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Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 1 N 05 48.715 à 48.717 ARRETS du 3 août 1994 (Président de la xie Chambre) 48.715 - BAYIR = 45.784. 48.716 - SAEED = 46.057. 48.717 -TARIQUZ = 46.255. 48.718 ARRET du 4 août 1994 (Président de la ive Chambre des vacations) SHAUKAT = 46.273. 48.719 ARRET du 8 août 1994 (XIe Chambre) 48.715 MM. Geus, président-rapporteur, Leroy et Messinne, conseillers, et Kovalovszky, auditeur (avis contraire) 1 A.S.B.L. POUVOIR ORGANISATEUR DE L'ECOLE DES MARRONNIERS et consorts (Mes Cambier) c/ Commune de Braine-le-Château et Région wallonne (Mes Cornet et Lambert) - Partie intervenante: S.A Europa Cuisson (Me Levert) I. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Risque de causer un préjudice grave difficilement réparable (1 et 2) II. BATISSE ET WTISSEMENT EN GENERAL - Recours au Conseil d'Etat contre les permis - Dommage invoqué à l'appui de la demande du suspension du permis de bâtir - Aux tiers - Préjudice ne découlant pas du permis (2) 1. La circonstance que des illégalités seraient invoquées de manière particulièrement sérieuse à l'encontre d'un acte administratif ne saurait dispenser le Conseil d'Etat de vérifier si l'exécution immédiate de cet acte risquerait de causer un préjudice grave difficilement réparable et, spécialement, d'examiner si ce préjudice, à le supposer avéré, trouve son origine directe dans l'acte administratif contesté. 2. Ne peut être retenu, à l'appui de la demande de suspension d'un permis de bâtir, le préjudice qui ne pourrait être causé que par l'exécution du permis d'exploiter. Si le permis d'exploiter, bien qu'exécutoire en raison de l'absence de caractère suspen- sif du recours prévu par l'article 13 du règlement général pour la protection du ne pourrait être mis en oeuvre que par l'achèvement de la construction, la réalité du préjudice allégué et son éventuelle gravité ne peuvent être appréciées sans connaître la teneur exacte de la décision à prendre sur le recours formé contre le permis d'exploiter délivré en première instance. Si, dans l'hypothèse où ce recours serait rejeté en l'absence de suspension de l'exécution du permis de bâtir, l'exploitation pourrait être commencée, les opposants pour- raient demander la suspension de l'exécution du permis d'exploiter, de sorte que les nuisan- ces, à les supposer établies, n'auraient qu'un caractère temporaire et ne sauraient constituer le préjudice grave difficilement réparable exigé par la loi. 1 Après avoir établi le caractère sérieux d'un moyen, l'avis admettait que l'acte attaqué causait aux requérants un préjudice grave difficilement réparable, notamment en raison du caractère exécutoire du permis d'exploiter délivré en première instance et de l'irréversibilité de fait des permis de bâtir exécutés au moment où le Conseil d'Etat en prononce l'annulation. · RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'ETOE - 1994

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Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 1

N05 48. 715 à 48. 717

ARRETS du 3 août 1994 (Président de la xie Chambre)

48.715 - BAYIR = n° 45.784.

48.716 - SAEED = n° 46.057.

48.717 -TARIQUZ = n° 46.255.

N° 48.718

ARRET du 4 août 1994 (Président de la ive Chambre des vacations)

SHAUKAT = n° 46.273.

N° 48.719

ARRET du 8 août 1994 (XIe Chambre)

N° 48.715

MM. Geus, président-rapporteur, Leroy et Messinne, conseillers, et Kovalovszky, auditeur (avis contraire)1•

A.S.B.L. POUVOIR ORGANISATEUR DE L'ECOLE DES MARRONNIERS et consorts (Mes Cambier) c/ Commune de Braine-le-Château et Région wallonne (Mes Cornet et Lambert) - Partie intervenante: S.A Europa Cuisson (Me Levert)

I. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Risque de causer un préjudice grave difficilement réparable (1 et 2)

II. BATISSE ET WTISSEMENT EN GENERAL - Recours au Conseil d'Etat contre les permis -Dommage invoqué à l'appui de la demande du suspension du permis de bâtir - Aux tiers - Préjudice ne découlant pas du permis (2)

1. La circonstance que des illégalités seraient invoquées de manière particulièrement sérieuse à l'encontre d'un acte administratif ne saurait dispenser le Conseil d'Etat de vérifier si l'exécution immédiate de cet acte risquerait de causer un préjudice grave difficilement réparable et, spécialement, d'examiner si ce préjudice, à le supposer avéré, trouve son origine directe dans l'acte administratif contesté.

2. Ne peut être retenu, à l'appui de la demande de suspension d'un permis de bâtir, le préjudice qui ne pourrait être causé que par l'exécution du permis d'exploiter.

Si le permis d'exploiter, bien qu'exécutoire en raison de l'absence de caractère suspen­sif du recours prévu par l'article 13 du règlement général pour la protection du travai~ ne pourrait être mis en œuvre que par l'achèvement de la construction, la réalité du préjudice allégué et son éventuelle gravité ne peuvent être appréciées sans connaître la teneur exacte de la décision à prendre sur le recours formé contre le permis d'exploiter délivré en première instance.

Si, dans l'hypothèse où ce recours serait rejeté en l'absence de suspension de l'exécution du permis de bâtir, l'exploitation pourrait être commencée, les opposants pour­raient demander la suspension de l'exécution du permis d'exploiter, de sorte que les nuisan­ces, à les supposer établies, n'auraient qu'un caractère temporaire et ne sauraient constituer le préjudice grave difficilement réparable exigé par la loi.

1 Après avoir établi le caractère sérieux d'un moyen, l'avis admettait que l'acte attaqué causait aux requérants un préjudice grave difficilement réparable, notamment en raison du caractère exécutoire du permis d'exploiter délivré en première instance et de l'irréversibilité de fait des permis de bâtir exécutés au moment où le Conseil d'Etat en prononce l'annulation. ·

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'ETΠ- 1994

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N° 48.719

Arrêls Nos 48.715 à 48.798

Page 2

Vu la demande introduite le 10juin1994 par l'association sans but lucratif Pouvoir Organisateur de !'Ecole des Marronniers, Jean-Claude Chantraine, la société anonyme Citroën Belux, Marie-Rose Demunter, la société privée à responsabilité limitée Ebel et la société anonyme Christiaens - Autos - Industries, tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Braine-le-Château délivrant un permis de bâtir à la société anonyme Europa Cuisson pour l'aménagement du bâtiment industriel sis Parc Industriel n° 24 en vue de l'installation d'un atelier de cuisson de volaille;

Vu la requête introduite le même jour par les mêmes requérants qui demandent l'annulation du même acte;

Vu la requête introduite le 28 juin 1994 par laquelle la société anonyme Europa Cuisson demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

Vu le titre VI, chapitre Il, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;

Considérant que la S.A Europa Cuisson, dont les activités consistent <<en la cuisson et la transformation de viandes de poulets, dindes et poules prédécoupés mais non désossés», à son siège d'exploitation à Sint-Pieters­Leeuw, dans un bâtiment dont elle est locataire; que le 22 juin 1992 elle a acquis un terrain déjà bâti, sis voie Principale, 24, dans le parc industriel de Wauthier-Braine, dans la commune de Braine-le-Château; que cette parcelle est située en zone industrielle au plan de secteur de Nivelles; que l'acte d'achat porte notamment ce qui suit:

«16) Toutes les activités qui provoquent une nuisance importante et permanente, qu'il s'agisse de fumée, poussière, odeurs, vibrations, bruit ou par exemple l'incinération de déchets ou jugées comme telles par les autorités compétentes, sont interdites.

»L'acheteur s'engage à s'enquérir des prescriptions, conditions et règlements stipulés dans la réglementation sur les établissements dangereux, incommodes ou insalubres et à se conformer strictement aux conditions formulées dans l'autorisation délivrée»;

Considérant que la S.A Europa Cuisson a introduit, le 22 janvier 1993, une demande de permis de bâtir ayant pour objet la transformation et l'eXtension du bâtiment existant sur la parcelle litigieuse; que cette demande a fait l'objet d'avis favorables du collège des bourgmestre et échevins de Braine-le-Château et du fonctionnaire délégué; que le permis de bâtir contesté par la présente demande à été délivré le 16 mars 1994;

Considérant que la même société a demandé, le 15 avril 1993, à pouvoir exploiter dans l'immeuble projeté un atelier servant à la cuisson de volailles et à la fabrication de produits à base de volaille, étant un établissement de classe 1 selon le règlement général pour la protection du travail; qu'après l'enquête publique, qui a suscité plusieurs oppositions, le collège des bourgmestre et échevins a émis, le 1er septembre 1993, un avis défavorable sur la demande, qui a été satisfaite par l'arrêté de la députation permanente du conseil provincial du Brabant du 20 janvier 1994; que cette décision fait l'objet de recours introduits par la S.A Cals Distributing Company, la S.A Christiaens - Auto - Industries, la S.P.R.L. Ebel, la S.A Masson-Draguet, la S.A Produits Phar, le Pouvoir Organisateur de !'Ecole «Les Marronniers», la S.A Citroën Belux et Marie-Rose Demunter; que ces recours sont, à ce jour, pendants;

Considérant que, par requête introduite le 28 juin 1994, la S.A Europa Cuisson demande à intervenir dans la procédure en référé; qu'il y a lieu d'accueillir cette demande;

Considérant que, selon l'article 17, § 2, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, «la suspension de l'exécution ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué sont invoqués et à condition que l'exécution immédiate de l'acte ou du règlement risque de causer un préjudice grave difficilement réparable»;

Considérant que les requérants font valoir que l'exécution immédiate du permis de bâtir contesté leur causerait un préjudice grave difficilement réparable; qu'à cet égard, ils soulignent les illégalités dont ce permis serait entaché et soutiennent que «si le titulaire du permis pouvait poursuivre la construction litigieuse, il serait, par ce fait même, autorisé à entamer l'exploitation de son entreprise de cuisson de volaille étant donné que le recours administratif interne introduit contre le permis d'exploiter n'est pas suspensif» et que «les préjudices liés à l'exploitation et à la construction de l'entreprise ( ... ) sont indissociablement liés»; qu'ils font valoir que «l'entreprise provoquera nécessairement des odeurs et rejets dans l'atmosphère ainsi que dans les eaux de surface» et considèrent que le préjudice «résultant d'une atteinte portée à l'environnement et aux nuisances résultant des rejets dans l'atmosphère et de l'odeur qui se dégagerait de l'entreprise litigieuse» serait difficilement réparable; que la première requérante observe qu'elle n'est distante de la construction litigieuse que de deux cent mètres et qu'en raison des nuisances subies par les élèves pendant les nombreuses heures qu'ils passent à l'extérieur des bâtiments, c'est la survie de son établissement scolaire qui est menacée; que le deuxième requérant allègue que son cadre de vie est menacé; que la troisième requérante soutient qu'elle «avait projeté de regrouper l'ensemble de son personnel sur le site du zoning>> mais qu'elle <<n'entend bien évidemment pas exposer l'ensemble de son personnel à de graves nuisances, notamment olfactives, ni centraliser son activité dans un zoning dévalorisé où le principe du caractère non polluant des activités autorisées serait bafoué»; que la quatrième requérante, qui exploite un restaurant avec terrasse, précise qu'elle «subira incontestablement un préjudice particulièrement grave lié notamment au désagrément pour la clientèle de la présence d'une entreprise polluante avec risque de dégagement de fumée ou odeur»; qu'enfin, les cinquième et sixième requérantes insistent sur le fait qu'elles sont situées sur des

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'E'D'U - 1994

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ArrêlS Nos 48.715 à 48.798 Page3 N° 48.719

parcelles qui jouxtent celle sur laquelle doit être érigée la construction litigieuse, et qu'ainsi elles ressentiraient tout particulièrement les nuisances engendrées par celle-ci; qu'elles estiment que leur propriété <<sera irrémédiablement dévaluée» de même que «leur standing ainsi que leur image de marque» et ajoutent qu'il «en va également du cadre de vie du personnel qui fréquente quotidiennement ces entreprises»;

Considérant que la circonstance que des illégalités seraient invoquées de manière particulièrement sérieuse à l'encontre d'un acte administratif ne saurait dispenser le Conseil d'Etat de vérifier si l'exécution immédiate de cet acte risquerait de causer un préjudice grave difficilement réparable, et, spécialement, d'examiner si ce préjudice, à le supposer avéré, trouve son origine directe dans l'acte administratif contesté; qu'en l'espèce, ce préjudice ne saurait être causé que par l'exécution du permis d'exploiter; que, sans doute, celui- ci, s'il est exécutoire en raison de l'absence de caractère suspensif du recours prévu par l'article 13 du règlement général pour la protection du travail, ne pourrait être mis en œuvre que par l'achèvement de la construction litigieuse; que, toutefois, la réalité du préjudice allégué, et son éventuelle gravité, ne peuvent être appréciées sans connaître la teneur exacte de la décision que prendra le gouvernement wallon sur le recours formé contre le permis d'exploiter délivré par l'autorité provinciale; que, dans l'hypothèse où une décision de rejet du recours interviendrait en l'absence de suspension de l'exécution du permis de bâtir attaqué, l'exploitation de l'atelier de cuisson pourrait certes être commencée; qu'en ce cas, les requérants pourraient demander au Conseil d'Etat de suspendre l'exécution du permis d'exploiter délivré par le gouvernement wallon; qu'ainsi, les nuisances que supporteraient les voisins pendant la procédure en référé, à les supposer établies, n'auraient qu'un caractère temporaire et ne sauraient constituer le préjudice grave difficilement réparable exigé par la loi;

Considérant qu'une des conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse ordonner la suspension de l'exécution de l'acte attaqué fait défaut; que la demande de suspension ne peut être accueillie;

Considérant dès lors qu'il n'y a pas lieu d'examiner les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la partie intervenante,

(La demande en intervention introduite dans la procédure en référé est accueillie - rejet de la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué).

N° 48.720 ARRET du 8 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Geus, président, rapporteur, Leroy, rapporteur, et Messinne, conseillers, et Kovalovszky, auditeur.

HEKKERT et consorts (Mes Jans et Lebrun) c/ Vtlle de Wavre (Me Pâques)-Parties inteivenantes: S.P .R.L. Immobilière Pierre Lorge «l.P .L.» (Me Bouillard) et S.A. Compagnie immobilière de lotissements «LOTINVEST» (Me Regout)

BATISSE ET LOTISSEMENT EN GENERAL - Recours au Conseil d'Etat contre les permis -Dommage invoqué à l'appui de la demande de suspension du permis de bâtir - Aux tiers - Préjudice sans gravité suffisante

1. En l'espèce, le voisin requérant doit être réputé avoir porté son choix en connais­sance de cause sur un terrain à proximité duquel étaient autorisées des constructions d'un gabarit supérieur à celle qu'il peut ériger sur son lot.

La circonstance que des informations erronées aient pu lui être données par le promo­teur est sans importance sur le plan du contentieux administratif.

2. En l'espèce, la perte de vue et d'intimité causée par la construction litigieuse constitue une gêne prévisible et inhérente à toute zone urbanisée et ne saurait être considérée comme un préjudice grave.

Vu la demande introduite le 20 mai 1994 par Martin Hekk:ert, Kim Foo, Christopher Robinson, la société privée à responsabilité limitée Cedrex et Marc Delbart, tendant à la suspension de l'exécution du <permis de bâtir délivré le 22 mars 1994 par le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Wavre à la société privée à responsabilité limitée l.P L., dont le siège est situé rue du Trémeroux 115 à 13(J() Orbais, relatif à la construction d'un immeuble à appartements dans le lotissement n° I du site dit des «Quatre Sapins», parcelle cadastrée section H, n° 90d (Pie) (lot 3)»;

Vu la requête introduite le même jour par les mêmes requérants qui demandent l'annulation du même acte;

Vu la requête en mesures provisoires introduite le 10 juin 1994 par les mêmes requérants;

RECUEIL DES ARRIITS DU CONSEIL D'EflXI' - 1994

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N° 48.720

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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Vu les requêtes introduites les 8 et 15 juin 1994, par lesquelles la S.P.R.L. Immobilière Lorge et la S.A Compagnie Immobilière de Lotissements demandent à être reçues en qualité de partie intervenante dans la procédure en référé;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

Le 27 septembre 1990, la Compagnie Immobilière de Belgique introduit auprès de la ville de Wavre dix-huit demandes de permis de lotir, visant un ensemble de parcelles situées à l'est de Wavre, habituellement identifié sous la dénomination <<Site des Quatre Sapins». Il est accusé réception de ces demandes le 2 octobre 1990.

Le site concerné par ces lotissements couvre une superficie totale d'environ 68 ha, constituant la totalité d'une zone d'extension d'habitat au plan de secreur de Wavre-Jodoigne-Perwez.

Une notice d'évaluation préalable des incidences du projet sur l'environnement a été établie.

Le 2 octobre 1990, le collège des bourgmestre et échevins décide de soumettre les demandes à l'enquête publique prévue par l'article 267 du C.W.A.T.U.P.

Le 11 décembre 1990, le collège invite le conseil communal à se prononcer sur le tracé des voiries relatif aux demandes de permis de lotir. Le 18 décembre 1990, le conseil communal décide, pour chaque lotissement, de la création de la voirie nécessaire.

Le 1er février 1991, le fonctionnaire délégué émet dix-huit avis favorables.

Le 26 février 1991, le collège décide de «la mise en œuvre de la zone d'extension d'habitat telle que proposée par les propriétaires des terrains». Le même jour, le collège délivre les dix-huit permis sollicités.

Ayant acquis le lot 3 du lotissement 1, la société privée à responsabilité limitée I.P.L. introduit une demande de permis de bâtir le 15 février 1993.

L'accusé de réception est daté du 22 mars 1994.

La demande porte sur la construction d'un immeuble à appartements et de bureaux, comportant deux étages et un niveau sous toit, d'une haureur sous corniche de 9,50 m.

Une notice d'évaluation des incidences sur l'environnement est jointe à la demande.

Le permis de bâtir est délivré le 22 mars 1994. Il s'agit de l'acte attaqué par le présent recours.

Considérant que, par requêtes introduites les 8 et 15 juin 1994, la S.P.R.L. Immobilière Pie~e Lorge et la S.A Compagnie Immobilière de Lotissements demandent à intervenir dans la procédure en référé; qu'il y a lieu d'accueillir ces demandes; ·

Considérant que les requérants exposent comme suit le risque de préjudice grave difficilement réparable que comporte l'exécution immédiate de l'acre attaqué:

«En ce qui concerne la gravité du préjudice, votre arrêt Schoffers, n° 42.541 du 2 avril 1993, a décidé que «est grave, le préjudice engendré par un permis de bâtir un immeuble ( ... ) qui est situé vis-à-vis de l'habitation du premier demandeur et qui par ses dimensions, est beaucoup plus important que les constructions avoisinantes». L'importance de la construction, comparée aux maisons individuelles avoisinantes a également justifié le risque de préjudice grave difficilement réparable dans votre arrêt Puttmann, n° 42.978 du 16 août 1993.

»D'autre par~ votre arrêt SA. Castermans, n° 39.428 du 21 mai 1992, a décidé que «Le préjudice causé par la construction est grave lorsqu'il est plus que pécuniaire et compromet la qualité de vie du requérant», ce qui est particulièrement le cas en l'espèce.

»L'immeuble dont la construction est autorisée par l'acte attaqué est un immeuble qui comportera de nombreuses vues sur les jardins situés aux alentours; cet immeuble risque donc de causer aux voisins un préjudice grave difficilement réparable, qui justifie la suspension de l'exécution du permis de bâtir (arrêt Coppens et Van Impe, n° 41.591du15janvier1993; arrêt SA. Hoeve et VanPaeschen, n° 41.111du20novembre1992).

»Il convientenfind'évoquerlesarrêts Bedore~ n° 39.049 du25mars1992 et Bras, n° 38.094du13 novembre 1991, qui insistent sur le préjudice qui serait subi par les demandeurs au cas où la suspension ne pourrait être prononcée et l'annulation prononcée seulement de longues années après le dépôt du recours.

»Dans les conditions d'espèce et en vertu de cette jurisprudence abondante, le risque de préjudice grave difficilement réparable que doivent justifier les demandeurs n'est absolument pas contestable»;

Considérant que les requérants se sont installés dans un lotissement faisant partie d'un vasre ensemble en voie d'urbanisation, objet de dix-huit permis de lotir; que les conditions auxquelles la bâtisse est autorisée dans le lotissement 1 ont été fixées par un permis de lotir délivré le même jour - le 26 février 1991 - que celui du lotissement II dans lequel les requérants sont installés; qu'en application de l'article 324 du C.W.A.T.U.P., les requérants pouvaient prendre connaissance des permis de lotir délivrés pour les parcelles voisines des terrains qu'ils ont achetés; qu'ils doivent en conséquence être réputés avoir porté leur choix en connaissance de cause sur des terrains à proximité desquels étaient autorisées des constructions d'un gabarit supérieur à celles qu'ils peuvent ériger sur leur propre lot; que la circonstance que des informations erronées aient pu leur être données par

RECUEIL DES ARRHfS DU CONSEIL D'ETN - 1994

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Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 5 N° 48.720

le promoteur est sans importance sur le plan du contentieux administratif; qu'une citation a d'ailleurs été lancée à ce sujet devant le tribunal de première instance; que la perte de vue et d'intimité causée par la construction d'un immeuble dont la hauteur sous corniche n'excède que de trois mètres et demi celle qui est autorisée dans le lotissement des requérants, et situé à plus de vingt mètres des habitations de ceux-ci, constitue en l'espèce une gêne prévisible et inhérente à toute zone urbanisée, et ne saurait être considérée comme un préjudice grave;

Considérant qu'une des conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse ordonner la suspension de l'exécution de l'acte attaqué fait défaut; que la demande de suspension ne peut être accueillie; que la demande de mesures provisoires doit suivre le même sort,

(Les demandes eq. intervention dans la procédure en référé sont accueillies - rejet des demandes de suspension et de mesures provisoires de l'exécution de l'acte attaqué).

N° 48.721

ARRET du 8 août 1994 (Xie Chambre) MM. Geus, président, rapporteur, Leroy, rapporteur, et Messinne, conseillers, et Kovalovszky, auditeur.

A.S.B.L. POUR LA PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT DES ARDENNES BRABANCONNES (Me Lebrun) c/ Région wallonne (Mes Cornet et Lanibert) et Commune de La Hulpe - Partie intetvenante: S.A. Herpain (Mes Jongen et Scholasse)

AMENAGEMENT DU TERRITOIRE--'- Plans communaux-'-- Plan particulier- Recours au Conseil d'Etat - Suspension

En l'espèce, si la parcelle litigieuse est à l'abandon depuis plus de trente ans et si cet état a suscité une richesse biologique et écologique qui, selon la partie adverse, pour être sauvegardée, doit être gérée, les prescriptions littérales du plan particulier attaqué imposent diverses mesures destinées à sauvegarder le biotope existant. La conception générale que l'autorité administrative a de ce biotope, ainsi que les mesures qu'elle a adoptées à cet effet, relèvent de son pouvoir d'appréciation et n'apparaissent pas manifestement déraisonnables.

Vu la demande introduite le 14 juin 1994 par l'association sans but lucratif «Association pour la protection de la nature et de l'environnement des Ardennes brabançonnes», qui tend à la suspension de l'exécution de:

1. l'arrêté ministériel du 13 décembre 1993 approuvant le plan particulier d'aménagement dit <<Domaine de Nysdam» de la commune de La Hulpe;

2. la délibération du conseil communal de La Hulpe du 29 avril 1993'par laquelle le projet de plan particulier d'aménagement du «Domaine de Nysdam» est définitivement adopté;

Vu la requête introduite le même jour par la même requérante qui demande l'annulation des mêmes actes;

Vu la requête introduite le 28 juin 1994 par laquelle la S.A Herpain demande à être reçue en qualité de partie intervenante;

Considérant que les fails utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit

1. Le <<Domaine de Nysdam», situé sur le territoire de la commune de La Hulpe, est délimité par l'Argentine, le chemin du Champ des Mottes en grande partie disparu, le bois vers la Mazerine et la rue de la Ramée. Il fut acquis en 1989 par la S.A Herpain.

2. Le 25 juin 1990, le conseil communal de La Hulpe charge le bureau AB.R. d'élaborer un projet de plan particulier d'aménagement Le 29 octobre 1990, le conseil communal fixe le périmètre du plan particulier d'aménagement.

3. Le 21 novembre 1990 la commission provinciale des monuments, sites et fouilles émet un avis favorable en ce qui concerne la fonction de bureaux, défavorable en ce qui concerne l'implantation, et défavorable également en ce qui concerne les prescriptions jointes au plan particulier d'aménagement.

4. Le 23 janvier 1991, la même commission marque son accord sur un projet modifié que lui a présenté le bureau AB.R.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'EfiXI' - 1994

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N° 48.721

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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5. Le 12 1février 1991, la commission provinciale des monuments, sites et fouilles marque son accord sur le projet modifié de plan particulier d'aménagement.

6. Le 27 mars 1991 le conseil communal de La Hulpe décide de confirmer sa décision du 25 juin 1990 relative à la désignation du bureau A.B.R. pour l'élaboration du plan particulier d'aménagement et d'adopter provisoirement le plan particulier d'aménagement du domaine de Nysdam.

7. En mai 1991 le projet de plan particulier d'aménagement est soumis à l'enquête publique. Celle-ci, clôturée le 24 mai 1991, donne lieu à de nombreuses oppositions.

De son côté, la commission consultative d'aménagement du territoire, saisie le 4 juillet 1991 d'une demande d'avis sur le projet de plan particulier d'aménagement, constitue en son sein un groupe de travail qui dépose un rapport le 16 août 1991.

8. A la suite des observations auxquelles a donné lieu le projet de plan particulier d'aménagement, le conseil communal décide, le 25 novembre 1991, de modifier ledit projet; par la même occasion, il prend acte de la décision du collège de créer un comité d'accompagnement afin de suivre les travaux du bureau A.B.R.

9. Le 9 mars 1992, le conseil communal approuve le nouveau périmètre du plan particulier d'aménagement du domaine de Nysdam, dressé par le bureau A.B.R.

10. Le 30 octobre 1992, le conseil communal adopte provisoirement le plan particulier d'aménagement du domaine de Nysdam en ses prescriptions littérales et graphiques; il déclare «le caractère dérogatoire au plan de secteur du projet de plan d'aménagement dit du Nysdam en ce qu'il prévoit la possibilité d'implanter des bâtiments à destination administrative ayant une surface d'emprise au sol de± 2.500 m2 en zone de parc».

Le périmètre ainsi modifié figure au plan de secteur Wavre-Jodoigne-Perwez en partie en zone de parc et en partie en zone forestière; la majeure partie est également en zone rurale d'intérêt paysager, sauf une bande de 125 à 250 mètres située au nord-ouest du plan particulier d'aménagement, qui fait partie d'un site classé.

11. Le projet de plan particulier d'aménagement est soumis à l'enquête publique du 20 novembre au 21 décembre 1992. L'enquête suscite treize réclamations dont une introduite par l'AS.B.L. requérante.

12. Le 24 mars 1993, la commission consultative d'aménagement du territoire émet un avis favorable sur le projet, moyennant des suggestions, une demande d'éclaircissement, ainsi qu'un engagement quant à l'aménagement du carrefour des trois colonnes.

13. Le 29 avril 1993, le conseil communal de La Hulpe adopte définitivement le plan particulier d'aménagement. Il s'agit du deuxième acte attaqué.

14. Le 19 août 1993, la députation permanente du conseil provincial du Brabant a émis un avis favorable à l'approbation du plan.

15. Le 20 aoüt 1993, la commission royale des monuments, sites et fouilles émet un avis défavorable.

16. Le 15 septembre 1993, le ministre wallon de l'aménagement du territoire, du logement et du budget proroge de trois mois le délai prévu pour procéder à l'examen du projet de plan particulier d'aménagement.

17. Le 13 décembre 1993, le même ministre approuve le plan particulier d'aménagement dit «du Domaine de Nysdam». Il s'agit du premier acte attaqué. Il a été publié au Moniteur belge du 14 avril 1994.

La partie requérante précise que l'expédition du plan particulier d'aménagement est offerte à la consultation du public depuis le 26 mai 1994;

Considérant que, par requête introduite le 28 juin 1994, la S.A Herpain demande a intervenir dans les procédures en référé et en annulation; qu'il y a lieu d'accueillir cette demande;

Considérant que la requérante décrit comme suit le préjudice que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer:

«1. Le plan particulier d'aménagement autorise un véritable bouleversement écologique en cette lisière fragile de la forêt de Soignes. Cette forê~ chaque jour davantage investie par une population en quête d'espaces verts de qualité, présente un nombre réduit de sites préservés. Le Domaine de Nysdam est un de ces sites. Il constitue un milieu écologique (faune et flore) dont la qualité et la diversité sont la résultante même de l'état d'abandon dans lequel il se trouve depuis plus de 30 ans. Un aménagement lourd du domaine, tel qu 'autorisé par le plan particulier d 'aménagemen~ mettrait sérieusement en péril la pérennité de ce patrimoine i"emplaçable. Les garanties de bon entretien du domaine grâce à l'exploitation d'un immeuble de services sont réduites. En ce qui concerne la faune, le dérangement dû aux travaux sera tel que toute gestion sera inutile, faute de sujets à gérer ...

»2. Le plan particulier d'aménagement autorise la destruction du château, élément pourtant essentiel du patrimoine architectural et historique de LaHulpe. La Hulpe a déjà perdu beaucoup de vestiges du passé: le Moulin de Meeûs à Gaillemarde, la maison communale de l'avenue des Combattants, le site de la papeterie Intermils ...

»La conservation ou le maintien des châteaux autour de la forêt de Soignes est aujourd'hui une priorité.

»3. Comme l'a relevé la commission des monuments et sites, le plan particulier d'aménagement autorise une véritable atteinte à la qualité paysagère des environs du château de Nysdam ainsi que du parc Solvay, et

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'ETlrr - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798 Page 7 N° 48.721

particulièrement en bordure de la rivière l'Argentine. L'atteinte à la qualité du paysage par la construction du bâtiment sur la zone de service autorisée par le plan particulier d'aménagement est définitive et ne pourra être compensée par de nouvelles plantations, vu le gabarit de l'immeuble admissible à cet endroit.

»Les préjudices ainsi délimités par rapport à la demanderesse présentent le degré de gravité requis pour justifier une demande de suspension en vertu de l'ampleur même du projet immobilier et de la destruction inévitable du château qu'il entraînera»;

Considérant, en ce qui concerne le premier aspect du préjudice allégué, que la portion de territoire à laquelle s'applique le plan particulier d'aménagement attaqué est à l'abandon depuis 1961; que cet état a suscité une richesse biologique et écologique qui a été analysée en détail lors de l'élaboration du plan particulier d'aménagement, mais qui, selon la partie adverse, pour être sauvegardée, doit être gérée; que l'acte attaqué, par les articles 4, 5, 6, 8, 9, 13, 14, 17 et 20 de ses prescriptions littérales, impose diverses mesures destinées à sauvegarder le biotope existant; que la conception générale que l'autorité administrative a de la gestion dudit biotope ainsi que les mesures qu'elle a adoptées à cet effet relèvent de son pouvoir d'appréciation et n'apparaissent pas manifestement déraisonnables de sorte que la réalité du préjudice allégué ne peut être considérée comme établie;

Considérant, en ce qui concerne le deuxième aspect du préjudice allégué, qu'il n'est pas soutenu que le château de Caters, dont le plan particulier d'aménagement attaqué prévoit la démolition, serait un monument classé; qu'il est, selon les photographies versées au dossier, dans un état de délabrement avancé, et qu'aucun projet plausible de restauration n'est invoqué; que la disparition du château apparaît dès lors comme inéluctable; que sa démolition, en exécution du plan particulier d'aménagement attaqué, n'aura d'autre effet que de la précipiter; que, de toute manière, la suspension de l'acte attaqué n'empêcherait pas la ruine progressive du bâtiment;

Considérant, en ce qui concerne le troisième aspect du préjudice allégué, que le plan particulier d'aménagement attaqué autorise la construction d'immeubles sur l'emplacement actuellement occupé par le château de Caters à l'abandon; que l'article 25 des prescriptions littérales du plan particulier d'aménagement attaqué contient diverses dispositions de nature à assurer une intégration dans le paysage aussi harmonieuse que possible des constructions à réaliser; que, notamment, la hauteur maximum des constructions autorisées est inférieure à celle des arbres environnants, et approximativement égale à celle du château actuel;

Considérant que le préjudice allégué ne peut, en aucun de ses aspects, être considéré comme grave;

Considérant qu'une des conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse ordonner la suspension de l'exécution de l'acte attaqué fait défaut; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(La demande en intervention introduite par la S.A Herpain dans les procédures en référé et en annulation sont accueillies - rejet de la demande de suspension de l'exécution des actes attaqués).

N° 48.722 ARRET du 8 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Geus, président, Leroy, rapporteur, et Messinne, conseillers, et Paquet, auditeur adjoint.

KAVUNCU (Me Walleyn) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur (M. Harmel)

ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Etudiants

Aucune disposition ne détermine le délai dans lequel doit être produite l'attestation prévue par l'article 59 de la loi du 15 décembre 1980 dans les cas où elle est délivrée tardivement.

L'étranger qui a reçu l'équivalence après l'expiration du délai de quatre mois fixé à cet article a pu de bonne foi croire que le délai ne commençait à courir qu'à ce moment.

Vu la demande introduite le 28 juin 1994 par Ibrahim Kavuncu, de nationalité turque, quie tend à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de l'ordre de quitter le territoire (annexe 12 - modèle A), qui lui a été notifié le 22 juin 1994 par l'administration communale de Herstal, pour violation de formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir;

Vu l'arrêt 48.443 du 1er juillet 1994 statuant sur la demande de suspension d'extrême urgence;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 59, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et un deuxième

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'Ef/IT - 1994

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N° 48.722

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

Page 8

de la violation des articles 6, 7, 2°, 58 et 62 de la loi précitée du 15 décembre 1980 ainsi que de l'article 3 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que c'est à tort que l'acte attaqué déclare que l'attestation confirmant son inscription comme élève régulier doit être délivrée dans les 4 mois de son arrivée en Belgique alors qu'en réalité, le délai de 4 mois ne commençait à courir qu'à la date de l'obtention de l'équivalence de son diplôme d'études étrangères, que le requérant ayant obtenu son équivalence le 24 janvier 1994 et se rendant à l'administration communale le 11 mai 1994, a dès lors bien respecté le délai de 4 mois suivant la date d'obtention de l'équivalence, qu'en outre, le requérant ne demeure pas dans le Royaume au-delà du délai fixé conformément à l'article 6 de la loi du 15 décembre 1980 puisqu'il a été mis en possession d'une autorisation tenant lieu de visa pour une durée limitée aux études, qu'il est incontestable que le requérant est inscrit régulièrement dans une année préparatoire à l'enseignement supérieur, que dès lors les articles 6 et 58 de la loi du 15 décembre 1980 susdite lui donnent ainsi le droit de séjourner plus de 3 mois;

Considérant que l'article 59 de la loi, en son alinéa 3, porte notamment que lorsqu'un étudiant étranger a introduit une demande d'obtention d'équivalence de son diplôme, «une nouvelle attestation doit confirmer dans un délai de quatre mois que l'étranger après avoir obtenu l'équivalence des diplômes ou des certificats d'études ... est inscrit, en qualité d'élève ou d'étudiant régulier, dans l'établissement d'enseignement qui la délivre»; que, pourvoyant à l'exécution de cette disposition, l'article 100 de l'arrêté royal du 8 octobre 1991 porte, en son alinéa 3, que l'étudiant étranger qui se trouve dans cette situation reçoit «Une attestation d'immatriculation du modèle A, valable quatre mois à partir de la date d'entrée»;

Considérant que ces dispositions font courir le délai de quatre mois dans lequel une nouvelle attestation doit être produite à partir de l'entrée sur le territoire; qu'en l'espèce, toutefois, le requérant est entré en Belgique le 14août1993, mais n'a obtenu l'équivalence de son diplôme que le 24 janvier 1994, soit bien après l'expiration du délai dans lequel l'attestation consécutive à cette équivalence aurait dû être produite; que ce retard n'est en rien imputable au requérant, mais aux services administratifs chargés de se prononcer sur la demande d'équivalence; qu'aucune disposition ne détermine le délai dans lequel l'attestation doit être produite dans le cas où elle est délivrée tardivement; que le requérant ayant reçu cette équivalence après l'expiration du délai de quatre mois fixé à l'article 59 de la loi, il a pu de bonne foi croire que ce délai ne commençait à courir qu'à ce moment; que le moyen est sérieux;

Considérant que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer le préjudice décrit dans l'arrêt n° 48.443;

Considérant que les conditions requises pour que le Conseil d'Etat puissa accorder la suspension de l'acte attaqué sont réunies,

(Est confirmée la suspension de l'exécution de la décision de l'ordre de quitter le territoire notifiée le 22 juin 1994 par l'administration communale de Herstal).

N° 48.723

ARRET du 9 août 1994 (IV" Chambre des vacations)

SHAKEEL UR: demande de suspension sans moyen.

N° 48.724

ARRET du 10 août 1994 (Président de la XI" Chambre)

BOKELO MONGU BOLOBIONGO: demande de suspension non recevable, l'acte attaqué étant purement confirmatif.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798 Page 9 N° 48.725

N°" 48, 725 à 48. 727

ARRETS du 16 août 1994 (XI" Chambre) MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Boucquey et Kreins, conseillers, Saint-Viteux (n° 48.725) et Nihoul (n"" 48.726 et 48.727), auditeurs.

n° 48.725 - RAVINDER (M" Berten) n° 48. 726 - JULIA MARIA et JOAO CHOCI (M"" Galand et Chômé) n° 48. 727 - MIEZAN AKISSI (M" Berten)

c/ Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M. Bernard)

I. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 à 8) II. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Compétence du Conseil d'Etat (1) III. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Recevabilité des moyens (8)

1. Le déclinatoire de compétence du Conseil d'Etat statuant en suspension ne peut être retenu lorsqu'il est fondé sur les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980, dispositions annulées en cours d'instance par la Cour d'arbitrage (n°" 48.725 à 48.727).

2. L'étranger qui a signé sans réserve la feuille consignant ses propos lors de son interrogatoire par /'Office des étrangers et qui n'apporte aucun élément concret de nature à établir que ses propos auraient été mal compris ou mal traduits ne peut sérieusement critiquer l'instruction ainsi effectuée (n° 48.725).

3. Si la Convention de Genève donne une définition du réfugié et détermine le statut de celui-c~ elle ne prévoit pas les modalités d'accès au statut, prérogative qui relève de l'ordre juridique interne de l'Etat contractant.

Elle n'empêche nullement la mise en place d'une procédure d'admissibilité des deman­des qui permette d'écarter celles qui sont manifestement fondées sur des motifs étrangers à l'asile (n° 48.725).

4. La Convention de Genève laisse à chaque Etat contractant un large pouvoir d'appréciation quant à la recevabilité des demandes d'asile.

L'étranger ne peut être suivi lorsqu'il soutient que les éléments contenus dans sa demande d'asile ne peuvent être examinés que dans le cadre de la procédure au fond (n° 48. 726).

5. En l'espèce, le commissaire général a pu légalement considérer que les faits relatés par l'étranger ne revêtaient pas un caractère de gravité tel qu'ils pouvaient être qualifiés de «crainte de persécution» au sens de la Convention de Genève (n° 48.725).

6. En l'espèce, en indiquant les points sur lesquels il a relevé des imprécisions et en en déduisant que la demande est frauduleuse et manifestement non fondée, le commissaire général n'a pas donné de l'ensemble des éléments du dossier une interprétation manifeste­ment déraisonnable (n° 48.726).

7. Le motif déduit de la contradiction relevée dans le récit fait à /'Office des étrangers concernant le nombre d'arrestations et d'incarcérations, suffit à justifier l'appréciation selon laquelle la demande n'est pas fondée (n° 48.727).

8. Il n'y a pas lieu d'avoir égard aux éléments nouveaux déposés par l'étranger à l'appui de sa demande de suspension, le recours ouvert devant le Conseil d'Etat en cette matière ne constituant pas une procédure d'appel au terme de laquelle le Conseil d'Etat pourrait substituer son appréciation en fait à celle de l'autorité administrative (n° 48.727).

IV. CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

V. ETRANGERS - Police des étrangers - Généralités

Les contestations des décisions prises en exécution de la loi du 15 décembre 1980 et de ses règlements d'application ne se rapportent ni à un droit civil ni à une accusation en matière pénale et n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (n° 48.726).

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'Ef.i'J - 1994

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N° 48.725

N° 48.725

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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Vu la demande introduite le 16 novembre 1993 par Singh Ravinder, de nationalité indienne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision du 6 octobre 1993 par laquelle le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a confirmé le refus de séjour; ·

Vu la requête introduite le 23 novembre 1993 par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à la demande de suspension sont les suivants:

1. Le requérant est arrivé en Belgique le 9 juillet 1993 et s'est déclaré candidat réfugié en exposant les faits suivants:

<'11 était chargé du service de cuisine dans un temple fréquenté par des Sikhs.

»Des membres du parti du Congrès auraient prévenu la police de cette fréquentation à la suite de quoi il aurait été arrêté et questionné durant un jour en avril 1993.

»A la fin du même mois, la police serait venue à sa «fabrique», l'aurait pris à l'écart et l'aurait frappé; il aurait décidé de quitter son village»;

2. A la suite d'un refus de séjour (annexe 26bis), le requérant a introduit le 12 aoftt 1993 un recours urgent à la partie adverse. Il a été entendu par celle-ci le 27 septembre 1993.

3. Le 6 octobre 1993, la partie adverse a confirmé le refus de séjour décidé le 10 août 1993 par le délégué du Ministre de l'intérieur.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que la décision attaquée porte notamment que «le Commissaire général estime qu'il n'y a pas de raisons pour déclarer non exécutoire la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement, conformément à l'article 63/5, dernier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, nonobstant tout appel»; que, se fondant sur cette déclaration, ainsi que sur les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides oppose à la demande un déclinatoire de juridiction du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension;

Considérant que les articles 32 et 33 de la loi du 6 mai 1993, qui ont introduit dans la loi du 15 décembre 1980 les dispositions formant respectivement les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de cette loi, ont été annulés par l'arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994 de la Cour d'arbitrage; que, s'appuyant essentiellement sur les dispositions annulées, le déclinatoire ne peut être retenu;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de la loi du 28 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 précitée, en ce que la loi prévoit que la motivation doit être adéquate, précise et pertinente et ne peut en aucun cas être une simple motivation d'appréciation subjective, qu'en l'espèce, la motivation fait d'abord allusion à une absence de déclaration d'une première arrestation lors de l'audition à !'Office des étrangers, qu'elle qualifie cette absence de contradiction alors que les conditions d'audition à !'Office des étrangers ne donnent aucune garantie d'objectivité, que la motivation déclare ensuite que le fait que le requérant ne soit pas recherché par la police annihile toute possibilité de rattachement aux critères de la Convention de Genève et, enfin, que, la motivation conteste le degré de gravité attaché aux motifs invoqués;

Considérant que le requérant critique de manière général l'instruction des demandes d'asile et plus par­ticulièrement ! 'interrogatoire effectué. à ! 'Office des étrangers; que cependant il a signé sans réserve la feuille consignant les propos tenus lors de cet interrogatoire; qu'il n'apporte aucun élément concret de nature à établir que ses propos auraient été mal compris ou mal traduits, alors spécialement que le grief n'a pas été soulevé dans le recours urgent; que la partie adverse a pu légalement considérer que les faits relatés par le requérant ne revêtaient pas un caractère de gravité tel qu'ils pouvaient être qualifiés de «crainte de persécution» au sens de la Convention de Genève; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de la Convention de Genève et de l'économie de la loi du 15 décembre 1980 prise en application des principes de cette Convention en ce que les pratiques de !'Office des étrangers et du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides ne sont pas conformes aux instructions données par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés;

Considérant que la Convention de Genève donne une définition du réfugié et détermine le statut de celui-ci; qu'en revanche, elle ne prévoit pas les modalités d'accès au statut, prérogative qui relève de! 'ordre juridique interne de l'Etat contractant; que cette Convention n'empêche nullement la mise en place d'une procédure d'admissibilité des demandes qui permette d'écarter celles qui sont manifestement fondées sur des motifs étrangers à l'asile; que le moyen revient à mettre en cause la pratique administrative générale et non l'applicaton des dispositions légales au cas d'espèce; que le moyen n'est pas sérieux;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ET.<IT - 1994

Page 11: Nos 48.715 à 48.798 Page 1 - KU Leuven · N° 48.719 Arrêls Nos 48.715 à 48.798 Page 2 Vu la demande introduite le 10juin1994 par l'association sans but lucratif Pouvoir Organisateur

Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 11 N° 48.725

Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre à celui-ci de suspendre l'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie en l'espèce; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

*** N° 48.726

Vu les demandes in1roduites le 18 mars 1994 par Julia Maria et Joao Chico, de nationalité angolaise, qui tendent à la suspension de l'exécution des décisions du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides du 13 janvier 1994 confirmant le refus de séjour, avec mesure d'éloignement, qui leur ont été notifiées le même jour;

Vu les requêtes in1roduites simultanément par les mêmes requérants qui demandent l'annulation de ces décisions;

Considérant qu'en raison de la connexité existant entre les deux recours, il y a lieu de les joindre;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Arrivés en Belgique le 8 mai 1993, les requérants, munis de leur carte d'identité, in1roduisent le 12 mai 1993 une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié et se voient délivrer le même jour une attestation de séjour provisoire.

Ils sont entendus le 4 juin 1993 par !'Office des étrangers.

2. Le 15 juin 1993, leur est notifiée une décision du même jour de refus de séjour.

3. Le 17 juin 1993, les requérants in1roduisent un recours urgent auprès de la partie adverse.

4. Les requérants sont entendus ensemble le 16 septembre 1993 par les services de la partie adverse.

5. Le 13 janvier 1994, la partie adverse confirme les refus de séjour décidés le 15 juin 1993 par le délégué du Ministre de l'intérieur.

Ces décisions constituent les actes attaqués;

Considérant que les décisions attaquées portent notamment que «le Commissaire général estime qu'il n'y a pas de raisons pour déclarer non exécutoire la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement, conformément à l'article 63/5, dernier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, nonobstant tout appel»; que, se fondant sur cette déclaration, ainsi que sur les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides oppose à la demande un déclinatoire de juridiction du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension;

Considérant que les articles 32 et 33 de la loi du 6 mai 1993, qui ont introduit dans la loi du 15 décembre 1980 les dispositions formant respectivement les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de cette loi, ont été annulés par l'arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994 de la Cour d'arbitrage; que, s'appuyant essentiellement sur les dispositions annulées, le déclinatoire ne peut être retenu;

Considérant que les requérants prennent un premier moyen de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que le droit à un procès équitable implique que toute partie à une action doit avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause dans des conditions qui ne la désavantagent pas de manière appréciable vis à vis de la partie adverse;

Considérant que les contestations des décisions prises en exécution de la loi du 15 décembre 1980 et de ses règlements d'application ne se rapportent ni à un droit civil ni à une accusation en matière pénale et n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que les requérants prennent un deuxième moyen de la violation des formes substantielles prescrites à peine de nullité, de l'excès ou détournement de pouvoir et de l'erreur manifeste d'appréciation en ce que la décision du Commissariat général relève diverses contradictions entre les deux auditions du requérant quant à ses relations avec le parti Unita et quant aux circonstances de sa fuite; un troisième moyen de la violation de l'article 1er, (A) 2, de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés en ce que le Commissaire général estime que dans les circonstances actuelles, le requérant peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient menacées; et un quatrième moyen de la violation de l'article 52, §1er, 7°, de la loi du 15 décembre 1980 en ce que le Commissariat général a considéré la demande du requérant comme frauduleuse et manifestement non fondée parce que le requérant n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève alors que le récit du requérant,

RECUEIL DES ARREI'S DU CONSEIL D'HriIT - 1994

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N° 48.726

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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dans lequel il prétend avoir organisé et dirigé un groupe de membres de l 'Unita chargés de placarder des affiches préélectorales, est plausible, cohérent et crédible;

Considérant sur les deuxième, troisième et quatrième moyens réunis, que la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés laisse à chaque Etat contractant un large pouvoir d'appréciation quant à la recevabilité des demandes d'asile; que l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 a mis ce pouvoir en application, en disposant que l'accès ou le séjour dans le Royaume pourra être refusé à l'étranger demandeur d'asile par les autorités qui y sont désignées; que les requérants ne peuvent être suivis lorsqu'ils soutiennent que les éléments contenus dans leur demande d'asile ne pouvaient être examinés que dans le cadre de la procédure au fond;

Considérant que, à ce stade de la procédure, le Commissaire général exerce sa compétence sur recours; que les recours urgents introduits par les requérants ne sont ni précis, ni consistants; que les requérants ne contestent pas, dans leur demande de suspension, la réalité des motifs sur lesquels reposent les décisions attaquées;

Considérant qu'en indiquant les points sur lesquels il a relevé des imprécisions, que les requérants ne contestent pas mais tentent d'expliquer, et en en déduisant que la demande des intéressés est frauduleuse et manifestement non fondée, le Commissaire général n'a pas donné de l'ensemble des éléments du dossier une interprétation manifestement déraisonnable; qu'aucun des trois moyens n'est sérieux;

Considérant que les requérants prennent un cinquième moyen de la violation des articles 52 et 57 /11 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que l'article 57/11 prévoit que les décisions rendues au fond par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides sont susceptibles d'un recours auprès de la Commission Permanente de Recours des Réfugiés alors que le Commissariat général, en déclarant la demande des requérants irrecevable, a manifestement préjugé du fond du litige, privant de ce fait les requérants d'une voie de recours prévue par la loi du 15 décembre 1980;

Considérant qu'en tant que le moyen fait grief à la partie adverse d'avoir préjugé du fond du litige, il se confond avec le quatrième moyen, lequel n'est pas sérieux; qu'en outre, les requérants ont exercé les seuls recours prévus par la loi tant à l'égard des décisions du délégué du Ministre de l'intérieur qu'à l'égard de celles de la partie adverse; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant qu'une des conditions prévues par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre au Conseil d'Etat de suspendre l'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie; que les demandes de suspension ne peuvent être accueillies,

(Jonction - rejet des demandes de suspension).

* * * N° 48.727

Vu la demande introduite le 24 février 1994 par Maryse Miezan Akissi, de nationalité ivoirienne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides du 24 janvier 1994 confirmant le refus de séjour, avec mesure d'éloignement, qui lui a été notifiée le 4 février 1994;

Vu la requête introduite simultanément par la même requérante qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. La requérante s'est déclarée candidate réfugiée le 2 septembre 1993.

2. Le même jour, une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire lui a été notifiée.

3. A la suite d'un recours urgent, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a pris le 24 janvier 1994, une décision confirmant le refus de séjour et motivée comme suit:

<<La convocation adressée à l'intéressée ainsi qu'à son conseil Maître Jacques Berten est restée sans suite.

>>Selon ses déclarations antérieures, elle serait devenue membre du F.PJ. (Front Populaire Ivoirien) dès 1991. Suite à différentes manifestations auxquelles elle aurait participé, elle aurait été arrêtée puis relâchée mais quelques mois plus tard, compte tenu de la persistance de menaces à son égard, elle aurait décidé de fuir son pays. Elle aurait pris le bateau pour l'Europe le 20 août 1993 dépourvue de passeport.

»Force est de constater que les différents récits rapportés par ['intéressée sont approximatifs, peu conséquents et manquent de crédibilité. En effe~ ils contiennent des incohérences et des invraisemblances.

»Ainsi notammen~ à ['Office des étrangers, elle se contredit lorsqu'elle déclare dans son récit avoir été arrêtée et incarcérée une seule fois à la prison de Yopougon à partir du 18 février 1992, alors que plus tard lors de la même audition, elle déclare avoir été incarcérée à deux reprises, la première fois à Port Boue~ le 9 mai 1991 et la deuxième fois à Adouffou, le 18 février 1992.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'BTM' - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798 Page 13 N° 48.727

»Ainsi encore, alors qu'elle aurait été, successivement, arrêtée et incarcérée, ou encore lynchée, elle ne serait venue en Belgique qu'en août 1993, suite à une grande peur due à un encerclement militaire le 16 avril 1993 ce qui apparaît invraisemblable et imprécis.

»Finalement, puisque l'intéressée, est restée en défaut de répondre à l'invitation qui lui a été faite afin de s'expliquer davantage dans le cadre de la procédure qu'elle a elle-même entamée, faisant ainsi preuve d'un désintérêt pour celle-ci, rien ne nous permet de donner un sens aux propos sibyllins et peut circonstanciés qu'elle a tenus, ni de mettre en cause la décision incriminée.

»De ce qui précède, il ressort que la demande de l'intéressée est manifestement non fondée, parce que l'étranger n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Par conséquent, le Commissaire général confirme le refus de séjour décidé par le délégué du Ministre de l'intérieur le 2septembre1993.

»Le Commissaire général est d'avis que, dans les circonstances actuelles, l'étranger concerné peut être reconduit à la frontière du pays qu'elle a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté serait menacée ( ... )».

4. Cette décision a été notifiée Je 4 février 1994.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que la décision attaquée porte notamment que «le Commissaire général estime qu'il n'y a pas de raisons pour déclarer non exécutoire la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement, conformément à l'article 63/5, dernier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, nonobstant tout appel»; que se fondant sur cette déclaration, ainsi que sur les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, Je séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, Je Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides oppose à la demande un déclinatoire de juridiction du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension;

Considérant que les articles 32 et 33 de la loi du 6 mai 1993, qui ont introduit dans la loi du 15 décembre 1980 les dispositions formant respectivement les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de cette loi, ont été annulés par l'arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994 de la Cour d'arbitrage; que, s'appuyant essentiellement sur les dispositions annulées, Je déclinatoire ne peut être retenu;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, Je séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en ce que la loi prévoit que la motivation doit être précise, adéquate et pertinente alors que la motivation de la décision se fonde essentiellement sur Je fait que la requérante se désintéresserait de la procédure qu'elle a intentée alors qu'elle «transmet un mémoire écrit détaillé, fournit des preuves de son appartenance au F.P J., réagit immédiatement lors de la première convocation et informe de son impossibilité d'atteindre Bruxelles en raison des mouvements de grève, faxe son changement de domicile dans les jours de son changement, qui coïncide malheureusement avec la convocation», que la motivation de la décision attaquée reprend les éléments de la motivation de l'annexe 26bis alors que la requérante a répondu à ces critiques dans un document qui fait partie du dossier et que Je Commissaire général a totalement ignoré, que la motivation fait ensuite état de ce que la requérante a attendu plus de quatre mois avant de quitter Je pays alors que prendre la décision de quitter son pays est une décision difficile, qui ne se prend pas à la légère, que la requérante a expliqué qu'elle a vécu cachée le temps d'organiser son départ et de voir si aucun changement n'interviendrait dans sa situation;

Considérant que la requérante ne remet pas en cause le motif tiré de la contradiction relevée dans Je récit fait à !'Office des étrangers concernant le nombre d'arrestations et d'incarcérations, contradiction qui s'est trouvée confirmée lors de l'examen du dossier; que cette considération suffit à justifier l'appréciation de la partie adverse; qu'il n'y a pas lieu d'avoir égard aux éléments nouveaux déposés par la demanderesse à l'appui de sa demande de suspension, Je recours ouvert devant Je Conseil d'Etat en cette matière ne constituant pas une procédure d'appel au terme de laquelle Je Conseil d'Etat pourrait substituer son appréciation en fait à celle de l'autorité administrative; que Je moyen n'est pas sérieux;

Considérant que la requérante prend un deuxième moyen de la violation de l'article 63/5 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que le Commissaire général, en employant la formule négative selon laquelle «il n'y a pas de raison pour déclarer non exécutoire la décision», ne la déclare pas formellement exécutoire;

Considérant que, pour la raison exposée à propos du déclinatoire de la juridiction du Conseil d'Etat, Je moyen est irrecevable, à défaut d'intérêt;

Considérant que l'une des conditions requises pour ordonner la suspension de l'acte attaqué fait défaut; qu'en conséquence la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EI'AT - 1994

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N° 48.728

N° 48.728 ARRET du 16 août 1994 (Xie Chambre)

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Boucquey et Kreins, conseillers, et Nihoul, auditeur.

LAWSON LATE (Me Berten) c/ Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M. Bernard)

PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Choix entre les procédures

Le requérant en suspension se trouve lié par le choix qu'il a fait entre la procédure prévue par l'alinéa 2 et la procédure prévue par l'alinéa 3 de l'article 17, §1er, des lois coordonnées du 12 janvier 1973. Il ne peut invoquer une urgence ordinaire à titre subsidiaire de l'extrême urgence.

Il demeure lié par son choix même si sa demande n'a été rejetée qu'en raison d'un défaut de preuve de l'extrême urgence invoquée.

Vu la demande introduite le 24 février 1994 par Lowson Late, de nationalité togolaise, qui tend à la suspension selon la procédure ordinaire, de l'exécution de la décision du 28 décembre 1993 du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides confirmant le refus de séjour, avec mesure d'éloignement, qui lui a été notifiée le 31 décembre 1993;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant qu'en vertu des alinéas 2 et 3 de l'article 17, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, celui qui sollicite la suspension de l'exécution d'un règlement ou d'un acte administratif a le choix entre la procédure ordinaire prévue par l'alinéa 2 et la procédure d'extrême urgence prévue par l'alinéa 3; que l'article 17, § 1er, n'envisage qu'un seul cas dans lequel une même demande de suspension puisse faire l'objet de deux examens successifi>: celui où l'urgence est telle que les parties ou certaines d'entre elles n'ont pu être entendues; qu'il s'ensuit que le requérant se trouve lié par le choix qu'il a fait de l'une ou de l'autre procédure avec la conséquence qu'il ne peut invoquer une urgence ordinaire à titre subsidiaire de l'extrême urgence qu'il a fait valoir à titre principal; qu'il demeure lié par son choix même si sa demande n'a été rejetée qu'en raison d'un défaut de preuve de l'extrême urgence invoquée; que la demande de suspension est irrecevable,

(Rejet de la demande de suspension).

N° 48.729 ) '·~f

' ARRET du 16 août 1994 (Xie Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Boucquey et Kreins, conseillers, et Nihoul, auditeur.

KETA ABDOULAI (Me Berten) c/ Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M. Bernard)

1 et Il. (voir n° 48.725, 1 et Il, n° 1) m. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 à 4) IV. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Droits de la défense et droit d'être entendu - Cas où

il faut les observer - Mesures de police (3) V. PROCEDURE- Règles spéciales à la demande de suspension - Recevabilité des moyens (4)

1. Lorsqu'il statue sur recours urgent en application des articles 63/2, 63/3 et 63 /4 de la loi du 15décembre1980, le commissaire général dispose des mêmes pouvoirs que le ministre de l'intérieur. Il peut rejeter, comme étant irrecevables, des demandes manifestement fondées sur des motifs étrangers à l'asile ou des demandes frauduleuses.

Statuant sur la base de l'article 63 /2, il peut réformer la décision prise par le ministre, la confirmer pour les mêmes motifs ou la confirmer pour d'autres motifs.

RECUEIL DES ARRIIl'S DU CONSEIL D'ETM - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798 Page 15 N° 48.729

2. En l'espèce, dès lors que sont établies les contradictions dans les différents récits de l'étranger telles qu'elles ont été relevées par le commissaire général, celui-ci n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant la demande comme frauduleuse et manifestement non fondée.

3. La procédure prévue par les articles 63/2 et 63/3 de la loi du 15 décembre 1980 n'est pas juridictionnelle. Le principe général prescrivant le respect des droits de la défense n'y est pas applicable.

L'audition au commissariat général a pour but, dans l'intérêt d'une bonne administra­tion et dans celui du demandeur d'asile, d'informer les autorités notamment sur la pertinence et la sincérité des raisons de l'étranger qui demande la qualité de réfagié. Imposer au com­missaire général ou à son délégué d'engager avec le candidat un débat sur la cohérence des propos de celui-ci irait à l'encontre de ce but.

4. Un moyen critiquant une pratique de /'Office des étrangers n'est pas recevable à l'appui de la demande de suspension d'une décision du commissaire général aux réfagiés et aux apatrides.

Vu la demande introduite le 24 février 1994 par Keta Abdoula1, de nationalité guinéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision du 29 décembre 1993 du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides confirmant le refus de séjour, avec ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifiée le 4 janvier 1994;

Vu la requête introduite simultanément par requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le requérant s'est déclaré candidat réfugié le 6 septembre 1993.

2. Le 9 novembre 1993, une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire lui a été notifiée.

3. A la suite d'un recours urgent, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a pris le 29 décembre 1993, une décision confirmant le refus de séjour motivée comme suit:

«L'intéressé a été entendu le 16 décembre 1993 au siège du Commissariat général, avec l'aide d'un interprète, qui maîtrise le peul.

>>Selon ses dernières déclarations, fils d'un capitaine de l'armée guinéenne impliqué dans la tentative de coup d'Etat de Traore en 1985, le requérant aurait été arrêté à deux reprises le 27 octobre 1992 et le 20 février 1993 lors d'un meeting de Bah Mamadou, Président de l'UNR (Union pour la Nouvelle république) à Forekaria. Emmené à la prison de Conakry, il aurait été jugé et condamné à cinq ans de prison. Ramené à la Sûreté de Conakry le requérant y serait resté jusqu'au 28 août 1993 date à laquelle, profitant de l'inadvertance d'un des gardiens, il aurait réussi à s'échapper. Réfugié chez un de ses clients, ce dernier aurait été prévenir son oncle qui aurait entrepris toutes les démarches nécessaires pour lui permettre de fuir son pays. C'est ainsi qu'il aurait quitté la Guinée le 4 septembre 1993 par avion pour arriver en Belgique le lendemain muni d'un passeport d'emprunt.

»Force est de constater que les différents récits successifs rapportés par l'intéressé sont très approximatifs, peu conséquents et manquent de crédibilité. Ils contiennent en outre une contradiction importante.

»Ainsi, lors de son audition à l'Office des étrangers, il a expliqué qu'il aurait été arrêté le 8 février 1993. Or, au Commissariat général, il affirme qu'il s'agissait du 20 février 1993.

»De plus, l'intéressé demeure très peu crédible lorsqu'il évoque sa participation à ce meeting de Bah Mamadou. En effet, il a précisé à l'Office des étrangers ainsi qu'au Commissariat général ne pas être membre du parti susmentionné. Seule sa mère dès le retour de son leader, se serait affüiée. Or, lors du meeting de février 1993, c'est lui qui assiste au meeting et non sa maman.

»Dans le même temps, il est à noter que lors de l'audition au Commissariat général, il n'a pas été en mesure de donner la signification des initiales du parti auquel il aurait assisté à son meeting.

»De plus, en ce qui concerne l'arrestation de 1992, il a expliqué qu'il aurait été arrêté tantôt le 28 octobre 1992 et incarcéré deux semaines (version donnée dans sa requête formant recours urgent) tantôt le 27 octobre 1992 et incarcéré une semaine (version donnée au Commissariat général).

»Dans ces conditions, il ne peut être accordé foi à ses assertions et par là-même, il n'y a pas lieu de remettre en cause la décision incriminée du refus de séjour.

»De ce qui précède, il ressort que la demande de l'intéressé est frauduleuse et manifestement non fondée, parce que l'étranger n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses in­dications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Par conséquent, le Commissaire général confirme le refus de séjour décidé par le délégué du Ministre de l'intérieur le 9 novembre 1993.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfAT - 1994

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N° 48.729

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

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»Le Commissaire général est d'avis que, dans les circonstances actuelles, l'étranger concerné peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté serait menacée ( ... )».

4. Cette décision a été notifiée le 4 janvier 1994.

Il s'agit de l'acte attaqué.

Considérant que la décision attaquée porte notamment que «le Commissaire général estime qu'il n'y a pas de raison pour déclarer non exécutoire la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement, conformément à l'article 63/5, dernier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, nonobstant tout appel»; que se fondant sur cette déclaration, ainsi que sur les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides oppose à la demande un déclinatoire de la juridiction du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension;

Considérant que les articles 32 et 33 de la loi du 6 mai 1993, qui ont introduit dans la loi du 15 décembre 1980 les dispositions formant respectivement les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de cette loi, ont été annulés par l'arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994 de la Cour d'arbitrage; que, s'appuyant essentiellement sur les dispositions annulées, le déclinatoire ne peut être retenu;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 63/3 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que cet article permet au Commissaire général de confirmer le refus de séjour mais pas de prendre une nouvelle décision autrement motivée, qu'il ne pouvait que constater que la motivation de ! 'annexe 26bis était sommaire et devait décider qu'un examen ultérieur était nécessaire, que dès lors il ne pouvait motiver autrement et complémentairement la décision attaquée,

Considérant que, lorsqu'il statue sur recours urgent en application des articles 63/2, 63/3 et 63/4 de la loi du 15 décembre 1980, le Commissaire général dispose des mêmes pouvoirs que le Ministre de l'intérieur; qu'il peut rejeter, comme étant irrecevables, des demandes manifestement fondées sur des motifs étrangers à l'asile ou des demandes frauduleuses; que, statuant sur la base de l'article 63/2 de la loi précitée, le Commissaire général peut réformer la décision prise par le Ministre, la confirmer pour les mêmes motifs ou la confirmer pour d'autres motifs; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que la loi prévoit que la motivation doit correspondre aux faits et ne peut en aucun cas être une simple motivation d'appréciation subjective, que l'on reproche au requérant de s'être contredit dans des dates lors de ses différentes déclarations alors qu'il conteste avoir donné la date du 8 février 1993 comme étant celle de la première arrestation, qu'il peut s'agir d'une erreur de traduction ou de transcription lors de son audition à !'Office des étrangers, que le requérant a clairement exposé que le meeting avait eu lieu le 27 octobre 1992 et qu'il avait été arrêté le 28 octobre 1992, que le requérant ne connaisse pas le sens français du sigle Bah Mamadou est compréhensible étant donné qu'il est d'expression peule et est illettré, que ce fait est d'autant plus évident que l'intéressé n'est pas membre du parti, que le requérant n'a enfin aucune raison de fournir une explication sur le fait que sa mère, membre du parti, n'a pas assisté au meeting, ·

Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces déposées au dossier que les contradictions dans les différents récits du requérant, telles qu'elles ont été relevées par la partie adverse, sont établies; que le Commissaire général n'a dès lors pas commis d'erreur manifeste d'appréciation; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation des droits de la défense en ce que la motivation de l'acte attaqué se fonde sur des contradictions sur lesquelles il n'a jamais eu l'occasion de s'expliquer;

Considérant que la procédure prévue par les articles 63/2 et 63/3 de la loi du 15 décembre 1980 n'est pas juridictionnelle; que le principe général prescrivant le respect des droits de la défense n'y est pas applicable; que l'audition au Commissariat général a pour but, dans l'intérêt d'une bonne administration et dans celui du demandeur d'asile, d'informer les autorités notamment sur la pertinence et la sincérité des raisons de l'étranger qui demande la qualité de réfugié; qu'imposer au Commissaire général ou à son délégué d'engager avec le candidat un débat sur la cohérence des propos de celui-ci irait à l'encontre de ce but; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un quatrième moyen de la violation de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et de la loi du 15 décembre 1980 prise en application des principes de cette Convention en ce que la loi a précisé de manière claire les conditions d'irrecevabilité des demandes d'asile, que ces conditions supposent une instruction réelle et sérieuse, que les principes énoncés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés imposent que la demande soit examinée <par un personnel qualifié, ayant les connaissances et l'expérience voulue, et capable de comprendre les difficultés et les besoins particuliers du demandeur» alors que la pratique de l'Oflice des étrangers est en contradiction avec ses dispositions et ces principes;

Considérant que la critique contenue dans ce moyen est expressément limitée à la pratique suivie par l'Office des étrangers alors que le recours est dirigé contre la décision du Commissaire général confirmant le refus de séjour décidé par le Ministre de l'intérieur, laquelle se substitue au refus de séjour; que le moyen n'est pas recevable;

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETl'J - 1994

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Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 17 N° 48.729

Considérant que le requérant prend un cinquième moyen de la violation de l'article 63/5 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que le Commissaire général, en employant la formule négative selon laqùelle «il n'y a pas de raisons de déclarer non exécutoire la décision», ne la déclare pas formellement exécutoire;

Considérant que, pour la raison exposée à propos du déclinatoire de la juridiction du Conseil d'Etat, le moyen est irrecevable, à défaut d'intérêt;

Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre à celui-ci de suspendre l'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie en l'espèce, que la demande ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N°" 48.730 et 48.731 ARRETS du 16 août 1994 (XIe Chambre)

GAGNON et CONSORTS JAIME= n° 48.723.

