Maroc2030Economie

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    AVANT-PROPOS

    Sous le Haut Patronage de Sa Majest le Roi, le Haut Commissariat au Plan conduit unerflexion prospective Maroc 2030 en vue de la mise en uvre dune planification stratgique

    pour le dveloppement conomique et social du Maroc.Cette rflexion, qui vise lexploration des futurs possibles du pays, ncessite ltude approfondiede toutes les dimensions gopolitique, conomique et sociale. Pour ce faire, le HautCommissariat a men plusieurs activits afin de recueillir les matriaux ncessaires lacomprhension du pass et du prsent et lidentification des dterminants du futur, vialorganisation de forums et rencontres dexperts et llaboration dtudes et enqutes.

    Soucieux de mettre disposition du public lensemble des matriaux qui ont servi de base cette rflexion, le Haut Commissariat au Plan poursuit la publication des actes des Forums.

    Le prsent document est consacr la troisime session du premier forum Maroc 2030 :environnement gostratgique et conomique qui a port sur lconomie marocaine. Celle-ci sest droule en deux temps. Une premire rencontre, les 13 et 14 mai 2005 Casablanca,a permis de traiter Les sources actuelles et potentielles de lconomie marocaine . Runissantdminents spcialistes nationaux et internationaux, les thmes tudis ont port sur les secteursproductifs, le monde de lentreprise et lconomie de la connaissance.

    La seconde rencontre, Investissement et institutions financires , organise le 20 mai 2005 Casablanca, a runi les acteurs majeurs du systme financier marocain pour dbattre deltat actuel du secteur et son rle dans la promotion de linvestissement et explorer les optionsde dveloppement pour lavenir, notamment autour des dimensions du partenariat public-priv et du dveloppement durable et rgional.

    Le prsent document prsente les contributions des diffrents participants (transmises parleurs auteurs ou retranscrites) et les dbats des sances. Ces derniers ont t synthtiss dela manire la plus fidle possible en mettant laccent sur les questions caractre prospectif.

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    TABLE DES MATIERES

    PREMIRE PARTIE

    5 Sources actuelles et potentielles de lconomie marocaine

    Discours introductif

    9 M. Ahmed LAHLIMI ALAMI, Haut Commissaire au Plan

    PREMIRE SANCE

    Lagriculture marocaine dans son contexte national et internationalQuel avenir ?

    13 Mohamed AIT KADI

    Quelles perspectives pour l'intgration internationale de l'industrie marocaine ?23 Larabi JAIDI

    31 Synthse du dbat de la premire sance

    DEUXIME SANCE

    Mot introductif du Prsident35 Mohamed BENCHAABOUN

    Connaissance et croissance : lentreprise marocaine en perspectives37 Noureddine EL AOUFI

    Les ressources humaines et lconomie du savoir43 Jean-Louis REIFFERS

    Technologies, innovations et dveloppement au Maroc48 Ahmed DRIOUCHI

    54 Synthse du dbat de la deuxime sance

    TROISIME SANCE

    Les perspectives de l'offre et de la demande mondiale d'nergie et les perspectives

    nergtiques pour le Maroc dans son environnement rgional et mondial59 Reinaldo FIGUEREDO

    66 Synthse du dbat sur lexpos de M. Figueredo

    Les perspectives du tourisme marocain dans son environnement mondialet mditerranen

    68 Hassan SEBBAR

    QUATRIME SANCE

    Les perspectives dinvestissement international et les opportunits pour le Maroc77 Morton J. HOLBROOK

    81 Synthse du dbat de la quatrime sance

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    DEUXIME PARTIE

    87 Investissement et institutions financires

    Discours introductif89 M. Ahmed LAHLIMI ALAMI, Haut Commissaire au Plan

    PREMIRE SANCE

    Systme financier : situation actuelle et perspectives davenir93 Abdelhamid AFI

    Financement de linvestissement : partenariat Etat, priv et collectivits locales96 Abdessalam ABOUDRAR

    Financement de lagriculture et du dveloppement rural100 Tariq SIJILMASSI

    103 Synthse du dbat de la premire sance

    DEUXIME SANCE

    Intermdiation bancaire au Maroc : perspectives davenir 25 anticipationspour les 25 prochaines annes

    105 Brahim BENJELLOUN TOUIMI

    Dveloppement rgional des banques dans le cadre des relations du Maroc avecses partenaires conomiques

    111 Omar BOUNJOU

    Dveloppement du secteur des assurances : perspectives davenir

    116 Ali BOUGHALEBLe financement du dveloppement durable

    120 Hassan EL BASRI

    124 Synthse du dbat de la deuxime sance

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    PREMIRE PARTIE

    SOURCES ACTUELLES ET POTENTIELLESDE LCONOMIE MAROCAINE

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    Discours introductif

    M. Ahmed LAHLIMI ALAMIHaut Commissaire au Plan

    Jai le plaisir de vous accueillir nouveau pour cette troisime session du Forum surlenvironnement stratgique et conomique du monde. Au cours des deux sessions prcdentes,

    nous avons tout dabord jet un regard perspectif sur les grandes tendances de la gostratgiemondiale, puis nous nous sommes interrogs sur les grandes problmatiques de lconomiemonde , celles qui orientent les grandes politiques de rgionalisation et de dcentralisation,celles qui dterminent la comptitivit des entreprises, celles qui sous tendent ledveloppement durable ainsi que les progrs des nouvelles technologies et de lconomie dusavoir.

    Nos prcdents intervenants venaient tous dautres pays et nous leur avions demand de nousapporter ce regard extrieur dont nous avons tant besoin pour nous situer nous-mmes. Cettetroisime session va galement bnficier des contributions de personnalits extrieures dehaut niveau et que je remercie davoir accept de participer nos travaux. Je voudrais ainsi

    saluer M. Reiffers, Prsident du Conseil scientifique de lInstitut de la Mditerrane,M. Figueredo, Conseiller spcial du Secrtaire gnral de la CNUCED, M. Holbrook, Conseillerconomique de la Mission amricaine lOCDE.

    Mais cest aussi des personnalits et experts nationaux que nous demandons de nous apporterdes vues et des jugements sur les opportunits que lenvironnement mondial, en devenir rapide,pourrait offrir notre pays. Je les remercie davoir bien voulu accepter cette difficile tche.

    Je remercie galement les participants qui, de session en session, deviennent des acteurs deplus en plus dcisifs dans llaboration de notre rflexion collective. Je suis heureux de constatercette assiduit et je voudrais y voir un signe de rel intrt pour notre interrogation prospective.

    Je voudrais donc, une fois encore, exprimer ma gratitude au PNUD, en madressant, aussi

    chaleureusement quamicalement, son reprsentant au Maroc.En ouvrant cette session, je voudrais resituer le travail dans lequel nous sommes engags etce que nous en attendons. Notre rflexion sur la Prospective Maroc 2030 doit nous aider explorer les futurs possibles. Lun dentre eux est dj inscrit dans des tendances lourdes quine peuvent que se poursuivre si rien ne change en profondeur. Ce futur, marqu parlexacerbation des dsquilibres que nous connaissons dj, nous ne le voulons certainementpas. Dautres futurs sont possibles. Il nous appartient de les tudier en profondeur pour enconnatre les opportunits, les limites mais aussi les implications en termes de volont politiqueet de projet social. Ce travail dexploration est difficile. Nous devons, dans les scnarios, identifierle ou les futurs qui pourraient devenir ralit. Selon que lon agit avec plus ou moins de volont,

    le futur est subi ou il se fait. Notre ambition est celle dun futur voulu et construit. Notrerle nest pas den dcider mais den dbattre pour clairer les dcisions politiques.

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    Les forums apportent des problmatiques aux autres travaux que nous conduisons en paralllepour couvrir tous les champs thmatiques concerns. Cest sur cette base que nous allonsconstruire les scnarios. Ce travail, nous le commenons aujourdhui. Jattends, en effet, que

    les tendances que vous allez dgager, prennent en compte les constats et les lignes de forcequi sont apparus lors des deux premires sessions. Je nen reprendrai pas lexpos mais je voudrais,pour orienter vos dbats, rappeler quelques uns des constats forts qui se sont dgags despremires sessions.

    Je fais, tout dabord, le constat de la centralit, dans les exposs, de la perspective euro-mditerranenne. Que nous nous engagions ou non dans un rgionalisme ouvert , nousne pouvons pas penser notre futur sans des liaisons troites avec lEurope. Je retiens de cequi nous a t dit des scnarios de lconomie mondiale, que le co-dveloppement des rivessud et nord de la Mditerrane est aussi un scnario gagnant pour lEurope. Nous devonsdonc jouer la carte du destin commun . Les tendances de la gostratgie du monde vont

    tre domines par de grandes confrontations conomiques dans lesquelles les partenaires lesplus puissants du sicle prcdent vont entrer en comptition conomique avec les conomiesmergentes, au premier rang desquelles se tiendra la Chine. LAmrique, pour sa part, conserveraencore longtemps une position dominante. LEurope, par contre, ne gardera sa place danslconomie multipolaire qui se dessine, que dans un cadre conomique beaucoup plus largeet dont les bases pourraient tre jetes par un nouveau partenariat euro-mditerranen.

    Je retiens, cependant, que cette option et sa priorit ne sont pas encore clairement affirmesdans les orientations politiques de lUnion Europenne, trop absorbe aujourdhui par saconsolidation et par lintgration de ses nouveaux membres. Il nous appartient, parce quenos chances sont plus proches et plus urgentes, de rappeler lEurope lintrt mutuel quenous avons dans un co-dveloppement, un dveloppement vritablement pens entrepartenaires. Nous devons en tenir compte dans nos scnarios et bien montrer ce que pourraienttre nos opportunits et nos complmentarits possibles. Mais je minterroge en mme tempssur dautres scnarios. LEurope pourrait ne pas encourager cette Euro-Mditerrane et, aucontraire, se fermer vers le sud, se repliant sur elle-mme. Ce risque nest pas ngligeable silon en juge par certains discours politiques en Europe. Quelle alors serait notre alternative ?Nos scnarios ne devraient-ils pas explorer des partenariats moins ambitieux mais plus srs moyen terme ? La Confrence de Barcelone semble tre un cadre institutionnel propicemais jusquo peut-on en attendre un nouveau partenariat euro-mditerranen enfin efficaceet dcidment tourn vers un vritable co-dveloppement du Nord et du Sud ?

