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W 195. - 19 Août 1934 Tous les Dimanches ouleur ¡Are, pages G et 7 , le début de révélations sensationnelle« recueillies par Rouer oe ÜIAYM RD s Les confidences d’un “ gars de Birlbi ” un soir de cafard .

o u leu r - Criminocorpus · W 195. - 19 Août 1934 Tous les Dimanches o u leu r ¡Are, pages G et 7, le début de révélations sensationnelle« recueillies par Rouer oe ÜIAYMRD

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Page 1: o u leu r - Criminocorpus · W 195. - 19 Août 1934 Tous les Dimanches o u leu r ¡Are, pages G et 7, le début de révélations sensationnelle« recueillies par Rouer oe ÜIAYMRD

W 195. - 19 Août 1934 Tous les Dimanches

o u le u r

¡Are, p a g e s G et 7 , le début de révélations sensationnelle« recueillies par Rouer oe Ü IAYM RD s

L e s confidences d ’un “ g a r s d e B ir lb i ” un s o ir de c a fa r d .

Page 2: o u leu r - Criminocorpus · W 195. - 19 Août 1934 Tous les Dimanches o u leu r ¡Are, pages G et 7, le début de révélations sensationnelle« recueillies par Rouer oe ÜIAYMRD

A H U IS C L O S- C a u s e s Salées -P a p a . . . à q u a t o r z e a n »

La vie n’est pas un roman ! dit, dans Jack, le héros d’une des plus belles œuvres d'Alphonse Daudet, et c’est vrai... la vie n’est pas un roman : elle est plus invrai­semblable que le plus invraisemblable des romans, elle dépasse la Action la plus roma­nesque : et le palais de justice, ce lieu de rendez-vous de tout ce qui tourne mal : choses et gens, est une scène gigantesque, aux cent actes quotidiennement renou­velés... Le procès en reconnaissance de paternité qui doit se plaider prochainement à la première chambre ne semble-t-il pas émaner du cerveau trop fertile d’un roman­

cier ?Le jeune Robert, —• appelons-le ainsi —•

a treize ans, il fait des études assez peu brillantes, mais a une passion : la musique.

— Je voudrais apprendre le violon, ne cesse-t-il de répéter à ses parents qui, finalement, s’inclinent et découvrent un professeur en la personne de M 1,e J...

Trois fois par semaine, Hobert se rend chezson professeur, il fait de rapides progrès, si rapides que la demoiselle fait venir le papa et lui tient à peu près ce langage.

— Votre fils, monsieur, est une sorte de prodige... Il peut devenir un artiste, un grand artiste, mais il faut me l’envoyer

davantage !Le père consent et, chaque après-midi,

après le collège, l’enfant va chez son pro­fesseur de violon : trois ans se passent ainsi, le jeune homme — il a seize ans à présent — déclare, un beau jour, à ses parents :

— J ’arrête mes études pour me consa­crer tout à fait à la musique.

Le père n’accepte pas cette détermination il se rend chez M “ « J. : celle-ci est une ex-jolie femme, encore assez séduisante et fort élégante malgré ses quarante-huit ansbien sonnés :

—- Je ne puis, fait-elle avec son sourire le plus engageant que fortifier et encourager

votre fils.— Possible, mademoiselle, mais, moi,

j’ai une opinion différente, et mon fils doit continuer ses études d’architecte.

— Non, monsieur, il ne les continuera pas : il se donnera tout entier à la musique.

—- Mais enfin, mademoiselle, de quel droit prétendez-vous diriger la vie de mon

fils ?M 11' J.... sourit, et doucement, mais

sans hésitation, déclare :— Robert est mon amant depuis trois

ans !La foudre, tombant aux p!eds du père,

ne lui aurait pas fait plus d’effet que cette déclaration; pourtant il n'était pas au bout de son étonnement, car M 11* J... ajouta :

— Il est, de plus, le père de mon enfant ! Et ouvrant un tiroir, M ,le Y... montra à

son visiteur un pspier partant ces mots : —■ Je soussigné Robert X... déclare être

depuis deux ans l’amant de M l,e J... Je reconnais formellement être le pire de l’en­fant qu’elle vient d’avoir et que je recon­naîtrai dès que je serai en âge de le faire...

Le père fut atterré : son fils, son petit Robert était père d’un enfant dont la mère était cette femme mûrissante qui, toujours souriante, disait :

— Voici, monsieur, ce que Robert m ’a écrit, l’an dernier, quand vous étiez en va- vances :

Et elle lut :— M a gosse chérie.O ce gamin de quinze ans appelant une

femme de cinquante ans : « Ma gosse chérie» et ajoutant :

— Toi seule sais me donner du bonheur... Jamais je n’oublierai les jours passés près de loi... dans ton lit... Mes doigts sans cesse vou­draient toucher ta peau, ton corps... Jamais... jamais je ne t’oublierai... Jamais je ne pourrai dormir près d'une autre femme !

Hélas ! les gamins sont des hommes en herbe, et celui-ci — comme les autres — oublia... Lorsque le père du jeune Robert connut la vérité, il intima à son fils d’avoir à quitter une maîtresse d’un âge aussi dis­proportionné.

— Impossible, dit Robert, j’aime mon amie... Elle sera ma femme lorsque je serai majeur; il me sera permis de l’épouser, alors je reconnaîtrai mon fils !

Le père laissa couler quelque temps... Aujourd’hui, Robert ne veut plus épouser sa maîtresse, laquelle l’assigne en reconnais­sance de paternité, arguant du document que lui signa le garçonnet, lors de la nais­sance de l’enfant.

Mais Robert, lui, fera plaider qu’il estime ne pas être le père de l'enfant, né alors que lui-même avait quatorze ans et que c'est sa maîtresse qui, abusant de l'influence charnelle — c’est le mot des conclusions qui seront lues à l’audience — qu’elle avait sur lui. lui avait fait signer cette pièce.

La première chambre jugera prochai­nement cet original procès.

D i d i e r - R e n a u d .

O r a g e u s e n u i t d e n o c e s .Il a fallu que Félicien '/.... se décide

à régulariser son union avec Gisèle A... pour que tout, subitement, dans son foyer tourne au tragique. ; le mariage, fraîchement pro­noncé, devienne superflu ; la bonne entente qui jusque là avait régné entre les deux amants se transforme en une haine viru­

lente.Le tribunal correctionnel de Toulouse

vient de rendre sa sentence en cette affaire. En voici quelques détails amusants ;Le sieur vivait depuis huit ans avec

sa maîtresse, lorsque tous deux, d’un com­mun accord, décidèrent de passer par la mairie et l’église, afin d’avoir droit à la considération totale de leurs voisins.

On décida que la cérémonie serait joyeuse ; tous les amis et connaissances y furent conviés); on commanda le repas dans un des premiers établissements de la ville ; les futurs époux y engloutirent, sans hési­ter, les trois quarts des économies pénible­ment réalisées jusqu’alors.

Mais, s’ils devaient le regretter par la suite, tant que dura la noce, ils s’en donnè­rent à cœur joie, buvant, mangeant, dan- sant_comme seuls peuvent le faire des êtres qu’une vie de dur, de pénible labeur, n'a pas habitués aux bombances.

Dès dix heures du soir, Félicien était ivre ; quant à Gisèle, par respect pour son sexe, nous dirons qu’elle était « paf ». et

royalement.Le résultat de ces excès fut peu banal. Excité, hors de lui, troublé par le con­

tact des femmes présentes, le nouveau marié, à partir d’un certain moment, n’eut plus qu’un désir... celui de gagner la faveur de toutes les invitées qu’il entraînait dans des polkas incertaines. De son côté, Gisèle se laissa faire, le plus simplement du monde, deux doigts de cour par le militaire de la société, lequel jouissait du grade d’adju- dant-chef. A minuit, un phénomène curieux galvanisa tous les assistants, en état de pouvoir encore penser aux choses sérieuses. Le marié était disparu, et, avec lui, une certaine Laura Digoin, fille de salle de son état, mais bien connue aussi pour sa facilité à s'enflammer et à conquérir les

cœurs...Faut-il admettre que l’adjudant profita

de cet atout pour pousser Gisèle dans scs derniers retranchements ?

On est en droit de supposer que la mariée, furieuse, demanda au militaire de la recon duire sur-le-champ, jusqu’à son domicile.

Le fait est que tous deux s’éclipsèrent à leur tour, et à l'anglaise, un peu après minuit, pour né plus reparaître.

Et nous voici dans le logement des nou­

veaux époux.C ’est là que le drame se corsera.Il est deux heures du matin.La mariée repose dans le lit conjugal.

d’un sommeil agité. Près d’elle, l’adjudant s’apprête à tenter un nouvel assaut de la position qui a déjà capitulé ; il est content de lui.

Il ne songe guère au mari dont il a pris la place, le Don Juan I Et sa surprise n’est pas peu grande en voyant tout à coup la porte de la chambre s’ouvrir pour laisser paraître Félicien, flanqué de l'aguichante Laura.

1 1 n’est rien de tel pour dégriser un époux que. d’avoir sous les yeux le spectacle de son infortune.

Mais la sensation nette du danger n’est- pas moins propice au redressement de l’es­prit. suitout chez un adjudant-chef, un soldat.

Le dialogue entre les deux rivaux prit tout de suite une tournure violente.

— Que faites-vous ici ?— Vous n’avez rien à dire, avec ce que

vous avez sous le bras !-— Je vous défends d’insulter Laura. elle,

m ’a reconduit parce que j’étais un peu fatigué !

— Fatigué ! On devine pourquoi !— C’est pas vrai, on n’a rien fait !(Ceci est de la pétulante fille de salle

qui comprend que cela va se gâter.)Toi, tu n'as pas à intervenir, hurle

le marié 1... Ce s...d-là m ’a fait cocu et le soir de ma noce encore... Je vais lui casser la g... !

Quatre-vingt-dix fois sur cent, de telles menaces 11e vont pas plus loin. Mais Z... devait à son honneur tout neuf de montrer son aptitude à le venger...

11 se précipita donc sur son rival, les poings levés.

Au bruit de la lutte sauvage, la pauvre Gisèle s’éveilla en sursaut, esquissa un geste, mais pour se voir ajuster sur la tête un coup de bouteille qui était sans doute destiné à

son voisin...Lorsque la police, alertée par la mal­

heureuse Laura plus morte que vive, arriva sur les lieux, ce fut pour relever deux bles­sés. bien mal en point. L ’épouse et l’adju­dant, tandis que le vainqueur tenait encore dans scs doigts crispés le col d’un flacon, dont les débris jonchaient le parquet, au milieu d’une mare sanglante...

Par bonheur, Gisèle et le sous-officier n’eurent pas trop de mal. Ils ont même fait devant le Tribunal une confession sincère

de leurs torts.Mais, entre temps. Félicien a demandé

le divorce ; son cas est en effet de ceux qui facilitent largement la procédure de sépa­

ration.Il n’en est pas moins condamné pour

coups et blessures, à un mois de prison avec sursis, cinquante francs d’amende et. à l’égard des deux victimes, de dommages et intérêts que fixera un expert...

J. C.

U n e t r o p b r u y a n t e a m o u r e u s e .

On ne sait jamais ce qu’une femme parvenue à 1111 certain état d'exaspération est capable de dire ou de ne pas dire. Et les maris, en bien des cas de cette sorte devraient avoir la sagesse de se boucher les oreilles à l’émeri. Ne pas entendre, voilà la grande formule de paix et de tran­quillité à l’intérieur comme à l’extérieur des ménages ou des pays.

Ce soir-là, bien que ce fût un vendredi,

tiimiiiaiKiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiaiiiiiiiiiiiiiiiiaiiii

“ L E S A M I S D E L A P O U C E

Au Japon, on ne se contente /tas d'une vague sympathie /tour les défenseurs de l’ordre ; on s'ej- jorce de diverses manières de leur venir en aide, (yest ainsi qu’à Tokio il existe une société des Amis de la police qui encourage les actes de dévouement et d’entr’aide de la i>arl des civils. On voit sur notre photographie un certain nombre de ceux-ci recevant des récompenses pour des

services rendus spontanément à des policiers. (RAP.)

M-« Boucherai rentra chez elle un peu

man <Jue d ’habitude. Son mari,quiavait K W tous scs rendez-vous, était déjà

K ; d°? îai eur et un journal entrepian» « • -ki une sc*ne> sans raison.= " ^ . ement * sur 565 nerfs ». Lui. le Kl Hn - r la ma,adresse de réagir. v L n f répliques en répliques, ils en arri-

nonvait ^1 .a. Par°xysme dont on ne pou\ait rien attendre de bon

touTnli U 1)f„U,dc cri<:r dcs stupidités commertù rai . î par clan>er la belle M ” > Bou-

ta-” »rsixss:.__ ‘ !cin * Qj1®' ? Quels mufles ?...

p je voulais parler... th bien parle !

to,7t aLc„jeteur, tiens, pas plus tard que

DOUr mnn f • „ étais alléc lc consulter pour mon foie II a voulu me Violer...

- il a voulu te violer!...Oui, il a voulu me violer !...

exnlica»i?>n« at s’affola, demanda des en donna K„efi,g^ des Posions. On lui aux dent 1 de comPle> il prit le mors claouant la .SOn chaPeau et sortit en ma?otrù „ ,l i'°rU\ 11 «»a» corriger le

u *IUI- le malotru que... Ah ' m:'is

doctei.rS<aiiPa.SSerait pas comme ça L . Ce La belle M«'* o? ^ ** avait affaire... dans s-, Vha KUCherat’ s'é‘a»t enfermée larmes de so„ bre‘ P'eurait toutes «es

Mais vniri 1 corPs, comme il se doit...

médecin indigne t"1® " courrouré chez le

vidu. Je^vipn' V0US un ignoble indi- Le rn<irl<'/'ir»S • v'?.us demander raison...

nerfs, lui aussi n -devait avoir * ’s taec D ’un 1! Vn ¿coûta pas davanl’outraaé i ft t Prëc,s>il ferma le bec à

et d une bourrade“™ bas du'dos" V l>ali<‘r

culbuter à l’étage inférieur ' V*nx0y*

Boucherat "contaU* p,uslhtard'

missaire A I entendre, S f i S T ï “ ? ‘"n

meùrtreesuMeXmari B™ ™ ' 7 ™ ' ^ de

P a r ^ T r l * •

les faits ?*lUr ^ ecoin’ reconnaissez-vous

dont U^femm' . ’ Bouchcrat. s’est présenté chÜl • mes clientes, jours. || criai, 11 , ,V0Iri quelquesscandale le ’ , < mpètait. Il faisait du

Alors, mon Dieu ^Tî’ainr- bea" couP facou et je l’ai ha’lin • P par 1:1 Pcau du

ou U e le reconnais. ^ 'C pai" “ - O-

— ‘¿'vi«î\,,rC,,T;icr.poinl Mais le reste? — avec son ' ais M m" Boucherat

fois par semaine d e p u is "^ l" 'C d<" ' Et c’est précisément ?, environ six mois, j’ai refusé de conti P ce fllu’ ce soir-là.

son congé qu'elle a fa» #Ct ,,Ui ai si«ni,i<' moins je U s u p , ^ t<H" CCt aria' du

que vous hiîlivez faîrhq“ ’cl,c dit. 11 paraît

vous l’avez plongée dan! UtU> dr0fim‘- ‘Iu‘ demi-sommeil!. s une espèce de

monsieur juge?*C ? lîistoiresau sérieux. classique N ’im,,™, une plaisanterie

vous?,, racontera?t aUtant6**6»! “ VS“ iri<,m

P,,qUT ,c i,';T Jai des témôins*!S

Oui, des témoins.._ Des témoins de qu„j <>

Cela d” v S t °T u e T eC Mme «oucherat... O 11 imaginait mal un •peu Surissant.

Unies assistant aùx^ébais î e ré»n,<‘" d'inconjugal, à supposer to L f U C°Uple cxlrd sion du médecin fût Pv , !!s clllc 1:1 dant se rend a |v f' 11 fallut «'epen-

le juge fit convoquer i sCC| • ‘>a- la sî,iU -bien fondé des evnlUii témoins, et le

s’en dégagea complètement * v.iol.eur explications, les voici * . ^ uanl a ces disciple d’Esculape • routons encore le

mante. Elle*n’a o u ' l ? ' / 11' femme char- circonstances, ‘ Hic n d . aut-,Rn certaine­ment s effroyables T'itl- P S*aP'sse- recevoir en dehnr, hJ ™ obli«i de la tuelles de visites A i l : J?es heures habi- pas pour consulter Or ch " n° -venait-ell«arrivait, ma b o n n e ’ ‘ haf'uV fois qu’elledomestiques de l’imnp Xcna’t tous les

étaient cT, q ou six , " " ’ h b'"' • ils

•'heureux épanoui^n. ^ r d t n è ' vous prie de le croire, bel c ' , J° ,C' J< tie... Je m ’en éios.. « *,len consen-

1romSpreP°.,,r

Si« F*juge signa un non-lieu M f.l,du-" << ■ Ll' repentit • • ,ioucherat s<‘conjugale crédnîfti 1n®ment de sa trop qu’il obtint demanda le divorce,

quel'est'le'on i'r't• ou< *'crat... nous ignorons quartier qu elle ameute présente-

Direction - Administration - Rédaction

3 0 , r u e S a i n t - L a z a r e , P A R I S ( I X e)

Télépk. : Trinité 72-96. ~ Compte Chèques Postaux 1475-65

services rendus spontanément à des policiers. (RAP.) ment... " ‘ ....

A B O N N E M E N T S , r e m b o u r s é s e n g r a n d e p a r t ie p a r d e s u p e r b e s p r i m e s

( U n « n (««c prim*») - - S O f r . Il S« ren»ifncr à ta poste pour les p»y, étr»nters n’accepunt pas FRANCE—. —• j Un «n pnme) — — 3 V fr. 11 ^ le tarif réduit pour les journauxFRANCE— —

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Dans ce cas, le prix de l’abonnement subit une majoration de

15 fr. pour un an et 7 fr. 50 pour 6 mois

en raison des (rais d'affranchissement supplémentaires.

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A diverses reprises j’avais tente au­

près de l’inspecteur J..., de la voie publique, de satisfaire ma curiosité

professionnelle. Jamais je n’avais rien obtenu :

— - Attendez, me disait-il que je sois à la retraite.

Les récentes mesures d'économie ayant avancé la date qu’il s’était assignée pour sc reposer, il tint aussitôt parole et, de lui- même, me fit dire qu’il était à ma dispo­sition.

Les souvenirs d’un inspecteur de la voie publique sont forcément nombreux ; c’est quotidiennement qu’ils ont à inter­venir. Cependant les > cas » dont il s’occupe, peuvent vite être catalogués sous trois ou quatre rubriques.

Celle qui m ’intéresse le plus et qui, d’ailleurs, me ramena une dizaine de fois auprès de mon ami, est la catégorie des vols d ’autos. Je pense que c’est elle la plus utile à mettre au jour, à la fois pour rassurer les multiples usagers des voitures et pour les mettre en garde contre l’ingé­niosité des spécialistes.

Car ce sont de véritables spécialistes que ces voleurs qui ont choisi les autos. Ils sont organisés et leurs bandes ont pris, ces dernières années, une importance de plus en plus grande. Nous avons vu main­tes affaires finir le plus tragiquement du monde devant les Assises, qui avaient com­mencé sous cette enseigne de banditisme au petit pied.

Il ne semble pas, me dit mon ami, qu’il y ait un moyen vraiment efficace pour éviter qu’une voiture soit volée. Les hommes spécialisés dans ces sortes d’opérations connaissent tous les trucs, et, en quelques secondes, ils ont décelé la mesure de précaution que vous avez pu prendre. Dès lors, il leur est facile d’y remé­dier.

Il n’y a donc guère que les assurances qui perdent. Vous payez une prime plus ou moins élevée et, dans le cas où votre voiture disparait, vous êtes, pour le moins, assuré d’entrer en possession d ’une nouvelle auto, ce qui n’est pas fait pour déplaire aux maniaques du volant. Vous en serez quitte pour avoir, le soir de la mauvaise surprise, essuyé la bouderie de votre com­pagne et cherché un taxi pendant une demi- heure.

T.'inspecteur J... avait trop souvent

été le tém oin a m u sé de ces petites scènes de ménage pour ne pas se plaire à les évoquer avec iro­nie :

— Le plus curieux, ajou­ta-t-il, c’est que cinquante pour cent des voleurs d’au­tos sont des garçons que le seul désir de faire à peu

de frais une belle promenade a déterminés à mal faire.

O 11 n’a pas idée du nombre de voitures _ qui sc retrouvent toutes seules chaque' semaine, abandonnées le long d’un fossé, sur une route, ou dans quelque rue déserte de grande ou petite ville.

Les esprits imaginatifs, les amateurs d ’aventures extravagantes se disent en lisant les trois lignes relatant le fait dans un journal :

— Kncorc une auto qui aura servi à com­mettre un crime, . une attaque nocturne contre de malheureux passants.

Et ils seront déçus le lendemain de ne pas trouver, toujours dans leur journal, le récit d’un événement où la voiture volée la veille aurait dû jouer un rôle...

En fait, on peut diviser les voleurs d’automobiles en trois catégories :

1" Ceux qui volent une « bagnole » pour revendre. Ils se subdivisent eux-mêmesla

en voleurs de voitures complètements équipées et en voleurs d’accessoires (pneu­matiques, couvertures, malles, porte-bou- quets, et même bouchons de radiateurs.)

2° Ceux qui « empruntent » une bagnole pour faire un tour avec des « copains » ou leur bonne amie.

3° Ceux qui s’emparent d’une auto parce qu’ils en ont besoin pour accomplir un mau­vais coup.