N° 48.732 ARRET du 17 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Geus, président, Leroy, rapporteur, et Messinne, conseillers, et Mme Beeckman de Crayloo, auditeur (avis contraire )1•

S.A FREQUENCE MEDIA (Me Vanderhasselt) c/ Communauté française (Mes Coenraets et Uyttendaele) - Partie intetvenante: AS.B.L. Fréquence Elle (Mme Vmci)

PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Risque de causer un préjudice grave difficilement réparable

1. Le préjudice qui n'a pas sa source dans l'acte attaqué ne peut être retenu. 2. Ne peut être retenu, un préjudice de nature purement pécuniaire et présentant un

caractère aléatoire.

Vu la demande introduite le 16 mai 1994 par la société anonyme Fréquence Media, tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 mars 1994 du gouvernement de la Communauté française relatif au renouvellement de la reconnaissance de radios privées, en ce que cet arrêté, d'une part, accorde à l'association sans but lucratif Fréquence Elle à Bruxelles l'autorisation d'émettre sur la fréquence 104.3 et, d'autre part, refuse implicitement à la !equérante sa reconnaissance en tant que radio privée et ne l'autorisant dès lors pas à avoir recours à l'émission stéréophonique;

Vu la requête introduite le même jour par la même requérante qui demande l'annulation du même acte;

Vu la requête introduite le 15 juillet 1994 par laquelle l'AS.B.L. Fréquence Elle demande à être reçue en qualité de partie intervenante dans la procédure en référé;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le 12 juin 1986, l'AS.B.L. Fréquence Elle est reconnue par un arrêté de l'Exécutif de la Communauté française en qualité de radio privée, et autorisée à émettre sur la fréquence 104.3 Mhz.

2. Le 6 mars 1986, une convention de régie est signée entre la S.A H.M.T. et l'AS.B.L. Fréquence Elle, portant sur la régie publicitaire de la radio animée par l'AS.B.L.

L'AS.B.L. précitée consent à la S.A H.M.T. une «option d'achat» valable pendant 18 mois, portant sur l'acquisition de la dénomination <<Fréquence Elle» et sur la fréquence y afférente.

1 L'avis estimait que l'acte attaqué empêchait la requérante de réaliser son objet social principal et que sa survie même pouvait être compromise.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'IIT/IT - 1994

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N° 48.732

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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Il est, en outre, convenu que dans le cas où la S.A H.M.T. lèverait l'option, elle constituerait une société anonyme ou toute autre forme de société autorisée par la loi.

Le 3 septembre 1987, l'option d'achat est prolongée jusqu'au 15 janvier 1988.

Le 4 septembre 1987, la S.A H.M.T. lève cette option et constitue, en conséquence, la S.A Fréquence Media.

3. Le 23 juin 1988, Marina Vinci, présidente de l'A.S.B.L. Fréquence Elle, confirme à la S.A Fréquence Media qu'est octroyée à cette dernière la concession du temps d'antenne de la radio Fréquence Elle sur 104.3 Mhz, en partage avec la radio Fréquence 1.

4. Le 13 juillet 1988, l'A.S.B.L. Fréquence Elle adresse une lettre au Président de l'Exécutif de la Co=unauté française demandant d'obtenir le transfert de son autorisation d'émettre au profit de la S.A Fréquence Media.

5. Le 17 octobre 1988, le Ministre fait savoir à la S.A H.M.T. que le transfert d'autorisation ne peut intervenir que moyennant un avis préalable du conseil supérieur de l'audiovisuel.

6. Le 21 octobre 1988, le conseil supérieur de l'audiovisuel est saisi de la question.

7. Le 29 novembre 1990, ce conseil émet l'avis n° 86 favorable au transfert des autorisations d'émission de l 'A.S.B.L. Fréquence Elle et de la Radio Fréquence 1 au profit «d'une seule personne morale à créer au départ des personnes morales aujourd'hui titulaires des reconnaissances».

8. Le 22 janvier 1991, le Ministre-Président de !'Exécutif de la Co=unauté française demande des informations relatives au partage du temps de fréquence entre <<Radio Fréquence 1» et <<Radio Fréquence Elle».

9. Le 28 janvier 1991, M. Vinci, à la fois «administrateur directeur>> de la S.A Fréquence Media et Présidente de l'A.S.B.L. Fréquence Elle, écrit au Ministre-Président de la Co=unauté française notamment pour confirmer qu'il y a lieu de reconnaître la S.A Fréquence Media co=e seule détentrice de l'autorisation d'émettre sur la fréquence 104.3 Mhz accordée à Radio Fréquence 1 et Radio Fréquence Elle.

10. Le 21 juin 1991, la S.A Fréquence Media introduit une demande de reconnaissance et d'autorisation d'émission sous la dénomination <<Top Mélodie». Cette demande a pour but de pallier l'absence d'autorisation de cession de la reconnaissance de l'A.S.B.L. Fréquence Elle au profit de la S.A Fréquence Media.

11. Le 16 janvier 1992, la Co=unauté française informe toutes les radios reconnues par arrêtés du 11 décembre 1987 et du 7 janvier 1988, que par arrêté du 24 décembre 1991, !'Exécutif de la Co=unauté française a décidé de proroger jusqu'au 30 juin 1992 leurs reconnaissances. La lettre précitée précise:

«Cette prorogation est motivée par le fait qu'il convient d'éviter un vide juridique alors que la procédure de renouvellement des reconnaissances en cours n'a pu être menée à terme avant les 11 décembre 1991 et 7 janvier 1992».

Cette lettre est notamment adressée à la S.A Fréquence Media.

12. Le 27 février 1992, M. Vinci, «administrateur-délégué» de la S.A Fréquence Media informe le Ministre Président de l'Exécutif de la Co=unauté française qu'à partir du 29 février 1992, le programme Europe 2 sera diffusé par cette société.

Le même courrier est adressé le 2 mars 1992 au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

13. Le 19 mars 1992, ce conseil émet l'avis n° 126, qui concerne globalement l'octroi et le renouvellement de reconnaissances de radios privées. Sans faire aucune allusion expresse aux parties en cause dans le présent litige, il relève «qu'une confusion existe parfois entre la personne morale officiellement détentrice de la reconnaissance -généralement une A.S .B.L. -et la personne morale -généralement une société commerciale -qui gère les activités économiques des radios.» Par ailleurs, dans l'analyse de la demande de renouvellement de la radio «Europe 2», il relève que la demande a été introduite au nom de la S.A Fréquence Media et non des A.S.B.L. d'origine.

14. Le 2 décembre 1993, le conseil supérieur de l'audiovisuel donne son avis n° 154 relatif à la mise en œuvre du plan des fréquences des radios privées et au projet de convention entre le gouvernement et les sociétés de services.

A propos de l'article 35 du décret du 17 juillet 1987 sur l'audiovisuel, qui permet à !'Exécutif de fixer une durée de reconnaissance inférieure à quatre ans, «sauf avis négatif préalable du conseil supérieur de l'audiovisuel qui doit être interrogé», l'avis s'exprime dans les termes suivants:

«( ... ) seules trois radios privées sont actuellement reconnues, et leurs reconnaissances arrivent à échéance le 21 janvier 1995.

»Dès lors, le conseil estime que le gouvernement peut user de la faculté prévue à l'alinéa 2 de l'article 35 du décret pour reconnaître les radios privées jusqu'au 21janvier1995.

»Ainsi l'échéance des reconnaissances serait identique pour l'ensemble des radios privées».

15. Le 19 octobre 1993, Me P. Jeanray, conseil de l'A.S.B.L. Fréquence Elle, écrit au Ministre de l'audiovisuel dans les termes suivants:

RECUEll.. DES ARRETS DU CONSEll.. D'ETAT - 1994

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«Ma mandante est actuellement titulaire de la fréquence 104.3 Mhz à Bruxelles.

»Elle a été reconnue comme radio privée à la Communauté française dès le 12 juin 1986.

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»L 'A.S.B.L. Fréquence Elle craint qu'une confusion se soit introduite dans la demande de renouvellement de l'autorisation d'émettre de l'A.S.B.L. Fréquence Elle.

»Ce serait tout à fait à tort que la demande de renouvellement aurait été introduite au nom de la SA. Fréquence Media le 23 juin 1987.

»Pourriez-vous dès lors vouloir inviter vos services à acter que c'est bien l'A.S.B.L. Fréquence Elle qui est à l'origine de la demande de renouvellement et ce, afin de proroger l'autorisation octroyée initialement le 23 juin 1987?

»( ... )

»Ma mandante profite par ailleurs de la présente pour exprimer sa détermination à rester titulaire de l'autorisation d'émettre qui lui a été octroyée.»

16. Le 27 octobre 1993, Me P. Jeanray écrit à la Communauté française (département de l'audiovisuel) dans les termes suivants:

<<Je souhaiterais pouvoir vous rencontrer( ... ) pour vous faire part du problème qui se pose en ce dossier dans lequel la société H.M.T. et la société Europe 2 Belgique semblent vouloir récupérer et revendiquer sans frais la fréquence pourtant attribuée à ma mandante.»

17. Le 29 décembre 1993, le Gouvernement de la Communauté française prend un arrêté relatif au renouvellement de la reconnaissance de radios privées. Cet arrêté accorde la reconnaissance à 181 radios libres et donne notamment le droit d'émettre sur la fréquence 104.3 Mhz à l'AS.B.L. Fréquence Elle. Ces autorisations sont accordées du 1er février 1994 au 31 janvier 1998.

18. Le 1er février 1994 le Gouvernement de la Communauté française prend un nouvel arrêté modifiant son arrêté du 29 décembre 1993 précité pour reporter le début des autorisations au 28 février 1994.

19. Après l'adoption de l'arrêté du 29 décembre 1993, le Gouvernement de la Communauté flamande fait savoir au Gouvernement de la Communauté française qu'à son avis, l'arrêté du 29 décembre 1993 viole l'article 2 de l'arrêté royal du 10 janvier 1992 réglementant la radio-diffusion sonore en modulation de fréquence dans la bande 87.5 Mbz - 108 Mhz, en vertu duquel «une Communauté qui se propose d'élaborer un plan de fréquences ou d'apporter une modification à son plan de fréquences introduit la demande de coordination auprès de la régie qu~ selon le cas, procède à une coordination avec premièrement les Communautés, deuxièmement la régie des voies aériennes, troisièmement les administrations étrangères».

Le 2 mars 1994, le Gouvernement de la Communauté flamande saisit le comité de concertation de la question.

Lors de la réunion de ce comité, il est convenu que la Communauté française abrogera l'arrêté du 29 décembre 1993 précité, qu'elle soumettra à la régie une demande de coordination et qu'en attendant cette coordination, elle prolongera, à titre provisoire, les reconnaissances dont bénéficiaient les radios situées sur son territoire.

21. Le 7 mars 1994, le même Gouvernement prend un nouvel arrêté aux termes duquel «en attendant les coordinations prévues à l'article 2 del' a"êté royal du 10 janvier 1992 réglementant la radiodiffusion en modulation de fréquence dans la bande 87.5 Mhz - 108 Mhz, les radios reprises à l'annexe du présent arrêté sont provisoirement reconnues et autorisées à avoir recours à l'émission stéréophonique». Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que, par requête introduite le 15 juillet 1994, l'AS.B.L. Fréquence Elle demande à intervenir dans la procédure en référé; qu'il y a lieu d'accueillir cette demande;

Considérant que la requérante invoque à l'appui de la demande de suspension un préjudice qui consiste, en substance, en trois éléments:

- la décision attaquée l'empêche de réaliser son objet social;

- elle l'empêche de diffuser le programme Europe 2, avec cette conséquence que les auditeurs de ce programme en sont privés;

- elle empêche la requérante de procéder à des augmentations de capital prévues avec un partenaire de droit français; elle précise qu'en l'absence de toute sécurité juridique, elle se voit dans l'impossibilité de souscrire des contrats indispensables à sa survie;

Considérant, quant au premier aspect du préjudice allégué, que celui-ci tient à l'impossibilité d'émettre un programme de radio sans disposer de l'autorisation requise; qu'il résulte du dossier que la requérante n'a jamais été bénéficiaire d'une autorisation d'émettre, mais qu'elle a été autorisée, par l'effet de conventions de droit privé, à profiter de l'autorisation accordée à Fréquence Elle; que le transfert d'autorisation de Fréquence Elle vers la requérante n'a jamais été réalisé, de sorte que l'acte attaqué ne met pas fin à une autorisation dont elle aurait bénéficié; que le préjudice que cette situation pourrait être de nature à causer n'a pas sa source dans l'acte attaqué,

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mais dans la dégradation des relations entre la requérante et Fréquence Elle; que l'acte attaqué est une mesure provisoire tendant à régulariser la situation des nombreuses radios libres, sans préjuger du sort qui sera réservé à la demande de transfert introduite le 13 juillet 1988, sur laquelle il n'a toujours pas été statué;

Considérant, quant au deuxième aspect du préjudice allégué, que la requérante n'apporte aucun élément propre à établir sa gravité;

Considérant, quant au troisième aspect du préjudice allégué, qu'il est de nature pécuniaire et présente un caractère aléatoire, étant tributaire d'opérations que la requérante espère mener en vue de l'exploitation de certaines fréquences;

Considérant que, dans la mesure où il est imputable à l'acte attaqué, le préjudice allégué ne peut être tenu pour grave et difficilement réparable;

Considérant qu'une des conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse ordonner la suspension de l'exécution de l'acte attaqué fait défaut; que la demande de suspension ne peut être accuillie,

(La demande en intervention dans la procédure en référé introduite le 15 juillet 1994 par l'association sans but lucratif Fréquence Elle est accueillie - rejet de la demande de suspension de l'exécution de l'acte attaqué).

N° 48.733

ARRET du 17 août 1994 (XIe Chambre) MM. Geus, président, Leroy, rapporteur, et Messinne, conseillers, et Quintin, auditeur1•

GREGOIRE (Me Jerme) c/ Commune de Woluwé-Saint-Lambert (Me Lagasse)

PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Risque de causer un préjudice grave difficilement réparable

1. Les caractères du préjudice doivent être appréciés par le Conseil d'Etat au moment où celui-ci statue.

Il n'y a pas lieu de confirmer une suspension décidée d'extrême urgence lorsque la situation n'est plus la même que celle qui existait au moment où le Conseil d'Etat était saisi en extrême urgence.

2. Un préjudice pécuniaire n'est pas difficilement réparable. 3. En l'espèce, l'acte attaqué n'est plus de nature à causer aux tiers le préjudice relevé

par l'arrêt qui a prononcé la suspension d'extrême urgence.

Vu la demande introduite le 8 juillet 1994 par L. Grégoire, épouse Servaes, tendant à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution de l'arrêté de police du 30 juin 1994 du bourgmestre de la commune de Woluwé-Saint-Lambert interdisant la tenue d'un marché de brocante le deuxième dimanche de chaque mois sur le parking privé du discount alimentaire Profi, 11 rue Abbé de !'Epée à Woluwé-Saint-Lambert;

Vu l'arrêt n° 48.524 du 8 juillet 1994 statuant sur la demande de suspension d'extrême urgence;

Considérant que les faits pertinents de la cause se présentent comme suit:

1. Par lettre du 3 mars 1994, la requérante a introduit auprès du collège des bourgmestre et échevins de la partie adverse une demande d'autorisation d'organiser une brocante mensuelle sur le parking privé du supermarché <<Profi» rue Abbé de !'Epée. Un rapport d'enquête de police, défavorable à cette demande, a été établi le 11 mars 1994, sur la base duquel, le 15 mars, la partie adverse a avisé la requérante de sa décision de refus.

2. Le 20 mars 1994, la requérante a demandé à la partie adverse de revoir sa décision en invoquant l'existence d'une pétition favorable de riverains et en alléguant que le rapport de police avait été rédigé par des policiers habitant la rue concernée; elle communiqua à la partie adverse le 19 avril la pétition signée par 52 personnes, tandis qu'un rapport de police établi le 31 mars affirmait que l'agent auteur de l'enquête n'habitait pas le quartier litigieux.

3. Par lettre du 30 mai 1994, le bourgmestre de Woluwé-Saint-Lambert écrivit ce qui suit à la requérante:

<<Le Collège vous autorise à organiser une brocante sur le parldng du magasin Aldi (sic), rue Abbé de ['Epée, aux conditions suivantes: 1 Selon l'avis, le risque de préjudice grave difficilement réparable était établi mais le requérant n'invoquait pas de moyen sérieux.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'E'œl' - 1994

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»-la brocante pourra être organisée à partir du 2ème dimanche de juille~

>>-elle ne pourra se dérouler que sur les parties privatives, sans débordement sur la chaussée;

>>-le nettoyage des lieux devra être effectué dès la fin de la brocante».

4. Le 28 juin 1994, un nouveau rapport de police a établi:

a) que sur 106 personnes, riverains du supermarché, 64 se sont déclarées hostiles au projet et 17 favorables, alors que, selon le rapport du 11 mars, 42 étaient hostiles et 30 favorables;

b) que les signataires de la pétition produite par la requérante étaient, non des voisins du supermarché en cause, mais des commerçants de l'avenue Georges Henri.

5. Le 30 juin 1994, le bourgmestre prit la décision suivante:

<<Le Bourgmestre,

»Vu les demandes du 3 mars et 20 mars 1994 de Mme L. Grégoire épse S ervaes, 66 bte 3 avenue H. Liebrecht à 1090 Bruxelles d'organiser le deuxième dimanche de chaque mois un marché de la brocante sur le parking privé du discount alimentaire Profi, 11 rue Abbé de ['Epée à Woluwé-Saint-Lambert;

»Vu que le nommé Mathieu Claude, rue des Bataves 49 à 1040 Bruxelles, est coorganisateur;

»Vu les rapports établis par la police communale les 11mars1994, 31mars1994, 28juin1994;

>>Considérant qu'il résulte de ces rapports que l'organisation d'un marché de la brocante à cet endroit occasionnera des problèmes de circulation eu égard au manque d'emplacements de parking;

»Considérant que l'exiguüé du parking où est projetée l'organisation du marché de la brocante perturbera la circulation des piétons et des véhicules sur la voie publique avoisinante;

»Considérant que dans un îlot le rassemblement d'un grand nombre de personnes entraîne immanquablement une forte augmentation du bruit et porte atteinte à la propreté de la voirie par le jet de papiers et d'emballages divers;

>>Considérant que l'enquête de police a démontré l'opposition des riverains à l'organisation d'un marché de la brocante pour les raisons susdites;

»Considéran~ pour les motifs précités, que l'organisation d'un marché de la brocante porte atteinte à la sécurité, tranquillité et salubrité publiques;

»Vu la loi communale notamment l'article 133;

»Vu l'article 1.1 du règlement général de police arrêté par le Conseil communal le 23 mai 1984;

»ARRE'IE:

»Article 1: Est interdit le marché de la brocante organisé par Mme L. Grégoire épse S ervaes, 66 B. 3 avenue H. Liebrecht à 1090 Bruxelles en collaboration avec M. C. Mathieu, rue des Bataves 49 à 1040 Bruxelles, sur le parking privé du discount alimentaire Profi, rue Abbé de ['Epée 11;

»Article 2: La présente décision est notifiée sans retard à Mme Grégoire épse Servaes et à M. Mathieu précités».

Il s'agit de la décision attaquée; elle a été notifiée à la requérante le 5 juillet 1994;

Considérant que, selon l'article 17, § 2, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, «la suspension de l'exécution ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué sont invoqués et à condition que l'exécution immédiate de l'acte ou du règlement risque de causer un préjudice grave difficilement réparable»;

Considérant que les caractères de ce préjudice doivent être appréciés par le Conseil d'Etat au moment où celui-ci statue; qu'à cet égard, la situation n'est plus aujourd'hui la même que celle qui existait au moment où le Conseil d'Etat était saisi en extrême urgence; que le maintien de l'interdiction précitée par le bourgmestre, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond, n'est plus de nature à causer à la requérante un préjudice autre que pécuniaire, lequel n'est pas difficilement réparable, et n'est plus de nature à causer aux tiers le préjudice relevé par l'arrêt n° 48.524 du 8 juillet 1994, dès lors que la requérante dispose désormais du temps nécessaire pour prendre toutes mesures utiles à l'égard des personnes avec lesquelles elle avait pris des engagements;

Considérant que l'une des conditions prévues par l'article 17, § 2, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit ordonnée la suspension de l'acte attaqué fait donc désormais défaut,

(La suspension provisoire décidée par l'arrêt n° 48.524 du 8 juillet 1994 n'est pas confirmée - rejet de la demande de suspension de l'acte attaqué.)

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL n•EfM - 1994

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N° 48.734

N° 48.734 ARRET du 17 août 1994 (XIe Chambre)

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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LALLEMAND: demande de suspension de justifiant pas de la gravité du préjudice.

N° 48.735 ARRET du 17 août 1994 (Président de la me Chambre des vacations)

M. Geus, président, et Mme Dagnelie, premier auditeur.

JACQUERYE et consorts (Me Lagasse) c/ Institut d'expertise vétérinaire «I.E.V.» (Mes Coenraets et Bourtembourg)

AGENTS DE L'INSTITUT D'EXPERTISE VETERINAIRE - Experts

1. Il ressort de l'article 2 de l'arrêté royal du 4 juillet 1986 que les vétérinaires qui étaient versés dans la réserve de recrutement et étaient chargés de mission avant le 1er juillet 1986 ont, pour l'attribution de missions, priorité sur un vétérinaire qui n'est pas versé dans la réserve de recrutement et qui n'a été chargé de mission qu'après cette date.

2. Il ressort de l'article 36, § 2, de la loi du 13 juillet 1981 que les vétérinaires versés dans la réserve de recrutement ont, pour la nomination à un emploi vacant, priorité sur un vétérinaire qui n'est pas versé dans la réserve de recrutement.

3. Il ressort de l'article 1er, 1°, de l'arrêté royal du 4 juillet 1986 que les vétérinaires versés dans la réserve de recrutement peuvent être chargés de missions particulières.

Vu la requête introduite le 30 juin 1994 par Ernest Jacquerye, Josy Arendt et Jean-Louis Dussard qui demandent l'annulation de «la décision de la partie adverse, de date inconnue, de désigner à temps plein au sein de la cellule <<résidus» de l'administration des services d'inspection pour les provinces de Liège et du Luxembourg de l'I.E. V., un médecin-vétérinaire qui n'est pas versé dans la réserve de recrutement, le Docteur Martine Jouret en remplacement d'un fonctionnaire-expert occupant jusqu'alors cet emploi prévu au cadre et récemment décédé»;

Vu la demande introduite le même jour par les mêmes requérants tendant à la suspension de l'exécution de l'acte attaqué;

Considérant que l'article 36 de la loi du 13 juillet 1981 portant création d'un Institut d'expertise vétérinaire dispose comme suit:

«§ 1er. Les experts dans les abattoirs, les abattoirs de volailles et les minques, ainsi que les vétérinaires de contrôle à l'importation, qui ont cette qualité au moment de la publication de la présente loi, sont nommés, à leur demande, à un emploi d'expert vacant au cadre de l'Institut ou versés dans une réserve de recrutement, selon les modalités fixées par le Roi.

»Le Roi fixe la nature, le volume et la durée des prestations qui peuvent être prises en considération pour la fixation de leur carrière administrative et pécuniaire.

»Il détennine les délais d'introduction des candidatures visées par le présent article.

»§ 2. Dès qu'un emploi d'expert visé au paragraphe précédent devient vacant, le Roi y nomme un candidat inscrit dans la réserve de recrutement, selon les modalités qu 'Il fixe.

»§ 3. Le ministre qui a la santé publique dans ses attributions peut charger les candidats inscrits dans la réserve de recrutement d'une mission particulière dans le cadre de l'exécution des lois précitées du 5 septembre 1952 et du 15 avril 1965, dans les conditions fixées par le Roi»;

que l'article 8 de la loi porte que:

«L'Institut peut acquérir ou louer l'équipement et les installations nécessaires et s'assurer tous les autres concours pour lui permettre d'exécuter sa mission ( ... )»;

Considérant qu'en exécution de l'article 36, § 1er, de la loi du 13juillet1981, le Roi a pris, le 14 juin 1985, un arrêté déterminant notamment les modalités de la nomination et de l'inscription dans la réserve de recrutement de certains experts à l'Institut d'expertise vétérinaire; qu'en application de cet arrêté, les experts vétérinaires de

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contrôle qui avaient cette qualité au 15 septembre 1981 ont été classés en vue de leur nomination à l'Institut ou de leur inscription dans la réserve de recrutement; que la liste des médecins vétérinaires versés dans ladite réserve a été publiée au Moniteur belge du 25 février 1987; qu'Ernest Jacquerye, Josy Arendt et Jean-Louis Dussard sont classés respectivement 108°, 72° et 78°; que, se fondant sur l'article 8 de la loi, le Roi a pris, le 4 juillet 1986, un arrêté fixant les conditions dans lesquelles les médecins vétérinaires peuvent être chargés de missions auprès de l'Institut; que l'article 2 de cet arrêté est rédigé comme suit

<<Lors de missions confiées conformément au présent arrêté, il est fait appel par priorité à des médecins vétérinaires qui avant le zer juillet 1986 étaient chargés d'une mission dans le cadre de l'exécution des lois du 5 septembre 1952 relatives à l'expertise et au commerce des viandes, et du 15 avril 1965 concernant l'expertise et le commerce de poisson, des volailles, des lapins et du gibier, et modifiant la loi du 5 septembre 1952 ( ... )»;

Considérant que le 4 février 1994, l'inspecteur général Van Boxstael a notifié aux inspecteurs-experts et aux chargés de missions la vacance de deux emplois à la cellule «résidus» pour les régions de Liège, Verviers et Libramont, précisant no1amment ce qui suit:

«Afin de remplacer ces deux fonctionnaires-experts ( ... ), je préfère pouvoir désigner deux fonctionnaires (ou un fonctionnaire et un chargé de missions) volontaires et motivés»;

que les requérants ont posé leur candidature respectivement les 9, 12 et 19 février 1994; que Martine Jouret a introduit sa candidature le 9 février 1994;

Considérant que la décision de choisir Martine Jouret a été prise par le Ministre de la Santé publique, de l'Environnement et de l'intégration sociale dans les termes suivants: «Gelieve Dr. MartineJouret aan te stellen»; qu'en ce qui concerne l'acte attaqué, le dossier administratif ne contient d'autre pièce pertinente que la télécopie envoyée à Martine Jouret et qui porte que:

<<l'ai le plaisir de vous informer par la présente que votre candidature au sein des équipes hormones a pu être retenue»;

Considérant que la partie adverse conteste la portée qu'attribuent les requérants à l'acte attaqué; qu'elle s'exprime en ces termes:

<<Les requérants se méprennent sur la portée de l'acte attaqué. Il ne s'agit, nullement, d'une nomination d'un agent à un emploi vacant au cadre de l'Institut d'expertise vétérinaire mais bien d'une désignation d'un collaborateur du service public en vue d'exécuter une mission. Le docteur J ouret était déjà chargé de missions à ['JE.V. depuis 1990 et sa mission se trouve modifiée»;

Considérant, au vu du dossier administratif, que l'interprétation de la partie adverse peut être admise;

Considérant que les requérants prennent no1amment un moyen de la violation de l'arrêté royal du 4 juillet 1986 fixant les conditions dans lesquelles des médecins vétérinaires peuvent être chargés de missions auprès de l'I.E.V.; qu'ils soutiennent que la partie adverse a méconnu la priorité qu'ils avaient vis-à-vis de Martine Jouret;

Considérant que les requérants affirment, d'une part, qu'ils étaient versés dans la réserve de recrutement et, d'autre part, qu'ils étaient chargés de missions avant le 1"' juillet 1986; que la partie adverse n'a nullement contesté ces assertions; que l'acte de candidature de Martine Jouret confirme qu'elle n'a été chargée de missions qu'à partir de 1990; qu'elle ne fait pas partie de la réserve de recrutement; qu'en lui attribuant une mission, la partie adverse a méconnu le droit de priorité que les requérants puisent dans l'article 2 de l'arrêté royal du 4 juillet 1986 précité; qu'il en aurait été de même si la partie adverse avait pourvu à un emploi vacant du cadre, en vertu de l'article 36, § 2, de la loi du 13 juillet 1981, ou si elle avait attribué une mission particulière, eu égard à l'article 1"', 1°, de l'arrêté royal du 4 juillet 1986 fixant les conditions dans lesquelles les médecins vétérinaires versés dans la réserve de recrutement de l'I.E.V. peuvent être chargés de missions particulières; que le moyen est manifestement fondé au sens de l'article 94 du règlement de procédure;

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'examiner l'autre moyen de la requête qui, à le supposer fondé, ne procurerait pas une annulation plus étendue;

Considérant que la demande de suspension a perdu son objet,

(Annulation de la décision de l'Institut d'expertise vétérinaire, de date inconnue, de désigner à temps plein au sein de la cellule «résidus» de l'administration des services d'inspection pour les provinces de Liège et du Luxembourg de l'I.E.V. - Non lieu de statuer sur la demande de suspension - dépens à charge de la partie adverse).

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfM - 1994

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N° 48.736

N° 48.736

ARRET du 19 août 1994 (XIe Chambre)

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

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MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Jaumotte, auditeur.

LALIT (Me Berten) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commis­saire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 à 3) Il. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante

- Motivation par référence - Référence à des avis ou propositions - Avis connu du requérant (1) m. CONVENTIONS INTERNATIONALES -1° Convention de sauvegarde des droits de l'homme

et des libertés fondamentales (3); - 2° Pacte international relatif aux droits civils et politiques (3)

1. La décision de rejet d'une demande urgente de réexamen est suffisamment motivée par la référence à l'avis défavorable du commissaire général aux réfagiés et aux apatrides (qui lui est annexé et) que le ministre est tenu de suivre en vertu de l'article 63/3, § 2, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 modifié par la loi du 18 juillet 1991.

2. Les pays contractants à la Convention de Genève disposent d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer la procédure à appliquer pour reconnaître à une per­sonne déterminée la qualité de réfagié, notamment en ce qui concerne l'organisation d'une procédure d'examen de la demande d'asile.

Le législateur belge a prévu la possibilité d'écarter au stade de la recevabilité, une de­mande d'asile sur la base de certains cri"tères définis par l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980, notamment lorsqu'elle est fondée sur des motifs étrangers à l'asile, en particulier parce qu'elle est frauduleuse ou parce qu'elle ne se rattache ni aux critères prévus par l'article 1er, A (2), de la Convention de Genève, ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile.

3. La décision de rejet d'une demande urgente de réexamen ne statue ni sur le bien­fondé d'une accusation en matière pénale ni sur les droits civils de l'étranger. Elle ne tombe sous l'application ni de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. ·

Vu la demande introduite le 15 décembre 1992 par Kumar Lalit, de nationalité indienne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifiée le 4 décembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent co=e suit:

1. Le requérant s'est déclaré candidat réfugié le 13 septembre 1991.

2. Une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire lui a été notifiée le 27 juillet 1992.

3. A la suite d'une demande urgente de réexamen, le Co=issaire général aux réfugiés et aux apatrides a donné, le 14 septembre 1992, l'avis défavorable suivant:

<<L'intéressé a été entendu le 17 août 1992 avec l'aide d'un interprète.

»Il déclare n'être membre d'aucun parti mais avoir hébergé des membres du «Khalistan Co=ando Force» (KCF) (il aurait ignoré leur appartenance à ce parti). Pour ce motif, la police se serait rendue, début 1991, à son domicile et aurait arrêté son frère. Celui-ci serait décédé peu après. Afin d'obtenir un certificat de décès de la police, l'intéressé s'y serait présenté à trois reprises. Il y aurait été maltraité, détenu plusieurs heures et menacé de mort en cas d'insistance. La police le recherchant, il serait parti en mai dans ['Uttar Pradesh où il aurait séjourné jusqu'à la date de son départ, le 13 septembre 1991.

»Certaines contradictions apparaissent au cours des récits successifs de l'intéressé. Elles concernent la date des faits (11, 15 et 18 janvier 1991, selon ses déclarations à ['Office des étrangers; 1, 2 ou 3, 15et18 février 1991 selon ses propos au CGRA) et celle de son départ pour ['Uttar Pradesh (mars 1991; mai 1991).

»Par ailleurs, les faits relatés datent de février 1991. Or, ce n'est qu'en septembre que l'intéressé se décide à quitter son pays, ce qui ne permet pas de croire à la gravité des menaces encourues. Cette affirmation se trouve

RECUEIL DES ARREI"S DU CONSEIL D"ETM - 1994

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renforcée par le fait que l'intéressé a vécu quatre mois dans ['Uttar Pradesh sans rencontrer de difficultés. On ne peut comprendre, dès lors, pourquoi il a ressenti la nécessité de gagner un pays tiers à cette date.

»En conséquence, le Commissaire général émet un avis défavorable au séjour de l'intéressé. Il considère en outre que dans les circonstances actuelles, l'intéressé peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie ou sa liberté serait menacée.»

4. Le 4 décembre 1992, la première partie adverse lui a notifié une décision de rejet de sa demande urgente de réexamen en se référant expressément à l'avis négatif précité.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que, première branche, la décision attaquée ne contient pas elle-même ses motifs mais fait référence à l'avis du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides qui lui est annexé, en ce que, deuxième branche, la loi dispose que la motivation consiste en l'énoncé des éléments de droit et de fait, alors que l'avis rapporté en annexe de la décision ne comporte aucun moyen de droit, mais uniquement une appréciation arbitraire des éléments de fait, en ce que, troisième branche, ne peut être considéré comme adéquat un motif qui fait état de divergences minimes dans des dates alors que les faits se sont passés plus d'un an auparavant en que le requérant n'a pas eu l'occasion de s'expliquer sur ces éventuelles divergences ni de préciser son souvenir, que la motivation selon laquelle la décision d'exil est intervenue quatre mois après les faits et qu'il a vécu dans !'Uttar Pradesh sans rencontrer de difficultés ne peut être considérée comme adéquate, qu'en effet, il est normal qu'une personne hésite avant de prendre la décision d'exil, que, ne faisant pas partie d'un parti ou d'un mouvement, il n'a pas été aidé pour émigrer, qu'enfin, il a vécu clandestinement en Uttar Pradesh ce qui explique qu'il n'a pas eu de problème;

Considérant, sur la première branche, que la décision de rejet de la demande urgente de réexamen est suffisamment motivée par la référence à l'avis défavorable du 14 septembre 1992; que la première partie adverse était tenue de suivre en vertu de l'article 63/3, § 2, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, tel qu'il était en vigueur avant sa modification par la loi du 6 mai 1993, c'est-à-dire tel qu'il procédait de la loi du 18 juillet 1991, article 12;

Considérant, sur la deuxième branche, que, contrairement à ce qu'affirme la demande, la seconde partie adverse a pu considérer que des contradictions apparaissaient au cours des récits du requérant et que l'on ne peut, en raison des circonstances de fait, ni croire à la gravité des menaces encourues ni comprendre pourquoi le requérant a ressenti, alors qu'il avait passé quatre mois dans une région de l'Inde sans rencontrer de difficultés, la nécessité de gagner un pays tiers plusieurs mois après les faits; que le Commissaire général a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que la demande était manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile;

Considérant, sur la troisième branche, que, contrairement à ce qu'affirme le requérant, les contradictions retenues ne sont pas de minimes divergences dans les dates mais portent sur des différences de mois et se situent à trois moments des récits (la venue de la police et le décès de son frère, son arrestation lors de son second passage à la police, le mois au cours duquel il est parti se cacher chez son frère dans une autre région de l'Inde); qu'en outre il apparaît des notes d'audition au Commissariat général que le requérant a bien été amené à préciser ses souvenirs en la matière; que le moyen n'est sérieux en aucune de ses trois branches;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation des principes de la Convention de Genève et un troisième moyen de la violation de l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en ce que la Convention précitée doit s'entendre avec l'ensemble de ses annexes et notamment avec les principes énoncés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés comme guide des procédures et critères de reconnaissance de la qualité de réfugié de sorte qu'une collaboration étroite doit s'instituer entre le candidat réfugié et son interrogateur dans le cadre de l'administration de la preuve de la qualité de réfugié dudit candidat, que l'article 52 ne peut s'appliquer que si la demande est manifestement frauduleuse ou si elle est manifestement fondée sur des motifs étrangers aux critères de la Convention de Genève alors qu'en l'espèce, le requérant affirme avoir été persécuté, battu et menacé de mort par la police pour avoir osé demander des explications quant à la mort brutale de son frère, que ce fait relève bien de la Convention de Genève;

Considérant, sur les deux moyens réunis, que les Etats contractants à la Convention de Genève disposent d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer la procédure à appliquer pour reconnaître à une personne déterminée la qualité de réfugié, notamment en ce qui concerne l'organisation d'une procédure d'examen de la demande d'asile; que le législateur belge a prévu la possibilité d'écarter, au stade de la recevabilité, une demande d'asile sur la base de certains critères définis par l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980, notamment lorsqu'elle est fondée sur des motifs étrangers à l'asile, en particulier parce qu'elle est frauduleuse ou parce qu'elle ne se rattache ni aux critères prévus par l'article 1er, A (2), de la Convention de Genève, ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile; que, comme il ressort de l'exposé des faits et de l'examen du premier moyen, les parties adverses ont pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que tel était le cas en l'espèce; qu'aucun des deux moyens n'est sérieux;

Considérant que le requérant prend un quatrième moyen de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 14 du pacte international de New-York relatif aux droits, civils

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfM - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

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et politiques en ce que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un juge compétent alors qu'en l'espèce «un simple fonctionnaire prend une décision administrative sans recours et sans possibilité de contradiction réelle, en fait sans instruction et sans aucune garantie de procédure»;

Considérant que la décision attaquée ne statue ni sur le bien-fondé d~une accusation en matière pénale ni sur les droits civils du requérant; qu'aucune des dispositions visées au moyen ne lui est applicable; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que la première condition pour que la suspension de l'exécution de l'acte attaqué puisse être prononcée n'est pas remplie,

(Rejet de la demande de suspension).

N° 48.737

ARRET du 19 août 1994 (XIe Chambre) MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Mme Beeckman de Crayloo, auditeur adjoint.

DIANNE (Me Berten) c/ Commissaire général aux réfugiés et apatrides (M. Bernard)

1 et II. (voir n° 48.725, 1 et II, n° 1) m. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

1. Le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides dispose du pouvoir de confir­mer la décision de refus de séjour. Ce pouvoir implique celui d'examiner la demande d'asile et de prendre une nouvelle décision qui se substitue à la décision confirmée.

2. Le moyen critiquant une pratique suivie par !'Office des étrangers est sans pertinence à l'appui du recours en annulation d'une décision du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

Vu la demande introduite le 16 mars 1994 par Mohamed Dianne, de nationalité guinéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision prise le 28 février 1994 par laquelle le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a confirmé le refus de séjour décidé par le délégué du Ministre de ) 'Intérieur le 22 décembre 1993;

Vu la requête introduite simultanément par la même requérante qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le 13 juillet 1993, le requérant s'est déclaré candidat réfugié;

2. Le 22 décembre 1993, il a fait l'objet d'une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire (annexe 26bis );

3. A la suite du recours urgent introduit le 23 décembre 1993, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a pris le 28 février 1994, une décision confirmant le refus de séjour, motivée comme suit:

«L'intéressé a été entendu le 21 février 1993 au siège du Commissariat général.

>>Selon ses dernières déclarations, l'intéressé ainsi que son frère se seraient opposés à l'expropriation en 1989 des terres qu'ils auraient héritées de leur père, un inspecteur envoyé par le gouvernement y ayant découvert de l'or. Suite à cela son frère aurait été tué et le requérant serait parti habiter à Conakry. Lors de la campagne électorale, il aurait soutenu le président de l'UNR (Union pour la Nouvelle république) qui serait originaire du même village que sa maman et le 25 mai 1993 il aurait été arrêté suite à sa participation à une manifestation. Il aurait été détenu à la Sûreté à Conakry jusqu'au 8 juillet 1993, date à laquelle il se serait évadé grâce à l'aide d'un commandant. Le lendemain il aurait embarqué dans un avion en direction de la Belgique.

»Force est de constater que les différents récits successifs produits par le requérant sont imprécis, peu consistants et manquent de crédibilité. Ils contiennent en effet des invraisemblances.

»Ainsi, il invoque des faits pour lesquels il ne peut donner aucune explication précise et détaillée, ce qui entame sérieusement le crédit que l'on peut accorder à ses allégations.

>~insi notammen~ il a prétendu être membre de l'UNR depuis 1900 mais ne peut fournir aucune explication circonstanciée quant à ce parti. Il ne peut citer le nom des personnalités importantes composant ce parti ni en définir les principaux objectifs ce qui apparaît invraisemblable dans le chef d'un militant.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETPU - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798 Page 27 N° 48.737

»En outre, il n'a pas été plus précis quant à son emprisonnement qui aurait duré un mois et demi environ n'en détaillant le lieu et les conditions que de manière très lacunaire ce qui entache la crédibilité de cette détention. De même, il n'a pas été plus précis en ce qui concerne les circonstances de son arrestation.

»Dans ces conditions, il ne peut être ajouté foi à ses déclarations.

»De ce qui précède, il ressort que la demande de l'intéressé est manifestement non fondée, parce que l'étranger n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Par conséquen~ le Commissaire général confirme le refus de séjour décidé par le délégué du Ministre de l'intérieur le 22 décembre 1993.

»Le Commissaire général est d'avis que, dans les circonstances actuelles, l'étranger concerné peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté serait menacée».

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que se fondant sur la phrase finale de sa décision, ainsi que sur les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides oppose à la demande un déclinatoire de juridiction du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension;

Considérant que les articles 32 et 33 de la loi du 6 mai 1993, qui ont introduit dans la loi du 15 décembre 1980 les dispositions formant respectivement les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de cette loi, ont été annulés par l'arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994 de la Cour d'arbitrage; que, s'appuyant essentiellement sur les dispositions annulées, le déclinatoire ne peut être retenu;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 63/3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce que cet article permet au Commissaire général de confirmer le refus de séjour, mais non de prendre une nouvelle décision autrement motivée, qu'en l'espèce, le Commissaire général ne pouvait que constater la motivation sommaire de · l'annexe 26bis et ne pouvait dès lors confirmer ladite décision;

Considérant que le Commissaire général dispose du pouvoir de confirmer la décision de refus de séjour; que ce pouvoir implique celui d'examiner la demande d'asile et de prendre une nouvelle décision qui se substitue à la décision confirmée; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que la motivation doit correspondre aux fails et ne peut en aucun cas être une simple motivation d'appréciation subjective, que le requérant soutient «avoir donné un récit détaillé et constant des motifs qui l'ont conduit à quitter son pays, qu'il produit à l'appui de sa demande un mandat d'arrêt pris à sa charge le 1er août 1993, qu'il démontre ainsi que sa sécurité n'est pas assurée, que l'exécution de l'ordre de quitter le territoire le conduirait directement en prison, que dès lors la motivation de la décision attaquée est inadéquate et ne prend pas en considération les éléments précis du cas d'espèce»;

Considérant qu'il ressort de l'examen du dossier administratif que la motivation de la décision contestée est adéquate; que les diverses imprécisions relevées par le Commissaire général apparaissent effectivement dans les déclarations du requérant; que le mandat d'arrêt du 1er a011t 1993 n'a pas été produit avant que le Commissaire général prenne la décision contestée; que lors de son audition au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides il y a seulement fait allusion; qu'en outre, ce mandat d'arrêt concerne une inculpation de détournement de 250.000.000 F.G au préjudice de l'Etat guinéen, commis le 10 mars 1992, ce qui ne paraît avoir aucun rapport avec les récits du requérant non plus qu'avec la Convention de Genève; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation de la Convention de Genève et de l'économie de la loi du 15 décembre 1980 en ce que, si la Convention de Genève a donné une large autonomie aux Etats signataires en vue de préciser les conditions de recevabilité des demandes d'asile, ces demandes doivent cependant être instruites objectivement et correctement, que le Haut Commissariat aux réfugiés a donné des instructions dans le guide des procédures à appliquer pour la détermination du statut des réfugiés, que la pratique de l'Office des étrangers est en contradiction tant avec la Convention de Genève qu'avec la loi du 15 décembre 1980;

Considérant que la critique contenue dans ce moyen est expressément limitée à la pratique suivie par ! 'Office des étrangers alors que le recours est dirigé contre la décision du Commissaire général confirmant le refus de séjour décidé par le Ministre de l'intérieur, laquelle se substitue au refus de séjour; que le moyen n'est pas recevable;

Considérant que le requérant prend un quatrième moyen de la violation de l'article 63/5 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que «le Commissaire général refuse de se prononcer formellement par décision motivée sur le caractère exécutoire de sa décision, ce qui non seulement enlève tout caractère exécutoire à cette décision, mais l'invalide complètement»;

Considérant que, pour la raison exposée à propos du déclinatoire de la juridiction du Conseil d'Etat, le moyen est irrecevable, à défaut d'intérêt;

RECUEIL DES ARRIITS DU CONSEIL D'EfiIT - 1994

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N° 48.737

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre à celui-ci de suspendre l'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie en l'espèce; que la demande de suspension ne peut donc être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N° 48.738 ARRET du 19 août 1994 (XIe Chambre)

HERVAIL = n° 48.728.

N°" 48.739 et 48.740 ARRETS du 19 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Mme Beeckman de Crayloo, auditeur adjoint.

n° 48.739 - RASHID MINHAS (Mes Berten et Talha) n° 48.740 - BALJIT (Me Herten)

c/ Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M. Bernard)

1 et II. (voir n° 48.725, 1 et II, n° 1) (nos 48.739 et 48.740)

m. (voir n° 48.737, m) (nos 48.739 et 48.740)

N° 48.739 Vu la demande introduite le 10 mars 1994 par Rashid Minhas, de nationalité pakistanaise, qui tend à la

suspension de l'exécution de la décision prise le 2 février 1994 par laquelle le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a confirmé le refus de séjour;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le requérant s'est déclaré candidat réfugié le 18 octobre 1993.

2. Le même jour, il a fait l'objet d'une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire (annexe 26bis ).

3. A la suite d'un recours urgent, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a pris le 2 février 1994, une décision confirmant le refus de séjour, motivée comme suit:

«L'intéressé a été entendu le 16décembre1993 au siège du Commissariat général avec l'aide d'un interprète qui maîtrise l'urdu.

»L'intéressé a déclaré qu'il aurait fui le Pakistan pas désillusion face à l'avenir. En effet, son village natal aurait été incendié en juin 1993 par des troupes de l'armée indienne ayant franchi la frontière cachemirie. Réfugié dans un camp de victimes du Cachemire à Islamabad, il aurait finalement décidé de quitter son pays.

»A supposer ces faits établis, il ressort clairement que les agents de persécution ne sont pas les autorités pakistanaises ou un quelconque groupe cautionné par celles-ci. Rien ne permet d'affirmer que l'intéressé n'aurait pu obtenir la protection de ses instances nationales.

»Par ailleurs, les problèmes évoqués par le requérant ont un caractère local. Il avait, dès lors, la possibilité de s'installer dans une autre région du Pakistan s'il craignait pour sa vie au Cachemire.

»De ce qui précède, il ressort que la demande de l'intéressé est manifestement non fondée, parce que l'étranger n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Par conséquent, le Commissaire général confirme le refus de séjour décidé par le délégué du Ministre de l'intérieur le 18 octobre 1993.

»Le Commissaire général est d'avis que, dans les circonstances actuelles, l'étranger concerné peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D"ETPJ - 1994

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Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 29 N° 48.739

serait menacée. En outre, le Commissaire général estime qu'il n'y a pas de raisons pour déclarer la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement non exécutoires nonobstant tout recours. Conformément à l'art. 63/5, dernier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, la décision contestée et la mesure d'éloignement sont par conséquent exécutoires».

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que se fondant sur la phrase finale de sa décision, ainsi que sur les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides oppose à la demande un déclinatoire de juridiction du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension;

Considérant que les articles 32 et 33 de la loi du 6 mai 1993, qui ont introduit dans la loi du 15 décembre 1980 les dispositions formant respectivement les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de cette loi, ont été annulés par l'arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994 de la Cour d'arbitrage; que, s'appuyant essentiellement sur les dispositions annulées, le déclinatoire ne peut être retenu;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 63/5 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce que si cette disposition permet au Commissaire général de confirmer le refus de séjour et de vérifier le fondement de la décision du délégué du Ministre, elle ne l'autorise pas à prendre une nouvelle décision autrement motivée;

Considérant que le Commissaire général dispose du pouvoir de confirmer la décision de refus de séjour; que ce pouvoir implique celui d'examiner la demande d'asile et de prendre une nouvelle décision qui se substitue à la décision confirmée; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que la motivation doit correspondre aux failli et ne peut en aucun cas être une simple motivation d'appréciation subjective, que le requérant a fui une région qui a connu de graves failli de guerre qui ont abouti à la mort de nombreux civils, que les pièces qu'il dépose démontrent la véracité des faits de persécution dont il a fait l'objet, qu'en plus de l'attestation de son conseil, le requérant produit une attestation du maire du village et du conseil municipal de Mirpur, démontrant à suffisance les faits invoqués par le requérant, que dès lors, le refus de recevabilité de la demande sans aucune instruction au fond est illégal;

Considérant que la décision attaquée ne conteste pas la réalité des troubles survenus dans le village du requérant, mais est motivée par le fait que les agents de persécution ne sont pas les autorités pakistanaises et que rien ne permet d'affirmer que l'intéressé n'aurait pu obtenir la protection ne ses autorités nationales; que cette motivation est adéquate par rapport aux récits du requérant à !'Office des étrangers et au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation de la Convention de Genève et de l'économie de la loi du 15 décembre 1980 en ce que, si ladite Convention a donné une large autonomie aux Etats signataires en vue de préciser les conditions de recevabilité des demandes d'asile, ces demandes doivent cependant être instruites objectivement et correctement; que le Haut commissariat aux réfugiés a donné des instructions dans le guide des procédures à appliquer pour la détermination du statut des réfugiés; que la pratique de )'Office des étrangers est en contradiction tant avec la Convention de Genève qu'avec la loi du 15 décembre 1980;

Considérant que la critique contenue dans ce moyen est expressément limitée à la pratique suivie par !'Office des étrangers alors que le recours est dirigé contre la décision du Commissaire général confirmant le refus de séjour décidé par le Ministre de l'intérieur, laquelle se substitue au refus de séjour; que le moyen n'est pas recevable;

Considérant que le requérant prend un quatrième moyen de la violation de l'article 63/5 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que «le Commissaire général refuse de se prononcer formellement par décision motivée sur le caractère exécutoire de sa décision, ce qui non seulement enlève tout caractère exécutoire à cette décision, mais l'invalide complètement»;

Considérant que, pour la raison exposée a propos du déclinatoire de la juridiction du Conseil d'Etat, le moyen est irrecevable, à défaut d'intérêt;

Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre à celui-ci de suspendre l'exécution d'acte administratif n'est pas remplie en l'espèce; que la demande de suspension ne peut donc être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

* * * L'arrêt n° 48.740 est en substance identique au n° 48.739.

RECUEIL DES ARRHfS DU CONSEIL D'EfM - 1994

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N° 48.741

N° 48.741

ARRET du 19 août 1994 (XP Chambre)

OWUSU ASANTE = n° 48.728.

N°" 48.742 et 48.743

ARRETS du 19 août 1994 (XIe Chambre)

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

Page 30

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Nihoul, auditeur.

n° 48.742 - ZARIOUH n° 48.743 - HAMOUDAN (M"" Blanmailland et Walleyn)

c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur (Mes François et Scarcez)

I. ETRANGERS - Police des étrangers - Séjour de plus de trois mois - Droit à l'autorisation (1 à 4) II. CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de sauvegarde des droits de l'homme et

des libertés fondamentales (2 et 4)

m. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante - Motivation par référence - Référence à la législation applicable (3)

1. Paraissent en l'espèce sérieux, les moyens critiquant la motivation selon laquelle le mariage de l'étranger avec une personne autorisée au séjour serait fictif (n° 48.742).

2. Par l'effet de l'annulation de son mariage avec un Belge, une étrangère est censée n'avoir jamais épousé un Belge, donc n'avoir jamais acquis la nationalité belge.

En lui ordonnant de quitter le territoire, le ministre ne viole pas l'article 3 du We Pro­tocole de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (n° 48.743).

3. L'ordre de quitter le territoire est suffisamment motivé en droit par référence à l'article 7, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 et en fait par la constatation que l'étrangère demeure dans le Royaume sans y être autorisée (n° 48.743).

4. Le moyen pris de la violation de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas sérieux, nonobstant la durée du séjour de l'intéressée dans le Royaume, lorsque c'est en raison de sa propre attitude, notamment pour n'y avoir jamais résidé de manière légale, qu'elle se trouve contrainte de rompre ses attaches avec les siens (n° 48.743).

N° 48.742 Vu la demande introduite le 10 décembre 1992 par Hamid Zariouh, de nationalité marocaine, qui tend à la

suspension de l'exécution de l'ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifié le 13 novembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le requérant, de nationalité marocaine, a contracté mariage en date du 1er mai 1988 avec Mademoiselle Yamina Zeriooh, de nationalité marocaine également mais autorisée au séjour en Belgique. Ce mariage a eu lieu au Maroc sur production de procurations émanant tant de la future épouse que du père de celle-ci.

2. Le 22 septembre 1988, l'ambassade de Belgique à Rabat adressa à l'office des Etrangers une demande émanant du requérant en vue de bénéficier du regroupement familial.

3. Le requérant s'est présenté à l'administration communale de Verviers le 18 avril 1989 et s'est vu délivrer l'attestation prévue par l'article 26 de l'arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement ou l'éloignement des étrangers. Cette attestation était valable jusqu'au 18 juillet 1989.

RECUEIL DES ARREI'S DU CONSEIL D'ETM - 1994

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Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 31 N° 48.742

4. Le 21 juin 1989, la Co=une de Verviers faisait savoir au Ministre de la Justice que le requérant ne résidait plus chez son épouse et qu'il n'y avait jamais eu de vie co=une.

5. Par courrier de son conseil du 6 novembre 1989, l'épouse du requérant fit savoir à Monsieur le Procureur du Roi de Verviers que son mariage avec le requérant était fictif et avait en réalité pour seul but de violer la loi belge sur le statut et le séjour des étrangers.

Dans l'attente d'une décision du Ministre de la Justice, la co=une de Verviers proprogea de mois en mois l'attestation annexe 15bis dont le requérant était titulaire.

6. Le 4 juillet 1990, le Ministre de la Justice prit une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire en application de l'article 26 de l'arrêté royal du 8 octobre 1981. Cette décision est motivée co=e suit

«Ne peut bénéficier du séjour dans le cadre du regroupement familial car ne cohabite pas avec son épouse».

Cette décision fut notifiée au requérant le 16 juillet 1991.

7. Le requérant introduisit une demande de révision de cette décision auprès du Ministre de la Justice. Le 30 septembre 1991, Monsieur le procureur du Roi de Verviers fit savoir au bourgmestre de la ville de Verviers que le mariage contracté entre le requérant et Madame Zeriooh ne pouvait <<sortir ses effets sur le territoire belge et ce, pour absence de consentement dans le chef de l'épouse». Il est en effet apparu que la procuration établie au nom de celle-ci, procuration sur la base de laquelle avait été dressé l'acte de mariage, n'avait pas été signée par elle.

8. Le 13 novembre 1992, le requérant se vit retirer l'annexe 35 couvrant son séjour pendant la procédure de révision et notifier un ordre de quitter le territoire motivé par l'article 7, alinéa 1er, 2°, de la loi organique.

Il s'agit de l'acte attaqué.

Considérant que, selon l'article 17, § 2, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, «la suspension de l'exécution ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué sont invoqués et à condition que l'exécution immédiate de l'acte ou du règlement risque de causer un préjudice grave difficilement réparable»;

Considérant que, dans deux moyens de la requête, le requérant critique la motivation de l'acte attaqué; qu'il fait essentiellement valoir que son mariage avec Yamina Zeriooh n'était nullement fictif,. qu'il aime profondément la jeune femme, qui l'aimerait aussi, mais qu'il a été chassé par ses beaux-parents parce qu'il n'avait pas les moyens d'offrir la traditionnelle fête de mariage; qu'il prétend que la procuration qui a permis la célébration du mariage au Maroc, selon la loi marocaine, a bien été signée par Yamina Zeriooh;

Considérant que l'acte attaqué, bien qu'ayant pour motif formel l'invocation classique de l'article 7, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980, repose en réalité, comme la partie adverse en convient, sur «l'inexistence au regard de la loi belge du mariage invoqué par le requérant>>; qu'on peut donc supposer, malgré le délai de plus de treize mois qui sépare les deux dates, que l'ordre de quitter le territoire du 13 novembre 1992 se fonde sur la lettre du 24 septembre 1991 par laquelle le procureur du Roi de Verviers écrivait au bourgmestre de Verviers dans les termes suivants:

«J'ai l'honneur de porter à votre connaissance qu'après enquête, mon Office estime que le mariage entre les personnes citées sous rubrique contracté à Berkane (Maroc) le 1" mai 1988 ne peut sortir ses effets sur le territoire belge et ce, pour absence de consentement dans le chef de l'épouse.

»Il apparaît en effet que la procuration établie au nom de celle-ci, procuration sur base de laquelle fut dressé l'acte de mariage, n'a pas été signée par elle.

»En conséquence, je vous invite à modifier en ce sens vos registres de la population»;

Considérant que, quelle que soit l'autorité du magistrat dont cette appréciation émane, celle-ci ne s'imposait qu'à l'officier de l'état-civil, destinataire de la lettre; que des éléments du dossier administratif paraissent donner consistance à la thèse du requérant; que, notamment, les époux ont cohabité, fût-ce quelques jours seulement; que, selon la lettre adressée le 6 novembre 1989 au procureur du Roi de Verviers par l'avocat Legrand, conseil de Yamina Zeriooh, le mari aurait été mis à la porte par ses beaux-parents «car il ne cherchait pas du travail et aurait, sans que cela puisse être établi formellemen~ des problèmes de drogue»; que l'épouse, avant de soutenir que son consentement au mariage n'avait pas été valablement exprimé, apparemment sans aller toutefois jusqu'à s'inscrire en faux contre la procuration qui le contenait, avait entamé une procédure en divorce au Maroc, prétendument parce qu'elle avait été mal renseignée par le consulat du Maroc; qu'enfin, si l'épouse a contesté avoir signé la procuration qui a permis la célébration du mariage, elle a bien signé elle-même l'engagement de prise en charge, sa signature ayant été de surcroit légalisée par l'échevin compétent de la ville de Verviers; qu'en l'état, les moyens critiquant la motivation de l'acte attaqué paraissent sérieux;

Considérant que le requérant fait valoir qu'il s'expose à être incarcéré s'il n'obtempère pas à l'ordre de quitterle territoire et que, s'il exécute celui-ci, de gré ou de force, il sera séparé des membres de sa famille qui l'ont hébergé; qu'il ajoute qu'il était agriculteur et éleveur de moutons au Maroc et qu'il a vendu son bétail et tous ses biens pour venir rejoindre son épouse en Belgique; que le risque de préjudice grave difficilement réparable est réel;

Considérant que les conditions requises par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit accueillie la demande de suspension sont réunies;

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'El'Pü' - 1994

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N° 48.742

Considérant que l'article 17, § 4, des lois coordonnées précitées dispose comme suit:

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

Page 32

«( ... ) Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt>>; qu'un délai aussi bref ne saurait s'accommoder des délais ordinaires de la procédure; qu'il y a lieu de les réduire de la manière fixée au dispositif ci-après,

(Est suspendue l'exécution de l'ordre de quitter le territoire notifié à Hamid Zariouh le 13 novembre 1992).

*** N° 48.743

Vu la demande introduite le 9 décembre 1992 par Fatma Hamoudan, de nationalité marocaine, qui tend à la suspension de l'exécution de l'ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifié le 24 novembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par la même requérante qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation des articles 22, 7° et 23 du code de la nationalité belge, de ! 'article 3 du IVe protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en ce qu'un ordre de quitter le territoire a été délivré à la requérante alors qu'elle possède la nationalité belge depuis le 19 novembre 1983, qu'à la suite de l'annulation de son mariage en mai 1990, les autorités communales lui ont retiré sa carte d'identité belge, que cela n'empêche pas la requérante d'être belge car l'article 28 de la loi du 28 juin 1984 prévoit une procédure particulière pour déchoir quelqu'un de sa nationalité, que l'article 23 précité n'a pas été respecté, que dès lors la décision administrative du 24 novembre 1992 est contraire à l'article 3 du IVe protocole précité en ce qu'elle expulse un national, que l'article 7, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 précitée n'est pas applicable en l'espèce, la loi ne s'appliquant qu'aux personnes ne possédant pas la nationalité belge;

Considérant que c'est à tort que la requérante prétend encore être, à l'heure actuelle, de nationalité belge; qu'un effet son mariage avec un Belge a été annulé par un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles, passé en force de chose jugée et transcrit dans les registres de l'état civil le 5 mai 1992; que, par l'effet de cette annulation, la requérante est censée n'avoir jamais épousé un Belge, donc n'avoir jamais acquis la nationalité belge; que la loi du 15 décembre 1980 a été correctement appliquée; qu'en conséquence, il n'y a pas violation de l'article 3 du IVe protocole de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que la requérante prend un deuxième moyen de la violation des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que l'acte attaqué ne contient pas d'autre motivation que la référence à l'article 7, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980: «demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé, conformément à l'article 6»; qu'elle soutient que cette motivation ne lui permet pas de comprendre les justifications de la décision;

Considérant que la décision attaquée est motivée en droit par la référence qu'elle porte à l'article 7, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 et en fait par la constatation que la requérante demeure dans le Royaume sans être autorisée à y séjourner; que cette motivation paraît suffisante; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que la requérante prend un troisième moyen de la violation de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales «en ce que la décision entreprise est une entrave très sérieuse pour la vie privée, sociale, familiale et professionnelle sans nécessité pour la protection de la société»; qu'elle expose «que toute sa famille proche, ses amis, ses attaches se trouvent actuellement dans notre pays, qu'elle travaille depuis des années dans la même entreprise et qu'elle est parfaitement intégrée en Belgique»;

Considérant que s'il est vrai que la requérante se trouve en Belgique depuis 1975, elle n'y a jamais résidé de manière légale, ayant vécu d'abord dans la clandestinité, puis sous le couvert d'un mariage fictif; que c'est en raison de sa propre attitude qu'elle se trouve contrainte de rompre ses attaches avec les siens; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre à celui-ci de suspendre l'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie en l'espèce,

(Rejet de la demande de suspension).

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETiXI' - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798 Page 33

N°5 48.744 et 48.745

ARRETS du 19 août 1994 (XI° Chambre)

48.744-EL MAHMOUDI = n° 47.489.

48.745 - MOHAMMAD = n° 47.560.

N° 48.746 ARRET du 19 août 1994 (XI° Chambre)

N° 48.744

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Paquet, auditeur adjoint.

WANTWUADI (M0 Berten) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M0

" Zenobi et Scarcez)

1 et II. (voir n° 48.725, 1 et II, n° 1)

m. CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

La décision de rejet d'une demande urgente de réexamen ne statue ni sur le bien1ondé d'une accusation en matière pénale ni sur les droits civils de l'étranger. Elle ne tombe pas sous l'application de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu la demande introduite le 16 mars 1993 par Lutonamo Wantwuadi, de nationalité zaïroise, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, qui lui a été notifiée le 23 février 1993;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit

1. Arrivé en Belgique le 25 juillet 1992, le requérant, porteur d'un passeport muni d'un visa valable pour le Benelux délivré le 23 juin 1992 par l'ambassade belge à Luanda, se déclare réfugié le 30 juillet 1992. Il est interrogé à l'Office des étrangers le 11 septembre 1992.

2. Le 11 septembre 1992, le délégué du Ministre de l'intérieur prend une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire.

3. Le 16 septembre 1992, le requérant introduit une demande urgente de réexamen. Il est entendu au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides le 20 octobre 1992.

4. Le 5 janvier 1993, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides communique au Ministre de l 'Intérieur un avis défavorable au séjour du requérant sur le territoire.

5. Le 15 février 1993, le délégué du Ministre de l'intérieur prend une décision de rejet de la demande urgente de réexamen en se référant expressément aux considérations de fait et de droit indiquées par le Commissaire général dans son avis du 5 janvier 1993.

Cette décision constitue l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce que, première branche, la décision contestée ne contient pas dans son corps les motifs du rejet, ceux-ci étant mentionnés en annexe, alors que la loi précitée prévoit de manière expresse que toute décision administrative doit contenir dans l'acte, et non en annexe, les motifs de droit et de fait servant de fondement à la décision, en ce que, deuxième branche, l'annexe en question, à laquelle se réfère explicitement la décision, ne contient que des éléments de fait et des appréciations subjectives du Commissaire général et ne contient aucun motif de droit alors que la loi spécifie que toute décision administrative doit contenir dans l'acte des motifs de droit et de fait., en ce que, troisième branche, la motivation

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'EflXI" - 1994

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N° 48.746

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

Page 34

doit être adéquate, c'est-à-dire correspondre aux faits, qu'elle ne peut en aucun cas être une simple motivation d'appréciation subjective, qu'en l'espèce, le Commissaire général présume l'intention frauduleuse du requérant en arguant que, si le requérant «a fourni une coupure de presse indiquant que sa famille était à sa recherche, cependan~ il n'a pu donner ni la date de parution du journal, ni fournir l'original du journal lui-même, ... , qu'il est étonnant voire invraisemblable que sa famille publie un tel article alors que c'est elle qui l'a fait sortir de son lieu de détention et savait donc où il se trouvait», que le requérant a pu postérieurement produire l'original de cet ·article de journal et l'a transmis par lettre recommandée au Commissaire général le 24 février 1993;

Considérant, sur la première branche, que la décision contestée vise l'article 63/3, § 2, alinéa 1"', de la loi du 15 décembre 1980 précitée, tel qu'il était en vigueur avant sa modification par la loi du 6 mai 1993, c'est­â-dire tel qu'il procédait de la loi du 18 juillet 1991; que cette disposition prévoit qu'en cas d'avis défavorable du Commissaire général au séjour, le Ministre ou son délégué confirme la décision de refus de séjour; que cette décision confirmative ne saurait donc, en l'espèce, être légalement motivée autrement que par la constatation que le Commissaire général a émis un avis défavorable; que les considérations de droit et de fait servant de fondement â cette décision ressortent à suffisance de l'acte dès lors qu'il vise, comme en l'espèce, l'article 63/3, § 2, précité, qu'il indique que l'avis du Commissaire général est défavorable au séjour et renvoie pour le surplus â la motivation de cet avis, joint â l'acte;

Considérant, sur la deuxième branche, que l'avis défavorable du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides se fonde en droit sur le caractère frauduleux de la demande, conformément â l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 selon lequel l'étranger qui demande â être reconnu comme réfugié ne peut être admis au séjour en cette qualité si sa demande est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile, en particulier parce qu'elle est frauduleuse;

Considérant, sur la troisième branche, que dans la lettre recommandée du requérant datée du 24 février 1993 en annexe â laquelle il produit l'original de l'article de journal signalant que sa famille était â sa recherche, le requérant dément que sa famille ait fait publier l'avis de recherche alors qu'elle savait où il se trouvait; qu'il fait valoir que, lors de son audition du 20 octobre 1992 au Commissariat général, il a déclaré: <<.l'ai très bien précisé que j'ai été arrêté le 16février1992, le journal est apparu au mois de mars. Jusque là mafamille ne savait pas où je me trouvais. Ce n'est qu'au début du mois de ma~ grâce à l'agent du Circo (Adjudant Boduka) qui m'a trouvé dans la cellule, et a pu en informer ma famille. C'est à ce moment-là que ma famille a su l'endroit où je me trouvais.»; qu'il joint à sa lettre «l'original du journal «Conscience», page 7 et 8, paru au mois de mars»; que la date de l'édition ne figure pas sur ce document; que, toutefois, â la page 8, dans un article intitulé «La série continue... Les éléments en uniforme continuent à «sandrumer» dans la capitale», il est fait référence â des événements récents ayant eu lieu le 22 mai 1992; que l'édition du journal est dès lors postérieure au 22 mai 1992; qu'aux dires du requérant lui-même, sa famille connaissait alors son lieu de détention; que le moyen n'est sérieux en aucune de ses branches;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que l'avis du Commissaire général ne justifierait pas en quoi la demande serait manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile;

Considérant que le moyen manque de pertinence puisque, comme le montre l'examen du premier moyen, deuxième et troisième branches, l'avis défavorable au séjour est fondé sur le caractère frauduleux de la demande, au sens de l'article 52, § 1"', 2°, a, de la loi précitée du 15 décembre 1980, et non sur le fait, visé au b de la même disposition, qu'elle serait étrangère aux critères justifiant l'octroi de l'asile; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que la demande n'aurait pas été traitée de manière impartiale;

Considérant que l'octroi ou le refus de l'accès au territoire ou du séjour dans le Royaume en qualité de candidat réfugié ne donne pas lieu â des contestations sur des droits et des obligations de caractère civil au sens de l'article 6 de la Convention ni ne constitue une décision sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre à celui-ci de suspendre l'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie en l'espèce; que la demande de suspension ne peut être accueillie;

(Rejet de la demande de suspension).

