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VULGARISATION VULGARISATION SCIENTIFIQUE SCIENTIFIQUE Mode d’emploi Mode d’emploi CÉCILE MICHAUT

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VULGARISATIONVULGARISATION

SC I E N T I F I Q U ESC I E N T I F I Q U E

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Mod

e d’emploi

VULGARISATIONVULGARISATION

SC I E N T I F I Q U ESC I E N T I F I Q U E

Mode d’emploiMode d’emploi

C É C I L E M I C H A U TVulgarisation, mode d’emploi est le premier guide de vulgarisation. Il offre des ré-ponses concrètes aux scientifi ques et ingénieurs souhaitant partager leurs savoirs avec le plus grand nombre. Véritable manuel pratique, il décrit les règles de base, les pièges à éviter, les différents modes de vulgarisation et de médiation scienti-fi ques, sans oublier les aspects concrets des petits et grands projets de médiation scientifi que.

Aujourd’hui, s’exprimer clairement sur les sciences est indispensable pour déve-lopper ses collaborations, décrocher des fi nancements, intéresser les médias, et attirer des étudiants. Mais aussi pour se rapprocher des citoyens, souvent débous-solés face aux sciences et à leurs applications. Au-delà des scientifi ques, ce livre s’adresse à tous les experts d’un domaine – médecins, économistes, hommes de loi, techniciens, qui ont besoin de communiquer avec des non-spécialistes.

Qui est mon public ? Quelles sont ses attentes ? Est-ce possible de simplifi er sans déformer ? Quelles astuces pour accrocher l’intérêt de mon auditoire ? Où se for-mer à la vulgarisation ? Comment interagir avec des journalistes ? Ai-je le droit de parler dans les médias sans l’autorisation de ma hiérarchie ? Comment utiliser au mieux les possibilités d’Internet ? Autant de questions que se pose l’apprenti-vul-garisateur, qui trouvera dans ce livre des réponses et des conseils directement ap-plicables. Mais surtout, il y dénichera des idées pour inventer sa propre manière de vulgariser.

Basé sur une expérience de plus de 10 ans de formations à la vulgarisation, alliée à une connaissance approfondie du monde scientifi que et des médias, cet ouvrage s’appuie sur des exemples vécus, des témoignages de chercheurs et de journa-listes. Des vulgarisateurs parmi les plus connus livrent leur vision de cet art com-plexe et captivant qu’est la médiation scientifi que.

Cécile Michaut est docteur en chimie et journaliste scientifi que depuis 1998. Depuis 2005, elle assure des formations à la vulgarisation scientifi que au sein du Centre de vulgarisation de la connaissance (université Paris-XI Orsay), à l’Institut Mines-Télé-com, à l’Institut d’astrophysique de Paris, et pour les écoles d’été organisées par le groupement de recherche C’Nano (CNRS). Elle a créé la société Science et Partage.

Mode d’emploiMode d’emploi

ISBN : 978-2-7598-1160-116 € TTC - Francewww.edpsciences.org

9 782759 811601

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CÉCILE MICHAUT

Vulgarisation scientifi que,mode d’emploi

17, avenue du Hoggar – P.A. de CourtabœufBP 112, 91944 Les Ulis Cedex A

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Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les «-copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective-», et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute repré-sentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.© EDP Sciences, 2014

Couverture : dessin de René Pétillon, reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Mise en pages : Patrick Leleux PAO (Caen)

Imprimé en FranceISBN : 978-2-7598-1160-1

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Liste des portraits ....................................................................... 5

Introduction ................................................................................. 7

Chapitre 1. Pourquoi vulgariser ?.................................................. 11Informer les citoyens ................................................................. 11Un devoir vis-à-vis des contribuables ............................................ 13Faire progresser ses propres recherches ......................................... 14Améliorer son enseignement ........................................................ 15Trouver des fi nancements ............................................................ 16Faire naître des vocations scientifi ques ......................................... 17Créer du lien sur son lieu de travail .............................................. 17Et surtout, le plaisir de partager sa passion avec le plus grand nombre. ......................................................... 18Dix mauvaises raisons de ne pas vulgariser .................................... 19

