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Athlétisme, tennis, basket-ball, football et rugby participent largement aux contenus proposés en EPS. Une approche historique permet de prendre conscience du rôle joué par l'Angleterre (ou les États-Unis) dans le développement de ces sports en France et dans la pénétration du vocabulaire anglo-saxon. PAR M. BERNARD Anglais, sport et EPS D ans son dictionnaire des sports, Ian Pickup rap- pelle que : « les origines des compétitions spor- tives des temps modernes sont solidement documentées et il est généralement admis que la Grande-Bretagne y a joué un rôle dominant. Non seulement les Bri- tanniques ont ressuscité les sports que pratiquaient les anciens, Grecs et Romains, mais ils en ont aussi créé de nouveaux, tels le football, le rugby et le golf. Inévitablement, ceci a eu pour résultat, une fois que tel ou tel sport avait été exporté avec succès, l'emprunt en français (et dans d'autres langues) du voca- bulaire spécialisé » [ 1 ]. EXEMPLES DE SPORTS INDIVIDUELS Athlétisme •Le plus ancien parmi tous les sports renvoie à l'histoire sécu- laire de la Grèce. Le mot athlé- tisme tire son origine du grec athos qui signifie combat. C'est une discipline basée sur les gestes naturels de l'homme [2]. Les pre- miers comptes rendus d'exploits athlétiques sont publiés par Homère dans L'Iliade (chant XXIII) et L'Odyssée (chant VIII). Cependant l'athlétisme moderne, comme de nombreux sports actuels, prend forme en Grande- Bretagne au début du XVIII e siècle. A cette époque, les courses à pied sont d'abord effec- tuées par les valets chargés de précéder le carrosse de leur maître et d'avertir de son pas- sage ; les distances sont mesurées en mile (du substantif anglais mile, unité de mesure correspon- dant à 1609 mètres). En 1866 a lieu le premier championnat d'Angleterre (courses, sauts et lancers). En 1867 paraît le pre- mier journal sur l'athlétisme, The Athlète (23 ans avant La Revue athlétique, revue française qui voit le jour en 1890). •Vers la fin du XIX e siècle, l'ath- létisme fait son entrée en France sous l'action du Racing Club de France et de l'union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFA). En 1896 est créée la fédération des sociétés athlétiques de France (FSAF) ; elle disparaît en 1922, remplacée par la fédéra- tion française d'athlétisme. En 1912, un congrès se tient à Stock- holm dans le but de créer une fédération internationale d'athlé- tisme (IAAF, International Asso- ciation of Athletics Fédération). Dix-sept pays sont représentés : Allemagne, Angleterre, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Chili, Danemark, Egypte, États- Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Norvège, Russie, Suède. Ce congrès répond à la nécessité d'instaurer un code et des règle- ments mondiaux et d'établir une autorité responsable de l'organi- sation des compétitions interna- tionales et des Jeux olympiques. •En 1934, les athlètes adoptent les cales de départ artificielles ou starting-blocks (du substantif anglais starting-block, composé de starting, action de partir, du verbe to start et de block, bloc). En hiver, les athlètes s'affrontent dans des meetings (du substantif anglais meeting, assemblée, dérivé du verbe to meet, rencon- trer) qui se déroulent indoor (de l'adjectif anglais indoor composé de in, dedans, à l'intérieur, et de door, porte). Les sprinters (du substantif anglais sprinter, personne qui pra- tique le sprint, dérivé du verbe to sprint, courir rapidement), les hurdlers (du substantif anglais hurdler, personne spécialiste de la course de haies, dérivé du sub- stantif hurdle, haie), les milers (du substantif anglais miler, personne spécialisée sur la distance d'un mile, dérivé du substantif mile) sont les noms donnés aux athlètes qui pratiquent le sprint, la course Photo: A. FEDERICI ET M. VALENTI NI BIENVENUE (ARCHIVES F.F.F) ERS № 331 - MAI-JUIN 2008 37 Revue EP.S n°331 Mai-Juin 2008 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

PAR M. BERNARD - uv2s.cerimes.fruv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70331-37.pdf · et dans la pénétration du vocabulaire anglo-saxon. ... terme anglicisme est expliqué,

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Athlétisme, tennis, basket-ball, football et rugby participent largement aux contenus proposés en EPS. Une approche historique permet de prendre conscience du rôle joué par l'Angleterre (ou les États-Unis) dans le développement de ces sports en France et dans la pénétration du vocabulaire anglo-saxon.

