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Nancy Huston a passé son enfance au Canada, son adolescence aux États-Unis, et sa vie adulte en France. Écrivaine d'expression double (anglaise et française), elle pratique de nombreux genres : romans, essais, livres pour enfants, scénarii et pièces de théâtre, publiés pour l'essentiel par les Editions Actes Sud en France et Leméac au Canada français. Parmi les romans on peut mentionner Cantique des plaines (Prix du Gouverneur- Général du Canada, Prix Suisse-Canada), La Virevolte (Prix L pour Limoges), Instruments des ténèbres (Prix Goncourt des Lycéens), Dolce Agonia, L'Empreinte de l'ange (Prix des Lectrices de Elle), Infrarouge ou encore Danse noire. Son roman Lignes de faille (Prix Fémina & Prix France-Télévisions 2006) a été traduit dans une quarantaine de langues à travers le monde. Ses essais incluent : Nord perdu, 1999, Professeurs de désespoir, 2004, L'espèce fabulatrice, 2008, et Reflets dans un œil d'homme 2012. Dernières parutions : Arbre de l'oubli, roman, Actes Sud/Leméac, 2021. Je suis parce que nous sommes : Chroniques anachroniques. Ed. du Chemin de fer, 2021. Leçons d’indifférence, Ed. Parole, 2020 Rien d’autre que cette félicité, Ed. Parole, 2020.

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Page 1: Nancy Huston - lettresdumonde33.files.wordpress.com

Nancy Huston

a passé son enfance au Canada, son adolescence aux États-Unis, et sa vie adulte en France. Écrivaine d'expression double (anglaise et française), elle pratique de nombreux genres : romans, essais, livres pour enfants, scénarii et pièces de théâtre, publiés pour l'essentiel par les Editions Actes Sud en France et Leméac au Canada français.

Parmi les romans on peut mentionner Cantique des plaines (Prix du Gouverneur-Général du Canada, Prix Suisse-Canada), La Virevolte (Prix L pour Limoges), Instruments des ténèbres (Prix Goncourt des Lycéens), Dolce Agonia, L'Empreinte de l'ange (Prix des Lectrices de Elle), Infrarouge ou encore Danse noire. Son roman Lignes de faille (Prix Fémina & Prix France-Télévisions 2006) a été traduit dans une quarantaine de langues à travers le monde. Ses essais incluent : Nord perdu, 1999, Professeurs de désespoir, 2004, L'espèce fabulatrice, 2008, et Reflets dans un œil d'homme 2012.

Dernières parutions :

Arbre de l'oubli, roman, Actes Sud/Leméac, 2021.

Je suis parce que nous sommes : Chroniques anachroniques. Ed. du Chemin de fer, 2021.

Leçons d’indifférence, Ed. Parole, 2020

Rien d’autre que cette félicité, Ed. Parole, 2020.

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ARTS LIBREDate : du 24 au 30mars 2021

Pays : FRPériodicité : Hebdomadaire

Page de l'article : p.24Journaliste : Monique Verdussen

Page 1/1

ACTES 7806970600508Tous droits réservés à l'éditeur

Peut-on s’extraire de son passé?Nancy Huston ouvre des débats complexes

et actuels autour d’une histoire simple.

    Arbre de l’oubli Roman De Nancy Hus-

ton, Actes Sud, 312 pp. Prix 21 €, version numérique 16 €

Un puzzle aux pièces éparses. Nancy Huston construit son dernier roman comme un jeu d’éléments à

ajuster selon une cohérence qui ne se livre que peu

à peu. Il ne s’agit pourtant pasd’un jeu mais d’une histoire d’où

surgissent des questions sensi

bles. Arbre de vie nous confronteaux tourments d’une métisse

américaine qui, en quête de ses

origines, va se retrouver impli

quée dans les grands débats,

aujourd’hui initiés par le racisme,

le féminisme. L’esclavage, la gesta

tion pour autrui, les intolérances

religieuses, l’amnésie face à ceux qui ont été broyéspar le système inégalitaire qu’ils ont contribué à

fonder et enrichir... L’effroi et la rage de la jeunefemme qui découvre les côtés obscurs de l’Histoire

des hommes et des États-Unis en particulier est

portée par la fougue qui, depuis longtemps, animeNancy Huston à s’impliquer dans les débats suscités

par ces sujets de réflexion. Voire de contradiction et

de polémique.