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'IID'Œ' - 1994

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Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 35

N° 48.747

ARRET du 19 août 1994 (XIe Chambre )1

SALUMU LOKELLI = n° 45.790 + n° 45.805.

N° 48.748

ARRET du 19 août 1994 (XIe Chambre)

N° 48.747

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et M. Nihoul, auditeur.

BOMBEY c/ Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M. Bernard)

1 et II. (voir n° 48.725, 1 et II, n° 1)

m. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

En l'espèce, le requérant n'apporte aucun élément de fait démontrant que, dans l'examen de sa demande d'asile, le commissaire général ou ses services auraient outrepassé leurs droits ou leurs devoirs en la matière.

Vu la demande introduite le 18 janvier 1994 par Williams Bombey, de nationalité libérienne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision du 18 novembre 1993 par laquelle le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a confirmé le refus de séjour, avec mesure d'éloignement, qui lui a été notifiée le 22 novembre 1993;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension sont les suivants:

1. Le requérant introduit le 28 juin 1993 une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié et se voit délivrer le même jour une attestation de séjour provisoire. Il est entendu le 31 aoftt 1993 par !'Office des étrangers.

2. Le même jour lui est notifiée une décision de refus de séjour.

3. Le 3 septembre 1993, le demandeur introduit un recours urgent auprès de la partie adverse.

4. Convoqué le 14 octobre 1993 par la partie adverse, le requérant est entendu le 22 octobre 1993.

5. Le 18 novembre 1993, la partie adverse confirme le refus de séjour décidé le 31 août 1993 par le délégué du Ministre de l'intérieur.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que l'acte a été pris par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides; qu'en conséquence, il y a lieu de mettre hors de cause l'Etat belge, représenté par le Ministre de l'intérieur, en tant que partie adverse;

Considérant que la décision attaquée porte notamment que «le Commissaire général estime qu'il n'y a pas de raisons pour déclarer non exécutoire la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement, conformément à l'article 63/5, dernier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, nonobstant tout appel»; que se fondant sur cette déclaration, ainsi que sur les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides oppose à la demande un déclinatoire de juridiction du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension;

Considérant que les articles 32 et 33 de la loi du 6 mai 1993, qui ont introduit dans la loi du 15 décembre 1980 les dispositions formant respectivement les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de cette loi, ont été annulés par l'arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994 de la Cour d'arbitrage; que, s'appuyant essentiellement sur les dispositions annulées, le déclinatoire ne peut être retenu;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de la violation de l'article 52, § 2, de la loi du 15 décembre 1980 modifiée par celle du 6 mai 1993, de la violation du principe d'impartialité en ce que les faits invoqués par le requérant à l'appui de sa demande sont rattachables à la Convention de Genève;

1 Cet arrêt a été recti.fiê par l'arrêt n° 49.620 du 11 octobre 1994.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfM - 1994

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N° 48.748

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

Page 36

Considérant qu'en indiquant les points sur lesquels il a relevé soit des contradictions, soit des imprécisions, que le requérant ne conteste pas mais tente d'expliquer, et en en déduisant que la demande est frauduleuse et manifestement non fondée, le Commissaire général n'a pas donné, de l'ensemble des éléments du dossier, une interprétation manifestement déraisonnable;

Considérant qu'en ce qui concerne le «principe d'impartialité», le requérant n'apporte aucun élément de fait démontrant que, dans l'examen de sa demande d'asile, le Commissaire général ou ses services auraient outrepassé leurs droits ou leurs devoirs en la matière; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions prévues par l'article 17, § 2, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat n'est pas remplie; que, partant, la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Mise hors de cause de l'Etat belge, représenté par le Ministre de l'intérieur - rejet de la demande de suspension).

N°" 48.749 à 48.760

ARRETS du 19 août 1994 (XIe Chambre)

48.749 et 48.750 - JUBIN et ASARE KWAME-= n° 46.011.

48.751 à 48.753 - DRAGOMIR et autres= n° 45.784.

48.754 - KPOFFON KOFFM: désistement.

48.755 - AFUA ASIAMAH OPOKU = n° 45.790.

48.756 - BADR = n° 45.784.

48.757 - EKER ET GUNDOGNER: réouverture des débats.

48.758 - BAH UMARI = n° 46.011.

48.759 - TOUTABIZI = n° 46.255.

48.760 - TASLI BAYIR = demande de suspension se bornant, pour l'exposé des faits et des moyens, à se référer au recours en annulation.

N° 48.761

ARRET du 21 août 1994 (Président de la XIe Chambre) MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, et Nihoul, auditeur.

MALULU (Me Picard) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur

ETRANGERS - Police des étrangers - Accès au territoire et court séjour - Motifs

En l'espèce, la requérante paraît titulaire des documents requis par l'article 2 de la loi du 15 décembre 1980.

Et la décision de refoulement comporte pour elle un risque de préjudice grave difficile­ment réparable ne serait-ce que par la perte du bénéfice de son billet d'avion et par l'échec de ses projets de séjour en Belgique.

Vu la requête introduite le 20 août 1994 par Yvette Malulu, de nationalité zaïroise, qui demande la suspension d'extrême urgence de «la décision de refoulement prise à son encontre ce jour avec embarquement forcé sur le vol de ce dimanche soir 21 août 1994 à destination de Kinshasa»;

Vu la requête introduite le même jour par la même requérante qui demande de l'autoriser à pénétrer sur le territoire;

RECUEIL DES ARREI'S DU CONSEIL D'ETAT - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798 Page 37

Considérant que la partie adverse n'a pas comparu à l'audience de ce 21 août 1994;

N° 48.761

Considérant que, dans ses deux requêtes, la requérante expose qu'elle est arrivée en Belgique le samedi 20 août 1994 en provenance de Kinshasa que les autorités de police n'ont contesté ni qu'elle fût titulaire d'un passeport en cours de validité revêtu d'un visa valable un mois délivré par l'Ambassade de Belgique à Kinshasa, ni qu'elle disposât de moyens de subsistance largement suffisants pour la durée de son séjour; qu'elles lui ont seulement reproché d'être titulaire d'une carte d'identité falsifiée; qu'elle explique l'état de cette carte d'identité <par le fait qu'à court de documents vierges, les autorités administratives de Kinshasa «lavent>> à l'alcool d'anciennes cartes d'identité et les réécrivent>>; que pour justifier l'extrême urgence des demandes, le conseil de la requérante indique qu'ayant eu, le 20 août 1994, à 19 heures, un entretien avec la gendarmerie de Zaventem, celle-ci lui a fait savoir qu'une décision de refoulement était prise avec embarquement dans l'avion pour Kinshasa du 21 août 1994 en soirée;

Considérant qu'en l'absence de la partie adverse le Conseil d'Etat ne peut que se fier à ces déclarations;

Considérant que la requérante prend un moyen de la violation de l'article 2, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, modifié par la loi du 18 juillet 1991; qu'elle soutient qu'elle est titulaire des documents requis par l'article 2 précité et qu'elle n'entre pas dans l'une des catégories visées à l'article 3 de la même loi;

Considérant qu'il ne semble pas contesté que la requérante est titulaire d'un passeport en cours de validité et d'un visa délivré par l'ambassade de Belgique à Kinshasa et valable un mois; que son conseil a produit à l'audience des documents qui paraissent confirmer qu'elle est bien la titulaire du passeport et du visa; que, dans ces conditions, les explications qu'elle donne à propos du caractère suspect de la carte d'identité semblent plausibles; que le moyen est sérieux;

Considérant que la décision de refoulement comporte pour elle-même un risque de préjudice grave difficilement réparable pour ,la requérante ne serait-ce que par la perte du bénéfice de son billet d'avion et par l'échec de ses projets de séjour en Belgique;

Considérant que les deux conditions auxquelles l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat subordonne la suspension de l'exécution de l'acte attaqué sont ainsi réunies en l'espèce;

Considérant qu'il y a lieu, en outre, et pour les mêmes motifs, de faire droit à la demande de mesures provisoires formulée par la requérante,

(Est suspendue provisoirement l'exécution de la décision de refoulement de Malulu Yvette avec embarque­ment forcé sur le vol de ce dimanche soir 21 août 1994 à destination de Kinshasa - Il est ordonné à la partie adverse d'autoriser Yvette Malulu à entrer dans le Royaume).

N° 48.762 ARRET du 22 août 1994 (Président de la XIe Chambre)

ASSIGNON: recours devenu sans objet.

N08 46.763 et 48.764 ARRETS du 24 août 1994 (Président de la vne Chambre)

BAVERNSCO et SETIOUTI: situation de l'étranger régularisée.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EI'..U - 1994

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N° 48.765

N° 48.765 ARRET du 24 août 1994 (Président de la x:r• Chambre)

MM. Leroy, président, et Nihoul, auditeur.

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

Page 38

KHALILZADA LAL et consort (M0 Berten) c/ Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M. Bernard)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

Le fait que l'étranger a passé plus de trois mois hors du pays qu'il aurait jùi est suffisant pour déclarer irrecevable la demande d'asile.

Le moyen qui critique des motifs surabondants de l'acte attaqué ne peut être retenu.

Il et ID. (voir n° 48.729, III et IV, n° 3)

IV et V. (voir n° 48.729, III et V, n° 4)

Vu la demande introduite le 18 aodt 1994 par Mohammed Khalilzada Lai et Najneem Cheetanun Bechee, de nationalité iranienne et de nationalité mauricienne, qui tend à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, des décisions du 10 août 1994 du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides confirmant leur refus de séjour;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Les requérants se déclarent candidats réfugiés le 20 juillet 1993.

2. Le 23 septembre 1993, ils font l'objet d'une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire (annexe 26bis).

3. A la suite de recours urgents, le Commissaire général prend, le 10 août 1994, deux décisions confirmant le refus de séjour des requérants, motivées comme suit:

En ce qui concerne le requérant:

<<L'intéressé a été entendu le 11 mai 1994 au siège du Commissariat général en langue anglaise et avec l'aide d'un interprète qui maîtrise le persan.

»Les falsifications constatées dans le passeport du requérant qu'il n'a pas montré à ['Office des étrangers ainsi que les difficultés qu'il a éprouvées à s'exprimer en persan mettent en doute son identité.

»Depuis 1985-1986, le demandeur aurait assuré le transport mensuel de documents (posters, vidéo-cassettes, ... ) à l'extérieur de l'Iran pour le compte de l'organisation des Moudjahidines du Peuple Balouche, mais ne peut exposer de manière circonstanciée la teneur de ses activités au cours de plusieurs années. De même, la seule justification qu'il avance quant à son engagement politique serait la peur de représailles de la part dudit mouvement.

»Des suites des très sommaires déclarations de l'intéressé, il ressort qu'il ne peut dater aucun événement ultérieur, fût-ce approximativement, si ce n'est son départ d'Iran le 13 mars 1990. A son retour d'Iran, à une période indéterminée, il aurait appris par une proche dans la zone de transit de l'aéroport de Torbat au Pakistan (alors qu'il s'agit d'une ville iranienne l'arrestation d'un parent et l'assassinat de son frère, de sa belle-sœur et de leur enfant (ou, selon ses déclarations antérieures, l'assassinat d'un neveu, et des parents ainsi que de la sœur du déclarant).

»Le demandeur aurait alors vécu plus de deux années au Pakistan. Il y aurait subi deux tentatives d'attentat en raison de ses accointances politiques, mais demeure dans l'impossibilité de relater ces faits en détail.

»Ensuite, en séjour sur l'ile Maurice du 20 février 1993 au 9 juillet 1993, il y a épousé une Mauricienne et n'aurait pu néanmoins y obtenir un titre de résidence, ce qui est douteux.

»Il ne peut donc être ajouté foi aux assertions du requérant.

»De ce qui précède, il ressort que la demande de l'intéressé est frauduleuse, manifestement non fondée, parce que l'étranger n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et qu'il a séjourné plus de trois mois dans un pays tiers. Par conséquent, le Commissaire général confirme le refus de séjour décidé par le délégué du Ministre de l'intérieur du 29 septembre 1993.

»Le Commissaire général est d'avis que, dans les circonstances actuelles, l'étranger concerné peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté serait menacée. En outre, le Commissaire général confirme formellement que la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement sont exécutoires nonobstant tout recours».

RECUEH.., DES ARREITS DU CONSEH.., D'ETM - 1994

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Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 39

En ce qui concerne la requérante:

N° 48.765

«La demande de l'intéressée, est liée à celle de son époux, Monsieur Mohammed Khalilzada La~ qui a fait l'objet d'une décision confirmative.

»De ce qui précède, il ressort que la demande de l'intéressée est frauduleuse, manifestement non fondée, parce que l'étranger n'a pas fourni d'élément de nature à établir qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et qu'il a séjourné plus de trois mois dans un pays tiers. Par conséquent, le Commissaire général confirme le refus de séjour décidé par le délégué du Ministre de l'intérieur du 28 septembre 1993.

»Le Commissaire général est d'avis que, dans les circonstances actuelles, l'étranger concerné peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté serait menacée. En outre, le Commissaire général confirme formellement que la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement sont exécutoires nonobstant tout recours».

Il s'agit des actes attaqués;

Considérant que la demande de suspension a été introduite sous le bénéfice de l'extrême urgence le 18 août 1994; que l'acte attaqué a été notifié le 12 août 1994;

Considérant qu'il a été enjoint aux requérants de quitter le territoire dans les cinq jours; que dès lors! 'extrême urgence est établie, quand bien même aucune mesure de coercition ne serait sur le point d'être mise en œuvre;

Considérant que, selon l'article 17, § 2, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, «la suspension de l'exécution ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué sont invoqués et à condition que l'exécution immédiate de l'acte ou du règlement risque de causer un préjudice grave difficilement réparable»;

Considérant que les requérants prennent un premier moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en ce que la loi prévoit que la motivation doit correspondre aux faits et ne peut en aucun cas être une simple motivation d'appréciation subjective, que le délégué du Commissaire général n'a pas correctement instruit le dossier du requérant puisque celui-ci est qualifié de nationalité mauritanienne, que la motivation remet en cause la nationalité du requérant du fait de la falsification de son passeport alors que le requérant a expliqué que son passeport avait été trafiqué au Pakistan parce qu'il ne pouvait avoir les documents d'émigration dans son propre pays, qu'il a fourni sa carte d'identité nationale qui n'est pas trafiquée et qui prouve son identité et sa nationalité et dont le Commissaire général n'a pas tenu compte, que la motivation relève les difficultés qu'a le premier requérant à s'exprimer en persan alors que celui-ci a refusé de parler cette langue face à un interprète lié au Esbolah et qui pouvait faire immédiatement rapport aux autorités iraniennes, que la motivation fait état de discordances quant aux personnes assassinées, à savoir que tantôt le requérant parle de l'enfant de sa belle-soeur tantôt de son neveu, alors qu'il s'agit évidemment de la même personne, que l'acte attaqué énonce comme peu probable que l'ile Maurice n'ait pas accordé de titre de séjour alors que les autorités de l'ile font tout pour favoriser l'émigration;

Considérant que la décision est fondée en partie sur le fait que les requérants ont passé plus de trois mois hors d'Iran; que ce motif, non critiqué, est suffisant pour déclarer la demande irrecevable; que le moyen qui critique des motifs surabondants de l'acte attaqué ne peut être retenu; qu'en outre, les soupçons concernant l'appartenance de l'interprète au mouvement du Esbolah sont invoqués pour la première fois devant le Conseil d'Etat et consistent en pures allégations; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que les requérants prennent un deuxième moyen de la violation de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et de la loi du 15 décembre 1980 prise en application des principes de cette Convention, en ce que la loi a précisé de manière claire les conditions d'irrecevabilité des demandes d'asile, que ces conditions supposent une instruction réelle et sérieuse, que les principes énoncés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés imposent que la demande soit examinée «par un personnel qualifié, ayant les connaissances et l'expérience voulue, et capable de comprendre les difficultés et les besoins particuliers du demandeur», alors que la pratique de !'Office des étrangers est en contradiction avec ces dispositions et ces principes;

Considérant que la critique contenue dans ce moyen est expressément limitée à la pratique suivie par ! 'Office des étrangers alors que le recours est dirigé contre la décision du Commissaire général confirmant le refus de séjour décidé par le Ministre de l'intérieur, laquelle se substitue au refus de séjour; que le moyen n'est pas pertinent; qu'il ne peut être considéré comme sérieux;

Considérant que les requérants prennent un troisième moyen de la violation des droits de la défense «en ce qu'il a été imposé au requérant un interprète manifestement hostile et justifiant de la part du requérant toute réserve, l'empêchant absolument de dire ce qu'il peut préciser, craignant la répression qu'il a déjà constaté au mois de mars 1994»;

Considérant que la procédure prévue par les articles 63/2 et 63/3 de la loi du 15 décembre 1980 n'est pas juridictionnelle; que le principe général prescrivant le respect des droits de la défense n'y est pas applicable; que l'audition au Commissariat général a pour but, dans l'intérêt d'une bonne administration et dans celui du

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'Ef1'f - 1994

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N° 48.765

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

Page 40

demandeur d'asile, d'informer les autorités notamment sur la pertinence et la sincérité des raisons de l'étranger qui demande la qualité de réfugié; qu'au surplus, la critique dirigée contre la présence d'un interprète qui serait partial ne peut être retenue pour le motif relevé à propos du premier moyen; que le moyen n'est pas sérieux,

Considérant qu'une des conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse ordonner la suspension de l'exécution de l'acte attaqué fait défaut; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension d'extrême urgence de l'exécution de l'acte attaqué).

N° 48.766

ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

MALULU: confirmation de l'arrêt n° 48.761, faute d'élément nouveau susceptible de le modifier.

N° 48.767 ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Van Aelst, président de chambre, Leroy, rapporteur, et Wettinck, conseillers, et Batsele, auditeur.

CLAESSENS (Me Thiry) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur (Mme Dirickx) - Parties intervenantes: Claes (Me Van Damme) et Commune de Fléron (Me Franchimont)

AGENTS DES COMMUNES - Promotion - Règles spéciales au personnel de police - Promotion au grade de commissaire de police

1. Un garde champêtre en chef n'a pas vocation aux emplois de commissaire de police ou d'inspecteur principal de première classe.

2. La circonstance que la nomination d'un commissaire de police fait perdre au garde champêtre en chef ses qualités de chef de corps et d'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi ne cause pas au garde champêtre en chef un préjudice grave diffici­lement réparable, dès lors que cette perte est susceptible d'être adéquatement réparée par l'annulation de la nomination du commissaire de police.

La privation temporaire de ces qualités pendant la durée de la procédure ne présente pas un degré de gravité suffisant pour justifier la suspension de la nomination.

3. La nomination d'un commissaire de police n'exclut pas le garde champêtre en chef des organes de coopération policière auxquels il participe.

Vu la demande introduite le 5 juillet 1994 par Michel Claessens tendant à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution del 'arrêté royal du 9 juin 1994 portant nomination de Jean-Marie Claes au grade de commissaire de police de la commune de Fléron et de la décision implicite de ne pas le nommer à cet emploi;

Vu l'arrêt n° 48.595 du 12 juillet 1994 statuant sur la demande de suspension d'extrême urgence et fixant l'affuire à l'audience du 17 août 1994;

Considérant que les faits ont été exposés dans l'arrêt n° 48.595 du 12 juillet 1994;

Considérant que le requérant expose comme suit le préjudice grave et difficilement réparable que lui cause l'exécution immédiate de l'acte critiqué:

«1. Il résulte des faits suivants que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer au requérant un préjudice grave difficilement réparable.

»a) A quelques années de la pension, et à défaut d'arrêté royal pris en exécution des articles 171 et 230 de la nouvelle loi communale, le requérant entrerait dans une période d'insécurité juridique totale.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETM - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798 Page 41 N° 48.767

»Il ne pourrait plus accéder à l'emploi de commissaire de police, ni même à un emploi d'inspecteur principal de lère classe.

>>Si même il fallait considérer que l'arrêté royal du 14 novembre 1986 (VII) reste provisoirement en vigueur, le requérant pourrait tout au plus prétendre à être nommé inspecteur principal de police, sans même la garantie de conserver sa rémunération actuelle.

»b) Le requérant perdrait irrémédiablement sa qualité de chef de corps et sa qualité d'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi.

»Il perdrait également tous les avantages qui sont liés à ces qualités, notamment sa participation à l'interpolice des communes de Beyne-Heusay, Soumagne et Fléron, à la création de laquelle il a participé ac­tivement.

»c) En outre, la nomination de M. Claes en qualité de commissaire de police de la commune de Fléron cause au requérant un préjudice moral extrêmement grave.

»2. Les préjudices graves mentionnés ci-avant ne pourraient être réparés adéquatement entièrement par un éventuel arrêt d'annulation, arrêt qui interviendrait peut-être après sa mise à la pension. Le préjudice moral serait même irréparable»;

Considérant, quant au premier aspect du préjudice allégué, que le requérant est nommé garde champêtre en chef et qu'il ne peut être privé ni de ce grade par la réorganisation de la police communale de Fléron, ni de la rémunération y attachée; qu'au demeurant, une délibération du conseil communal du 30 juin 1994, qui doit encore être soumise à l'approbation de la députation permanente, crée un cadre d'extinction comportant un emploi de garde champêtre en chef, destiné au titulaire actuel de la fonction; que cette délibération n'a pas pour objet de permettre au requérant de conserver son grade, mais d'adapter le cadre du personnel communal à l'obligation que la commune a de le lui conserver, et d'assurer ainsi la régularité formelle de sa situation; que l'acte attaqué ne crée aucune insécurité pour le requérant; que celui-ci n'est pas privé par l'acte attaqué de la possibilité d'accéder aux emplois de commissaire de police ou d'inspecteur principal de première classe, vu qu'il n'y a jamais eu vocation;

Considérant, quant au deuxième aspect du préjudice allégué, que la perte des qualités de chef de corps et d'officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi, est susceptible d'être adéquatement réparée par l'annulation de l'acte attaqué; que la privation temporaire de ces qualités pendant la durée de la procédure ne présente pas un degré de gravité suffisant pour justifier la suspension; que l'acte attaqué n'a pas non plus pour effet nécessaire de l'exclure des organes de coopération policière auxquels il participe;

Considérant, quant au troisième aspect du préjudice allégué, que le préjudice moral allégué n'est nullement étayé;

Considérant que le préjudice allégué ne peut, ni en aucun de ses aspects, ni dans son ensemble, être considéré comme grave et difficilement réparable;

Considérant qu'une des conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse ordonner la suspension de l'exécution de l'acte attaqué fait défaut; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

DECIDE:

Article 1er. - La suspension provisoire décidée par l'arrêt n° 48.595 du 12 juillet 1994 n'est pas confirmée.

Article 2. - La demande de suspension est rejetée.

N° 48.768 ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Van Aelst, président de chambre, Leroy, rapporteur, et Wettinck, conseillers, et Gilliaux, auditeur.

PUTIMAN et consort (Me Lebrun) c/ Région wallonne (Mes Weinstock et Lambert) - Partie intetvenante: Corman (Mes Henri et Hissel)

BATISSE ET WTISSEMENT EN REGION WAILONNE - Existence d'un plan particulier ou d'un permis de lotir - Conformité au plan particulier - Zone de récréation et de séjour

Une maison d'apparence unifamiliale divisée en plusieurs logements consistant en appartements sur un ou deux niveaux que rien ne destine plus spécialement à la résidence

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'BfPJ - 1994

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N° 48.768

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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occasionnelle ou de week-end ne répond pas à la notion d'équipement de séjour mentionnée aux articles 93-3 et 181 du code wallon .

... Alors spécialement que l'ensemble ne comporte aucun équipement récréatif touris­tique dont cette construction serait un accessoire.

La possibilité, en l'espèce contestée, d'utiliser les installations voisines d'une autre personne n'a pas pour effet de transmuter les bâtiments à usage d'habitation projetés en équipements de séjour grefffés sur des équipements récréatifs et touristiques.

Vu la demande introduite le 7 juillet 1994 par Wilhem Puttman et l'association sans but lucratif Country Club Benelux, qui tend à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution du permis de bâtir délivré le 30 juin 1994 à Georges Corman pour «la construction d'équipements de séjour (14 logements)», Schnellenberg, à la Calamine (section D n° 20 D, 8 D/pie);

Vu l'arrêt n° 48.627 du 14 juillet 1994 suspendant provisoirement l'exécution de l'acte attaqué et fixant l'affaire à l'audience publique du 17 août 1994;

Considérant que les faits ont été exposés dans l'arrêt n° 48.627 du 14 juillet 1994;

Considérant que les requérants prennent un premier moyen «de la violation de l'article 181 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine»; qu'en une première branche, ils rappellent que, selon l'article 181 précité, «la zone de loisirs est destinée à recevoir des «équipements récréatifil et touristiques», les équipements de séjour en étant éventuellement l'accessoire lorsque la zone le prévoit (art. 181, 5.2)»; qu'ils soutiennent ce qui suit:

<<Le permis attaqué ne prévoit pas d'ériger des équipements récréatifs ou touristiques. Les équipements de séjour sont donc dissociés d'un but touristique et récréatif. L'accessoire ne peut être dissocié du principal (Accessorium sequitur principale)»; qu'en une deuxième branche, ils font valoir ce qui suit:

<<Si les résidents temporaires que le permis attaqué tend à installer pouvaient dans la même zone bénéficier d'installations récréatives et touristiques existant déjà, il en irait autrement.

»Cependant, les installations (piscine, terrains de golf, de tennis, étang de pêche, etc.) de l'asbl Country Club sont privées; elles sont réservées aux locataires d'appartements. Seul le café-restaurant est public; il ne s'agit toutefois pas dans ce dernier cas d'un établissement de loisirs.

»Les demandes de Batico à l 'asbl Country Club pour pouvoir bénéficier de ses installations ont été repoussées par l'asbl.

»Il est donc inexact de motiver le permis (article 1er, 8ème tiret) par «la possibilité d'utiliser les équipements du Country Club Benelux». Les motifs sont erronés en fait>>; qu'en une troisième branche, ils avancent ce qui suit:

«Il y a violation del' autorité de la chose jugée en ce que le permis attaqué autorise la réalisation d 'exactement le même projet que les permis précédemment annulés, sous réserve d'une motivation erronée, soit «la nouvelle organisation intérieure des constructions» (division de ces constructions en plusieurs logements de séjour), ce qui en soi ne tend pas à obvier au reproche juridique des arrêts d'annulation précédents résultant de la violation de l'article 181 du C.WA.T.U.P.»;

Considérant que les parties adverse et intervenante font état de ce que les constructions permises par le permis de bâtir critiqué ont été modifiées intérieurement par rapport à celles qui avaient fait l'objet des précédents

. permis annulés par le Conseil d'Etat, en ce sens que chacune d'elles est désormais divisée en deux logements de séjour; qu'au surplus, selon elles, les maisons, au lieu d'être individuelles comme précédemment, sont regroupées deux par deux de sorte qu'un groupe de deux habitations rassemble quatre logements de séjour; qu'elles font valoir que les installations du Country Club Benelux sont accessibles à tous, moyennant redevance;

Considérant que l'article 93-3 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine porte que «les zones de récréation et de séjour sont destinées à recevoir les équipements récréatifs et touristiques ainsi que les équipements de séjour, y compris les campings, les chalets groupés, les parcs résidentiels de camping et les parcs résidentiels de week-end»; que l'article 181 du même Code porte en son point 5.2: <<Les zones de récréation et de séjour sont destinées à recevoir les équipements récréatifs et touristiques ainsi que les équipements de séjour y compris les campings, les chalets groupés, les parcs résidentiels de camping et les parcs résidentiels de week-end»; que la notion d'équipements de séjour mentionnée à l'article 93-3 - figurant dans le titre 1 erbis intitulé <<De la mise en œuvre des zones de loisirs et de leurs extensions» - et à l'article 181 - intitulé <<Des zones de loisirs» - du Code vise des installations spécifiquement destinées à permettre à Jeurs occupants de profiter des équipements récréatifil et touristiques situés dans la même zone;

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'E'Il'ü' - 1994

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Arrêls . Nos 48.715 à 48.798 Page 43 N° 48.768

Considérant que les immeubles litigieux consistent en maisons qui ont l'apparence de maisons unifamiliales, semblables, au demeurant, à celles qui ont fait l'objet des permis précédemment annulés par le Conseil d'Etat, les diflërences étant, d'une part, que les constructions sont regroupées, et, d'autre part, que l'aménagement intérieur a été modifié de manière à diviser les maisons en plusieurs logements; que ceux-ci consistent en appartements sur un ou deux niveaux, que rien ne destine spécialement à la résidence occasionnelle de vacances ou de week-end; que le nombre élevé de chambres mentionné comme significatif par l'intervenante ne peut être retenu comme un critère de résidence occasionnelle, étant donné que les locaux dénommés chambres sur le plan peuvent être utilisés à d'autres usages; que la présence de buanderies dans une partie des logements indique plutôt une occupation permanente; que l'ensemble conçu par la société dont l'intervenant est le gérant ne comporte aucun équipement récréatif touristique dont les constructions litigieuses seraient un accessoire; que la possibilité d'utiliser les installations voisines du Country Club Benelux, possibilité au demeurant contestée, n'a pas pour effet de transmuter les bâtiments à usage d'habitation projetés en équipements de séjour greffés sur des équipements récréatifs et touristiques; que le moyen est sérieux;

1.<:. 1

Considérant que les débats qui se sont déroulés au cours de l'instance de confirmation n'ont apporté aucun ,f:: · élément neuf en ce qui concerne le préjudice allégué; qu'il doit être tenu pour grave et difficilement réparable pour les motifs exposés dans l'arrêt n° 48.627 du 14 juillet 1994; :T, ";' r.

Considérant que les conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse accorder la suspension de l'acte ::Ji attaqué sont réunies,

(Est confirmée la suspension ordonnée par l'arrêt n° 48.627 du 14 juillet 1994).

N° 48.769 ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Saint­Viteux, auditeur.

TUTU (Me Mulenda) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Com­missaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante - Motivation trop générale

Le rejet d'une demande urgente de réexamen viole la loi du 29 juillet 1991 lorsque la partie adverse n'explique pas quelles sont les divergences qu'elle a retenues quant aux circonstances de l'évasion de l'étranger et les lacunes invraisemblables quant à la description de son lieu de détention.

Vu la demande introduite le 31 décembre 1992 par Constance Tutu, de nationalité ghanéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, qui lui a été notifiée le 9 novembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par la même requérante qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les fails utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. La requérante s'est déclarée candidate réfugiée le 15 juin 1992.

2. Le 26 juin 1992, la première partie adverse a pris une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire.

3. A la suite d'une demande urgente de réexamen, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a donné, le 18 août 1992, l'avis défavorable suivant:

«L'intéressée a été entendue le 27 juillet 1992 en présence d'un interprète.

»Selon ses dernières déclarations, elle aurait été arrêtée le 5 juin 1992 à la suite d'une manifestation de son mouvement le «People Welfare group» à DormaaAhenkro. Enfermée à «Sunyani Barracks», elle s'en serait évadée le 7 juin grâce à l'aide d'un gardien et aurait gagné immédiatement la Côte d'ivoire d'où elle aurait pris l'avion pour l'Europe le 12 juin 1992.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'BTM - 1994

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N° 48.769

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

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»Les différents récits produits par l'intéressée sont peu conséquents et peu crédibles. Ils contiennent en outre des incohérences. Ainsi notammen4 si elle a prétendu à ['Office des étrangers qu'elle aurait rencontré un homme d'affaires, pour l'aider, à Abidjan, au Commissariat généra~ elle a expliqué qu'elle l'aurait rencontré dans un bus à Anibreko. Si on y ajoute des divergences quant aux circonstances de l'évasion et des lacunes invraisemblables quant à la description de son lieu de détention, on ne peut ajouter foi à ses assertions.

»En conséquence, le Commissaire général émet ùn avis défavorable au séjour de l'intéressée. Il considère en outre que dans les circonstances actuelles, l'intéressée peut être reconduite à la frontière du pays qu'elle a fui et où, selon sa déclaration, sa vie ou sa liberté serait menacée».

4. Le 6 octobre 1992, la première partie adverse a rejeté la demande urgente de réexamen en se référant expressément à l'avis négatif précité.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que la requérante prend un quatrième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que la seconde partie adverse reproche à la requérante de s'être contredire dans ses déclarations à l'Office des étrangers et au Co=issariat général aux réfugiés et aux apatrides alors qu'aucune mesure d'investigation n'a eu lieu pour vérifier si les récits de la requérante étaient exacts;

Considérant que la seconde partie adverse n'explique pas quelles sont les divergences qu'elle a retenues quant aux circonstances de l'évasion et les «lacunes invraisemblables quant à la description de son lieu de détention»; que la feuille d'audition est pratiquement illisible et ne permet pas de vérifier si l'homme d'affaires qui aurait aidé la requérante lors de sa fuite a été rencontré dans un bus à Anibrekro et non à Abidjan;

Considérant que la requéranre décrit le risque de préjudice grave difficilement réparable co=e suit:

«Que la requérante a réussi à fuir son pays d'origine après avoir été emprisonnée dans le camp militaire de Sunyani.

»Que la requérante est seule en Belgique avec un petit garçon dont elle a accouché en date du 28 novembre dernier.

»Que le rapatriement de la requérante dans son pays d'origine l'exposerait immanquablement à de nou­velles persécutions puisqu'enfin la procédure de raccompagnement par les forces de l'ordre belges expose tout particulièrement la requérante à la vindicte des autorités locales. Ledit rapatriement consisterait en fait à vider la procédure de toute sa substance, la requérante était de nouveau incarcérée ou empêchée de fuir à nouveau son pays d'origine e4 dans l'hypothèse où la procédure au fond reconnaîtrait son bon droi4 celle-ci resterait lettre morte, faute de pouvoir à nouveau s'évader ... »;

Considérant que le risque de préjudice découle du fait que, si les récits de la requérante s'avèrent exempts de contradictions, la crainte dont elle fait état en cas de rapatriement ne parait pas dénuée de fondement;

Considérant que les conditions requises par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit accueillie la demande de suspension sont réunies;

Considérant que l'article 17, § 4, des lois coordonnées précitées dispose co=e suit:

«( ... ) Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt»; qu'un délai aussi bref ne saurait s'acco=oder des délais ordinaires de la procédure; qu'il y a lieu de les réduire de la manière fixée au dispositif ci-après,

(Est suspendue l'exécution de la décision de rejet de la demande urgente de réexamen notifiée à Constance Tutu le 9 novembre 1992).

N°" 48.770 à 48.772 ~ t f fit)~ ARRETS du 24 août 1994 (XI° Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, M. Jaumotte (n00 48.770 et 48.771), et Mme Beeckman de Crayloo (n° 48.772), audireurs.

n° 48.770 - DUAH (M0 Mulenda) n° 48.771- KWAKU ABISAH (M0 Berten) n° 48.772 - BOATENG et OHENEMENSAH (M0 Berten)

c/ Etat belge représenté par le ministre de !'Intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M0

" Zenobi et François)

RECUEIL DES ARREI'S DU CONSEIL D'Elm' - 1994

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Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 45 N° 48.770

1. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Risque de causer un préjudice grave difficilement réparable

La gravité et le caractère difficilement réparable du préjudice allégu,é doivent s'apprécier au moment où le Conseil d'Etat statue sur la demande de suspension et en fonction du dommage auquel l'exécution de l'acte critiqué pendant l'instance en annulation exposerait le requérant.

Il. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

En l'espèce, compte tenu de l'évolution de la situation dans le pays de l'étranger requérant, il apparaît que son renvoi vers ce pays n'emporte pas un risque de préjudice grave difficilement réparable.

N° 48.770 Vu la demande introduite le 4 janvier 1993 par Palricia Duah, de nationalité ghanéenne, qui tend à la

suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen et d'une décision de refus de séjour, avec ordre de quitter le territoire (annexe 26ter), prise le 6 ocrobre 1992 et notifiée le 9 novembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par la même requérante qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. La requérante s'est déclarée candidat réfugié le 5 juin 1992.

2. Une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le terriroire lui a été notifiée le 22 juin 1992.

3. A la suite d'une demande urgente de réexamen, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a donné, le 7 septembre 1992, un avis défavorable au séjour de la requérante.

4. Le 9 novembre 1992, la partie adverse a notifié la décision de rejet de la demande urgente de réexamen.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que la requérante décrit comme suit le risque de préjudice grave difficilement réparable auquel l'exposerait l'exécution immédiate de l'acte attaqué:

«Que la requérante a réussi à fuir son pays d'origine après avoir été emprisonnée dans le camp militaire 4BN.

»Qu'elle ignore à ce jour si son père est toujours en vie.

»Que le rapatriement de la requérante dans son pays d'origine l'exposerait immanquablement à de nouvelles persécutions»;

Considérant que la gravité et le caractère difficilement réparable du préjudice allégué doivent s'apprécier au moment où le Conseil d'Etat statue sur la demande de suspension et en fonction du dommage auquel l'exécution de l'acte critiqué pendant l'instance en annulation exposerait le requérant;

Considérant que selon les informations données au mois de mars 1994 par la direction générale de la politique du ministère des Affuires étrangères, la situation au Ghana s'est profondément modifiée depuis que le requérant l'a quitté; qu'une transition démocratique paisible est en cours de réalisation depuis 1993; que la presse est libre; qu'il n'y a pas de prisonnier politique; que la démocratie locale est appliquée pour les assemblées de district; que l'armée n'est plus une force de répression à l'intérieur du pays mais est affectée à des tâches de maintien de la paix;

Considérant qu'entendu sous serment à l'audience du 9 juin 1994 à la demande de l'un des requérants ghanéens qui y comparaissait, le pasteur Hoskin Roy Henry, né à Portsmouth le 29 juillet 1936, de nationalité britannique, a fait la déclaration suivante:

«Je vis en Belgique depuis 1974. Je suis président de la concertation des églises chrétiennes de la province de Liège et à ce titre, la commission a établi une concertation oecuménique pour la défense des représentants des églises catholiques, anglicanes, orthodoxes et protestantes. A ce titre, je m'occupe de candidats réfugiés et de réfugiés admis au séjour. J'ai fait un séjour au Ghana de 1957 à 1961 et à cette occasion, j'ai appris la langue et noué des contacts avec des personnalités haut placées qui continuent à m'informer sur la situation de ce pays. Le Président Rawlings s'est rendu coupable de véritables massacres, notamment d'assassinats d'élites tels que les juges de la Cour Suprême. Ces massacres et ces assassinats se sont situés lors de la première et deuxième prise de pouvoir du Président Rawlings, respectivement le 4 juin 1979 et le 31 décembre 1981. Je suis en contact pennanent avec les chefs de l'opposition au régime et notamment le Président du «Ghana Democratic Mouvement» à Londres. Mon expérience d'officier dans les services de renseignements de la marine britannique me pennet d'apprécier la véracité des propos de mes interlocuteurs. Les renseignements dont je dipose confinnent les informations fournies par le ministère belge des Aff aires Etrangères mais uniquement en ce qui concerne les textes, la réalité ne correspond

RECUEIL DES ARREI'S DU CONSEIL D'EfM' - 1994

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N° 48.770

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

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pas entièrement à ces informations car le 17 juillet 1993, on a pu relever douze exécutions. Il est certain aussi que les élections ont été faussées par des fraudes et que d'une manière générale, l'attitude du gouvernement de M. Rawlings est surtout destinée à donner le change aux institutions internationales et à l'étranger car, pour le reste, les principaux cadres de la répression antérieure sont demeurés dans leurs fonctions; ainsi s'expliquent des disparitions relativement nombreuses et des détentions prolongées dans des commissariats de police. Ainsi, dans mon association, se trouve une personne qui, il y a environ deux ans, a été détenue pendant trois mois sans pouvoir donner de ses nouvelles»;

Considérant que ce témoignage ne conlredit pas formellement les informations fournies par le ministère belge des affaires étrangères quant à la situation actuelle au Ghana, la seule à laquelle le Conseil d'Etat puisse avoir égard pour apprécier le risque dont la partie requérante fait état; que, dès lors, il apparaît que le renvoi de la requérante vers le Ghana n'emporte pas un risque de préjudice grave difficilement réparable;

Considérant qu'en l'occurrence, une des conditions légales de la suspension fait défaut; qu'en conséquence, la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

*** Les arrets nos 48.771 et 48.772 sont en substance identiques au n° 48.770.

N° 48.773

ARRET du 24 août 1994 (Xie Chambre) MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Nihoul, auditeur.

QUACOO (Me Mulenda) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

I. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 à 3) II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante

- Généralités (3)

1. En l'espèce, le récit qu'a fait l'étranger lors de son audition était insuffisant pour re­connaître l'existence d'une crainte réelle de persécution en raison de ses opinions politiques

? ou religieuses. Les invraisemblances relevées par le commissaire général lui ont permis de conclure, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que la demande d'asile devait être considérée comme manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile ou comme manifestement frauduleuse.

2. La légalité du rejet d'une demande urgente de réexamen doit être appréciée non pas au regard d'éléments nouveaux invoqués devant le Conseil d'Etat mais uniquement en fonction des éléments qu'il a invoqués dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile par /'Office des étrangers et par le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

3. En application des articles 62, 63/2 et 63/3 de la loi du 15 décembre 1980, il suffit que la décision nouvelle prise à l'issue du réexamen contienne l'indication des considérations de droit et de fait lui servant de fondement.

Vu la demande introduite le 21 avril 1993 par Frank Quacoo, de nationalité ghanéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision du 14 décembre 1992 rejetant sa demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifiée le 8 mars 1993;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le requérant s'est déclaré candidat réfugié le 24 septembre 1991.

2. Le 12 novembre 1991, la première partie adverse lui a notifié une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire (annexe 26bis ).

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'll'Im' - 1994

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Arrêls Nos 48. 715 à 48. 798 Page 47 N° 48.773

3. A la suite d'une demande urgente de réexamen, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a donné, le 8 septembre 1992, l'avis défavorable suivant:

<<Niettegenstaande door het Commissariaat-generaal aan betrokkene de gelegenheid werd geboden de motie­ven vervat in zijn dringend verzoek tot heronderzoek, nader toe te komen lichten, bleef de uitnodiging zonder gevolg.

»Uit het verhoorverslag dd. 25 september 1991 blijkt dat betrokkene lid zou zijn van de «Kwame Nkrumah Revolutionary Guards». Op 30 augustus 1991 telœnde hij met zijn partij een verklaring tegen de regering. Op 3 september 1991 werd hij door veiligheidsagenten aangevallen maar hij slaagde erin te ontsnappen. Toen de volgende dag bleek dat zijn huis omsingeld was door soldaten, vluchtte hij naar vrienden. Op 16 december 1991 reed hij naar Nigeria vanwaar hij op 19 september 1991 het vliegtuig naar Nederland nam. Na zijn aankomst in Nederland op 20 september 1991, vertrok hij onmiddellijk naar België. Betrokkene is enlœl in het bezit van een fotocopie van zijn paspoort. Hij beweert het originele exemplaar in Ghana te hebben achtergelaten en zonder documenten te hebben gereisd. H et is echter bijzonder ongeloofwaardig dat hij zonder enig identiteitsbewijs zowel de Nigeriaanse als de Nederlandse immigratiedienst heeft kunnen voorbijlwmen. De afwezigheid van reisdocumenten maakt bovendien ellœ controle omtrent de gevolgde reisweg volkomen onmogelijk. Het gehele verhaal is overigens zeer vaag en onwaarschijnlijk.

»Het verzoekschrift van advocaat Herbots bevat geen elementen die de weigeringsbeslissing kunnen weer­leggen.

»Bijgevolg geeft de Commissaris-generaal een ongunstig advies wat het verblijf van Quacoo Frank op het grondgebied betreft. Hij meent bovendien dat in de huidige omstandigheden betrokkene kan worden teruggeleid naar de grens van het land dat hij ontvlucht is en waar, volgens zijn verklaring, zijn leven of zijn vrijheid in gevaar verlœert».

4. Le 14 septembre 1992, la première partie adverse a rejeté la demande urgente de réexamen par une décision motivée comme suit

«Considérant que la demande est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile, en particulier parce qu'elle ne se rattache ni aux critères prévus par l'article 1er, A (2) de la Convention internationale relative au statut des réfu.giés, signée à Genève, le 28 juillet 1951 ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile;

»Considérant que l'intéressé a rendu impossible le contrôle du trajet parcouru et de son identité en venant sans documents;

»Considérant que son récit est très vague et invraisemblable;

»Considérant que la demande urgente d'examen n'apporte aucun élément nouveau;

»Considérant que le Commissariat général aux réfu.giés et aux apatrides confirme le bien-fondé de la décision incriminée;

»Considérant dès lors que l'article 52, § 2, 2°, de la loi du 15décembre1980 modifiée par la loi du 18 juillet 1991 s'applique».

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 1er, A, (2) de la Convention internationale relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951, en ce que la décision litigieuse déclare que la demande d'asile ne se rattache pas aux critères prévus par cette disposition précitée alors que, le récit du requérant fait état de son opinion politique dissidente face au gouvernement militaire du Président Rawlings, d'un écrit qu'il a signé, destiné à la presse et critiquant le gouvernement en place ainsi que d'une persécution injuste et brutale, le requérant ayant été enfermé dans un camp militaire et brutalement torturé;

Considérant que le récit qu'a fait le requérant lors de son audition à !'Office des étrangers, le requérant n'ayant pas donné suite à la convocation du Commissariat général, était insuffisant pour reconnaître l'existence d'une crainte réelle de persécution en raison de ses opinions politiques ou religieuses; que les invraisemblances relevées par la partie adverse lui ont permis de conclure, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que la demande d'asile devait être considérée comme manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile ou comme manifestement frauduleuse; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un moyen, le quatrième de la requête, de la violation de l'article 52 de la loi du 15 juillet 1980 modifié par la loi du 18 juillet 1991, en ce que cet article permet au Ministre de l 'Intérieur de déclarer non recevable une demande d'asile qui est soit frauduleuse, soit manifestement fondée sur des critères ne se rattachant pas à ceux de la Convention de Genève, alors qu'en l'espèce, le requérant invoque des motifs qui relèvent précisemment de cette Convention: il a signé un écrit destiné à la presse où son parti critiquait le gouvernement militaire en place et il a été emmené au camp militaire de Gonda et sévérement torturé;

Considérant que la légalité de l'acte attaqué doit être appréciée non pas au regard des éléments nouveaux invoqués par le requérant dans sa requête mais uniquement en fonction des éléments qu'il a invoqués dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile par les parties adverses; que ces éléments consistent en la participation à un mouvement d'opposition, la signature d'un manifeste hostile au gouvernement, l'interrogatoire par trois hommes en civil et la fuite devant l'encerclement de sa maison par des soldats; que le Ministre de l'intérieur

RECUEIL DES ARRHrS DU CONSEIL D'El'AI' - 1994

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N° 48.773

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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a pu raisonnablement considérer que les faits allégués par le requérant ne constituaient pas des persécutions au sens de la Convention de Genève, en se fondant notamment sur la constatation que les déclarations du requérant, selon lesquelles il reconnaissait n'avoir exercé aucune activité politique ou religieuse, étaient signées par lui; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que le récit du requérant est considéré comme vague et invraisemblable sans qu'aucune explication soit fournie pour justifier cette motivation, alors que le requérant affirme faire partie d'un mouvement regroupant les fidèles de l'ancien Président Nkrumah et que l'on ne peut lui reprocher d'avoir fui sans documents étant donné les conditions particulièrement dramatiques de sa fuite;

Considérant qu'en application des articles 62, 63/2 et 63/3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, il suffit que la décision nouvelle prise à l'issue du réexamen contienne l'indication des considérations de droit et de fait adéquates lui servant de fondement; que ne se confondant pas avec le quatrième moyen, le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation du principe général des droits de la défense, en ce que «la motivation de la décision litigieuse est particulièrement lacunaire et n'explique pas de façon précise les motifs ayant présidé au rejet de la demande d'asile, que dès lors le requérant se voit privé de l'exercice de son droit de la défense»;

Considérant que ce moyen se confond avec le deuxième moyen examiné ci-dessus; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre à celui-ci de suspendre l'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie en l'espèce; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N°" 48.774 et 48.775

ARRETS du 24 août 1994 (XIe Chambre)

AGYAPONG MENSAH et AMPOMAH = n° 48.770.

N° 48.776

ARRET du 24 août 1994 (XI• Chambre)

(1)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Nihoul, auditeur.

KWASI ATTA (Me Mulenda) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 et 2)

II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation implicite

1. La motivation d'un ordre de quitter le territoire selon laquelle le demandeur n'a pas été reconnu comme réfugié implique nécessairement que la décision trouve son fondement dans la décision de la commission permanente de recours des réfugiés. Le délégué du ministre de l'intérieur, en se référant aux articles 6 et 7 de la loi du 15 décembre 1980 et en précisant que l'étranger demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé par l'article 6, motive légalement l'ordre de quitter le territoire consécutif à la décision de la commission permanente de recours des réfugiés ne lui reconnaissant pas la qualité de réfugié.

2. Le recours en annulation d'une décision de la commission permanente de recours des réfugiés n'a aucun effet suspensif à l'égard de l'ordre ultérieur de quitter le territoire.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETAT - 1994

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Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798 Page 49 N° 48.776

Vu la demande introduite le 27 avril 1993 par Moses Kwasi Atta, de nationalité ghanéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de l'ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifié le 1er avril 1993;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit

1. Le 1er avril 1992, la Commission permanente de recours des réfugiés n'a pas reconnu au requérant la qualité de réfugié.

2. Le 13 juillet 1992, le Conseil d'Etat a rejeté, par un arrêt n° 40.018, la demande de suspension introduite contre cette décision.

20);

3. Le 1er avril 1993, fut notifié au requérant un ordre de quitter le territoire (annexe 13), motivé comme suit:

«-Demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé conformément à l'art. 6 (loi 15/12/80 -Art 7, alinéa 1,

»N'a pas été reconnu comme réjUgié (A.R. 08/10/81 -Art 77)».

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que la motivation de la décision critiquée est stéréotypée et ne comporte aucune mention précise se rattachant au cas personnel du requérant, que celui-ci ignore les motifs du rejet de sa demande d'asile;

Considérant que le délégué du Ministre de l'intérieur en se référant aux articles 6 et 7 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et en précisant que le demandeur demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé par l'article 6, a légalement motivé l'ordre de quitter le territoire consécutif à la décision de la Commission permanente de recours des réfugiés ne reconnaissant pas au requérant la qualité de réfugié; que la motivation d'un ordre de quitter le territoire selon laquelle le demandeur n'a pas été reconnu comme réfugié implique nécessairement que la décision trouve son fondement dans la décision de la Commission permanente de recours; que la motivation est dès lors suffisante; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation des droits de la défense en ce que la motivation de la décision critiquée n'apporte aucun élément spécifique au dossier du requérant et se borne à citer deux articles de loi, que dès lors le requérant, ignorant les motifs précis du rejet de sa demande d'asile, est dans l'impossibilité d'exercer correctement ses droits de la défense, qu'en outre, dans la mesure où la procédure de recours en annulation est toujours pendante devant le Conseil d'Etat, le fait de déjà notifier au requérant un ordre de quitter le territoire préjuge de la décision de justice à intervenir;

Considérant que la demande de suspension étant dirigée uniquement contre l'ordre de quitter le territoire, le moyen pris de la violation des droits de la défense, en ce que le requérant ignore les motifs précis du rejet de sa demande d'asile, n'est pas sérieux; qu'enfin, le recours en annulation d'une décision de la Commission permanente de recours n'a aucun effet suspensif à l'égard de l'ordre ultérieur de quitter le territoire; que la décision de la Commission est exécutoire nonobstant un recours en annulation devant le Conseil d'Etat; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant qu'une des conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse ordonner la suspension de l'exécution de l'acte attaqué fait défaut; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N° 48.777

ARRET du 24 août 1994 (Xie Chambre)

MENSA = n° 48. 770.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'Hl'AT - 1994

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N° 48.778

N° 48.778

ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

Page 50

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Jaumotte, auditeur.

SEKYI (Me Berten) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Comnùs­saire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 à 4) II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation par

référence - 1° Référence à une annexe (1); - 2° Généralités (2)

1. L'annexe jointe à une décision régulièrement signée qui y renvoie fait partie del' acte principal et en porte valablement les motifs à la connaissance du destinataire.

2. L'obligation de motivation formelle n'implique pas une référence formelle aux critères prévus par l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 mais bien que l'étranger connaisse les raisons qui ont déterminé la décision attaquée.

3. Lorsque le commissaire général indique expressément dans son avis que le récit de l'étranger est stéréotypé et peu crédible et contient des contradictions, il est patent qu'il considère que la demande d'asile est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile parce qu'elle est frauduleuse et qu'elle ne peut par conséquent se rattacher ni aux critères prévus par la Convention de Genève ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile.

4. Le seul fait que l'étranger s'est contredit sur l'itinéraire suivi permet de déclarer irrecevable la demande d'asile en raison de son caractère frauduleux.

met IV. (voir n° 48.729, ID et IV, n° 3)

Vu la demande introduite le 15 décembre 1992 par Kofi Sekyi, de nationalité ghanéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire (annexe 26ter), prise le 29 octobre 1992 et notifiée le 9 décembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le requérant s'est déclaré réfugié politique le 16 avril 1992 et a été interrogé le 27 avril 1992 à !'Office des étrangers.

2. Le 27 avril 1992, le délégué du Ministre de la Justice a notifié au requérant une décision de refus de séjour (annexe 26bis), motivée comme suit:

«Le demandeur d'asile déclare avoir été arrêté le 1er avril 1992 après avoir émis des critiques contre le fait que les Ghanéens avaient dû rentrer leurs vieux billets de banque. Tous les vieux billets de banque ont en effet été retirés de la circulation. A la suite de cette opération, beaucoup de personnes auraient été confrontées à la pauvreté. Les motifs invoqués à l'appui de la demande d'asile n'entrent pas en ligne de compte pour la reconnaissance de la qualité de réfugié. En outre, il convient d'observer que cette opération de retrait de la circulation des vieux billets de banque datait de 1982».

3. Le requérant a, par l'intermédiaire de son actuel conseil, introduit, le 28 avril 1992, une demande urgente de réexamen.

4. Le requérant a été entendu au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides le 18 mai 1992. Le Commissaire général a, à la suite de cette audition, rendu un avis défavorable au séjour du requérant.

5. Le 29 octobre 1992, le délégué du Ministre del 'Intérieur a pris une décision de rejet de la demande urgente de réexamen (annexe 26ter) en se référant expressément aux motifs de droit et de fait indiqués par le Commissaire général dans son avis du 21 mai 1992. L'annexe 26ter a été notifiée le 9 décembre 1992 au requérant.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs, en ce que, première branche, la motivation doit figurer dans le corps de la décision et non en annexe à celle-ci; en ce que, deuxième branche, la motivation doit contenir les éléments de droit et de fait qui ont permis de fonder la décision, en ce que, troisième branche, les moyens doivent être adéquats et conformes aux faits, que la motivation doit être précise, claire et concrète;

RECUEIL DES ARRHrS DU CONSEIL D'HrM - 1994

Page 51: Nos 48.715 à 48.798 Page 1 - KU Leuven · N° 48.719 Arrêls Nos 48.715 à 48.798 Page 2 Vu la demande introduite le 10juin1994 par l'association sans but lucratif Pouvoir Organisateur

Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 51 N° 48.778

Considérant sur la première branche que, l'annexe jointe à une décision régulièrement signée qui y renvoie fait partie de l'acte principal et en porte valablement les motifs à la connaissance du destinataire; que le requérant n'indique d'ailleurs pas en quoi le mode de motivation qu'il critique lui aurait fait grief;

Considérant sur la deuxième branche que, l'obligation de motivation formelle n'implique pas une référence formelle aux critères prévus par l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers mais bien que le requérant connaisse les raisons qui ont déterminé la décision attaquée; que lorsque le Commissaire général indique expressément dans son avis que le récit du requérant est stéréotypé et peu crédible et qu'il contient des contradictions, il est patent qu'il considère que la demande d'asile est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile, parce qu'elle est frauduleuse et qu'elle ne peut par conséquent se rattacher ni aux critères prévus par la Convention de Genève ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile;

Considérant sur la troisième branche que, le seul fait que le requérant s'est contredit sur l'itinéraire suivi permet aux parties adverses de déclarer irrecevable la demande d'asile en raison de son caractère frauduleux; que le requérant a déclaré à l'Office des étrangers qu'il avait quitté la Côte d'ivoire pour se rendre à Paris par vol Air Afrique alors qu'il a déclaré au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides qu'il avait rejoint l'Italie et qu'il aurait ensuite effectué le voyage Rome-Bruxelles à bord d'une voiture; que la dénonciation d'une telle contradiction dans l'itinéraire suivi répond manifestement à l'obligation imposée par la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs; que le moyen n'est sérieux en aucune de ses branches;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980, en ce que cet article permet au ministre ou à son délégué de déclarer non recevables les demandes manifestement étrangère aux critères de l'asile quand la demande est frauduleuse ou quand la demande est manifestement étrangère aux critères de la Convention de Genève;

Considérant qu'il résulte de l'examen du premier moyen que les parties adverses n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant, en l'espèce, qu'il convenait de déclarer la demande d'asile irrecevable, en application de l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la «violation de l'article de la Convention Européenne des droits de l'Homme et des principes élémentaires de l'instruction contradictoire et des droits de la défense»;

Considérant que la procédure prévue par les articles 63/2 et 63/3 de la loi du 15 décembre 1980 n'est pas juridictionnelle; que le principe général prescrivant le respect des droits de la défense d'y est pas applicable; que l'audition au Commissariat général a pour but, dans l'intérêt d'une bonne administration et dans celui du demandeur d'asile, d'informer les autorités d'avis et de décision sur recours, notamment sur la pertinence et la sincérité des raisons de l'étranger qui demande la qualité de réfugié; qu'imposer au Commissaire général ou à son délégué d'engager avec le candidat un débat sur la cohérence des propos de celui-ci irait à l'encontre de ce but; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant qu'une des conditions prévues par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat n'est pas remplie; que, partant, la demande ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N° 48.779 ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Jaumotte, auditeur.

AMPONSAH KWASI (Me Mulenda) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M•• Zenobi et François)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 et 2)

II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante - Motivation trop générale (1)

1. Le moyen pris du défaut de motivation est sérieux lorsque l'avis du commissaire général ne précise pas en quoi le récit de l'étranger est peu crédible et qu'il n'est pas établi que l'étranger se serait contredit dans ses déclarations successives.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfΠ- 1994

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N° 48.779

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

Page 52

2. S'il ressort des renseignements fournis au Conseil d'Etat par la direction générale de la politique du ministère des Affaires étrangères que la situation au Ghana s'est améliorée au point de ne plus faire craindre la persécution politique des membres de l'opposition, la situation particulière du requérant ne semble pas pouvoir être appréciée sur une base aussi générale.

Vu la demande introduite le 4 décembre 1992 par Amponsah Kwasi, de nationalité ghanéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire (annexe 26ter), qui lui a été notifiée le 21 octobre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le 12 février 1992, le requérant s'est déclaré candidat réfugié.

2. Le 24 février 1992, le délégué du Ministre de l'intérieur a pris une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire, fondée sur le caractre frauduleux de la demande et justifiée comme suit:

«déclarations non crédibles. L'intéressé déclare que tous les habitants du village auraient été appelés pour participer à une réunion du C.D.R. Il leur aurait été demandé de devenir membres du C.D.R., mais l'intéressé aurait refusé. Le lendemain, tous ceux qui auraient refusé de devenir membres du C.D.R. auraient été arrêtés par les soldats et la police. L'intéressé ne se trouvait pas chez lui et aurait décidé de quitter son pays. Il n'aurait fait à ce sujet l'objet d'aucune poursuite. Il n'est dès lors pas possible d'accorder un quelconque crédit à ses déclarations. Son itinéraire n'est pas crédible».

3. A la suite d'une demande urgente de réexamen, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a donné, le 20 mai 1992, un avis défavorable au séjour du requérant, motivé comme suit:

<<L'intéressé a été entendu le 30 avril 1992 assisté d'un interprète commis par le Commissariat général

»A ses dires, sa vie serait en danger pour avoir refusé d'adhérer au CDR (Committee for the Defence of the Revolution).

»Outre le fait que son récit est très peu crédible, le requérant se contredit sur les noms des personnes ayant eu un rôle à jouer lors des événements avancés à l'appui de sa demande.

»En conséquence, le Commissaire général émet un avis défavorable au séjour de l'intéressé. Il considère en outre que dans les circonstances actuelles, l'intéressé peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie ou sa liberté serait menacée».

4. Le 29 septembre 1992, le délégué du Ministre de l'intérieur a pris une décision de rejet de la demande urgente de réexamen en se référant expressément à l'avis défavorable du Commissaire général. Cette décision a été notifiée le 21 octobre 1992 au requérant.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et un quatrième moyen de la violation de l'article 52 de la loi du 15 juillet 1980 modifiée par la loi du 18 juillet 1991, en ce que le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides reproche au requérant «de produire un récit très peu crédible et de s'être contredit sur le nom des personnes ayant eu un rôle à jouer lors des événements avancés à l'appui de sa demande» alors que le requérant a produit un récit circonstancié et une lettre d'un ami indiquant qu'il était toujours activement recherché et que les deux autres personnes arrêtées devaient être exécutées, qu'en outre, aucune mesure d'investigation n'a été mise en œuvre pour vérifier si les faits relatés par le requérant sont exacts, que les contradictions relevées par le Commissaire général ne peuvent être vérifiées que si les déclarations du requérant à l'Office des étrangers, au Petit-Château et au Commissariat général sont produites par les parties adverse, qu'enfin, l'article 52 de la loi du 15 juillet 1980 permet au Ministre de l'intérieur de déclarer non recevable la demande qui est frauduleuse ou qui ne se rattache ni aux critères de la Convention de Genève ni à d'autres critères justifiant l'asile, alors qu'en l'espèce le requérant invoque des motifs relevant précisément de la Convention précitée:

«-refus de gagner le C.D.R., principale organisation gouvernementale

>>-le requérant est activement recherché, la police et les militaires s'étant rendus plusieurs fois à son domicile

»son oncle habitant le même village et ayant aussi refusé de rejoindre le C.D.R. a été arrêté»;

Considérant que, dans son avis du 20 mai 1992, le commissaire général n'explique pas en quoi le récit du requérant serait peu crédible, alors qu'il ressort du dossier administratif que le requérant fait le même récit aux diftërents stades de la procédure en recevabilité et a en outre déposé au Commissariat général une lettre étayant ses affirmations; qu'il appartenait donc au Commissaire général de préciser expressément en quoi le récit du requérant

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'E'W' - 1994

Page 53: Nos 48.715 à 48.798 Page 1 - KU Leuven · N° 48.719 Arrêls Nos 48.715 à 48.798 Page 2 Vu la demande introduite le 10juin1994 par l'association sans but lucratif Pouvoir Organisateur

Arrêts Nos 48.715 à 48.798 Page 53 N° 48.779

lui paraissait peu crédible; qu'enfin, une comparaison des notes prises lors de l'audition à !'Office des étrangers avec celles prises au Commissariat général ne permet pas d'établir que le requérant se serait contredit sur les noms des personnes ayant eu un rôle à jouer lors des événements avancés à l'appui de sa demande; qu'il s'ensuit que la motivation de l'acte attaqué, qui fait sienne celle de l'avis du commissaire général, n'est pas adéquate et comporte une erreur manifeste d'appréciation; que le moyen est sérieux;

Considérant que le requérant décrit comme suit le risque de préjudice grave difficilement réparable que l'exécution immédiate de l'acte attaqué lui ferait encourir:

«Que le requérant produit à l'appui de sa demande un courrier de son ami Kwaku Owusu Ansah du 7 avril 1992 indiquant qu'il est toujours activement recherché et que deux personnes arrêtées pour les mêmes faits ont été exécutées ainsi qu'un courrier de Maître William Kweku, consulté par les parents de Mr. Amponsah qui l'informe qu'il a été condamné par défaut à la peine capitale et qu'il a frappé d'appel ladite décision; les parents de Mr. Amponsah sont persécutés pour qu'ils avouent où se cache leur füs et sont eux-mêmes contraints de vivre dans la clandestinité; Me Kweku joignant en annexe la photocopie d'un mandat d'arrêt décerné contre le requérant.

»Qu'il y a donc lieu de considérer que le requérant fait la preuve des conséquences graves d'un rapatriement dans son pays d'origine, que le courrier de l'avocat ghanéen en fait indiscutablement la preuve»;

Considérant que, tel qu'il est ainsi allégué, le risque de préjudice grave paraît établi; que s'il ressort des renseignements fournis au Conseil d'Etat par la direction générale de la politique du ministère des Affaires étrangères que la situation au Ghana s'est améliorée au point de ne plus faire craindre la persécution politique des membres de l'opposition, la situation particulière du requérant ne semble pas pouvoir être appréciée sur une base aussi générale;

Considérant que les conditions requises par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit accueillie la demande de suspension sont réunies;

Considérant que l'article 17, § 4, des lois coordonnées précitées dispose comme suit

«( ... ) Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt>>; qu'un délai aussi bref ne saurait s'accommoder des délais ordinaires de la procédure; qu'il y a lieu de les réduire de la manière fixée au dispositif ci-après,

(Est suspendue l'exécution de l'ordre de quitter le territoire pris le 29 septembre 1992 et notifié à Kwasi Amponsah le 21 octobre 1992).

N° 48.780 ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

KINGSLEY KYEREH DONKOR = n° 48. 770.

N° 48.781 ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil 'd'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Jaumotte, auditeur.

AFEDSI MANSON KWESI (Me Mulenda) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

I. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 à 3) II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Notification des actes - Effets de la notification

irrégulière (2)

1. L'article 25 de la loi du 15 décembre 1980 ne concerne que les renvois et les expulsions et non les ordres de quitter le territoire faisant suite à une demande urgente de réexamen.

RECUEIL DES ARRBI'S DU CONSEIL D'Eflù' - 1994

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N° 48.781

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

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2. Un vice éventuel dans la notification ne peut entrainer la nullité de la décision si celle-ci est légale.

3. En constatant que la demande urgente de réexamen ne critique pas tous les motifs de la décision de refus de séjour, le ministre et le commissaire général s'approprient les motifs non critiqués de cette décision.

Vu la demande introduite le 29 décembre 1992 par Afedzi Manson Kwesi, de nationalité ghanéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, qui lui a été notifiée le 1°' décembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande ! 'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension sont les suivants:

1. Arrivé en Belgique le 12 avril 1992, le requérant s'est déclaré candidat réfugié politique en expliquant qu'il avait fui son pays parce qu'il aurait écouté un groupe de témoins de Jéhovah et que la police serait intervenue pour les arrêter.

2. Entendu à !'Office des étrangers, le requérant a déclaré dans une première version qu'il aurait quitté son pays pour la Côte d'ivoire le 30 avril 1991 alors que, dans une seconde version, ce passage en Côte d'ivoire aurait eu lieu le 7 avril 1992.

3. Le 16 avril 1992, la première partie adverse a pris une décision de refus de séjour (annexe 26bis) pour les motifs que, d'une part, le requérant a donné plusieurs versions des circonstances de sa fuite et, d'autre part, qu'il n'invoque aucun fait pouvant justifier ! 'asile.

4. A la suite d'une demande urgente de réexamen, la seconde partie adverse a donné un avis défavorable au séjour du requérant en Belgique, daté du 15 juin 1992.

5. Le 1er décembre 1992, la première partie adverse a rejeté la demande urgente de réexamen (annexe 26ter) en se référant à l'avis défavorable du 15 juin 1992.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 25 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce que le délai dans lequel l'étranger expulsé doit quitter le territoire ne peut être inférieur à quinze jours alors que la décision attaquée enjoint au requérant de quitter le territoire dans les cinq jours de sa notification;

Considérant que la disposition invoquée ne concerne que les renvois et les expulsions et non les ordres de quitter le territoire faisant suite à une demande urgente de réexamen; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 qui stipule que les décisions administratives sont motivées, qu'elles sont notifiées aux intéressées qui en reçoivent une copie par le bourgmestre de la commune où se trouve l'étranger ou par son délégué, qu'elles peuvent l'être aussi par les autorités désignées à l'article 50, à l'exception du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, que l'ordre de quitter le territoire a été notifié au requérant par <Madame Francine Jacob, agent de ville» sans autre précision, que l'agent Jacob, exerçant les fonctions de commis à la ville de Liège, ne fait pas partie de l'énumération limitative de l'article 50 auquel renvoie expressément l'article 62 précité; que, par conséquent, l'agent Jacob n'avait pas qualité ni compétence pour procéder à la notification de la décision attaquée;

Considérant qu'un vice éventuel dans la notification ne peut entraîner la nullité de la décision si celle-ci est légale; que la décision a été valablement prise par Madame Godin, secrétaire d'administration à !'Office des étrangers; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation de l'article premier A (2) de la Convention de Genève, un quatrième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs, en ce que la loi suppose une motivation adéquate reposant sur des faits réels, et un cinquième moyen de la violation de l'article 52 de la loi du 15 juillet 1980 qui permet au Ministre de !'Intérieur, en vertu d'une compétence exceptionnelle, de déclarer non recevables les demandes d'asile si la demande est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile à condition que la demande soit frauduleuse et qu'elle ne se rattache ni aux critères de la Convention de Genève ni à d'autres critères justifiant l'asile;

Considérant qu'en l'espèce le rejet de la demande urgente de réexamen est notamment motivé par la circonstance que cette demande ne conteste qu'imparfaitement la motivation de la décision de refus de séjour, celle-ci étant basée sur les versions différentes quant aux dates relatives à ! 'itinéraire de la fuite du requérant, ce que celui-ci ne conteste pas; que, en constatant que la demande urgente de réexamen ne critique pas tous les motifs de la décision de refus de séjour, les parties adverses s'approprient ainsi les motifs non critiqués de cette décision, à savoir l'existence de contradictions au sein du récit impliquant que celui-ci est peu crédible et

RECUEU., DES ARREfS DU CONSEU., D'ETJIT - 1994

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Arrêts Nos 48.71S à 48.798 Page SS N° 48.781

que la demande d'asile est frauduleuse au sens de l'article S2 de la loi du 1S décembre 1980; qu'aucun des trois moyens n'est sérieux;

Considérant que une des conditions prévues par l'article 17, § 2, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit accueillie une demande de suspension n'est pas remplie; que, partant, la demande ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N°" 48. 782 à 48. 785 ARRETS du 24 août 1994 (XIe Chambre)

48.782 à 48.784- KYEREME KWAME et autres= n° 48.770.