    Mais je constate aussi que notre capacit de ngociation ne pse pas trs lourd si nous, marocains,

    sommes seuls. Cest l que nous revenons au Maghreb qui pourrait avoir, lui, cette capacitrenforce de ngociation. Ce concept commun na certes pas beaucoup avanc, que ce soitsur le plan politique ou sur celui de la coopration conomique. Mais je demeure convaincuque cest l une bonne approche pour aborder cette Euro-Mditerrane en gestation ou pourse positionner par rapport des scnarios alternatifs. Nos dbats ont bien montr que nousdevions apprendre valoriser des facteurs dunit, culturels, gographiques, historiques,conomiques, qui sont, au Maghreb, autrement plus forts que ceux qui unissaient, sinondivisaient, lEurope lorsquelle a commenc se construire.

    Jai aussi retenu lide forte de la comptitivit fonde sur des grappes de petites et moyennesentreprises. Cette formule pourrait tre la ntre, car nous avons plus de chance de bien

    dvelopper de telles entreprises en les associant des serveurs de taille europenne ou mondiale,quen dfendant un petit capitalisme familial obsolte. Mais nous devons, en mme temps,

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    Discoursintroductif

    Ahmed LAHLIMI ALAMIHaut Commissaire au Plan

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    bien replacer notre comptitivit par rapport au march mondial. Je crois que sur ce plan,nous nous devons dtre particulirement ralistes. Dans de nombreux domaines, les conomiesmergentes de lAsie produiront mieux et moins cher. Nous devons donc chercher ailleurs

    la comptitivit. Je crois des stratgies de qualit. Nous devons valoriser nos savoir faire,notre crativit, notre hritage culturel.

    Vous allez examiner chacun des secteurs de notre conomie dits porteurs . Soyez sansconcession et regardez en face la ralit venir. Les ractions de lEurope sur les textiles chinoissont applaudies par nos fabricants. Mais lEurope sait fort bien que la dsindustrialisationdu textile est, terme, largement invitable et quelle devra se reconvertir dans dautres activitsconomiques dans lesquelles elle pourra tre comptitive. LAmrique a dj fait ce choixsans autres tats dme. Nous devons faire le ntre, compte tenu de nos possibilits. Dansce dbat, faut-il voir lAsie comme une menace ? Ne faut-il en voir aussi les opportunits ?Quelle place doit occuper lAfrique dans la gographie conomique de notre futur ?

    Cela mamne un autre constat. Les perspectives les plus prometteuses de lconomie mondialesont celles quouvrent aujourdhui ce que lon appelle lconomie du savoir . Celle-ci avecles nouvelles technologies de la communication et de linformation ouvrent sur une infinitde champs nouveaux, lconomie des services en premier, mais aussi toutes les avenues de larecherche et des applications des nouvelles technologies, nanotechnologies, biotechnologies,nouveaux matriaux, nouvelles nergies, etc. Cette conomie qui portera la croissance de demain,dpend essentiellement de linnovation et des comptences des ressources humaines. Nouspourrions entrer dans une telle dynamique de progrs, nous pourrions faire de notre paysune source dexcellence, un grand hub de services rgionaux que valoriserait notre accsaux langues europennes. Nous disposons en effet de ressources humaines qui constituentnotre grande richesse pour demain. Mais celles-ci nont pas les comptences quexige le march

    du travail en formation. Notre retard dans ce domaine est mme dramatique. Nos scnariosdevront montrer ce que nous pouvons faire, et comment, pour rattraper ce retard, ils devrontnous montrer, sans concession, quelles sont nos chances objectives de ne pas manquer le rendezvous de cette nouvelle conomie.

    Cette dernire rflexion me conduit au problme des migrations dans le monde, un thmedont nous avons aussi dbattu et qui interpelle particulirement le Maroc. LEurope sest donncomme ambition de fonder sa comptitivit sur lconomie du savoir. Elle sait aussi que sapopulation vieillit et quelle aura besoin dapports de population active pour compenser sesdficits. Il existe donc trs vraisemblablement des opportunits demploi dune ampleur quenous pouvons mal imaginer aujourdhui. Ces emplois cependant ne souvriront quaux

    comptences, les qualifications leves en seront la condition premire. Nous sommes ainsiramens nouveau la question de fond de notre devenir, celui de la valorisation de nosressources humaines. Les scnarios nous montreront trs probablement que nous navons quetrs peu de temps devant nous si nous voulons rformer notre systme ducatif et entrer dansune dynamique de progrs.

    Nous voici donc avec quelques premires grandes hypothses que nous devrons prendre encompte pour construire nos scnarios, la centralit de lEuro-Mditerrane, le ncessairerenforcement de lunion maghrbine, la recherche de la comptitivit partir de nos avantagescomparatifs, les potentialits des nouvelles technologies et de lconomie du savoir,lindispensable valorisation de nos ressources humaines. Je vous invite intgrer ds aujourdhuices hypothses dans vos dbats et vous remercie de votre attention.

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    PREMIRE SANCE

    Lagriculture marocainedans son contexte national et international

    Quel avenir ?

    Mohamed AIT KADIConseil gnral du dveloppement agricole

    La premire partie de mon expos sera consacre aux perspectives long terme de lagriculturemondiale, aux tendances de la demande et de la production des produits agricoles. Je me suisrfr pour ce premier point au rapport de la F.A.O. Agriculture mondiale horizon 2015-2030 .

    Jai galement utilis les rsultats des simulations effectues par lInstitut international derecherche sur les politiques alimentaires (IFPRI). Ces simulations ont t effectues avec le modleIMPACT pour lhorizon 2025. Je me suis galement appuy sur certains travaux dAmartya Sen.Dans le second point, je prsenterai brivement lvolution du commerce agricole international,qui a un grand rle jouer pour stimuler lagriculture. Je rappellerai quelques caractristiques de

    ce commerce au niveau mditerranen en utilisant les donnes de la base CHELEM du CPII. Jesuis sr que Monsieur le Prsident apportera plus dclairage, compte tenu des travauxextrmement importants et intressants raliss par le FEMISE. Je conclurai videmment cette1re partie avec ce qui me parat tre les implications pour lagriculture marocaine.

    Dans la deuxime partie, je traiterai de lagriculture marocaine, qui a connu des changementsindniables depuis un demi-sicle, mais cette dynamique de progrs rencontre certaines limites.Ces dernires sont dues principalement des difficults internes pour ajuster lagriculture du paysaux changements du contexte mondial. Je voudrais vous en parler en me limitant quatre points.Tout dabord, je dirai quelques mots sur les transformations et les acquis de notre agriculture.Ensuite, je vous prsenterai les facteurs et les leviers qui me semblent avoir favoris ces

    changements. Enfin, je vous parlerai des dfis et risques majeurs auxquels lagriculture marocaineest confronte. Je conclurai enfin sur la vision que lon pourrait avoir de cette agriculture, comptetenu de ses potentialits, de ses limitations et des marges de progrs que lon peut envisager.

    1. Les perspectives de lagriculture mondiale

    1.1. La demande agricole mondiale et ses tendances

    Les projections de la F.A.O. montrent que le taux de croissance de la demande mondiale vadiminuer, car le taux de la croissance dmographique est en baisse, et des niveaux deconsommation assez levs sont dj atteints dans bon nombre de pays. On dispose au niveau

    mondial du potentiel ncessaire pour satisfaire la demande. Nanmoins, lAfrique du Nord etle Moyen-Orient vont devenir plus dpendants des importations de produits agricoles. Dans

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    lAfrique sub-saharienne pauvre, la scurit alimentaire ne samliorera qu la condition duneaugmentation considrable de la production locale. Si lon prend par exemple les crales, le tauxde croissance de la demande globale baissera de 1,3 % par an durant la priode 1997-2025,

    contre un taux de 1,9 % enregistr de 1969 1997. Laccroissement en valeur absolue sera lemme, et il sera essentiellement le fait des pays en dveloppement. Comme vous pouvez leconstater, les pays asiatiques, avec une population plus importante et plus urbanise, compterontpour pratiquement la moiti de laugmentation de la demande. La Chine elle seule enreprsentera pratiquement le quart, lAsie de lOuest et lAfrique du Nord (WANA), 10 %.

    Taux de croissance de la demande et de la productionconsolides de produits agricoles (% annuels)

    Rgion gographiqueDemande Production

    1969-1999 1997-1999 2015-2030 1969-1999 1997-1999 2015-2030 2015 2015

    Monde 2,2 1,6 1,4 2,2 1,6 1,3

    Pays en dveloppement 3,7 2,2 1,7 3,5 2,0 1,7

    Afrique sub-saharienne 2,8 2,9 2,8 2,3 2,8 2,7

    Proche-Orient 3,8 2,4 2,0 3,1 2,1 1,9Afrique du Nord

    Amrique latine 2,9 2,1 1,7 2,8 2,1 1,7et Carabes

    Asie du Sud 3,2 2,6 2,0 3,1 2,5 2,0

    Asie de lEst 4,5 1,8 1,3 4,4 1,7 1,3

    Pays industrialiss 1,1 0,7 0,6 1,3 0,8 0,6

    Pays en transition 0,2 0,5 0,4 0,4 0,6 0,6

    Source: FAO 2003.

    Si laccroissement de la demande en crales baisse, la demande globale en viande augmente.Cette augmentation est estime 69 % durant la priode 1997-2025. Elle sera aussi et dunefaon plus marque le fait des pays en voie de dveloppement. La Chine elle seule compterapour 40 % de laugmentation, contre 4 % seulement pour lInde. Cette augmentation sera

    couverte principalement par les viandes blanches (la viande de volaille) qui reprsenteront 42 %de laccroissement de la demande globale durant la priode 1997-2025. Bien entendu, avec cetteaugmentation de la demande de viande, les productions cralires vont tre de plus en plusdestines lalimentation animale.

    La part des crales dans lalimentation humaine va baisser de 67 % 50 %. Le mas, qui taitessentiellement utilis dans laviculture, va devenir en 2025 la premire crale avec 30 % de laproduction cralire totale contre 29 % pour les bls et 29 % pour les riz. Ceci est d lincorporation croissante de viandes dans les rgimes alimentaires. On passerait de 10 kg parpersonne et par an en 1964-1966 37 kg en 2030. Ceci tant, dans les pays en voie dedveloppement, on reste trs en dessous de la consommation de viande des pays dvelopps. Ces

    changements de rgime sont lis lexpansion du commerce international, comme nous leverrons, mais aussi la diffusion mondiale des chanes de restauration rapide et linfluence

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    Lagriculture marocaine dans son contextenational et international Mohamed AIT KADI

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    quexercent les habitudes alimentaires amricaines et europennes. Les facteurs culturels nesemblent pas faire plafonner des convergences moins de 80 %. La scurit des aliments, leurvaleur nutritive, la commodit et la facilit de prparation seront les moteurs de lagro-industrie

    de demain.

