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L’INOBSERVANCE DES PATIENTS Pr. A. GRIMALDI Groupe Hospitalier PITIE - SALPETRIERE, PARIS

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L’INOBSERVANCE

DES PATIENTS

Pr. A. GRIMALDI

Groupe Hospitalier PITIE - SALPETRIERE, PARIS

L’INOBSERVANCE DES PATIENTS :

- Un problème majeur

- Un malentendu

- Un défi à la raison

- Une humanité partagée

UN PROBLEME MAJEUR :

L’exemple des statines

- Le gain de vie sous statine est ≈ 2 ans

(myalgie 5 %, rhabdomyolyse < 1.105)

- WOSCOPS Après 5 ans, 38 % seulement continuent

(NEJM 2007 ; 357 : 1477)

- Diabétiques (DARTS) n = 6 500 (adhérence 80 %)

Après 10 ans, moins de 50 % des patients

(Diab. Med. 2008 ; 25 : 850)

Un coût pour la Sécurité sociale de

PLUSIEURS MILLIARDS

• Etude du CRIP(2014) portant sur 170 000 patients

suivis dans 6 400 pharmacies (HTA, DB2, Ins.Card. ,

Hpercholest, Ostéoporose, Asthme).

• Observance (80%de médicaments achetés)

= de13% à 52% , en moyenne 40%

• Coût global calculé sur la base d’une complication

évitable = 9,3 milliards par an

ON OBSERVE MIEUX :

-Ce qu’on a compris

- Ce dont on est convaincu de l’importance

- Ce qui est facile (ritualisé)

- Ce qui marche

- Ce qui soulage rapidement

- Ce qui n’a pas ou peu d’effets secondaires

- Ce qui est gratuit (Circulation 2008 ; 117 : 1261 –

N. Eng J Med 2011; 365:2088 = - 50$ → +5% et -15% outcomes

Diabetes Care; 2015;38:604 = + 15 $ → - 10% )

ON OBSERVE MIEUX :

- Ce qu’on se procure facilement (intérêt des

délivrances pour une durée prolongée)

- Ce qu’on vous rappelle ( entourage, mails, SMS)

- Ce que prescrit ou conseille quelqu’un en qui on a

confiance (un proche, un médecin …mais qui croire ?

importance de la cohérence des messages)

- SUTOUT CE QU’ON DECIDE SOI-MEME

La femme aux deux carnets

L’OBSERVANCE : UN MALENTENDU

L’ auto-observance doit remplacer l’observance

QUELLE DIFFERENCE ?

- Etre observant : c’est respecter des normes

externes imposées

- Etre auto-observant : c’est respecter des normes

comprises, adaptées, personnalisées, négociées,

acceptées

Mais ces normes n’en restent pas moins externes

L’ « AUTONORMATIVITE »

L’absence de langage du corps , rend difficile

« l’auto-observance » comme expression de l’

« autonormativité » (Philippe BARRIER) car le silence

des organes est la « normativité » du corps

« Mon extérieur va bien, mon intérieur c’est vous qui

allez me le dire ! »

La co-décision ou DMP

La coprescrition doit remplacer la prescription

L’exemple de Ray « le tiqueur blagueur » rapporté par

Olivier SACKS dans L’homme qui prenait sa femme

pour un chapeau

« il y a donc maintenant deux Ray, l’un avec haldol

citoyen sobre du lundi au vendredi ,et l’autre sans

haldol pendant le week-end ,batteur de jazz virtuose »

L’AUTO-INOBSERVANCE :

UN DEFI A LA RAISON

Il sait. Il sait faire. Il est convaincu qu’il devrait faire,

et pourtant ….

Il ne fait pas ou pas tout !

L’EXEMPLE DES MEDECINS

COMPETENTS EN DIABETOLOGIE

- Le médecin généraliste enseignant

- Le professeur de radiologie

- Le chirurgien vasculaire

- L’ophtalmo diabéto

- L’interniste

. . . et tant d’autres !

UNE CONCLUSION A NE JAMAIS OUBLIER

Mais pourquoi ?

L’HOMME EST « L’UNITE D’UNE DUALITE »

1) Un être de raison, tendant à l’universel, régi par des

règles et par des normes.

2) Un être d’émotion à l’irréductible singularité,

régi par la loi d’optimisation du bien être, en tout cas

l’évitement de la souffrance morale.

L’homéostasie psychique est sa priorité dès lors que ses

besoins primaires (faim, soif, absence de douleur ,sécurité

…) sont satisfaits

L’AUTO-OBSERVANCE RATIONNELLE

- est confortée par l’adoption de normes collectives

- L’EBM produit de la norme (exemple : HbA1c < 7)

Recommandations Communication Comportement

LA MALADIE CHRONIQUE FRAPPE TOUJOURS DEUX FOIS

Dans le réel et dans la représentation du réel

En annonçant le diagnostic ,le médecin annonce

deux ruptures dans la vie du patient :

1 Ce ne sera jamais plus comme avant , pour toujours

2 Désormais ,vous serez différent des autres

D’où l’angoisse menaçant de dépression voire

d’effondrement psychique et la nécessité d’un travail de

deuil ou travail d’acceptation

L’APTITUDE A FAIRE FACE

dépend des traits de personnalités innés ,modulés par:

