG • XIX

Nous refusons de donner aux enfantsune éducation sentimentale à l’école,en dépit des désastres qu’une tellecarence produira dans leur existence.

Des suicides, des dépressions profondes, desmeurtres, des accidents irréversibles. Maisaussi des relations pauvres, des souffrancesmorales longues et pénibles, des processusd’exclusion sociale, ou des vies tristes qui se-ront le prix à payer pour leur ignorance.Nous faisons comme si l’amour, tout ce quile précède et qui le suit, ne méritait pas unenseignement formalisé et autonome. Nousnous plaisons à imaginer que c’est facile, évi-dent. Qu’il suffit d’avoir grandi dans une fa-mille, d’avoir des amis, d’écouter des chan-sons, d’aller au ciné, de regarder la télé ou delire des romans pour que les cœurs et les es-prits soient prêts pour cette expérience sifondamentale. Personne ne met en garde lesenfants contre les passions trop enflammées,contre la déception, les dangers des chagrinsd’amour.On ne leur donne pas les moyens les plus sa-ges et les plus pratiques pour faire souffrir lesautres le moins possible. On n’essaye pas deleur apprendre les meilleures techniquespour qu’un amour dure, pour bien choisir unpartenaire, entretenir des liens susceptiblesde leur permettre de s’épanouir ensemble.Il faut souvent toute une vie d’erreurs et desouffrance pour le comprendre. Ceci pourraitexpliquer que tant de personnes vivent leurpremière aventure amoureuse réussie après

70 ans, alors que le temps qui leur reste seraccourcit comme peau de chagrin.Or, au lieu de prendre ces lacunes éducativesau sérieux, au lieu de nous mettre à imaginerdes programmes, à former des professeurs,nous laissons les catholiques et les féministesoccuper le terrain et se disputer à propos del’introduction de la théorie du genre dans lesécoles. Comme si ce qui était le plus impor-tant était notre identité sexuelle et surtoutqu’on ne soit pas exploités ou humiliés entant que membres d’un groupe minoritaire,tout en négligeant l’importance d’une viesentimentale réussie.On dira que les rapports de pouvoir empê-chent précisément que naissent et grandis-sent de beaux liens amoureux. Pourtant, onpourrait parfaitement renverser cet argu-ment et penser que les idéologies archaïqueset inégalitaires ne survivent au sein du coupleou de la famille que par notre analphabé-tisme en matière amoureuse. Car qu’y a-t-ild’autre dans l’expérience de l’amour, sinonl’art de voir des singularités là où d’autres

n’y voient que des généralités? Le pouvoir depercevoir l’autre comme un monde inex-ploré, dense, rare, unique, alors que ceux quine l’aiment point y voient un homme, unefemme, un enfant, un chien. Et plus l’amourdevient savant, plus il a cette force de sub-vertir toutes les catégories de la pensée aveclesquelles nous voyons aussi bien les autresque nous-mêmes.Cette question est l’une des principales limi-tes de l’appel à politiser la vie privée que lesgroupes qui s’autoproclament progressistesne cessent de le faire. Certes, il a fallu passerpar ce stade, il y a quelques décennies, pourdéfaire un monde institutionnel trop rigide,pour libérer nos cœurs et nos corps desmailles serrées du mariage bourgeois. Pourcomprendre que l’expérience amoureuseétait condamnée à être chétive et misérabledans un tel cadre légal.Mais nous avons eu le tort de réintroduire dela politique, des dominants et des dominés,des bourreaux et des victimes, au lieu de faireen sorte que l’apprentissage de l’amour nous

ouvre à des vies plus joyeuses. Plus encore.Au lieu de politiser la vie privée, nous aurionsdû faire en sorte que l’amour envahisse aussila vie publique.Non pas l’amour de l’Etat, dont les minoritésattendent de nos jours ce concept misérablequ’est la reconnaissance. Mais un Etat trans-formé en église qui sape l’idée même del’Etat. Autrement dit, pour que la régulationdes comportements humains ne se fasse pluspar la contrainte juridique et morale, ces for-ces destructrices et mesquines, mais par cel-les positives et créatrices de l’amour.Voilà pourquoi Vincent Peillon a raison de nepas prendre parti dans cette lutte absurde surl’introduction des théories du genre dans lesécoles. Les deux parties de ce conflit sont demèche pour continuer à moraliser et à politi-ser la vie privée au lieu de penser à lameilleure manière de donner une éducationsentimentale à nos enfants. A leur apprendrecomment faire pour bien aimer et à se servirde ces expériences non seulement pour avoirdes vies réussies mais aussi pour favoriserl’apparition d’une ère inouïe de la politique.Pour qu’une nouvelle génération d’enfantssentimentalement savants sorte dans les ruesavec des pancartes qui diront «le public estprivé». Non pas pour fermer à quiconquel’accès à la sphère politique mais pour qu’ony remplace les critères archaïques du bien etdu mal, du juste et de l’injuste, du nationalet de l’étranger par d’autres plus réjouissantsissus du mystérieux art d’aimer. •

L’amour, coefficient 9

À CONTRESENS

Par MARCELA IACUB

The American Love, sculpture de Robert Indiana exposée dans le parc de Chatsworth House, au Royaume­Uni, en 2008. PHOTO ADRIAN DENNIS. AFP

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013XX • LE MAG JE ME SOUVIENS

ciations de charité… L’argent dont il a bénéficié a semble-t-ilété considérable. «Quelque 300 000 bassidji avec entre leursmains plusieurs milliards de tomans [1 000 tomans valent1 euro], cela peut changer beaucoup de choses», déclare IssaSaharkhiz, un intellectuel proche de Moustapha Moïn, l’undes candidats réformateurs. Un responsable de la campagnede Rafsandjani confiait avoir été sidéré par les capacités mo-bilisatrices des forces soutenant Ahmadinejad. Selon Sa-harkhiz, c’est bel et bien Qalibaf, dont la campagne électoraleavait été magistrale, qui aurait dû être le champion du campconservateur. «Mais, avant le premier tour, ses deux fils se sontfait prendre alors qu’ils distribuaient des “chab nameh” [pam-phlets distribués clandestinement la nuit, hostiles à Rafsand-jani]. Ce dernier a alors obtenu du Guide que Qalibaf sorte dujeu et soit remplacé par un autre ultra : Ahmadinejad.»C’est donc un relatif inconnu qui prend en main le destin del’Iran. Non seulement il n’a pas fait connaître son pro-gramme, se contenant de répéter sa fidélité aux dogmes de

la révolution islamique qu’il entend revivifier, mais on ignoreavec quelle équipe il gouvernera. Considéré comme l’idéolo-gue du nouveau radicalisme islamique, il peut aussi comptersur le soutien de Khamenei, des jeunes religieux, de certainesécoles théologiques et du Parlement, dont la majorité desdéputés ont des idées tout aussi radicales. Ce qui inquiètebeaucoup d’acteurs de la société civile, c’est la militarisationde la nouvelle classe diri-geante. Nombre de députéssont issus des milices ou despasdaran. Ahmadinejad futofficier des forces spécialesde ce corps d’élite et lesdeux autres candidats con-servateurs présents au pre-mier tour ont exercé des res-ponsabilités dans l’arméeidéologique.Avec cette élection, les cou-rants conservateurs conquiè-rent le dernier rouage quileur échappait. C’est la pre-mière fois depuis le début dela Révolution islamique quetous les pouvoirs sont con-centrés entre les mains d’uneseule tendance du régime.L’élection d’Ahmadinejad àla présidence renforce encoreKhamenei, dont il est trèsproche. «Le Guide suprêmen’a aucune faiblesse, car si telétait le cas, les médias de l’op-pression mondiale [i.e. lesEtats-Unis] nous auraientcassé les oreilles», a-t-il dé-claré avant d’ajouter qu’aussibien du temps de l’imamKhomeiny qu’aujourd’hui,«le plus précis et le plus beauleadership divin est appliquédans ce pays».Son élection intervient aprèscelle d’un autre «laïc» à latête du Parlement, ce qui di-minuera encore le poids deces deux responsables, tou-jours au profit d’Ali Khame-nei. Ce dernier règne doncpour la première fois sanspartage sur l’Iran, ce quiconstitue une rupture parrapport aux présidences deRafsandjani, puis de Mo-hammed Khatami, lesquelss’étaient régulièrement op-posés à lui. On s’attendmême à ce qu’il modère lesinclinaisons extrémistes dunouveau président. «LeGuide n’est pas aussi conser-vateur qu’on le croit, indiqueBijan Khajehpour, qui dirige un cabinet de consultationspour des firmes étrangères. Ce qu’il ne veut pas, c’est que deslignes rouges soient franchies, que le processus politique échappeà son contrôle comme cela s’est passé avec Khatami.» «Dès queles conservateurs auront pris tout le pouvoir, ils vont se diviser»,prédit pourtant Ahmad Zaidabadi, un responsable du quoti-dien As-Shahr. Même s’il a boycotté le scrutin, cet analystea préféré voir élire le candidat «le plus dur»: «Cela obligerad’autant plus l’opposition à s’organiser et alors on pourra voirquel leader surgira.» •

S eul un sondage des bassidji (les milices islamiques)avait prévu sa victoire. Les autres le voyaient loin der-rière Rafsandjani, les candidats réformistes, et mêmederrière un autre ultraradical, l’ancien chef de la po-

lice de Téhéran, le populiste et populaire Mohammed Qalibaf,qui, de surcroît, avait les faveurs du numéro 1 du régime, leGuide Ali Khamenei. Aujourd’hui encore, le succès électoralfracassant de Mahmoud Ahmadinejad n’a pas levé tous lesmystères. S’il y a eu un incontestable mouvement populaireen sa faveur, le combat s’est aussi déroulé, comme souventen Iran, derrière le rideau.Comme l’ont déploré ses adversaires, tout l’appareil révolu-tionnaire s’est mobilisé pour lui : les milices, les pasdaran(gardiens de la révolution), le réseau des mosquées, les an-ciens combattants de la guerre Irak-Iran, les très riches asso-

Par JEAN­PIERRE PERRIN Envoyé spécial à Téhéran(Libération du 27 juin 2005)

Dans lesarchives de«Libé», il y

a huit ans.Mahmoud

Ahmadinejadveut revivifier

la révolutionislamique.

Le nouveauprésident ne

manquerapas de

soutiens :les conser-

vateursviennent de

conquérirle dernier

rouagequi leur

échappait.

Un tour radical

L’ESPOIR, AVECMODÉRATION«Il n’y a pas debonheur plus grandque la chute d’unedictature.» C’est ainsique Libération saluait,en février 1979,la chute du chah d’Iran.Comme toute lapresse, nous ignorionsalors qu’il n’y a pasde plus grand malheurque l’arrivée d’unnouveau dictateur.En l’occurrencel’ayatollah Khomeiny,Guide suprême del’Iran jusqu’en 1989.Vingt­quatre ans plustard, le mollah HassanRohani, vainqueurde la présidentielle,renversel’ultraconservateurMahmoudAhmadinejad, réélu en2009, avec une fraudemassive. «La revanchedes modérés», a titréLibération ce 17 juin,osant le mot «espoir»en une. L’espoirincarné par un homme– conservateurmodéré –, membredu clergé chiite, qui afait toute sa carrièrepolitique dans lescercles du pouvoir.La jeunesse etles réformistes nejurent que par lui,Washington considèrequ’il est «acceptable».Wait and see…En Iran, l’histoirerécente a montré quela méfiances’impose. B.V.

