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71 boulevard Raspail 75006 Paris - France Tel : +33 1 75 43 63 20 Fax : +33 1 75 43 63 23 www.centreasia.eu [email protected] siret 484236641.00029 Le cadre institutionnel et réglementaire indien du commerce et de l’investissement international Entre autonomie et indétermination note Alors que le cycle de Bali a finalement permis d’aboutir à l’accord tant attendu par les négociateurs OMC, la place de l’Inde dans l’architecture du commerce international n’aura jamais été aussi centrale. Si les questions de sécurité alimentaire et l’approche d’une échéance électorale déterminante sont avancées pour expliquer l’apparente rigidité de la position de Delhi lors de la dernière phase des discussions, un certain nombre d’autres éléments entrent en ligne de compte. Entre volonté d’autonomie normative et redéfinition d’une stratégie économique pour l’après 2014, l’Inde est en effet traversée par des courants apparemment contradictoires qui l’entraînent dans une forme d’instabilité réglementaire à l’échelle nationale et bien évidemment locale. Le tout dans un contexte international mouvant où le « méga régionalisme » masque et participe à la fois à un changement fondamental de paradigme qui questionne le multilatéralisme, mais aussi la nature même de la régulation du commerce et de l’investissement 1 Leïla Choukroune est actuellement Directeur du CSH (Centre de Sciences Humaines), UMIFRE 20 et USR 3330, de Delhi en Inde. Professeur de droit international économique (Faculté de droit de l’Université de Maastricht), ses recherches portent sur les émergents et les questions de commerce et investissement. international. Au-delà des questions réglementaires et sectorielles spécifiques, ces éléments sont à analyser pour comprendre le blocage actuel des négociations et anticiper des stratégies nouvelles dépassant le concept de « libéralisation asymétrique » mis en avant jusqu’à présent. Note rédigée par Leïla Choukroune 1 , Directeur du CSH (Centre de Sciences Humaines), UMIFRE 20 et USR 3330, de Delhi en Inde. Décembre 2013 PROGRAMME GOUVERNANCE GLOBALE

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71 boulevard Raspail 75006 Paris - France Tel : +33 1 75 43 63 20 Fax : +33 1 75 43 63 23 www.centreasia.eu [email protected] 484236641.00029

Le cadre institutionnel et réglementaire indien du commerce et de l’investissement internationalEntre autonomie et indétermination

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teAlors que le cycle de Bali a finalement permis d’aboutir à l’accord tant attendu par les négociateurs OMC, la place de l’Inde dans l’architecture du commerce international n’aura jamais été aussi centrale. Si les questions de sécurité alimentaire et l’approche d’une échéance électorale déterminante sont avancées pour expliquer l’apparente rigidité de la position de Delhi lors de la dernière phase des discussions, un certain nombre d’autres éléments entrent en ligne de compte. Entre volonté d’autonomie normative et redéfinition d’une stratégie économique pour l’après 2014, l’Inde est en effet traversée par des courants apparemment contradictoires qui l’entraînent dans une forme d’instabilité réglementaire à l’échelle nationale et bien évidemment locale. Le tout dans un contexte international mouvant où le « méga régionalisme  » masque et participe à la fois à un changement fondamental de paradigme qui questionne le multilatéralisme, mais aussi la nature même de la régulation du commerce et de l’investissement

1 Leïla Choukroune est actuellement Directeur du CSH (Centre de Sciences Humaines), UMIFRE 20 et USR 3330, de Delhi en Inde. Professeur de droit international économique (Faculté de droit de l’Université de Maastricht), ses recherches portent sur les émergents et les questions de commerce et investissement.

international. Au-delà des questions réglementaires et sectorielles spécifiques, ces éléments sont à analyser pour comprendre le blocage actuel des négociations et anticiper des stratégies nouvelles dépassant le concept de «  libéralisation asymétrique » mis en avant jusqu’à présent.

Note rédigée par Leïla Choukroune1, Directeur du CSH (Centre de Sciences Humaines), UMIFRE 20 et USR 3330, de Delhi en Inde.Décembre 2013

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Introduction un contexte international en mouvement

L’Union européenne représente le plus gros partenaire commercial de l’Inde avec 17% de son commerce global (importations et exportations)2. Les dernières années ont cependant souligné une tendance inquiétante qui se traduit par la diminution progressive de la part de l’UE dans le commerce indien3. L’UE est par ailleurs le plus gros investisseur étranger en Inde4. Cinq pays sont à la tête de cet effort d’investissement (Royaume-Uni, Pays-Bas, Chypre, Allemagne, France) pour un total de 17,3% des IDE entrant en Inde5. Les secteurs des services et des télécommunications restent ceux qui attirent le plus les investisseurs étrangers avec respectivement 20,8% et 8,3% des flux d’IDE6. Une plus grande ouverture du marché indien laisserait présager une forte croissance des IDE alors même que la Commission des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) estimait que ceux-ci avaient augmenté de 35% sur les premiers semestres de l’année 20137. L’IDE, encore plus que les échanges commerciaux, est toutefois soumis à de fortes variations réglementaires qui handicapent son développement sur le plus long terme.

L’Inde et l’Union européenne, fortes d’une longue relation commerciale établie dès 1962, ont décidé, en 2000, d’entrer dans un « partenariat stratégique », et de façon à approfondir leurs liens en matière de commerce et d’investissement, ont entamé la négociation d’un accord de libre-échange de grande ampleur en 2007. Ce super traité vise à libéraliser, de manière progressive et asymétrique, le commerce des biens et des services, mais aussi les investissements, et comporte un certain nombre de chapitres sur la coopération économique, les marchés publics, la propriété intellectuelle et les questions de développement durable. Quatorze cycles de négociation ont été jusqu’à présent menés pour aboutir au premier traité d’envergure entre l’Inde et un groupe de pays développés et l’Europe et un grand émergent.

