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MarshallB.Rosenberg

Lesmotssontdesfenêtres(oubiencesontdesmurs)

IntroductionàlaCommunicationNonViolente

Traduitdel’américainparAnnetteCesottietChristianeSecretan

pourla1reéditionparFarrahBaut-Carlier

2018

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PrésentationLaplupartd’entrenousavonsétéélevésdansunespritdecompétition,dejugement,d’exigenceetde

penséede cequi est «bon»ou«mauvais».Aumieux, ces conditionnementspeuvent conduireàunemauvaise compréhension des autres, au pire, ils génèrent colère, frustration, et peuvent conduire à laviolence.Unecommunicationdequalitéentresoiet lesautresestaujourd’huiunedescompétences lesplusprécieuses.Parunprocessusenquatrepoints,MarshallRosenbergmeticiànotredispositionunoutiltrèssimple

dans son principe, mais extrêmement puissant, pour améliorer radicalement et rendre vraimentauthentiquenotre relationauxautres.Grâceàdeshistoires,desexemplesetdesdialogues simples, celivrenousapprendprincipalement:àmanifesterunecompréhensionrespectueuseàtoutmessagereçu,àbriser les schémasdepenséequimènentà lacolèreetà ladéprime,àdirecequenousdésirons sanssusciterd’hostilitéetàcommuniquerenutilisantlepouvoirguérisseurdel’empathie.Cettenouvelleéditionestparailleursenrichied’unimportantchapitresurlamédiationetlarésolution

desconflits.Bienplusqu’unprocessus,c’estunchemindeliberté,decohérenceetdeluciditéquinousesticiproposé!Pourensavoirplus…

L’auteurForméàlapsychothérapiepsychanalytiqueetdocteurenpsychologieclinique,MarshallB.Rosenberga

fondéen1984leCenterforNonViolentCommunication(CNVC),organisationinternationaleœuvrantpourlapaixdansplusde60pays,etenaoccupépendantdenombreusesannéeslafonctiondedirecteurdesservices pédagogiques. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont le best-seller Les mots sont desfenêtres(oubiencesontdesmurs),venduàplusd’unmilliond’exemplairesàtraverslemonde.Ilaétédistinguépoursonactionpardenombreuxprix.Ilestdécédéen2015.

ÉgalementdisponibleManueldeCommunicationNonViolente.Guided’exercicesindividuelsetcollectifs,LucyLeu,ÉditionsLaDécouverte,Paris,2016.Parentsrespectueux,enfantsrespectueux,SuraHartetVictoriaKindleHodson,ÉditionsLaDécouverte,Paris,2014

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CopyrightTranslated from thebookNonviolentCommunication : A language of Life 3rd Edition, ISBN13/10 :

9781892005281/189200528X byMarshall B. Rosenberg. Copyright © Fall 2015 PuddleDancer Press,published by PuddleDance Press. All rights reserved. Used with permission. For further informationaboutNonViolentCommunication™,pleasevisittheCenterforNonViolentCommunicationontheWebat:www.cnvc.org.

Titre original : Nonviolent Communication : A language of Life, 3e édition, ISBN 13/10 :9781892005281/189200528X de Marshall B. Rosenberg. Copyright © Fall 2015 PuddleDancer Press,publié par PuddleDance Press. Tous droits réservés. Reproduction sous réserve d’accord de l’éditeur.Pour plus d’information à propos de la Communication NonViolente ™, vous pouvez visiter le CentrepourlaCommunicationNonViolentesurnotresite:www.cnvc.org.

©ÉditionsLaDécouverteetSyros,Paris,1999.©ÉditionsLaDécouverte,Paris,2002,2005,2016.

ISBNpapier:978-2-7071-8879-3ISBNnumérique:978-2-3480-4267-6

Compositionnumérique:Facompo(Lisieux),novembre2018.Encouverture:©GettyImages/Samxmeg

Cetteœuvreestprotégéeparledroitd’auteuretstrictementréservéeàl’usageprivéduclient.Toute

reproductionoudiffusionauprofitdetiers,àtitregratuitouonéreux,detoutoupartiedecetteœuvreeststrictementinterditeetconstitueunecontrefaçonprévueparlesarticlesL335-2etsuivantsduCodede lapropriété intellectuelle.L’éditeur se réserve ledroitdepoursuivre touteatteinteà sesdroitsdepropriétéintellectuelledevantlesjuridictionscivilesoupénale.

S’informerSi vous désirez être tenu régulièrement informé de nos parutions, il vous suffit de vous abonner

gratuitement à notre lettre d’information par courriel, à partir de notre sitewww.editionsladecouverte.froùvousretrouverezl’ensembledenotrecatalogue.

Noussuivresur

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TableAvant-propos

Lesleçonsdemongrand-père-Préfaceàladeuxièmeédition

PréfacedeCharlesRojzman

Remerciements

1-L’élanducœur-AuxsourcesdelaCommunicationNonViolenteIntroductionApprendreàdirigersonattentionLadémarchedelaCNVLaCNVauquotidienLaCNVenpratique

2-QuandlacommunicationentravelabienveillanceJugementsmoralisateursFairedescomparaisonsRefusderesponsabilitéAutresformesdecommunicationaliénante

3-ObserversansévaluerLaplushauteformedel’intelligencehumaineDistinguonsobservationetévaluationLaCNVenpratiqueExercice:Observationouévaluation?

4-IdentifieretexprimerlessentimentsLecoûtélevédessentimentsinexprimésDistinguerlessentimentsdesinterprétationsmentalesDévelopperunvocabulairedessentimentsExercice:Exprimerdessentiments

5-AssumerlaresponsabilitédesessentimentsEntendreunmessagenégatif:quatrepossibilitésLesbesoinsquisontàl’originedessentimentsExprimersesbesoinsoulestaire:quelestleplusdouloureux?Del’esclavageaffectifàlalibérationaffectiveLaCNVenpratiqueExercice:Identifierlesbesoins?

6-Demandercequicontribueraitànotrebien-êtreUtiliserunlangaged’actionpositifFormulerunedemandeconsciemmentDemanderunretourDemanderdelasincéritéAdresserunedemandeàungroupeDemandesetexigencesDéfinirl’objectifderrièrenotredemandeLaCNVenpratiqueExercice:Formulerdesdemandes

7-RecevoiravecempathieLaprésence:netecontentepasd’agir,soislàÉcouterlessentimentsetlesbesoinsParaphraserMaintenirl’empathieLadouleur,obstacleàl’empathieLaCNVenpratiqueExercice:Ladifférenceentrerecevoiravecempathieetrecevoirsansempathie

8-Lepouvoirdel’empathieL’empathiequiguéritL’empathieetlacapacitéd’êtrevulnérableL’empathiepourdésamorcerledangerAccepterunrefusavecempathieL’empathiepourredonnervieàuneconversationL’empathiepourlesilence

9-Relions-nousànous-mêmesavecbienveillanceSouvenons-nousdecequinousrenduniqueNousévaluerlorsquenousavonsétémoinsqueparfaitsTraduirelesjugementsenversnous-mêmesetnosexigencesintérieuresLedeuilenCNV

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NouspardonnerL’enseignementducostumeàpoisNefaisonsriensicen’estparjeu!Traduire«jedois»en«jechoisis»Cultivonslaconsciencedel’énergiequimotivenosactions

10-ExprimerpleinementlacolèreNepasconfondrelacauseetlefacteurdéclenchantToutecolèreaunefonctionvitaleFacteurdéclenchantetcause:lorsquenouslesconfondonsExprimerlacolèreenquatretempsOffrird’aborddel’empathiePrendresontempsLaCNVenpratique

11-RésolutiondesconflitsetmédiationUneconnexiondecœuràcœurRésolutiondeconflitenCNVetmédiationtraditionnelleLesétapesdelarésolutiondeconflitenCNV–unbrefaperçuQuelquesmotssurlesbesoins,lesstratégiesetl’analyseSentirintuitivementlesbesoinsdesautres,quoiqu’ilsdisentLesbesoinsont-ilsétéentendus?L’empathiesoulagelasouffrancequiempêched’entendreParlerauprésentetdansunlangaged’actionpositifpourrésoudrelesconflitsUtiliserdesverbesd’actionTraduireun«non»LaCNVetlerôledumédiateurVotrerôle,etlaconfiancedansleprocessusRappelez-vous:ilnes’agitpasdenousL’empathied’urgenceSuivrel’échange:garderlesyeuxsurlaballeMaintenirlaconversationdansleprésentContinuerd’avancerSavoirinterrompreQuandlesgensrefusentdeserencontrerfaceàfaceLamédiationinformelle:mettrelenezdanslesaffairesdesautres

12-L’usagedelaforcedansunbutdeprotectionLorsquelerecoursàlaforceestinévitableDansquelespritrecourt-onàlaforce?ExemplesdeforcerépressiveLeprixdelapunitionDeuxquestionsquimontrentleslimitesdelapunitionL’usagepréventifdelaforceàl’école

13-SelibéreretaccompagnerlesautresS’affranchirdesanciensconditionnementsRésoudrelesconflitsintérieursPrendresoindenotreenvironnementintérieurRemplacerlediagnosticparlaCNVLaCNVenpratique

14-ExprimersareconnaissanceenCommunicationNonViolenteL’intentionduremerciementLestroiscomposantesd’unremerciementRecevoirunremerciementLasoifdereconnaissanceSurmonterlaréticenceàdiresareconnaissance

Épilogue

Annexes

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Avant-propos

PersonneneméritedavantagenotregratitudequeMarshallRosenberg,quivientdenousquitter.Toutesavie,Marshallaincarnéletitredel’undesesouvrages:Parlerdepaixdansunmondedeconflits.Ilavaittoujoursàl’espritlamaxime(oul’avertissement)quisertdesous-titreàlaversionanglaisedecelivre:Ceque vous allez diremaintenant va changer votremonde.Notre réalité personnelle contient toujours unehistoireet,dansl’histoirequenousvivonsdèsleplusjeuneâge,lelangageoccupeuneplacefondamentale.Ce constat amodelé lamanière dontMarshall aborde la résolution des conflits, amenant les gens à separlersansjugements,reprochesniviolence.Les visages furieuxdesmanifestants qui nousmettent simal à l’aise quandnous regardons le journal

télévisénesontpasquedesimages.Derrièrechaquevisage,chaquecri,chaquegeste,ilyaunehistoire.Nousnouscramponnonstousàlanôtre,carellesertd’ancrageànotreidentité.Alors,quandMarshallnousinvitaitàparlerunlangagedepaix,ilnousinvitaitenmêmetempsàadopterunenouvelleidentité.Ils’enrendait parfaitement compte. Comme il le dit à propos de la CommunicationNonViolente et du rôle dumédiateurdanscette troisièmeédition,«nousessayonsdevivreunsystèmedevaleursdifférent toutenrecherchantunchangementsocial».DanscenouveausystèmedevaleurstelqueMarshalllevoit,lesconflitsserésolventsansfaireappelaux

compromis frustrantshabituels.À laplace, lespartiesenprésences’abordent l’une l’autreavec respect.Elless’interrogentsurleursbesoinsrespectifset,dansuneatmosphèredénuéedepassionsetdepréjugés,ellesentrentenconnexion.Quandonobserveunmondeenproieauxguerresetàlaviolence,danslequelonpensesouventqu’ilyanousetlesautres,etoùdesÉtatssontcapablesd’enfreindretouteslesrèglesdela civilisation pour commettre des atrocités insupportables, un nouveau système de valeurs paraît bienéloigné.Lorsd’uneconférenceeuropéennedemédiateurs,unsceptiqueacritiquél’approchedeMarshallen la qualifiant de psychothérapie. En langage populaire, Marshall ne nous demande-t-il pas d’oubliersimplementlepasséetd’êtreamis–unobjectifbiendifficileàatteindrenonseulementdansunerégionenguerre,maisdansn’importequelleaffairededivorce?Où que l’on soit dans lemonde, on adhère à un système de valeurs. Non seulement il est impossible

d’échapper à ces systèmes, mais les gens en sont fiers. De tous temps, les guerriers ont été à la foisappréciésetcraintsdanslemondeentier.Lesjungiensnousdisentquel’archétypedeMars,ledieudelaguerre, est profondément ancré dans l’inconscient collectif, rendant le conflit et l’agression inévitables,commeunviceinhérentànotrenature.Pourtant,onpeutvoirlanaturehumaineautrement,commelemontrecelivreavecéloquence.Ilfauts’y

intéresser,carc’estnotreseulvéritableespoir.Cetautrepointdevuenenous identifiepasauxhistoiresquenousvivons.Ceshistoiressontdesfictionscrééesparnous-mêmes,quirestentinchangéessousl’effetdel’habitude,delapressiondugroupe,desanciensconditionnementsetdumanquedeconsciencedesoi.Mêmelesmeilleureshistoirescontribuentàlaviolence.Sivousvoulezutiliserlaforcepourprotégervotrefamille,vousprémunircontredesattaques, luttercontrelesméfaitsdesautres,prévenir lacriminalitéetvousengagerdansuneguerreprétendument«juste»,vousavezétéséduitparlechantdessirènesdelaviolence.Si vousdécidezdenepas jouer ce jeu, il y a degrandes chancesque la société se retourneracontrevousetvousleferapayer.Enbref,iln’estpasfaciledetrouveruneissue.En Inde, il existe un ancien modèle de vie non violente qui s’appelle l’Ahimsa. L’Ahimsa se définit

habituellementcommelanon-violence,mêmesisonchampsémantiques’étenddelarésistancepassiveduMahatmaGandhiàlavénérationpourlavied’AlbertSchweitzer.Lepremieraxiomedel’Ahimsapourraitsetraduirepar«Nefaispasdemal».Cequim’abeaucoupimpressionnéchezMarshallRosenberg,quiestdécédéà l’âgedequatre-vingtsans,àpeinesixsemainesavantque jen’écrivecesquelques lignes,c’estqu’ilavaitcomprislesdeuxniveauxdel’Ahimsa:celuidel’actionetceluidelaconscience.Les actions étant bien décrites dans cet ouvrage sous la forme de principes de la Communication

NonViolente,jenelesrépéteraipasici.Êtredanslaconsciencedel’Ahimsaestbeaucouppluspuissant,etMarshallpossédaitcettequalité.Dans

unconflit,ilneprenaitpaspartietnes’intéressaitmêmepasfondamentalementàl’histoiredespartiesenprésence.Reconnaissantque toutes leshistoiresmènentàunconflit, latentououvert, il concentrait sonattentionsurlaconnexionentrelesgenspourétablirentreeuxunpontpsychologique.Onretrouvelàunautreaxiomedel’Ahimsa:cen’estpascequevousfaitesquicompte,c’estlaqualitédevotreattention.Dupoint de vue juridique, un divorce est terminé quand les deux parties se sont mises d’accord sur la

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répartitiondesbiens.Surleplanémotionnel,enrevanche,lesconséquencessontbienplusdurables: lespersonnes concernées ont échangé trop de paroles qui, pour reprendre l’expression de Marshall, ontchangéleurmonde.L’agressionfaitpartieintégrantedufonctionnementdel’ego,quiestentièrementcentrésur«je,moietle

mien»chaquefoisqu’unconflitsedéclare.Lasociétéfaitminedes’inspirerdessaintsetdeleurvœudeservirDieuplutôtqu’eux-mêmes,mais il yaungrand fosséentre lesvaleursquenousembrassonset lamanière dont nous vivons réellement. L’Ahimsa comble ce fossé en élargissant le champ de notreconscience.Leseulmoyendemettrefinàtouteviolenceestderenoncerànotrehistoire.Ilestimpossibled’accéder à l’Éveil tant que l’on a un intérêt personnel dans le monde – voilà ce qui pourrait être letroisièmeaxiomedel’Ahimsa.Cependant,cetenseignementpeutsembleraussiradicalqueleSermonsurlamontagne,danslequelJésusprometqueleshumbleshériterontlaterre.Danslesdeuxcas, ilnes’agitpasdechangervosactionsmaisdechangervotreconscience.Pourcela,

vousdevezparcouriruncheminallantdeAàB,oùAestuneviesoumiseauxexigencesincessantesdel’egoetBuneviemarquéeparuneconsciencedésintéressée.Pourêtrefranc,uneconsciencedésintéresséeestrarementunobjetdedésir,maisplutôtuneaspirationquiparaîtàpremièrevueeffrayanteetimpossibleàatteindre. Quelle gratification peut-on espérer si l’on débranche l’ego, dont la seule motivation est larecherchedegratification?Unefoisl’egohorsservice,reste-t-onsansrienfaire,passifetspirituellementinerte?Laréponsesetrouvedanscesmomentsoùlemoisemetenretraitnaturellementetspontanément,par

exemplependantuneméditationousimplementquandonéprouveunprofondcontentement.Laconsciencedésintéressée est l’état dans lequel nous sommes lorsque la nature, l’art ou la musique suscitent notreémerveillement. L’unique différence entre ces moments – auxquels nous pouvons ajouter toutes lesexpériencesdecréativité,d’amouretde jeu–et l’Ahimsatientaufaitque lespremiersvontetviennent,tandis que la seconde est un état stable. L’Ahimsa révèle que les histoires vécues et les ego qui lesalimentent sont des illusions, des modèles que nous créons nous-mêmes pour des raisons de survie etd’égoïsme.La récompensequenousapporte l’Ahimsane consistepas à renforcer l’illusion, ceque l’egocherche toujours à faire en aspirant à plus d’argent, de possessions et de pouvoir. La récompense, c’estd’arriveràdevenirquinoussommesvraiment.Ilestexagéréd’évoqueruneconsciencesupérieurepourdécrirel’Ahimsa.Ilseraitplusexactdeparlerde

consciencenormaledansunmondeoùlanormeestsianormalequ’ellerelèvedelapsychopathologie.Vivredansunmondeoùdesmilliersd’ogivesnucléaires sontdirigéesvers l’ennemietoù le terrorismeestunactereligieuxacceptable,c’estdevenulanorme,maiscen’estpasnormalpourautant.À mes yeux, l’héritage que Marshall nous laisse par le travail de toute sa vie ne réside pas dans la

manière dont il a révolutionné le rôle de médiateur, aussi précieux que cela soit. Cet héritage, c’est lenouveausystèmedevaleursselonlequelMarshallvivait,quiestenréalitétrèsancien.L’Ahimsadoitêtreravivéavecchaquegénération,parcequelanaturehumaineestdéchiréeentrepaixetviolence.MarshallRosenbergaprouvéquel’onpouvaitréellemententrerdanscetétatdeconscienceélargieetquecelui-cipouvaitdonnerdesrésultatstrèsconcretspourlarésolutiondeconflits.Ilnenousrestequ’àmarchersursestraces.Sinotrevéritableintérêtpersonnelnoustientàcœur,nouslesuivrons.C’estlaseulesolutiondansunmondedésespérémentenquêtedesagesseetdepaix.

DEEPAKCHOPRA

Fondateurducentredesoinsquiportesonnom,leChopraCenterforWellbeing,etauteurdeplusdequatre-vingtslivrestraduitsdansplusdequarante-troislangues,dontvingt-deux

best-sellersduNewYorkTimes.

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Lesleçonsdemongrand-pèrePréfaceàladeuxièmeédition

GrandirenAfriqueduSuddanslesannées1940,aumomentdel’apartheid,n’avaitriend’agréablepourunepersonnedecouleur,surtoutlorsqu’onvouslerappelaitbrutalementàtoutmoment.Sefairepasseràtabacàl’âgededixanspardejeunesBlancsparcequ’ilsvoustrouventtropnoir,puispardejeunesNoirsparcequ’ilsvoustrouventtropblancestuneexpériencehumiliantequipourraitconduiren’importequiàsevengeravecviolence.

J’étaistellementindignépartoutcequim’étaitarrivéquemesparentsdécidèrentdem’emmenerenIndepour que je puisse passer un peu de temps avec mon grand-père, le légendaire Mahatma Gandhi, etapprendreàsescôtéscommentgérerlacolère,lafrustration,ladiscriminationetl’humiliationquepeuventsusciterdespréjugés raciauxviolents.Pendant lesdix-huitmoispassésauprèsde lui, j’enai apprisbienplusquejenel’avaisprévu.Monseulregret,àprésent,estquejen’avaisalorsquetreizeansetquej’étaisdesurcroîtunélèvemédiocre.Siseulementj’avaisétéplusâgé,unpeuplussageetunpeuplusréfléchi,j’auraispuenapprendrebiendavantageencore.Maisilfautêtreheureuxdecequel’onareçuetnepasenvouloirtrop–voilàunenseignementfondamentaldel’artdevivredanslanon-violence.Commentpourrais-jel’oublier?

AuprèsdeGrand-père, j’ai appris, entreautresnombreuses leçons, à comprendre lanon-violencedanstous ses aspects, à reconnaître que nous sommes tous habités par la violence et qu’il est nécessaire dechangerlamanièredontnousnouscomportons.Souvent,nousnereconnaissonspasnotrepropreviolenceparcequenouslaméconnaissons.Nousprésumonsquenousnesommespasviolentsparcequenotrevisiondelaviolenceestfaitedecombats,demeurtres,decoupsetdeguerres,c’est-à-direlegenredechosesquelespersonnesordinairesneviventpas.Pourquejepuisseintégrerceconcept,Grand-pèrem’afaitdessinerunarbregénéalogiquedelaviolenceenappliquant lesmêmesprincipesquepourunarbregénéalogiqueclassique. Ilaffirmaitque jeme feraisunemeilleure idéede lanon-violencesi jepouvaiscomprendreetreconnaîtrelaviolencequiexistedanslemonde.Chaquesoir, ilm’aidaitàanalyserlesévénementsdelajournée–toutcequej’avaisvécu,lu,vuoufaitauxautres–etàlesplacersurl’arbre,soitsouslabranche«physique»(s’ils’agissaitdeviolencefaisantappelàlaforcephysique),soitsouslabranche«passive»(silaviolenceaboutissaitàunesouffranceplutôtémotionnelle).

En l’espacedequelquesmois, j’avais recouvert toutunpandemurdemachambreavecdesactesdeviolence « passive » que Grand-père décrivait comme étant plus insidieux que les actes de violence«physique». Ilm’expliquaalorsque laviolencepassive finissaitparsusciter lacolèrede lavictimequi,individuellementouentantquemembred’ungroupe,réagissaitavecviolence.End’autrestermes,c’estlaviolence passive qui alimente le feu de la violence physique. C’est parce que nous ne comprenons nin’intégronsceprincipequetousnoseffortsenfaveurdelapaixn’aboutissentpas,oubienquelapaixquenousobtenonsn’estquetemporaire.Commentpouvons-nouséteindreunincendiesinousnecouponspasd’abordlasourcequialimentelaflamme?

Grand-père insistait toujours avec véhémence sur le besoin d’intégrer la non-violence dans notrecommunication,commelefaitadmirablementMarshallRosenbergdepuisdelonguesannéesàtraverssesécritsetsesséminaires.J’ailuavecunimmenseintérêtlelivredeM.RosenbergintituléLesmotssontdesfenêtres(oubiencesontdesmurs). Introductionà laCommunicationNonViolente ; j’aiété impressionnéparlaprofondeurdesontravailetparlasimplicitédessolutionsqu’ilpréconise.Àmoins,commeledisaitGrand-père, que nous ne devenions le « changement que nous souhaitons voir dans le monde », aucunchangementn’aurajamaislieu.Malheureusement,nousattendonstousquel’autrechanged’abord.

Lanon-violencen’estpasunestratégiequenouspouvonsutiliserunjouretlaisserdecôtélelendemain,pasplusqu’ellene faitdenousdesagneauxoudesmauviettes.Lanon-violenceconsisteà inculquerdesattitudespositivespourremplacerlesattitudesnégativesquinousdominent.Toutcequenousfaisonsestconditionnépardesmotivationségoïstes–cequenousavonsàgagner–etplusencoredansunesociétéàdominante matérialiste qui tire sa force d’un individualisme à toute épreuve. Aucun de ces conceptsnégatifsnecontribueàcréerdesfamilles,descommunautés,dessociétésoudesnationshomogènes.

Peu importe que nous nous rassemblions dans les moments de crise et que nous prouvions notrepatriotismeenbrandissantnotredrapeau;ilnesuffitpasdedevenirunesuper-puissanceenconstruisant

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unarsenalcapablededétruireplusieursfoislaTerre;nid’assujettirlerestedumondeparnotrepuissancemilitaire,carlapaixnepeutsefondersurlapeur.

Lanon-violenceconsisteàfaireémergercequ’ilyadepositifennous.Laissons-nousenvahirparl’amour,lerespect,lacompréhension,l’appréciation,labienveillanceetl’attentionenverslesautres,plutôtqueparles comportements égocentriques, égoïstes, avides, haineux, pleins de préjugés, de suspicion etd’agressivitéquidominentlaplupartdutempsnotrepensée.Nousentendonssouventlesgensdire:«Cemondeest sanspitiéet si l’onveut survivre, il fautdevenir impitoyableaussi. »Permettez-moid’êtreendésaccordaveccetteaffirmation.Cemondeestcequenousenavons fait.S’ilestsanspitiéaujourd’hui,c’estparcequenousl’avonsrenduimpitoyableparnoscomportements.Nousnepouvonschangerlemondequesinouschangeonsnous-mêmes,etcelacommenceparnotrelangageetnotrefaçondecommuniquer.Jerecommandevivementlalecturedecelivreetl’applicationdesprincipesdelaCommunicationNonViolentedont il traite. Il s’agit d’un premier pas important vers une nouvelle façon de communiquer et vers lacréationd’unmondedecompassion.

ARUNGANDHI

FondateuretprésidentduM.K.GandhiInstituteforNonviolence

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PréfacedeCharlesRojzman

Un peu partout dans lemonde, la violence estmanifeste. Que ce soit sous les formes très visibles dunettoyage social ou ethnique, de la criminalité, des violences urbaines ou sous des formes plus secrètesdanslesfamillesoulesentreprises,elleprolifère,semantàsontourlesgrainesdelapeuretdelahainedans le cœur des individus, réintroduisant parfois le cycle fatal de la vengeance. En France, depuisquelquesannées,dansungrandnombredequartierspopulaires,desviolences,desincivilitésrendentlaviedeshabitantsetdesprofessionnelsquiytravaillenttrèsdifficileetparfoisdangereuse.Le sentiment d’insécurité se généralise. Découragés, désorientés, dévalorisés même par leur propre

impuissance,lesagentsdesservicespublics,lestravailleurssociauxrisquentd’abandonneràleursortleshabitantsdecescités,aggravantainsi leurexclusion.Pisencore, lesrupturesde lacommunicationetdudialogueentraînent l’agressivité, lamontéeauxextrêmes, l’incompréhensionet lesmalentendus,pournepas dire la haine et la paranoïa entre les uns et les autres. Certains policiers, et même des pompiersaccueillis à coups de pierres dans les cités, parfois menacés de mort, en viennent à considérer ces«autres»commedesennemisqu’il faudra,disentcertains,un jourou l’autreexterminer.Unracismeserépand,quihésiteàs’exprimerenpublic,maisqui,portesfermées,n’hésiteplusàsedireavecdesmotsquiont la couleur du meurtre et du massacre. « Un jour, ça sera pire qu’au Kosovo, ici, monsieur », ai-jeentendudireiln’yapaslongtemps.Danscelivre,MarshallRosenbergproposesonremède, la«CommunicationNonViolente».Inspirépar

lescomportementsetlesparolesdetousceuxquilapratiquentspontanément,ilamisaupointunartdudialoguefondésurl’empathieetl’authenticité.Travaillantauquotidiendanscesvilles, cesquartiersavecdespersonnesde toutesoriginesetde tout

niveau hiérarchique, j’ai pu constater à quel point la vision et les méthodes de Marshall Rosenbergpouvaientêtreutiles,d’unepart,àceuxquifaisaientfaceàdesagressions,physiquesouverbales,d’autrepart,àceuxquisanss’enrendrevraimentcompteengendraientparleurscomportementsouleursparolesdes réponses violentes. Les travailleurs sociaux, les enseignants, les policiers, les personnels chargésdel’accueil dans les mairies ou les organismes de logement social ont besoin de comprendre ce qui,concrètement,déclenchelaviolence,au-delàdesexplicationspurementsociologiquesouéconomiquesquiles laissent, à leur niveau, complètement impuissants. Ils ont aussi besoin d’outils, de méthodes pouraffronterdessituationsnouvellesauxquellesilsnesontengénéralpaspréparés.Cettecompréhension,cesméthodesetcesoutils, ils lestrouverontdansle livredeMarshallRosenberg.Ilstrouverontlesmots, lesattitudes qui permettent d’écouter l’autre et de se faire entendre par lui dans les situations les plustendues, ce « langage du cœur », comme dit Marshall Rosenberg, qui est enfoui en nous et que nouspouvonsapprendreàréveiller.Les sceptiques et les cyniques souriront peut-être à l’évocation des mots utilisés dans ce livre :

comment l’« empathie », la « bienveillance », la « langue du cœur », toutes ces notions expliquées ici,pourraient-ellesnousaideràrésoudredesproblèmescomplexesliésàlamondialisationdel’économie,audéveloppement de la criminalité et aux sursauts identitaires ? N’y aurait-il pas naïveté ou hypocrisie –défauts typiquementaméricainspourcertains –àcroireque le salutpourraitnousvenird’unemeilleurecommunication?Enfait, ilnes’agitpas icidecommunicationausenshabituelduterme; ilnes’agitpasd’apprendreà

utiliser des procédés qui permettraient la manipulation de l’autre. Il s’agit du langage qui traduit nosconvictions profondes d’individu. À l’opposé, le langage qui juge est le résultat d’un conditionnement, iln’estpasnaturel.LathèsedeMarshallRosenberg,suivantenceladesprédécesseurscommeCarlRogersou Paulo Freire, consiste à montrer que ce langage est à la fois celui de la domination et celui de lasoumission.Cen’estpaslelangagedelalibertéetdel’égalité.QueRosenbergsetrompeencroyantenlabienveillancenaturellede l’êtrehumainn’estpas important :cequicompte,c’estque lamalveillance, laviolence,latyrannie,elles,ontfaitl’objetd’unapprentissageaveclequelonpeutrompre.«Touteviolenceémaned’unmodedepensée,expliquel’auteur,quiattribuelacauseduconflitauxtorts

del’adversaireetàl’incapacitédereconnaîtresaproprevulnérabilitéoucelledel’autre.»Untelmodedepenséepermeteneffetd’accuser,deculpabiliseretdefairelaguerre.«Àl’entréedesgrandspalaisdeMésopotamieetd’Égyptesedressaientdegigantesquesstatuesdelions

etdetaureauxdontl’objectifprincipalétaitderemplirceuxquis’approchaientdelaroyaleprésenced’unsentiment paralysant de leur propre petitesse et de leur propre impuissance. » C’est ainsi que LewisMumforddécritlamégamachinemiseenplaceàBabyloneetdansl’Égypteancienneetquiselonluiaété

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recrééeparl’Occidentmoderne,etétabliedésormaissurl’ensembledelaplanète.Lemoyend’assurerlepouvoir des uns et l’obéissance des autres a toujours été le langage, un langage qui humilie, violente,assujettitetqui,intériorisé,empêcheledéveloppementd’uneâmelibreetfière.Laquestionestposée : commentsortirde laviolenceou,à tout lemoins,vivreensembleavecunpeu

moinsdeviolenceetplusdesociabilité?La réponsedece livreest simple : commençonsdéjàparnoussentirnous-mêmesresponsables.Àtraverslarelationàl’autre,travaillonsàsortirducarcandeshabitudesapprises.Ainsi,celivrenouspermetdeprendreconscienceque,faceauxdangersquinousmenacent,unenouvelle

éthiqueestnécessaire:l’éthiquedusoucidesoi,desautres,detouslesêtresvivantsquidemandentàêtreprotégésetsoignés.D’uneéthiquedelaresponsabilité,delasollicitudeetdelacompassion.Ilnousfautcomprendre que les changements institutionnels, politiques, économiques, si nécessaires, ne serontpossiblesquedanslamesureoùlesêtreshumainsaccéderontàl’autonomieetàlaresponsabilité.Encore une fois, de tels mots peuvent paraître aujourd’hui dévalués et dérisoires. Dans le modèle de

comportementquenousavonsassimilésanslevouloiretsanslesavoir,nousneparlonspaslelangageducœur.Mais rappelons-nousquece langageaétéutiliséen leur tempsparGandhietMartinLutherKingpour dire à la fois leurs refus, leur révolte devant l’injustice et la haine, et leur compassion pour leursadversairespétrisdelamêmehumanité.Rappelons-nousaussiquedansunmonderemplidesouffrancesparfoisvisibles,parfoiscachées,maistoujoursprésentesdanslescouples,lesfamilles,lesentreprises,lesinstitutions, le mépris, la haine et la peur minent toutes les relations et contribuent à élever un murd’incompréhensionentrelesunsetlesautres…Cesmursquenousavonsbâtisouacceptédevoirbâtir,quenouscontinuonsàmaintenirsanstoujours

nousenrendrecompte,MarshallRosenbergnousapprendàlesreconnaîtreetnousdonnequelquesoutilspourlesabattre.Ensemble.