Chercher les liens

De Ouagadougou à Nashua ou Manhattan, de 1948

à 2016, les noms de lieux et les dates se bousculentdans ce livre sans chronologie ni logique immédiate

mais qui, bouclant d’une boucle soudain nette les

chemins empruntés, se termine là où il a commencé.

D’abord perdu, le lecteur se retrouve à établir les liens entre les

personnages d’une famille améri

caine, à creuser leur généalogie et àobserver sur eux les conséquences

des tragédies que furent l’Holo

causte, la traite esclavagiste, la

guerre du Golfe, le poids des prescriptions et des interdits qui con

traignent le corps des femmes, unepauvreté qui fait injure à l’huma

nité... Mais sous ces grandes idées,l’histoire fragmentée est simple qui

tourne autour de Shayna, née de lafécondation d’une femme des Ca

raïbes par son père, Joël, un juif né dans le Bronx

d’une famille profondément éprouvée par la Shoah.

C’est un homme bon qui déteste les conflits, a unlien fusionnel avec sa fille et aime profondément sa

femme, Lili Rose. Brillante et séduisante intellectuelle d’éducation presbytérienne et au passé tu

multueux, celle-ci est d’autant frustrée par son in

fertilité que son enfance a été solitaire. Elle n’est pasla mère biologique de l’enfant qui ne lui ressemble

pas et va mal.

Dessiller les yeux

Shayna, en effet, veut savoir d’où elle vient, d’oùvient ce qu’est sa vie et s’il est possible de faire fi de

son histoire. Elle veut connaître sa vraie mère. Une

amie de rencontre, délurée et audacieuse, va, non

seulement l’entraîner vers son passé,

mais lui dessillant les yeux, lui insuffler rage et rébellion contre les injus

tices ou les cruautés humaines et

l’amener à s’épanouir dans l’amour

d’un médecin haïtien, ce dont té

moigne le journal, parfois obscur,quelle tient - en caractères majus

cules dans le texte - tout au long des

épisodes du récit. L’arbre de vie estcelui auquel les esclaves africains

confiaient leur identité avant d’être

exilés vers l’Amérique afin quelle ne

meure pas et qu’ils la retrouvent lors

de leur retour qui n’aura jamais lieu.Nancy Huston en a fait une histoire qui interroge et

dans laquelle elle s’engage en mots simples, avec détermination et une impétuosité - parfois naïve - quisont chez elle une constante et le gage de son atten

tion aux dérives, aux rêves ou aux aberrations du

monde.Monique Verdussen

Nancy Huston

Page 3: Nancy Huston - lettresdumonde33.files.wordpress.com

Date : 21 mars 2021

Pays : FRPériodicité : HebdomadaireOJD : 177854

Page de l'article : p.36Journaliste : ANNA CABANA

Page 1/1

ACTES 4207870600507Tous droits réservés à l'éditeur

Livres

FUREUR Nancy Hustonexplore avec virtuositéle chaos intime d’unemétisse états-unienne

O

n se deman

dait comment, en se choisissantune héroïne née par GPA dans le

ventre d’une Afro-Américaine deBaltimore dont les ovocytes ont étéfécondés par les spermatozoïdesd’un anthropologue juif venu duBronx marié avec une wasp infer

tile du New Hampshire, comment,donc, Nancy Huston allait échapperà la bien-pensance archétypale du

roman identitaire. Son livre giflenotre question.