L’accord de libre-échange entre l’Inde et l’Union européenne semble, selon certaines études, paré de toutes les vertus économiques et devrait conduire, si l’on suivait le scénario d’une ouverture significative du marché, à un gain de 17,7 milliards d’euros pour l’Inde et de 1,6 milliards pour l’UE8. Ces prévisions, largement formulées dans les premières années de la négociation de l’Accord, ne tiennent toutefois pas compte du contexte international mouvant qui se caractérise aujourd’hui par l’explosion des traités régionaux et une certaine remise en question du multilatéralisme comme l’ont souligné les difficultés rencontrées lors du cycle de Doha pour le

2 Voir Annexes. 3 Ibid., 4 D’après Eurostat, voir annexes. 5 Voir http://www.fdiindia.in/ 6 Ibid., 7 Voir CNUCED Global Investment Trend Monitor, n°13, October 2013. 8 Voir Ecorys, Trade Sustainability Impact Assessment for the FTA between the EU and the Republic of India, 2009.

développement. Aujourd’hui en effet, pas moins de 110 pays sont impliqués dans 22 négociations régionales en matière d’investissement9. La plupart de ces nouveaux super traités comportent un mélange de dispositions qui couvrent non seulement la libéralisation des échanges et de l’investissement, et celle des marchés publics, mais aussi des questions de propriété intellectuelle, et des questions environnementales ou sociétales. Dans le cadre de l’après-Lisbonne et de l’élargissement de ses compétences aux politiques et à la réglementation de l’investissement étranger, l’Union européenne affiche un volontarisme stratégique avec la poursuite d’une série de négociations de grande envergure (UE-Canada, UE-Singapour), et le lancement, en 2013, de nouveaux chantiers (UE-Japon, UE-Maroc, UE-Thailande et bien sûr UE-États-Unis avec le Trans-Atlantic Trade and Investment Partnership (TTIP)). L’Inde n’est pas en reste avec notamment sa participation, depuis novembre 2012, aux négociations ouvertes par l’ASEAN avec l’Australie, la Chine, le Japon, la Nouvelle Zélande et la République de Corée en vue de la signature d’un Regional Comprehensive Economic Partnership Agreement (RCEP) dont l’impact pourrait être immense en termes de volume commercial et de populations concernées dans une Asie pensée comme une « méga région » qui fait pendant à celle imaginée par les États-Unis pour leur Trans-Pacific Parternship Agreement (TPP)10.

Les bénéfices annoncés d’un Accord de libre-échange entre l’Inde et l’UE doivent également prendre la mesure de l’impact sociétal et environnemental, il est vrai plus difficile à mesurer, que produirait un tel traité, et les réactions, certes parfois injustifiées techniquement, mais révélatrices d’autres attentes sociales, de la société civile.

On comprend donc que le blocage actuel des négociations commerciales est à analyser à l’aune d’autres éléments que l’échéance électorale indienne du début 2014 et le nécessaire approfondissement des réformes institutionnelles et réglementaires (I) entamées dans les années 1990. Une autre cartographie des échanges se dessine aujourd’hui, à l’échelle « méga régionale », avec la définition de nouveaux partenariats, de nouveaux rapports de force et, dans une certaine mesure, de nouvelles normes (II).

9 Voir CNUCED, International Investment Agreement (IIA), Issues Note, n°3, Juin 2013. 10 Qui comprend les États-Unis, l’Australie, Brunei Darussalam, le Canada, Le Chili, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam. Le Japon et la Thaïlande pourraient aussi rejoindre la négociation. Le 17ème cycle de négociation qui a pris fin en mai dernier.

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1. Le cadre réglementaire indien du commerce et de l’investissement

a. Approche institutionnelle

La politique commerciale indienne est largement déterminée par le Ministère du commerce et de l’industrie en coordination avec d’autres Ministères et agences de l’Etat comme le Ministère des finances, le Ministère de l’agriculture ou la Banque centrale (Reserve Bank of India). L’élargissement des négociations de libéralisation des échanges à de nouveaux domaines (investissement, marchés publics, environnement) en font désormais des questions hautement stratégiques pour l’Etat indien si bien que l’on observe une plus grande implication du Ministère des affaires étrangères (Ministry of External Relations – Investment and Technology Promotion Division (ITP))11.

Le cadre de la politique commerciale indienne est déterminé par le département du commerce du Ministère du commerce et de l’industrie après consultation avec les grands acteurs commerciaux (Federation of Indian Export Organisations, Federation of Indian Chambers of Commerce and Industry, Confederation of Indian Industries, etc) pour une durée de 5 ans12. Il est toutefois régulièrement retouché en fonction des évolutions internes et internationales. Pensée sur le long terme pour atteindre certains objectifs stratégiques, la politique commerciale fait aussi l’objet d’ajustements de plus court terme qui visent aussi bien à maîtriser l’inflation qu’à participer à la politique industrielle. Cela implique évidemment un certain degré de flexibilité et donc une forme d’instabilité qui peut être préjudiciable à la lisibilité de projets indiens.

Quant à l’investissement, une première circulaire de politique IDE consolidée (Consolidated FDI Policy) a été publié le 1er avril 2010 afin d’harmoniser la politique et la réglementation en matière d’IDE. La dernière livraison d’avril 2013 offre un panorama détaillé des normes applicables aux IDE par secteur et en fonction de leur mode d’entrée (automatique ou après approbation). Les trois principales institutions chargées de la politique en matière d’IDE sont le Foreign Investment Promotion Board (FIPB) qui dépend du Ministère des finances, le Foreign Investment Implementation Authority (FIIA), le Secretariat for Industrial Assistance (SIA).