PAR M. BERNARD

Anglais, sport et EPS Dans son dictionnaire des

sports, Ian Pickup rap­pelle que : « les origines des compéti t ions spor­tives des temps modernes

sont solidement documentées et il est généralement admis que la Grande-Bretagne y a joué un rôle dominant. Non seulement les Bri­tanniques ont ressuscité les sports que pratiquaient les anciens, Grecs et Romains, mais ils en ont aussi créé de nouveaux, tels le football, le rugby et le golf. Inévitablement, ceci a eu pour résultat, une fois que tel ou tel sport avait été exporté avec succès, l'emprunt en français (et dans d'autres langues) du voca­bulaire spécialisé » [ 1 ].

EXEMPLES DE SPORTS INDIVIDUELS Athlétisme • L e plus ancien parmi tous les sports renvoie à l'histoire sécu­laire de la Grèce. Le mot athlé­t isme tire son origine du grec

athos qui signifie combat. C'est une discipline basée sur les gestes naturels de l'homme [2]. Les pre­miers comptes rendus d'exploits a th l é t iques sont pub l i é s par Homère dans L ' I l i ade (chant XXIII) et L'Odyssée (chant VIII). Cependant l'athlétisme moderne, c o m m e de n o m b r e u x spor ts actuels, prend forme en Grande-Bre tagne au début du X V I I I e

s i èc l e . A ce t te é p o q u e , les courses à pied sont d'abord effec­tuées par les valets chargés de p récéder le c a r ro s se de leur maître et d 'aver t i r de son pas­sage ; les distances sont mesurées en mile (du substantif anglais mile, unité de mesure correspon­dant à 1609 mètres). En 1866 a lieu le p r e m i e r c h a m p i o n n a t d 'Angleterre (courses, sauts et lancers). En 1867 paraît le pre­mier journal sur l'athlétisme, The Athlète (23 ans avant La Revue athlétique, revue française qui voit le jour en 1890).

•Vers la fin du XIX e siècle, l'ath­létisme fait son entrée en France sous l'action du Racing Club de France et de l'union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFA) . En 1896 est créée la fédération des sociétés athlétiques de France (FSAF) ; elle disparaît en 1922, remplacée par la fédéra­tion française d 'athlét isme. En 1912, un congrès se tient à Stock­holm dans le but de créer une fédération internationale d'athlé­tisme (IAAF, International Asso­ciation of Athletics Fédération). Dix-sept pays sont représentés : Allemagne, Angleterre, Australie, A u t r i c h e , B e l g i q u e , C a n a d a , Chili, Danemark, Egypte, États-Unis , Finlande, France, Grèce, Hongrie, Norvège, Russie, Suède. Ce congrès répond à la nécessité d'instaurer un code et des règle­ments mondiaux et d'établir une autorité responsable de l'organi­sation des compétitions interna­tionales et des Jeux olympiques.

•En 1934, les athlètes adoptent les cales de départ artificielles ou starting-blocks (du substantif anglais starting-block, composé de starting, action de partir, du verbe to start et de block, bloc). En hiver, les athlètes s'affrontent dans des meetings (du substantif ang la i s m e e t i n g , a s s e m b l é e , dérivé du verbe to meet, rencon­trer) qui se déroulent indoor (de l'adjectif anglais indoor composé de in, dedans, à l'intérieur, et de door, porte).

Les sprinters (du subs tan t i f anglais sprinter, personne qui pra­tique le sprint, dérivé du verbe to sprint , courir rap idement ) , les hurdlers (du substantif anglais hurdler, personne spécialiste de la course de haies, dérivé du sub­stantif hurdle, haie), les milers (du substantif anglais miler, personne spécialisée sur la distance d 'un mile, dérivé du substantif mile) sont les noms donnés aux athlètes qui pratiquent le sprint, la course

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de haies et les coureurs spéciali­sés sur la distance d'un mile.

