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TOUT S’EXPLIQUE COUP DE PROJECTEUR 191 Juillet-Août 2014 EXERCICE DE CRISE : CERES GÈRE L’ALERTE NRBC-E AVEC PANACHE ! LA CRISTALLOGRAPHIE GRAND ANGLE LES CRISTAUX, MAÎTRES EN LA MATIÈRE Votre avis nous intéresse ! Le magazine de la recherche et de ses applications

maîtres eN la matière · exercice de crise : ceres gère l’alerte NrBc-e avec paN ache ! le 22 mai 2014, dans le quartier d’affaires de la défense, près de paris, c’est

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tout s’explique

coup de projecteur

191Juillet-Août 2014

exercice de crise : ceres gère l’alerte

NrBc-e avec paNache !

la cristallographie

graNd aNgle

les cristaux, maîtres eN la matière

votre avis nous

intéresse !

Le magazine de la recherche et de ses applications

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Abonnement grAtuit

Vous pouvez vous abonner sur :

www.cea.fr/le_cea/publications, ou en faisant parvenir par courrier vos nom, prénom, adresse et profession à Les Défis du CEA – Abonnements. CEA. Bâtiment Siège. 91191 Gif-sur-Yvette.

Éditeur Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, R. C. S. Paris B77568019 | Directeur de la publication Xavier Clément | rédactrice en chef Aude Ganier | rédactrice Amélie Lorec | ont contribué à ce numéro Mathieu Grousson, Esther Leburgue, Fabrice Demarthon et Vahé Ter Minassian | Comité éditorial Andrew Chilton, Alexandra Bender, Vincent Coronini, Claire Abou, Elizabeth Lefevre-Remy, Sophie Martin, Brigitte Raffray, Emanuelle Volant, Philippe Laporte | iconographie Micheline Bayard | infographie Fabrice Mathé | Photo de couverture CEA | Diffusion Lucia Le Clech | Conception et réalisation www.rougevif.fr | N°ISSN 1163-619X | Tous droits de reproduction réservés. Ce magazine est imprimé sur du papier PeFC bVS, issu de forêts gérées durablement. imprimerie Abelia.

03 actualité

06 coup de projecteurexercice de crise : ceres gère l’alerte NrBc-e avec panache !

08 à la poiNtedes logiciels critiques pour être sur la bonne voie 08 juste deux degrés de plus 09 le placenta asphyxié par la nicotine 09 prédire l’irradiation périphérique 10 le secret des mouvements collectifs dans un banc de poissons 11

12 tout s’explique la cristallographie.

22 à voir, à lire, à écouterle cea dans les médias 22 Kiosque 23 sur le Web 23

14 graNd aNgleles cristaux, maîtres en

la matière. La cristallographie permet de voyager dans l’intimité

des cristaux et de dévoiler leur structure à l’échelle atomique.

Cette science est alors très utile, dans toutes les disciplines, pour comprendre les propriétés

des matériaux cristallins et en développer de nouveaux.

2 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

sommaire

191

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actualité

stratégie

la directioN des scieNces du vivaNt reNforce ses lieNs académiques

Le CEA et l’Inserm signent un nouvel accord-cadre pour renforcer leur coopération, notamment à travers

les huit unités mixtes de recherche (UMR) dont ils se partagent la tutelle. Cet accord prévoit d’améliorer les transferts de connaissances et de technologies entre la recherche biomédicale et la recherche clinique et de favoriser le développement préindustriel jusqu’à la preuve de concept médical. Seront ainsi facilités la mise en œuvre de collaborations, la création de nouvelles UMR et l’accès partagé aux plateformes et installations spéci-fiques en biologie et santé. L’enjeu est d’augmenter l’at-tractivité des UMR pour l’accueil de jeunes équipes et d’obtenir une meilleure visibilité en Europe et à l’interna-tional des recherches qui y sont menées.La signature de cet accord s’inscrit dans une politique volontariste de partenariats académiques qui conduit la

Direction des sciences du vivant (DSV) du CEA à porter des projets ambitieux. Parmi eux, la réalisation du nouveau bâtiment pour l’institut de biologie structurale sur le centre CEA de Grenoble, avec l’Université Joseph Fourier et le CNRS ; le montage du projet Neurosciences (site du CEA à Saclay) et l’Institut de biologie cellulaire intégrative sur le campus Paris Saclay avec l’Université Paris-Sud et le CNRS ; la construction de l’Institut de modélisation des maladies infectieuses, sur le centre de Fontenay-aux-Roses, avec l’Inserm, l’Institut Pasteur de Paris et l’Université Paris-Sud. « Nous souhaitons également renou-veler notre accord-cadre avec l’AP-HP1 pour confirmer le renforcement de nos liens avec la recherche hospitalière et élargir le périmètre de nos domaines d’intérêt communs » indique Gilles Bloch, Directeur de la DSV.

Note :

1. Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

le nouveau bâtiment de l’iBs sur le centre cea de grenoble.

Chère lectrices, chers lecteurs, dans ce numéro, vous trouverez un questionnaire à remplir pour nous aider à améliorer Les Défis du CEA. Sa formule mensuelle de 24 pages aura bientôt trois ans alors nous préparons son évolution pour répondre au mieux à vos attentes. Ce questionnaire peut également être rempli directement sur Internet en vous connectant à l’adresse suivante : www.seprem-etudes.net/lesdefis.Vos retours sont espérés au plus tard le 20 septembre prochain, date à laquelle nous procéderons à un tirage au sort pour que 150 d’entre vous bénéficient de deux entrées dans un lieu d’Universcience à Paris (Palais de la découverte ou Cité des sciences et de l’industrie).Nous vous remercions de nous faire part de vos impressions.La rédaction

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votre avis Nous iNtéresse

3Juillet-Août 2014 N°191

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parteNariat iNdustriel

accord

thalès aleNia space rejoiNt le ccrt

mieux former aux métiers du démaNtèlemeNt Nucléaire

Le centre de calcul recherche et technologie (CCRT) du centre DAM1 Ile-de-France du CEA accueille son

onzième partenaire2. Thalès Alenia Space, société qui commercialise et exploite des systèmes spatiaux innovants peut, depuis le mois d’avril, s’appuyer sur les ressources de calcul et d’expertise du CCRT pour développer ses activités en simulation numérique. Ses ingénieurs ont déjà constaté un gain de calcul intensif d’un facteur 2 par rapport à l’usage de leurs moyens internes et projettent d’atteindre un facteur 30 d’ici la fin de l’année.En service depuis octobre 2003, le CCRT démontre la diversité des secteurs industriels ayant recours au calcul intensif : aéronautique, spatial, énergie, automobile, sécurité, environnement, radars, cosmétique. Il s’agit éga-lement d’une plateforme d’échanges avec des utilisateurs académiques dont les recherches portent par exemple sur l’univers, le climat ou la génomique3. Pour cela, les moyens ont été multipliés par 200 en 10 ans, portant la puissance de calcul à environ 470 teraflops.

L’ Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN), établissement d’enseigne-

ment supérieur du CEA, et la société Oreka Sud signent un accord pour valoriser le logiciel DEMplus for nuclear. Développé par Oreka Sud à partir de briques technolo-giques du CEA, ce logiciel innovant simule les opérations de démantèlement d’installations nucléaires en appro-chant toutes leurs dimensions : faisabilité, gestion des coûts et des délais, dosimétrie, sécurité, etc. L’utilisateur interagit avec la maquette 3D, à la manière d’un jeu vidéo, pour virtuellement démanteler une installation… Grâce à cet accord, les salles informatiques de l’INSTN seront équipées de cet outil pionnier pour que les étudiants et stagiaires en formation puissent en bénéficier. De son côté, Oreka Sud pourra utiliser les salles de l’INSTN (à Saclay, Cherbourg et Marcoule) pour former les futurs utilisateurs industriels de DEMplus for nuclear.

la lutte contre la menace NrBc-eLe centre DAM Ile-de-France a organisé le 5e comité de pilotage de l’accord entre le CEA et le Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne en sécurité globale. Signé en 2009, cet accord est piloté par le CEA et coordonné par la Direction des applications militaires. Le 5e comité a été l’occasion d’examiner le partenariat stratégique avec le CCR dans le domaine de la lutte contre les menaces NRBC-E (nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosifs) et de la sécurité des infrastructures critiques. Les axes direc-teurs 2014-2015 ont ainsi été validés, en particulier le test et l’évaluation des technologies dites NRBC-E en grande partie développées par les équipes du CEA.