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    1 000

    2 000

    2 500

    3 000

    0

    500

    1 500

    PDEV PVD Monde

    2610

    1969

    1997

    2025

    834564 453

    1118

    1776

    1017

    1843

    725

    1.2. La production alimentaire

    Le tableau ci-dessous montre quil ny a pas eu de dclin de la production alimentaire parhabitant ; bien au contraire, les augmentations les plus importantes ont t enregistres dans lesrgions les plus peuples : la Chine (192 par rapport lindice 100 de 1979-1981), lInde et lereste de lAsie. LAfrique sub-saharienne reste trs vulnrable, la situation sy est dgradeessentiellement cause des crises politiques et conomiques. La tendance la hausse de laproduction sest maintenue malgr la baisse fulgurante des prix mondiaux agricoles. Pour les blspar exemple, la baisse est value en prix constants 1990 63 % entre 1950-1952 et 1984-1997.Bien sr, sur le court terme, le march mondial montre une certaine volatilit. On se rappelletous de la panique provoque par les augmentations au milieu des annes quatre-vingt-dix, maiselles ont t trs vite suivies en 1998 par une baisse de 20 % pour les bls. Rien nindique quesur le long terme cette baisse serait inverse.

    Indice de la production alimentaire par habitant

    Rgion 1974-1976 1979-1981 1984-1986 1994-1996 1996-1997

    Monde 97,4 100,0 104,4 108,4 111,0

    Afrique 104,9 100,0 95,4 98,4 96,0

    Asie 94,7 100,0 111,6 138,7 144,3

    Inde 96,5 100,0 110,7 128,7 130,5

    Chine 90,1 100,0 120,7 177,7 192,3

    Europe 94,1 100,0 107,2 102,3 105,0

    Amrique du Nord 90,1 100,0 99,1 99,4 100,0

    USA 89,8 100,0 99,3 102,5 103,9

    Amrique du Sud 94,0 100,0 102,8 114,0 117,2

    Demande totale en crales, 1969, 1997 et 2025 (FAOSTAT, IFPRI/IMPACT)en millions de tonnes

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    Lagriculture marocaine dans son contextenational et international Mohamed AIT KADI

    Farm Bill 2001 : Effet sur le revenu des diffrentes formes de soutien

    Components of Wheat Producers Final Revenue per Hectare

    Revenue per Hectare

    $150

    $200

    $250

    $300

    $350

    $400

    $450

    $87 $95 $102 $109 $116 $123 $131 $138 $145 $152 $159 $167

    Market Direct CCP Marketing Loan

    Les simulations faites par lIFPRI ont rvl que si on prend le cas de la Chine qui, comme onla vu, est lun des principaux moteurs de la croissance de la demande, mme si le dficit projeten 2020 de sa balance commerciale en crales passait de 49 94 millions de tonnes, cette

    demande sera facilement couverte par les exportations nettes, de sorte que les prix du blnaugmenteraient que de 10 %. Si dans la plupart des pays en dveloppement, la production sestmaintenue grce des protections tarifaires leves, comme cest le cas de la Chine, de lInde,dans les pays exportateurs nets, notamment les Etats-Unis et lEurope, la production sestmaintenue grce la multiplication des subventions aux exportations et dautres soutiens dediverses natures.

    Nous avons fait une simulation en prparation de nos ngociations du volet agricole de laccordde libre-change avec les Etats-Unis, et voil ce qui se passe pour un agriculteur de lArkansas.

    Lorsque les prix mondiaux baissent pour le bl, le revenu de lagriculteur reste stable (voiresamliore) compte tenu du jeu des soutiens permis par le Farm Bill 2001. Le chiffre qui a tavanc par lO.C.D.E. en ce qui concerne le soutien total de lagriculture est de plus de318 milliards de dollars, soit 1,2 % du PIB des pays de lO.C.D.E.

    Quelles ont t les sources de croissance de la production agricole ? Les augmentations de laproduction vgtale, comme vous le savez, proviennent de trois sources principales : lextensiondes terres arables, laccroissement de lintensit culturale, c'est--dire la frquence des rcoltes paran sur une mme superficie, et lamlioration des rendements. Lamlioration des rendements at de loin la plus importante source de croissance de la production vgtale (pour pratiquement78,80 %), alors que 15 % seulement provenaient de lextension des terres et 7 % delintensification. Selon les projections, ces tendances devraient se poursuivre jusquen 2030. Onsattend ce que lextension des terres compte pour 20 % de la croissance, lamlioration desrendements pour 70 % et lintensit culturale pour le reste. Bien sr, les possibilits dextensiondes terres varient dune rgion lautre. Elles sont trs importantes en Amrique latine et en

    Afrique sub-saharienne, o cette extension restera un facteur important (juste pour vous donnerune ide, le Brsil dispose de 450 millions dhectares potentiels pour lagriculture). Par contre,cette possibilit est pratiquement puise dans notre rgion.

    Il en est de mme pour leau. Je ne reviendrai pas sur ce qua dit Guillaume Benot sur la situation

    de leau, nous sommes des niveaux dutilisation des ressources extrmement levs. Je vousmontre ici un diagramme sur les taux de croissance moyens de la production agricole nette et de

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    la productivit globale des facteurs raliss entre 1961 et 2002, en prix constants 1991-2001.Comme vous pouvez le constater, le Maroc est dans le groupe pour lequel on peut parlerdextensification de lagriculture plutt que dintensification, puisquil y a eu une rduction de la

    productivit des facteurs mobiliss.

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    Taux de croissance moyens de la production agricole nette et de la productivit globaledes facteurs raliss entre 1961 et 2002 (prix constants 1999-2001 US$)

    Taux de croissance de la productivit globale des facteurs (PGF)

    6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0

    Core du Sud

    Turquie

    Maroc Egypte

    Mexique

    Malaisie

    Tunisie

    Jordanie

    Afrique du Sud

    Chili

    Irlande

    Grce

    Espagne

    PortugalPologne

    2,0

    3,0

    4,0

    0,0

    5,0

    1,0

    Observez les cas de lEspagne et du Chili, auxquels je ferai rfrence tout lheure, et aussi le casde la Malaisie qui est intressant parce que la diversification de lconomie malaisienne a textrmement profitable pour lagriculture.

    Concernant lamlioration des rendements, la biotechnologie semble trs prometteuse, mais sesapplications comportent aussi des risques potentiels. Les superficies les plus importantes sontrserves aux cultures olagineuses, peu prs 53 millions dhectares essentiellement consacrsau soja, puis au mas qui vient en seconde position, au coton et au colza. Les Etats-Uniscomptent pour 69 % des superficies, ensuite lArgentine (22 %), le Canada (6 %) et la Chine(3 %). Le coton brut en Chine a pratiquement divis les cots de production par 4 sinon plus.Donc, quand on parlera tout lheure de comptitivit, dconomie du savoir et debiotechnologie, ce sont des choses que nous revisiterons au courant de cet expos. Bien sr, faceaux O.G.M. et aux autres inquitudes des consommateurs, on assiste dans la direction oppose un dveloppement important de la culture biologique. Et l, il faut voir ce qui se passe en Italie

    qui a fait du bio sa trade-mark pour le marketing de toute sa production agricole. Ces cultures bio se dveloppent beaucoup, et les consommateurs se montrent prts payer des prixmajors de 10 40 % pour ces produits.

    1.3. Evolution du commerce agricole international

    Je passe rapidement au commerce international. En fait, les changes des produits agricoles etalimentaires ont eu tendance progresser moins rapidement que le reste du commerce desmarchandises.

    Entre 1970 et 2000, le taux de croissance annuel moyen sest lev 1,4 % pour les produitsagricoles et 4 % pour les produits alimentaires, contre 5,8 % pour les autres produits changs.

    La part du commerce agricole est passe de 46 % en 1959 un peu plus de 9 % en 2001 (cestle mme niveau actuellement).

    Source: R. Doukkali.

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    Trois phnomnes permettent dexpliquer cette situation : laccroissement du commerce desproduits manufacturs, la baisse tendancielle des prix des produits agro-alimentaires et surtout lefait que laccord de lUruguay Round sur lagriculture, qui avait t annonc comme un tournant

    dcisif, ait dbouch sur des rsultats limits. Les tarifs douaniers continuent freiner leschanges, les soutiens internes la production restent importants dans les pays de lO.C.D.E., etles subventions aux exportations sont encore leves. A cela sajoutent les barrires non tarifairesqui vont devenir de plus en plus contraignantes. On constate galement une protection plusmarque pour les produits alimentaires transforms que pour les produits bruts.

    Evolution de la production et des changes internationaux

    Source: OMC 2002.

    100

    200

    300

    400

    500

    600

    700

    Indicesdevolumes,

    base

    100en1970

    Exportations totales

    Production totale

    Exportations agricoles

    Production agricole

    1970

    1972

    1974

    1976

    1978

    1980

    1982

    1984

    1986

    1990

    1992

    1994

    1996

    1998

    2000

    1988

    La part des produits alimentaires transforms est passe 40 %, ce qui signifie que nous devonsconsidrer beaucoup plus lintgration de lagriculture lagro-industrie. Le commerce mondialreste domin par lEurope et lAmrique du Nord. LAsie et lAfrique du Nord et le Moyen-Orient sont les deux rgions qui reprsentent un solde structurel ngatif.

    Part des importations et des exportations alimentairesde la Mditerrane dans le monde

    15 %

    17 %

    19 %

    21 %

    23 %

    25 %

    27 %

    1961 1970 1980 1990 2000

    Part des importations

    Part des exportations

    Comme vous pouvez le constater, la part des importations et la part des exportations alimentairesde la Mditerrane sont en diminution. La spcialisation dans lagro-alimentaire des pays du Sud

    Lagriculture marocaine dans son contextenational et international Mohamed AIT KADI

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    et de lEst de la Mditerrane est en recul. Au dbut des annes soixante-dix, la part des produitsagricoles dans les exportations totales de la rgion tait nettement suprieure celle du commercemondial, 32 % contre 12 % pour les produits agricoles, et en 2000 cette spcialisation a

    quasiment disparu. La rgion se distingue maintenant par une part de lagriculture dans lesimportations plus leve que la moyenne mondiale.