11 Voir Ministry of External Affairs, Gov. of India, Investment and Technology Promotion Division (ITP): http://indiainbusiness.nic.in/newdesign/index.php

12 Voir en annexe les dernières feuilles de routes publiées par Delhi.

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Ministère du commerce et de l’industriehttp://goidirectory.nic.in/ministries_index.php?ct=6

- Département du commerce

- Département de la politique industrielle et de la promotion

- Direction générale du commerce extérieur

- Commission des tarifs

Réglementation, développement, promotion du commerce indien et acteur central des négociations internationales

Formulation de la politique industrielle, délivrance des licences industrielles, antidumping, mesures de sauvegardes, politique en matière d’IDE et de propriété intellectuelle.

Conseil en politique commerciale, licences d’importation et exportation

Recommandations en matière tarifaire

Ministère des Affaires Etrangères

- Ministry of External Relations – Investment and Technology Promotion Division ITP – - India in Businesshttp://indiainbusiness.nic.in/newdesign/index.php

Plus grande implication dans les négociations stratégiques commerciales, portée politiqueSite Internet regroupant l’essential des information sur le « Doing Business in India »

Ministère des finances - Département des affaires économiques

- Bureau de promotion des IDE

- Département du revenu

- Bureau central des douanes et excise

Budget

Approbation des projets d’IDE

Impôts directs et indirects

Droits de douane, excise, fraudeBanque Centrale Change et réserve

Ministère de la consommation, de l’alimentation et de la distribution publique

-Département de la consommation

- Bureau des standards

- Département de l’alimentation et de la distribution

Observation des prix et de la disponibilité des produits de base, standards (poids et mesures)

Développement des standards indiens et certification

Formulation et mise en œuvre des politiques en matière de marchés publics, réserve et distribution des céréales, du sucre, du riz et des oléagineux

Ministère de la chimie et des engrais

- Département des engrais

- Département des produits pharmaceutiques

Planification et surveillance de la production et de distribution

Fixation des prix, surveillance des prix

Ministère de l’acier Formulation des politiques de prix, distribution, import, export

Ministère du textile Stratégie d’exportation et réglementation du commerce

Ministère de l’agriculture

- Département de l’agriculture et de la coopération

- Commerce

- Département de la protection des plantes

- Département de produits animaliers, de la pêche et de produits laitiers

Politiques générales

Exportation, importation

Protection, quarantaine, standards, maladies

Standards et santés des animaux

Ministère du pétrole et du gaz naturel Exploration, production, raffinage, distribution, marketing, importation, exportation

Principales institutions chargées de la politique commerciale indienne

Source: India Web Directory online information. http://goidirectory.nic.in/index.php

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b. Approche normative

Une revue détaillée du cadre réglementaire indien du commerce et de l’investissement demanderait une étude très fouillée qui dépasse largement l’objet de cette note. Les éléments ci-dessous visent donc à présenter de manière synthétique de grandes directions.

i. Commerce

Les droits de douane indiens (14%) sont, en moyenne, nettement plus élevés que ceux de l’Union européenne (4%). Ils sont annoncés annuellement, mais peuvent être modifiés au cours de l’année. En plus de ces droits de douane, les importateurs sont tenus de payer un droit supplémentaire (droit compensateur) et une taxe spéciale. Pour déterminer le taux effectif appliqué à un produit, il convient de prendre en compte les barèmes spécifiques des droits de douane et des droits d’accise (excise rate). Les tarifs indiens sont généralement calculés ad valorem (94%) et parfois de manière spécifique (6%). Des restrictions à l’importation peuvent par ailleurs être imposées sur des critères liés à des normes de santé, sécurité ou encore de questions de moralité. Bien sûr, ces mesures non tarifaires sont fondées sur des objectifs de politique interne (santé, sécurité alimentaire, etc). Enfin, l’Etat indien verse un certain nombre de subventions, essentiellement à l’agriculture, et continue d’appliquer une politique de contrôle des prix pour certaines marchandises (produits agricoles et médicaments surtout) pour répondre aux besoins des plus démunis et leur assurer un accès à l’alimentation et aux médicaments.

Dans le cadre des négociations d’un accord de libre-échange, l’Union européenne a demandé à l’Inde de réduire ses droits de douane sur une large gamme de produits. Cela semble aujourd’hui difficile à accepter pour Delhi alors que son déficit commercial s’est creusé ces dernières années, puis quelque peu amélioré en 2013 (9.2 milliards de USD en Novembre 2013 son plus bas niveau depuis Mars 2011). Les récents traités signés avec le Japon et la Corée ne laissent pas présager de déblocage dans la mesure où l’Inde n’a pas encore beaucoup profité des concessions accordées à ces économies et rencontre une forte opposition de ses producteurs à toute nouvelle concession dans les domaines sensibles comme ceux des vins et spiritueux ou encore de l’automobile13. De telles concessions seraient bien évidemment liées à celles acceptées par l’Union européenne dans d’autres domaines (services et mouvement des personnes notamment).

De manière générale, l’Inde, Membre fondateur de l’OMC, coopère de très près avec l’Organisation dans un réel esprit de transparence14. Elle est par ailleurs l’un des utilisateurs les plus actifs des mécanismes antidumping et de sauvegarde.