48.785 -ADKINKRA = n° 48.781, 1, n° 1 + n° 46.254.

N° 48.786 ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Mme Béeckman de Crayloo, auditeur adjoint.

POKUAH (Me Berten) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

1 et II. (voir n° 48.778, 1 et Il, n° 1) fil et IV. (voir n° 48.778,- 1 et Il, n° 2)

V. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

1. Lorsque le commissaire général indique expressément dans son avis que le récit de l'étranger est confus, contradictoire et incohérent, il est patent qu'il considère que la demande d'asile est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile parce qu'elle est frauduleuse et qu'elle ne peut par conséquent se rattacher ni aux critères prévus par la Convention de Genève ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile.

2. Le seul fait que l'étranger s'est contredit sur les circonstances de sa sortie de prison et sur la durée de son séjour permet de déclarer irrecevable la demande d'asile en raison de son caractère frauduleux.

3. L'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 permet au ministre de déclarer irrece­vable la demande basée sur des faits ne relevant pas du droit commun lorsque celle-ci n'est accompagnée d'aucun commencement de preuve et que les récits du demandeur d'asile sont contradictoires.

VI et VIL (voir n° 48.729, III et IV, n° 3)

Vu la demande introduite le 26 janvier 1993 par Agnès Pokuah, de nationalité ghanéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen (annexe 26ter) du 21 novembre 1992, qui lui a été notifiée le lS décembre 1992 par le délégué du bourgmestre de Verviers;

Vu la requête introduite simultanément par la même requérante qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent co=e suit

1. Arrivée en Belgique le 6 mai 1991, la requérante fut entendue à !'Office des étrangers le 14 novembre 1991, où elle déclara vouloir rejoindre son mari, Nketian Robert, qui se trouverait en Belgique, à une adresse qu'elle ignore.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'EfAI' - 1994

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N° 48.786

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

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Elle déclara qu'en avril 1991, son mari aurait eu des «problèmes» avec le gouvernement. Il aurait travaillé à la base militaire de Kumasi.

Un week-end, son mari aurait laissé son uniforme et quitté son domicile, déclarant qu'il allait voir son père.

Le 26 avril 1991, les soldats seraient venus au domicile de la requérante et auraient demandé où se trouvait son mari. Ils auraient trouvé son uniforme. La requérante leur aurait répété ce que son mari lui avait dit. Elle aurait ensuite été emprisonnée.

Libérée grâce à l'intervention de sa mère, la requérante aurait alors décidé de quitter le pays pour la Côte d'ivoire où elle aurait rencontré un ami de son mari, nommé Kwaku, qui lui aurait dit que son mari se trouvait en Belgique. La requérante n'a pas subi de condamnation politique ou religieuse.

2. Le 14 novembre 1991, le délégué du Ministre prit la décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire (annexe 26bis ).

3. Le 18 novembre 1991, le précédent conseil de la requérante adressa au Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides une demande urgente de réexamen.

4. Le 14 janvier 1992, la requérante fut entendue au Commissariat général.

5. Le 24 janvier 1992, le Commissaire général émit un avis défavorable au séjour de la requérante.

6. Le délégué du Ministre prit le 21 décembre 1992 une décision de rejet de la demande urgente de réexamen se référant expressément aux motifs de droit et de fait de l'avis précité. L'annexe 26ter fut notifiée le 15 janvier 1993.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que, première branche, la décision ne comprend pas dans son corps les motifs du rejet qui se trouvent en annexe; que, deuxième branche, l'annexe de la décision ne contient que des éléments de fait et des appréciations subjectives du Commissaire général et ne contient aucun motif de droit; que, troisième branche, la motivation doit être adéquate et correspondre aux faits invoqués par la requérante;

Considérant, sur la première branche, que l'annexe jointe à une décision régulièrement signée qui y renvoie fait partie de l'acte principal et en porte valablement les motifs à la connaissance du destinataire;

Considérant, sur la deuxième branche, quel 'obligation de motivation formelle n'implique pas une référence formelle aux critères prévus par l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers mais bien que le requérant connaisse les raisons qui ont déterminé la décision attaquée; que lorsque le Commissaire général indique expressément dans son avis que le récit de la requérante est confus, contradictoire et incohérent, il est patent qu'il considère que la demande d'asile est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile, parce qu'elle est frauduleuse et qu'elle ne peut par conséquent se rattacher ni aux critères prévus par la Convention de Genève ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile;

Considérant, sur la troisième branche, que le seul fait que la requérante se soit contredite sur les circonstances de sa sortie de prison et sur la durée de son séjour permettait aux parties adverses de déclarer irrecevable la demande d'asile en raison de son caractère frauduleux; que la requérante a déclaré à l'Office des étrangers que sa mère avait payé la caution lui permettant de quitter les «Kumasi Military barracks» alors qu'au Commissariat général, elle déclara avoir pu sortir de cet endroit grâce au mari d'une codétenue et que, dans la demande urgente de réexamen, elle fit état d'une évasion; qu'à l'Office des étrangers, elle déclara avoir été détenue sept jours alors qu'au Commissariat général, elle déclara l'avoir été dix jours; que la constatation de telles contradictions répond à l'obligation imposée par la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs; que le moyen n'est sérieux en aucune de ses branches;

Considérant que la requérante prend un deuxième moyen de la violation de l'article 52 de. la loi du 15 décembre 1980 en ce que, pour pouvoir faire application de l'article 52, le Ministre ou son délégué doit prouver, et non simplement estimer, que la demande est manifestement fondée sur des motifs totalement étrangers aux critères de l'asile quand la demande est soit frauduleuse, soit manifestement étrangère aux critères de la Convention de Genève;

Considérant que l'article 52 de la loi permet au ministre de déclarer irrecevable la demande basée sur des faits ne relevant pas du droit commun lorsque celle-ci n'est accompagnée d'aucun commencement de preuve et que les récits du demandeur d'asile sont contradictoires; qu'en l'espèce, le ministre n'a pas excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en relevant les contradictions dans les récits de la requérante; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que la requérante prend un troisième moyen de la violation des «droits généraux de la défense»;

Considérant que la procédure de demande urgente de réexamen n'est pas une procédure de type juridic­tionnel; que l'audition au Commissariat a pour but, dans l'intérêt d'une bonne administration et dans celui du demandeur d'asile, d'informer les autorités d'avis et de décision sur recours notamment sur la pertinence et la sincérité des raisons de l'étranger qui demande la qualité de réfugié; qu'elle n'est pas l'occasion d'engager un débat sur la cohérence des propos de celui-ci; que le moyen n'est pas sérieux;

RECUEH, DES ARRHI'S DU CONSEil, D'E'Im' - 1994

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Arrêts . Nos 48. 715 à 48. 798 Page 57 N° 48.786

Considérant que la requérante prend un quatrième moyen de la violation de «l'esprit de la Constitution belge et des garanties à un procès équitable»;

Considérant que la requérante n'indique pas quelles dispositions constitutionnelles ou légales précises auraient été violées; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant qu'une des conditions prévues par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre au Conseil d'Etat de suspendre 1 'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N08 48. 787 à 48. 789 ARRETS du 24 août 1994 (XP Chambre)

48.787 - KUSI = n° 48.781, I et II, n08 1 et 2 + n° 46.254.

48.788 et 48.789 - KUSI DICKSON et AGYRI = n° 48.770.

N° 48.790 ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

(1)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Nihoul, auditeur.

NSIAH et KONABU (Me Mulenda) c/ Etat belge représenté par le ministre de !'Intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 à 3) II. NOTION D'AUTORITE ADMINISTRATIVE - Critères - Autorité internationale et étrangère

1. Le Conseil d'Etat ne peut connaître des actes accomplis par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, qui est un fonctionnaire international.

2. En signifiant un ordre de quitter le territoire à l'étranger que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a refusé de reconnaître comme réfugié politique, le ministre se borne à tirer, en droit interne, les conséquences d'une décision par rapport à laquelle il n'a aucun pouvoir d'appréciation.

3. Le ministre satisfait aux exigences légales relatives à la motivation formelle en constatant que, n'ayant pas été reconnu comme réfugié, l'étranger est dans une situation de séjour illégal à laquelle il convient de mettre fin.

Vu la demande introduite le 21 avril 1993 par Stephen Nsiah et son épouse Lydia Konabu, de nationalité ghanéenne, qui tendent à la suspension de l'exécution des ordres de quitter le territoire (annexe 13 - Modèle B) qui leur ont été notifiés le 19 mars 1993;

Vu la requête introduite simultanément par les mêmes requérants qui demandent l'annulation de ces décisions;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit

1. Ayant quitté le Ghana le 8 septembre 1987, les requérants, qui n'étaient porteurs d'aucun document d'identité, sont arrivés en Belgique le 10 septembre 1987.

2. Le 11 septembre 1987, ils ont demandé à être reconnus en qualité de réfugié politique et ont été interrogés le 14 septembre 1987 par !'Office des étrangers.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'HI'AT - 1994

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N° 48.790

Arrêts Nos 48.715 à 48.798

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3. Leur demande ayant été déclarée recevable, elle a été transmise le 18 novembre 1987 au Haut Commis-saire des Nations Unies pour les réfugiés.

4. Le 5 novembre 1987, le délégué du Haut Commissaire des Nations Unies prit la décision suivante:

«Nous avons l'honneur de nous référer au cas de

»Msiah Stephen né à Accra le 09.07.63

»Konadu Lydia née à Accra le 01.09.65

»Etant donné que l'intéressé(e) ne nous a pas restitué le formulaire d'usage, que son adresse nous est inconnue et qu'il (elle) ne s'est plus manifesté(e) depuis le 11.09.87 à notre délégation, nous présumons qu'il (elle) ne persiste plus dans sa demande de statut de réfugié(e).

»Par conséquent, nous classons son dossier sans suite pour manque apparent d'intérêt de sa part».

5. A deux reprises, les 11 février 1988 et 30 janvier 1989, des instructions furent données en vue de notifier aux requérants un ordre de quitter Je territoire fondé sur l'article 6 de la loi du 15 décembre 1980 sans que ces instructions soient suivies d'effet.

6. Par lettre du 23 février 1990, le délégué du Haut Commissaire des Nations Unies avisa la première partie adverse qu'<<étant donné que les intéressés ont repris contact avec notre Office, nous poursuivons l'étude de leur dossier».

7. Le 18 septembre 1990, le délégué du Haut Commissaire des Nations Unies notifia à la première partie adverse la décision suivante:

«J'ai l'honneur de me référer à notre lettre du 5.11.1987 et de vous informer que, statuant sur la demande déposée par M. Nsiah Stephen né à Accra le 9.7.1963 et son épouse Konadu Lydia, née à Accra le 1.9.1965, de nationalité ghanéenne, domiciliés rue Mazy, 69, 5100 J amhes, je n'ai pas estimé pouvoir reconnaître aux intéressés la qualité de réfugié au sens de la Convention des Nations Unies de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés».

8. Le 19 mars 1993, les ordres de quitter Je territoire querellés ont été notifiés aux requérants en exécution de la décision précitée du 18 septembre 1990.

Il s'agit des actes attaqués;

Considérant que les requérants prennent un premier moyen de la violation de la Convention de Genève en ce que la décision litigieuse fait état de ce que les requérants n'ont pas été reconnus comme réfugiés par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, bien que leur récit <<précis et circonstancié» ait satisfait aux critères de la Convention de Genève;

Considérant que le moyen critique en réalité la décision du Haut Commissaire; que celui-ci est un fonctionnaire international; que le Conseil d'Etat ne peut connaître de ses actes; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que les requérants prennent un deuxième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que la loi suppose une motivation adéquate reposant sur des faits réels et un troisième moyen de la violation des droits de la défense; qu'ils font valoir que la décision litigieuse indique pour chacun des requérants: <<Demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé conformément à l'article 16; n'a pas été reconnu comme réfugié» et qu'il s'agit là d'une motivation stéréotypée n'expliquant en rien les raisons pour lesquelles leur demande d'asile a été rejetée;

Considérant que l'acte attaqué n'est que la conséquence d'une décision du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés; qu'en signifiant les ordres de quitter le territoire aux requérants que le Haut Commissaire des Nations Unies avait refusé de reconnaître comme réfugiés politiques, la première partie adverse s'est bornée à tirer, en droit interne, les conséquences d'une décision par rapport à laquelle elle n'avait aucun pouvoir d'appréciation; qu'elle a satisfait aux exigences légales relatives à la motivation formelle en constatant que, n'ayant pas été reconnus comme réfugiés, les requérants étaient dans situation de séjour illégal, à laquelle il convenait de mettre fin; que les moyens ne sont pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions légales pour ordonner la suspension en vertu de l'article 17, § 2, alinéa 1er des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, fait défaut; qu'en conséquence, la demande ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

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Arrêls Nos 48. 715 à 48. 798 Page 59

N° 48.791

ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

TAWIAH = n° 48. 770.

N° 48.792

ARRET du 24 août 1994 (XIe Chambre)

N° 48.791

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Nihoul, auditeur.

FOSU (Me Mulenda) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Com­missaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

I. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 et 2) II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante

- Décision sur demande ou sur recours - Obligation de répondre aux moyens - Obligation de répondre aux arguments (2)

1. La légalité du rejet d'une demande urgente de réexamen doit être appréciée au regard des éléments qu'il a invoqués dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile par ['Office des étrangers et par le commissaire général aux réfagiés et aux apatrides.

2. Le moyen pris de la violation de la loi du 29 juillet 1991 à l'appui d'une demande urgente de réexamen doit s'interpréter comme visant l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980.

La procédure prévue par les articles 63/2 et 63/3 de la loi du 15 décembre 1980 n'est pas juridictionnelle. L'auteur de la décision n'est dès lors pas tenu de répondre à tous les arguments du recours.

Il suffit que la décision nouvelle, prise à l'issue du réexamen sur l'avis défavorable au séjour du commissaire général, contienne l'indication des considérations de droit et de fait adéquates lui servant de fondement.

Vu la demande introduite le 21 avril 1993 par Georgina Fosu, de nationalité ghanéenne, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision du 16 février 1993 rejetant sa demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifiée le 29 mars 1993;

Vu la requête introduite simultanément par la même requérante qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les fails utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Arrivée en Belgique le 4 septembre 1991, la requérante s'est déclarée, le 6 septembre 1991, candidat réfugié politique à ]'Office des étrangers et s'est vu délivrer le même jour une attestation de séjour provisoire.

2. Interrogée le 9 septembre 1991 à !'Office des étrangers, elle a fait valoir les éléments suivants à l'appui de sa demande d'asile:

<Je travaillais dans un bureau d'agent de change où je faisais des ménages. Des contrôleurs sont venus un jour pour une vérification: les agents de change ont alors pris la fuite pour demander l'asile politique en Grande-Bretagne.

»Les contrôleurs m'ont alors soupçonnée d'avoir caché des documents, ils voulaient m'arrêter et me mettre en prison. J'ai réussi à prendre la fuite et à me réfugier chez des amis dans une autre ville; là, on m'a aidée à trouver clandestinement un bateau grâce auquel j'ai pu gagner la Belgique»;

La requérante a précisé n'avoir subi aucune condamnation à caractère politique ou religieux, ni d'emprisonnement de ce type, ni d'atteinte à l'intégrité physique ou d'autres types d'intimidation.

3. Le 4 octobre 1991, le délégué du Ministre de la Justice rejeta la demande d'asile pour le motif que «l'intéressée n'a rencontré aucun problème d'aucune sorte avec ses autorités. Elle ne réfère à une enquête administrative dans le bureau d'agent de change où elle travaillait».

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfAT - 1994

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N° 48.792

Cette décision lui fut notifié le 18 septembre 1992.

Arrêts Nos 48. 715 à 48. 798

Page 60

4. Le 22 septembre 1992, la requérante introduisit une demande urgente de réexamen à la suite de laquelle elle fut entendue le 20 octobre 1992 par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

5. Le 29 octobre 1992, la seconde partie adverse émit un avis défavorable au séjour de la requérante.

6. Le 16 février 1993, la première partie adverse rejeta la demande urgente de réexamen en se référant expressément à l'avis précité du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.

Cette décision, accompagnée d'un ordre de quitter le territoire et notifiée à la requérante le 29 mars 1993, constitue l'acte attaqué;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation de l'article premier A (2) de la Convention de Genève en ce que la décision attaquée déclare que la demande d'asile de la requérante est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile; que la requérante prend un troisième moyen de la violation de l'article 52 de loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers qui permet au Ministre de l 'Intérieur, en vertu d'une compétence exceptionnelle, de déclarer non recevable une demande d'asile, si elle est frauduleuse et manifestement fondée-sur des motifs étrangers à l'asile;

Considérant que la compatibilité de la décision attaquée avec la Convention de Genève et avec l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 doit être appréciée au regard des éléments invoqués par la requérante dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile par les parties adverses; que la seconde partie adverse a pu raisonnablement considérer dans son avis que «les faits invoqués ne se rattachent pas à la Convention de Genève du 28juillet1951»; que le ministre a pu se fonder sur les déclarations signées de la requérante qui y reconnaît n'avoir exercé aucune activité politique ou religieuse et qui n'y apporte aucun commencement de preuve de persécution; qu'en outre, les faits invoqués ne constituent pas, à première vue, un motif raisonnable qu'aurait la requérante de craindre des persécutions du fait de sa race, de sa religion, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques au sens de la Convention de Genève, qu'aucun des deux moyens n'est sérieux;

Considérant que la requérante prend un deuxième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que la loi suppose une motivation adéquate reposant sur des faits réels;

Considérant que le moyen pris de la violation de la loi du 29 juillet 1991 à l'appui d'une demande de suspension d'une demande urgente de réexamen doit s'interpréter comme visant l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980; que la procédure prévue par les articles 63/2 et 63/3 de la loi du 15 décembre 1980 n'est pas juridictionnelle; que l'auteur de la décision n'est dès lors pas tenu de répondre expressément à tous les arguments du recours; qu'il suffit que la décision nouvelle, prise à l'issue du réexamen sur l'avis défavorable au séjour du Commissaire général, contienne l'indication des considérations de droit et de fait adéquates lui servant de fondement; que le ministre s'est basé sur des éléments réels pour estimer valablement que la requérante ne subissait pas de persécutions au sens de la Convention de Genève; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions prévues par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, à savoir l'existence de moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué, n'est pas remplie,

(Rejet de la demande de suspension).

N°" 48.793 à 48.798

ARRETS du 24 août 1994 (XJ• Chambre)

SONY et autres = n° 48.770.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETM - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 1 N° 48.799

N° 48.799 ARRET du 26 août 1994 (XIe Chambre)

(' !""' L.-

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Jaumotte, auditeur.

MULENGA TSCHIBAKA (Me Berten) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

1 et Il. (voir n° 48.778, 1 et II, n° 1)

ID et IV. (voir n° 48.778, 1 et II, n° 2)

V. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

Les travaux préparatoires de la loi du 14 juillet 1987 prévoient expressément au sujet des demandes manifestement fondées sur des motifs étrangers à l'asile qu'en pratique, «il s'agit de demandes motivées par des difficultés d'ordre personnel, familial, économique ou social, de demandes contenant de fausses indications dissimulant des faits essentiels ou encore fondées sur des documents qui ne sont pas authentiques».

Vu la demande introduite le 4 décembre 1992 par Mulenga Tuchibaka, de nationalité zaïroise, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifiée le 23 novembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Arrivé en Belgique le 4 avril 1992, le requérant s'est déclaré candidat réfugié politique et a été entendu à !'Office des étrangers le 6 avril 1992.

2. Le 6 avril 1992, le délégué du Ministre de la Justice a pris une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire (annexe 26bis).

3. Le requérant a introduit, le 7 avril 1992, une demande urgente de réexamen. Il a été entendu au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides le 5 mai 1992.

4. Le 11 mai 1992, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a donné un avis défavorable au séjour.

5. Le 5 novembre 1992, le délégué du Ministre de l'intérieur a pris une décision de rejet de la demande urgente de réexamen (annexe 26ter) en se référant expressément aux motifs de droit et de fait indiqués par le Commissaire général dans son avis du 11 mai 1992 joint à la décision.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991, relative à la motivation formelle des actes administratifs, en ce que, première branche, la loi prévoit que la motivation des actes doit être inscrite dans l'acte et non en annexe comme en l'espèce, en ce que, deuxième branche, la loi prévoit que la motivation souhaitée consiste en l'énonciation des éléments de droit et de fait, alors que l'avis annexé à la décision ne comprend aucun élément de droit mais uniquement une appréciation de fait, et, en ce que, troisième branche, la loi stipule que la motivation doit être adéquate, que ne peut être considérée comme adéquate une motivation fondée sur des éléments externes aux faits;

Considérant, sur la première branche, que ! 'annexe jointe à une décision régulièrement signée qui y renvoie fait partie de l'acte principal et en porte valablement les motifs à la connaissance du destinataire; que les motifs consignés dans une annexe jointe à la décision font partie de celle-ci;

Considérant, sur la deuxième branche, que l'obligation de motivation formelle n'impliquait pas de référence formelle aux critères prévus par l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, mais bien que le requérant connaisse les raisons qui ont déterminé la décision attaquée; qu'en l'espèce, lorsque le Commissaire général indique que la mention par le requérant lors de son audition au Commissariat général de l'appartenance de son père à l'U.D.P.S. a été ajoutée afin de rattacher sa demande aux critères de l'article 1er, A (2), de la Convention de Genève et que cet élément, combiné au caractère stéréotypé du récit, ne permet pas de remettre en cause la décision de refus de séjour prise par le ministre, il est patent qu'il considère que la demande est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile, parce qu'elle est frauduleuse et qu'elle ne peut par conséquent se rattacher ni aux critères prévus par la Convention de Genève

RECUEIL DES ARREI'S DU CONSEIL D'ErM - 1994

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N° 48.799

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile; que le requérant n'a donc pas, comme il le prétend, été privé de la possibilité de se défendre utilement dans son recours devant le Conseil d'Etat;

Considérant, sur la troisième branche, que le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le fait pour le requérant d'avoir seulement mentionné l'appartenance de son père à l'U.D.P.S. lors de l'audition au Commissariat général avait pour but de rattacher sa demande aux critères de l'article 1er, A (2), de la Convention de Genève, et en considérant que cet élément, combiné au caractère stéréotypé du récit, ne permettait pas de remettre en cause la décision initiale de refus de séjour; que le moyen n'est sérieux en aucune de ses branches;

Considérant que le requérant prend un second moyen de la violation de l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 précitée en ce que la loi permet au ministre de déclarer non recevables les demandes manifestement étrangères aux critères de l'asile, à savoir, les demandes frauduleuses et les demandes fondées sur des motifs étrangers aux critères de la Convention de Genève, qu'en l'espèce, la demande de suspension est fondée sur la participation à la manifestation d'opposition au régime en place et à la répression qui s'en est suivie; que le requérant allègue que la partie adverse ne peut dès lors invoquer son argument habituel, à savoir que la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs a donné au ministre un large pouvoir d'appréciation, pour déclarer non recevables les demandes jugées manifestement abusives ou non fondées, que cette interprétation n'est pas tirée du texte de la loi du 29 juillet 1991 mais de ses travaux préparatoires;

Considérant qu'il ressort à suffisance de l'examen du premier moyen que les parties adverse n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il ne pouvait être fait application de l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 précitée dans le cas d'espèce; que, par ailleurs, les travaux préparatoires de la loi modificative du 14 juillet 1987, auxquels le requérant se réfère lui-même, prévoient expressément au sujet des demandes manifestement fondées sur des motifs étrangers à l'asile qu'en pratique, «il s'agit de demandes motivées par des difficultés d'ordre personnel, familial, économique ou social, de demandes contenant de fausses indications dissimulant des faits essentiels ou encore fondées sur des documents qui ne sont pas authentiques»; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions posées par) 'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour permettre à celui-ci de suspendre l'exécution d'un acte administratif n'est pas remplie en l'espèce; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N° 48.800

ARRET du 26 août 1994 (XIe Chambre) MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Jaumotte, auditeur.

DAOUDA (Me Berten) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

1. En l'espèce, les motifs de l'avis du commissaire général ne sont pas de nature à établir que la demande était manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile.

2. Dès lors que la demande d'asile ne peut être considérée comme manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile, l'étranger peut se considérer comme candidat réjùgié avec comme conséquence que le risque de préjudice grave difficilement réparable lié à sa qualité de candidat réjùgié est établi.

Vu la demande introduite le 10 décembre 1992 par Abdala Daouda, de nationalité togolaise, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifiée le 2 décembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Arrivé en Belgique le 1er juin 1992, le requérant s'est déclaré candidat réfugié politique à )'Office des étrangers le 9 juin 1992. Il a fait valoir à l'appui de sa demande d'asile les motifs suivants:

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETJXI' - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 3 N° 48.800

«Le 5mai1992, l'U.F.C. (Union des forces de changement) se rendait à Bafi/.o pour un meeting. Je supporte ce mouvement. En tant que nordiste, j'accompagnai le leader: Gilles Christ Olympio. Arrivé au niveau de S oudou, nos voitures ont été attaquées avec des armes puissantes par des hommes cagoulés, des militaires. Notre chef a été touché et est actuellement soigné à l'hôpital à Paris. Son chauffeur avait pu l'évacuer jusqu'au Bénin où il a été opéré une première fois. D'autres personnes, membres du mouvemen~ sont mortes lors de cette attaque: Alazar, Derman, le docteur Aditepe. J'ai pu m'enfu,ir, mais j'ai été repris le 5 mai 1992. J'ai été emmené avec d'autres et j'ai été détenu dix jours. Un soldat m'a sauvé la vie et a libéré quelques prisonniers. Le soldat est également un opposant. Dans mon pays, je suis étudiant en religion coranique et en fraru;ais».

2. Le délégué du Ministre de la Justice a pris le 9 juin 1992 une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire (annexe 26bis). Il a été retenu que le récit de l'intéressé apparaissait flou, inconsistant et dès lors peu crédible et que sa requête ne pouvait pas être rattachée à l'un des critères prévus par la Convention de Genève. L'annexe 26bis a été notifiée au requérant le 9 juin 1992.

3. Le 12 juin 1992, le requérant a introduit une demande urgente de réexamen et a été entendu le 25 juin 1992 au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides.

4. Le 30 juillet 1992, le Commissaire général a donné un avis défavorable au séjour de l'intéressé motivé comme suit

«L'intéressé a été entendu le 25 juin 1992.

»A ses dires, membre de l'U.F.C. (Union des Forces de Changement), il aurait été pris dans un attentat dirigé contre le chef de son parti Monsieur Olympio. Il aurait été ensuite arrêté, un gardien l'aurait aidé à s'échapper et à quitter le territoire.

>>Selon toute apparence, le requérant tire profit d'un événement relaté par la presse mais dont il n'a qu'une connaissance superficielle. En effe~ outre le fait que son récit soit imprécis, l'intéressé se contredit quant à la fonction qu'il exerçait au sein du parti et n'a de ce dernier, dont il se réclame, qu'une connaissance plus qu'approximative. Il ne peut dès lors être ajouté foi à ses propos.

»En conséquence, le Commissaire général émet un avis défavorable au séjour de l'intéressé. Il considère en outre que dans les circonstances actuelles, l'intéressé peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie ou sa liberté serait menacée».

5. Le 6 octobre 1992, une décision de rejet de la demande urgente de réexamen avec ordre de quitter le territoire (annexe 26ter) a été prise par le délégué du Ministre de l 'Intérieur. Cette décision a été notifiée le 2 décembre 1992.

Il s'agit de l'acte attaqué.

Considérant que le requérant prend un moyen, la troisième branche du premier de sa requête, de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs, en ce que la loi impose que la motivation soit précise, concrète et se réfère à des fai1s exac1s, et un autre moyen, le second de sa requête, de la violation de l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce que, si la loi de 1987 modifiant la loi du 15 décembre 1980, a donné au Ministre des motifs supplémentaires pour écarter un certain nombre de demandes abusives, il y a lieu de remarquer que la loi a strictement limité ce pouvoir en précisant que les demandes abusives représentent les demandes manifestement frauduleuses, alors qu'en l'espèce, le caractère manifeste ayant été rejeté par l'annexe 26bis, qui a biffé le motif de fraude, et qui n'est pas évoqué par l'annexe 26ter;

Considérant que les parties adverses ont, en application de l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980, conclu à l'irrecevabilité de la demande d'asile parce que celle-ci était manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile; que le Commissaire général admet lui-même, de manière implicite mais certaine, par la formulation qu'il utilise, que le premier motif de son avis ne suffit pas à établir le caractère manifestement étranger à l'asile de la demande; que les autres motifs de l'avis ne sont pas plus de nature à établir ce caractère; qu'il apparaît des dossiers et de l'exposé des fai1s que les divers réci1s du requérant ont été relativement précis et cohérents; qu'ils ne contiennent pas de contradictions flagrantes quant à la fonction qu'il exerçait au sein de son parti; que la connaissance approximative qu'il a de son parti se justifie par le fait que le requérant n'y a adhéré que quatre jours avant l'attentat qui l'a déterminé à quitter son pays; que les parties adverses n'ont pas motivé de manière adéquate leurs décisions et ont excédé les pouvoirs qui leurs sont conférés par l'article 52 de la loi du 15 décembre 1980, en concluant, sur la base des élémen1s figurant au dossier et des motifs mentionnés dans l'avis, au rejet de la demande d'asile en raison de son irrecevabilité; que la troisième branche du premier moyen et le second moyen de la requête sont sérieux;

Considérant que le requérant explique le préjudice grave difficilement réparable que l'exécution de la décision risquerait de lui causer par le fait qu'il affirme avoir été libéré par un partisan de l'U.F.C. et que l'exécution de la mesure aurait comme conséquence de le renvoyer directement à ses bourreaux;

Considérant qu'il résulte de l'exposé des fai1s, des pièces du dossier et de l'examen des moyens que le requérant peut, dans l'état actuel du dossier et étant donné que la demande d'asile ne peut être considérée comme manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile, se considérer comme candidat réfugié avec comme

RECUEIL DES ARRE!fS DU CONSEIL D'ITTN - 1994

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N° 48.800

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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conséquence que le risque de préjudice grave difficilement réparable qu'il fait valoir dans sa demande et qu'il lie à sa qualité de candidat réfugié est établi;

Considérant que les conditions requises par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit accueillie la demande de suspension sont réunies;

Considérant que l'article 17, § 4, des lois coordonnées précitées dispose comme suit:

«( ... ) Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt>>; qu'un délai aussi bref ne saurait s'accommoder des délais ordinaires de la procédure; qu'il y a lieu de les réduire de la manière fixée au dispositif ci-après,

(Est suspendue l'exécution de la décision de rejet d'une demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire qui a été notifiée à Abdala Daouda le 2 décembre 1992).

N° 48.801 ARRET du 26 août 1994 (XI" Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Saint­Viteux, auditeur.

NENDUMBA (M" Dieu) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur (M"" Zenobi et Scarcez)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Séjour de plus de trois mois - Droit à l'autorisation (1 à 5) II. COMPETENCE DU CONSEIL D'ETAT - Contentieux de l'annulation - Moyen invoqué -

Généralités (3) m. CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de sauvegarde des droits de l'homme et

des libertés fondamentales (5)

1. Le ministre peut motiver valablement un ordre de quitter le territoire par la circon­stance que l'étranger demeure dans le Royaume sans être porteur des documents requis. A cet égard, il ne suffit pas que l'étranger ait pu établir son identité à l'égard des verbalisants.

2. Il ressort de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 que la demande de régularisation doit être introduite auprès du bourgmestre de la localité où l'étranger séjourne.

3. Un moyen mettant en cause une mesure de détention n'est pas de la compétence du Conseil d'Etat.

4. Un ordre de quitter le territoire ne doit pas prévoir un délai pour quitter le pays lorsqu'il est accompagné d'une décision de remise à la frontière.

5. A défaut d'avoir été invitée par l'étranger à prendre en considération sa situation familiale, le ministre, en prenant un ordre de quitter le territoire, n'a pu violer l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu la demande introduite le 22 décembre 1992 par Abule Nendumba, de nationalité zaïroise, qui tend à la suspension de l'exécution de l'ordre de quitter le territoire avec décision de remise à la frontière et privation de liberté à cette fin, prise le 11 décembre 1992;

Vu la demande introduite le 5 février 1993 par le même requérant, qui tend à la suspension de l'exécution de l'ordre de quitter le territoire du 30 décembre 1992;

Vu la requête introduite le 8 février 1993 par le même requérant qui demande l'annulation de ces décisions et portant la référence G/A 49.605/III-14.065;

Considérant qu'en raison du lien de connexité existant entre les deux affaires, il y a lieu de joindre les demandes de suspension;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Arrivé en Belgique le 17 mars 1986, le requérant s'est déclaré candidat réfugié politique. Le 20 mars 1987, le Haut Commissaire des Nations-Unies pour les réfugiés a rejeté sa demande d'asile.

RECUEIL DES ARRErS DU CONSEIL D'ET~ - 1994

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Arrêls Nos 48. 799 à 48.840 Page 5 N° 48.801

2. Le 6 mai 1987, la partie adverse a prié le bourgmestre de la ville de Mons de délivrer un ordre de quitter le territoire. Il semble que le nécessaire n'ait pu être effectué, l'intéressé ayant été radié d'office du registre des étrangers de cette ville.

3. Le 3 février 1992, le demandeur s'est adressé à Sa Majesté la Reine dans les termes suivants:

«J'en viens auprès de votre haute humilité introduire ma demande d'intervention auprès du haut commissariat aux réfugiés afin de régulariser ma situation. Je suis en Belgique depuis 1985 et je suis père d'un petit garçon que je n'ai pu reconnaître faute de documents, mon frère l'a reconnu à ma place. Chère Majesté, je vous prie même à titre humanitaire intervenir à ma faveur, mon füs porte la nationalité belge et j'aimerais l'élever dans des conditions légales, j'envoie mon attestation de naissance.»

4. Le 11décembre1992, lors d'un contrôle, le requérant a été appréhendé et a fait l'objet du premier acte attaqué, lequel lui ordonne de quitter le territoire avec décision de remise à la frontière et privation de liberté à cette fin aux motifs d'une part qu'il demeure dans le Royaume sans être porteur des documents requis et d'autre part qu'il est manifestement démuni de moyens de subsistance suffisants et n'a pas la possibilité de se les procurer par l'exercice légal d'une activité lucrative. Le rapport de contrôle mentionne que le demandeur était porteur d'un «CJ.R.E.» appartenant à son frère Nendumba Ohyandre.

5. Le requérant a introduit un recours à la chambre du conseil du tribunal correctionnel de Mons. Il a été libéré avec ordre de quitter le territoire le 30 décembre 1992. Cet ordre constitue le second acte attaqué et est motivé de la même manière que le premier;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, en ce que, première branche, la décision repose sur des considérations de fait inexactes, notamment le fait que le requérant serait demeuré dans le Royaume sans documents d'identification alors que le requérant a pu produire aux verbalisants un passeport qui, bien que périmé, établit de manière certaine son identité, et en ce que, deuxième branche, le requérant a, en date du 3 février 1992, introduit une demande tendant à voir sa situation régularisée, que cette demande a été transmise au Ministre de la Justice, compétent à cette époque, qu'elle était fondée sur l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, et donc sur des circonstances exceptionnelles, que la décision ne contient aucune référence à l'article 9 de la loi et à la demande introduite par le requérant, que la décision n'est pas motivée;

Considérant, sur la première branche, que la partie adverse a pu motiver valablement l'acte attaqué par la circonstance que le requérant demeurait dans le Royaume sans être porteur des documents requis, à savoir un passeport en cours de validité, muni d'un visa valable, conformément à l'article 2 de la loi du 15 décembre 1980; qu'à cet égard, il ne suffit pas que le demandeur ait pu établir son identité à l'égard des verbalisants;

Considérant, sur la deuxième branche, que l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, prévoit que, lors de circonstances exceptionnelles, l'étranger peut introduire la demande d'autorisation de séjour en Belgique auprès du bourgmestre de la localité où il séjourne, que la partie adverse n'a pas excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en considérant que la demande du 3 février 1992 n'avait pas été valablement introduite; que le moyen n'est sérieux en aucune de ses branches;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué en ce que la décision prise à l'encontre du requérant de le placer en détention et de le remettre à la frontière est prise par Monsieur Skockaert, chef administratif, délégué du Ministre de l'intérieur, alors que l'article 7, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, prévoit que «l'étranger peut être détenu à cette fin pendant le temps strictement nécessaire pour l'exécution de la mesure» alors que cette décision ne peut être prise que par le Ministre de l'intérieur seul;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation de l'article 7, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers et des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs;

Considérant que les moyens, qui mettent en cause la mesure de détention, ne relèvent pas de la compétence du Conseil d'Etat;

Considérant que le requérant prend un quatrième moyen de la violation de l'article 117 de l'arrêté royal du 8 octobre 1981 portant exécution de la loi du 15 décembre 1980, en ce qu'il prévoit que l'ordre de quitter le territoire délivré conformément aux articles 7 et 25 de la loi du 15 décembre 1980 doit permettre à l'étranger de disposer d'un délai pour quitter le pays alors que l'acte attaqué ne prévoit aucun délai;

Considérant qu'un ordre de quitter le territoire ne doit pas prévoir un délai pour quitter le pays lorsque, comme ·en l'espèce, il est accompagné d'une décision de remise à la frontière; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un cinquième moyen de la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce que «toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui dans une société démocratique est nécessaire ( ... ) au bien-être économique du pays ( ... )», alors qu'il n'a pas été tenu compte de la situation particulière du requérant à qui il n'a jamais été délivré un ordre de quitter le territoire de telle sorte que de manière insidieuse il était autorisé

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfAT - 1994

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N° 48.801

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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à demeurer dans le pays où il a fondé une famille, de sorte que le juste équilibre n'a pas été ménagé entre l'intérêt du requérant et l'intérêt général commandant le bien-être économique d'un pays démocratique;

Considérant que la partie adverse n'a fait que constater que le requérant, n'avait pas été reconnu comme réfugié et qu'il était dans une situation de séjour illégal à laquelle il convenait de mettre fin, puisqu'elle n'avait pas été saisie d'une demande ayant un autre fondement que l'asile; qu'à défaut d'avoir été invitée à prendre en considération la situation de fait que le moyen expose, la partie adverse n'a pu violer l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, à savoir l'existence de moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué, n'est pas remplie; que les demandes de suspension ne peuvent être accueillies,

(Jonction des affaires en ce qui concerne les demandes de suspension - rejet des demandes de suspension).

N° 48.802 ARRET du 26 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Jaumotte, auditeur.

LUTETE (Me Berten) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Com­missaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et Scarcez)

ETRANGERS (voir n° 48.800)

Vu les demandes introduites le 6 décembre 1993 (enrôlée sous le n° 55.014/III-16.879), les 3 et 14 janvier 1994 (enrôlées sous le n° 55.539/Ill-17.085), par Lutete Ngoma, de nationalité zaïroise, qui tendent à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifiée le 16 novembre 1993;

Considérant qu'en raison du lien de connexité existant entre les deux affaires, il y a lieu de les joindre;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Arrivé en Belgique le 16 mai 1992, le requérant, porteur d'un faux passeport angolais, s'est déclaré réfugié et a été mis en possession d'une annexe 26 le 25 mai 1992.

2. Une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire (annexe 26bis) a été prise à l'encontre du requérant le 6 juin 1992.

3. Le 6 juin 1992, le requérant a introduit une demande urgente de réexamen

Il a été entendu au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides le 1er juillet 1992.

4. Le 26 octobre 1992, le Commissaire général a donné un avis défavorable au séjour de l'intéressé sur le territoire du Royaume. La décision consécutive à cet avis et l'ordre de quitter le territoire ont été notifiés au requérant par l'administration communale de La Louvière le 16 novembre 1993.

Il s'agit des actes attaqués.

Considérant que le requérant prend un moyen unique de l'excès et du détournement de pouvoir en ce que le Ministre de l'intérieur se réfère pour fonder sa décision de rejet de demande de l'asile politique aux motifs de droit et de fait indiqués par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides dans son avis rendu le 26 octobre 1992;

Considérant que l'avis défavorable du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides repose sur la considération qu'il ne peut être ajouté foi aux assertions du requérant et ce, pour deux motifs: «la description du lieu de détention est à ce point vague et imprécise qu'il est permis de penser que le requérant n'y a jamais été incarcéré. Par ailleurs, les circonstances de son évasion sont pour le moins rocambolesques, à savoir qu'un capitaine corrompu par sa famille l'aurait libéré, embarqué dans sa voiture et conduit chez sa tante et cela, sans que personne ne soupçonne quoi que ce soit»; que le premier motif de l'avis du Commissaire général ne peut être de nature à justifier la décision d'irrecevabilité de la demande d'asile et, par conséquent, le refus opposé au requérant de voir sa demande examinée au fond; que s'il est vrai que les notes d'audition comportent un schéma particulièrement sommaire, il n'en reste pas moins que le requérant a, par ailleurs, apporté certaines précisions quant au lieu de sa détention; que le second motif de l'avis n'est pas non plus de nature à justifier, par lui-même, l'irrecevabilité de la demande d'asile; qu'en exprimant son opinion sur le caractère rocambolesque del 'évasion du requérant, le Commissaire général se prononce davantage sur le fond de la demande que sur sa recevabilité; qu'en

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considérant dès lors que la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié pouvait, dans les circonstances de l'espèce, être déclarée irrecevable parce qu'il ne pouvait être ajouté foi aux assertions du requérant, le Co=issaire général aux réfugiés et aux apatrides a dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen de la recevabilité de la demande d'asile; qu'il en va d'autant plus ainsi que le Co=issaire général admet par ailleurs que le requérant a confirmé, pour l'essentiel, ses déclarations antérieures; que le moyen est sérieux;

Considérant que le requérant explique le préjudice grave difficilement réparable que l'exécution de l'acte attaqué risquerait de lui causer par le fait même qu'il fait l'objet d'un avis de recherche lancé par «la Sûreté de Mobutu» contre sa personne, que, dans l'hypothèse de l'exécution de la décision de refoulement, le requérant serait remis entre les mains de la Sftreté zaïroise, qui contrôle toute entrée et sortie du Zaïre, que sa vie, son intégrité physique ou à tout le moins sa liberté seraient mises en péril;

Considérant qu'il ressort de l'exposé des faits, des pièces du dossier et de l'examen du moyen unique que le requérant peut, dans l'état actuel du dossier, se considérer co=e candidat réfugié avec co=e conséquence que le risque de préjudice qu'il fait valoir dans sa demande et qu'il lie à sa qualité de candidat réfugié paraît établi;

Considérant que les conditions requises par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit accueillie la demande de suspension sont réunies; que, par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les demandes emôlées sous le n° A. 55.539/111-17.085;

Considérant que l'article 17, § 4, des lois coordonnées précitées dispose co=e suit

«( ... )Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt>>; qu'un délai aussi bref ne saurait s'acco=oder des délais ordinaires de la procédure; qu'il y a lieu de les réduire de la manière fixée au dispositif ci-après,

(Jonction - Est suspendue l'exécution de la décision de rejet de demande urgente de réexamen avec ordre de quitter le territoire qui a été notifiée à Lutete Ngoma le 16 novembre 1993 - non lieu de statuer sur les deuxième et troisième demandes de suspension enrôlées sous le n° A. 55.539/111-17.085).

N° 48.803

ARRET du 26 août 1994 (XI° Chambre) MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Jaumotte, auditeur.

AMUZU (M0 Berten) c/ Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M. Bernard)

I et II. (voir n° 48.725, I et II, n° 1) III. (voir n° 48.729, ID, n° 1) IV. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

En indiquant les points sur lesquels il a relevé soit des contradictions, soit des imprécisions, que le requérant ne conteste pas mais tente d'expliquer, le commissaire général n'a pas donné de l'ensemble du dossier une interprétation manifestement déraisonnable.

V. (voir n° 48.737, m, n° 2)

Vu la demande introduite le 21 mars 1994 par John Amuzu, de nationalité togolaise, tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 3 février 1994 du Co=issaire général aux réfugiés et aux apatrides confirmant le refus de séjour, avec mesure d'éloignement, qui lui a été notifiée le 3 février 1994;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent co=e suit

1. Arrivé en Belgique le 10 juillet 1993, le requérant, dépourvu de tout document, introduit le 13 juillet 1993 une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié et se voit délivrer le même jour une attestation de séjour provisoire (annexe 26). Il est entendu le 4 novembre 1993 à !'Office des étrangers.

2. Le même jour, lui est notifiée une décision de refus de séjour (annexe 26bis).

3. Le 5 novembre 1993, le requérant introduit un recours urgent.

4. Convoqué le 25 novembre 1993 par la partie adverse, le requérant est entendu le 3 décembre 1993.

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N° 48.803

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5. Le 3 février 1994, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides confirme le refus de séjour décidé le 4 novembre 1993 par le délégué du Ministre de !'Intérieur et «estime qu'il n'y a pas de raisons pour déclarer la décision contestée en recours urgent et la mesure d'éloignement non exécutoire nonobstant tout recours. Conformément à l'article 63/5, dernier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980, la décision contestée et la mesure d'éloignement sont par conséquent exécutoires».

Il s'agit de 1 'acte attaqué;

Considérant que, se fondant sur la phrase finale de sa décision, ainsi que sur les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides oppose à la demande un déclinatoire de juridiction du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension;

Considérant que les articles 32 et 33 de la loi du 6 mai 1993, qui ont introduit dans la loi du 15 décembre 1980 les dispositions formant respectivement les articles 69bis, alinéa 2, et 70, alinéa 2, de cette loi, ont été annulés par l'arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994 de la Cour d'arbitrage; que, s'appuyant essentiellement sur les dispositions annulées, le déclinatoire ne peut être retenu;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 63/3 de la loi du 15 décembre 1980, en ce que cet article permet au Commissaire général de confirmer le refus de séjour, mais non de prendre une nouvelle décision autrement motivée, cette loi ne donnant pas au Commissaire général le pouvoir d'évoquer et donc de reprendre l'examen depuis le début, mais seulement de vérifier le fondement de la décision du délégué du ministre, que la décision, en matière de recevabilité, est confiée au Ministre de l'intérieur et à ses délégués, que le Commissaire général n'a qu'une compétence restreinte en matière de recevabilité, qu'il ne peut que constater si la décision du délégué du ministre est correcte, vérifier si la motivation invoquée dans cette décision, conformément à l'article 62 de la loi, est conforme à la loi et aux engagements internationaux de la Belgique, et notamment si cette décision respecte les critères prévus à l'article 1er de la Convention de Genève;

Considérant que lorsqu'il statue sur recours urgent en application des articles 63/2, 63/3 et 63/4 de la loi du 15 décembre 1980, le Commissaire général dispose des mêmes pouvoirs que le Ministre de l'intérieur; qu'il peut notamment rejeter comme irrecevables les demandes manifestement fondées sur des motifs étrangers à 1 'asile ou les demandes frauduleuses; que, statuant sur la base de l'article 63/2 de la loi du 15 décembre 1980, le Commissaire général peut réformer la décision prise par le ministre, la confirmer pour les mêmes motifs ou la confirmer pour d'autres motifs; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 précitée en ce que la loi prévoit explicitement que la motivation doit être adéquate, précise et pertinente, c'est-à-dire correspondre aux faits, et ne peut en aucun cas être une simple motivation d'appréciation subjective;

Considérant qu'en indiquant les points sur lesquels il a relevé soit des contradictions, soit des imprécisions, que le requérant ne conteste pas mais tente d'expliquer, et en en déduisant que la demande de l'intéressé est frauduleuse et manifestement non fondée, le Commissaire général n'a pas donné de l'ensemble des éléments du dossier une interprétation manifestement déraisonnable; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation de la Convention de Genève et de l'économie de la loi du 15 décembre 1980 prise en application des principes de cette Convention, en ce que, si la Convention de Geriève a donné une large autonomie aux Etats signataires en vue de préciser les conditions de recevabilité des demandes d'asile, elle implique en tout état de cause que les demandes soient instruites objectivement et correctement, que la loi belge a précisé que la compétence en matière de reconnaissance de la qualité de réfugié était accordée au Commissaire général, une fois la demande jugée recevable, que la loi a précisé de manière claire les conditions d'irrecevabilité des demandes d'asile, que la pratique de !'Office des étrangers est en contradiction formelle tant avec la Convention de Genève qu'avec le loi du 15 décembre 1980 précitée;

Considérant que la critique contenue dans le moyen a trait à la pratique suivie par ! 'Office des étrangers alors que le recours est dirigé contre la décision du Commissaire général confirmant le refus de séjour décidé par le Ministre de !'Intérieur ou son délégué, laquelle se substitue au refus de séjour; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un quatrième moyen de la violation de l'article 63/5 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que le Commissaire général refuse de se prononcer formellement, par décision motivée, sur le caractère exécutoire de sa décision, ce qui non seulement enlève tout caractère exécutoire à cette décision, mais l'invalide complètement;

Considérant que, pour la raison exposée à propos du déclinatoire de la juridiction du Conseil d'Etat, le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que l'une des conditions posées par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, à savoir l'existence de moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'EDIT - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 9 N° 48.804

N° 48.804

ARRET du 26 août 1994 (XIe Chambre)

OWUSU: rejet de la demande de suspension en raison du caractère suspect des documents produits pour justifier le préjudice.

N° 48.805

ARRET du 26 août 1994 (XIe Chambre) MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Boucquey, conseillers, et Saint­Viteux, auditeur.

AHMAD (Me Favart) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur (Mes Zenobi et Scarcez)

ETRANGERS - Police des étrangers - Séjour de plus de trois mois - Droit à l'autorisation

1. En vertu des arrêtés royaux du 13 juillet 1992, les fonctionnaires de !'Office des étrangers qui étaient les délégués du ministre de la Justice sont devenus les délégués du ministre de !'Intérieur. Peu importe le fait que certains formulaires se réfèrent encore au ministère de la Justice.

2. Compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas que le ministre aurait pris dans un délai déraisonnable sa décision de refaser l'autorisation de séjour et d'ordonner de quitter le territoire.

3. L'ordre de quitter le territoire notifié en même temps que la décision rejetant la demande d'autorisation de séjour ne doit nullement se référer à celle-ci et est motivé à suffisance par la constatation que l'étranger demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé.

Vu la demande introduite le 18 décembre 1992 par Ali Ahmad, de nationalité pakistanaise, qui tend à la suspension de l'exécution des décisions rejetant sa demande d'autorisation de séjour provisoire, et lui donnant ordre de quitter le territoire, qui lui ont été notifiées le 7 décembre 1992;

Vu la requête introduite le 2 février 1993 par le même requérant qui demande l'annulation de ces décisions;

Considérant que les fails utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le requérant a, suivant ses déclarations, quitté son pays d'origine en 1980 pour l'Allemagne où il a séjourné jusqu'au 10 janvier 1984. Il y aurait introduit une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié et l'asile lui aurait été refusé.

2. Le requérant a introduit une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié le 10 janvier 1984 auprès du Haut Commissaire pour les Réfugiés en Belgique.

3. Le 5 juillet 1985, il a fait l'objet d'une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire. La demande en révision introduite contre cette décision a été rejetée le 23 février 1987 et le recours en annulation dirigé contre cette dernière décision a été rejeté par l'arrêt du Conseil d'Etat n° 32.414 du 19 avril 1989.

4. Le requérant n'ayant pas quitté le pays, il a fait l'objet, le 27 mars 1991, d'un ordre de quitter le territoire avec décision de remise à la frontière et privation de liberté à cette fin.

5. Il a été libéré avec ordre de quitter le territoire le 23 avril 1991. Par la suite, il sera de nouveau incarcéré puis libéré avec ordre de quitter le territoire.

6. Le 20 décembre 1991, le requérant a introduit une demande de régularisation sur la base de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, faisant valoir que, «dès son arrivée en Belgique en janvier 1984, il a introduit une demande d'asile politique; que malgré le fait que cette demande ait été rejetée par l'autorité compétente, il a continué à penser que sa vie serait mise en danger en cas de retour dans son pays d'origine; que le requérant séjournant en Belgique depuis huit années consécutives, y a trouvé des attaches certaines, y est bien intégré et y a travaillé (travail inte"ompu par ses incarcérations, toujours à la disposition de /'Office des étrangers), il a des amis belges et n'a depuis lors jamais quitté la Belgique et n'a plus encore jamais fait l'objet d'une poursuite judiciaire à quelque titre que ce soit>>.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'Ef.IIT - 1994

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N° 48.805

Arrêts Nos 48.799 à 48.840

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5. Le 7 décembre 1992, il a fait l'objet d'une décision de rejet de demande de régularisation sur la base de l'article 9, alinéa 3, motivée comme suit:

«1) La demande pour l'application de l'article 9, alinéa 3, n'a pas été introduite auprès du bourgmestre de sa commune.

»2) La demande a été introduite tardivement alors que l'intéressé était en séjour illégal. Le fait de résider illégalement dans le pays même depuis longtemps, n'est pas constitutif des circonstances exceptionnelles visées à l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980.

»3) Aucune circonstance exceptionnelle susceptible de justifier le non-retrait de l'autorisation de séjour provisoire auprès des autorités diplomatiques ou consulaires belges dans le pays d'origine ou de provenance n'est invoquée.

>>4) Arrêt de l'immigration suite à la décision gouvernementale de 1971 confirmée par la déclaration gouvernementale du 10 mai 1988. L'intéressé ne peut se prévaloir d'aucun droit de séjour en application d'une disposition de la loi précitée.

»Vu ce qui précède, la demande d'autorisation de séjour provisoire de Monsieur Ahmad Ali est rejetée.»

Les actes attaqués sont cette décision et l'ordre de quitter le territoire qui en est la conséquence.

Considérant que le requérant prend un premier moyen de ce que le «Ministère de la Justice n'a plus compétence pour prendre ce genre de décision puisqu'elle a été transférée à Monsieur le Ministre de l'intérieur, qu'il y a dès lors manifestement excès de pouvoir en la matière».

Considérant qu'en vertu des arrêtés royaux du 13 juillet 1992, les fonctionnaires de !'Office des étrangers qui étaient les délégués du Ministre de la Justice sont devenus les délégués du Ministre de l'intérieur, peu importe le fait que certains formulaires se référent encore au «.Ministère de la Justice»; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un deuxième moyen de ce que l'ordre attaqué est manifestement consécutif à la décision de rejet de la demande d'autorisation de séjour fondée sur l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, que cette demande a été introduite le 20 décembre 1991 et qu'attendre un an pour rejeter une demande d'autorisation de séjour pour le requérant qui réside depuis plus de huit ans en Belgique est manifestement un laps de temps trop long, que cette attitude est constitutive d'excès de pouvoir en ce que la motivation ne comporte que des généralités qui auraient pu être notifiées au requérant bien plus tôt;

Considérant que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas que la partie adverse aurait pris sa décision dans un délai déraisonnable; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un troisième moyen de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que la décision attaquée ne fait nullement était de la décision de rejet de la demande d'autorisation de séjour, que la motivation ne peut dès lors être accueillie ni en droit ni en fait;

Considérant que l'ordre de quitter le territoire a été notifié en même temps que la décision rejetant la demande d'autorisation de séjour; qu'il ne devait nullement se référer à celle-ci et est motivé à suffisance par la constatation que le demandeur demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant qu'une des conditions requises pour ordonner la suspension de l'acte attaqué fait défaut; qu'en conséquence la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N° 48.806 ARRET du 26 août 1994 (XIe Chambre)

ALILI KADA ET BOUDADA: demande de suspension rejetée faute de justifier à suffisance d'un risque de préjudice grave difficilement réparable.

RECUEIL DES ARRErS DU CONSEIL D'Il'IJIT - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 11 N° 48.807

N° 48.807 ARRET du 26 août 1994 (XIe Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Saint­Viteu:x, auditeur.

FOLLY AMEGANVI DOSSE (Mes Berten et Nève) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Zenobi et François)

I. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

Il. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante - Motivation par référence - Référence à des avis ou propositions - Avis connu du requérant

La décision de rejet d'une demande urgente de réexamen est suffisamment motivée par la référence à l'avis défavorable du commissaire général aux réjùgiés et aux apatrides qui lui est annexé et qui en fait partie intégrante, dès lors que cet avis est lui-même motivé à suffisance.

Vu la demande introduite le 22 décembre 1992 par Folly Ameganvi Dosse, de nationalité togolaise, qui tend à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de sa demande urgente de réexamen, avec ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifiée le 17 décembre 1992;

Vu la requête introduite le 13 février 1993 par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit

1. Le requérant s'est déclaré candidat réfugié le 4 mai 1992.

2. Le 20 mai 1992, la première partie adverse a pris une décision de refus de séjour sans ordre de quitter le territoire, motivée comme suit:

<<Application de l'article 52 de la loi du 15décembre1980 modifié par la loi du 18juillet1991 en raison du fait que la demande est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile, en particulier( ... ) parce qu'elle ne se rattache ni aux critères prévus par l'article 1er, A (2) de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, signée à Genève, le 28 juillet 1951 ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile;

»L'intéressé déclare avoir été arrêté à la suite des activités de son père au sein de l'U.F.C. Après s'être évadé de prison, il aurait pris la fuite. Cependant, on constate qu'il a quitté le Togo légalement, nanti de son passeport revêtu du cachet de sortie des auwrités togolaises, ce qui ne correspond pas à une situation de fuite. On peut dès lors douter de la véracité de ses allégations, et sa demande ne peut être rattachée aux critères de la Convention de Genève.»

3. A la suite d'une demande urgente de réexamen, la seconde partie adverse a donné, le 3 septembre 1992, l'avis défavorable suivant:

«L'intéressé, assisté d'un interprète de son choix, a été entendu le 31juillet1992.

»Interrogé sur les raisons qui l'ont conduit à quitter son pays, il est demeuré vague et inconsistant.

»Ainsi, notamment, il ne peut donner que peu de détails ou des informations erronées sur le mouvement politique dont il se réclame.

»Ainsi encore, il tient des propos peu cohérents sur les circonstances ayant enwuré les persécutions subies par son père.

»De ce qui précède, il ressort qu'il n'y a pas d'éléments déterminants permettant de remettre en cause le refus de séjour. En conséquence, le Commissaire général émet un avis défavorable au séjour de l'intéressé. Il considère en outre que dans les circonstances actuelles, l'intéressé peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie ou sa liberté serait menacée.»

4. Le 20 octobre 1992, le délégué du Ministre de l'intérieur a pris une décision de rejet de la demande urgente de réexamen avec ordre de quitter le territoire dans les cinq jours, en se référant expressément à l'avis négatif précité.

Il s'agit de l'acte attaqué.

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs en ce que la décision attaquée se limite à

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EDIT - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840

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faire référence à l'avis imprécis du Commissaire général alors que le requérant avait cependant fourni des détails précis quant aux éléments qui l'ont contraint à quitter son pays;

Considérant que la loi du 29 juillet 1991 précise que l'acte administratif doit faire l'objet d'une motivation formelle et adéquate eonsistant en l'indication dans l'acte des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision; que cette disposition a été respectée par la référence expresse à l'avis du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides; que cet avis fait partie intégrante de l'acte attaqué et, à cette fin, a été joint à la décision de rejet pour être notifié en même temps que celle-ci; que l'avis du Commissaire général du 3 septembre 1992 est motivé de façon détaillée; qu'il indique que les différents récits produits par le requérant sont vagues, inconsistants, erronés et incohérents; qu'il indique en quoi consistent ces imprécisions et ces incohérences; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que le requérant prend un second moyen de l'erreur manifeste d'appréciation en ce que la décision attaquée se limite à faire référence à l'avis du Commissaire général qui a considéré qu'<<interrogé sur les raisons qui l'ont conduit à quitter son pays, (le requérant) est demeuré vague et inconsistant» alors que dans le cadre de sa demande originaire et de sa demande urgente de réexamen, il a fourni un ensemble d'éléments lui permettant de justifier le bien-fondé de ses craintes de persécutions;

Considérant quel 'avis négatif précité énonce notamment qu'il n'y a pas d'éléments permettant de remettre en cause le refus de séjour; qu'outre les motifil nouveaux qu'il invoque, le Commissaire général a fait sienne l'appréciation de la décision initiale du 20 mai 1992 estimant que le fait d'avoir quitté son pays avec son propre passeport ne correspond pas à une situation de fuite; que ce motif n'est pas critiqué par le recours; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant qu'une des conditions légales pour que la suspension de l'acte attaqué soit ordonnée n'est pas remplie; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension).

N°" 48,808 à 48,810

ARRETS du 26 août 1994 (Xie Chambre)

48.008 - OPOKU MENSAH = n° 48.770.

48.009 - DANIEL: rejet de la demande de suspension d'un rejet d'une demande urgente de réexamen, l'étranger n'ayant fait valoir que des motifs étrangers à l'asile.

48.010 -FUNDU METUYILA ET LUSAMBA KASANDA = (en substance) le n° 48.800.

N° 48.811 fo9

ARRET du 26 août 1994 (Président de la Xie Chambre) MM. Leroy, président, et Quintin, auditeur (avis contraire)1.

SCHMID (Me Henry) c/ Ville de Seraing (Me Gielissen)

I. PROCEDURE - Requête - Capacité d'agir - Généralités

Un particulier n'a pas qualité pour représenter ses voisins.

II. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Risque de causer un préjudice grave difficilement réparable (1 et 2)

m. AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - Plans de secteur - Plan - Contenu du plan -Prescriptions complémentaires (2)

1. La gravité du préjudice allégu,é ne peut être appréciée en fonction de l'incidence que l'arrêt de suspension pourrait avoir sur une procédure pendante devant une juridiction 1 Selon l'avis, le lien de causalité entre le «préjudice» allégué par les demandeurs, d'une part, et !"exécution immédiate du schéma dkecteur dont la suspension est demandée, d'autre part, ne peut pas être con.testé puisque l'absence d'un schéma directeur - ou sa suspension - rend juridiquement impossible la délivrance tant d'un permis d'exploiter que d'un permis de bâtir. D'un autre côté, les mesures d'isolation acoustique que préconisait l'expert judiciaire, n'étaient de nature qu'à atténuer une partie des nuisances qu'invoquait la demande de suspension.

RECUEil., DES ARRHfS DU CONSEil., D'ETKI' - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840 Page 13 N° 48.811

de l'ordre judiciaire, laquelle est habilitée à se prononcer sur la légalité de tout acte administratif sans que le Conseil d'Etat ait statué à ce sujet.

La circonstance que la démonstration de cette illégalité devrait être faite devant le juge saisi sans avoir été établie, au moins provisoirement, par un arrêt du Conseil d'Etat, ne constitue pas un dommage grave.

2. S'il est vrai en l'espèce que l'établissement d'un schéma directeur a pour effet de rendre juridiquement possible l'affectation à l'industrie de la portion de territoire qu'il con­cerne, affectation prévue au plan de secteur sous condition suspensive del' établissement d'un tel schéma, il n'a pas par lui-même pour effet d'autoriser l'exploitation d'un établissement, même si on peut supposer que l'autorisation sera effectivement délivrée.

Il n'est en revanche permis ni à l'autorité communale auteur du schéma directeur, ni au Conseil d'Etat, de préjuger des conditions auxquelles l'autorité compétente subordonnerait l'exploitation.

En l'espèce, si un préjudice était à craindre pour l'environnement, et particulièrement pour la quiétude du voisinage, il aurait sa source dans l'autorisation d'exploiter et non dans le schéma directeur.

Vu la demande introduite le 11 aoftt 1994 par André Schmid, qui tend à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de la délibération du conseil communal de Seraing du 4 juillet 1994 déclarant que:

«1°) le plan d'urbanisation de la Cense Rouge définissant clairement les affectations du sol et comprenant notamment le parc artisanal et ses deux zones tampon, constitue complémentairement à la charte urbanistique, le schéma directeur de cette portion du territoire;

»2°) dès que l'autorité communale sera en possession d'instructions précises sur la nécessité et sur les modalités de création d'un nouveau schéma directeur, tout sera mis en œuvre pour le dresser»;

Vu l'ordonnance du 12 aoftt 1994, notifiée aux parties, convoquant celles-ci à comparaître le 19 aoftt 1994 à 9.30 heures;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

- L'acte critiqué concerne une portion de territoire qui est placée dans la zone d'extension d'industrie de recherche du Sart-Tilman au plan de secteur de Liège, établi par arrêté de! 'Exécutif régional wallon du 26 novembre 1987. L'article 2, § 1"', 6.4.5, des prescriptions complémentaires du plan de secteur dispose comme suit:

<<La zone d'extension d'industrie de recherche du Sart-Tilman est destinée à permettre l'implantation de nouvelles industries de recherche pour autant que l'autorité compétente se soit prononcée préalablement sur un schéma directeur.

»Elle ne peut être entamée que lorsque la zone d'industrie de recherche est suffisamment occupée.

»En attendant sa mise en œuvre, sont seuls autorisés les actes et travaux correspondant à l'affectation actuelle, dans la mesure où ils ne mettent pas en cause la destination future».

- Le 14 décembre 1990, le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Seraing délivre à la S.A Eurogentec un permis de bâtir une usine pharmaceutique dans cette zone, sur un terrain jouxtant une zone d'habitat dans laquelle réside le requérant; ce permis n'a pas été attaqué. Le 5 mars 1992, la députation permanente du conseil provincial de Liège accorde l'autorisation d'exploiter l'usine, à plusieurs conditions limitant notamment le niveau sonore. Saisi par un recours de voisins, le Gouvernement régional wallon confirme l'autorisation par arrêté du 12 janvier 1994, en modifiant certaines des conditions dont elle était assortie. Par arrêt n° 47.967 du 15 juin 1994, le Conseil d'Etat annule cette autorisation, au motif que, aucun schéma directeur n'ayant été établi, les terrains devaient conserver leur affectation antérieure, qui était un boisement.

- Le 4 juillet 1994, le conseil communal de Seraing adopte la décision critiquée. Celle-ci comporte les passages suivants:

«( ... )

»Attendu qu'un arrêt du Conseil d'Etat (n° 47.957 du 15 juin 1994) a annulé le permis d'exploiter de la SA. Eurogentec établie dans ce parc;

»Attendu que cette annulation est principalement motivée sur l'absence d'un schéma directeur pour régir l'urbanisation de cette zone du territoire;

>~ttendu que dans l'immédiat, nous ne disposons encore d'aucune donnée précise sur la procédure à suivre pour régulariser cette situation;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETfü' - 1994

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N° 48.811

»Attendu que notre administration ne souhaite pas rester dans une situation illégale;

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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»Attendu que la charte urbanistique régissant le Parc de recherches de la Cense rouge était évidemment ac­compagnée d'un schéma d'urbanisation approuvé par le conseil communal et définissant les différentes affectations du sol;

»( ... )

»DECIDE:

»en réponse transitoire que:

»1° le plan d'urbanisation de la Cense Rouge définissant clairement les affectations du sol et comprenant notamment le Parc artisanal et ses deux zones tampon, constitue complémentairement à la charte urbanistique, le schéma directeur de cette portion de territoire; ·

»2° dès que l'autorité communale sera en possession d'instructions précises sur la nécessité et sur les modalités de création d'un nouveau schéma directeur, tout sera mis en œuvre pour le dresser».