- l’empreinte parentale et le style d’attachement

(sécureou insécure)

- l’éducation, la culture, les évènements antérieurs

« Tout nouveau deuil ravive tous les deuils antérieurs ,

tout deuil non fait entrave tout nouveau deuil »

L’APTITUDE A FAIRE FACE

dépend:

- de la capacité à donner du sens et à relever les défis

- du sentiment de maîtrise (et donc du traitement)

- de l’existence de projets de vie

- d’un soutien social perçu (compter au moins pour

une personne ! )

LES MECANISMES DE DEFENSE

Face au risque d’effondrement ou de dépression ,le

patient peut se défendre par :

1) Le déni

2) La dénégation (le défi)

3) La minimisation ( la méthode Coué)

4) La pensée magique(je suis sûr que je peux guérir

si… )

LES MECANISMES DE DEFENSE

5) Le clivage (le diabétique clandestin…chacun veut

bien être différent mais pas anormal )

6) Les conduites compensatoires : hyperactivité,

créativité, conduites à risque, addictions …

7) L’hypercontrôle (phobie de l’hyperglycémie) ou faire

de la maladie son identité (« patient expert » ≠ « patient

ressource »)

8) ….

LA 2 ème MALADIE

La chronicisation de ces mécanismes de défense peut

devenir une « deuxième maladie »:

- La personne est malade et elle est « malade d’être

malade » , parfois au risque de sa vie

- Ce n’est pas un choix libre à respecter au nom de

l’autonomie du patient, car cette autonomie (relative) a

été brisée en partie par l’annonce du diagnostic

COMMENT GUERIR DE CETTE

2ème MALADIE ?

Pour guérir de cette 2ème maladie ,il faut :

1) Que le patient en prenne conscience et déjoue les

« ruses de la raison »

2) Qu’il accepte d’en parler car « l’homme seul est

toujours en mauvaise compagnie » et « parler répare »

REDUIRE L’INOBSERVANCE PAR UNE HUMANITE PARTAGEE

Comment aider le patient à intérioriser une motivation

extrinsèque (c’est-à-dire accepter des contraintes

pour un bénéfice secondaire lointain) ?

Comment l’aider à transformer ces contraintes en

routine, mieux à y trouver un intérêt, voire du plaisir ?

LES 2 MOTIVATIONS

« Une activité qui est pratiquée pour elle-même,

pour son contenu, est dite intrinsèquement motivée,

tandis qu’une activité pratiquée pour ses effets, pour

l’obtention d’une conséquence positive ou l’évitement

d’une conséquence négative, est dite extrinsèquement

motivée ».

La première procure de l’intérêt et/ou du plaisir, la

seconde de la satisfaction, ou du soulagement.

En réalité, il existe un continuum et une ambivalence.

4 EXEMPLES DE MOTIVATIONS

EXTRINSEQUES PUISSANTES

1 Le pilote d’avion bon vivant

2 La « contrôleuse pondérale » passée de

14 % à 5,9 % d’HbA1c

3 L’homme qui avait peur de l’insuline

4 La dame qui ne voulait pas de statine

MOTIVATION PUISSANTE,

OUI MAIS FRAGILE

1 - Désirs intenses : retrouver son métier, éviter la

douleur , éviter de se piquer ou de prendre un cp

2 -. OUI, MAIS...

AIDER A INTERIORISER UNE MOTIVATION EXTRINSEQUE

1) En intégrant les projets de soins aux projets de vie

2) En aidant le patient à négocier le compromis

optimal entre son moi rationnel et son moi émotionnel,

en se faisant l’avocat des deux parties

3) En facilitant l’expression du moi identitaire du patient

(groupe de paroles, dessin, écriture, théâtre du vécu …)

Hannah ARRENDT « Tous les chagrins sont supportables si on en fait un conte ou si on les raconte » Boris CYRULNIK « C’est difficile de s’adresser à quelqu’un pour expliquer ce que l’on a vécu. Mais si on passe par le biais de l’œuvre d’art, par le détour du film, de la pièce de théâtre, vous devenez le tiers dont vous pouvez parler

LE THEATRE DU VECU

JP ASSAL et M MALAVIA

- Le patient écrit un court texte sur un « vécu »

important pour lui (2 ateliers) suivant qq consignes

- Le 3ème jour, 2 comédiens professionnels vont lire

puis jouer ce texte mis en scène par le patient avec

l’aide du metteur en scène professionnel

- Le public est composé des patients et des membres

de l’équipe d’ETP

REFLEXIONS SUR LE THEATRE DU VECU

- Le patient en mettant en scène son vécu intime

souvent « banal » mais douloureux, le met à distance

et devient le« héros » d’une histoire émouvante qu’il

peut partager.

- L’émotion naît autant, si ce n’est plus, du jeu

des acteurs et de la poésie de la mise en scène faite

avec « rien », que du texte : « la parole incarnée »

- Le jeu théâtral permet l’identification et suscite l’empathie

« La lettre à mon diabète »

AIDER LE PATIENT

A CHANGER DE REPRESENTATIONS

« La route de Chartres des diabétiques »