CHARLESROJZMAN

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Remerciements

Jesuisreconnaissantd’avoirpuétudierettravailleraveclePrCarlRogersàl’époqueoùileffectuaitdesrecherchessur lesdiversaspectsde larelationd’aide.Lesrésultatsdeces travauxderechercheontétédéterminantsdansl’élaborationduprocessusdecommunicationquejedécrisdanscetouvrage.JeseraitoujoursreconnaissantauPrMichaelHakeem,quim’aaidéàvoirleslimitesscientifiquesetles

dangerssociauxetpolitiquesdelapratiquedelapsychologieàlaquellej’avaisétéforméetquiserésumaitàuneapprochepathologiquedel’êtrehumain.Prendreconsciencedeslimitesdecemodèlem’aencouragéàchercherdesfaçonsdepratiquerunepsychologiedifférente,fondéesuruneperceptiondeplusenplusclairedeceàquoilavienousinviteentantqu’êtreshumains.MagratitudevaégalementàGeorgeMilleretGeorgeAlbee,quiontcontribuéàattirer l’attentiondes

psychologuessurlanécessitédetrouverdemeilleursmoyensderendrelapsychologieaccessible.Ilsm’ontaidéàcomprendreque l’énormitédessouffrancessurnotreplanèterequiertdesméthodesplusefficacesquel’approchecliniquepourdiffuserunsavoir-faireindispensable.Je voudrais remercier Lucy Leu, qui a révisé cet ouvrage etmis la dernièremain aumanuscrit ; Rita

Herzog et Kathy Smith, qui ont participé à la relecture ; et DaroldMilligan, Sonia Nordensen,MelanieSears, Bridget Belgrave, Marian Moore, Kittrell McCord, Virginia Hoyte et Peter Weismiller pour leurscontributions.Pourl’éditionfrançaise,jetiensàremercierlesformateursquiontdonnédeleurtempsetdeleurénergie

pour réviser la traduction, en particulier Laurence Bruschweiler et Anne Bourrit, et tout spécialementChristianeSecretan,quis’estdévouéesanscompter.Qu’il me soit enfin permis de dire ma gratitude à mon amie Annie Muller, qui, en m’encourageant à

préciserlesfondementsspirituelsdemontravail,arenforcécelui-cietluiadonnéunevigueurnouvelle.MARSHALLB.ROSENBERG

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Lesmotssontdesfenêtres(oubiencesontdesmurs)JemesenssicondamnéepartesmotsJemesenstellementjugéeetrepoussée,Avantdepartir,j’aimeraissavoir,Est-cecelaquetuvoulaisdire?Avantquejenemelèvepourmadéfense,AvantquejeneparlepousséeparmasouffranceouparlapeurAvantquejeneconstruiseunmurdemots,Dis-moi,ai-jebienentendu?Lesmotssontdesfenêtres,oubienilssontdesmurs.Ilsnouscondamnentounouslibèrent.Lorsquejeparleetlorsquej’écoute,Puisselalumièredel’amourrayonneràtraversmoi.Ilyadeschosesquej’aibesoindedire,Deschosesquisignifienttantpourmoi,Simesmotsnerendentpasmonmessagelimpide,M’aideras-tuàmesentirlibre?Sij’aiparuterabaisser,Situm’ascrueindifférente,Essaied’écouterpar-delàmesmotsLessentimentsquenouspartageons.

RUTHBEBERMEYER

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L’élanducœurAuxsourcesdelaCommunicationNonViolente

«Cequejerecherchedanslavie,c’estlabienveillance,unéchangeaveclesautresmotivéparunélanducœurréciproque.»

MARSHALLB.ROSENBERG

IntroductionPartantdelaconvictionquenotrenatureprofondenousporteàaimerdonneretrecevoirdansunespritdebienveillance,j’aipassémavieàm’intéresseràdeuxquestions.Commentsefait-ilquenouspuissionsnouscouper de notre bonté naturelle au point d’adopter des comportements violents et agressifs ? Etinversement, comment certains individus parviennent-ils à rester en contact avec cette bonté naturellemêmedanslespirescirconstances?Monintérêtpourcesquestionss’estéveillédansmonenfance,aucoursdel’été1943,lorsquemafamille

s’estétablieàDetroit,dansleMichigan.Lestensionsracialesétaienttrèsvivesetnousn’étionspasarrivésdepuisdeuxsemainesqu’unincidentdansunjardinpublicmit lefeuauxpoudres.Enquelquesjours, lesémeutes firentplusd’unequarantainedevictimes.Notrequartierétaitaucentredu foyerdeviolenceetnoussommesrestésbarricadéscheznouspendanttroisjours.Àlarentréedesclasses,lecalmeétaitrétabli.Cefutàl’écolequejedécouvrisqu’unpatronymepouvait

être aussi préjudiciable qu’une couleur de peau. L’instituteur fit l’appel et, lorsqu’il prononçamon nom,deuxgarçonsmejetèrentdesregardsnoirsetsifflèrent:«Saleyoupin!»Jen’avaisjamaisentendulemotet j’ignorais qu’il était employé comme un terme de mépris envers les Juifs. Les deux compèresm’attendirentàlasortieet,aprèsm’avoirjetéàterre,ilsmerouèrentdecoups.Depuiscejour,jen’aicessédem’interroger.CommentunefemmecommeEttyHillesum,parexemple,a-t-

ellepuresterfidèleàsanatureprofondémentbienveillante,alorsmêmequ’elleétaitplongéedansl’atrocitéd’uncampdeconcentrationnazi?Voicicequ’elleconfiaàl’époqueàsonjournal:

Jenesuispasparticulièrementimpressionnable.Nonquejesoiscourageuse,maisjesaisquej’aienfacedemoidesêtreshumainsetquejedoisfairedemonmieuxpourcomprendrechacundesactesd’unindividu.Etc’estprécisémentlàcequiétaitimportantcematin:nonqu’unjeuneofficierbougondelaGestapoaithurlécontremoi,maislefaitqu’aulieudem’indignerj’aieeuenvied’allerversluietdeluidemanders’ilavaiteuuneenfancetrèsmalheureuseousisafiancéevenaitdelequitter.Carilsemblaitsurmenéetépuisé,maussadeetaffaibli.J’auraisaimécommenceràm’occuperdeluisur-le-champ,carjesaisquedesjeunesgensaussipitoyablesdeviennentdangereuxdèsqu’onleurdonnelemoindrepouvoirsurleurssemblables.

ETTYHILLESUM,Uneviebouleversée1

En étudiant les facteurs susceptibles de nous couper de cette bienveillance, j’ai été frappé par le rôledéterminant du langage et de l’usage que l’on fait des mots. J’ai depuis lors défini un mode decommunication–d’expressionetd’écoute–quifavorisel’élanducœuretnousrelieànous-mêmesetauxautres, laissant libre cours à notre bienveillance naturelle. C’est ce que j’appelle la « CommunicationNonViolente»(abrégéeenCNV),etquel’onretrouveparfoissouslenomde«Communicationcréative»oude«Communicationempathique».J’utilise letermedenon-violenceausensoù l’entendaitGandhi,pourdésignernotreétatnatureldebienveillancelorsqu’ilneresteplusennouslamoindretracedeviolence.Carbienquenouspuissionsavoirl’impressionquenotrefaçondeparlern’ariende«violent»,ilarrivesouventquenosparolessoientsourcedesouffrancepourautruioupournous-mêmes.

LaCNV:unmoyendecommuniquerquifavorisel’élanducœur.

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ApprendreàdirigersonattentionLaCNVreposesurunepratiquedulangagequirenforcenotreaptitudeàconservernosqualitésdecœur,

même dans des conditions éprouvantes. Elle n’innove pas, et tous ses principes sont connus depuis dessiècles.Sonobjectif estdenous rappeler cequi fait la valeurprofondedes interactionshumaines, etdenousaideràlesvivreaveccetteconscience.LaCNVnousengageàreconsidérerlafaçondontnousnousexprimonsetdontnousentendonsl’autre.

Lesmotsnesontplusdesréactionsroutinièresetautomatiques,maisdeviennentdesréponsesréfléchies,émanant d’une prise de conscience de nos perceptions, de nos émotions et de nos désirs. Nous nousexprimons alors sincèrement et clairement, en portant sur l’autre un regard empreint de respect etd’empathie.Dans tout échange, nous sommes à l’écoute de nos besoins les plus profonds et de ceux del’autre. La CNV aiguise notre sens de l’observation et nous incite à identifier les comportements et lessituations qui nous touchent. Nous apprenons aussi à définir et à formuler clairement ce que noussouhaitonsdansunesituationdonnée.Pourélémentairequ’elleparaisse,cettedémarcheestunpuissantmoyendetransformation.Endéjouantnosvieuxschémasdedéfense,deretraiteoud’attaque,laCNVnousamèneàuneperception

neuve de nous-mêmes et des autres, mais aussi de nos intentions et de nos relations. Elle modère lesréactionsderésistance,dedéfenseoud’agressivité.Eneffet,lorsqueaulieudecritiqueretdejugernoussommes attentifs à ce que nous observons, ressentons et désirons, nous découvrons l’ampleur de notreproprebonténaturelle.Parcequ’elleprivilégielaqualitédel’écoutedesoietdel’autre,laCNVsuscitelerespect, l’attention et l’empathie, et engendre un désir mutuel de donner spontanément dans l’élan ducœur.

Nouspercevonsnosrelationssousun journouveau lorsquenousutilisons laCNVpourentendrenosbesoinsprofondsetceuxdesautres.

Bienquejelaprésentecommeun«processusdecommunication»ouun«langagedelabienveillance»,la CNV est plus qu’un processus ou un langage : c’est une invitation permanente à concentrer notreattentionlàoùnousavonsleplusdechancesdetrouvercequenousrecherchons.Jeracontevolontiersl’histoiredecethommeunrienéméché,quicherchaitquelquechoseàquatrepattes

aupiedd’unlampadaire.Unpolicierpassantparlàluidemandacequ’ilfabriquait.«Jecherchemesclésdevoiture»,répondit-il.«Vouslesavezperduesparici?»demandalepolicier.«Non,répliqua-t-il.Ellessonttombées dans l’allée. » Puis, voyant l’air déconcerté de l’agent, il s’empressa d’ajouter : « Mais c’estbeaucoupmieuxéclairéici.»Jemesuisrenducompteque,parmonconditionnementculturel,j’aitendanceàfocalisermonattentionlà

où j’aipeudechancesd’obtenirceque jedésire. J’aimisaupoint laCNVpourapprendreàportermonattention – ou orienterma conscience – sur cequi pourraitme livrer ceque je recherche.Or, ceque jerecherche dans la vie, c’est la bienveillance, un échange avec autrui motivé par un élan du cœurréciproque.

Dirigeonsnotre conscience là oùnousavonsdes chancesde trouver cequenousrecherchons.

LachansondemonamieRuthBebermeyer illustrebiencesensde labienveillance,que j’assimileàun«élanducœur»:

JamaisjenemesenspluscombléeQuelorsquetuacceptesmonoffrande,Lorsquetucomprendsmajoiededonner,Lorsquetusaisquemondonn’attendrienenretourMaisnaîtdemondésird’exprimerl’amourquej’aipourtoi.RecevoiravecgrâceEstpeut-êtreleplusbeaudon.Jenepeuxabsolumentpasdissocierl’undel’autre.Lorsquetumedonnes,Jet’offremareconnaissance.Lorsquetuacceptesmonoffrande,jemesenssicomblée.

«Recevoir»(1978),deRUTHBEBERMEYER,extraitdel’albumGivenTo

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Lorsque nous donnons spontanément, nous éprouvons la joie de celui qui, du fond du cœur, apportequelque chose à autrui. Ce type de don enrichit autant le destinataire que celui qui donne. Le premierl’apprécie,sanscraindrelesarrière-penséesquiaccompagnentlesdonsmotivésparlapeur,laculpabilité,lahonteoul’appâtdugain.Lesecondestcomblécar,parsongeste,ilacontribuéaubien-êtredel’autre.LaCNVpeuttoutàfaitêtreutiliséeavecdesinterlocuteursétrangersàcetypedecommunication,voire

indifférentsouhostiles.Si,conformémentauxprincipesdelaCNV,notreseuleintentionestdedonneretderecevoiravecbienveillance,etsinousmettonstoutenœuvrepourmanifesterà l’autrecette intention, ilnousrejoindradansleprocessusoffert,ettôtoutardnousparviendronsàcommuniquerdecettemanière.Jenedispasquecelaseferarapidement,maisjemaintiensquelabienveillances’épanouitinéluctablementlorsquel’onrestefidèleàl’espritetauprocessusdelaCNV.

LadémarchedelaCNVPour parvenir à un désir réciproque de donner du fond du cœur, nous focalisons notre attention sur

quatrepoints,quiconstituentlesquatrecomposantesdelaCNV.Dansunpremiertemps,nousobservonscequisepasseréellementdansunesituationdonnée:qu’est-ce

qui,danslesparolesoulesactesd’autrui,contribueounonànotrebien-être?L’importantestdeparveniràénoncercesobservationssansymêlerdejugementoud’évaluation–cequirevientàdiresimplementquelssont les faits que nous apprécions ou n’apprécions pas. Puis, nous disons ce que nous ressentons enprésencede ces faits : sommes-nous tristes, joyeux, inquiets, amusés, fâchés ?…En troisième lieu, nousprécisonslesbesoinsàl’originedecessentiments.C’est la conscience de ces trois composantes qui nous permet de nous exprimer clairement et

sincèrementenCNV.

LesquatrecomposantesdelaCNV:1.observations2.sentiments3.besoins4.demandes.

Lamèred’unadolescentpourraitainsiexprimercestroispointsendisantàsonfils:«Félix,quandjevoistroischaussettessalessouslatabledusalonetdeuxautressouslatélé,jesuisdemauvaisehumeurparcequej’aibesoindeplusd’ordredanslespiècesquenouspartageons.»Elle compléterait aussitôt en exprimant la quatrième composante, à savoir une demande précise et

concrète:«Tuveuxbienrangerteschaussettesoulesmettreausale?»Cequatrièmeélément indiqueprécisémentcequel’ondésiredelapartdel’autreafinquenotreviesoitplusagréable.Ainsidonc,unepartiedelaCNVviseàexprimertrèsclairementcesquatreélémentsd’information,soit

enlesverbalisant,soitpard’autresmoyens.L’autreaspectconsisteàrecevoircesquatremêmesélémentsd’informationde lapartdenotre interlocuteur.Dans lemessagequ’ilnousadresse,nouscherchons toutd’abordàpercevoirlesfaitsqu’ilobserve,cequ’ilressentetlesbesoinsqu’iléprouve,puisàidentifiercequipourraitcontribueràsonbien-êtreenécoutantlequatrièmeélément,sademande.Enfocalisantnotreattentionsurcesquatrepoints,etenaidantl’autreàsuivrelamêmedémarche,nous

établissonsuncourantdecommunicationquidébouchetoutnaturellementsur labienveillance: jediscequej’observe,ressensetdésire,etcequejedemandepourmonmieux-être;j’entendscequetuobserves,ressensetdésires,etcequetudemandespourtonmieux-être.

LadémarchedelaCNVJ’observeuncomportementconcretquiaffectemonbien-être.Jeréagisàcecomportementparunsentiment.Jecernelesdésirs,besoinsouvaleursquiontéveillécesentiment.Jedemandeàl’autredesactionsconcrètesquicontribuerontàmonbien-être.

Lorsquenoussuivonscettedémarche,nouspouvonscommencersoitparl’expressiondesquatreélémentsnousconcernant,soitpar l’accueilempathiquedecesquatreélémentsdans l’expressionde l’autre.Nousreviendronspluslonguementsurl’écouteetl’expressiondechacundeceséléments(chapitres3à6),maispour l’heure souvenons-nous que, loin d’être une recette figée, la CNV s’adapte à toutes les variétéspossiblesdesituations,demêmequ’austylepersonneletcultureldechacun.Etbienque,pourdesraisonspratiques,ilm’arrivededirequelaCNVestun«processus»ouun«langage»,ellepermettoutaussibiend’exprimercesquatrecomposantessansuneparole,carsonprincipemêmereposenonsurlaverbalisation,maissuruneprisedeconsciencedesquatrecomposantes.

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LesdeuxphasesdelaCNV:1.exprimernotresincérité2enutilisantlesquatrecomposantes;2.écouteravecempathieenutilisantlesquatrecomposantes.

LaCNVauquotidienLorsquenouspratiquons laCNVdansnos interactions–avecnous-mêmes,avecuninterlocuteurouau

seind’ungroupe–,nousnous installonsdeplusenplusdansnotrebienveillancenaturelle. Ils’agitdoncd’unepratiquequipeutêtreefficacementappliquéeàtouslesniveauxdecommunicationetàtoutessortesdesituations:

relationsdecouple,relationsfamiliales,milieuscolaire,milieuprofessionnel,relationthérapeutique,négociationsdiplomatiquesetrelationsd’affaires,résolutiondeconflitsetdifférendsdetoutessortes.

Pourcertains,laCNVpermetdecréerdesrapportsdecoupleplusprofondsetplusattentifs.

Lorsquej’aicompriscommentjepouvaisrecevoir(entendre)etdonner(exprimer)enutilisantlaCNV,j’aicessédemesentiragresséeetdemevoircommeunevictime,pourvéritablementécouterlesmotsquimeparvenaientetpercevoir lessentimentsqu’ilsrecouvraient.C’estainsique jemesuisrenducomptequel’hommeavecqui jevivaisdepuisvingt-huitansétaitunhommequisouffraitbeaucoup.Quelquesjoursavantl’atelierdeCNV,ilm’avaitdemandéledivorce.Jen’entreraipasdanslesdétails,maistoujoursest-ilqu’aujourd’huinoussommesencoreensemble,et j’apprécielacontributiondelaCNVàcetteheureuseissue.J’aiapprisàécouterlessentiments,àexprimermesbesoins,àaccepterdesréponsesquejen’avaispasforcémentenvied’entendre.Iln’estpaslàpourmerendreheureuseetjenesuispaslàpourfairesonbonheur.Nousavonstousdeuxapprisàgrandir,àaccepteretàaimer,desortequechacuntrouvesaplénitude.

Uneparticipanted’unatelierdeSanDiego

D’autresl’emploientpourétablirdesrelationsplusefficacesdansleurvieprofessionnelle.

JepratiquelaCNVdansmesclassesd’éducationspécialiséedepuisbientôtunan.Celamarchemêmeavec des enfants qui ont un retard de langage, des difficultés d’apprentissage ou des troubles ducomportement.J’aiainsiunélèvequi,dèsqu’ilvoitdescamaradesapprocherdesatable,crache,jure,hurle et les pique avec son crayon. J’ai mon code avec lui et je lui dis : « S’il te plaît, dis celaautrement;dis-ledanstalanguegirafe.»(Danscertainsateliers,onutilisedesmarionnettesdegirafepourillustrerlaCNV.)Ilselèveaussitôt,regardelapersonneenversquiiléprouvedelacolèreetluiditcalmement:«Veux-tut’éloignerdematable?Jesuisencolèrequandtuesaussiprèsdemoi.»Alors, les autres élèves lui répondent par exemple : « Excuse-moi, j’avais oublié que ça tedérangeait.»Puis, j’ai réfléchi auxcontrariétésque je ressentais faceà cet enfantet j’ai cherchéà identifier lesbesoinsquej’éprouvais–misàpartl’ordreetl’harmonie.Jemesuisalorsrenducomptequejepassaisbeaucoupdetempsàpréparermescoursetque,lorsquejeréglaisdesproblèmesdediscipline,celacourt-circuitait mes besoins de créativité et de participation. J’avais également l’impression denégligerlesbesoinspédagogiquesdesautresélèves.Àpartirdelà,dèsqu’ilcommençaitàs’exciter,jeluidisais :« J’aimeraisque tuécoutes toiaussi.» J’aiparfois répétécelacent foispar jour,mais ilentendaitlemessageet,engénéral,ilréagissaitens’intéressantaucours.

UnenseignantdeChicago(Illinois)

Unmédecintémoigneégalementdesonexpérience.

J’utilisedeplusenpluslaCNVdansmapratiquedemédecin.Certainspatientsmedemandentsi jesuispsychologuecar,disent-ils,enrèglegénérale,lesmédecinsnes’intéressentguèreàleurmodedevieouàlafaçondontilsviventleurmaladie.LaCNVm’aideàcomprendreleursdésirsetcequ’ilsontbesoind’entendreàunmomentdonné.Jetrouvecelaparticulièrementprécieuxdansmarelationavecdespatientscontaminésparlevirusdusida,carilsontintériorisétantdecolèreetdedouleurquelarelationpatient/soignantestsouventdétériorée.Jesoigneainsidepuisneufansunefemmeatteintedusida.Ilyaquelquetemps,ellem’aconfiéquec’étaitenl’écoutantetenl’aidantàcherchercequilui

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permettraitdesefaireplaisirauquotidienquejel’avaislemieuxsoutenue.Danscetypedesituation,le recours à la CNV m’est très utile. Auparavant, lorsque je savais qu’un patient était condamné,j’avais du mal à laisser de côté ce pronostic pour être simplement présent à ce qu’il vivait et àl’encouragerentoutesincéritéàvivrepleinement.LaCNVm’aouvertàunenouvellefaçondevoiretàunnouveaulangage.Jem’étonnetoujoursdeconstateràquelpointelles’intègreàmapratiquedemédecin.Etàmesurequejem’investisdansladémarchedelaCNV,jeretrouveplusd’énergieetdeplaisirdansmontravail.

Unmédecinparisien

D’autresencoreutilisentceprocessusdanslaviepolitique.Uneofficiellefrançaiseenvisitechezsasœurremarqua à quel point la communication et l’interaction entre sa sœur et son mari avaient changé.Enthousiasmée par leur description de la CNV, elle mentionna le fait qu’elle prévoyait de négocier, lasemaine suivante, certaines questions sensibles concernant les procédures d’adoption entre la France etl’Algérie.Malgrélepeudetempsdontnousdisposions,unformateurfrancophonefutenvoyéàParispourtravailleravecelle.Plustard,elleattribuaunegrandepartiedusuccèsdesesnégociationsenAlgérieàsesnouvellescompétencesencommunication.Lorsd’unatelierorganiséàJérusalem,desIsraéliensdediversessensibilitéspolitiquesontutilisélaCNV

pours’exprimersurlaquestionépineusedesterritoiresoccupés.LaplupartdescolonsétablissurlarivegaucheduJourdainsontpersuadésd’agirpouraccomplirunevolontédivine;cetteconvictionlesopposenon seulementauxPalestiniens,mais aussi àd’autres Israéliensqui, eux, reconnaissent la légitimitédesrevendications palestiniennes sur ces territoires. Au cours d’une séance, je présentai avec l’un de mesformateursunmodèleconcretd’écouteempathiquepar laCNV,puis conviai lesparticipantsàun jeuderôles,enlesinvitantàsemettredanslapeaudeleursantagonistes.Auboutd’unevingtainedeminutes,unefemmeinstalléeenCisjordaniedéclaraqu’elleseraitprêteàrenonceràsesrevendicationsetàquittersacoloniepourretournervivresurunterritoireisraélienreconnuparlacommunautéinternationalesisesadversairespolitiquespouvaientl’écoutercommeonvenaitdel’écouter.Danslesnombreuxpaysoùelleestenseignéeàtraverslemonde,laCNVserévèleêtreunoutilprécieux

pour lescommunautésdéchiréespardesconflitsviolentsoudegravestensionsethniques,religieusesoupolitiques.LadiffusiondelaCNVparceuxquis’ysontformésetsonutilisationpourlamédiationentrelespeuplesenguerre,quecesoitenIsraël,enPalestine,auNigeria,auRwanda,enSierraLeoneouailleurs,m’ontconfirmélepotentieldeceprocessus.ÀBelgrade,avecdescollèguesformateursenCNV,nousavonspassétroisjoursàformerdescitoyensœuvrantpourlapaix.Ànotrearrivée,lesstagiairesavaientlevisageferméetempreintdedésespoir,car leurpaysétaitalorsenlisédansuneguerrebarbareenBosnieetenCroatie.Pendantcestage,ilsretrouvèrentpeuàpeudesintonationsplusjoyeuses,carilséprouvaientungrandbonheuretunegrandereconnaissanced’avoirenfintrouvél’efficacitéquileurmanquait.Pendantlesdeuxsemainessuivantes,nousavonsaniméd’autresstagesenCroatie,enIsraëletenPalestine,où,unefoisdeplus,nousavonsvudescitoyensdésespérésparlaguerreretrouverleurélanvitaletleurconfianceaprèsavoirdécouvertlaCNV.Jemesensprivilégiédepouvoirtransmettreàdesindividusdesquatrecoinsdelaplanèteunprocessus

de communication qui leur permet de prendre conscience de leur capacité d’action et de la joie qu’elleprocure.Jesuisheureuxdepouvoiraujourd’hui,grâceàcelivre,vousfairepartagerlarichesseduprocessusde

CommunicationNonViolente.

RésuméLa CNV nous aide à renouer avec nous-mêmes comme avec les autres en laissant libre cours à notre

bienveillancenaturelle.Ellenousengageàreconsidérer la façondontnousnousexprimonsetdontnousécoutonsl’autre,enfixantnotreattentionsurquatreéléments:l’observationd’unesituation,lessentimentsqu’éveille cette situation, les besoins qui sont liés à ces sentiments, et enfin ce que nous pourrionsdemanderconcrètementpoursatisfairenosbesoins.LaCNVsuscitequalitéd’écoute,respectetempathie,etfaitnaîtreuncourantdegénérositéréciproque.CertainespersonnesutilisentlaCNVpourmieuxcernerleurs propres besoins, d’autres pour approfondir une relation de couple, établir des relationsprofessionnellesefficacesougérerdessituationspolitiques.Dansdenombreuxpays,des individusyontrecourspourdénouertoutessortesdedifférendsetdeconflits.

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LaCNVenpratique

Au fil de cet ouvrage, des encadrés intitulés « La CNV en pratique » présentent des dialoguesinspirésdesituationsréelles.Chacundonneuneidéedecequepeutêtreunéchangelorsquel’undesprotagonistesappliquelesprincipesdelaCommunicationNonViolente.LaCNVnesauraitpourautantselimiteràunlangageouàunetechniquedeverbalisation.Ellereposesuruneprisedeconscienceetsur une intention qui peuvent être exprimées par des silences, par une qualité de présence, parl’expressionduvisageoulagestuelle.Lesdialoguesretranscritsicinepeuventmalheureusementpasrendrecomptede ladimensionnonverbaledeséchangesréels,oùsilencesempathiques,anecdotes,plaisanteriesetgestescontribuentàétablirunrapportplusspontanéentrelesinterlocuteurs.

«Meurtrier,assassin,bourreaud’enfants!»Alorsque jeprésentais laCommunicationNonViolentedansunemosquéedu campde réfugiésde

Deheisha, à Bethléem, devant quelque cent soixante-dix musulmans palestiniens, j’entendis soudainune rumeurparcourir l’assistanceetenfler.« Ilsmurmurentquevousêtesaméricain !»m’expliquamoninterprète.Àcetinstant,unhommeselevad’unbondet,meregardantdroitdanslesyeux,hurla:« Assassin ! » Un chœur de voix renchérit aussitôt : « Meurtrier ! » « Bourreau d’enfants ! »«Assassin!»Parchance,jeparvinsàdirigermonattentionsurcequel’hommeressentaitetsurlebesoinqueson

messageexprimait.Danscecasprécis,j’avaiseuquelquesindices:cematin-là,enarrivantaucampderéfugiés, j’avaisvu lesgrenadesdegaz lacrymogènequiavaientété lancéessur lecamp laveilleausoir.Surchacuned’ellesapparaissaitclairementlamention«MadeinUSA».JesavaisquelesréfugiésenvoulaienténormémentauxAméricainsqui fournissaientàIsraëldesgaz lacrymogènesetd’autresarmes.Jem’adressaidoncàl’hommequim’avaittraitéd’assassin:

Vousêtesencolèrecarvousaimeriezquemonpaysutilisesesressourcesautrement?(Jen’étaispascertain de viser juste, mais l’essentiel était que je m’efforce en toute sincérité d’identifier sessentimentsetsesbesoins.)Unpeuquejesuisencolère!Vouscroyezqu’onabesoindegazlacrymogènes?Nousavonsbesoindefossesseptiques,maispasdevosgaz lacrymogènes!Nousavonsbesoinde logements !Nousavonsbesoind’unpaysànous.Vous êtes donc furieux et vous aimeriez que l’on vous aide à améliorer vos conditions de vie et àaccéderàl’indépendancepolitique?Voussavezcequec’estquedevivreici?Moi,çafaitvingt-septansquej’ysuisavecmafamille,mesenfants…Est-cequevousavezlamoindreidéedecequenousendurons?Voussemblezdésespéréetondiraitquevousvousdemandezsiquiconquepeutréellementcomprendrecequec’estquedevivredanscesconditions.Est-cebiencequej’entends?Ah,vousvoulezcomprendre?Dites-moi,avez-vousdesenfants?Ilsvontàl’école?Ilsontdesterrainsdejeux?Ehbienmoi,monfilsestmalade.Iljouedehors,dansleségouts.Danssaclasse,ilsn’ontpasdelivres!Vousavezdéjàvuuneécoleoùiln’yapasdelivres,vous?Jeconstatequ’ilvousesttrèspénibled’élevervosenfantsici.Vousaimeriezquejesachequecequevous voulez, c’est ce que tous les parents souhaitent pour leurs enfants : une bonne éducation, lapossibilitédejoueretdegrandirdansunenvironnementsain…Exactement!Cesontdesdroitsfondamentaux!C’estleb.a.-badesdroitsdel’homme–c’estcommeçaquevousappelezcelaenAmérique,non?Pourquoinevenez-vouspasplusnombreuxpourvoiràquoiilsressemblent,lesdroitsdel’hommequevousnousapportez?Vous voudriez que davantage d’Américains prennent conscience de l’ampleur de vos souffrances, etqu’ilss’interrogentplussérieusementsurlesconséquencesdenosactespolitiques?

Notre dialogue se poursuivit, et mon interlocuteur exprima sa souffrance pendant une bonnevingtaine deminutes. Je l’écoutai, cherchant à repérer les sentiments et les besoins implicites danschacune de ses déclarations. Je n’approuvais ni ne désapprouvais ses propos. Je me contentais derecevoir ses paroles, non comme des attaques,mais comme un don de l’un demes semblables quicherchaitàmefairepartagersesrancœursetsonprofondsentimentdevulnérabilité.Une foisqu’il sesentitcompris, il futàmêmedem’écouter tandisque j’exposai les raisonsdema

visiteaucamp.Uneheureplustard,celuiquim’avaittraitéd’assassinm’invitaitchezluiàpartagersondînerdeRamadan.

1. Uneviebouleversée:1941-1943,LeSeuil,coll.«Points»,Paris,1995.2. C’estencesensqu’ilfautentendrelemot«sincérité»toutaulongdecelivre(c’est-à-direqu’ils’agitdel’expressiondecequi

nousanime,plutôtquedecequel’onpensed’autrui)(N.d.T.).

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2

Quandlacommunicationentravelabienveillance

«Nevousposezpasenjugeafinden’êtrepasjugé;carc’estdelafaçondontvousjugezqu’onvousjugera…»

MATTHIEU,7:1

Enm’interrogeant sur ce qui peutnous couperdenotrebienveillance naturelle, j’ai identifié certainesfaçons de parler et des modes de communication particuliers qui, selon moi, nous incitent à descomportementsviolents–enverslesautresetnous-mêmes.Jeparlealorsde«communicationquicoupedelavie»oude«communicationaliénante».

Certainesfaçonsdecommuniquernouscoupentdenotrebienveillancenaturelle.

JugementsmoralisateursL’un de ces modes de communication qui « coupent de la vie » est le recours à des jugements

moralisateursenvers l’autre,dontnousavons tendanceàdirequ’il estdans le fauxouqu’il estmauvaislorsquesesactesnecorrespondentpasànosvaleurs.C’estcequereflètentdesexpressionstellesque«Leproblèmeavectoi,c’estquetues tellementégoïste…»ou«Elleestparesseuse»,« Ilssontbourrésdepréjugés»,«Cen’estpascorrect»…Lesreproches,insultes,dénigrements,étiquetages,comparaisonsetdiagnosticssontautantdejugementsportés.

«Par-delàlesnotionsdebienetmal,ilyaunchamp.C’estlà-basquejeteretrouverai»,écrivaitlepoètesoufi Jalâlal-DinRumi.Or, lacommunicationaliénantenousenfermedansunmondeoùtoutestpolariséentre lebienet lemal, dansunmondede jugements.C’est un langage richedemotsqui étiquettent etcatégorisent les gens et leurs actes. Lorsque nous parlons ce langage, nous jugeons les autres et leurcomportement pour déterminer qui est bon, mauvais, normal, anormal, responsable, irresponsable,intelligent,ignorant,etc.

Danslemondedesjugements,notreintérêtseportesurquiestquoi.