L’écrivaine ne cherche pas,surtout pas, à échapper à la LPC(la Littérature PolitiquementCorrecte); au contraire elle l’embrasse pleine bouche pour mieux

sonder les cœurs, les reins et lesâmes. Et cette plongée dans les profondeurs est d’une telle virtuosité

qu’elle vainc nos résistances.La métisse américaine en quête

d’elle-même s’appelle Shayna; elleadore la mauvaise prononciation

de son prénom par son amoureux,Hervé, « qui le fait sonner commeshine, briller, [...] au lieu de shame,la honte ». Le père, Joel Rabenstein,naît à la conscience juive la nuit oùil commence d’entendre sa mèrehurler de douleur : l’arbre généalogique de ses parents tchèques a

été décimé par les nazis. Végétariendepuis le jour de sa bar-mitsva, ildevient un professeur d’ethnologieà Columbia mondialement connucomme spécialiste du sacrifice ani

mal. D’une patience et d’une indulgence à rendre folle la femme qui

partage sa vie, il épouse en secondesnoces Lili Rose Darrington, la mèreadoptive de Shayna. « Incertaine etfantasque », Lili Rose n’en finit pasd’écrire une thèse de sept centspages sur les femmes artistes quise tuent ; on ne comprend vraimentqu’à la toute fin du roman pourquoielle s’emploie à approfondir la question du lien entre abus sexuels et

aspirations artistiques.Entre les lames des drames qui

définissent ces personnages et

leurs ascendants, la lumière perce.Les lumières. On tourne les pagescomme on manierait un kaléidos

cope. Nancy Huston nous entraînebien au-delà du noir et blanc qui

hante le livre. Elle entrecroiseles lieux et les âges, entrechoqueles générations. On fait page 17 laconnaissance des boucles brunes de

Joel, 5 ans, en 1945 dans le Bronx et,dix pages - et quarante-neuf ans -

après, Joel se promène avec Shayna,2 ans et demi, celle-là même qui faitamoureusement l’amour avec Hervé

à Ouagadougou à la première page.La narration court d’un fragment à

l’autre. Avec, en guise d’interludequasi incantatoire, les passagesécrits en lettres capitales du journaldans lequel Shayna déclame sa rageà la première personne du singu

lier. Ce qui donne de somptueusessentences comme celle-ci: «Sijepouvais condenser tous les tnots del’univers en une bille minuscule et

dense comme un atome, je la fissurerais et la lancerais contre le crâne

À la poursuite duroman identitairede Dim. » Sachant que, dans le restedu texte, la narratrice est littéralement à tu et à toi avec Shayna : elle

l’apostrophe.Le point de départ, c’est quand,

en lettres capitales, Shayna émetl’hypothèse d’avoir unjour un enfantavec Hervé et assure : « Mais avant

[...] je dois trouver le moyen de mettreun pm d’ordre dans lefoutoir de mon

identité. » Et c’est ce « foutoir » queNancy Huston explore. Elle le fait enparcourant non seulement le monde

intérieur de sa jeune héroïne, maiségalement la planète et les époques.De la Shoah au 11-Septembre en passant par les traites négrières et la

guerre d’Irak, les tragédies historiques creusent les fêlures intimes.

Shayna est entêtée par ce « mil

lion d’Africaines-Américaines »qui ont porté des enfants de leur

maître violeur, et qui ont passé

leur grossesse à rejeter l’enfant

qui grandissait en elles. Elle fait leparallèle entre ces histoires et cellequi l’unit à cette mère biologique

qu’elle aimerait tant rencontrer,

Une conteusequi aimela politique etla poésie

Selma. « Elle a passé sa grossesseà me désaimer, à me déchérir, à medésenserrer. Au moins s’est-elle fait

payer. J’ai envie de porter l’enfantd’Hervé mais comment faire pourporter un bébé dans un corps conçudans le corps d’une femme qui nevoulait pas le connaître ? »

Shayna n’est pas juive, et paschrétienne non plus. « Je suis unesyllabe isolée sans rime possible. »Qui tempête. Et d’abord contre LiliRose qu’elle n’arrive pas à appeler

« maman ». Entre elles, la ruptureest consommée quand Lili Roseprofite d’un jour où Shayna està l’école pour faire châtrer son

chien chéri. La petite a 12 ans. Ellese donne alors le droit de détesterune femme qui se déteste depuis

l’enfance, et qu’on finit par avoirenvie de consoler parce que, n’endéplaise à sa fille adoptive, elle aussiest bouleversante.