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vue du logiciel demplus for nuclear.

vue d’artiste d’un stratobus, engin à mi-chemin

entre le drone et le satellite, développé par thalès alenia space.

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Notes :

1. Direction des applications militaires.

2. Les 10 autres partenaires sont Areva, Eads/Astrium, EDF R&D, Ineris, L’Oréal, Snecma, TechspaceAero,

Thalès, Turbomeca, Valeo, ainsi que les équipes du CEA.

3. Le CCRT permet la gestion des grands volumes de données

du projet France Génomique.

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4 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

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parteNariats iNterNatioNaux

projet européeN

le programme astrid recoNNu par uNe Nouvelle collaBoratioN Bilatérale

coNtrer les résistaNces aux aNtiBiotiques

La France et le Japon intensifient leur coopération en matière de nucléaire civil. En présence de

Shinzo Abe, Premier ministre, et François Hollande, président de la République, un accord bilatéral a été signé le 5 mai dernier, entre le CEA et deux ministères japonais, le MEXT1 et le METI2. Cet accord de coopération prévoit la contribution de JAEA3 et de MHI4 aux travaux de conception et de R&D d’Astrid, démonstrateur technologique de réacteur de quatrième génération à neutrons rapides refroidi au sodium (RNR-Na), piloté par le CEA. Il concernera l’ensemble de sa phase d’études jusqu’à fin 2019, de l’avant-projet sommaire à l’avant-projet détaillé. À noter que la contribution des acteurs nippons sera financée sur fonds japonais. « La motivation japo-naise vient de la remise en question de leur programme JSFR5, suite à l’accident de Fukushima Daiichi. Leur par-ticipation à Astrid leur permet ainsi de continuer à être associé à un projet de démonstrateur de RNR-Na. Le Japon nous indique par ailleurs réfléchir à leur implication

au-delà de la phase actuelle d’ingénierie pour la construc-tion », explique Christophe Béhar, directeur de l’énergie nucléaire (CEA-DEN).De fait, le projet Astrid, unique au monde à ce stade, sus-cite l’intérêt d’autres nations du nucléaire. C’est ainsi qu’un accord a été signé avec le DOE6 en 2013 et avec la Grande-Bretagne, via le NNL7, en janvier 2014. Ces nouveaux accords viennent compléter l’ensemble des partenariats académiques et industriels, français et étrangers, autour d’Astrid et permettent de consolider sa reconnaissance internationale. Par exemple, les calculs indépendants menés par le DOE ont permis de confirmer les perfor-mances du cœur d’Astrid en matière de sûreté, telles que calculées par les équipes du CEA-DEN.Au-delà du projet Astrid, le CEA-DEN a de nombreuses coopérations bilatérales sur les réacteurs de qua-trième génération avec les grands acteurs du nucléaire (en Europe, en Asie et ailleurs dans le monde) sur des domaines variés pouvant aller de l’instrumentation à la sûreté.

La résistance aux antibiotiques constitue l’une des trois menaces principales pour la santé dans le monde,

selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans ce contexte, 15 centres de recherche européens et sociétés privées1, dont le CEA-Leti, fédèrent leurs efforts au sein du projet NAREB2, soutenus par la Commission européenne3. Objectif : vaincre la tuberculose multi- résistante (TB-MR) et les staphylocoques dorés résistants à la méticilline

(SARM). Il s’agira d’optimiser des nanoformulations d’antibiotiques existantes, et de concevoir et préparer de nouveaux antibactériens. Le CEA-Leti dirigera particu-lièrement les développements de nanothérapies ciblant directement les tissus infectés. Il testera entre autre sa technologie d’administration des Lipidots® basée sur des nano-gouttelettes d’huile biocompatible, initialement développées pour les applications d’imagerie in vivo.

Notes :

1. Ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie.

2. Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie.

3. Agence japonaise de l’énergie atomique.

4. Mitsubishi Heavy Industries.

5. Japan Sodium Fast Reactor.

6. Department of Energy.

7. National Nuclear Laboratory.

Notes :

1. Issus de 8 pays européens.

2. Nanotherapeutics for Antibiotic Resistant Emerging Bacterial Pathogens

3. Dans le cadre de son programme Horizon 2020.

étude r&d, à cadarache, pour les réacteurs du futur.

5Juillet-Août 2014 N°191

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simulations de la dispersion d’agents NrBc-e lors de l’exercice de crise dans le quartier de la défense.

sur site urbain.

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1 2 3modélisation de la propagation d’un panache toxique sur site industriel (1), naturel (2) et urbain (3).

6 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

coup de projecteur

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exercice de crise : ceres gère l’alerte NrBc-e avec paNache !le 22 mai 2014, dans le quartier d’affaires de la défense, près de paris, c’est le branle-bas de combat : un camion-citerne rempli d’ammoniac vient d’avoir un accident, menaçant la ruche économique du quartier. cette situation fictive a permis à la préfecture des hauts-de-seine de tester le plan de sécurisation de la défense en simulant une crise « sur table », sans intervention dans les rues. l’occasion pour des chercheurs de la direction des applications militaires (dam) du cea d’évaluer la dernière version de leur logiciel ceres® NrBc-e.

En moins de 15 minutes, CERES® NRBC-E peut calculer l’évolution d’un panache toxique provoqué par un accident ou un acte malveillant et déterminer les consé-

quences sanitaires qui en résultent pour la population et les primo-intervenants. Résultat de dix années de développement dans le cadre du programme transversal NRBC-E1 du CEA, en collaboration notamment avec l’université Blaise Pascal, à Clermont-Ferrand, l’École Centrale de Lyon et plusieurs industriels, le logiciel évalue les concentrations et dépôts des substances dangereuses, leur infiltration dans les bâtiments et l’impact d’agents radioactifs, chimiques ou biologiques. « Il s’agit d’un outil d’aide à la décision, précise Patrick Armand, chef de laboratoire au CEA-DAM. Les résultats permettent de définir les zones de danger ou celles dans lesquelles des contre-mesures doivent être prises. »

la dispersion atmosphérique modéliséePour cela, CERES® NRBC-E se base sur des modèles de dispersion atmosphérique qui utilisent les conditions météorologiques locales et qui, pour certains d’entre eux, tiennent compte de l’influence des bâtiments. Il peut traiter un milieu rural ou urbain (sa base de données, évolutive, comporte déjà les cartes des grandes agglomérations françaises) et un simple PC portable suffit pour l’utiliser. « Si des calculs plus complexes sont néces-saires, les données peuvent être envoyées en direct vers un calculateur plus puissant », précise Patrick Armand. Développé à l’origine pour les besoins propres du CEA, sans équivalent en Europe, CERES® a rapidement suscité l’intérêt d’industriels et d’organi-sations publiques. Areva, GDF Suez et Iter ont d’ores et déjà acquis des licences, tandis que la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris et un organisme néerlandais, unique-ment intéressé par la partie biologique (tout le logiciel est modulaire) sont en train de le tester. « Le retour d’expérience est primordial pour nous, afin d’adapter encore plus le logiciel aux besoins de ses utilisateurs », indique Patrick Armand. Déjà, des pistes d’évolution se dessinent, comme la capacité à remonter à la source de l’émanation toxique si elle n’est pas connue ou l’assimilation de mesures de concentrations des toxiques directement prises sur le terrain afin de les comparer aux modèles. Présenté en juin dernier au salon international Eurosatory2, un événement majeur de la sécurité et de la défense, l’avenir de CERES® NRBC-E s’annonce prometteur.