- Le 8 juillet, le requérant et un certain nombre de voisins ont assigné la S.A Eurogentec devant le président du tribunal de première instance de Liège siégeant en référés aux fins de la contraindre à cesser toute activité jusqu'à ce qu'une autorisation d'exploiter régulière lui ait été délivrée. L'affaire est fixée devant cette juridiction à l'audience du 6 septembre 1994;

Considérant que le requérant déclare agir à titre personnel et au nom de huit de ses voisins; qu'il n'a pas qualité pour représenter ses voisins; que la demande de suspension n'est recevable qu'en tant qu'elle est introduite par André Schmid;

·Considérant que le requérant décrit comme suit le préjudice que risque de causer l'acte critiqué:

«1. L'acte attaqué intervient dans le cadre d'une affaire qui afait l'objet d'une procédure devant votre haute juridiction, qui fait toujours l'objet d'une procédure au fond devant le tribunal de première instance de Liège ainsi que d'une procédure en référé.

»Il semble clair que ce schéma-directeur a été adopté en vue de tenter d'aboutir à la délivrance d'un permis d'exploiter à Eurogentec avant l'audience de plaidoirie fixée le 6 septembre devant le Président du tribunal de première instance de Liège siégeant en référé et de régulariser de la sorte une situation susceptible d'engager tant la responsabislité de la ville de Seraing que celle de la Région wallonne.

»En effe4 les articles 4, 5, 7, 8, 10 du RGPT applicables en Région wallonne imposent pour tout délai de rigueur la durée de l'enquête publique (15 jours, art. 4, al. 4, RGPT).

»Les autres délais, quant à eux, sont des délais maximum durant lesquels les autorités compétentes doivent rendre leur avis, transmettre leur décision et délivrer ou refuser les permis demandés. Il est donc théoriquement possible de délivrer un permis d'exploiter dans les jours qui suivent la fin de l'enquête publique.

»2. En l'espèce, l'enquête publique a commencé le 2 août et sera clôturée le 17 août. Le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Seraing pourra transmettre le résultat de l'enquête publique dès sa clôture avec son avis motivé au gouverneur de province.

»Dès réception de celui-ci, le gouverneur pourra demander les avis aux services techniques concernés ainsi qu'au fonctionnaire délégué. Compte tenu de l'enjeu du dossier et de la volonté manifeste de l'administration de régulariser la situation de la SA. Eurogentec, il est possible que ces avis soient délivrés immédiatement par les services concernés. Dès lors, le nouveau permis pourrait être délivré avant l'audience de référé.

»Il aurait pour conséquence:

»-de compromettre sérieusement les chances d'aboutissement de cette procédure en référé,

>>-de n'ouvrir aux requérants pour tout recours contre ce permis qu'un recours organisé auprès du gouvernement wallon avant tout recours auprès de votre haute juridiction. Ils' en suivra dans un premier temps une procédure devant les autorités administratives quel' on peut supposer très longue avant qu'une procédure identique à celle ayant fait l'objet de l'arrêt du 15 juin 1994 précité ne soit ouverte devant votre haute juridiction,

>>-de permettre à l'administration de passer outre l'effet erga omnes de votre arrêt47.967du15juin1994. En effe4 si le permis d'exploiter est délivré en vertu de l'acte attaqué (manifestement illéga~ cfr moyens 1, 2), votre arrêt précité, consacrant l'affectation en zone verte de l'ancien parc industriel, aura été mis à néant en fait par cette voie de fait administrative,

>>-d'éluder toute procédure d'évaluation préalable de l'incidence sur l'environnement de la zone d'extension du parc industriel et donc de consultation des tiers intéressés via une étude d'incidence (cfr moyen 2). Ce préjudice sera donc grave et difficilement réparable. En effe4 comme le stigmatisait Monsieur ['Auditeur Gilliaux en son avis précédant l'arrêt 42.734/III, tout non-respect des dispositions prévoyant obligatoirement une étude d'incidence est par nature grave et difficilement réparable car cela suppose un préjudice immédiat à l'environnement et une modification de celui-ci sans mesure de son impact),

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 15 N° 48.811

>>-de permettre la poursuite du trouble environnemental grave que subissent les requérants depuis plus de deux ans dans l'attente de l'aboutissement de leurs recours. (Depuis plus de deux ans, sans autre possibilité de recours que les procédures qui ont aboutis à l'arrêt 47.967, les requérants subissent déjà les conséquences de l'activité de cette entreprise, et les nuisances, principalement sonores, qu'elle entraîne. Ces nuisances sont parti­culièrement sensibles en période d'été, au moment où les groupes de réfrigération fonctionnent plus régulièrement. Ces nuisances sont particulièrement gênantes pendant la nuit, puisqu'elles perturbent directement leur sommeil).

>>Sans l'annulation immédiate de cet acte, cette <<Voie de fait>> (délivrance du permis d'exploiter) sera accomplie et elle risque fort de n'être pas sanctionnable avant longtemps. Il y a donc urgence.

»Les préjudices invoqués tant dans le chef des requérants (privation de recours immédiats, atteinte à leur environnement, privation des effets de l'arrêt qu'ils ont obtenu de votre haute juridiction ce 15 juin ... ), que dans le chef de la collectivité (non-évaluation des incidences de l'extension du zoning, impliquant une absence de conciliation avec les habitants de la zone d'habitat voisine, une absence de garantie quant à leur sécurité: biotechnologie, matériaux composites ... , et à la protection de leur cadre de vie) seront irréparables ou à tout le moins très difficilement réparables»;

Considérant que la gravité du préjudice allégué ne peut être appréciée en fonction de l'incidence que l'arrêt de suspension pourrait avoir sur une procédure pendante devant une juridiction de l'ordre judicaire; que celle-ci est en effet habilitée à se prononcer sur la légalité de tout acte administratif, sans que le Conseil d'Etat ait statué à ce sujet; que la circonstance que la démonstration de cette illégalité devrait être faite devant le juge saisi sans avoir été établie, au moins provisoirement, par un arrêt du Conseil d'Etat, ne constitue pas un dommage grave;

Considérant que s'il est vrai que l'acte critiqué a pour effet de rendre juridiquement possible l'affectation à l'industrie de la portion de territoire qu'il concerne, affectation prévue au plan de secteur sous condition suspensive de l'établissement d'un schéma directeur, il n'a pas, par lui-même pour effet d'autoriser l'exploitation de l'usine Eurogentec, même si, en raison des circonstances et du fait que l'usine est effectivement construite et exploitée, on peut supposer que l'autorisation sera effectivement délivrée; qu'il n'est en revanche permis ni à l'autorité communale auteur de l'acte critiqué, ni au Conseil d'Etat, de préjuger des conditions auxquelles l'autorité compétente- soit la députation permanente ou, sur recours, le Gouvernement régional - subordonnerait l'exploitation; qu'à l'audience, l'avocat du requérant, qui est également le conseil des demandeurs devant le président du tribunal de première instance siégeant en référé, a annoncé officiellement l'intention de ses clients de se désister de leur action devant le juge des référés si les mesures d'isolation acoustique préconisées par l'expert Gendarme, commis par ce tribunal au cours d'une précédente instance, étaient réalisées; que tant l'analyse de l'effet propre de l'acte critiqué que cette déclaration indiquent que si un préjudice était à craindre pour l'environnement, et particulièrement pour la quiétude du voisinage, il aurait sa source dans l'autorisation d'exploiter et non dans le schéma directeur; que ce préjudice, qui, au demeurant, semble réparable par l'exécution des mesures suggérées par l'expert, n'est pas imputable à l'acte critiqué;

Considérant que l'exécution immédiate de l'acte critiqué n'est pas de nature à causer un préjudice grave difficilement réparable; qu'une des conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse ordonner la suspension de l'exécution de l'acte critiqué fait défaut; que la demande de suspension ne peut être accueillie,

(Rejet de la demande de suspension selon la procédure d'extrême urgence).

N°" 48.8131 à 48.816 ARRETS du 29 août 1994 (XIe Chambre)

48.813 -AREVALO DIAZ RUBEN: demande de suspension irrecevable, la requête en annulation n'étant pas revêtue des timbres fiscaux.

48.814 - KWAME OPPONG = n° 48.770.

48.815 - JUSUF: demande de suspension irrecevable, le requérant ne faisant état d'aucun préjudice grave difficilement réparable.

48.816 - MITROVIC: demande de suspension irrecevable, le requérant ne justifiant d'aucun préjudice grave difficilement réparable.

1 li n'y a pas d'arrêt n° 48.812.

RECUEIL DES ARlŒI'S DU CONSEIL D'EfJ!J - 1994

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)/

N° 48.817

N° 48.817

ARRET du 29 août 1994 (XIe Chambre)

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Fortpied, premier auditeur.

KAIROUAN! (Mes Denys et Walleyn) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur (Mes Zenobi et Scarcez)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Séjour de plus de trois mois - Droit à l'autorisation (1 à 4)

II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante - Généralités (3)

1. Dès lors qu'une étrangère ne se trouve pas dans les conditions requises pour une entrée régulière dans le Royaume au titre qu'elle revendique, elle ne l'est pas non plus a fortiori pour introduire une demande d'autorisation de séjour.

2. Le seul fait du mariage contracté avec une personne autorisée au séjour en Bel­gique ne dispense pas l'étrangère, avant de revendiquer quelque droit au séjour, d'être en possession des documents requis pour une entrée régulière dans le Royaume à ce titre .

... Alors spécialement qu'il s'agit d'un mariage polygamique, qui doit être considéré comme contraire à l'ordre public international belge et ne peut être reconnu valable en Belgique.

3. Une décision administrative en matière de refas d'autorisation de séjour satisfait à l'obligation de motiver s~ d'une part, elle est motivée et s~ d'autre part, ce motif, fondé sur des dispositions légales, trouve appui dans le dossier administratif.

4. Un ordre de quitter le territoire n'oblige pas l'étrangerqui en fait l'objet à se séparer définitivement des siens mais l'écarte momentanément du pays pour lui permettre de se procurer les documents requis pour une entrée régulière.

Vu la demande introduite le 19 décembre 1992 par Saliha Kairouani, de nationalité algérienne, qui tend à la suspension de l'exécution de l'ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifié le 1er décembre 1992, et de la décision de refus de séjour du 23 novembre 1992;

Vu la requête introduite simultanément par la même requérante qui demande l'annulation de ces décisions;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le 3 août 1992, la requérante a contracté mariage devant ]'Officier de l'état civil de Ain Makhlouf (Algérie) avec son compatriote, Monsieur Ayat Hamada, établi en Belgique et résidant avenue G. Demey, 142, à Auderghem.

2. Elle a introduit une demande de visa pour la Belgique auprès du consulat belge à Alger et un visa n° BE/92/7019 lui a été délivré en date du 12 octobre 1992 pour une durée d'un mois.

3. La requérante est arrivée en Belgique le 18 octobre 1990 et s'est présentée à la commune d'Auderghem pour y faire valoir un droit au séjour sur la base de l'article 10, alinéa 1er, 4°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

4. En attendant que le Ministre de l'intérieur statue sur le séjour, la commune d'Auderghem lui a délivré non pas le document annexe 15bis mais une déclaration d'arrivée n° 92/110 valable jusqu'au 18 novembre 1992.

5. Le 13 novembre 1992, la demande basée sur l'article 10, alinéa 1er, 4°, de la loi du 15 décembre 1980 a été confirmée par écrit par le conseil de la requérante.

6. Le 23 novembre 1992, l'Oflice des étrangers a répondu au conseil de la requérante en ces termes: «Votre cliente va se voir notifier un ordre de quitter le territoire. Bien qu'elle se prévale du droit de séjour sur la base d'un mariage valablement contracté en Algérie avec un étranger établi en Belgique, l'intéressée n'est pas actuellement en mesure de faire valoir ce droit au séjour car ce mariage ne peut sortir ses effets en Belgique au motif qu'il est contraire à l'ordre public international belge. En elfe~ ce mariage est un mariage polygamique puisque le mari est toujours valablement engagé dans les liens d'un mariage avec une Belge vivant en Belgique».

7. Par la même décision, une demande d'autorisation de séjour introduite en ordre subsidiaire par l'intermédiaire du bourgmestre de la commune d'Auderghem en application de l'article 9, alinéa 3, de la loi du

RECUEIL DES ARRHfS DU CONSEIL D"E~ - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 17 N° 48.817

15 décembre 1980 a été également rejetée avec la motivation suivante: «Les motifs invoqués sont jugés insuffisants; Arrêt de l'immigration suite à la décision gouvernementale de 1974 confirmée par la déclaration gouvernementale du 10 mai 1988. L'intéressée ne peut se prévaloir d'aucun droit de séjour en application d'une disposition de la loi précitée».

Cette décision de refus de séjour constitue le premier acte attaqué.

8. Le 1er décembre 1992, un ordre de quitter le territoire a été délivré à la requérante par l'intermédiaire de la Commune d'Auderghem.

Il s'agit du second acte attaqué;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de la violation des articles 10, alinéa 1er, 4°, de la loi du 15 décembre 1980 précitée et de l'article 26 de l'arrêté royal du 10 novembre 1981 en ce que, première branche, la décision litigieuse constitue une déciSion de refus de séjour à la suite d'une demande introduite sur le pied de l'article 10, alinéa 1er, 4°, de la loi et prise en vertu de l'article 11 de ladite loi et que cette décision est notifiée par un document annexe 13 à l'arrêté royal du 8 octobre 1981, alors que la requérante estime être l'épouse légitime d'un étranger établi en Belgique et qu'en tout état de cause, l'article 26, alinéa 4, de l'arrêté royal du 8 octobre 1981 précise qu'une telle décision doit être nçtifiée par la remise du document conforme au modèle figurant à l'annexe 14, et en ce que, deuxième branche, la décision viole les articles 6 et 7, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980 en ce que l'ordre de quitter le territoire est pris en exécution de l'article 7, alinéa 1er, 2°, de la loi précitée, alors que cet article renvoie à l'article 6 qui ne s'applique que <<Sauf dérogations prévues par la loi ou par un arrêté royal»; que la requérante estime que les articles 10 et 11 de la loi et l'article 26 de l'arrêté royal constituent des dérogations à l'article 6 et qu'elle pouvait dès lors attendre la décision prise sur sa demande de séjour et exercer le cas échéant contre celle-ci les recours prévus par la loi;

Considérant, sur la première branche que, dès lors qu'il est établi que la requérante ne se trouvait pas dans les conditions requises pour une entrée régulière dans le Royaume au titre qu'elle revendiquait, elle ne l'était pas non plus a fortiori pour introduire une demande d'autorisation de séjour qui, sans qu'il soit besoin de l'examiner au fond, est irrecevable;

Considérant, sur la deuxième branche, que le seul fait d'un mariage contracté avec une personne autorisée au séjour en Belgique ne dispensait pas la requérante, avant de revendiquer quelque droit au séjour, d'être en possession des documents requis pour une entrée régulière dans le Royaume à ce titre; qu'en outre, il s'agit, dans le cas d'espèce, d'un mariage polygamique en ce sens que l'époux de la requérante est toujours dans les liens du mariage avec une ressortissante belge; que, dès lors, ce second mariage doit être considéré comme contraire à l'ordre public international belge et ne peut être reconnu comme valable en Belgique; qu'en conséquence, la requérante ne se trouvait pas dans les conditions requises pour demander une autorisation de séjour; que le moyen n'est sérieux en aucune de ses branches;

Considérant que la requérante prend un deuxième moyen de la violation del 'article 62 de la loi sur le séjour, de l'article premier de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation des actes administratifs et de l'article 7, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 en ce que l'ordre de quitter le territoire invoque notamment que la requérante aurait porté atteinte à l'ordre public par son comportement, sans préciser en quoi ce comportement consiste, alors qu'une telle motivation est imposée par la loi et doit figurer dans l'acte administratif lui-même et alors que cette motivation est inexacte et ne trouve pas d'appui en fait;

Considérant qu'une décision administrative en la matière satisfait aux dispositions invoquées si, d'une part, elle est motivée et si, d'autre part, ce motif, fondé sur des dispositions légales, trouve appui dans le dossier administratif; qu'en l'espèce, Madame Marchal, secrétaire d'administration, a, dans sa lettre du 24 octobre 1992 adressée au bourgmestre de la commune d 'Auderghem, précisé la motivation de la décision: «Ce mariage ne peut sortir ses effets en Belgique au motif qu'il est contraire à l'ordre public international belge. En effet, ce mariage est un mariage polygamique puisque le mari est toujours valablement engagé dans les liens d'un mariage avec une Belge vivant en Belgique»; que le moyen n'est pas sérieux;

Considérant que la requérante prend un troisième moyen de la violation des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce que la décision litigieuse oblige la requérante à retourner en Algérie alors que ceci l'obligerait à vivre séparée de son époux, l'obligerait à accoucher seule et, dès lors, qu'elle pourrait y subir des traitements inhumains et dégradants lors de son retour à la suite des disputes qu'il y a eu au sein de sa famille;

Considérant, quant à la violation prétendue de l'article 8, qu'un ordre de quitter le territoire n'oblige pas l'étranger qui en fait l'objet à se séparer définitivement des siens mais l'écarte momentanément du pays pour lui permettre de se procurer les documents requis pour une entrée régulière; que, de toute façon, le mariage de la requérante ne peut pas être reconnu par les autorités belges; que, quant à la violation prétendue de l'article 3, la requérante n'apporte aucun commencement de preuve de l'existence de circonstances qui l'exposeraient à des traitements inhumains ou dégradants au sens de la Convention européenne des droits de l'homme; que le moyen n'est pas sérieux;

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'Er!J - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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Considérant qu'une des conditions prévues par l'article 17, § 2, alinéa 1°', des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit accueillie une demande de suspension n'est pas remplie; que, partant, la demande de mesures provisoires ne saurait être accueillie,

(Rejet des demandes de suspension et de mesures provisoires).

N° 48.818 ARRET du 29 aofit 1994 (XI° Chambre)

EBONGO FUTU = n° 48.781, 1 et II, n°s 1 et 2 + n° 48.736, 1, n° 2 + n° 48.807, 1 et II + n° 48.786, V, n° 3.

N° 48.819

ARRET du 29 août 1994 (XI° Chambre) MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Fortpied, premier auditeur.

BOULAHFA et consorts (M0 Denys) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur (Mes Zenobi et Scarcez)

I. ETRANGERS - Police des étrangers - Séjour de plus de trois mois - Droit à l'autorisation - Handicapés (1 et 2)

II. LOIS, DECRETS ET ARRETES - Interprétation - Interprétation des textes imprécis - En fonction du but de la loi (1)

m. CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (2)

1. L'article lObis, § 2, de la loi du 15décembre1980 ne prévoit d'exception au droit au séjour qu'il consacre en faveur de l'enfant handicapé d'un étranger autorisé ou admis au séjour que lorsque cet enfant se trouve dans un des cas visés à l'article 3, 2° à 4°, non lorsque l'étranger, auteur de l'enfant, a lui-même été autorisé à séjourner dans le Royaume sous le bénéfice du regroupement familial.

A supposer qu'il y ait antinomie entre l'article 10, alinéa 3, et l'article lObis, § 2, de la lo~ il y aurait lieu de faire prévaloir cette dernière disposition en raison, d'une part, de sa portée particulière par rapport à la règle de portée générale et, d'autre part, du souci humanitaire qui l'inspire.

Peu importe que la demande d'autorisation de séjour ait été introduite en Belgique alors que l'article lObis suppose que la demande soit faite auprès du poste diplomatique ou consulaire belge auprès du pays étranger où les enfants résident et qu'y soit jointe une attestation émanant d'un médecin agréé par ce poste, dès lors qu'il n'apparaît pas que cette manière de procéder ait eu pour but ou pour effet de porter préjudice aux intérêts que le ministre de l'intérieur a la mission de faire respecter.

2. Dès lors qu'il s'impose de permettre le séjour en Belgique de deux enfants handi­capés chez leur père qui est seul en mesure de les prendre en charge, l'exécution de l'ordre de quitter le territoire notifié à leur mère et aux autres enfants violerait l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu la demande introduite le 21 décembre 1992 par Fatima Boulahfa, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses quatre enfants mineurs Sabria El Makk:aoui, Safa El Makkaoui, Noujoud El Makk:aoui et Mauna El Makkaoui, ainsi que par Chaouki El Makkaoui et Saloua El Makk:aoui, enfants majeurs, de nationalité marocaine, qui tend à la suspension de l'exécution des ordres de quitter le territoire, qui leur ont été notifiés le 26 octobre 1992;

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETiIT - 1994

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Vu la requête introduite simultanément par les mêmes requérants qui demandent l'annulation de ces décisions;

Considérant que les fails utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. La requérante épouse en 1962 au Maroc Monsieur Lahcen El Makkaoui. Celui-ci la répudie le 30 novembre 1977 mais reprend la vie conjugale le 19 décembre 1977. Le couple se sépare néanmoins en 1979. De cette union sont nés six filles et un garçon:

- Zoubida, en 1967 - Chaouki, en 1969 - Saloua, en 1971 - Noujoud, le 1er octobre 1974 - Sabria, le 22 janvier 1976 - Sara, le 9 avril 1978 - Mouna, le 20 avril 1979

Deux de ces enfànts souffrent de graves problèmes de santé:

- Chaouiki, né en 1969, est atteint d'une maladie neuromusculaire grave (type myasthénie) et souffre de cécité.

- Mouna, née le 20 avril 1979, est atteinte de myopathie et se déplace en chaise roulante. Son cas d'aggrave de jour en jour et le pronostic des médecins est réservé. Son traitement implique un appareillage médical lourd.

2. La requérante, munie d'un passeport et d'un visa de touriste Benelux, vient visiter en 1985 sa famille aux Pays-Bas et en Belgique. Elle y reste pour travailler et pour ainsi gagner suffisamment d'argent pour nourrir ses enfànts qui sont restés au Maroc et sont hébergés par l'enfant aînée, Zoubida, née en 1967. A part quelques brefs séjours au Maroc, la requérante séjourne actuellement depuis sept ans dans le Royaume.

3. Le 14 mai 1986, le mari de la requérante, Lahcen El Makkaoui, se présente à l 'Office des étrangers et introduit une demande de regroupement familial. Il est, en effet, marié avec Idrissi Fatma, née en 1937, qui est inscrite à la population en Belgique. Il divorce de sa seconde épouse en 1990.

4. Il y acte de reprise de mariage, le 14 mars 1991, avec la requérante, Boulahfà Fatima. Le 22 avril 1992, la requérante introduit alors une demande d'autorisation de séjour provisoire afin de régulariser sa situation. Cette demande est refusée pour les motifs suivants:

«-La demande de régularisation de séjour est rejetée: elle a été introduite tardivement et les motifs invoqués sont insuffisants pour être considérés comme exceptionnels. De plus, le regroupement familial ne peut être envisagé pour des enfants de plus de dix-huit ans et l'immigration est arrêtée depuis 1974. Néanmoins, les déclarations d'arrivée seront prorogées jusqu'au 30 septembre 1991. Une prorogation ultérieure sera soumise à la production de certificats médicaux type O.E., signés par une spécialiste précisant que les traitements médicaux se poursuivent et de la preuve que les frais médicaux sont acquittés régulièrement.»

5. Le 6 octobre 1992, la partie adverse prend la décision de refuser la régularisation du séjour des requérants. Cette décision leur est notifiée le 26 octobre 1992.

Les décisions attaquées sont les suivantes:

- L'ordre de quitter le territoire du 26 octobre 1992, notifié le 2 novembre 1992 à Fatima Boulahfà, dont les motifs sont les suivants:

«Demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé conformément à l'article 6 (art. 7, al. 1er, 2°, de la loi du 15.12.1980).

»Les enfants El Makkaoui Sabria, née le 22.01.1976 et El Makkaoui Sa/a, née le 9 avril 1978, doivent impérativement l'accompagner.»

- L'ordre de quitter le territoire du 26 octobre 1992, notifié le 2 novembre 1992 à El Makkaoui Chaouki, dont les motifs sont les suivanls:

«Demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé conformément à l'article 6 (art. 7, al. 1er, 2°, de la loi du 15.12.1980).»

- L'ordre de quitter le territoire du 26 octobre 1992, notifié le 2 novembre 1992 à El Makkaoui Saloua, dont les motifs sont les suivants:

«Demeure dans le Royaume au-delà du délai fixé conformément à l'article 6 (art. 7, 1er, 2°, de la loi du 15.12.1980).»;

Considérant que les requérants prennent un moyen, le troisième de leur requête, de la violation de l'article 10bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en ce que l'ordre de quitter le territoire vise les enfànls Chaouiki -et Mouna alors que ceux-ci sont

RECUEIL DES ARRHfS DU CONSEIL D'EI'M - 1994

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N° 48.819

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handicapés et à charge de leur père Lahcen El Makkaoui, qui est autorisé à séjourner en Belgique et dispose de moyens de subsistance et d'un logement suffisants;

Considérant que, sans contester le handicap des enfants Chaouki et Mouna ni les autres conditions ·d'application de l'article 10bis, la partie adverse se borne à répondre que «les dispositions de l'article lObis ... , ne portent pas préjudice à l'application des dispositions de l'article 10, alinéa 3, lequel précise que lorsqu'un étranger a été admis à séjourner dans le Royaume par application du premier alinéa, 4°, après le 16 août 1984, ni son conjoin~ ni leurs enfants ne peuvent invoquer le droit de venir le rejoindre»;

Considérant que l'article 10bis de la loi du 15 décembre 1980 dispose comme suit en son paragraphe 2:

<<Lorsque l'enfant handicapé d'un étranger autorisé ou admis au séjour ou autorisé à s'établir, introduit une demande d'autorisation de séjour de plus de trois mois, cette autorisation doit être accordée s'il apporte la preuve qu'il est à charge de cet étranger, et fournit une attestation émanant d'un médecin agréé par le poste diplomatique ou consulaire belge indiquant qu'il ne peu~ en raison de son handicap, vivre qu'à charge d'une autre personne, pourvu que l'étranger qu'il vient rejoindre apporte la preuve qu'il dispose de moyens de subsistance et d'un logement suffisants et pour autant que ledit enfant ne se trouve pas dans un des cas visés à l'article 3, 2° à 4°.»;

Considérant que la disposition citée ne prévoit d'exception au droit au séjour qu'elle consacre en faveur de l'enfant handicapé d'un étranger autorisé ou admis au séjour que lorsque cet enfant se trouve dans un des cas visés à l'article 3, 2° à 4°, non lorsque l'étranger, auteur de l'enfant, a lui-même été autorisé à séjourner dans le Royaume sous le bénéfice du regroupement familial; qu'à supposer même qu'il y ait une antinomie entre l'article 10, alinéa 3, et l'article 10bis, § 2, de la loi, il y aurait lieu de faire prévaloir cette dernière disposition en raison, d'une part, de sa portée particulière par rapport à une règle de portée générale, et, d'autre part, du souci humanitaire qui l'inspire;

Considérant, certes, que, comme la partie adverse le fait observer à propos du quatrième moyen, la demande d'autorisation de séjour a été introduite pour les deux enfants après leur arrivée en Belgique, alors que, tel qu'il est rédigé, l'article 10bis suppose que la demande soit faite auprès du poste diplomatique ou consulaire belge auprès du pays étranger où les enfants résident et qu'y soit jointe une attestation émanant d'un médecin agréé par ce poste; que, toutefois, il n'apparaît pas que cette manière de procéder ait eu pour but ou pour effet de porter préjudice aux intérêts que la partie adverse a la mission de faire respecter puisque l'article 10bis de la loi consacre un droit de l'enfant handicapé à être pris en charge par celui de ses père ou mère qui en est capable et qu'elle-même, loin de contester la réunion en l'espèce des autres conditions d'application de cet article, reconnaît, dans sa note d'observation du 17 février 1993, qu'elle <proroge, de manière systématique, sur présentation des certificats médicaux ad hoc, le séjour des enfants dont l'état de santé est précaire»;

Considérant que le troisième moyen de la requête est sérieux; qu'il ne concerne toutefois que le séjour des enfants Chaouki et Mouna El Makkaoui;

Considérant que les requérants prennent un moyen, le deuxième de la requête, de la violation notamment de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que l'exécution des actes attaqués impliquerait l'éclatement de leur milieu familial remettant ainsi en cause le droit au respect de leur vie privée et familiale; ·'

Considérant que la partie adverse répond que «les requérants ne disposent d'aucun droit au séjour à durée illimitée, ne pouvant bénéficier des dispositions de l'article 10, alinéa 1er, 4°, de la loi du 15 décembre 1980», «qu'il n'y a pas en principe d'ingérence dans le droit au respect de la vie familiale si la famille de l'intéressé peut le rejoindre à l'étranger» et que «l'article 8 de la Convention européenne ... ne garantit pas, en tant que tel, le droit pour les étrangers de séjourner sur le territoire d'un Etat contractant»;

Considérant qu'il ressort du dossier administratif et qu'il n'est pas contesté que Lahcen El Makkaoui est titulaire d'un certificat d'inscription au registre des étrangers depuis le 17 mars 1988, qu'il dispose de revenus professionnels et d'un logement; qu'il paraît ainsi être seul en mesure de prendre en charge ses deux enfants handicapés; que cette prise en charge suppose qu'il puisse conserver un emploi et un logement; que, dans ces conditions, la réponse de la partie adverse suggérant que l'article 8 de la Convention européenne serait respecté si Lahcen El Makkaoui quittait la Belgique avec les siens manque de la moindre pertinence; que, pour les raisons exposées à propos du troisième moyen de la requête, il s'impose au contraire de permettre le séjour en Belgique sur la base de l'article 10bis, § 2, de la loi du l:S décembre 1980, des enfants Chaouiki et Mouna El Makkaoui; que, par voie de conséquence, l'exécution de l'ordre de quitter le territoire notifié à leur mère et à leurs soeurs violerait l'article 8 de la Convention; que le deuxième moyen de la requête est sérieux;

Considérant que les circonstances de la cause, telles qu'elles ont été évoqués à l'occasion de l'examen des deuxième et troisième moyens de la requête et notamment l'état de santé des enfants Chaouki et Mouna El Makkaoui démontrent à suffisance le risque de préjudice grave difficilement réparable auquel l'exécution immédiate de l'acte attaqué exposerait les requérants, risque que la partie adverse s'efforce en vain de contester par la répétition d'arguments qui ont été écartés à l'occasion de l'examen des deux moyens retenus comme sérieux;

Considérant que les conditions requises par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit accueillie la demande de suspension sont réunies;

RECUEll.. DES ARRIITS DU CONSEll.. D'ETAT - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840 Page 21

Considérant que l'article 17, § 4, des lois coordonnées précitées dispose comme suit:

N° 48.819

« ... Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt>>; qu'un délai aussi bref ne saurait s'accommoder des délais ordinaires de la procédure; qu'il y a lieu de les réduire de la manière fixée au dispositif ci-après,

(Est ordonnée la suspension des ordres de quitter le territoire du 26 octobre 1992, notifiés le 2 novembre 1992).

N°5 48.820 à 48.822

ARRETS du 29 août 1994 (XI" Chambre)

48.820 - GUZEL: rejet de la demande de suspension d'un rejet de demande urgente de réexamen, la décision étant suffisamment motivée par une appréciation non manifestement déraisonnable.

48.821 - N'GALULA KABANGU THEUSI: incompétence du Conseil d'Etat pour censurer un acte matériel + retrait de l'acte attaqué.

48.822 - MENSAH = n° 48. 770.

N° 48.823 ARRET du 30 août 1994 (Président de la XI" Chambre)

MM. Leroy, président, et Gilliaux, rapporteur (avis contraire)1.

de l' ARBRE et consorts (M" Lebrun) c/ Région wallonne (M08 Weinstock et Lambert)

I. BATISSE ET LOTISSEMENT EN GENERAL - Recours au Conseil d'Etat contre les permis -Demande de suspension d'extrême urgence

On ne peut faire grief au requérant d'avoir attendu trois semaines après la connaissance du permis pour introduire de la demande de suspension d'extrême urgence lorsque l'extrême urgence n'est apparue qu'avec le commencement des travaux et que la demande a été introduite trois jours après ce commencement.

II. BATISSE ET LOTISSEMENT EN REGION WALLONNE - Procédure administrative d'octroi des permis - Instruction des demandes de permis de bâtir

m. PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT EN REGION WAI.LONNE - Evaluation des inci­dences - Notice d'évaluation préalable

Le moyen pris de la violation de l'article 7 du décret du 11septembre1985 est sérieux lorsque la notice d'évaluation préalable ou bien minimise ou bien passe sous silence les inconvénients des travaux pour une catégorie de tiers.

IV. BATISSE ET LOTISSEMENT EN GENERAL - Recours au Conseil d'Etat contre les permis - Dommage invoqué à l'appui de la demande du suspension du permis de bâtir - Aux tiers - Cas de préjudice grave difficilement réparable

V. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Risque de causer un préjudice grave difficilement réparable

En l'espèce, la dégradation de la qualité de vie des habitants d'un village pendant une période de quelque six années en raison de la construction d'une route constitue un risque de préjudice grave difficilement réparable.

Mais il n'apparaît pas que ce préjudice, quelque réel qu'il soit, justifie qu'une situation tout aussi préjudiciable soit maintenue dans deux autres villages alors qu'elle leur serait épargnée par l'exécution du permis attaqué. Il n'y a dès lors pas lieu de suspendre celui-ci. 1 L'avis estimait établi le préjudice grave diflicilement réparable invoqué par les requérants et suggérait certaines solutions pour remédier aux inconvénients que la situation actuelle présente pour les villages de Promelles et de Fontenoy.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'Ef;IJ - 1994

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N° 48.823

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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Vu la demande introduite le 19 août 1994 par Christian de l'Arbre, Alessandro Bonmassar, Jean-Jacques Salesse, Véronique Fromont, M. Mertens, Pedro Yanini, Arlette Van Renterghem, René Vanderstraeten, Noël Jardin, François Delville, Louis Cserko, Inge Salteur-Vancleve, Richard Peiremans, René Guns, Jacques Demesse, Jean-Marie Duval, Jacques Querton, Jean-Pierre Harmand, Jean-Pierre Flahaux, Jean-Jacques Stronard, F. Heylens, Jean Mengoni, Agatino Annatelli, Marc Gobrecht, Giuseppe Seggio, Joséphine Bettinville, Mme Rosiers, André Roef, Roger Naveau, la société privée à responsabilité limitée <<Le Thines», Bernard Lodewickx, M. Batatian Wartkes, Thierry Van Lier et Jean-Michel Vandermeulen, qui tend à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de l'exécution du «permis de bâtir une route à deux voies de circulation destinée à relier la nationale RN25 à la RN237 à Nivelles sur des biens sis sur le territoire de la commune de Nivelles, parcelles cadastrées, 7 e division, section A, lg, lf et 203d, délivré par le Ministre ayant l'aménagement du territoire et l'urbanisme dans ses attributions au Ministère wallon de l'équipement et des transports, en date du 14 juillèt 1994» et à ce qu'une astreinte soit imposée à la partie adverse;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

La route rapide N25 destinée à relier Wavre à Nivelles est actuellement en service jusqu'à Promelles. Le tronçon Promelles-Thines est en partie construit, mais il reste à achever sa partie ouest, jusqu'au raccordement avec le ring sud de Nivelles. En attendant l'achèvement de ce tronçon, le trafic quitte la N25 à Promelles. La majeure partie se dirige vers le sud et rejoint la N237 à Vieux-Genappe, traversant successivement les hameaux de Promelles, Fonteny et, plus loin, Thines. Une autre partie du trafic, moins importante, prend vers le nord, vers Lillois.

Un premier permis de bâtir une route à chaussées séparées a été délivré le 19 mars 1991, autorisant la construction de la voie expresse à travers le village de Thines; l'exécution de ce permis a été suspendue par les arrêts du Conseil d'E1at n° 39.211 du 13 avril 1992 et n° 39.395 du 15 mai 1992, et le permis a été annulé par l'arrêt n° 41.826 du 29 janvier 1993. Un deuxième permis autorisant la construction d'un raccordement provisoire comportant une seule chaussée, qui, à quelques détails près, correspondait à une des chaussées de la voie expresse prévue par le premier projet, a été délivré le 10 aollt 1992; son exécution a été suspendue par l'arrêt n° 41.112 du 20 novembre 1992, et le permis a été annulé par l'arrêt n° 44.229 du 24 septembre 1993.

Le 6 mai 1994, la direction des routes du Brabant wallon introduit une nouvelle demande de permis por1ant sur la construction d'un raccordement provisoire entre le tronçon construit de la N25 et la N237; ce raccordement provisoire consiste, selon des plans datés du 19 janvier 1994, en un tronçon de quelque quatre cents mètres qui, venant de Wavre quitte le tracé de la N25 projeté précédemment, tourne à angle droit vers le sud et se raccorde par un rond-point à la N237, au lieu-dit Bourdia. A cette demande de permis est jointe une «notice d'évaluation préalable des incidences sur l'environnement>> de trois pages datée du 14 février 1994, qui por1ait notamment ce qui suit:

«i) effet du charroi - modification du flux de la circulation

>>-Aucune augmentation prévisible du flux de la circulation;

>>-Augmentation de la sécurité tant pour les usagers de la route que pour les habitants de Fonteny et de Promelles».

Le 11 avril, un nouveau tracé est établi; la courbe à la sortie de la voie rapide est fortement atténuée, et le raccordement en rond-point à la N237 est déplacé vers Nivelles et remplacé par un carrefour où le raccordement est prioritaire.

Le 19 avril 1994, le collège des bourgmestre et échevins de Nivelles, dont le hameau de Thines fait partie, examine la demande et estime n'avoir aucune remarque à formuler.

Le 5 mai 1994 est établie une nouvelle «notice d'évaluation préalable des incidences sur l'environnement>>, à peine plus développée que la première, qui porte notamment le passage suivant:

«i) effet du charroi - modification du flux de la circulation

>>-Aucune augmentation prévisible du flux de la circulation sur la N25 en service et la N237 à Thines;

>>-Par contre, forte diminution de la circulation dans les hameaux de Promelles et de Fonteny d'où forte augmentation de la sécurité tant pour les usagers de la route que pour ces habitantS>>.

Le 19 mai, la directrice générale de l'aménagement du territoire et du logement relève que le dossier comporte un nombre important de lacunes, «tant au niveau de sa conformité avec les prescriptions du C. WA.T. U .P., qu'au niveau de la notice d'évaluation préalable sur l'environnement>>.

Un nouveau plan est établi le 21 juin; il ne diffère de celui du 11 avril que par l'emplacement des terres arables à stocker. Une troisième «notice d'évaluation préalable des incidences sur l'environnement>> est établie; elle porte la date de <<juin 1994», sans autre précision; elle est cette fois, beaucoup plus détaillée, comptant douze pages et des annexes. Ce document est produit par les requérants et par la partie adverse, mais les versions qui figurent dans leurs dossiers diffèrent. Les passages suivants, communs aux deux versions méritent d'être relevés:

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'E'D'J - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 23 N° 48.823

«Le raccordement projeté relie pravisoirement l'extrémité de la partie de la N25 construite mais non ouverte au trafic, et la N237 qui relie Nivelles et Genappe. D'une longueur d'environ 400 mètres, le tracé adopté est très proche du plus court chemin possible.

»La réalisation de ce raccordement pravisoire devrait pennettre de mettre rapidement en service la section de la N25 à partir de l'accès de Promelles, et de soulager ainsi Promelles et Fonteni d'une part importante du trafic de transit qui les traverse actuellemen~ en attendant la réalisation du dernier tronçon de la N25, pour lequel une étude d'incidences à été prescrite.

»( ... )

»En vue de remettre les terrains en état après la mise en service du tronçon final de la N25 et la démolition du raccordement provisoire, la couche de terre arable (30 cm supérieurs) sera stockée ( ... )

»Le raccordement provisoire ne génère par lui-même aucun trafic, puisqu'il ne dessert aucune destination. La mise en service de l'ensemble qu'il constitue avec le tronçon de la N25 construit jusqu'à l'accès de Promelles entraînera par contre un trafic supplémentaire correspondant au moins au report du trafic actuellement détourné par Fonteni et Promelles. On peut s'attendre en effet à ce que l'amélioration de l'itinéraire y attire un volume de trafic plus important que celui observé actuellement

»( ... )

»Compte tenu des hypothèses exposées dans le point 2. 7.2., le volume de trafic traversant Promelles et Fonteni reviendra à un niveau proche du niveau observé avant la mise en service de l'accès de Promelles à la N25 (la diminution a été estimée à plus de 5.000 véhicules /jour). Notons que sur la N237 le trafic Genappe-Nivelles reste considérable (estimé à plus de 11.000 véhicules/jour).

»Le carrefour N237/raccordement pravisoire pourrait pravoquer un ralentissement du flux venant de Genappe et se dirigeant vers Nivelles par la N237, en particulier aux heures de pointe, suite à la perte de priorité au profit du flux «N25» (rappelons que ce flux est actuellement plus important que les flux Nivelles-Promelles et Promelles-Nivelles, et qu'il comprend aussi les bus de la ligne n° 619). Les difficultés éventuelles augmenteront avec l'importance du flux «N25», le flux <<N237» restant quant à lui vraisemblablement plus constant».

En outre, les phrases suivantes figurent dans la version qui est produite par les requérants, mais non dans celle qui est versée au dossier administratif déposé par la partie adverse:

<~ Thines, les abords de la N237 risquent de subir des effets de l'augmentation probable du trafic qui résultera de la mise en service du tronçon raccordement provisoire/N25.

»( ... )

»D'une manière générale, l'augmentation probable du trafic sur la N237 à Thines risque d'y accroître les effets ressentis par les riverains».

L'avis du collège des bourgmestre et échevins de Nivelles est à nouveau sollicité le 23 juin, et un avis favorable est donné le jour même. Le préambule de cette délibération porte notamment ce qui suit

«Vu la notice d'évaluation préalable des incidences du projet sur l'environnement notamment en ce qui concerne le trafic et attendu qu'au vu du sondage celui-ci ne sera pas accru d'une manière sensible;

»Attendu également qu'au vu de ladite notice aucune nuisance particulière ne sera induite du fait de la réalisation du raccordement pravisoire»;

Le 14 juillet 1994, le ministre délivre le permis de bâtir critiqué, dont la motivation porte notamment le passage suivant:

<~ttendu qu'il existe pour le territoire où se trouve situé le bien, un plan de secteur arrêté en date du 1er décembre 1981;

»Attendu que le présent projet n'est repris ni à l'annexe I du décret du 11 septembre 1985 organisant l'évaluation des incidences sur l'environnement dans la Région wallonne, ni à l'annexe II de son arrêté d'exécution du 31octobre1991, telles que celles-ci sont interpretées par la Haute juridiction administrative dans son arrêt du 29 janvier 1993, n° 41.826;

»Attendu en effe~ qu'il ressort de l'arrêt précité «que pour définir les voies de communication soumises d'office à une étude d'incidences, l'annexe 1 de la Directive ne se réfère pas au «réseau international E», réseau routier particulier, défini par !'Accord européen de Genève du 15 novembre 1975 sur les grandes routes de trafic international, mais à la notion de voie rapide au sens de cet accord; que celui-ci n'utilise pas ce vocable, mais définit la catégorie des «routes express» qui correspond au concept visé par la directive; que sont donc des voies rapides au sens de la directive: «les routes réservées à la circulation automobile accessible seulement par des échangeurs ou des carrefours réglementés et sur lesquelles notamment l'arrêt ou le stationnement sont interdits»»;

»Attendu que le présent proje~ en raison de sa configuration, ne rentre pas dans la définition de voies rapides telles que ci-définies, que, dès lors, une étude d'incidences n'est pas requise d'office;

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfM - 1994

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N° 48.823

Arrêts Nos 48.799 à 48.840

Page 24

»Attendu en elfe~ que le raccordement provisoire n'est ni une route pour automobiles ni une autoroute au sens des articles 20 et 21 du code de la route, dans la mesure où, notammen~ celui-ci n'est pas soumis aux interdictions visées à l'article 21.4 du code précité;

»Attendu que l'autorité compétente n'a pas jugé nécessaire, au regard des éléments contenus dans la notice d'évaluation préalable des incidences sur l'environnemen~ jointe à la présente demande de permis, d'imposer à la demanderesse, la réalisation d'une étude d'incidences sur l'environnement telle que visée à l'article 10, § 4, du décret du 11 septembre 1985 précité;

»Attendu que ladite notice a permis à l'autorité d'évaluer, de manière claire et complète, l'impact du projet sur l 'environnemen~ tant au niveau paysager, faunistique, floristique, hydrologique et géologique, qu'au niveau des nuisances phoniques, liées au trafic, inhérentes à la création d'une infrastructure routière;

»Attendu, en elfe~ que ce documen~ ainsi que les plans déposés, permettent de considérer qu'au niveau paysager, l'infrastructure provisoire sera peu perceptible;

»Attendu, par ailleurs, qu'il ressort de ladite notice que, compte tenu de l'éloignement et de la configuration par rapport à l'habita~ le trafic circulant sur le raccordement provisoire et sur le tronçon non litigieux de la RN25 à mettre en service ne devrait pas générer de nuisances sonores particulières;

»qu'il faut tenir compte, en elfe~ du bruit de fond déjà présent dans la zone concernée, e~ que le bruit produit sur cet axe ne sera pas entendu depuis l'intérieur des habitations, dont les plus proches bénéficieront même d'une diminution du niveau sonore sur la RN237;

»Attendu que ce projet de raccordement provisoire devra permettre de mettre en service rapidement la section de la RN25 à partir de l'accès de Promelles, e~ de soulager les entités de Promelles et de Fonteni d'une part importante du trafic de transit qui les traverse actuellemen~ en attendant la réalisation du dernier tronçon de la RN25 pour lequel une étude d'incidences est requise;

>>Attendu, dès lors, qu'il y a lieu d'admettre en l'espèce l'applicabilité de l'article 41, § 3, 2°, du code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine, lequel stipule que la durée du permis peut être limitée lorsqu'il s'agit d'édifier des constructions ou d'exécuter des travaux soumis à permis, pendant la période précédant la réalisation de l'affectation définitive prévue par une disposition légale ou réglementaire;

»Attendu, en outre, que le présent projet ne viole en rien l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la Haute Juridiction administrative du 29 janvier 1993 précité; ·

»Attendu, en elfe~ que ce projet se raccorde au tronçon non contesté de la RN25 pour lequel un permis régulier a été délivré»;

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'avoir égard aux documents déposés par la partie adverse et par le requérant après la clôture des débats, ni de faire droit à la demande de la partie adverse de rouvrir les débats en vue de les déposer; que les droits de la défense de la partie adverse ne peuvent en être lésés, puisque sa demande serait sans intérêt en cas de rejet de la demande de suspension, et qu'en cas de suspension, elle pourrait produire ces pièces et en tirer argument au cours de l'audience de confirmation;

Considérant que la partie adverse conteste la recevabilité de la requête au motif que les requérants ont attendu trois semaines avant d'introduire la demande de suspension devant le Conseil d'Etat selon la procédure d'extrême urgence;

Considérant que les requérants affirment, sans être contredits, avoir eu connaissance du permis de bâtir le 1er aodt 1994; qu'après avoir manifesté par voie de presse dès le 14 août leur intention d'agir, ils ont introduit leur recours par une lettre recommandée à la poste le 19; qu'ils exposent avoir entre-temps effectué des démarches pour obtenir du bénéficiaire du permis qu'il sursoie à l'exécuter le temps de mettre en œuvre une procédure de suspension ordinaire; que cette démarche semble toutefois avoir eu pour effet de précipiter le commencement des travaux, qui ont débuté le 16 août; que l'extrême urgence qu'ils invoquent n'a pris corps qu'à ce moment; qu'il y a lieu de tenir la demande pour recevable dès lors qu'elle a été introduite trois jours après le début des travaux;

Considérant que l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat porte notamment ce qui suit en ses paragraphes 1er et 2:

«Lorsqu'un acte ou un règlement d'une autorité administrative est susceptible d'être annulé en vertu de l'article 14, alinéa 1er, le Conseil d'Etat est seul compétent pour ordonner la suspension de son exécution.

»( ... )

»La suspension de l'exécution ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué sont invoqués et à condition que l'exécution immédiate de l'acte ou du règlement risque de causer un préjudice grave difficilement réparable»;

Considérant que les requérants prennent un moyen, le deuxième de la requête, de la violation de l'article 7 du décret du 11 septembre 1985 organisant l'évaluation des incidences sur l'environnement dans la région wallonne, et de l'article 8 de l'arrêté de !'Exécutif régional wallon du 31 octobre 1991 portant exécution de ce décret, dans la première branche duquel ils soutiennent que la notice d'évaluation préalable des incidences

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840 Page 25 N° 48.823

sur l'environnement est incomplète, fallacieuse et contradictoire; qu'ils relèvent notamment que les impacts défavorables sur l'environnement pour le village de Thines ont été minimisés;

Considérant que la partie adverse soutient que «la notice d'évaluation préalable envisage de façon complète les incidences du projet sur l'environnemen~ et y compris en ce qui concerne Thines»;

Considérant que deux versions de la notice d'évaluation préalable des incidences sur l'environnement sont produites; que les requérants basent leur argumentation sur des passages de la version qu'ils ont jointe à leur dossier, qu'ils soutiennent que, dans ces passages, les inconvénients du projet pour le village de Thines ont été minimisés; que, dans la version que produit la partie adverse, et qui est vraisemblablement celle sur le vu de laquelle se sont prononcées les autorités qui ont, aux divers stades de la procédure, concouru à la confection de l'acte critiqué, ces passages sont purement et simplement absents; qu'ainsi les inconvénients du projet pour les habitants de Thines sont non pas minimisés comme le soutiennent les requérants, mais passés sous silence; que le moyen est sérieux;

Considérant que les requérants font valoir que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable, qui tient en substance à l'accroissement du trafic que la mise en service du raccordement provisoire autorisé par l'acte critiqué entraînera dans leur village; qu'ils évoquent le bruit, les vibrations, les dangers pour la circulation, en particulier à un virage où 218 accidents se sont déjà produits; que, selon une évaluation faite par les requérants sur la base des comptages réalisés par le ministère, le nombre de véhicules par jour à Thines passerait de 11.455 à 15.035, soit une augmentation de 31 pour cent, en raison, d'une part, de l'amélioration de la liaison Wavre-Nivelles par la mise en service d'un nouveau tronçon de la N25, et, d'autre part, d'une décision de la commune de Braine-1' Alleud d'interdire au trafic lourd la route reliant Promelles à Lillois et de ralentir le trafic sur cette route par des chicanes;

Considérant que la partie adverse conteste la gravité de ce préjudice en soutenant que l'augmentation de trafic sur laquelle les requérants se fondent est hypothétique en tant qu'elle résulterait de la mise en service d'un nouveau tronçon de la N25; qu'elle soutient qu'en tant que cette augmentation résulterait de la fermeture de l'axe Promelles-Lillois au trafic lourd, le préjudice allégué n'a pas sa source dans l'acte critiqué, mais dans la décision de Braine-l'Alleud; qu'elle souligne le caractère temporaire du raccordement projeté, pour lequel le permis n'est accordé que pour une durée de six ans;

Considérant que l'augmentation du trafic dans le village de Thines est prévue, quoique en termes discrets, même dans la version de la notice d'incidence qui est versée au dossier administratif; que ce village subit déjà les graves inconvénients qui résultent d'un trafic excédant ce que la N237 est apte à écouler dans des conditions normales de sécurité et de tranquillité pour le voisinage; que l'acte critiqué aura selon toute vraisemblance pour effet d'aggraver encore cette situation; que s'il est vrai que, comme le relève la partie adverse, l'augmentation de trafic due à l'amélioration de la liaison Wavre-Nivelles est hypothétique, cette hypothèse présente suffisamment de vraisemblance pour que le risque qu'elle se réalise soit considéré comme établi; que, d'autre part, la configuration des lieux fait apparaître que l'ouverture du nouveau tronçon de la N25 et du raccordement litigieux aura pour effet naturel de détourner par Thines une grande partie du trafic qui, de Promelles, s'écoulait par Lillois, de sorte que les mesures décidées par la commune de Braine-1' Alleud en vue de limiter le trafic sur cette liaison n'auront pas d'influence sensible; que la dégradation de la qualité de vie des habitants de Thines pendant une période de quelque six années est difficilement réparable; que le risque de préjudice grave difficilem~nt réparable est établi;

Considérant que les conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse accorder la suspension de l'acte critiqué sont réunies;

Considérant toutefois que la suspension de l'acte critiqué aurait pour effet de contraindre, comme par le passé, le trafic qui emprunte la N25 à traverser les villages de Promelles et Fonteny, par des itinéraires peu adaptés à ce charroi, et dans des conditions de sécurité et d'incommodité gravement préjudiciables à leurs habitants; qu'il ressort du dossier que les mesures de restriction ou de déviation du trafic évoquées dans l'arrêt n° 41.112 du 20 novembre 1992 ne peuvent pallier de manière satisfaisante les inconvénients qui en résultent; qu'au contraire du préjudice retenu comme grave et difficilement réparable par le Conseil d'Etat dans les arrêts n° 39.211 du 13 avril 1992, n° 39.395 du 15 mai 1992 et n° 41.112 du 20 novembre 1992, le projet autorisé par l'acte critiqué dans la présente affaire ne préjuge pas du tracé définitif qui sera adopté pour l'achèvement de la N25 en direction de Nivelles, de sorte que les troubles qu'il engendre pour le village de Thines, tout en constituant un préjudice grave difficilement réparable, sont limités dans le temps; que ce trouble, que le Conseil d'Etat n'entend pas sous­estimer, présente un degré de gravité moindre que lors des recours précédents; que la partie adverse a entamé la procédure en vue de remédier à un des aspects les plus graves de ce trouble, par la rectification du virage où 218 accidents se sont produits; qu'il n'apparaît pas que ce préjudice, quelque réel qu'il soit, justifie qu'une situation tout aussi préjudiciable soit maintenue dans les villages de Promelles et Fonteny alors qu'elle leur serait épargnée par l'exécution de l'acte critiqué; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de faire usage de la possibilité que l'article 17 des lois coordonnées ouvre au Conseil d'Etat d'ordonner la suspension de l'acte critiqué; que la demande d'astreinte doit suivre le même sort,

(Rejet des demandes de suspension de l'exécution de l'acte critiqué et d'astreinte).

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'HI'!ü' - 1994

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N° 48.824

N° 48.824 ARRET du 31août1994 (Président de la XIe Chambre)

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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KIMBEMBE KANKU: rejet de la demande de suspension d'un rejet de demande d'accès au territoire, la décision étant fondée sur des motifs qui la justifient.

N° 48.825 ARRET du 31 août 1994 (Président de la XIe Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, et Jaumotte, auditeur.

GURMUKH SINGH (Me Herten) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M. Harmel)

ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

Le moyen selon lequel le rejet d'une demande urgente de réexamen viole la loi du 29 juillet 1991 et l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 est sérieux lorsque le commis­saire général, après avoir reconnu dans un premier motif que le récit del' étranger était clair et précis, s'est prononcé sur le fond de la demande sous couvert d'émettre un avis sur la recevabilité de celle-ci et lorsque son autre motif est contredit par le dossier.

Vu la demande introduite le 22 août 1994 par Giani Gurmukh Singh, de nationalité indienne, qui tend à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de la décision du 16 août 1994 de rejet d'une demande urgente de réexamen, qui lui a été notifiée le même jour;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

1. Le requérant est arrivé en Belgique le 19 mai 1991 et a immédiatement introduit une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Il fondait sa demande sur les faits suivants:

<<Membre de l'AISSF depuis 1985 (date où il était étudiant à Jalhandar), le requérant poursuivit une activité militante et reçut de nombreux membres actifs du parti, en son domicile, après qu'il ait quitté le Collège.

»Il fut arrêté une première fois en décembre 1990, et lourdement torturé. Comme il n'y avait aucune inculpation à sa charge, il fut relâché après huit jours, suite à l'intervention du Sarpanch. Il fut arrêté une seconde fois en mars 1991, et à nouveau torturé, et ensuite libéré dans les mêmes conditions, à l'intervention du Sarpanch, après six jours. En avril 1991, de nombreux membres de l'AISSF furent arrêtés, et la police vint alors pour l'emmener. Il était absent de son domicile et échappa ainsi à une troisième arrestation. Ayant appris ces faits, et que certains de ses amis avaient été abattus dans une «fake encounter», il quitta le pays à la demande des responsables du parti, sa vie ne pouvant plus être garantie».

2. Le 13 janvier 1991, le requérant a fait l'objet d'un refus de séjour (annexe 26bis). Il a alors introduit une demande urgente de réexamen.

3. A la suite de cette demande urgente de réexamen, le requérant a été entendu par le délégué du Commissaire général le 25 mai 1992.

4. Le 15 juin 1992, le Commissaire général a émis un avis défavorable au séjour de l'intéressé.

5. Le 16 aoftt 1994, le requérant a fait l'objet d'un rejet de demande urgente de réexamen.

Il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un moyen, le deuxième de sa requête, de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers; qu'il critique spécialement le fait qu'après avoir reconnu dans son avis que «le récit présenté par l'intéressé est précis et clair», le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a estimé que «les faits tels que décrits ne sont pas d'une gravité telle qu'ils puissent être rattachés à l'un des critières repris par la Convention de Genève», se bornant à ajouter: <<De plus, l'intéressé produit des documents dont il ne connaît manifestement pas la portée» alors que ces seules constatations ne permettaient pas au Commissaire général de juger que la demande était irrecevable;

RECUEll.. DES ARRIITS DU CONSEll.. D'ETM- 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 27 N° 48.825

Considérant que l'avis du Commissaire général auquel le ministre s'est rallié dans l'acte attaqué repose sur les deux motifs que le moyen cite correctement et complètement; qu'en ce prononçant sur la gravité des faits allégués par le requérant après avoir reconnu que le récit de celui-ci était clair et précis, le Commissaire général s'est prononcé sur le fond de la demande sous couvert d'émettre un avis sur la recevabilité de celle-ci; que l'autre motif de l'avis est contredit par le dossier du Commissariat général lui-même; qu'en effet, le procès-verbal de l'audition du requérant ne relate aucune question ni aucune réponse relatives à un mandat d'arrêt et à une caution, c'est-à-dire aux documents dont le requérant n'aurait prétendument pas connu la portée; que la motivation de l'avis ne suffit pas à en justifier la conclusion; que le moyen est sérieux;

Considérant que le risque de préjudice grave difficilement réparable que l'exécution immédiate de l'acte attaqué pourrait entraîner pour le requérant est lié à la vérification de la véracité des allégations de celui-ci; qu'en l'état, ce risque peut effectivement être admis,

(Est suspendue provisoirement l'exécution de la décision du 16 août 1994 par laquelle le délégué du Ministre de l'intérieur rejette la demande urgente de réexamen introduite par Giani Gurmukh Singh).

N° 48.826

ARRET du 31 août 1994 (Président de la XIe Chambre) MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, et Jaumotte, auditeur.

BAH ABDOUI (Me Berten) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (M. Hannel)

ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés

Le moyen selon lequel le rejet d'une demande urgente de réexamen viole la loi du 29 juillet 1991 est sérieux lorsque le motif déterminant de l'avis du commissaire général est contredit par le dossier.

Vu la demande introduite le 23 août 1994 par Karim Bah Abdoul, de nationalité guinéenne, qui tend à la suspension, selon la procédure d'extrême urgence, de la décision de rejet d'une demande urgente de réexamen, qui lui a été notifiée le 19 août 1994;

Considérant que le requérant prend un moyen unique de la violation de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs notamment en ce que la motivation de l'avis du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides à laquelle l'acte attaqué se réfère se fonde sur le désintérêt présumé du requérant quant à la procédure qu'il a lui-même introduite alors que, si le requérant ne s'est effectivement pas présenté au Commissariat général, c'est pour la raison que la convocation en vue de son audition n'avait pas été envoyée à son domicile le plus récemment élu;

Considérant qu'à l'audience, la partie adverse s'est référée à justice;

Considérant que l'avis du Commissariat général dont l'acte attaqué s'est approprié les motifs est notamment motivé comme suit:

«L'intéressé n'a pas répondu à la convocation qui lui a été faite en date du 15 février 1993. Il a en effet quitté le petit Château sans laisser d'adresse»;

Considérant que le requérant devait être entendu le 23 février 1993 au Commissariat général; qu'au dossier de celui-ci figure une lettre dont l'enveloppe porte le cachet de la poste du 15 février 1993 et qui signale, sur une formule délivrée par le Commissariat général, que le requérant a élu domicile à l'adresse suivante: rue de Chênée, 24, à 4031 Angleur; que ce document porte le cachet de réception du Commissariat général avec la date du 16 février 1993; que le motif de désintérêt retenu par le Commissariat général est donc contredit par le dossier; que ce motif, bien que n'étant pas le seul que le Commissaire général ait invoqué, paraît avoir joué un rôle déterminant dans l'avis; que le moyen est sérieux;

Considérant que, quant au risque de préjudice grave difficilement réparable que l'exécution immédiate de l'acte attaqué causerait, que le requérant fait état de circonstances qui, si elles étaient avérées, rendraient ce risque évident;

Considérant que les conditions requises par l'article 17, § 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour que soit accueillie la demande de suspension sont réunies,

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'EflXI' - 1994

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C.·.I· ) ! "

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N° 48.826

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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(Est suspendue provisoirement l'exécution de la décision par laquelle le délégué du Ministre de l'intérieur rejette la demande urgente de réexamen introduite par Karim Bah Abdoul).

N°" 48.827 et 48.828

ARRETS du 31 ao6t 1994 (XI" Chambre) MM. Van Aelst, président de chambre, Leroy, rapporteur, et Wettinck, conseillers, et Neuray, auditeur.

FAVREAU et consorts (M"s De Grève-Verstreken et Lebrun) c/ Région wallonne (M"s Weinstock et Lambert) - Parties intervenantes: Commune de Braine-1' Alleud (M" Gehlen) et, dans le n° 48.827: S.P.R.L. Sablières de Freyr (M"s Ronse et Gérard), dans le n° 48.828: S.A Sablière de Braine-1' Alleud (M"s Schôfer et Denys)

I. AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - Revision des plans - Décision de revision - Revision des plans de secteur

1. Le moyen selon lequel n'est pas justifiée l'utilité publique qui autorise la revision partielle d'un plan de secteur de manière à permettre l'exploitation d'un gisement de sable, est sérieux lorsqu'il n'apparaît pas que le gisement considéré mérite une attention particulière et que la nécessité économique de cette exploitation ne ressort pas du dossier.

La circonstance qu'un plan particulier d'am,énagement autorisant cette exploitation a été annulé par le Conseil d'Etat ne constitue pas un motif admissible d'autoriser cette exploitation.

En l'espèce, l'intérêt social ne consiste qu'en le maintien sur place de quelques personnes et revêt une importance toute relative par rapport au trouble invoqué comme dommage difficilement réparable (n°s 48.827 et 48.828).

2. Le remplacement d'une zone agricole d'intérêt paysager par une zone d'extraction, dont la mise en œuvre implique nécessairement une exploitation de nature à générer des nuisances et une modification substantielle de la configuration du sol et de l'esthétique du site. est de nature, par elle-même, à altérer gravement la qualité de vie des habitants des environs.

La circonstance que des autorisations doivent être délivrées en vue de permettre effectivement l'exploitation n'empêche pas de considérer que ce préjudice a sa source dans le plan de secteur, dès lors que lesdites autorisations ne pourraient être refusées dès lors qu'elles seraient compatibles avec la destination inscrite au plan (n°s 48.827 et 48.828).

Il. PROCEDURE - Règles spéciales à la demande de suspension - Objet

Il ne peut être fait droit à une demande d'extension de la demande de suspension, formulée en cours de procédure, par un document non prévu par le règlement de procédure, dirigée contre un acte pris par une autorité qui n'a pas été désignée comme partie adverse encore qu'elle se soit portée partie intervenante, et contre un acte qui, pouvant faire l'objet d'un recours administratif, n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat ni, partant, d'une demande de suspension (n° 48.827).

N° 48.827 Vu la demande introduite le 9 mai 1994 par Claude Favreau, Jean Lansmanne et Marco Buscema, tendant

à la suspension de l'exécution de l'arrêté du Gouvernement wallon du 30 octobre 1993 arrêtant définitivement la modification partielle de la planche 39/3 du plan de secteur de Nivelles en vue de l'inscription d'une zone d'extraction à réaménager en zone agricole après l'exploitation au lieu-dit <~lconval» sur le territoire de la commune de Braine-!' Alleud;

Vu la requête introduite simultanément par les mêmes requérants qui demande l'annulation du même acte;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'E'D'ù' - 1994

Page 89: Nos 48.715 à 48.798 Page 1 - KU Leuven · N° 48.719 Arrêls Nos 48.715 à 48.798 Page 2 Vu la demande introduite le 10juin1994 par l'association sans but lucratif Pouvoir Organisateur

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 29 N° 48.827

Vu la requête introduite le 27 mai 1994 par laquelle la commune de Braine-l'Alleud demande à être reçue en qualité de partie intervenante dans la procédure en référé;

Vu la requête introduite Je 3 aot1t 1994 par laquelle la société privée à responsabilité limitée <<Sablières de Freyr» demande à être reçue en qualité de partie intervenante dans la procédure en référé;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit:

La société privée à responsabilité limitée «Sablières de Freyr» exploite une sablière à Braine-1' Alleud, au lieu-dit «Alconval», depuis 1988. Le périmètre d'exploitation est situé en zone agricole d'intérêt paysager selon les prescriptions graphiques du plan de secteur de Nivelles, arrêté par Je Roi Je 1er décembre 1981.

L'article 3 des prescriptions littérales du même plan prévoit:

«L'exploitation de sablières en zone agricole ou en zone forestière est admise y compris dans les zones rurales d'intérêt paysager. Toutefois, cette disposition n'est applicable que moyennant

»1) l'établissement d'un protocole d'accord entre l'Administration des Mines, l'Administration de l'Agriculture ou des Eaux et Forêts, !'Administration de ['Urbanisme et de ['Aménagement du Territoire et le demandeur. Ce protocole fixera les conditions d'exploitation et de réaménagement du site après exploitation;

»2) l'établissement d'un plan particulier d'aménagement consacrant la nouvelle affectation et les termes du protocole d'accord.

>>Après exploitation, ces zones seront réaménagées selon la destination inscrite au plan de secteur».

Le 27 mai 1985, en exécution de cette disposition Je ministre régional approuve un plan particulier d'aménagement et un plan d'expropriation pour permettre l'activité de sablières. Ce plan particulier est allllulé par l'arrêt n° 28.086 du 12 juin 1987, au motif que l'approbation n'a pas été délibérée collégialement par !'Exécutif régional. Le même plan particulier est approuvé par ! 'Exécutif, Je 6 novembre 1987. Il est allllulé, en même temps que la délibération du conseil communal par l'arrêt n° 35.720 du 24 octobre 1990, au motif que l'arrêté adoptant Je plan de secteur, et sur lequel reposaient les décisions attaquées n'avait pas été soumis à la section de législation du Conseil d'Etat, en invoquant une urgence que contredisait le délai mis à publier l'arrêté.

Entre-temps, Je Conseil d'Etat a allllulé la décision du conseil communal de Braine-l'Alleud du 19 aot1t 1985 approuvant le plan d'alignement et d'emprises pour une nouvelle voirie à créer au lieu-dit «Tout-lui-faut» au départ de la chaussée de Tubize en vue de permettre l'exploitation de la sablière ainsi que le permis de bâtir délivré Je 29 juillet 1985 par Je collège des bourgmestre et échevins en vue de modifier sensiblement le relief du sol.

Le 17 octobre 1990, les <<Sablières de Freyr» qui exploitent un gisement voisin suggèrent à la partie adverse de modifier Je plan de secteur de Nivelles pour permettre la poursuite de Jeurs activités. Le 31 octobre 1990, Je ministre de !'Aménagement du territoire propose à !'Exécutif régional de reconnaître l'utilité publique de l'exploitation considérée, en même temps que celle des deux autres sablières du secteur, recollllaissance qui permet la mise en révision partielle du plan de secteur en vue d'y inscrire, en lieu et place d'une zone agricole d'intérêt paysager, une <<zone d'extraction à rénover en zone d'espaces verts après exploitation».

L'Exécutif adopte cette proposition par plusieurs délibérations publiées par extrait au Moniteur belge des 18 juillet 1991 et 23 janvier 1992.

La Commission régionale d'aménagement du territoire émet un avis favorable sur le principe d'une révision partielle du plan de secteur à l'endroit litigieux Je 1er octobre 1991, mais la section <{/\ménagement normatif>> de la même Commission émet l'avis que, en date du 14 octobre 1991, la modification peut être envisagée moyennant le maintien d'une zone agricole autour de la ferme «Tout-lui-Faut» et l'interdiction de transformer l'excavation en décharge.

L'utilité publique de la poursuite de l'exploitation est reconnue et Je principe d'une révision partielle du plan de secteur pour la zone qui y correspond est accepté Je 31 octobre 1991. La modification partielle de la planche 39/3 du plan de secteur est arrêtée provisoirement Je 14 novembre 1991.

Le 14 avril 1992, Je fonctionnaire dirigeant Je service du génie rural du ministère del' Agriculture écrit au directeur général de la direction générale de !'Aménagement du territoire et du logement, notamment ce qui suit:

«( ... ) En ce qui concerne l'extension de la zone (d'extraction) au lieu-dit «Tout-lui-Faut», au détriment de la zone agricole, je constate que l'extraction de sable y est déjà en cours et qu'elle a été précédée de l'enlèvement

· de terres de culture.