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Page 35: Liberation

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 ANNONCES • 15

Page 36: Liberation

Laconférencesocialepatinesurl’emploi

Le Premierministre a lancévendrediles chantierssociaux desprochains mois.

Par FRÉDÉRIQUE ROUSSELPhoto LAURENT TROUDE

L a grande conférence socialea accouché d’une petitesouris. C’était le senti-ment, hier, des partici-

pants, après le discours du Premierministre, Jean-Marc Ayrault, quiclôturait deux jours de débats aupalais d’Iéna, à Paris.En juillet 2012, la première édition,qui surfait sur l’état de grâce de laprésidentielle, lançait les emplois

d’avenir, les con-trats de générationet surtout la négo-

ciation sur la sécurisation de l’em-ploi. La seconde promet trois chan-tiers: la formation professionnelle,la démocratie sociale et les retraites.Du structurel. Mais d’annoncessonnantes et trébuchantes, aucune,dans un contexte où plus de 10% dela population active est au chômage.

ARLÉSIENNE. Face à ce que Fran-çois Hollande qualifiait jeudi de«gâchis pour l’économie», Jean-Marc Ayrault a décrété «la mobilisa-tion immédiate». Or la principalemesure d’urgence annoncée hierconcerne la question des «offresd’emplois non pourvues». Une ar-lésienne à la réalité douteuse (Libé-ration de jeudi), qui concernerait,selon le gouvernement, de 200000à 300000 emplois. Le Premier mi-nistre a ainsi annoncé la mise enœuvre d’«un plan de formationsprioritaires pour l’emploi», dontl’objectif est de permettre l’entréeen formation de 30000 chômeurssupplémentaires en quatre mois,qui correspondraient à ces «oppor-tunités d’emplois» repérées notam-ment dans l’artisanat. Un dispositifdestiné prioritairement aux de-mandeurs d’emploi de longue du-rée. Pourquoi 30000? «Parce qu’ilest utile de se donner un chiffre pourmobiliser les énergies et que c’est unordre de grandeur raisonnable, etambitieux, en quatre mois», expli-quait-on dans l’entourage du gou-vernement.Dès début juillet, le ministre duTravail, Michel Sapin, va ainsi réu-nir syndicats et patronat pour «re-censer les besoins, par région et parsecteur, préciser les outils utilisablesimmédiatement et mobiliser les finan-cements». Une réunion est d’ores etdéjà prévue le 2 juillet entre la ruede Grenelle et les préfets. «Nous de-vons rendre ce plan opérationnel dèsla rentrée de septembre», a ajouté le

Premier ministre, qui a aussi incitéà utiliser plus rapidement les dis-positifs antichômage égrenés de-puis un an par le gouvernement.Comme les emplois d’avenir(30 000 signés fin juin, 100 000prévus fin 2013), les contrats de gé-nération, qui ont démarré dans lespetites entreprises mais qui peinentdans les branches, et les contratsaidés, dont le volume vient d’êtregonflé de 100 000.Autre chantier que le gouverne-ment couve depuis plusieurs mois:une «belle et ambitieuse réforme dela formation professionnelle et de l’al-ternance». Une refonte structurellecelle-là, et «en profondeur» car,comme l’a rappelé Jean-Marc Ay-rault, «20% seulement des deman-deurs d’emploi accèdent chaque an-née à une formation, [et] les ouvriersy accèdent deux fois moins que lescadres». C’est donc pour mieux

orienter la formation profession-nelle vers ces publics – les jeunessans qualification, les salariés con-frontés aux mutations économiqueset les personnes souffrant d’illet-trisme. La méthode sera la mêmeque pour la loi de sécurisation de

l’emploi qui vient d’entrer en vi-gueur : feuille de route gouverne-mentale, négociation entre les par-tenaires sociaux, puis projet de loi«avant la fin de l’année». Le gou-vernement enverra dans les dixjours au patronat et aux syndicatsle document d’orientation, top dé-part de cette négo. La pierre angu-

laire de la réforme sera le compteindividuel de formation, prévu parla loi de sécurisation de l’emploi.Par ailleurs, une concertation surle développement de l’alternancesera organisée à partir de septem-bre. Et qui développera peut-être

«l’idée» de FrançoisHollande, qui avaitparlé, jeudi, d’un con-trat d’apprentissageavec «engagementd’embauche» pour lesentreprises «qui sou-haitent être davantage

associées aux contenus des forma-tions qui sont délivrées». Objectif :«arriver à 500000» apprentis dansles trois ans, contre 435 000aujourd’hui.

GRAND­MESSE. Autre sujet sensiblede la conférence sociale: le régimedes retraites, dont le déficit de-

vrait atteindre 20 milliards d’eurosen 2020. Sans aller plus avant dansles pistes explorées, Jean-Marc Ay-rault a confirmé le calendrier de laréforme, avec un projet de texte enseptembre. «Des décisions coura-geuses» seront à prendre, s’est-ilcontenté de lâcher, quand FrançoisHollande, la veille, avait jugé quel’allongement de la durée de coti-sation était «la mesure la plus juste,à condition qu’elle soit appliquée àtous». Le Premier ministre rencon-trera dès le 4 juillet, un à un, lespartenaires sociaux.De cette grand-messe annuelle,deux expressions sont ressortiesdes discours gouvernementaux :le «dialogue social», pour répondreau «doute» des Français. Sauf qu’àla fin de la conférence, c’est lespartenaires sociaux, chargés dudialogue social, qui finissaient pardouter. •

ANALYSE

Le Premier ministre, vendredi, lors du discours de clôture de la conférence sociale. La patronne du Medef, Laurence Parisot (en bas au centre), a jugé que ce

Trois réformes sont annoncées:la formation professionnelle, ladémocratie sociale et les retraites.Mais d’annonces sonnanteset trébuchantes, aucune.

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 201316 • ECONOMIE

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ECO_futur 2014:Mise en page 1 21/06/13 12:11 Page1

Les syndicats sont sortis déçus de la rencontre. La CGT maintient sa mobilisation de septembre.

Des réunions jusqu’au bout de l’ennuiG rosse déception dans

les rangs syndicaux.En juillet 2012, les

réactions des participants àla première conférence so-ciale avaient été majoritaire-ment positives. L’exercice–et le gouvernement– avaitalors le charme de la nou-veauté. Une année et quelque380000 chômeurs plus tard,les travaux de la secondeédition n’ont suscité aucunenthousiasme. Syndicats etpatronat sont restés sur leurfaim, après un discours deJean-Marc Ayrault pauvre enannonces.Devant les caméras, dans legrand hall du palais d’Iéna, àParis, les réactions allaientainsi du tiède satisfecit à lafranche déception. «Je ne re-grette pas d’avoir appelé àla mobilisation en septembre,tonnait le leader de la CGT,Thierry Lepaon, sitôt le dis-cours du Premier ministreachevé. Dans cette conférencesociale, il n’a jamais été ques-tion de salaire, ni de pouvoird’achat.» Pas rassuré nonplus sur la prochaine réformedes retraites, pour laquelle ilrefuse toute augmentation dela durée de cotisation, Le-paon menace : «Puisque legouvernement n’a pas entenduce que la CGT a dit, il devraentendre les millions de per-sonnes qui manifesteront con-tre ce projet.» Seule avancéepalpable pour le cégétiste: lafuture évaluation du créditd’impôt compétitivité em-ploi (CICE), dont il attendqu’elle démontre l’inutilitédu dispositif – 20 milliardsd’euros d’économie pour lesentreprises.«Baguette». Même mécon-tentement pour Forceouvrière (FO), dont le patron,Jean-Claude Mailly, s’estennuyé ferme durant deuxjours : «Il n’y a rien de nou-veau. Sous Sarkozy, cela s’ap-pelait un sommet social et celadurait une demi-journée; sousHollande, c’est une conférencesociale et c’est deux jours. Onpeut continuer à parler forma-tion, mais seul un changementde politique réduira le chô-mage.» Sur le même ton, laCGC (cadres) déplore uneconférence «passée à côté deses objectifs». «C’est unegrosse déception, juge sa pré-sidente, Carole Couvert. Lesemplois aidés ne sont pas unebaguette magique en matièred’emploi.»Côté patronat, Laurence Pa-risot trouve, elle, «très utilece type de réunions». Mais tireà boulets rouges sur les pro-jets du gouvernement en

matière de retraites: «La fa-çon dont les organisationssyndicales ont réagi m’inquiètebeaucoup. C’est du délire, onest en plein déni de réalité dé-mographique», juge la prési-dente du Medef, qui plaidepour un recul de l’âge légalde départ et refuse toutehausse de cotisation. Seulpoint d’accord entre les par-tenaires sociaux: du Medef àla CGT, aucun ne veut d’unesous-indexation des pen-sions en référence aux prix,une piste du rapport Moreau

que le gouvernement n’a pasdésavouée.«Manque d’élan». Lau-rence Parisot s’est en revan-che dite satisfaite de voirprolongée laréflexion surle finance-ment de lap ro t e c t i o nsociale, dontelle espèrequ’elle débouchera sur desbaisses de cotisation pour lesentreprises. Le Medef se ré-jouit aussi de voir abordé le

sujet des emplois non pour-vus : «Pour la première fois,un président de la Républiquereconnaît ce problème», salueLaurence Parisot, en agitant

une étude made in Medef quirecense les emplois en malde candidats.Le moins mécontent des lea-

ders syndicaux est LaurentBerger. Le secrétaire généralde la CFDT souligne les«perspectives [de la confé-rence] intéressantes», notam-ment sur la formation. «Laméthode est bonne, mais elledoit produire davantage», ju-ge-t-il, déplorant égalementun «manque d’élan, d’effecti-vité» des mesures de courtterme sur l’emploi. «Quantaux retraites, on ne sait tou-jours pas ce que veut le gou-vernement.»

DOMINIQUE ALBERTINI

«Sous Sarkozy, cela durait unedemi-journée; sous Hollande,c’est deux jours.»Jean­Claude Mailly (FO) vendredi

«L’EUROPESOCIALE»Jean­Marc Ayrault veutpousser trois sujetsauprès de ses partenai­res: l’emploi des jeunes,la lutte contre le dum­ping social et un salaireminimum dans l’Union.

REPÈRES

«Notre actiondoit s’inscriredans deuxtemporalités:le tempsde l’urgence,et le temps longde la préparationde l’avenir.»Jean­Marc Ayraultvendredi

Le patronat a jusqu’aumois d’octobre pouraboutir à un accord«opérationnel» surla représentativitépatronale, accompagnépar le directeur généraldu travail, Jean­DenisCombrexelle.

type de réunions était «utile».