Bienavantd’atteindrel’âgeadulte,j’aiapprisàcommuniquerdefaçonimpersonnelle,defaçonànepasavoir à révéler ce qui se passait en mon for intérieur. Lorsque je rencontrais des gens ou descomportementsquejen’aimaispasounecomprenaispas,jeréagissaisenleurattribuantdestorts.Siunprofesseurdonnaitundevoirquejen’avaispasenviedefaire,ilétait«méchant»ou«fou».Siunevoiturestoppaitdevantmoi, je réagissaisauquartde tour : «Abruti ! »Lorsquenousparlonsce langage,nousfocalisonsnospenséesetnosparolessurlestortsdel’autrequandilacertainscomportements,ousurlesnôtres,lorsquenousnecomprenonspasouneréagissonspascommenouslevoudrions.Notreattentionseportealorssurlaclassification,l’analyseetl’évaluationdestortsdel’autre,aulieudeseconcentrersursesbesoins et les nôtres propres qui ne sont pas satisfaits. Si par exemple ma compagne a besoin de plusd’attentionquejeneluienaccorde,elleest«exigeanteetdépendante»;sienrevanchec’estmoiquiaibesoindeplusdetendresse,elledevient« lointaineet insensible».Simoncollègueestplusattentifauxdétails que moi, il est « pointilleux et maniaque » ; si c’est moi qui le suis, il devient « brouillon etinorganisé».

Notreanalysed’autruiestenfaitl’expressiondenospropresbesoinsetsentiments.

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Je vois dans ce type d’analyse de l’autre une expression tragique de nos valeurs et de nos besoins.Tragique,carlorsquenouslesexprimonsdelasortenousattisonslesréactionsdedéfenseetderésistancechez ceux-là mêmes dont le comportement nous importe. Ou bien, s’ils acceptent de se comporterconformémentànosvaleursparcequ’ilsadmettentnotreanalysedeleurstorts,ilsleferontsansdouteparcrainte,parculpabilitéouparhonte.

Or, lorsqu’uneréactionestmotivéenonpar l’élanducœurmaispardetelssentiments,nous lepayonstouscher.Nousferonsl’expériencedelamauvaisevolontédeceuxquiseserontconformésànosvaleurssous l’effet d’une pression interne ou externe. Ceux qui ont agi par crainte, honte ou culpabilité paientquant à eux un tribut affectif, car ils risquent de nourrir de la rancœur et de baisser dans leur propreestime.Enfin,chaquefoisqu’unepersonnenousassocieàl’undecessentiments,ilestpeuprobablequ’àl’avenirellepuisserépondredufondducœurànosbesoinsetvaleurs.

Ilest important icidenepasconfondre jugementsdevaleuret jugementsmoralisateurs.Nousportonstousdes jugementsdevaleursur lesqualitésauxquellesnousattachonsde l’importancedansnotrevie :nouspouvonsparexempletenirpouressentiellesl’honnêteté,lalibertéoulapaix.Lesjugementsdevaleurreflètentnosconvictionssurlafaçondeserviraumieuxlavie.Nousportonsdesjugementsmoralisateurssurlesgensetlescomportementsquinesontpasdanslalignéedenosjugementsdevaleur.Nousdironsainsi : « La violence est un mal. Les gens qui tuent sont mauvais. » Si nous avions été élevés dans unelangue du cœur, nous aurions appris à exprimer directement nos besoins et nos valeurs, plutôt qued’attribuer des torts à autrui lorsque ces valeurs et besoins ne sont pas satisfaits. Nous pourrions parexemplereformulerlaphrase«Laviolenceestunmal»endisant:«Jeredoutel’usagedelaviolencepourrésoudrelesconflits.Jetiensàrésoudrelesconflitshumainspard’autresmoyens.»

O.J.Harvey,professeurdepsychologieàl’universitéduColorado,aétudiélesrapportsentrelangueetviolence.Àpartirdequelquesexemplesglanésauhasarddans lecorpus littérairedeplusieurspays, ilarelevé l’occurrence des mots dénotant un jugement ou une catégorisation d’autrui. Il a ainsi mis enévidenceunefortecorrélationentrelafréquencedecesmotset l’incidencedelaviolence.Jenesuispassurprisd’entendrequedanslesculturesquipensententermesdebesoinshumain,ilyabeaucoupmoinsdeviolencequedanscellesoù l’on s’entre-étiquettede«bons»ou«mauvais»etoù l’on soutientque lesmauvaisdoiventêtrepunis.Àlatélévisionaméricaine,dans75%desémissionsprogramméesauxheuresdegrandeécouteenfantine,soitlehérostuelesméchants,soitil leurdonneunebonnecorrection.Cetteviolenceconstituegénéralementledénouementdel’intrigueetravitlesspectateurs,àquil’onaapprisquelesméchantsméritentd’êtrepunis.

Catalogueretjugerlesautresfavorisentlaviolence.

Laviolence–qu’ellesoitverbale,psychologiqueouphysique,qu’ellesemanifesteauseindelafamille,entredestribusouentredesnations–émaned’unmodedepenséequiattribuelacauseduconflitauxtortsde l’adversaire et d’une incapacité à admettre sa propre vulnérabilité ou celle de l’autre – c’est-à-dire àpercevoircequel’onpeutressentir,craindre,désirer,etc.C’estcemodedepenséedangereuxquiaprévalupendantlaguerrefroide.LesÉtats-Unisassimilaientl’Unionsoviétiqueàun«empiredumal»déterminéàdétruire le mode de vie américain ; les dirigeants soviétiques considéraient quant à eux les États-Uniscomme des « oppresseurs impérialistes » qui s’efforçaient de les soumettre. Aucun des deux camps nereconnaissaitlacraintequisous-tendaitcesétiquettes.

FairedescomparaisonsUneautreformedejugementconsisteàfairedescomparaisons.DansLeManuelduparfaitmasochiste,

DanGreenburgdémontreavechumourlepouvoirinsidieuxquepeutexercercetypederaisonnement.Auxlecteursayantundésirsincèredes’empoisonnerlavie, ilproposed’apprendreàsecompareràd’autres.Pour ceux qui n’en ont pas l’habitude, il donne quelques exercices d’initiation. Le premier montre desphotographies en pied d’un homme et d’une femme incarnant les canons actuels de la beauté selon lesmédias. Les lecteurs sont invités à prendre leurs propres mensurations, à les comparer à celles desmannequinsetàruminersurlesdifférences.

Lescomparaisonssontuneformedejugement.

Lesrésultatssontprévisibles:àcejeu,nouscommençonsànoussentirmal.Lorsquenoussommesaussidéprimésquenouspensonspouvoirl’être,noustournonslapagepournousrendrecomptequecen’étaitencore là qu’un apéritif. La beauté physique étant somme toute un critère superficiel, Greenburg nousdonneuneoccasiondenousmesureràuneaunebienplusdéterminante : laréussite. Ilprendauhasarddansl’annuairequelquesnomsd’individusquinousservirontdepointderéférence.Premierexemple:un

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certainWolfgangAmadeusMozart;ilénumèrealorslenombredelanguesqueparlaitMozartetlalistedesprincipalesœuvresqu’ilavaitcomposéesàdouzeans.Puis ildemandeaulecteurdefaire lebilandesespropres réalisations à ce jour, de les comparer à celles de Mozart adolescent et de méditer sur lesdifférences.

N’importequellecteur,aussivulnérablesoit-ilàcetexercicedeflagellation,serendcompteàquelpointcetypederaisonnementpeutentraverlabienveillance,enverssoi-mêmecommeenverslesautres.

RefusderesponsabilitéUnautremodedecommunicationaliénanteconsisteàniersesresponsabilités.Ilempêchel’individude

prendre pleinement conscience qu’il est responsable de ses pensées, de ses sentiments et de ses actes.Danslelangagecourant,uneexpressioncomme«ilfaut»(«ilyacertaineschosesqu’ilfautquetufasses,queçateplaiseounon»)voilelaresponsabilitédechacunpoursesactes.Lestournuresconstruitessurlemodèle«tume»(«tumeculpabilises»)illustrentégalementlafaçondontlelangagefavorisenotrerefusd’assumerlaresponsabilitédenospropressentimentsetpensées.

Notrelangagenousempêchedevoirclairementnotreresponsabilitépersonnelle.

DansEichmannà Jérusalem,un ouvrage qui retrace le procès pour crimes de guerre de l’officier naziAdolf Eichman, Hannah Arendt cite l’accusé, qui disait utiliser avec ses officiers un langagedéresponsabilisantqu’ilsappelaient l’Amtssprache,ou langagebureaucratique.Lorsqu’on leurdemandaitpourquoiilsavaientpristelleoutellemesure,ilsrépondaientparexemple:«Jedevaislefaire.»Etàlaquestion de savoir pourquoi ils devaient le faire correspondait un éventail de réponses toutes prêtes :«Ordresdessupérieurshiérarchiques»,«C’étaitlapolitiquedenotreorganisation»,«C’étaitlaloi».

Nousnionslaresponsabilitédenosacteslorsquenousattribuonsleurcauseà:

desforcesimpersonnellesetvaguesJ’ainettoyémachambreparcequej’yétaisobligé.notre état de santé, au diagnostic dont nous sommes l’objet, ou à nos antécédentsindividuelsoupsychologiquesJeboisparcequejesuisalcoolique.lesactesd’autruiJ’aifrappémonenfantparcequ’ilcouraitdanslarue.lediktatd’uneautoritéJ’aimentiauclientparcequelepatronmel’ademandé.lapressionsocialeJ’aicommencéàfumerparcequetousmesamisfumaient.unepolitiqueinstitutionnelle,desrèglements,desloisJedoisvousrenvoyerpourcetteinfractioncarc’estlapolitiquedel’école.lafonctionattribuéeàunsexe,àungroupesocialouàunetranched’âgeJedétesteallertravailler,maisj’yvaiscarjesuispèredefamille.desimpulsionsincontrôlablesJ’aimangéungâteauparcequec’étaitplusfortquemoi.

Au cours d’une discussion entre parents d’élèves et enseignants sur les dangers d’un langage quiimplique l’absencedechoix,une femmeobjectavigoureusement :«Mais ilyacertaineschosesque l’ondoitfaire,queçanousplaiseounon!Et jenevoisriendemalàdireàmesenfantsqu’ilyadeschosesqu’euxaussidoiventfaire.»Lorsquejeluidemandaidedonnerunexempledecequ’elle«devaitfaire»,elles’exclama:«Facile!Quandjesortiraid’ici,jedevrairentrerchezmoietfairelacuisine.J’aihorreurdefairelacuisine.Unesaintehorreur,maisjepréparelerepastouslesjoursdepuisvingtans,mêmequandjesuismaladecommeunchien,toutsimplementparcequecelafaitpartiedeschosesquejedoisfaire.»Jeluidisquej’étaisdésoléd’entendrequ’ellepassaitautantdetempsàfairequelquechosequ’elledétestaitcarelle s’y sentait obligée, et que j’espérais qu’elle puisse trouver des alternatives plus satisfaisantes enapprenantlelangagedelaCNV.

Elleapprit trèsvite.Cesoir-là,après laséance,ellerentrachezelleetannonçaàsa famillequ’ellenevoulait plus faire la cuisine. Trois semaines plus tard, j’eus un écho de sa famille lorsque ses deux filsvinrentassisteràuneséancedel’atelier.J’étaiscurieuxdesavoircommentilsavaientréagiàladécisiondeleurmère.«J’aibénileciel!»soupiral’aîné.Et,voyantmonregardétonné,ilpoursuivit:«Jemesuisditqu’ellearrêteraitpeut-êtreenfindeseplaindreàchaquerepas!»

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Nous pouvons remplacer le langage impliquant une absence de choix par unlangagequireconnaîtlechoix.

Lorsd’unautreatelier,menécettefois-cienmilieuscolaire,uneenseignanteconfia:«Jedétestemettredesnotes.Jenepensepasquecelaserveàquoiquecesoitetçaangoissebeaucouplesélèves.Maisj’ysuisobligée : ce sont les directives du rectorat. » Nous venions de faire quelques exercices sur la façond’introduireenclasseunlangagequipermetteàchacundemieuxprendreconsciencedelaresponsabilitédesesactes. Je luiproposaidereformulercequ’ellevenaitdedireencommençantpar :« Jechoisisdemettredesnotesparcequejeveux…»Ellecomplétasanshésiter:«parcequejeveuxgardermonposte.»Maiselles’empressad’ajouter:«Maisjen’aimepaslediredecettefaçon.Celafaitpesersurmoitoutlepoids de la responsabilité de ce que je fais. » « C’est exactement pour cela que je voulais vous le fairedire»,répondis-je.

Noussommesdangereuxquandnousnesommespasconscientsquenoussommesresponsablesdenosactes,denospenséesetdenossentiments.

JepartagelessentimentsdeGeorgesBernanos,quandilécrit:

Jepensedepuislongtempsdéjàquesiunjourlesméthodesdedestructiondeplusenplusefficacesfinissentpar rayernotreespècede laplanète,ceneserapas lacruautéqui sera lacausedenotreextinction,etmoinsencore,bienentendu,l’indignationqu’éveillelacruauté,nimêmelesreprésailleset la vengeancequ’elle s’attire…mais la docilité, l’absencede responsabilité de l’hommemoderne,sonacceptationvileetserviledumoindredécretpublic.Leshorreursauxquellesnousavonsassisté,leshorreursencoreplusabominablesauxquellesnousallonsmaintenantassisternesignalentpasquelesrebelles, les insubordonnés, lesréfractairessontdeplusenplusnombreuxdans lemonde,maisplutôtqu’ilyadeplusenplusd’hommesobéissantsetdociles.

AutresformesdecommunicationaliénanteLe langage peut également entraver la bienveillance lorsque nous exprimons nos désirs sous forme

d’exigences.Ensoi,l’exigencefaitexplicitementouimplicitementplanersurledestinatairelamenaced’unreproche ou d’une punition au cas où il ne s’y plierait pas. Il s’agit dans notre culture d’un mode decommunicationcourant,notammentparmiceuxquioccupentdespostesleurconférantquelqueautorité.

Danscedomaine,mesenfantsm’ontdonnédeprécieusesleçons.Pouruneraisonoupouruneautre,jem’étaismisdanslatêtequej’avaispourtâcheentantquepèred’exigeruncertainnombredechoses.J’ainéanmoins appris que je pouvais formuler toutes les exigences possibles et imaginables, mais que je neparviendraispaspourautantàfairefairequoiquecesoitauxenfants.C’estuneleçond’humilitépourceuxquisontpersuadésque,parcequ’ilssontparents,enseignantsouchefs,leurrôleestdechangerlesautresetdedicterleurcomportement.Cesgaminsm’ontfaitcomprendrequejenepouvaispaslesmenerparleboutdunez.Tout aupluspouvais-je leur faire regretterden’avoir pas accédéàmesexigences – en lespunissant.Mais,auboutducompte,ilsm’ontapprisque,lorsquej’avaisétéassezstupidepourlespunir,c’esteuxquitrouvaientlemoyendemelefaireregretter!

Iln’estpasennotrepouvoirdefairefairequelquechoseàquelqu’un.

Nous reviendrons sur ce thème en apprenant à établir la distinction fondamentale en CNV entreexigencesetdemandes.

La communication aliénante est également associée à l’idée selon laquelle certaines actions méritentrécompense, tandisqued’autresméritentpunition.Leverbe«mériter» (« Ilmérited’êtrepunipourcequ’ilafait»)estd’ailleurstoutàfaitrévélateurdecetétatd’esprit,enceciqu’ilsupposeun«tort»delapartdeceluiquisecomported’unecertainefaçonetappelleunepunitionpourl’obligeràserepentiretàamender soncomportement. Je suispersuadéqu’il estdans l’intérêtde tousque lesgenschangent,nonpouréchapperàlasanction,maisparcequeeux-mêmesperçoiventquecechangementleurserabénéfique.

Penserà«quiméritequoi»bloquelacommunicationemphatique.

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Nousavonspourlaplupartétéélevésavecunlangagequinouspousseàétiqueter,catégoriser,exigeretporter des jugements, plutôt qu’à prendre conscience de nos sentiments et de nos besoins. Cettecommunicationaliénantetrouve,selonmoi,sesoriginesdansdesconceptionsdelanaturehumaineancréesdanslesmentalitésdepuisplusieurssiècles,etquisoulignentlemaletlesdéfaillancesquisontennousetlanécessitéd’uneéducation pour contrôlernotre naturepar essencemédiocre. Or cette éducationnousengagesouventànousdemanders’ilyaquelquechosedefauxdanslessentimentsetlesbesoinsquenouséprouvons,etnousapprenonstrèstôtànousfermeràl’écouteintérieure.

La communication aliénante a des racines philosophiques et politiques trèsprofondes.

Lacommunicationaliénanteestàlafoisunproduitetunpilierdessociétésfondéessurdesprincipesdehiérarchieoudedomination.Lorsqu’unpetitnombredepersonnes(rois,tsars,nobles,etc.)dirigentàleurprofit une population nombreuse, il est dans leur intérêt que les masses soient éduquées de manière àdévelopperunementalitéd’asservi.Lelangageréprobateurdes« jedois»et« il faut»estparfaitementadaptéàcetobjectif:pluslesgenssontformésàadopterdesjugementsmoralisateursquimettentl’accentsur les fautes et les torts, plus ils sont conditionnés à se tourner vers ce qui se passe en dehors d’eux-mêmes,c’est-à-direversdesautoritésextérieures,pourtrouverladéfinitiondecequiestbienoumal,bonoumauvais.Lorsquenoussommesreliésànossentimentsetànosbesoins,nous,lesêtreshumains,nousneconstituonsplusdessujetsdocilesetsoumis.

RésuméIl est dans notre nature d’aimer donner et recevoir du fond du cœur. Nous avons cependant appris

plusieurs formes de « langage aliénant » qui nous conduisent à nous exprimer ou à nous comporter demanièreblessantevis-à-visdesautresetdenous-mêmes.L’unedecesformesdecommunicationaliénanteconsisteàutiliserdesjugementsmoralisantsquiimpliquentqueceuxdontlecomportementnecorrespondpasànosvaleursonttortousontmauvais.Uneautrereposesurlescomparaisons,quipeuvententraverlabienveillance envers nous-mêmes comme à l’égard d’autrui. La communication aliénante nous empêcheaussideprendrepleinementconsciencequechacunestresponsabledesespensées,desessentimentsetdesesactes.Uneautrecaractéristiquedece typedecommunicationconsisteàcommuniquer sesdésirssousformed’exigences.

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3

Observersansévaluer

«Observez!Peudechosessontplusimportantes,plusreligieusesquecela.»

FREDERICKBUECHNER,pasteur

JepeuxadmettrequetumedisesCequej’aifaitoun’aipasfait.Etjepeuxadmettretesinterprétations,Maisjet’enprie,nemélangepaslesdeux.SituveuxsemerlaconfusionVoiciunbonmoyenMélangecequej’aifaitAvectespropresréactionsDis-moiquetuesdéçueEnvoyantmesdiversestâchesinachevéesMaiscen’estpasenmetraitantd’irresponsableQuetuparviendrasàmemotiver.Dis-moiquetutesensblesséeLorsquejedisnonàtesavances,Maiscen’estpasenmetraitantd’hommefroidetinsensibleQuetum’attirerasàtoi.Oui,jepeuxadmettrequetumedisesCequej’aifaitoun’aipasfaitEtjepeuxadmettretesinterprétationsMaisjet’enprie,nemélangepaslesdeux.

MARSHALLB.ROSENBERG

La première composante de la CNV consiste à séparer observation et évaluation. Il nous est proposéd’observer clairement ce que nous voyons, entendons ou touchons et qui affecte notre bien-être, sans ymêlerlamoindreévaluation.Les observations sont un élément important de laCNV.Nous souhaitons en effet indiquer à l’autre de

façonclaireetsincèreoùnousensommes.Or,sinousamalgamonsobservationetévaluation,nousavonspeudechancesd’êtreentendus.Notreinterlocuteur,sevoyantcritiqué,vaprobablementsefermer.LaCNVn’imposepaspourautantuneparfaiteobjectivité,exemptedetoutjugement.Ils’agitsimplement

debienséparernosobservationsdenosévaluations.LaCNVestà cetégardun langagedynamiquequiécarte les généralisations figées et invite au contraire à fonder les évaluations sur des observationscorrespondantàunmomentetàuncontextedonnés.CommelesoulignelesémanticienWendellJohnson,nousnouscompliquonssingulièrementlavieenutilisantunlangagefigépourexprimerousaisiruneréalitépar essencemouvante : «Notre langage est un instrument imparfait créé par des hommes ignorants etarchaïques.C’estunlangageanimistequinousengageàparlerdestabilitéetdeconstantes,desimilitudes,de normes et de types, de métamorphoses magiques, de remèdes rapides, de problèmes simples et desolutions définitives. Or, le monde que nous nous efforçons de rendre par ce langage est un mondedynamique et complexe fait de changements, de différences, de dimensions, de fonctions, de relations,d’êtresencroissance,d’interactions,d’évolutions,d’apprentissages,d’adaptations.Etledécalageentrecemondeenconstanteévolutionetnotrelangagerelativementfigéconstitueunepartiedenotreproblème.»

Lorsque nous amalgamons observation et évaluation, notre interlocuteur risqued’entendreunecritique.

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UnechansondemacollègueRuthBebermeyeropposelangagedynamiqueetlangagestatique,illustrantladifférenceentreobservationetévaluation.

Jen’aijamaisvud’hommeparesseux;J’aiconnuquelqu’unquejen’aijamaisvucourir,Quelqu’unquidormaitparfoisl’après-midiEtpréféraitresterchezluilorsqu’ilpleuvait.Maiscen’étaitpasunparesseux.Avantdemetraiterd’originale,réfléchis:Était-ilparesseuxOufaisait-ildeschosesQuenousassocionsàlaparesse?Jen’aijamaisvud’enfantstupide;J’aivuparfoisunenfantfaireDeschosesquejenecomprenaispasOuquejen’avaispasprévues.J’aivuparfoisunenfantquin’avaitpasvuLeslieuxquej’avaisvisités,Maiscen’étaitpasunenfantstupide.Avantdeledirestupide,réfléchis:Était-ilstupideOusavait-ilsimplementd’autreschosesquetoi?J’airegardétantquej’aipu,Maisjen’aijamaisvudecuisinier.J’aivuquelqu’unquipréparaitdesplatsPournotrerepas,Quelqu’unquiallumaitlegazEtsurveillaitlacuissondelaviande.J’aivutoutcela,maispasdecuisinier.Dis-moi,quandturegardes,Est-ceuncuisinierquetuvois,Ouquelqu’unquifaitcequenousappelonscuisiner?CequecertainsnommentparesseEstpourd’autresdelafatigueoudeladétente.CequecertainsnommentbêtiseEstpourd’autresunsavoirdifférent.J’enconclusque,pouréchapperàlaconfusion,MieuxvautnepasmélangerCequenousvoyonsetnosopinions.Etcela,jelesais,N’estquemonopinion.

L’effetd’uneétiquettenégativetelleque«paresseux»ou«stupide»sauteauxyeux,maisuneétiquettepositiveouapparemmentneutretelleque«cuisinier»limiteégalementnotreperceptiond’unindividudanstoutesonintégrité.

Laplushauteformedel’intelligencehumaineSelonlephilosopheindienJ.Krishnamurti,observersansévaluerestlaplushauteformedel’intelligence

humaine. « C’est stupide », ai-je pensé en lisant cette phrase, mais je me suis presque aussitôt renducomptequejevenaisdeporterunjugement.Nousavonspresquetousdumalàobserverlesgensetleurcomportementsansymêlerunjugement,unecritiqueouuneautreformed’analyse.J’aipristoutelamesuredecettedifficultéunjourenintervenantdansuneécoleoùlesenseignantsetle

directeur faisaient souvent état du mal qu’ils avaient à communiquer. L’inspecteur d’académie m’avaitdemandédelesaideràrésoudrececonflit.Jedevaistoutd’abordm’entreteniraveclesenseignants,puislesréuniravecledirecteur.J’ouvrislapremièreréunionendemandantauxenseignants:«Quefaitvotredirecteurquicontrarievos

besoins ? » La première réponse fusa : « C’est un moulin à paroles ! » Ma question appelait uneobservation.Or,letermede«moulinàparoles»merenseignaitsurlafaçondontceprofesseurjugeaitledirecteur,maisnedécrivaitpaslesactesoulesparolesquiprovoquaientcejugement.

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Lorsquej’enfislaremarque,unautreprofesseurintervint:«Jesaiscequ’ilveutdire:ledirecteurparletrop.»Aulieud’uneobservationclairedel’attitudedudirecteur,c’étaitencoreuneévaluation–surledébitverbaldudirecteur.Untroisièmeenseignantdéclaraalors:«Ilestpersuadéd’êtreleseulàavoirquelquechosed’intéressantàdire.» J’expliquaiqueprêterdespenséesàquelqu’un,cen’estpas lamêmechosequ’observersesactions.Unquatrièmeenseignantserisquaalors:«Ilveuttoutletempsêtrelepointdemire. »Quand j’eus fait remarquerque cela était égalementune supposition – portant, cette fois, sur ledésir de l’autre –, deuxenseignants soupirèrent à l’unisson : «C’est qu’il n’est pas facile de répondreàvotrequestion!»Nousavonsdonctravailléensemblepourdresserunelistedescomportementsconcretsdudirecteurqui

lesennuyaient,enveillantàécartertoutjugement.Ilapparutque,pendantlesréunionspédagogiques,ledirecteurracontaitsessouvenirsd’enfanceetdeguerre,retardantainsi la finde laréuniond’unebonnevingtainedeminutes.Jedemandaiauxprofesseurss’ilsluiavaientunjourfaitpartdeleurcontrariété.Ilsavaient essayé, répondirent-ils, mais uniquement par des jugements. Ils n’avaient jamais mentionné decomportementprécis–telsquesesrécits–maisconvinrentd’enparlerdèsnotreréunionavecledirecteur.Àpeinelaréunioncommencée,jecompriscequelesenseignantsavaientvoulumedire.Quelquefûtle

sujetquenousabordions, ledirecteurcoupait :«Çamerappelle l’époqueoù…»Et ilenchaînaitsursessouvenirs d’enfance ou de guerre. J’attendis que les enseignantsmanifestent leurmalaise.Mais au lieud’appliquerlaCNV,ilss’exprimèrentparunecondamnationnonverbale.Certainslevaientlesyeuxauciel,d’autresbâillaientostensiblement,unautreregardaitsamontre.Jesupportaiunmomentcepéniblespectacleetfinispardemander:«Personnenevasedécideràdire

quoiquecesoit?»Unsilencegênés’installa.L’enseignantquiavaitparlélepremierlorsdenotreréunionpréalableprit soncourageàdeuxmains, regarda ledirecteurdroitdans les yeuxetdit : «Ed, tuesunmoulinàparoles.»Commelemontrecetteanecdote,iln’estpastoujoursfaciledesedéfairedeseshabitudesetdeparvenir

àséparerlesobservationsdesévaluations.Enfindecompte,lesenseignantsréussirentàexposerclairementaudirecteurlesactesconcretsquiles

ennuyaient.Ledirecteurécoutaattentivement,puiss’écria:«Pourquoiest-cequ’aucundevousnemel’aditplustôt?»Ilreconnutqu’ilétaitconscientdesamaniederaconterdeshistoires…etselançadansunegrandehistoiresurcettemanie!Jel’interrompis,luifaisantgentimentremarquerqu’ilrecommençait.Nousconclûmes notre réunion en élaborant des stratégies pour permettre aux enseignants de faire savoir endouceuràleurdirecteurqueseshistoiresn’étaientpasappréciées.

DistinguonsobservationetévaluationLetableauci-contreillustreladistinctionentrelesobservationsexemptesdetouteévaluationetcellesqui

encomportentune.

Modedecommunication Exempled’observationmêléed’évaluation

Exempled’observationexempted’évaluation

1.Emploiduverbeêtresansindiquerqu’ils’agitd’unjugement.

Tuestropgénéreux. Quandjetevoisdonnertouttonargentdepoche,jepensequetuestropgénéreux.

2.Emploideverbesàconnotationévaluative.

Pierretraînedanssontravail. Pierrenecommenceàréviserqu’àlaveilledesexamens.

3.Propensionàconsidérernotreévaluationdespensées,sentiments,intentionsoudésirsd’autruicommelaseulepossible.

Ellenerendrapassontravail. Jenepensepasqu’ellerendesontravail,ouElleadit:«Jenerendraipasmontravail.»

4.Confusionentreprédictionetcertitude.

Situneprendspasdesrepaséquilibrés,tuaurasdesproblèmesdesanté.

Situneprendspasdesrepaséquilibrés,jecrainsquetun’aiesdesproblèmesdesanté.

5.Emploideréférentstropvagues.

Lesimmigrésnesaventpasentretenirleurjardin.

Jen’aipasvunosvoisinsimmigréstondreleurpelouse.

6.Emploidemotsexprimantl’aptitudeoul’inaptitudeàagir,sansindiquerqu’ils’agitd’unjugement.

Jacquesestunmauvaisfootballeur.

Envingtmatchs,jen’aipasvuJacquesmarquerunseulbut.

Paulécrittrèsmal.

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7.Emploid’adverbesoud’adjectifssansindiquerqu’ils’agitd’unjugement.

Jen’arrivepasàdéchiffrerl’écrituredePaul.

Note:Lesadverbestoujours, jamais,toutletemps,chaquefois,etc.exprimentdesobservationsdanslescontextessuivants.

Chaque foisque j’ai observé Jacquesau téléphone, il parlait pendantaumoinsunedemi-heure.Jenemesouvienspasquetum’aiesjamaisécrit.

Parfois, ces mêmes adverbes sont employés avec une nuance d’exagération, auquel cas ils mêlentobservationetévaluation.

Tuestoujoursoccupé.Ellen’estjamaislàquandonabesoind’elle.

Cesexpressionssuscitentsouventuneréactiondedéfenseplutôtquedecompréhension.Des mots tels que souvent et rarement peuvent également contribuer à semer la confusion entre

observationetévaluation.

Évaluation Observation

Tufaisrarementcequej’aimerais.

Lestroisdernièresfoisquej’aiproposéuneactivité,tuasditquetunevoulaispasenentendreparler.

Ilpassesouventàlamaison.

Ilpasseaumoinstroisfoisparsemaineàlamaison.

RésuméLa première composante de la CNV consiste à bien séparer l’observation de l’évaluation. Quand nous

mélangeonsobservationetévaluation,notreinterlocuteurrisqued’entendreunecritiqueetderésisteràceque nous disons. La CNV est un langage dynamique qui déconseille les généralisations figées et lesremplacepardesobservationscirconstanciées.Nousdironsainsiplusvolontiers:«Envingtmatchs,jen’aipasvuJacquesmarquerunseulbut»que«Jacquesestunmauvaisfootballeur».

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LaCNVenpratique

«L’orateurleplusarrogantquenousayonsjamaiseu!»Le dialogue suivant eut lieu au cours d’un atelier que j’animais. Après environ une demi-heure

d’exposé,jem’interrompispourpermettreauxparticipantsderéagir.L’und’entreeuxlevalamainetdit:«Vousêtesl’orateurleplusarrogantquenousayonsjamaiseu!»Lorsquej’entendscegenrederéflexion,jepeuxréagirdedifférentesmanières.Parexemple,jepeux

me sentir visé personnellement : je sais que c’est le cas lorsque j’éprouve une forte envie de meplaindre, de me défendre ou de me justifier. Une autre solution (à laquelle je suis bien entraîné)consisteàriposteràcequejeperçoiscommeuneattaqueenversmoi.Enl’occurrence,jechoisisunetroisièmepossibilitéenconcentrantmonattentionsurcequipouvaitsecacherderrièrelesproposdecethomme.

MBR: (Tentantdedevinercequisecachaitderrièrelesobservationsdemoninterlocuteur.)Réagissez-vousparcequej’aipristrentebonnesminutespourprésentermonpointdevueavantdevousdonnerl’occasiondeparler?

PHIL: Non,parcequevousprésentezleschosescommesic’étaitsisimple.

MBR: (Essayantd’obtenirplusdeclarté.)Cequivousfaitréagir,c’estquejen’airienditdeladifficultéquecertainespersonnespeuventéprouveràappliquerleprocessus?

PHIL: Non,pascertainespersonnes,vous!

MBR: Vousréagissezdoncparcequejen’aipasditquej’avaisparfoisdumalàsuivreleprocessus?

PHIL: C’estbiencela.

MBR: Voussentez-vouscontrariéparcequevousauriezaiméavoirdemapartunsignemontrantquej’éprouvaismoi-mêmedesproblèmesavecleprocessus?

PHIL: (Aprèsunmoment.)Exactement.

MBR: (Plusdétendumaintenantquejesuisreliéàsonsentimentetàsonbesoin,jeportemonattentionsurcequ’ilpourraitmedemander.)Voudriez-vousquejereconnaisselà,maintenant,qu’ilm’arrived’avoirbeaucoupdemalàappliquerleprocessus?

PHIL: Oui.