»D'autre par~ cette extension a pour conséquence l'enclavement entre la zone forestière et la zone d'extraction d'une ferme en activité sise en site classé.

»Cette ferme, rentable, est donc condamnée sans que mon ministère n'ait eu l'occasion d'examiner la situation et de proposer éventuellement une solution ( ... )».

L'enquête publique se déroule du 22 avril au 5 juin 1992. Elle a fait l'objet d'3Illlonces radiophoniques et d'encarts dans six grands quotidiens et la rubrique «Vie communale de ['Annonce brabançonne». L'avis d'enquête est également affiché dans le quartier de l'exploitation et dans les bâtiments de la commune.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'EflXI' - 1994

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N° 48.827

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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Elle donne lieu à 905 réclamations, pétitions ou observations dont celle du premier requérant, et 13 réclamations jugées tardives.

La commission communale d'aménagement du territoire examine le projet le 27 mai 1992, sans attendre le terme de l'enquête. Au terme d'un débat qui révèle notamment une opposition irréductible entre les partisans de l'exploitation et ceux de la défense du site, l'«avis» se réduit à un vote: 4 non, 4 oui et 2 abstentions.

Le conseil communal de Braine-l'Alleud donne un avis favorable le 1er juillet 1992.

La députation permanente émet un avis défavorable le lendemain, au motif «que la modification proposée a rencontré par trois fois l'opposition marquée des populations concernées et qu'elle est de nature à porter préjudice à la vocation première de cette zone d'intérêt paysager ainsi qu'au site protégé d'une ferme et de son environnement classés».

La Commission régionale d'aménagement du territoire donne son avis après enquête le 26 février 1993. Elle indique que l'activité aurait dfl, selon les prévisions du plan de secteur, prendre fin dix ans après l'adoption du plan, soit fin 1991. Elle note cependant que la poursuite de l'activité répond à des nécessités économiques et sociales et est, partant, d' «utilité publique». Elle énonce une série de précautions destinées à limiter les nuisances générées par l'exploitation dont, notamment, un itinéraire spécial pour le charroi, la fixation d'une zone tampon et le réaménagement du site à usage agricole à la fin des activités, en préservant ses qualités paysagères et en recréant les sentiers de promenade. En ce qui concerne la ferme «Tout-lui-Faut>>, monument classé pris en tenaille entre deux excavations, des précautions particulières doivent être prises pour en assurer la stabilité.

La section de législation du Conseil d'Etat a donné son avis sur le projet le 15 octobre 1993. Elle suggère d'omettre la disposition selon laquelle <<Le trafic généré par l'exploitation de la sablière concernée par la présente modification partielle du plan de secteur de Nivelles ne peut emprunter le tronçon du chemin n° 23 dans sa partie reprise en zone d'habitat à caractère rural au plan de secteur», qui ne correspondait pas à la définition générale du plan de secteur donnée par l'article 10 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine. Pour le reste, ne s'agissant que d'appliquer à une zone particulière les dispositions des articles 167.6.3 et 182.6.3 du Code wallon, la section de législation considère que le projet est dépourvu de caractère réglementaire, au sens de l'article 3, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

La modification qui constitue l'acte attaqué est approuvée définitivement par arrêté du Gouvernement wallon du 30 octobre 1993 et publiée par mention au Moniteur belge du 12 janvier 1994;

Considérant que, par requêtes introduites les 27 mai 1994 et 3 août 1994, la commune de Braine-l'Alleud, et la SPRL <<Sablières de Freyr» demandent à intervenir dans la procédure en référé; qu'il y a lieu d'accueillir ces demandes;

Considérant que les requérants prennent un moyen, le deuxième de la requête, de la violation de l'article 40 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine; que, dans la première branche, ils soutiennent que l'arrêté attaqué ne justifie en rien l'utilité publique qui autorise la révision partielle du plan de secteur; qu'ils estiment que la seule référence à un gisement de sable et à son grand intérêt sur le plan économique est insuffisante pour justifier la révision partielle du plan de secteur;

Considérant que la partie adverse fait valoir ce qui suit:

«Par son arrêté du 31~ctobre1991, ['Exécutif régional wallon a décidé la mise en révision partielle du plan de secteur de Nivelles en vue de l'inscription d'une zone d'extraction destinée à permettre l'extension de l'exploitation de la sablière «Alconval» sise au Sud du lieu-dit «Tout-lui-Faut» à Braine-l'Alleud, en vue de réaliser une opération d'intérêt public.

»L'utilité publique de cette opération est motivée par les considérants suivants:

»«( ... ) Il existe au lieu-dit «Tout-lui-Faut>> à Braine-l'Alleud, un gisement de sable d'un grand intérêt sur le plan économique en raison de ses qualités exceptionnelles;

»»Considérant l'état d'exploitation actuel de la sablière dite <~lconval» sise entre ce lieu-dit et la chaussée de Tubize et l'épuisement de cette sablière à brève échéance;

»»Considérant la nécessité économique et sociale d'assurer la poursuite de l'exploitation de cette sablière;

»»Considérant que les terrains situés en prolongement de cette sablière, vers le Nord et inscrits en zone agricole d'intérêt paysager au plan de secteur en vigueur renferment un gisement de sable d'excellente qualité, comparable à celui actuellement exploité;

»»( ... )».

»L'appréciation de l'utilité publique d'une opération relève du pouvoir de ['Exécutif et pour apprécier ['utilité publique d'un proje~ ['Exécutif peut très bien tenir compte de l'intérêt que présente un gisement de sable sur le plan économique compte tenu des qualités exceptionnelles de la matière et compte tenu de l'épuisement de la sablière à brève échéance.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'ETM - 1994

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»Ce disan~ ['Exécutif a parfaitement motivé l'utilité publique de l'opération.

N° 48.827

»Les requérants ne peuvent reprocher à l'arrêté du 31octobre1991 de ne pas motiver l'utilité publique de l'opération.

»En réalité, ils émettent des critiques de pure opportunité quant à l'appréciation que s'est faite l'autorité de l'utilité publique du projet.

»Il faut relever, en outre, que l'arrêté qui décide la révision partielle du plan de secteur pour réaliser une opération d'intérêt public n'est pas un acte administratif comparable aux actes administratifs de portée individuelle soumis à l'exigence de motivation formelle prévue par la loi du 29 juillet 1991.

»La considération selon laquelle une exploitation existe déjà à cet endroit et est entourée de gisements de sable d'une qualité exceptionnelle suffit à elle seule à justifier l'utilité publique du projet.

»Le fait que l'extension de l'exploitation rencontre également des intérêts privés et permet la poursuite d'une exploitation privée ne démontre pas pour autant que la révision du plan de secteur ne vise qu'à satisfaire les intérêts privés d'une société.

»C'est l'expropriation d'une partie de terre en vue d'inscrire une voirie qui a été considérée par les tribunaux comme satisfaisant des intérêts privés et non pas l'exploitation ou l'extension de l'exploitation de la sablière proprement dite»;

Considérant que les intervenantes se rallient en substance à cette argumentation;

Considérant que l'article 40 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine dispose comme suit en son paragraphe premier:

<'.A.près avis de la commission consultative régionale, l'exécutif décide, par arrêté motivé, la révision d'un plan régional ou de secteur.

»Pour les opérations d'intérêt public, les plans régional ou de secteur peuvent faire l'objet d'une révision partielle.

»Par opérations d'intérêt public, on entend:

»1° les infrastructures de communication et de transport d'énergie, notamment les infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et électriques;

»2° les travaux et ouvrages dont l'utilité publique est reconnue par arrêté motivé de l'exécutif régional wallon»;

Considérant que le préambule de l'arrêté attaqué porte, outre le visa des actes de procédure qui l'ont précédé, les trois considérant suivants:

«Considérant que le plan de secteur ne présente pas de valeur dynamique mais une potentialité de l'occupation des sols;

»Considérant que le retour des terrains visés par le présent arrêté à la zone agricole après exploitation n'implique pas nécessairement le remblayage du site par des déchets inertes comme suggéré par la commission régionale d'aménagement du territoire;

»Considérant dès los que le présent arrêté n'emporte aucun droit quelconque à l'exploitation d'une décharge»;

Considérant que l'arrêté de !'Exécutif régional du 31 octobre 1991 décidant la mise en révision partielle qui a abouti à l'acte attaqué déclare d'utilité publique la poursuite de l'exploitation de la sablière <'.Alconval» contient notamment la motivation suivante:

«Considérant qu'il existe au lieu-dit «Tout-lui-Faut» à Braine-l'Alleud un gisement de sable d'un grand intérêt sur le plan économique en raison de ses qualités exceptionnelles;

»Considérant l'état d'exploitation actuel de la sablière dite «Alconval» sise entre ce lieu-dit et la chaussée de Tubize et l'épuisement de cette sablière à brève échéance;

»Considérant la nécessité économique et sociale d'assurer la poursuite de l'exploitation de cette sablière;

»Considérant que les terrains situés en prolongement de cette sablière vers le nord et inscrits en zone agricole d'intérêt paysager au plan de secteur en vigueur renferment un gisement de sable d'excellente qualité, comparable à celui actuellement exploité;

»Considérant qu'il s'indique dès lors de permettre l'exploitation de ce gisement de sable par l'inscription d'une zone d'extraction au plan de secteur de Nivelles tout en assurant la protection de l'ensemble formé par la ferme «Tout-lui-Faut» et de ses abords, classé comme monument et site par arrêté de ['Exécutif de la Communauté française du 22 mars 1984;

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N° 48.827

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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»Considérant que par arrêté du 7 mai 1991 décidant la mise en révision partielle du plan de secteur de Nivelles en vue de l'inscription de zones d'extraction et d'espaces verts à Braine-l'Alleud, au lieu-dit «Tout-lui­Faut>>, ['Exécutif régional wallon a décidé le réaménagement en zone d'espaces verts des sablières exploitées ou en fin d'exploitation situées entre ce lieu-dit et la chaussée de Tubize;

»Considérant qu'il convient pour les raisons de bon aménagement des lieux ayant présidé à cette décision de prévoir également la réhabilitation en zone d'espaces verts des terrains concernés par la présente modification du plan de secteur au terme de leur exploitation;

»Considérant que pour les motifs d'ordre économique, social et de bon aménagement des lieux énoncés ci-avant, les opérations prévues revêtent un caractère d'utilité publique»;

Considérant que la motivation de l'acte attaqué lui-même se borne à indiquer les raisons pour lesquelles une suggestion de la C.R.A. T. a été écartée;

Considérant que la motivation de l'utilité publique qui figure dans l'arrêté du 31 octobre 1991 affirme les qualités exceptionnelles du gisement de sable de «Tout-lui-Faut>>, sans que le dossier contienne d'élément permettant d'étayer cette affirmation; que les requérants soutiennent, sans être contredits, que les gisements de sable sont nombreux dans le Brabant; qu'il n'apparaît pas que des gisements d'une qualité comparable ne pourraient être exploités ailleurs; que la nécessité économique invoquée ne ressort pas du dossier; que l'intérêt social ne consiste en le maintien sur place que de l'emploi de quelques personnes et revêt une importance toute relative par rapport au trouble que les requérants invoquent comme dommage grave difficilement réparable; que le moyen est sérieux;

Considérant que les requérants soutiennent que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable consistant en partie en gênes dues à l'exploitation des sablières et à la dévalorisation de leurs propriétés qu'elle entraînerait, en partie en une dégradation de la valeur esthétique du site, classé précédemment en zone d'intérêt paysager;

Considérant que les parties adverse et intervenante contestent que ce soit l'exécution immédiate de l'acte attaqué qui risque de causer le préjudice allégué; qu'elles soutiennent que la suppression d'une zone d'intérêt paysager ne peut, par elle-même porter préjudice, celui-ci ne pouvant résulter que des autorisations délivrées ultérieurement; que l'intervenante souligne que la carrière qu'elle exploite est ouverte depuis 1943 et est exploitée depuis lors sans susciter de protestations, et que la modification du plan de secteur établie par l'acte attaqué tend seulement à poursuivre cette exploitation;

Considérant que l'article 180 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine est rédigé comme suit en son point 4.6.1.:

«Les zones d;intérêt paysager sont des zones soumises à certaines restrictions destinées à la sauvegarde ou à la formation du paysage.

»Dans ces zones peuvent être accomplis tous les actes et travaux correspondant à la destination donnée par la teinte de fond pour autant qu'ils ne mettent pas en péril la valeur esthétique du paysage»;

Considérant que le remplacement d'une zone agricole d'intérêt paysager par une zone d'extraction, dont la mise en œuvre implique nécessairement une exploitation de nature à générer des nuisances et une modification substantielle de la configuration du sol et de l'esthétique du site est de nature, par elle-même, à altérer gravement la qualité de vie des habitants des environs; que la circonstance que des autorisations doivent être délivrées en vue de permettre effectivement l'exploitation, n'empêche pas de considérer que ce préjudice a sa source dans le plan de secteur, dès lors que lesdites autorisations ne pourraient être refusées vu qu'elles seraient compatibles avec la destination inscrite au plan; que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable;

Considérant que dans un addendum à la demande de suspension adressé au Conseil d'Etat par télécopieur le 20 juillet 1994, les requérants sollicitent la suspension par voie de conséquence du permis d'exploiter qui a été délivré par la commune de Braine-l'Alleud le 29 juin 1994;

Considérant qu'il ne peut être fait droit à cette demande, introduite par un document non prévu par le règlement de procédure, dirigée contre un acte pris par une autorité qui n'a pas été désignée comme partie adverse, encore qu'elle se soit portée partie intervenante, et contre un acte qui, pouvant faire l'objet d'un recours administratif, n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat, ni, partant, d'une demande de suspension;

Considérant que les conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse accorder la suspension de l'acte attaqué sont réunies;

Considérant que l'article 17, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat dispose comme suit:

«( ... ) Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt»; qu'un délai aussi bref ne saurait s'accommoder des délais ordinaires de la procédure; qu'il y a lieu de les réduire de la manière fixée au dispositif ci-après,

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840 Page 33 N° 48.827

(Les demandes ·en intervention introduites par la commune de Braine-1' Alleud, et la société pnvee à responsabilité limitée «Sablières de Freyr» sont accueillies dans la procédure en référé - Est suspendue 1 'exécution de l'arrêté du Gouvernement wallon du 30 octobre 1993 arrêtant définitivement la modification partielle de la planche 39/3 du plan de secteur de Nivelles en.vue de l'inscription d'une zone d'extraction à réaménager en zone agricole après l'exploitation au lieu-dit <~lconval» sur le territoire de la commune de Braine-]' Alleud - rejet de la demande de suspension pour le surplus).

*** N° 48.828

Vu la demande introduite le 9 mai 1994 par Claude Favreau, Jean Lansmanne et Marco Buscema, tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du Gouvernement wallon du 19 novembre 1993 arrêtant définitivement la modification partielle de la planche 39/3 du plan de secteur de Nivelles en vue de l'inscription d'une zone d'extraction à réaménager en zone agricole après l'exploitation au lieu-dit «Tout-lui-Faut» sur le territoire de la commune de Braine-!' Alleud;

Vu la requête introduite simultanément par les mêmes requérants qui demande l'annulation du même acte;

Vu la requête introduite le 27 mai 1994 par laquelle la commune de Braine-!' Alleud demande à être reçue en qualité de partie intervenante dans la procédure en référé;

Vu la requête introduite le 2 juin 1994 par laquelle la société anonyme <<Sablière de Braine-l'Alleud» demande à être reçue en qualité de partie intervenante dans la procédure en référé;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la demande de suspension se présentent comme suit

La SPRL André et Jean Cuvelier, actuellement société anonyme, a acquis la ferme «Tout-lui-Faut>> et les terres environnantes en 1979, dans le but d'y exploiter un gisement de sable.

Jusqu'à la modification qui fait l'objet du litige, le périmètre litigieux était situé en zone agricole d'intérêt paysager selon les prescriptions graphiques du plan de secteur de Nivelles, arrêté par le Roi le 1er décembre 1981.

L'article 3 des prescriptions littérales du même plan prévoit:

«L'exploitation de sablières en zone agricole ou en zone forestière est admise y compris dans les zones rurales d'intérêt paysager. Toutefois, cette disposition n'est applicable que moyennant

»1) l'établissement d'un protocole d'accord entre /'Administration des Mines, /'Administration de /'Agriculture ou des Eaux et Forêts, ['Administration de /'Urbanisme et de /'Aménagement du Territoire et le demandeur. Ce protocole fixera les conditions d'exploitation et de réaménagement du site après exploitation;

»2) l'établissement d'un plan particulier d'aménagement consacrant la nouvelle affectation et les termes du protocole d'accord.

»Après exploitation, ces zones seront réaménagées selon la destination inscrite au plan de secteur».

Le 27 mai 1985, en exécution de cette disposition le ministre régional approuve un plan particulier d'aménagement et un plan d'expropriation pour permettre l'activité de sablières. Ce plan particulier est annulé par l'arrêt n° 28.086 du 12 juin 1987, au motif que l'approbation n'avait pas été délibérée collégialement par !'Exécutif régional. Le même plan particulier est approuvé par !'Exécutif, le 6 novembre 1987. Il est annulé, en même temps que la délibération du conseil communal par l'arrêt n° 35.720 du 24 octobre 1990, au motif que l'arrêté adoptant le plan de secteur, et sur lequel reposaient les décisions attaquées n'avait pas été soumis à la section de législation du Conseil d'Etat, en invoquant une urgence que contredisait le délai mis à publier l'arrêté.

Entre-temps, le Conseil d'Etat a annulé la décision du conseil communal de Braine-!' Alleud du 19 aoOt 1985 approuvant définitivement le plan d'alignement et d'emprises pour une nouvelle voirie à créer au lieu-dit «Tout­lui-faut» au départ de la chaussée de Tubize en vue de permettre l'exploitation de la sablière ainsi que le permis de bâtir délivré le 29 juillet 1985 par le collège des bourgmestre et échevins en vue de modifier sensiblement le relief du sol.

Le 22 mai 1990, la Commission régionale d'aménagement du territoire émet un avis favorable sur le principe d'une révision partielle du plan de secteur à l'endroit litigieux, mais la section <~ménagement normatif>> de la même Commission émet l'avis que, en date du 14 octobre 1991, la modification peut être envisagée moyennant le maintien d'une zone agricole autour de la ferme de «Tout-lui1aut>> et l'interdiction de transformer l'excavation en décharge.

L'utilité publique de la poursuite de l'exploitation est reconnue et le principe d'une révision partielle du plan de secteur pour la zone qui y correspond est accepté par délibération de !'Exécutif régional du 19 juillet 1990. La modification partielle de la planche 39/3 du plan de secteur est arrêtée provisoirement le 7 mai 1991.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EflXI' - 1994

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N° 48.828

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

Page 34

Le 14 avril 1992, le fonctionnaire dirigeant le service du génie rural du ministère de !'Agriculture écrit au directeur général de la direction générale de !'Aménagement du territoire et du logement, notamment ce qui suit:

«( ... )En ce qui concerne l'extension de la zone (d'extraction) au lieu-dit «Tout-lui-Faut», au détriment de la zone agricole, je constate que l'extraction de sable y est déjà en cours et qu'elle a été précédée de l'enlèvement de terres de culture.

»D'autre par4 cette extension a pour conséquence l'enclavement entre la zone forestière et la zone d'extraction d'une ferme en activité sise en site classé.

»Cette ferme, rentable, est donc condamnée sans que mon ministère n'ait eu l'occasion d'examiner la situation et de proposer éventuellement une solution ( ... )».

L'enquête publique se déroule du 22 avril au 5 juin 1992. Elle a fait l'objet d'annonces radiophoniques et d'encarts dans six grands quotidiens et la rubrique «Vie communale de ['Annonce brabançonne». L'avis d'enquête est également affiché dans le quartier de l'exploitation et dans les bâtiments de la commune.

Elle donne lieu à 905 réclamations, pétitions ou observations dont celle du premier requérant, et 13 réclamations jugées tardives.

La commission communale d'aménagement du territoire examine le projet le 27 mai 1992, sans attendre le terme de l'enquête. Au terme d'un débat qui révèle notamment une opposition irréductible entre les partisans de l'exploitation et ceux de la défense du site, l'«avis» se réduit à un vote: 4 non, 4 oui et 2 abstentions.

Le conseil communal de Braine-l'Alleud donne un avis favorable le 1er juillet 1992.

La députation permanente émet un avis défavorable le lendemain, au motif «que la modification proposée a rencontré par trois fois l'opposition marquée des populations concernées et qu'elle est de nature à porter préjudice à la vocation première de cette zone d'intérêt paysager ainsi qu'au site protégé d'une ferme et de son environnement classés».

La Commission régionale d'aménagement du territoire donne son avis après enquête le 26 février 1993. Elle indique que l'activité aurait dû, selon les prévisions du plan de secteur, prendre fin dix ans après l'adoption du plan, soit fin 1991. Elle note cependant que la poursuite de l'activité répond à des nécessités économiques et sociales et est, partant, d' «utilité publique». Elle énonce une série de précautions destinées à limiter les nuisances générées par l'exploitation dont, notamment, un itinéraire spécial pour le charroi, la fixation d'une zone tampon et le réaménagement du site à usage agricole à la fin des activités, en préservant ses qualités paysagères et en recréant les sentiers de promenade. En ce qui coneerne la ferme «Tout-lui-Faut», monument classé pris en tenaille entre deux excavations, des précautions particulières doivent être prises pour en assurer la stabilité.

La section de législation du Conseil d'Etat a donné son avis sur le projet le 15 octobre 1993. Elle suggère d'omettre la disposition selon laquelle <4,e trafic généré par l'exploitation de la sablière concernée par la présente modification partielle du plan de secteur de Nivelles ne peut emprunter le tronçon du chemin n° 23 dans sa partie reprise en zone d'habitat à caractère rural au plan de secteur», qui ne correspond pas à la définition générale du plan de secteur donnée par l'article 10 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine. Pour le reste, ne s'agissant que d'appliquer à une zone particulière les dispositions des articles 167.6.3 et 182.6.3 du Code wallon, la section de législation considère que le projet est dépourvu de caractère réglementaire, au sens de l'article 3, §1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

La modification qui constitue l'acte attaqué est approuvée définitivement par arrêté du Gouvernement wallon du 19 novembre 1993 et publiée par mention au Moniteur belge du 12 janvier 1994;

Considérant que, par requêtes introduites les 27 mai 1994 et 2 juin 1994, la commune de Braine-l'Alleud, et la SA <<Sablière de Braine-l'Alleud» demandent à intervenir dans la procédure en référé; qu'il y a lieu d'accueillir ces demandes;

Considérant que les requérants prennent un moyen, le deuxième de la requête, de la violation de l'article 40 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine; que, dans la première branche, ils soutiennent que l'arrêté attaqué ne justifie en rien l'utilité publique qui autorise la révision partielle du plan de secteur; qu'ils estiment que la seule référence à un gisement de sable et à son grand intérêt sur le plan économique est insuffisante pour justifier la révision partielle du plan de secteur;

Considérant que la partie adverse fait valoir ce qui suit:

«Par son arrêté du 7 mai 1991, ['Exécutif régional wallon a décidé la mise en révision partielle du plan de secteur de Nivelles en vue de /'inscription d'une zone d'extraction destinée à permettre l'extension de l'exploitation de la sablière «Tout-lui-Faut» à Braine-l'Alleud, en vue de réaliser une opération d'intérêt public.

»L'exploitation d'un gisement de sable à cet endroit est considérée comme étant une opération d'utilité publique par /'Exécutif.

»L'appréciation de l'utilité publique d'une opération relève du pouvoir de ['Exécutif et pour apprécier l'utilité publique d'un proje~ ['Exécutif peut très bien tenir compte de l'intérêt que présente un gisement de sable sur le plan économique.

RECUEIL DES ARREIT'S DU CONSEIL D'ETM - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840 Page 35 N° 48.828

»Cet arrêté doit également être mis en parallèle avec l'arrêté du 31 octobre 1991 qui concerne l'extension d'une zone d'extraction au lieu-dit <<Alconval».

»Le fait que l'extension de l'exploitation rencontre également des intérêts privés et permet la poursuite d'une exploitation privée ne démontre pas pour autant que la révision du plan de secteur ne vise qu'à satisfaire les intérêts privés d'une société.

»C'est l'expropriation d'une partie de terre en vue d'inscrire une voirie qui a été considérée par les tribunaux comme satisfaisant des intérêts privés et non pas l'exploitation ou l'extension de l'exploitation de la sablière proprement dite.

»Contrairement à ce que soutiennent les requérants, c'est précisément en vue de respecter l'article 1•r du C. WA.T.U.P. et en vue d'assurer une gestion parcimonieuse du sol que ['Exécutif, sur avis favorable de la Cra~ a décidé la révision du plan de secteur.

»Par ailleurs, dans les considérations générales de son avis du 26 février 1993, la Crat considère que «d'un point de vue économique, il est préférable de poursuivre l'activité là où elle se situe que d'opter pour son déménagement qui entraînerait nécessairement la recherche d'un gisement équivalent par une campagne de sondage, de façon à quadriller systématiquement le gisement, l'analyse de multiples échantillons, l'achat de nouveaux terrains, la modification de plan de secteur et le déplacement des installations».

»La Crat considère que l'extension de la zone d'extraction «répond également au prescrit de l'article 1er du C.W.AT.U.P. qui réclame une gestion parcimonieuse du sol».

»La partie adverse en conclut que le deuxième moyen manque de sérieux dès lors que l'a"êté du 7 mai 1991 motive l'utilité publique du projet et que les requérants ne démontrent à aucun moment que la partie adverse n'aurait d'autre but que de satisfaire les intérêts privés et que l'acte serait dès lors entaché de détournement de pouvoir»;

Considérant que les intervenantes se rallient en substance à cette argumentation;

Considérant que l'article 40 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine dispose comme suit en son paragraphe premier:

«Après avis de la commission consultative régionale, l'exécutif décide, par arrêté motivé, la révision d'un plan régional ou de secteur.

»Pour les opérations d'intérêt public, les plans régional ou de secteur peuvent faire l'objet d'une révision partielle.

»Par opérations d'intérêt public, on entend:

» 1° les infrastructures de communication et de transport d'énergie, notamment les infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et électriques;

»2° les travaux et ouvrages dont l'utilité publique est reconnue par arrêté motivé de l'exécutif régional wallon»;

Considérant que le préambule de l'arrêté attaqué porte, outre le visa des actes de procédure qui l'ont précédé, les trois considérants suivants:

«Considérant que le plan de secteur ne présente pas de valeur dynamique mais une potentialité de l'occupation des sols;

»Considérant que le retour des terrains visés par le présent a"êté à la zone agricole après exploitation n'implique pas nécessairement le remblayage du site par des déchets inertes comme suggéré par la commission régionale d'aménagement du territoire;

»Considérant dès lors que le présent a"êté n'emporte aucun droit quelconque à l'exploitation d'une décharge»;

Considérant que l'arrêté de !'Exécutif régional du 7 mai 1991 décidant la mise en révision partielle qui a abouti à l'acte attaqué déclare d'utilit.é publique la poursuite de l'exploitation de la sablière «Tout-lui-Faut>> contient notamment la motivation suivante:

«Considérant qu'il existe au lieu-dit «Tout-lui-Faut» à Braine-l'Alleud un gisement de sable;

»Considérant que les terrains concernés sont inscrits en zone agricole d'intérêt paysager au plan de secteur de Nivelles;

»Considérant qu'en application de l'article 3 de l'arrêté royal du 1•r décembre 1981 établissant le plan de secteur de Nivelles, un plan particulier d'aménagement permettant l'extraction de ce sable a été approuvé par arrêté du 6 novembre 1987;

»Considérant que le Conseil d'Etat a annulé ce plan particulier d'aménagement par son a"êt du 24 octobre 1990;

»Considérant dès lors qu'il s'indique de permettre l'exploitation du gisement de sable sis au lieu-dit «Tout­lui-Faut» par l'inscription d'une zone d'extraction au plan de secteur de Nivelles;

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'ETM' - 1994

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N° 48.828

Arrêts Nos 48.799 à 48.840

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»Considérant qu'au sud du lieu-dit «Tout-lui-Faut», entre ce lieu-dit et la chaussée de Tubize, des sablières exploitées ou en fin d'exploitation sont inscrites au plan de ·secteur en zone d'extraction à rénover en zone d'équipement communautaire et de services publics après exploitation;

»Considérant que la réaffectation prévue au plan de secteur ne correspond plus aux besoins actuels de la commune et qu'il convient de la modifier en lui donnant une destination plus adéquate compte tenu des circonstances des lieux, par la réhabilitation de ces sites d'extraction en zone d'espaces verts;

»Considérant pour le même motif, qu'il convient également de réhabiliter après exploitation la sablière «Tout-lui-Faut» en zone d'espaces verts;

»Considérant qu'il est d'utilité publique que les noyaux d'habitat riverains du chemin n° 23 et du chemin du Cuisinier ne subissent pas les inconvénients d'un trafic de transit accru par l'activité des sablières; qu'il y a lieu de prévoir une voirie de contournement des lieux habités entre le chemin n° 23 et la chaussée de Tubize;

»Considérànt que pour les motifs d'ordre économique, social et de protection du cadre de vie énoncé ci-avant, les opérations prévues revêtent un caractère d'utilité publique;

»Considérant que l'arrêté de ['Exécutif régional wallon du 19 juillet 1990 décidant la mise en révision du plan de secteur de Nivelles en vue de l'inscription d'une zone d'extraction au lieu-dit «Tout-lui-Faut» à Braine­l'Alleud ne répond que partiellement aux objectifs poursuivis»;

Considérant que la motivation de l'acte attaqué lui-même se borne à indiquer les raisons pour lesquelles une suggestion de la C.R.A.T. a été écartée;

Considérant que la motivation de l'utilité publique qui figure dans l'arrêté du 31 octobre 1991 affirme l'existence du gisement de sable de «Tout-lui-Faut>>; que les requérants soutiennent, sans être contredits, que les gisements de sable sont nombreux dans le Brabant; qu'il n'apparaît pas que le gisement considéré mérite une attention particulière; que la circonstance qu'un plan particulier d'aménagement autorisant cette exploitation a été annulé par le Conseil d'Etat ne constitue pas un motif admissible d'autoriser cette exploitation; que la nécessité économique invoquée ne ressort pas du dossier; que l'intérêt social ne consiste qu'en le maintien sur place de quelques personnes et revêt une importance toute relative par rapport au trouble que les requérants invoquent comme dommage grave difficilement réparable; que le moyen est sérieux;

Considérant que les requérants soutiennent que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable consistant en partie aux gènes dues à l'exploitation des sablières et à la dévalorisation de leurs propriétés qu'elle entraînerait, en partie en une dégradation de la valeur esthétique du site, classé précéde=ent en zone d'intérêt paysager;

Considérant que les parties adverse et intervenante contestent que ce soit l'exécution immédiate de l'acte attaqué qui risque de causer le préjudice allégué; qu'elles soutiennent que la suppression d'une zone d'intérêt paysager ne peut, par elle-même porter préjudice, celui-ci ne pouvant résulter que des autorisations délivrées ultérieurement; que l'intervenante souligne que la carrière qu'elle exploite est ouverte depuis 1943 et est exploitée depuis lors sans susciter de protestations, et que la modification du plan de secteur établie par l'acte attaqué tend seulement à poursuivre cette exploitation;

Considérant que l'article 180 du C.W.A.T.U.P. est rédigé co=e suit en son point 4.6.1.:

<<Les zones d'intérêt paysager sont des zones soumises à certaines restrictions destinées à la sauvegarde ou à la formation du paysage.

»Dans ces zones peuvent être accomplis tous les actes et travaux correspondant à la destination donnée par la teinte de fond pour autant qu'ils ne mettent pas en péril la valeur esthétique du paysage»;

Considérant que le remplacement d'une zone agricole d'intérêt paysager par une zone d'extraction, dont la mise en œuvre implique nécessairement une exploitation de nature à générer des nuisances et une modification substantielle de la configuration du sol et de l'esthétique du site est de nature, par elle-même, à altérer gravement la qualité de vie des habitants des environs; que la circonstance que des autorisations doivent être délivrées en vue de permettre effectivement l'exploitation, n'empêche pas de considérer que ce préjudice a sa source dans le plan de secteur, dès lors que lesdites autorisations ne pourraient être refusées dès lors qu'elles seraient compatibles avec la destination inscrite au plan; que l'exécution immédiate de l'acte attaqué risque de causer un préjudice grave difficilement réparable;

Considérant que les conditions requises pour que le Conseil d'Etat puisse accorder la suspension de l'acte attaqué sont réunies;

Considérant que l'article 17, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat dispose comme suit:

«( ... )Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt>>; qu'un délai aussi bref ne saurait s'accommoder des délais ordinaires de la procédure; qu'il y a lieu de les réduire de la manière fixée au dispositif ci-après,

(Les demandes en intervention introduites par la co=une de Braine-l'Alleud et la société anonyme «Sablière de Braine-l'Alleud» dans la procédure en référé sont accueillies - Est suspendue l'exécution de l'arrêté

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETM - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 37 N° 48.828

du Gouvernement wallon du 19 novembre 1993 arrêtant définitivement la modification partielle de la planche 39/3 du plan de secteur de Nivelles en vue de l'inscription d'une zone d'extraction à réaménager en zone agricole après l'exploitation au lieu-dit «Tout-lui-Faut» sur le territoire de la co=une de Braine-l'Alleud).

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ARRET du 31août1994 (Vie Chambre) MM. Fincoeur, président de chambre, Leroy et Hanse, rapporteur, conseillers, et Fortpied, premier auditeur.

Société de droit italien BREDA CONSTRUZIONI FERROVIARIE S.P.A (Me Leurquin) c/ Société des transports intercommunaux de Bruxelles «S.T.I.B.» (Mes Gillet et Lambert) '

1. MARCHES DE TRAVAUX, DE FOURNITURES ET DE SERVICES - Appel d'offres - Choix de l'offre la plus intéressante

1. En présence de la suggestion d'un soumissionnaire de remplacer, dans des voitures de tramway, le système, appliqué aux voitures en service, de la perception par le conducteur par le système de la perception au moyen d'appareils automatiques, l'administration peut légalement opter pour un mode unique de perception. Elle doit alors, pour comparer réellement les offres, évaluer le coût qu'entraînerait l'adaptation de l'ensemble de son parc roulant à ce nouveau mode de perception. L'ayant fai~ elle a pu traduire cette évaluation dans une pénalité à charge de ce soumissionnaire.

2. Si l'article 44 de l'arrêté royal du 22 avril 1977 souhaite que le cahier spécial des charges classe dans un ordre décroissant d'importance les critères d'attribution dont l'utilisation est prévue, il n'en fait nullement une obligation et ne prévoit pas davantage qu'à défaut d'indication contraire, tous les critères d'attribution mentionnés doivent avoir une égale importance lors de l'examen comparatif des offres.

3. En l'espèce, aucune élément du dossier ne permet de penser que la partie adverse a traité l'examen des offres comme si son appel d'offres avait revêtu la forme d'un concours.

4. Lorsqu'en présence d'offres divergentes, un véhicule plus petit coûtant nécessairement moins cher et inversément, la partie adverse a estimé devoir affecter chacune des offres d'une correction proportionnelle à la différence de la capacité offerte par rapport à la capacité demandée, cette manière de procéder n'était nullement déraisonnable ni constitutive d'excès de pouvoir.

5. En l'espèce, des erreurs de l'administration dans l'appréciation de certains critères ne paraissent pas avoir été déterminantes dans le choix du soumissionnaire le plus intéressant.

6. Il n'est pas établi en l'espèce que l'administration aurait voulu écarter à tout prix l'offre du soumissionnaire requérant.

7. Il n'est pas établi en l'espèce que l'offre de l'adjudicataire aurait été modifiée à la suite de négociations menées après l'ouverture des offres.

II. PROCEDURE - Requête - Exposé des faits et des moyens - De1ai de production des moyens

Le moyen nouveau invoqué dans une requête complémentaire introduite après l'expiration du délai de recours est tardif lorsqu'il aurait pu être invoqué dans la requête initiale.

Vu la requête introduite le 11 juin 1991 par la société de droit italien «Breda Costruzioni Ferroviarie S.P A.» qui demande l'annulation de:

«1. la décision de la S.T.I.B. du 12 mars 1991 d'attribuer à la firme A.C.E.C. le marché pour l'étude et la construction de voitures de tramway;

»2. la décision corrélative de la S.T.I.B., de la même date, de ne pas attribuer ledit marché à la requérante»;

RECUEIL DES ARREl'S DU CONSEIL D'EI'Pü' - 1994

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N° 48.829

Arrêts Nos 48.799 à 48.840

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Vu la «requête complémentaire» introduite le 3 septembre 1991 par la même requérante dont l'objet est «de joindre à la requête originaire des moyens nouveaux d'illégalités tirés des pièces actuellement produites au dossier administratif»;

Vu l'arrêt n° 37.516 du 10 juillet 1991 rejetant la demande de suspension;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la requête se présentent comme suit:

1. Le 11 juin 1990, la STIB arrête un cahier spécial des charges n° 230.62000 relatif à l'étude et à la construction de voitures de tramway.

Il s'agit d'un marché à passer sur appel d'offres général.

2. Le 1"' octobre 1990, ! 'ouverture des soumissions révèle notamment que la requérante et la société ACEC ont fait offre.

3. Le 12 mars 1991, le conseil d'administration de la STIB désigne la firme ACEC Transport - GEC Alsthom comme soumissionnaire le plus intéressant.

Il s'agit de la décision attaquée.

4. Le 14 mars 1991, la requérante, ayant appris le choix effectué, en demande la motivation.

5. Le 18 mars 1991, la STIB confirme à la requérante le choix d'ACEC et ajoute que «le conseil d'administration a écarté l'offre de votre firme comme non conforme au cahier spécial des charges pour ce qui concerne l'aménagement du poste de conduite en matière de perception». Elle renvoie en outre à des annexes.

6. Le 20 mars 1991, la STIB informe ACEC de ce qu'elle a été désignée comme le soumissionnaire le plus intéressant.

7. Le 8 avril 1991, la STIB passe commande auprès de ACEC «de 51 voitures de tramway à plancher surbaissé destinées à circuler sur le réseau de BruxelleS>>;

Considérant que la requérante prend un premier moyen «de la violation des articles 6 et 6bis de la Constitution, de la violation du principe d'égalité entre soumissionnaires, de la violation du cahier spécial des charges n° 230.62000 qui régissait le marché, notamment du volume I, conditions générales, p. 1, I, 1°, 2e alinéa et p. 4, 2e alinéa, et de l'excès de pouvoir», «en ce que l'acte attaqué écarte la soumission de la requérante pour cause d'irrégularité, singulièrement pour non conformité au cahier spécial des charges pour ce qui concerne l'aménagement du poste de conduite en matière de perception»; que, dans une première branche, elle soutient que son offre était conforme au cahier spécial des charges; que, dans une deuxième branche, elle soutient que, si son offre devait être tenue pour irrégulière, toutes les autres offres étaient également entachées d'irrégularités et auraient dO être écartées; que, dans une troisième branche, elle prétend que si les autres offres pouvaient être retenues comme recevables, la sienne devait être également considérée comme régulière;

Considérant que la partie adverse répond que l'absence, dans l'offre de la requérante, d'un poste de conduite aménagé de telle manière que le conducteur puisse assurer lui-même la perception, ne peut être tenue pour une «suggestion» au sens de l'article 14 de la loi du 14 juillet 1976 et du cahier spécial des charges, «non seulement en raison de la place qui lui a été assignée dans l'offre, mais également parce qu'elle ne répond pas à la caractéristique essentielle des «suggestions»», à savoir qu'«elles concernent essentiellement des nouveautés et les progrès techniques, inconnus du maître de l'ouvrage»; que, selon elle, cette absence d'un poste de conduite aménagé constitue «une violation des prescriptions du cahier spécial des charges»; qu'elle soutient en outre que le rejet de ce premier moyen devrait conduire à déclarer le recours irrecevable dans son ensemble, le soumissionnaire évincé pour non conformité de son offre ne justifiant pas d'un intérêt suffisant au recours; qu'elle en déduit qu'il n'y a pas lieu pour le Conseil d'Etat d'examiner les autres moyens;

Considérant, sur les trois branches du moyen réunies, que le cahier spécial des charges précise, parmi les conditions générales du marché, notamment ce qui suit:

«Les constructeurs sont invités à faire, éventuellement sous forme de suggestion, des propositions différentes de ce que la STIB demande dans le présent cahier des charges, de façon à améliorer le matériel (confor~ performance, tenue, ... ) ou à diminuer son coût de fabrication et d'exploitation.

»( ... )

»Les constructeurs sont autorisés à proposer dans leur offre toutes techniques, composantes et performances qui ne répondent pas au cahier spécial des charges, à condition d'attirer l'attention sur les divergences et d'expliquer les avantages et inconvénients techniques ou économiques des solutions présentées. De la sorte, il est évité qu'un quelconque constructeur ne soit évincé par des prescriptions techniques qui ne correspondraient pas à son savoir­faire, tandis que, grâce aux informations requises, la société sera quand même en mesure de juger de la valeur des propositions reçues et de comparer valablement toutes les offres remises»;

Considérant que la décision du 12 mars 1991 du conseil d'administration de la partie adverse est, en ce qui concerne l'offre de la requérante, rédigé comme suit: «( ... ) le conseil d'administration décide:

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 39 N° 48.829

»-d'écarter l'offre de Breda également pour non conformité au cahier des charges pour ce qui concerne l'aménagement du poste de conduite en matière de perception. Il considère que la suggestion proposée par la firme Breda ne peut être retenue en raison des coûts d'exploitation supplémentaires, des inconvénients en exploitation invoqués aux pages 4 et 7 de la note précitée et des limites qu'impose le système dans une optique de banalisation des véhicules sur toutes les lignes du réseau tramway»;

Considérant, certes, que le libellé de cette décision est ambigu, puisqu'il motive le rejet de l'offre de la requérante en invoquant à la fois son irrégularité, c'est-à-dire sa non-conformité au cahier spécial des charges, et son appréciation défavorable quant au fond; qu'il montre en toutes hypothèses que la soumission de la requérante n'a pas été écartée d'emblée comme irrégulière, mais bien que la <<suggestion» qu'elle comportait a été retenue, étudiée et comparée aux autres offres, et que la partie adverse en a apprécié les mérites avant de l'écarter; que le moyen manque en fait;

Considérant que le libellé de la décision montre également que, quoi qu'elle soutienne actuellement, la partie adverse elle-même a considéré que cette divergence constituait une <<suggestion», puisqu'elle a utilisé expressément ce terme dans le texte de sa décision motivée et qu'elle a tenu à en apprécier les avantages et les inconvénients; que, d'ailleurs, la généralité des termes autorisant des divergences par rapport aux prescriptions du cahier spécial des charges ne permet pas de penser que l'absence d'un poste de conduite aménagé pour la perception aurait suffit à rendre l'offre non conforme et dès lors irrégulière;

Considérant que, si le moyen n'est pas fondé, la requérante, dès lors que son offre n'a pas été écartée d'emblée comme irrégulière, garde intérêt aux autres moyens dont elle se prévaut, et qu'il y a donc lieu de les examiner;

Considérant qu'elle prend un deuxième moyen «de la violation des articles 6 et 6bis de la Constitution, de la violation du principe d'égalité entre soumissionnaires, de la violation du cahier spécial des charges qui régissait le marché, singulièrement des critères d'attribution du marché, de l'erreur dans les motifs déterminants et de l'excès de pouvoin>; qu'elle reproche à la partie adverse d'avoir grevé son offre d'une pénalité pour modification des tramways et bus autres que ceux qui faisaient l'objet du marché, soit l'ensemble du parc roulant de la partie adverse, modification représentant des coftts non prévus au cahier spécial des charges;

Considérant que, en incluant dans son offre la suggestion tendant à ce que le conducteur ne joue plus aucun rôle dans la perception et à ce qu'il soit remplacé dans ce rôle par deux appareils distributeurs posés dans chaque voiture, la requérante devait avoir conscience des avantages et des inconvénients de tous ordres que cette suggestion était susceptible de comporter; qu'en particulier, elle ne pouvait ignorer qu'elle imposait ainsi à la partie adverse de décider si elle laisserait coexister des modes de perception différents dans ses tramways; qu'elle ne pouvait davantage ignorer l'importance que cette décision et ses conséquences financières revêtiraient lors de la comparaison des offres;

Considérant que, en présence de cette suggestion de la requérante, la partie adverse a pu légalement opter pour un mode unique de perception; que, dès lors, elle a dft, pour comparer réellement les offres, évaluer le coftt qu'entraînerait l'adaptation de l'ensemble de son parc roulant à ce nouveau mode de perception; que, l'ayant fait, elle a traduit cette évaluation dans la pénalité reprochée; qu'en procédant de la sorte, elle n'a violé aucune des dispositions ni aucun des principes visés au moyen; que celui-ci n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un troisième moyen «de la violation de l'article 14 de la loi du 14 juillet 1976 relative aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, de la violation de l'article 44, alinéas 1er et 2 de l'arrêté royal du 22 avril 1977 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, de la violation du cahier spécial des charges n° 230.62000 de la STIB, singulièrement des critères d'attribution du marché, et de l'excès de pouvoir»; qu'elle reproche à la partie adverse d'avoir, «après l'ouverture des offres et sans indication en ce sens au cahier spécial des charges, attribué un ordre de classement et une valeur inégale aux divers critères d'attribution du marché», alors qu'à défaut d'indication contraire du cahier spécial de charges, tous les critères doivent avoir une égale importance lors de l'examen comparatif des offres;

Considérant que, si l'article 44 de l'arrêté royal précité du 22 avril 1977 souhaite que le cahier spécial des charges classe dans un ordre décroissant d'importance les critères d'attribution dont l'utilisation est prévue, il n'en fait nullement une obligation et ne prévoit pas davantage qu'à défaut ù'indication contraire, tous les critères d'attribution mentionnés doivent avoir une égale importance lors de l'examen comparatif des offres; que le moyen manque en droit;

Considérant que la requérante prend un quatrième moyen «de la fausse application de l'article 47, §1er, de l'arrêté royal précité du 22 avril 1977, de la violation du cahier spécial des charges qui régissait le marché et de l'excès de pouvoir»; qu'elle reproche à la partie adverse d'avoir «.décidé, après ouverture des offres, de mettre celles-ci en concours», «alors que le cahier spécial des charges (lui) imposait de traiter l'examen des offres comme un appel d'offres général sans concours»; qu'elle s'abstient cependant de préciser quels faits lui permettent de soutenir que la partie adverse aurait décidé de mettre les offres en concours;

Considérant que, devant les dénégations de la partie adverse qui affirme, dans son mémoire en réponse, que le dossier n'a pas été traité comme un concours, la requérante se borne, en réplique, à «prendre acte de ce que la partie adverse affirme dans son mémoire en réponse que le dossier n'a pas été traité comme un concours», même si elle <<souligne que cela renforce le bien-fondé du troisième moyen»;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'EfAT - 1994

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Considérant qu'aucun élément du dossier ne permet de penser que la partie adverse a traité l'examen des offres comme si son appel d'offres avait revêtu la forme d'un concours; que le moyen manque en fait;

Considérant que la requérante prend un cinquième moyen «de la violation de l'article 14 de la loi précitée du 14 juillet 1976, de la violation des articles 4, § 4, et 44, alinéas 1er et 2, de l'arrêté royal précité du 22 avril 1977, de la violation du cahier spécial des charges qui régissait le marché, notamment p. 20, point II, 2, 4° critères d'appréciation, de la violation du principe général «patere legem» et de l'excès de pouvoir»; qu'elle reproche aux actes attaqués de n'avoir pas tenu compte, en vue de l'attribution du marché, du critère <prix unitaire du véhicule» prévu au cahier spécial des charges, mais bien d'un critère <prix par place de personnes transportées» non prévu audit cahier; qu'elle se plaint plus précisément de ce que le mode de correction des offres adopté par la partie adverse pour tenir compte des différences de capacité des véhicules ne lui ait valu qu'une bonification de 1,57 million alors que l'adjudicataire ACEC bénéficia d'une bonification de 7,81 millions, et de s'être ainsi vue pénaliser en raison de son effort pour présenter une offre «la plus proche de la longueur et de la capacité exigées»;

Considérant que le cahier spécial des charges prévoyait un critère libellé <prix unitaire du véhicule conforme à notre spécification», soit une capacité de 150 places;

Considérant que les offres présentaient des capacités différentes, inférieures ou supérieures à la capacité requise;

Considérant que, afin de comparer ces offres divergentes, un véhicule plus petit coOtant nécessairement moins cher et inversement, la partie adverse a estimé devoir affecter chacune des offres d' «une correction proportionnelle à la différence de la capacité offerte par rapport à celle demandée»; que cette manière de procéder n'était nullement déraisonnable ni de nature à violer les dispositions légales et les principes visés au moyen; que celui-ci n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un sixième moyen «de la violation de l'article 14 de la loi du 14 juillet 1976 précitée, de la violation du principe d'égalité entre soumissionnaires, de l'erreur manifeste de calcul et d'appréciation dans les motifs déterminants et de l'excès de pouvoir»; qu'elle reproche à la partie adverse d'avoir commis de telles erreurs notamment en ce qui concerne la longueur utile et le tonnage de base des véhicules proposés, ainsi qu'en ce qui concerne la fourniture d'un prototype; qu'elle soutient que, si de telles erreurs n'avaient pas été commises, son offre n'aurait pas manqué d'être classée en première position;

Considérant que la partie adverse convient de ce «qu'une mauvaise interprétation des dessins fournis (par la requérante) a entraîné une évaluation de 19,4 mètres au lieu de 17,2 mètres en ce qui concerne la longueur utile du compartiment des voyageurs»; qu'elle observe toutefois que cette erreur n'était pas de nature à influencer le classement final des offres et, partant, le choix du soumissionnaire le plus intéressant, observation que la requérante ne conteste pas dans son mémoire en réplique;

Considérant, quant au problème du poids du véhicule, que la requérante précise dans son mémoire en réplique le reproche qu'elle adresse à la partie adverse d'avoir, pour calculer les performances du véhicule qu'elle offrait, tenu compte d'un poids supérieur au poids <clWO» qu'elle avançait, soit 31,242 tonnes;

Considérant que la partie adverse admet avoir fondé son appréciation du critère <poids» sur une moyenne entre le poids <clWO» (31,2 T) et le poids «garanti» (40 T) du véhicule offert par la requérante; qu'elle explique cette décision par l '«incertitude» qui, selon elle, résultait de l'offre de la requérante qui faisait état tout à la fois de 3 poids différents: un poids de 26,2 tonnes utilisé pour le calcul des performances garanties, un poids de 31,2 tonnes présenté comme <poids normal», et un poids de 40 tonnes représentant le <poids garanti», alors que les autres offres ne faisaient aucune différence entre les poids utilisés dans les calculs et les poids garantis;

Considérant que ni l'erreur quant à la longueur utile, ni celle relative au poids pris en considération, quel qu'ait été le responsable de cette dernière, ni l'une et l'autre ne paraissent avoir été déterminantes dans le choix du soumissionnaire le plus intéressant; que, quant à elles, le moyen n'est pas fondé;

Considérant, quant à l'erreur relative à la fourniture d'un prototype, que la requérante la discerne, manifeste, dans l'appréciation concrétisée par la note de 5 qui lui a été attribuée de ce chef, tandis que ACEC se voyait attribuer une note de 6; qu'ici aussi, le moyen, qui se contente de critiquer une pure appréciation en fait, n'est pas fondé;

Considérant que, dans sa requête complémentaire introduite le 3 septembre 1991, la requérante prend un septième moyen de «la violation de l'article 7 du Traité de Rome instituant la Communauté Economique Européenne, de la violation de l'article 14 de la loi du 14juillet1976 précitée, de l'illégalité ou à tout le moins de la fausse application de l'article du cahier spécial des charges qui régissait le marché, de l'absence de motif légalement admissible et de l'excès de pouvoir»; qu'elle reproche à l'acte attaqué de se donner pour motif déterminant de retenir une offre qui favorise l'occupation de la main-d'œuvre locale, soit celle du maître de l'ouvrage;

Considérant que ce moyen nouveau, qui invoque de manière significative l'illégalité d'un article du cahier spécial des charges, aurait pu et donc dO être invoqué dans la requête introductive, ou à tout le moins dans le délai de 60 jours prévu à l'article 4, alinéa 3, de l'arrêté du Régent du 23 aoOt 1948 déterminant la procédure devant la section d'administration du Conseil d'Etat; que, tardif, le moyen est irrecevable; qu'au surplus et au fond, le critère «localisation de la main-d'œuvre» n'a en rien pu être déterminant, dès lors que toutes les offres ont reçu pour ce critère la même note; que, partant, ce moyen n'est ni recevable ni fondé;

RECUEIL DES ARREITS DU CONSEIL D'BVU - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 41 N° 48.829

Considérant que la requérante prend un huitième moyen «de la violation de l'article 7 du Traité de Rome instituant la Communauté Economique Européenne et du détournement de pouvoir»; qu'elle distingue «la volonté délibérée de l'écarter» dans un compte rendu d'une séance du comité de gestion de la partie adverse tenue le 20 février 1991;

Considérant que le compte rendu incriminé porte ce qui suit

«( ... ) il faut se décider sur la proposition, voir si on intègre Breda dans l'analyse ou est-ce qu'on l'écarte sur le principe plutôt que sur les calculs?»;

Considérant que cette question traduit seulement cette interrogation: l'offre de la requérante devait-elle être considérée comme irrégulière et écartée d'emblée, sans autre examen, ou devait-elle faire l'objet d'une analyse au fond; que l'ambiguïté relevée ci-avant lors de l'examen du premier moyen montre que la partie adverse n'a jamais su répondre clairement à cette question qui ne saurait en aucun cas être interprétée comme significative de la volonté d'écarter à tout prix l'offre de la requérante ou comme constituant l'indice d'un détournement de pouvoir; que le moyen n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un neuvième moyen «de la violation de l'article 14 de la loi du 14 juillet 1976 précitéè, de la violation de l'article 44, alinéa 5, de l'arrêté royal du 22avril1977 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, de la violation du principe d'égalité entre soumissionnaires et de l'excès de pouvoir»; qu'elle reproche à l'acte attaqué d'avoir attribué le marché à un soumissionnaire dont l'offre a été modifiée après négociations entre la date d'ouverture et la date d'attribution du marché; que, selon elle, des «modifications très importantes puisque relatives à des clauses techniques essentielles» sont intervenues suite à une négociation avec la partie adverse entre la date d'ouverture et la date d'attribution du marché; qu'en outre, de semblables négociations auraient porté sur un autre élément essentiel de l'offre, c'est-à-dire le prix, comme le montrerait une lettre de commande du 8 avril 1991;

Considérant que la partie adverse reconnaît avoir eu divers contacts avec les différents soumissionnaires, y compris la requérante; qu'elle sollicita d'eux un certain nombre de précisions lorsqu'il s'avérait que leur offre était trop vague sur l'un ou l'autre point; qu'elle a engagé avec eux des discussions sur l'un ou l'autre point qui n'étaient pas prévus au cahier spécial des charges et qui n'ont jamais été considérés comme des critères d'appréciation, telle l'«informatique embarquée»; qu'enfin, elle a émis à l'égard de tous les soumissionnaires des souhaits d'amélioration auxquels ils ont été invités à répondre, notamment quant à l'intégration dans le réseau et la largeur des voitures;

Considérant que, très précisément, le reproche de négociations d'ordre technique se fonde sur le compte rendu de la séance du comité de gestion du 20 février 1991(farde6 «commande» du dossier administratif, annexe à la lettre du 15 mars 1991 du président du conseil d'administration de la STIB au directeur de cabinet adjoint du ministre des Travaux publics et des Communications de !'Exécutif de la Région de Bruxelles-Capitale) et plus particulièrement encore sur l'intervention de M. Siraut, actée comme suit à la page 16 dudit compte rendu:

«L'intégration posait des problèmes en ce qui concerne cette firme pour le passage en dos d'âne, le passage en cuvette et dans les courbes de 18 m. Le cahier des charges précise qu'il faut que la voiture puisse passer les dos d'âne au rayon vertical de 70 m. Au débu~ c'était 240 m, au fur et à mesure, 220 m, 140 m, puis, finalemen~ vers le 17 janvier, ils sont arrivés à 70 m. Ils ont dit qu'ils pouvaient le faire. Ils ont expliqué qu'ils avaient touché au châssis, aux protections qui se trouvent latéralement sur le véhicule. Ces modifications ont demandé du temps, mais ces modifications n'ont abouti qu'au mois de janvier»;

Considérant que le texte de ce compte rendu ne permet pas de déterminer laquelle des cinq offres en compétition a ainsi été mise en cause par M. Siraut; qu'en toutes hypothèses, il ne saurait s'agir de l'offre de ACEC, puisque l'offre de celle-ci (farde 7 A du dossier administratif, page 27/53 datée du 19.09.90) porte notamment ce qui suit sous le point 2.8. «gabarit>>:

«-Rayon minimal de bosse : 70 m

creux : 200 m»;

Considérant qu'il est donc inexact de prétendre que l'offre de ACEC a été modifiée, quant au rayon de courbure minimal pour le passage en dos d'âne, à la suite de négociations menées après l'ouverture des offres;

Considérant, quant aux négociations reprochées quant au prix, que la requérante se prévaut d'une part d'une lettre de ACEC «du 5 novembre 1990», et d'autre part de la «2e lettre de commande du 8 avril 1991»;

Considérant que la lettre <<du 5 novembre 1990» est en réalité datée du 8 novembre 1990 et comporte expressément des «réponses aux questions posées téléphoniquement le 05/11/1990», de nature à compléter l'offre formulée; que l'emploi du mode conditionnel indique qu'il ne s'agit que d'une hypothèse envisagée, dont il ne saurait être déduit avec certitude ni une modification de l'offre ni une modification du prix;

Considérant, quant à la <<2e lettre de commande du 8 avril 1991» que, si celle-ci envisage encore une «réduction du prix unitaire», encore convient-il de relever:

- que les deux lettres du 8 avril 1991 précisent que la commande est conforme à l'offre;

- que les réductions de prix encore envisagées résultent d'une part de précisions de l'offre en ce qui concerne les conditions de prix, et d'autre part des fournitures et installations par la partie adverse elle-même,

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfM' - 1994

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N° 48.829

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réductions à préciser «conformément aux offres remises» et d'ailleurs prévues au cahier spécial des charges (\blume 1 - Conditions générales - p. 22);

Considérant ainsi que le neuvième moyen n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un dixième moyen «de la violation du principe général de bonne administration, de la violation de l'article 14 de la loi du 14 juillet 1976 précitée, du défaut d'objet de l'acte attaqué et de l'excès de pouvoir»; qu'elle reproche à l'acte attaqué de désigner ACEC comme soumissionnaire le plus intéressant sans en approuver l'offre, celle-ci demeurant à discuter ultérieurement, tant en ce qui concerne le prix qu'en ce qui concerne la définition technique;

Considérant qu'il est contradictoire d'attaquer «la décision de la S.TJ.B. du 12 mars 1991 d'attribuer à la firme A.C.E.C. le marché pour l'étude et la construction de voitures de tramway» et de soutenir que la partie adverse <<n'a pas attribué le marché le 12 mars 1991»;

Considérant, en outre, que le moyen manque de précision, puisqu'il s'abstient d'indiquer sur quels points précis la commande finalement passée à ACEC aurait différé de l'offre formulée par cette dernière, tant au plan financier qu'au plan technique;

Considérant que, si des points restaient à préciser lors de la commande du 8 avril 1991, c'était expressément dans le cadre et conformément à l'offre formulée;

Considérant que le moyen n'est ni recevable ni fondé en fait;

Considérant que la requérante prend un onzième moyen «de la violation de l'article 14 de la loi du 14 juillet 1976 précitée, de l'article 42, § 1, de l'arrêté royal du 22 avril 1977 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services en tant qu'il renvoie aux articles 25, §1er, et 14 dudit arrêté royal, de la violation du cahier spécial des charges en son volume 2,point 2.1, 2.2 a) 2 et de l'excès de pouvoir»; qu'elle prétend que «l'offre de ACEC n'était pas conforme à une clause technique essentielle, à savoir celle qui imposait que les raccordements verticaux les plus contraignants aient un rayon de courbure minimal de 70 m», ce qui constituait une «cause de nullité absolue»;

Considérant que, comme déjà indiqué ci-dessus lors de l'examen du neuvième moyen, l'offre de ACEC indiquait comme «rayon minimal de bosse: 70 m»; que le moyen manque en fait,

(Rejet - dépens à charge de la requérante).

N° 48.830 ARRET du 31août1994 (VIe Chambre)

MM. Fincoeur, président de chambre, Leroy et Hanse, rapporteur, conseillers, et Herbignat, auditeur.

LOUIS et consorts (Me Flagothier) c/ Ville de Liège (Mes Doyen et Franchimont)

1. WIS, DECRETS ET ARRETES - Interprétation - Priorité au te~ - En général

Il n'y a pas lieu d'interpréter un texte clair, ni de rechercher une éventuelle obscurité qui ressortirait d'une hypothétique contradiction entre ce texte et les intentions, qu'il aurait mal traduites, de son auteur.

Il. WIS, DECRETS ET ARRETES - Interprétation - Interprétation par voie d'autorité

Il n'y a pas lieu, pour interpréter un texte, d'avoir égard à une modification de ce texte, fût-elle censée interpréter ce texte.

Vu les requêtes introduites le 12 mars 1991 par Marcel Louis, Guy Salomon, Pierre Houbrechts, Joseph Vaillant, Léonce Grégoire et Francis Dubois qui demandent l'annulation des décisions prises le 18 janvier 1991 par le Collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Liège, refusant sur la base de l'article 9 de la délibération n° 50 du 25 juin 1990, les demandes de mise à la pension anticipée facultative qu'ils avaient introduites;

Vu l'arrêt n° 36.977 du 6 mai 1991 joignant les causes et rejetant les demandes de suspension de l'exécution des actes ,attaqués;

Considérant que les faits utiles à l'examen des requêtes se présentent comme suit:

1. Les requérants sont inspecteurs à la police communale de la ville de Liège.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'E'ml' - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 43

2. Le 9 janvier 1989, le conseil communal de Liège décide notamment ce qui suit:

N° 48.830

<~rticle 1er: Les agents communaux défini.tifs de notre administration à l'exception du personnel enseignant et des titulaires des grades légaux suivants: Secrétaire communal, Secrétaire communal adjoint, Receveur communal et Commissaire de police en chef, âgés d'au moins 55 ans et comptant un minimum de 20 années de service admissibles pour le calcul de la pension, pourront, à leur demande, être admis à la pension de retraite.

»( ... )

»Article 4: Le présent règlement produira ses effets jusqu'au 31décembre1995.

»Les agents qui réunissent les conditions requises par l'article 1er ci-dessus, dans le premier semestre de l'année 1989, devront, pour bénéficier de cette mesure, présenter leur démission au plus tôt au dernier jour du mois au cours duquel ils réunissent lesdites conditions et, au plus tard, le 30 juin 1989.

«Les agents réunissant les conditions à partir du 1er juillet 1989 jusqu'au 31 décembre 1995 devront, pour bénéficier de cette mesure, remettre leur démission avec effet au dernier jour du mois au cours duquel ils réunissent ces conditions».

3. Les 7, 12, 13, 22 et 28 juin 1989 et le 31 juillet 1989, les requérants introduisent une demande de pension anticipée facultative.

4. Le 25 juin 1990, le conseil communal décide notamment ce qui suit

<~rticle 1er: La présente décision est applicable aux agents nommés à titre défini.tif, à l'exception:

>>-des titulaires des grades de( ... ) Commissaire de police en Chef, de Commissaire de police, de tous les autres membres du corps de police ( ... );

»Article 2: Les agents visés à l'article 1er sont mis d'office à la retraite dès le premier jour du mois suivant celui au cours duquel ils réunissent les deux conditions suivantes:

»-être âgé d'au moins 55 ans;

>>-compter au moins 20 années de services admissibles pour l'ouverture du droit à la pension, à l'exclusion des bonifications pour études et des autres périodes bonifiées à titre des services admis pour la fixation du traitement.

»( ... )

»Article 9: Dès l'entrée en vigueur de la présente délibération, plus aucune mise à la pension ne peut avoir lieu sur base de la délibération du 9 janvier 1989 instaurant un régime de pension de retraite anticipée facultative, à l'exception de la mise à la pension des agents qui ont demandé à être placés en disponibilité volontaire préalable à la pension anticipée facultative, disponibilité instaurée par l'article 5 de la délibération du Conseil communal du 18 décembre 1989 relative au cadre du personnel».

Cette délibération est approuvée par la députation permanente du conseil provincial de Liège le 12 juillet 1990 et publiée par la Ville du 23 juillet au 6 août 1990.

5. Le 28 janvier 1991, le Collège des bourgmestre et échevins adresse à chacun des requérants une lettre libellée comme suit

<<En séance du 18 janvier 1991, le Collège a pris connaissance de votre demande de mise à la pension anticipée facultative.

»Après examen de votre cas, il a décidé de refuser votre demande, sur base de l'article 9 de la délibération n° 50 du 25 juin 1990.

»Veuillez trouver, en annexe, copie de la délibération susdite».

A noter que le dossier administrtif ne contient aucune copie des délibérations alléguées du 18 janvier 1991, qui constituent les actes attaqués. La «délibération susdite» dont question dans les lettres du 28 janvier 1991 et dont une copie y est annexée, est la délibération n° 50 du 25 juin 1990;

Considérant que les requérants prennent un moyen, le troisième de leur requête, de la «violation par le Collège échevinal des délibérations prises par le Conseil communal en date des 9 janvier 1989 et 25 juin 1990»; qu'ils reprochent à l'acte attaqué d'être exclusivement basé sur l'article 9 de la délibération du Conseil communal n° 50 du 25 juin 1990, alors que cette délibération ne leur était pas applicable en vertu de son article 1er;

Considérant que la partie adverse, en fait de réponse, «reconnaît qu'une certaine ambiguïté ressort de la lecture de la délibération du Conseil communal du 25 juin 1990», dont «l'article 9 doit( ... ) être interprété à la lumière du préambule de la délibération du 25 juin 1990, duquel il ressort que:

»attendu qu'il y a lieu de ne plus permettre des mises à la pension anticipée facultative sur base de cette délibération du 9 janvier 1989 précitée, à l'exception de la mise à la pension des agents qui ont demandé à être placés en disponibilité volontaire préalable à la pension de retraite anticipée facultative»; qu'elle ajoute qu'elle «n'a pas pu vouloir le maintien du système de pension facultative à 55 ans pour les membres du personnel de police puisque ce service fonctionne avec des effectifs incomplets»;

RECUEIL DES ARRErS DU CONSEIL D'ErM' - 1994

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N° 48.830

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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Considérant que, dans son dernier mémoire, la partie adverse indique que «le texte (de la délibération du 25 juin 1990) est si peu clair que le Conseil communal lui-même a estimé, en sa séance du 10juin1991, devoir compléter l'alinéa 1er de la délibération du 25 juin 1990 en ajoutant après le mot «exception», les mots suivants: «sauf pour les dispositions de l'article 9» et qu'ainsi, «le Conseil communal lui-même a procédé à l'interprétation de sa délibération du 25 juin 1990»; qu'elle souligne que «le règlement interprétatif du 10 juin 1991 a ( ... ) effet rétroactif»;»

Considérant que le texte de la délibération du 25 juin 1990 est clair et ne donne lieu à aucune interprétation: en vertu de son article 1 or, «la présente décision est applicable aux agents nommés à titre définitif, à l'exception ( ... ) de tous les autres membres du corps de police( ... )»; que son article 9, susceptible de faire obstacle à la mise à la pension anticipée facultative des requérants, n'était donc pas applicable à ces derniers, membres du corps de police;

Considérant que la partie adverse en convient elle-même dans son dernier mémoire: «il est tout à fait exact qu'à première lecture, le texte paraît dépourvu de toute source de difficulté quant à son contenu et à son interprétation»;

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'interpréter un texte clair, ni de rechercher une éventuelle obscurité qui ressortirait d'une hypothétique contradiction entre ce texte et les intentions, qu'il aurait mal traduites, de son auteur;

Considérant qu'il n'y a pas davantage lieu d'avoir égard à une modification ultérieure de ce texte, intervenue d'ailleurs après les actes attaqués, fût-elle censée «interpréter» ce texte;

Considérant que, telle qu'elle existait le 18 janvier 1991, la délibération du 25 juin 1990, non applicable aux membres du corps de police en vertu de son article 1°', ne pouvait empêcher, en vertu de son article 9, la mise à la pension anticipée des requérants qui en avaient fait la demande conformément à la délibération du 9 janvier 1989; que le moyen est fondé;

Considérant que l'examen des autres moyens, à les supposer fondés, ne pourraient entraîner une annulation aux effets plus étendus,

(Annulation des décisions prises le 18 janvier 1991 par le Collège des bourgmestre et échevins de la Vtlle de Liège et refusant à Marcel Louis, Guy Salomon, Pierre Houbrechts, Joseph Vaillant, Léonce Gregoire et Francis Dubois la mise à la pension anticipée facultative qu'ils avaient demandée - dépens à charge de la partie adverse).