Fabrice Demarthon

Notes :

1. Nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosifs.

2. Du 16 au 20 juin 2014 à Villepinte.

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7Juillet-Août 2014 N°191

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systèmes emBarqués

des logiciels critiques pour être sur la BoNNe voiecréer les technologies destinées à équiper le futur réseau européen de transport ferroviaire : un défi auquel contribue le cea-list. Notamment via ses deux plateformes logicielles de modélisation et d’analyse « papyrus » et « frama-c », qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres domaines et sont en passe de devenir une référence européenne.

L’Union européenne soutient l’harmonisation des réseaux ferrés nationaux, par exemple à travers

le système de contrôle de trafic ferroviaire ERTMS1. Il vise à améliorer l’interopérabilité des réseaux euro-péens de transport ferroviaire en adoptant des règles communes à tous les pays. L’un de ses volets, concerne la signalisation et le contrôle automatisé des trains. L’harmonisation des systèmes nationaux se fera notamment en équipant l’ensemble des locomotives des mêmes systèmes d’échanges d’informations avec les centres de commandement et les dispositifs de sur-veillance automatique des voies.Mais comment développer, sans risque d’erreurs, les logiciels qui opéreront dans ces futurs ordinateurs de bord dont dépend la sécurité des passagers ? C’est tout l’enjeu du projet industriel OpenETCS2 dédié à la recherche sur les méthodologies de développement des logiciels qui seront embarqués demain dans les loco-motives. « Le projet OpenETCS a été lancé en 2012 pour apporter des préconisations. Nous avons travaillé sur un système open source, autrement dit, à la libre disposi-tion de tous les professionnels du secteur ferroviaire, en développant un ensemble de méthodes et d’outils per-formants et durables », expliquent Virgile Prevosto et Matthieu Perin, ingénieurs-chercheurs en charge de ce projet au CEA-List.

des logiciels pour vérifier la conformité des interactionsLes deux plateformes logicielles développées par l’ins-titut, Papyrus et Frama-C, ont ainsi été évaluées : l’une

permet de modéliser le système informatique à mettre au point en le découpant en « blocs » de code élémen-taires, accessibles en open source ; l’autre consiste à s’assurer que, une fois réalisés, ces blocs répondent bien à leurs spécifications. « Papyrus permet ainsi de décrire les différentes fonctions du train, comme la ges-tion du freinage d’urgence ou le contrôle de la vitesse, et de définir leurs interactions (nature des informations échangées). Frama-C peut alors vérifier précisément que ces fonctions, le décodage des ordres radio par exemple, agissent conformément aux spécifications afin de garan-tir la sûreté et la sécurité du système » précisent les chercheurs.Les deux outils et le processus de travail associé ont été mis en œuvre par les partenaires clés du projet, en particulier Mitsubishi Electric R&D Centre Europe et Siemens avec l’institut Fraunhofer FOKUS. Un gage d’expertise pour le CEA, essentiel pour le montage de projets au sein du programme-cadre européen Horizon 2020.

Vahé Ter Minassian

Notes :

1. European Rail Traffic Management System,

projet majeur développé par 8 membres de

l’association européenne UNIFE en coopération

avec l’Union Européenne.

2. European Train Control System.

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cea-listL’Institut focalise ses recherches sur les systèmes numé-riques intelligents. Ses programmes de R&D sont centrés sur le manufacturing avancé, les systèmes embarqués, l’intelligence ambiante et la maîtrise des rayonnements ionisants pour la santé.

8 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

à la poiNte

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climat

Biologie cellulaire

juste deux degrés de plus…

le placeNta asphyxié par la NicotiNe

aggravation des sécheresses, précipitations extrêmes, vagues de chaleur : voici les effets sur l’europe d’un réchauffement mondial de 2 °c, selon le projet fp7 impact2c auquel participe le lsce.

en france, près d’une femme enceinte sur quatre fume selon l’iNpes1. s’il est depuis longtemps admis que cigarette et grossesse ne font pas bon ménage, les mécanismes à l’œuvre n’étaient pas encore connus. une équipe2 du cea-irtsv démontre que la nicotine affecte directement la vascularisation du placenta3.

Lors de la conférence sur le climat de Cancun en 2010, les États se sont accordés pour limiter le

réchauffement climatique global à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Pourtant, ces 2°C1 font déjà craindre des effets importants sur les écosystèmes et la société. À partir de simulations climatiques zoomées sur l’Europe, un consortium de scientifiques a analysé le climat européen dans le cadre d’une hausse globale de 2 °C. Verdict ? « Le réchauffement sera plus marqué que la moyenne mondiale, avec des températures nettement plus élevées en hiver sur le nord-est de l’Europe, et en été sur les régions méditerra-néennes » indique Robert Vautard du LSCE. Même pour un réchauffement limité à 2 °C, certains événements extrêmes pourraient être très sensibles : « des sécheresses

plus sévères sur l’Europe centrale et méridionale, des niveaux de pluies extrêmes en hausse de 20 % au Nord, et des vagues de chaleur dépassant de 2 °C celles des dernières décen-nies », précise le climatologue.

Aude Ganier

É lément vital pour le fœtus, le placenta assure le transport des nutriments et de l’oxygène, et élimine

les toxines. Ce sont les cellules trophoblastiques qui préfigurent cette zone d’échange et amorcent la connexion avec les vaisseaux sanguins maternels au cours des premières semaines de grossesse.En analysant les placentas de rates auxquelles de la nicotine avait été administrée4 deux semaines avant et après la conception, les chercheurs ont constaté une modification de l’expression de gènes clés du développe-ment placentaire : « Nous avons observé des défauts dans l’invasion et la migration des cellules trophoblastiques et une quantité réduite des facteurs angiogènes• responsables de la vascularisation du placenta » détaille Nadia Alfaidy,

chercheuse au CEA-IRTSV. Des tests in vitro ont ensuite confirmé l’effet de la nicotine sur les cellules tropho-blastiques et sur la vascularisation du placenta avec une inhibition de la migration et de l’invasion de ces cellules.Pour poursuivre leurs investigations, les chercheurs vont analyser des prises de sang réalisées depuis deux ans au CHU de Grenoble auprès de 150 femmes enceintes, lors de leur premier trimestre de grossesse. Les données permettront de déceler a posteriori des liens entre consommation de nicotine et niveaux circulants des facteurs angiogènes au début de la grossesse et issus des grossesses.

Esther Leburgue

Note :

1. Plusieurs scénarios d’émission de gaz à effet de serre prévoient que ces 2 °C seront atteints avant 2050.

Notes :

1. Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.

2. Équipe mixte CEA/Inserm.

3. Publication : http://ajpendo.physiology.org/content/306/4/E443.long

4. Doses de 1mg/kg/jour, équivalant à une consommation quotidienne de 10 cigarettes par jour.

• angiogenèse : processus de croissance de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants.

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L’institut de recherches en technologies et sciences pour le vivant s’appuie sur un ensemble de plateaux technologiques modernes pour analyser la diversité et la complexité du vivant. À ces fins, il coordonne les programmes d’unités mixtes CEA/Université Joseph Fourier/CNRS/Inserm/INRA.

Le laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (unité mixte CEA/CNRS/Université de Versailles-Saint-Quen-tin), localisé sur les sites de Saclay et de Gif-sur-Yvette, fait partie de l’Institut Pierre Simon Laplace.

9Juillet-Août 2014 N°191

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radiotherapie

prédire l’irradiatioN périphérique

la radiothérapie n’épargnant pas totalement les tissus voisins de la tumeur, le risque de second cancer radioinduit peut exister. d’où l’importance de pouvoir évaluer la dose hors-champ en périphérie de la tumeur. cette question est au cœur des travaux menés par le cea-list pour mettre au point un logiciel inédit.