MBR: (Ayantclarifiésonobservation,sonsentiment,sonbesoinetsademande,jevérifieenmoisijesuisprêtàrépondreàsademande.)Oui,j’aisouventdumalàsuivreleprocessus.Aucoursdel’atelier,vousm’entendrezprobablementdécrireplusieurssituationsoùj’aipeiné…oucomplètementperdulecontact…avecceprocessus,cetteconscience,dontjevousparleaujourd’hui.Maiscequimepermetdetraversercesdifficultés,cesontlesliensétroitsquejevisaveclesautreslorsquejeparviensàresterdansleprocessus.

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ExerciceOBSERVATIONOUÉVALUATION?

Cet exercice vous aidera à évaluer votre capacité à séparer les observationsdes évaluations.Cochez lesphrasesquisontdesimplesobservationssanstraced’évaluation.

1.Hier,Jeanétaitencolèrecontremoisansaucuneraison.2.Hiersoir,Élianes’estrongélesonglesenregardantlatélévision.3.Oliviernem’apasdemandémonavispendantlaréunion.4.Monpèreestunhommegénéreux.5.Clairetravailletrop.6.Henriestagressif.7.Catherineestarrivéelapremièretouslesjourscettesemaine.8.Ilarrivesouventquemonfilsnesebrossepaslesdents.9.Lucm’aditquelejaunenem’allaitpas.10.Matanteseplaintchaquefoisquejeparleavecelle.

Voicimesréponses.

1.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.J’estimeque«sansaucuneraison»estuneévaluation.Enoutre,«Jeanétaitencolère»contientaussi,àmonsens,uneévaluation.Peut-être se sentait-il plutôtblessé, triste, effrayéouautre chose.Pourfaireuneobservationexemptedetouteévaluationonauraitpudire:«Jeanm’aditqu’ilétaitencolère»ou«Jeanatapédupoingsurlatable».

2.Si vousavezcochécettephrase,nous sommesd’accordpourconsidérerqu’il s’agitbiend’uneobservationsansévaluation.

3.Si vousavezcochécettephrase,nous sommesd’accordpourconsidérerqu’il s’agitbiend’uneobservationsansévaluation.

4.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.«Unhommegénéreux»exprime,àmonsens,uneévaluation.Pourfaireuneobservationsansporterdejugement,onauraitpudire:«Depuisvingt-cinqans,monpèreadonnéundixièmedesonsalaireàdesœuvrescharitables.»

5.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.«Trop»estàmonsensuneopinion. Pour faire une observation sans évaluer on aurait pu dire : « Cette semaine,Claireapasséplusdesoixanteheuresaubureau.»

6.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Jeconsidèrequ’«agressif»estuneévaluation.Pourfaireuneobservationsansévaluer,onauraitpudire:«Henriafrappésasœurlorsqu’elleaéteintlatélévision.»

7.Si vousavezcochécettephrase,nous sommesd’accordpourconsidérerqu’il s’agitbiend’uneobservationsansévaluation.

8.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.«Souvent»estàmonsensune évaluation. Pour faire une observation sans évaluation, on aurait pu dire : «Cettesemaine,monfilsaomisdeuxfoisdesebrosserlesdentsavantd’alleraulit.»

9.Si vousavezcochécettephrase,nous sommesd’accordpourconsidérerqu’il s’agitbiend’uneobservationsansévaluation.

10.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.«Seplaint»contientàmonsensuneévaluation.Pourfaireuneobservationsansporterde jugementonauraitpudire:«Matantem’aappelétroisfoiscettesemaineetchaquefoisellem’aparlédegensquilatraitaientd’unefaçonquiluidéplaisait.»

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4

Identifieretexprimerlessentiments

LemasqueToujoursunmasqueQuetenaitlamainfineetblanche.Elleavaittoujoursunmasquedevantlevisage…VraimentlepoignetQuilesoutenaitlégèrementConvenaitàlatâche;Arrivait-ilpourtantQu’ilyaituntremblementQu’undoigtvacilleImperceptiblement…Entenantlemasque?Pendantdesannées,jemesuisinterrogéMaisjen’aijamaisosédemander.Etpuis,J’aicommiscetimpair…J’airegardéderrièrelemasque,Maisiln’yavaitRien…Ellen’avaitpasdevisage.ElleétaitdevenueUnesimplemainTenantunmasqueAvecgrâce.

ANONYME

LapremièrecomposantedelaCNVconsisteàobserversansjuger,etladeuxièmeàexprimercequel’onressent.«Avec lamaturité,estime lepsychanalysteRolloMay, l’individuparvientàdistinguerautantdenuances de sentiments, demoments forts et passionnés ou délicats et sensibles que dans les différentsmouvementsd’unesymphonie.»Pourbeaucoupd’entrenous,nossentimentssonttoutefois«aussilimitésquelesnotesdel’appelduclairon»,pourreprendresonexpression.

LecoûtélevédessentimentsinexprimésNousdisposonssouventd’unlexiquebienplusrichepourqualifierautruiquepourdécrireclairementnos

propresémotions.J’aipassévingtetunanssurlesbancsdesécolesaméricainesetjenemesouvienspasque quiconque m’ait jamais demandé comment je me sentais. Les sentiments étaient tout simplementnégligés;cequicomptait,c’étaitla«bonnefaçondepenser»–définieparceuxquioccupaientdespostesclésoudétenaientquelqueautorité.Noussommesdavantageformésàdirigernotreattentionsurlesautresqu’à être en contact avec nous-mêmes. Nous apprenons à « fonctionner avec notre tête » et à nousdemander:«Qu’est-cequelesautrespensentquejedevraisdireetfaire?»Un incident qui m’opposa à une institutrice quand j’avais neuf ans illustre bien la façon dont nous

pouvonscommencerànouscouperdenos sentiments.Après la findescours, jem’étais cachédansuneclassecar,dehors,desgarçonsm’attendaientpourmebattre.Une institutricemevit etmedemandadequitterl’école.Jeluiexpliquaiquej’avaispeurdesortir,maisellerépliqua:«Lesgrandsgarçonsn’ontpaspeur. » Quelques années plus tard, mon expérience sportive renforça ce postulat. Les entraîneursappréciaient généralement les joueurs qui étaient prêts à « donner lemeilleur d’eux-mêmes » et, le caséchéant,à continuer lematchauméprisde ladouleur. J’avais sibienappris la leçonque j’ai continuéàjoueraubase-ballpendantunmoisavecunpoignetcassé.

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Lorsd’unatelierdeCNV,unétudiantparlad’unvoisindechambrequimettaitsachaînestéréosifortquelebruitl’empêchaitdedormir.Jeluidemandaiquelsentimentluiinspiraitcettesituation.«J’ailesentimentque ce n’est pas bien de jouer de la musique si fort la nuit », répondit-il. Je lui fis remarquer quel’expression«J’ailesentimentque…»exprimaitdavantageuneopinionqu’unsentiment.Iltentaalorsdereformuler ce qu’il ressentait : « Je sens que lorsque les gens font ce genrede choses, cela relèved’untroubledelapersonnalité.»C’étaitencoreuneopinionplusqu’unsentiment.Ilréfléchituninstant,etfinitparlancer:«Çanem’inspirestrictementaucunsentiment!»Detouteévidence,iléprouvaitdessentimentsintenses,maisilnesavaitmalheureusementpascomment

enprendreconscienceetmoinsencorecommentlesexprimer.Cettedifficultéàidentifieretdirecequel’onressentestcourante,notamment,d’aprèsmonexpérience,parmilesavocats,ingénieurs,agentsdepolice,chefs d’entreprise, militaires de carrière et tous ceux qui exercent une profession dont la déontologien’encouragepaslamanifestationdesémotions.Danslesrelationsfamiliales,cetteincapacitéàpartagersesémotionsadetristesconséquences.Aprèslamortdesonpère,lachanteusefolkRebaMcIntireécrivitunechanson qu’elle intitula « Ce Très Grand Homme, que je n’ai jamais connu ». Elle exprimait ainsi lessentimentsdebeaucoupdegensquin’ont jamaispuétabliravec leurpère le lienaffectifqu’ilsauraientsouhaité.J’entends très souventdes femmesdire : «Comprenez-moibien,monmari estunhommemerveilleux,

mais je ne sais jamais ce qu’il ressent. » L’une de ces épouses insatisfaites ayant amené sonmari à unatelier lui dit au cours d’un exercice : « J’ai le sentiment d’avoir épousé unmur. » Lemari imita alorsparfaitementlemur:ilsecaladanssonfauteuil,sansdesserrerlesmâchoiresetsansbouger.Exaspérée,ellesetournaversmoiets’exclama:«Vousvoyez!C’estcommeçatoutletemps.Ils’assiedetilneditrien.Jevivraisavecunmur,ceseraitpareil!»«Ilmesemblequevousvoussentezseuleetquevousaimeriezavoirplusdecontactsaffectifsavecvotre

mari»,répondis-je.Elleacquiesçaetjetentaidemontrerquelaphrase«J’ailesentimentd’avoirépouséunmur»avaitpeudechancesd’attirerl’attentiondesonmarisursessentimentsetsesdésirs.Ellerisquaitau contraire d’être entendue plutôt comme une critique que comme une invitation à se brancher sur leregistre des sentiments. De plus, de telles réflexions conduisent souvent à des prophéties quis’accomplissent d’elles-mêmes, en ceci qu’elles ont pour effet de provoquer l’attitude même qu’ellesdépeignent : unmari qui s’entend reprocher de se conduire commeunmur est blessé, découragé et neréagitpas,confirmantainsil’imagedemurquesafemmesefaitdelui.Nous avons tout à gagner en enrichissant notre vocabulaire affectif, non seulement dans nos relations

familiales, mais aussi dans nos rapports professionnels. Une grande entreprise suisse m’avait demandéd’aider ses techniciens à comprendre pourquoi le personnel des autres services les évitait. J’interrogeaileurscollègues,quimerépondirent:«Nousavonshorreurdetraiteraveceux.Nousavonsl’impressiondeparleràdesmachines!»Lasituations’amélioraaprèsquej’eusprisdutempsaveclestechnicienspourlesencourager à laisser davantage transparaître leur côté humain lorsqu’ils communiquaient avec leurscollègues.En une autre occasion, je fus amené à intervenir auprès des gestionnaires d’une clinique qui

appréhendaient leur prochaine réunion avec lesmédecins. Ils voulaient faire approuver unprojet contrelequellesmédecinsavaientrécemmentvotéàdix-septvoixcontreuneettenaientàcequejeleurmontrecommentlaCNVpourraitleurpermettred’aborderlesmédecins.J’organisai un jeu de rôles etmemis dans la peau d’un administrateur : « Je redoute d’aborder cette

question. » Je commençai de la sorte car je sentais à quel point les administrateurs craignaient cettenouvelle confrontation avec les médecins. Mais l’un d’entre eux me coupa aussitôt : « Vous n’êtes pasréaliste!Nousnepourrionsjamaisdireauxmédecinsquenousavonspeur!»Je lui demandai alors pourquoi il lui semblait si impossible de reconnaître ses craintes. « Si nous

admettionsquenousavonspeur,répliqua-t-ilsanshésiter,ilsnousmettraientenpièces!»Saréponsenemesurpritguère.J’aisouvententendudesgensdirequ’ilsneconcevaientpasd’exprimerleurssentimentsdans leur milieu professionnel. J’eus toutefois par la suite le plaisir d’apprendre que l’un desadministrateurs s’était risqué àmontrer sa vulnérabilité lors de la réunion tant redoutée. Au lieu de seprésenter comme à son habitude sous un éclairage strictement logique, rationnel et réservé, il choisitd’exposer ses sentiments ainsi que les raisons pour lesquelles il voulait que lesmédecinsmodifient leurpointdevue.Cefaisant,ilremarquaquelesmédecinsadoptaientàsonégarduneattitudetrèsdifférente.Au bout du compte, il constata avec surprise et soulagement qu’au lieu de le « mettre en pièces » lesmédecins avaient totalement changé d’avis et voté en faveur du projet à dix-sept voix contre une ! Cerevirement spectaculaire permit aux administrateurs de se rendre compte à quel point il pouvait êtreprofitabled’exprimersavulnérabilité–mêmedansuncontexteprofessionnel.

Exprimernotrevulnérabilitépeutaideràrésoudredesconflits.

Pour finir, je voudrais partager une anecdote qui m’a appris les effets des émotions dissimulées.J’enseignaislaCNVàdesjeuneshabitantsdansdesquartiersdéfavorisés.Lepremierjour,dèsquej’entraidans laclasse, lesétudiantsarrêtèrentnet leursdiscussionset firentsilence. Je lessaluai,maisn’obtins

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aucuneréponse.J’étaistrèsmalàl’aise,maisj’avaispeurdelemontrer.J’enchaînaidoncsuruntontrèsprofessionnel :«Nousallons iciétudierunprocessusdecommunicationdont j’espèrequ’ilvousaideraàgérervosrapportsfamiliauxetamicaux.»Jecontinuaiàprésenter laCNV,maispersonnenesemblaitécouter.Une jeunefille fourrageadansson

sac,sortitunelimeetsefitostensiblementlesongles.Lesétudiantsassisprèsdelafenêtrecollaientlenezaucarreau,commesilespectacledelaruelespassionnait.J’étaisdeplusenplusnerveux,maism’obstinaiànerienendire.Enfin,unétudiantpluscourageuxquemoilança:«Vousn’aimezpasêtreavecdesNoirs,hein?»J’étaisabasourdi,maisjecomprisimmédiatementqu’enm’efforçantdecachermonmalaisej’avaisenfaitcontribuéàluidonnercetteimpression.« Je suis en effetmal à l’aise, avouai-je.Nonparceque vous êtesnoirs,mais parceque je ne connais

personne ici, et j’aurais voulu être accepté en entrant dans la salle. » Cet aveu de vulnérabilité leur fitbeaucoupd’effet.Ilssemirentàmeposerdesquestionssurmoi,àmeparlerd’euxetàmanifesterdelacuriositépourlaCNV.

DistinguerlessentimentsdesinterprétationsmentalesUneconfusionfréquenteestdueàl’emploiduverbe«sentir»danslesphrasesoùnousexprimonsnos

penséesplutôtquenossentiments.Ainsi,dansunephrasecomme:«Jesensquejemesuisfaitavoir»,ilserait plus juste de remplacer le verbe sentir par le verbe « penser ». En règle générale, « avoir lesentiment…»,«sentirque»sontleplussouventsuivisdepensées,d’opinionsoud’expressionsmentales,plutôtquedesentiments.Ilenvaainsidanslesexemplessuivants.

J’ailesentimentquetuauraisdûtecomporterautrement.Jesensqueçanesertàrien.Jesensquenousn’allonspasnousentendre.J’ailesentimentd’êtreunraté.J’ailesentimentdevivreavecunmur.J’ailesentimentquemonpatronmemèneparleboutdunez.

Faireunedistinctionentresentimentsetpensées.

Dans de tels cas, les questions : « Qu’est-ce que j’éprouve ? » « Qu’est-ce qu’il ressent dans cettesituation?»peuventnousmettresurlapistedessentimentsréels.

Faireunedistinctionentrecequenousressentonsetcequenouspensonsêtre.

Pourdécrire cequenous-mêmes ressentonsoud’autres ressentent, nousemployons leplus souvent leverbe«être»,parfoislaforme«sesentir»,suivisd’unadjectif.Parexemple:«Jemesenstriste»ou«Jesuis triste ». Certains adjectifs décrivent ce que nous pensons être plutôt que les sentiments que nouséprouvons.LaCNVnousinciteàêtreattentifsàladifférence.A.Descriptiondecequenouspensonsêtre

«Jemesensvraimentnulàlaguitare.»

J’évalueicimacompétencedeguitariste,sansexprimerclairementmessentiments.B.Expressiondesentiments

«Jesuisdéçuparmestalentsdeguitariste.»«Jesuisimpatientdeprogresser.»«Jesuismécontentdelafaçondontjejoue.»

Lesentimentréelquecachel’adjectif«nul»pourraitparconséquentêtreladéception,l’impatience,lemécontentementouuneautreémotion.Ilestégalementutilededistinguerentrelesadjectifsquitraduisentnossentimentsetceuxquiexpriment

notreinterprétationdesactesoupenséesd’autrui.Danslesexemplessuivants,onpourraitpenserquelelocuteurexprimeunsentiment,alorsque lesadjectifsutilisés fontdavantageréférenceà la façondont ilinterprètelecomportementdesautresqu’àcequ’ilressentvéritablement.

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Faire une distinction entre ce que nous ressentons et notre interprétation desréactionsoucomportementsdesautresànotreégard.

A.Jemesensinsignifiantpourmescollègues.Par l’adjectif « insignifiant », j’interprète la façondont les autresme jugent, plus que je n’exprimeun

sentiment réel. Je pourrais ici formuler mon sentiment en disant : « Je me sens triste » ou « Je suisdécouragé».B.Jemesensincompris.L’adjectif«incompris»renvoieàmonjugementsurlacapacitédecompréhensiondesautresetnonàun

sentimentréel.Danscettesituation,ilseraitplusjustededirequejesuisinquietoucontrarié,parexemple.C.Jemesensignoré.Une fois de plus, il s’agit ici d’une interprétation des actes d’autrui. Quant aux sentiments qui s’y

rapportent, ils peuvent varier. Il s’est certainement trouvé des moments où, pensant que d’autres nousignoraient,nousenavonsétésoulagés,carnoussouhaitionsque l’onnous laisse tranquilles.End’autrescirconstances, nous nous sommes sentisblessés,parce que nous aurions souhaité participer à ce qui sefaisait.Desadjectifscomme«ignoré»exprimentdoncdavantagenotreinterprétationdesactesd’autruiquece

quenousressentons.Voiciunéchantillond’adjectifsdecetype.abandonnéattaquébousculébridécoincécontraintdéconsidérédélaissédévaloriséentraînéexploitéignoréincomprisindésirablemaltraitémanipulématernémenacéméprisémésestiménégligéobligépasappréciépasentendupassoutenupersécutépiégéprovoquérabaissérejetésurchargétrahitrompéutilisé

DévelopperunvocabulairedessentimentsLesmotsdésignantdesémotionsparticulièressontplusutilespourexprimerlessentimentsquelesmots

vagues ou trop généraux. Ainsi « Je me sens bien » peut vouloir dire « Je suis content, enthousiaste,

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soulagé»oufaireréférenceàtouteunegammed’émotionspositives.Desmotscomme«bien»et«mal»empêchentnotreinterlocuteurdevoirprécisémentcequenousressentonsvraiment.Les listes suivantes ont été constituées pour nous aider à exprimer précisément des sentiments et à

décrireclairementtouteunegammed’émotions.Lorsquenosbesoinssontsatisfaits,nouspouvonsnoussentir…

admiratifalerteamoureuxamuséapaiséattendriattentifauxangesbéatbiendisposébouleversécalmecaptivécharmécombléconfiantcontentcurieuxdebonnehumeurdécontractédélivrédétenduébahiéblouiégayéélectriséémerveilléémoustilléémueneffervescenceenharmonieavec…enextaseensécuritéenchantéencouragéenjouéenthousiasteétonnééveilléexaltéexcitéfascinéfierfrémissant(dejoie,desurprise)gaiheureuxhilareinspiréintéresséintriguéjoyeuxlégerlibremobiliséà…optimistepaisiblepassionnéragaillardirassasié

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rassuréravireconnaissantrégénéréregonfléréjouiremontérevigorésatisfaitsereinsoulagéstimuléstupéfaitsubmergé(dejoie)sûrdesoisurexcitésurpristouchétranquilletransportédejoievibrantvivantvivifié

oubienplein…d’amourd’affectiond’appréciationd’ardeurdechaleurdecompréhensiondedouceurd’énergied’entraind’espoirdeferveurdegratitudedepétulancedetendressedezèleoubienencored’humeur…aventureusecâlineenjouéeespiègleexubéranteinsouciantepétillanteAcontrario,lorsquenosbesoinsnesontpassatisfaits,nouspouvonsnoussentir…

àboutabasourdiabattuaccabléaffligéagacéagitéalarméamerangoisséanxieuxapeuréatterré

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attristéblessébouleversécafardeuxchagrinéchoquéconfusconsternécontrariécoupablecraintifcrispédébordédéconcertédécouragédéçudéfaitdégoûtédemauvaisehumeurdémoralisédémunidépassédépitédéprimédéroutédésabusédésemparédésenchantédésespérédésolédésorientédéstabilisédétachéécœuréeffaréeffrayéembarrasséémuencolèreénervéennuyéépuiséexaspéréexcédéexcitéfâchéfatiguéfragilefrustréfurieuxgênéglacédepeurhaineuxhésitanthonteuxhorrifiéhorripiléimpatientimpuissantincommodéinquietinsatisfaitinstableintriguéirrité

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jalouxlaslassélourdmalàl’aisemalassurémalheureuxmécontentméfiantmélancoliquenavrénerveuxpaniquépasintéressépeinéperplexeperturbépessimistepiquéauvifpiteuxpréoccupéremontérésignésceptiquesecouésensibleseulsidérésoucieuxsoupçonneuxstupéfaitsurexcitésurlequi-vivesurpristerrifiétourmentétransitremblanttristetroubléulcérévexévidéoubiennouspouvonsnoussentird’humeur…chagrinemaussademassacrantemorosesombreouencoreéprouverdessentiments…d’agressivitéd’appréhensiond’aversiond’ennuidepeurdepitiéderancœurderessentiment

RésuméLadeuxièmecomposantedelaCNVconsisteàexprimernossentiments.Endéveloppantunvocabulaire

affectif qui nous permet de décrire clairement et précisément nos émotions, nous pouvons établir plus

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facilementunlienaveclesautres.Montrernotrevulnérabilitéenexprimantnossentimentspeutcontribueràrésoudredesconflits.Enfin, laCNVdistinguelessentimentsréelsdesmotsdécrivantdespensées,desjugementsetdesinterprétations.

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ExerciceEXPRIMERDESSENTIMENTS

Sivousvoulezvoirsinoussommesd’accordsurl’expressionverbaledessentiments,cochezlesphrasesoùdessentimentssontnommés.

1.J’ailesentimentquetunem’aimespas.2.Jesuistristequetupartes.3.J’aipeurquandtudiscela.4.Quandtunemedispasbonjour,jemesensdélaissée.5.Jesuiscontentquetupuissesvenir.6.Tuesexaspérant.7.Jesensquej’aienviedetetaperdessus.8.Jemesensincompris.9.Jemesensbienaprèscequetuasfaitpourmoi.10.Jemesensincapable.

Voicimesréponses.

1. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. À mon sens, « tu nem’aimespas»neditpaslessentimentsdelapersonnequiparle,maisdécritceuxqu’elleattribueàl’autre.Contrairementauxapparences,l’expression«J’ailesentimentque…»exprimerarementunsentiment.Pourexprimerunsentiment,onauraitpudire:«Jemesenstriste»ou«Jesuistrèsmalheureux».

2.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerqu’unsentimentestspécifiquementexprimé.

3.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerqu’unsentimentestspécifiquementexprimé.

4. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. Pourmoi, « délaissée »n’exprimepasunsentiment,maiscequelapersonnepensequ’onluifait.Pourexprimerunsentiment,onauraitpudire:«Quandtunemedispasbonjour,jemesensseule.»

5.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerqu’unsentimentestspécifiquementexprimé.

6.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,«exaspérant»exprime ce qu’on pense de l’autre plutôt que ce qu’on ressent. Pour exprimer unsentiment,onauraitpudire:«Jesuisexaspéré.»

7.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,«J’aienviedete taper dessus » exprime ce qu’on a envie de faire et non ce qu’on ressent. Pourexprimerunsentiment,onauraitpudire:«Jesuisfurieuxcontretoi.»

8.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,«incompris»n’estpasunsentiment.Lapersonnequiparledonnesonopinionsur lacompréhensiondesautres.Pourexprimerunsentimentonauraitpudire:«Jesuisdéçu»ou«Jesuisdécouragé».

9.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerqu’unsentimentaété exprimé verbalement. Notons toutefois que « bien » est vague pour exprimer unsentiment.Nouspouvonsprécisercequenouséprouvonsenutilisantd’autresadjectifs,d’habitude. Ici, on aurait pu dire : « Je me sens soulagé » ou « très content » ou«encouragé».

10.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,«incapable»n’est pas un sentiment. Celui qui parle dit ce qu’il pense de lui-même, et non ce qu’ilressent. Pour exprimer un sentiment, on aurait pu dire : « Je doute de mes proprestalents»ou«Jesuisdémoralisé».

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Assumerlaresponsabilitédesessentiments

«Lesgenssonttroublésnonparleschoses,maisparl’imagequ’ilss’enfont.»

ÉPICTÈTE

Entendreunmessagenégatif:quatrepossibilitésLatroisièmecomposantedelaCNVconsisteàidentifierl’originedenossentiments.LaCNVnousaideà

comprendrequelesparolesetlesactesd’autruipeuventêtreunfacteurdéclenchant,maisjamaislacausedenossentiments.Nousconstatonsquenossentimentsproviennentdelafaçondontnouschoisissonsderecevoir les actes et paroles des autres, ainsi que de nos besoins et de nos attentes particulières à cemoment-là. Avec la troisième composante, nous en venons à accepter la responsabilité de ce que nousfaisonspourgénérernospropressentiments.

Lesactesd’autruipeuventêtrelefacteurdéclenchant,maisjamaislacausedenossentiments.

Lorsque quelqu’un nous adresse un message négatif, formulé verbalement ou non, nous pouvonsl’accueillirdequatremanières.

Quatrefaçonsd’accueillirunmessagenégatif:1.sesentirfautif;

Premièrepossibilité:noussentirfautifenyentendantunreprocheetunecritique.«Tuesl’individulepluségoïstequej’aiejamaisconnu!»nousditunepersonneencolère.Enchoisissantdenoussentirvisé,nouspourrionsnousdire:«J’auraisdûêtreplussensible.»Nousacceptonsalorslejugementdel’autreetnousnousaccablonsdereproches.Cetteoptionnousfaitbaisserdansnotrepropreestimeenfavorisantdessentimentsdeculpabilité,dehonteetdedépression.

2.rejeterlafautesurl’autre;

Deuxièmepossibilité:rejeterlafautesurl’autre.Enréponseàlaphraseci-dessus,nousriposterions,parexemple : « Tu n’as pas le droit de dire ça ! Je suis toujours à l’écoute de tes besoins. C’est toi qui eségoïste. » Lorsque nous recevons des messages de cette façon et retournons le reproche à notreinterlocuteur,nousrisquonsd’éprouverdelacolère.

3.percevoirnossentimentsetbesoins;

Troisième possibilité : porter notre attention sur nos propres sentiments et besoins.Nous répondrionsalors:«Lorsquejet’entendsdirequejesuisl’individulepluségoïstequetuaiesjamaisconnu,jemesensblessé, parce que j’ai besoin que les efforts que je fais pour prendre en compte tes préférences soientreconnus.»Ennousfocalisantsurnospropressentimentsetbesoins,nousprenonsconsciencedufaitquenotresentimentprovientd’unbesoindereconnaissance.

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4.chercheràpercevoirlessentimentsetbesoinsdel’autre.

Enfin, la quatrième possibilité consiste à diriger notre attention sur les sentiments et les besoins del’autre,telsqu’ilssontexprimés.Nouspourrionsainsirépondreparunequestion:«Tesens-tublesséparcequetuauraisbesoinquetespréférencessoientmieuxprisesencompte?»Aulieudeblâmerlesautrespourlessentimentsquenouséprouvons,nousenacceptonslaresponsabilité

enlesreliantànospropresbesoins,désirs,attentes,valeursoupensées.Soulignonsladifférenceentrelesformulationssuivantesd’unedéception.Exemple1

A:«Tum’asdéçuennevenantpashiersoir.»B:«J’étaisdéçuquetuneviennespasparcequejevoulaisdiscuterdecertaineschosesqui

mecontrarient.»

Arejette laresponsabilitédesadéceptionsur lecomportementde l’autre.Battribuesonsentimentdedéceptionàsonpropredésirinassouvi.Exemple2

A:«Ilsm’ontvraimentexaspéréenannulantlecontrat!»B:«Lorsqu’ilsontannulélecontrat,j’étaisexaspéréparcequejemedisaisquec’étaitune

initiativetotalementirresponsable.»

A attribue exclusivement son exaspération au comportement de l’autre partie, tandis queB assume laresponsabilitédesonsentimenten reconnaissant lapenséequi l’amotivé. Il reconnaîtqueson irritationprovient de sa désapprobation. En CNV, nous l’encouragerions cependant à faire un pas de plus, enidentifiantcequiluimanque–lebesoin,ledésir,l’attente,lavaleuroul’espoirquin’apasétécomblé(e).Commenous le verrons, plusnous sommes capablesd’associer nos sentiments ànosbesoins, plus il estfacile pour les autres d’y répondre avec empathie. Pour relier ses sentiments à ce qu’elle voulait, lapersonneBauraitpudire:« Lorsqu’ils ont annulé le contrat, j’ai été très irrité parce que j’espérais que ce serait l’occasion de

reprendrelesemployésquenousavionslicenciésl’annéedernière.»Lemécanisme de base de lamotivation par la culpabilité consiste à attribuer la responsabilité de ses

sentimentsauxautres.Lorsquelesparentsdisent:«Quandtuasdemauvaisesnotesàl’école,celanousfait de la peine », ils sous-entendent que les actes de l’enfant sont la cause de leur plaisir ou de leurdéplaisir.Àpremièrevue,cetteattitudequiconsisteàseconsidérercommeresponsabledessentimentsdesautres pourrait aisément passer pour de l’affection. On peut avoir l’impression que l’enfant aime sesparents et se sentmal parcequ’ils souffrent.Mais si les enfantsqui assument ce typede responsabilitémodifientleurcomportementenfonctiondesdésirsdeleursparents,ilsn’agissentpasspontanément,maispouréchapperàlaculpabilité.

Distinguerentreunactevenuducœuretunactemotivéparlaculpabilité.

Il est utiled’identifierun certainnombrede tournuresqui tendent àmasquer la responsabilitédenospropressentiments.

1.Emploidepronomsdémonstratifssansantécédent(cela,ça…)

« Ça me rend furieuse de voir des fautes d’orthographe dans nos plaquettespublicitaires.»«Celam’exaspèreauplushautpoint.»

2.Formulationsnefaisantréférencequ’auxactesdesautres

«Quandtunem’appellespaspourmonanniversaire,jesuisblessé.»«Mamanestdéçuequandtunefinispastasoupe.»

3.Emploidel’expression«Jesuis(+émotion)parceque…»suiviedunomd’unepersonneoud’unpronompersonnelautreque«je»

«Jesuisblesséparcequetuasditquetunem’aimaispas.»«Jesuisencolèreparcequeledirecteurn’apastenusapromesse.»

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Reliernotresentimentàunbesoin:«Jemesens…parcequej’aimerais…»

Dans tous ces exemples, nous pourrions mieux prendre conscience de notre propre responsabilité enreformulantlesphrasessurlemodèle:«Jemesens…parcequeje…»Ainsi:

1. « Je suis vraiment en colère lorsquedes fautes d’orthographe commecelle-ci se glissentdansnosplaquettespublicitaires,parcequejeveuxquenotreentrepriseaitunebonneimagedemarque.»

2.«Jesuisdéçuequandtunefinispastasoupeparcequejeveuxquetudeviennesungarçonfortetenbonnesanté.»

3. « Je suis mécontent que le directeur n’ait pas tenu sa promesse parce que j’espéraisprendrecelongweek-endpourallervoirmonfrère.»

Lesbesoinsquisontàl’originedessentimentsLes jugements,critiques,diagnosticset interprétationsportantsur lesautressontautantd’expressions

détournéesdenosbesoins.Siquelqu’undit:«Tunemecomprendsjamais»,ilnousditenréalitéquesonbesoind’êtrecomprisn’estpassatisfait.Demêmeuneépousequidéclareàsonmari:«Turentrestarddutravail tous les soirsdepuisune semaine.Tuaimesplus ton travailquemoi»dit en faitque sonbesoind’intimitén’estpassatisfait.

Lesjugementsportéssurlesautressontdesexpressionsdétournéesdenospropresbesoinsinsatisfaits.

Lorsquenousexprimonsindirectementnosbesoinsenpassantpardesjugements,desinterprétationsetdesimages,l’autrerisqued’entendreunecritique.Etlorsqu’ilentendquelquechosequiressembledeprèsoudeloinàunecritique,ilatendanceàmettretoutesonénergiedansl’autodéfenseoulariposte.Sinotresouhaitestderecevoirde l’autreuneréponseempathique, ilestcontre-productifd’exprimernosbesoinssous forme de jugement sur son comportement. En revanche, mieux nous parviendrons à associer nossentimentsànosbesoins,mieuxl’autrepourrayrépondreavecempathie.

Si nous exprimons nos besoins, nous augmentons nos chances qu’ils soientsatisfaits.