N° 48.831 fb/I ARRET du 31 août 1994 (VP Chambre) •

MM. Fincoeur, président de chambre, Leroy et Hanse, rapporteur, conseillers, et Fortpied, premier auditeur.

S.A. ENTREPRISES KOECKELBERG (M•• Knoops et Bullman) c/ Régie des bâtiments (M•• Gillet et Lambert)

I. MARCHES DE TRAVAUX, DE FOURNITURES ET DE SERVICES - Appel d'oft'res - Choix de l'offre la plus intéressante

En l'espèce, le maître de l'ouvrage ne s'est pas déterminé en n'ayant égard qu'au seul critère du montant des offres mais il a examiné l'ensemble des critères prévus. Il a pu considérer que «tous les soumissionnaires présentaient des offres également compétitives en matière technique» et résumer par cette appréciation tant le rapport d'analyse des offres que la décision motivée prescrite par l'article 44 de l'arrêté royal du 22 avril 1977.

Lui reprocher de n'avoir pas explicité dans sa décision motivée <pourquoi l'offre de l'adjudicataire présente une qualité architecturale incontestable, des qualités techniques requises et encore une qualité des matériaux et de l'isolation» et soutenir qu'à défaut, «ces motifs, qui peuvent valoir pour toutes les offres, s'assimilent à une clause de style», revient à exiger qu'il exprime les motifs de ses motifs, ce que la loi n'exige pas .

... Alors spécialement qu'il est malaisé de quantifier objectivement la plupart des critères prévus au cahier spécial des charges.

II. PROCEDURE - Réouverture des débats

Vu la requête introduite le 12 avril 1990 par la S.A Entreprises Koeckelberg qui demande l'annulation de la désignation de la S.A Bétons et Matériaux, <<BEMAT», comme adjudicataire du marché portant sur la construction d'un bâtiment destiné à la gendarmerie, à Jumet;

RECUEIL DES ARRHfS DU CONSEIL D'ET~ - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 45 N° 48.831

Considérant que les faits utiles à l'examen de la requête se présentent comme suit

1. Dans le bulletin des adjudications du 17 février 1989, sous le n° 620, la Régie des Bâtiments lance un appel d'offres général, suivant cahier spécial des charges n° H9/89 B 11, ayant pour objet <<les études encore à effectuer, les travaux, fournitures, transports, main d'oeuvre et tous moyens d'exécution relatifs à la construction d'un bloc de deux escadrons à la gendarmerie de Jumet (3e groupe mobile) -rue Picard, 64».

Le cahier spécial des charges prévoit noramment ce qui suit:

«Chaque soumissionnaire doit présenter une solution complète et entièrement conforme au dossier d'appel d'offres qui constitue sa solution de base.

»Toute dérogation au présent cahier des charges ne pourra se faire que sous propositions en variantes aux conditions du présent cahier spécial des charges.»

Il précise les critères d'évaluation comme suit

<<En ce qui concerne le choix de l'adjudication, il sera tenus compte des critères classés dans un ordre décroissant d'importance comme suit:

»1. Respect architecture et programme »2. Valeur technique »3. Qualité des matériaux et de l'isolation »4. Montant de l'offre »5. Coût d'utilisation »6. Qualité des variantes. Celles-ci devant être limitées à la structure du bâtiment. Les suggestions sont

interdites. »7. Sécurité des approvisionnements >>8. Garanties professionnelles et financières »9. Délai d'exécution».

2. Le 6 avril 1989, lors de l'ouverture des soumissions, six offres sont recueillies, dont celle de la requérante d'un montant de 92.963.057 frs, et celle de la société Bernat d'un montant de 92.590.098 frs.

3. Le 14 décembre 1989, un «rapport d'analyse des offres tenant compte des précisions obtenues auprès des soumissionnaires» est établi.

Il analyse comme suit l'offre de la S.A BEMXI':

«a) Cette offre n'est pas en concordance avec l'architecture du plan directeur: tout en respectant le programme imposé, l'entrepreneur propose une solution différente de profil des toitures, de traitement plastique des volumes, ainsi que de design des façades.

»Cette solution présente néanmoins une qualité architecturale incontestable ainsi que toutes les garan­ties techniques requises (entre autres, suppression du bac à neige, étanchéité de toiture en zinc, réduction des déperditions calorifiques, ... ).

»D'autre par~ l'entrepreneur a requis et obtenu pour sa proposition l'avis favorable de ['Administration de ['Urbanisme et de ['Aménagement du Te"itoire.

»b) Irrégularités non substantielles

>>-Menuiseries extérieures prévues en Méranti et non en «bois dur». L'entrepreneur propose néanmoins de les réaliser en M erbeau pour le même prix.

>>-Nombre de portes coupe-feu RF 1/2H insuffisant. >>Supplément chiffré à prévoir: »5.748 Frs x 96p = 551.808 F HTVA »(au total: 645.615 Frs)

»-Raccordement à réaliser rue Docteur Picard comme stipulé au Cahier spécial des charges. >>Supplément: 540.800 Frs HTVA (soit 632.736 Frs TVAC)

»c) Variante: Néant

»d) Proposition de l'entreprise »Délai de 250 jours au lieu de 270 jours

»e)A déduire de l'entreprise »Remblais (voir remarque générale préliminaire) »10.200 m3 prévus »6.146 m3 réels >~ déduire: 4.054 m3 x 416 Frs = 1.686.464 Frs HTVA + 286.699 Frs TVA »(au total: 1.973.163 Frs)

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'Ef.IXI' - 1994

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N° 48.831

»j) Stabilité

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

Page 46

»L'auteur de projet propose pour le même prix de fonder le bâtiment sur un radier général de 25 cm d'épaisseur. Il n'est rien spécifié quant à la quantité d'acier.

»g)Divers »Dalles 30x30x4cm prévues pour 36 m2».

Il analyse comme suit l'offre de la requérante:

<4 'étude est rentrée complète et l'entreprise a fourni des réponses concrètes suite à notre demande de précisions.

»a) Irrégularité non substantielle »Raccordement et adduction d'eau à partir du bâtiment existant.

»b) Variante

»La construction d'un escalier d'accès au niveau rez de chaussée à la façade latérale gauche.

»c) Proposition de l'entreprise: Néant.

»d) A rajouter à l'entreprise »Remblais: prévu: 6.108 m3

»(6.146 - 6.108) x 415 Frs = 15.770 Frs HTVA + TVA 2.681 Frs (soit 18.451 Frs TVAC)

»e) Stabilité »Etude complète. »Fondations sur semelles très rigides tenant compte de la possibilité d'affaissements. Les murs en blocs de

béton enterrés sont renforcés de «Murfor». Un joint de dilatation est prévu mais pas de joint de tassement.

»j) Divers >>-180 jours ouvrables au lieu de 270 au C.S.C. >>-Une liste des sous-traitants est fournie».

En guise de récapitulation, ce rapport rectifie le montant des offres comme suit:

- S.A BEMAT ( ... ) 91.551.658 TVAC

- S.A Koeckelberg ( ... ) 93.851.927 TVAC.

Il conclut enfin en ces termes:

. <~ '(Jna.lyse des offres fait apparaître quelques irrégularités non substantielles dans le chef de quelques soumissionnaires.

»Les dossiers remis ont cependant permis une comparaison équitable et les précisions indispensables à l'établissement du montant des offres ont été obtenues à la demande de la Régie des Bâtiments.

»L'offre remise par la firme BEMAT est la moins disante au montant de 91.551.658,-F TVAC.

»Elle est aussi la plus intéressante quant à l'architecture proposée, cette offre répond aux prescriptions du cahier spécial des charges.

»Je propose donc de la soumettre à l'approbation de Monsieur le Ministre».

4. Le 22 décembre 1989, le secrétaire d'Etat aux Réformes institutionnelles chargé de la Restructuration du Ministère des Travaux publics signe une «décision motivée d'attribution de marché» libellée comme suit:

«Sur base des critères d'attribution définis dans le cahier spécial des charges, à savoir: »1. Respect architecture et programme; »2. Valeur technique; »3. Qualité des matériaux et de l'isolation; »4. Montant de l'offre; »5. Coût d'utilisation; »6. Qualité des variantes. Celles-ci devant être limitées à la structure du bâtiment; Les suggestions sont

interdites; »7. Sécurité des approvisionnements; >>8. Garanties professionnelles et financières; »9. Délai d'exécution;

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EOO' - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 47 N° 48.831

»et pour 'zes motifs suivants:

»--L'offre BEMAT se classe première en fonction des trois premiers critères car elle présente une qualité architecturale incontestable ainsi que toutes les garanties techniques requises; en outre, le projet a obtenu l'avis favorable de ['Administration de ['Urbanisme et de ['Aménagement du Territoire.

>>--En fonction du quatrième critère, l'offre BEMAT se classe également première dans le classement des offres opéré après analyse et rectification des erreurs suivant le rapport technique du 14-12-1989.

>>--Les critères 5 à 9 ne pennettent pas de modifier le classement.

»j'ai décidé d'attribuer le marché( ... ) à la SA. BEMAT ( ... )».

Cette décision constitue l'acte attaqué.

5. Le 13 février 1990, cette décision est notifiée à la S.A BEMAT.

6. Le 21 février 1990, la requérante demande à la partie adverse de lui communiquer la décision motivée de son choix.

7. Le 9 mars 1990, la partie adverse répond comme suit:

«Comme suite à votre lettre du 21.02.1990, j'ai l'honneur de vous communiquer la décision motivée de notre choix en matière d'attribution du marché en question. Pour ce qui concerne les critères administratifs (ON.S.S., Agréation, Enregistrement), toutes les entreprises ayant soumissionné y répondaient en tous points.

»Quant aux autres critères d'évaluation cités ci-après: »1. Respect architecture et programme; »2. Valeur technique; »3. Qualité des matériaux et isolation; »4. Montant de l'offre; »5. Coût d'utilisation; »6. Qualité des variantes (limitées à la structure du bâtiment); »7. Sécurité des approvisionnements; >>8. Garanties professionnelles et financières; »9. Délai d'exécution; »tous les soumissionnaires présentaient des offres également compétitives en matière technique. »Le choix s'est donc porté sur l'offre présentant les prix les plus bas. »Or, après analyse arithmétique, il s'avère que l'entreprise BEMAT remettait l'offre la plus basse. »C'est donc son offre qui fut retenue»;

Considérant que la requérante prend un premier moyen «de la violation de l'article 44 de l'arrêté royal du 22/04/1977 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, de l'insuffisance et de l'illégalité des motifs et de l'excès ou détournement de pouvoin>; qu'elle fait grief à la motivation communiquée par la lettre du 9 mars 1990 de <<Se borner à indiquer que tous les soumissionnaires présentaient des offres également compétitives en matière technique ( ... )»; qu'elle estime que «ce motif, qui peut valoir pour tous les appels d'offres, équivaut à une absence totale de motivation, est en tout cas manifestement insuffisant et doit être assimilé à une clause de style»; qu'elle soutient encore «que la partie adverse a, en réalité, entendu appliquer les règles de l'adjudication publique, alors que le marché était un appel d'offres général»;

Considérant que la partie adverse répond en se prévalant du caractère «beaucoup plus explicite» de la décision motivée du 22 décembre 1989, où sont renseignées les raisons qui ont motivé son choix; qu'elle en conclut qu'elle a respecté le prescrit de l'article 44 de l'arrêté royal du 22 avril 1977 visé au moyen;

Considérant qu'en réplique, la requérante adresse la même critique de motivation insuffisante à l'encontre de la seule décision du 22 décembre 1989; qu'il s'agit en réalité d'un moyen nouveau, mais qu'il est recevable dès lors que la requérante n'a pu prendre connaissance de la «décision motivée» du 22 décembre 1989 que par la communication du dossier administratif; que, dans une première branche, elle reproche précisément à cette décision de ne pas préciser <pourquoi l'offre de BEMAT présente une qualité architecturale incontestable, des qualités techniques requises et encore une qualité des matériaux et de l'isolation», et soutient que «ces motifs, qui peuvent valoir pour toutes les offres, s'assimilent à une clause de style»; qu'elle en conclut que «l'offre de BEMAT apparaît bien avoir été retenue exclusivement en fonction du quatrième critère, à savoir le montant de l'offre», et que <<l'administration a en réalité appliqué les règles de l'adjudication publique alors que le marché était un appel d'offres général»; que, dans une deuxième branche, elle fait grief à la décision attaquée «d'inclure panni les critères ayant motivé l'attribution, l'avis favorable de ['Urbanisme( ... ), alors que pour tous les autres projets présentés, l'accord de ['Urbanisme était acquis»; que, dans une troisième branche, elle se prévaut de ce que «aucune pièce n'a établi que BEMAT avait effectivement l'avis favorable de ['Administration de ['Urbanisme et de ['Aménagement du territoire telle qu'affirmée»;

Considérant que l'auditeur rapporteur n'a examiné que la première branche de ce moyen nouveau;

RECUEIL DES ARRBI'S DU CONSEIL D'Eflü" - 1994

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N° 48.831

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

Page 48

Considérant, sur la première branche de ce moyen nouveau, que l'examen du dossier administratif et plus particulièrement du rapport d'analyse des offres du 14 décembre 1989 montre que la partie adverse ne s'est pas déterminée en n'ayant égard qu'au seul quatrième critère, soit le montant des offres, mais qu'elle a examiné l'ensemble des critères prévus et notamment le respect de l'architecture et du programme (voir points a de l'analyse des offres), la valeur technique (voir points a etf de l'analyse de l'offre BEMAT, et pointe de l'offre Koeckelberg), la qualité des matériaux et isolation (voir point b de l'analyse de l'offre BEMAT), la ,qualité des variantes (voir point c de l'analyse de l'offre BEMAI', et point b de l'analyse de l'offre Koeckelberg), le montant des offres bien évidemment, et les délais d'exécution;

Considérant qu'il ressort de ce rapport d'analyse des offres du 14 décembre 1989 que la partie adverse a pu considérer que «tous les soumissionnaires présentaient des offres également compétitives en matière technique>> et résumer par cette appréciation tant ledit rapport d'analyse du 14 décembre 1989 que la décision motivée du 22 décembre 1989, plus explicite mais non différente dans sa substance;

Considérant que reprocher à la partie adverse de n'avoir pas explicité dans sa décision motivée <pourquoi l'offre de BEMAT présente une qualité architecturale incontestable, des qualités techniques requises et encore une qualité des matériaux et de l'isolation», et soutenir qu'à défaut, «ces motifs, qui peuvent valoir pour toutes les offres, s'assimilent à une clause de style», revient à exiger d'elle qu'elle exprime les motifs de ses motifs, ce que la loi n'exige pas; que, de surcroît, il était malaisé de quantifier objectivement la plupart des critères prévus au cahier spécial des charges, sauf, en attribuant des notes chiffrées, à en donner l'illusion, mais sans réellement faire disparaître le caractère subjectif inhérent à toute appréciation; qu'au terme de l'examen soigneux des offres auquel les services de la partie adverse se sont livrés, celle-ci a pu apprécier que l'offre BEMAT devait être classée première en fonction des trois premiers critères, sans pour autant disqualifier à cet égard les autres offres, ce qu'elle a exprimé dans sa lettre du 9 mars 1990; qu'elle a pu constater que le quatrième critère permettait de départager clairement et objectivement les offres, ce qu'étaient impuissants à opérer les critères 5 à 9; qu'elle a, par la motivation reprochée, adéquatement et suffisamment résumé l'analyse technique des offres à laquelle ses services avaient procédé; qu'en cette branche, le moyen n'est pas fondé;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats afin de permettre au membre de l'auditorat à désigner par Monsieur l'auditeur général d'examiner les autres branches du moyen et les autres moyens soulevés par la requérante et d'établir un rapport complémentaire,

(Réouverture des débats)

N° 48.832

ARRET du 31août1994 (Vie Chambre)

S.A. BUREAU D'ETUDES HUBERT LOUIS: recours tardif.

N° 48.833

ARRET du 31août1994 (VIe Chambre) MM. Fincoeur, président de chambre, Leroy et Hanse, rapporteur, conseillers, et Mme Debusschere, auditeur.

CORNET (Me Dieu) c/ La Poste (M. Dubois)

1. AGENTS DE L'ETAT - Discipline - Procédure - Droits de la défense

1. Aucune disposition légale ou réglementaire n'exige qu'avant la proposition de peine disciplinaire, le dossier, qui est seulement en voie de constitution, soit soumis à l'examen de l'agent ni que celui-ci doive être assisté d'un avocat .

... Alors spécialement qu'en vertu de l'article 79, §1er, alinéa 3, du statut du 2 octobre 19 37, il est loisible à l'agent, ayant pris connaissance des faits reprochés et de la proposition provisoire de peine disciplinaire, de faire parvenir ses objections éventuelles par écrit dans les dix jours, éventuellement avec l'aide d'un avocat.

2. En l'espèce, si les faits reprochés dans la proposition provisoire de peine qui a été soumise à l'agent ont été explicités par la suite, cette explicitation ne leur ajoute rien.

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'ETM - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840 Page 49 N° 48.833

Et l'agent, à l'occasion de la procédure devant le chambre de recours, a encore eu l'occasion d'exercer tous ses droits de défense.

II. AGENTS DE L'ETAT - Discipline - Procédure - Délai pour prendre la décision

Le délai de six mois prévu· par l'article 81, alinéa 2, du statut du 2 octobre 1937 ne prend cours que lorsque l'autorité administrative reçoit la communication du procureur du Roi.

m. PROCEDURE - Réouverture des débats

Vu la requête introduite le 12 mars 1993 par Jean-Pierre Cornet qui demande l'annulation de la «décision prise par l'administrateur-directeur du personnel Monsieur Verbeeren, le 11janvier1993, le renvoyant de son emploi à dater du 11 janvier 1993 et le privant de sa faculté de faire valoir ses titres à la promotion et à l'avancement de traitement à partir du 29 octobre 1990 et réduisant son traitement normal d'activité de 50 % à partir du 29 octobre 1990»;

Considérant que les fails utiles à l'examen de la requête se présentent comme suit:

1. Jean-Pierre Cornet, né le 8 juin 1951, entre au service de la Régie des Postes le 1er septembre 1967. En 1990, il est agent des postes principal et exerce la fonction de facteur à Frameries.

2. Le 6 septembre 1990, une dame Erculisse, dont le requérant est le facteur, signale au percepteur des postes de Frameries que deux assignations représentant des arriérés de pension, respectivement de 52.107 frs et de 32.419 frs, ne lui sont jamais parvenues, alors que, selon les documenls de la Régie des Postes, leur paiement a eu lieu.

3. Interrogé le 3 octobre 1990 par des agents de la Régie, le requérant reconnaît notamment avoir signé les deux assignations en lieu et place de Madame Erculisse.

Il est encore interrogé les 15, 16, 25 et 29 octobre 1990. Il confirme notamment avoir signé en lieu et place de Madame Erculisse, mais soutient lui avoir payé les assignations.

Il est longuement entendu sur toutes les circonstances ayant entouré ces faits, et plus particulièrement sur l'identité de l'auteur de la seconde signature figurant au bas de l'une des assignations litigieuses, censé avoir été témoin du paiement

4. Le 29 octobre 1990, l'interrogatoire du requérant tourne court parce que celui-ci refuse de répondre à la première question. Son refus acté, il vise une décision qui l'écarte préventivement du service pour les motifs suivants:

«Au cours de l'enquête consécutive au paiement contesté de deux assignations comptabilisées par lui, avoir fait des déclarations mensongères quant à l'intervention d'un témoin lors d'un des paiements. Ceci nous amène à mettre en doute la régularité des opérations litigieuses.

»Ce lundi 29octobre1990, nous avoir remis sans y avoir répondu, une nouvelle demande d'explications qui lui était soumise. Le refus de répondre, signifié verbalement par l'intéressé, a été acté devant témoin».

5. Le 29 octobre 1990, l'administrateur général Becco marque son accord pour suspendre J.-P. Cornet dans l'intérêt du service le jour même, et propose de réduire son traitement de 50 % et de le priver de la faculté de faire valoir ses titres à la promotion et à l'avancement de traitement

Ces décisions et propositions sont portées le 8 novembre 1990 à la connaissance du requérant qui marque son désir d'exercer un recours contre ces propositions.

6. Le 26 novembre 1990, le directeur régional des Postes transmet le dossier au Procureur du Roi à Mons. Le 14 décembre 1990, le requérant est entendu par la police judiciaire de Mons à propos de fails de faux, d'usage de faux et de détournement.

7. Le 12 décembre 1990, le requérant marque son désir d'exercer un recours contre le maintien de sa suspension au-delà d'un mois.

8. Le 19 février 1991, la chambre de recours, après avoir entendu notamment le requérant assisté de son avocat, émet l'avis suivant:

«en raison de la gravité des faits, l'intéressé reconnaissant avoir apposé de fausses signatures, la Chambre de recours à l'unanimité propose le maintien de la suspension dans l'intérêt du service».

9. Le 5 avril 1991, le Ministre marque son «accord avec l'avis unanime de la Chambre de recours».

10. Le 17 juin 1991, le requérant informe la Régie des Postes que le dossier ouvert à sa charge au Parquet du Procureur du Roi à Mons a été classé sans suite.

11. Le 24 juin 1991, le directeur régional des Postes interroge le Procureur du Roi à Mons sur le sort du dossier qui lui a été transmis. Il réitère sa demande le 7 octobre 1991 et le 17 février 1992.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'EfM' - 1994

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N° 48.833

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

Page 50

12. Par lettre du 5 mars 1992, le Procureur du Roi à Mons informe le directeur régional des Posres «que les dossiers des procédures à charge de Cornet Jean-Pierre ont été classés sans suite ... ».

13. Le 18 mars 1992, le supérieur hiérarchique de J.-P. Cornet propose à titre de peine disciplinaire le déplacement disciplinaire pour les motifs suivants:

«graves irrégularités en matière de paiements d'assignations postales les 4.5.90 et 6.4.90 (rapport lp du 7.11.90).

»Les deux assignations litigieuses, l'une de 32.419 frs liquidée le 6.4.90, et l'autre de 52.107 frs liquidée le 4.5.90 ont été acquittées par l'adp ppal Cornet J-P, ce qui a obligé la Régie a indemniser la bénéficiaire qui contestait avoir reçu le montant des titres.

»Cornet a jeté la confusion en citant plusieurs témoins possibles présents lors d'un des paiements et a ensuite fait une déclaration mensongère en insistant spécialement sur Mr Helin.

»L'intéressé a eu un comportement étrange tout au long de l'enquête menée par les fonctionnaires de surveillance et a finalement refusé de répondre à toute question».

Cetre proposition est portée à la connaissance du requérant qui écrit: <<.le ne puis me justifier davantage (annexe).»

Le chef hiérarchique immédiat, sur le vu de cette «justification», maintient sa proposition qui est approuvée par le directeur régional.

14. Le 2 juillet 1992, le collège de fonctionnaires de la Régie des Posres propose, à titre définitif, la révocation.

Cetre proposition définitive est notifiée au requérant par le Ministre le 16 juillet 1992.

15. Le 14 août 1992, le requérant marque son désir d'être entendu par la chambre de recours.

16. Le 27 octobre 1992, la chambre de recours émet l'avis qui suit:

«qu'en raison de la gravité exceptionnelle des faits, tant de rétention de fonds que de faux en écriture et des diverses déclarations mensongères de l'intéressé, 7 membres sur 11 proposent d'appliquer la mesure de révocation proposée. Les quatre autres membres estiment que compte tenu de l'avis du chef immédia~ du Directeur régional et de la Drg 3 et malgré les faits reprochés, une dernière chance peut être accordée et proposent la suspension disciplinaire pour la moitié de la suspension dans l'intérêt du service assortie du déplacement par mesure d'ordre».

17. Le 11janvier1993, l'administrateur-directeur du personnel de La Poste prend la décision qui suit:

«( ... )

»Considérant que la Justice a classé cette affaire sans suite,·

»Vu qu'en séance du 27 octobre 1992, la majorité des membres de la Chambre de Recours proposent d'appliquer la mesure de révocation proposée compte tenu de la gravité exceptionnelle des faits, tant de rétention de fonds que de faux en écriture et des diverses déclarations mensongères;

»Considérant que la révocation doit être infligée à l'intéressé compte tenu de la gravité des faits dont il s'est rendu coupable,

»DECIDE:

»Article 1•r -Le nommé Cornet Jean-Pie"e ( ... ) est privé de la faculté de faire valoir ses titres à la promotion et à l'avancement de traitemen~ à partir du 29 octobre 1990.

»Article 2. -Le traitement normal d'activité de l'intéressé est réduit de 50 % à partir du 29 octobre 1990.

»Article 3. -Le précité est révoqué de son emploi à dater de ce jour».

Cetre décision notifiée au requérant le 20 janvier 1993 constitue l'acte attaqué;

Considérant que le requérant prend un premier moyen «de la violation de l'article 79, § 1•r, de l'a"êté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'Etat - violation du principe général des droits de la défense»; qu'il explique qu'il «a été convoqué par son chef hiérarchique qui lui a présenté, sans lui remettre copie, un document mentionnant la proposition d'un déplacement disciplinaire», que «ce document n'était pas motivé» et «ne reprenait pas les faits justifiant la peine disciplinaire»; qu'il se plaint en outre de n'avoir pas été interpellé au préalable, de n'avoir pas été informé des faits reprochés, de n'avoir pas eu la possibilité de se défendre, de consulter son dossier, ni de se faire assisrer d'un conseil;

Considérant que, préalablement à l'établissement de la proposition provisoire de sanction disciplinaire, le requérant a été entendu sur l'ensemble des faits reprochés et de leurs circonstances, soit les 3, 15, 16, 25 et 29 octobre 1990, et qu'il l'a été plus qu'à suffisance puisqu'il a fini par refuser de répondre aux questions qui lui étaient posées et que, s'étant vu soumettre le projet de proposition provisoire de sanction, il indiqua ne pouvoir se justifier davantage;

RECUEIL DES ARREI"S DU CONSEIL D'ETM - 1994

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Arrêts ·Nos 48.799 à 48.840 Page 51 N° 48.833

Considérant que le requérant avait une connaissance complète des faits qui lui étaient reprochés et qu'aucune méprise à cet égard ne peut avoir compromis ses droits de défense; que ces faits reprochés ont d'ailleurs été précisés dans la proposition provisoire de peine disciplinaire qui lui a été soumise («graves irrégularités en matière de paiements d'assignations postales les 4.5.90 et 6.4.90», même si ces faits ont été explicités par la suite, conformément aux indications d'une lettre du 13 mai 1992 de la Se Direction régionale de la Régie des Postes; que cette explicitation n'ajoute rien aux faits reprochés, mais explique seulement en quoi consistaient ces «graves irrégularités» et pourquoi la bonne foi du requérant n'a pas été retenue;

Considérant qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'exige qu'à ce stade de la procédure discipli­naire, le dossier, qui est seulement en voie de constitution, soit soumis à l'examen de l'intéressé ni que celui-ci doive être assisté d'un avocat; qu'à ce dernier égard, il était loisible au requérant, ayant pris connaissance des faits reprochés et de la proposition provisoire de peine disciplinaire, de faire parvenir ses objections éventuelles par écrit dans les dix jours, éventuellement avec l'aide d'un avocat, comme le prévoit l'article 79, § 1"', alinéa 3, de l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l'Etat;

Considérant que, à l'occasion de la procédure devant la chambre de recours, le requérant a encore eu la possibilité d'exercer tous ses droits de défense, et notamment de prendre connaissance du libellé précis et complet des faits reprochés et de l'ensemble de son dossier disciplinaire, de se faire assister du conseil de son choix, et de faire valoir tout moyen de défense qu'il jugeait bon;

Considérant que le moyen n'est pas fondé;

Considérant que le requérant prend un moyen, le sixième de sa requête, de la «violation de l'article 81 de l'a"êté royal du 2octobre1937 portant le statut des agents de l'Etat>>; qu'il reproche à l'acte attaqué d'avoir été pris tardivement, l'action disciplinaire n'ayant été entreprise qu'en mars 1992 alors que dès juin 1991 il avait personnellement averti le Ministre de la décision de classement sans suite des poursuites pénales;

Considérant que l'article 81 de l'arrêté royal du 2 octobre 1937 dispose comme suit

<<L'action disciplinaire ne peut se rapporter qu'à des faits qui se sont produits ou qui ont été constatés dans les six mois précédant la date à laquelle l'action est entamée.

»En cas d'action pénale et si le ministère public a communiqué la décision judiciaire définitive au Ministre sous l'autorité duquel l'agent est placé, l'action disciplinaire doit être entamée dans les six mois qui suivent la date de la communication»;

Considérant que le requérant a averti la Régies des Postes de la décision de classement sans suite prise par le Parquet du Procureur du Roi à Mons le 17 juin 1991, mais que, en suite des interrogations réitérées du directeur régional, ce ne fut que par lettre du 5 mars 1992 que le Procureur du Roi informa celui-ci de sa décision de classement sans suite;

Considérant que le délai de six mois prévu à l'article 81, alinéa 2, de l'arrêté royal précité du 2 octobre 1937 n'a commencé à courir que le 6 mars 1992, tandis que la proposition provisoire de peine disciplinaire a été établie le 18 mars 1992; que, partant, le moyen n'est pas fondé;

Considérant que le requérant prend un moyen, le huitième de sa requête, de la <<Violation des articles 1er et 3 de l'a"êté royal du 1er juin 1964 relatif à la suspension des agents de l'Etat dans l'intérêt du service»; qu'il se plaint d'avoir été illégalement suspendu de ses fonctions, privé de la faculté de faire valoir ses titres à la promotion et à l'avancement de traitement, et privé de la moitié de son traitement; qu'il discerne l'illégalité reprochée dans le fait qu'il n'a pas été préalablement entendu, dans le fait que ces décisions n'ont pas été prises par le Ministre et dans le fait qu'elles ne lui ont pas été notifiées;

Considérant que, avant de se voir suspendu dans l'intérêt du service le 29 octobre 1990, le requérant a été entendu à cinq reprises, comme déjà indiqué ci-avant, dont une dernière fois le 29 octobre même; que, s'étant vu notifier, le 8 novembre 1990, les décision et propositions de l'administrateur général Becco, le requérant marqua sa volonté d'introduire un recours à leur encontre; que, le 19 février 1991, la chambre de recours proposa à l'unanimité le maintien de la suspension dans l'intérêt du service; que le Ministre ratifia l'ensemble de ces mesures par l'acte attaqué qui fut dûment notifié au requérant; que le moyen n'est pas fondé;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats afin de permettre au membre de l'auditorat à désigner par Monsieur I' Auditeur général d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant et d'établir un rapport complémentaire,

(Réouverture des débats)

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'El'PJ - 1994

Page 112: Nos 48.715 à 48.798 Page 1 - KU Leuven · N° 48.719 Arrêls Nos 48.715 à 48.798 Page 2 Vu la demande introduite le 10juin1994 par l'association sans but lucratif Pouvoir Organisateur

N° 48.834

N° 48.834 ARRET du 31août1994 (VI" Chambre) fot-

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

Page 52

MM. Fincoeur, président de chambre, Leroy et Hanse, rapporteur, conseillers, et Gilliaux, auditeur (avis contraire )1•

S.A. GAZEL (M"" Leurquin et Hankenne) c/ Association intercommunale hospitalière de la Basse-Sambre

I. MARCHES DE TRAVAUX, DE FOURNITURES ET DE SERVICES - Appel d'offres - Choix de loffre la plus intéressante

L'exigence de motivation prévue à l'article 44, alinéa 7, de l'arrêté royal du 22 avril 1977 requiert que soient communiqués à ceux des soumissionnaires qui en font la demande les motifs qui ont déterminé la décision, et non la justification de l'ensemble de la procédure, ni les motifs des motifs exprimés.

Cette motivation, destinée aux soumissionnaires qui en font la demande, doit pouvoir être comprise par eux avec une précision suffisante et, dans cette perspective, elle peut faire référence, même implicitement, aux aléas antérieurs de la procédure que ces soumissionnai­res connaissent.

II. PROCEDURE - Mémoire en réplique et mémoire ampliatif - Moyen

Le moyen invoqué pour la première fois dans le mémoire en réplique n'est pas recevable lorsqu'il aurait pu être invoqué dans la requête.

Vu la requête introduite le 23 mars 1990 par la S.A Gaze! qui demande l'annulation de:

«1. la décision de date inconnue prise par ['Association Intercommunale Hospitalière de la Basse-Sambre, Centre Hospitalier de la Basse-Sambre Reine Fabiola, d'attribuer à une firme concurrente le marché relatif au lot n° 2, installations de ventilation et de conditionnement d'air du bloc technique, des travaux de restructuration de la clinique «Centre Hospitalier Reine Fabiola» à Sambreville (ladite décision, sans autre précision, ayant été portée à la connaissance de la requérante, Gazel, par lettre recommandée datée du 12 février 1990, mais qui n'est parvenue au destinataire que le 21février1990);

»2. la décision prise par la même autorité de ne pas adjuger ledit marché à la requérante»;

Considérant que les faits utiles à l'examen de la requête se présentent comme suit:

1. L'Association Intercommunale Hospitalière de Basse-Sambre (A.I.H.B.S.), à Sambreville, est maître de l'ouvrage d'une entreprise de construction d'un complexe hospitalier en voie de restructuration, le «Centre Hospitalier de la Basse-Sambre Reine Fabiola».

Elle a confié la direction technique des travaux à la S.A Sieco de Charleroi.

2. Par lettres du 28 juin 1989, la S.A Sieco invite diverses entreprises à remettre offre de prix pour le lot n° 2, soit «installation de ventilation et de conditionnement d'air». Il s'agit d'un appel d'offres restreint concernant un marché mixte comprenant une partie à bordereau de prix et une partie à prix global.

3. Le 31 août 1989, lors de l'ouverture des soumissions, neuf offres sont dénombrées, dont celle de la requérante, d'un montant hors T.V.A. de 24.361.855 frs et qui apparait comme la plus basse, et celle de la S.A Close, d'un montant de 27.358.814 frs, classée deuxième.

4. Par courrier du 7 septembre 1989, la S.A Sieco fait savoir à la requérante .que l'examen des offres régulièrement déposées révèle que sa soumission s'écarte de plus de 15 % de la moyenne des offres des autres soumissionnaires et présente dès lors un caractère anormalement bas. Elle lui demande de lui fournir les justifications nécessaires afin de vérifier l'éventuelle anormalité du montant annoncé.

5. Le 18 septembre 1989, la requérante répond aux questions posées et fournit à l'appui de ses justifications un dossier de 104 pages.

Elle explique notamment qu'elle compte faire effectuer l'ensemble des travaux à caractère électrique par ses propres équipes, ce qui représente «plus ou moins 1.162.109 frs» et qui suffit à réduire l'écart de son offre par rapport à la moyenne des autres à moins de 15 %.

6. Le 20 septembre 1989, la S.A. Sieco étudie cette réponse et établit un rapport où l'on peut lire notamment ce qui suit:

1 L'avis estimait recevables et fondés dans le cadre du premier moyen les arguments développés dans le mémoire en réplique.

RECUEIL DES ARREI'S DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840 Page 53 N° 48.834

«Le moins quel' on puisse dire est quel' analyse est fort légère et les arguments développés très peu percutants.

»Il est par ailleurs assez contrariant qu'une société fasse autant d'erreurs de calcul de prix dans la partie où elle prétend y puiser ses avantages.

»Afin de mieux faire apparaître les postes où se trouvait la différence de prix de Gazel par rapport aux autres soumissionnaires, nous avons établi deux tableaux de comparaisons.

»Le premier tableau montre que pour la valeur des postes restants (sans la partie électrique) Gazel n'est plus qu'à 10 % de la moyenne et à 3, 7 % par rapport à la société Flakt seconde classée.

»Le second tableau montre que les prix les plus anormalement bas ne sont pas chez Gazel mais Limpens, installateur qui jouit pourtant d'une très bonne renommée sur le marché belge.

»Il montre également que si l'affaire est confiée à la Société Gaze~ elle aura une perte certaine à subir: 2.950.670 (moyenne) - (1.211.702 + 1.162.109) = 576.859 F.

»( ... )

»La société Gaze/ ne doit sa première place qu'en raison du prix de sa soumission dont le caractère anormalement bas s'explique, partie par des prix de matériels électriques dépourvus de marge bénéficiaire normale, partie par des erreurs d'évaluation. De plus, cette société ne possède que très peu de références en milieu hospitalier.

»( ... )

»En conclusion, avant d'a"êter son choix, nous conseillerons le maître de l'ouvrage, afin de parfaire sa conviction, d'entendre de vive voix la société Gaze/ à propos des contradictions de son offre et d'emporter éventuellement l'engagement de ses dirigeants que la qualité de l'installation n'aurait pas à pâtir de la faiblesse des prix. Si après cette démarche, le maître de l'ouvrage, aidé de ses auteurs de proje~ n'en retire pas tous ses apaisements, il faudra désigner comme adjudicataire le second classé».

7. Le 10 octobre 1989, une réunion préparatoire à la décision se tient, dont le compte rendu est libellé comme suit

«Après un examen très approfondi des documents de soumission et de l'analyse faite dans son rapport par le bureau d'études Sieco, ainsi qu'une confrontation très objective des points de vue des participants, la commission a décidé à l'unanimité d'a"êter les positions suivantes:

»a) La SA. Gaze/, plus bas soumissionnaire, ne serait pas interrogée une nouvelle fois sur son offre, attendu que:

»--le caractère anormalement bas de son prix était évident.

>>-les arguments présentés par elle après reconsultation tendant à justifier les prix bas de son offre n'étaient pas suffisamment pertinents.

>>-les références présentées pour des travaux similaires et de même importance étant inexistantes, à l'exception de l'Hôpital Moliere Longchamp à propos duquel aucune conclusion positive ne pouvait être apportée étant donné que les travaux sont toujours en cours d'exécution.

»b) Confier des travaux dont les caractères particulièrement contraignants sont unanimement reconnus, pour un prix aussi mal adapté, risquerait d'engager le maître de l'ouvrage dans des situations graves voire pernicieuses.

»c) Il aurai~ vis-à-vis des soumissionnaires qui ont remis une offre conforme et des prix normaux, une injustice à retenir une proposition entachée d'erreurs».

8. Le 30 octobre 1989, le conseil d'administration de I' Association Intercommunale Hospitalière de la Basse­Sambre prend connaissance de ce rapport complémentaire et adopte les conclusions de la réunion du 10 octobre 1989 par la motivation qui suit:

«Comme convenu, l'architecte et son collaborateur, Monsieur Del/orge, ont revu le dossier de la firme Gaze[ d'une façon très approfondie. Une réunion s'est tenue à leur initiative à laquelle ont participé Monsieur Bodart et le Directeur.

»Monsieur Dermien a été invité à assister également à cette réunion, compte tenu de son importance.

»Le rapport de réunion déposé par Messieurs Lemaitre et Del/orge écarte l'offre de la Société Gazel, compte tenu des arguments suivants:

»1) Prix anormalement bas que la firme n'a pu justifier de façon suffisamment pertinente;

»2) Le manque de référence dans l'installation de climatisation de bloc opératoire alors que ces travaux ont un caractère particulièrement contraignant.

»Il serait donc injuste de retenir cette offre entachée d'erreurs si d'autres soumissionnaires ont remis une offre conforme et à des prix normaux.

»En conclusion, le Conseil marque son accord pour que Monsieur Lemaitre examine avec la même rigueur l'offre classée en seconde position et présentée par la société Close d'Aywaille».

RECUEIL DES ARRHfS DU CONSEIL D'HrΠ- 1994

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N° 48.834

Cette décision constitue le second acte attaqué.

Arrêts Nos 48.799 à 48.840

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9. Le 15 novembre 1989, la S.A Sieco établit un rapport complémentaire qu'elle conclut comme suit:

<clu terme de cette analyse, plus rien ne s'oppose à ce que la firme Close d'Aywaille soit déclarée adjudi-cataire du présent marché au montant de 32.056.106 Frs. ( ... )».

10. Le 27 novembre 1989, le conseil d'administration de la partie adverse décide de confier le marché à la société Close par les motifs suivants:

«Comme convenu, Monsieur Delforge et Monsieur Lemaitre nous ont remis un rapport concernant l'offre de la Société Close d'Aywaille, classée en second lors des soumissions. Il ressort de ce rapport que cette offre est conforme et que rien ne s'oppose à ce que le Conseil désigne cette société comme adjudicataire.

»Les représentants de cette société ont été entendus ce jeudi 23 par Monsieur Bodart entouré de Messieurs Lemaitre et Delforge et des représentants du corps médical, qui avaient été invités à cette réunion pour discuter du programme d'exécution des travaux ...

»En conclusion, le Conseil d 'Administration décide des' en tenir au cahier des charges rédigé antérieurement avec l'accord des chirurgiens et des anesthésistes et à l'unanimité, il désigne la firme Close comme adjudicataire pour la somme de 32.000.813 Frs. T.VA.C.».

Cette décision constitue le premier acte attaqué.

11. Le 22 janvier 1990, la requérante écrit à l'A.l.H.B.S., souhaitant obtenir confirmation officielle de l'attribution du marché à une autre société ainsi que les motifs ayant abouti au déclassement de son offre et au choix d'une offre concurrente. Elle rappelle cette demande le 9 février 1990.

12. Par lettre datée du 12 février 1990 mais parvenue le 21 février, l 'A.l.H.B.S. écrit à la requérante ce qui suit:

«En réponse à votre lettre recommandée de ce 22 janvier, nous vous confirmons que ce marché n'a pu vous être attribué en raison des faits suivants:

>>-le caractère anormalement bas de certains prix de votre offre est évident.

»Lors de notre demande d'explication, les arguments présentés tendant à justifier ces prix bas n'étaient pas suffisamment pertinents et au surplus, vous avez reconnu les e"eurs et renoncé à les rectifier,

>>-les références présentées pour des travaux similaires et de même importance étant inexistantes, à l'exception de ['Hôpital Molière à Longchamps à propos duquel aucune conclusion positive ne peut être apportée étant donné que les travaux sont toujours en cours d'exécution,

>>-confier des travaux dont les caractères particulièrement contraignants sont unanimement reconnus, pour un prix aussi mal adapté, risquerait de nous engager dans des situations graves voire pernicieuses,

>>-il y aurai~ vis-à-vis des soumissionnaires qui ont remis une offre conforme et des prix normaux, une injustice à retenir une proposition entachée d'e"eurs.

»Pour ces motifs, le Conseil d'administration a décidé de ne pas retenir votre offre et de retenir comme adjudicataire du marché la firme Close classée seconde»;

Considérant que la requérante prend un premier moyen «de la violation de l'article 44, alinéa 7, de l'a"êté royal du 22 avril 1977 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services»; qu'elle reproche à l'acte attaqué d'avoir <1ait l'objet d'une décision communiquée à la requérante, qui ne contient aucun motif justifiant tant la comparaison entre les offres à partir de chacun des critères d'attribution du marché que le classement des offres en relation avec ces critères»;

Considérant que l'exigence de motivation prévue à l'article 44, alinéa 7, de l'arrêté royal du 22 avril 1977 précité requiert que soient communiqués à ceux des soumissionnaires qui en font la demande, les motifs qui ont déterminé la décision, et non la justification de la régularité de l'ensemble de la procédure, ni les motifs des motifs exprimés; que cette motivation, destinée aux seuls soumissionnaires qui en font la demande, doit pouvoir être comprise par eux avec une précision suffisante et, dans cette perspective, elle peut faire référence, même implicitement, aux aléas antérieurs de la procédure que ces soumissionnaires connaissent;

Considérant qu'en l'espèce, le moyen invoqué dans la requête n'allègue pas que les motifs exprimés et communiqués de la décision du 30 octobre 1989 n'auraient pas permis à la requérante de connaître ou de comprendre les raisons qui ont déterminé la partie adverse à écarter son offre; qu'elle se contente de soutenir que «cette motivation externe doit indiquer explicitement que la comparaison a été faite entre les soumissions à propos de tous les critères d'attribution du marché, ainsi que les motifs exhaustifs du choix de l'offre de l'adjudicataire», alors qu'elle n'allègue même pas que la comparaison requise des offres n'aurait pas été opérée; qu'il s'agit ainsi d'une critique abstraite, qui ne trouve pas de fondement dans l'article 44, alinéa 7, visé au moyen;

Considérant que, dans son mémoire en réplique, la requérante précise son premier moyen en faisant valoir que la décision du 30 octobre 1989 ne lui permet pas de savoir:

«-quels sont les prix prétendument anormalement bas de la requérante;

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'JID!Œ' - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 55 N° 48.834

>>-pourquoi le maître de l'ouvrage a considéré que les justifications données par la requérante n'étaient pas suffisamment pertinentes»;

Considérant qu'il ne s'agit plus d'une critique abstraite, susceptible d'être adressée à l'encontre de beaucoup de décisions en matière de marchés publics, mais d'un reproche précis, concret, d'une nature diffürente, qui s'apparente à un moyen nouveau d'autant plus que la requérante elle-même en reprend la substance, dans son mémoire en réplique, en prenant un troisième moyen ( <<m0yen nouveau») où elle fait valoir à titre de grief «que le soumissionnaire a le droit de savoir lesquels des postes sont définitivement considérés comme anormalement bas par le maître de l'ouvrage et pour quel motif>>;

Considérant que cette critique et ce moyen nouveaux, sur la base de la seule lettre de la partie adverse du 12 février 1990, auraient pu et donc dû être exposés dans la requête; qu'invoqués tardivement, ils ne sont pas recevables;

Considérant que le premier moyen n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un deuxième moyen «de la violation del' article 14 de la loi du 14 juillet 1976 relative aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, de la violation del' article 42, alinéa 1er, en tant qu'il renvoie aux articles 14 et 25, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 22 avril 1977 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, en ce que l'acte attaqué se donne pour motif que la soumission de la requérante ne comprend pas les pièces reprises en matière de références, alors que le maître de l'ouvrage ne peut par son cahier spécial des charges imposer au soumissionnaire une clause dérogatoire à une disposition de nature réglementaire telle que les articles 14 et 25 de l'arrêté royal du 22 avril 1977 prérappelé»;

Considérant qu'il ressort clairement de la lettre du 12 février 1990 quel' écartement de l'offre de la requérante n'est pas fondé sur l'insuffisance ou l'inexistence de quelconques annexes, mais sur le fait que les références citées par elle à l'appui de sa soumission révélaient son inexpérience en matière de travaux particulièrement délicats, similaires à ceux faisant l'objet du marché; que, partant, le moyen manque en fait;

Considérant que, dans son mémoire en réplique, la requérante précise son moyen en soutenant qu'il faisait <<grief aux actes attaqués d'avoir écarté la soumission de la requérante au motif que cette soumission n'aurait pas contenu de références pour des travaux similaires alors que le cahier spécial des charges ne peut déroger à une disposition de nature réglementaire»;

Considérant que la requérante prétend ainsi modifier radicalement, dans son mémoire en réplique, la nature et la portée du moyen qu'elle a invoqué dans sa requête; qu'il ne s'agirait plus d'un reproche concernant l'absence matérielle de pièces en annexe à la soumission, mais bien l'illégalité alléguée, en tant que critère d'attribution, de l'exigence de références pour des travaux similaires; qu'ainsi interprété, ce moyen est nouveau;

Considérant cependant que, sur la seule base du cahier spécial des charges et de la lettre du 12 février 1990, ce moyen nouveau aurait pu, et donc dû, être porté dans la requête; que, tardif, il n'est pas recevable,

(Rejet - dépens à charge de la requérante).

N° 48.835

ARRET du 31 août 1994 (VP Chambre) MM. Fincoeur, président de chambre, Leroy et Hanse, rapporteur, conseillers, et Mme Debusschere, auditeur.

BEAUFILS (Me Detry) c/ La Poste

AGENTS DE L'ETAT - Cessation des fonctions - Démission d'office - Abandon de poste - Cas spécial de la fin du congé de maladie

En présence de l'allégation d'un élément médical nouveau, apparu après la compa­rution de l'agent devant la commission des pensions et après les appréciations portées par le Service de santé administratif justifiant une incapacité relativement longue, l'autorité ne peut se contenter d'appréciations médicales antérieures pour conclure à une absence injus­tifiée.

Vu la requête introduite le 9 août 1993 par Ghislain Beaufils qui demande l'annulation de l'arrêté du 30 juin 1993 qui le démet d'office et sans préavis de ses fonctions d'agent des postes principal à la date du 9 mars 1993;

Vu les arrêts n° 44.227 du 24 septembre 1993, n° 44.792 du 3 novembre 1993 et n° 44.836 du 5 novembre 1993, qui aboutissent à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de l'acte attaqué;

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'Eflil' - 1994

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N° 48.835

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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Considérant que les faits utiles à l'examen de la requête sont exposés dans l'arrêt n° 44.227 du 24 septembre 1993;

Considérant que le requérant prend un moyen, le quatrième de sa requête, de l'absence ou de la fausse motivation et de l'excès de pouvoir; qu'il reproche à la partie adverse d'avoir estimé qu'il s'était absenté sans motif valable, alors qu'il avait d'excellentes raisons médicales de ne pas se présenter au travail; qu'il soutient que, après l'examen de son dossier par le Service de santé administratif et la décision prise par celui-ci le 7 janvier 1993, un élément médical nouveau est apparu, justifiant une nouvelle incapacité de travail de 61 jours à partir du 1er mars 1993;

Considérant que, en présence de l'allégation d'un élément médical nouveau, apparu après la comparution du requérant devant la Commission des pensions en janvier 1993 et après les appréciations portées par le Service de santé administratif les 10 et 18 février 1993, et justifiant une incapacité relativement longue, la partie adverse ne pouvait se contenter d'appréciations médicales antérieures pour conclure à une absence injustifiée;

Considérant, par ailleurs, que la lettre du 9 mars 1993 dont se prévaut la partie adverse pour conclure à l'absence d'élément médical nouveau, ne saurait se voir reconnaître cette portée compte tenu de son imprécision;

Considérant que la partie adverse ne pouvait raisonnablement estimer que l'absence persistante du requérant n'était justifiée par aucun élément médical nouveau;

Considérant que le moyen est fondé;

Considérant que l'examen des autres moyens, à les supposer fondés, ne pourrait conduire à une annulation aux effets plus étendus,

(Annulation de l'arrêté du 30 juin 1993 qui démet Ghislain Beaufils de ses fonctions d'agent principal des postes, d'office et sans préavis, à la date du 9 mars 1993 - dépens à charge de la partie adverse).

N° 48.836

ARRET du 31août1994 (VIe Chambre)

P., u 1 'Ù [ ' 1

MM. Fincoeur, président de chambre, Leroy et Hanse, rapporteur, conseillers, et Fortpied, premier auditeur.

COMMUNE DE SCHAERBEEK c/ Office national de sécurité sociale des admini­strations provinciales et locales

1. PROCEDURE - Requête - Objet - A des actes postérieurs à l'acte attaqué - Acte rectifiant l'acte attaqué

L'administration d'une bonne justice requiert l'extension d'office du recours à la décision qui se limite à apporter une motivation à l'acte attaqué.

II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante - Motivation trop générale

Doit être annulé, l'acte dont la motivation tautologique et arbitraire ne repose sur aucun élément concret du dossier.

Vu la requête introduite le 29 mars 1992 par la commune de Schaerbeek qui demande l'annulation de «la décision du Comité de gestion de ['Office national de Sécurité sociale des Administrations provinciales et locales (O.N.S.SA.P.L.) du 20 janvier 1992 de maintenir le paiement des amendes relatives aux mois de janvier à avril 1991, soit 427.900 francs pour le matricule 9-2421-77 et 92.000 francs pour le matricule 9-5421-70»;

Considérant que les faits de la cause se présentent comme suit:

1. Plus particulièrement depuis juillet 1989, la requérante éprouve des difficultés à rentrer ses déclarations lnami auprès de la partie adverse conformément aux instructions en vigueur.

2. Le 7 novembre 1990, la requérante adresse à la partie adverse une lettre dans laquelle elle explique notamment les raisons de ces difficultés et les perspectives de les résoudre:

«Uw brief van 20 oktober ll. met betrekking tot de verbeteringen die dienen aangebracht te worden op de aangiften inzake inhouding op pensioenen, weerhield onze ganse aandacht.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETXl' - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840 Page 57 N° 48.836

»Alhoewel wij werkelijk bezield zijn met de intentie om tot de door U gevraagde verbeteringen over te gaan, moeten wij U laten weten dat de materiële middelen waarover ons automatiecentrum op het ogenblik beschikt, de taak tot aanpassing der berekeningen uiterst moeilijk, zoo niet onmogelijk maken.

»Inderdaad, het huidig funktionnerend informatikaprogramma werd niet voorzien om tot deze berekeningen over te gaan, aangezien zij steeds werden uitgevoerd door de RIZIV, dit op verzoek van de RSZ.

»Het is ons niet mogelijk genoemd programma voorshands te wijzigen, hoe het ook zij, over enkele maanden zullen wij een nieuwe toepassing krijgen, toepassing die ons in staat zou moeten ste,Zlen het probleem op te lossen».

3. Le 5 avril 1991, devant la persistance de ces difficultés, l'administrateur général adjoint de la partie adverse Jeurissen écrit à la requérante ce qui suit:

<<Suite à l'entrevue qu'a eue mon inspecteur principal, Monsieur Noel, avec Monsieur Bouvier, secrétaire communal, en date du 22 mars 1991 au sujet de vos déclarations Inami et étant donné que vos services ne sont toujours pas en mesure d'établir correctement ces documents, je me vois dans l'obligation, afin de régulariser cette situation qui a déjà trop duré, d'envoyer deux de mes agents auprès de votre administration afin d'établir sur place les déclarations en cause.

»Ainsi que la loi du 1er août 1985 m'y autorise, les frais de missions seront portés à charge de votre administration.

»La durée prévisible des travaux que cette mesure implique, ainsi que leur incidence financière, ont été communiquées à vos services, à savoir 117.357 F (soit 4 semaines à l'index actuel).

»Dans la mesure du possible et pour répondre à votre souhait, il sera envisagé d'effectuer ces travaux avec le moins d'interruptions possibles à partir du 6 mai 1991.

»Je vous informe enfin qu'une fois ces régularisations terminées, il sera systématiquement fait application des sanctions prévues par la loi sur toute déclaration incorrecte ou qui ne serait pas transmise dans les délais impartis».

4. Par lettre du 22 avril 1991, le collège des bourgmestre et échevins de la requérante marque son accord au sujet de la mise à la disposition de deux agents chargés de régulariser les déclarations Inami litigieuses et sur l'incidence financière de ces travaux.

5. Le 19 aoftt 1991, la partie adverse envoie à la requérante la copie de ses déclarations corrigées lors du contrôle du 6 mai au 10 juin 1991. Elle lui réclame en outre les frais de mission de ses inspecteurs (120.946 F) ainsi que 2.341.400 F et 352.900 F à titre de sanctions.

6. Le 10 septembre 1991, la requérante écrit à la partie adverse en ces termes:

«Votre envoi du 19 août 1991 nous est bien parvenu.

»En séance du 10 septembre 1991, le collège des bourgmestre et échevins a décidé d'ordonnancer à votre profit la somme de 120.946 F représentant les frais de mission de vos inspecteurs pour la période du 6 mai au 10 juin 1991.

»Pour le reste, le collège s'est étonné de vos exigences quant au paiement des sanctions. Par votre lettre du 5 avril 1991, dont copie en annexe, vous nous faisiez en effet savoir que ces sanctions ne seraient appliquées qu'à l'avenir et pour autant que nous persistions dans les retards que vous nous reprochiez.

»Il est donc clair que vous nous aviez accordé l'exonération prévue à l'article 7 de l'arrêté royal du 25 octobre 1985 et c'est en fonction de cela que nous avions décidé de vous apporter toute collaboration dans les travaux de régularisations sans plus chercher à contester notre responsabilité.

»Nous vous remercions de bien vouloir nous confirmer que la somme de 2.694.300 F réclamée à titre de sanction n'est pas due».

7. Le 28 octobre 1991, la partie adverse répond comme suit:

«Votre courrier du 10 septembre 1991 a retenu toute notre attention.

»Il nous semble, à la lecture de cette lettre, que vos services ont mal interprété les termes du courrier de Monsieur Jeurissen du 5 avril 1991. Le fait de vous annoncer l'application systématique des sanctions légales à partir de la date de clôture des régularisations, n'impliquait nullement le renoncement à ces sanctions pour la période antérieure à cette date.

»( ... )

»Dans l'état actuel des choses, les montants réclamés par notre lettre du 19 août 1991 nous sont donc bien dus. Néanmoins, votre requête sera soumise à notre prochain Comité de gestion, lequel statuera sur une éventuelle exonération des sanctions concernées».

8. Le 2 décembre 1991, le comité restreint de la partie adverse est saisi de la demande d'exonération des sanctions avec la proposition suivante:

«Compte tenu des nombreux courriers adressés en rappel, de la mauvaise volonté de notre affilié et des lettres dont copie en annexe, nous proposons au comité restreint de maintenir ces sanctions».

RECUEIL DES ARRHfS DU CONSEIL D'EfPU - 1994

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N° 48.836

L'avis décidé le 9 décembre 1991 par le comité restreint est libellé comme suit:

«exonérer 07/89 - 12/90».

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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9. Le 13 janvier 1992, dans une note n° 4/92, il est proposé au Comité de gestion, sous forme de tableau, d'exonérer la requérante des sànctions pour la période de juillet 1989 à décembre 1990 inclus et de maintenir les sanctions pour la période de janvier à avril 1991 inclus. L'exonération serait motivée comme suit: «article 1er, 2°, B, règlement», tandis que le maintien serait motivé comme suit: <~rticle 6 arrêté royal 25.10.85».

10. Le 20 janvier 1992, la décision du Comité de gestion est actée comme suit au procès-verbal de la réunion:

<<Le Comité de gestion marque à l'unanimité son accord sur les propositions formulées par le comité restreint en séance du 1er juillet 1991 en ce qui concerne les demandes d'exonération introduites par les administrations affiliées figurant en annexe à la note 4/92».

Il s'agit de la décision attaquée.

11. Le 3 février 1992, la partie adverse écrit à la requérante ce qui suit:

<<Nous vous informons que, lors de sa séance de ce 20 janvier, notre Comité de gestion a décidé d'exonérer les sanctions vous appliquées pour la rentrée tardive de vos déclarations Inami des mois de juillet 1989 à décembre 1990.

»Par contre, il maintient le paiement des amendes relatives aux mois de janvier à avril 1991, soit 427.900 F pour le matricule 9-2421-77 et 92.900 F pour le matricule 9-5421-70.

»( ... )».

12. Une note du 9 juin 1992 informe le Comité de gestion de la partie adverse à propos du recours introduit auprès du Conseil d'Etat, notamment quant à l'obligation de motiver, à ses modalités et à son étendue. On peut y lire ce qui suit à propos des motifs précis qui ont déterminé la décision attaquée:

<<Si la commune n'a procédé de la sorte, c'est pour la raison simple qu'elle n'a aucun motif à faire valoir pour prétendre à une demande d'exonération ni davantage aucun reproche à faire à l'office quant à la décision d'exonérer partiellement des sanctions si ce n'est sur le plan de la motivation formelle de la décision. En effe~ si des difficultés informatiques peuvent constituer des circonstances exceptionnelles justifiant le retard dans la rentrée des déclarations, encore faut-il que la commune mette tout en œuvre pour supprimer ces difficultés. La décision de n'exonérer partiellement des sanctions tient compte de la carence de notre affilié et de sa mauvaise volonté constatée par nos services à faire disparaître les difficultés précitées. Il est à noter que ces difficultés n'ont toujours pas disparu à Schaerbeek».

13. Le 13 juillet 1992, le Comité de gestion de la partie adverse examine à nouveau le «recours de la commune de Schaerbeek auprès du Conseil d'Etat contre la décision du Comité de gestion prise le 20 janvier 1992, de maintenir le paiement des sanctions relatives aux déclarations Inami des mois de janvier à avril 1991».

Le procès-verbal de la réunion, à cet égard, porte notamment ce qui suit:

«( ... )

»Après un échange de vues, le Comité de gestion, unanime, décide de réécrire à la commune de Schaerbeek pour lui confirmer sa décision en motivant la décision de maintien d'une partie des sanctions (janvier à avril 1991)».

14. Le 24 juillet 1992, la partie adverse écrit à la requérante ce qui suit:

«Je vous informe que, lors de sa séance du 13juillet1992, le Comité de gestion de mon office a confirmé sa décision de maintenir les sanctions relatives à la rentrée tardive de vos déclarations de retenues sur pensions pour la période du 1er janvier 1991 au 30 avril 1991, soit au-delà de décembre 1990 (voir pièce en annexe).

»Il continue à estimer que l'adaptation de vos programmes informatiques ne pouvait en tout cas justifier de délais supérieurs à 18 mois, soit au-delà de décembre 1990.

»Les sanctions détaillées ci-dessous étaient dès lors bien dues à mon office: »-janvier 1991: 106.300F, »-février 1991: 106.600 F, »-mars 1991: 107.900 F, »-avril 1991: 107.100 F»;

Considérant que, dans son dernier mémoire introduit le 3 décembre 1992 et à la lumière du rapport de l'auditeur, la requérante estime notamment que son recours «n'estpas devenu sans objet à l'égard de l'acte attaqué par la requête et qu'il doit être étendu d'office à la décision du Comité de gestion du 13 juillet 1992»;

Considérant que, par lettre du 5 janvier 1993, la partie adverse a fait savoir qu'elle ne déposerait pas de dernier mémoire; que toutefois, dans une lettre du 25 avril 1994, elle évoque «la décision prise par l'office de retirer sa décision initiale et de la remplacer par une autre, motivée, au sens de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs»;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'E'IN - 1994

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Arrêts Nos 48.799 à 48.840 Page 59 N° 48.836

Considérant que l'administration d'une bonne justice requiert l'extension d'office du recours à la décision du 13 juillet 1992, celle-ci se limitant à apporter une motivation à celle du 20 janvier 1992;

Considérant que la requérante prend un moyen unique «de la violation des articles 5 et 6 de l 'a"êté royal du 25 octobre 1985 portant exécution du Chapitre 1er, section 1er, de la loi du 1•r août 1985 portant des dispositions sociales, de la violation de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, de la contrariété dans les motifs, de l'e"eur manifeste d'appréciation et de l'excès de pouvoir»;

Considérant que, dans une première branche, elle reproche à l'acte attaqué du 20 janvier 1992 de n'être pas motivé;

Considérant que ce reproche est fondé; que, d'ailleurs, la partie adverse en convient; que, dans l'incertitude qui demeure quant à savoir si cet acte du 20 janvier 1992 a été retiré, il y a lieu d'en prononcer l'annulation;

Considérant, quant à la décision du 13 juillet 1992, que ce reproche d'absence de motivation formelle n'est pas fondé;

Considérant toutefois que la requérante, dans une seconde branche du moyen, reproche à la décision du 13 juillet 1992 de «constituer un revirement par rapport à la position prise par l'administration» dans la lettre du 5 avril 1991 qui informait «qu'une fois ces régularisations terminées, il (serait) systématiquement fait application des sanctions prévues par la loi sur toutes déclarations incorrectes ou qui ne seraient pas transmises dans les délais impartiS>>; qu'elle souligne que l'acte attaqué laisse ignorer les motifs de ce revirement;

Considérant que la lettre du 5 avril 1991 ne peut être interprétée comme annonçant une exonération des sanctions pour le passé; que, pour le passé, elle est muette, et qu'aucune décision quant à ce ne saurait être déduite de ce silence; que, par rapport à son contenu, la décision attaquée ne saurait donc constituer un revirement quelconque, dont l'ignorance des motifs pourrait être reprochée; qu'en cette branche, le moyen n'est pas fondé;

Considérant que la requérante, dans une troisième branche, soutient «qu'il est déraisonnable( ... ) d'accorder une exonération pour les périodes de juillet 1989 à décembre 1990 mais de la refuser pour les périodes de janvier à avril 1991, les mêmes causes, à savoir des difficultés informatiques, produisant les mémes effets pour toutes ces périodes»; que, selon elle, «cette contradiction n'est en rien levée par l'appréciation selon laquelle l'adaptation des programmes informatiques nécessaires ne pouvaient justifier des délais supplémentaires à 18 mois»; qu'elle souligne que «cette appréciation ne repose sur aucun élément concret du dossier»; qu'elle fait valoir à cet égard les contraintes financières qui ont bloqué tout recrutement, notamment d'informaticien, et tout investissement important en matière d'informatique, outre «l'opacité des instructions données par l'O.N.S.SA.P.L.» elle-même;

Considérant que motiver l'acte attaqué en estimant «que l'adaptation (des) programmes informatiques ne pouvait en tout cas justifier de délais supérieurs à 18 mois, soit au-delà de décembre 1990» relève de la tautologie et de l'arbitraire; que cette appréciation ne repose sur aucun élément concret du dossier; qu'en cette branche, le moyen est fondé,

(Le recours est étendu à la décision du 13 juillet 1992 - annulation des décisions du Comité de gestion de l'Office national de Sécurité sociale des Administrations provinciales et locales des 20 janvier 1992 et 13 juillet 1992 par lesquelles sont maintenues les amendes relatives aux mois de janvier à avril 1991, soit 427.900 francs pour le matricule 9-2421-77, et 92.000 francs pour le matricule 9-5421-70-dépens à charge de la partie adverse) .

N° 48.837 ARRET du 31août1994 (VIe Chambre)

.f fo1 l -

MM. Fincoeur, président de chambre, Leroy et Hanse, rapporteur, conseillers, et Nihoul, auditeur.

S.A de droit français SOCIETE INFORMATIQUE EUROPEENNE «S.l.E.» (Mes Regout et Maussion) c/ Etat belge représenté par le ministre de la Défense nationale et par les autres ministres (Mes Gillet et Lambert)

I. PROCEDURE - 1° Requête - Objet - Disparition en cours d'instance - Retrait de l'acte attaqué; - 2° Non lieu de statuer; - 3° Dépens

Le retrait de l'acte attaqué rend le recours sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer. Les dépens sont mis à charge de la partie adverse.

II. INTERET (POUR AGIR DEVANT LE CONSEIL D'ETA1) - Classement selon le contentieux ou selon la nature de l'acte attaqué - Recours contre une décision favorable au requérant

Le requérant est sans intérêt à attaquer une décision qui lui donne satisfaction.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'EfXI' - 1994

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N° 48.837

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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m. MARCHES DE TRAVAUX, DE FOURNITURES ET DE SERVICES -Appel d'offres - Choix de l'offre la plus intéressante

En l'espèce, le soumissionnaire évincé requérant n'indique pas quelles données précises des informations financières et bilantaires jointes à son offre par l'adjudicataire auraient da amener l'administration à considérer que cette dernière ne présentait manifestement pas les garanties financières requises .

... Alors spécialement qu'il ne résulte pas à l'évidence du dossier administratif un déséquilibre hors de toute proportion entre les garanties financières du requérant et celles de l'adjudicataire.

IV. PROCEDURE - Requête - Exposé des faits et des moyens - Délai de production des moyens

Le moyen nouveau invoqué dans une requête complémentaire introduite après l'expiration du délai de recours est tardif lorsque cette requête a été introduite plus de soixante jours après que le requérant a eu connaissance du fait sur lequel il est fondé.

V. PROCEDURE - Réouverture des débats

Vu la requête introduite le 3 décembre 1991 par la société anonyme de droit français <<Société informatique européenne, en abrégé S.J.E.» qui demande l'annulation de:

«1. la décision de date inconnue par laquelle le Ministre de la Défense nationale a renoncé à la procédure d'appel d'offres et recouru, vu l'urgence, à la procédure du gré à gré pour attribuer à la SA. Telinfo Integrated Systems le marché portant sur la mise à la disposition dans les Centres de traitement de l'information (C.T.I.) de la Défense nationale et de la Gendarmerie du personnel spécialisé en informatique et télécommunication, à condition

· que cette société dépose une garantie bancaire de bonne exécution du marché d'un montant de 50 millions de francs;

»2. la décision du C.M.C.E.S. du 11octobre1991 de ne pas donner suite à l'appel d'offres portant les références SAIB 024006 et d'autoriser le Ministre de la Défense nationale à conclure un marché de gré à gré avec la société Telinfo Integrated Systems aux conditions précitées»;

Vu la requête introduite le 20 février 1992 par la même société anonyme de droit français, Société Informatique Européenne, en abrégé S.l.E., qui demande l'annulation des trois décisions suivantes:

«1. la décision du 29 novembre 1991, par laquelle le Conseil des Ministres renonce à la procédure _ d'attribution par la voie du gré à gré, du marché portant sur la mise à la disposition dans les Centres de Traitement de l'information (CU) de la Défense nationale et de la Gendarmerie du personnel spécialisé en informatique et télécommunication (marché SAIB 024006) et reprend la procédure d'appel d'offres;

»2. la décision de date inconnue, portée à la connaissance de la requérante le 24 décembre 1991, par laquelle le Ministre de la Défense nationale ne retient pas l'offre de la requérante déposée dans le cadre du marché SAIB 024006 précité;

»3. la décision du 9décembre1991, portée à la connaissance de la requérante le 7 février 1992, par laquelle le Ministre de la Défense nationale attribue le marché SAIB 024006 précité à la SA. Telinfo Integrated Systems»;

Vu la requête complémentaire introduite le 30 avril 1992 par la même requérante, qui étend «pour autant que de besoin» sa demande d'annulation à la décision du 16 décembre 1991 par laquelle le Ministre de la Défense nationale a levé la restriction contenue dans sa décision du 9 décembre 1991 et limitant l'attribution du marché SAIB 024006 précité à la partie «Gendarmerie»;

Considérant que les faits utiles à l'examen des requêtes se présentent comme suit:

1. Le 22 février 1991, le bulletin des adjudications publie un avis selon lequel le ministère de la Défense na­tionale a décidé de procéder à un appel d'offres général en vue del 'attribution d'un «marché de services pluriannuel ouvert en un lot unique relatif à la mise à la disposition dans les Centres de Traitement de l'information (C.T.I.) de la Défense nationale et de la Gendarmerie, de personnel spécialisé en informatique et télécommunications».