13 Voir pour le traité de libre échange avec la Corée : http://aric.adb.org/fta/india-korea-comprehensive-economic-partnership-agreement et pour celui avec le Japon : http://www.mofa.go.jp/policy/economy/fta/india.html 14 Voir http://www.wto.org/english/thewto_e/countries_e/india_e.htm

ii. Investissement

Le régime de l’investissement étranger a été progressivement libéralisé à partir du début des années 1990. La politique consolidée en matière d’investissement offre un cadre unique à l’investissement direct étranger. La plupart des secteurs sont, tout au moins partiellement, ouverts aux IDE. Deux chemins d’investissement (entry route) sont prévus  : l’un automatique, l’autre après approbation par le gouvernement. Un certain nombre de secteurs sont par ailleurs fermés à l’investissement étranger15. Dans le cas d’une entrée automatique, l’investisseur étranger doit bien évidemment respecter les normes en vigueur dans le secteur précis, ainsi que certaines conditions. Il suffit de notifier ensuite l’investissement au bureau régional de la Reserve Bank of India dans un délai de 30 jours. Dans les secteurs pour lesquels l’investissement est contrôlé (capped) il convient de solliciter l’accord du Foreign Investment Promotion Board (FIPB) qui demande lui-même pour certains investissements importants l’accord du Ministère des finances. Jusqu’en 2008, l’établissement des entreprises était soumis à une politique de licences industrielles fondées sur leur ancrage géographique. Certaines exceptions étaient accordées à des entreprises perçues comme non polluantes ou cherchant à s’établir dans des zones dédiées. Bien que cette restriction géographique ait été supprimée en Août 2008, il convient toujours de suivre un certain nombre de procédures à commercer par une étude d’impact environnemental. Les principaux textes qui encadrent l’activité des entreprises sont le Companies Act de 1956, le Indian Partnership Act de 1932, l’Arbitration and Reconciliation Act de 1996, le Competition Act 2002 et le Foreign Exchange Management Act de 1999. Ce à quoi il convient d’ajouter un certain nombre de normes en matière de fiscalité et de propriété intellectuelle.

Selon la Banque mondiale, il convient de suivre une douzaine d’étapes en 27 jours pour monter une entreprise en Inde16. A titre de comparaison, toujours d’après la Banque mondiale, il faut suivre 13 étapes en 33 jours en Chine, 13 étapes et 107 jours au Brésil, 5 étapes en 19 jours en Afrique du Sud et 7 étapes en 15 jours en Russie. L’Inde n’est donc pas la plus mal placée parmi les BRICS. Avec 82 traités bilatéraux d’investissement (TBI) dont 72 sont entrés en vigueur, l’Inde dispose d’un cadre réglementaire international large et plutôt favorable à l’investissement étranger17. Elle est, selon la CNUCED, la troisième destination la plus attractive en matière d’IDE après la Chine et les États-Unis18. Reste à savoir dans

15 Voir Ministry of Commerce and Industry, Department of Industrial Policy and Promotion, Consolidated FDI Policy, Avril 2013 : « FDI is prohibited in: (a) Lottery Business including Government /private lottery, online lotteries, etc. (b) Gambling and Betting including casinos etc. (c) Chit funds (d) Nidhi company (e) Trading in Transferable Development Rights (TDRs) (f) Real Estate Business or Construction of Farm Houses (g) Manufacturing of Cigars, cheroots, cigarillos and cigarettes, of tobacco or of tobacco substitutes (h) Activities / sectors not open to private sector investment e.g. Atomic Energy and Railway Transport (other than Mass Rapid Transport Systems). »16 Voir Banque Mondiale, Doing Business 2014: http://www.doingbusiness.org/data/exploreeconomies/india/ 17 Voir la liste de TBI sur http://finmin.nic.in/bipa/bipa_index.asp. 18 Voir CNUCED, World Investment Report, 2013: http://www.unescap.org/news/unctad-world-investment-report-2013

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quelle direction iront les mesures qui suivront la fin de l’examen actuel des politiques d’investissement et de TBI tout particulièrement. Si le cadre réglementaire indien de l’investissement est, on l’a vu, largement favorable aux entreprises étrangères, certaines annonces, et une relative indétermination dans des secteurs clés, portent préjudice à l’effort consenti en véhiculant une image d’instabilité qui ne correspond pas nécessairement à la réalité normative.

Exemple de mesures récentes prises par l’Inde entre janvier et octobre 2013

Source: CNUCED, Investment Policy Monitor n°11, 12 Novembre 2013.

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iii. Règlement des différends

Avec 21 affaires en tant que plaignant, 22 en tant que défendeur, et 92 différends comme tierce partie, l’Inde fait elle aussi partie des utilisateurs actifs de l’organe de règlement des différends de l’OMC (ORD)19. Il faut dire que Delhi avait eu à répondre d’un premier différend dès 1948 et introduisit sa première plainte devant le système de règlement des différends du GATT en 195220. Il fallut cependant attendre le début des années 1990 pour voir à nouveau une Inde combattante et combattue sur les terrains de l’antidumping, des mesures de sauvegarde ou de la propriété intellectuelle. Parmi ces affaires, certaines ont eu un retentissement très important à l’image de la fameuse affaire des crevettes (DS58) introduite contre les États-Unis par l’Inde, la Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande, et qui reste l’un des différends les plus marquants de l’histoire du commerce international puisqu’il traitait directement des relations entre discrimination commerciale et protection des ressources naturelles par le biais de l’application justifiée des mesures d’exception prévues par l’article XX du GATT 94. Un autre différend marqua les esprits dans la mesure où l’Inde cherchait à mettre en cause le système des préférences généralisées établi par la Communauté européenne en faveur de certains pays en développement avec lesquels elle entretenait des relations privilégiées (DS 246). Enfin, l’affaire des restrictions quantitatives à l’importation de produits agricoles, textiles et industriels (DS 90) dans laquelle l’Inde questionnait directement l’équilibre institutionnel de l’OMC. Ces affaires contribuèrent également de manière très significative au développement de la jurisprudence OMC sur les questions de discrimination, questions que l’on retrouve au cœur de presque toutes les dossiers indiens et des négociations de l’Accord de libre-échange avec l’Europe. Par son activisme et la constance de ses positions en faveur des pays en développement, l’Inde a largement participé à l’enrichissement des négociations OMC tout comme à l’élargissement du champ interprétatif de l’ORD.

Sa relation au règlement des différends en matière d’investissement est plus complexe. Au début 2013, l’Inde décidait en effet de suspendre toutes ses négociations internationales de traités bilatéraux d’investissement (TBI) au moment où elle entamait une étude de son propre système de TBI. Cette annonce n’était qu’assez peu surprenante dans la mesure où Delhi doit désormais faire face à un nombre important de différends avec pas moins de sept nouvelles affaires introduites en 2012 pour un total de 1721.