Malheureusement,beaucoupd’entrenousn’ontjamaisapprisàraisonnerentermesdebesoins;lorsquenos besoins ne sont pas satisfaits, c’est généralement sur les défaillances de l’autre que nous nousconcentrons.Siparexempledesenfantslaissentleurmanteausurlecanapéalorsqueleurmèrevoudraitqu’ils lesaccrochentdans lapenderie,elle lesqualifieraaisémentdeparesseux.De lamêmefaçon,nousaurionstendanceàtaxernoscollèguesd’incompétencelorsqueleursméthodesdetravailnecorrespondentpasàcequenousattendons.Je fus un jour invité en Californie du Sud comme médiateur entre des propriétaires terriens et des

ouvriers agricoles immigrés, opposés dans des conflits de plus en plus vifs et violents. Au début de laréunion, je leur posai deux questions : « Quels sont vos besoins respectifs ? Et que souhaiteriez-vousdemanderàl’autrepartieparrapportàcesbesoins?»«Leproblème,c’estquecesgens-làsontracistes!»tonnaun ouvrier agricole. « Le problème, c’est que ces gens-là ne respectent pas la loi ! » rétorquaunpropriétaireterrien.Commec’estsouventlecas,cesgroupesétaientplushabilesàanalyserlestortsdesautresqu’àexprimerclairementleursbesoins.Dansunesituationcomparable, j’airencontréungrouped’IsraéliensetdePalestiniensquisouhaitaient

établirunerelationdeconfianceréciproqueafind’œuvrerpourlapaixdansleurrégion.J’ouvrislaséanceaveclesmêmesquestions:«Dequoiavez-vousbesoinetquesouhaiteriez-vousdemanderàl’autrepartiepar rapport à ces besoins ? » Au lieu d’énoncer clairement ses besoins, unmukhtar (maire) palestinienlançaauxIsraéliens:«Vousvouscomportezcommeunebandedenazis!»Cen’étaitcertespascetypededéclarationquiallaitluiattirerleurcoopération!Presqueaussitôt,uneIsraéliennese levad’unbondetrépliqua :«Mukhtar,cequevousvenezdedire

manque tout à fait de tact ! »Ces gens s’étaient réunis pour bâtir un rapport de confiance et travaillerensembleenharmonie,mais ilavaitsuffid’unéchangepourenvenimer lasituation.C’estsouventcequiarrivelorsquelesindividussontplushabituésàcritiquerlesautresqu’àexprimerclairementleurspropres

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besoins.Danscecasprécis,lafemmeauraitpurépondreaumukhtarensefocalisantsursesbesoinsetenformulantunedemande:«J’aibesoindeplusderespectdansnotredialogue.Aulieudenousdirecommentvous pensez que nous nous comportons, voudriez-vous nous dire ce qui, dans ce que nous faisons, vousdérange?»J’aiconstatéàmaintesreprisesqu’àpartirdumomentoùlesgensparlentdeleursbesoinsplutôtquedes

tortsdesautres, ildevientbeaucoupplus facilede trouverdesmoyensdesatisfaire tout lemonde.Voiciquelques-unsdesbesoinshumainsfondamentauxquenousavonstousencommun.Autonomie

libertédechoisirsesrêves,sesprojetsdevie,sesvaleurslibertédechoisirsonpland’actionpourréalisersesrêves,sesprojetsdevie,sesvaleurs

Célébration

célébrerlacréationdelavieetlesrêvesréaliséscélébrerledeuildesêtreschers,desambitionsdéçues,etc.

Intégrité

authenticitécréativitéestimedesoirecherchedesens

Interdépendance

acceptationamourappartenancecommunautaireappréciationchaleurhumainecompréhensionconfiancecontributionà l’épanouissementde lavie (exercerpleinementses talentsauservicede lavie)délicatesse,tactempathiehonnêteté,sincérité(lasincéritéquisertnotrelibertéd’actionennouspermettantdetirerlesleçonsdenospropreslimites)proximitérespectsécurité(affective,matérielle,etc.)soutien

Jeu

amusementrire

Communionspirituelle

beautéharmonieinspirationordrepaix

Besoinsphysiologiques

abriaireauexpressionsexuellemouvement,exercicenourriture

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protection contre les agents qui menacent la vie : virus, bactéries, insectes, animauxprédateursrepostoucher,contactphysique

Exprimersesbesoinsoulestaire:quelestleplusdouloureux?Dans un monde où nous sommes souvent sévèrement jugés lorsque nous identifions et révélons nos

besoins, cette démarche peut faire peur, surtout aux femmes, qui essuient encore plus de critiques. Onentretient en effet depuis des siècles une image de la femme aimante, censée se sacrifier et renier sesbesoinspourseconsacrerauxautres.Or,danslamesureoùlesfemmessontélevéesdansl’idéequec’estlàleurfonctionsocialepremière,ellesontsouventapprisàignorerleurspropresbesoins.Lorsd’unatelier,nousdiscutionsdusortdesfemmesquiintériorisentcetypedeconviction.Lorsqu’elles

formulentleursdésirs,elleslefontsouventsurunmodequireflèteetrenforcel’idéeselonlaquelleleursbesoinsnesontnilégitimesniimportants.Ainsi,aulieudedirequ’elleaeuunelonguejournée,qu’elleestfatiguéeetqu’elleabesoind’unpeudetempsàelleensoirée,unefemmequicraintdedemandercedontelleabesoinpourraitselancerdansunevéritableplaidoirie:«Voussavezquejen’aipaseuunmomentàmoidetoutelajournée.J’airepasséleschemises,faitleslessivesdelasemaine,emmenélechienchezlevétérinaire, préparé le repas et les sandwiches des enfants, appelé les voisins pour la réunion decopropriétaires, alors… (sur un ton implorant)…alors si vous vouliez bien…»La réponse ne se fait pasattendre:«Pasquestion!»Sarequêtelarmoyantesuscitedavantagederésistancequed’empathie,carsesinterlocuteursontdumalàentendreetàapprécierlesbesoinsquisecachentderrièresessuppliques.Etlorsqu’elletentemaladroitementdefairevaloircequ’elle«mériterait»ou«devrait»obtenird’eux,elleseheurte àune réactionnégative.Auboutdu compte, elle se trouve confortéedans l’idéeque sesbesoinsn’ontaucuneespèced’importance,sansserendrecomptequelafaçondontellelesaexprimésnefavorisaitguèreuneréactionpositive.

Sinousn’accordonspasdevaleurànosbesoins,lesautresneleurenaccorderontpeut-êtrepasdavantage.

Ma mère participait un jour à un séminaire dans lequel des femmes parlaient de la crainte qu’elleséprouvaientàexprimerleursbesoins.Elleselevasoudainetquittalapièce.Lorsqu’ellereparutenfin,elleétaittrèspâle.–Tutesensbien,maman?luidemandai-jedevanttoutlegroupe.–Oui,répondit-elle,maisjeviensderéaliserquelquechoseetcelam’esttrèspénible.–Dequois’agit-il?– Je viens de prendre conscience que j’en ai voulu pendant trente-six ans à ton père parce qu’il ne

comblait pas mes attentes, et je me rends compte seulement maintenant que je ne lui ai jamais ditclairementcedontj’avaisbesoin.Elleavaitvu juste.Jenemesouvienspasdel’avoirentendueuneseulefoisexposerdefaçonnetteses

besoinsàmonpère.Elleparlaitparallusionsettournaitautourdupot,maisnedisaitjamaisouvertementcequ’ellevoulait.Nousessayâmesdecomprendrepourquoielleavaiteutantdemalàlefaire.Issued’unmilieudéfavorisé,

elle se souvenait que, dans son enfance, lorsqu’elle demandait certaines choses, ses frères et sœurs larabrouaient:«Tunedevraispasdemandercela,tusaisbienquenoussommespauvres.Iln’yapasquetoidans la famille ! » Si bien qu’elle finit par redouter de ne s’attirer que désapprobation et jugements enformulantsesbesoins.Elle nous raconta que, quand elle avait quatorze ans, l’une de ses sœurs s’était fait opérer de

l’appendiciteetqu’uneautresœurluiavaitoffertunpetitsac.Mamèrerêvaitd’unsacidentiquemaisn’osarienendire.Etquepensez-vousqu’ilsepassa?…Ellefitsemblantderessentirunedouleurlancinantesurle côté droit et joua la comédie jusqu’au bout. Ses parents l’envoyèrent consulter plusieurs médecins.Incapables d’établir un diagnostic, ils décidèrent de l’hospitaliser pour procéder à une exploration. Elleavaitjouégros,maissonstratagèmemarcha:ellereçutexactementlemêmepetitsacqueceluidesasœur.Bien qu’elle fût dans une situation très inconfortable, ce cadeau la transporta de joie. Deux infirmièresentrèrent dans sa chambre, et l’une lui mit un thermomètre dans la bouche. Ma mère bafouilla un«Mmph…mmph…»enmontrantsonpetitsacà l’autreinfirmière,quirépondit :«C’estpourmoi?Oh,c’esttropgentil,ilnefallaitpas!»Etelledisparutavecson«cadeau»!Mamèreétaitdésespéréeetneparvintjamaisàdire:«Jen’avaispasl’intentiondevousledonner.Rendez-le-moi,s’ilvousplaît.»Cetteanecdotesoulignebienlesrisquesquel’onprendànepasreconnaîtreouvertementsesbesoins.

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Del’esclavageaffectifàlalibérationaffectiveAvantdeparveniràunétatdelibérationaffective,nouspassonsgénéralementpartroisphasesdansnos

rapportsàl’autre.Lorsdelapremièrephase,quej’appellel’esclavageaffectif,noussommespersuadésd’êtreresponsables

des sentiments des autres. Nous pensons devoir en permanence nous efforcer de faire plaisir à tout lemonde.Silesautresparaissentmécontents,nousnoussentonsresponsablesetobligésd’yremédier.Cetteattitudepeutaisémentnousmeneràconsidérerlesgensquinoussontlesplusprochescommedespoids.Dans les relationsdecouple, ilpeutêtre trèspréjudiciabledese sentir responsabledes sentimentsde

l’autre.J’entendsrégulièrementdesvariantessurlethème:«J’aitrèspeurdem’engagerdansunerelationamoureuse.Chaquefoisquejevoisma(mon)partenairesouffrirouavoirbesoindequelquechose,jesuisdépassé(e). J’ai l’impressiond’êtrepris(e)aupiège,d’étouffer,et jem’empressedemettreun termeà larelation. » C’est là une réaction courante chez ceux qui pensent qu’aimer impose de renier ses propresbesoins afindepourvoir à ceuxde l’autre.Audébutd’une relationamoureuse, on se sentgénéralementjoyeuxetpleinsd’attentionl’unpourl’autre,avecunesensationdeliberté.Larelationestalorsgrisante,spontanéeetmerveilleuse.Mais,àmesurequ’elledevient«sérieuse»,ilarrivequechacuncommenceàsesentirresponsabledessentimentsdel’autre.

Première phase, l’esclavage affectif : nous nous croyons responsables dessentimentsdesautres.

Unpartenaireconscientdetomberdanscetraverspourraitreconnaîtrelasituationenexpliquant:«Jenesupportepasdemeperdredansunerelation.Lorsquejeconstatequemacompagneestensouffrance,jeperds mesmoyens et je dois rompre pour retrouver ma liberté. » S’il ne parvient pas à cette prise deconscience, il risque de reprocher à sa compagne d’être responsable de la dégradation de la relation. Ilpourrait alors dire : « Elle est tellement exigeante et dépendante que notre relation en devient trèstendue.»Auquelcas,ilseraitpréférablequesacompagneneremettepasencausesespropresbesoins,caraccepter le reproche ne ferait qu’aggraver la situation. Elle pourrait en revanche proposer une réponseempathiqueàlasouffrancedel’autre,néedesonsentimentd’esclavageaffectif:«J’ail’impressionquetupaniquesetqu’ilt’esttrèsdifficiledepréserverlatendresseetl’amourdenotrerelationsanst’enrendreresponsable,sanst’enfaireundevoirouuneobligation…Tuasl’impressiondeperdretalibertéparcequetu penses que tu dois en permanence t’occuper de moi. » Si, au lieu de réagir avec empathie, elledemandait :«Est-cequetuestenduparceque j’aiététropexigeanteenverstoi?» ilyauraitde forteschances pour que les deux partenaires s’enferrent dans un rapport d’esclavage affectif, ce quicompromettraitlaviabilitédeleurrelation.Au cours de la deuxième phase, nous commençons à nous rendre compte qu’il revient très cher

d’endosserlaresponsabilitédessentimentsd’autruietd’essayerde«faireavec»,quoiqu’ilnousencoûte.Lorsquenousfaisonslebilanetquenousvoyonstoutceàcôtédequoinoussommespassésetàquelpointnousnoussommesfermésànous-mêmes,noussentonsparfoissourdrelacolère.Danscettephase,quejequalifieironiquementd’exécrable,nousavonstendanceàréagiràlasouffrancedel’autrepardesréflexionsdésagréables,tellesque:«C’esttonproblème!Cen’esttoutdemêmepasmoiquisuisresponsabledecequeturessens!»Noussavonscedontnousnesommespasresponsables,maisilnousresteàapprendreànouscomporterenversl’autredefaçonresponsable,enenrayantl’engrenagedel’esclavageaffectif.

Deuxième phase, la phase « exécrable » : nous éprouvons de la colère ; nous nevoulonsplusendosserlaresponsabilitédessentimentsd’autrui.

Tandis que nous sortons de la phase d’esclavage affectif, nos besoins continuent de nous inspirer unecertaine crainte et un sentiment de culpabilité. Il n’est donc pas surprenant que nous finissions par lesexprimersurdesmodesquel’autreperçoitcommerigidesetpéremptoires.Ainsi,uneparticipantevintmetrouverpendantlapaused’unatelieretmeditcombienelleétaitheureused’avoirprisconsciencedesonétat d’esclavage affectif. Lorsque la séance reprit, je proposai au groupe une activité. La jeune femmedéclaraalorsd’unevoixassurée:«Jepréféreraisfaireautrechose.»Jesentisqu’ellemettaitenpratiquecequ’ellevenaitd’apprendreetexerçaitsondroitàexprimersesbesoins.Je l’encourageai à préciser ses désirs : « Voulez-vous faire autre chose, même si cela contredit mes

besoins ? » Elle réfléchit un instant, puis balbutia : « Oui… euh… enfin, non. » Son embarras étaitcaractéristiquedecettephaseexécrable,pendantlaquellenousn’avonspasencorecomprisqu’ilnesuffitpasd’affirmernosbesoinspourparveniràlalibérationaffective.Unincidentsimilairemarquacepassageverslalibérationaffectivedemafille.Marlaavaittoujoursétéla

petitefillemodèle,quis’évertuaitàreniersesbesoinspoursatisfairelesattentesdesautres.Lorsquejemesuis rendu compte qu’elle étouffait souvent ses désirs pour plaire à son entourage, je lui dis combien

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j’aimerais l’entendre exprimer plus souvent ses besoins. La première fois que nous abordâmes ce sujet,Marla fondit en larmes : «Mais, papa, je ne veux décevoir personne ! » protesta-t-elle, désemparée. Jetentaide lui fairecomprendrequ’elleoffriraitauxautresuncadeaubienplusprécieuxenétanthonnêtequ’entransigeantpouréviterdelescontrarier.Jeluiexpliquaiégalementcommentellepouvaittémoignerde l’empathie aux autres lorsqu’ils étaient contrariés, sans pour autant se sentir responsable de leurssentiments.Quelquetempsplustard,jeconstataiqu’ellecommençaitàexprimerplusouvertementsessentiments.Je

reçusunappeldesonproviseur,quiavaitvisiblementétéperturbéparunéchangeavecMarla,arrivéeaulycéeensalopette.«Marla,luiavait-ildit,cen’estpasunetenuepourunejeunefille!»Marlaavaitréagiauquartde tour :« Jevousemmerde !»Lanouvellemeréjouit :Marlavenaitdepasserde l’esclavageaffectifàlaphaseexécrable!Elleapprenaitàexprimersesbesoinsetàs’exposeraumécontentementdesautres.Illuifallaitcertesencoreapprendreàaffirmersesbesoinssereinementetenrespectantceuxdesautres,maisj’étaisconvaincuquecelaviendraitensontemps.Lors de la troisième phase, dite de libération affective, nous réagissons aux besoins des autres

uniquement par bienveillance et jamais par crainte, culpabilité ou honte. Nos actes nous satisfont doncautantqu’ilssatisfontceuxquireçoiventlefruitdenosefforts.Nousprenonslatotaleresponsabilitédenosintentionsetdenosactes,maispascelledessentimentsdesautres.Àcestade,noussommesconscientsque nous ne pouvons en aucun cas assouvir nos propres besoins au détriment de l’autre. La libérationaffectiveconsisteàexposerclairementcequenousvoulons,toutenmontrantquenoustenonsaussiàcequelesbesoinsdesautressoientsatisfaits.LaCNVnousaideàétablirunerelationàceniveau.

Troisième phase, la libération affective : nous prenons la responsabilité de nosintentionsetdenosactes.

RésuméLatroisièmecomposantedelaCNVconsisteàidentifierlesbesoinsdontdécoulentnossentiments.Les

actes et les paroles des autres peuvent être des facteurs déclenchants, mais jamais la cause de nossentiments. Face à unmessage négatif, nous pouvons choisir de réagir de quatre façons :1.nous jugerfautif ;2.rejeter lafautesur lesautres ;3. identifiernospropressentimentsetbesoins ;4. identifierlessentimentsetlesbesoinsquisecachentderrièrelemessagenégatifdel’autre.Les jugements,critiques,diagnosticset interprétationsportantsur lesautressontautantd’expressions

détournéesdenospropresbesoinsetvaleurs.Lorsquel’autreentendunecritique,ilatendanceàmettretoutesonénergieàsedéfendreouàcontre-attaquer.Mieuxnousparvenonsàassociernossentimentsànosbesoins,mieuxl’autrepeutyrépondreavecempathie.Dans un monde où nous sommes souvent sévèrement jugés lorsque nous identifions et révélons nos

besoins, cettedémarchepeut fairepeur, surtout aux femmes,qui sonthabituéesà ignorer leurspropresbesoinspourseconsacrerauxautres.En apprenant à assumer la responsabilité de nos sentiments, nous passons généralement par trois

phases:1.l’esclavageaffectif–oùnousnouscroyonsresponsablesdessentimentsdesautres;2.laphaseexécrable–oùnousrefusonsd’admettrequelessentimentsetlesbesoinsdesautresnousimportent;3.lalibérationaffective–oùnousassumonspleinementnospropressentimentsmaispasceuxdesautres,toutensachantquenousnepouvonsjamaissatisfairenospropresbesoinsaudétrimentdel’autre.

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LaCNVenpratique

«C’étaitquandmêmemieuxavant,quandlesfillesmèresétaientmalvues!»Une étudiante en Communication NonViolente travaillant comme bénévole dans une banque

alimentairefutchoquéelorsqu’unecollègueplusâgéesurgitdederrièresonjournalens’exclamant:«C’étaitquandmêmemieuxavant,quandlesfillesmèresétaientmalvues!»Auparavant,laréactiondelabénévoleàcegenrederéflexionauraitétédesetaire,dejugerl’autre

sévèrementmaisensilence,etfinalementderavalersespropressentimentspournepaslesexposer.Cettefois,ellesesouvintqu’ellepouvaitchoisird’écouterlessentimentsetbesoinsdissimulésderrièrelesparolesquil’avaientchoquée.

LABÉNÉVOLE: (Vérifiantd’abordqu’elleavaitbiendevinécequesacollègueobservait.)Tulisunarticlesurlesgrossessesdesadolescentes?

LACOLLÈGUE: Oui,c’estincroyable,lenombred’entreellesquitombentenceintes!

LABÉNÉVOLE: (Àl’écoutedusentimentdesacollègueetdubesoininsatisfaitquipourraitêtreàl’originedecesentiment.)Tuesinquièteparcequetuaimeraisquelesenfantsaientunefamillestable?

LACOLLÈGUE: Biensûr!Tusais,monpèrem’auraittuéesij’avaisfaituntrucpareil!

LABÉNÉVOLE: Tutesouviensdecequecelasignifiait,pourlesfillesdetagénération,detomberenceintes?

LACOLLÈGUE: Évidemment!Noussavionscequinousattendaitsicelanousarrivait.Nousenavionspeurtoutletemps,cen’étaitpascommelesfillesdenosjours!

LABÉNÉVOLE: Celat’énervedevoirquelesfillesquitombentenceintesaujourd’huin’ontpaspeurd’êtrepunies?

LACOLLÈGUE: Ehbien,aumoins,lapeuretlapunitionfaisaientdel’effet!L’articleditqu’ilyadesfillesquicouchentavecplusieurshommesjustepourtomberenceintes!Franchement!Ellesfontdesbébésetc’estlasociétéquipaie!

Labénévole entendit deux sentimentsdifférentsdans cesparoles : d’unepart l’étonnementquedesjeunesfillespuissenttomberenceintesdélibérément,del’autrelemécontentementdufaitquecesontfinalement lescontribuablesquienpaient lesconséquences.Ellechoisit le sentiment sur lequelelleallaitporterd’abordsonempathie.

LABÉNÉVOLE: Celat’étonnedeconstaterqu’aujourd’hui,desjeunesfillestombentenceintessanssepréoccuperlemoinsdumondedeleurréputation,desconséquences,deleursécuritéfinancière…detoutesceschosesquicomptaientpourtoi?

LACOLLÈGUE: (Sentantquesonétonnementavaitétéentendu,ellepassaàsonautresentiment,lemécontentement.Commecelaarrivesouventlorsquedessentimentsdistinctssontentremêlés,lapersonnequis’exprimerevientàceuxquin’ontpasreçud’écouteempathique.Iln’estpasnécessairequeceluiquiécoutereflèteunmélangecomplexedesentimentsenunefois;lecourantdelabienveillancereprendchaquefoisqu’unnouveausentiments’exprime.)Oui,etdevinequifinitparpayerpourtoutcela?

LABÉNÉVOLE: Ondiraitquetuesexaspéréeparcequetuaimeraisquel’argentdetesimpôtsserveàautrechose.C’estbiencela?

LACOLLÈGUE: Maisbiensûr!Tusais,monfilsetmabelle-fillevoudraientavoirundeuxièmeenfantmaisilsnepeuventpas,bienqu’ilstravaillenttouslesdeux,parcequecelacoûtetropcher.

LABÉNÉVOLE: Jesupposequecelaterendtriste.Tuaimeraissansdouteêtreànouveaugrand-mère…

LACOLLÈGUE: Oui,etiln’yapasqu’àmoiquecelaferaitplaisir.

LABÉNÉVOLE: …Ettuvoudraisaussiquetonfilsaitlafamillequ’ildésire…(Mêmesilabénévolen’apasvutoutàfaitjuste,ellen’apasinterrompulecourantempathique,permettantainsiàsacollèguedepoursuivreetdeprendreconscienced’uneautredesespréoccupations.)

LACOLLÈGUE: Oui,jepenseaussiquec’esttristed’êtreenfantunique.

LABÉNÉVOLE: Ah,jevois,tuaimeraisqueKatieaitunpetitfrère?

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LACOLLÈGUE: Oui,ceseraitbien.

Àcestade, labénévolesentitsacollèguesedétendre.Unmomentdesilencepassa.Labénévole futsurprise de découvrir que même si elle souhaitait encore exprimer son propre point de vue,l’impatience et la tension s’étaient dissipées parce qu’elle ne se sentait plus sur la défensive. Ellecomprenait les sentimentset lesbesoinscachésderrière lesproposdesacollègueetn’avaitplus lesentimentqu’un«gouffrelesséparait».

LABÉNÉVOLE: Tusais,lorsquetuasditquec’étaitmieuxavant,quandlesfillesmèresétaientmalvues(O),j’airéellementeupeur(S),parcequej’aivraimentàcœurquenouspartagionstousuneprofondesollicitudepourlesgensquiontbesoind’aide(B).Certainesdespersonnesquiviennentnousdemanderàmangersontdesparentsadolescents(O)etjeveuxm’assurerqu’ilssesententbienaccueillis(B).Celat’embêteraitdemedirecommenttutesenslorsquetuvoisarriverAnneouFrançoiseetsonpetitami?(D)

Labénévoles’estexpriméeenCNV,enpassantpar lesquatreétapesduprocessus:observation(O),sentiment(S),besoin(B),demande(D).Le dialogue se poursuivit jusqu’à ce que la bénévole soit rassurée quant au fait que sa collègueapportaitbienuneaidebienveillanteetrespectueuseauxadolescentsnonmariésquivenaientlavoir.Plusimportantencore,l’incidentavaitpermisàlabénévoledevivreunenouvellemanièred’exprimersondésaccordensatisfaisantsesbesoinsd’honnêtetéetderespectmutuel.Dans le même temps, sa collègue repartit satisfaite parce que ses préoccupations concernant lagrossesse des adolescentes avaient été entendues. Les deux femmes se sentirent comprises et leurrelations’enrichitdufaitqu’ellesavaientpartagéleursperceptionsetleursdifférencessanshostilité.SanslaCNV,leurrelationauraitpusedégraderàpartirdecemomentetlamissionqu’ellesvoulaienttoutesdeuxaccomplirensemble–prendresoindesautresetleurvenirenaide–auraitpuenpâtir.

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ExerciceIDENTIFIERLESBESOINS

Pour vous entraîner à identifier les besoins, cochez les phrases où la personne qui parle prend laresponsabilitédecequ’elleressent.

1.Tum’exaspèresquandtu laissesdesdocumentsde l’entrepriseparterredans lasalledeconférences.

2.Jesuisencolèrequandtudiscelaparcequej’aibesoinderespectetj’entendstesparolescommeuneinsulte.

3.Jesuismécontentquandtuesenretard.4.Jesuistristequetuneviennespasdînerparcequej’espéraisquenouspourrionspasserla

soiréeensemble.5.Jesuisdéçueparcequetun’aspastenutapromesse.6.Jesuisdécouragéeparcequej’auraisaiméavoiravancédavantagedansmontravail.7.Ilarrivequelesgensfassentdepetitesréflexionsquimeblessent.8.Jesuisheureusequetuaiesreçucetterécompense.9.J’aipeurquandtuélèveslavoix.10. Je suis reconnaissante que tum’aies proposédeme raccompagner parce que je devais

arriveràlamaisonavantmesenfants.

Voicimesréponses.

1.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,celuiquiparleimpliqueiciquelecomportementdel’autreestseulresponsabledesessentiments.Cettephrasenerévèlenilesbesoinsnilespenséesquisontàl’originedesessentiments.Pourexprimerunbesoin,onauraitpudire:«Jesuisirritéquandtulaissesdesdocumentsdel’entrepriseparterredanslasalledeconférence,parcequejeveuxquenosdocumentssoientbienrangésetaccessibles.»

2.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerque lapersonnequiparleassumelaresponsabilitédesessentiments.

3.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Pourpréciserlesbesoinsoules pensées qui sont à l’origine des sentiments exprimés, on aurait pu dire : « Je suiscontrariéquetuarrivesenretardcarj’espéraisquenouspourrionschoisirlesmeilleuresplaces.»

4.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerque lapersonnequiparleassumelaresponsabilitédesessentiments.

5.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Pourpréciserlesbesoinsoulespenséesquisontàl’originedesessentiments,cettepersonneauraitpudire:«Quandtun’aspastenutapromesse,j’aiétédéçueparcequej’aimeraispouvoircomptersurtaparole.»

6.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerque lapersonnequiparleassumelaresponsabilitédesessentiments.

7.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Pourpréciserlesbesoinsoules pensées qui sont à l’origine de ses sentiments, cette personne aurait pu dire :« Parfois, quand les gensme font de petites réflexions, jeme sens blessée parce quej’aimeraisêtreappréciéeetnoncritiquée.»

8.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Pourexprimerlesbesoinsoulespenséesquisontàl’originedessentimentsexprimés,onauraitpudire:«Quandtuasreçucetterécompense, j’étaiscontenteparceque j’espéraisque turecevraisunemarquedereconnaissancepourtoutletravailquetuasinvestidansceprojet.»

9.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Pourpréciserlesbesoinsoulespenséesquisontàl’originedessentimentsexprimés,onauraitpudire:«Quandtuélèves la voix, j’ai peur parce que jeme dis que quelqu’un pourrait être blessé et j’aibesoind’êtreassuréequenoussommestousensécurité.»

10.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerquelapersonnequiparleassumelaresponsabilitédesessentiments.

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6

Demandercequicontribueraitànotrebien-être

Nousavonspasséenrevue les troispremièrescomposantesde laCNV, liéesànosobservations,ànossentimentsetànosbesoins.Nousavonsapprisà lesappliquersansanalyser,diagnostiquer,critiquer lesautres ni leur adresser de reproches, et d’une manière susceptible de favoriser l’émergence de labienveillance. Laquatrièmeet dernière composante de cette démarcheporte sur ce quenous voudrionsdemanderauxautrespourquenotreviesoitplusconformeànosvœux.Lorsquenosbesoinsnesontpassatisfaits, immédiatementaprèsavoirexpriménosobservations,sentimentsetdésirs,nousformulonsunedemandespécifique:nousdemandonsdesactesconcretssusceptiblesd’assouvirnosbesoins.Commentlefairedetellesortequel’autreprenneplaisiràrépondreànosbesoins?

Utiliserunlangaged’actionpositifEnpremierlieu,nousdisonscequenousvoulonsplutôtquecequenousnevoulonspas.«Commentfait-

onunnefaispas?»demandaitRuthBebermeyerdansunechansonpourenfants.«Toutceque jesais,c’estquejeressensunjeneveuxpasquandtumedisdefaireunnefaispas.»Cesparolessoulèventdeuxproblèmes que l’on rencontre souvent lorsque les demandes sont formulées à la forme négative : notreinterlocuteur ne sait pas ce qui est vraiment demandé et, de plus, les demandes négatives risquent deprovoqueruneréactionderésistance.

Formulernosdemandesen«langaged’actionpositif».

Lors d’une session, une participante qui ne supportait plus de voir sonmari passer tant de temps aubureaunousracontacommentsarequêtes’étaitretournéecontreelle :«Je luiavaisdemandédepassermoins de temps au bureau. Trois semaines plus tard, il réagit en m’annonçant qu’il s’était inscrit à untournoidegolf!»Elleavaitréussiàluidirecequ’ellenevoulaitpas–qu’ilpassetropdetempsaubureau–maisn’avaitpassuluidemandercequ’ellevoulait.Encouragéeàreformulersonsouhait,elleréfléchituninstantetdit:«J’auraisdûluidirequejevoudraisqu’ilpasseaumoinsunesoiréeparsemaineàlamaisonaveclesenfantsetavecmoi.»PendantlaguerreduViêt-nam,jefusinvitéàlatélévisionpourparticiperàundébatcontradictoiresurle

conflit.L’émissionayantétéenregistréesurvidéo,jevisionnailacassetteenrentrantchezmoi.Jefustrèscontrariéenconstatantquej’avaisadoptédesmodesdecommunicationquej’auraispréférénepasutiliser.«Sijemeretrouveunjourdansunautredébatpublic,medis-je,jemejuredenepasrefairecequej’aifaitici!Jeneseraipassurladéfensive,jeneleslaisseraipasmeridiculiser.»Jeraisonnaisalorsentermesdecequejenevoulaispasfaire,etnondecequejevoulaisfaire.J’eusl’occasiondemeracheterdèslasemainesuivante,lorsquejefusconviéàpoursuivreledébatdans

lamêmeémission.Surletrajetdustudio,jemerépétaiintérieurementtoutcequejenevoulaisplusfaire.Dèsledébutdel’émission,moncontradicteurrepritexactementcommelasemaineprécédente.Pendantlesdixsecondesquisuivirentsonintervention,jeparvinsàmeconformeràcequejem’étaisjuréd’éviter.Enfait, jenedisriendutout, jerestaisimplementassis là.Maisdèsque j’ouvris labouche, jemesurprisàreproduiretoutcequej’étaissidéterminéàéviter!C’estainsiquej’apprisàmesdépenscequipeutsepasserlorsquejen’identifiequecequejeneveuxpasfaire,sansprécisercequejeveuxfaire.En une autre occasion, je fus invité à travailler avec des lycéens qui en voulaient énormément à leur

proviseur.Ilsluireprochaiententreautreschosesd’êtreracisteetcherchaientdesmoyensdesevenger.Unpasteurquitravaillaitenétroitecollaborationaveceuxcraignaitquecestensionsnedébouchentsuruneexplosiondeviolence.Parégardpourlepasteur,lesjeunesgensacceptèrentdemerencontrer.Ilscommencèrentpardécrirel’attitudeduproviseur,qu’ilsqualifiaientdediscriminatoire.J’écoutaiune

partiedeleursgriefs,puisleurproposaideprécisercequ’ilsattendaientduproviseur.«Àquoibon?fitl’unenhaussantlesépaulesd’unairdésabusé.Noussommesdéjàalléslevoirpourlui

direcequenousvoulions.Ilnousasimplementrépondu:“Sortezd’ici!Cen’esttoutdemêmepasvous

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autresquiallezmedirecequej’aiàfaire!”»Queluiavaient-ilsdoncdemandé?Ilssesouvenaient luiavoirdéclaréqu’ilsnevoulaientpasqu’il leur

dise comment se coiffer. Je suggérai qu’ils auraient peut-être suscité plus d’ouverture s’ils avaientclairementexprimécequ’ilsvoulaientplutôtquecequ’ilsnevoulaientpas. Ils luiavaientégalement faitpartdeleurdésird’êtretraitésavecimpartialité.Leproviseurs’étaitalorsbraqué,réfutantvigoureusementavoir jamaisétépartial. Jemerisquaiàdevinerque leproviseuraurait réagiplus favorablements’ils luiavaientdemandédesactesprécisplutôtqu’uneattitudevague,commedel’«impartialité».Nousavonsdonctravailléensemblesurlesfaçonsd’exprimerconcrètementcequ’ilsvoulaientplutôtque

ce qu’ils ne voulaient pas. À la fin de la séance, les étudiants avaient précisé trente-huitmesures qu’ilsdésiraientdemanderauproviseurd’adopter,parmilesquelles:«Nousaimerionsquedesreprésentantsdesétudiantsnoirsparticipent auxdécisions sur le code vestimentaire» et «Nousaimerionsque vous vousadressiez à nous en utilisant le terme d’“étudiants noirs” et non de “vous autres” ». Le lendemain, ilsprésentèrent leurs requêtes au proviseur en employant le « langage d’action positif » que nous avionspratiqué;cemêmesoir,ilsm’appelèrent,ravis:leurproviseuravaitaccédéàtoutesleursdemandes!Outre l’emploi du langage d’action positif, il convient également d’éviter les formulations vagues,

abstraitesouambiguësetdes’efforcerdedemanderdesactesconcretsque l’autrepuisseentreprendre.Dansundessinhumoristique,unhommetombéàl’eausedébatetcrieàsonchien:«Médor,vademanderdel’aide!»Àl’imagesuivante,lechienestallongésurledivand’unpsychanalyste.Commenouslesavonstous,lanotiond’aidenerecouvrepaslamêmeréalitépourtoutlemonde:dansmafamille,certainssontainsipersuadésqu’aideràlavaissellesignifieinspecterlestravauxfinis!Lorsd’unatelier,uncouplequi traversaitunepériodedecrisenousdonnauneautre illustrationde la

façondontun langage vaguepeut entraver la compréhension et la communication. « Je veuxque tumelaissesêtremoi-même»,déclara l’épouse.«Maisc’estbienceque je fais !»rétorqua lemari.«Pasdutout!»répondit-elle.Jeluidemandaidereformulersademandeenlangaged’actionpositif.Ellereprit:«Jeveuxquetumedonneslalibertédem’épanouiretd’êtremoi-même.»Cettedéclaration,toutaussivague,appelaituneréactiondedéfense.Elleréfléchitàuneformulationplusclaireetfinitparreconnaître:«C’estunpeuembarrassant,mais,pourêtreprécise,jepensequecequejeveux,c’estquetusoissouriantetquetuapprouvestoutcequejefais.»L’emploid’unlangagevagueetabstraitmasquesouventcetypedejeuxoppressifsentreindividus.