Les premiers représentent environ 30 p.10 0 de l’ensemble, les seconds 50 p. 10 0 , comme je l’ai déjà dit, les derniers 15 à 18 p. 1 (M), le reste étant représenté par les fous, les exaltés qui opèrent .simplement soit pour le plaisir sadique ou inexplicable de détruire, brûler, détériorer un objet de luxe, soit pour la satisfaction de se mettre au volant sans savoir conduire, et réaliser ainsi un rêve longtemps caressé.

Mais il m ’intéressait surtout de savoir de quelle façon les inspecteurs pouvaient retrouver la trace d’une voiture, la suivre de pérégrination en pérégrination et limiter ainsi les pertes des assurances.

Sur ce chapitre, il m ’apparut que les méthodes étaient plus intuitives que ration­nelles, et c’est justice. Il est en eflet diffi­cile de réduire à quelques cas types l’ima­gination constamment renouvelée des vo­leurs.

— Jadis, me dit J..., au début de l’au­tomobilisme, mes confrères et moi-même, qui faisais mes premières armes, nous avions bénéficié de la rareté de ce mode de locomo­tion. Les routes n’étaient pas encore gou­dronnées, les pneus n’étaient pas standar­disés ; chaque marque avait des dessins en relief très différents, et il nous était sou­vent possible de suivre tout bêtement une voiture à la trace, si curieux que cela puisse paraître.

i Aujourd’hui, cette méthode ne peut plus guère être employée que par nos confrères de province, et dans les coins les moins favorisés de la banlieue. Mais il faut, pour obtenir un résultat, bénéficier des circonstances exceptionnelles : terre un peu grasse, atmosphère humide, en un mot tout ce qui favorise une longue persis­tance des traces.

< Dans ce cas, il faut cependant tenir compte- de quelques données fondamen­tales ; l’une des principales est celle de la blessure des pneus.

> Ce sera un caillou tranchant, Un morceau de ferraille, un débris de verre qui auront mordu sur la surface de l’un d’eux et y au­ront creusé une petite cavité, une cicatrice quelconque. Quand la roue dépose sa trace sur un espace assez long, la plaie du piieu- matique vient se calquer sur la route a chaque tour de roue, et ces sortes de marques sont précieuses parce qu’elles per­mettent. à coup sûr, de reconnaître qu il s’agit bien de tel pneumatique détermine, et non d’un autre, semblable par l’épais- seur, les dessins en relief, etc...

Mais je sentais que mon interlocuteur avait surtout le désir de me raconter les cas les plus typiques de sa carrière, et, ma curiosité en partie satisfaite, je le laissai s’abandonner au plaisir de remuer scs sou-

liien que ne sachant pas conduire, llob-tes-Pieds-Plats

sautait sur la voiture.

venirs.— De tous les voleurs

d’autos, voyez-vous, les plus dangereux sont évidemment ceux qui revendent les voi­tures qu’ils ont pu s’appro­prier, parce que leurs pro­cédés sont arrivés à une sorte de perfection. D ’abord ils forment des équipes et leur centre de ral­liement est toujours un garage d'ap­parence honnête, mais parfaitement outillé pour le maquillage des voi­tures. Règle absolue, une bande bien dirigée ne s’occupe que de voitures de même marque et de même modèle. u£mi. « i ’ 11 ri Hes h snécialistes »

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marque de la voiture, son modèle, ses caractéristiques, il n'y aura que quelques chiffres à maquiller pour pouvoir l’utiliser au profit de la corporation.

t II serait vain de croire que la vente des voitures transformées par une bande de camoutleurs soit difficile ou délicate.

« Une fois l’auto rendue méconnaissable et pourvue de papiers en règle, et avec quelle science I n’importe quel intermédiaire hon­nête, nullement complice, directeur de garage, courtier, revendeur établi, s’y inté­ressera.

«Au besoin un tiers, patenté l’offrira aux clients éventuels au moyen d ’an­nonces dans les grands quotidiens.

Un cas peu ordinaire, me conta l’inspec­teur J..., c’est évidemment celui de « Bob- lés-Pieds-Plats ».

Ce gaillard ne savait pas conduire une bagnole et cependant il fut en 1928 et 1929 un des plus redoutables voleurs de voitures affilie à une bande qu’il soit pos­sible d'imaginer.

Son procédé était simple.Il avait pris pour champ d ’action quatre

ou cinq rues de Montmartre, à la pente très accentuée, et, comme il était doué d’un « culot » infernal, lorsqu’une voiture de -sa marque s’offrait abandonnée, il sautait dessus, actionnait le frein et la laissait rouler jusqu’au bas de la rue, où un de ses complices sachant conduire, celui-là. la prenait en main pour disparaître rapide­ment.

L ’avantage de ce système consistait à offrir une sorte de perpétuel alibi à Bob.

En cas de flagrant délit constaté, il aurait dit :

— Je ne suis pas voleur d ’auto, je ne sais pas conduire... J'ai voulu m'amuser... avoir pour une fois la satisfaction de me voir sur une bagnole.

Il aurait ainsi ramassé un mois de prison, et encore...

Mais, un jour. Bob, en faisant descendre à une Citroën la rue de Ravignan très abrupte, ne put éviter — il était si maladroit un tombereau de sable en stationnement au bout de la rue. Il se blessa sérieusement, et je finis par lui tirer des aveux complets, tandis qu’il se guérissait lentement à l'hô­pital.

l'armi les malfaiteurs qui tirent leur* bifteck » de trafics se rapportant à l'auto, ïl faut noter les aventurières de la route, les « hétaïres du cent à l’heure », et aussi les allumeuscs en cabriolet.

— Un coup assez fréquent me dit J..., c ’est l’arrêt d’une voiture sur la route, en pleine nuit, par une poule qui se prétend victime d ’un accident quelconque.

«-— J ’ai été emmenée de force par deux automobilistes, clame-t-elle par exemple... On m ’a abandonnée sur la route... Ou bien : je suis partie à pied de X... pour me rendre à Y... simple promenade, mais un vagabond m ’a assaillie, je suis restée sans connais­sance el viens de me remettre debout.

y La femme toujours assez gentille d'as­pect. une fois dans la voilure du Monsieur qui l’a recueillie, saura toujours se débrouil­ler pour tirer son épingle du jeu. Si elle n’en- tôle pas son sauveteur, elle jouera la comé­die du désespoir, grâce à un récit drama­tique, et sti fera donner une somme. Ou elle se fera séductrice et gagnera la confiance «lu bonhomme, passera la nuit avec lui dans un hôtel, comme si elle était sa femme, et. le lendemain partira seule avec la voiture et les papiers d’icelle.

•« Je ne parle pas de la petite poule qui répare sur la route, et à qui il manquera un bidon d’essence ou d’huile ou des outils pour se dépanner.

« Kl le obtiendra sans douleur du collègue rencontré, tout ce qui lui manque et oublie­ra d’en rembourser le montant .

< Il y a des femmes qui font leur plein d ’essence d’un bout de l’année à l’autre sans bourse délier.

« J'ai, iI va quelques mois, eu à m'occuper ■d'une jeune personne qui avait trouvé un moyen ingénieux pour se procurer des ressources.

« Elle passait le soir des heures à attendre, nonchalamment étendue sur les coussins d ’une auto, le retour du conducteur que l’on pouvait croire son mari ou son amant.

Mais, en cet état, la femme découvrait si bien ses jambes, affectait une telle noncha­lance que, souvent, des amateurs s’arrê­taient, puis, alléchés, engageaient la con­versation. Et, quand le duo s’avérait assez poussé, l’autre revenait.

«— Ne vous affolez pas, souillait alors la femme, laissez-moi lui parler. » Elle présen­tait les deux hommes : « Mon mari. M. Du­rand, une relation de famille ». L ’indiscret se gardait bien de contredire. Il était invité par le mari à prendre place dans la voiture, aux côtés de la jeune femme, on partait, puis, dans un coin de banlieue quelconque, l’époux se retournait juste pour voir sa femme en train de se laisser embrasser. Colère, arrêt, le mari quittait le volant, sautait par terre, pour bondir sur le goujat, et lui administrer une raclée. Après quoi le couple abandonnait la victime sur le pavé, non sans l’avoir dépouillé avec soin.

« Je pus arrêter cette coureuse d ’aventures che>. elle, alors qu’elle guettait le.retour de son complice, dans l’escalier, en petit jupon. Elle avait de bien jolies jambes, la mâtine 1 Et je compris pourquoi son industrie

NICK>■MOU!»

et

J,’inspecteur de po­lice George ('.obttf avail cru faire la belle affaire en épousant Hhoda. fort riche, mais d'un

âge mûr.

Mai.gkk qu’elle approchât de bien près la soixantaine. Rhoda ne voulait pas se déclarer vaincue par l’âge et, grâce

aux soins diligents des instituts de beauté, se persuadait pouvoir rivaliser encore avec les plus belles et les plus jeunes, celles parmi lesquelles elle avait rang quelques lustres auparavant.

L ’erreur est le propre des hommes, assure-t-on. Mais des femmes aussi, et Rhoda devait l’apprendre à ses dépens.

I-'réquemmenI passait sous ses fenêtres l’inspecteur de police George Cobler, dont la mâle prestance sous l’uniforme avait retenu son attention.

Il atteignait à peine la trentaine et, fort joli garçon, remportait de grands succès auprès de l’élément féminin de Los Angeles, où ce dernier ne manque pas.

Rhoda trouvait le policier de son goût et décida de se l’attacher par les liens du mariage.

C'était peut-être beaucoup s’avancer, car, de son côté, Cobler pouvait fort bien avoir le cœur pris par ailleurs.

Il n’en était rien pourtant.Avec le flair qui distingue le fin limier,

Mais Hhoda, après le mariage, ayant découvert qu’il la trompait et vou­lait rompre, n'hésita pas

à l’empoisonner.

notre inspecteur pressentait, avec cette dame d’âge deux fois veuve déjà, la bonne affaire.

Il entrevoyait le confort pour le présent et l’avenir de ses vieux jours assuré.

Il se fit quelque peu tirer l’oreille pour la forme, objecta sa modeste solde en com­paraison de la fortune de Rhoda, feignit un désintéressement qu’il était loin d’avoir, et,en fin de compte, accepta que la dame lui donnât son coeur et sa main.

A part. cela. la bagatelle, à ses yeux.comp­tait pour bien peu de chose, autant dire pour rien. Mais il était loin d’en être de même pour Rhoda, qui le lui fit bien sentir dès qu’elle eut convolé en justes noces.

L ’âge chez elle n’avait rien enlevé d’un tempérament de feu. et elle fit clairement entendre à sou troisième conjoint qu’elle n’avait nullement l’intention de reléguer ladite bagatelle au magasin des accessoires.

Ceci était loin de convenir à George Cobler qui finit pourtant par faire contre fortune bon cœur, en songeant philosophiquement :

—- Bah ! après tout, la vie est belle !Il ne tarda pas à se lasser de cette existence

de coq en pâte et reprit avec joie son ser-

aVait été si prospère cl rémunératrice.

Voici maintenant quels sont les procédés employés depuis peu par la police pour retrouver rapidement une voiture dont on vient de lui signaler la disparition.’ A Paris, où il s’en dérobe en moyenne vingt par jour, on peut dire que les services en retrouvent presque immédiatement, dans l’espace de quarante-huit heures, un peu plus de la moitié.

On a vu des voitures dérobées être ren­dues le jour même à leurs propriétaires, grâce à l’organisation très poussée de la préfecture de Police.

Quelques minutes après la déclaration du vol, toutes les sorties de la capitale, tous les postes de police sont alertés par téléphone. Les agents cyclistes, patrouil­leurs éinérites. commencent leurs rondes. Ils ont le numéro, le signalement de la voiture à rechercher, et si celle-ci n’a pas cte enlevée par une bande organisée de spé­cialistes du maquillage, ou des attaques à la « gangster », l’affaire ne traînera pas.

La victime, au milieu de la nuit, enten­dra soudain un coup de téléphone... C ’est le commissariat.

— Monsieur, votre voiture a été retrou­vée abandonnée, telle rue. elle est à votre disposition, devant le poste de police du quartier dont dépend cette voie. Vous pou­vez venir la réclamer.

Les cyclistes ont fait rapide besogne. Ils se sont même débrouillés pour ramener la voiture devant le poste dont ils dépendent.

Les formalités de récupération ne traî­nent pas non plus. Procès-verbal consta­tant les faits, remboursement à la police des frais de dépannage, car la voiture a été dirigée où il fallait, en remorque, jamais au moteur, et le brigadier chef de poste délivre aussitôt une sorte de laissez-passer, qui permettra au propriétaire de rentrer dans son bien. Toutefois, avant la rédaction du procès-verbal, l’automobiliste devra contrôler ce qui lui manque, afin qu’on le signale, le cas échéant, sur la pièce officielle, pour l’assurance.

— Voyez-vous, me dit pour conclure l’inspecteur J..., ce qui fait avapt tout la force des voleurs d’auto, c’est la négligence des conducteurs.

« On va à ses affaires, au théâtre, au cinéma, en laissant pour des heures sa voiture au bord du trottoir, portes poussées seulement et sans surveillance. C’est à tenter le plus timide des apprentis barbot- leurs...

« Et puis, certains se disent: «Je suis assuré, ma voiture a déjà pas mal de kilr» mètres dans les jantes, la Compagnie, en cas de vol, me la remplacera pour une neuve, je ne risque qu’une bonne opération. »

Diable ! fis-je, vous avez bien mau­vaise opinion des gens, mon cher inspec­teur !

— Que voulez-vous ? L ’habitude ! Et puis n’est-ce pas humain au fond ?

Je fus obligé de le reconnaître

J. C r k t i x -m ..

t'ouï ï service .‘ïui eonsistail sur-..„„„i j une surveillance discrète des

Il v rnm autres maisons d’illusions.I on ne quelques bonnes amies et

voyant r e p S r e .3* ^ ^ ^ fête’ C" lf

<ïr.nH.Î,lu f <‘eoraey dear !...

vieille » Sa ,Une de miel avec “ lateries dont i? r ' *eiient quelques plaisan-S Æ ’1 f,Ut ,e Pre«>ier à rire, biense Dromit hf i qu?lclue Pcu mortifié, et ilrompre ive arriver eoûte que coûte à rompre avec son épouse.

p o u r i t ï ï K 1-’ t0Ut Preiexte lui fut bon Longtemps dlî domicile conjugal,

qu’on l’accabla» d k de c*‘

»’injustice, et le mari bel0*ne !;lle rriaitrai» mu» 1« o • — b ° n apotre — assu

Une nl L n eXifieait c, la sous le Pvni,,°HqU,:m fil Parvenir à la dame cependant hr ailüll>rniat devait bientôt

U o W Ÿ l l * ° .“ vr,r lc* .veux sur une situa Son r . éta,t, seule à ignorer,

milieu d’on * ^ trouvait représenté au légèrement v^ ? SailTI, <il' jolies filles assez avec elles sablant le champagne

s'évanomrIC nt.î,le vovail ^ n beau rêve de la ialniltii i1* *• sentit encore le démon

A son Z P la lor,urt‘r atrocement ni„e /ii" ’ ,a.vec une duplicité bien fémi-

mais’ en

Le moïntrè éla!1, Plus Passible, caresses ne t’ T'- . Pr'vait des plus tendres guilledou et , ? a‘t Pas faute de courir le

amoureusemoitu're ^ ^ dépcns de

Angelcs\,ellle Rhoda » était la fable de Los

ne voulaÎf1 i*lra de se venger. Ilrompr” ' ‘ P'US d ’ » cherchait a

se targue" dMMiil'Vi " ° n '¡U's " c Pourrail » . avoir enlevé

au contraire au<'u" reproclit. l oul

a?sidus eii^re eont im n 3 d* ^ ^aimante et tendre 11 s<‘ montrer

jours de ¿ t t r Æ “ 11 PlUS ,Hi,UN

cevo!r&bientôt' à cerla*'''1 |,ourtant s al’* 'blanLs -i h». , ^ V‘ rta*ns symptômes trou qu’ I fâitt né a a,se.s alarmants, que la fête

Il av»M hPk -va r'cn- se sentait n rus<*ucs manques de mémoire.

dépéris titpr vr s s ,,ris <u-sync,,,,es -p l i a ' » ' d e Sc 'ameutait el le sup

de santé. Georgë^vom“ < ,,m,r rais,m persuadé que son roalfï-. «nei'Kiquemenl

Sûr même de s'i rohn , qV* Passi,K,'r refusait ot)stinén.em l vCO'1Sl,tUtiol.V il.s0

Vois-»n i.,Y . ■ v<>lr “n medecin.

lanl maternellement*1! Hhodi‘ u'Police, vous avez éu tro .? ,U,res di'r*s 1:1 au temps de lu u » P d occasions, au alcools frelatés p oh,bl,ion, de boire des

rien et ^oui" s S(Î~disan,..sc<' nc vous valait

ont délabré l’estemaè ‘les boisso,ls vmls

et, si tu veux* m ,qUe *" souffres, nu/ darlinq.

a“ lait,rTenqu’au !'Jro,re ' a* te mettre Comme un enfant r ° Ur désintoxiquer. Moins de hniii (,eorSe Cobler obéit:.,

proie à ^atroeVs°^Vprès ils' ' l‘-i>*nait en

^faisaient s o u f f r i M e ^ , ^ 10" “ " ' qUi

pir/ Rhoda Cunrcn(tail cnfi» dernier sou-

lèvres,s^exdaniat”Urirf lri(" " ph‘' au>

aueuneeamre que n u " qU U M‘rah H

q u 'el îe se Ta va i t .ma,s sûrement, depuis

Pli son œuvré d e ^d e^ '’ ?-U‘ avail iH(onl dans son lait rénamÎ <T| v«-rsanlne pardonne pas. U" P°lson lonl q" 1

égard “et’’ Rhoda('obier “aèc," ’

c o m p S 1' n 'h ésila P»*' a faire*des*aveus

On pense qu’elle sera condamnée à mort

Tom Turnkh.

G EO R G ES SAINT- BONNET

Les Fous en LibertéI i bremen t T Te urso'cc,, n"™'n ' qï' nous, menacent n o t « ' ^ ^ ^ ™ :

Chaque jour, des crin,T'efTroyables son, c«n,-

qu ,1s ont commis d’atroces

Comment défendre £ SSété eontre ces cri-

Quelles sont

c«* ü a ,eur Pgard ?

de pré venir »m rendr* ph,s Pufawnles et ,nsensés des fous en liberté

par des mesures énergiques ?

I.a sensationnelle enquête de (leorges Saint-Bonnet

L E S F O U S E N L IB E R T EanMWsadntnSeii» J ““*?*?™ détail ce problème deC dnenmonV- • atroces, s'appuie sur inédiles m,i 1* un.'ques, conte des anecdotes menK rv.,7 c?ns"t.«ent un faisceau d'argu­ments puissants qu, militent en faveur de 1 a reforme immcdiate de la législation sur les

aliénés.

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ta» F o u rg u e *m i s m f i t m s d e s ( o m b m l a g u

Ê jjk

briclaa&fJ ’appris en eilet que presque tous les

objets provenant de pillages de magasins ou d’appartements passaient par les mains des « raflstoleurs ». complices habiles qui connaissent l’art de transformer, de décolo­rer, de maquiller en un mot la marchandise des fourgues. C ’est ainsi qu’on interchange les pièces d’une bicyclette de façon à la rendre totalement méconnaissable même aux yeux du propriétaire. Autres exemples : le sujet d’une pendule sera dévissé et placé sur line autre ; un lustre sera démmité, repeint, et, si on le présentait à la victime du vol, comme cela arrive, ce dernier serait dans ¡’incapacité de le reconnaître.

La reine des fourgues ne me laissa pas plus longtemps à mes réflexions et, après m'avoir répété le prix du marché, me montra la porte :

— Va te faire pendre ailleurs si cela te chante. Ici, c’est de confiance. Au revoir !

Je sortis avec mon guide, très fâché de l’aventure :

— Vous n’en obtiendrez pas un sou de plus, me gourmanda-t-il. L ’autre jour, un camarade qui avait « fauché » un petit éléphant en ivoire incrusté de pierreries, qui valait bien dix gros billets, a dû le bazarder pour trois cents francs : un autre qui avait « visité * un petit hôtel à Neuilly

Dans le quartier du Marais, un local (tu l<md d'une cour, dans une vieille maison.

Sus aux intermédiaires parasites ! C ’est le cri du jour. D ’où nous viennent tous nos maux ? De l’in­

termédiaire, pardi ! Toujours lui. Il est la cause de l’augmentation de «la légume», et les honnêtes gens lui ont voué une haine farouche, les malandrins aussi, d’ailleurs ; comme on va le voir. Si les malfaiteurs s’étaient groupés en syndicats, le cahier de leurs revendications aurait des chances d’émouvoir les pouvoirs publics, car ils sont des victimes dans leur genre, peu intéres­santes, certes, mais enfin ils sont victimes. L ’intermédiaire qui les frustre de la plus grande part de leurs bénéfices s’appelle « fourgue » ou recéleur.

— 1 1 y a de quoi faire grève, disait l’autre jour à l’inspecteur P..., de la Police Judiciaire, un cambrioleur qui venait de se faire pincer. Je n’v coupe pas de mes deux ans de prison et c’est tout juste si j’ai « ga­gné >. 600 francs par mois cette année.

Comme l’inspecteur P..., sceptique, haus­sait les épaules, l’individu expliqua :

— Les fourgues nous « p^sèdent ». On ne travaille plus que pour eux...