Chapitre 2. Les différentes formes de vulgarisation ....................... 33Vulgarisation, information, communication… une question de vocabulaire, mais pas seulement ........................... 34Vulgariser : mettre les connaissances à portée de chacun ................ 34La médiation : le contact avant tout ............................................ 35La communication, au service d’une institution .............................. 36La médiation scientifi que ............................................................ 37Conférences .............................................................................. 40Expositions ............................................................................... 41La vulgarisation écrite ............................................................... 47

SOMMAIRE

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L’audiovisuel : l’école de la concision ............................................ 50Le web ..................................................................................... 53

Chapitre 3. Comment vulgariser ? ................................................. 67C’est en vulgarisant qu’on devient vulgarisateur ............................. 67Qui est mon public ? .................................................................. 68Que vulgariser ? ....................................................................... 73Choisir son message ................................................................... 80Le style .................................................................................... 83Les pièges à éviter ..................................................................... 87Les petits trucs qui changent tout ............................................... 98

Chapitre 4. Ce n’est pas tout à fait de la vulgarisation, mais… ...... 115Le journalisme scientifi que .......................................................... 115La communication ..................................................................... 117La vulgarisation entre professionnels ............................................ 118L’enseignement .......................................................................... 121

Chapitre 5. Monter son projet de vulgarisation .............................. 131Se former ................................................................................. 131Se faire aider ............................................................................ 133Rédiger un livre ......................................................................... 135Écrire dans une revue ................................................................. 136Vulgariser sur le web .................................................................. 141Monter une exposition ou une animation ...................................... 148Les aspects législatifs ................................................................ 150Pressions .................................................................................. 152

Conclusion .................................................................................. 155

Annexe. Analyse statistique des pratiques de vulgarisation des chercheurs CNRS .................................................................... 157

VULGARISATION SCIENTIFIQUE, MODE D’EMPLOI4

SOMMAIRE

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Julien Bobroff, innover en vulgarisation .................................................. 27

Claire Le Lay, l’expérimentatrice ................................................................. 29

Richard-Emmanuel Eastes veut interagir avec le public ........................... 31

Pierre-Henri Gouyon, poil à gratter de la science ..................................... 57

Pablo Jensen, de la vulgarisation comme objet d’étude ............................ 60

Catherine Vidal, la militante ...................................................................... 62

Étienne Klein, héraut de la culture scientifi que ......................................... 64

Vincent Bonhomme, la vulgarisation n’attend point le nombre des années 106

Roland Lehoucq, le super-héros de la vulgarisation ................................. 108

Valérie Masson-Delmotte, au contact du public ....................................... 110

Pour Marie-Odile Monchicourt, séduire pour parler des sciences ............ 112

Fabrice Papillon fi lme la science ............................................................... 123

Jean Jouzel, vulgarisateur malgré lui ......................................................... 125

Mathieu Vidard, le chef d’orchestre ........................................................... 127

Cédric Villani, mathématicien star ............................................................ 129

Liste des portraits

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INTRODUCTION

L oin d’être réservée aux chercheurs « ratés », la vulgarisation a

été pratiquée par les plus grands scientifi ques : Michael Faraday,

Camille Flammarion, Albert Einstein, George Gamow, Richard

Feynman, Stephen Hawkins, Stephen Jay Gould et bien d’autres

étaient convaincus que la science devait être partagée avec le plus

grand nombre. Mais ces pionniers sont longtemps restés isolés. Faire

de la vulgarisation a longtemps été considéré au mieux comme une

perte de temps, au pire comme un moyen de se mettre en avant

lorsqu’on n’était plus assez bon pour faire de la recherche. Un per-

sonnage comme Hubert Reeves restait une exception.

Aujourd’hui, les choses ont un peu changé. Le paysage de la vul-

garisation n’est pas un désert. Certains chercheurs s’y sont attelés

avec talent, les portraits de vulgarisateurs dans ce livre en attestent.