Lesdemandesformuléesdansunlangaged’actionclair,positifetconcretrévèlentcequenousvoulonsvraiment.

C’était lemêmemanquedeprécisionqui entravait les relationsd’unpèreetde son filsdequinzeansvenusmeconsulter.«Toutcequejeveux,c’estquetucommencesàtemontrerunpeuresponsable.Jenedemandetoutdemêmepaslalune!»déclaralepère.Jeluidemandaicequ’àsonsenssonfilsdevaitfairepour prouver qu’il était responsable. Après une discussion sur la façon de préciser sa demande, le pèrereprit,unpeupiteux:«Çaal’airidiot,maislorsquejedisquejevoudraisqu’ilsoitresponsable,enfait,j’attendsqu’il fasseceque je luidemande,qu’ilsautequand je luidisdesauter–etavec lesourire.»Ilconvint alors que si son fils se comportait ainsi, il témoignerait davantage d’obéissance que deresponsabilité.Commecepère,nousutilisonssouventun langage imprécisetabstraitpour indiquerà l’autre la façon

dontnousvoudrionsqu’ilsecomporteouqu’ilréagisse,maissansluidemanderuneactionconcrètequiluipermettraitd’yparvenir.Prenonslecasd’unpatronquifaituneffortsincèrepourinvitersesemployésàluidonner un feed-back : « Je voudrais que vous vous exprimiez librement en ma présence. » Par cettedéclaration,lepatroncommuniquesondésirdevoirsesemployés«s’exprimerlibrement»,maisneditpascequ’ilspourraientfairepoursesentirlibres.Ilpourraitutiliserunlangaged’actionpositifpourformulersademande:«J’aimeraisquevousmedisiezcequejepourraisfairepourvousencourageràvousexprimerlibrementenmaprésence.»

Unlangageimprécissèmelaconfusion.

Je voudrais vous présenter un dernier exemple qui montre comment l’emploi d’un langage imprécissuscitelaconfusion.Ils’agitdudialoguequej’établissaissystématiquementaveclespatientsquivenaientme voir pour une dépression, à l’époque où j’exerçais comme psychologue clinicien. J’écoutais avecempathielessentimentsprofondsqu’exprimaitmonpatient,puisnotreconversationprenaitinvariablementletoursuivant.

Ladépressionestlarécompensequenousobtenonspournotreconformité.

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MBR:Qu’est-cequevousvoudriezquevousnerecevezpas?PATIENT:Jenesaispascequejeveux.MBR:Jem’attendaisàcequevousdisiezcela.PATIENT:Pourquoi?MBR:Jesuispersuadéquenoussombronsdansunétatdépressifparcequenousn’obtenonspascequenousvoulons,etnousn’obtenonspascequenousvoulonsparcequenousn’avonsjamaisapprisàl’obtenir.Nousavons en revancheappris à êtredes enfantsmodèles, desparentsmodèles.Si noustenons à correspondre à ces modèles, autant nous habituer à être déprimés. La dépression est larécompense que nous obtenons pour notre conformité. Mais si vous voulez vous sentir mieux,j’aimeraisquevousprécisiezcequevousvoudriezquelesautresfassentpourquevotreviesoitplusagréable.PATIENT : J’aimerais simplement que quelqu’unm’aime. Ce n’est tout demême pas trop demander,non?MBR : C’est un bon débutmais, concrètement, que pourraient faire les autres qui satisfasse votrebesoind’êtreaimé?Parexemple,quepourrais-jefaireicietmaintenant?PATIENT:Voussavezbien…MBR:Non,jenesuispascertaindesavoir.Jevoudraisquevousmedisiezcequevousaimeriezquejefasseouquelesautresfassentpourvousdonnerl’affectionquevousrecherchez.PATIENT:C’estdifficile.MBR:Eneffet, ilpeutêtredifficilede formulerdesdemandesclaires.Maisdites-vousbienque lesautresaurontbeaucoupdemalàrépondreànotredemandesinousnesavonspasnous-mêmescequenousvoulons!PATIENT : Je commence à entrevoir ce que j’attends des autres pour satisfairemon besoin d’amour,maisc’estgênant.MBR:Eneffet,c’esttrèssouventgênant.Alors,quelsactesattendez-vousdemoioudesautres?PATIENT : Je voudrais que vous deviniez ce que je veux avantmême que je n’en prennemoi-mêmeconscience.Etjevoudraisquevouslefassieztoujours.MBR:Jevousremerciedevotreprécision.Vousconcevezmaintenant,j’espère,quevousn’avezpasdegrandeschancesdetrouverquelqu’unquipuissesatisfairevotrebesoind’amours’ilfautenpasserparlà.

Dans laplupart des cas,mespatientsparvenaient à comprendreque leur sentimentd’insatisfaction etleurdépressionprovenaientlargementdufaitqu’eux-mêmesnesavaientpastrèsbiencequ’ilsattendaientdesautres.

FormulerunedemandeconsciemmentNouspouvonsparfoisformulerunedemandeclairesanslaverbaliser.Supposezquevoussoyezdansla

cuisineetquevotresœur,quiregardelatélévisionausalon,diseàvoixhaute:«J’aisoif.»Danscecas,ilpeutêtreévidentqu’ellevousdemandedeluiapporterunverred’eau.Mais il arrive également que nous exprimions notremalaise et que nous pensions à tort que l’autre a

comprisnotredemande implicite.Une femmepourraitparexempledireàsonmari :« Jesuiscontrariéequetuaiesoublié lebeurreet lesoignonsquejet’aidemandéd’allerchercherpourledîner.»Danssonesprit,ilpeutêtreévidentqu’elleluidemandederetourneràl’épicerie,maislemaripeutpenserqu’ellenecherchaitparcesparolesqu’àleculpabiliser.

Notre interlocuteur peut ne pas comprendre ce que nous voulons de lui lorsquenousexprimonsuniquementnossentiments.

Ilarriveencoreplussouventquenousnesoyonspasconscientsdecequenousdemandonslorsquenousparlons.Nousnousadressonsdirectementouindirectementauxautres, sanssavoircommentengagerundialogueaveceux. Nous lâchons desmots, utilisant la présence d’autrui comme un déversoir. Dans cessituations, l’interlocuteur, incapabledediscernerunedemandeclairedansnosparoles,peutressentiruncertaindésarroi,commelemontrel’anecdotesuivante.

Nousnesommessouventpasconscientsdenotredemande.

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J’étaisunjourassisdevantuncoupledanslanavettedel’aéroportdeDallasassurantlaliaisonentrelesdifférentsterminaux.Pourlesgensquiontunavionàprendre,lalenteurdecetrainpeutêtreexaspérante.L’hommesetournaverssafemmeetsoupira:«Jen’aijamaisvuuntrainaussilentdemavie!»Elleneréponditrien,maissemblaittendueetdéconcertée,sedemandantcequ’ilattendaitd’elle.Puis,ilfitcequenous faisons en général lorsque nous n’obtenons pas ce que nous voulons : il se répéta. En haussantfortementleton,ils’exclama:«Jen’aijamaisvuuntrainaussilentdemavie!»L’épouse,nesachantcommentréagir,parutencoreplusdésemparée.Ellefinitparsetournerversluiet

dit:«Ilssontprogrammésélectroniquement.»Jedoutaiquecetteinformationpuisselesatisfaireetjenemetrompaispas,car ilrépétaencoreplusfort :«Jen’ai jamaisvuuntrainaussi lentdemavie!»Sonépouse,visiblementàboutdepatience, s’emporta :«Ehbien,qu’est-ceque tuveuxque j’y fasse?Quej’aillepousser?»Quedesouffranceilyavaitchezcesgens!Quelleréactionattendaitlemari?Jepensequ’ilvoulaitentendrequesonangoisseétaitcomprise.Sisa

femme l’avait su, elle aurait pu répondre : « Est-ce que tu as peur que nous rations notre avion et tuaimeraisquelanavettedel’aéroportsoitplusrapide?»

Lesdemandesquinesontpasaccompagnéesdessentimentsetdesbesoinsdeceluiquiparlepeuventêtreentenduescommedesexigences.

Dansledialogueprécédent,lafemmeavaitentendul’insatisfactiondesonmari,maisn’avaitaucuneidéedecequ’ildemandait.Lasituationinverse,danslaquellelesgensformulentunedemandesansexprimeraupréalable les sentiments et les besoins qui la motivent, pose tout autant problème. Cela se vérifie toutparticulièrement lorsque lademandeest formuléeà la forme interrogative.Un jeuneàqui l’ondemande«Pourquoitunevaspastefairecouperlescheveux?»risquefortd’entendreuneexigenceouuneattaque,àmoinsquesesparentsnes’attachenttoutd’abordàexposerleurspropressentimentsetbesoins.Il est toutefois plus courantque lesgensparlent sans être conscientsde cequ’ils demandent. « Jene

demande rien, j’avais simplement envie de dire ça », entend-on parfois. Je pense que dès lors que nousdisonsquelque chose àquelqu’un, nous lui demandonsquelque chose en retour.Cepeut êtreun simplerapport d’empathie, une reconnaissance verbale ou non verbale, comme dans le cas du voyageur de lanavette, indiquantquenosparolesontétécomprises.Nouspouvonségalementdemanderdel’honnêteté,carnoussouhaitonsconnaîtrelaréactionsincèredenotreinterlocuteurànosparoles,ouencoreuneactiondontnousespéronsqu’ellesatisferanosbesoins.Plusnoussommesprécissurcequenousattendonsdel’autre,plusnosbesoinsontdechancesd’êtresatisfaits.

Plusnoussommesauclairaveccequenousvoulonsenretour,plusnousavonsdechancesdel’obtenir.

DemanderunretourCommenouslesavons,lemessagequenousenvoyonsn’estpastoujoursceluiquiestreçu.Nousavons

généralementbesoindesignauxverbauxpoursavoirsinotremessageaétéreçucommenouslevoulions.Sitoutefoisnousnesommespascertainsquel’intentionquenousymettionsaitétéperçuecorrectement,nousdevonsdemanderclairementuneréponsequinousdisecomment lemessageaétéreçu,defaçonàpouvoir corriger toutmalentendu. Dans certains cas, une simple question comme « C’est clair ? » peutsuffire.Ilsepeutaussique,pourêtresûrsd’avoirétébiencompris,nousayonsbesoind’autrechosequed’unsimple«Oui,jet’aicompris».Nouspouvonsalorsdemanderàl’autrederestituerdanssespropresmots ce qu’il nous a entendu dire. Cela nous offre une occasion de reformuler des éléments de notremessagepourremédierauxéventuelsécartsououblisquenousaurionsdétectés.

Pournousassurerquelemessagequenousavonsémisestbienceluiquiaétéreçu,demanderànotreinterlocuteurdenouslerestituer.

Supposonsqu’uneenseignanteabordel’undesesélèvesdelafaçonsuivante:«Éric,jemesuisinquiétéehier soir en consultantmon carnet de notes. Je voudrais être sûre que tu es conscient qu’ilmemanquequelques-unsdetestravauxécrits.Veux-tupasserdansmonbureauaprèslaclasse?»Pourtouteréponse,Éric marmonne un « Ouais, ça va, je sais » et tourne les talons. Ne sachant pas si sonmessage a étécorrectementreçu,l’enseignantedemandeàÉricunretour:«Pourrais-tumedirecequetum’asentendue

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dire?»ÀquoiÉricrépond:«Vousavezditquejenepourraispasalleraufootaprèslescoursparcequemondevoirnevousapasplu.»Commeellel’avaitsuspecté,Éricn’apassaisicequ’ellevoulaitdire.Elles’efforcedoncdelereformuler,enveillantàchoisirsesmots.Faceàdesassertionstellesque:«Tunem’aspasentendue»,«Cen’estpascequej’aidit»ou«Tu

m’as mal comprise », Éric pourrait aisément penser qu’il se fait réprimander. Or, dans la mesure oùl’enseignanteconstatequ’Éricasincèrementréponduàsademandedereformulation,ellepourraitdire :« Je te remercie dem’avoir dit ce que tu as entendu. Je constate que je neme suis pas exprimée aussiclairementquejel’auraisvoulu,jevaisdoncréessayer.»

Remerciervotreinterlocuteurlorsqu’ils’efforcederestituervotremessage.

Ilpeutsemblermaladroitdedemanderàsoninterlocuteurderépétercequ’ilnousaentendudire,tantcetypededemandeestrare.Lorsquej’insistesurl’importancequ’ilyaàsavoirdemanderunretour,lesgensexprimentsouventdesréserves.Ilscraignentdeseheurteràdesréactionsnégatives,tellesque:«Çava,jenesuispassourd»ou«Arrête,avectespetitsjeuxpsychologiques».Pourcoupercourtàcegenrederéactions, nous pouvons commencer par expliquer à notre interlocuteur pourquoi nous lui demanderonsparfoisunretoursurcequenousavonsdit.Cetteprécautionnouspermetdebienpréciserqu’ilnes’agitpaspournousdetestersacapacitéd’écoute,maisdevérifierquenousnoussommesclairementexprimés.Sitoutefoisilrépond:«J’aientenducequetum’asdit,jenesuispasidiot!»nouspouvonschoisird’êtreattentifsàsessentimentsetbesoins,etdeluidemander–verbalementousilencieusement:«Veux-tudirequetuescontrariéparcequetuveuxquel’onrespectetacapacitéàcomprendreleschoses?»

Manifester de l’empathie à l’interlocuteur qui ne veut pas restituer le messageentendu.

DemanderdelasincéritéAprès nous être ouvertement exprimés et avoir reçu la compréhension que nous voulons, nous avons

souvent envie de connaître la réaction de l’autre à ce que nous avons dit. La réponse sincère que nousaimerionsrecevoirportegénéralementsurl’unoul’autredestroispointssuivants.

Nous aimerions connaître les sentiments qu’ont induits nos paroles et les raisons de cessentiments.Pource faire,nouspourrionsparexempledemander :« J’aimeraisque tumedisesquelssonttessentimentsausujetdecequejeviensdedireettesraisonspourcela.»

Aprèsavoirpris lerisqued’exprimernossentimentsetnosbesoins,nousvoulonssouventsavoir:a)cequenotreinterlocuteurressent;

Nous aimerions savoir ce que pense notre interlocuteur d’un projet qu’on vient de luiexposer.Dans ce cas, il est important depréciser le typedepenséesquenous voudrionsqu’il nous fassepartager, endemandantpar exemple : « J’aimerais que tumedises si tupensesquemonprojetvamarcheroucequi,d’aprèstoi,pourraitl’empêcherderéussir»plutôtqu’unsimple«Quepenses-tudecequejeviensdedire?»Sinousneluifournissonsaucuneprécisionsur lesopinionsquenousaimerionsentendre,notre interlocuteurrisquedes’attardersurcellesquinenousintéressentpas.

b)cequ’ilpense;ou…

Nousaimerionssavoirsil’autreestdisposéàentreprendrelesactionsconcrètesquenousavonssuggérées.Unetelledemandepourraits’exprimerdelafaçonsuivante:«J’aimeraisquetumedisessituseraisd’accordpourreporternotreréuniond’unesemaine.»

c)s’ilestdisposéàentreprendreuneactionspécifique.

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L’emploi de la CNV requiert que nous soyons conscients des formes précises de sincérité que nousaimerionsrecevoiretquenousformulionscettedemanded’honnêtetédansunlangageconcret.

AdresserunedemandeàungroupeLorsquenousnousadressonsàungroupedepersonnes, ilestparticulièrement importantd’êtreprécis

surletypedecompréhensionoudesincéritéquenousattendonsd’ellesaprèsnousêtreexprimés.Lorsquenous ne définissons pas clairement le type de retour que nous aimerions, nous pouvons déclencher desconversationsimproductivesqui,auboutducompte,nesatisfontlesbesoinsdepersonne.J’aiparfoisétéconviéàintervenirauprèsd’associationslocalesdeluttecontreleracisme.Lesmembres

decetyped’associationreprochentsouventauxréunionsd’êtrelaborieusesetstériles.Cetteimproductivitéleur revient très cher car, dans bien des cas, pour venir assister à ces réunions, ils prélèvent sur desbudgetsrelativementserréslesfraisdetransportetdegarded’enfant.Beaucoupsesententfrustrésparlesinterminablesdébatsquinemènentnullepartetfinissentparquitterl’associationcarilsestimentperdreleurtemps.Deplus,lesmesuresinstitutionnellespourlesquellesilssebattentsontgénéralementlonguesetdifficilesàfairepasser.C’estpourquoiilestimportantque,danslesréunionsdecetype,lesparticipantsfassentbonusagedeleurtemps.J’aiainsirencontrédesgensquiappartenaientàuneassociationdontlebutétaitdemettreenœuvredes

réformesdanslesystèmescolairelocal.Ilsétaientpersuadésquelesystèmescolairecomportaitplusieurséléments de discrimination raciale envers les enfants. Eux aussi déploraient des réunions stériles etl’associationperdaitdesadhérents;ilsm’invitèrentdoncàobserverleursdébats.Jelesengageaiàanimerlaréunioncommeàleurhabitude,aprèsquoijeleurdiraissijevoyaiscommentlaCNVpourraitlesaider.Unhommeouvritledébatenattirantl’attentiondugroupesurunarticledepresserécent,surunemère

d’élèvenoirequiseplaignaitets’inquiétaitdelafaçondontleproviseurtraitaitsafille.Uneparticipanterepritlaballeaubondenévoquantunincidentquiluiétaitarrivéàl’époqueoùelleétudiaitdanslamêmeécole. Puis, tous les adhérents racontèrent tour à tour des expériences vécues dumême ordre. Au boutd’une vingtaine deminutes, je leur demandai si cette discussion répondait à leurs besoins. Personne neréponditparl’affirmative.«C’esttoujourspareildanscesréunions!s’écriaunhomme.J’aimieuxàfairequedevenirécouterlesmêmesvieillesrengaines!»Jem’adressaialorsàl’hommequiavaitlancéledébat:«Pouvez-vousmedirecequevousattendiezdes

participants lorsque vousavezprésenté l’article ? » « Jepensaisque c’était intéressant », répondit-il. Jeprécisaique je luidemandaisquelle réaction il attendaitde lapartdugroupeetnoncequ’ilpensaitdel’article.Ilréfléchituninstantetreconnut:«Enfait,jenesaispasvraimentcequej’attendais.»C’étaitprécisémentlà,àmonsens,laraisonpourlaquellelegroupeavaitperduvingtprécieusesminutes

dans un échange stérile. Lorsque nous nous adressons à un groupe sans savoir clairement ce que nousattendonsenretour,celaaboutitsouventàdesdébatsimproductifs.Ilsuffittoutefoisqu’unseulparticipantcomprennequ’ilestimportantd’énoncerclairementletypederetourqu’ilsouhaitepourquetoutlegroupeen prenne conscience. Dans ce cas précis, voyant que l’intervenant n’avait pas défini la réaction qu’ilattendait,unparticipantauraitpudire:«Jenesuispascertaindesavoircommenttuvoudraisquenousabordionstonarticle.Voudrais-tunousdirequellesréactionstuattendsdenous?»Unetelleinterventionpeutéviterdefaireperdreunprécieuxmomentd’échange.

Dansungroupe,onperdbeaucoupdetemps lorsque les intervenantsnesontpassûrsdecequ’ilsattendentdesautres.

Les conversations s’éternisent souvent, sans satisfaire les besoins d’aucun des interlocuteurs, carpersonnenesaitprécisémentsiceluiquialancéledialogueaobtenucequ’ilrecherchait.EnInde,lorsquel’instigateurd’uneconversationareçularéponsequ’ilattendait,ildit«bas»,cequisignifie:«N’enditespasdavantage.Jesuissatisfaitetjesuismaintenantprêtàpasseràautrechose.»Bienquenousn’ayonspas d’équivalent en français, nous aurions tout à gagner à développer et à encourager dans tous noséchangesune«consciencedubas».

DemandesetexigencesLesdemandessontreçuescommedesexigenceslorsqueledestinatairecraintdefairel’objetdecritiques

oudereprésailless’iln’ydonnepassuite.Or, faceàcequ’ilperçoitcommeuneexigence, ilnevoitquedeux façonsde réagir : la soumissionou la révolte.Dansuncascommedans l’autre, il considèreque ledemandeur exerce une pression, et il se trouve par conséquent bien moins disposé à répondre avecbienveillanceàlademande.

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Lorsquenotreinterlocuteurentenduneexigence,ilnevoitquedeuxpossibilités:lasoumissionoularévolte.Notre interlocuteur exprime-t-il une demande ou une exigence ? On le voit à lafaçondontilaccueilleuneréponsenégative.

Nosinterlocuteursserontd’autantplusenclinsàentendredesexigencesdansnosdemandesquenouslesaurons par le passé critiqués, réprimandés ou culpabilisés lorsqu’ils n’accédaient pas à nos désirs. Sid’autrespersonnesontemployéaveceuxcestactiques,nousenpaieronsaussi leprix.Plusunindividuaétécritiqué,puniouculpabilisépournepass’êtrepliéà lavolontéd’autrui,plus il risqued’enporter latracedanstoutessesrelationsetd’entendreuneexigencedanslamoindredemande.Examinons deux variantes d’une situation de ce type. « Jeme sens seul et j’aimerais que tu passes la

soiréeavecmoi»,confie JacquesàsonamieLucie.Est-ceunedemandeouuneexigence?En fait,nousn’en savons rien tant que nous ne voyons pas comment Jacques réagit si son amie lui oppose un refus.Supposons qu’elle réponde : « Jacques, je suis très fatiguée. Si tu as vraiment besoin de compagnie,pourquoinedemandes-tupasàquelqu’und’autredepasserlasoiréeavectoi?»S’ilrépliquealors:«Ça,c’esttoitoutcraché!Quelleégoïstetufais!»sademandeétaitenfaituneexigence.Aulieudemanifesterdel’empathiepoursonbesoinderepos,ill’acritiquée.

C’estuneexigences’ilportealorsunecritiqueouunjugement.

Envisageonsmaintenantunsecondscénario:

JACQUES:Jemesensseuletj’aimeraisquetupasseslasoiréeavecmoi.LUCIE:Jacques,jesuistrèsfatiguée.Situasvraimentbesoindecompagnie,pourquoinedemandes-tupasàquelqu’und’autredepasserlasoiréeavectoi?Jacquestourneledos,sansunmot.LUCIE:(Percevantsacontrariété.)Quelquechosetechiffonne?JACQUES:Non,non…LUCIE:Allons,Jacques,jevoisbienqu’ilyaquelquechosequinevapas.Quesepasse-t-il?JACQUES:Tusaiscombienjemesensseul.Situm’aimaisvraiment,tupasseraislasoiréeavecmoi.

Iciencore,au lieuderéagiravecempathie, Jacquesvoitdans la réponsedeLucieunsignederejetetd’indifférence.Or,plusnousinterprétonsunrefuscommeunrejet,plusilyadechancesquenosdemandessoient entendues commedesexigences.Cetteattitudeprendalorsun caractèreprophétiquecar, à forced’entendredesexigencesdansnosparoles,lesautresenviennentàfuirnotrecompagnie.

C’estuneexigences’ilessaiedeculpabiliserl’autre.

Àl’inverse,enrépondantparexemple:«Tuesdoncfatiguéeettuasbesoindetereposerunpeucesoir,c’estcela?»Jacquesauraitmontréqu’ilreconnaissaitetrespectaitlesbesoinsetlessentimentsdeLucie,etnousaurionscomprisquesademanden’étaitenrienuneexigence.

C’estunedemandes’ilmanifestedel’empathiepourlesbesoinsdel’autre.

Nouspouvonsaidernosinterlocuteursàcomprendrequenousexprimonsbeletbienunedemandeetnonuneexigenceenprécisantquenousapprécierionsqu’ilsn’accèdentànosdésirsques’ilsysontvraimentdisposés.Nousdirionsainsi«Veux-tumettrelatable?»plutôtque«J’aimeraisquetumetteslatable».C’estnotrefaçonderéagiraurefusdel’autrequiprouvequenousexprimonsunedemandeplutôtqu’uneexigence.Lafaçonlaplusconvaincantededémontrerquenotredemandeestsincèreconsisteàréagiravecempathieàunrefus.Dèslorsquenoussommesprêtsàécouterpleinementcequiempêchel’autredefairecequenousluidemandons,nousformulonsunedemande,selonmadéfinition,etnonuneexigence.Choisirde demander plutôt que d’exiger ne signifie pas qu’il nous faille baisser les bras face à un refus, maisimplique que nous ne tenterons pas de persuader l’autre avant d’avoir écouté avec empathie ce quil’empêchederépondrefavorablementànotredemande.

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Définirl’objectifderrièrenotredemandeNotre demande ne peut être entièrement sincère que si nous sommes conscients de l’objectif qui la

motive.Sinotreseuleintentionestdechangerlesautresetleurscomportementspourqu’ilsseplientànosquatrevolontés,cen’estpaslaCNVquinouspermettradeparvenirànosfins.Leprocessusestdestinéàceuxd’entrenousquisouhaiteraientquelesautreschangentetréagissentfavorablement,maisàlaseuleconditionqu’ilslefassentdeleurpleingréetdufondducœur.L’objectifdelaCNVestd’établirunerelationfondée sur la sincérité et l’empathie. Dès lors que les autres comprennent que nous nous attachons enpremier lieu à la qualitéde la relation et quenous attendonsde ceprocessusqu’il satisfasse aussi bienleursbesoinsque les nôtres, ils peuvent être assurésquenosdemandes sont sincères et nedissimulentaucuneexigence.

Notreobjectifestd’établirunerelationfondéesurlasincéritéetl’empathie.

Il est certes difficile de garder en permanence cet objectif à l’esprit, notamment pour les parents,enseignants,patronsettousceuxqui,parleurmétier,sontcensésinfluencerlecomportementd’autruietobtenirdesrésultatsconcrets.Unemèrequirevenaitàunatelieraprèslapausedudéjeunerannonça:«Marshall,jesuisrentréeàla

maisonetj’aiessayé.Çan’apasmarché.»Jeluidemandaidedécrirecequ’elleavaitfait.–Jesuisrentréechezmoietj’aiexprimémessentimentsetmesbesoins,commenousl’avionsvu.Jen’ai

nijugénicritiquémonfils.Jeluiaisimplementdit:«Quandjeconstatequetun’aspasfaitletravailquetuavaispromisdefaire,jemesenstrèsdéçue.Enrentrant,j’auraisvoulutrouverlamaisonenordreetvoirquetuavaisfaittapartdetravail.»Puis,j’aiformuléunedemande:jeluiaiditquejevoulaisqu’ilnettoieimmédiatement.– Il me semble que vous avez clairement exposé toutes les composantes, commentai-je. Que s’est-il

passé?–Ilnel’apasfait…–Etpuis?…–Jeluiaiditqu’ilnepourraitpasresterparesseuxetirresponsabletoutesavie.Je compris qu’elle ne savait pas encore distinguer l’expression d’exigences et de demandes. Dans son

esprit, l’efficacité du processus était encore liée à la satisfaction de ses exigences. Pendant les phasesinitiales d’apprentissage de laCNV, nous nous surprenons parfois à appliquer de façon systématique lesdifférentescomposantesdeladémarchesanssavoiràquoinousaspirons.Mais il arrive aussi que, bien que nous soyons conscients de notre intention et que nous veillions à

exprimer correctementnotre demande, certainespersonnes entendent tout demêmeune exigence.Celaarrive surtout aux personnes qui détiennent un certain pouvoir et s’adressent à des gens qui ont étéconfrontésàdessupérieursautoritaires.Undirecteurdelycéem’invitaunjouràexpliquerauxenseignantsdesonétablissementenquoilaCNV

pouvait les aider à communiquer avec les élèves qui ne se montraient pas aussi coopératifs que lesprofesseursl’auraientvoulu.Ilmedemandaderencontrerquaranteélèvesquiavaientétéjugés«socialementetpsychologiquement

inadaptés».Jefusmarquéparlecaractèreprophétiquedecetyped’étiquette.Unefoisquel’onestainsicatalogué,commentnepassesentirencouragéàsemoquerdesprofesseursenrefusantsystématiquementd’obtempérer?Àpartirdumomentoùnousétiquetonslesindividus,nousavonstendanceàadopteràleurégarduncomportementquiprovoqueprécisémentl’attitudequinouscontrarie–cequenousinterprétonscommeuneconfirmationdenotrediagnostic.Danslamesureoùcesélèvessavaientqu’ilsavaientétéjugés«socialementetpsychologiquementinadaptés»,enpénétrantdanslasalledeclasse,jenefuspassurprisde voir que la plupart étaient accoudés à la fenêtre et hurlaient des obscénités à leurs camarades quiétaientdans la cour. J’ai commencépar exprimerunedemande : « J’aimeraisque vous veniez tous vousasseoirpourquejepuissevousdirequijesuisetcequejevoudraisfaireavecvousaujourd’hui.»Lamoitiéde laclasses’installa.Commejen’étaispassûrqu’ilsm’aient tousentendu, jeréitéraimademande.Lesautresélèvesvinrents’asseoir,maisdeux jeunesgensrestèrentaccoudésà la fenêtre.Malheureusementpourmoi,c’étaientlesdeuxplussolidesgaillardsdugroupe.Jem’adressai directement à eux : « Excusez-moi, l’un d’entre vous voudrait-ilme répéter ce qu’ilm’a

entendudire?»L’unseretournaetrépondit:«Oui,vousavezditqu’ilfallaitqu’onviennes’asseoir.»Iladoncentendumademandecommeuneexigence,medis-je.Puis, jereprisàvoixhaute :«Monsieur(j’aiapprisàappeler“Monsieur”lesgensquiontdesbicepspareils,surtoutceuxquiarborentdestatouages),voudriez-vousmedirecommentj’auraispuvousfairepartdecequejesouhaitaissansavoirl’airdevousdonner des ordres ? » Le jeune homme parut interloqué : « Quoi ? » Il avait été si bien conditionné àattendre des exigences de la part de tous ceux qui représentaient l’autorité quema façon de l’aborderl’avaitdérouté.Jerépétaidoncmademande:«Commentpourrais-jevousdirecequej’aimeraisquevousfassiezsansdonner l’impressiondenepasmesoucierdevosdésirs?»Ilhésitaun instantethaussa lesépaules:«J’ensaisrien,moi.»