Ce cambrioleur disait vrai. Une enquête personnelle m ’a édifié sur le trafic rémuné­rateur autant que délictueux des fourgues. lTn personnage peu recommandable s’est fait mon guide dans ce milieu. Un soir, chargé d’une valise contenant un petit bronze, une pendulette, deux bougeoirs en argent, butin supposé de quelque expédi­tion, je me suis présenté chez des recéleurs bien connus de la pègre qui vole. Mais ma principale visite fut pour la mère Hortense, la reine des fourgues.

La reine des fourgues habite dans le quartier du Marais un local au fond d’une cour, dans une vieille maison. Je devais connaître là les tarifs appliqués d ’ordi­naire dans ces sortes de tractations : ils sont tout simplement effarants ? C’est ainsi qu’un objet d’une valeur courante de cent francs est cédé sans grand débat à dix francs, voire cinq. On peut dire que les voleurs sont volés à leur tour et que les profiteurs des cambriolages d ’objets ou de marchandises sont les recéleurs. La mère Hortense soupesa les bougeoirs, examina la j>endulette, tapota sur le bronze, en connaisseuse, puis annonça froidement :

— Le tout pour vingt-cinq balles, mon petit, et parce que c’est toi.

Je me récriai :— Mais il y en a bien pour trois cents

francs ! Regardez ce bronze ; il est plein ; ce n’est pas de l’imitation.

— C’est entendu, mais à toi qu'est-ce que tout cela t’a coûté ? dit-elle cyniquement en me fixant dans les yeux.

Évidemment, je n’étais qu’un voleur et elle entendait en tirer partie. Je devais en passer par là. Elle complétait d’ailleurs sa pensée :

—- Y a des risques, mon petit, tu ne l’i­gnores pas, et, pour revendre ces articles-là, il faudra que je les fasse maquiller.

Vous parlez d’un bénéfice ! Deux ans de tôle et son butin confisqué, évidemment. Tout cela, les fourgues ne l’ignorent pas ; c’est ce qui fait leur force et aussi leur exi­gence.

— N ’y a-t-il pas des camarades qui se vengent d’être roulés ?

Mon compagnon hocha la tête :— Dans ce milieu comme dans l’autre,

11 y a des règlements de comptes un peu difficiles. Vous vous rappelez l’assassinat de ce petit rentier de la rue Cardinet, il y a deux ans ? On n’a jamais connu les mobiles exacts de ce crime ; tout au moins la police a fait chou-blanc une fois de plus. Or la victime était un de ces intermédiaires auxquels s’adressent certaines bandes qui ont du butin à réaliser. Personne dans le quartier ne soupçonnait le genre de travail du soi-disant petit rentier. Un jour, on vint lui soumettre une affaire ; il s’agissait d’un lot important de pièces de tissus. Il en offrit un prix dérisoire ; la discussion s’en­venima et le délégué de la bande rendu furieux par les exigences du recéleur lui planta son couteau en plein cœur, puis il s’enfuit. On ne l’a jamais retrouvé. C’est un exemple, mais la corporation un moment inquiète a repris son barème, car il y a une sorte d’entente entre les fourgues et des

et en avait rapporté, entre autres, un paravent en coromandel n’a pu en tirer que deux cents francs. Il y a du déchet. Il faut l’accepter. Si vous "aviez affaire à des commerçants réguliers, à des anti­quaires patentés, la police serait vite à vos trousses. Tenez, j’ai un copain qui a fait un coup en bande chez un marchand de fourrures ; sa part de butin comprenait une dizaine de renards argentés. C ’est tout juste si un fourgue lui en a donné deux billets. Il faut être raisonnable : c’est la casse... Où voulez-vous que nous allions à

présent ?— Chez un autre, pardi I Allons, il doit

bien y avoir des fourgues consciencieux ?— Je n’en connais pas, ou bien nous ris­

querions de tomber sur un faux frère qui nous vendrait, un indicateur, quoi ! Il y a quelques mois, Ernest le Bicot qui a voulu jouer au mariole a été fait comme un rat : il avait essayé de liquider un lot d’argen­terie à un orfèvre du boulevard du Temple. Pendant qu’il discutait le coup, le commis du négociant était allé chercher les agents et mon Bicot fut .« poissé » comme à la glu.

— J ’ai été en relations avec un nommé Rouskv qui habitait Saint-Oucn. Un jour des voisins de ce brocanteur, intermédiaire attitré de plusieurs bandes redoutables, entendirent le bruit d’une violente alter­cation ; il y eut des éclats de voix, puis des coups sourds, et enfin des gémissements. Vingt-quatre heures passèrent. La boutique du recéleur, une sorte de cave à lucarne, demeurait close et muette. La concierge, appréhendant un drame, prévint le commis­sariat. Des agents forcèrent la porte : on découvrit Rousky et un inconnu, gisant inanimés sur le sol, dans un fatras d’objets, et du sang avait giclé partout. L ’enquête fit connaître ¡es détails de l’affaire : Rousky s’était disputé à propos de prix avec le délégué d’une bande. Des paroles vives on était passé aux actes, et les deux hommes empoignant ce qui se trouvait sous leur main s’étaient battus sauvagement. Ils s’étaient lancé à la tête des pendules, des chaises, des assiettes, des candélabres et autres objets. Ils s’étaient assommés proprement l’un et l'autre ; on releva sur leurs corps jjlus de cent blessures. C ’était une belle explication.

Mon interlocuteur poursuivit :— Il y a des butins difficiles à liquider

et le métier de fourgue n'est pas une siné­cure. Il faut avoir des débouchés dans tous les commerces : les foires en plein vent et les marchés aux puces très nombreux dans toute la France, même dans les campagnes les plus reculées, écoulent un grand nombre d’articles maquillés, et les brocanteurs absorbent le reste ; l’étranger est fréquem­ment acheteur. La police, parfois alertée, fait des descentes chez les fourgues, mais ces derniers, s’ils n’ont pas eu le temps de « parer » la marchandise, décampent ; le matériel est saisi, et, d’ordinaire, il ne représente que peu de valeur, les objets pré­cieux ayant été déménagés. Un jour, au cours d’une de ces visites, des inspecteurs faillirent être dévorés... Mais oui ! Il y avait un léopard en liberté dans la boutique abandonnée. Cette bête provenait d’une ménagerie où elle avait été volée. Ceux qui avaient fait le coup, très embarrassés de leur butin, s’étaient empressés de le céder à un fourgue pour quelques francs.

. N ’empêche que le métier, malgré de petits inconvénients, nourrit son homme. Je connais un petit châtelain habitant la Seine-et-Marne qui vit entouré du respect de chacun. C’est un ancien fourgue qui a pratiqué durant trente ans le dur business. C’était un malin ; il a su passer à travers. Il a gagné son million, dit-on, à se faire le banquier de certaines bandes spécialisées dans le pillage des marchandises dans les gares. Il n’a d’ailleurs pas oublié les com­pagnons et sait venir en aide aux malchan­ceux, en douce, évidemment, car il tient à sa tranquillité.

Mais la nuit était venue. Mon cicerone me quitta : c’était le moment pour lui de liquider à quelques noctambules avinés ses fausses chevalières en or.

PlBRRK D e MOI'RS.

Ci-contre :

ta reine des /ouryues me montra la iwrte : Va te /aire pendre ailleurs...

cours s’établissent selon que tel ou tel article est plus ou moins facile à liquider. C ’est ainsi que les fourrures, qui ont eu la vogue chez les fourgues il y a une dizaine d’années, connaissent aujourd’hui des prix de famine. Pourquoi ? Parce que les pillages des magasins de fourrures se sont multipliés. Le marché des fourgues a été inondé de ces marchandises.

Comme je questionnais mon compagnon sur les aventures dramatiques du milieu où il « travaillait », il me raconta :

Il y a des butins difficiles à liquider. ■

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C ’e»t à Bônet sur te port, que l'aval« rencontré jadis pour la pre­mier« fois le singulier personnage qu'était Paul X ... Je cherchais & me documenter sur la vie secrète des port6 de la Méditerranée et l’on m ’avait indiqué Paul comme étant le meilleur des guides. Com m e il n ’attendait de moi que de l’argent, nous tombâmes rapidement d ’accord. Puis la confiance naquit et, une nuit, il entreprit de me «onter sa vie.

Elle a été, cette vie, extraordinaire­ment fertile en aventures. La partie la moins dramatique n ’en fut certes pas le séjour que mon cicerone a fait, voici quelques années, aux Bataillons d ’Afrique.

Je lui en demandai le récit ; il accepta de m e le faire. Le voici tel q u ’il me l’a dicté.

/

A Biribi.

Il y avait tempête en Méditerranée.Depuis deux heures, le vieux bateau qui

nous emmenait de Marseille en Afrique roulait et tanguait sur les vagues. Nous étions, dans la cale où quatre-vingt-dix hommes auraient pu tenir, cent quatre- vingts malheureux, meurtris de coups, affaiblis par la faim et la maladie, et, de plus, enchaînés six par six par les pieds. Aux deux extrémités de cet immonde réduit, des gendarmes, le revolver au flanc, se mêlaient à des Sénégalais fa­rouches, dont le doigt ne quittait jamais la

Gardés par des Sénégalais larouches.

gâchette du nous menaçaient.

Dans les demi-ténèbres on n’apercevait que des formes prostrées. On n’entendait que des cris de douleur et des gémisse­ments. Une puanteur odieuse montait de ce tas d’êtres, puanteur des corps mal lavés, puanteur aussi des immondices qui jon­chaient les planches. Comme dans tous les bagnes flottants, des tinettes avaient été disposées dans la cale qui nous servait de prison ; mais ce n’était qu’une installation de fortune, aussi avait-on mal arrimé ces baquets et, aux premières grosses vagues, leur contenu s’était mis à déborder, écla­boussant d’ordures les planches et les corps. Comme, de plus, le mal de mer nous accablait, nous étions maintenant couchés dans un lit d'excréments. Et il y en avait ainsi pour une trentaine d’heures !

A toutes ces misères s’ajoutait, pour moi, la douleur physique. Lorsque j’ou­bliais de ne pas respirer trop fort, une souffrance brusque me traversait la poi­trine, au-dessous du cœur. Alors, pendant quelques secondes, je retenais soigneuse­ment mon souffle et rongeais ma rage en silence. C’était là le souvenir d’une bagarre récente, qui avait marqué, mes débuts de bataillonnaire, et que je devais garder pen­dant plusieurs années.

Condamné pour insoumission après maintes aventures, j’avais été versé aux bataillons d’Afrique et envoyé au fort Saint-Nicolas, prison militaire de Marseille, en attendant le départ pour mon corps. A peine arrivé, je fus; comme les camarades, passé à la fouille. Deux sergents présidaient à cette opération ; ils portaient des sur­noms qui en disaient long sur leur compte : Trompe-la-Mort et Va-de-la-Matraque. Un à un, nous nous déshabillions et nous atten­dions que les soldats eussent vidé les poches de nos vêtements.

Soudain, un formidable coup de pied dans les reins m ’arracha un cri. Que se passait-il ? On venait tout simplement de trouver dans ma vareuse quelques mor­ceaux de sucre que j’avais emportés de la prison de Besançon, d’où je venais : j’y avais droit là-bas, je ne pensais pas qu’ici on pût me l’interdire, et je n’avais péché que par ignorance. Je voulus l’expliquer, on m ’imposa silence. Je grognai, 011 me frappa à nouveau. Je haussai les épaules, puis me tus.

Mais Trompe-la-Mort avait vu briller à mon doigt l’anneau que ma femme m’avait donné jadis :

— Un bijou ! hurla-t-il. Est-ce qu’un bataillonnaire porte des bijoux ?

En même temps, il m ’allongeait un coup de poing en pleine figure. La lèvre fendue, j’allais riposter, mais Va-de-la-Matraque s’était mis aussi de la partie. Leurs coups portaient d’autant mieux que j’étais com­plètement nu ; cependant je réussis, de

rais peut-être repris l’avantage si les deux sergents n’avaient appelé la garde. Quatre Sénégalais apparurent, l’arme à la main. En un instant, je fus maîtrisé, ligoté, em­porté en cellule, cependant que Trompe- la-Mort, en jurant le nom du Seigneur crachait un morceau de dent et que son camarade essuyait son nez sanglant.

C’était à la suite de cette bagarre que, mis aux fers, j’avais reçu des noirs une terrible correction. Avec leurs crosses de fusils dont ils se servaient comme les paveurs de leurs « demoiselles », ils m ’avaient martelé les côtes, et l’un de leurs coups avait été si violent qu’il m ’avait abîmé une côte, dans la région du cœur.

Maintenant, n’en pouvant plus, nous étions ballottés par la mer en furie. Puissé- je y sombrer à jamais !

Enfin nous comprimes, en sentant le navire s’immobiliser dans une eau tran­quille, que nous avions atteint Alger la Blanche. On nous fit monter sur le pont. Des « dames de France » — c’est par ces mots que nous désignions les zouaves — nous attendaient ; naturellement les baïon­nettes luisaient au canon de leurs lebels. Combien de fois ne verrais-je pas, au cours de ma vie de bataillonnaire, ce décor d’acier luisant !

Je ne tardai pas à me rendre compte que j’étais « repéré » ; ma bataille au fort Saint-Nicolas avait dû être signalée aux autorités du bataillon, car, lorsqu’on pro­céda de nouveau, à la caserne, aux forma­lités de la fouille, je fus puni de cellule parce que je ne m ’étais pas déshabillé assez rapidement : l’existence promettait d’être belle et je regrettais de m ’être laissé aller à ma violence naturelle, me promettant désormais de me montrer plus soumis. Mais à quoi servent les serments quand on se heurte à une cruauté voulue, calculée ?

Je sortis de cellule pour gagner le siège de notre bataillon, la petite ville de Douera. Ceux qui ont vanté les douceurs du ciel d’Algérie 11’ont jamais connu comme moi Douera sous la pluie, debout dans une cour de quartier, sous une pluie battante d’orage. Certes, je n’irai pas jusqu’à dire qu’iin bataillonnaire mérite des égards particuliers ; dur d’âme et dur de corps, il a supporté les rudesses de la vie ; mais il est tout de même un homme et, comme tel, il mérite qu’on ne lui inflige pas des souf­frances inutiles. Or, volontairement, ce jour-là, on nous laissa plantés sous la pluie de midi à cinq heures du soir, simplement parce qu’il fallait, dès l’arrivée, nous montrer que l’on aurait raison de nous et que nous 11e pouvions compter, à partir de cet instant, sur aucune pitié ni sur aucune faiblesse.

Après un tel bain, nous passâmes la nuit à grelotter dans nos sacs à viande. Au matin pas un de nous qui n’eut la fièvre. C’est en

l.e lendemain, au rapport, je m'entendis infliger dix jours de cellule pour outrages à unsupérieur.

cet état qu’on nousoù l’on devait

mena à l’infirmerie,-- — ...v nous vacciner contre la

typhoïde. Fièvre ajoutée à la fièvre. Dis­pensés d’exercice pour quarante-huit heures, nous tentions de dormir pour ne plus entendre le sang cogner furieusement dans nos artères, quand la porte de l’immense dortoir s’ouvrit toute grande sous un coup de pied brutal. Un sergent entra, il tenait dans chaque main un revolver. Quatorze tirailleurs le suivaient, impassibles.

— Debout, tous ! hurla le sous-oflicier. Tous, même les morts 1

Il n’y avait pas de morts, mais nous étions tous si malades que, malgré fusils et revolvers, personne ne bougea dans les lits. Pour mon malheur, j’étais tout près de l’entrée ; le sergent marcha sur moi :

— Quel est ton nom à toi, sale vache ?Péniblement je me nommai. La brute

réfléchit une seconde :

— Ah ! tjpst toi qui t’es battu à Mar­seille ?

Je fis signe que c’était moi.— Eh bien, tu vas te lever, et tout de

suite ou je te fais crever.Et, se tournant vers les tirailleurs, il fit

un signe. Trois des noirs s’avancèrent. Je m ’étais recroquevillé dans mon drap, pelo­tonné sous ma capote qui me servait de couverture. De la pointe de sa baïonnette, l’un des nègres fit sauter à terre le lourd vêtement et tous trois, aussitôt, commen­cèrent à me piquer les côtes. Le sergent, debout au pied de mon lit, se tordait de rire ; le canon d’un de ses revolvers ne me quittait pas :

Alors, salaud, tu vas te lever mainte­nant ? Avec nous, pas de bagarre possible. Nous ne sommes pas des Marseillais, ici.

Malgré mes résolutions d’obéissance, je n'y pus tenir. Comment, d’ailleurs, me serais- je levé ? Je regardai mon bourreau dans les yeux et lui lançai une injure. Que se pass’a-t-il dans sa tête de chaouch ? Il cessa de sourire, donna brusquement l’ordre aux Sénégalais de rentrer dans le rang et disparut sans ajouter un mot... Le lende­main, au rapport, je m ’entendis infliger dix-huit jours de cellule pour outrages à un supérieur.

J ’eus le temps, entre les quatre murs de briques où je pouvais à peine marcher, de méditer sur ma lamentable destinée. Ma situation présente n’était que l’aboutisse­ment logique d’une enfance perdue. Mais était-ce moi le responsable d’une telle série de déboires et de chutes, ou le trop hon­nête homme dont l’intransigeante sagesse m ’avait, en voulant m ’amender trop bruta­lement, poussé jusqu’à l’abîme ?

Oui, plus j’y songeais, plus je pensais que j’avais été la victime d’un injuste sort. Si j’ai tant souffert, c’est parce que mon

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ne cessait-il de repéter. Je lui donnai un quartde café. A ce moment, le silllet du chef an­nonçait le départ pour le travail ; il ne pouvait être question de faire lever Serdan, je partis donc seul :

— Où est Serdan ? demanda V...

— Malade.Souvenirs recueillis par

R o g e r M a y n a r d .

( Suite page 14.)

père était horloger, et, comme tel, pas­sionné d’exactitude. Né à Besançon, patrie de la mécanique de précision, il avait voulu me donner, étant enfant, la régularité d’un ressort. Tous mes actes étaient chronomé­trés et, pour une minute de retard, on m’infligeait les punitions les plus dures : privation de nourriture, stations à genoux, les mains croisées sur la tète, taloches, coups de pied parfois. Comme, malgré mes efforts, il m ’arrivait souvent de ne pas remplir exactement l’emploi du temps qui m ’était fixé, les brimades devenaient de plus en plus graves : mon père en arrivait à me mettre pour toute une semaine au pain sec.

Ce qui devait arriver arriva. Ayant faim, je volai du pain, des victuailles que je pus dénicher dans des placards ; puis, je passai à l’argent. Le jour où mon père s’aperçut qu’il manquait une petite somme dans son firoir-caisse et qu’il me regarda d’un air soupçonneux, je décidai d’étendre le champ de mes opérations. Je passai aux commerçants voisins, que je réussis de temps à autre à filouter de quelques francs, mais ces expédients ne pouvaient se pro­longer. Un matin, je décidai de fuir ; pris dans le train par un contrôleur, je dus des­cendre à la première gare, d’où l’on me ramena à Besançon : il m ’en coûta huit jours d’emprisonnement à la cave, en tête à tête avec une cruche d’eau et un quignon de pain sec.

Ma deuxième tentative d’évasion me mena jusqu’à Marseille. Alors commença la grande aventure ; de Marseille je m ’em­barque pour Bône, reviens en France, passe en Suisse. « Qui vole un oeuf volera un bœuf », décrète la sagesse des nations. J ’éprouvai sur moi-même la justesse de ce proverbe : serveur dans un café de Neu- châtel, je pris un jour la caisse et gagnai la Chaux-de-Fonds ; on m ’arrêta et, comme je n’avais pas dix-huit ans, on m ’enferma en maison de correction. Cette fois, j’étais définitivement perdu.

Quand je repense à mon enfance, je sens que ce ne sont pas les tortures physiques qui m ’ont fait le plus souffrir. Les coups, les privations, c’était terrible ; mais ce n’était rien à côté de ce sentiment de la solitude qui a accablé mes jeunes années ; j’avais, comme tous les enfants, une Ame sensible, qui ne demandait qu’à s’épancher, mais personne n’a voulu répondre aux élans de ma tendresse et, toujours, j’ai dû les répri­mer. loutes les bêtises que j’ai commises par la suite sont venues de là...

Trois jours après ma sortie de cellule, je partais pour le bled, nous étions vingt-cinq hommes, que commandait le sergent V... du 8 ‘‘ zouaves. Cette fois, rien ne nous rat­tachait plus à l’armée régulière, rien à la civilisation, rien à notre passé. Nous étions réellement à Biribi, et ce nom, qui a fait trembler les plus durs, me remplissait d’appréhension. Quels malheurs m ’atten­daient là-bas ?

Je n’allais pas tarder à le savoir. Quand nous fûmes arrivés à destination, en plein dans les sables, et qu’on nous eût fait ranger dans la cour du poste, le sergent V... nous harangua :

— Vous êtes ici, maintenant, pour tra­vailler, nous déclara-t-il. Je ne veux pas

I.a mort se cache partout, dans les dunes, dans les rocKes.

connaître de « feignants ». D ’ailleurs, j’ai les moyens de leur inculquer le goût du travail. Vous allez extraire des pierres d’une carrière, les briser en morceaux et les charger dans des wagonnets ; c’est tout. C est là une besogne à la hauteur de vos cervelles, mauvais bougres ! Mais chaque honmie doit charger un certain nombre de wagonnets par heure. Sinon...

Il ne précisa pas sa menace, mais marcha vers moi en se dandinant; un mauvais sourire lui plissait les lèvres. Quand il fut devant moi, il me toisa un instant en sijence.l uis, devant la voix :

— Il y a, paraît-il, parmi vous, de mau­vaises têtes. Je n’aime guère ce genre-là. Aussi, pour prévenir toute manifestation de mauvaise humeur, j’use d’un système très simple : je double la corvée. Ainsi, toi...