Presque autant que Shayna

quand, alors qu’elle accompagne son

Nancy Huston

chez elle à Paris,mercredi.PATRICE NORMAND/

LEEXTRA POUR LE JDD

père dans un voyage à La Havaneet parce qu’elle a un « corps mar

ron voluptueux », on la prend poursa puta et on leur crache dessus.C’est la découverte d’« une véritéplus générale que ton père a tout

fait pour te dissimuler, à savoir que,depuis la nuit des temps, des gensqui lui ressemblent baisent daitstous les sens du terme des gens qui

te ressemblent ». La romancière aimela politique, mais aussi la poésie :quand Shayna participe au carnavalcaribéen à Boston avec sa grande

amie Felisa, cette dernière « ne sedemande pas si elle sait danser, si ellea le droit de danser, si elle danse defaçon convaincante - non, elle danse,un point c’est tout. Sautillant, ses grosseins tressautant, elle t’encourage à larejoindre mais ton corps se bloque. Etquand il se détend enfin suffisamment

pour réagir à la musique, il le fait defaçon chaotique : les yeux fermés, tulèves les bras en l’air et te jettes dans

tous les sens. Tu sais qu’il ne faut pasfaire ça - les vrais carnavaliers communient les yeux ouverts - mais pouréprouver un ersatz de communauté

tu as besoin de les fermer ».Cette quête des origines tourne à

l’obsession. « Partout dans ce pays,le recto d’harmonie, d’industrie etd’énergie positive est collé au versod’horreur et de gore : gorges marron

tranchées et vagins marron percés,utérus marron squattés et pénis

marron coupés », jette-t-elle auvisage de ses parents à l’occasion

d’un thé dominical.Les ambivalences sont dépeintes

avec subtilité. L’amour, aussi. Celuique, petite, Shayna éprouvait pourson père. « Quand il rit à une de tesblagues c’est comme si tu mordaisdans une tranche de pain grillérecouverte de miel et de beurre

fondu. » Celui que, grande, elle faitavec Hervé : « Puis les mots s’éva

nouissent et, deux heures durant,vous vous laissez absorber par la

musique de la chair, torsions et élans,sons, sueurs, souffles. » Waouh. Toutest dit et rien ne l’est. Dommagequ’il n’en soit pas ainsi avec « lesmarrons » et « les beiges » qui par

moments nous montent à la tête.Nancy Huston sera presque parvenue à nous convaincre que son artde conteuse pouvait faire oublier la

LPC. Presque... •

ANNACABANA

Page 4: Nancy Huston - lettresdumonde33.files.wordpress.com

Date : Mars 2021

Pays : FRPériodicité : MensuelOJD : 52113

Page de l'article : p.77Journaliste : Léonard Desbrières

Page 1/1

ACTES 2641460600508Tous droits réservés à l'éditeur

ADINE SAGALYN/AKG IMAGES/ACTES SUD

Nancy Huston

Le temps d'une histoire

Dans un nouveau roman choral à la construction

ingénieuse, la romancière canadienne donneà lire une émouvante fresque familiale qui explore

nos douloureuses quêtes identitaires.

D epuis Les Variations Goldberg,son premier roman paru il y a

tout juste quarante ans, l’écrivaine d’origine canadienne et

française d’adoption, Nancy

Huston, bâtit pierre après pierre un merveilleux édifice littéraire dressant au fil

des livres le tableau sensible et poignant

de la construction chaotique des êtres.