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GROUPE FNACDANONESANOFI

Les 3 plus fortesRENAULTSTMICROELECTRONI.ALSTOM

Les 3 plus basses

-0,31 %14 712,51-0,99 %3 331,21-0,70 %6 116,17+1,66 %13 230,13

Le chef de l’Eurogroupe et les ministres suédois et français des Finances, vendredi. J. THYS. AFP

R éunis pendant deuxjours au Luxembourg,les ministres des Fi-

nances ont laborieusementposé de nouveaux jalons versl’union bancaire. Premieracquis, les Dix-Sept de lazone euro se sont mis d’ac-cord jeudi soir pour honorerune promesse faite au lende-main de la crise bancaire es-pagnole: autoriser à l’avenirla recapitalisation directe desbanques en difficulté par leMécanisme européen de sta-bilité (MES).Fragilité. Jusqu’ici, le fondsde secours de la zone euro nepouvait prêter qu’aux Etats,ce qui, par ricochet, alour-dissait leur dette et plombaitleurs finances. L’Irlande en afait les frais en 2010, puisl’Espagne, l’année dernière,quand elles ont dû emprun-ter respectivement 64 mil-liards et 39,5 milliardsd’euros pour sauver leur sec-teur bancaire.Mais l’accord trouvé jeudi estloin d’être un chèque enblanc. Le ministre des Finan-ces allemand, WolfgangSchäuble, a mis les points surles i: «Si certains pensent qu’ilsuffit de solliciter le MESquand une banque a besoind’être recapitalisée, ils setrompent.» Avec les Pays-Baset la Finlande, l’Allemagneétait parmi les pays les plusréticents à devoir mettre lamain à la poche pour lesbanques des voisins.Les Dix-Sept ont donc pla-fonné à 60 milliards d’euros(sur un total de 450 milliards

encore disponibles au MES)l’enveloppe dévolue à cenouvel outil. Ce n’est paslourd, comparé à la fragilitépersistante des bilans desbanques européennes.Deuxième restriction : leMES n’entrera en action quesi la stabilité financière de lazone euro est en jeu. Et sur-tout après que les actionnai-res et créanciers des banquesauront fait leur devoir.Le cercle vicieux entre risquebancaire et risque pour lesEtats n’est donc pas complè-

tement rompu, alors quec’était l’objectif affiché parles dirigeants européens. Eneffet, les Etats concernés de-vront fournir 20% de l’aiderequise. Ce nouveau disposi-tif ne pourra pas entrer envigueur avant le second se-mestre de l’an prochain, caril est conditionné à la miseen place d’un organe uniquede supervision des banques,toujours en discussion.L’un des points les plus déli-cats de la négociation était laquestion de la rétroactivité:pour l’Irlande, la Grèce, l’Es-pagne et le Portugal, faire fi-nancer par le MES l’aide déjàversée à leurs banques allé-gerait le poids de leur dette.Plusieurs pays, dont l’Alle-magne, ne voulaient pas enentendre parler. Finalement,

la porte a été laissée ouverte«au cas par cas».«Nous avons franchi une étapefondamentale vers l’unionbancaire», se réjouissait jeudiPierre Moscovici. Mais unenouvelle nuit de négociationse profilait vendredi, avec ledeuxième plat de résistancede cette réunion : la rédac-tion, à 27 cette fois, d’une rè-gle d’action commune faceaux faillites bancaires.«Solstice». Bien que tous lespays soient d’accord pouréviter de faire appel à l’ar-

gent public, lesdiscussions s’an-noncent difficiles.La directive sou-mise par la Com-mission prévoit de«rincer» d’abord

les actionnaires, puisles créanciers non assurés,puis, le cas échéant, les dé-tenteurs d’obligations dits«seniors», et, en dernier re-cours, les déposants au-delàde 100 000 euros.Après l’émoi créé par le plande sauvetage des deux plusgrosses banques chypriotes,l’Allemagne et d’autres plai-dent pour ce schéma. LaFrance et la Grande-Bretagnedéfendent une certaine flexi-bilité, afin de pouvoir épar-gner, au cas par cas, telle outelle catégorie de déposantsou de créanciers. «Le solsticed’été est le jour le plus long del’année, donc nous avons toutle temps de conclure un ac-cord», plaisantait le commis-saire européen Olli Rehn.

NATHALIE DUBOIS

Le Mécanisme de stabilitéfinancière n’entreraen action que si la stabilitéde la zone euro est en jeu.

L’unionbancaireeuropéenneàpetitspasECOFIN Les ministres des Finances se sont misd’accord sur la recapitalisation des banques par le MES.

C’était Jean­Paul’s day hier à Sciences­Po. Le professeurd’économie Jean­Paul Fitoussi était le sujet même d’uneconférence consacrée à ce chef de file du courant néo­keynésien réputé pour son éclectisme et sa vision «trèshétérodoxe», comme il le revendique. Pas moins de cinqprix Nobel (Kenneth Arrow, Joseph Stiglitz, Amartya Sen,Edmund Phelps et Robert Solow) ont participé à cetterencontre en confrontant leurs approches, parfois diver­gentes, à la sienne. Les grands thèmes «fitoussiens» furentà l’honneur: économie du bien­être, déficit démocratiqueeuropéen, «soutenabilité» et prise en compte du «capitalsocial», etc. C’est un autre hétérodoxe, l’assagi ministre duRedressement productif, Arnaud Montebourg, à qui estrevenue la charge de clore les débats, après la défectionde François Hollande parti faire le VRP tricolore au Qatar.«Cette journée montre qu’à côté du moule de la penséeunique bruxelloise d’autres approches sont possibles etnécessaires pour sortir de l’impasse actuelle», a concluJean­Paul Fitoussi. C.Al. PHOTO JULIEN MUGUET. REUTERS

JEAN­PAUL FITOUSSI RAMEUTE LESNOBEL D’ÉCONOMIE À SCIENCES­PO

LES GENS

AFFAIRES Bernard Tapiepourrait être entendu par lesenquêteurs en début de se-maine, selon l’AFP. Mais sonavocat indique qu’il n’a pasencore reçu de convocation.PHOTO REUTERS

SNCM Le ministre des Trans-ports accuse «d’irresponsa-bilité» les élus de l’opposi-

tion qui prédisent la mort dela SNCM, après l’annonced’un plan social supprimant515 emplois sur 3 100. Lepremier adjoint au maire deMarseille, l’UMP RolandBlum, a estimé que ce plan«pourrait conduire au nau-frage de l’entreprise».

AGRICULTURE La réforme dela PAC entre dans la dernièreligne droite mais bute sur laréduction des aides agrico-les: la France veut les centrersur les petites exploitations,l’Allemagne sur les grandes.

EAU La Commission a retirévendredi le secteur de l’eaud’une proposition de loieuropéenne sur les conces-sions, face à la mobilisationd’ONG et de certains paysqui craignaient que la direc-tive entraîne des privatisa-tions dans le secteur.

270milliards de dollars(205 milliards d’euros),c’est le montant du méga­contrat pétrolier survingt­cinq ans signé ven­dredi entre la Russie et laChine. Le premier produc­teur mondial (avec l’ArabieSaoudite) continuera defournir 300000 barils parjour au premier importa­teur. Mais Moscou a dûconsentir à Pékin un accèsà l’exploration et à l’exploi­tation du brut sur son pro­pre sol.

Les délinquants russes encol blanc peuvent sabrer lechampagne: Valdimir Pou­tine a indiqué vendrediqu’il voulait amnistier lespersonnes emprisonnéespour des crimes économi­ques. La mesure, qui doitêtre adoptée «avant lesvacances d’été», vise, sansrire, à améliorer le climatdes affaires. Le Président asouligné que cela ne con­cernerait pas les faux­mon­nayeurs, les auteurs de«raids» contre des entre­prises et les faits de vio­lence. Seuls ceux qui n’ontété condamnés qu’une foisy auront droit. Ce qui vaexclure l’ex­magnat dupétrole Mikhaïl Khodorko­vski, grand critique de Pou­tine incarcéré depuis 2003.

MOSCOU PLUSCOULANT AVECLES CRIMESEN COL BLANC

L’HISTOIRE

«J’ai bon espoirde parvenir à unesolution avecla Chine.»Karel De Guchtcommissaire européenau Commerce, faisantvendredi le point surla guerre commercialedu photovoltaïque, la Chinemenaçant de taxer les vinsfrançais si l’Europe taxeses panneaux solaires

Grands travaux: leslignes à grande vitesseattendront si l’on encroit la dernière versiondu rapport Duron.

Aviation Les dronesenvahissent Le Bourget.Diaporama.

• SUR LIBÉ.FR

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AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

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LLEE MMAATTIINN Une perturbation apportenuages et pluies éparses sur lesrégions du nord-ouest. Soleil dominantsur un tiers sud.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Passage perturbé desCharentes à la Belgique. Ciel encorenuageux au nord-ouest. Orages sur lesAlpes du Sud.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

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Temps mitigé avec éclaircies et pas-sages nuageux sur la plupart desrégions. Quelques averses possiblespar endroits. Frais.

DIMANCHE ��Tendance à l'amélioration avec untemps sec et un ciel alternant éclair-cies et passages nuageux sur les troisquarts du pays.

LUNDI ��

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.

Directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas Directeur de la publicationet de la rédactionNicolas Demorand Directeur délégué de larédaction par interimFabrice Rousselot

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U O A D C N E G L

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page meteo du 22:LIBE09 21/06/13 16:08 Page1

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 JEUX­METEO • 19

Page 40: Liberation

Troisquartsd’heurede«Legend»Avant le départ, ce samedi, des 24 Heures du Mans, desbolides mythiques en ont décousu sur le célèbre tracé.Par LIONEL FROISSARTPhotos BRUNO CHAROY

A l’occasion du 90e anniversaire des24 Heures du Mans, les organisa-teurs de la plus célèbre coursed’endurance ont battu le rappel

des collectionneurs et des propriétaires desanciennes gloires de l’épreuve. Outre lesépreuves «Le Mans Classic» qui se déroulentune année sur deux, le programme des24 Heures 2013 a été enrichi de l’événement«Le Mans Legend», où certains modèles fa-briqués entre 1949 et 1965 ont pu prendre lapiste en préambule de l’épreuve phare. Parmices bijoux sur quatre roues, les amateurs–dont une foule de Britanniques– ont pu ad-mirer la Jaguar C-Type victorieuse en 1951et 1953. Plusieurs de ces voitures de légendeont été sorties du musée des 24 Heures etdélocalisées au village de la course, dans uneexposition éphémère que pourront admirerles spectateurs qui souhaitent se plongerdans l’histoire de la compétition. Parallèle-ment à ce coup de rétro, les Audi, multivicto-

rieuses dans la Sarthe, rejoindront sûrementun jour ces anciennes gloires. En attendant,elles devront en découdre jusqu’à dimanche,15 heures.Alors, duel ou lutte fratricide? Audi et ses Hy-brid Diesel contre Toyota et ses Hybrid Es-sence, ou Audi contre Audi? Si la météo resteclémente au cours des deux tours d’horloge,la course à la victoire devrait se jouer entre lestrois prototypes allemands. Dominatrices lorsdes essais, les Audi R18 ne devraient pas êtreinquiétées en performance pure par leurs ad-versaires japonais, dont les deux prototypesapparaissent moins en verve que lors de l’édi-tion précédente. En cas de pluie, les atoutsglisseront vers Toyota dont les pilotes ont vi-revolté sur la piste détrempée jeudi, lors dela seconde soirée d’essais qualificatifs.Les responsables d’Audi affichent d’ailleursune prudence extrême, malgré un avantageau tour de près de quatre secondes, ce quipeut s’avérer colossal sur une durée devingt-quatre heures. Mais les performancesen retrait de Toyota ne sont peut-être que lerésultat d’un formidable bluff. •

L’événement«Le Mans Legend»

rassemble desvoitures ayant couru

aux 24 Heureset construites

entre 1949 et 1965.1. La MorganPlus4 (1956).