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Jepoursuivis :«Cequisepasseencemomententrevousetmoi illustrebiencedont j’avaisenviedeparleravecvousaujourd’hui.Jesuispersuadéquelesgenspeuventbienmieuxs’appréciersichacunpeutfairesavoiràl’autrecequ’ilaimerait,sansdonnerdesordresàtoutlemonde.Quandjevousdiscequejevoudrais,jenedispasquevousêtesobligédelefaire,fautedequoijevousrendraislavieimpossible.Jenesaispasledired’unefaçonquipuissevousinspirerconfiance.»Àmongrandsoulagement,lejeunehommeparutcomprendreet,avecsoncamarade,s’approchapourrejoindrelegroupe.Dansdessituationscommecelle-ci,ilfautparfoisuncertaintempsavantquenosdemandessoientclairementperçuespourcequ’ellessont.En formulant une demande, il est également précieux de repérer un certain nombre de pensées

susceptiblesdetransformerautomatiquementdesdemandesenexigences.

Ildevraitnettoyerderrièrelui.Elleestcenséefairecequejeluidemande.Jemériteuneaugmentation.J’airaisondelesretenirpluslongtemps.J’ailedroitd’avoirplusdeloisirs.

Àpartirdumomentoùnousenvisageonsnosbesoinsences termes, forcenousestde juger lesautres

lorsqu’ilsn’accèdentpasànosdemandes.C’estprécisémentcetypedepenséesmoralisatricesquej’avaisàl’espritunjouroùmonfilscadetn’avaitpassortilapoubelle,commeils’yétaitengagélorsquenousavionsétablilarépartitiondestâchesménagères.Jouraprèsjour,jeluirappelaissesresponsabilités–«C’esttontravail»,«Nousavonstousquelquechoseàfaire»,etc.–dansl’uniquebutdeleconvaincredesortirlapoubelle.Enfin,unsoir, j’écoutaiplusattentivementlesraisonsqu’ilavançaitdepuislongtempspourjustifierson

attitude.Aprèsnotrediscussion,j’écrivislachansonsuivante.Dèsqu’ilsentitquej’avaisécoutéavecunecompréhensionrespectueusecequ’ilavaitàdire,monfilssemitàsortirrégulièrement lapoubelle,sansquej’aieàleluirappeler.

ChansondeBrettSijecomprendsclairementQuetun’aspasl’intentiond’exigerJerépondraid’ordinaireàtonappel,MaissituviensversmoiCommeunchefsupérieuretpuissant,Tuauraslesentimentdetecognercontreunmur.EtquandtumerappellesSipieusementToutcequetuasfaitpourmoi,TuferaisbiendetepréparerÀunnouveaubrasdefer,Tupourrasbiencrierensuite,tupourrasvitupérer,Gémir,teplaindreetfaireunescène,Riennemeferasortirlapoubelle.Mêmesituchangesdésormaisd’attitudeIlmefaudraencoreunpetitmomentPourpouvoirpardonneretoublier,Parcequ’ilmesemblequetoiTunemeconsidéreraspascommeunautreêtrehumain,Tantquejenecorrespondraipasàtesnormes.

RésuméLaquatrièmecomposantedelaCNVattirenotreattentionsurcequienrichitnotrevieetcelledesautres,

etnousinviteàformulermutuellementdesdemandesclaires.Nousnousefforçonsd’éviterlesformulationsimprécises, ambiguës ou abstraites et d’utiliser un langage d’action positif en déclarant ce que nousdemandonsplutôtquecequenousnedemandonspas.Plusnousexprimonsavecprécisioncequenousvoulons,plusnousavonsdechancesdel’obtenir.Dansla

mesureoù lemessagequenousémettonsnecoïncidepastoujoursavecceluiquiestreçu,nouspouvonsapprendre des moyens de savoir si notre message a été correctement entendu. Lorsque nous nousadressonsàungroupe, soyonsparticulièrement attentifs à indiquer lanatureprécisede la réactionquenous souhaitons. Sans quoi, nous risquons de lancer des conversations improductives, qui font perdrebeaucoupdetempsaugroupe.

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Les demandes sont perçues comme des exigences lorsque leur destinataire est convaincu qu’il seracritiquéoupunis’iln’obtempèrepas.Nouspouvonsaidernosinterlocuteursàcroirequenousexprimonsbeletbienunedemandeetnonuneexigenceenprécisantquenousapprécierionsqu’ilsn’accèdentànosdésirs que s’ils y sont vraiment disposés. L’objectif de la CNV n’est pas de changer les autres et leurscomportementsafind’obtenircequenousvoulons.Ilestd’établirdesrelationsfondéessurlasincéritéetl’empathiequi,auboutducompte,satisferontlesbesoinsdechacun.

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LACNVenpratique

PartagernospeursavecunmeilleuramifumeurAlainetSergesontlesmeilleursamisdumondedepuisplusdetrenteans.Alainestnonfumeuret

s’évertuedepuisdesannéesàconvaincreSergederenonceràsesdeuxpaquetsquotidiens.Ilserendcompteque,depuisunan, sonami toussedeplusenplus.Unbeau jour, il finitpar laisserexplosertoutel’énergieetlavitalitéaccumuléesdanssacolèreetsescraintesinexprimées.

ALAIN: Serge,jesaisquenousenavonsdéjàparlédesdizainesdefois,maisécoute-moi.J’aipeurquetessatanéescigarettesnefinissentpartetuer!Tuesmonmeilleuramietjeveuxquetuvivesaussilongtempsquepossible.Nepensepasquejetejuge.Cen’estpaslecas.Jesuissimplementtrèsinquiet.(Auparavant,quandAlainavaitessayédeleconvaincred’arrêterdefumer,Sergel’avaitsouventaccusédelejuger.)

SERGE: Non,j’entendstoninquiétude.Noussommesamisdepuislongtemps…

ALAIN: (Formulantunedemande.)Serais-tuprêtàarrêter?

SERGE: J’aimeraisbien.

ALAIN: (ÉcoutantlessentimentsetbesoinsquiempêchentSerged’accéderàsademande.)Crains-tud’essayerparcequetuneveuxpaséchouer?

SERGE: Oui,tusaisbienquej’aidéjàessayéplusieursfois…Jesaisquelesgensmedéconsidèrentencoreplusparcequejesuisincapabled’arrêter.

ALAIN: (DevinantcequeSergepourraitavoirenviededemander.)Moi,jenetedéconsidèrepas.Etsituessayaisetéchouaisànouveau,jenetedéconsidéreraistoujourspas.Jevoudraissimplementquetuessaies.

SERGE: Merci,maistun’espasleseul…Toutlemondes’ymet:çaselitdansleurregard.Ilsmeprennentpourunminable.

ALAIN: (ÉcoutantavecempathielessentimentsdeSerge.)Tutrouvesquec’estunpeuétouffantdesesoucierdecequelesautrespourraientpenser,alorsqu’ensoiilestdéjàassezdifficiled’arrêterdefumer?

SERGE: Jen’aimepasmedirequejesuisdépendant,qu’ilyaquelquechosequejeneparvienspasàmaîtriser…

ALAIN: (RegardantSergedroitdanslesyeux,ilhochelatêteensigned’approbation.L’intérêtetl’attentionqu’AlainporteauxsentimentsetbesoinsprofondsdeSergetransparaissentdanssonregardcommedanssonsilence.)

SERGE: Enfait,jen’aiplusaucunplaisiràfumer.Onal’impressiond’êtreunpariaquandonfumeenpublic.C’enestgênant.

ALAIN: (Continuantàmanifestersabienveillance.)Ondiraitquetuasvraimentenvied’arrêtermaisquetucrainslesconséquencesquecelapourraitavoirsurl’imagequetuasdetoietsurtaconfianceentoi.

SERGE: Oui,jesupposequec’estcela…Tusais,jenepensepasenavoirjamaisparlé.Engénéral,quandlesgensmedisentd’arrêter,jelesenvoietoutsimplementaudiable.J’aimeraisbienarrêter,maisjeneveuxpasêtresoumisàtoutescespressionsextérieures.

ALAIN: Jenevoudraist’imposeraucunepression.Jenesaispassijepeuxterassurersurtescraintesd’échec,maisjevoudraiscertainementtesoutenirsijelepeux.Enfin,situesd’accord…

SERGE: Oui,jevoudraisbien.Jesuistrèstouchépartoninquiétudeettabonnevolonté.Mais…sijenesuispasencoreprêtàessayer,çaneteposepasdeproblème?

ALAIN: Biensûrquenon.Celaneretirerarienànotreamitié.Jevoudraissimplementquenotreamitiédurepluslongtemps!(Ayantformuléunevéritabledemandeetnonuneexigence,Alaingardeàl’espritsonattachementàlaqualitédelarelation,indépendammentdelaréponsedeSerge.C’estcequ’ilexprimeendisant«Celaneretirerarienànotreamitié»,toutenénonçantsonproprebesoin:«Quenotreamitiédurepluslongtemps.»)

SERGE: Ehbien,jevaispeut-êtreréessayer…maisn’enparleàpersonne,d’accord?

ALAIN: Biensûr.Àtoidedéciderquandtuserasprêt.Jen’enparleraiàpersonne.

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ExerciceFORMULERDESDEMANDES

Pourvoirsinoussommesd’accordsurl’expressionclairedesdemandes,cochezlesphrasesoùuneactionconcrèteestclairementdemandée.

1.Jeveuxquetumecomprennes.2.Jevoudraisquetumedisesunechosequej’aifaiteetquetuasappréciée.3.Jevoudraisquetusoisplussûrdetoi.4.Jeveuxquetuarrêtesdeboire.5.Jeveuxquetumelaissesêtremoi-même.6.Jevoudraisquetusoissincèreavecmoi,ausujetdelaréuniond’hier.7.Jevoudraisquetunedépassespaslalimitedevitesse.8.J’aimeraisteconnaîtremieux.9.Jevoudraisqueturespectesmavieprivée.10.J’aimeraisquetupréparesplussouventledîner.

Voicimesréponses.

1.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,lesmots«quetu me comprennes » n’expriment pas clairement une demande d’action concrète. Onauraitpudire:«J’aimeraisquetumerépètescequetum’asentendudire.»

2.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerqu’ils’agitd’unedemandeclaireetconcrète.

3.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,lesmots«êtreplus sûrde toi »n’exprimentpas clairementqu’uneaction concrèteestdemandée.Onauraitpudire :« J’aimeraisquetu fassesunstagededéveloppementpersonnelqui, jepense,t’aideraitàacquérirplusd’assurance.»

4.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,lesmots«quetuarrêtesdeboire»nedisentpasclairementcequeveutceluiquiparle,maisseulementcequ’ilneveutpas.Onauraitpudire :«Jevoudraisquetumedisesquelsbesoinstusatisfaisenbuvantetj’aimeraisbienquenousdiscutionsd’autresfaçonsdesatisfairecesbesoins.»

5.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,lesmots«quetu me laisses être moi-même » n’expriment pas clairement quelle action concrète estdemandée.Cettepersonneauraitpudire:«Jeveuxquetumedisesquetunemettraspasuntermeànotrerelation,mêmesijefaisdeschosesquitedéplaisent.»

6.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,lesmots«quetu sois sincère » n’expriment pas clairement quelle action concrète est demandée. Onauraitpudire:«J’aimeraisconnaîtretessentimentsàproposdecequej’aifait,etsavoircequetuaimeraisquejefassedifféremment.»

7.Sivousavezcochécettephrase,noussommesd’accordpourconsidérerqu’ils’agitd’unedemandeclaireetconcrète.

8.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,ellen’exprimepasclairementquelleactionconcrèteestdemandée.Onauraitpudire:«Jevoudraisquetu me dises si tu serais d’accord pour que nous déjeunions ensemble une fois parsemaine.»

9.Sivousavezcochécettephrase,nousnesommespasd’accord.Àmonsens,lesmots«quetu respectes ma vie privée » n’expriment pas clairement quelle action concrète estdemandée.Onauraitpudire :« Jevoudraisque tuacceptesde frapperavantd’entrerdansmonbureau.»

10. Si vous avez coché cette phrase, nous ne sommes pas d’accord. Àmon sens, lesmots«plussouvent»n’exprimentpasclairementquelleactionconcrèteestdemandée.Cettepersonneauraitpudire:«Jevoudraisquetupréparesledînertousleslundissoir.»

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7

Recevoiravecempathie

NousavonsdécritdanslesquatrechapitresprécédentslesquatrecomposantesdelaCNV:cequenousobservons,cequenousressentons,cedontnousavonsbesoinetcequenoussouhaitonsdemanderpourquenotreviesoitplusbelle.Aprèsavoirvucommentexprimerpournous-mêmescesquatrecomposantes,nousallonsmaintenantnousintéresseràlafaçonderecevoiravecempathielesobservations,sentiments,besoinsetdemandesd’autrui.Nousdésignonscettephaseduprocessusdecommunicationsous letermed’«écouteempathique».

LesdeuxpartiesdelaCNV:–s’exprimeravecsincérité;–accueilliravecempathie.

Laprésence:netecontentepasd’agir,soislàL’empathieestunefaçondecomprendreavecrespectcequelesautresvivent.Selonlephilosophechinois

Tchouang-Tseu, l’empathie véritable exige que l’on écoute de tout son être : « L’écoute exclusivementauditiveestunechose.L’écouteintellectuelleenestuneautre.Maisl’écoutedel’espritneselimitepasàuneseulefaculté–l’auditionoulacompréhensionintellectuelle.Ellerequiertunétatdevacuitédetoutesles facultés. Lorsque cet état est atteint, l’être tout entier est à l’écoute. On parvient alors à saisirdirectement ce qui est là, devant soi, ce qui ne peut jamais être entendu par l’oreille ou compris parl’esprit.»

L’empathie:fairelevidedansnotreespritetécouterdetoutnotreêtre.

Dans la relation à l’autre, il n’y a empathie qu’à partir dumoment où nous parvenons à écarter touspréjugés et jugements à son égard. Martin Buber, philosophe israélien d’origine autrichienne, décrivaitcettequalitédeprésencequelavieexigedenous:«Malgrétouteslesressemblances,toutesituationdeviea,commeunnouveau-né,unvisageunique,quin’ajamaisexistéauparavantetquel’onneretrouverajamaisplus.Elleappelleuneréactionquinepeutêtrepréméditée.Ellenedemanderienquiappartienneaupassé.Elleappelleuneprésence,uneresponsabilité.Elleappellel’êtretoutentier.»Iln’estpasfaciledesoutenircettequalitédeprésencequerequiertl’empathie.«Lacapacitéàaccorder

sonattentionàquelqu’unquisouffreestquelquechosedetrèsrareetdetrèsdifficile.C’estpresqueunmiracle. C’est un miracle, affirmait la philosophe française Simone Weil. Parmi tous ceux qui pensentposséder cette capacité, rares sont ceux qui l’ont. » Au lieu de témoigner de l’empathie, nous avonstendance à nous laisser aller à donner des conseils ou à rassurer et à exposer notre propre opinion ousentiment.Orl’empathieveutquenousportionstoutenotreattentionsurlemessagedel’autre,quenousaccordionsàl’autreletempsetl’espacedontilabesoinpours’exprimerpleinementetsesentircompris.Unpréceptebouddhistedécritbiencettecapacité:«Netecontentepasd’agir,soislà.»

Demanderavantd’offrirconseilsouproposrassurants.

Lorsque l’on abesoind’empathie, il est souvent frustrant d’avoir en facede soi quelqu’unqui part duprincipequel’onveutêtrerassuréouobtenirune«recettemiracle».J’aiàcetégardreçuuneleçondemafille,quim’aapprisàm’assurerdecequedemandemoninterlocuteuravantdeproposerunconseiloudesparolesderéconfort.Unjourqu’elleseregardaitdansunmiroir,jel’entendisdire:«Jesuislaidecommeunpou!»

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«Allons!répondis-je.TueslaplusbellecréaturequeDieuaitmisesurterre.»Ellemefusilladuregardet,exaspérée,s’exclama:«Oh,jet’enprie,papa!»Puisellesortitenclaquantlaporte.Jecomprisparlasuitequ’elleavaitenfaitdemandéunpeud’empathie.Aulieudeluioffrirunréconfortinopportun,j’auraispuluidemander:«Es-tudéçuepartonapparence,aujourd’hui?»Mon amie Holley Humphrey a repéré un certain nombre de comportements classiques qui nous

empêchentd’offriràl’autreunequalitédeprésencesuffisantepourétabliravecluiunerelationd’empathie.Voiciquelquesexemplesd’obstaclesdecetype.

Conseiller:«Jepensequetudevrais…»«Pourquoin’as-tupas…?»Surenchérir:«Oh,cen’estrien,ça.Regarde,moi…»Moraliser:«Tupourraistirerpartidecetteexpériencesitu…»Consoler:«Cen’étaitpastafaute.Tuasfaitdetonmieux.»Déviersurdesanecdotes:«Çamerappellel’époqueoù…»Clorelaquestion:«Allons,remets-toi.Nefaispascettetête.»Compatir:«Oh,monpauvre…»Interroger:«Quandest-cequeçaacommencé?»Expliquer:«Jet’auraisbienappelé,mais…»Corriger:«Çanes’estpaspassécommeça.»

DanssonouvragePourquoi lemalheurfrappeceuxquine leméritentpas, lerabbinHaroldS.Kushnerracontecombienilluifutdouloureux,alorsquesonfilsagonisait,d’entendredesparolescenséesatténuersadouleur.Maisilluifutpluspénibleencoredereconnaîtreque,depuisvingtans,ildisaitexactementlesmêmeschosesàceuxquitraversaientcetyped’épreuve!Dèslorsquenouspensonsdevoirrésoudredessituationsetréconforterlesautres,nousnepouvonsplus

êtreprésents.Cetécueilnousguettetoutparticulièrementlorsquenousremplissonsunrôledeconseillerou de psychothérapeute. Travaillant un jour avec vingt-trois professionnels de la santé mentale, je leurdemandai d’écriremot pourmot ce qu’ils répondraient à un patient qui leur dirait : « Je me sens trèsdéprimé.Jenevoisaucuneraisondecontinueràvivre.»Jeramassailes«copies»etannonçai:«Jevaismaintenantlireàhautevoixcequechacund’entrevousaécrit.Mettez-vousdanslapeaudupatientquiaexprimésonsentimentdedépressionetlevezlamaindèsquevousentendrezuneréponsequivousdonnele sentiment d’avoir été compris. » Sur les vingt-trois réponses, seules trois suscitèrent des réactionsfavorables.Lesautresétaientpourlaplupartdesquestionstellesque:«Depuisquandêtes-vousdanscetétat ? » Elles donnent l’impression que le psychothérapeute cherche à cerner les données qui luipermettrontdeposersondiagnostic,puisdetraiterleproblème.Orcetteapprocheintellectuelleexclutlaqualitédeprésencequerequiertl’empathie.Lorsquenousanalysonssesparolesetquenouscherchonsàlesintégrerànosthéories,nousobservonsl’autre,maisnousnesommespasaveclui.L’empathieestavanttoutfondéesurlaprésence:noussommespleinementprésentàl’autreetàcequ’iléprouve.Voici les trois réponses qui obtinrent l’aval des psychothérapeutes : sur le premier billet, il était

simplement indiqué « Silence, avec attention non verbale clairement portée vers le patient » ; sur ledeuxièmeonpouvaitlire«Vousêtesapparemmentauboutdurouleauetlaseuleenviequivousreste,c’estdetrouvern’importequelmoyenpourarrêterdesouffrir,c’estça?»etsurletroisième:«Est-cequevousvoussentezdésespéréaupointquevousn’arrivezplusàtrouverdesensàvotrevie?»Cettequalitédeprésence distingue l’empathie de la compréhension intellectuelle ou de la sympathie. Si nous pouvonsparfoischoisirdecompatiravecl’autreenpartageantsessentiments,ilconvientdegarderàl’espritqu’ils’agitdesympathie,etnonpasd’empathie.

L’approcheintellectuelleentravel’empathie.

ÉcouterlessentimentsetlesbesoinsEn CNV, quels que soient les mots que l’individu choisisse pour s’exprimer, nous écoutons ses

observations,sessentimentsetsesbesoins,etcequ’ildemandeafinquesaviesoitplusbelle.Imaginezquevousayezprêtévotrevoitureàunnouveauvoisinquivousauraitassuréenavoirunbesoinurgent.Votrefamille l’apprend et réagit violemment : « Quel idiot tu fais ! Comment peux-tu faire confiance à uninconnu?»Nouspouvonsnousmettreàl’écoutedessentimentsetdesbesoinsdesmembresdelafamille,aulieudenousaccablerdereprochesenprenantlemessageaupieddelalettre,oudecritiqueretjugerlesautres.

Quoiquedisentlesautres,n’entendreque:a)cequ’ilsobservent;b)leurssentiments;

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c)leursbesoins;d)cequ’ilsdemandent.

Danscettesituation,cequelafamilleobserveetceàquoielleréagitestévident:prêterunevoitureàunparfaitinconnu.Dansd’autressituations,ilarrivequecelanesoitpasaussiclair.Siuncollèguenousdit:«Tunesaispas travaillerenéquipe»,nousnesavonspas forcémentcequ’ilobserve,bienquedans laplupartdescasnouspuissionsdevinercequiestàl’originedecetteréflexion.L’échange suivant, tiré d’un atelier,montre combien il est difficile de concentrer son attention sur les

sentimentset lesbesoinsdesautres lorsquenousavonsétéhabituésànoussentirresponsablesde leurssentiments et à nous sentir visés par leurs réflexions.Dans cedialogue, l’épouse souhaitait apprendre àentendrelessentimentsetbesoinsquisecachaientderrièrecertainesréflexionsdesonmari.Jeluiproposaidedeviner,puisdevérifieraveclui.

RÉFLEXIONDUMARI:Àquoibondiscuter?Tun’écoutesjamais.ÉPOUSE:Tun’espascontentdemoi?MBR:Lorsquevousdites«demoi»,vousimpliquezquesessentimentsproviennentdecequevousavezfait. Jepréféreraisquevousdisiez:«Es-tumécontentparcequetuavaisbesoinde…?»Celavouspermettraitdeportervotreattentionsurcequi sepassechez lui,etvous risqueriezmoinsdevoussentirviséeparsaréponse.ÉPOUSE:Maisquepourrais-jeluidire?«Es-tumalheureuxparcequetu…?»Etaprès?MBR:Cherchezunindicedanslemessagedevotremari:«Àquoibondiscuteravectoi,tun’écoutesjamais.»Dequoia-t-ilbesoinqu’iln’obtientpaslorsqu’ilditcela?ÉPOUSE:(S’efforçantd’écouteravecempathielesbesoinsexprimésdanslemessagedesonmari.):Es-tumécontentparcequetuasl’impressionquejenetecomprendspas?MBR:Remarquezquevousvousconcentrezsurcequ’ilpenseetnonsurcedont ilabesoin. Ilmesemblequevoustrouverezlesgensmoinsmenaçantssivousentendezcedontilsontbesoin,plutôtquecequ’ilspensentdevous.Aulieud’entendrequ’iln’estpasheureuxparcequ’ilpensequevousn’écoutez pas, concentrez-vous sur son besoin en disant : « Es-tu mécontent parce que tu asbesoin…?»ÉPOUSE:(Réessayant.)Es-tumécontentparcequetuasbesoind’êtreentendu?MBR :C’estceque j’avaisà l’esprit.Est-cequecela faitunedifférencepourvousde l’entendredecettefaçon?ÉPOUSE:Toutàfait,unegrandedifférence.Jevoiscequisepassechezluisansentendrequej’aifaitquelquechosedefaux.

Écoutercedontnosinterlocuteursontbesoinplutôtquecequ’ilspensentdenous.

ParaphraserAprèsavoirécoutéetentenducequel’autreobserve,ressent,désireetdemandepourrendresavieplus

conforme à ses vœux, peut-être aurons-nous envie de lui dire en le paraphrasant ce que nous avonscompris. Dans le chapitre concernant les demandes (chapitre 6), nous avons vu comment demander àl’autre de reformuler nos paroles pour nous assurer qu’elles correspondent bien à ce que nous voulionsdire. Nous allons voir maintenant comment renvoyer à notre interlocuteur ce que l’on a perçu de sonmessage.Celaluiconfirmera,lecaséchéant,quenousavonsbienreçusonmessage,ouluidonneraaucontraire

uneoccasiondenouscorriger.Autreavantage,notrereformulationluidonneraletempsderéfléchiràcequ’iladitetluifournirauneoccasiondeplongerplusprofondémentenlui-même.La CNV propose d’énoncer notre paraphrase à la forme interrogative, afin de dire ce que nous avons

compris tout en invitant notre interlocuteur à apporter d’éventuelles corrections. Les questions peuventainsiportersur:

A.Ce que l’autre observe : « Veux-tu parler du nombre de soirées où j’étais absent lasemainedernière?»B.Sessentimentsetlesbesoinsquilesprovoquent:«Es-tublesséparcequetuauraisaiméobtenirplusdereconnaissancepourtesefforts?»C.Cequel’autredemande:«Veux-tuquejetedisepourquoijet’aiditcela?»

En posant ces questions, nous essayons de deviner ce qui se passe chez notre interlocuteur, tout enl’invitantàrectifierletiraucasoùnousnoustromperions.Remarquezladifférenceentrecesquestionset

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cellesquisuivent:

a)«Auxquelsdemesactesfais-turéférence?»b)«Commenttesens-tu?»«Pourquoitesens-tuainsi?»c)«Queveux-tuquejefasse?»

Avecdesquestionsdece type,noussollicitonsdes informationssanschercheràcomprendre la réalitéqueperçoitnotreinterlocuteur.Bienqu’àpremièrevueellespuissentsemblerêtrelafaçonlaplusdirectedenousmettreencontactaveccequisepassechezlui,jemesuisrenducomptequ’ellesneconstituentpaslemoyenleplussûrd’obtenirlesinformationsquenousrecherchons.Dansbiendescas,ellesrisquentdedonner à l’autre l’impression d’être confronté à un professeur qui le soumet à un examen ou à unpsychothérapeutequi«étudieuncas».Sitoutefoisnouschoisissonsdeluiposercetypedequestions,ilsesentiraplus en confiance si nous commençonspar lui exposernospropres sentiments et lesbesoinsquimotiventnosquestions.Ainsi,aulieudedemander«Qu’est-cequej’aifait?»nouspourrionsdire:«Jemesensfrustrée,parcequejevoudraissavoirplusprécisémentàquoitufaisréférence.Voudrais-tumedirelesquelsdemesactes t’ontmenéàmeconsidérerde la sorte?»Sicette formulationn’estpas toujoursnécessaire–nimêmeutile–lorsquelecontexteouletondelavoixexprimentclairementnossentimentsetnosbesoins,jenesauraistroplarecommanderlorsquelesquestionsquenousposonscomportentunefortechargeémotionnelle.

Lorsquenousdemandonsdesinformations,commencerparexprimerlessentimentsetlesbesoinsquinousmotivent.

Comment reconnaître les situations dans lesquelles il est bon de redire à l’autre ce que nous avonsentendu ? Lorsque nous ne sommes pas certains d’avoir bien compris le message, nous pouvons, bienentendu,utiliser laparaphrasepour inviter l’autreà lever touteambiguïté.Mais ilarriveégalementque,mêmelorsquenoussommessûrsdel’avoircompris,nousayonsl’impressionquel’autresouhaites’entendreconfirmerqu’ilaétécorrectemententendu.Ilpeutmêmeexprimerouvertementcedésirendemandant:«C’estclair?»ou«Tuvoiscequejeveuxdire?»Ilseraalorsplusrassuréd’entendreunereformulationclairedesonmessagequ’unsimple:«Oui,jecomprends.»Ainsi,desinfirmièresdemandèrentàunebénévoledel’hôpitalquivenaitdeparticiperàunstagedeCNV

d’allerparleràunepatienteâgée:«Nousluiavonsditqu’ellen’étaitpassimaladequecelaetque,sielleprenaitsesmédicaments,elleiraitmieux,maiselles’obstineàrestertoutelajournéedanssachambre,àrépéterqu’elleveutmourir.»Labénévoleallavoirlavieilledameet,commeleluiavaientannoncélesinfirmières,latrouvaprostrée,

murmurantsanscesse:«Jeveuxmourir.»«Ainsi,vousvoulezmourir?»demanda-t-elleavecempathie.Surprise,lavieilledamearrêtasalitanieet

sembla soulagée. Puis elle semit à parler, expliquant que personne ne comprenait à quel point elle sesentaitmal. La bénévole continua à reformuler les sentiments de la patiente. Bientôt, une telle chaleurs’instaura dans leur dialogue que la bénévole prit la vieille dame dans ses bras. Les infirmièresinterrogèrentparlasuitelabénévolesursa«recettemiracle»:ladameavaitrecommencéàs’alimenteretàprendresesmédicaments,etellesemblaitplusjoyeuse.Lesinfirmièresavaientcertestentédel’aiderenluiprodiguantconseilsetréconfort,maiscefutledialogueaveclabénévolequiluiavaitfournicedontelleavaitbesoin:unlienavecunautreêtrehumain,capabled’entendresonprofonddésespoir.Iln’existeaucunmoyeninfaillibledesavoiràquelmomentutiliserlaparaphrase,mais,enrèglegénérale,

onpeutsanscraindredesetromperpartirduprincipequelesgensquiexprimentunmessagecomportantunefortechargeémotionnelleaimeraientenobtenirunécho.Lorsquec’estnousquiparlons,nouspouvonsfaciliter la tâcheànotre interlocuteuren lui signifiantclairement lesmomentsoùnoussouhaitonsounesouhaitonspasquenosparolesnoussoientrenvoyées.

Paraphraserlesmessagesquicomportentunefortechargeémotionnelle.

Nouspouvonsparfoischoisirdenepasparaphraser lesparolesde l’autreparrespectpourdesusagesculturelsparticuliers.Cefutlecasd’unparticipantchinois,venuàl’undemesatelierspourapprendreàentendrelessentimentsetlesbesoinsquisecachaientderrièrelesremarquesdesonpère.Nesupportantpluslescritiquesetattaquesqu’ilpercevaitsanscesse,iln’osaitplusallerlevoiretl’évitaitpendantdesmoisentiers.Jerevisceparticipantdixansplustard.Ilm’annonçaquesacapacitéd’écouterlessentimentsetbesoinsdesautres luiavaitpermisd’établirunerelationtotalementdifférenteavecsonpère,aupointqu’ilsentretenaientdésormaisdesrapportstrèsaffectueuxetintimes.Ilécoutaitlessentimentsetbesoinsdesonpère,sanspourautantparaphrasercequ’ilentendait:

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– Jene ledis jamaisàhautevoix,m’expliqua-t-il.Cardansnotreculture, celane se faitpasdeparlerouvertement de ses sentiments.Mais depuis que je n’entends plus ses paroles commeune attaquemaiscommel’expressiondesespropressentimentsetdesesbesoins,notrerelations’estbeaucoupenrichie.–Vousneluiparlezdoncjamaisdirectementdesessentiments,maislefaitd’êtrecapabledelesentendre

vousestutile?luidemandai-je.–Oui,maismaintenantjecroisquejesuisprêt,répondit-il.Àprésentquenotrerelationestsisolide,sije

devaisluidire:«Papa,jevoudraisquenouspuissionsparlerouvertementdecequenousressentons»,jepensequ’ilseraitdisposéàrépondre.

Paraphraser seulement quand cela contribue à plus de bienveillance et decompréhension.

Le ton de voix que nous utilisons pour paraphraser est extrêmement important. Lorsqu’ils entendentreformulerleursparoles,lesgensrisquentd’êtresensiblesaumoindresignedecritiqueoudesarcasme.Ilsrisquentd’êtretoutaussifroissésparuntonpéremptoirequiimpliqueraitquenousleurexpliquonscequisepasseeneux.Si,enrevanche,nousécoutonsleurssentimentsetbesoinsentouteconscience,notretonindiqueraquenousvoulonsnousassurerd’avoircompris–etnonquenousprétendonsavoircompris.Il se peut également que notre interlocuteur interprète mal l’intention de notre paraphrase et nous

rabroue:«Tunevaspasrecommenceravectapsychologieàtroissous!»pourrait-ilnousdire.Ànous,alors, de poursuivre notre effort pour percevoir ses sentiments et ses besoins.Dans ce cas précis, nousvoyonspeut-êtrequ’il seméfiedenosmotivationsetabesoindemieuxcomprendrenos intentionspourapprécier le retour que nous lui fournissons. Comme nous l’avons vu, dès lors que nous portons notreattention sur l’écoute des sentiments et des besoins sous-jacents à unmessage, les critiques, attaques,injures et jugements disparaissent. Plus nous nous entraînons à cette pratique, plus une vérité simples’imposeànous:derrièretouslesmessagesparlesquelsnousnoussommeslaissésintimider,iln’yajamaisquedesindividusdontlesbesoinsnesontpassatisfaitsetquinousinvitentàcontribueràleurbien-être.Lorsque nous recevons les messages en étant conscients de cela, nous ne nous sentons jamaisdéshumanisésparcequelesautresontànousdire.Nousnenoussentonsdéshumanisésquelorsquenousnous enfermons dans des images négatives de l’autre ou dans l’idée que nous avons tort. Comme lesuggérait l’auteur et mythologue Joseph Campbell, « pour atteindre le bonheur, je dois cesser de medemandercequelesautrespenserontdemoi».Nousdécouvronscebonheurlorsquenouscommençonsàpercevoir lesmessages non plus comme des critiques ou des reproches,mais comme les cadeaux qu’ilssont:desoccasionsdedonneràceuxquisouffrent.