Que ceux qui n’y fi gurent pas m’en excusent : ce choix est très sub-

jectif et dépend surtout du hasard des rencontres. Les livres scien-

tifi ques sont nombreux, quelques émissions ont refait surface à la

radio, comme La tête au carré sur France Inter, les revues mensuelles

scientifi ques continuent de rassembler de nombreux lecteurs…

Et surtout, le point de vue des scientifi ques sur la vulgarisation a

changé. Certes, il reste quelques « dinosaures » qui considèrent que

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VULGARISATION SCIENTIFIQUE, MODE D’EMPLOI8

INTRODUCTION

le public n’a pas besoin de savoir ce qui se passe dans les laboratoires,

ou que ce n’est pas leur rôle de l’expliquer. Mais la majorité concède

que parler de leurs recherches au grand public fait partie de leurs

missions, même si cela passe le plus souvent après les autres activi-

tés comme la recherche, l’enseignement, les tâches administratives,

l’organisation de congrès… L’existence des Fêtes de la science depuis

1992 a joué un grand rôle pédagogique, en poussant les chercheurs

à s’ouvrir aux citoyens, et à s’interroger sur le message qu’ils sou-

haitent faire passer, en leur donnant, tout simplement, l’occasion

d’expliquer leur métier.

Mais la vulgarisation ne concerne pas uniquement les scientifi ques,

et si ce livre est écrit en pensant surtout à eux, il s’adresse de fait à

toutes les personnes dépositaires d’un savoir technique ou complexe,

et qui souhaitent le partager avec un public plus novice. Médecins,

ingénieurs, philosophes, architectes, gens de loi, techniciens, écono-

mistes, fi nanciers… ont tous besoin, à un moment ou à un autre,

de laisser de côté leur jargon pour s’exprimer clairement auprès de

personnes ignorant leur domaine.

Or, c’est vraiment étonnant, les études dans ces métiers ne com-

portent pas (à ma connaissance) de formation sur la manière de vul-

gariser ses savoirs. Il existe certes des formations professionnelles de

quelques jours sur ce sujet, mais elles restent confi dentielles. Et les

livres manquent tout autant. Cet ouvrage se veut une réponse aux

besoins criants de formation en vulgarisation. Certains diront que

cela ne s’apprend pas, qu’on sait y faire ou pas. Rien n’est moins

faux, même si certains vulgarisateurs sont, dès le départ, très à l’aise

tandis que leurs collègues peinent. D’autres diront que le seul bon

apprentissage est celui « sur le terrain ». Certes, c’est en vulgarisant

et en observant quelles explications sont effi caces que l’on progresse.

Néanmoins, connaître quelques bases sur le niveau ou les attentes du

public, le choix des messages, les différents types de vulgarisation, ou

les quelques pièges à éviter, permet de bien démarrer, et surtout de

ne pas se décourager aux premiers essais.

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INTRODUCTION

Ce livre est donc un manuel de vulgarisation, mais pas unique-

ment. Il n’existe pas une seule manière de bien vulgariser, mais une

infi nité. Chaque vulgarisateur s’y prend différemment, et fi nit par

trouver le style qui lui est propre, et qui évolue d’ailleurs souvent au

cours du temps. Tel sera plus à l’aise avec l’écrit, qui lui permet de

prendre le temps de clarifi er sa pensée, tandis que tel autre préfèrera

le contact direct avec le public. L’un adorera l’enthousiasme et la

naïveté intelligente des enfants, quand l’autre s’attachera à répondre

aux attentes des citoyens souhaitant éclairer leurs décisions. Certains

opteront pour l’humour, d’autres pour les ouvrages les plus exhaustifs

possibles, certains pour l’image, d’autres pour la voix, d’aucuns ado-

reront les débats polémiques, d’autres les fuiront comme la peste…

Chacun peut trouver le mode de partage du savoir qui lui convient.

À condition de connaître l’étendue des possibles. C’est pourquoi cet

ouvrage se veut une boîte à outils du vulgarisateur, où chacun pioche

selon ses goûts et ses envies. Le champ de la vulgarisation est très

vaste, et si vous refermez cet ouvrage en vous disant « incroyable, je ne

pensais pas que l’on pouvait faire autant de choses en vulgarisation »,

j’aurai gagné mon pari.

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11

1Pourquoi vulgariser ?

INFORMER LES CITOYENS

L ’ « honnête homme » d’antan s’intéressait à tout, aux arts comme

aux sciences. En témoignent Blaise Pascal ou Léonard de Vinci,

parmi les plus illustres. Aujourd’hui pourtant, lorsqu’on parle de

culture, on pense à la littérature, l’histoire, la peinture, la musique,

voire aux grandes idées politiques… mais de science, point. Pire, la

plupart des gens sont persuadés qu’ils ne comprennent pas les sciences,

qu’ils ne sont « pas doués pour ça ». Comme si seules des personnes

au cerveau formaté spécifi quement pouvaient comprendre la science.