2. Une JaguarC­Type (1952) et

une Lister Costin(1959). 3. La Maserati250 Si (1957). 4. Une

Lotus XI (1957).5. La Maserati A6

GCS (1954).6. Une JaguarC­Type (1952).

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 201320 • SPORTS

Page 41: Liberation

Le Danois a gagné 8 fois au Mans.

Kristensenl’endurantdu Mans

I l est le Rafael Nadal des24 Heures du Mans. Al’instar de l’Espagnolsur la terre de Roland-

Garros, Tom Kristensen aremporté à huit reprisesla redoutableronde mancelle.Il y a toutefoisune petite diffé-rence entre lesdeux hommes.Le Danois peutdéambuler dansles rues de la ca-pitale des rillettes sansprovoquer le moindremouvement de foule. Seulsquelques aficionados de laplus célèbre course d’en-durance reconnaissent leregard clair, les bouclesblondes et, désormais, lesquelques rides du piloted’Audi qui tentera d’amé-liorer son propre record ceweek-end en participantpour la 17e fois d’affiléeaux 24 Heures du Mans.A 45 ans, l’heure de la re-traite sportive approche etTom Kristensen est «con-damné» à gagner pour pré-server son ratio de victoiresde 50%.Même si s’élancer de la poleposition dans cette coursed’endurance est plus sym-bolique qu’un avantagesportif, le vétéran d’Audipeut remercier son jeuneéquipier français Loïc Du-val, qui est allé chercher cetaccessit mercredi soir lorsdes qualifications. En vieuxbriscard de l’épreuve, Kris-tensen n’est pas dupe. Ilsait que sa réussite est avanttout celle d’une équipe.«J’ai eu la chance de réussirplusieurs fois la bonne com-binaison. A savoir une bonnevoiture engagée par une or-ganisation sans faille et deuxéquipiers eux aussi obsédéspar la victoire», déclarait leDanois il y a peu.Rivalité. Ce qui est specta-culaire dans la carrière deKristensen au Mans, c’estqu’il s’y est imposé dèssa première participation,en 1997, au volant d’unePorsche. Après deux aban-dons en 1998 et 1999 à bordd’une BMW, il signera sixsuccès de rang pour Audi,si l’on veut considérer quela Bentley qu’il pilotaiten 2003 n’était rien d’autrequ’un prototype d’Ingol-

stadt (le siège de Volks-wagen) déguisé.Depuis, les temps sont unpeu plus durs pour le Da-nois. Il est souvent montésur le podium (trois fois

troisième et unefois deuxième),mais a aussi étévictime de larivalité au seinde l’équipe alle-mande. Ce quifait partie du jeuet de la magie

du Mans, selon un principebien connu dans d’autressports d’équipe : «On ga-gne ensemble. On perdensemble.»Mirage. Et c’est sans douteparce qu’il est très attachéà cet d’état d’esprit quele Danois n’a jamais percéen Formule 1. A ses débuts,il a bien sûr rêvé de la caté-gorie reine. Après son ap-prentissage en karting, ilest allé chercher au Japon sa«fortune» sportive et sespremiers succès, avant detenter une carrière en mo-noplace qui ne le conduirapas plus haut que le cham-pionnat de F3000, anti-chambre de la F1 dont ilne sortira pas, sauf poureffectuer quelques testsau volant de monoplacesobsolètes. Et plutôt que des’obstiner à courir après lemirage de la F1, Kristenseneut l’intelligence de privilé-gier sa carrière en devenantpilote d’endurance.C’est dans cette disciplineque le Danois a pu mesurerles progrès réalisés sur desmachines avec un degréd’efficacité comparable àcelui de la Formule 1. Sur-tout au Mans, où la rondedes 24 Heures reste un for-midable banc d’essais pourles motoristes. Ainsi, de-puis quelques années, Audiest passé de la motorisationessence à celle du diesel, del’hybride à la récupérationd’énergie. Autant de défisdont Kristensen a été letémoin au volant de proto-types qui ne cessent del’étonner et de subjuguerses sens. Loin d’être unetête brûlée, le Danois af-firme qu’à la seconde où leplaisir de piloter ne seraplus là, il n’hésitera pas àrentrer au stand.

L.F.

AFP

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013 SPORTS • 21

Page 42: Liberation

F1 Le team Mercedes a étéréprimandé par le tribunalde la FIA. Il lui a reproché sestrois jours d’essais de pneusPirelli, en mai à Barcelone.Mercedes sera privé des es-sais avec les jeunes pilotes du17 au 19 juillet à Silverstone.

TENNIS Rafael Nadal devrafranchir quelques obstaclespour espérer s’imposer àWimbledon. Le numéro 5mondial se retrouve dans lamême partie de tableauque Roger Federer et AndyMurray.

«Je ne crois pas que j’étais prêt à refaireles mêmes sacrifices que l’an dernier. Cequi est fait est fait et j’en suis très heureux.»Le Britannique Bradley Wiggins vainqueur du Tour 2012et forfait cette année, dans une interview au Guardian

10”07C’est le temps réalisé vendredi à Gateshead par Christo­phe Lemaitre sur 100m, en préambule des championnatsd’Europe par équipes. Son meilleur chrono cette saison.

Par WILLY LE DEVIN

Miami et LeBron Jamesentament un long règneà la tête de la NBA

E t de deux pour Miami.Vendredi, le Heat aremporté un deuxième

titre NBA d’affilée au termed’une sacrée baston livréeaux Spurs de San Antonio(95-88). Finalement, les in-dividualités floridiennes onteu raison de l’austère collec-tif texan lors du match 7.

Le King absoluLeBron James reste le maîtreincontesté de la ligue nord-américaine. Elu MVP des fi-nales, auteur d’un match 7phénoménal avec 37 points,12 rebonds et 4 passes décisi-ves, le King a encore grandi.Il est désormais ce tueur qu’ilrefusait inconsciemment dedevenir du temps où il jouaitdans l’Ohio, à Cleveland.Doté d’un physique de guer-rier burgonde, il est le joueurultime. Lorsqu’il est bieninstallé dans son shoot, l’ad-versaire n’a plus qu’à pleureret attendre que ça passe…Sur ce match 7, James a étéépaulé par un héros inat-tendu: Shane Battier. Défen-seur cradingue, il ne tournaitqu’à 25% à trois points de-puis le début des playoffs.Vendredi, il a pondu un 6/8surréaliste, cumulant ainsiavec James 55 des 95 pointsde Miami. On peut donc êtrechampion NBA sans prati-quer un pet de jeu collectif.

Parker à la rueC’est l’autre facteur X decette dernière manche. Le

meneur français Tony Par-ker, pourtant auteur de lameilleure saison de sa car-rière, est passé complète-ment au travers vendredi.Avec 10 points, tous marquésen première mi-temps, à3/12 au shoot, il a été le bou-let des Spurs. Gêné par desischio-jambiers qui jouent del’accordéon depuis quelquetemps, TP a regardé la fin dumatch depuis le banc detouche. Rarissime. Winnercomme c’est pas permis,Parker a préféré rentrer auxvestiaires, l’œil noir, plutôtque d’assister à la remise dutrophée. Il sait que San Anto-nio arrive en fin de cycle…

Trajectoires croiséesAvec un James au sommet,de l’argent à gogo et la dy-namique du succès, Miamisemble calibré pour régnerun moment. Au moins sur laconférence Est, où seul Chi-cago s’affiche comme un ri-val crédible. Pour San Anto-nio, en revanche, ça sent lapénitence. Le légendaire BigThree – Tony Parker, TimDuncan et Manu Ginobili –s’érode de saison en saison.Lors de ces finales, Ginobili,35 ans, n’a jamais paru aussiemprunté. L’envoyer à lacasse serait un choix judi-cieux afin de dégager de lamasse salariale. De même,Duncan, 37 ans, ne sera paséternel. Parker apparaît bienseul au milieu du désert decactus. •

DÉCRYPTAGE

T out ça pour ça ! C’estLaurent Blanc qui en-traînera le Paris-Saint-

Germain la saison prochaine,l’ex-sélectionneur des Bleusayant paraphé vendredi uncontrat de deux ans. Ce quimet un terme au film àsketchs –entre Cours après-moi shérif et Cache-cachepastoral – qui aura vu la di-rection qatarie du club pari-sien chercher désespérémentquelqu’un capable de poserles plots lors de la reprise del’entraînement le 1er juillet.Le champion de France étaitsans tête depuis le départ an-noncé de l’entraîneur italienCarlo Ancelotti pour le RealMadrid.Enfoirés. Ce dernier auraitdes choses à reprocher auPSG: il a déclaré qu’il y avaitdes raisons à sa démission,mais qu’il n’en parlerait ja-mais. Le lustre du Real n’estdonc pas l’unique explica-tion. Plus que les menaces delicenciement qui ont planéau-dessus de la tête d’Ance-lotti en décembre, c’est l’in-différence de certaines com-

posantes du club suite audécès de son assistant NickBroad – trois joueurs seule-ment présents à son enterre-ment, les autres étaient à unconcert des Enfoirés–, mortà 38 ans dans un accident dela route alors qu’il sortait dechez un joueur, qui l’auraitconvaincu de quitter le clubchampion de France.Or, entres autres qualités(bonhomie, finesse…), An-celotti avait celle d’être«bankable» auprès des starsdu ballon rond: son pedigree–deux Ligues des championsavec le Milan AC – et sa ca-pacité éprouvée depuisquinze ans à manager lesplus grands joueurs étaientde nature à rassurer ces der-niers, voire à en attirer cer-tains.Aux yeux d’un Thiago Mottaou d’un Zlatan Ibrahimovic,Laurent Blanc n’est per-sonne: trois saisons à entraî-ner Bordeaux pour un titreen 2009, deux autres chez lesBleus où Jérémy Ménez (qu’ilretrouvera à Paris) et SamirNasri l’auront fait suer, c’est

mince à l’échelle d’un conti-nent où les Guardiola etautres Mourinho se sontforgé un potentiel fantas-matique qui vaut désormaiscelui d’un Cristiano Ronaldoou d’un Lionel Messi. Ditautrement, Blanc va devoirconvaincre. Ses joueurs.Et sa direction, pour laquelleil est le 10e choix après lesrefus d’André Villas-Boas,Rafael Benitez, Fabio Ca-pello, Manuel Pellegrini, eton en passe.Coup. On prête aux diri-geants du Paris-SG le désirde faire venir l’actuel mana-ger d’Arsenal, Arsène Wen-ger, à l’issue de son contraten 2014. Mais si Wenger avaitdû rejoindre la capitale, ceserait fait : les contrats nevalent rien dans le mondedu foot où c’est au contraireleur non-respect (donnantlieu à un transfert et doncun flux d’argent) qui assurela survie économique desclubs. Tout ceci pour direque Blanc a un coup – passimple – à jouer.