    Ladhsion de lEspagne la Communaut europenne a constitu pour les pays mditerranensun changement radical des conditions de concurrence. La prfrence relative dont ils disposaientvis--vis de lEspagne a disparu, le traitement tarifaire prfrentiel na t accord que pour lescourants dchanges traditionnels . Mais le plus important est que lEspagne devenaitbnficiaire des dispositifs de la Politique agricole commune PAC , ce qui a favoris un netrenforcement de la spcialisation agricole espagnole au dtriment des pays du Sud. Le Maroc ena souffert, bien entendu. Nous devons rengocier avec lUE sur de nouvelles bases. Il y a desavances significatives qui se dessinent pour une plus grande libralisation asymtrique.

    Dans la carte ci-dessous (que je nai pu rsister prsenter, parce quici au Maroc, on parlesouvent du contenu en eau de nos exportations de fruits et lgumes), nous avons fait un travailau niveau du Conseil mondial de leau sur lquivalent virtuel du commerce international desproduits agricoles et alimentaires. Cet quivalent se monte quelque mille milliards de m 3, soit15 % des ressources utilises. Les crales comptent pour lessentiel. Pour produire une tonne decrale, il faut 1 000 m3 deau, il en faut 10 fois moins pour la tomate et pour les agrumes,cest l o nous avons nos avantages comparatifs. Les Etats-Unis exportent pratiquement enquivalent eau le tiers de leurs ressources exploites. Vous pouvez constater que tout cela estdestin lAsie de lEst et du Sud-Est.

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    Equivalent eau virtuelle du commerce international des crales (870 milliards m3/an)

    La rgion MENA importe lquivalent de lcoulement annuel du Nil. Le Maroc importelquivalent de la capacit des deux barrages Al Wahda et El Massira (nos deux plus grandsbarrages) runis. Ceci pour vous dire que nous devons mieux raisonner notre agriculture par

    rapport leau et par rapport aux possibilits quoffre le commerce international, et ceci mamnedonc la conclusion de cette premire partie.

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    Je sais que les perspectives agricoles et alimentaires mondiales sont loin de faire lunanimit desexperts : les uns dnoncent les risques dexcdents, tandis que les autres brandissent le spectre dela pnurie. Pour ma part, je considre la sous-utilisation du potentiel agricole de certains pays, labaisse de la demande, les avances de la biotechnologie, les progrs mme petits pas dans lesngociations multilatrales au niveau de lOMC ; tout cela incite un certain optimisme pourdire que le Maroc peut mieux raisonner son agriculture et optimiser lallocation de ses ressources,en rompant avec les paradigmes dautosuffisance alimentaire, de scurit alimentaire et encoreplus de souverainet alimentaire qui nous a t annonce la dernire fois. Les implications, je vousles nonce ici sous forme de principes qui devraient guider laction : (1) lhritage des politiquesdimport-substitution doit tre dpass pour optimiser les rponses au march international ; (2)lagriculture ncessite une vision qui transcende les approches sectorielles traditionnelles focalisessur la production seulement (on parle de plus en plus de la multifonctionnalit delagriculture) ; (3) il faut crer les capacits pour stratgiquement promouvoir et valoriser lesavantages comparatifs du pays et sa comptitivit ; et (4) il faut investir dans lconomie du savoiret dvelopper des plateformes agro-technico-biologiques. Il faut par consquent sengager dansune politique vigoureuse de rformes comme certains pays lont fait et qui en rcoltent dj lesfruits. Lexemple du Chili est loquent. Ce pays a rform son conomie et son agriculture trs

    tt, le taux de croissance des exportations agricoles a atteint pratiquement 12 % entre 1980-1999.Les mmes niveaux ont t atteints dans dautres pays comme la Bolivie, le Costa Rica et leMexique. Ceux qui ont rform plus tardivement ont fait beaucoup moins.

    2. Les acquis et les transformations de lagriculture marocaine

    2.1. Les acquis

    En cinquante ans, lagriculture marocaine a beaucoup progress, elle sest diversifie, elle sestintgre au march, elle reste le principal secteur pourvoyeur demploi et de revenu en milieurural, et elle continue apporter une contribution significative la couverture des besoins

    alimentaires du pays : doublement du PIB agricole malgr les fluctuations lies aux scheresses rcurrentes ;

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    Lagriculture marocaine dans son contextenational et international Mohamed AIT KADI

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    progression importante des productions vgtales et animales comme lindique lindice dela production des cultures et de llevage : triplement de la production de lait, doublementde celle des viandes rouges et dcuplement de celle des viandes blanches ;

    lagriculture a continu et continuera encore reprsenter une part importante du PIB etde lemploi ;

    les taux de couverture des besoins par la production nationale se sont amliors dans uncontexte qui est ouvert sur le march international, comme le montre lvolution desexportations ;

    lagriculture irrigue, bien quelle ne reprsente que 13 % de la SAU, contribue pour 45 % la valeur ajoute, 75 % aux exportations et 35 % lemploi ;

    mais notre agriculture est reste trs peu intgre lagro-industrie : il faut inverser lescontributions respectives de lagriculture et de lagro-industrie dans la valeur ajoute.

    Quels ont t les facteurs de ces changements ? Avec le recul du temps, je pense quil y en a quatre : un engagement de lEtat inscrit dans la longue dure ; une politique soutenue dinvestissement, en particulier en matire damnagement hydro-

    agricole ; un cadre institutionnel diversifi et volutif ; une responsabilisation et une mobilisation croissante de la profession.

    2.2. Les dfis

    Mais en dpit de ces progrs, lagriculture marocaine est aujourdhui confronte de nombreuxdfis qui posent une exigence de changement, dinnovation et de rforme. Ces dfis sont connus,en particulier : le dfi de la croissance conomique ; le dfi de la pauvret qui affecte une grande partie de la population rurale ; le dfi des risques naturels : les scheresses sont devenues plus frquentes, laridit va

    saccentuer avec les changements climatiques ; le dfi de la durabilit avec la question centrale de leau, motif dinquitude pour lavenir.

    Pourquoi est-on confront ces dfis ? Les causes sont multiples et interagissent entre elles. La trsforte croissance dmographique a certainement eu un impact majeur dans les dsquilibres et lesruptures qui se sont produits il y a une vingtaine dannes. La croissance conomique na pas suivicelle de la population. Consquence de la croissance de la population : des pressions extrmes sontexerces sur lemploi et sur les ressources foncires, des pratiques techniques peu attentives la

    bonne gestion des ressources naturelles ont ajout leurs effets destructeurs la pression humaine.

    Sur un autre plan, le constat doit tre fait que la croissance de lagriculture a t srieusementaffecte par la limitation des changes avec lEurope et par des marchs internationaux quideviennent de plus en plus exigeants.

    A cela sest ajoute une trs forte contraction des financements extrieurs et des moyens de lEtat.Mais lune des plus grandes causes de la stagnation a tenu aux changements profonds du contextepolitique, conomique et technologique dans le monde. Lagriculture marocaine a t troprapidement confronte ce changement et aux exigences de la comptitivit globale.

    Le Discours du trne a retenu lagriculture, le dveloppement durable et quitable de

    lagriculture et du monde rural comme faisant partie des 7 piliers du nouveau projet de socitpropos la nation.

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    Quelle agriculture pour demain ?

    La rponse est que cette agriculture sera diffrente de celle daujourdhui. Elle aura valoriser lesopportunits douverture en se spcialisant dans les filires de production pour lesquelles elle aun avantage comparatif. Elle aura en mme temps viter la disparition de lessentiel delagriculture familiale, dont elle aura soutenu la fonction socitale : emploi, attache identitairedans le milieu rural, patrimoine de savoir et de culture.

    Cette agriculture de demain ne devra pas tre vue selon limage simpliste dune agriculture duale, secteur moderne et secteur social traditionnel mais au contraire comme une agricultureplurielle dans laquelle tous les territoires et tous les agriculteurs auront trouv une place dans unensemble national valorisant au mieux leurs opportunits respectives. Lagriculture marocaine aun futur, un futur qui doit tre voulu, un futur qui doit tre construit.

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    Quelles perspectives pour l'intgration internationalede l'industrie marocaine ?

    Larabi JAIDIUniversit Mohammed V

    L'agriculture marocaine a constamment bnfici des faveurs dun dbat public, ce qui estnormal et naturel vu la sensibilit de ce secteur, son implication sociale et ses implicationssur la scurit alimentaire. Cependant, l'industrie n'a pas bnfici d'une telle intensit enmatire de dbats sur ses choix, sur ses orientations et sur ses mcanismes. Nous observonsaujourd'hui qu'elle revient avec force dans le dbat public ici et ailleurs, alors qu'on pensait

    pendant longtemps qu'elle tait tombe en dsutude. Pourquoi en dsutude ? Parce quela classe politique, les acadmiciens et les acteurs du secteur avaient souvent assimil la questionindustrielle ou la politique industrielle un monde en vanescence, un monde facilementassimil celui d'un Etat centralisateur, interventionniste outrance, un Etat l'origine desgrands programmes de dveloppement ou, la limite, qui pousse la constitution de ce quonappelle les grands champions nationaux, dans tous les cas celui qui apporte son aide audveloppement industriel.

    Cette image a en quelque sorte fauss la donne, et c'est ce qui explique le fait que l'on revientaujourd'hui sur la question industrielle. En fait, on constate, dune part, que la croissancede l'conomie mondiale s'affaiblit, c'est--dire que toutes les hypothses qui taient bties

    sur l'mergence d'une nouvelle conomie ou sur le rle que pouvaient jouer les services dansle dveloppement des conomies mondiale et nationale sont en train d'tre remises en cause.Dautre part, il y a une amplification des dynamiques de restructuration. Les dlocalisationsen sont un exemple, avec ce quelles posent comme problmes dans les pays du Nord en termesde perte demplois et dans les pays du Sud en termes de recherche de lattractivit desinvestissements directs trangers.

    Et puis, il y a ces fameux chocs, que ce soit les chocs relatifs l'largissement de l'Europe,au libre-change ou la Chine qui est en plein dveloppement, et qui nous interpellent d'unecertaine manire. Tenant compte enfin de ce nouveau paysage, il me semble quune politiqueindustrielle s'impose. Elle s'impose d'autant plus qu'on observe travers le monde unereconqute de la rflexion sur les politiques industrielles et, surtout, sur le rle de l'Etat dansla conduite de ces nouvelles politiques adaptes un nouvel environnement et sous de nouvellesformes. Et cela se passe partout, mme dans les conomies industrielles fortement attachesau libralisme comme aux Etats-Unis, au Japon et en Europe, mme si cette dernire peine trouver une meilleure articulation entre politique industrielle et politique de laconcurrence.