On aboutit à une cassure entre le grand public et les scientifi ques, trop

souvent fermés sur leurs recherches, et considérés au mieux comme

des professeurs Tournesol, au pire comme des savants fous.

Pourtant, les sciences n’ont jamais pris une place aussi importante

dans nos vies. On pense bien sûr à leurs applications, comme les

ordinateurs, Internet, les lasers, ou les médicaments, qui ont tous

débuté leur carrière dans des laboratoires. Mais les sciences fonda-

mentales elles-mêmes nous concernent au quotidien. Le changement

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POURQUOI VULGARISER ?

VULGARISATION SCIENTIFIQUE, MODE D’EMPLOI12

climatique, le clonage thérapeutique, les organismes génétiquement

modifi és, la sécurité des échanges sur Internet ou la pollution de

l’environnement nous touchent directement. Comme le souligne

Hélène Langevin, fi lle d’Irène et Frédéric Joliot-Curie, « contrairement

à ce que l’on a pu penser à la fi n du XIXe siècle, le progrès scientifi que

et technologique ne résoudra pas tous les problèmes de la société, en

revanche il est certain qu’il engendre un certain nombre de conséquences

qui peuvent être sources de grands progrès mais qui peuvent aussi avoir

des conséquences plus négatives. En ce sens, il est primordial que les

citoyens soient capables d’en comprendre les enjeux ».

En effet, nous avons notre mot à dire, ne serait-ce que par notre

vote. Les questions scientifi ques s’invitent parfois dans le débat poli-

tique, qu’il s’agisse des gaz de schiste, des déchets nucléaires, de la

recherche sur les embryons ou des ondes électromagnétiques. Le

citoyen cherche donc à s’informer sur ces questions, mais il est rapi-

dement rebuté par la complexité du sujet et la diversité des points de

vue, parfois totalement irréconciliables.

Même la science qui ne le concerne pas directement intéresse le

public. Si l’on est ému par un tableau, un morceau de musique ou

un roman, pourquoi ne le serait-on pas en apprenant l’existence de

planètes autour d’autres systèmes solaires que le nôtre, la décou-

verte d’une nouvelle particule, ou les stratégies complexes mises en

œuvre par les espèces pour survivre ? La beauté des fractales, ces

objets mathématiques aux formes ramifi ées et arborescentes, que

l’on observe également dans la nature, ont ainsi inspiré de nombreux

artistes.

Le besoin de vulgarisation du grand public est donc bien réel. Et,

de fait, de nombreux chercheurs s’y investissent. Certains écrivent des

livres, d’autres participent activement aux fêtes de la science, d’autres

répondent toujours positivement aux sollicitations des journalistes,

d’autres encore rédigent des blogs… Néanmoins, beaucoup trop de

scientifi ques restent réticents vis-à-vis de la vulgarisation, craignant

pêle-mêle de perdre leur temps, de nuire à leur carrière, de ne pas

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13

POURQUOI VULGARISER ?

savoir faire ou de sortir de leur rôle de chercheur. Nous verrons plus

loin que toutes ces craintes sont infondées.

UN DEVOIR VIS-À-VIS DES CONTRIBUABLESMême si les fi nancements privés prennent une place de plus en plus

importante, n’oublions jamais que c’est le contribuable qui fi nance la

plus grande partie de la recherche. Cela ne signifi e évidemment pas

qu’il dicte aux chercheurs ce qu’ils doivent faire. Néanmoins, il serait

malhonnête de ne le considérer que comme le « cochon de payant »,

n’ayant même pas le droit de savoir ce qui se prépare dans les labo-

ratoires ! Comme le rappelle le rapport parlementaire sur les cultures

scientifi ques et techniques paru en janvier 20141, « l’article L112-1

du code de la recherche, introduit par la loi de programme du 18 avril

2006 pour la recherche, a prévu que, parmi les missions de la recherche

publique fi guraient le partage et la diffusion des connaissances scienti-

fi ques. Le même code de la recherche, dans son article L411-1 inclut,

dans la mission d’intérêt général à laquelle concourent les personnels

de la recherche, “La diffusion de l’information et de la culture scien-

“tifi que et technique dans toute la population, et notamment parmi

“les jeunes ». Dès lors, personne ne peut plus dire que le partage des

connaissances scientifi ques n’est pas dans les missions des chercheurs !