GRÉGORY SCHNEIDER

LePSGcombleunBlancFOOT Le club parisien s’est résolu à engager LaurentBlanc après avoir essuyé plusieurs refus.

Dernière chance samedi matin pour leXV de France de se refaire et de clore posi-tivement une tournée australe peu fruc-tueuse face aux champions du mondenéo-zélandais. Après un premier test oùles Français n’ont pas su profiter de leurstemps forts et un deuxième qui aura étéune déculottée (30 à 0), les hommes dePhilippe Saint-André vont pouvoir jouerle tout pour le tout. Les Bleus se présentent

à New Plymouth face aux All Blacks avecune équipe remaniée à 50% et surtout,après la blessure de Michalak, une char-nière toute neuve, la huitième sous Saint-André: Jean-Marc Doussain (22 ans, 2 sé-lections) à la mêlée et Rémi Talès (29 ans),dont c’est la première sélection, à l’ouver-ture. Un baptême que beaucoup regarde-ront avec attention après le fiasco du der-nier Tournoi des six nations.

A RETOUR SUR LA TOURNÉE DU XV DE FRANCE

Dernier essai face aux Blacks

Laurent Blanc, le 9 mai 2012 à Paris. Il était sélectionneur des Bleus. PHOTO THIBAULT CAMUS.AP

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Ont la profonde tristessed'annoncer la disparition

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LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 201322 • SPORTS

Page 43: Liberation

A LA TELE SAMEDI20h50. Dallas.Série américaine :Un univers impitoyable,Le retour de J.R.,Le digne héritier.Avec Patrick Duffy,Linda Gray.23h20. Les experts.La soeur prodige,Mise en carton,La théorie de Grissom.Série.1h40. New York PoliceJudiciaire.Série.

20h45. Le plus grandcabaret du monde.Divertissementprésenté par Patrick Sébastien.23h00. Point 24Heures du Mans.23h05. On n’est pascouché.Magazine présenté parLaurent Ruquier.2h05. Météo.2h10. Hebdo musiquemag.Magazine.

20h45. L’enfant depersonne.Téléfilm français :1re & 2e partiesAvec Corinne Touzet,Arnaud Bedouet.23h45. Météo.23h50. Soir 3.0h15. Appassionata.Carole Bouquet àcontretemps.Spectacle.2h45. Un livre toujours.2h50. Le monded’après.

20h55. L’ombre du mal.Thriller de JamesMcTeigue, 110mn, 2012.Avec John Cusack,Luke Evans.22h45. Vikings.Série canado-irlandaise :Justice est faite,Le raid.Avec Travis Fimmel,Gabriel Byrne.0h15. Il était une fois,une fois.Film.1h50. Surprises.

20h50. Stockholm1628, l’aventure du"Vasa".Parties 1 & 2/2.Documentaire.22h20. Birth of pop.Documentaire.23h15. Tracks.Spécial art en danger.Magazine.0h10. About:Kate.9 - Colères en éruption.Série.0h35. La corde.Film.

20h50. Hawaii 5-0.Série américaine :Ho’opio,Ho’opa’l,Ka Hakaka Maika’I,Ho’ohuli Na’au,Ua Hiki Mai Kapalena,Pau,Oia’i’o.Avec Michelle Borth,Scott Caan.1h50. Supernatural.Disgrâce.Série.2h35. Météo.

20h45. Doctor Who.Série britannique :Destruction mutuelleassurée,Le fantôme deCaliburn,Enfermés dans la toile, Les anneaux d’Akhaten,La dame de glace.Avec Matt Smith, KarenGillan.0h35. Francofolies de la Rochelle 2012.Pony Pony Run Run.Spectacle.

20h35. Échappéesbelles.La route du dragon, la grande traversée duVietnam.Documentaire.22h05. Les routes del’impossible.Sibérie : entre la vie etl’enfer.Documentaire.22h55. Bali, îlemythique de l’Asie.23h50. La renaissancede l’Inde.

20h40. Gad Elmaleh :décalages au Palais desGlaces.Spectacle.22h30. Le grandbêtisier de l’été 2013.Divertissement.0h15. La grandeanthologie del’humour.Le meilleur deshumoristes français dela lettre M à Z.1h45. 17e sansascenseur.

20h50. Riverworld, le fleuve de l’éternité.Téléfilm américain :1 & 2.Avec Brad Johnson,Karen Holness.23h45. X-Files : aux frontières du réel.Confiance,Empedocles,Vienen,Seul.Série.2h50. Poker night -Cash or play.

20h45. Football : Italie / Brésil.Coupe desconfédérations FIFA 2013.Sport.22h55. Football : Japon / Mexique.Coupe desconfédérations FIFA 2013.Sport.1h20. Suspect n°1.Magazine.3h10. Les filles d’à côté.

20h50. Les Simpson.L’équipe des nuls,Escrocs à grandeéchelle,Les aqua-tics à mer !,La vengeance est unplat qui se mange troisfois,Les baguettesmagiques,C’est moi qui l’ai fait !Série.23h10. Relookingextrême : spécialobésité.

20h45. Total wipeoutmade in USA.2 épisodes.Divertissement.22h15.Total wipeout made in USA.2 épisodes.Divertissement.23h45. Comme des oufs.2 épisodes.Magazine.0h00. Dessins animés.Jeunesse.

20h50. Femmes de loi.Téléfilm français :Fragile liberté.Avec Natacha Amal, Ingrid Chauvin.22h35. Femmes de loi.Pour le meilleurImmunité,Meurtre ascendantscorpion,Sur le vif.Téléfilm.2h15. Touche pas à monposte !

20h45. Fallen : Le Nephilim.Téléfilm de MikaelSalomon.Avec Paul Wesley,Kwesi Ameyaw.22h20. Fallen : Le Rédempteur.Téléfilm de MikaelSalomon;Avec Paul Wesley.23h55. Fallen.L’astre de lumière.Téléfilm.

20h50. Le Zap.Divertissement.22h20. Le Zap.Divertissement.23h50. Star storyRihanna, ange oudémon ?Documentaire.0h50. Top rock.Musique.1h50. Nuit Indé.Musique.2h50. Nuit live.Musique.

DIMANCHE20h50. Ocean’s twelve.Policier américain deSteven Soderbergh,125mn, 2004.Avec George Clooney.23h10. Les experts :Manhattan.Série américaine :Cœur de verre,L’arche de Noé,Le prestige,Meurtre à la française.Avec Gary Sinise.2h20. L’actualité ducinéma.

20h45. Haute voltige.Policier de Jon Amiel,113mn, 1998.Avec Catherine Zeta-Jones, Sean Connery.22h35. La Solitaire duFigaro.22h40. Faites entrerl’accusé.Duel sous les tropiques.Documentaire.0h05. Journal de lanuit.0h20. Histoirescourtes.

20h45. Miss Fisherenquête !Série australienne :Machinations,Mort sous le chapiteau.Avec Essie Davis22h35. Météo.22h40. Soir 3.23h00. InspecteurBarnaby.L’ombre de la mort.Série.0h30. Le signe deVénus.Film.

20h55. Strike back.Série américaine :Frères d’armes (1re & 2e partie)Avec Philip Winchester,Sullivan Stapleton.22h30. La dame ennoir.Drame de JamesWatkins, 95mn, 2012.Avec Daniel Radcliffe,Ciarán Hinds.0h00. Le journal desjeux vidéo.0h25. Eva.

20h45. OpérationLune.L’épave cachée du Roi-Soleil.Documentaire.22h10. Quand lesÉgyptiens naviguaientsur la mer rouge.Documentaire.23h45. 9:06;Film.0h55. Riccardo Chaillydirige Mahler.Symphonie n° 6.Musique.

20h50. Zone interdite.Kate, William et leur « royal baby » : lessecrets de la naissancela plus attendue dumonde.Magazine présenté parWendy Bouchard.23h00. Enquêteexclusive.Allô police secours !Urgence à Lille.Magazine.0h25. Enquêteexclusive.

20h45. Endiablé.Comédie germano-américaine d’HaroldRamis, 93mn, 2000.Avec Miriam Shor,Brendan Fraser.22h10. Le cactus.Comédie française deMichel Munz et GerardBitton, 94mn, 2005.Avec Clovis Cornillac.23h45. AnneRoumanoff : Les petites résolutionsd’Anne.

20h35. Faux sucres :zéro calorie, mais àquel prix ?Documentaire.21h30. C’est notreaffaire.Magazine.22h00. La bicyclettebleue.Téléfilm de ThierryBinisti :Partie 3/3.Avec Laetitia Casta.23h40. Félix Kersten -Le médecin du diable.

20h40.Les mystères deSherlock Holmes.Téléfilm britannique :Meurtres en série,Les yeux de la terreur.Avec Ian Richardson,Charles Edwards.0h10. Sherlock Holmes.Le chien desBaskerville.Téléfilm.1h45. Programmes denuit.

20h50. Tellement Vrai -Édition spéciale.Vive les vacances !Magazine présenté parMatthieu Delormeau22h25. Vertige.Film d’aventuresfrançais d’Abel Ferry,90mn, 2008.Avec Fanny Valette,Johan Libéreau.0h00. Tellement Vrai.Magazine.1h40. Mag ciné.

20h45. Football :Nigeria / Espagne.Coupe desconfédérations FIFA 2013.Sport.22h55. Football :Uruguay / Tahiti.Coupe desconfédérations FIFA 2013.Sport.1h20. Suspect n°1.Magazine.2h55. Trio dangereux.

20h50. Lie to me.Série américaine :Meurtres en série,Une question deconscience.Avec Tim Roth.22h25. Lie to me.Amnésie morale,Rien n’est absolu,Les affres de latentation.Série.1h10. Météo.1h15. Programmes de nuit.

20h45. Bob le majordome.Téléfilm de Gary Sinyor.Avec Tom Green,Brooke Shields.22h20.La course à l’échalote.Comédie française deClaude Zidi, 100mn,1975.Avec Pierre Richard,Jane Birkin.0h00. Dessins animés.Jeunesse.

20h50. Le crime de l’Orient Express.Policier britannique deSidney Lumet, 128mn,1974.Avec Albert Finney,Lauren Bacall.23h10. En quêted’actualité.Produits moins chers,imitations, copies : lesnouveaux dangers de lacontrefaçon.Documentaire.

20h45. Tous différents.2 reportages.Magazine présenté parÉmilie Mazoyer.22h30. Obèses : pertede poids extrême.Ronnie / Debbie - Bill et Julia.Documentaire.0h10. Mini-Miss, quisera la plus belle ?Télé-réalité.1h55. Le comité de laclaque : Milk Shake TV.