Du bout de sa cravache il me touchait la poitrine.

Ainsi toi, tu sais bien boxer, paraît-il. La boxe n’entre pas dans nôtre emploi du temps, mais, puisque tu as le désir d’exercer tes muscles, tu rempliras deux fois plus de wagonnets que tes camarades.1 u es content, hein ?

J ’avais envie de sauter sur la brute et de gifler à tour de bras sa vilaine tête d’ivrogne. Je me contins. Ricanant tou­jours, il termina :

— D ’ailleurs, si tu as besoin de forces, tu n’auras qu’à me demander des stimu­lants. J ’en tiens toujours quelques doses en réserve.

Quels étaient ces stimulants mystérieux ? Je le demandai aux anciens, le soir, à la chambre ; mais ils se contentèrent de secouer la tête avec tristesse, sans me répondre.

lu as bien le temps de le savoir, se contenta de marmonner l’un d’eux.

Le lendemain, j’appris ce qu’était mon nouveau travail. Le torse nu sous l’impla­cable soleil, je passai la journée à abattre des rocs calcinés à grands coups d’une masse de fer ; puis je dus m ’armer de la pelle et, enfin, pousser assez loin, par la seule force de mes bras, les wagonnets lourdement chargés. Le soir, j’étais accable de fatigue. C’est avec peine que je me traî­nai jusqu’au camp. J’avais faim et, bien que la soupe qu’on nous distribuait ne fût

qu’un peu d’eau chaude dans laquelle avaient nagé quelques mauvais légumes, je me réjouissais de calmer un peu ma frin­gale avant d’aller me jeter sur ma paillasse. Quelle ne fût pas ma surprise en voyant que toutes nos gamelles étaient alignées dans la cour !

— A vos places, cria le sergent V...Chaque homme se hâta de se mettre au

garde-à-vous devant le petit récipient où fumait la soupe, épaissie de pain noir. Le chef de détachement sortit son revolver de sa gaine, cependant qu’à la porte de la cuisine apparaissaient d’autres sous-offi­ciers. V... s’avança jusqu’au premier homme de la première lile. suivi par les caporaux qui nous avaient surveillés du­rant le travail :

— Combien de wagonnets ? demanda- t-il.

L ’un des caporaux dit un chiffre.— Bon. Prends ta gamelle.Le malheureux se baissa avec une hâte

fébrile et saisit à pleines mains le récipient brûlant, cependant que le sergent passait au deuxième. La même scène se renouvela. Le troisième était un pauvre diable très maigre, qu’on sentait brûlant de fièvre, défaillant de fatigue :

Combien de wagonnets ?Le caporal dit un autre chiffre.— Seulement ?L ’homme murmura quelques mots indis­

tincts, sans doute d’excuse :— Tais-toi ! cria le sergent.Et, d’un coup de pied, il fit rouler la

gamelle dans le sable ; puis, braquant sur l’homme son revolver :

— Va-t’en ! Tu as mangé.L ’homme, la tête basse, sembla se tasser

sur lui-même. Il avait rougi violemment, comme prêt à pleurer ; mais déjà le sergent était loin, il continuait sa besogne redou­table, qui, en un instant, ruinait tant d’espoirs. Sur les cent-quatre-vingts hommes qui s’alignaient là, il n’y en eut guère plus de cinquante qui purent dîner. J ’étais — par quel hasard ? — dans cette cinquantaine. Cette faveur ne devait pas m ’échoir souvent par la suite.

— Bah 1 me dit un vieux de la vieille, ce n’est rien encore. Il y a quelques années, la privation de soupe n’était qu’une plai­santerie à côté des autres brimades On craignait davantage la crapaudine, ça,c’en était un stimulant et une belle invention ! On déshabillait le bonhomme, on lui met­tait les fers aux pieds et aux mains et l’on attachait avec une corde à poulies ces deux appareils ; il suffisait alors de raccourcir progressivement la corde pour que le sup­plicié prit l’attitude d’un crapaud.

— Et on vous laissait combien de temps dans cette position ?

— Ça dépendait. Jamais moins de trois

L'enterrement d ’un tamisant.

heures. Naturellement, on vous exposait au soleil et l’on vous laissait cuire ainsi au grand feu du désert ; la gorge, brûlée par les émanations de la terre rouge d’Afrique, se contractait spasmodiquement, tandis que les membres, roidis et doulou­reux, essayaient en vain de se tordre pour échapper à l’ankylose : * A boire I A boire ! » gémissait-on. Pour toute réponse, le tirailleur de garde vous appliquait alors un bon coup de crosse sur la figure... Quand on vous détachait enfin, on était si engourdi qu’il était impossible de se redresser ; quelques cinglements de cravache, appli­qués aux bons endroits sur la chair rongée de soleil, et qui pelait par grandes plaques rouges, vous rendaient aussitôt de l’energie.

Le vieux Bat-d’Af’, songeur, semblait suivre un rêve douloureux :

— Tu as de la veine, petit, conclut-il. Tu ne connaîtras pas la crapaudine, on l’a interdite. En comparaison, les stimulants de cette brute de V... paraissent des dou­ceurs.

Des douceurs 1 Tel n’était point mon avis le jour où, n’ayant point rempli mon compte de wagonnets, je dus subir le sup­plice des « eribas ». Ces plantes, qui poussent dans les sables, sont des herbes longues et pointues comme des poignards : on m ’en fit un lit, sur lequel on m ’étendit nu. Quand on me releva, ma peine terminée, j’étais couvert des pieds à la tête de cou­pures profondes par lesquelles coulaient des filets de sang. J ’avais l’air d’une statue rouge.

Dans cet enfer, seuls les forts pouvaient tenir ; les faibles étaient promptement éli­minés. Dans ce pays où la mort se cachait partout, dans les dunes, entre les roches, au fond des puits, la moindre imprudence était fatale.

J’avais pour camarade de chambrée un lyonnais, Camille Serdan. C’était un gars taciturne, mais franc comme l’or et solide comme une montagne. Dès l’arrivée, la chaleur excessive qui régnait dans cette antichambre du désert avait accablé cet homme accoutumé aux brumes du Rhône. Nous étions au mois d’août. Ce jour-là, il faisait au moins quarante-cinq degrés à l’ombre et nous travaillions avec plus de peine encore que de coutume. Serdan. à chaque geste qu’il faisait pour lever sa masse de fer, semblait sur le point rie défaillir :

— Je n’en peux plus, me murmura-t-il à un certain moment. J ’crève de soif, il faut que j’boive.

Je n’oublierai jamais le regard de con­voitise qu’il jeta vers l’oued, dont le filet d’eau bourbeuse coulait non loin du chan­tier.

— Fais attention, vieux, lui répondis-je. Tu sais qu’il est défendu de boire, sous peine du silo.

— J ’sais bien. J ’vas demander l’autori­sation au chef.

Mais il suffisait qu’on demandât une permission à V... pour qu’il la refusât brutalement.

— Travaille ! hurla-t-il. Tu auras de l’eau ce soir, dans ta soupe !

Serdan eut un geste désespéré. Quelques instants plus tard, il se retourna vers moi avec une flamme de joie dans les yeux.

— Dis donc, vieux, tu crois pas qu’il doit y avoir un marigot, là-bas, dans cette touffe de lauriers roses ?

— Probable.— J ’vas y aller.Je le regardai avec effroi:— T ’es fou ! Tu dois bien te douter que

c’est de l’eau croupie et qu’il n’y a pas de meilleur moyen pour attraper les fièvres.

— Tant pis. J ’ia crève, que j’te dis !Je fis un geste pour le retenir. Mais à

quoi bon ? Je le sentais décidé à toutes les folies, tant la soif le tenaillait. Ce que j’au­rais pu lui dire encore n’aurait eu pour résultat que d’exacerber son désir. Il demanda à s’isoler un instant, c’était une autorisation qu’on ne pouvait lui refuser, V... le laissa partir.

Quelques minutes après, il revenait, transfiguré :

— Alors ? demandai-je.Y avait de l’eau. J ’ai bu. Ça va

mieux.Son visage de vieux dur à cuire exprimait

un ravissement enfantin.Le lendemain matin, il délirait. La fièvre,

hélas ! m ’avait donné raison.Que pouvais-je faire ? Je lui parlai,

il ne me reconnut pas : * A boire. A boire »,

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SA»H i t tyf*

ts

VI ( 1 ).

Quatre transfu­ges de « Chave ».

Il s étaient quatre « réguliers », att a­blés dans le fond

d’un bar du quartier de la Joliette.

Us ne parlaient pas â voix basse, au contraire.

Leur verbe sonnait haut et clair, tout parfumé de cet

accent du cru qui met en re­lief chaque syllabe. Et de quoi

devisaient ils si benoîtement? De cuisine, s’il vous plaît, de popote...— Moi, disait le premier, je ne

puis pas prétendre que «leur » tam­bouille soit mauvaise. Je n’en ai ja­

mais eu assez pour pouvoir la goûter...— C’est un vrai scandale, glapissait

le deuxième. « Ils »doivent nous donner tant de viande et tant de légumes. Le poids des rations est prévu par le règlement. Mais ils préfèrent garder le plus gros pour eux. Ça se comprend, ils le revendent.

—- C'est bien ça, appuya le troisième. On devrait réclamer.

Le quatrième goguenarda :— On devrait former un syndicat de dé­

fense des anciens et futurs pensionnaires de Chave.

Mais il devint sérieux. Et il conclut :— La vérité, je vais vous la dire : le

Gouvernement devrait mieux payer les gar­diens de prison. S’il ne leur attribuait pas des salaires de famine, ceux-ci se dispense­raient sûrement de rogner les rations de leurs clients...

Il ajouta, philosophe et bonasse :— Que voulez-vous, ils ont des femmes...

Et leurs femmes veulent aussi porter des bas de soie...

Plaisant paradoxe. Nos quatre repris de justice, — caries trois autres approuvaient l’ironiste, — en arrivaient à réclamer une augmentation du traitement de leurs geô-

-- u « k U n o i e II n ’v q n i i*à M a r s e i l l e

%

liers habituels. Il n’y a qu’à Marseille qu’on peut voir ça...

Au surplus, il faut tout dire : la prison Chave n’est pas une prison tout à fait comme les autres. Il est de tels accommode­ments ! La plupart des détenus, par exemple, boivent leurs pastis avant chaque repas. Comment s’arrangent-ils ? Bien simple : ils se contentent de passer la com­mande à l’un des nombreux bistrots qui ouvrent leurs portes dans l’ombre des hauts inurs. Et le bistrot se débrouille. C’est à lui qu’il appartient, par tel moyen de sou choix, d’acheminer la consommation vers le consommateur... Ce qui est vrai pour l’apéritif qui précède le repas l’est égale­ment pour le repas lui-méme... Après le pastis, arrivent les hors-d’œuvre, le civet, le bifteck, les frites et le fromage, le tout arrosé d’un bon petit vin de pays... Ah ! oui, évidemment, il y faut de l’argent. Tous ne peuvent s’offrir ces fantaisies. Mais il ne faut pas trop demander. En tous lieux, même à Marseille, il y a des riches et des pauvres.

Mais revenons à nos quatre « palabreurs », ou, plus exactement, au premier d’entre eux. C’est un grand gaillard osseux et triste. De tous temps, même au berceau, son visage de bagne dut ignorer le sourire. Et ses camarades de la pègre, grands ama­teurs de surnoms on le sait, lui ont trouvé un sobriquet qui fait image : Louis-le-Noir...Il est * tombé », au printemps dernier, dans des conditions assez peu flatteuses pour ses facultés cérébrales. Et il en a pompé pour six mois...

Son • truc » consistait à visiter les méde­cins, les dentistes, les vétérinaires, les no­taires, les architectes, les entrepreneurs, etc. A tous, il se donnait pour un ancien con­frère qui avait eu des malheurs. Et il de­mandait un petit secours.

Ce n’était que de la mendicité. Un tra­vail bien tranquille. Seulement voilà : en toutes choses, il y a la manière. Et Louis- le-Noir, qui n’aimaït pas essuyer des refus, devenait volontiers arrogant lorsqu’on ré­sistait à ses sollicitations. Or, un soir, opé­rant dans un hôtel, auprès d’un médecin de la marine de passage, il poussa l’arro­gance jusqu’aux coups. Les garçons d’étage,

attirés par le bruit, intervinrent. Conve­nablement mis knock-out, Louis-le- Noir fut non moins convenablement livré aux représentants de la loi...

Notre homme venait seulement de recouvrer la liberté au moment où commence ce récit. Les « réguliers » que nous avons écouté plus haut l’avaient aperçu comme il des­cendait le boulevard des Dames. Ils l’avaient hélé et lui avaient offert un verre. Maintenant, la conversation se trouvant épuisée sur le brûlant sujet des rations de haricots ou de viande, ils le houspillaient

sans cérémonie :

(1) Voir Police-Magazine 11- 190 à 194.

— Tu t’y es pris comme un ballot. Tu as bien mérité ce qui t’est arrivé. On n’a pas idée d’être si bête et de cogner pour le plai­sir de. cogner. Il faut tout de même être plus sérieux que ça dans le travail. Tu ferais pas mal d’aller voir le père Marsil- lou. Si jamais quelqu’un a eu besoin de ses

leçons, c’est bien toi.Le père Marsillou...

Le « maître ».

A Marseille, il y a toutes sortes de grandes écoles. Il y a dès collèges, des lycées, des institutions. Il y a même, depuis peu, une faculté de médecine, laquelle, bien pour­vue de cadavres de toutes moutures, ne laissa pas aux cours d’anatomie le loisir de

chômer.Puis il y a une école du crime.Cette école est partout. Elle tient ses

assises des Goudes aux Chartreux, de la Capelette à la Bclle-de-Mai en passant par le Houcas-Blanc, Saint-Mauront et Gratte- Semelle. Pas de livres inutiles, pas d’am­phithéâtres : des leçons de choses. Cepen­dant, - il faut bien cette exception pour confirmer la règle, — un professeur, un théoricien, un seul, mais un grand : le père Marsillou...

Personnage bien curieux. Le voici, pous­sant son ventre en tonnelet sur ses petites jambes arquées. Une face ronde, souvent hilare, rougeoyante et dont le front s’avère perpétuellement inondé de sueur... Le père Marsillou ne boit que de la bière. Mais il en boit beaucoup. Il n’est paraît-il personne, dans toutes les Bouches-du-Rhône, qui soit capable d’en ingurgiter plus que lui. Et ceci fait, — il faut bien éliminer, — qu’il trans­pire à grosses gouttes, hiver comme été, du premier janvier à la Saint-Sylvestre...

Mais il y a, au milieu de cette face empâ­tée, deux petits yeux vrilleurs, aigus, et dont l’éclat métallique, froid comme des lueurs de strass, indique une intelligence aussi nette que cynique.. A première vue, un bon bourgeois tranquille, bonasse et paterne à souhait. Mais à deuxième vue, comme disent les bonnes gens... Les lec­teurs de Police-Magazine, qui sont au fait de bien des choses de ce monde, ne lui con­fieraient certainement pas leurs portefeuille ou l’éducation de leurs enfants...

Un régulier quelconque est-il en quête d’une combine? Il n’a qu’à s’enquérir de l’endroit, bar ou café, où il lui sera possible de rencontrer Marsillou. Une simple ques­tion, et le professeur lui indiquera sur-le- champ un « coup » à sa convenance, un coup qui coïncidera avec son tempérament, ses capacités et ses moyens... Au besoin, s’il faut une petite mise de fond et si l’impé­trant se trouve dépourvu de tout pécule, on lui avancera le nécessaire. Il remboursera ensuite le capital, plus les intérêts, sans oublier les honoraires dus pour la consulta­tion... Mais voyons comment les choses se passent. A propos de Maurice le Frappeur, par exemple...

Nous n ’avons rien à envier aux A m é ­ricains.

Neuf heures et demie. Le rapide de Paris vient d’arriver en gare Saint-Charles. Un voyageur solitaire quitte son comparti­ment. Dans la cour, il choisit un taxi, y fait placer sa valise par le porteur et jette l’adresse d’un hôtel. Le chauffeur inet en marche et la voiture s’ébranle...

Soucieux des intérêts de son client, le chaufTeur évite les grandes artères. Il choisit les petites rues, qui sont comme au­tant de raccourcis et qui, partant, ne donnent pas au compteur l’occasion de ta­rifer le prix fort.

Mais tout à coup, au beau milieu d’une ruelle déserte, le véhicule stoppe. De chaque côté, des hommes sont sortis des maisons. Ils tiennent des revolvers et les braquent sur le voyageur. Et l’un d’eux, d’une voix brève, ordonne :

— Pas de chahut. Aboule ton fric. Et en vitesse...

Le voyageur s’exécute. Le moyen de ré­sister à cinq ou six malabars dont les trognes de forçats indiquent qu’ils sont prêts à tout? Les choses vont rondement. Le transvase­ment de l’argent s'opère en quelques se­condes, après quoi le dépouillé s’entend dire :

— Ça va. Tu t’es conduit gentiment, on ne te fera pas de mal. Maintenant, on va te mettre un bandeau sur les yeux car on va te changer de quartier, et, après, tu pourras retourner à tes petites affaires.

Ainsi fait-on. Une heure après, tassé comme un ballot dans le fond du taxi, ayant traversé tout Marseille sous les pieds de scs voleurs confortablement installés sur les banquettes, le voyageur sera abandonné en un coin perdu de la ban­lieue... Aura-t-il le loisir de retrouver la ruelle témoin de scs malheurs? Peu pro­bable. La chose se fait toujours la nuit, et les ruelles marseillaises sont à la fois bien mal éclairées, bien nombreuses et bien semblables les unes aux autres. Et d’ailleurs, à quoi bon? Ce n’est pas cela qui ferait revenir l’argent...

La victime sera abandonnée, avons-nous dit, en un coin quelconque de la banlieue.

Le taxi également sera abandonné, et c’est en cela que réside l’astuce... Au moment où se déroulait la scène que nous avons dé­crite dans la ruelle, le titulaire du taxi, le vrai, se sera rendu au commissariat. Et il aura fait une déclaration de ce genre :

— J ’étais allé boire un verre avec des collègues, au petit bistrot qui est en face de notre station. Je ne suis resté que quelques minutes, mais, quand je suis revenu, plus rien. Ma voiture avait disparu. Je suppose qu’on l’a volée... Pourvu seulement que ce ne soit pas pour faire un mauvais coup ! Avec toutes les canailles qu’on rencontre par ici...

Le bon apôtre ! Comme bien 011 pense, il est dans «l’affaire », lui aussi. Il est complice. Raison de plus pour qu’il s’établisse, à l’aide des employés de la police à qui il fait sa déclaration, un bon petit alibi qui 11e devra rien à personne...

A la lin de l’alinéa précédent, nous avons nommé Maurice le Frappeur. On a deviné pourquoi : c’est parce que l’honorable gen­tleman en question est à-la fois le meilleur élève du père Marsillou et le meilleur prati­cien de l’attaque à main armée de la cité phocéenne... Or; et c’est ici que nous allons saisir la subtilité du maître, il advint un jour que Maurice le Frappeur harponna le­dit maître à l’entrée d’uu bistrot : -

— Dis donc, vieux ! Ca peut plus coller. Le truc que tu m ’as indiqué. Je sens que ça va mal tourner et mal finir. Ça fait trop de bruit. Les journaux sont pleins de l’his­toire du type d’avant hier, du maigriot qui nous a lâché vingt-cinq sacs...

Marsillou s’était assis en s’épongeant le front. Le garçon déjà poussait un demi bien moussu devant lui. Il sourit avec condescen­dance :

— J ’attendais ça... Mon fils, tu as rai­son. Ça finira par mal tourner. Le truc a été bon trois fois, ce qui est déjà beaucoup pour un seul truc. Mais il n’est pas défendu de l’améliorer... Allons, un petit effort. Déploie ton imagination. Cherche...

Maurice le Frappeur donna sa langue au chat. Les devinettes n’étaient point son fort. Et le professeur put triompher :

— Tel qu’il est, le truc n’est pas mal, car il présente au moins deux avantages : d’abord, impossibilité absolue • d’établir un lien quelconque du voleur au volé ; en­suite impossibilité absolue, pour la police, d’établir une souricière... C’est le hasard seul qui nous fournit la victime. Et c’est notre fantaisie seule qui nous fait choisir la ruelle où nous opérons. Derrière nous, donc, après une opération semblable, nulle indication susceptible d’aider les en­quêteurs. En un mot, sécurité maximum. Pour nous atteindre, il faudrait procéder à un déploiement presque impossible de force armée... Toutefois, il y a mieux... Nous ne pouvons guère perfectionner notre truc dans les procédés d’exécution. Mais nous pouvons le perfectionner dans le choix de nos victimes... Que dirais-tu, par exemple, si nous nous limitions aux hommes du

milieu?— Hein? Tu es pas fou? Ce sont des du-

raillcs. Ils sont capables de se défendre !— Ta ta ta 1 Pas plus que les autres, va.

Tous les hommes sont bâtis sur le même patron. O 11 11c fait pas le fier quand on a un pétard sous le nez... Ecoute-moi bien...

Voici mon plan :— Vas-v.— Voilà : Il faut avoir un informateur

à Paris, un type qui naviguera dans le mi­lieu et qui nous signalera le départ des mecs qui font la remonte sur Changaï... Us ont tous au moins vingt ou trente billets dans leur poche au moment où ils s’embarquent... L'informateur parisien les piste jusqu’au train. Il nous télégraphie le numéro de leur compartiment. Toi, tu t’arranges pour que le porteur de ta bande se trouve juste en face à l’arrivée, pour prendre les bagages. Il empoigne leurs valises et, naturellement, les installe dans le bon taxi... Après, tu connais la suite mieux que moi.