D’ailleurs, la plupart des institutions de recherche le précisent à

nouveau dans différents documents. Ainsi, le CNRS a réaffi rmé en

2008 dans son plan stratégique « Horizon 2020 »2 l’importance du

partage des connaissances. On y lit notamment « Une bonne partie

de l’activité scientifi que repose sur des fonds publics […]. Le CNRS

s’attachera donc à développer l’accès public aux résultats de la recherche

réalisée sur fonds publics, dans un délai raisonnablement court après

1. http://www.senat.fr/fi leadmin/Fichiers/Images/opecst/auditions_publiques/Tome_I_rapport_CSTI_provisoire.pdf

2. http://www.cnrs.fr/fr/organisme/docs/Plan_Strategique_CNRS_CA_080701.pdf

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POURQUOI VULGARISER ?

VULGARISATION SCIENTIFIQUE, MODE D’EMPLOI14

publication. » L’organisme précise également sur son site que les

missions principales du chercheur sont la production scientifi que,

la valorisation des résultats, mais aussi « la diffusion de l’information

scientifi que : articles de vulgarisation scientifi que, communications au

public (conférences, émissions) ».

Même si tous les organismes publics ou semi-publics ne l’indiquent

pas aussi clairement, le constat reste le même : les chercheurs, payés en

grande partie sur des fonds publics, ont un devoir moral vis-à-vis des

citoyens-fi nanceurs. Bien sûr, tout ne doit pas être mis à disposition

du public : les recherches couvertes par le secret défense, ou le secret

industriel, ne sont pas divulguées. Mais toutes les recherches publiées

dans des revues pour scientifi ques peuvent être mises à la portée du

grand public.

FAIRE PROGRESSER SES PROPRES RECHERCHESLongtemps, les vulgarisateurs ont eu mauvaise réputation dans

le milieu scientifi que : s’ils s’adressaient au grand public, c’est parce

qu’ils n’étaient pas capables de se confronter à leurs pairs. Dit plus

crûment, seuls les mauvais chercheurs vulgarisaient. Résultat, seuls

les professionnels les plus expérimentés, n’ayant plus rien à prou-

ver car leur carrière était derrière eux, s’autorisaient à vulgariser.

Heureusement, ce préjugé commence à s’estomper. La méfi ance

vis-à-vis des vulgarisateurs reste néanmoins tenace dans certains

cénacles. Ce, malgré la présence de très grands chercheurs parmi les

vulgarisateurs (surtout dans le monde anglo-saxon, malheureuse-

ment) comme le prix Nobel de physique Richard Feynman. Pourtant,

une étude menée par le physicien Pablo Jensen en 2008 a montré

que l’équation « vulgarisateur = mauvais chercheur » est fausse. En

analysant les corrélations entre le nombre d’actions de vulgarisation

de chercheurs du CNRS et leur carrière, il a montré que ceux qui

obtenaient des promotions vulgarisaient davantage, en moyenne,

que les autres (cf. annexe p. 157).

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15

POURQUOI VULGARISER ?

Il est diffi cile de savoir si la vulgarisation est la cause ou la consé-

quence de cette meilleure carrière. Les bons chercheurs sont-ils plus

sollicités par les médias, donc vulgarisent plus ? Ou bien les vulga-

risateurs sont-ils inspirés dans leurs recherches grâce au contact du

public ? Ainsi, pour la climatologue Valérie Masson-Delmotte, « lors

des conférences, les auditeurs nous posent des questions qui nous sur-

prennent, c’est enrichissant pour notre vie de chercheur, cela fait naître

de nouvelles idées. » Il est possible également que les fi nancements

et les attributions de promotion prennent en compte les actions de

vulgarisation, auquel cas ces dernières joueraient directement sur

leur promotion. Dernière possibilité, la vulgarisation n’infl uence pas

la promotion et réciproquement, mais les personnes brillantes en

recherche seraient également talentueuses en vulgarisation. S’il est

impossible de trancher entre toutes ces hypothèses, qui ont probable-

ment toutes une part de vérité, une chose est sûre, néanmoins : vul-

gariser ne nuit pas à la carrière des chercheurs. Certes, cette étude ne

porte que sur du personnel du CNRS, mais il n’y a pas de raison que ce

soit différent dans les autres institutions de recherche (sauf peut-être

celles ayant une culture du secret, par exemple dans le domaine de la

recherche militaire). Du côté des enseignants-chercheurs, la question

du temps passé à vulgariser est plus prégnante, car ils doivent mener

de front recherche et enseignement. Cependant, la vulgarisation peut

grandement améliorer et enrichir l’enseignement… et vice versa.