    Nous voyons donc que des politiques industrielles ambitieuses sont en train de se mettre enplace. Le Maroc doit aussi sinterroger sur ses choix. Mais une telle interrogation ncessite,comme dans toute dmarche prospective, un bon diagnostic rtrospectif. Ds lors, les questionspralables deviennent :

    Qu'est-ce qui est considr comme un acquis ?

    Qu'est-ce qui est remis en cause aujourd'hui ?

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    Quels sont les changements structurels qui s'oprent ? et dans quelles directions ?

    Quelles sont les contraintes qui psent sur les mutations rapides du tissu industriel, dautantplus quon considre que le secteur industriel pourrait attnuer la vulnrabilit du secteur

    agricole ?

    Ainsi, ma rflexion va se situer trois niveaux :

    Premirement, on va sinterroger sur la rtrospective de l'industrie marocaine, de sa politiquemais aussi de ses rsultats. Quels sont les liens qui se sont tablis entre les politiques (environnementdu dveloppement de la politique industrielle), les performances et les structures ? Il sagit enfait du triptyque classique dune approche sectorielle mais qui permet de mettre l'accent surles faiblesses, les opportunits, les risques actuels et les contraintes des mutations industrielles.

    Cette analyse rtrospective nous conduira poser la question des enjeux de l'intgrationde notre industrie dans un environnement mondial en plein bouleversement. Cette approche

    va ncessiter, dans un premier temps, l'examen des enjeux de lindustrie lis aux nouveauxvisages de la mondialisation et de l'internationalisation du secteur industriel. Quelles sontenfin les tendances fortes qui commencent dj imprgner les changements structurels ?Et comment vont-elles se prolonger ?

    Partant de l, quelles sont les lignes-forces de ces changements ? Comment ces lignes-forcesdemandent un certain nombre de pr-requis, si l'on veut pouser la tendance favorable delinsertion de notre conomie dans le tissu industriel mondial ?

    Prsentation de l'analyse rtrospective

    Il est vrai que le dveloppement industriel est indispensable pour la modernisation du Maroc.Ce dveloppement est intervenu suite une srie d'volutions de long terme, acclres dansles annes soixante et soixante-dix. Mais partir des annes quatre-vingt, l'orientation dupays a pris une autre trajectoire. Une srie de rformes ont t engages et ont conduit modifierl'environnement dans lequel interviennent les acteurs privs.

    Pendant les premires annes de l'Indpendance, le Maroc avait opt pour un modle dedveloppement industriel, celui de la stratgie de l'import-substitution. Modle qui a connuses moments de gloire dans les annes soixante, mais qui, partir des annes soixante-dix,a commenc montrer ses faiblesses et ses blocages. Ces faiblesses et blocages remontent la squence de produits de consommation, produits intermdiaires. L'objectif tait de construireun tissu homogne, cohrent dans la stratgie de territoire.

    Ces blocages sont identifis au niveau de la dynamique du march intrieur et de sa faiblesse,de la capacit de matrise technologique et aussi au niveau de la mobilisation des ressources,prives ou tatiques.

    En fait, ces changements ont commenc partir des annes soixante-dix, mais se sont manifestsde manire plus nette partir des annes quatre-vingt. Ils tournent autour de deux axesfondamentaux :

    comment mieux utiliser les ressources nationales ? dans le sens de la promotion des secteurstourns vers l'export ?

    quels sont les programmes mettre en place pour favoriser cette tendance louverture

    sur les marchs internationaux ? les politiques travers la rforme de la protection, l'incitation lexportation, la drglementation des prix ?

    Quelles perspectives pour l'intgrationinternationale de l'industrie marocaine ? Larabi JAIDI

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    Mais la lecture de ces changements de lenvironnement, on doit se demander quel a tvritablement son impact sur la dynamique industrielle.

    Quand on se penche sur la ralit, on constate que le dveloppement industriel est rest bas

    sur les ressources naturelles (phosphates) ou agricoles, c'est--dire la transformation en aval,ou sur l'assemblage, que ce soit pour les secteurs de la mcanique ou pour le secteur textile.Il n'est pas exclu, dans ce cas, que ces politiques aient conduit dsagrger le tissu industrielen l'empchant d'optimiser le potentiel d'intgration.

    Ces efforts de mobilisation des ressources ont t conduits grce la politique de l'Etat (secteursphosphatier ou agroalimentaire, programme sucrier, programme laitier). Le march intrieura continu d'tre le support majeur de lindustrialisation. Dans ce cadre, nos exportationsont progress, puisque le taux de pntration tait lev sur les marchs extrieurs. Mais quandon examine de trs prs cette progression, on se rend compte qu'elle tait surtout due ausystme prfrentiel, qui est en train d'tre remis en cause aujourd'hui.

    En somme, si nous valuons les performances d'une manire rapide, on constate :

    une croissance industrielle sur la longue dure autour de 4 %, ce qui en fait n'est pas importantquand on la compare aux performances de l'un des pays nouvellement industrialiss ;

    un dficit commercial ;

    un taux de couverture de 55 65 %, ce qui suppose que toutes les politiques d'exportationont conduit des importations.

    Une des limites de cette performance est la mutation trs lente du tissu industriel, dfinied'aprs un certain nombre de critres relatifs, que ce soit le poids relatif de l'industrie parrapport au PIB ou la revalorisation du tissu industriel dans le PIB, qui est due beaucoup plus des facteurs exognes qu' la dynamique propre du secteur. Cette distorsion structurellefreine la ralisation de la croissance soutenue du tissu industriel :

    le poids relatif de l'informel dans le tissu industriel reprsente 20 30 % de la valeur ajoutedu secteur ;

    l'ingal dveloppement industriel o prdominent les biens de consommation qui reprsentent50 % de la valeur ajoute du secteur ;

    le manque d'intgration, travers le manque d'articulation non seulement intra-industrielmais aussi avec les autres composantes du tissu productif, que ce soit l'agriculture ou lesservices ;

    l'agriculture reste domine par l'agro-alimentaire et le textile ;

    la faible diffusion territoriale du tissu industriel : si l'on compare certains indices et indicateurspendant les annes soixante-dix et quatre-vingt, on peut dire que la concentration territorialesest beaucoup plus aggrave pendant cette dernire dcennie (part crasante deCasablanca, recul de la position de Tanger, Fs et Mekns et isolement de l'Oriental) ;

    la faible contribution l'emploi.

    Ceci a rejailli sur la capacit l'exportation et sur les prix l'exportation. L'une des consquencesde cette faible efficacit industrielle sest traduite par des indices de comptitivit stagnantset par un vieillissement de l'appareil productif, c'est--dire que le renouvellement de

    l'investissement se fait plus par extension que par innovation. Il n'y a pas d'accumulationde capital sur le long terme.

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    Quelles sont les contraintes ?

    Elles peuvent tre identifies partir de plusieurs travaux, notamment travers l'observatoire

    de la comptitivit internationale de l'conomie marocaine.

    On ne va pas revenir ici sur la littrature lie cet aspect l, qui est assez connue (indicateurslis au cots de la main-d'uvre, la procdure, la fiscalit, etc.), mais on devra s'arrter surdes indicateurs construire qui ne sont pas suffisamment mis en exergue. En d'autres termes,si l'on analyse la stratgie du tissu industriel adopte long terme, on constate qu'elle estfonde sur la comptitivit indiffrencie, c'est--dire la recherche de comptitivit-cot, fondesur une faible charge salariale. Ainsi, la comptitivit hors cot n'a pas t prsente dans nospolitiques.

    La stratgie de la politique industrielle n'a pas connu de spcialisation, mais parfois mmeune dspcialisation. Cest pourquoi l'insertion de nos changes internationaux s'est heurte un triple handicap : une conomie mal spcialise ; une conomie mal adapte la demande internationale ; une spcialisation faible intensit et trs fragile du point de vue de sa constitution.

    La stratgie de dveloppement industriel a gnr une configuration productive trs clate ;c'est--dire que les liens entre les activits industrielles ne sont pas trs maills, pas bienstructurs. Notre tissu industriel est peu densifi, constitu dunits isoles les unes des autres ;et quand il y a possibilit dune prsence forte dans un certain nombre de secteurs, la cooprationindustrielle fait dfaut, d'une certaine manire.

    Un autre lment important de contrainte est que la stratgie de la politique industrielle at insuffisamment pourvoyeuse d'emplois.

    Par ailleurs, la stratgie de la politique industrielle n'est pas parvenue dceler les contraintesde financement, que ce soient les relations avec le financement externe ou bancaire ou larecherche de fonds de capitaux. Cette relation entre systme industriel et systme de financementest trs importante, dans la mesure o la fragilit du secteur est conjugue la faible capacitd'autofinancement. Aussi, la stratgie du dveloppement industriel a-t-elle induit des relationsdistendues entre entreprises et territoire national.

    Quels sont les enjeux ?

    Les enjeux sont surtout lis aux accords bilatraux avec les Etats-Unis et l'Unioneuropenne. Plus particulirement, ils sont lis cette dernire, dans la mesure o l'Unioneuropenne reprsente un poids extrmement important dans les changes industriels.

    Il est vrai que le Maroc est appel bnficier d'un certain nombre d'opportunits, mais jeconstate que les dbats publics mettent l'accent sur le risque de l'ouverture, parce que justementles rformes d'adaptation sectorielles ne suivent pas le rythme de louverture. A cet gard,on met beaucoup plus laccent sur l'Europe, alors que les dstabilisations constates viennentbeaucoup plus de la pntration de produits venant de pays de mme niveau dedveloppement que le ntre (notamment la Tunisie, la Turquie et la Chine). Ainsi, le libre-

    change avec des pays similaires pose beaucoup plus un problme d'ajustement de cot qu'unproblme de relation avec l'Europe ou les Etats-Unis. L'ouverture implique ncessairement

    Quelles perspectives pour l'intgrationinternationale de l'industrie marocaine ? Larabi JAIDI

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    une rallocation de ressources, un rajustement des activits o le Maroc disposerait d'unavantage comparatif. Cette question de spcialisation-comptitivit se pose.

    Le Maroc, comme le reste du monde, n'chappe pas cette interrogation fondamentale sur

    la comptitivit, savoir comment construire les fondements d'une croissance industrielledurable ? Comment crer des avantages concurrentiels sur des activits particulires ? Quelssont les atouts du Maroc qui vont dterminer cette capacit crer ou entretenir un avantageconcurrentiel ? Quelles sont les branches ou sous-branches ou secteurs qui disposent d'unavantage relatif sur ses concurrents ? Quelle est la politique publique qui doit accompagnerces choix ?