20h50. Zap choc.Divertissement.21h50. Zap choc.Divertissement.22h40.Starlettes, prêtes à tout.Téléfilm de ValerieLandsburg.Avec Steve Kesmodel,Jodi Verdu.0h00. Nuit live.Spectacle.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

Nom d’un DocteurFrance 4, 20h45Comment le Dr G. peut­ilse faire pardonner d’avoiroublié l’anniv’ de son édi­teur favori, Patrice G.? Enlui offrant du Doctor Who!

Nom d’un derrickTF1, 20h50Nom d’un derrick, ils sonttous là, les Ewing, dans cenouveau Dallas. Même legénérique français et son«univers impitoyaaableu».

Nom d’un TitanicArte, 20h50Stockholm 1628, l’aventuredu «Vasa» narre la cons­truction du Titanic desnavires de guerre. Qui fitquelques mètres… Et coula.

LES CHOIX

Nom de la LuneArte, 20h45Et glou et glou, c’est leweek­end des navires quisombrent… Cette fois, leLune, vaisseau amiral deLouis XIV: Opération Lune.

Nom d’une reineJimmy, 20h45On ne se lasse pas derevoir Elizabeth I, téléfilmstarring Helen Mirren,the Queen, la premièrecomme la deuxième.

Nom d’un rescapéSundance Channel, 21hLe couloir de la mort, ilarrive qu’on en sorte: c’estl’excellente série Rectify,dont Sundance Channeldiffuse toute la saison 1.

LES CHOIX

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PHOTO La fondation du collectionneur américain regorge declichés sur les stars hollywoodienness, présentés dans uneexposition au Portugal et réunis dans un livre édité par Steidl.

John Kobal,les feux du glamour

C’ est quoi, le glamour? «Don-ner une allure plus sexy auxmômes», répondait GeorgeHurrell à John Kobal, ajou-

tant face à son interlocuteur amusé :«L’allure chambre à coucher.» Ce brin dedialogue résume l’enjeu lascif du gla-mour, qui fut porté aux nues sous l’âged’or hollywoodien, jusqu’à l’absolu.George Hurrell (1904-1992) en fut l’undes portraitistes les plus éblouissants;et John Kobal (1940-1991), historien etcollectionneur, en sauva miraculeuse-ment la mémoire, élaborant «le muséede nos rêves», comme l’écrivit, à la mortde ce dernier, Richard Boston dans leGuardian. Des rêves d’éternité qu’on re-trouve dans le livre édité par Steidlen 2008, Glamour of the Gods (1), quipioche à nouveau dans l’inépuisabletrésor de la Fondation John Kobal, ainsi

Par BRIGITTE OLLIER

Veronika Lake photographiée par George Hurrell en 1942 pour Paramount Pictures. PHOTOS JOHN KOBAL FOUNDATION

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Né le 30 mai 1940 à Linz, en Autriche,John Kobal grandit au Canada où safamille a émigré lorsqu’il est enfant.Choyé par Marlène Dietrich, croiséeà Toronto, John Kobal abandonnesa carrière d’acteur pour se consacrerà sa vraie passion, collectionner.Surtout ce qui a trait au cinéma, «l’objetexclusif de mon attention. […] Je mesouviens très bien du jour où BarbaraStanwick m’a brisé le cœur. J’avais12 ans. » Après Londres, où il s’installeen 1960 et qui deviendra sa villed’adoption, John Kobal chine à Paris,à New York, à Los Angeles, visitantles maisons de production, heureusesd’être débarrassées d’archivesenvahissantes. Sa force, être sélectif:«Je n’ai jamais été attiré parune photographie sous prétextequ’elle était kitsch ou nostalgique.J’ai toujours choisi avec mon cœur.»Au fur et à mesure, ce glaneurcinéphile, imbattable sur l’histoiredu glamour, Mae West et lesphotographes de plateau légendaires,se construit une phénoménalecollection. Un trésor transformé, peude temps avant sa mort, le 28 octobre1991, en fondation par Simon Crocker.Laquelle poursuit encore sa missionen soutenant, par exemple, lesphotographes émergents. John Kobala écrit une trentaine de livres, dont lefameux People Will Talk, des extraitsde conversations avec ses complices,d’Arletty à Loretta Young. B.O.

«J’AI TOUJOURS CHOISIAVEC MON CŒUR»

Ce cliché anonyme de 1928 montre le lion de la MGM dans son plus grand rôle.

que dans l’exposition «Made in Hol-lywood», qui poursuit sa tournée, avecune halte actuelle au Portugal.

BEAUTÉS FATALES. Soit une série de pé-pites méconnues des années 20 aux an-nées 50, qui dévoilent les actrices plutôtque les acteurs sous l’emprise de la lu-mière, s’exerçant aux caprices de laphotogénie sous l’œil d’ob-servateurs prêts à tout, à lescroquer comme à les retou-cher. Déjà formatées par lesstudios – qui changentleurs noms, leur nez ou leurdentition, puis les virentsans formalité quand leparlant s’impose–, ces stars sur mesureapparaissent savoureuses, irrésistibles,nunuches. Pola Negri, vampire délicat.Carole Lombard, naturellement sen-suelle. Norma Shearer, tout en satinémat. Mae West, pas la langue dans sapoche, «voluptueuse et bien roulée, laplus belle silhouette que j’aie jamais vuedans le genre ronde», d’après GeorgeHurrell, qui travailla pour la MGM de1930 à 1933, puis pour Warner Bros.Ayant pu mettre en boîte pas mal debeautés fatales avant d’être couronnépar le Museum of Modern Art (MoMA)en 1965, lors de l’exposition «GlamourPoses», aux côtés de Man Ray et d’Ir-ving Penn, Hurrell, très en valeur dans«Glamour of the Gods», partage pour-tant l’affiche avec ses pairs. Car, danssa quête cinéphile et fougueuse, JohnKobal sortit de l’ombre nombre de pho-tographes de studio ignorés. Ainsi l’undes meilleurs, Clarence Sinclair Bull(1896-1979), l’homme qui embrasa

Garbo, et coucha sur papier le sex-sym-bol Gary Cooper en le prenant de profil(gauche), presque la tête dans les épau-les, comme s’il était trop grand pourrentrer dans l’objectif. C’est aussi luiqui cala Joan Crawford sur une chaise,l’épaule au premier plan monstrueuse-ment gironde, offrant au spectateur unesurface de chair nue, si rare à cette épo-

que de pudibonderie effrénée. D’où cesentiment, contradictoire, d’une pho-tographie sous contrôle permanent et,en même temps, cavalière dans les li-mites autorisées. Les portraitistes s’es-saient à contourner la morale, ils suggè-rent, ils fantasment. Tantôt en installantdes peaux de bêtes, de la paille ou dusable auprès des «mômes», tantôt enmisant sur le corps dissimulé des ac-teurs, mains et cheveux sublimés. VoilàKatharine Hepburn ravie par ErnestBachrach, en 1935. Ou Kim Novak ennuisette exquise par Robert Coburn,en 1958. Constante: les vues en plongéeet les gros plans qui succèdent, au fil dutemps, aux stars plantées dans desdécors sophistiqués. Les rares photo-graphies de plateau, entre échelles etprojecteurs, paraissent bizarres,curieusement, comme si la productionavait fait faillite.Le livre Glamour of the Gods met côte àcôte les photographes et leurs modèles,

duo moins vénéneux qu’il n’y paraît aupremier regard, certaines actrices nes’en remettant qu’à elle-même pourleur représentation (Marlène Dietrich,superstar avant l’heure), d’autres trou-vant dans cette association matière àimaginer le pire et le meilleur. Règled’or: mettre le public à bonne distance.

MAILLOT DE BAIN. Il y a peu de kitschdans cet ouvrage d’un charme fou, maisJohn Kobal, qui avait les pieds sur terre,ne l’a jamais cherché. «Grâce aux pho-tographes de Hollywood, j’ai saisi quelquechose d’essentiel: le cinéma, c’est une dé-finition de la nature qui s’exprime par untraitement photographique, et la photo estune forme artistique si puissante, si vitale,qu’elle capture la vie au moment même oùvous la respirez.»A la fin du livre, en 1959, Liz Taylor poseen maillot de bain pour la promotion dufilm Soudain l’été dernier, de JosephL. Mankiewicz. Aucun bijou, pas lemoindre sourire, éclairage artificiel.Elle annonce les derniers jours du gla-mour et, sans le savoir –alors qu’elle ensera, avec Richard Burton, l’héroïne en-diablée–, l’arrivée des paparazzi, de lafrime… et de John Travolta. •(1) «Glamour of the Gods : photographsfrom the John Kobal Foundation»,éditions Steidl, 288 pp., 45€.Textes de Robert Dance et John RussellTaylor. Disponible en ligne (6 €).

GLAMOUR OF THE GODSet MADE IN HOLLYWOODCentro Cultural de Cascais, Portugal.Du mardi au samedi, de 10 heuresà 18 heures. Jusqu’au 1er septembre.Rens.: www.fundacaodomluis.com

A Hollywood, les portraitistess’essaient à contourner la morale.Ils suggèrent, fantasment, installentdes peaux de bêtes, de la pailleou du sable auprès des «mômes».

Marilyn Monroe et le photographe Frank Powolny (archives de la Century Fox).

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CAHIERSCINEMAUD

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FILS UNIQUE-LIBERATION-80x163.indd 1 19/06/13 18:16

ARCHI A Strasbourg, une expo relatedeux siècles d’échanges, de partageet de rivalités nationales, qui ontmarqué Berlin, Mulhouse, Mayence…

France-Allemagne:greffesde RhinINTERFÉRENCES /INTERFERENZEN.ARCHITECTURE.ALLEMAGNE­FRANCE,1800­2000 Musée d’artmoderne et contemporain,1, pl. Hans Jean Arp, Strasbourg.Jusqu’au 21 juillet. Rens.:www.musees.strasbourg.eu