Alors que l’on observe un accroissement significatif des différends impliquant l’Asie, le système de règlement des différends entre États et investisseurs est au centre d’une intense polémique. Il a en effet subi des évolutions aussi radicales que controversées. Avec 514 différends connus 19 Voir http://www.wto.org/french/thewto_f/countries_f/india_f.htm 20 Voir India-Tax Rebates on Export, GATT.CP.2/SR11, BISD II/12., 24 août 1948 et Pakistan- Export Fees on Jute, GATT/L/41.21 En 2012, Les sept plaintes suivantes étaient introduites contre l’Inde: Axiata Group (Maurice) v India, Bycell (Russie) v India, Capital Global and Kaif Investment (Maurice) v India, Sistema JFSC (Russie) v India, Telenor v India (Singapour), The Children Investment Fund v India (GB), Vodafone v India (Pays-Bas).

enregistrés pour la fin de l’année 2012, la nature de ces affaires a également évolué  : les investisseurs n’hésitent plus en effet à viser les activités réglementaires des pays hôtes en questionnant les politiques publiques en matière d’environnement, de santé ou d’énergie. Des pays en développement, tout comme des pays développés, font l’objet de procédures multiples de la part de puissantes multinationales qui mettent en danger leur autonomie politique à réglementer la libéralisation de l’investissement étranger. Si bien que les inquiétudes actuelles se focalisent sur un ensemble de problèmes clairement identifiés : un déficit démocratique associé à un déficit de légitimité en rapport avec des interrogations légitimes sur le degré de professionnalisme et d’indépendance des arbitres et le manque de transparence de la procédure, une absence de cohérence et de clarté des décisions arbitrales, un coût de l’arbitrage et l’intervention de tierce parties dans son financement, et enfin, bien évidemment, l’absence d’un mécanisme d’appel des décisions. Aussi, la CNUCED, mais aussi une organisation plus ouvertement favorable à la libéralisation des échanges comme l’Organisation pour la Coopération Economique et le Développement (OECD), publient désormais une série de feuilles de route pour une réforme du système international de règlement des différends liés à l’investissement.

La situation de l’Inde, si on la compare à la Chine notamment, est assez paradoxale : alors qu’elle offre, dans une certaine mesure, une meilleure protection des investisseurs que Pékin, et n’est pas membre du CIRDI (Centre international de règlement des différends sur l’investissement), Delhi doit faire face à un plus grand nombre de différends connus (17/1). Plusieurs explications peuvent être mises en avant à cet égard  : l’instabilité réglementaire récente, mais aussi le fait même que l’Inde soit plus transparente et offre une protection plus large de l’IDE, ce qui facilite par la suite l’introduction de plaintes fondées sur ces mêmes standards de protection (clause de la nation la plus favorisée, traitement national, traitement juste et équitable). La nouvelle génération de traités bilatéraux chinois, plus protectrice pour l’investisseur étranger, devrait elle aussi faire naître une série de différends et ce d’autant plus que la Chine se révèle des plus actives devant l’organe de règlement des différends de l’OMC.

a. Approche sectorielle

Si l’économie indienne se transforme progressivement en une économie de services (43,37% du PIB et 34, % de la population active), l’agriculture (17,39% du PIB) continue d’employer 51% de la population alors que l’industrie ne représente que 25,7% du PIB avec 22,4% de la population active. Le dernier cycle de négociations entre l’Inde et l’Union européenne a souligné certaines difficultés sectorielles. Parmi celles-ci, nous avons choisi d’en retenir trois (l’agriculture et les mesures sanitaires et phytosanitaires, dites normes SPS, le commerce des services, les marchés publics) pour souligner quelques points de tension précis liés à des enjeux sociétaux majeurs.

i. Agriculture et SPS

Bien que l’agriculture indienne ne représente plus qu’une part relativement peu importante du PIB, son importance sociale et politique reste considérable. 72%

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de la population indienne réside encore en zone rurale et une large partie de celle-ci vit en dessous du seuil de pauvreté22. On comprend dès lors que l’Inde soit particulièrement attachée à un modèle précis qu’elle met en avant comme un rempart à l’insécurité alimentaire qui menace sa population en temps de spéculation financière sur les marchés des produits agricoles. Fervent défenseur d’un droit à l’alimentation, l’Inde s’inscrit en ce sens dans les travaux des Nations Unies et de son Rapporteur spécial23. Sa politique commerciale en est une illustration. Au-delà des droits de douanes très élevés qu’elle maintient sur les produits agricoles, l’Inde impose un certain nombre de restrictions quantitatives et autres quotas sur certains produits comme le sucre ou le coton. Elle soutient par ailleurs la politique de sauvegardes OMC et le traitement spécial et différencié accordé aux pays en développement. Sans compter que le secteur agricole est lui aussi très subventionné en Europe ce qui rend les produits indiens difficilement compétitifs. L’Inde met ainsi en avant trois objectifs prioritaires : la sécurité alimentaire, l’autosuffisance, et le soutien au revenu agricole.

Le récent texte de loi sur la sécurité alimentaire (National Food Security Act 2013 ou Right to Food Act) vise à aider Delhi à prévenir une grave crise par l’intervention de l’Etat sur les prix et la constitution de stocks alors que l’on sait que les produits agricoles font l’objet d’attaques spéculatives contribuant à l’extrême volativité des prix observée ces dernières années24. L’Inde n’est pas isolée dans cette quête de redéfinition des règles : des propositions avaient été formulées dès 2008, puis en 2012 par le G-33, un ensemble de pays émergents et en développement, pour que le calcul des subventions agricoles et les règles de la fameuse « boîte verte » (subventions autorisées) soient revues à l’aune des réalités actuelles et non pas de considérations datant du cycle de l’Uruguay et favorisant des pays développés qui, selon l’OCDE, ont augmenté leurs subventions agricoles de 350 milliards de dollars en 1996 à 496 milliards en 2011, alors même qu’ils ne cessaient de demander aux pays en développement de réduire les leurs.