    Les zones de l'ouverture nous indiquent que les relations industrielles aujourd'huin'obissent pas aux lois du march, et, par consquent, l'optimum de spcialisation ne devraitpas tre confondu avec l'ouverture sans accompagnement de notre politique industrielle. C'estune affirmation importante. Quand on fait la typologie des branches de l'industrie marocaine

    selon leur degr d'ouverture, on constate une sensibilit diffrente selon le dynamisme longterme : branches introverties ou branches extraverties (acide phosphorique, par exemple).Un niveau de sensibilit trs diffrent. Mais quel est lenjeu ?

    L'enjeu, c'est qu'il y a une redistribution mondiale des parts de march. Il s'agit alors desavoir comment le Maroc peut se positionner dans cette redistribution. Autrement dit, si ondcompose notre part de march sur le march europen, que peut-on dgager commeobservation ?

    Une premire question simpose : sommes-nous dans une spcialisation gographique favorable ?C'est--dire vendons-nous sur des marchs progressifs ? La rponse cette question est quenous ne vendons pas assez sur des marchs progressifs, nous vendons encore sur des marchs

    saturs.

    Pour ce qui est de la spcialisation sectorielle, la question est : vendons-nous des produitsauxquels la demande mondiale est dynamique ? La rponse est que nous vendons des produitsde l'ancienne gnration, c'est--dire des produits de consommation.

    Ces deux questions nous interpellent sur la redistribution des parts de march, d'autant plusque la concurrence mondiale s'est largie et que la comptitivit n'est plus lie la simpleperformance des prix relatifs ou aux cots salariaux.

    Le Maroc n'a pas encore connu de basculement dans sa politique de spcialisation en fonctionde cette redistribution mondiale qui est en train de se faire. En fait, la valeur ajoute de ses

    produits industriels et la qualit de ses produits industriels sont en stagnation ou en reculsur ce march.

    C'est le diagnostic qui peut tre complt par le fait que, face la rorganisation du tissu industrielmondial, notre industrie continue de travailler sur la base dun fractionnement de la chanede valeur ajoute et dune localisation sur cette chane des niveaux pratiquement les plusfaibles, non pourvoyeurs de richesse. Toutefois, comment extrapoler dans le futur cette tendanceque nous avons observe dans le pass et qui continue de se perptuer dans le prsent ?

    Disons les choses clairement : il ny a pas de fatalisme dans ce domaine. Tout est questiondaction publique ou de coordination public-priv et de politique industrielle nouvelle.Toutefois, une chose est sre : les enseignements tirs des expriences des autres pays montrent

    quaucun pays ne s'est industrialis en obissant aux seules lois du march et du libre-change.C'est un enseignement fondamental.

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    Les politiques industrielles actives sont fondes sur l'augmentation des gains de productivit.Ce sont ces derniers qui permettent de gnrer des emplois et la distribution de revenusnouveaux. Par consquent, la politique publique a cette double fonction : la coordination

    et l'anticipation.Tenant compte de ces aspects, il y a aussi ce nouveau visage de la mondialisation. L'industriese mondialise beaucoup plus que par le pass, et plus rapidement que d'autres secteurs,contrairement ce que l'on croit. Mais on se mondialise selon de nouveaux modes. Quelssont alors les facteurs qui agissent sur cette redistribution ?

    L'un des facteurs fondamentaux est la diminution des cots, travers l'impact des technologiesde l'information sur les cots de la production, sur les cots des transports, sur les cots dela communication, etc.

    Le facteur qui conduit dynamiser cette redistribution mondiale, c'est la libralisation dela rglementation, et surtout celle du commerce et de l'investissement. Ce qui est le plusimportant, c'est que la stratgie de la mondialisation passe par :

    1. Les stratgies de fusion-absorption et les stratgies dalliance l'chelle mondiale, qui ontdes implications sur les stratgies des acteurs dans les espaces de proximit. Ces stratgiesdalliance ne touchent pas seulement les grandes entreprises, mais aussi les petites et moyennesentreprises et les petites et moyennes industries. La politique industrielle se dveloppeactuellement selon une logique de rseaux. Il est impossible d'avoir une vision trs claire surce qu'elles pourraient tre demain.

    2. La redfinition entre politique industrielle et politique commerciale, en mettant l'accentnon pas seulement sur l'aspect gnral des nouvelles rgles du commerce international, mais

    aussi sur le renouveau industriel travers le phnomne de coopration des entreprises.

    Quelles sont les lignes de force et les lignes majeures de rflexion surle devenir de l'industrie ?

    Premire orientation : matrise de l'insertion dans la mondialisation. Nous avons un dficitcommercial qui reste un niveau historique, non seulement du point de vue industriel maisaussi globalement. Il semble que, s'il n'y a pas de positionnement de notre industrie sur descrneaux porteurs, que ce soit par les stratgies de filires ou les stratgies de positionnementdans un certain nombre de segments, l'accroissement du dficit commercial risque de peser

    trs lourdement sur le potentiel de croissance et sur les aspects macroconomiques.Dans les dbats aujourd'hui au Maroc, lassainissement macroconomique constitue souventun pralable pour permettre au systme productif d'exploiter les espaces de valeur ajoute.Cependant, on oublie souvent que l'assainissement macroconomique passe aussi par unelogique de dveloppement industriel, qui permet justement un quilibre macroconomiqueet notamment industriel. Linsertion dans la mondialisation devrait, en consquence, prendreen considration cette logique d'affrontement dans laquelle la puissance publique ( traversla politique macroconomique et la politique sectorielle) doit jouer un rle fondamental.

    Deuxime orientation : la cration de richesse passe par la stratgie de spcialisationoptimale. Quelles sont alors les modalits de ces spcialisations ? Quels sont les lieux de

    leur localisation ? Ces questions nous interpellent, non pas seulement en termes depositionnement des branches ou de segments, mais aussi en termes de positionnement des

    Quelles perspectives pour l'intgrationinternationale de l'industrie marocaine ? Larabi JAIDI

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    entreprises sur des activits venir. Ceci devrait en effet permettre aux entreprises d'avoircette stratgie de conqute dans le sens d'une mancipation et d'une dynamique assurantune rentabilit long terme et une prennit du tissu industriel. Evidemment, la spcialisation

    ne dcoule pas spontanment de l'intensification des changes ; la politique de loffre doittre accompagne dune politique d'infrastructure. La spcialisation repose non seulementsur la politique macroconomique, mais aussi sur des politiques sectorielles.

    Troisime orientation importante : matrise de la dynamique du territoire. Le dbat surla polarisation et la marginalit des territoires doit tre prsent, parce que la polarisation estune tendance lourde. Comment y faire face ? Par une diffusion qui soit soutenue par unepolitique non pas directement lie l'entreprise, mais par une politique d'infrastructure, dedcloisonnement du territoire et travers les bassins d'emploi existants qu'il faudrait exploiterdans les diffrentes rgions.

    Quels sont les pr-requis ?

    L'amlioration de l'environnement conomique (infrastructure, rglementation,rglementation sociale, rforme de structure).

    Le retour une stratgie, non pas une stratgie passive mais une stratgie offensive dansl'industrie, une stratgie qui ncessite une mise en relation de l'Etat avec le secteur priv,sous forme dune politique de partenariat bien adapte au contexte et aux enjeux internationaux.

    La recherche de l'augmentation de la productivit dans le tissu industriel, c'est--direl'innovation.

    En ralit, on ne dispose pas de moyens pour augmenter notre recherche et dveloppement,ni non plus les moyens d'apprentissage. Mais il faut mettre l'accent sur ce que peut reprsenterla politique d'innovation dans la politique industrielle, aussi bien par la mobilisation despotentialits du systme ducatif et du systme technologique que par l'encouragement dela culture du risque et de la culture d'innovation. Ces trois pr-requis ncessitent de dfinirle rle des acteurs en fonction d'un principe essentiel. Comment anticiper pour mieux agir ?La rflexion doit porter sur trois axes.

    L'Etat doit retrouver un rle dcisif dans la politique industrielle, parce qu'il peut assurer lacohrence des choix long terme, ce qui est fondamental. Mme dans un contexte de rarfaction

    budgtaire, l'Etat ne doit pas tre assimil une politique dfensive. Il y a d'autres modalitspar lesquelles l'Etat doit intervenir, sans que cela ne ncessite un cot budgtaire important.Ce qui suppose une anticipation et une analyse prospective, celle-ci pouvant amener les acteurs adhrer un certain nombre de projets.

    La motivation des entreprises. Il y a une stratgie des socits, ce qu'on appelle les grandsgroupes, mais la rflexion sur la coopration entre les grands groupes et les PME est absente.Il y a beaucoup plus une logique de tension entre ces deux acteurs qu'une logique de coopration.Cette situation est due soit la marginalisation des PME dans un certain nombre de segments,soit la dominance du march par certains groupes. Il faut donc donner un contenu cetteopration.

    Connaissance des march et connaissance des concurrents. Nous n'avons pas un systme deveille au niveau de l'Etat qui permette l'anticipation et qui donne un aperu sur l'volution

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    des conomies mergentes. Sans un tel systme, nous tombons dans une logique de dvaluationscomptitives, et nous perdons des parts de march. Dans ces conditions, le taux de changedevient le palliatif ou un simple substitut la politique publique.

    Ainsi, il faut mettre en place un systme de suivi et de prospective des conomies mergentes,aussi bien au niveau du transfert technologique qu'au niveau de l'industrie. Il faut galementmettre en place un systme de veille au niveau des ides. Par ailleurs, il importe de mettreen place un systme qui permette de stimuler l'innovation. Sur ce plan, le Maroc enregistrebeaucoup de retard. L'une des conditions est de mieux articuler le march financier et lefinancement de l'innovation.

    C'est l'un des enjeux sur lequel nous ne nous sommes pas beaucoup arrts et qui permettrade donner la culture scientifique et la culture technique une dimension forte dans lecomportement des acteurs impliqus dans cette logique de confrontation. La cooprationinterne est ainsi une condition pour mieux ragir face la concurrence internationale.