I l y a beaucoup à voir à«Interférences». A lireaussi, et à décrypter (avis

aux amateurs de plans et decartes). On peut picorer, ouparcourir studieusement, ensuivant l’idée maîtresse del’exposition: «Ce ne sont passimplement les relations ponc-

tuelles structurant l’expé-rience historique qui nous in-téressent ici, mais bien lesréseaux dans lesquels circulentthéories, idéologies et formes.Chacun des deux récits natio-naux est en quelque sorte per-turbé par l’autre à travers lesfrontières, elles-mêmes chan-geantes, tandis que des récitspartagés sont élaborés dans lesterritoires disputés» (1). Tra-duction : on ne parlera pasdes influences de l’architec-ture allemande sur la fran-çaise et vice-versa, mais dela construction de deux ima-ginaires, engrenés et contra-riés à la fois par celui del’autre, voisin et rival, voireennemi. Avec un champ de«partage» privilégié : l’Al-sace et la Lorraine.Parent pauvre. L’histoirecommence vers 1800,comme toute histoire es-thétique franco-allemande.En 1803, Madame de Staëlvisite l’Allemagne, elle entirera son fameux essai.Trente-deux ans avant,Goethe étudiait à Strasbourg.Soixante-douze ans après,Hugo trempe sa plume dansl’encre brune pour dessinerun Château de Furstenbergdans la brume. Et six ans plustard, Berlioz compose sonFaust d’après Goethe.Comme on voit, ça circulepas mal en littérature, musi-que et peinture. L’architec-ture faisait un peu figure deparent pauvre de ce récit bi-national.Dense et variée, «Interfe-renzen» répare cette lacuneen pointant tout ce qui ques-tionne l’identité nationale :monuments, reconstruction,architecture sacrée ou so-ciale, selon un tracé chrono-logique et thématique quilaisse toute liberté au visi-teur. On peut par exemple

s’amuser à suivre l’histoirede Berlin, depuis l’Altes Mu-seum de Schinkel en 1830,repris de l’architecture na-poléonienne de CharlesPercier, jusqu’aux projetsd’Albert Speer pour Ger-mania, capitale de l’Europenazie, en passant par leconcours pour l’Alexander-platz de 1929 auquel partici-pait Mies van der Rohe –quine gagna pas le prix. En sui-vant le fil Speer, on se rap-pelle qu’il emporta la mé-daille d’or à l’exposition deParis, en 1937, sans que per-sonne ne frémît, son pavillonfaisant face à celui de l’Unionsoviétique.Plus loin, on se régale de rap-prochements connus maistoujours bons à redire,comme celui entre la Portemonumentale de l’expositionuniverselle à Paris (1900) deRené Binet, et les planchesd’hexacoraux et ascidies dubiologiste Ernst Haeckel.Parfois, ce sont les contrastesqui réjouissent. Ainsi, pourl’habitat social, on trouved’un côté les préceptes deFourier qui inspirent un pro-jet de «cité des pauvres» àWilhelm Stier, et surtout lecélèbre familistère de Guisede l’entreprise Godin, qui of-fre un «palais social» auxouvriers (le bâtiment a peuou prou la gueule de Ver-sailles) –la photo d’une fêteau familistère, après 1865,n’est pas sans évoquer le Pa-last der Republik de la RDA,avec son dancing entouré debalcons. De l’autre côté, lemodèle anglais des cottages,adopté par la France, qu’onretrouve à Mulhouse, avecson urbanisme calqué sur lahiérarchie de l’usine.Mais la section la plus pas-sionnante, qui illustre lemieux le propos de Cohen et

Franken sur la perturbationréciproque des «récits natio-naux», c’est celle consacréeaux «occupations et recons-tructions 1939-1949», pé-riode qui voit chacun desdeux pays tenter d’imposersa marque à l’autre.Germanité. Figure pivot dece chapitre, l’architecte PaulSchmitthenner, converti aunazisme en 1933. On le voitd’abord projeter une recons-truction de sa ville natale deLauterbourg (allemande à sanaissance, et de nouveaupendant la guerre) selon lesthéories du Heimatschutzvisant à préserver la germa-nité, tandis qu’un concoursest lancé, en 1941-1942, pourle renouveau de Strasbourgsur le modèle berlinois.Après la guerre, tandis queMayence (Mainz) est lacapitale de l’occupationfrançaise en Rhénanie,

Schmitthenner est appelé à larescousse par son maire pourtenter de contrer les projetsdu Français Marcel Lods, in-fluencé par Le Corbusier, etqui entend «fonctionnali-ser» Mainz en faisant fi de lapersonnalité de la ville. Carles Français, à ce moment-là,espèrent bien que la régionsera annexée. Où l’on voit,de près et sur plans, la formedes furieuses ambitionsnationalistes et modernistesde la France en Allemagne.Ambitions dont on se vanterarement et qui, rappelleCohen dans le catalogue, se-ront arrêtées définitivementpar la création de la Répu-blique fédérale, en 1949.

ÉRIC LORET

(1) Préface du catalogue del’exposition par Jean­LouisCohen et Hartmut Franken,commissaires (Musées de laville de Strasbourg, 59€).

Dessin de l’urbaniste français Marcel Lods pour la reconstruction de Mayence (1946­1948). COLLECTION PARTICULIÈRE. PARIS

De 1871 à 1918, les deux villes connaissent de grandstravaux d’extension pilotés depuis Berlin. A Strasbourg,qui va tripler de taille, Jean­Geoffroy Conrath, architectede la ville, et le Berlinois August Orth proposentdes projets apparentés, dans le goût haussmannien,pour un cahier des charges stipulant l’emplacement dela gare et de l’université. Le plan de Conrath est choisi,mais on fait appel à des architectes allemands,en particulier pour l’université. Le Reich marque aussisa présence par la décoration (voir le palais du Rhin deEggert), mais dans l’ensemble l’extension se fait de façonéclectique et partagée entre les goûts nationaux.Metz, en revanche, est victime d’une chute d’objetsa priori hétérogène à son histoire (la gare wilhelmienne,un hôtel des arts et métiers dans le goût néo­Renaissancealsacien), qui vont pourtant se transformer en icônes.Elle bénéficie, en outre, d’un plan d’urbanisme modernefondé sur différentes zones (équipements, immeubles,villas) et d’une esthétique paysagiste. É.Lo.A liredans le catalogue de l’exposition: «La Neustadtde Strasbourg», par Marie Pottecher, et «L’extension de Metz»,par Christiane Pignon­Feller.

STRASBOURG ET METZ,VERSION NEUSTADT

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Sans titre, 2012, de Vincent Mauger. PHOTO AURÉLIEN MOLE

C ommuer l’escargot pa-risien en une toiled’araignée géante, où

les multiples fils tissés sontautant de parcours artisti-ques du Grand Paris : tel estle projet d’Hospitalités, unebiennale d’art contemporainorganisée par le réseau Tram,combinant art, architectureet réseaux urbains. Pour saquatrième édition, la bien-nale couvre 31 lieux, du25 mai au 6 juillet. Septweek-ends pendant lesquelsquatre ou cinq institutions del’Ile-de-France sont misesen relation.Unité urbaine. Revivifierl’art contemporain, parfoisdifficile à appréhender, grâceà des narrateurs, artistes etaccompagnateurs qui fontécho aux expositions, entreles visites d’un centre d’art àl’autre, c’est une des dispo-sitions du projet. Les perfor-mances visent à créer uneunité urbaine entre les diffé-rents lieux, ainsi qu’à édifierune poésie citadine del’éphémère.Céline Ahond, performeuseet narratrice, intervient surle parcours de ce samedi in-titulé «Dézoné». Par son in-tervention, elle espère «mo-difier le regard des visiteurssur le paysage citadin, enéveillant l’acuité visuelle desparticipants». Elle s’inspireprincipalement d’EstherFerrer, pionnière de l’art ac-tion dans les années 60, dont

la performance phare resteLe chemin se fait en marchant.Sur ses pas, elle s’amuse dupaysage existant, et tisse desliens avec les commerçantsinstallés sur le parcoursqu’elle dessine, faisant réfé-rence au passage à une for-mule de Marguerite Duras,tirée d’Ecrire : «Autour denous, tout écrit.»Le public d’Hospitalités resteassez réduit, quelques dizai-nes de personnes, entre ha-bitués des lieux d’exposi-tions et curieux. Quatreweek-ends se sont déroulés

depuis le 25 mai, durant les-quels on a vu à l’œuvre di-vers artistes. Dans le bâti-ment tout en ondulation,Micro Onde, centre d’art deVélizy-Villacoublay, cons-truit par Claude Vasconi,Vincent Mauger est inter-venu au sein du deuxièmearchipel intitulé «Cartogra-phie du moindre». Il y a ins-tallé des volumes expansifsaux jeux de lignes géométri-ques rappelant les courbesdu site, ses «abscisses désor-données» entrant en sym-biose monumentale avec lelieu d’exposition.Hospitalités promeut surtoutdes lieux peu visités. Ainsi,

10 Nouveaux A, de ClémentRodzielski, exposé à la Mai-son Bernard-Anthonioz, àNogent-sur-Marne, a invitéà entrer dans un monde pho-tographique «A»typique quise présente comme un exer-cice de style sur le A.Avant­garde. Dans le cadred’une des conférences fai-sant aussi partie du projet,Kenneth Goldsmith, poèteprimé par le Museum of Mo-dern Art de New York, étaitinvité au Jeu de Paume à liredes passages de deux de sesdernières publications :

Against Expres-sion: an Anthologyof Conceptual Wri-ting et UncreativeWriting : Mana-ging Language inthe Digital Age.

Créateur du site d’archivesdes documents d’avant-garde UbuWeb, Goldsmith afait de la provoc devant unesalle remplie, expliquantpendant une heure et demieque l’avant-garde, c’estmaintenant. Et il a terminéen soumettant son prochainprojet : imprimer toutes lespages internet existantes,environ dix billions, et lesexposer dans un musée.

EVA PROVENCEDates et thèmes des prochainsweek­ends d’Hospitalités:samedi 22 juin, «Dézoné».Le 29 juin, «Perdus sur lechemin du retour». Le 6 juillet,«Nulle île n’est une île».Rens: www.tram­idf.fr

ARTS Le rendez-vous francilien créé en 2007 par leréseau Tram veut rendre les œuvres plus accessibles.

Hospitalités, biennalesur de bons rails

Revivifier l’art grâceà des narrateurs, artisteset accompagnateurs qui fontécho aux expositions.

Young Rival serait l’hyper­pop, l’ultime pop group. Lephrasé nasillard et la mouebritish requis (mais le trio,de Hamilton, Toronto, estcanadien), le dégingandéado, l’émoi innocent,l’ardeur: Stay Young. Tantet plus pop donc qu’ArcticMonkeys jeunes vétérans,La’s novices, Kinks ouautres Dupond(t)­Smiths,tout et rien à la fois. En fait,la profession de foi decette formation débutante(c’est son second album),sous pochette tachistebalnéaire, est le style oldschool: Young Rival setargue d’avoir toujours été«démodé». Qui dit vieux?Tantôt rockab (Let It Go),prompt au rush et au break(Black Is Good), un rienpsychédélique ou teintéde smooth sentimental àl’occasion (Lost), nasillantet loubard (Authentic),tubesque en tout état decause (Better Things to Do,assez digne avec ses riffsaccroche­cœur dans latradition de Johnny Kidd& the Pirates). Exemplaire­ment tonique, à la lisièredu rock, ce Young Rivalfondateur est rythmiqued’abord. Tout en trapurugueux mine de rien(Black Pop Corn mettantles choses au pointd’emblée). Le batteurcogne comme un petit dur.Une aubaine à barbiches–pour un peu on l’oubliaitavec le reste. B.Young Rival, CD: «Stay Young»(62 TV Records/Pias).

YOUNG RIVAL,QUI DIT VIEUX ?

LE DISQUE

Festa Junina Grand bal forródes fêtes de la Saint­Jean avec lesgroupes Cobra Coral & Forro deRebecca Cabaret sauvage, parcde la Villette, 75019. Sam, 22h.