Le cahier spécial des charges n° 024006/001074 relatif à ce marché précise notamment ce qui suit:

«- 7. Cautionnement.

>>S'agissant d'un marché de services, aucun cautionnement n'est exigé.

>>-11. Critères d'attribution du marché.

»L'autorité compétente choisit la soumission régulière la plus intéressante tenant compte, dans l'ordre décroissan~ des critères d'attribution ci-dessous:

»a. Le montant du marché.

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 61 N° 48.837

. »b. Les garanties offertes par les soumissionnaires afin d'assurer la continuité entre la situation actuelle et future.

»c. Les garanties professionnelles et financières des soumissionnaires, en ce compris leurs références.

»d. Le délai de mise à disposition».

2. Le 17 avril 1991, l'ouverture des soumissions révèle que onze firmes, dont la requérante et la société Telinfo Integrated Systems ont remis une ou plusieurs offres.

3. Le 24 mai 1991, le rapport d'attribution établi par l'administration de la partie adverse retient sept offres conformes au cahier des charges et propose d'attribuer le marché à la société Telinfo, son offre étant considérée comme la plus intéressante sur la base des critères d'attribution prévus, tandis que l'offre de la requérante est classée en deuxième position.

4. Le 3 juin 1991, l'inspection des finances déclare ne pas émettre d'objection à cette proposition.

5. Le 17 septembre 1991, le Ministre del 'Intérieur et de la Fonction publique, s'étant vu soumettre le dossier, insiste sur la nécessité d'assurer la continuité indispensable à la bonne gestion des divers centres informatiques concernés, et, sous cette réserve, émet un avis favorable.

6. Dans une note du 1er oc1Dbre 1991, le Ministre de la Défense nationale <propose au C.M.C.E.S. d'approuver l'attribution de ce marché ouvert à la firme Telinfo Integrated Systems s.a. ( ... ) suite à une procédure en appel d'offres général».

7. Le 11 oc1Dbre 1991, le Comité ministériel de coordination économique et sociale (C.M.C.E.S.) décide notamment ce qui suit

«Il n'est pas donné suite à l'appel d'offres portant les références SAIB 024006.

»Vu l'urgence, le Ministre de la Défense nationale est autorisé à conclure un marché de gré à gré avec la société Telinfo I.S., sur base du cahier spécial des charges et de l'offre déposée lors de la procédure visée au point 1, à condition que cette société dépose une garantie bancaire d'un montant de 50 millions de FB portant sur l'exécution des engagements souscrits dans l'offre précitée et ce sans augmentation de prix; à défaut, les soumissionnaires seront consultés aux mêmes conditions et selon leur classement lors de l'appel d'offres».

Cette décision constitue le second acte attaqué par le recours introduit le 3 décembre 1991.

8. Le 16 oc1Dbre 1991, la B.B.L. marque à Telinfo son accord d'émettre en sa faveur une garantie de bonne exécution de 50 millions de francs.

9. Par ordonnance du 14 novembre 1991, le Président du Tribunal de Première Instance de Bruxelles siégeant en matière de référés, saisi par la requérante, «fait défense à l'Etat belge, aussi longtemps qu'il n'aura été statué au fond sur la régularité de la procédure d'attribution du marché de gré à gré, d'attribuer à la SA. Telinfo Integrated Systems, le marché portant sur la mise à la disposition dans les Centres de Traitement de l'information (C.T.I.) de la Défense Nationale et de la Gendarmerie de personnel spécialisé en informatique et télécommunication et ce sous peine d'une astreinte de 30 millions de francs» et «au cas où la décision d'attribution aurait déjà été prise, fait défense à l'Etat belge, sous la même astreinte, de notifier cette décision à la SA. Telinfo Integrated Systems, et partant, de conclure le contrat avec celle-ci, et ce, tant qu'il n'aura pas été statué définitivement par le Conseil d'Etat et/ou les cours en tribunaux de ['Ordre judiciaire, sur la légalité de la décision d'attribuer le marché».

Le tribunal a considéré, en substance, que l'urgence n'était manifestement pas invoquée à bon droit.

10. Le 28 novembre 1991, une note du Ministre de la Défense nationale au Conseil des Ministres tire les conséquences de cette décision et envisage trois solutions:

- recommencer une nouvelle procédure, - reprendre le marché en son état du 10 oc1Dbre 1991, - recruter le personnel civil actuel en tant que contractuel au profit de la Gendarmerie uniquement.

L'annexe B de cette note explicite la deuxième solution notamment comme suit

«la décision du C.M.C.E.S. de ne pas poursuivre l'appel d'offres général initial pou"ait être retirée en totalité et l'attribution de ce marché suivant la procédure initiale pourrait être approuvée».

11. Le 29 novembre 1991, le Conseil des Ministres marque son accord sur la deuxième solution envisagée par la note du 28 novembre 1991.

Cette décision constitue le premier acte attaqué par le recours introduit le 20 février 1992.

12. Le 2 décembre 1991, le Ministre de la Défense nationale au1Drise la société Telinfo à lever la garantie bancaire de 50 millions de francs constituée afin de garantir la bonne exécution du contrat envisagé.

13. Le 9 décembre 1991, le Ministre de la Défense nationale prend une «décision motivée» libellée comme suit:

«Objet: Décision motivée prise en application de l'article 44 de l'a"êté royal du 22 avril 1977 concernant l'appel d'offres général relatif à la mise à disposition dans les Centres de Traitements de ['Information de la Défense

RECUEIL DES ARRHI'S DU CONSEIL D'HfM - 1994

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N° 48.837

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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nationale et de la Gendarmerie de personnel spécialisé en informatique et télécommunications. Marché selon le Cahier Spécial des Charges SAIB 024006 du 22 février 1991.

»1. Généralités

»a. Il s'agit d'un marché pluriannuel ouvert de services en un lot unique passé par appel d'offres général Par décision du CMCES en date du 11 octobre 1991, le mode de passation a été modifié en gré à gré.

»b. Le Cahier Spécial des Charges (CSCh) a été diffusé le 22 février 1991.

»Publicité a été faite via le Bulletin des Adjudications (N° 8 du 22 février 1991). L'ouverture publique a eu lieu le 17 avrif 1991.

»c. 11 firmes ont déposé un total de 14 offres ( ... )

»2. Détermination des soumissions non conformes ( ... )

»En conclusion, restent conformes les offres des sept firmes suivantes

»(1) Cap Gemini

»(2) Datelnet

»(3) ECSEM; offre N° 1

»(4) Firstline

»(5) OS/

»(6) SIE

»(7) Telinfo Integrated Systems.

»3. Classement des soumissions conformes

»a. Le§ 11 du CSCh donne les critères d'attribution du marché dans l'ordre décroissant

»(1) Le montant du marché,

»(2) Les garanties offertes par les soumissionnaires afin d'assurer la continuité entre la situation actuelle et fu.ture,

»(3) Les garanties professionnelles et financières des soumissionnaires en ce compris leurs références,

»(4) Le délai de mise à disposition.

»b. Les poids de ces quatre critères ont été fixés lors de la diffisuion du CSCh.

»c. En lisant x >y: l'offre de la firme x domine celle de la firme y, l'analyse des offres indique

»(1) Montant du marché

»OS/ > Firstline > ECSEM 1 > Telinfo > Datelnet > SIE > Cap Gemini

»(2) Garanties de continuité

>>SIE = Telinfo > ECSEM N° 1 > Cap Gemini > Datelnet = Firstline = OS/

»(3) Garanties professionnelles et références

»Cap Gemino = Telinfo > SIE > Datelnet = ECSEM 1 > OS/ > Firstline

»(4) Délai de mise à disposition

»Cap Gemini = Datelnet = ESCEM 1 = Firstline = OS/ = SIE = Telinfo

»d. Au sens des critères d'attribution e~ par application d'une méthode d'analyse multicritères, le classement final des offres est le suivant

»TELINFO I.S. > SIE > ECSEM 1 > OS/ > FIRSTLINE > DATELNET > CAP GEMINI

»e. En conclusion, l'offre de la firme Telinfo Integrated Systems est la plus intéressante au sens de l'article 14 de la loi du 14 juillet 1976 reletati aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

»4. Décision

»Vu la note au Conseil des Ministres du 28.11.1991 et la notification du 29.11.1991 et tenant compte du fait que l'accord du CMCES sera demandé avant la reconduction éventuelle;

»Conformément à la loi du 14 juillet 1976 relative aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services;

»J'ai décidé d'attribuer ce marché pluriannuel ouvert à la firme Telinfo Integrated Systems s.a. ( ... ) pour la partie relative à la Gendarmerie».

Cette décision comprend les deuxième et troisième actes attaqués par le recours introduit le 20 février 1992.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETM' - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 63

14. Le 16 décembre 1991, le Ministre de la Défense nationale décide comme suit

N° 48.837

<<La restriction limitant la décision motivée du 9 décembre 1991 à la partie relative à la Gendarmerie est levée».

Cette décision constitue l'acte attaqué par la requête complémentaire introduite le 30 avril 1992.

15. Les 20 décembre 1991 et 5 janvier 1992, la partie adverse informe la requérante que son offre n'a pas été retenue.

16. Par lettre du 10 février 1992, la requérante demande à la partie adverse de lui communiquer copie de la décision motivée d'attribution du marché.

17. Par lettre du 28 février 1992, la partie adverse satisfait à cette demande;

Considérant que les affaires sont connexes; qu'il y a lieu de les joindre;

Considérant que la requérante demande que soit écarté des débats le mémoire en réponse complémentaire des parties adverses envoyé au Conseil d'Etat le 27 juillet 1992; qu'elle soutient en effet qu'il aurait été envoyé tardivement;

Considérant que la requête complémentaire du 30 avril 1992 a été notifiée par lettre du 25 mai 1992 aux parties adverses qui l'ont reçue les 26 et 27 mai 1992; que le délai de 60 jours n'a pris cours au plus tôt que le 27 mai pour n'expirer que le samedi 25 juillet 1992; qu'en application de l'article 88, alinéa 2, du règlement général de procédure, le jour de l'échéance a été reporté au lundi 27 juillet 1992, date à laquelle le mémoire en réponse complémentaire a été déposé, soit dans le délai légal; qu'il n'y a donc pas lieu de l'écarter des débats;

A. Quant au premier recours, introduit le 3 décembre 1991:

Considérant que les parties adverses contestent la recevabilité du recours introduit le 3 décembre 1991, estimant qu'il est devenu sans objet et qu'il n'y a plus lieu de statuer; que, selon elles, «la décision du C.M.C.E.S. du 11octobre1991 de ne pas donner suite à l'appel d'offres général et, vu l'urgence, d'autoriser le Ministre de la Défense nationale à conclure un marché de gré à gré avec la société Telinfo Integrated Systems à condition que cette société dépose une garantie bancaire, a été retirée, puisque la procédure a été reprise dans son état du 10 octobre 1991, c'est-à-dire à la veille de la décision critiquée du C.M.C.E.S.»;

Considérant que la requérante réplique qu'elle «conserve un intérêt à poursuivre l'annulation des deux actes attaqués par le présent recours nonobstant la décision du Conseil des Ministres de reprendre la procédure d'appel d'offres» qu'elle discerne cet intérêt, alors que, selon elle, «les parties adverses restent toutefois en défaut de produire une quelconque décision de retrait émanant du C.M.C.E.S., seul compétent pour retirer ses décisions», dans le fait que «l'annulation des actes visés dans la requête du 20 février 1992, non accompagnée de l'annulation des actes visés par le présent recours, pennettra donc à ces derniers de sortir tous leurs effets»; qu'elle discerne encore cet intérêt dans le fait que les actes attaqués par le premier recours <1orment un tout avec les actes attaqués par la requête du 20 février 1992»;

Considérant que, en ce que le recours du 3 décembre 1991 attaque «la décision de date inconnue par laquelle le Ministre de la Défense nationale a renoncé à la procédure d'appel d'offres et recouru, vu l'urgence, à la procédure du gré à gré, pour attribuer à la SA. Telinfo Integrated Systems le marché portant sur la mise à la disposition dans les Centres de Traitement de l'information (C.T.I.) de la Défense nationale et de la Gendarmerie, du personnel spécialisé en informatique et télécommunication, à condition que cette société dépose une garantie bancaire de bonne exécution du marché d'un montant de 50 millions de francs», il y a lieu de constater qu'une telle décision n'a jamais existé; qu'en effet, à l'issue de la première phase de la procédure d'appel d'offres, le Ministre n'a pris d'autre décision que de «proposer au CMCES d'approuver l'attribution de ce marché ouvert à la firme Telinfo ( ... )»comme le montrent les termes de sa note du 1er octobre 1991; que la décision de renoncer à la procédure d'appel d'offres et de recourir, vu l'urgence, à la procédure du gré à gré, a été prise par le C.M.C.E.S. et constitue la seconde décision attaquée par le recours du 3 décembre 1991; que ce dernier recours manque donc d'objet quant au premier acte qu'il vise;

Considérant que, en ce que le recours du 3 décembre 1991 attaque «la décision du C.M.C.E.S. du 11 octobre 1991 de ne pas donner suite à l'appel d'offres portant les références SAIB 024006 et d'autoriser le Ministre de la Défense nationale à conclure un marché de gré à gré avec la société Telinfo Integrated Systems aux conditions précitées», il y a lieu de constater que cette décision a été retirée par le Conseil des Ministres le 29 novembre 1991 lorsqu'il a <<marqué son accord sur la deuxième solution visée au point 4.b. de la note du 28 novembre 1991», puisque l'annexe B de cette note du 28 novembre 1991 explicitait cette «deuxième solution» en précisant qu'elle consisterait notamment en ce que «la décision du CMCES ( ... )pourrait être retirée en totalité»; que, d'ailleurs, la requérante elle-même en convient lorsque, dans sa requête du 20 février 1992, elle demande l'annulation notamment de «la décision du 29 novembre 1991, par laquelle le Conseil des Ministres renonce à la procédure d'attribution par la voie du gré à gré, ( ... ) et reprend la procédure d'appel d'offres»;

Considérant que, partant, le recours introduit le 3 décembre 1991 a perdu son objet; qu'il n'y a plus lieu de statuer à cet égard;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'Hl"AT - 1994

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N° 48.837

B. Quant au deuxième recours, introduit le 20 février 1992:

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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Considérant que les parties adverses soulèvent à l'encontre du recours une exception d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt en tant qu'il attaque la décision du Conseil des Ministres du 29 novembre 1991; que, selon elles, cette dernière décision, loin de lui faire grief, rencontre sa revendication;

Considérant que la requérante, par son recours introduit le 3 décembre 1991, a demandé l'annulation de la décision du C.M.C.E.S. du 11 octobre 1991;

Considérant que la décision du 29 novembre 1991 qu'elle attaque par ce deuxième recours n'a d'autre portée que de retirer en totalité cette décision du 11 octobre 1991, et ainsi de satisfaire à son premier recours du 3 décembre 1991; que la requérante est dénuée d'intérêt à attaquer une décision qui lui donne ainsi satisfaction; que le deuxième recours est irrecevable en son premier objet;

Considérant que la requérante prend un moyen, le troisième de sa requête de la «violation des articles 14, 15, § 1", et 17, spécialement§ 2, de la loi du 14 juillet 1976, et de l'article 44, 5e alinéa, de l'a"êté royal du 22 avril 1977 relatifs aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ainsi que du principe général de droit relatif à l'égalité devant la loi et les charges publiques consacré notamment dans l'article 6 de la Constitution, et du principe général de droit administratif relatif à la motivation des actes administratifs»; que, dans une première branche, elle soutient «qu'il ressort des bilans de la société TelinfolntegratedSystems, du rapport annuel du Groupe Telinfo et des articles de presse publiés sur la question depuis mai 1991, (que) cette société est dans une situation financière désastreuse» et «qu'il était manifestement déraisonnable de lui accorder le marché sur base de son offre telle que déposée, c'est-à-dire sans une garantie complémentaire non prévue ni autorisée dans les conditions du marché»; qu'elle ajoute «que la partie adverse était parfaitement consciente de cette situation et que le C.M.C.E.S. a d'ailleurs écarté cette possibilité en sa séance du 4 octobre 1991»;

Considérant que les parties adverses répondent que «l'administration et le ministre de la Défense nationale n'ontjamais douté de la bonne tenue des garanties financières de la société Telinfo» et que l'attitude du C.M.C.E.S. du 11 octobre s'explique par le fait que «le C.M.C.E.S. ressentait la nécessité de recevoir une garantie bancaire complémentaire à ce qui était exigé par le cahier spécial des charges, quel que soit l'attributaire du marché»;

Considérant que la requérante n'indique pas quelles données précises des informations financières et bilantaires jointes à son offre par la société Telinfo auraient dû amener les parties adverses à considérer que cette dernière ne présentait manifestement pas les garanties financières requises; que, pour le surplus, il ne résulte pas à l'évidence du dossier administratif un déséqtJilibre hors de toute proportion entre les garanties financières de la requérante et celles de la société attributaire; que les différentes autorités intervenues dans le cours de la procédure n'ont d'ailleurs pas, sur ce point, manifesté de réserve au terme de leur analyse propre des offres des soumissionnaires; qu'enfin, des articles de presse ne peuvent suffire pour priver un soumissionnaire de l'attribution d'un marché public; qu'en cette branche, ce moyen n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un moyen, le quatrième de sa requête, de la «violation du principe du raisonnable et du principe de la motivation des actes administratifs, ainsi que des articles 14 de la loi du 14 juillet 1976, 25, § 1", et 44, dernier alinéa, de l'a"êté royal du 22 avril 1977 relatifs aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, et 11 du Cahier Spécial des Charges»; que, dans une deuxième branche, elle soutient que l'offre de la société Telinfo «ne satisfait à aucun des trois premiers critères d'attribution du marché visés à l'article 11 du Cahier spécial des charges»; que, selon elle, le prix remis par Telinfo «n'est pas représentatif du coût réel du marché notamment à défaut de contrat d'embauche précis quant à la rémunération, conclu avec le personnel en place», a fortiori si Telinfo «doit fournir une garantie bancaire de bonne exécution du marché de 50 millions de francs et faire face aux frais de cette garantie»; que, selon elle, faute d'avoir conclu avec le personnel en place des contrats d'embauche précis quant à la rémunération et aux qualifications de chacun de ses membres, Telinfo ne satisfaisait pas à l'exigence de garantie de continuité prévue par le cahier spécial des charges, comme en auraient attesté l'inquiétude et les réticences manifestées à son égard par le personnel; qu'elle répète que la situation financière «désastreuse» de Telinfo ne pouvait davantage permettre de considérer comme suffisantes les garanties financières présentées;

Considérant, quant au reproche visant l'incertitude du prix offert résultant du défaut de contrats d'embauche précis, que, dans ses spécifications techniques, l'offre de la société Telinfo porte notamment ce qui suit:

<<3. Spécificatons relatives à la continuité.

»Afin d'apporter à la Défense Nationale et à la Gendarmerie la garantie de continuité du service assuré par le personnel civil actuellement en fonction, Telinfo J.S. a recherché une formule susceptible de donner les meilleures assurances.

»Après concertation avec les délégués du personnel civil actuel (AF De Cocker et Swolfs), toutes les personnes concernées ont reçu un formulaire de candidature et l'ont renvoyé dûment rempli (à l'exception des personnes qui, entretemps, avaient démissionné).

»Tous les candidats des niveaux 1 et 2 ont ensuite été interviewés et ont eu l'occasion de poser des questions sur notre société e~ notammen~ sur la politique du personnel et sur leur intégration.

»Pour le niveau 3, nous avons rencontré les responsables des équipes d'encodage et de mirofilmage (Mmes. Dubourg et Govaerts) qui ont accepté d'informer leurs collaboratrices.

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'ETAI' - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 65 N° 48.837

»Enfin, une convention a été signée par notre société avec chacun de ces candidats au terme de laquelle:

>>-Telinfo I.S. s'engage, en cas d'attribution du marché, à proposer un contrat d'emploi, à des conditions de rémunération au moins équivalentes.

>>-l'intéressé s'engage, au cas où il ne pourrait accepter le contrat proposé, d'assurer, en accord avec le fonctionnaire dirigean~ le transfert des connaissances vers le successeur qui aurait été désigné sur proposition de notre société.

»Une copie des conventons signées est fournie en annexe.

»En conséquence, Telinfo I.S. prend l'engagemen~ si elle est adjudicataire, de proposer dans les quinze jours qui suivront la notification du marché et après accord du fonctionnaire dirigeant sur la personne présentée, un contrat d'emploi à chacune des personnes actuellement occupées»;

Considérant que figurent en annexe les copies de 45 conventions signées entre le 9 et le 16 avril 1991, où Telinfo «s'engage, en cas d'attribution du marché, à proposer un contrat d'emploi à des conditions de rémunération au moins équivalentes»;

Considérant que, de son côté, ainsi qu'il ressort de son offre technique annexée à son mémoire en réplique, la requérante indique avoir signé avec 47 personnes qu'elle désigne une «convention d'embauche» libellée comme suit:

«Nous vous confirmons les termes de nos entretiens concernant votre embauche par SIE au salaire convenu de ...... FB brut par mois et par 13,85, pour la qualification de ........ et aux conditions suivantes:

»1. L'attribution par les Forces Armées à SIE du marché correspondant au cahier spécial des charges N" SAIB 024 006.

»2. L'accord des Forces Armées pour l'utilisation de vos compétences dans le cadre du marché cité ci-dessus;

Considérant qu'il y a lieu de constater que, telle qu'indiquée dans son offre technique, l'offre de la requérante est encore moins précise quant au montant des rémunérations que celle de Telinfo, qui, elle, indique que la rémunération sera <<au moins équivalente»;

Considérant que, sur ce point, le grief n'est pas fondé;

Considérant, quant au reproche visant l'absence de contrats d'embauche précis compromettant la garantie de continuité, qu'il ressort des constatations opérées ci-avant que les dispositions prises et exposées par Telinfo étaient équivalentes, quant aux garanties de continuité exigées, à celles présentées par la requérante; qu'elles étaient même plus précises quant à la rémunération, et plus crédibles, puisque la copie des conventions signées était jointe à son offre, contrairement à l'offre de la requérante; que ce grief n'est pas davantage fondé;

Considérant, quant au reproche visant la situation financière «désastreuse» de Telinfo, qu'il résulte des considérations émises ci-avant qu'il ne peut être tenu pour établi;

Considérant ainsi qu'en cette deuxième branche, ce quatrième moyen n'est pas fondé;

Considérant que, dans sa «requéte en annulation complémentaire», la requérante prend un moyen nouveau, le septième, de la «violation du principe de la motivation des actes administratifs, ainsi que des articles 14 de la loi du 14 juillet 1976, 25, § 1er, et 44, dernier alinéa, de l'arrêté royal du 22 avril 1977 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, et 11 du Cahier spécial des chargeS>>; que, dans une première branche, elle reproche à la «décision motivée» du 9 décembre 1991 de n'avoir en rien tenu compte des garanties financières offertes par les soumissionnaires pour établir son classement des candidats, et de s'être bornée à examiner les garanties professionnelles de ceux-ci, c'est-à-dire leurs références, en sorte que la partie adverse n'aurait pas respecté les critères d'attribution du marché; que, dans une deuxième branche, elle reproche à cette décision de n'être pas motivée en la forme, et plus précisément de ne pas indiquer pour quel motif, pour chacun des critères d'attribution du marché, l'offre de la société Telinfo a été jugée aussi ou plus intéressante que la sienne; que, dans une troisième branche, elle soutient que «ni la décision du 9 décembre 1991, ni celle du 16 décembre 1991, ni aucune des pièces du dossier administratif dont la requérante a connaissance, ne permettent de déterminer les motifs de droit et de fait susceptibles de justifier la décision d'écarter l'offre de la requérante et de considérer l'offre de la société Telinfo comme régulière et comme la plus intéressante au regard des critères prévus tant par l'article 14 de la loi du 14 juillet 1976 que par l'article 11 du Cahier spécial des charges»;

Considérant qu'il y a lieu d'examiner la recevabilité de ce moyen nouveau;

Considérant que ce moyen, dont les trois branches critiquent la motivation de la décision du 9 décembre 1991, ne pouvait être formulé que sur le vu du libellé précis de la «décision motivée»;

Considérant qu'il est constant que la requérante a demandé copie de cette «décision motivée» par lettre du 10 février 1992, et que la partie adverse la lui a envoyée par lettre du 28 février 1992;

Considérant que la requérante indique dans sa requête complémentaire n'avoir eu connaissance que le 3 mars 1992 de la motivation de la décision du Ministre de la Défense nationale d'attribuer le marché litigieux à la S.A Telinfo; que l'on ne peut considérer avec une certitude suffisante que la lettre à elle envoyée par la partie adverse le 28 février 1992, lui serait parvenue le lendemain, samedi 29 février 1992; que, si l'on considère

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'Ef~ - 1994

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que cette lettre lui est parvenue, ne serait-ce que le lundi 2 mars 1992, on doit alors constater que la requête complémentaire, introduite le 30 avril 1992, l'a été dans le délai de 60 jours prévu par le règlement de procédure, et que, partant, ce moyen nouveau a été pris en temps utile;

Considérant cependant que, si l'on examine le dossier relatif à la première requête, celle introduite le 3 décembre 1991, on doit constater que le dossier administratif qui y a été déposé contient une copie de cette «décision motivée» du 9 décembre 1991 (pièce n° 5); que ce dossier administratif, joint au mémoire en réponse, a été déposé au greffe par pli du 3 février 1992; que le greffe a transmis une copie du mémoire en réponse au conseil de la requérante par pli recommandé du 20 février 1992, l'avertissant aussi de ce que le dossier administratif était déposé au greffe; que l'accusé de réception, signé par le destinataire de ce pli, a été renvoyé au greffe le 24 février 1992;

Considérant que la requérante, tant dans sa requête du 3 décembre 1991 que dans sa requête du 20 février 1992, a déclaré faire élection de domicile chez son conseil;

Considérant qu'il se déduit de ces constatations que la requérante a pu prendre une complète connaissance de la «décision motivée» du 9 décembre 1991 au moins dès le 25 février 1992; que, dès lors, le délai de 60 jours prévu par le règlement de procédure expirait le 24 avril 1992; que, partant, le moyen nouveau, invoqué pour la première fois le 30 avril 1992, est tardif et dès lors irrecevable;

Considérant que le rapport de l'auditeur n'a pas examiné les autres branches et moyens invoqués; qu'il y a lieu de rouvrir les débals afin de permettre au membre à désigner par )'Auditeur général d'y procéder et d'établir un rapport complémentaire,

(Jonction - non lieu de statuer sur le recours introduit le 3 décembre 1991 - dépens relatifs au recours introduit le 3 décembre 1991, liquidés à la somme de 4.000 francs, à charge de l'Etat - réouverture des débals quant au recours introduit le 20 février 1992).

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ARRET du 31août1994 (VIe Chambre) MM. Fincoeur, président de chambre, Hanotiau, rapporteur, et Hanse, conseillers, et Quintin, auditeur (avis contraire )1.

S.A. SOCIETE DE DISTRIBUTION DE GAZ «DISTRIGAZ» (Me Kirkpatrick) c/ Ville de Binche (Me Blontrock)

1. IMPOTS ET TAXES - Fiscalité communale - Généralités II. LOIS, DECRETS ET ARRETES - Hiérarchie des normes - Notion de règle de droit -

Généralités (1)

1. S'il est vrai en l'espèce que la commune était bien consciente que son règlement-taxe imposait une taxe sur le (seul) site-réservoir destiné au stockage du gaz exploité par la seule requérante, il n'en demeure pas moins que la taxe ne frappe pas celle-ci en tant que telle mais qu'elle a vocation à frapper les sites dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux destinés à des fins commerciales. Ains~ cette taxe est due par l'exploitant du sol au 1er janvier de l'exercice d'imposition, ce qui vise tant l'exploitant de l'époque que tout exploitant qui succéderait à celui-ci.

2. Le propre de toute taxe est d'apporter des ressources à l'autorité afin de lui permettre d'accomplir ses missions de service public, ce qui suppose qu'elle ne soit pas, ou le moins possible, en déficit.

Ce n'est pas parce que la commune n'a pas engagé un agent de police de plus à la suite de son classement dans une zone comportant des risques d'accidents majeurs au sens de la loi du 21janvier1987 ni prévu à son budget aucune dépense en rapport avec cette situation que, pour autant, un site-réservoir destiné au stockage du gaz ne représente pas une charge pour la commune, notamment quant à la surveillance et à l'ampleur de l'intervention de ses services de police et de pompiers en cas d'accident. 1 Selon l'avis, le quatrième moyen de la requêœ élait bien fondé en tant qu'il élait pris de l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre, d'une part, les moyens employés, compte tenu notamment du man.tant de la taxe et., d'autre part, les objectifs qu'une commune peut poursuivre en matière de fiscalité locale. Concluant à l'annulation sur la base de ce seul moyen, ni le rapport ni l'avis n'ont procédé à l'examen des trois autres moyens.

RECUEIL DES ARRIITS DU CONSEIL D'ET~ - 1994

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m. IMPOTS ET TAXES -1° Notion -Taxe assimilée à la patente (1); -2° Fiscalité communale - Taxes industrielles - Taxe sur les sites dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux (1 et 2); - 3° Egalité devant l'impôt - Discrimination suivant des critères objectifs (2)

1. Comme l'ancien droit de patente, la taxe communale analogue à celui-ci est un impôt direct qui frappe le contribuable en raison du seul fait qu'il exerce une profession, une industrie ou un commerce non expressément exemptés par la loi et, par conséquent, indépendamment des avantages qui en sont effectivement retirés par lui.

Apparaît comme ayant ce caractère, un impôt frappant un élément qui se rattache à la profession, au commerce ou à l'industrie exercée, notamment une taxe à charge des industriels sur la superficie des sites dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux destinés à des fins commerciales, qu'ils possèdent dans la commune.

Il est indifférent que, dans un cas déterminé, le montant de pareil impôt ne soit pas en rapport avec l'importance réelle de l'activité du contribuable et des bénéfices qu'elle lui procure. Si, pour un exercice déterminé, les bénéfices que procure l'activité de l'industriel sur le seul territoire de la commune, à supposer qu'ils puissent être distingués de l'ensemble des résultats de ses activités, sont inférieurs au montant de la taxe communale due, celle-ci n'est pas ipso facto illégale.

2. Les articles 6 et 112 anciens (10 et 172 nouveaux) de la Constitution n'interdisent pas de taxer différemment des contribuables notamment lorsque la distinction ainsi opérée repose sur des critères objectifs et que tous les contribuables qui se trouvent dans une même situation objective sont traités différemment. ·

Dès lors que les inconvénients et charges pour la communauté communale d'un site dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux destinés à des fins commer­ciales n'existent pas, ou en tout cas pas avec la même ampleur, pour les autres réservoirs de combustibles liquides, le règlement-taxe repose sur un critère objectif.

Vu la requête introduite Je 17 février 1992 par la société anonyme <<Société de distribution de gaz», en abrégé <<Distrigaz», qui demande l'annulation du règlement du 5 novembre 1991 du conseil communal de Binche établissant, pour les exercices 1991 à 1993, une «taxe annuelle sur les sites dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux destinés à des fins commerciales, existant au 1er janvier de l'exercice d'imposition»;

Considérant que les fai1s de la cause se présentent comme suit:

1. En application de la loi du 18 juillet 1975, un arrêté royal du 11 mai 1979 octroie à la société anonyme Distrigaz, pour une durée de trente ans, un permis d'exploiter un site-réservoir souterrain destiné au stockage de gaz dans une partie des concessions de mines de houille situées principalement sous Je territoire de la ville de Binche.

Le préambule de l'arrêté royal du 11 mai 1979 énonce nolamment ce qui suit:

«Considérant que le stockage de gaz dans le site-réservoir souterrain de Binche (Ressaix) se situe à proximité d'une zone importante de consommation et peut permettre d'assurer un volant entre les moyens de production et de transport d'une part et les besoins des consommateurs d'autre part;

»Considérant que ce stockage de gaz est destiné à des fins d'utilité publique».

2. Le 18 décembre 1990, Je conseil communal de Binche établit, pour les exercices 1991 à 1993, une taxe communale annueJle de 0,50 franc par mètre cube ou fraction de mètre cube, sur les tanks, réservoirs et sites­réservoirs souterrains exploités à des fins commerciales et industrieJles, à l'exception des exploitations frappées par la taxe communale sur les distributeurs de carburants ou de lubrifiants (articles 1er et 3 du règlement-taxe).

L'article 2 du règlement du 18 décembre 1990 prévoit que la taxe est due solidairement par l'exploilant et par le propriétaire du sol au 1er janvier de l'exercice d'imposition.

Le préambule de la délibération du 18 décembre 1990 justifie la taxe par la nécessité de conforter la situation financière de la ville par l'instauration de recettes fiscales nouveJles.

La S.A Distrigaz a introduit, Je 21 mars 1991, un recours en annulation du règlement.

3. En sa séance du 5 novembre 1991, Je conseil communal a retiré la délibération du 18 décembre 1990 aux motifs suivants:

«Attendu que cette taxe telle qu'établie par la délibération susvisée (du 18décembre1990), frappait d'une part une série de réservoirs à combustible liquide et d'autre part le site-réservoir exploité par la SA. Distrigaz;

»Attendu qu'il est malaisé d'incorporer dans un même règlement fiscal deux genres de réservoirs aussi disparates;

RECUEIL DES ARREI'S DU CONSEIL D'HfM' - 1994

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»Attendu qu'il est apparu, d'une par~ très difficile de fixer avec suffisamment de précision le volume des cavités souterraines des sites-réservoirs;

»Attendu que, d'autre par~ l'application de la taxe aux réservoirs et citernes à combustible liquide serait d'un rendement insuffisan~ si on tient compte du coût du recensemen~ de l'enrôlement et de la perception;

»Attendu qu'il y a lieu d'établir la taxe frappant des sites-réservoirs sur une base quelque peu différente;

»Attendu qu'il y a lieu, dans ces conditions, de retirer purement et simplement la délibération du 18 décembre 1990».

En raison du retrait du règlement du 18 décembre 1990, le Conseil d'Etat constata qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur le recours introduit par la S.A Distrigaz (arrêt n° 46.490 du 11 mars 1994).

4. Au cours de la même séance du 5 novembre 1991, le conseil communal établit, pour les exercices 1991 à 1993, une taxe annuelle de 25.000 francs à l'hectare ou fraction d'hectare, sur les sites dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux destinés à des fins commerciales.

Après avoir fixé le montant de la taxe, l'article 2 du règlement communal dispose, d'une part, que «la superficie prise en considération est celle fixée par l'arrêté royal octroyant le permis d'exploitation» et, d'autre part, que «la taxe est due par l'exploitant du sol au 1er janvier de l'exercice d'imposition».

Le préambule de la délibération du 5 novembre 1991 énonce ce qui suit:

«Vu la situation financière de la ville;

»Vu la délibération de ce jour, retirant la décision du 18 décembre 1990;

»Attendu que l'installation et l'exploitation d'un site-réservoir souterrain destiné au stockage du gaz entraîne des inconvénients et charges pour la Communauté binchoise;

»Que notamment l'article 3 de l'arrêté royal du 11mai1979 «octroyant un permis d'exploitation d'un site­réservoir souterrain destiné au stockage du gaz» à la SA. «Société de distribution de gaz» fixe le périmètre de protection à 500 mètres des limites superficielles du site, périmètre à l'intérieur duquel aucun travail autre que ceux nécessaires à l'exploitation du site-réservoir ne peut être effectué à partir d'une profondeur de 10 mètres par rapport au niveau du sol;

»Qu'en outre, l'implantation de ce site entraîne pour la ville des contraintes en matière d'aménagement du territoire;

»Attendu que le Département a publié une liste des entreprises tombant sous l'application de la loi du 21 janvier 1987 (Loi Seveso) concernant les risques d'accidents majeurs de certains secteurs d'activités industrielles et que le site de Péronnes-Distrigaz est visé par les dispositions qui y sont contenues;

»Considérant que le fait même d'être classée comme «zone à risques» implique pour l'entité binchoise des obligations sur le plan de la sécurité du territoire et qu'en cas de conflits graves, la protection du site doit être assurée par la police locale 24 heures sur 24;

»Attendu que de cette situation découle pour la ville l'obligation de figurer dans l'élaboration de tous les plans de secours d'urgence;

»Vu les remarques tant écrites que verbales de la SA. Distrigaz dont le siège social est situé à 1040 Bruxelles, avenue des Arts, n° 31, laquelle estime, en conclusion, que la taxe, si elle est votée, affectera la compétitivité du gaz naturel par rapport au gasoil, avec lequel il est directement en concurrence;

»Considérant les réactions du personnel et de la délégation du personnel du siège d'exploitation et de stockage de la station de Péronnes n'acceptant pas le principe de la levée d'une taxe aussi lourde en conséquences pour l'avenir de leur entreprise;

»Considérant que ces objections n'influencent en rien le bien-fondé de l'établissement de l'imposition dont il s'agit;

»Compte tenu des remarques des riverains signifiant que la zone d'exploitation s'étend sur et sous une zone occupée à certains endroits par des habitations privées;

»Attendu qu'il n'est jamais entré dans les intentions des autorités communales de taxer la population établie sur ladite zone;

»Attendu qu'il convient dès lors de supprimer la référence à la solidarité de l'exploitant et du propriétaire du sol».

Tel est l'acte attaqué.

Il ressort de l'avertissement-extrait de rôle délivré le 2 avril 1992, pour l'exercice 1991, à la S.A Distrigaz que le montant de la taxe s'élève, pour ce contribuable, à 52.135.400 francs.

5. En sa séance du 13 novembre 1991, le conseil d'administration de la S.A Distrigaz ratifie la demande faite par le comité de direction au Secrétaire d'Etat à l'Energie en vue d'obtenir l'autorisation de renoncer au

RECUEIL DES ARREfS DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

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permis d'exploitation en raison de la décision prise, à la suite de l'établissement de la taxe litigieuse, d'arrêter définitivement l'exploitation commerciale du site de Binche avant le 31 décembre 1991.

La lettre du 8 novembre 1991 relative à la renonciation au permis d'exploitation du site-réservoir destiné au stockage de gaz, invoque «les coûts d'exploitation excessifs de ce stockage compte tenu de solutions alternatives existantes»; aux termes de cette lettre, ces coûts résultent à la fois:

«-du fait que les installations de ce stockage et leur exploitation avaient été conçus à l'origine pour un volume emmagasiné de gaz de 500 Mio Nnf de gaz naturel à la pression de 20 bars alors qu'il s'est avéré en cours d'exploitation que la capacité utile ne dépassait guère 25 Mio Nnf à une pression maximale de 3,5 bars;

»--d'une aggravation inacceptable des coûts par suite de la décision de la ville de Binche d'instaurer une taxe directe pour notre stockage souterrain dont le produit attendu par la ville à charge de notre société (environ 50 Mio BEF) conduirait à un doublement du coût de ce stockage».

6. Un arrêté royal du 7 février 1992 accorde à la S.A Distrigaz l'autorisation, au 31 décembre 1991, de renoncer au permis d'exploitation octroyé par l'arrêté royal du 11 mai 1979.

Le préambule de l'arrêté précise que «la fermeture de ce site-réservoir n'altérera en rien les possibilités d'approvisionnement en gaz de tous les consommateurs par la demanderesse compte tenu des alternatives dont elle dispose à l'heure actuelle»;

Considérant que la requérante prend un premier moyen de ce que <<sous les dehors d'un règlement général établissant une taxe directe annuelle de quotité, à charge de tout exploitant du sol des sites dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux destinés à des fins commerciales, il tend en réalité à imposer annuellement à la requérante personnellemen~ pour les exercices 1991 à 1993, un prélèvement de l'ordre de cinquante millions par an»; qu'à cet égard, elle se réfère à des déclarations de l'échevin des finances de la ville de Binche, à des extraits de la presse locale et aux préambules de la délibération du 5 novembre 1991 retirant celle du 18 décembre 1990, et de l'arrêté attaqué;

Considérant que, s'il est vrai que des déclarations citées par la requérante et des préambules susvisés, il apparaît que la partie adverse était bien consciente que l'arrêté présentement attaqué imposait une taxe sur le site-réservoir destiné au stockage de gaz, lequel était exploité par la seule requérante, il n'en demeure pas moins que la taxe ne frappe pas la requérante en tant que telle, mais qu'elle a vocation à frapper, pour les exercices 1991 à 1993, «les sites dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux destinés à des fins commerciales»; qu'ainsi, cette taxe «est due par l'exploitant du sol au 1er janvier de l'exercice d'imposition» (article 2 de l'arrêté attaqué), ce qui vise tant l'exploitant de l'époque, la requérante, que tout exploitant qui succéderait à la requérante; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un deuxième moyen de ce que la taxe est motivée, selon l'arrêté attaqué,

«( ... )par les considérations «que l'installation et l'exploitation d'un site-réservoir souterrain destiné au stockage du gaz entraîne des inconvénients et charges pour la Communauté binchoise», à savoir, en substance:

>>-dans un périmètre de 500 m. des limites superficielles du site, aucun travail autre que ceux nécessaires à l'exploitation du site-réservoir ne peut être effectué à partir d'une profondeur de 10 mètres par rapport au niveau du sol;

>>-le site de Péronnes-Distrigaz est sur la liste des entreprises tombant sous l'application de la loi du 21 janvier 1987 (dite loi Seveso) concernant les risques d'accidents majeurs de certains secteurs d'activités industrielles;

>>-du fait que la commune est ainsi classée comme «zone à risques», la police de la ville doi~ en cas de conflits graves, assurer la protection du site 24 heures sur 24 et la ville doit «figurer dans l'élaboration de tous les plans de secours d'urgence»,

»alors que ces motifs, indiqués dans le préambule du règlemen~ ne constituent pas la véritable motivation de la taxe; qu'en effe~ il ressort des circonstances dans lesquelles la taxe a été établie (exposées dans le premier moyen) que la taxe litigieuse remplace celle établie par un précédent règlement-taxe du 5 novembre 1990 qui tendait principalement à prélever, à charge de la requérante, 100 millions de F par an dans le bu~ d'après le préambule du règlemen~ de «conforter la situation financière de la ville»»;

Considérant que la partie adverse ne nie pas que, en raison du réservoir de stockage, la ville de Binche est «classée dans la catégorie Seveso»; que ce n'est pas parce que «la partie adverse n'a pas engagé un agent de police de plus à la suite du classement de la commune dans une zone comportant des risques d'accidents majeurs au sens de la loi du 21 janvier 1987 ni prévu à son budget aucune dépense en rapport avec cette situation» que, pour autant, ce site-réservoir ne représente pas une charge pour la ville, notamment quant à la surveillance et à l'ampleur de l'intervention de ses services de police et de pompiers en cas d'accident; que, d'ailleurs, le propre de toute taxe est d'apporter des ressources à l'autorité afin de lui permettre d'accomplir ses missions de service public, ce qui suppose qu'elle ne soit pas, ou le moins possible, en déficit; qu'ainsi, la motivation de l'arrêté attaqué n'apparaît pas inexacte; que le moyen n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un troisième moyen de ce que l'acte attaqué est destiné à prélever à sa charge une taxe de 50.000.000 francs par an,

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«( ... )

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»alors qu'une taxe directe de quotité, qui frappe annuellement l'exercice d'une activité économique d'après un indice, ne peut dépasser le montant du revenu annuel net que cette activité est susceptible de produire; qu'en l'espèce, la marge brute de la requérante par rapport au prix «frontière» du gaz est réglementée en ce qui concerne les ventes à la distribution publique auxquelles le stockage est destiné; qu'il en résulte que le bénéfice net avant impôt des sociétés est largement inférieur à la taxe que le règlement attaqué est destiné à imposer à la requérante; que l'effet d'une telle taxe est inévitablement de mettre fin à l'activité taxée, ce qui s'est vérifié en l'espèce;

»d'où il suit que le règlement attaqué excède les limites de l'autonomie communale en matière de création d'impôts en violation de l'article 110, § 2, de la Constitution et rend pratiquement impossible l'exploitation du site de stockage de la requérante, en violation de l'arrêté royal du 11mai1979 qui a autorisé la requérante à exploiter le site-réservoir souterrain de Binche et du principe général de la liberté du commerce et de l'industrie consacré par la loi des 2-17 mars 1791»;

Considérant que la taxe créée par l'arrêté attaqué vise des <<Sites dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux destinés à des fins commerciales» (article 1er) et est due «par l'exploitant du sol au 1er janvier de l'exercice d'imposition» (article 2);

Considérant que, comme l'ancien droit de patente, la taxe communale analogue à celui-ci est un impôt direct qui frappe le contribuable en raison du seul fait qu'il exerce une profession, une industrie ou un commerce non expressément exemptés par la loi et, par conséquent, indépendamment des avantages qui en sont effectivement retirés par lui; qu'apparaît comme ayant ce caractère, un impôt frappant un élément qui se rattache à la profession, au commerce ou à l'industrie exercés, et en l'espèce, une taxe à charge des industriels sur la superficie des sites dont le sous-sol est affecté au stockage de combustibles gazeux destinés à des fins commerciales, qu'ils possèdent dans la commune; que, dès lors, il est indifférent que, dans un cas déterminé, le montant de pareil impôt ne soit pas en rapport avec l'importance réelle de l'activité du contribuable et des bénéfices qu'elle lui procure; qu'il s'ensuit que si, pour un exercice déterminé, les bénéfices que procure l'activité de l'industriel sur le seul territoire de la commune, à supposer qu'ils puissent être distingués de l'ensemble des résultats de ses activités, sont inférieurs au montant de la taxe communale due, celle-ci n'est pas ipso facto illégale; que le moyen n'est pas fondé;

Considérant que la requérante prend un quatrième moyen de la violation «des articles 6, 6bis et 112 de la Constitution» en ce que la taxe attaquée frappe «( ... ) uniquement le stockage t;t l'exploitation d'une source d'énergie (le gaz naturel) à l'exclusion des autres (les combustibles liquides); qu'elle établit ainsi une discrimination grave et arbitraire entre les entreprises concurrentes sur le marché de l'énergie»;

Considérant que les articles 6 et 112 ancien de la Constitution n'interdisent pas de taxer diffëremment des contribuables notamment lorsque la distinction ainsi opérée repose sur des critères objectifs et que tous les contribuables qui se trouvent dans une même situation objective sont traités également;

Considérant que la raison de l'établissement de la taxe litigieuse sur le site-réservoir souterrain destiné au stockage du gaz est expliquée dans le préambule de l'arrêté attaqué; qu'il y a des «inconvénients et charges pour la communauté binchoise»; que ceux-ci n'existent pas, ou en tout cas pas avec la même ampleur, pour les autres réservoirs de combustibles liquides; qu'il s'ensuit que l'arrêté attaqué repose sur un critère objectif; que le moyen n'est pas fondé,

(Rejet - dépens à charge de la requérante).

N° 48.839 ije3 )ey. ~ 1

ARRET du 31août1994 (Vie Chambre) MM. Fincoeur, président de chambre, Hanotiau et Hanse, rapporteur, conseillers, et Fortpied, premier auditeur (avis contraire )1.

AS.B.L. ASSOCIATION PROTESTANTE DES VOLONTAIRES DE LA COOPE­RATION (Mes Uyttendaele et Coenraets) c/ Etat belge représenté par le secrétaire d'Etat à la Coopération au développement (Mes Verriest et Putzeys)

1. ASSOCIATIONS SANS BUT LUCRATIF - Actions judiciaires - Intérêt - Généralités

Une A.S.B.L. est recevable à attaquer un règlement de nature à porter atteinte à ses intérêts.

1 Selon l'avis, la partie adverse avait pu, par l'arrêté attaqué, lég;tlement déterminer sa politique d'octroi des subventions.

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II. LOIS, DECRETS ET ARRETES - Hiérarchie des normes - Loi budgétaire

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Hormis le cas où elle comporte une disposition normative, la loi budgétaire est un acte de nature administrative, accompli dans la forme de la loi, et ne peut être le fondement légal d'un arrêté réglementaire.

III. FONDS DE LA COOPERATION AU DEVELOPPEMENT ET FONDS DE PRETS A DES ETATS ETRANGERS - Mission (1 et 2)

IV. COMPETENCE DES AUTORITES ADMINISTRATIVES - Pouvoirs implicites - Du Roi -En qualité de chef du pouvoir exécutif - Subventions (1)

1. L'arrêté royal du 12 mars 1991 ne se borne pas à organiser l'octroi de subventions dans les limites des crédits budgétaires, mais fixe des conditions d'agrément d'organisations non gouvernementales ou de fédérations d'organisations non gouvernementales et confère des droits subjectifs à l'obtention de subventions sans même toujours faire référence aux limites du budget. Un tel règlement fait plus que fixer les conditions d'octroi de subsides, plus qu'exécuter les dispositions d'une loi budgétaire.

2. L'article 2, §1er, de la loi du 10 août 1981 n'habilite pas le Roi à définir des con­ditions d'agrément d'organisations non gouvernementales ou de fédérations d'organisations non gouvernementales.

Vu la requête introduite le 17 juin 1991 par l'AS.B.L. Association protestante des volontaires de la coopération qui demande l'annulation des «articles 5 et 7 de l'arrêté royal du 12 mars 1991 relatif à l'agrément, l'octroi d'allocations et la subsidiation de personnes, d'organisations non gouvernementales et de fédérations en matière d'envoi de coopérants O.N.G.»;

Considérant que, dans son mémoire en réplique, la requérante «relève qu'en cas d'annulation des articles 5 et 7 de l'acte querellé, il y aurait, en réalité, annulation par voie de conséquence des autres dispositions de cet acte, dont l'article 21»;

Considérant que la partie adverse déduit une exception d'irrecevabilité du recours de ce que la requérante n'y aurait pas intérêt; qu'en effet, selon elle, les dispositions attaquées ne causent aucun préjudice à la requérante, ou à tout le moins ne lui causent aucun grief;

Considérant que la requérante réplique que l'article 5 attaqué soumet l'agréation d'une organisation non gouvernementale (O.N.G.) à davantage d'exigences que l'article 4 de l'arrêté royal du 24 septembre 1964 relatif aux personnes agréées en qualité de volontaires de la coopération avec les pays en voie de développement, et que l'augmentation de ces exigences n'est pas sans entraîner un accroissement de ses coûts de fonctionnement, accroissement qui n'est couvert que partiellement par l'indemnité prévue en matière de frais de sélection et d'encadrement des coopérants; qu'elle conteste en outre que les fédérations agréées conformément à l'article 7 également attaqué «puissent offrir les mêmes garanties de représentativité» et d'objectivité que l'ancien Conseil consultatif de la coopération;

Considérant que la requérante est une association sans but lucratif qui, selon ses statuts, a pour objet «la mise au travail de volontaires, notamment dans le cadre de l'enseignement, de l'assistance technique et médicale, de projets agricoles, y compris la construction des bâtiments nécessaires à ces activités» et qui <<s'intègre dans l'effort belge d'assistance technique aux pays en voie de développement, tel qu'il a notamment été défini par l'arrêté royal du 24 septembre 1964-»; qu'il s'agit donc d'une O.N.G. susceptible d'être agréée;

Considérant que l'article 5 du règlement entrepris règle l'agrément des O.N.G. au profit desquelles sont prévues des subventions;

Considérant que, partant, la requérante est recevable à attaquer un règlement de nature à porter atteinte à ses intérêts; que l'exception n'est pas fondée;

Considérant que la requérante prend un moyen unique «de la violation des articles 29 de la Constitution, et 2, § 1", de la loi du 10 août 1981 relative à la création d'un Fonds de la coopération au développement et d'un Fonds des prêts à des Etats étrangers, de l'excès de pouvoir et del' erreur de droit>>; qu'elle reproche à l'acte attaqué de manquer de base constitutionnelle ou légale qui ne saurait être trouvée dans les dispositions visées au moyen;

Considérant que la partie adverse répond «que le but poursuivi n'est pas de créer un statut générateur de droits subjectifs, mais d'établir des critères permettant de contrôler l'aide financière apportée notamment aux organisations d'envoi et aux fédérations», en sorte qu'il ne s'agit essentiellement que d'exécuter une loi budgétaire, et que l'article 29 (ancien) de la Constitution suffit comme fondement légal à cet égard; qu'elle ajoute «que la loi du 10 août 1981 contient, en germe, les règles fixées par l'arrêté attaqué» qui n'en étend pas la portée, dès lors qu'elle porte «l'obligation pour les ministres compétents d'établir un rapport moral sur les activités du Fonds»; qu'elle souligne à cet égard que «ce n'est pas in abstracto, mais dans l'optique de l'octroi des subsides et du

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contrôle de leur emploi, que l'arrêté attaqué fixe des conditions d'agrément>>; qu'ainsi, selon elle, «le Roi a mis en œuvre un pouvoir que lui confère l'article 67 de la Constituti.on, ce qui donne un fondement admissible à l'arrêté entrepris, même si ce fondement n'est pas expressément mentionné dans son préambule»;

Considérant que le règlement attaqué, et spécialement ses articles 5 et 7, règlent les conditions auxquelles doivent répondre, pour être agréées, d'une part les organisations d'envoi, et d'autre part les fédérations; que le paragraphe 3 dudit article 7 prévoit notamment que «les fédérati.ons ont droit chaque année au remboursement des salaires et des frais de foncti.onnement pour 6 membres de personnel»;

Considérant qu'il apparaît ainsi clairement qu'un tel arrêté ne se borne pas à organiser l'octroi de subventions dans les limites des crédits budgétaires, mais fixe des conditions d'agrément et confère des droits subjectifs à l'obtention de subventions sans même toujours faire référence aux limites du budget; qu'il est dès lors manifeste qu'un tel règlement fait plus que fixer les conditions d'octroi de subsides, plus qu'exécuter les dispositions d'une loi budgétaire;

Considérant en outre que, hormis le cas où elle comporte une disposition normative, ce qui n'est pas allégué en l'espèce, la loi budgétaire est un acte de nature administrative, accompli dans la forme de la loi et ne peut être le fondement légal d'un arrêté réglementaire;

Considérant que, partant, le règlement attaqué ne peut trouver un fondement suffisant ni dans l'article 29 ni dans l'article 67 de la Constitution, ni dans la loi budgétaire qu'il est censé exécuter;

Considérant que l'article 2, § 1er, de la loi du 10 aoOt 1981 relative à la création d'un Fonds de la Coopération au Développement et d'un Fonds des prêts à des Etats étrangers dispose comme suit:

«L'aide que le Fonds octroie aux pays en voie de développement et à leurs populations consiste soit en une action directe dont l'Etat assume la charge et les responsabilités, soit en une intervention financière dans des actions de développemen~ soit en l'octroi de subsides à des organisations non gouvernementales belges, soit en la prise de parti.cipati.on dans des banques de développement nationales ou régionales, dans des entreprises publiques ou dans des entreprises d'économie mixte des pays en voie de développement dans lesquelles le secteur public a une parti.cipation majoritaire»;

Considérant qu'il n'est ainsi nullement question de définir des conditions d'agrément d'O.N.G. ou de fédérations d'O.N.G.; que l'article 2, § 1er, de ladite loi du 10 août 1981, dont le règlement attaqué étend singulièrement la portée, ne saurait conférer à celui-ci une base légale;

Considérant que le moyen est fondé.

Considérant que l'annulation des articles 5 et 7 du règlement attaqué doit entraîner celle de l'ensemble dudit règlement par voie de conséquence,

(Annulation de l'arrêté royal du 12 mars 1991 relatif à l'agrément, l'octroi d'allocations et la subsidiation de personnes, d'organisations non gouvernementales et de fédérations en matière d'envoi de coopérants O.N.G. - publication de l'arrêt par extrait au Moniteur belge dans les mêmes formes que l'arrêté annulé - dépens à charge de la partie adverse).

N° 48.840 ARRET du 31août1994 (XIe Chambre)

MM. Tapie, Premier Président du Conseil d'Etat, rapporteur, Messinne et Kreins, conseillers, et Fortpied, premier auditeur.

SAWAN (Me Cartier) c/ Etat belge représenté par le ministre de l'intérieur et Com­missaire général aux réfugiés et aux apatrides (Mes Stalars et Legros)

1. ETRANGERS - Police des étrangers - Etrangers à statut spécial - Réfugiés (1 et 2)

II. PROCEDURE NON CONTENTIEUSE - Motivation formelle des actes - Motivation suffisante - Généralités (1)

1. Un document se rapportant à une situation postérieure à l'avis du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides est un élément nouveau au sens de l'article 50, alinéa 3, de la loi du 15décembre1980 tel qu'il est interprété par l'arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994.

2. N'est pas motivée, la décision qui n'expose pas la raison pour laquelle un document n'a pas paru probant à l'auteur de l'acte.

RECUEIL DES ARRErS DU CONSEIL D'E'OO' - 1994

Page 133: Nos 48.715 à 48.798 Page 1 - KU Leuven · N° 48.719 Arrêls Nos 48.715 à 48.798 Page 2 Vu la demande introduite le 10juin1994 par l'association sans but lucratif Pouvoir Organisateur

Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 73 N° 48.840

Vu la demande introduite le 24 décembre 1993 par Abdo Sawan, de nationalité libanaise, qui tend à la suspension de l'exécution de l'ordre de quitter le territoire, qui lui a été notifié le 9 décembre 1993;

Vu la requête introduite simultanément par le même requérant qui demande l'annulation de cette décision;

Considérant que le requérant a fait l'objet, Je 26 juillet 1993, d'une décision de rejet d'une demande urgente de réexamen; que cette décision lui fut notifiée Je 17 août 1993, avec ordre de quitter Je territoire; qu'il ne demanda ni la suspension ni l'annulation de ces actes, préférant introduire, dès le 20 août 1993, une nouvelle demande de reconnaissance de la qualité de réfugié; qu'il affirme qu'à ce moment, il savait que sa mère, demeurée au Liban, s'était procuré Je texte d'un avis de recherche dirigé contre lui par le Hezbollah et qu'elle allait tenter de le lui faire parvenir; que ces affirmations non seulement ne sont pas contestées, mais semblent confirmées par les remises successives de l'audition du requérant à )'Office des étrangers, remises attestées par la pièce n° 34 du dossier administratif; que Je requérant prétend être entré en possession de l'avis de recherche Je 17 novembre 1993; que sa dernière comparution à l'Office des étrangers et son audition ont eu lieu Je 9 décembre 1993; que l'avis de recherche et sa traduction libre figurent au dossier administratif avec une enveloppe portant Je cachet de la poste «17.11.93»; qu'on peut donc tenir pour acquis que la décision dont la suspension de l'exécution est demandée, prise en date du 9 décembre 1993, l'a été en connaissance de cette pièce nouvelle, bien qu'elle n'en fasse pas mention et, par conséquent, ne se prononce pas sur la foi qui peut lui être due;

Considérant qu'à J'en-tête du Hezbollah, zone de Beyrouth, deuxième section, l'avis, daté du 17 décembre 1992, porte ce qui suit, selon la traduction libre mais non contestée qui en accompagne la photocopie en arabe:

«Il est demandé à tous les camarades, établis dans la deuxième section, de procéder à l'a"estation du nommé: Abdo Saleh Sawan, né à Younim, le 1mai196(,.

»Prière de remettre ce dernier entre les mains du centre de sécurité le plus proche dépendant du Parti. Ou dans le cas échéant fournir toute information susceptible d'identifier le lieu où il se trouve.

Signature Abou Ali Haïder Sceau.»;

Considérant que la première partie adverse, se fondant sur l'article 50, alinéa 4, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, Je séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, oppose à la demande un déclinatoire de la juridiction du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension;

Considérant que l'article 50 précité dispose co=e suit en ses alinéas 3 et 4:

«Le Ministre qui a l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses attributions, ou son délégué, peut décider de ne pas prendre la déclaration en considération lorsque l'étranger a déjà fait auparavqnt la même déclaration auprès d'une autorité visée à l'alinéa 1er et qu'il ne fournit pas de nouveaux éléments qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951. Les nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après la dernière phase de la procédure au cours de laquelle l'étranger aurait pu les fournir.

»Une décision de ne pas prendre la déclaration en considération n'est susceptible que d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat. Aucune demande de suspension ne peut être introduite contre cette décision»;

Considérant que par son arrêt n° 61/94 du 14 juillet 1994, la Cour d'arbitrage a rejeté la demande d'annulation de l'article 8, 3°, de la loi du 6 mai 1993 qui complétait l'article 50 de la loi du 15 décembre 1980 par les alinéas précités; que ce rejet a été prononcé sous réserve de l'interprétation que la Cour a donnée de l'article 50, alinéa 4, en B.5.8.1 et B.5.8.2 de son arrêt, à savoir:

<<B.5.8.1. La disposition attaquée a été justifiée comme suit, lors des travaux préparatoires:

»«Le but est d'éviter qu'un étranger prolonge son séjour de façon artificielle par l'introduction d'une deuxième ou suivante demande, après qu'un examen clôturé avait prouvé qu'il n'entraît pas en ligne de compte pour une reconnaissance en tant que réfugié. Donc, il s'agit d'étrangers qui, auparavant déjà, avaient introduit une demande et qui ont eu la possibilité d'introduire un recours contre un refus. Un refus conformément à l'article 50, alinéa 3, peut être considéré co=e un refus d'examiner, une deuxième fois, une affuire avec les mêmes parties et ayant le même objet. Un éventuel deuxième examen de la même demande peut être refusé, sans que cela signifie que l'intéressé se voit refuser le droit à une voie de droit effective.» (Exposé des motifs, Doc. Pari., Sénat, 1992-1993; n° 555-1, p. 9).

»Le législateur a voulu éliminer une forme spécifiq_ue d'abus de procédure, qui consiste à multiplier des déclarations identiques.

»Dans ce but, il a exclu la demande de suspension auprès du Conseil d'Etat dans les cas où l'étranger:

»a) a déjà fait auparavant une déclaration visant à se faire reconnaître comme réfugié qui n'a pas été prise en compte à l'issue d'une enquête; et

RECUEIL DES ARRErS DU CONSEIL D'EfPJ - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840

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»b) a eu la possibilité d'exercer toutes les voies de recours contre ce refus et, le cas échéan~ de les mener à leur terme; et

»c) fait une déclaration identique sans avancer un quelconque élément nouveau.

»Les nouveaux éléments, au sens de la disposition législative attaquée, sont ceux qui «ont trait à des faits ou des situations qui se sont produits après la dernière phase de la procédure au cours de laquelle l'étranger aurait pu les fournir».

»B.5.8.2. L'article 50, alinéas 3 et 4, n'est donc applicable qu'à une décision purement confirmative du ministre ou de son délégué.

»Par conséquent, cette disposition ne vise qu'une cause spécifique d'irrecevabilité de la demande de suspension devant le Conseil d'Etat. Ce dernier vérifiera, avant de déclarer irrecevable la demande de suspension, si les conditions de cette cause d'irrecevabilité se trouvent réunies.

»Si l'étranger fait valoir de nouveaux éléments mais que le ministre compétent ou son délégué juge que ceux-ci ne sont pas de nature à démontrer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, l'article 50, alinéas 3 et 4, n'est pas applicable.»;

Considérant qu'il y a donc lieu de vérifier en l'espèce si la décision du 9 décembre 1993 est ou non purement confirmative de celle du 26 juillet 1993, devenue définitive faute de recours;

Considérant que la décision prise le 26 juillet 1993 de rejeter la demande urgente de réexamen introduite par le requérant se fondait sur les <<motifs de droit et de fait indiqués par le commissaire général aux réfugi,és et aux apatrides dans son avis» du 22 avril 1992; que cet avis était lui-même motivé en ces termes:

«L'intéressé a été entendu en langue arabe avec l'aide d'un interprète.

»Il prétend avoir été milicien du Hezbollah depuis 1986 en vue de libérer le Liban de toute présence étrangère, ce qui ne laisse de surprendre au vu de la propagande pro-iranienne dont était porteur ledit mouvement. Il aurait en cette qualité participé à tous les combats contre les phalangistes, les Forces libanaises, la milice Amal dans la banlieue sud de Beyrouth, ce qui peut supposer légitimement la commission d'actes tombant sous les clauses d'exclusion du bénéfice de la protection accordée par la Convention de Genève. Cette activité n'a en outre pas été décrite comme telle à /'Office des étrangers.

»Plus étonnant encore, il aurait, dès 1989, collaboré à l'issu du Hezbollah avec les forces du GénéralAoun, au motif que ce dernier défendait réellement le Liban face à toute intrusion étrangère. Cet acte de traîtrise aurait été découvert tant par les responsables du Hezbollah que par les autorités syriennes à la suite de l'arrestation de son ami et collègue Kaisi, par l'année syrienne le 10 décembre 1991 (ou le 15 octobre 1990, d'après le rapport de /'Office des étrangers) qui l'aurait dénoncé.

»L'absence de cohérence interne du récit qui sous-entend (lire «sous-tend») la demande d'asile ne permet pas d'y ajouter foi.

»En conséquence, le Commissaire général émet un avis défavorable au séjour de l'intéressé. Il considère en outre que dans les circonstances actuelles, /'intéressé peut être reconduit à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration sa vie ou sa liberté serait menacée»;

Considérant que, par rapport à cette motivation concluant au manque de crédibilité du récit du requérant, l'avis de recherche du 17 décembre 1992 n'était certes pas dépourvu de pertinence, pour autant qu'on pftt lui accorder foi; que, sans qu'il soit besoin d'examiner si, dans l'interprétation de la Cour d'arbitrage, la production d'une preuve nouvelle peut être assimilée à un élément nouveau, il suffit de constater en l'espèce que l'avis de recherche se rapporte à une situation antérieure à la décision du 26 juillet 1993, mais postérieure à l'avis du 22 avril 1992 sur lequel cette décision se fonde; qu'il s'agissait donc d'un élément nouveau au sens où l'entendent et l'article 50, alinéa 3, de la loi et l'arrêt n° 61/94 de la Cour d'arbitrage; que la partie adverse ne pouvait se dispenser de le prendre en considération, de sorte que sa décision du 9 décembre 1993 ne saurait être tenue pour purement confirmative de celle du 26 juillet 1993 même si elle s'est donné l'apparence de l'être, faute d'avoir mentionné la pièce nouvelle et analysé la portée qui pouvait lui être attribuée; que le déclinatoire ne peut être accueilli;

Considérant que le requérant prend un premier moyen de la violation de l'article 62 de la loi du 15 décembre 1980 en ce que la décision attaquée n'est nullement motivée à suffisance;

Considérant que, dans sa note d'observation du 23 mars 1994, la partie adverse se borne à soulever le déclinatoire de la compétence du Conseil d'Etat au contentieux de la suspension sans répondre sur le fond;

Considérant que la décision attaquée est motivée en ces termes:

«Les motifs invoqués par l'intéressé à l'appui de sa deuxième demande sont les mêmes que ceux invoqués lors de la première demande, à savoir que la requête est étrangère à la convention de Genève»;

Considérant qu'une telle motivation est incohérente, le requérant n'ayant évidemment pas soutenu que sa demande était <<étrangère à la convention de Genève»; qu'en outre, elle n'expose pas la raison pour laquelle l'avis de recherche du Hezbollah n'a pas paru probant à l'auteur de l'acte; que le moyen est sérieux;

RECUEIL DES ARRETS DU CONSEIL D'E~ - 1994

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Arrêts Nos 48. 799 à 48.840 Page 75 N° 48.840

Considérant, quant au risque de préjudice grave difficilement réparable qu'entraînerait l'exécution immédiate de l'acte attaqué, que ce risque serait réel si le récit du requérant se trouvait confirmé;

Considérant qu'ainsi se trouvent réunies en l'espèce les deux conditions auxquelles l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat permet à celui-ci de suspendre l'exécution d'un acte administratif;

Considérant que l'article 17, § 4, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat dispose comme suit:

«( ... ) Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l'arrêt>>;

qu'un délai aussi bref ne saurait s'accommoder des délais ordinaires de la procédure; qu'il y a lieu de les réduire de la manière fixée au dispositif ci-après,

(Est suspendue l'exécution de l'ordre de quitter le territoire notifié à Abdo Sawan le 9 décembre 1993).

RECUEIL DES ARRErS DU CONSEIL D'Ef/U - 1994