AMÉLIORER SON ENSEIGNEMENTNous verrons plus en détail, au chapitre 4, les différences entre vul-

garisation et enseignement, mais aussi les liens qui peuvent se tisser

entre ces deux disciplines. Cependant, une chose est certaine : tous

les professeurs qui se sont lancés dans la vulgarisation considèrent

qu’ils ont amélioré leur enseignement... et réciproquement. Quand

on sait passionner un auditoire qui vient à une conférence, on sait

également intéresser une salle de classe. Lorsqu’on travaille à clarifi er

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POURQUOI VULGARISER ?

VULGARISATION SCIENTIFIQUE, MODE D’EMPLOI16

sa pensée pour un cours, on écrit d’autant plus facilement un livre de

vulgarisation. « En imbriquant mon enseignement avec mes actions de

vulgarisation, j’ai gagné en temps et en effi cacité, souligne le physicien

Jean-Michel Courty. Par exemple, j’utilise mes articles pour fabriquer

un sujet d’examen, ou l’inverse. »

Les travaux scientifi ques aussi peuvent bénéfi cier de la vulga-

risation. Faire des conférences grand public aide à améliorer ses

conférences lors de congrès scientifi ques. Écrire un livre destiné à

un large public oblige à se remémorer des sujets oubliés, remettre

ses idées au clair, se plonger dans des recherches qui ne sont pas

tout à fait dans sa spécialité… bref, vulgariser oblige à ouvrir son

esprit, ce qui est toujours bénéfi que pour dénicher de nouvelles

idées.

TROUVER DES FINANCEMENTSQu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse, la recherche se fait de plus

en plus sur projets. Le temps où les laboratoires disposaient de tout

l’argent nécessaire pour mener leurs expériences, rémunérer des post-

doctorants ou partir en congrès est bel et bien terminé. Il faut donc

convaincre que vos recherches valent la peine d’être fi nancées. Or,

même au sein des organismes fi nanceurs comme l’Agence nationale

de recherche (ANR), une commission n’est pas composée unique-

ment de spécialistes de votre sujet. Il faut donc vulgariser, sûrement à

un haut niveau, mais vulgariser quand même. Ce n’est pas un hasard

si les pays où cette recherche de fonds est exacerbée, comme aux États-

Unis, sont aussi ceux où l’ouverture des sciences vers la société et le

goût de communiquer les sciences, sont les plus grands.

La vulgarisation ne sera pas la même selon le fi nanceur auquel on

s’adresse. Les organismes de fi nancement de la recherche demande-

ront des explications détaillées, tandis que les industriels regarde-

ront à quoi cela peut leur servir, et les politiques se focaliseront sur

l’activité économique et l’emploi que ces recherches engendreront.

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POURQUOI VULGARISER ?

Connaître le niveau de connaissance des fi nanceurs et leurs intérêts

est indispensable pour viser juste.

Par ailleurs, plusieurs chercheurs-vulgarisateurs l’affi rment : leurs

activités de vulgarisation les aident à clarifi er leurs connaissances,

et ils rédigent ainsi plus facilement leurs rapports annuels et leurs

demandes de fi nancements.

FAIRE NAÎTRE DES VOCATIONS SCIENTIFIQUESCombien de scientifi ques doivent leur vocation aux ouvrages qu’ils

ont lus, aux heures qu’ils ont passées dans les lieux tels que le Palais

de la découverte, pendant les vacances au sein d’un club d’astronomie

ou aux discussions qu’ils ont eues avec un chercheur de leur famille ?

On n’a pas trouvé mieux que la rencontre, virtuelle ou réelle, avec

des scientifi ques enthousiastes pour passionner un enfant, voire un

adolescent.

À l’heure où les étudiants se détournent des fi lières scientifi ques,

leur préférant la fi nance ou la psychologie, il est important de mon-

trer à quoi ressemble réellement la recherche, un monde où il existe

des jeunes, des femmes, du travail d’équipe… Parler de la démarche

scientifi que, bien éloignée souvent des cours de sciences. Démonter les

idées reçues d’un univers fermé sur lui-même et sclérosé. Montrer la

science en train de se faire, les théories en concurrence, les doutes, les

culs-de-sac et les percées, le rôle du hasard, mais aussi de la persévé-

rance… Bref, montrer que la recherche est une aventure passionnante.