Son œuvre, tout entière traversée par les

questions de transmission et de filiation,s’attache à explorer les liens insondables

qui unissent les hommes et fondent les

familles. Aujourd’hui, l’écrivaine renoueavec la veine romanesque qui l’a consa

crée. Dans un habile jeu de miroir, son

nouveau livre rappelle Lignes défaille,récit polyphonique inoubliable qui lui

valut en 2006 le prix Femina.

Pour construire ses histoires foison

nantes, Nancy Huston jongle entre les

époques et les existences chahutées.

FACE À UN MONDE QUI CHANGE

Dans Arbre de l’oubli, elle brosse leportrait d’une famille américaine sur trois

générations, un récit qui suit, de l’enfance

jusqu’à l’âge adulte, un père de famille,

sa femme et sa fille. Trois temporalités,

trois vies face à un monde qui change,

mais les mêmes angoisses existentielles.

Comme à son habitude, Nancy Hustonfait preuve d’une justesse épatante dans

l’exploration des affres de la condition

humaine et dissimule derrière un drame

familial poignant une réflexion bien plus

vaste sur ce qui fonde notre identité.À travers les destinées tourmentées de

Joel, LiLi Rose et Shayna, elle passe au

crible les sujets les plus brûlants de nos

sociétés contemporaines. Traumatisme

de l’enfance et résilience, métissage et

question raciale, mémoire de la Shoah

et de l’esclavage, féminité et féminisme,

éveil au désir et à la sexualité, procréation

pour autrui, avortement : avec cette œuvre

tentaculaire, l’écrivaine fait le portrait

d’une humanité touchante, dont la beauté

réside dans le doute permanent qui l’anime

et dans son infatigable quête de sens.

Léonard Desbrières

•k-k-kirkARBRE DE L'OUBLI

NANCY HUSTON

230 P„ ACTES SUD, 19 €.

EN LIBRAIRIES LE 3 MARS.

Page 5: Nancy Huston - lettresdumonde33.files.wordpress.com

Date : 09 avril 2021

Pays : FRPériodicité : QuotidienOJD : 749258

Journaliste : Claude MAINE.

Page 1/1

ACTES 1497880600502Tous droits réservés à l'éditeur

Le joli portrait de femme de Nancy Huston

Livres. L’autrice raconte Shayna, une New Yorkaise née d’une GPA

qui porte les douleurs de sa famille.

« Je dois trouver le moyen de mettre

un peu d’ordre dans le foutoir de

mon identité », déclare Shayna,

26 ans, New-Yorkaise nantie. Elle

n'est ni « beige » comme ses parents,

professeurs d’université, ni « mar

ron » puisqu’elle n’a rien hérité de

l'Africaine-Américaine qui l'a portée

lors d'une GPA (gestation pourautrui)

à 30 000 $.

Pourtant, Shayna porte les traumasde l'Histoire : la déportation de la

famille juive de son père dans le

camp de la mort de Terezin (aujour

d'hui en Tchéquie), l’exil sans retourdes ancêtres africains de sa mère bio

logique condamnés à l’esclavage et

le silence autour de sa propre nais

sance.

Pour ce portrait de femme, Nancy

Huston (Ligne de faille, 2006) développe une écriture magnifique et

riche. Elle parle à Shayna en

employant le « tu » comme si elle lui

prêtait un miroir, procédé nous per

mettant à nous, lecteurs, de ressentiravec une acuité plus grande ce que

ressent la jeune femme.Dans ce roman solidement cons

truit, des phrases bien senties con

nectent cette œuvre littéraire à la réali-

Nancy Huston. I PHOTO: FANNYDiON ARCHIVES

té brutale à laquelle ont été confron

tés les esclaves noirs, comme infligé

aux minorités aujourd’hui aux États-

Unis. C'est une réussite.

Claude MAINE.

L'arbre de l'oubli, Actes Sud,

320 pages, 21 €.