Au cœur de ces négociations agricoles, les questions sanitaires et phytosanitaires revêtent une importance particulière en matière d’accès aux marchés. En 2006, l’Inde adoptait le Food Safety and Standards Act de façon à harmoniser ses normes. L’Union européenne, tout comme les États-Unis, qui ont récemment introduit une plainte devant l’organe de règlement des différends de l’OMC en lien avec les restrictions sur les importations agricoles américaines dans un contexte de grippe aviaire, se plaignent régulièrement de l’usage fait des SPS comme autant de protections du marché indien25. L’Inde, quant à elle, comme bon nombre de pays en développement, 22 Voir par exemple, Banque mondiale, http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/COUNTRIES/SOUTHASIAEXT/EXTSAREGTOPAGRI/0,,contentMDK:20273764~menuPK:548214~pagePK:34004173~piPK:34003707~theSitePK:452766,00.html. Avec 32,7% de sa population en dessous du seuil de pauvreté et 68% vivant avec moins de deux dollars par jour selon la Banque mondiale, l’Inde regroupe à elle seule en effet près d’un tiers des pauvres de la planète.23 Voir http://www.srfood.org/fr/droit-a-l-alimentation 24 Voir http://india.gov.in/national-food-security-act-2013. 25 Voir Inde-Mesures concernant l’importation de certains produits agricoles (DS 430), http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds430_f.htm.

dénonce ces règles comme des remparts techniques à l’accès au marché européen.

ii. Services

La situation des services est également source de blocages importants. Si l’Union européenne se montre particulièrement intéressée par des investissements dans ce secteur à forte croissance, l’Inde attend de l’Europe qu’elle s’engage de façon globale et notamment sur la question de la mobilité des personnes (Mode 4). Or, à l’inverse du commerce des biens, le commerce des services n’est pas tout à fait harmonisé en Europe notamment pour le séjour des personnes fournissant un service précis car ceci impliquerait de mettre en œuvre une politique d’immigration commune. Une politique de réciprocité est également attendue par l’Inde dans le secteur des services bancaires, mais l’Europe ne semble pas prête à ces concessions.

L’AGCS et le Mode 4

Selon l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), les services peuvent faire l’objet d’échanges internationaux selon 4 modes (la fourniture transfrontière, la consommation à l’étranger, la présence commerciale, la présence de personnes physiques). Le mode 4 se réfère à la présence de personnes d’un Membre de l’OMC sur le territoire d’un autre Membre en vue de la fourniture d’un service. Il ne concerne pas directement l’accès au marché du travail, la citoyenneté ou la résidence ou l’emploi à titre permanent, mais a des implications évidentes en matière de politique d’accueil des étrangers.

iii. Marchés publics

Un dernier point de friction très important à trait à l’accord sur les marchés publics. L’Inde n’est en effet pas encore partie à l’Accord OMC plurilatéral sur les marchés publics, mais a obtenu un statut d’observateur26. Delhi n’a généralement pas introduit de dispositions sur les marchés publics dans ses accords commerciaux sauf dans le récent India-Japan Comprehensive Economic Partnership Agreement (CEPA) pour lequel Delhi a accepté le principe de transparence, mais ne s’est pas engagé quant à l’accès au marché. La structure quasi-fédérale de l’Inde se prête difficilement à l’exercice dans la mesure où le pouvoir central (the Government of India), mais aussi les États et les administrations locales devraient donner leur accord pour l’obtention d’un tel marché. La société civile est assez largement opposée à une telle ouverture dans la mesure où elle impliquerait des redéfinitions politiques sur des matières sensibles (infrastructures, partenariats publics-privés) touchant à la souveraineté de l’Etat27. Il semblerait par ailleurs que l’Inde gagne assez peu de l’ouverture des marchés publics européens car ses entreprises ne seraient pas encore en mesure de profiter de cette opportunité face à la concurrence d’autres entreprises européennes.

26 Voir http://www.wto.org/french/tratop_f/gproc_f/gp_gpa_f.htm. 27 Voir Ranja Sengupta, Government Procurement in the EU-India FTA: Dangers for India Economic & Political Weekly 14 Juillet 2012, vol xlviI no 28.

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Au-delà des blocages spécifiques et des attentes légitimes de réformes du cadre réglementaire indien en direction d’une plus grande ouverture au commerce et à l’investissement, d’autres considérations sont donc à prendre en compte pour comprendre le blocage des négociations et les réorienter dans le sens d’un véritable partenariat stratégique.