    Quelles perspectives pour l'intgrationinternationale de l'industrie marocaine ? Larabi JAIDI

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    SYNTHSE DU DBATDE LA PREMIRE SANCE

    Les services reprsentent dans les conomies industrialises entre 65 % et 81 % de lacontribution au PIB. Il est donc vident quil y a des services qui sont essentiels non seulementpour une dynamique de dveloppement dun pays ou dune rgion mais aussi pour la cohsionsocitale. Aprs cinq annes dactivit du programme des Nations Unies, du PNUD et de laCNUCED nomm Globalisation et libralisation et dveloppement humain durable que jedirige, nous sommes tombs sur les vecteurs essentiels favorisant linsertion conomique.Lobjectif nest pas la libralisation mais une croissance de qualit qui doit tre gnratrice dunmaximum de richesses. Il est donc ncessaire de bien choisir le modle de dveloppement qui

    rsoudra des problmes fondamentaux un moment essentiel. (R. Figueredo) Le Maroc est dans une phase tout fait particulire de lvolution de son conomie qui, jusqula signature de laccord de libre-change, tait protge. Quel que ft le cot de production, il yavait une rente de situation, et les industries taient destines produire pour le march intrieur.Les produits fabriqus taient de qualit peu leve mais un prix relativement lev. Aveclouverture, les barrires douanires sont supprimes, ce qui reprsente un grand changementpour les entreprises. De ce fait, lEtat modifie son cadre macroconomique, et les entreprisesdoivent trouver les moyens de sy adapter, mme si elles souffrent dun manque norme deressources intrieures. Par consquent, il est ncessaire de les aider par des moyens appropris.

    Jusqu prsent, malgr tous les efforts entrepris, la mise niveau nvolue pas un rythme

    significatif malgr le cadre incitatif qui aurait d tre constitu par linstauration de la zone delibre-change avec la Jordanie, la Tunisie et lEgypte. Paralllement, le Maroc na pas asseztravaill sur les avantages comparatifs pour attirer les entreprises. En effet, les facteurs deproduction en Egypte ou en Turquie sont plus avantageux. En plus de cela, le march intrieurest faible, ce qui nencourage pas les industriels produire plus, car les ressources, mme si ellesexistent, sont difficiles mettre en uvre.

    Les conomies europennes consacrent 25 % la formation brute du capital fixe, sur unrevenu par habitant qui est de lordre de 25 000 30 000 euros, ce qui reprsente 5 000 eurospar habitant et par an. Au Maroc, on manque de ressources internes pour pouvoir arriver aursultat escompt. Une entreprise qui investit plus est capable de gagner davantage de parts de

    march et de devenir terme plus comptitive. 45 % de la population marocaine vit dans le monde rural. Elle est sous-gnratrice de richesseet contribue seulement 12 % du PIB. En mme temps, il a t dcid dtendre le SMIG aumonde urbain, mais celui-ci na pas t gnralis lensemble des entreprises, notamment cellesqui sont dans linformel. Pour rduire lexode rural, il serait judicieux de crer des zones franchesde dveloppement en milieu rural, qui seraient entirement ddies lexportation.

    Dans les pays industrialiss, la production agricole est lie faiblement au PIB national. AuMaroc, la surpopulation du milieu rural en fait clairement un refuge. Sur le plan de laproductivit, plusieurs questions se posent. Doit-on continuer irriguer les champs de faontraditionnelle ou doit-on moderniser les moyens dirrigation ? La production de crales doit-elle

    continuer tre une priorit ? Il ny a eu jusqu prsent aucune politique entreprise pourencourager les agriculteurs considrer les crales comme une option.

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    Lenvironnement national na pas t trait. Il faut prendre en considration le financement,limpt et lexistence de lconomie informelle.

    La question du libre-change agricole risque de porter prjudice lquilibre socioconomiquenational, tout comme lexception agricole. Le Maroc na pas les moyens dassumer lesconsquences de ce libre-change. La seule solution pour lagriculture marocaine par rapport lalliance stratgique avec lUnion europenne est de promouvoir lintgration dans unraisonnement Nord-Sud. Lindustrie marocaine a trop souvent t protge. On a voulu crer desoprateurs conomiques privs par la rente. Le Maroc na pas profit du temps pour rectifier letir et, entre-temps, la concurrence a pris le dessus sur les intrts.

    Avec toutes ces zones de libre-change et le niveau du SMIG au Maroc, le taux de changerisquerait dclater le systme conomique et de crer dnormes problmes sociaux. On le voitbien avec les exportations chinoises au Maroc, la concurrence du march europen et lentre enscne de la Turquie avec toutes ses potentialits. Au Maroc, le discours est trs simple et trsoprationnel : il faut encourager le march, la privatisation, mme sil y a des rentes partout. Ily a 15 ans, 1 000 entreprises publiques existaient, il en reste aujourdhui 400. Quasiment toutestaient alors en excdent, part lOCP. Manifestement donc, ces entreprises voluaient dans unsystme qualifi qui avait son rythme mais qui ne pouvait vivre quen autarcie. Depuislouverture de ce systme, il y a eu naissance dune comptitivit, dune concurrence etlapparition de la question de la mise niveau. En cas de problme, on met un taux de changeflottant afin davoir un dirham comptitif ou on fait baisser le SMIG. La mise niveau a du mal fonctionner, les tudes le montrent. En agriculture, la pnurie deau rend la tche ardue. Quantau problme industriel, cette anne est particulirement mauvaise. En effet, le dirham estrelativement lev, les exportations chinoises comptitives, la production agricole faible cause

    de la scheresse, les investissements directs trangers ne sont pas trs forts, et, en plus, il ny a pasune forte attraction des investisseurs. Le problme est quon ne peut pas mettre face face uneide simple et oprationnelle et un discours complexe, car cela ne donne toujours pas de bonsrsultats. Il faut tenir compte de la comptitivit et avoir un discours politique hirarchis entrois ou quatre points simples. Depuis plus dune dcennie, le Maroc nexcde pas 1,5 2 % decroissance. Il faudrait pour dpasser ce problme avoir une stratgie claire qui concentre lesefforts dans un systme public o tout le monde participe, nous permettant dtre pluscomptitifs. (J.-L. Reiffers)

    Depuis lIndpendance, le Maroc sest dot dune stratgie et dune politique industrielle.Comment un pays dvelopp peut-il continuer travailler avec des rsultats aussi catastrophiques

    et des problmes sociaux si normes ? Il faut dpasser les analyses sectorielles, sortir des sentiersbattus, chercher les erreurs et se poser les vraies questions pour essayer de voir que, toutsimplement, cest la mise en uvre des stratgies qui est la cause des problmes. Il faut voircomment lagriculture peut saligner sur lindustrie, lindustrie sur le commerce, et ne plusraisonner de faon compartimente. (M. Zniber)

    Il faut aujourdhui un changement de paramtres en ce qui concerne le dveloppementagricole. Il ne nous est plus permis de perdre du temps ressasser les concepts de scuritalimentaire, dautosuffisance, de souverainet alimentaire. Il y a une manire de construire notrerflexion concernant les rformes. Lagriculture ne doit pas tre perue sous langle dune dualitmais comme un tout. Le monde rural est surpeupl, et la capacit dabsorption du reste de

    lconomie ne permet pas sa population de faire autre chose. La question qui se pose est desavoir comment grer les transitions. La ralisation dune agriculture performante suppose des

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    transitions conomiques, sociales, institutionnelles, technologiques et mme une transitionidologique sur le plan de la solidarit. (M. Ait Saidi)

    Aujourdhui, il est ncessaire davoir une stratgie industrielle. Les frontires entre les services

    et lindustrie sont en train de sattnuer car beaucoup dactivits prennent la forme soit deoutsourcingsoit de sous-traitance. Il y a une relation fondamentale dans la logique de cohrenceentre le dveloppement de lindustrie et celui des services. En Europe, il y a des tentatives dereconqute de positions, mme dans des filires considres comme traditionnelles. Un pays

    jeune comme le Maroc doit sinterroger sur lexistence de son potentiel. Lindustrie reprsenteune ressource pour rsoudre la problmatique du Maroc. Il faut optimiser les zones dactivit ettravailler en synergie avec dautres acteurs qui exercent dans diffrents domaines. Dans le cascontraire, on risque daller vers des zones totalement dfiscalises ou drglementes qui, demain,seront confrontes au problme de la volatilit, comme ce qui se passe au Mexique avec lamonte de la Chine o les capitaux se sont dplacs ailleurs. Le Maroc doit profiter de saproximit avec le march en revoyant ses cots de communication et de production. Ceci ne doitpas empcher un dploiement de lindustrie travers des zones dactivits et daccueil amnagesdans diffrents endroits du territoire. Un autre aspect important est celui du libre-change quine se rsume pas un dmantlement tarifaire. Il y a dautres mcanismes de protection dumarch comme les barrires non tarifaires qui existent non seulement pour lindustrie mais aussipour lagriculture. On ngocie sur des aspects qui videmment sont dans la tendance ducommerce mondial, mais on oublie que les pays dvelopps, comme les Etats-Unis, le Japon etla Finlande, consolident leur supriorit conomique par la mise en place de barrires nontarifaires ou par des programmes non seulement sur la recherche ou lindustrie mais aussi sur lemanufactoringou encore les technologies. Le Maroc sinspire dun modle ancien au dtrimentde modles plus exigeants qui mettent en dynamique une coopration de tous les acteurs de

    lEtat et du secteur priv autour dune vision ou dun potentiel. Il est vrai quaujourdhui ilfaudrait une intgration du pays lEurope, pour tout sauf les institutions ; mais que propose lapolitique de voisinage actuelle ? Quels sont les choix des politiques daccompagnement qui seprsentent au Maroc ? La politique de concurrence est une politique qui saccompagne aussi depolitiques structurelles, de recherches ou dinnovations.

    La question de linformel ne met pas seulement en cause la responsabilit des acteurs mais aussiet surtout celle des entreprises. Le monde des entreprises nest pas suffisamment dynamique pourabsorber les ressources humaines. Le monde de lducation et les services publics ne sont pascapables de soutenir le monde familial. Le support du dveloppement de lentreprise, cestlconomie locale, lconomie du service public. La gouvernance locale est la cl dudveloppement mondialis. Sans gouvernance locale, sans commune, sans systme ducatif etsanitaire et sans un ensemble de services fournis par les PME qui permettent une conomielocale de bien fonctionner, le Maroc ne peut pas gnrer un flux dinvestissements suffisants. LesMarocains ont un esprit dentreprise affirm et peuvent rpondre aux opportunits du march ;par contre, la coordination entre lentrepreneur et le niveau politique et la capacit de ce dernier dfinir des politiques macroconomiques aptes gnrer des opportunits dinvestissementsont des lments qui restent dvelopper. Un des grands obstacles au dveloppement duncertain nombre de secteurs est le cot de la main-duvre qualifie, car un ingnieur nacceptele SMIG quaprs 3 ans de chmage (enqute du ministre de lEmploi). Il est impratif derduire pour lentreprise le cot de ces jeunes, il faut rafrachir les collectifs de travail danslentreprise. Il faut une rvolution en matire fiscale, une rvolution dans les mentalits, une

    lgitimation du pouvoir politique. (S. Belghazi)

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    DEUXIME SANCE

    Mot introductif du Prsident

    Mohamed BENCHAABOUN

    Agence nationale de rglementation des tlcommunications (ANRT)

    Lorsquil y a quelques jours on ma demand de participer aux travaux de prospective Maroc2030 , jtais inquiet de voir plac aussi loin lhorizon de la rflexion pour un secteur dontlvolution est extrmement rapide et pour lequel, selon les experts, au-del dun certain nombrede mois, on est un peu myope sur la ralit des choses. Le meilleur exemple en est la crise qui asecou ce quil est convenu dappeler la nouvelle conomie . Lensemble des grands oprateursmondiaux des tlcommunications se sont tromps dans leur vision. Au dbut des annes quatre-vingt-dix, ils ont tous surinvesti, fait de la croissance externe, surpay des licences, mais le marchna pas suivi et les rsultats sont un surendettement et une sanction forte des marchs descapitaux. Si on sest tromp sur les 2 ou 3 annes qui allaient suivre, cest que le march ntaitpas au rendez-vous et quil y avait un retournement de situation extrmement nfaste. On estdonc dans un domaine o la prospective est un exercice quil faut mener avec beaucoup dedextrit et de doigt.