Festival Jazz Musette desPuces Tournées des bars avecDidier Lockwood, StocheloRosenberg, Ninine Garcia… etconcert du soir Puces St­Ouen(93). Sam & dim, de 14h30 à 19h.

Oumou Sangaré Diva du MaliSalle Pleyel, 252, rue du Fbg­Saint­Honoré, 75008. Sam, 20h.

Papier Tigre Noisy rockGaîté lyrique, 3bis, rue Papin,75003. Sam, 20h.

MÉMENTO

2000euros, c’est le montant maximal qu’ont atteint lespeines d’amendes ferme ordonnées par le tribunalcorrectionnel de Paris à l’encontre des 32 catholiquesintégristes qui avaient perturbé par leur intrusionsur scène, en octobre 2011, la pièce Sur le concept duvisage du fils de Dieu, de Romeo Castelucci, lors de sareprésentation au Théâtre de la Ville.

Menaces sur le festival de BaalbeckLe festival international de musique de Baalbeck au Liban aété reporté du 30 juin au 9 août. Proche de la frontière sy-rienne, la ville, fief du Hezbollah, est la cible d’attaques aulance-roquettes, vraisemblablement par les rebelles syriens.Invitée vedette, la soprano Renée Fleming a annulé sa venue.

L’Etna au patrimoine de l’humanitéL’Unesco a inscrit hier l’Etna au patrimoine de l’humanité.Le volcan sicilien, haut de 3300 mètres, est, selon l’organisa-tion, l’un des «plus emblématiques du monde».

Parent d’Il était une fois dans l’oued et de Salut cousin,le divertissement en costumes Né quelque part est uncoup d’essai gentiment imparfait dans le genre. JamelDebbouze y figure en «Roublard», une véritable raclurede faux frère, au pays du dictateur à vie Bouteflika–en crevaison suspendue. Le jeune premier Farid(Tewfik Jellab), qu’on voit se raser de près en territoirebarbu, image idéologique, se trouve presque justifiablede son jeu embarrassant par son rôle embarrassé del’Algérien né en «Fronça» renouant malgré lui avec sesracines, comme sur l’air d’exil de Le Forestier revu Macias.Le traitement pagnolesque du quiproquo ethnoculturel,tournant autour du café Secteur et de son «téléphonearabe», avec ses dialogues «hauts en couleur» de lousticsdu bled (les filles, Pigalle, les visas…), ne passe pas mal.Le Maroc trompe­l’œil contrarie à peine la mélancolieen œuvre des années gégênantes de l’Algérie coloniale,dite «française». Le début et la fin, au centre de rétentionde Marseille, évoquent Un prophète –fausse piste.Notre héros en creux serait le migrant clandestin qui calein extremis. BAYON PHOTO DR«Né quelque part», de Mohamed Hamidi, avec Jamel Debbouze,Tewfik Jallab… 1h27. En salles.

«NÉ QUELQUE PART» AU BLED

LE FILM DU DIMANCHE

UNE FLÛTE ENCHANTÉE

DU 28 JUIN AU 31 JUILLETLibrement adaptée par Peter Brook,

Marie-Hélène Estienne et Franck Krawczyk

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PORTRAIT ANNA ROSSO­ROIG

parcours, a peur que les lecteurs la prennent «pour la Boutindu FN». Elle est seulement vieille France, catholique etpatriotique, et rejoint avec le FN des valeurs et un cocon,un refuge pour quelqu’un de très insécurisé, qui parle toutle temps de retrouver une «famille».Le père était ouvrier à l’arsenal de Toulon, militant CGT. Lamère, corse, était agent de service dans une école. «J’ai bai-gné dans une culture ouvrière où on se bat pour gagner sa vieet défendre ses droits.» Elle raconte un prolétariat idéalisé,valeureux, qui «vivait bien avec deux Smic». Mais quand onlui demande où elle habitait à Toulon, elle répond «au Mou-rillon», quartier d’officiers et de grands bourgeois, avant depréciser : «Enfin, c’était à côté du Mourillon, dans une citéHLM.» Elle était «un peu l’intello de la famille, toujours en trainde lire». Les parents étaient sévères, à l’ancienne : «J’auraispas pu dire “je vais en boîte de nuit, ou je vais fumer, ou je vaism’habiller comme ci”.»Elle garde un côté sage, borduré, méritant. Elle est allée jus-qu’à un DESS de droit et gestion des collectivités locales, avecen cinquième année une «bourse d’honneur». Etait toujoursau premier rang dans les amphis. Aimait «la solidarité, l’espritde famille» des étudiants, qui ne lui «faisaient pas sentir»ses «différences». Quelles différences? «Après la maîtrise,

on ne trouve plus beaucoup d’enfants d’ouvriers.» Après un stageau cabinet d’un maire communiste, elle a passé quelquesannées à l’Inspection du travail, puis a quitté l’administrationpour travailler comme assistante juridique, tout en assistantdes salariés lors d’entretiens de licenciement. Elle raconteavec jubilation ces employeurs qui voyaient arriver sans mé-fiance cette fille blonde et timide, d’apparence empruntée.Ils commettaient des erreurs, qu’elle leur mettait ensuite sousle nez, au bénéfice des salariés. «Du plus loin que je me sou-vienne, dit-elle, j’ai voulu jouer un rôle social.» L’engagementpermet aussi de consolider son assise, de se sécuriser: «Quandon connaît ses droits, on est moins vulnérable.» Se battre pourles autres permet «d’oublier ses échecs, ses malheurs».Elle élève seule deux enfants (11 et 10 ans) depuis une sépara-tion dont elle ne veut pas parler. Elle a aussi vu mourirun frère aîné dans un accident de voiture. Sa mère, très catho-lique, en a perdu la foi. Elle, au contraire, a besoin d’aller àl’église, de prier, pour s’apaiser. «Mais je ne suis pas une vieillebigote détestable», précise-t-elle. Elle est allée voir le prêtrepour confesser sa conversion FN, lui a proposé d’aller prierailleurs si sa présence gênait. Il a répondu que le problèmen’était pas là.La candidate vit ce passage au FN comme une transgression,une audace. «Vous devez meprendre pour une folle», s’in-quiète-t-elle plusieurs fois.Elle était suppléante PCF auxcantonales 2011 à Marseille,puis candidate FG aux légis-latives en juin 2012. Et, visi-blement, le changementd’allégeance trottait déjàdans sa tête. Elle raconte sadéception lors d’un meetingde Mélenchon à Marseille,le 14 avril 2012. Des cama-rades l’avaient invitée «enbackstage», parce que c’étaitson anniversaire. Elle auraittrouvé l’ancien sénateur de la gauche socialiste «odieux avecles gens». Un responsable du FG hausse les épaules, assurequ’elle-même a insisté pour être prise en photo avec lui. Elleassure aussi avoir eu l’impression d’être traitée comme unpion par les responsables du PCF. Six mois après les législa-tives, elle proposait ses services au FN. Le déclencheur de sadécision aurait été une «agression» subie par quelqu’un deson entourage. Mais quand on insiste pour vérifier, elle précisequ’en fait ce n’était «pas une agression, plutôt une atteinte àune personne». Le passage au FN ressemble surtout à un repli,à un besoin intime d’être accueillie et reconnue. «Quand vousarrivez au PCF, dit-elle, ils vous scrutent. Ils se demandent ceque vous venez chercher. Au FN, ils sont contents. Ils ont étébeaucoup agressés, ça les a soudés, il y a un esprit de famille.»Sur les valeurs, elle s’est retrouvée moins dépaysée qu’ellene l’était au FG. Elle pense que «le multiculturalisme nourritle racisme anti-Blanc». Que les immigrés «sont traités commedes esclaves», donc qu’il faut fermer les frontières. Elle craintpar-dessus tout «l’islamisation de la France». Le fait que descollectivités prêtent des terrains pour construire des mos-quées la choque «dans un pays laïc». Mais quand le même paysrénove les églises? «C’est notre culture, nos traditions, pourquoifaudrait-il les renier ? Bientôt, on enlèvera les sapins des écolesà Noël parce qu’il y a des élèves islamistes ou israélites.» La dé-fense du mariage pour tous aurait achevé de la convaincre.«Je ne suis pas du tout Civitas, précise-t-elle, mais la familleaussi, ça fait partie de notre culture.» Ses enfants, en collègecatholique depuis cette année, étaient angoissés quand elleleur a annoncé qu’elle passait au FN. «Mais je les ai emmenésaux réunions, ils ont vu que les gens étaient gentils.»Elle ne va au cinéma que lorsqu’ils réclament. Travaillebeaucoup, pour un salaire qu’elle refuse de donner, mais quidépasse à peine le Smic. Pas de sorties. Comme loisirs,elle cite les films en noir et blanc de Pagnol, avec Fernandel,qu’elle adore regarder à la télé. Et pour la musique, MichelSardou, Cœur de pirate, Mike Brant et Joe Dassin. «Vos lec-teurs vont me prendre pour une ringarde ?» s’inquiète-t-elleencore. Le militantisme serait le seul terrain de plaisir, etd’aventure. Le reste est consacré aux enfants, au travail, auxrévisions. Car, elle a repris des études de droit de la famille.Elle prépare une thèse avec une professeure très engagée audiocèse contre le mariage pour tous. •

Par OLIVIER BERTRANDPhoto OLIVIER MONGE.MYOP

EN 7 DATES

14 avril 1968 Naissanceà Toulon (Var). 1996 Findes études de droit.2001 Naissance de son fils,mort de son frère.2002 Naissance de sa fille.2006 Entre au PCF.2012 Candidate Front degauche aux législatives.Printemps 2014 Candidateaux municipales à Marseillepour le RassemblementBleu Marine.

C e soir-là, Anna Rosso-Roig distribuait des tractspour le Front national devant un centre commercialdes quartiers sud de Marseille. A ses côtés, un res-ponsable frontiste répétait aux passants: «Elle était

au Front de gauche et elle nous a rejoints !» C’était commeune prise de guerre qu’on exhibe aux ouvriers désorientés,aux chômeurs résignés. Anna Rosso-Roig, candidate Frontde gauche aux dernières législatives, se présentera l’annéeprochaine aux municipales marseillaises sous l’étiquette duRassemblement Bleu Marine. Une désertion que Jean-LucMélenchon solde d’une formule: «le Front national fonctionnecomme un vide-ordures.» Les responsables marseillais duFront de gauche évacuent de leur côté le transfuge en parlantd’une girouette opportuniste. Est-ce vraiment si simple ?Anna Rosso-Roig passe son temps à s’excuser de tout. D’êtreen retard, d’avoir mal compris un mot, de s’être mal expri-mée. Elle semble inquiète d’un portrait d’elle, mais n’ose pasrefuser. Le FN la pousse en avant, elle est aussi flattée quegênée. Attirée et soucieuse de cette lumière qui l’éblouit. Elledemande à plusieurs reprises ce que l’on comprend de son

Candidate Front de gauche aux législatives 2012, cette juristeinquiète se présentera pour le FN aux municipales 2014.

Affront renversé

LIBÉRATION SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 JUIN 2013