Page 6: Nancy Huston - lettresdumonde33.files.wordpress.com

Date : 21 mars 2021

Pays : FRPériodicité : QuotidienOJD : 280453

Page 1/1

ACTES 4341870600508Tous droits réservés à l'éditeur

La sélection littéraire de la semaine

LECTURES Voici les coups de cœur de plusieurs libraires du Lot-et-Garonne

« L’Arbre de l’oubli », de Nancy

Huston. Éditions Actes Sud.

IlyaShayna,une jeune femme aux

origines africaines-américaines. Et

ily a Joël, son père, issu d’une famillejuive dont une grande partie a péri

entre Terezin et Auschwitz. Puis Lily-

Rose, sa mère adoptive, née dans un

milieu aisé, mais rongée par une en

fance trop lisse en surface.

Ce roman, c’est la recherche des

origines, de la mère biologique,

mais aussi celles

de miliers d’hom

mes et de femmes

réduits en escla

vage. C’est la colèresourde qui monte

en elle face à l’ou

bli de tant d’hor

reur, la colère quise fait hurlante

pour se faire en

tendre. Shayna est

déchirée par un sentiment de non-

appartenance, c’est une enfant

« marron » élevée dans un foyer

« beige », elle porte le poids de son

histoire, celui des attentes aussi, de

sa famille, du monde qui l’entoure.Nancy Huston fait remonter le fil

de l’histoire et des histoires de cette

famille avec pour trame de fond, les

événements historiques qui ont im-

pacté leurs vies et la société. Ellenous livre un portrait féroce de no

tre société qui se fait un devoir de

puis des siècles de faire le tour de

l’arbre de l’oubli.

L’équipe de la librairie Livresse, à Villeneuve-

sur-Lot.

Page 7: Nancy Huston - lettresdumonde33.files.wordpress.com

Date : Du 12 au 18 avril2021

Pays : FRPériodicité : HebdomadaireOJD : 2798292

Page de l'article : p.16Journaliste : A. M.

Page 1/1

ACTES 1371780600506Tous droits réservés à l'éditeur

MON PRÉFÉRÉ

Culture

ARBRE DE L'OUBLI de Nancy Huston (Actes Sud)

Lee ri vaine franco-canadienne (prix Femina 2006 pour Lignesdéfaille) explore les fractures idéologiques dans cette émouvante

fresque familiale. Les vies et les psychologies de ses principaux

personnages sont racontées, de l’enfance jusqua l’âge adulte, et

cristallisent les tragédies survenues sur trois générations. Le père

de famille, Joel, est un professeur d’anthropologie, juif new-yorkais,

dont la femme, Lili Rose, protestante du New Hampshire, est une

brillante professeure de littérature. Elle n’a pas pu avoir d’enfant,

aussi Shayna, leur fille tant aimée, est-elle née d’une procréation

pour autrui, et sa mère biologique est afro-américaine. Dès l’école,la jeune métisse souffre de sa singularité et part en quête de son

identité pour renouer avec ses racines. Cet Arbre de l’oubli aux

multiples ramifications est celui de la ville d’Ouidah, au Bénin,auquel les Africains se confiaient avant d’être emmenés comme

esclaves à bord des navires. Shayna est l’incarnation de l’histoire

d’un monde qui évolue et, comme tous avant elle, il lui faudra

apprendre pour comprendre avant de se défaire de ses blessures.

En renouant avec la veine romanesque qui l’a consacrée, Nancy

Huston signe un livre choral d’une grande virtuosité. A. M.