Maurice le Frappeur ne semblait pas

convaindu. Pour tout dire, il lui sembl dangereux, en bon loup qu’il était, s’attaquer à d’autres loups. Mais le ' Marsillou fit si bien qu’il se rangea fli ment à son avis.

— Bien sûr, disait le maître, tout pas toujours comme sur des roulettes, aura des coups de tampon. Au bout ou six expériences, la combine sera Ces messieurs, qui ne sont jamais longs à flairer le vent, s’organiseï conséquence. Ils n’auront pas gram d’ailleurs. Il leur suffira de demander copains de venir les attendre à la ,Mais, avant, tu pourras bien en faire ou six et enlever une bonne pièce c' billets... D ’un autre côté, rien à ci des « coudés ». Ce ne sont pas les h du milieu, tu le sais, qui iront se pL Ils encaisseront le coup sans rien dire.

L ’avons-nous note? Sur le produit; opérations indiquées et mises au point lui, le père Marsillou touche des coral sions qui varient de 1 0 à 25 p. 1 0 0 . H 1 fait ainsi un revenu considérable et sai moindre aléa. S’il ne fentre pas d’aL, d’un côté, il en rentre de l’autre. Quant risques, ils sont nuls. Le père Marsillou court pas plus de dangers que l’avocat par exemple, conseille un client sur la l leure façon de s’enrichir en faisant faiï

Connaisez-vous Jean le Boiteux? sans doute. 11 convient donc que nous - le présentions. C’est, dans un tout aul genre, une autre créature, — une aul création si l’on veut, — du docteur science criminelles. aa

Jean le Boiteux est un espèce d’avorton d’aspect parfaitement insignifiant et neutre» Il traîne un peu la patte, porte binocle et sent le mégot. Il s’habille comme un petit clerc de basoche, ne cire jamais ses chaus­sures, et s’orne le col de gigantesques faux cqls en celluloïd... Il crevait de misère en quelque galetas, à moins que ce ne fût en quelque cave, lorsque Marsillou lui tendit une main secourable.

— Voici, lui dit-il, ce que tu vas faire. D ’abord, je vais te donner deux cents francs. Avec ça, tu iras te nipper un peu proprement chez un fripier. Dans le truc que je te destine, il 11e faut pas être gandin, mais il faut être décent... Écoute-moi bien : tous les matins, tu passeras à la mairie. Tu relèveras la liste des décédés delà veille. Pas de tous. Des hommes seulement, et de ceux qui auront de vingt à soixante ans. Les autres, on s’en fiche. Au nom de chacun de ces décédés-là, et sur du papier à en­tête d’une pharmacie imaginaire que je te fournirai, tu établiras une petite facture variant, suivant l’aisance apparente de la famille, de 20 à 80 francs... Les produits indiqués sur cette facture seront toujours les mêmes : des produits dont on se sert pour soigner les maladies dites honteuses... Tu

A première vue, un bon bourgeois tranquille et bonasse à souhait.

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saisis? Non, pas encore? Suis-moi bien, ça va venir... Tu t’amènes au domicile de ton décédé. Tu frappes à la porte. Quelqu’un de la famille vient t’ouvrir. Tu fais comme si tu ne savais rien et tu demandes le mort comme si tu voulais le voir : «MonsieurUn- tel, s’il vous plaît ?» On te répond : « Com­ment? Vous ne savez pas le malheur qui est arrivé? Ah ! mon pauvre monsieur, vous ve­nez un peu tard, etc... » Tu fais l’étonné, naturellement. On se lamente. On pleur­niche. Tu larmoies. Et l’on te demande ce que tu lui voulais, à monsieur Untel... Tu te fais un peu tirer l’oreille, puis, en fin de compte, tu annonce en montrant ta facture : « C’est un peu délicat, vous com­prenez. Le patron m ’envoie pour ce petit encaissement... Il avait donné les médica­ments à crédit, vous comprenez... » L ’oncle, le neveu, le cousin ou le beau-frère qui est venu ouvrir la porte repousse vivement la facture. A la lecture des trois ou quatre produits énumérés, il a tout de suite com­pris de quoi il s’agissait. «Tenez, dit-il, cachez ça, vite !... C ’est combien? Soixante- cinq francs? En voici soixante-dix... \ ous n’avez pas de monnaie? Tant pis, allez. Sauvez-vous vite... » Et voilà, le tour est joué. Tu n’as plus qu’à recommencer un

peu plus loin...Depuis cinq ou six ans, Jean le noueux

vit de cette combine. Il a bien essuyé ^quelques revers. Deux ou trois fois déjà f il s’est fait prendre. Il est même Pa*se au b rang des familliers de Chave. Mais, bah!...

II faut bien taire la part du feu. "lout n est rose dans la vie. Et, si l’on ne devait pas peu payer de temps à autre, ce serait

i-wp beau...Cette combine, que Jean le Boiteux Pra~

tique à Nice, à Cannes, à Monte-Carlo et à Toulon tout autant qu’à Marseille vaut mieux qu’une .indemnité de ministre. A Marsillou, qui touche ponctuellement son

9 pourcentage, elle lui a déjà valu de quoi ï s’otîrir deux ou trois toiles de maître, Jcar Marsillou est grand amateur de pein- jature. Mais, malgré tout, elle ne constitue ¿»pour lui qu’une ressource très accessoire.

Comme on dit, ça paye les cure-dent, •jll a plus gros...9

Marsillou fait un cours.

Le père Marsillou disait un jour : f. — La canaille ne manquera jamais à | Marseille, car Marseille en sera toujours ‘ une pépinière de choix. II y a plusieurs rai- . sons à cela, mais d’abord la vanité puérile,; mais d’abord cette sorte de vantardise, inhérente au climat, pourrait-on dire, et qui, poussant les « mauvais garçons » à une per­pétuelle surenchère, les incite sans cesse à tenter de nouveaux exploits. Ne vous y trompez pas : bien des exploits dont U s’agit, et des plus dangereux, ne furent effectués que par fanfaronnade, sans néces­sité précise...

Eh ! oui. Rien n’est, hélas ! plus vrai. Bon observateur de la pègre et maître es-sciences douteuses, le père Marsillou devait im­manquablement mettre le doigt sur la plaie. Neuf fois sur dix, à la base des ré­voltes juvéniles qui font les déclassés et orientent définitivement les jeunes voyous

vers le bagne, il y a une question d’amour-propre, d’orgueil ou de vani­té. Paradoxe ? Non pas. Vérité, mieux: évidence.

Ce matin-là, le maître tenait ses assises en un petit bar proche l’hôtel de la police.

Cinq ou six jeunes gens étaient autour de lui, prêts à recueillir scs précieux enseigne­ments. Cinq ou six jeunes gens au visage déjà marqué, avec des traits trop tirés, des yeux trop mobiles et des bouches trop amères. De quoi s’agissait-il? Oh 1 de trois fois rien... S’étant posté au bon endroit de la rue que suivent ordinairement les inspec­teurs de la Secrète au sortir du rapport quo- tidien, le père Marsillou voulait seulement désigner quelques-uns de ceux-ci à ses dis­ciples. De la sorte, ils pourraient les recon­naître au besoin, fuir s’il le fallait, tout au moins « se tenir à carreau ».

C’est qu'ils étaient en train de monter une petite escroquerie basée sur la publi­cité dans les journaux. Une adresse serait donnée où l’on recevrait les gogos pour les dépouiller. Au bout de trois ou quatre jours, toutefois, les plaintes afflueraient dans les commissariats et au Parquet. Messieurs les roussins seraient évidemment appelés à procéder à une petite descente. Il fallait donc que des guetteurs soient susceptibles de les repérer et de donner l’alerte...

Toute l’astuce de la combine consistait précisément en cette trouvaille du père Marsillou : les locaux choisis permettaient de sauter, par les toits, dans la cour de l’immeuble voisin. Cela, la police ne le sa­vait évidemment pas. On pourrait par con­séquent lui glisser fort facilement entre les doigts.

Donc, dans le bar où nous les avons vus, nos hommes attendaient le passage de leurs futurs chasseurs. Mais, pour mettre l’attente à profit, le père Marsillou distillait quelques vérités essentielles :

— Ce qui, dans la plupart des cas, per­met aux argousins de repérer un délin­quant, voleur ou criminel, ce sont les rap­ports préexistants entre lui et sa victime. Avant de tenter un coup, rien n’est plus mauvais que de trop tourner autour des lieux qui doivent en être le théâtre, ou de trop rôder dans l’atmosphère des gens qui doivent en faire les frais. On se fait remar­quer, on laisse des traces, des indices, une piste... L ’idéal serait de toujours opérer à l’improviste. Tenez, un exemple classique : celui de Jack l’Éventreur... Ce criminel, dont on sut'par la suite qu’il était un méde­cin célèbre, opérait à Londres. Vivant dans les quartiers riches et parmi les gens aisés, il ne sortait jamais sa laine que dans les bas quartiers de White-Chapel, parmi les gens du peuple. Il ne choisissait pas ses victimes. Seul le hasard les lui fournissait, le hasard des rencontres, la nuit, au coin des rues dé­sertes... Malheur au passant attardé qui croisait son chemin. D ’un seul coup, lorsque le passant ou la passante arrivait à sa hau­teur, son bras se détendait. Jamais il ne manquait son coup. Derrière lui, un être s’effondrait, une large plaie au ventre. Lui, il rentrait paisiblement en son hôtel par­ticulier...

A ce moment-là, quelqu’un signala la venue des inspecteurs de la Sûreté. Et le père Marsillou abandonna la théorie pour la pra­tique :

— Le grand, là, celui qui a une canne, c’est Grimot, le brigadier... Gravez bien ses traits dans vos esprits, c’est sûrement lui qui viendra... Non, le petit gros qui lui parle, aucun intérêt, en ce qui concerne votre affaire. C’est Croisic, de la brigade des stupéfiants, un Breton... Mais l’autre, derrière, celui qui a un chapeau vert et un nez en gouvernail de péniche... Visez-le soigneusement... C’est Cerfati, le Corse.Il travaille avec Grimot! C ’est son bras droit...

Les élèves ne perdaient pas une parole et regardaient de tous leurs yeux, l’esprit tendu, l'attention concentrée. Ah ! si tous les étudiants de toutes les facultés de France apportaient à l’enseignement qu’on leur prodigue une semblable volonté d’ap­prendre, de savoir et de retenir !...

Un émule daJack l’Éventreur.

L ’escroquerie aux petites annonces, di­sons-le pour mémoire, réussit aussi bien que possible. Nos bonnes canailles ramassèrent quelque vingt millj fra ies, s’éclipsèrent au bon moment, vinrent fort ponctuellement acquitter aux mains de leur maître le pourcentage convenu, et se uisper- sèrent pour tenter, chacun de son côté, d’autres plus ou moins profitables aven­tures.

Et ce fut à quelque temps de là qu’une série inexplicable de crimes vint déconcerter les spécialistes Les spécialistes ? Oui. Mais pas les policiers. Nous parlons ici des professionnels pour qui l’assassinat est une chose courante et qui, bien plus tôt que la préfecture, savent immanquablement qui a tué et pourquoi. Expliquons-nous plus clairement et, dans ce but, exposons com­ment les choses se passent :

Aujourd’hui, on ramasse un cadavre de femme dans une impasse de la Belle-de-Mai. La police fait une enquête, interroge vague­ment les voisins, arrête le dernier amant de la femme et le relâche deux jours plus tard après vérification d’un indiscutable alibi... En somme, on n’a rien trouve. Comme la femme est une rôdeuse quelconque, c est sans importance. On classe et on n y pense

plus. .Le lendemain, on ramasse le cadavre un marin turc tué à quelque distance des

quais. Le marin est arrivé de la veille. Personne ne le connaît. Rixe de pochards, opine la Sûreté. On jette le cadavre à la fosse commune et on liquide le dossier... Le surlendemain, même histoire, toujours aussi mystérieuse. La police cherche encore, pour la forme, car c’est son métier et elle est

payée pour ça. Mais elle cherche sans con­viction. Elle a l’habitude de ne pas com­prendre et s’en accommode d ’ailleurs fort bien. En ces sortes de cas, elle utilise une série d’explications hypothétiques, faciles, mais, au reste, fort plausibles : querelles, vengeance, amour... Et allez ! hop ! Au classeur...

Mais, pour les individus du milieu dont nous parlions à l’instant, il n’en va pas de même. Ils ont l’habitude, eux, de savoir l’entière vérité. A-t-on découvert le cadavre d’une fille au coin d’une ruelle? Ils peuvent dire qui a fait le coup. De même pour le marin. S’il y a eu querelle, ils peuvent nommer le vainqueur. Ils peuvent même désigner la maison borgne où il se remet en gémissant des blessures qu’il a reçues...

Imaginons une série de crimes semblables à ceux que nous venons de voir. Pour la police, tran-tran habituel, routine. Pour les gens du milieu, mystère. Ordinairement, ils savent. Cette fois-ci. ils ignorent. Il se passe donc quelque chose d’anormal.

Quoi?La question se posa telle que nous l’in­

diquons, exactement, voici huit ou dix mois. En quelques jours, et sans que la Sûreté en eut le moindre soupçon, une sorte d'émotion s’empara de la pègre phocéenne et toucha au paroxisme. Il n’y avait pas la moindre crainte dans cette émotion. La pègre ignore les transes bourgeoises. Mais il y avait une bonne dose de colère. Le père Marsillou, lui, ne disait pas grand chose. Au fond, il se sentait un peu cou­pable. Devant un intime, il murmura :

— C’est cette sacrée histoire de Jack l’Éventreur. J'avais bien besoin de raconter ça à ces imbéciles !...

L ’idée du professeur était qu’un sadique semblable au médecin londonien s’était révélé à l’audition de ses propos. Mais qui était-il, ce sadique? Comment le découvrir? Selon la théorie exposée au début de cet article, la chose s’avérait à peu près impos­sible. Le criminel opérait incontestablement au hasard, exactement comme son illustré prédécesseur.

Le père Marsillou n’hésita pas longtemps.Il réunit une douzaine de compagnons bien décidés et, s’étant retiré avec eux dans l’arrière-salle d’un bar, leur exposa les faits. Puis il conclut :

— Il faut d’abord retrouver les cinq types dont je vous al donné les noms et de­vant qui j’ai raconté l’histoire. Ça ne sera pas difficile. En une journée, vous pouvez venir à bout de cette besogne... Quand vous les aurez retrouvés, il faudra vous arranger pour ne pas les perdre de vue durant un cer­tain temps. Après, on verra... Je compte sur vous? Bon. Parfait... Rendez-vous ici demain, à la même heure, pour le rap­port...

La tâche fut plus facile qu’on pouvait le croire. Le rapport du lendemain le prouva. Trois des cinq types avaient quitté Mar­seille. L ’un était parti pour Paris l’avant- veille. L îs deux suivants s’étaient embar­qués de concert pour l’Algérie. Les deux derniers, ceux qui demeuraient encore à Marseille, avaient été rejoints sans effort. On les avait surveillés d’autant plus facile­ment que tous deux étaient au lit, souffrant d’un empoisonnement par les huîtres. A Marseille, il y a toujours au moins deux cents personnes dans ce cas.

Or, au cours de la nuit même, un nouveau crime aussi mystérieux que les précédents • avait été commis...

Le père Marsillou respira plus à l’aise. Ses cinq auditeurs se trouvaient mis hors de cause. Pour lui, c’était une satisfaction morale. Mais comment faire désormais pour atteindre le coupable? C’était bien cela, l’absence de tous liens, de tous contacts, de tous rapports. Les crimes désintéressés ! Éternel casse-tête que seuls résolvent les auteurs de romans policiers...

Jugement.

Sur ce, sagace, le professeur, hochant la tête, opina :

—• Puisque notre seule hypothèse ration­nelle s’effondre, nous ne pouvons plus comp­ter que sur le hasard des rencontres. Je dis bien : des rencontres... Mes amis, il faut prendre le taureau par les cornes... En d’autres termes, si nous voulons le capturer, ce taureau, nous devons nous offrir à scs coups... Nous sommes ici une douzaine. Prenons tous l’engagement, les uns vis-à- vis des autres, de nous payer chaque nuit une petite promenade solitaire dans les ruelles les plus désertes... Nous tenterons peut-être le sadique. Nous tâcherons d’évi­ter son couteau et de nous emparer de lui... Hein? Qu’en dites-vous? J ’espère bien que personne ne va se dégonfler.

Personne ne se « dégonfla », et chacun tint à honneur de procéder, chaque nuit, passé l’heure médiane, à la petite ballade indiquée... Huit jours s’écoulèrent, sans ré­sultat. Le criminel, toutefois, poursuivait sa série. Trois cadavres de plus s’inscri­vaient à son tableau...

Et ce fut un treizième larron qui gagna le coquetier, un Corse qui exploitait un tri­pot quelque part derrière le cours Belzuncc. C’était un jeudi matin, à la prime aurore.Le Corse, qui avait fermé son tripot plus tôt

que d’habitude en raison de la pé­nurie des clients, rentrait chez lui à pied, histoire de res­pirer un peu. Com­me il allait arriver place de l’Évêché, un homme s’élança d'une porte cochère -et lui porta un violent coup à la poi­trine. Sur le moment, le Corse ne se rendit pas bien compte de ce qui se passait.Mais il eut le réflexe salutaire, et, d’un seul coup de poing bien appliqué, envoya son agres­seur rouler sur les pavés... Un cou­teau était tombé sur le trottoir. Le Corse constata alors qu’il n’avait échappé à la mort que de bien peu. Son veston, sur le côté gauche, était fendu de haut en bas. La lame avait glissé sur le gros portefeuille de cuir qu’il portait dans une poche spé­ciale, entre son gilet et sa chemise...

En bon Corse parfaitement insoucieux de livrer qui que ce soit à la Police, notre te­nancier de cercle allait passer son chemin sans plus de façon. L ’homme, assommé, demeurait toujours inerte sur la chaussée. C’est alors que survintl’undes douze compa­gnons de Marsillou.

— Que se passe-t-il? s’empressa-t-il de questionner.

L ’autre, qui le connaissait, lui raconta son aventure.

— Ah ! diable ! Mais c’est peut-être notre bougre... Voyons, le connaissez-vous?

— C est la première fois que. je le vois.— Pas la moindre histoire entre vous?— Certes non.— Pensez-vous qu’il voulait vous voler?— Ça, par exemple, je n’en sais rien... Cinq minutes plus tard, toujours grogg\.

l’homme était jeté par une trappe dans la cave d’un bar. Le patron se chargeait de veiller sur lui. Le jugement — car il y a toujours jugement dans ces cas-là, — ne pouvait guère intervenir avant l’après-midi.

Jugement, oui, mais jugement bien som­maire. Pas de mise en scène, comme à Aix. Pas de complication, pas d’accusation ni de défense. Nuls discours, nuls attendus.

Prévenu, le père Marsillou arriva flanqué de quatre ou cinq compagnons. Il vit l’homine. Il vit surtout le couteau et dé­clara :

— Je suis allé à la morgue examiner plusieurs victimes. C’est certainement avec ce couteau que les blessures furent faites...

Puis il s’en alla. Au comptoir, il but un demi et dit au patron :

-— Tu lui donneras la clef des champs demain matin à trois heures. T ’occupe de rien...

A l’heure indiquée, donc, l’homme fut poussé hors du bar. C’était un grand gar­çon maigre, efflanqué, à la chair rose et aux yeux bleus. Il prit à droite, marchant à longues enjambées dans ses espadrilles de corde. Il s arrêta un instant sous un lampa­daire, le seul de la rue et se considéra les doigts. Il avait dû se fouler l’index ou le médius en tombant dans la cave. Mais il ne s’arrêta guère. La clarté devait l’offen­ser. Il s’enfonça dans la nuit, tirant vers le port. Comme il arrivait à hauteur de l’avan- dernière maison, on perçut un léger bruit un espèce de floc comme font les balles de tennis contre les raquettes... ou les revol­vers munis de silencieux...

La police eut un cadavre de plus à ra­masser. Elle l'accueillit comme les précé­dents, fit sa petite enquête rituelle et ne sut jamais qu'elle envoyait à la fo»e commune un émule de Jack l’Éventreur J|ui, s’il avait opéré à Paris, à Lyon, à Rome ou à Mu­nich, fût très certaine­ment devenu célèbre à l’égal de l’autre...

S’étonnera-t-on de voir les gens de la pègre faire eux-mêmes la police des bas quar­tiers? On le pourrait, mais à tort. Deshoin- mes comme le père Marsillou savent qu’il faut dans tous les métiers pourchasser les gâcheurs, rien n’étant plus dange­reux qu’un gâcheur.Il n’en va pas dans les professions cri­minelles autrement que dans les pro­fessions régulières.Les amateurs et les dilettantes sont des ennemis dont il faut se garder et se défendre.

G e o r g e s

S a i n t - B o n n e t .

( Suite page 14.)

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bien des choses ! Il comprit vite qu’il était une proie désignée d’avance et fit un beau tapage. 1 1 y eut un affreux scandale, vite étouffé ; le marquis fut expulsé de l’hôtel ainsi que ses compagnons. Je ne peux pas dire du mal de lui ; il était très gentil et ne me dérangeait jamais sans me glisser une pièce.

Malgré ces spectacles troublants, je restais longtemps honnête. Mes sens étaient froids, car ma courte aventure avec le beau H... ne m ’avait guère encouragée à poursuivre une carrière d’amoureuse si mal commencée déjà avec Francisco, mon premier amant ! Je gagnais bien ma vie et ne sentais pas le besoin non plus de me salir les mains avec de l’argent mal acquis. Je pensais, tout de même que je pourrais peut-être un jour trouver un homme gentil avec lequel je referais ma vie et que j’amè­nerais dans mon pays où les couchers de soleil sont si beaux, par-delà le pignadar, et où l’on respire, dans les forêts toujours vertes, des senteurs inoubliables.