Tennis Il présente une histoire singuliè­rement différente puisque le mot tennis emprunté à l'anglais tennis a pour origine un mot d'ancien français tenetz, représentant la

forme altérée de la deuxième per­sonne du pluriel de l'impératif du verbe français tenir. •À l ' o r i g i n e la lexie t ene tz désigne l'exclamation du joueur qui lance la ba l l e . Le j eu de paume est inventé en France au XII I e siècle. Il aurait été conçu par des moines qui voulaient faire

un peu d'exercice. En utilisant le sol, les murs et les poutres du cloître, les moines jouent avec une balle et la paume de la main, d 'où le nom de jeu de paume. Pra t iqué en plein air ( longue paume) ou dans une salle (courte paume), il devient, dans un pre­mier temps, le loisir préféré des

étudiants et des humanistes. Ce n'est qu 'à partir du XIV e siècle que le jeu de paume acquiert sa r e c o n n a i s s a n c e auprès de la noblesse, des éducateurs et du reste de la population française. Ce jeu est très en vogue en France jusqu'à la Révolution puis il perd de son attrait. En revanche, il est

A ornóos de la thèse de Melanie Bernard Les anglicismes dans le sport en langue française : modes d'intégration et aspects sociolinguistiques

Dès l'introduction, M. Bernard se préoc­cupe de la question de l 'emprunt des angl icismes et évoque le problème sociol inguist ique de leur réception négative jusqu'à la loi Toubon de 1994.

L'auteur différencie utilement l'étude linguis­tique qu 'e l le va effectuer sur son corpus de l'étude sociolinguistique, à savoir l 'étude des formes grammat ica les , morphologiques et sémantiques, de l'étude des usages en contexte. C'est le cas notamment pour les dix sports choi­sis mais aussi, à titre de comparaison, dans de nombreux autres domaines tels que le théâtre, le droit, les sciences humaines et sociales, le com­merce, l'aéronautique.

On entre dans le vif de l'étude linguistique au chapitre IV, « Concepts et méthode », où le terme anglicisme est expliqué, ainsi que l'em­prunt. M. Bernard établit des différences inté­ressantes entre le «xénisme», terme étranger intégré seulement grammaticalement, le véri­table emprunt intégré au niveau de la syn­taxique et de la sémantique, c'est-à-dire ressenti comme français, et le néologisme. La classifi­cation, propre à l'auteur, des anglicismes en dix classes est proposée en fin de chapitre. Le chapitre V, «Les niveaux d' intégration : grammaticale, morphologique et sémantique» pose, par exemple, la question du genre à attri­buer à un mot venu de l'anglais, langue «sans genre». La discussion est intéressante et bien menée sur le phénomène complexe de calque : calque de traduction opposé à calque de signifié ou emprunt sémantique. Les chapitres VI et VII présentent et classent le corpus français des anglicismes dans les sports et les autres domaines. Les 220 lexies relevées dans le quotidien L'Équipe sont données avec

leur étymologie, leur datation et sériées selon la classification proposée au chapitre IV. Les chapitres VIII et IX font de même pour le corpus e s p a g n o l , éga lemen t pris dans les médias sportifs d'Espagne. Le chapitre X compare les modes d'intégration des anglicismes dans les deux langues.

Une brève conclusion intermédiaire livre quelques premiers résultats concernant le comportement des anglicismes très semblables en français et en espagnol : dans les sports, les emprunts sont à plus

de 50% des anglicismes intacts, presque tou­jours des substantifs masculins, les verbes très souvent du premier groupe et les adjectifs soit adoptent les flexions en genre et en nombre de la langue emprunteuse, soit restent invariables. Les chapitres XI et XII introduisent «le sport dans la soc ié té» , débouchant sur l 'enquête sociolinguistique, objet du chapitre XIII, avec ses objectifs, sa problématique, ses hypothèses et sa méthodologie. Le reste de la thèse est consac ré aux d i f fé ren tes é tapes de ce t te enquête. Au vu des réponses renvoyées par les 250 personnes contactées à travers toute la France, l'auteur n'hésite pas à reconsidérer les éléments à exploiter de son questionnaire, et en retire des arguments convaincants. Pour cela, M. Bernard a fourni un travail considérable et minutieux de dépouillement et d'analyse, fai­sant intervenir une étude lexicométrique (avec le logiciel Sphinx) ainsi qu'une analyse multi-factorielle des données.