CRÉER DU LIEN SUR SON LIEU DE TRAVAILVous discutez facilement de vos dernières recherches avec vos col-

lègues autour de la machine à café… mais faites-vous de même avec

les techniciens et les administratifs ? N’avez-vous pas parfois l’impres-

sion qu’ils peuvent se sentir exclus, ne comprenant pas toujours ce

qui se fait autour d’eux ? Pourtant, savoir pourquoi on travaille, se

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POURQUOI VULGARISER ?

VULGARISATION SCIENTIFIQUE, MODE D’EMPLOI18

sentir incorporé dans une vaste mission, est un des moteurs de la

motivation ! Certains l’ont bien compris, et ont créé, par exemple,

des journaux internes vulgarisés afi n que tous, depuis le magasinier

jusqu’à la secrétaire, comprennent sur quoi leur équipe travaille, et

les buts de leurs recherches.

« À l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), j’ai

milité pour construire une cellule de vulgarisation sur le centre de

Jouy-en-Josas, indique le biologiste Roland Salesse, spécialiste de

l’olfaction. L’idée est de construire une vraie culture d’entreprise, afi n

que chacun ait une vue d’ensemble des recherches et puisse les décrire

à l’extérieur. » Il a également organisé des « agro-cafés » où, une fois

par mois, des chercheurs viennent répondre à des questions d’autres

personnes du centre. « Des doctorants ont ainsi montré une vidéo sur

ce qu’était le doctorat, des animaliers se sont posé la question du bien-

être animal et en ont tiré un fi lm de 40 minutes intitulé « profession

animalier ». »

ET SURTOUT, LE PLAISIR DE PARTAGER SA PASSION AVEC LE PLUS GRAND NOMBRE.

Ne nous leurrons pas : toutes les raisons « utilitaires » citées ci-

dessus sont certes importantes, mais restent secondaires. La vraie

raison de vulgariser, celle qui fait courir les conférences et les bars

des sciences, écrire des livres ou des pages web, ou collaborer avec

des journalistes, c’est le goût du partage. Les scientifi ques sont des

amoureux des sciences, et quoi de plus normal pour un amoureux

que de crier son amour au monde entier ? En outre, les recherches

sont de plus en plus pointues et spécialisées, et il est frustrant

que seuls quelques collègues et quelques équipes dans le monde

connaissent certains travaux. Le plaisir de partager est donc non

seulement le but, mais aussi le moteur des vulgarisateurs. De toute

façon, « si on le fait sans plaisir, on ne vulgarise pas bien », souligne

le biologiste Pierre-Henri Gouyon.

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POURQUOI VULGARISER ?

Pour le physicien Étienne Klein, vulgariser est aussi… une simple

question de politesse. « Les métiers sont de plus en plus spécialisés. Si

l’on veut participer à un monde commun, chacun doit pouvoir expliquer

ce qu’il fait en tenant compte des connaissances de l’autre. Si on ne fait

pas l’effort d’aller vers les capacités de compréhension de l’autre, cela va

mal, comme aujourd’hui. Les bons vulgarisateurs sont passionnés par

leur matière, mais aussi très généreux (ce qui ne les empêche pas d’être

narcissiques). Il faut avoir envie de donner au public. »

Lorsqu’on commence à vulgariser, on met souvent le doigt dans

un engrenage positif : on est plus souvent sollicité, on progresse,

le stress des premières fois s’estompe, la rencontre se fait plus

facilement.

DIX MAUVAISES RAISONS DE NE PAS VULGARISER

Je n’ai pas le tempsLe manque de temps est probablement la raison majeure de ne

pas vulgariser, pour tous les chercheurs pourtant convaincus de

l’importance de partager leurs connaissances avec le plus grand

nombre. Et certes, entre leur recherche, les tâches administratives

de plus en plus nombreuses, et parfois leur enseignement, les cher-

cheurs ne se tournent pas les pouces ! Néanmoins, certaines formes

de vulgarisation ne prennent pas beaucoup de temps : répondre à

un journaliste en quête d’informations sur tel sujet, participer à un

ou deux bars des sciences dans l’année, faire une ou deux interven-

tions dans des classes… On ne vous demande pas d’être le nouvel

Hubert Reeves !