Ce rêve ne devait pas m ’être permis.Peu à peu, je sentais mes résolutions

faiblir. Je n’éprouvais plus, devant cer­taines turpitudes, l’indignation qui me soulevait dans les premiers temps. J ’avais déjà placé quatre-vingt mille francs dans une banque sûre, mais en me privant de tout.

Un jour, je me dis :— Que tu es bête, ma pauvre fille, avec

tes .scrupules !J ’allais glisser.Ça commence par quelque chose qui

n’était pas malhonnête, mais qui n’était pas très joli tout de même.

Un client, qu’on m ’avait dit être un gros industriel du Nord, me

\ sonne. J ’étais alors affcc- ) tée au deuxième étage

d’un palace de l’avenue.— Dites donc, petite,

m’exposc-t-il brutale- ment, j’ai remarqué, au 205, une femme charman­te. Il me la faut demain soir.

Mais, monsieur...— Je sais, j’ai pris mes

renseignements. File est inabordable... Excellente famille... Fidèle... Son ma­ri absent pour trois jours. 11 n’avait qu’à ne pas la laisser là !

■ Je ne veux pas charger de ça le portier... Occupez- vous-en. Je donne dix

. mille francs. Arrangez-I vous avec elle.

J ’ai accepté le marché. Ah ! ça n’a pas été fa­

cile. Mais, en présentant la chose à la dame, je me suis découvert de tels talents de diplomate que je ne me suis pas fait jeter à la porte, comme je le craignais. Et puis, c’est toujours la même chose, la cliente du 205 avait besoin d’argent : et. pour s’acheter un bull anglais que son mari lui refusait. A quoi tient la lidélitért’nno ÍPinnir. T»ri‘t<indllP

cinq mille francs ; il fallut que j’aille jus­qu’à sept mille.

— Du moment que je ne reverrai jamais ce monsieur, et que personne ne saura jamais que je suis entrée chez lui, me dit- clle pour se justifier. Mais il fournira une robe de chambre sous laquelle, je serai en déshabillé, et que vous m ’enlèverez pour me passer une des miennes lorsque je sor­tirai de sa chambre pour rentrer chez moi.

Ce qui fut fait. Naturellement, j’héritai de la robe de chambre qui s’ajouta aux trois mille francs que j’avais gagnés.

Et je continuai ce joli métier. Il ne manquait pas d’occasions de l’exercer. C’est là que j’ai compris combien les femmes les plus vertueuses d’allures cèdent aisément à l’appât du gain facile, lorsqu’elles ont la certitude que leur parte­naire est et restera un inconnu.

Bien entendu, je traitais seulement les affaires qui en valaient la peine et je n’aurais pas prêté la main à des trafics de petites marchandes d'amour profession­nelles. D ’ailleurs, ces dients-là ne se ris­quaient pas dans les hôtels de la catégorie de ceux où je fus employée, et les demi- mondaines qui fréquentent ces palaces savent ne se vendre jamais, même en cas de nécessité absolue, à moins de mille francs ! Ou alors elles vont faire un « extra » dans une autre zone.

On fait « chanter » le ténor.

Je n’étais tout de même pas encore tout à fait pervertie. J ’étais capable de désinté­ressement. Je l’ai prouvé, par exemple, lors de la tentative de chantage qui fut exercée contre le fameux ténor italien T. V...

Le coup avait été bien monté.T. V..., devait faire une tournée en

France. N ’ayant pas amené d’Italie son accompagnateur habituel, son manager comptait engager à Paris un pianiste connu. Mais, comme par hasard, T. V... faisait, deux jours après son arrivée, la connaissance, dans un grand restaurant, d’une éblouissante jeune femme. Marie- José de Venancourt. Elle confia à l’admi­rable artiste qu’elle avait reçu une éduca­tion musicale de premier ordre, apparte­nant à une excellente famille aujourd’hui ruinée.

— Je n’ai encore jamais pu me produire dans de grands concerts, lui dit-elle, mais j’ai souvent joué en province.

A l’appui de ses dires, elle tira de son sac plusieurs programmes qui témoi­gnaient précisément du goût qu’elle avait pour la musique italienne.

T. V... était galant et chevaleresque.—■ Votre beauté à mes côtés serait sur

le public d’un excellent effet, et je serais tellement heureux de pouvoir favoriser la carrière d’une jeune et si exquise Fran­çaise. Je ne doute pas de votre magnifique talent. Me feriez-vous la grâce de jouer devant moi?

Marie-José de Venancourt eut la parfaite attitude d'une pure jeune fille dévouée à l'art, à qui la chance vient de sourire. Elle mena le ténor chez le premier mar­chand de pianos venu où, le cœur battant, disait-elle, elle auditionna devant le grand artiste. Elle avait un jeu agréable, 1111 style dans la bonne tradition : T. V.... enthou­siasmé plus sans doute par le rayonnement ilp In femme due oar la virtuosité de la

i\oclrune de Chopin. Il sortit dans la rue, revint quelques minutes plus tard avec un magnifique bouquet de roses, et, s’incli­nant devant Marie-José, lui dit :

— Etonnante, miraculeuse fée, je ne chanterai pas en France, si vous n’acceptez pas de guider ma mélodie de vos doigts prodigieux.

« Pour les conditions, vous verrez mon manager.

Marie-José de Venancourt, dont le nom était parfaitement inconnu de cet homme de confiance, et dont elle bouleversait les projets, accepta sans sourciller un salaire ridiculement bas. Pendant la tournée, elle se révéla une curieuse accompagnatrice. Le manager me raconta plus tard, que loin d’accepter que ses frais de voyage fussent payés, elle proposa au ténor de l’emmener dans sa propre voiture, un roadster amé­ricain de grande marque. Trois fois par jour elle changeait de toilette, traitant T. Y en camarade, sans la moindre équivoque et affolant d’autant plus celui-ci. Par ail­leurs, accomplissant son métier sans la moindre défaillance.

Elle était tellement adroite, et il éma­nait d’elle une telle séduction qu’à la fin du voyage, T. V..., était éperdument épris d ’elle.

— Je suis à votre service 1 disait-elle Vous ne pouvez pas me parler d'amour Ce ne serait pas chic.

« Mais à Paris ! ajoutait-elle avec un adorable sourire.

A Paris, lorsqu’elle sut que le ténor descendait dans un grand hôtel de la rue de Iîivoli, elle vint retenir un appartement au palace des Champs-Elysées où j’étais alors. Elle arriva le matin, précédée de trois mille francs de fleurs et d’un seul sac de voyage.

A onze heures, deux individus vinrent la voir. Ils avaient cette élégance que je con­naissais si bien, faites d’habits et de lin­gerie impeccables, mais gâchée imper­ceptiblement par les gestes —- si rares fussent-ils — qui dénoncent le bandit de luxe sorti du « milieu ».

Ce n’est pas volontairement que j’éeou- tai leur conversation : j’étais dans l’appar­tement voisin dont on avait oublié de fermer la porte de communication.

— Vous attendrez au salon, disait la femme. Moi, je recevrai directement T. V... dans ma chambre qui donne sur le couloir.

J ’écoutai avec plus d’attention.On a compris, fit un des deux hommes

Tout est réglé... on le laisse s’enferrer avec toi. A toi de bien jouer ton rôle. Très jeune fille, mais, tout de même, fournis-lui l’occasion de se risquer.

—: Et ne crie que lorsqu’il y aura vrai­ment quelque -chose, ajouta l’autre... qu’on puisse prétendre qu’il y a attentat avec violences, hein ! Nous arrivons, très dignes, et on ne le lâche que lorsqu'il aura signé le gros chèque. Tu es sûre qu’il viendra !

— Je lui téléphonerai à trois heures au Continental pour lui rappeler qu’il doit prendre le thé ici.

en savais assez. Je sentis qu’il me fallait sauver cet homme que je ne connais­sais pas, dont j’ignorais alors tout, sauf le nom et la gloire.

Au Continental, où je téléphonai, 011 me répondit que T. V... était sorti, mais on me passa son manager. A celui-ci, j’expli­quai tout.

— Je serai là, me dit-il.Par bonheur, l’appartement voisin d'où

j’avais surpris le complot, était libre. Dès que l’italien arriva, je l’y installai. C’était un homme d’une grande taille, et dont la force était visible.

Nous décidâmes qu’il fallait laisser Marie- José aller jusqu’au bout, pour en dégoûtei le chanteur.

A cinq heures, celui-ci frappait à la porte de la pianiste, porteur d’un mer­veilleux bouquet d’œillets rouges. Je l’introduisis moi-même. M “ * de Venan­court avait bien fait les choses : au lieu de thé, il y avait du champagne en bouteille <■ magnum », qui rafraîchissait dans un seau à glace. Je remarquai, sur un plateau; toutes sortes de hors-d’œuvre épicés qui devaient évidemment jouer leur rôle dans cette honteuse comédie.

Quant à Marie-José, elle avait revêtu une robe d’apparence très correcte, mais, dès que l’on regardait de plus près, on s’apercevait qu’elle était pire que le déshabillé le plus audacieux !

Tout se passa d'abord comme il avait été prévu par la bande. J ’étais avec le manager et j’écoutai soigneusement pour pouvoir au besoin témoigner, car je me pas­sionnais vraiment pour le chic rôle que je jouais.

A un certain moment, comme la femme

II y avait une Américaine, Mrs. Virginia M ., gui me sonnait à quatre heures (lu mutin pour me prier de lui

préparer son bain.

Pourquoi rester honnête ?

II (1).

Pendant des années, j’ai eu quotidienne­ment sous les yeux une incessante débau­che des sens et de l’argent. Combien de fois, lorsque j’étais de service la nuit, n’ai- je pas entendu l’écho parfois dramatique d’orgies effarantes, qui ne se déroulaient pas toujours entre partenaires de sexe différent ? On ne se gênait pas pour moi. Il y avait une Américaine, Mrs. Virginia M..., qui me sonnait à quatre heures du matin pour me prier de lui préparer un bain. Ils étaient quelquefois cinq dans sa chambre, dans des tenues scandaleuses !

D ’autres fois, on m ’appelait dans un appartement où se déroulait une partie de poker ou de « chemin de fer ». C’est ainsi que le fameux escroc qu’on appelait le marquis de F... avait installé dans sa chambre, sans que la Direction en ait le moindre soupçon, un véritable tripot. Quelques complices vêtus avec un chic tout britannique étaient chargés de « rabattre » de riches clients étrangers. En un mois, un planteur australien et un commerçant américain furent délestés de quatre millions par le marquis de F... et ses complices. Ils curent le malheur de tomber sur un jeune provincial qui venait de toucher un héri­tage et qu’ils avaient pris pour un excellent « pigeon ». Mais ce nouveau client, au cours d'une adolescence aventureuse, avait appris

(1) Voir Police-Magazine n° 191.

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Des trouvailles aux vols.

Je viens de le dire, je n'avais pas toujours d’aussi beaux sentiments.

Nous avions à notre dispo­sition, dans la caféterie et à l’office de chaque étage, un certain nombre de denrées. Il n’était pas difficile d’en dé­tourner une partie. En servant les clients moins avantageu­sement, on pouvait toujours arriver à une balance exacte, lorsqu’arrivait le contrôle. Je n’avais certes pas besoin de ces petits bénéfices ; c’est par malice, par pur esprit du mal, que je m ’exerçais à ces minuscules larcins. J ’étais ravie lorsque j’avais pu rem­plir une fiole de porto ou

garnir mon sac de mor­ceaux de sucre.

Mais, une fois notre service fini, il fallait sortir de l’hôtel.

Tant pour éviter une mesure trop vexatoire que pour simplifier les

J ’étais sûre de décou­vrir dans le sac la boule blanche et, ainsi, de ne pas être fouillée.

qu’il y a relativement peu de brebis galeuses comme moi. Mais il y a les rats et les souris d’hôtel dont elles feraient bien de se méfier, et qui leur donnent parfois de rudes leçons I

J ’ai eu souvent à ranger pour des cen­taines de mille francs de bagues, de broches, de colliers, de bracelets dont ces dames s’étaient débarrassées la veille au soir sur leur table de nuit, et qu’elles oubliaient de ranger précieusement le lendemain matin avant de partir pour le golf_en robe de sport. Les plus soigneuses les déposaient pêle-mêle dans de petites boîtes de cuir qu’elles ne pensaient pas toujours à enfer­mer dans leur armoire !

Naturellement, je n’en profitai pas pour dérober une de ces pièces de grande valeur : c’eût été trop dangereux, car autant ces femmes trop gâtées témoignaient d’une négligence coupable, autant, si elles ' cevaient de la dispari­tion de quelque chose, elles ameutaient l'étage et menaçaient la Direc­tion de plaintes reten­tissantes si on 11e les dédommageait pas!Dans les armoires, je 11e prenais seulement que des chemises de crêpe de Chine à ma taille, des combinai­sons, des mouchoirs, des parfums et des bas.

Pour les bijoux, j’avais trouvé un pro­cédé très simple : étant fort adroite de mes mains, et sans avoir

Et, pourtant, je m’étais fait affecter pour quelque temps au service de nuit, afin de pouvoir le rejoindre l’après-midi dans sa garçonnière.

Je n’éprouvais pour lui aucun senti­ment, mais, lorsque je sentais son corps contre le mien, et que je m ’abandonnais à ses caresses, j’étais sous l’empire de la chair, et, tout en ne l’aimant pas, je sentais alors que je lui appartenais.

Un jour, au lieu de me serrer dans ses bras comme il en avait l’habitude, je le trouvai sur son lit, le visage dans ses mains, abattu.

— Qu’est-ce qu’il y a, Jean, mon amour chéri ?

Il essaya de me mentir.— Oh ! rien... je t’assure... Un petit

ennui passager... Ne t’inquiète pas !Je réussis avec beaucoup de difficultés le faire parler.

— Eh bien, voilà. Il y a six mois j’ai acheté une auto

revendue

•s’était montrée aussi aguichante que pos­sible et que le ténor, perdant la tête, n’allait plus hésiter à la traiter comme tout en elle semblait le désirer, Marie-José se redressa et, comme une honnête femme à qui l’on manque de respect, se mit à crier.

Le bruit d’une porte... Les deux complices venaient à son secours.

Seulement, le manager était entré, lui aussi. Un homme, qui était arrivé avec lui. et dont je 11e savais pas l’identité, se tenait à son côté.

Les deux escrocs, devant cette présence a laquelle ils ne s’attendaient pas, ne savaient plus quelle attitude prendre.

Le manager les tira d’embarras :C’est raté, mes gaillards! Mon cher

T..., vous alliez être victime du plus ignoble guet-apens. Mademoiselle, dont il était temps de déjouer les calculs, allait, pour prix de son innocence menacée, exiger de vous la forte somme, ou déclencher un scandale ! Sa petite combinaison déjouée, elle 11e sera plus, je l’espère, en état de vous nuire.

«Quant à ces gentlemen, ils étaient Charges de servir, le cas échéant, de témoins devant un tribunal, et, de préférence, de vous tendre, avec les arguments néces­saires, le stylo qui vous aurait servi à signer un chèque au moins aussi impor­tant que vos bénéfices d’une saison ! N ’est-ce pas, messieurs ? Iîh bien ! mes chères fripouilles, vous n’avez plus qu’à décamper... et à tenir votre langue! Si, cependant, vous aviez l’intention de pour­suivre votre dessein, permettez-moi de vous présenter M. Umberto C..„ champion de boxe poids lourds, qui m ’accompagne. Quant à moi, je ne peux pas avoir l’appa­rence d’un gringalet, et je serais ravi de modifier avec mes poings vos sales ligures.

Il lui suffit d’un éclat de rire, après cette petite tirade, pour mettre en fuite les deux compères, qui avaient jugé le coup per­du.

La pianiste, avec rage, était allée s’enfermer dans la salle de bains.

Le manager et ce boxeur finirent tran­quillement le champagne qui restait dans la bouteille et entraînèrent le ténor déconfit.

Le lendemain, je recevai un beau ca­deau.

choses, nous 11’étions pas tous fouillés lorsque nous partions, notre journée ou notre nuit faites.

La Direction avait imaginé un système assez curieux : on nous présentait un sac contenant, en nombre égal, des boules noires et des boules blanches. Ceux d’entre nous qui tiraient une boule noire étaient fouillés, les autres pas. Un jour, en sortant une boule blanche, je m’aperçus qu’elle présentait un imperceptible défaut qu’ayant les doigts très fins je pourrais aisément reconnaître. C ’est ce que je fis le lendemain. Bientôt, je devins très habile à ce jeu, et je pus, en toute sécurité, passer au nez de la surveillante toutes sortes de petits vols : j’étais sûre de découvrir dans le sac la boule blanche, et, ainsi, de 11e pas être fouillée.

Je ne me confiai jamais à aucun autre membre du personnel. Je savais qu’il pouvait y avoir parmi eux des indicateurs de police. Je ne fis moi-même jamais ce métier, car ces messieurs de la police judi­ciaire ou de la sûreté générale ne me prirent jamais en défaut et ne purent m’obliger à les servir.

Un jour, j’eus à sortir quelque chose de plus précieux que du sucre et du café ! l’ne cliente venait de s’en aller ; je savais qu’elle était partie en avion pour Londres. Lorsque j’entrai dans la salle de bains pour la disposer à recevoir de nouveaux arrivants, je ne remarquai tout d’abord rien d’extraordinaire. Ce n’est qu en ramassant les bouts de savon abandonnés sur le lavabo que je vis quelque chose briller. C’était un très beau brillant monte sur platine, que sa propriétaire avait retiré de son doigt pour se laver les mains et qu’elle avait oublié de reprendre !

Mon premier mouvement fut d’aller le porter à la caisse. J ’eus le tort de 11c pas y céder tout de suite.

Lorsque je quittai mon service, j avais encore le brillant dans une petite poche de ma jupe. .le passai sans incident devant la fouillcuse. Quand je fus arrivée dans la petite chambre du quartier des 1 crues 011 je logeai, je réalisai que j’étais devenue vraiment une voleuse. Puisque j ai résolu de tout dire, je dois avouer que j étais déjà trop pervertie pour avoir honte de ce que je venais de faire. Je 11c m’inquiétai que de cacher ma trouvaille : je l’enfouis t"w simplement dans la caisse de terre 01 poussaient, sur le rebord de ma fenetre, quelques marguerites. C’est là aussi que plus lard, je garai provisoirement les bijoux que je pus subtiliser en d autres occasions.

Certaines clientes sont folles. Elles lais­sent traîner des fortunes avec une incons­cience révoltante. Elles ont la chance d’avoir affaire, le plus souvent, à un per­sonnel honnête parmi lequel je dois dire

eu besoin de demander des leçons à un spécialiste, je dessertissais délicatement l’une des pierres d’une broche ou d’un bracelet, et je me gardais bien de choisir la plus belle. La propriétaire de l’objet, ne pouvait que se désoler de n’avoir pas fait ressertir depuis longtemps ses brillants par un bijoutier et d’en avoir ainsi perdu un ; elle ne s’imaginait jamais que la femme de chambre si prévenante qui la servait pendant son séjour avait d’aussi machia­véliques habitudes! J ’allais ensuite engager les pierres dans un mont de piété anglais qui avait des représentants à Paris et ne me demandait pas d’explications ; puis je vendais les reconnaissances.

Mon magot augmentait. Je m ’achetai une petite automobile deux places avec laquelle je me promenais dans les environs de Paris. Cela ne pouvait pas sembler tellement extraordinaire : à cette époque- là, les pourboires étaient considérables ; chez nous, le portier se faisait quatre cent mille francs par an, un chasseur débrouil­lard gagnait soixante à quatre-vingt mille francs !

Le vicomte gigolo.

J ’avais eu une nouvelle aventure. C’était un beau garçon que j’avais rencontré au cinéma. A cette époque-là, je m ’habillais très simplement, mais avec beaucoup de goût. Les épreuves que j’ai subies par la suite ne m ’avaient pas marqué le visage de leur griffe. Lorsque j’étais de sortie, j’avais certainement l'air plus distingué que certaines des clientes dont je nettoyais les chaussures. J ’avais des mains ravis­santes, or j’utilisais toujours des gants de caoutchouc pour travailler. M 011 nouvel adorateuravait vingt-cinq ans : il s’appelait le vicomte Jean de M...

Je ne lui cachai pas mon nom, mais, pour ne pas le décevoir j’arrangeai un peu la vérité.

Mon cher, lui dis-je, j’habite an..' (ici le nom du palace où je travaillais) avec ma tante, une vieille dame très sév"Ne venez jamais me demander et ne téléphonez pas. En cas d’urgence, pneumatique.

Je savais, en effet, qu’il me serait remis, bien que nous n’ayons pas le recevoir de courrier, car j’étais le service des lettres.

Mon amoureux, enchan­té d’avoir « levé » une femme d’une catégorie sociale acceptable, était aux petits soins pour moi.

— Lucie, ta tante est assommante... O 11 ne se voit pas assez !

presque aussitôt et je n’ai pas pavé les traites. Ça s’appelle faire de la caram- bouille. Une plainte a été déposée contre moi. Si je ne désintéresse pas immédiate­ment mon vendeur, je vais être arrêté !

Cet aveu n'éveilla en moi aucune pitié, mais je ne voulais pas être séparée de cet homme qui m ’était indispensable.

— Ta famille ?— Ma famille 11e me donnera rien. J ’ai

déjà essayé. Ils ne marcheraient que si je m’engageais à m ’expatrier aussitôt après en Afrique. Mais je ne veux pas te quitter, Lucie chérie !