Aujourd’hui en France, 3 millions de personnes ont ou ont déjà déclaré un cancer. Environ 60 % des patients

sont traités par radiothérapies qui peuvent induire des effets iatrogènes. « Il est impératif de connaître les doses reçues par des organes, même éloignés, de la tumeur trai-tée. C’est l’objet d’une thèse menée au CEA-List et des expé-rimentations du groupe de travail européen EURADOS1 » indique Jean-Marc Bordy, expert international pour le CEA en charge des programmes de dosimétrie au Laboratoire National Henri Becquerel (LNHB).Dans un premier temps, des mesures ont été réalisées dans un fantôme cubique puis dans un fantôme anthro-pomorphique pour évaluer le potentiel de trois types de dosimètres2.« Les dosimètres thermo-luminescents apparaissent les plus adaptés pour mesurer les doses

hors-champ reçues en un point, tout comme ceux à lumi-nescence optiquement stimulée, sous réserve d’effectuer une correction pour les faibles énergies » précise Jean-Marc Bordy. À partir des données recueillies, le travail s’est poursuivi pour mettre au point un logiciel de prédic-tion, basé sur un code de calcul Monte Carlo, qui repro-duit statistiquement l’interaction du rayonnement avec la matière. Alors que les détecteurs utilisés mesurent la dose en un point, le LNHB travaille aussi à une technique de carto-graphie directe en 3D3 grâce à un gel dosimétrique. Les projets, qui s’achèveront en 2015, donnent déjà des résul-tats très encourageants.

Esther Leburgue

des datacenters plus verts sous le soleil !Le CEA-Liten participe au projet GreenDataNet, dans le cadre du 7e PCRD européen. Coordonné par l’industriel EATON, ce projet rassemble sept partenaires1 pour proposer des solutions vertes aux datacenters. Objectif : couvrir les besoins énergétiques des datacenter• par 80 % d’énergies renouvelables, particulièrement du solaire photovoltaïque. Il s’agira de placer une intelligence dans la gestion du datacenter pour synchroniser au maximum la demande d’électricité et la disponibilité de la ressource solaire. Par ailleurs, le projet prévoit l’utilisation de systèmes de stockage innovants basés sur des batteries de véhicules électriques accidentés. Pour ces deux aspects, le CEA-Liten développera des algorithmes de gestion d’énergie et de gestion des bat-teries et les testera sur un datacenter pilote mis en place sur le site de l’INES.

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Note :

1. Eaton, CEA, EPFL, Nissan Europe, ICTroom, Crédit Suisse

et Université de Trento.

Notes :

1. EURADOS pour « European Radiation Dosimetry Group » :

il rassemble 50 institutions et 250 chercheurs.

2. Dosimètres thermo-luminescents, photo-luminescents et

à luminescence optiquement stimulée.

3. Projet Inserm Veridos3D et projet européen de métrologie

MetrExtRT.

soin par radiothérapie d’une tumeur située dans la

zone du cerveau.

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• datacenter : centre de traitement

de données.

10 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

à la poiNte

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physique théorique

le secret des mouvemeNts collectifs daNs uN BaNc de poissoNsen observant les évolutions de bancs de poissons tropicaux, les chercheurs du cea-iramis espèrent en tirer des lois universelles qui permettront de mieux comprendre les mouvements collectifs.

T issus en cours de cicatrisation, particules auto-propulsées, groupes d’animaux… pour le physi-

cien théoricien, ces systèmes très différents relèvent d’une logique unique, celle de la matière dite active. De l’interaction de leurs unités (cellules, molécules, individus), qui dépensent de l’énergie pour bouger ou se déplacer, résultent des comportements collectifs souvent spectaculaires. Pour les prédire, la physique statistique a besoin de connaître ces interactions. Dans le cas des animaux, cela n’a rien d’évident et réserve souvent des surprises.

un mélange d’attraction et d’alignementHugues Chaté et ses collègues du CEA-Iramis se sont ainsi penchés sur la « physique » de bancs de pois-sons tropicaux. Précisément, en collaboration avec des chercheurs du Centre de recherches sur la cogni-tion animale à Toulouse, ils ont passé au peigne fin les évolutions de ces animaux à partir de films réalisés en bassin. Objectif : proposer un modèle qui, contrai-rement à la plupart de ceux disponibles, ne soit pas fondé sur l’intuition mais le fruit d’une méthodologie systématique. « De façon étonnante, le résultat auquel nous sommes parvenus ne ressemble à aucun modèle

existant, explique Hugues Chaté. Il ne contient aucun paramètre libre et il est en accord quantitatif avec les observations, pour toutes les tailles de groupes. En fait, il mélange dynamiquement deux mécanismes généra-lement utilisés statistiquement, à savoir l’attraction et l’alignement avec les individus voisins. »

en « essaim dirigé » ou en « tourbillon »…Les physiciens se sont ensuite attelés à une étude sys-tématique de leur modèle en variant ses paramètres au-delà des valeurs déterminées in vivo. Ils ont ainsi pu observer deux régimes classiques de mouvement col-lectif selon lesquels les poissons avancent en essaim dirigé ou en tourbillon. « Nous avons également mis en évidence une phase où les poissons circulent dans les deux sens le long d’une ligne, comme observé par-fois auprès d’autres espèces », détaille Hugues Chaté. Une part d’universalité qui intéresse les physiologistes et tous les spécialistes de la matière active et des sys-tèmes loin de l’équilibre thermodynamique. Une uni-versalité dont le secret pourrait se trouver au sein d’un banc de poissons !

Matthieu Grousson

cea-iramisL’Institut rayonnement et matière de Saclay rassemble sept laboratoires du CEA, en partenariat avec l’École Polytechnique, le CNRS et l’ENSICAEN. Il mène des recherches fondamentales en nanosciences et systèmes complexes pour les énergies et les technologies pour l’information et la santé.

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la cristallographiela cristallographie est la science la plus puissante pour étudier la structure de la matière cristalline à l’échelle atomique. elle s’appuie sur le phénomène physique de diffraction des ondes électromagnétiques (rayons x), des neutrons ou des électrons. grâce aux informations qu’elle apporte, la cristallographie est indispensable à de nombreuses disciplines, de la physique à la chimie, en passant par la biologie, et permet la conception de matériaux aux propriétés maîtrisées. voici l’exemple du fonctionnement d’un diffractomètre à rayons x.

sources de rayons xLes études cristallographiques mettent généralement en œuvre des rayons X monochromatiques, c’est-à-dire pré-sentant une seule longueur d’onde. Ils sont produits soit par des tubes sous vide, dispositifs de petite taille acces-sibles en laboratoire, soit par un grand instrument, le syn-chrotron. Avec ce dernier, la gamme de longueurs d’onde disponibles est plus large et le rayonnement très intense.

rayons xLongueur d’onde : 0,1 Å à 100 Å ;Fréquence : 3.1016 Hz à 3.1019 Hz ;Énergie du photon : 124 eV à 124 keV

rayons gamma ultraviolets lumière visible ondes radios

infrarouges micro-ondes

12 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

tout s’explique

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la cristallographie

diffractogramme et réseau réciproqueL’ensemble des ondes diffractées, enregistrées autrefois sur plaques photographiques et aujourd’hui sur détecteur CCD ou CMOS, forme le diffractogramme. Il permet de construire le réseau réciproque qui est une représentation « à l’envers » du réseau régulier du cristal : ce qui est petit devient grand, et inversement. Par exemple, des plans atomiques serrés dans le cristal donnent naissance à des taches éloignées de l’origine sur le diffractogramme.

diffraction des rayons xLe faisceau de rayons X est envoyé sur l’échantillon monocristallin placé au centre du diffractomètre. Un goniomètre permet de donner à l’échantillon toute orientation souhaitée et de mesurer les angles cor-respondants. Pour chaque position du cristal, le fais-ceau « rebondit » sur les plans atomiques, comme sur un miroir. Les ondes réfléchies dans toutes les directions interfèrent selon deux cas de figure : 1) elles sont en phase ( ) et donnent

naissance à une tache de diffraction caractéristique sur le détecteur ;

2) elles ne sont pas en phase ( ) et aucune tache n’apparaît.