Dans sa conclusion, elle construit un retour réflexif sur sa recherche et ouvre des pistes, notamment la possibilité d'étendre ce type de r e c h e r c h e à d 'autres médias comme la radio, la

P A R G. V A R R O

télévision et donc aussi à l'étude de l'intégra­tion phonétique des emprunts. Elle énonce quel a été son but dans le présent travail, c'est-à-dire observer, décrire le comportement linguistique des anglicismes et en étudier les usages dans la communauté linguistique française. Elle sou­ligne le fait que l'emprunt est un phénomène récurrent qui affecte toutes les langues, coupant l'herbe sous les pieds des puristes. Elle rappelle que l'usage des lexies relevées n'est pas réservé au domaine sportif mais concerne, voire pro­vient, d'autres champs sociaux tels que la poli­tique et le commerce, ce qui pourrait s'interpré­ter comme non seulement reflétant, mais aussi renforçant, l'esprit de compétition qui traverse nos sociétés.

Placée sous le double regard linguistique et sociologique ou sociolinguistique de M. Ber­nard, sa thèse est à la fois bien écrite et origi­nale, se distinguant des études antérieures sur les anglicismes, essentiellement fondées sur des corpus extraits de dictionnaires. Il faut insister sur le fait que la présente étude repose sur des matériaux vivants et authentiques, corpus de presse et réponses à un questionnaire autoadmi­nistré, ce qui permet d'approcher, à travers leurs r éac t ions aux e m p r u n t s , les r appor t s aux langues manifestés au sein de la population française.

Gabrielle Varro

Cette thèse de doctorat en linguistique a été soutenue à l'université de Bordeaux 3. Elle a obtenu la mention très honorable ci l'unanimité des voix. Le jury était composé de Jean-Michel Gouvard, président, professeur, université de Bordeaux 3. Jeanine Gerbault, directrice de thèse, HDR, université de Bordeaux 3. Gabrielle Varrò, rapporteur, chargée de recherche au CNRS, HDR, université de Ver­sailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Isabel Molina Martos, rapporteur, professeur, univer­sité de Alcalá de Henares (Espagne). Michel Roché, professeur, université de Toulouse.

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très pratiqué en Angleterre depuis le XVI e siècle. •En 1874, le major Walter Clop-ton Wingfield a l'idée de transfor­mer le jeu de paume et d'en conce­voir un plus simple, il dépose donc un brevet pour un jeu qu'il nomme sphairistike, jeu de balle, en grec. Ce jeu plaisant de plus en plus à de nombreux joueurs, on décide de le rebaptiser lawn-tennis (du sub­stantif anglais lawn tennis com­posé de lawn, pelouse et de tennis, tennis), plus facile à retenir que sphairistike. De plus, grâce à la découver te de la gut ta-percha (substance laiteuse dérivée du latex de caoutchouc), l'histoire de la balle va connaî t re un envol spectaculaire et avec elle le déve­loppement du lawn-tennis. •En 1877, le lawn-tennis dispose d'une réglementation stricte pour le premier championnat de Wim-bledon.

•En 1878, les premiers clubs (du substantif anglais club, masse de gens) apparaissent en France dans les villes du Havre et de Dinard très fréquentées par les Anglais. •En 1888, naît la commission de l awn- t enn i s de l'USFSA qui devient la fédération française de lawn-tennis en 1920 puis la fédé­ration française de tennis (FFT) en 1976.

•Dès 1890, les différents clubs parisiens construisent des terrains de t e n n i s . Ce t t e a n n é e - l à , l'USFSA publie les règles du ten­nis d'après le modèle anglais. Le tennis s'implante ensuite partout en Europe (Italie, Espagne, Nor­vège, etc.) et avec l'apparition de TUS Open et de l'Open d'Austra­lie, le tennis s ' implante égale­ment sur les continents américain et australien.

•En 1912, la fédération interna­tionale de lawn-tennis (IFLT) est c réée . Elle est rebapt isée IFT (fédération internationale de ten­nis) en 1977 et est chargée de pro­mouvoir et de protéger les inté­rêts du tennis mondial. • E n 1968 , le t enn is mond ia l connaît sa révolution. En effet, depuis l 'organisat ion des pre­miers tournois en 1877, seuls les amateurs peuvent participer aux divers tournois de tennis. Mais au fil des années, les champions et les c h a m p i o n n e s de t enn is deviennent professionnels. Après des années de te rg iversa t ions entre ceux qui défendent l 'ama­teurisme et ceux qui souhaitent un spor t ouver t à t ous , le Ail Eng land Lawn Tennis C lub (organisa teur de Wimbledon) décide donc, en 1968, d'approu­ver la tenue d'un tournoi open (du substantif anglais open, ouvert aux amateurs et aux profession­nels) malgré l 'opposition de la fédération internationale.