Je ne veux pas non plus te laisserpartir. Combien te faut-il ?

(Suite paye 15.)

R oger Sarreau .

La femme de chambre du A... entretenait un

vicomte.

)

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L e M y s tè re p e rs is teM O K TM A G Ü IY

Le cabaret a rouvert ses portes. L ’allé­chant appel placardé sur sa façade blanche : « Halte ! Aux fatigués de la

route », ne semble plus avoir le succès d’antan.

On regarde derrière les vitres des bou­tiques environnantes quels sont les voisins qui fréquentent encore le café Hondon.

Ils ne sont pas nombreux.La veuve reste mystérieuse dar.s l’arrière-

boutique et les consommateurs n’ont à faire qu’à la soubrette de l’endroit.

l'n panonceau de « poste de secours » pend au frontcn, avec, apparaît-il, comme un air d'ironie.

l'n jour prochain, peut-être, verra-t-on un calicot apposé à la tente de la terrasse :

« Changement de propriétaire ».Évidemment, M ",e Hondon n’aurait

aucune raison de poursuivre l’exploitation d’un mastroquet qui, pour elle, est désor­mais marque de sinistres souvenirs.

Et pourtant ! Déjà les rumeurs assez troublantes qui couraient sur son compte commencent à s’estomper.

Ceux qui, avec le plus d’entrain, se char­gèrent de l’attaquer, aujourd'hui battent en retraite.

Ils y a tant de méchantes langues, disent-ils, oubliant qu’ils furent dans les premiers à jeter la suspicion.

Il y a quelques jours, M n,fi Hondon, elle, plus froidement que jamais et avec une maîtrise remarquable, s’exclamait, alors qu’elle avait sous les yeux deux jour­naux dont l’un préconisait l’accident et l’autre le crime avec certains détails qui ne manquaient pas d’être fâcheux pour elle :

Comment se fait-il qu’il y ait des journaux pour soutenir l’accident ? L ’acci­dent est impossible... absolument impos­sible. je n’v croirai jamais. Dans la triste nuit du 22 ou 23 juillet, je suis restée avec ma bonne, jusqu’à deux heures du matin, à attendre le retour de mon mari, derrière la porte entr’ouverte du débit. Il ne pouvait pas passer, surtout pour aller vers la cour et la fosse sans que je le visse. Ët je ne l’ai pas vu.

« Comme Mourlon, et cela on en est certain, l’a rencontré à minuit vingt à1 2 0 0 mètres d’ici, sous le pont du chemin de fer, il faut imaginer que c’est pendant qu’il parcourait ces derniers mètres avant d’arriver chez nous que le drame commença à se dérouler.

— Voilà une femme qu’est bien forte et bien maiine, s’exclamèrent au récit de cette conversation quelques bons amis, elle ne manque pas de cran.

Au reste, la mort de Louis Hondon, disparu le 2 2 juillet au soir et retrouvé mort assassiné dans la fosse d'aisance le 31 juil­let au matin, est restée tout aussi mysté­rieuse cette semaine qu’elle l’avait été la semaine précédente.

Las de se débattre dans le vide, las de ne point posséder d'éléments précis. las d’ignorer enfin, point crucial d’une enquête, comment était mort Bondon. et de quoi, le commissaire Yvonnet décida de récla­mer une contre-autopsie.

Il serait possible d'ouvrir une large parenthèse à ce sujet, mais la simple réca­pitulation des faits permet sans commen­taire aucun de faciles et édifiantes déduc­tions.

Le 31 juillet dans l’après-midi, le D r Derorne. médecin légiste, pratique l’autopsie du cadavre découvert le matin même.

Enquêteurs, policiers et magistrats du parquet de Fontoise. journalistes attendent, avec l’intérêt que l’on devine, les résul­tats de cette macabre opération.

Lorsque le praticien en a terminé, il montre un visage soucieux :

Je n’ai pas pu déterminer les causes de la mort, avoue-t-ih

Les conclusions sont les suivantes :1° La mort n’est pas due à une asphyxie

par suite de la chute de la victime dans la fosse d'aisance. Aucune trace de matière fécale dans les voies respiratoires.

2“ Vu l’état de décomposition du cadavre, il est impossible que le corps ait séjourné plus de trente-six à quarante-huit heures dans la fosse.

3“ Impossibilité de relever la moindre blessure ou marque suspecte sur le corps.

En résumé : la victime est morte dans la nuit du 22 au 23 juillet. Elle a été recelée à l’air libre six jours, puis jetée dans la fosse le 28 ou 29 juillet pour y être découverte le 31.

Que pouvait-on déduire d'une telle décla­ration, si ce n’est qu’il y avait eu meurtre pour recel de cadavre ?

Savoir de quoi est mort Bondon, m ’est indispensable déclara le commis­saire Yvonnet.

Pour satisfaire sa curiosité, les viscères du malheureux furent confiées au profes­seur Kohn-Abrest.

On va découvrir des traces de poison, pensa-t-on un instant, puisque nul coup, nulle blessure n’ont été relevés sur le cadavre.

Hondon a peut-être été empoisonné.C ’était trop espérer. L ’analyse ne décela

aucun poison.Les policiers en étaient bouche bée !

De quoi était mort le cafetier ?Chaque jour, la question se posait d’une

façon plus pressante.Le D r Derome, alors, insinua que, si

Bondon était mort avant que de tomber dans la fosse, il avait pu fort bien succom­ber au ■ coup de plomb , c’est-à-dire qu’il avait pu basculer dans la fosse, mort, soudainement asphyxié par les gaz délé­tères.

Mais alors quel cas le praticien faisait-il des résu'tats incomplets, mais formels, de la première autopsie ?

Le corps, dans ce cas, aurait séjourné neuf jours et non deux dans la fosse ! Ce recel de cadavre n’existait plus ! Et que penser des déductions faites sur l’état de décomposition du cadavre ?

C ’était à n’y plus rien comprendre!On parla alors à nouveau de la possi­

bilité d’un accidentO, fragilité de certaines constatations !

Que le nécessaire soit fait pour pro­céder à une contre-autopsie commanda enfin, sur les instances des policiers, le jugé d’instruction Bover, du parquet de Pcn- toise.

Mercredi, par un lourd après-midi, le nouveau cimetière de Montmagny était assiégé- par une foule de curieux. Des hommes, des femmes tendaient le cou par-dessus la haie pour apercevoir le D r Paul, tout de blanc vêtu avec son tablier, son calot, ses gants de caoutchouc, le D r Paul qui penché sur un tréteau décou­pait le cadavre déjà martyrisé du cafetier B.mdon.

Une heure, il resta ainsi penché... Puis il lui fallut parler :

— La contre-autopsie confirme pleine­ment, absolument, totalement la première, dit-il de sa voix forte.

Il ne pouvait être plus aimable pour son confrère qui pratiqua la première autopsie, mais cette amabilité avait obligatoirement un terme. Il fallait aussi dire la vérité.

La vérité, c’est que les causes de la mort étaient très facilement déterminables.

Elles purent être précisées grâce à la découverte de trois séries de lésions.

Trois séries de lésions ! Et le D r Paul trouva une formule charmante :

— Ces lésions apparaissent maintenant d’une façon nette par suite de la décompo: sition plus avancée du cadavre... Le D r De­rome ne pouvait les voir...

A quand donc les autopsies à six mois après la découverte d’un corps ?...

Passons. Ces trois séries de lésions étaient les suivantes :

1° Ecchymoses au cou provoquées par un traumatisme à hauteur du larynx.

Le larynx n’étant pas fracturé, le coup porté ne fut donc pas des plus violent et on pourrait en déduire qu’il ne fut peut- être pas donné avec l’intention d’entraîner la mort.

2° Le traumatisme entraîna cependant la mort. La preuve en est faite par la pré­sence de larges lésions aux poumons. Elles annoncent une mort rapide par asphyxie.

3° Des lésions tout autour des reins, faites juste après la mort. Elles permettent de supposer que le cadavre encore chaud fut descendu à l’aide d’une corde dans la fosse.

Il n’est que de comparer les résultats des deux autopsies... A chacun de tirer ses conclusions.

En résumé, le D r Paul dénonçait le crime et écartait les thèses du suicide et de l'accident...

Alors ? Alors, les policiers avaient perdu près de deux semaines en partant sur des bases fausses ou incomplètes.

Deux hypothèses restent seules en pré­sence.

La première fait intervenir la possibilité d’un « drame familial », une discussion s’élevant au retour de Hondon après sa désastreuse après-midi aux courses de .Vlai- sons-Lafitte.

La seconde permet d’évoquer le drame sous un autre angle. Après avoir quitté Mourlon et avant que de rentrer chez lui, Bondon a pu aller importuner quelquesamis.

Il a pu, à l’un d'eux, réclamer quelque argent... Une discussion a pu naître... Un coup malheureux est vite donné... Devant le cadavre, le meurtrier involontaire a pu s’affoler...

Il est à ce propos une piste que l’on s’elforce d’éclaircir.

Le soir de la disparition de Bondon, un locataire du débit dit être rentré à 1 h. 30 du matin. D ’autres prétendent qu’il est rentré à 1 heure précise !...

— Sur la route, je n’ai rencontré per­sonne et je n’ai pas vu Bondon, répond ce locataire aux questions qu'on lui pose.

Mais imaginons au contraire que cet individu dont la réputation de violence n’est plus à faire, revenant vers le barrage de Pierrefitte en conduisant sa camion­nette, ait rencontré Bondon...

Il stoppe et invite le cabaretier à monter sur sa voiture.

Hondon aussitôt accepte, puis tente de l’apitoyer...

— Je n’ai pas un sou... Je vais me faire « incendier >■ par ma femme, confesse-t-il.

L ’autre refuse.

Imaginons qu’il y ait déjà une histoire de dettes en souffrance entre les deux hommes...

Imaginons qu’excédé le conducteur de la camionnette, dans un mouvement de colère, tente un geste qui serait celui d’une gifle donnée avec le revers de la main...

Imaginons que la main frappe malen­contreusement le malheureux à hauteur de la pomme d’Adam.

Imaginons le conducteur sur sa camion­nette face à un cadavre.

Imaginons que, tranquillement, il rentre au débit,... range son auto dans la cour, monte dans sa chambre.

Imaginons que. dans la nuit, il descende et se débarrasse du cadavre dans la fosse d’aisances.

Personne n ’aurait rien vu, rien remarqué d'anormal.

Comme c’est simple ! C’est justement peut-être beaucoup trop simple !

Philippe A rtois.

L A F O L I E S U R

iJne émeute terrible s est brutalement déchaînée a C.onstantine. Un soldat Israélite auant lait du scandale dans une mosquée, les Arabes musulmans envahirent le quartier iuifassatuin- nèrent de la façon la plus horrible une trentaine de Juifs de tous sexes et de tous âges Puis l’on jeta à la rue les marchandises de leurs magasins et la populace, enivrée de fureur et de haine,

C O N S T A N T I N E

mit le feu aux maisons Israélites, t.'ordre est aujourd’hui rétabli ■ mais il n morts officiels et une centaine de blessés. Voici (à gauche) une automobile parée de lainnJVlr soieries empruntées a un magasin pillé. Puis (à droite) d-s soldats de la 1 éninn ,ü!i -n ! à travers tes rues du quartier israélile, où les marchandises jonchent ,e fo, (\Kcys^ne")

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UN RAID DIGNE DES G AN G STERS

\ Orqemont près d ’ Arqenteuil, AI. Poulet, inspecteur d'une cite ouvrière, a été assailli dans son bureau par trois individus (¡ui. sous ta menace du revolver, lui arrachèrent la de/ du coffre- lort et purent s'enfuir en auto en emportant $0 000 francs en espèce.

I.a secrétaire de Al. Poulet. Al"" Detiour, terrorisée par les bandits, est encore sous le coup

d’une émotion bien légitime.

.\os photos représentent (à gauche) Al. Poulet, l'inspecteur si inopinément agressé. Au centre, les bureaux de l'inspecteur, cité d’Orgemont. théâtre de ce raid qui rappelle tes exploits des bandes yunkees. A droite, AI”1*’ Dettour. la secrétaire, de. Al. Poulet. I.a police recherche activement les audacieux bandits. Alais les indices recueillis jusqu'il ce jour sont à la lois imprécis et faibles... (Rap.1

OOOOOOOOQOOCOeo000000000°0{»OOOS»0,>3000011 ^

Q ui tuent les v ie illes à Bordeaux ?B O R D E A U X

f/tr notre envoyé spécial.}

Tenant dans sa main ta pièce de vingt - cinq centimes destinée à paver son journal, un homme s'approcha de la

boutique, comme il faisait chaque jour. Il appuya sur le bec-de-cane, mais celui-ci ne bougea pas : la porte était fermée de l’intérieur.

Il est pourtant plus de deux heures, murmura l’homme en consultant sa montre.

En eltet, il était près de trois heures et pourtant M “ ' veuve Marguerite Lafargue. née Armenaud, âgée de soixante-cinq ans, qui exploitait un bureau de tabacs au n° 8 .ri de la rue du Palais-Gallien, avait coutume de ne fermer sa boutique que de midi à quatorze heures

D ’autres clients se présentèrent à leur tour qui trouvèrent poite close, mais ne s’en étonnèrent pas outre mesure, pen­sant que la débitante était allée faire des commissions dans le quartier. Quelques- uns d ’entre eux, cependant, craignant que M "" Lafarguc ne se soit trouvée mal, frap­pèrent à la porte vitrée, mais sans obtenir de réponse, tls s’en allèrent alors, remet­tant à plus tard l’achat de leur journal ou se dirigeant vers le plus prochain kiosque.

Les heures s’écoulèrent. Le magasin rie la sexagénaire resta clos.

A la fin de l'après-midi,ce fut le fils du propriétaire de l’immeuble qui se présenta devant le débit avec l’intention, lui aussi, de faire quelques emplettes en cigarettes. Etonné de trouver l’huis fermé,il regarda par une vitrine à l'intérieur du magajin et. à sa grande surprise, aperçu! un couvre- pieds sur le plancher à droite du comptoir.

— C ’est bizarre, dit-il à un autre client qui venait d'arriver et regardait, lui aussi, par la vitrine, c’est bizarre, j'ai l’impression qu’il se passe chez M I.afargue quelque chose d’anormal.

Peut-être serait-il prudent d’alerter la police. Qu’en dites-vous ?

Allons téléphoner à côté.Quelques minutes plus tard, M. Char­

bonnier, commissaire du quàt rième arrondis­sement était averti qu’un bureau de tabacs sis 85.rue du Château-Gallicn, était hermé­tiquement clos depuis plusieurs heures et qu on ne savait pas où se trouvait sa pro­priétaire. M »' I.afargue.

Celle-ci exploitait son petit magasin depuis Vingt-huit ans. Il v avait bien long temps que son mari était mort et elle vivait seule, ses deux fils mariés, habitant l’un àl.auderan, l’autre dans la rue Huguerie. Ce dernier, elle le voyait souvent d’ailleurs, la rue Huguerie/tan, perpendiculaire à celle du Chatcau-Callicn et se trouvant exac­tement dans l’axe du débit de tabacs.

Bien souvent les deux (ils avaient con­seille a leur mère de prendre quelqu'un à son service, mais la vieille femme avait toujours protesté, déclarant qu’elle était bien plus tranquille toute seule. Ses movens. pourtant, lui auraient permis ce modeste luxe et elle avait assez de place chez elle pour loger une domestique.

En effet, le magasin de M»« Lafargue se composait de quatre pièces en enfilade la boutique, deux chambres et la cuisine celle-ci s’ouvrant sur le couloir de1 immeuble, au premier étage duquel est installé un bar-billard tenu par le pronrié- taire.

C’est dans cette maison, d’apparence si paisible, qu’un crime effroyable devail être commis sur la personne de la pauvre M »* Lafargue, que tout le monde aimait bien dans le quartier et dont on vantait l’amabilité et le bon sourire.

C'est dans son petit appartement que la

malheureuse débitante devait tomber, mortellement frappée à coups de hache.

Lorsque M. Charpentier arriva, acoom pagné de son secrétaire et de deux gardiens de la paix, un rassemblement s’était déjà formé devant la boutique close, commen­tant le silence qui y régnait. Les représen­tants de l’autorité, ayant fait écarter les curieux, prirent le couloir et pénétrèrent dans le logis de la débitante par la cuisine.

Si cette pièce présentait un aspect nor­mal, il était par contre évident que quel­que chose s'était passé dans les deux cham­bres qui lui faisaient suite : un grand désordre y régnait et il était évident que tous les meubles avaient été fouillés.

—- Où est la victime ? dit le commis­saire de police qui avait immédiatement compris qu’il s’agissait d’un assassinat.

1 1 poussa la dernière porte, celle qui fai­sait communiquer le petit appartement avec le magasin et. suivi de son secrétaire, entra.

C ’était là !La pauvre vieille gisait sur le plancher,

derrière son comptoir, étendue sur le côté gauche, légèrement recroquevillée, la-tête ensanglantée.

Ou sang, il y en avait partout. Sur Us murs, par terre, sur le comptoir : il avait giclé abondamment, puis s’était répandu en longues traînées.

Quelle boucherie! remarqua le secrétaire de M. Charpentier.

C’était horrible en effet,et les deux hom­mes. malgré leur habitude de ces sortes de spectacle, avaient du mal à réprimer leur dégoût lorsqu’ils se penchèrent sur le •eadavie pour l'examiner :

Assurément,c’était à coupsdehache que la sexagénaire avait été abattue ; aucune autre arme n’aurait été capable de lui occasionner ces atroces blessures que l’on remarquait au sommet de la tête, sur le côté droit du visage et au cou. De plus il était évident que le ou les criminels avaient frappé avec sauvagerie et s’étaient acharnés longuement sur le corps pantelant de la malheureuse.

Puis, celle-ci lie donnant plus signe de vie,ils avaient retire du lit un couvre-pieds et l’avaient placé devant la tête de leur vic­time, afin que le sang, en s’écoulant, ne puisse se répandre dans la rue et attirer l’at­tention des passants. C ’est ce tissu qui avait attiré l’attention du fils du propriétaire.

De plus, pour ne pas être dérangés pen­dant leur « travail ", ils avaient pris soin de claveter le bec-de-cane. Ce qui leur avait permis en toute sécurité de visiter minu­tieusement les pièces du logement : car il était bien certain, à première vue, que le vol était le mobile du crime.

Ce fut également l’avis des membres du Parquet qui, prévenus par M. Charpentier, ne tardèrent pas à arriver. Il y avait bientôt sur les lieux M. Montané de la Rocquc, substitut du procureur de la République : M. ri t hait, juge d’instruction que rendit célèbre le scandale Stavisky : le l>r Pierre Lande, médecin légiste : M. Lagarriguc. sous-chef de la Sûreté : M. David, commis saire divisionnaire, chef de la septième brigade mobile, ainsi que plusieurs inspec­teurs.

Aussitôt on procéda aux constatations d’usage qui confirmèrent celles faites brièvement par le commissaire du qua trième arrondissement : un cambriolage avait suivi le crime.

On constata.cneflet, que les deux tiroirs caisses avaient été retirés du comptoir et déposés sur le lit et que le linge contenu dans les armoires avait été bouleversé de fond en comble. On ne retrouva d’ailleurs aucune somme d ’argent sinon un billet de dix francs abandonné dans un tiroir-caisse

par les malfaiteurs qui réfléchirent sans doute qu'il leur faudrait, pour s’en débar­rasser, aller l’échanger dans une banque. Ce qui n’était pas sans danger.

Combien le crime avait-il rapporté à ses auteurs ? C’était assez diflicile à dire, scs enfants, eux-mêmes ne connaissaient pas le montant des économies de la victime. Cependant il était ceitain que celle-ci avait au moins chez elle trois ou quatre mille francs, somme qu’elle allait porter chaque vendredi à la manufacture des tabacs pour le règlement de ses comptes.

Malgré les plus actives recherches il fut impossible de retrouver l’arme du crime. On découvrit bien, dans la cuisine, une petite hachette à bois.mais elle était intacte. Celte qui avait servi à fracasser le crâne de la vieille débitante avait donc été appor­tée et remportée par les malfaiteurs.

Ce qui impliquait de façon formelle la préméditation.

Pendant que les magistrats se livraient à leurs investigations, le D r Pierre Lande pratiquait l’autopsie du corps de M. La­fargue. Il relevait sur le sommet de la tête et le visage quinze plaies profondes et déclarait à ce sujet :

— .J’ai rarement vu un crime commis avec une telle sauvagerie. C’est inouï.

Le praticien constatait également que l'estomac contenait encore des aliments.ee qui situait le crime peu de temps après le déjeuner.

Tels étaient à peu près les points établis par les enquêteurs le soir de la découverte du crime.

Le lendemain, on procéda aux auditions des témoins, auditions qui. hélas ! loin d’apporter un peu de lumière sur la drama­tique atlaire compliquaient presque la tâche des policiers, tant elles différaient sur des points essentiels.

Le tils de la victime, son voisin en même temps, déclara :

— Comme chaque jour.je suis venu hier mardi, après déjeuner, rendre visite à ma mère. J ’ai bavardé un moment avec elle et je l’ai quittée vers deux heures moins cinq.

M "11' D..., domestique chez des rentiers de la rue du Palais-Gallien. dit :

— Je suis venue chercher un journal un peu avant trois heures. La porte était déjà fermée. J ’ai frappé, mais, n’obtenant pas de réponse, je suis partie.

Ce témoignage, confirmé par ceux des clients qui vinrent à la même heure au débit de M 0”' Lafargue, semblait donc éta­blir qui le crime avait été commis entre qua­torze et quinze heures.