à savoir : 2dsin =λUne tache de diffraction apparaît à l’angle θ lorsque cette équation, établie par W. L. Bragg, est vérifiée.Dans cette loi qui modélise la diffraction des ondes par un cristal, λ est la longueur d’onde du faisceau de rayons X, θ est l’angle entre le faisceau et une famille de plans atomiques parallèles et d est la distance entre ces plans atomiques.

interprétation de l’expérience de diffractionDans une première étape, la géométrie et les symétries du réseau cristallin sont élucidées à partir de la posi-tion et de l’intensité des taches de diffraction. L’étape sui-vante consiste à retrouver les « phases » associées à ces intensités, qui ont été perdues lors de l’expérience de dif-fraction mais peuvent être récupérées par des méthodes statistiques. Enfin, des techniques d’affinement et de transformation de Fourier (fonction mathématique) per-mettent de déterminer la position exacte des atomes et de reconstituer l’ensemble de la structure du cristal.

textes : amélie lorec – infographie : fabrice mathé

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cristaux d’une toxine responsable d’intoxication aux fruits de mer.

les cristaux, maîtres eN la matière

14 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

graNd aNgle cristallographie

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comment expliquer les propriétés de la matière et imaginer de nouveaux matériaux ? quel est le mode d’action d’une protéine ? la cristallographie donne toutes les réponses. son secret : elle entre dans la structure intime de la matière à l’état cristallin. car les propriétés des matériaux qui nous entourent – minéraux, métaux, ou encore matière biologique – sont directement liées à leur composition atomique et à l’arrangement des atomes entre eux. au cea, les chercheurs ont appris à dompter cette science dans toutes les disciplines et toutes les conditions, mêmes les plus extrêmes, grâce à des instruments scientifiques de pointe. Dossier réalisé par Amélie Lorec

culture de cristaux… Biologiques !

les mille et uNe facettes de la

cristallographie

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les mille et uNe facettes de la cristallographieles Nations unies ont proclamé 2014 année internationale de la cristallographie. cette science, bien que centenaire, demeure la plus puissante pour caractériser la structure de la matière à l’état cristallin. son histoire, jalonnée de grandes découvertes, les équipes du cea continuent à l’écrire aujourd’hui via de multiples applications.

Solide aux faces régulières, le cristal se caractérise par une structure atomique tridimensionnelle ordon-

née et périodique. Qu’ils soient naturels ou synthétiques, les matériaux cristallins (par opposition aux matériaux amorphes comme le verre) sont omniprésents dans notre quotidien : sucre, quartz, diamant, glace… Et la connais-sance de leur organisation interne est essentielle dans la compréhension de leurs propriétés étudiées en physique du solide, chimie et biologie. Comment réagissent-ils face à différentes contraintes de température et de pression ou sous irradiation ? Quelle est l’influence de leur structure

moléculaire sur leur comportement dans des réactions chimiques ? Par l’élucidation de leur architecture à l’échelle atomique, la cristallographie apporte des réponses.

une science en mouvementAussi loin qu’on s’en souvienne, les cristaux ont toujours intrigué par leur beauté et leur mystère, mais ce n’est qu’au début du XXe siècle qu’ils livrent leurs premiers secrets (voir frise chronologique). Tout commence en 1912. Max von Laue et ses collaborateurs découvrent que le cris-tal diffracte•les rayons X selon différentes directions1, car

• diffraction : diffusion d’une onde par un ensemble

d’objets similaires et proches conduisant à des

interférences. L’observation de la figure de diffraction

obtenue informe alors sur la structure de chaque objet et

leur distribution dans l’espace.

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diffractomètre de rayons x : gros plan sur la source

de rayons x (à gauche), la tête goniométrique

(au centre) et le détecteur (à droite).

16 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

LEs CristAux, mAîtrEs En LA mAtièrEgraNd aNgle

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en le traversant, ces rayons X interagissent avec les élec-trons des atomes. Ce résultat est issu de l’observation de quelques taches sur une plaque photographique : le pre-mier « cliché de diffraction » a fait son apparition. Aurore de la cristallographie moderne, ces travaux sont récom-pensés par le prix Nobel de physique 1914. Dans un second temps, les Bragg, père et fils, qui ont donné leur nom à une loi essentielle à l’interprétation des données cristallographiques, exploitent de tels clichés pour déterminer précisément la position des atomes à l’intérieur d’un cristal. En découle la publication des struc-tures du diamant et du chlorure de sodium (« sel ») avec, à la clé, le prix Nobel de physique 1915. Depuis pas moins de vingt prix Nobel dans ce domaine ont été attribués en cent ans. Chacun d’eux a ainsi contribué à l’essor et à l’évo-lution de la cristallographie, avec notamment l’apparition de la biocristallographie (voir article suivant). Parmi les avancées les plus emblématiques : la découverte de la structure en double hélice de l’ADN par Watson et Crick. En parallèle, les méthodes d’analyse des données se développent, en particulier les « méthodes directes » imaginées par Karle et Hauptman qui permettent de résoudre le problème de phase (absence d’information sur la phase des ondes diffractées). « La radiocristallographie fournit des informations extrêmement riches. Sur un diffrac-tomètre•, l’échantillon monocristallin à analyser est irradié sous différents angles, de manière à permettre la mesure de l’ensemble des taches de diffraction. Après analyse de la symétrie du réseau cristallin, le traitement numérique de ces données permet le calcul et l’affinement d’un grand nombre de paramètres (jusqu’à plusieurs milliers pour une struc-ture complexe) qui définissent la position des atomes dans le cristal, ainsi que l’amplitude de leurs vibrations » précise Pierre Thuéry, chercheur à la Direction des sciences de la matière (DSM) du CEA.Pour donner une idée de l’ampleur du domaine, la Cambridge Structural Database regroupe actuellement près de 700 000 structures cristallines de composés molé-culaires. Et encore, cela n’inclut pas les minéraux, ni les protéines !

des rayonnements de plus en plus puissantsPour élucider l’organisation atomique d’un cristal, la lon-gueur d’onde du rayonnement utilisé doit être du même ordre de grandeur que les distances entre les atomes. En laboratoire, les longueurs d’ondes λ les plus courantes, produites par des tubes à rayons X, sont 1,54 Å et 0,71 Å. L’arrivée du rayonnement synchrotron• dans les années quatre-vingt-dix a multiplié les possibilités en permettant de faire varier continûment ces valeurs, de 0,2 Å2 à 1,8 Å, et en offrant des flux de photons beaucoup plus brillants. À la Direction de l’énergie nucléaire (DEN) du CEA, « ce rayon-nement sert à étudier le vieillissement des matériaux, plus précisément, l’influence des irradiations et de la température,

allant de 350 à 650 °C, sur des aciers et des alliages destinés notamment aux réacteurs nucléaires du futur, dits de 4e géné-ration » explique Jean-Luc Béchade, chercheur au CEA-DEN. De telles contraintes impactent l’arrangement des atomes et la composition chimique locale du matériau. Par conséquent, il vieillit plus vite et ses propriétés mécaniques sont modifiées. « La cristallographie est aussi exploitée pour repérer les éventuels défauts dans la matière, ou détecter l’apparition de phases secondaires sous irradiation » précise Jean-Luc Béchade. À l’image d’un cookie et ses pépites de chocolat, ces dernières correspondent à une composition différente du reste du matériau. Leur volume ne dépassant généralement pas 0,5 %, un flux de forte brillance comme

• rayonnement synchrotron : rayonnement émis par des électrons accélérés et déviés par un champs magnétique dans un instrument appelé synchrotron. Ce rayonnement couvre une grande part du spectre électromagnétique et s’étend jusqu’au domaine des rayons X, de très courtes longueurs d’onde (λ ~1Å).