EXEMPLES DE SPORTS COLLECTIFS Basket-ball James A. Naismi th , canadien , pasteur protestant et professeur d 'EPS, invente le basket-ball (du substant i f angla is baske tba l l , composé de basket, panier, et de bail, balle) au collège de Spring­field ( M a s s a c h u s e t t s , E ta t s -Unis). En 1891, l'hiver est rude, le directeur du collège de Spring­field convoque Naismith et lui demande d'inventer un jeu col­lectif pouvant se pratiquer dans le gymnase afin d'occuper les étu­diants pendant la période hiver­nale. Naismith analyse minutieu­sement les qualités qu'il attend

d'un sport de salle et conclut que le nouveau jeu doit répondre à cinq principes fondamentaux : un ballon spécial, gros et léger, joué uniquement avec les mains ; une interdiction de courir avec le bal­lon ; un but horizontal et en hau­teur qui favorise l 'adresse des joueurs ; un nombre restreint de joueurs en raison de l'exiguïté du terrain et enfin pas de contact. Naismith explique dans quel but il a créé le basket-ball :«[...] avec la notion chrétienne de l 'amour du prochain, pour que les jeunes puissent y mettre toutes leurs forces et tout leur cœur, tout en gardant constamment le contrôle de leurs réactions, sans les excès qui en feraient un instrument du diable» [3].

• Les premiers élèves baptisent ce jeu basket-ball selon la phrase célèbre de Franck Mahan, chef de classe : « We nave a basket and a ball, why not cali it basket-ball». En 1892, les treize règles origi­nales sont publiées dans le Tri­a n g l e , bu l l e t in du co l l ège de Springfield. La première grande équipe américaine est créée en 1916 (Original Celtic) et en 1934, le premier tournoi est organisé au Madison Square Garden de New York. Le basket-ball connaît un développement rapide aux États-Unis et dans le m o n d e , grâce notamment aux élèves de Nais­mith. Les étudiants qui sortent du collège de Springfield sont pour la plupart enseignants, ils impo­sent donc le baske t -ba l l dans leurs différents programmes. • L e basket-ball est importé en France en 1893 par le professeur Rideout qui en avait appris les principes lors d'un stage au col­lège de Springfield. Il initie ses élèves au nouveau jeu. Malgré une apparition dans le gymnase de la rue Trévise à Paris le 27 décembre 1893 lors d'une exhibition organi­sée par des joueurs du collège de Springfield, le basket-ball ne com­mence à s ' implanter en France qu'après la première guerre mon­diale. Le premier championnat de France est organisé en 1921 par la fédération des sociétés athlétiques qui est alors en charge de ce nou­veau sport. En 1932, l'expansion et le succès grandissant de ce sport aboutissent à la créat ion de la fédération internationale de bas­ket-ball. En 1933, la fédération française de basket-ball est créée et le sport se répand dans toutes les régions. En 1935 est organisé le premier championnat d'Europe et

en 1950, le premier championnat du monde. •Selon les historiens du sport, le jeu inventé par Naismith aurait diverses inspirations. Les Mayas du Yucatán pratiquaient un jeu appelé le pok-ta-pok qui présente de nombreuses similitudes avec le basket-ball moderne. Dédié au dieu Quetzalcoatl (dieu repré­senté par un serpent à plumes), le but était de faire passer une balle à travers un anneau. Le Canadien a pu aussi être influencé par un jeu pratiqué dans son pays : le canard sur le rocher (il fallait faire tomber une pierre placée sur un rocher avec une autre pierre). Que le jeu soit d'origine maya ou c a n a d i e n n e , le baske t -ba l l a connu un succès g r and i s san t depuis sa création dans un gym­nase du Massachusetts.