2. L’Inde face au «  mega régionalisme  »  : répercussions institutionnelles et  normatives

a. Un ardent défenseur du multilatéralisme

L’Inde a été l’une des 23 Parties contractantes originales du GATT et elle est Membre fondateur de l’OMC. Elle a sans cesse défendu la cause des pays en développement, n’a jamais hésité à avoir recours au système multilatéral de règlement des différends et reste très circonspecte, du moins par principe, quant à la nécessité de s’engager dans des négociations régionales28. Historiquement, l’Inde a joué un rôle central dans l’introduction des questions de développement au sein du GATT et fut l’un des principaux négociateurs du système généralisé de préférences (SPG) mis en place, en 1968, dans le contexte de la seconde Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) qui se tenait à New Delhi. Favorable à un traitement différencié pour les pays en développement, elle s’est également opposée à l’élargissement des négociations de l’Uruguay Round aux questions des services, de propriété intellectuelle ou d’investissements. Plus ouverte désormais au commerce et à l’investissement, Delhi résiste toujours à certaines évolutions et a été à l’initiative, avec le Brésil et l’Afrique du Sud, de la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC (accords internationaux sur la protection des droits intellectuels) et la santé publique de novembre 2001, puis a directement contribué à la rédaction du Protocole portant amendement de l’Accord sur les ADPIC de 20052930. Très active au sein des négociations du cycle de Doha, l’Inde n’a eu de cesse de mettre en avant des propositions sur la réforme de l’Organisation31 ou l’avancée des discussions, dans le secteur de l’agriculture notamment, en se rapprochant alors du Brésil et, à d’autres occasions, des États-Unis et de l’Europe. Enfin, on le sait, le sommet de Bali, aura été l’occasion d’un bras de fer entre Delhi et les pays développés sur les questions de sécurité alimentaire avec comme toile de fond les nécessaires avancées en 28 Voir Robert, M Stern, Aaditya Mattoo (eds), India and the WTO, World Bank, 2003; Dipankar Sengupta, Debashis Chakraborty, Pritam Banerjee (eds), Beyond the Transition Phase of WTO, an Indian Perspective on Emerging Issues, Centre de Sciences Humaines (CSH), Academic Foudation, New Delhi, 2006; Jamil Ahmad, Datsgir Alam (eds), India and Regionalism in World Trade, New Century Publications, 2012. 29 Voir la Déclaration de Doha sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique du 14 novembre 2001 http://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min01_f/mindecl_trips_f.htm 30 Voir Protocole portant amendement de l’Accord sur les ADPIC de 2005 : http://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/accept_f.htm 31 Voir “Strengthening the WTO”, Communication from India, 3 juillet 2009, WT/GC/W/605.

matière de facilitation du commerce.

b. Quelle stratégie régionale ?

Pourtant, l’Inde est aujourd’hui engagée dans de nombreuses négociations régionales qui contribuent à changer la cartographie de ses échanges et ses priorités stratégiques32. Depuis novembre 2012, l’Inde participe avec l’ASEAN et l’Australie, la Chine, le Japon, la Nouvelle Zélande et la République de Corée à la négociation d’un Regional Comprehensive Economic Partnership Agreement (RCEP). Bon nombre d’autres négociations régionales l’ont occupée ou l’occupent encore aujourd’hui avec comme focale l’Asie et, dans un moindre mesure, les pays du Golfe avec lesquels Delhi entretient désormais une relation commerciale forte. Pour ce qui est des négociations conclues récemment, on peut citer l’Accord au sein de la SAARC (Association de coopération régionale en Asie du sud) pour y établir la South Asia Free Trade Area (SAFTA), l’Asia Pacific Trade Agreement (APTA), le India Africa Trade Agreement, les India Asean Agreements, l’India MERCOSUR PTA, ou encore le SAARC Agreement on Trade and Services. Quant aux négociations ouvertes, l’Inde négocie notamment un Accord cadre avec l’ASEAN, le RCEP, et bien sûr une série d’Accords bilatéraux avec les États-Unis, la Russie, et ses autres grands partenaires.

Conclusion

Cette politique du « Regard vers l’Est » (Look East Policy) qui se traduit par une forme d’hyper activité régionale à pour conséquence de détourner l’Inde de l’objectif européen en déplaçant le centre de gravité de son commerce extérieur vers l’Asie et le Golfe. Si bien que la volonté politique qui devrait présider à la conclusion d’un accord avec l’UE semble des plus faibles, d’aucuns allant même jusqu’à remettre en cause le caractère stratégique de la relation. L’UE post-élargissement est devenue incompréhensible pour l’Inde qui ne voit pas le bloc européen comme une priorité tant sa diversité actuelle semble déroutante. Aussi émerge l’idée d’un recentrage des négociations et du partenariat sur un ensemble restreint de pays de l’Europe de l’Ouest (Grande Bretagne, Allemagne, France, Pays-Bas). Cette position est évidemment difficile à tenir pour de grandes puissances européennes qui, depuis Lisbonne, se sont engagées à intégrer encore d’avantage leurs politiques en matière de commerce et d’investissement.

Attachée à son indépendance réglementaire tout comme à certains principes clés d’un commerce international pensé pour le développement (système de préférences généralisées, non réciprocité), l’Inde, entre autonomie normative et indétermination réglementaire ou géographique, est ainsi à l’avant-poste d’un changement de paradigme commercial. C’est ce changement profond que l’Europe doit prendre en compte en questionnant son architecture institutionnelle et son approche des négociations, pour proposer à l’Inde une nouvelle forme de partenariat qui dépasserait l’asymétrie commerciale mise 32 Voir http://www.commerce.nic.in/trade/international_ta.asp?id=2&trade=i

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en avant jusqu’à présent et la convaincre de s’engager plus avant.

Annexes

Principaux partenaires commerciaux de l’Inde

Part de l’UE dans le commerce indien (%)

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En US$ billion1 EAU 362 États-Unis 343 Chine 184 Singapour 175 Hong Kong 136 Pays Bas 97 Royaume Uni 98 Allemagne 89 Belgique 710 Indonésie 7

Exportations totales 304.6

en US$ billion1 Chine 58 2 EAU 36 3 Suisse 32 4 Arabie Saoudite 31 5 États-Unis 23 6 Irak 19 7 Koweït 16 8 Allemagne 16 9 Australie 15 10 Indonésie 15 Importations totales 489.4

En US$ billion1 Produits Pétroliers 56 2 Pierres précieuses & bijoux 47 3 Produits pharmaceutiques 24 4 Equipements et transport 21 5 Machines - outils 14 6 Confection 14 7 Produits manufacturés en métal 10 8 Produits électroniques 9 9 Caoutchouc et verre 7 10 Tissu en coton 7

Principales destinations des exportations indiennes pour 2012

Principales origines des importations indiennes pour 2012

Source: EXIM Bank et http://www.indiainbusiness.nic.in/trade/trade_commercial_relation.html

Source: EXIM Bank et http://www.indiainbusiness.nic.in/trade/trade_commercial_relation.html