• diffractomètre : appareil permettant de mesurer la diffraction d’un rayonnement sur une cible.

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protéines ayant cristallisé en présence d’un champ électrique intense.

de graNdes dates daNs l’histoire de la cristallographie

1895Découverte des rayons X. Wilhelm Conrad Röntgen (Allemagne, 1845 -1923). Premier prix Nobel de physique en 1901.

1913Détermination des structures cristallines à l’aide des rayons X. William Henry Bragg (Angleterre, 1862-1942) et son fils William Lawrence Bragg (Angleterre, 1890-1971). Prix Nobel de physique 1915.

1912Découverte de la diffraction des rayons X par les cristaux. Max von Laue (Allemagne, 1879-1960). Prix Nobel de physique 1914.

1937Découverte de la diffraction des électrons par les cristaux. Clinton Davisson (Etats-unis, 1881-1958) et George Paget Thomson (Angleterre, 1892-1975). Prix Nobel de physique 1937.

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celui du synchrotron est indispensable pour les repérer. Même si la cristallographie concerne essentiellement les solides cristallins, à la DEN elle s’applique également aux solides amorphes tels que le verre, aux combustibles, et même aux liquides. Pour la Direction des applications mili-taires (DAM) du CEA, elle offre aussi la possibilité d’étudier de façon expérimentale, et à l’échelle microscopique, le comportement de la matière dans des conditions extrêmes de pression (3 millions d’atmosphère) et de températures (plusieurs milliers de degrés Celsius). « À partir des résul-tats obtenus, nous pouvons valider nos modèles de simu-lation du comportement des matériaux dans les différentes phases de fonctionnement d’un engin nucléaire et élaborer de nouveaux matériaux » précise Paul Loubeyre, chercheur au CEA-DAM. Certaines de ces analyses peuvent aider d’autres disciplines, comme celles effectuées sur la fusion du fer qui ont servi à déterminer la structure interne de la Terre. La compression dynamique de la matière avec le laser Mégajoule (LMJ) permettra d’atteindre des conditions thermodynamiques encore plus extrêmes et le diagnostic sera dans ce cas effectué grâce à un flux de rayons X très intense produit par le laser Petal sur la même installation.

Neutrons et électrons, également à contributionAprès un siècle de développement, la cristallographie aux rayons X est devenue la méthode de référence pour l’étude de la structure atomique et des propriétés des matériaux. Pour autant, de nouvelles méthodes ont fait leur apparition. Au début des années trente, le neutron

est découvert : « il a un fort pouvoir de pénétration dans la matière et interagit avec les noyaux des atomes, aussi bien légers que lourds. Avec le rayonnement neutronique•, nous pouvons ainsi étudier des objets plus massifs qu’avec les rayons X et avoir des renseignements sur l’organisation des moments magnétiques• dans un matériau » explique Florence Porcher, cristallographe au CEA-DSM. Pour ses propres recherches, le CEA dispose aujourd’hui d’une source de neutrons à Saclay (voir encadré). Comme le rapporte Jean-Luc Béchade, « nous employons aussi la diffraction des neutrons pour des études “en profondeur”. Sur des pièces épaisses, nous pouvons nous rendre compte de la différence de structure entre les cristaux à la surface du métal et ceux situés au cœur ».Considéré comme une onde, l’électron permet également de plonger au cœur de la matière. Et l’histoire le prouve puisque c’est par microscopie électronique que l’existence des quasi-cristaux a été dévoilée en 1984 : cristaux dans lesquels les atomes suivent un modèle qui ne peut pas être répété périodiquement3. Ce constat allait à l’encontre de la définition du cristal à l’époque et a conduit à la retravailler pour y inclure ces structures non périodiques, mais qui suivent un ordre parfait. De nos jours, les expériences de diffraction électronique sont réalisées principalement par microscopie électro-nique en transmission (TEM) pour scruter des objets nécessairement beaucoup plus petits que ceux étudiés par rayons X et neutrons. La plateforme de nanocaractérisa-tion (PFNC) au centre CEA de Grenoble est équipée de tels instruments, utilisés pour préciser les caractéristiques

• rayonnement neutronique :

rayonnement issu d’un réacteur nucléaire de recherche dédié ou d’une

source de spallation. Très pénétrant et

naturellement sensible au magnétisme de la matière,

il est de faible énergie et en partie (0,5 Å < λ < 5 Å)

utilisable pour des études de cristallographie.

• moment magnétique : grandeur vectorielle qui

représente l’aimantation portée par un atome individuel

au sein d’une structure cristalline.

de graNdes dates daNs l’histoire de la cristallographie

1946 Premières expériences de diffraction neutronique. Ernest O. Wollan (Etats-Unis, 1902-1984) et Clifford G. Shull (Etats-Unis, 1915-2001).

1953 Découverte de la structure en double hélice de l’ADN, à partir d’un cliché de diffraction obtenu par Rosalind Franklin (Angleterre, 1920-1958). Francis Crick (Angleterre, 1916-2004), James Watson (Etats-Unis, 1928) et Maurice Wilkins (Angleterre, 1916-2004). Prix Nobel de physiologie et de médecine 1962.

1982 Travaux de développement de la cristallographie par microscopie électronique. Aaron Klug (Angleterre, 1926). Prix Nobel de Chimie 1982.

Boites à gants et instruments pour

l’étude de comportement d’échantillons en conditions

extrêmes de températures et de pression sur le centre

de valduc (dam).

18 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

LEs CristAux, mAîtrEs En LA mAtièrEgraNd aNgle

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1984 Découverte des quasi-cristaux. Dan Shechtman (Israël, 1941). Prix Nobel de chimie 2011.

2009 Études sur la structure et la fonction du ribosome. Venkatraman Ramakrishnan (Etats-Unis, 1952), Thomas A. Steitz (Etats-Unis, 1940) et Ada E. Yonath (Israël, 1939). Prix Nobel de chimie 2009.

2004 Découverte du graphène. Andre Geim (Pays-Bas, 1958) et Konstantin Novoselov (Angleterre-Russie, 1974). Prix Nobel de physique 2010.

La France héberge deux sites où sont regroupées respectivement les sources européennes et françaises de rayonnement synchrotron et de rayonnement neutronique. Sur le centre CEA de Saclay, le réacteur Orphée, source de neutrons, et le LLB (Laboratoire Léon Brillouin) sont pilotés par le CEA et mettent à sa disposition des instruments couvrant de larges besoins scientifiques et industriels. Non loin de là, le synchrotron natio-nal Soleil est notamment équipé de la ligne « chaude » Mars, spécialement conçue pour l’étude des maté-riaux irradiés et financée pour un tiers par la DEN et la DAM du CEA. À terme, elle a vocation à accueillir les échantillons les plus radioactifs au monde ! À Grenoble, les scientifiques disposent du réacteur international de l’Institut Laue-Langevin (ILL) et du synchrotron européen ESRF (European Synchrotron Radiation Facility). Par ailleurs, le CEA s’est doté, sur son centre, de la Plateforme de nanocaractérisation (PFNC) qui réunit un panel de microscopes électroniques très puissants.La proximité de ces grands instruments de recherche, très complémentaires et ouverts à toute la commu-nauté scientifique, facilite les recherches des cristallographes du CEA qui, eux-mêmes, contribuent au déve-loppement d’outils toujours plus performants, comme le laser Mégajoule et prochainement le laser XFEL1.

des iNstrumeNts scieNtifiques de poiNte au service de la cristallographie

de certains cristaux appliqués à l’électronique et aux nouveaux matériaux pour l’énergie.

de nombreuses applications pour la recherche comme pour l’industrieQuelle que soit la source du rayonnement utilisée, la cristallographie est irremplaçable pour l’étude de la matière. Appliquée à toutes les disciplines, de la biolo-gie à la chimie, en passant par la physique, elle met au jour l’architecture à l’échelle atomique des matériaux cris-tallins. À la base de travaux prometteurs de recherche

fondamentale, elle est aussi une ressource précieuse pour les industriels : développement de cristaux pour panneaux photovoltaïques, de matériaux pour réacteurs, de compo-sites pour l’automobile ou l’aéronautique, mise au point de nouveaux catalyseurs, identification de protéines pour des médicaments inédits… À travers cette science se joue une course permanente à l’innovation pour répondre aux plus grands défis de l’humanité : la santé, l’énergie, les matériaux du futur, l’environnement…

Notes :

1. Par la même occasion, ils démontrent la nature ondulatoire des rayons X.

2. 1 Å = 1 Ångström = 10-10 m.