Football Le sport collectif le plus pratiqué en France est sujet à polémiques quant à ses origines. Les hommes frappent depuis toujours dans un ballon mais un sport n'existe pas vraiment tant qu'il n'est pas codi­fié par des règles précises. Les Grecs pratiquent déjà des jeux avec quatre tailles différentes de ba l le et au Moyen  g e , nos ancêtres jouent à la soûle (sport violent, précurseur du football). •Au XVI e siècle, en Angleterre, les écoles pratiquent un jeu de ballon désigné comme le hurling at goals (littéralement lancer vers les buts). Comme l'indique J. Ph. Rethacker: «la Grande-Bretagne n ' a peut-être pas été le lieu de naissance du football, mais elle a été à coup sûr son berceau et sa maison» [3].

•A partir du XVII e siècle, malgré ses origines obscures, le football (du substantif anglais football, composé de foot, pied et de bail, balle) est très vivace en Angle­terre, si bien qu'en 1846, les pre­mières règles du jeu sont ébau­chées à l'université de Cambridge. Cette même année, les collèges b r i t ann iques é laborent le j eu moderne codif ié sous deux formes : le Football Association (progression en frappant du pied le ballon rond, plaquage interdit) et le Football Rugby Union (pro­gression du ballon ovale frappé du pied ou porté dans les mains, pla­quage autorisé). En 1863, le Foot­ball Association édicté ses propres lois insp i rées du jeu de Cam­bridge. A ses débuts et jusqu'en 1820, le football est un jeu très

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populaire en Angleterre mais dès 1820. il devient l ' apanage de l'élite du pays. À partir de 1880, le jeu revient aux ouvriers suite à une attitude nouvelle du patronat (le samedi après-midi est chômé, ce qui permet le développement du football ouvrier) . Au cours du XIX e siècle, il existe des confron­tations régionales puis nationales. Les marins anglais importent ce nouveau sport dans les ports euro­péens et la discipline se propage. Wahl note que dès les années 1870, les nombreux ressortissants b r i t ann iques présents dans le monde diffusent le Football Asso­ciation jusqu'en Amérique latine, en Asie et en Afrique [5] . Les Anglais , puis les autochtones , fondent des associations, organi­sent des rencontres et mettent en place des fédérations nationales. Ce sport traverse la Manche en 1872 avec la création, au Havre, du premier club sportif. En 1873, le corner (du substantif anglais corner, coin) est introduit et en 1891, le penalty (du substantif anglais penalty, pénalité, sanc­tion) est inventé par l 'Irlandais William McCrum. Selon J. Durry « la véritable révolution apportée par le sport br i tannique est le football dont on reconnaît aux Anglais la maîtrise incontestée. Sa diffusion a emprunté deux canaux : celui de négociants bri­tanniques, employés, représen­tants de firmes maritimes ou de commerce ; celui de Français , étudiants ou professeurs ayant sé journé dans les un ive r s i t é s

d'outre-Manche, qui après leur initiation à ce spor t ava ien t déc idé d ' e n pour ­su ivre la p ra t ique chez eux » [6]. • Au X X e siècle en 1902, le premier match international (du substantif anglais match, compétition sport ive) oppose l'Autriche à la Hon­

grie à Vienne. En 1904, la FIFA (Fédération internationale de foot­ball association) est fondée à l'ini­tiative de sept pays : Belgique, Danemark , Espagne , F r ance , Pays-Bas, Suède et Suisse.

Rugby Ce sport doit son nom à une ville anglaise. En effet, Rugby est une petite ville située au sud-est de Birmingham, dont l'école est une des mei l leures public schools d'Angleterre. En 1823, l 'éduca­teur Thomas Arnold intègre cette école et souhaite que le football-rugby devienne partie intégrante de l ' éduca t ion des é lèves . Un jour, un élève du nom de William Webb El l i s prend le ba l lon à pleines mains, court vers le but adverse et le dépose derrière la ligne. Une inscription placée sur le mur de la Rugby School indique : « cette pierre commé­more l'exploit de William Webb Ellis qui, avec un joli mépris des règles du football telles qu'elles étaient pratiquées à l'époque, prit le premier la balle dans ses bras et courut avec, donnant sa princi­pale caractéristique distinctive au jeu de rugby» [7]. • A u milieu du X I X e s iècle, le rugby est considéré comme une forme particulière du football qui se différencie par la possibilité de porter le ballon et de former de grandes mêlées (ou ruck, du sub­stant i f ang la i s ruck « m ê l é e ouve r t e» ) impliquant tous les joueurs. Mais, en 1846, la césure déf in i t ive s ' o p è r e en t re les