    Ceci dit, il y a quand mme des tendances lourdes sur lesquelles on peut compter pour prparerune vision davenir.

    En termes de niveau de pntration de technologie, il y a une constante : le taux de pntrationdans les socits ne cesse daugmenter de manire trs rapide, et le rythme de cette croissance avolu de manire plus forte que les dernires prvisions. Par exemple, le nombre dabonns autlphone mobile a atteint 1 milliard, chiffre suprieur au nombre dabonns au tlphone fixeque lhumanit a mis 50 ou 60 ans atteindre ; et les quipementiers ont engag des rflexionssur la possibilit datteindre les 2 milliards dabonns dans les 5 annes venir. La tendanceenclenche est en train de confirmer ce chiffre.

    Autre tendance, le phnomne de la convergence (voie-donnes, fixe-mobile, internet-multimdia) qui fait que la nature des services offerts aux utilisateurs va compltement changeret aura un impact trs fort sur la nature des activits et sur le march des tlcommunications, cequi impose aux acteurs en place des changements en profondeur dans leurs structures et leursmodes de fonctionnement.

    Au niveau national, le Maroc sest engag dans une rforme en profondeur du secteur destlcommunications, rforme consacre par la libralisation du secteur et la privatisation deloprateur historique, ce qui a permis datteindre un certain nombre dobjectifs louables : le volume des investissements a t multipli par 3 durant les 4 ou 5 dernires annes ; les recettes pour le Trsor ont atteint 6 milliards de dollars ;

    le nombre dabonns au mobile a atteint 10 millions, soit un taux de pntration denviron30 %.

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    Cette libralisation devrait se poursuivre notamment par deux oprations : la poursuite de la libralisation du service fixe ; lintroduction des services mobiles dits de 3e gnration (UMTS), des services qui permettent

    de fournir linternet en mobilit.Donc dici 2007-2008, le Maroc aura un environnement adquat en matire dinfrastructurepour les services de communication grce la prsence de 3 oprateurs globaux dans chaquesegment de rseau, qui auront suffisamment investi pour que le secteur soit plus attrayant pourles investissements, particulirement en matire de dlocalisation des services. Ainsi, en lespacede quelques mois, on a atteint 100 millions deuros dinvestissements dans les centres dappel, etenviron 8 000 emplois ont t crs.

    Globalement, avec un niveau dinfrastructure plus appropri, il y a moyen daller plus loin et decapter plusieurs dizaines de milliers demplois dans les annes venir dans les activitsdlocalises, condition de disposer des infrastructures adquates, avec un cot du mgabit

    comptitif sur le plan international et une qualit du service associ suffisamment rassurante.

    Mot introductif du Prsident Mohamed BENCHAABOUN

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    Connaissance et croissance :lentreprise marocaine en perspectives*

    Noureddine EL AOUFIUniversit Mohammed V

    Dans cette intervention, je propose de passer en revue brivement les trois points suivants : trajectoires de croissance ; configurations dentreprises ; lentreprise marocaine en perspectives.

    1. Trajectoires de croissance

    Le modle anthropogntique luvre

    Si, selon les classiques, les sources de la croissance rsident presque exclusivement dans la production de marchandises par des marchandises , la croissance moderne semble, enrevanche, plus dtermine par des facteurs endognes (Lucas, 1988 ; Romer, 1996) etimmatriels : la production des ides par les ides, voire la production de lhomme parlhomme (Boyer, 2000) : lducation, la sant et la culture. On mesure ainsi la croissancepar les out-comes que constituent les indicateurs de bonne sant, de prvention des risquessanitaires, desprance de vie, daccs lducation, de matrise des connaissances, de scurit

    conomique, de conditions de travail et de logement, etc.Une telle perspective rejoint assez largement lapproche en termes de dveloppement humainfonde, outre le taux de croissance du PIB exprim en parit de pouvoir dachat, sur lducation,le niveau dinstruction, lesprance de vie la naissance, etc. Ce dernier tant mesur pour2/3 par le taux dalphabtisation des adultes et pour 1/3 par le taux de scolarisation.

    Un rgime de croissance centre sur la connaissance

    Le concept de connaissance englobe lducation, essentiellement lducation de base,lalphabtisation des adultes, linformation, la recherche et linnovation.

    La connaissance est un bien public pur, non exclusif, non rival et cumulatif. Ds lors , le rlede lEtat est essentiel. De mme, le caractre non appropriable, de faon privative, de laconnaissance prend appui sur le processus cumulatif qui lengendre et au sein duquel elle sedveloppe. Enfin, la connaissance permet dtablir des liens troits avec la croissance par lebiais des externalits positives et en vertu du rendement social lev qui lui est associ.

    Les pays en dveloppement : une dpendance cognitive

    Dans cette perspective anthropogntique (Boyer, 2000) luvre au sein des pays avancs,les pays en dveloppement se trouvent confronts une nouvelle dpendance de type cognitif,

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    * Ce texte est une synthse de la communication orale faite par lauteur au Forum. Il fait partie dun travail de rechercheen cours sur lentreprise composite au Maroc .

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    dfinie par lcart grandissant entre les pays ayant atteint un niveau lev dans les domainesdu savoir et de la connaissance et les pays ignorants et pauvres en ressources cognitives.

    Pour montrer limportance prise par lvolution de la connaissance, il y a lieu de noter que

    le stock de la connaissance doublera tous les 5 ans jusquen 2020 et tous les 73 jours par lasuite (OCDE, 2003).

    La nature bien public pur de la connaissance et son caractre inappropriable de faonprive posent la question de sa mobilit internationale. De fait, on observe une tendance auprotectionnisme des pays dvelopps qui porte non seulement sur les mcanismes de transfertde la connaissance mais aussi sur la circulation des produits matriels ou immatriels quellegnre. Au Maroc, un tel protectionnisme se traduit par des contraintes en termes de droitsde proprit intellectuelle incorpors dans les clauses des accords de libre-change, notammentavec les USA.

    Le dveloppement comme libertLe principe de dveloppement comme libert (Sen, 2000) articule plusieurs perspectivescomplmentaires :

    (i) Prenant appui sur le concept emprunt John Rawls (Rawls, 1971) de justice commequit (les droits, les liberts et les opportunits, le revenu et la richesse, les bases socialesde lestime de soi), lapproche par les biens premiers , en rduisant les ingalits socialesaux ingalits de revenu, demeure trop limite et ne rsoud gure le problme des diffrentiationsen termes de capabilits.

    (ii) Concept labor par Amartya Sen (Sen, 2000), les capabilitsrenvoient la libert positiveou relle pour un individu de choisir, par une conversion des biens premiers en opportunitsou facults personnelles, de poursuivre ses objectifs et de faire ses choix. Dans cette optique,lamlioration des capabilits ou laugmentation des possibilits de choix impliquent unedotation en liberts positives que structurent prcisment des biens publics commelducation, la sant, la connaissance, la participation et la dmocratie. Dans la perspectivedu dveloppement, les liberts positives et ngatives (relles et formelles) sont tout la foisconstitutives et instrumentales.

    Une dpendance de chemin macro-conomique

    De faon schmatique, il y a lieu de souligner pour le Maroc une dpendance de chemin lie aux effets des stratgies de dveloppement et des politiques publiques mises en uvre

    depuis lindpendance. De fait, lanalyse des trajectoires et des enchanements macro-conomiques met en vidence une srie de rsultats :

    (i) Les stratgies de dveloppement mises en uvre tout au long des cinquante dernires annes(substitution des importations, promotion des exportations, programme dajustement structurel)dbouchent, de faon cumulative, sur des dficits structurels en termes dducation de base,dalphabtisation, denseignement suprieur, de recherche et dveloppement, etc. Aveclapplication du PAS (1983-1993), lensemble de ces indicateurs de dveloppement humainvont enregistrer une forte dtrioration.

    (ii) Le rgime de croissance extensive dominant au Maroc fonctionne, de faon paradoxale, faible contenu en emplois. De fait, dans les secteurs comptitifs et exposs la concurrence,

    la tendance laccroissement de la productivit du travail dbouche sur des rductions demploisurcompensant les effets produits par les investissements de type extensif ou labour using.

    Connaissance et croissance :lentreprise marocaine en perspectives Noureddine EL AOUFI

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    (iii) Fonde sur lavantage cot salarial, linsertion internationale de lconomie nationale setrouve aujourdhui en situation de fin de trajectoire et dpuisement des avantages comparatifsclassiques ou ricardiens ;

    (iv) Les mauvais emplois chassent les bons : une consquence dun rgime de croissance fondsur la comptitivit cot salarial rside dans la prfrence des entreprises, notammentexportatrices, pour la main-duvre bon march, peu qualifie et peu instruite, ainsi quepeut le figurer la population active en chmage, faisant apparatre une structure en termesde niveau de diplme plus leve que la population active employe.

    2. Configurations des entreprises

    Capitalisme archo-patrimonial

    On propose de dcrypter grands traits les fonctionnements du capitalisme archo-patrimonial travers les volutions suivantes :

    (i) A lorigine, le patronat europen (Gallissot, 1964) imprime sous le Protectorat au capitalismenational naissant ses invariants et sa configuration dominante.

    (ii) La seconde phase, marque par la marocanisation de 1973 (El Aoufi, 1990), correspond lentre dans le monde des affaires de catgories issues not