3. À l’époque, ce constat allait à l’encontre de la définition du cristal et a conduit à la retravailler pour y inclure ces structures non périodiques, mais suivant pourtant un ordre parfait.

Note :

1. European X-Ray Free Electron Laser.

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diffractomètre monocristaux de l’ill, utilisé notamment par les chercheurs de la dsm.

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cristaux de protéines en cours de formation

dans une plaque.

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culture de cristaux… Biologiques !un grand nombre de disciplines utilise la cristallographie pour l’étude des matériaux et la biologie n’est pas en reste ! la biocristallographie s’avère en effet indispensable pour mieux comprendre les relations entre la structure atomique d’une molécule biologique et sa fonction. récit d’une étude de protéine, avec deux chercheurs du cea.

Les biologistes structuraux sont parmi les plus nom-breux utilisateurs de rayonnement synchrotron pour

déterminer la structure tridimensionnelle des macromo-lécules biologiques à l’échelle atomique. Dans quel but ? Essentiellement pour comprendre la fonction et le mode d’action de protéines, d’acides nucléiques ou de complexes macromoléculaires. Et il s’avère que la biocristallographie est indispensable à la compréhension du vivant. En effet, une protéine étant trop petite (quelques nanomètres) pour être observée individuellement à l’échelle atomique, il faut l’étudier sous forme de cristal. Celui-ci correspond à l’em-pilement ordonné et périodique de milliards de protéines identiques. Il est ainsi capable de diffracter les rayons X, ce qui permet de résoudre sa structure 3D pour dévoiler l’architecture interne de la macromolécule. À l’IBS1 et au CEA-IBITECS2, les scientifiques peuvent s’intéresser à des familles entières de protéines, à des voies métaboliques complètes ou à une protéine isolée, et cela pour résoudre des problèmes de recherche fon-damentale ou appliquée : connaître le rôle de la macro-molécule dans la réparation de l’ADN ; savoir comment

elle interagit avec ses partenaires fonctionnels ; élucider son implication dans une maladie ; expliquer pourquoi elle est essentielle à la survie d’un virus…

des cristaux qui se font désirerComment se déroule une étude biocristallographique ? Tout commence par la fabrication du cristal biologique. « Nous produisons la protéine d’intérêt en grande quantité grâce au clonage du gène qui la code, par le biais d’un plas-mide• que l’on introduit dans une bactérie par exemple » explique Jean-Luc Ferrer, chercheur à l’IBS. En résultent quelques milligrammes de protéine purifiée, pré-requis essentiel à l’étape délicate de cristallisation telle que la présente Marie-Hélène Le Du, biologiste structurale au CEA-IBITECS : « Une fois la molécule purifiée, nous recher-chons les conditions physico-chimiques favorables à la for-mation d’un cristal. Pour cela, nous travaillons de manière très empirique sur des plaques de 96 puits avec, dans cha-cun d’eux, un milieu de cristallisation unique en termes de pH, sels, agent précipitant. Au-dessus de chaque puits : trois petits réservoirs (0,1 à 0,2 microlitre) contenant la protéine à

• plasmide : molécule d’ADN surnuméraire

distincte de l’ADN chromosomique, capable de réplication autonome.

20 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

LEs CristAux, mAîtrEs En LA mAtièrEgraNd aNgle

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Boite à gants pour la cristallisation de protéines en condition anaérobie, à l’iBs.

carte de densité électronique (en bleu) d’une protéine et construction du modèle de sa structure (jaune,gris et rouge).

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trois concentrations différentes et le même milieu de cristal-lisation moins concentré. Un échange de vapeur d’eau entre le milieu de cristallisation et les réservoirs va s’établir pour amener la solution de protéine à sursaturation. Si l’environ-nement est propice, cas rare, des cristaux vont apparaître ». Pour augmenter les chances de résultats, des milliers de conditions différentes sont testées grâce à des robots adaptés. Les scientifiques du CEA-IBITECS utilisent la plateforme technique Imagif ou celle de l’Institut Pasteur, qui mettent à la disposition de la communauté scienti-fique académique et industrielle des outils performants. À Grenoble, l’IBS possède également son arsenal d’ins-truments de pointe, tels que les boîtes à gants pour la cristallisation des métalloprotéines sous condition ana-érobie (sans oxygène).Afin de visualiser rapidement un « hit » dans les puits, c’est-à-dire une ébauche de cristal, il existe un robot déve-loppé conjointement par le Groupe Synchrotron de l’IBS et par NatX-ray, start-up du CEA. Fonctionnement : sur

une ligne de lumière synchrotron un bras robot positionne directement la plaque de cristallisation sous le faisceau de rayons X et effectue de petites oscillations pour collec-ter des images de diffraction. Un signal caractéristique de diffraction va permettre d’identifier la présence d’un cris-tal à la position testée.L’expérience se poursuit alors au laboratoire pour repro-duire la cristallisation à plus grande échelle et tenter d’obtenir de plus gros cristaux. « Il y a 20 ans, il fallait des cristaux de quelques centaines de micromètres pour pou-voir les étudier. Aujourd’hui, quelques dizaines suffisent » se réjouit Marie-Hélène Le Du.Quand un cristal de taille satisfaisante est fabriqué, il est de nouveau exposé au faisceau intense du synchrotron. Les clichés de diffraction des rayons X obtenus ne per-mettent pas de calculer directement la carte de den-sité électronique• grâce à laquelle le cristallographe va construire pas à pas la structure 3D, comme un puzzle. De fait, cette résolution de structure peut prendre quelques jours à quelques années : si la protéine ressemble à une protéine de structure connue, il faut simplement retrouver sa position dans le cristal, ce qui peut être assez rapide. En revanche, si la protéine ne ressemble à aucune autre répertoriée, la résolution de la structure expérimentale peut devenir laborieuse puisque les méthodes directes uti-lisées en chimie ne peuvent pas s’appliquer aux énormes macromolécules biologiques. Il faut donc s’armer de patience et de persévérance.

la « biocristallo » n’a pas dit son dernier motUn tel savoir-faire intéresse les industriels. Par exemple, dessiner une molécule inhibitrice très spécifique d’une enzyme bactérienne peut conduire à un médicament pour lutter contre les infections causées par cette bac-térie, tout en présentant des effets secondaires réduits. Par ailleurs, la connaissance de la structure d’une pro-téine amènera à en imaginer et à en construire de nou-velles ! En perpétuelle évolution, la biocristallographie n’a pas fini de nous épater par son talent. En couplant la diffraction des rayons X à la RMN, la microscopie élec-tronique, ou encore à l’utilisation de lasers ultra-puis-sants, elle permettra dans quelques années d’accéder à des structures encore plus complexes. Ainsi, il ne s’agira plus seulement de relier la structure d’une protéine iso-lée à sa fonction, mais de l’observer en temps réel et en mouvement dans son environnement moléculaire et cellulaire.

• carte de densité électronique : quantification des électrons en chaque point du cristal de protéine.