Page 8: Nancy Huston - lettresdumonde33.files.wordpress.com

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« Il ne s’agit plus de dire, mon maître. Il ne s’agit plus que de hurler. » Nancy Hus-ton ouvre ce roman de bruits et de fureur par ces mots de Romain Gary. La colère irrigue « Arbre de l’oubli » jusqu’à la folie, mais est-ce l’époque qui est folle ou est-ce Shayna ? Tant de voix dis-cordantes tonnent dans le cerveau de cette jeune femme dont le prénom sonne comme « shame » la honte, jusqu’à sa rencontre avec un médecin haï-tien qui, en le prononçant mal, le fait rimer avec « shine », la lumière. Mais avant de construire un avenir avec Hervé, Shayna doit mettre de l’ordre dans « le foutoir de son identité ». Avec sa virtuo-sité narrative, Nancy Huston tisse en parallèle les trois destins qui composent sa famille, son père juif du Bronx, sa mère WASP du New Hampshire et elle, leur fille, métisse. Leurs lignes de faille.Joel Rabenstein était petit garçon lorsqu’il enten-dit sa mère gémir, une nuit de 1945, après un coup de téléphone de Prague, annonçant que les siens ne reviendraient pas des camps de concen-tration. Lili Rose grandit dans l’ombre de l’église auprès de parents aveugles à sa détresse. Son corps est devenu pierre le jour où son professeur de chant a glissé sa main sous sa robe. Joel et Lili Rose ont en commun d’avoir mis leur chair au rebut pour gaver leur cerveau. Dans ce livre infi-niment riche et fort en tourments, l’amour est la seule accalmie et Nancy Huston sait les mots somptueux pour le dire. Joel et Lili Rose se consolent, une petite fille arrive, Shayna.« T’es adoptée ou quoi ? », cette question d’une camarade de classe la crucifie. Lili Rose n’a pas réussi à enfanter, Shayna a été portée par une Africaine - Américaine de Baltimore pour 30 000 dollars. C’est une petite fille « marron » qui grandit parmi les « beiges » et n’y trouve pas sa place. Est-ce que l’histoire répète sans cesse les mêmes injustices ? Dans le sang de Shayna coule la douleur de toutes les esclaves violées par leurs propriétaires, à qui on arrachait leur bébé. L’arbre de l’oubli du titre est celui de la ville d’Oui-dah auquel les Africains confiaient leurs souvenirs avant d’être embarqués comme esclaves. Nancy Huston fouille le racisme et ses plaies, la manière qu’on a de naître et de s’affranchir, notamment par le féminisme. Et si le seul mode d’emploi était de vivre avec ses branches mortes, les nom-mer pour les ressusciter. Faire taire les voix pour hurler avec la sienne. « ARBRE DE L’OUBLI », de Nancy Huston (Actes Sud, 306 p.).

À TRAVERS L’HISTOIRE FRACASSÉE D’UNE MÉTISSE AMÉRICAINE, NANCY HUSTON

INTERROGE LES TRAUMAS DONT ON HÉRITE ET LES VIOLENCES QUE LE MONDE

D’AUJOURD’HUI INFLIGE. SPLENDIDE.PAR OLIVIA DE LAMBERTERIE

Nancy Huston

LIVRESELLE

RACINES

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22/03/2021 11:49Nancy Huston : les vies désunies - Le Point

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Nancy Huston : les vies désuniesÀ travers une famille américaine, l’autrice de « Lignes de faille » (lauréate du prix Femina en 2006)

explore les grandes fractures idéologiques.Par Marie-Laure Delorme

Je m'abo… Tous les contenus du Point en illimité

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22/03/2021 11:49Nancy Huston : les vies désunies - Le Point

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UPublié le 24/02/2021 à 10h00

n maelstrom. Des lieux, des femmes, des hommes, des idées. Elle est au centre de l'histoire : Shayna Rabenstein. Joelest le fils de Jenka et Pavel Rabenstein. Des juifs de Tchécoslovaquie, installés dans le Bronx. Lili Rose est la fille d'Ei-

leen et David Darrington. Des bourgeois protestants, installés dans le New Hampshire. Lili Rose Darrington et Joel Raben-stein se rencontrent en 1985. Ils s'aiment, se marient. Leur fille, Shayna Rabenstein, voit le jour en 1992. Elle est née d'uneprocréation pour autrui. La mère biologique est afro-américaine. La jeune métisse est ainsi au carrefour des mystères et desinterrogations sur la quête des origines. Dans Arbre de l'oubli, on suit donc les différents membres d'une famille américaineaux multiples ramifications. La romancière Nancy Huston dépeint les remugles de la vie intérieure ; les difficultés éprouvées