Souvent, l’argument du manque de temps cache une question de

priorité : « je veux bien vulgariser, mais seulement après avoir fait telle

expérience, mené tel enseignement, rédigé tel dossier de demande de

crédit, organisé tel congrès… » bref, à la Saint-Glinglin ! Et comment

donner tort aux chercheurs qui raisonnent ainsi, puisque le point de

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VULGARISATION SCIENTIFIQUE, MODE D’EMPLOI158

ANNEXE

par an ; et enfi n, les semi-professionnels, 3 % des chercheurs, qui

vulgarisent plus de quatre fois par an, et totalisent à eux seuls 30 %

des actions de vulgarisation du CNRS ! Il existe de grandes différences

entre les disciplines : si les chimistes ou les biologistes vulgarisent peu

(respectivement 0,34 et 0,33 actions de vulgarisation par chercheur

dans les départements chimie et sciences du vivant), les chercheurs

en sciences de l’Univers (0,82 actions par an) et surtout en sciences

humaines (1,44 actions par an) sont plus prolifi ques. Cela refl èterait-il

l’intérêt des médias et du public pour ces disciplines ?

Contrairement à une idée reçue, la vulgarisation ne nuit pas à

la carrière des chercheurs, au contraire. Pablo Jensen a montré une

« corrélation positive » entre le fait de vulgariser et les promotions

aux grades de chargé de recherche de première classe et de directeur

de recherche de deuxième, puis première classe. Ceux qui obtiennent

la promotion avaient mené en moyenne 0,77 action de vulgarisation,

contre 0,63 pour les non promus. Autrement dit, en moyenne, les

chercheurs promus ont davantage vulgarisé que les autres. Même

les vulgarisateurs très actifs sont davantage promus, donc la « perte

de temps » que représente la vulgarisation ne les a pas pénalisés.

N’en déduisons pas hâtivement que vulgariser favorise la carrière

des chercheurs, car il est diffi cile d’analyser si ces promotions sont

la conséquence, ou la cause de ces actions. Il est plus probable que

les personnes les plus actives sont à la fois performantes dans leurs

recherches et dans la vulgarisation. De plus, les chercheurs reconnus

dans leur domaine sont également plus sollicités, notamment par

les médias. Néanmoins, cette étude de Pablo Jensen démonte une

fois pour toutes l’idée encore trop répandue que le vulgarisateur est

un mauvais chercheur, qui compense la médiocrité de ses résultats

scientifi ques en allant vers le grand public.

Plus on vieillit, plus on a de chances de vulgariser. Les chercheurs

ont alors davantage de maturité et de recul, et une plus grande capa-

cité à parler au nom de leur institution scientifi que. De même, plus on

monte en grade, plus on vulgarise. « Les médias font surtout appel aux

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ANNEXE

chercheurs les plus reconnus, observe Pablo Jensen. C’est une question

d’offre et de demande : pour les activités telles que la presse, la radio, la

télévision ou les conférences grand public, c’est la demande qui pousse.

Au contraire, pour les portes ouvertes, les activités avec les associations

et les écoles, c’est l’offre qui pousse. Résultat, on voit une distinction au

niveau du grade entre ces deux types d’activités. »

Si les motivations des vulgarisateurs ne faisaient pas partie de

l’étude sur le CNRS, elles sont connues par d’autres enquêtes. « Les

non-vulgarisateurs avancent un manque de temps (ce qui veut dire que

cette activité n’est pas prioritaire), ou le fait que c’est mal vu par les

collègues, que cela peut nuire à leur carrière, indique Pablo Jensen. Les

vulgarisateurs citent comme motivation le devoir envers le public qui les

fi nance, la volonté de l’informer pour lutter contre l’ignorance scienti-

fi que et l’irrationnel. Le souhait de débattre avec le public est moins men-

tionné, les chercheurs préfèrent informer qu’échanger. Mais lorsqu’on

discute avec les chercheurs, on voit que la principale motivation est le

plaisir de vulgariser. Le contact avec le public est très satisfaisant pour

l’ego ! Le devoir n’est souvent qu’un prétexte, la vraie raison est le plaisir,

d’autant que l’institution ne pousse pas à vulgariser. »