Or une autre domestique de la rue du Palais-Gallien réduisit cette hypothèse à néant en faisant le récit suivant.

— Mes patrons avaient reçu une visite un peu avant trois heures; je les ai quittés pour aller faire une course vers-trois heures un quart. Je sortis et suivis le trottoir qui

■ donne sur la rue Huguerie, puis, après avoir dépassé cette voie, je traversai. Or je re­marquai la buraliste sur la porte de son magasin. A un moment donné, il me sembla qu’elle appelait quelqu'un et je me retour­nai : mais elle ne me fit aucun signe et je poursuivis mon chemin.

« Je suis absolument certaine qu’il était au moins trois heures un quart et c’est bien M n" Lafargue que j'aie vue. Je la connais en effet très bien, inc rendant fré­quemment dans sa boutique acheter pour mon patron des cigarettes ou des cigares.

l’n garagiste voisin affirmait, lui,-avoir aperçu M * ' Lafargue devant chez elle, vers quatre heures de l’après-midi.

Comment se faisait-il alors que la porte du débit ait été trouvée fermée par diffé­rents clients avant trois heures ?

Le mystère s’épaississait.Enfin un nouveau témoignage fut re

cueilli par le sous-chef de la Sûreté: celui d’une habitante du quartier qui demanda à garder l’anonymat, mais fit l’intéressante déposition suivante :

Vers quinze heures quinze, mardi, je ine suis rendue chez M “1*’ i.afargue pour acheter un timbre. Il y avait à ce moment là dans le magasin un homme qui feuille tait les journaux illustrés. Il me tournait le dos et par conséquent je ne pus voir ses traits.

« Ayant payé mon timbre, je me suis ren due à la recette principale qui se trouve dans la rue du Palais-Gallien et j’ai expédié un colis. Il était alors exactement quinze heures trente.

« Ensuite, en revenant chez moi. je suis repassée devant chez M " ' Lafargue et j’ai alors remarqué que sa boutique était fermée. C ’est tout ce que je puis vous dire.

Cette déposition extrêmement précise tendait à prouver que les premiers témoins entendus s’étaient trompés quant à l'heure où ils s’étaient présentés devant le débit de la veuve.

Enfin,le fils cadet de celle-ci donna quel ques précisions sur sa pauvre mère :

— Maman, dit-il, portait des lunettes, mais elle y voyait moins de près que de loin. Parfois, profitant de cette infirmité, il m ’arrivait de lui faire une plaisanterie, oh ! pas bien méchante, vous allez voir

«J’entrais dans son magasin et. si elle ne s’apercevait pas immédiatement de ma présence je lui disais :

« - Eh bien ! madame, on ne sert pas les clients aujourd'hui ?

« Maman relevait alors la tête et me di sait :

- Ah ! c’est donc toi ?«Ce détail vous démontrera que les as

sassins de ma mère pouvaient la surprendre sans difficulté. Peut-être même savaient-ils que ma mère y voyait très mal et est-ce ce fait qui leur a donné l'idée de commettre leur crime.

M. Lafargue fils ajouta encore, en san glotanl :

Dites, monsieur le commissaire, on va les retrouver, les assassins de maman '! On va les retrouver, n'est-je pas ?

Cet ultime espoir d’un fils désespéré n’est pas partagé, il faut bien le dire, par la popu iation bordelaise. Déjà on parle d’un « nouveau crime impuni « et les gens rap pellent que deux autres forfaits semblables, commis au cours du dernier trimestre sur des vieilles femmes, n’ont pas été sanction nés.

Les plus montés s’écrient :— Si les policiers bordelais qui sont

payés pour arrêter les assassins ne peuvent s’acquit torde Ici r tâche, qu'on les remplace!

C’est exagéré. Les policiers bordelais, comme les autres, font tout leur possible. Est-ce de leur faute s’ils se heurtent depuis quelquetemps àdes énigmes impénétrables, à des crimes magistralement combinés et exécutés ? Dans le cas présent, ils poursui vent leurs recherches avec une inlassable activité et ils ont encore la ferme conviction de réussir. Ce que nous leur souhaitons bien volontiers de tout cœur.

Pour notre part, que le ou les assassins doivent être recherchés parmi les habituels clients de la pauvre M " ' Lafargue. Trop de détails nous ont frappé, minimes en apparence, qui nous font croire que les brutes sanguinaires étaient très,, très au courant des habitudes de celle qu’ils avaient l'intention de tuer. Ils savaient que le fils Lafargue quittait chaque jour sa mère vers quatorze heures, que les acheteurs sont rares jusqu’à quinze heures.

Ils savaient...Cherchez dans le quartier même, vous

trouverez peut-être !

GÉo G uasco.

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GANGSTERS DE MARSEILLE( Suite de la page 9.)

Laissons aù père Marsillou le soin de tirer la conclusion utile :

— Ce type-là y allait trop fort. Il y a des limites à tout. Dans nos trucs, ce qu’il y a de plus embêtant, c’est le bruit qu’on fait autour de nous. Alors, ceux qui provoquent du bruit pour rien, il faut impitoyablement les supprimer. Le profit est notre seule excuse.

O cynisme...

Plus fort qu’à Chicago.

11 y a, à Marseille, toutes sortes de tran­sitaires. Les uns, la grosse majorité, cm- pressons-nous de le dire, travaillent le plus honnêtement du monde. Ils prennent ici des marchandises qu’ils transportent là, observent tous les règlements, toutes les lois, tous les décrets, tous les edits et se sou­mettent avec un maximum de ponctualité aux formalités de douane. Une affaire quel­conque leur paraît-elle un tant soit peu louche? Vite, ils la repoussent... Les autres, les brebis galeuses du troupeau, ne cherchent au contraire que les combinaisons. Leur affaire est de truquer, de tromper les assu­rances, de falsifier les documents, de sophis­tiquer les marchandises et les comptes...

Or, un beau matin, l’un de ces derniers transitaires reçut la visite du père Marsillou. 11 eut avec lui une assez longue conférence dont rien ne transpira. Le fondé de pou­voirs, homme de confiance de la maison, en lut lui-même pour scs frais de questions. Le patron se contenta de dire, en tout et pour tout, « qu’il allait réaliser la plus belle affaire de sa vie ».

L ’après-midi même, à la Bourse du Com­merce il se portait vendeur de quantités, invraisemblables de riz, et ceci pour un prix de dix ou quinze francs inférieur au cours. Naturellement, il en liquida pour plusieurs millions.

Les autres commerçants s’effaraient :— Mais il est fou ! s’exclamaient-ils de

tous côtés. Jamais il ne pourra livrer ! 11 s’est engagé à remettre la marchandise aux acheteurs demain avant midi... Et il n’y a pas un seul bateau à l'horizon. Et il n’y a pas les moindres stocks aux entrepôts, sauf chez X , le fournisseur de l’armée, le­quel n’est pas vendeur...

Tout ceci était vrai. Il n’y avait pas un seul bateau chargé de riz à l’horizon. 11 n’y avait pas les moindres stocks, sauf chez X.!. Et maintenant, écoutez bien : le lendemain, avant midi, tout était livré.

lit comment?C’était un nouveau coup du père Marsil­

lou. Et un beau. Qu’on en juge :Vers minuit, une armée de camions était

venue se ranger en face des entrepôts de la maison X . Les gardiens de nuit, propre­ment ficelés et bâillonnés, gisaient, inertes, sur le parquet de leur cagibi. Vers deux heures, tous les sacs entassés dans les entre­pôts se trouvaient chargés dans les camions. Vers trois heures, les camions démarraient et, roulant à petite allure, s’acheminaient

tout doucement vers les lieux de livraison. Lesditcs livraisons ne devant s’effectuer qu’à partir de six heures, ils avaient tout le temps... A huit heures, tout était terminé. A neuf heures, ayant fait la tournée des patrons, le transitaire se trouvait en posses­sion de tous ses chèques...

Mais les propriétaires de la maison X '?Ils avaient bien leur petit mot à dire...Oui, sans doute... Ce fut leur chef maga­

sinier qui les avisa. Venant prendre son service, vers huit heures, il avait d’abord constaté le vide inexplicable des hangars et. ensuite, la situation peu reluisante des gar­diens de nuit... En quelques enjambées, ce brave homme fut chez ses patrons. Et tout d’abord ce ne fut qu’un cri : « On nous a volé !... Vite, il faut porter plainte ! »

Ce fut sur ces entrefaites que le père Marsillou se présenta. Il avait su choisir son heure. L ’animal, il prévoyait tout...

— Je viens vous entretenir, messieurs, commença-t-il d’une voix suave, des petits ennuis qui vous sont advenus au cours de cette dernière nuit.

— Ah ! mon brave homme ! Vous savez quelque chose? Vous connaissez nos vo­leurs? Quelle audace ont eu ces gens-là ! Ne perdez pas une seconde, parlez !...

Le monstre, il exagéra la suavité :-— Messieurs, je sais tout, et je vais tout

vous dire.— Ah !...— Vous savez aussi bien que moi, mes­

sieurs, que les riz qui ont été pris dans vos entrepôts, cette nuit, sont des riz volés... On vous les a volés, à vous, c’est entendu. Mais vous, vous les aviez déjà volés à d’autres...

— Hein?... Quoi?... Que vous permet­tez-vous...

— Paix ! Paix ! Doucement... Je sais tout, mes bons messieurs, et je possède plus de documents qu'il n’en faut... Vous mouillez suivant une méthode fort ingénieuse, et je vous en félicite, les riz que vous expédiez à l’ intendance... I)e la sorte, vous frustrez l’État d’environ dix pour cent des quantités qu’il vous paie... Et ceci est grave, mes bons messieurs, très grave. Et vous nel’igno- rez pas... Si mes informations sont exactes. — et elles le sont, — depuis le premier jan­vier date à laquelle vos entrepôts étaient vides, vous avez reçu d’Indochine exacte­ment la quantité de riz que vous avez vendu et livré aux armées... Vous ne devez donc, plus avoir un seul grain de cet aimable fécu­lent en stock. C ’est net, précis, péremp- toire... Et je suis venu vous dire ceci : Si vous portez plainte, le tribunal recevra communication des documents qui éta­blissent la véracité de mes livres et qui éta­blissent également,en conséquence, qu’avant d’être des volés vous fûtes des voleurs...

Ayant dit, le père Marsillou se retira, plein de dignité. Ajoutons seulement, pour ne rien laisser dans l’ombre, que la maison X . s’abstint prudemment d’écrire au procu­reur de la République pour lui signaler sa mésaventure. Elle jugea préférable d’ad­mettre qu’on n’avait pratiquement rien pu lui voler puisqu’elle ne devait théorique­ment plus rien avoir en stock.

( A suivre.) G. S.-B.

Justice Chinoise

d’être exécute. Méthode nouvelle importée d’Angleterre qui doit décevoir les Chinois, tou­

jours avides de spectacles sanglants. (U . A. P.)

On accuse, on plaide, on juge... Le Ba,aillon„deJadonleurUn famille.

" .Mieux vaut bonne renommée que cein­ture dorée », dit la sagesse des nations : c’est sans doute cette pensée qui inspirait Cha- debourg, employé depuis trente-cinq ans dans un grand établissement de crédit pari­sien... honnête homme, sans conteste, mais quel homme austère, sérieux !

Chadebourg, bien sûr, n’a jamais trompé sa femme, disaient avec quelque ironie scs collègues.

Chadebourg, évidemment, n’avait qu’une pensée : vivre honnêtement et dignement... Toute cette vertu n’allait pas sans un peu de froideur et le comptable n’était pas un boutc-cn-train.

— La vie ne doit pas être très drôle pour sa femme et sa fille, ajoutaient les bons collègues, mais tout de même, celui qui épousera sa fille pourra dire qu’elle aura été bien élevée...

Gentille fillette de dix-huit ans, timide et discrète, la jeune Janine promettait, en effet, d’être une femme sérieuse, en un mot, la fiche de la famille pouvait être celle du père à sa maison : austérité... honnêteté- rigidité...

Le médecin, un beau jour, est mandé : Janine sur son lit se tord de souffrance, sous l’oeil de sa mère médusée ; le père est à son travail; un rapide coup d’œil et le docteur déclare tout net ;

— Mais cette enfant est sur le point d’accoucher.

La mère est sans voix, Janine baisse la tête :

— Oui, souille-t-elle.— Vous savez qui est le père de l’enfant ?

demande le médecin.— Oui... c’est... c’est papa !Le commissaire de police prévenu inter­

rogea Chadebourg qui, froid et digne à son ordinaire, déclara :

— C’est vrai, il y a trois ans que ma fille est ma maîtresse. Cette petite est ardente... Elle ne pouvait vivre dans la chasteté... alors n’est-ce-pas, il valait mieux moi qu’un autre !

Évidemment, de cette façon, on restait en famille :

— D ’ailleurs, moi aussi, je suis un homme passionné, ardent sous ma glaciale appa­rence, ajouta le comptable, mais, comme je suis aussi un timide, je n’aurais jamais osé demandé « cela » à une femme, tandis qu’à ma fille... Du reste, c’est elle qui m ’a provoqué.

Ici, le père et la fille ne sont plus d’accord: le premier prétend avoir été... séduit, la seconde jure avoir été violentée : où est la vérité ?

La question est d’importance pour le comptable poursuivi pour attentat aux mœurs par ascendant : les relations avec sa fille consentante ne peuvent lui attirer que quelques années de réclusion, les mêmes relations avec sa fille violentée l’enverront au bagne :

t— Je n’avais pas de maîtresse,... elle n’avait pas d'amant, répète le père cou­pable, nous étions d’accord !

Tiendra-t-il le même langage devant le jury versaillais où il comparaîtra en octobre assisté de M ' Raymond Perquel ?

Quant à la _mère. qui vient dans cette aventure un rôle de personnage muet, elle a déclaré au juge d’instruction :

Oh ! moi, je ne sais rien... J ’ai ma vie ailleurs !

Drôle de famille !

M œ u r s m o d e r n e s .

Devant la troisième chambre du tri­bunal est appelé un divorce qui, au moment d être plaidé, est retiré du rôle : les deux époux ayant décidé de reprendre la vie commune.

Cette double décision a été accompagnée d’un compromis que l’avocat du mari a lu au tribunal et que voici :

« Les époux X..., réconciliés, ont juré de faire à l'avenir des concessions mutuelles, le mari s’est engagé devant ses enfants à ne plus tromper sa femme, laquelle s’est, elle aussi, engagée à ne plus faire son ma­ri.....

Oui, le mot y est en toutes lettres... mais

depuis Molière n’est-il pas classique ?« La dame X... a promis de rompre la

liaison qu’elle entretenait depuis deux ans avec le sieur Y..., elle s’engage à remettre audit sieur Y..., une somme de dix mille francs à titre d'indemnité de rupture...

Et le compromis se termine par cette dernière phrase qui est une merveille. :

« Le sieur X..., remettra lui-même au sieur Y..., cette somme, car il estime qu’une juste compensation est due à l’ami aban­donné... »

N ’est-ce pas touchant ?

JL.e voyeur.Quatorzième chambre correctionnelle,

dans le box des prévenus, reste un seul homme poursuivi pour infraction à arrêté d'interdiction de séjour :

— Vous avez de la chance, dit le prési­dent, de n’être retenu que sous cette seule inculpation, car vous avez été arrêté dans un hôtel, à l’instant où, collé à une porte, vous regardiez par le trou de la serrure... sans doute pour voir s’il n’y avait per­sonne dans la chambre et la cambrioler à votre aise !

Le prévenu de s’élever alors avec indi­gnation contre cette supposition :

— Non, monsieur le président, je ne venais pas pour voler; d’ailleurs on n’a trouvé sur moi que des objets sans intérêt : ni ciels, ni pinces !

— C’est vrai... Mais alors que faisiez- vous à cette porte ?

— Je regardais...— Quoi ?L’homme hésite un inst ant, puis explique :— Un couple qui était couche et que...

qui... enfin vous comprenez ?Puis il ajoute :—• C’est plus fort que moi, il faut que je

regarde... je suis un « voyeur », je vais dans les hôtels pour cela !

Malgré ses huit condamnations, je « voyeur », après une spirituelle plaidoirie de M* Paul Henriquet, n’a été condamné qu’à deux mois de prison.

Syia-ia R isser.

Nous partîmes.Vers dix heures, le capitaine, comme a

l’habitude, vint faire un tour à la carrière. Il demanda les nouvelles de la matinée :

— Un refus de travail, mon capitaine, signala V...

— Comment s’appelle cet homme ?— Serdan.— F... ez-le au silo.Le silo est un ancien puits à demi-

comblé par le sable, un trou de quatre mètres dont les parois s’éboulent, au fond duquel la chaleur stagne, une chaleur lourde de four qui, lentement, fait vibrer dans les cervelles les marteaux de la folie. Quatre tirailleurs sont allés chercher Ser­dan : ils l’amènent... pardon. Us l’apportent, comme un paquet de chair que la fièvre ferait trembler. Une ! deux ! Le corps inconscient se balance un instant dans le vide, puis va s’affaler dans la fosse, replié sur lui-même, inerte.

Pendant tout le reste de la journée nous entendîmes le malheureux gémir et, comme le silo n’était guère éloigné du camp, toute la nuit nous l’écoutàmes encore. A maintes reprises, quelques-uns d’entre nous se levèrent pour aller porter un peu d’eau au moribond, mais on apercevait, sous la lune, luire les baïonnettes des tirailleurs qui veillaient autour du silo. Il fallut le laisser sans secours.

Au matin, le sergent V... s’en fut jusqu’au bord du silo :

__ Quand tu seras décidé à travailler,tu auras à boire, salaud !

Le « salaud » ne répondit rien. Il ne pouvait plus, sans doute, prononcer une parole.

Trois jours plus tard, il était mort, après une affreuse agonie.

Au rapport du jour, avec une indiffé­rence qui nous remplit tous d’horreur, le sergent lut cette petite phrase : « Charles Serdan, mort des fièvres. »

Et ce fut, de ce martyr, toute l’oraison funèbre.

(A suivre.) R. d e M,

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( S u i t e rte la finqi- I I . )

— Il me manque quinze mille francs.J’éclatai de rire :— J ’avais peur que ce ne soit plus cher.

Connais tu un bijoutier discret ?— Rien sur !

Alors, attends-moi.J ’allai vite chez moi. aux Ternes : je

déterrai la bague que j’avais enfouie dans la caisse aux marguerites, je la nettoyai soigneusement et je revins l’offrir à Jean.

C ’est un de mes bijoux, lui assurai-je avec désinvolture. Vends-le... Tu en tireras certainement ce qu’il te faut.

On lui en donna dix-sept billets de mille.

C’est à la suite de cette histoire que je commençai, comme je l ai dit. à dérober des pierres arrachées à leur monture. Jean avait pris l’habitude de nie « taper » régu­lièrement. Tout en continuant à jouer vis-à-vis de lui mon rôle de femme riche et désœuvrée, je lui réservais, en lui en cachant évidemment l’origine, une part sur chaque affaire que je traitais avec tes monts de piété anglais, car je jugeais plus prudent de ne, pas lui confier le soin de vendre des pierres non montées

La femme de chambre du X... entrete­nait un vicomte !

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Page 16: o u leu r - Criminocorpus · W 195. - 19 Août 1934 Tous les Dimanches o u leu r ¡Are, pages G et 7, le début de révélations sensationnelle« recueillies par Rouer oe ÜIAYMRD

P O L I C E - M A G A Z I N E

ON STAGEI N P E R S O N

JOHN

M?SR.

De graves incidents cnl éclaté à La/orest. Des mineurs polonais ont enfermé et tenu prisonniers, au fond de la mine n" 10, une trentaine de leurs camarades framuis. ,\u bout de trente-sept heures, ils les libérèrent. Cela se

terminera par une expulsion des coupables. (F. P.)

On a décidément une curieuse conception de la publicité en Amé­rique ! La famille de John Dillinger, le gangster récemment abattu, se produit dans divers music-halls yankees, en attraction ! Et le père du criminel île quatrième à partir de la gauche/ explique aux spec­

tateurs ce que fut la jeunesse de son fils ! ( I. N. P.)

Parce que les affaires en cours sont trop nombreuses et que les juges d ’instruction sont débordés. Mr. Chéron a fait installer au Palais de Justice une vingtaine de cabi­nets nouveaux, cabinets provisoires bien entendu. Voici une vue des travaux dans la galerie du Palais. (Roi.)

A la suite de dénonciations, la police, il g a quelques mois, découvrait clic: divers brocanteurs de Paris des armes de guerre en nombre... ariormaK L'un des brocanteurs, le nomme Léopold Daucourt. suspecté depuis longtemps d ’approvisionner les hommes de main d’un t>arli. a récolté deux mois de prison. L e voici (à gauche), à la barre. A droite, les armes découvertes au cours de la

perquisition. (Hup.)

.Félix Audouiri. qui avait fui à Stamboul en 1031, après avoir escroqué une quinzaine de millions, a été arrêté. Ramené, le voici t lunettes noires• à son arrivée à Marseille: Audoin /ait opposition au jugement. (N. Y, T.)

M . Philibert ISesson, député, de la Haute ¡.aire, a comparu devant le tribunal correctionnel de. Riom pour outrages à des représentants de I’autorité, lin atlendanl le jugement, il a

en liberté provisoire. Le voici à son arrivée au Palais de Justice. ¡N. Y. T.)

Une. voiture volée par quatre malfaiteurs est allie s’écraser nadre un arbre, à Stefralsfeld. :lé mis près de Strasbourg. Deux des occupants sont morts et 'es deux autres ont été grièvement blessés.

On distingue sur nntre cliché le cadavre d’une.des victimes. (!•'. I’. J.j