Source: EXIM Bank et http://www.indiainbusiness.nic.in/trade/trade_commercial_relation.html

Principales exportations pour 2012

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Figures in US$ billion1 Pétrole brut 155 2 Or et argent 62 3 Produits électroniques 33 4 Perles et pierres précieuses 31 5 Machines non électroniques 30 6 Produits chimiques bio et non bio 19 7 Charbon, coke et briquettes 17 8 Equipement de transport 14 9 Produits et minerais métallifères 13 10 Fer et acier 12

Principales importations pour 2012

Source: EXIM Bank et http://www.indiainbusiness.nic.in/trade/trade_commercial_relation.html

Investissements Directs Etrangers (IDE) de l’UE en Inde

Source : UNCTAD – INDIA investment country profile 2013

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Profile tarifaire de l’Inde pour 2012

India

Part A.1   Tariffs and imports: Summary and duty ranges      

Summary   Total Ag Non-Ag WTO member

since    1995

Simple average final bound

    48.6 113.1 34.5 Binding coverage:

Total 73.8 Simple average MFN applied

  2012 13.7 33.5 10.4 Non-Ag 69.8 Trade weighted average

  2011 7.7 48.4 6.1 Ag: Tariff quotas (in %) 0.9

Imports in billion US$   2011 476.5 17.7 458.8 Ag: Special safeguards

(in % )  0

                     

Frequency distribution Duty-free 0 <= 5 5 <= 10

10 <= 15

15 <= 2525 <=

5050 <= 100

> 100 NAV

Tariff lines and import values (in %) in %

Agricultural products    

Final bound   0 0 1.2 0.1 2.4 7.2 54.0 35.0 0.3

MFN applied 2012 5.3 3.3 2.5 4.6 4.4 68.9 8.7 2.2 0.3

Imports 2011 15.8 3.9 9.4 2.7 4.0 27.3 35.3 1.5 2.1 Non-agricultural products

   

Final bound   3.1 0.5 0.0 0 14.9 50.7 0.4 0.2 6.0

MFN applied 2012 2.6 11.5 75.9 1.1 2.1 6.1 0.6 0.1 5.7

Imports 2011 14.1 46.3 38.9 0.0 0.3 0.1 0.2 0.0 0.4

Part A.2   Tariffs and imports by product groups        

  Final bound duties MFN applied duties Imports

Product groups AVG Duty-free Max Binding AVGDuty-free

Max Share Duty-free

    in %   in %   in %   in % in %

Animal products 105.9 0 150 100 31.1 0 100 0.0 0

Dairy products 65.0 0 150 100 33.5 0 60 0.1 0

Fruit, vegetables, plants 99.3 0 150 100 31.0 1.0 100 0.9 0.0

Coffee, tea 133.1 0 150 100 56.3 0 100 0.1 0

Cereals & preparations 115.7 0 150 100 31.3 15.4 150 0.0 3.7

Oilseeds, fats & oils 165.2 0 300 100 37.4 1.8 100 2.1 24.1

Sugars and confectionery 124.7 0 150 100 35.9 0 60 0.0 0

Beverages & tobacco 120.5 0 150 100 69.1 0 150 0.1 0

Cotton 110.0 0 150 100 6.0 80.0 30 0.0 99.8

Other agricultural products 105.7 0 150 100 22.5 13.2 70 0.3 6.6

Fish & fish products 100.7 0 150 13.0 29.9 0.1 30 0.0 0

Minerals & metals 38.3 0.4 55 60.6 7.6 0.5 10 36.0 22.4

Petroleum - - - 0 4.9 18.5 10 29.7 0.1

Chemicals 39.6 0.1 100 89.3 7.8 0.5 10 7.6 2.1

Wood, paper, etc. 36.6 0 40 64.6 9.0 4.0 10 1.6 2.6

Textiles 28.9 0 161 68.9 13.5 0 143 0.9 0

Clothing 37.8 0 65 55.3 14.1 0 65 0.1 0

Leather, footwear, etc. 34.7 0 40 50.9 10.2 2.5 70 1.0 0.1

Non-electrical machinery 28.2 7.0 40 94.5 7.3 4.7 10 8.0 18.7

Electrical machinery 27.0 26.9 40 93.7 7.3 16.7 10 6.3 52.0

Transport equipment 35.7 0 40 70.7 21.2 3.7 100 2.9 0.8

Manufactures, n.e.s. 30.8 21.6 40 42.5 8.8 5.7 10 2.2 25.4

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Part B  Exports to major trading partners and duties faced    

Major markets

Bilateral imports Diversification MFN AVG of Pref. Duty-free imports

  in million95% trade in

no. oftraded TL margin TL Value

  US$HS

2-digitHS

6-digitSimple Weighted Weighted in % in %

Agricultural products        

1. China   2011 3,560 7 9 15.8 5.8 3.0 6.2 2.5

2. European Union 2011 3,403 25 97 12.3 3.7 1.3 25.5 67.8

3. United States 2011 2,706 19 62 5.6 1.1 0.5 69.1 84.4 4. Saudi Arabia, Kingdom of

2011 1,425 17 59 12.4 3.7 0.0 26.4 68.6

5. Indonesia 2011 1,110 12 18 5.5 5.1 0.7 10.4 22.5 Non-agricultural products

       

1. European Union 2011 48,875 66 1,064 4.5 4.4 2.1 64.0 65.3

2. United States 2011 32,875 61 747 3.7 2.9 0.4 74.1 65.4

3. China   2011 19,818 38 189 9.1 2.3 0.7 9.1 72.4

4. Singapore 2011 13,849 36 129 0.0 0.0 0.0 100.0 100.0

5. Hong Kong, China 2011 13,409 8 22 0.0 0.0 0.0 100.0 100.0

Source : OMC http://stat.wto.org/TariffProfiles/IN_e.htm