t enan t s du code de Rugby et l ' ancêt re du football m o d e r n e . Le rugby se d é v e l o p p e alors dans les milieux sportifs de l'Angleterre, de l'Ecosse, de l'Irlande et du Pays de Galles et en 1871 a lieu le premier match in te rna t iona l entre l 'Ecosse et l 'An­gleterre à Edimbourg. •Les origines du rugby

sont controversées : « sans vouloir froisser l'orgueil anglais, ni dimi­nuer le rôle que le Royaume-Uni a tenu dans la « fabuleuse histoire du rugby », nous devons à la vérité de dire que l 'ancêtre du rugby est bel et bien la soûle fran­çaise...» [8]. Le jeu de soûle est un jeu pratiqué dès le Moyen Âge en France, c'est un sport de masse d'une grande violence, la soûle peut être une boule de bois ou un ballon rempli de son, de paille, de foin, de mousse ou bien contenant une vessie remplie d'air. Le but du jeu consiste à faire pénétrer la soûle dans le camp opposé. Mais on trouve déjà des traces de jeux de balle en Egypte et en Grèce. • D è s 1843, le premier club de rugby est fondé en Angleterre. En 1846, les premières règles sont établies par écrit. J. Pignon sou­ligne que pour ce sport, « l ' em­prunt à l'anglais était une néces­sité lorsque le rugby a commencé à se développer en France sur le modèle du rugby britannique » [9]. • Le jeu à XV est d'abord pratiqué au Havre dès 1872 puis il se répand dans toute la France. Dans les années 1880, des élèves des lycées pa r i s i ens fondent le Racing club de France et le Stade français avec comme code celui de la Rugby School, puis le rugby gagne la province. L'année 1899 est importante ; le Stade Borde­lais devient champion de France en battant le Stade Français. Cette victoire préfigure une longue domination du rugby en Occita-nie et son en rac inemen t dans cette région de France. Le rugby devient populaire dès 1910, d'où la nécessité de créer une fédéra­tion française de rugby (FFR) en 1920 ; mais il faut attendre plus de 70 ans pour voir la création d'une coupe du monde de rugby en 1987. J. Pignon note l'importance de ce sport dans la société fran­çaise : «comme tous les sports, depuis le début du siècle, le rugby a pris dans notre vie nationale une p lace i m p o r t a n t e . Aussi une langue spéciale s'est-elle peu à peu constituée à mesure que l'ex­tens ion du jeu appela i t des moyens d'expression nouveaux et toujours plus précis» [9]. •Le premier tournoi entre diffé­rentes nations, en 1884, se dispute entre l ' I r l ande , l ' A n g l e t e r r e , l'Ecosse et le Pays de Galles (il est nommé Tournoi des IV Nations). En 1910, les quatre nations britan­niques invitent la France, ce tour­noi devient alors le Tournoi des V

Na t ions . Puis en 2 0 0 0 , on le rebaptise Tournoi des VI Nations avec l'entrée en lice de l'Italie.

L 'aperçu historique des cinq sports met en exergue le rôle

j o u é par l'Angleterre (et les États-Unis pour le basket-ball) dans la codification des sports et dans leur développement dans le monde et notamment en France. Les sports ont été empruntés avec leurs règles et leur vocabulaire, ce dernier est souvent identique en français et en anglais. De plus, le sport est un des seuls domaines d'activité humaine qui propose un modèle unique suivi par tous ceux qui le pratiquent (la création des fédérations internationales pour chacun des sports en est un exemple) et l 'utilisation d 'une langue véhiculaire qui comporte les mêmes mots est donc néces­saire afin de se comprendre.*

Mélanie Bernard Docteur en linguistique

Université Michel de Montaigne Bordeaux III (33)

Publier conjointement l'article «Anglais, sport et EPS» et la thèse «Les anglicismes dans le sport en langue française...» met en évidence la relation entre la théorie et la pratique. Voir également l'article et la thèse de J. Guérin, Revue EP.S n° 318, 2006.

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