Notes :

1. Institut de biologie structurale. Unité mixte CEA/CNRS/université Joseph Fourier.

2. Institut de biologie et de technologies de Saclay.

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le cea daNs les médias

douBler l’autoNomie du KaNgoo Ze

le défi de la médeciNe persoNNalisée

l’exosquelette star de la coupe du moNde

détecter les paNNes et éviter le vol de câBles

de l’électricité daNs le gaZ

06 juiN 2014 / le progrès 1er juiN 2014 / iNNovatioN & iNdustrie

12 juiN 2014 / les échos

30 mai 2014 / les échos1er juiN 2014 / la recherche

Pour augmenter l’autonomie d’un véhicule électrique, l’op-tion la plus écologique est une petite pile à combustible (PAC). C’est le choix de la société Symbio FCell qui a développé avec le CEA une solution modulable pour s’intégrer dans différents véhicules électriques de série. Le quotidien annonce que le premier modèle à en béné-ficier est le Renault Kangoo ZE dont l’autonomie est ainsi prolongée de 170 à 300 km grâce à une PAC qui ne pèse que 80 kg contre les 220 de la batterie.

Maladie de Parkinson, psychiatrie, cancérologie : la recherche en sciences du vivant progresse à pas de géant en France, laissant entrevoir de nouvelles pistes de trai-tements révolutionnaires qui changeront le quotidien de très nombreux patient. C’est le défi de la médecine per-sonnalisée, tel que le précise Éric Quemeneur, directeur des programmes et de la valorisation à la direction des sciences du vivant du CEA, dans une interview accordée au mensuel.

« À quelques secondes du coup d’envoi de la Coupe du monde de football du Brésil, un adolescent paraplégique va se lever de son fauteuil roulant, équipé d’un exosquelette en partie activé par le cerveau du garçon ». Cet événement est l’occa-sion pour le quotidien de revenir sur cette technologie et ses nombreuses applications, notamment pour la santé. Une piste investiguée par le CEA dont une équipe s’est lancée dans un projet ambitieux : « faire marcher un patient tétraplégique grâce à un exosquelette bras et jambes piloté par un implant cérébral… »

La start-up WiN MS, issue du CEA-List, finalise sa première levée de fonds à 800 000 euros grâce à Generis Capital Partners et CEA Investissement. En effet, l’outil de surveillance et de diagnostic des réseaux câblés qu’elle propose « n’a pas de prix pour les acteurs du transport aéronautique et ferroviaire, confrontés à une maintenance lourde et coûteuse de leurs infrastructures, ainsi qu’à une surveillance accrue pour cause de recrudescence des vols de câbles » explique le quotidien.

Le mensuel consacre un dossier à la filière énergétique du « Power to Gas », ou comment transformer les énergies renouvelables (solaire ou éolien) en hydrogène pour ainsi être stockées. Cette option technologique est à l’étude au CEA, notamment au sein du grand projet GRHYD. Piloté par GDF Suez, il compte deux volets : « injecter de l’hy-drogène dans un réseau de gaz naturel pour alimenter 200 logements neufs à Dunkerque […] et produire le carbu-rant Hyhane®, mélange gaz naturel – hydrogène ».

système de WiN ms.

réservoir de stockage d’hydrogène sous forme d’hydrures métalliques.

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22 Les défis du CEA Plus d’informations sur www.cea.fr

à voir, à lire, à écouter

Page 23: maîtres eN la matière · exercice de crise : ceres gère l’alerte NrBc-e avec paN ache ! le 22 mai 2014, dans le quartier d’affaires de la défense, près de paris, c’est

uNe Nouvelle applicatioNL’émission On n’est pas que des cobayes lance « SUPER JAMES », une application d’apprentis-sage scientifique pour tablette et Smartphone Apple. Objectif : faire évoluer le mannequin crash test de l’émission sur terre, dans l’air, l’eau ou le feu, en le lançant le plus haut et le plus loin possible, et ce malgré les obstacles rencontrés.http://www.france5.fr/emissions/on-n-est-pas-que-des-cobayes/

« scieNces eN ciel »CNRS-Images consacre un film à la campagne scien-tifique ChArMEx, du LSCE, dont le but est d’analyser la pollution atmosphérique en Méditerranée occi-dentale. 30 minutes pour découvrir les scientifiques à l’œuvre dans la traque d’un immense panache de poussières du Sahara grâce à des mesures réalisées avec le réseau de stations, des ballons, ou encore à bord d’un avion.http://videotheque.cnrs.fr/visio=4184

cristallographie et réseau réciproqueLorsque des rayons X sont envoyés sur un cristal, ils sont diffractés. Les tâches visibles sur le cliché de diffraction correspondent alors au réseau réci-proque : plus les atomes du cristal sont écartés, plus le réseau réciproque est serré et inversement. Venez découvrir ce « monde à l’envers », dans cette courte vidéo réalisée, entre autres, par le CNRS.http://vimeo.com/92838313

Kiosque

sur le WeB

la matière et ses mystèresSubstance et matière ; La matière dans la physique moderne ; Généalogie de la matière : trois chapitres écrits par trois scientifiques reconnus, dont deux du CEA, pour percer les secrets de l’Univers. Si toute la matière émerge des débris des étoiles explosées, pourquoi les étoiles brillent-elles ? De quel feu brûlent-elles ? Quel message nous envoie leur lumière ? Comment expliquer la répartition des atomes ? Quand et comment ont-ils été formés ?qu’est-ce que la matière ? françoise Balibar, jean-marc lévy-leblond et roland lehoucq.

éditions le pommier. 10 €

gaulois d’un jourChimiste au CEA, l’auteur livre la quatrième aventure de Théo. En route pour un voyage scolaire, il part visiter des sites gaulois en Bourgogne. Mais rien ne va se dérouler comme prévu ! Gran-Pa arrive à l’improviste, lancé sur la piste du fabuleux trésor de Vercingétorix, que Napoléon III a cherché pendant tout son règne… Et il embarque son petit-fils et ses amis dans l’aventure pour l’épauler. De musées en lieux historiques, nos héros parviendront-ils à résoudre les énigmes et à reconsti-tuer le puzzle qui les conduira aux fameuses pièces d’or ?théo et le trésor de vercingétorix. didier leterq. éditions le pommier. 12 €

la cristallographie en exercices !La cristallographie a 100 ans en 2014 ! Des années au cours desquelles elle a vu l’attribution de nombreux prix Nobel de physique liés à son évolution. Grand nombre d’étudiants et d’enseignants en physique chimie continuent à progresser dans cette science. Voici un manuel très complet de cristallographie géométrique qui, à travers des cours, exercices et problèmes corrigés, apporte les connaissances indispensables à tous ceux qui élaborent des substances cristallines, en étu-dient ou en utilisent les propriétés.cristallographie géométrique. Nadine millot, jean-claude Nièpce. éditions lavoisier. 48 €

l’écologie appliquée à la vie quotidienneVous aimeriez sauver la planète sans changer vos habitudes ? L’auteur aussi ! Journaliste à Rue89, elle a cherché à résoudre les contradictions de son quotidien en expérimentant tout ce qui était possible : vers mangeurs de déchets, soirées dans des Disco Soupes, vélorution… Puis, entre grandes joies et petits moments de solitude, elle a évalué le rapport plaisir-efficacité-économies pour dres-ser l’inventaire des pièges marketing vert à éviter ! Son crédo : l’écologie appliquée au quotidien ne doit pas être une punition.comment j’ai sauvé la planète. sophie caillat. éditions du moment. 17,95 €

23Juillet-Août 2014 N°191

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Avis aux amateurs souhaitant vivre la tête dans les étoiles : pour la 24e année consécutive, le petit bourg de Fleurance devient la capitale de l’astronomie pendant une semaine. À cette occasion, des dizaines de chercheurs viennent partager avec passion leurs connais-sances et leur amour du Ciel et de l’Espace en proposant une multitude de rencontres, de conférences, d’ateliers pratiques, de forma-tions et de soirées d’observations. Parmi eux, Hubert REEVES, aux côtés de Roland Lehoucq et André Brahic, astrophysiciens au CEA.

fleurance (gers), du 2 au 8 août 2014festival d’astroNomie de fleuraNce