Nancy Huston en 2018© ULF ANDERSEN / Ulf Andersen / Aurimages

i

Page 11: Nancy Huston - lettresdumonde33.files.wordpress.com

22/03/2021 11:49Nancy Huston : les vies désunies - Le Point

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aux multiples ramifications. La romancière Nancy Huston dépeint les remugles de la vie intérieure ; les difficultés éprouvéesà s'extraire de sa propre histoire ; les ouvertures offertes par l'amitié ; les jeux de cache-cache avec le passé. Chaque person-nage découvre qu'il est porteur de plus grand que lui.Une quête d'identitéAu cœur de l'histoire, la quête d'identité de Shayna Rabenstein. Le père, Joel Rabenstein, est professeur d'ethnologie. Lamère, Lili Rose Darrington, est professeure de littérature. Leur fille unique veut connaître l'identité de sa mère biologique etrenouer avec ses racines africaines. Ainsi, la fille d'un juif du Bronx et d'une WASP du New Hampshire, née d'une procréationpour autrui, part à la recherche de sa mère biologique. Shayna Rabenstein se rend à Baltimore, où l'inconnue réside. Et là, levide. Nancy Huston embrasse les tragédies de l'Histoire (l'Holocauste, les traites négrières, le 11 Septembre ou la guerred'Irak) et les grandes fractures (le racisme, les violences sexuelles, la procréation pour autrui ou la religion). Elle montre lamanière traumatique ou superficielle dont les uns et les autres traversent les secousses du monde. Mais ses personnages sontaussi façonnés à travers leurs secrets intimes et leurs liens minuscules : un traumatisme d'enfance, un chien aux yeux bleus,une amitié solide. Ils pensent également à partir de là.

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22/03/2021 11:49Nancy Huston : les vies désunies - Le Point

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Parmi les pages les plus violentes, un séjour entre père et fille à Cuba pour les vacances de Pâques. Joel et Shayna Rabensteinsont insultés par les passants. Leur différence de peau fait qu'on les prend pour ce qu'ils ne sont pas. Dans les rues de La Ha-vane, sous le regard des passants, ils ne sont plus un père et une fille, mais un homme blanc et une jeune métisse. « Et cettevérité-là fait partie d'une vérité plus générale que ton père a tout fait pour te dissimuler, à savoir que, dans tous les sens dumot baiser, des gens qui lui ressemblent baisent des gens qui te ressemblent depuis la nuit des temps. » Les différentsmembres de la famille tentent de comprendre leur propre généalogie par les études, la culture, les lectures. Ils sont des intel-lectuels. Mais la rencontre est toujours ce qui dévie tout. Shayna Rabenstein fait la connaissance, au printemps 2015, d'unmédecin haïtien dont elle tombe amoureuse.Chaque personnage d'Arbre de l'oubli est l'incarnation d'un bout de l'histoire du monde. Nancy Huston donne la libre parole àtous, au risque de choquer, de polémiquer, pour dessiner des hommes et femmes tourmentés. Ils doivent apprendre à faireavec ce qu'ils sont pour se comprendre eux-mêmes puis ils doivent apprendre à se défaire de ce qu'ils sont pour comprendreles autres. L'autrice de L'Empreinte de l'ange (Actes Sud, 1998) excelle à montrer ce qui se transmet et se transforme de géné-ration en génération. La mère qui accumule les amants, la fille toujours vierge à vingt-deux ans. Qu'est-ce qui unit les viesdésunies ? Nancy Huston explore ici les séismes idéologiques. Elle écoute les vies intérieures et restitue les bruits du monde.

Arbre de l'oubli, de Nancy Huston, Actes Sud, 310 pages,21 euros (en librairie le 3 mars)

CULTURE LIVRES

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