Derrièrelesmessagesintimidants,ilyasimplementdesindividusquinousprientdesatisfaireleursbesoins.

S’ilarrivesouventquedespersonnesdoutentdenosmotivationsoudenotresincéritélorsquenouslesparaphrasons,peut-êtrenous faudra-t-ilexaminerdeplusprèsnospropres intentions. Il sepeuteneffetquenousparaphrasionsenappliquantladémarcheCNVdefaçonmécanique,sansgarderuneconscienceclairedenotrebut.Nouspourrionsparexemplenousdemandersinoussommesplusattachésàappliquercorrectementladémarchequ’àétablirunerelationavecl’êtrehumainquisetrouvedevantnous.Oubiensi,toutenrespectantlaformedelaCNV,nousnecherchonsqu’àmodifierlecomportementdel’autre.

Unmessagedifficiledevientuneoccasiondecontribueraubien-êtredequelqu’un.

Certainsnevoientdanslaparaphrasequ’unepertedetempsetrefusentdes’yprêter.«Jesuispayépourfournirdesfaitsetproposerdessolutions,etnonpourfairedelapsychologieaveclesgensquiviennentmevoir »,m’expliqua un jour un responsablemunicipal lors d’une séance. Il lui arrivait toutefois d’avoir àaffronterdescitoyensencolèrequivenaient luiexposerdesproblèmes leur tenaitàcœuretrepartaientavecladésagréablesensationden’avoirpasétéentendus.Certainsdesesadministrésmeconfièrentparlasuite:«Quandvousallezdanssonbureau,ilvoussubmergedefaits,maisvousnesavezjamaiss’ilvousaentenduavantdeparler.Alors,vouscommencezàdouterdesfaitsqu’ilvousexpose.»Laparaphrasefaitgagner davantage de temps qu’elle n’en fait perdre. Des études sur les négociations entre partenairessociaux ontmontré que l’on parvenait à résoudre deux fois plus rapidement les conflits lorsque chaquepartieacceptaitderépéterprécisémentcequ’elleavaitentendulapartieadversedireavantderépondre.

Paraphraserfaitgagnerdutemps.

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Jemesouviensd’unhommequin’étaitabsolumentpasconvaincudel’utilitédelaparaphrase.Traversantunecrisegrave,safemmeetluiétaientvenussuivreunstage.Pendantuneséance,sonépouseluidit:–Tunem’écoutesjamais.–Si,jet’écoute,répondit-il.–Maisnon,rétorqua-t-elle.–Jecrainsquevousneveniezdeluidonnerraison,interrompis-jeenm’adressantaumari.Vousn’avez

pasrépondudefaçonquiluifassecomprendrequevousl’écoutiez.Levoyantdéconcertéparceque jevenaisdedire, je luidemandai lapermissiondeprendresaplace–

qu’ilm’accordavolontiers, tant ilavaitdumalà tenirsonproprerôle. Je reprisdonc l’échangeavecsonépouse.Elle:Tunem’écoutesjamais.MBR : (Dans le rôle du mari.) Il me semble que tu es très frustrée car tu aimerais sentir plus de

compréhensionprofondelorsquenousnousparlons.L’épouse était émue aux larmes. Elle venait enfin de se voir confirmer qu’elle avait été comprise.Me

tournantverslemari,jeluiexpliquai:«Jepensequ’ellevousditcedontelleabesoin:unereformulationdesessentimentsetdesesbesoinsquipuisseluiconfirmerqu’elleaétéentendue.»Lemarin’enrevenaitpas :«C’est toutcequ’ellevoulait?»demanda-t-il,doutantencorequ’unacteaussi simplepuisse faireautantd’effetàsafemme.Quelque temps plus tard, il éprouva lui-même cette satisfaction en entendant sa femme lui retourner

l’émotion qu’elle avait perçue dans ses paroles. Savourant ce qu’il venait d’entendre, il me regarda etconclut:«Çamarche.»Ilesttrèsémouvantderecevoirlapreuveconcrètequequelqu’unétablitavecnousunlienempathique.

Maintenirl’empathieJeconseilledelaisserauxautreslapossibilitédes’exprimerpleinementavantdetournernotreattention

sur les solutions ou les demandes de réconfort. En cherchant à répondre trop vite aux éventuellesdemandes des autres, nous risquons de ne pas réussir à leur montrer que nous nous intéressonssincèrementà leurs sentimentset à leursbesoins. Ilspeuventalorsavoir l’impressionquenous sommespressésdenousdébarrasserd’euxouderésoudreleurproblème.Deplus,unpremiermessageestsouventlapartieémergéedel’iceberg.Ilpeutêtresuividesentimentsencoreinexprimés,maisreliés–etsouventplus intenses. En maintenant notre attention sur ce que vit l’autre, nous lui donnons une occasiond’explorercomplètementcequisepasseautréfondsdelui-mêmeetdel’exprimer.Endévianttroptôtnotreattentionsursademandeousurnotrepropredésirdenousexprimer,nouscouperionsceflux.Supposonsqu’unemèredefamilleviennenoustrouverennousdisant:«Monfilsestinsupportable.Quoi

que je lui dise de faire, il refuse d’écouter. » Nous pourrions déceler ses sentiments et ses besoins enrépondant : « Il semble que vous êtes désespérée et que vous aimeriez trouver un moyen d’établir uncontactavecvotre fils.»Uneparaphraseencouragesouvent l’autreàregardercequisepasseen lui.Sinous avons correctement reflété sa déclaration, lamère peut parvenir à identifier d’autres sentiments :«C’estpeut-êtremafaute,jepassemontempsàlehouspiller.»Restantàl’écoute,nousnousentenonsauxsentimentsetauxbesoinsexprimés:«Voussentez-vouscoupableparcequevousauriezaiméluitémoignerplusdecompréhensionquevousne l’avezparfois fait?»Si lamèrecontinuedesesentircomprise,parl’effetdecequenousluirenvoyons,ellepeutapprofondirsessentiments:«J’aivraimentéchouédansmonrôledemère.»Nouscontinuonsalorsàresterenphaseavec lessentimentsetbesoinsqu’elleexprime:« Vous êtes donc découragée et vous voulez restaurer la relation avec lui sur une autre base ? »Nouscontinuonsde la sorte jusqu’à ceque la personne ait pu exprimer tous les sentiments en jeudans cettesituation.

Enrestantdansuneattitudeempathique,nouspermettonsànotreinterlocuteurdeplongerplusprofondémentenlui-même.

Comment être certains que nous avons bien écouté l’autre avec empathie ? Le premier signe est lesoulagement qu’il ressent lorsqu’il se rend compte que toutes ses émotions ont été comprises avecempathie.Nousenprenonsconscienceenconstatantunrelâchementdenosproprestensionscorporelles.Notreinterlocuteurnousenvoieunsecondsigne,plusprobantencore,lorsqu’ilarrêtedeparler.Sinousnesommes pas sûrs d’être restés assez longtemps dans le processus, rien de nous empêche de vérifier, endemandant:«Ya-t-ilautrechosequevousvouliezdire?»

Noussavonsquel’autreareçusuffisammentd’empathielorsque:

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a)nousressentonsunrelâchementdetension;oub)lefluxdeparoless’arrête.

Ladouleur,obstacleàl’empathieNousnepouvonsdonneràquelqu’uncedontnousmanquonsnous-mêmes.Delamêmefaçon,s’ilarrive

que,malgrénosefforts,nousnepuissionsounevoulionstémoignerdel’empathie,c’estgénéralementsignequenousenmanquonstropnous-mêmespourêtrecapablesd’enoffrirauxautres.Sinousreconnaissonsouvertementquenotrepropredétressenousempêchederéagiravecempathie,l’autrepourradanscertainscasnousapporterl’empathiedontnousavonsbesoin.

Nousavonsbesoind’empathiepourendonner.

Dansd’autres cas, il peutêtrenécessairede faired’urgenceun retour surnousenécoutant cequi sepasse en nous-mêmes avec la même qualité de présence et d’attention que celle que nous offrons auxautres. « Plus vous écoutez fidèlement votre voix intérieure, mieux vous entendrez ce qui se passe au-dehors », déclaraun jourDagHammarskjold, ancien secrétaire général desNationsunies.Une fois quenoussavons«nousdonnerdel’empathie»,ilsuffitsouventdequelquessecondespoursentirunelibérationnaturelle d’énergie, qui nous permet alors d’être présent à l’autre. À défaut, deux autres possibilitéss’offrentànous.La première : hurler – en appliquant les principes de la CNV, s’entend. Je me souviens avoir assuré

pendant trois jours une médiation entre deux bandes rivales qui s’entre-tuaient littéralement. L’une sefaisait appeler les Égyptiens noirs, et son adversaire n’était autre que le commissariat de police desquartiersestdelavilledeSaintLouis.Àmonarrivée,lescoreétaitdedeuxàun–soittroismortsenunmois!Auboutdetroisjournéeséprouvantes,pendantlesquellesjem’étaisefforcéderapprocherlesdeuxparties,afinquechacuneentendel’autreetqu’ellesrésolvent leursdifférends, jemedisenrentrantà lamaisonquejamaisplusjenevoulaismeretrouverprisenétaudansunconflit.À peine avais-je poussé la porte d’entrée que je vis mes enfants en train de se battre. N’ayant pas

l’énergied’aborderlasituationposément,j’aihurléenappliquantlaCNV:«Écoutez,jevaismal!Jen’aipasenviedem’occuperdevotrebagarre.Jevoudraissimplementavoirlapaixetducalme!»Monfilsaîné,quiavaitalorsneufans,s’arrêtanetetmedemanda:«Tuveuxenparler?»Jemesuisrenducompteque,à partir du moment où nous parvenons à dire notre souffrance sans la maquiller et sans y mêler dereproches,mêmelesgensendétressesontcapablesd’entendrenosbesoins.Ilnes’agitbienentendupasdehurler:«Non,maisçanevapas,non?Vousnesavezpasvoustenir?Jeviensderentreretj’aieuunejournéedifficile!»–nid’insinuerd’aucunefaçonquec’estleurcomportementquiestencause.HurlerenCNV permet d’attirer l’attention sur les besoins impérieux et la souffrance que j’éprouve à cet instantprécis.Si toutefois notre interlocuteur éprouve également des sentiments si intenses qu’il ne peut ni nous

entendre ni nous laisser tranquille, la troisième solution consiste à nous retirer physiquement de lasituation.Nousnousdonnonsainsiletempsdelaréflexionetlesmoyensd’acquérirl’empathiedontnousavonsbesoinpourrevenirdansunautreétatd’esprit.

RésuméL’empathieestunecompréhensionempreintederespectdecequelesautresvivent.Aulieudeproposer

del’empathie,nousavonssouventtendanceàdonnerdesconseils,àréconforter,àdonnernotreavisouàexposernotresentiment.L’empathieexigeenrevanchequenousfassionslevidedansnotreespritetquenousécoutionsl’autredetoutnotreêtre.En CNV, quels que soient lesmots choisis par l’autre pour s’exprimer, nous écoutons simplement ses

observations,sessentiments,sesbesoinsetcequ’ildemande.Nouspouvonsalorschoisirdeparaphrasersesparoles,endisantcequenousavonscompris.Nousmaintenonsl’empathieenluilaissantunechancedes’exprimerpleinementavantdeporternotreattentionsurlarecherchedesolutionsousursademandederéconfort.Nous avons besoin de faire nous-mêmes le « plein » d’empathie pour pouvoir en donner aux autres.

Lorsquenoussommessurladéfensiveouincapablesd’empathie,nousavonsbesoin:–soitdenousarrêterpourrespireretfaired’urgenceunretoursurnous-mêmes;– soit de hurler enCNV, c’est-à-dire d’exprimer avec force ce qui se passe en nous, en appliquant les

principesdelaCNV(chapitres4à6);–soitencoredenousretirerpournousdonnerletempsdelaréflexion.

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LaCNVenpratique

UnefemmeétablituneconnexionavecsonmarimourantUnpatientvientd’apprendrequ’ilestenphaseterminaled’uncancerdupoumon.Lascènesuivante,

quisedéroulechezluientreuneinfirmièreàdomicile, lui-mêmeetsafemme,constituepourluiunedernière occasion d’établir un contact affectif avec son épouse et de parler de samort avant d’êtrehospitalisé. En engageant le dialogue avec l’infirmière, l’épouse se plaint de la kinésithérapeute quis’occupaitjusqu’alorsdesonmariàdomicile.

ÉPOUSE: Cen’estpasunebonnekiné.

INFIRMIÈRE: (Écoutantavecempathiecequeressentetveutl’épouse.)Êtes-vouscontrariée?Auriez-vousaiméuneautrequalitédesoins?

ÉPOUSE: Ellenefaitrien.Dèsquesonpoulsaugmentait,ellelefaisaitrasseoir.

INFIRMIÈRE: (Continuantàécouterlessentimentsetlesbesoinsdel’épouse.)Vousvoulezquevotremariaillemieuxetvouscraignezqu’ilnereprennepassesforcessilakinésithérapeutenelepoussepas?

ÉPOUSE: (Semettantàpleurer.)Oui,j’aisipeur!

INFIRMIÈRE: Avez-vouspeurdeleperdre?

ÉPOUSE: Oui,nousvivonsensembledepuissilongtemps.

INFIRMIÈRE: (Écoutantlesautressentimentsderrièrelapeur.)Êtes-vousinquiètesurlafaçondontvousréagirezs’ildisparaît?

ÉPOUSE: Jen’imaginemêmepascommentjepourraisvivresanslui.Ilatoujoursétélàpourmoi.Toujours.

INFIRMIÈRE: Vousêtesdonctristequandvouspensezàcequeseralaviesanslui?

ÉPOUSE: Jen’aipersonned’autrequelui.Ilesttoutpourmoi,voussavez.Mafillenem’adressemêmepluslaparole.

INFIRMIÈRE: Ondiraitque,quandvouspensezàvotrefille,vousêtrefrustréeparcequevousaimeriezavoiruneautrerelationavecelle.

ÉPOUSE: J’aimeraisbien,maiselleesttellementégoïste.Jenesaispaspourquoijemesuisembêtéeàfairedesenfants.Voilàcequeçamerapporte,maintenant.

INFIRMIÈRE: J’ail’impressionquevousêtesunpeuencolèreetdéçueparcequevousaimeriezquevotrefamillevoussoutiennedavantagependantlamaladiedevotremari.

ÉPOUSE: Oui,ilesttellementmalade.Jenesaispascommentjevaispouvoirtraversercetteépreuvetouteseule.Jen’aipersonne…pasmêmeàquiparler,àpartvous,ici…pourl’instant.Mêmeluirefused’enparler.Regardez-le!(Lemarirestesilencieuxetimperturbable.)Ilneditrien!

INFIRMIÈRE: Êtes-voustriste,etaimeriez-vouspouvoirvoussoutenirl’unl’autreetvoussentirplusproches?

ÉPOUSE: Oui.(Aprèsunebrèvepause,elleformuleunedemande.)Parlez-luicommevousmeparlez.

INFIRMIÈRE: (Vérifiantqu’elleabiencomprislebesoinexpriméparlademandedel’épouse.)Voulez-vousqu’ilsoitécoutédetellefaçonqu’ilpuisseexprimercequ’ilressentauplusprofonddelui-même?

ÉPOUSE: Oui,oui,c’estexactementcela!Jeveuxqu’ilsesenteàl’aisepourparleretjeveuxsavoircequ’ilressent.(Utilisantlasuppositiondel’infirmière,l’épouseparvientd’abordàprendreconsciencedecequ’elleveut,puisàtrouverlesmotspourledire.C’estunmomentcrucial:s’ilssaventcequ’ilsneveulentpas,lesgensontsouventdumalàidentifiercequ’ilsveulentdansunesituationdonnée.Nousvoyonscommentunedemandeclaire–«Parlez-luicommevousmeparlez»–estuncadeau:celaoffreàl’autretoutessortesdepossibilitésd’action.L’infirmièrepeutdésormaisagird’unefaçonqu’ellesaitêtreenharmonieaveclesdésirsdel’épouse.Celamodifiel’atmosphèredelapièce,carl’infirmièreetl’épousetravaillentmaintenantensemble,toutesdeuxsurlemodedelabienveillance.)

INFIRMIÈRE: (Setournantverslemari.)Queressentez-vouslorsquevousentendezcequevotrefemmeadit?

MARI: Jel’aimevraimentbeaucoup.

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INFIRMIÈRE: Êtes-vouscontentd’avoiruneoccasiondeparlerdecelaavecelle?

MARI: Oui,nousavonsbesoind’enparler.

INFIRMIÈRE: Voudriez-vousnousdirecequevouséprouvezparrapportàvotrecancer?

MARI: (Aprèsunbrefsilence.)Jenemesenspastrèsbien.(Lesmots«bien»ou«mal»sontsouventutiliséspourdécriredessentimentslorsquelesgensn’ontpasencoreidentifiélanaturedesémotionsqu’ilséprouvent.L’expressionplusprécisedesessentimentsl’aideraitàtrouverlecontactaffectifqu’ilchercheàétabliravecsonépouse.)

INFIRMIÈRE: (L’encourageantàêtreplusprécis.)Avez-vouspeurdemourir?

MARI: Non,jen’aipaspeur.(Bienquel’intuitiondel’infirmièren’aitpasétélabonne,celan’empêchepasledialoguedesepoursuivre.)

INFIRMIÈRE: Êtes-vousencolèreàl’idéedemourir?(Lepatientayantdumalàverbalisersesémotions,l’infirmièrecontinuedel’aiderdansceprocessus.)

MARI: Non,cen’estpasdelacolère.

INFIRMIÈRE: (Àcemoment,aprèsdeuxessaisinfructueux,elledécided’exprimersespropressentiments.)Ehbien,jemedemandecequevouspouvezressentir.Est-cequevouspourriezmeledire?

MARI: Enfait,jemedemandecommentellevafairesansmoi.

INFIRMIÈRE: Oh,vouscraignezqu’elleneparviennepasàgérersaviesansvous?

MARI: Oui,j’aipeurdeluimanquer.

INFIRMIÈRE: (Ellesaitquelesmourantsseraccrochentsouventàlavieparcequ’ilss’inquiètentpourceuxqu’ilslaissentderrièreeux.Lespatientsdoiventparfoisêtreassurésquelesêtresquileursontcherspeuventaccepterleurmortavantdeselaisserpartir.)Voulez-vousentendremaintenantcequeressentvotrefemmelorsquevousditescela?

MARI: Oui.

L’épouse se joint à la conversation. En présence de l’infirmière, chacun commence à exprimerouvertement ses sentiments à l’autre.Dans ce dialogue, l’épouse a commencépar se plaindre de lakinésithérapeute.Mais,auboutdequelqueséchangesqui luiontpermisdesesentirentendueavecempathie,elleestparvenueàdéterminerquecequ’ellerecherchaitvéritablement,c’étaitunrapportplusprofondavecsonmaripendantcettephasecritiquedeleurvie.

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ExerciceLADIFFÉRENCEENTRERECEVOIRAVECEMPATHIEETRECEVOIR

SANSEMPATHIE

Sivoussouhaitezfaireunexercicesurl’empathiedanslacommunication,entourezlenumérodesdialoguesdanslesquelslapersonneBrépondavecempathieàcequevitlapersonneA.

1.PERSONNEA:Commentai-jepufaireunechoseaussistupide?PERSONNEB:Personnen’estparfait,tuestropduravectoi-même.2. PERSONNE A : Si tu veux mon avis, on devrait renvoyer tous ces immigrants-là d’où ils

viennent.PERSONNEB:Penses-tuvraimentqueceseraitunesolution?3.PERSONNEA:Tun’espasDieu!PERSONNE B : Te sens-tu frustré parce que tu aimerais que j’admette qu’il y a d’autres

manièresd’interpréterlasituation?4.PERSONNEA:Jepensequepourtoi,jefaispartiedudécor.Jemedemandecommenttut’en

sortiraissansmoi.PERSONNEB:Cen’estpasvrai!Jenetrouvepasquetufaispartiedudécor.5.PERSONNEA:Commentpeux-tumedireunechosepareille?PERSONNEB:Es-tublesséparcequejeviensdedire?6.PERSONNEA:Jesuisfurieusecontremonmari.Iln’estjamaislàquandj’aibesoindelui.PERSONNEB:Trouves-tuqu’ildevraitêtreplusprésent?7.PERSONNEA:Jesuisdégoûtédevoiràquelpointjedevienslourd.PERSONNEB:Çat’aideraitpeut-êtredefairedujogging.8.PERSONNEA :L’organisationdumariagedemafillememetàboutdenerfs.Lafamillede

son fiancé n’arrange rien : presque tous les jours, ils changent d’avis sur le style demariagequ’ilsaimeraient.

PersonneB:Es-tunerveuseparrapportàl’organisationetaimerais-tuquelesfutursbeaux-parentsdetafillesoientplusconscientsdescomplicationsqueleurindécisiontecrée?

9. PERSONNE A : Lorsque la famille débarque à l’improviste, je me sens envahie. Cela merappellelamanièredontmesparentsignoraientmesbesoinsetplanifiaientdeschosesàmaplace.

PERSONNEB:Jesaiscommenttutesens.C’étaitpareilpourmoi.10.PERSONNE A : Je suis déçu de vos résultats. J’aurais aimé que votre service double sa

productionlemoisdernier.PERSONNE B : Je comprends votre déception, mais nous avons eu beaucoup d’absents pour

causedemaladie.

Voicimesréponses.

1. Je n’ai pas entouré cettephraseparceque je vois la personneA rassurer la personneBplutôtqued’accueilliravecempathiecequ’elledit.

2. Je vois la personne B tenter de raisonner la personne A plutôt que d’accueillir avecempathiecequ’elledit.

3.Sivousavezentourécelle-ci,noussommesd’accord.JevoislapersonneBaccueilliravecempathiecequeditlapersonneA.

4. Je vois que la personne B n’est pas d’accord et se défend plutôt que d’accueillir avecempathiecequevitlapersonneA.

5. Je vois la personne B se sentir responsable des sentiments de la personne A plutôt qued’accueillir avec empathie ce qu’elle vit. La personneB aurait pu dire : «Es-tu blesséparcequetuauraisaiméquej’acceptedefairecequetudemandais?»

6. Si vous avez entouré celle-ci, nous sommes en partie d’accord. Je vois la personne Baccueillir les pensées de la personne A. Néanmoins, je crois que nous sommes plusprofondément reliés lorsque nous accueillons les sentiments et les besoins quis’expriment, plutôt que les pensées. C’est pourquoi j’aurais préféré que la personne Bdise:«Es-tufurieuseparcequetuaimeraisqu’ilsoitplusprésent?»

7.JevoislapersonneBdonnerunconseilplutôtqued’accueilliravecempathiecequevitlapersonneA.

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8.Sivousavezentourécelle-ci,noussommesd’accord.JevoislapersonneBaccueilliravecempathiecequevitlapersonneA.

9.JevoislapersonneBprésumerqu’elleacomprisetparlerdesespropressentimentsplutôtqued’accueilliravecempathiecequevitlapersonneA.

10.JevoislapersonneBconcentrerd’abordsonattentionsurlessentimentsdelapersonneA,maissemettreensuiteàdonnerdesexplications.

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8

Lepouvoirdel’empathie

L’empathiequiguérit«Lorsquequelqu’unvousentendvraimentsansvousjuger,sansessayerdevousprendreenchargeoude

vous enfermer dans un moule, cela fait un bien incroyable… À partir du moment où j’ai été écouté etentendu,jeparviensàpercevoirmonuniverssousunjournouveauetàallerdel’avant.Ilestétonnantdevoiràquelpointtoutcequisemblaitinsolubletrouveuneissuedèslorsquequelqu’unécoute.Àquelpointcequisemblaitirrémédiablementconfussedénouedefaçonrelativementclairelorsquel’onestentendu.»C’estencestermesqueCarlRogersdécrivaitleseffetsdel’empathiesursesdestinataires.À cet égard, l’une de mes histoires préférées est celle que me rapporta la directrice d’une école

alternative.Enrevenantdedéjeuner,elletrouvaunjourdanssonbureauMilaine,uneélèvedeprimaire,quil’attendait,l’airabattu.Elles’assitprèsd’elleetlapetitefilleluidit:

L’empathienouspermetde«percevoirnotreuniverssousunjournouveauetd’allerdel’avant».

–MadameAnderson,vousest-ildéjàarrivédepassertouteunesemaineoùchacundevosactescausaitdutortàquelqu’un,alorsquevousn’aviezaucuneintentiondefairedumal?–Oui,réponditladirectrice.Jecroiscomprendrecequetuveuxdire.Surce,Milaineluiracontasasemaine.«Quandelleeutfini,poursuivitladirectrice,j’étaistrèsenretard

àuneréunionimportante.Jen’avaispasretirémonmanteau,etjenevoulaispasfaireattendreunesallepleine.J’aidoncdemandé:“Milaine,quepuis-jefairepourtoi?”Lapetites’approchademoi,m’attrapaparlesépaulesetmeregardadroitdanslesyeux:“MadameAnderson,jenevousdemandepasdefairequoique ce soit. Je vous demande simplement d’écouter.” Ce fut l’un des moments les plus richesd’enseignements de ma vie. Et il me fut donné par une enfant. “Tant pis pour tous ces adultes quim’attendent !” me dis-je, allant m’asseoir avec Milaine sur un banc. Je passai mon bras autour de sesépaules,elleposasa tête surmapoitrineetmedit toutcequ’elleavait sur lecœur.Etcelapritpeudetemps,sommetoute.»

«Netecontentepasd’agir…»

L’undesaspectslesplussatisfaisantsdemontravailestd’entendrecommentlesgensontmisenpratiquelaCNVpour renforcer leurcapacitéàétablirunerelationd’empathieavecd’autres.Laurence,uneamiesuisse,meracontaqu’elle futun jourexaspéréedevoirson filsdesixans, furieux,partirenclaquant laporte,sansmêmeluilaisserletempsdefinirsaphrase.Isabelle,safillededixans,quil’avaitaccompagnéeàunatelierdeCNV,ditalors:«Tuestrèsencolère,maman.Tupréféreraisqu’ilteparleaulieudepartir,quand il est en colère. » Laurence constata avec émerveillement que les paroles de sa fille l’avaientimmédiatementdétendue,etelleparvintàsemontrerpluscompréhensiveenverssonfilslorsqu’ilrevint.Demême,unprofesseurdelycéenousexpliquacommentlesrapportsentrelesélèvesetlesenseignants

avaientévoluéaprèsqueplusieursdesescollègueseurentapprisàécouteravecempathieetàs’exprimerplussincèrement, sansdissimuler leurvulnérabilité.«Lesélèvesétaientdeplusenplusouvertsetnousparlaientdesdiversproblèmespersonnelsquiaffectaientleursétudes.Plusilsenparlaient,plusilsétaientefficacesdansleurtravail.Cetyped’écouteétaittrèsprenant,maisnousétionsravisd’yconsacrertoutcetemps. Le proviseur n’était malheureusement pas convaincu. Il estimait que nous n’étions pas desconseillers psychologiques et que nous devions passer moins de temps à discuter avec les élèves etdavantageàenseigner.»Je lui demandai comment ses collègues et lui avaient réagi. « Nous avons écouté les inquiétudes du

proviseuravecempathie,répondit-il.Nousavonsentenduqu’ilsefaisaitdusoucietqu’ilvoulaits’assurerquenousnenousmêlionspasdecequinousdépassait.Nousavonsaussicomprisqu’ilavaitbesoind’être

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rassurésurlefaitqueletempsquenouspassionsàdiscutern’empiétaitpassurleprogramme.Ilsemblasoulagéparlafaçondontnousl’avionsécouté.Nousavonscontinuédedialogueraveclesélèves,carnousvoyionsqueplusnouslesécoutions,meilleursétaientleursrésultats.»Lorsquenoustravaillonsdanslecadred’uneinstitutionhiérarchisée,nousavonstendanceàentendredes

ordresetdesjugementsdelapartdenossupérieurs.Or,s’ilnousestrelativementfaciledetémoignerdel’empathieàceuxquioccupentunrangégalouinférieuraunôtre,iln’estpasrarequenoussoyonssurladéfensiveouquenoustentionsdenousjustifierfaceàceuxquenousidentifionscommenos«supérieurs».C’estpourquoi je fusparticulièrementcontentdeconstaterquecesenseignantss’étaientsouvenusqu’ilspouvaientoffrirautantd’empathieàleurdirecteurqu’àleursélèves.

Ilestplusdifficiledemanifesterdel’empathieàceuxquiparaissentdétenirplusdepouvoirquenous,avoirdavantagedemoyensouunstatutplusélevé.

L’empathieetlacapacitéd’êtrevulnérableDanslamesureoùlaCNVnousinviteàrévélernossentimentsetnosbesoinslesplusprofonds,celapeut

apparaître comme un défi de l’appliquer dans certaines circonstances. Pourtant, à partir dumoment oùnous établissons avec autrui un lien empathique, il devient plus facile de nous exprimer, car nousrencontrons l’être humain et prenons conscience des qualités que nous avons en commun. Plus nousparvenonsàreconnaîtrelessentimentsetlesbesoinsderrièrelesparolesdel’autre,moinsnousavonspeurde nous ouvrir à lui. C’est généralement lorsque nous cherchons à donner de nous-mêmes l’image d’unpersonnagesansfaille–depeurdeperdrenotreautoritéoulecontrôled’unesituation–quenoushésitonsàexprimernotrevulnérabilité.

Plusnoustémoignonsd’empathieàl’autre,plusnousnoussentonsensécurité.

J’eusunjourl’occasiondemontrermavulnérabilitéauxjeunesd’unebandedequartierdeCleveland,enleurdisantquejemesentaisblesséetquejevoulaisêtretraitéavecdavantagederespect.«Vousentendezça, les gars ? Il se sent blessé, le pauvre chéri ! » railla l’un d’eux, déclenchant les ricanements de sescamarades.Iciencore,jepouvaissoitmedirequ’ilsprofitaientdemavulnérabilité(possibiliténo2:rejeterlafautesurl’autre),soitconsidéreravecempathielessentimentsetbesoinsquisecachaientderrièreleurcomportement(possibiliténo4).Si,dansdetelsmoments,j’ail’impressiond’êtrehumiliéetridiculisé,ilsepeutquejeressentetropde

souffrance,decolèreoudepeurpourêtreenmesurederéagiravecempathie.J’auraisbesoindemeretirerphysiquement afin de m’en donner ou d’en demander à une source sûre. Après avoir découvert quelsbesoinsenmoiontétésipuissammenttouchésetavoirreçul’empathienécessaire,jepourraisretourneràl’écoutedel’autreavecunemotivationsincère.Lorsqu’onestenproieà lasouffrance,mieuxvautàmonsenscommencerparobtenirl’empathienécessairepourallerau-delàdespenséesquioccupentnotreesprit,defaçonàpouvoirreconnaîtrenosbesoinsprofonds.Enécoutantattentivementlaréflexiondujeunehommeetlesriresdesescamarades,j’aisupposéqu’ils

étaientcontrariésetqu’ilsnevoulaientpasêtremanœuvrésnimanipulés.Peut-êtreparlepasséavaient-ilsété confrontés à des gens qui employaient des expressions comme « cela me blesse » pour donner àentendre leur désapprobation.Ne leur ayant pas explicitement demandé de confirmer cette intuition, jen’avaisaucunmoyendesavoirsij’avaisdevinéjuste,maislesimplefaitdeportermonattentionlà-dessusm’apermisdenepasmesentirdirectementviséetdegardermonsang-froid.Au lieude les jugerparcequ’ils me ridiculisaient ou me manquaient d’égards, je me suis efforcé d’écouter les souffrances et lesbesoinsqu’impliquaitleurattitude.C’estalorsquel’und’entreeuxexplosa:«Maisc’estdun’importequoi,votre truc. Imaginezquevoussoyezen facedegarsd’uneautrebande. Ilssontarmésetvouspas.Vouscomptezresterplantélà,àleurfairelacausette?Àd’autres!»Unefoisdeplus,toutlemondeéclataderire,et,unefoisdeplus,jemeconcentraisurleurssentiments

etleursbesoins:–Vousenavezassezd’apprendredeschosesquin’ontaucuneutilitédanscessituations?–Çaouialors,etsivousviviezdanscequartier,voussauriezquecen’estquedubaratin.–Vousauriezdoncbesoind’êtreassurésqueceuxquivousenseignentquelquechoseconnaissentuntant

soitpeuvotrequartier?–Tul’asdit. J’enconnaisquivousauraientréduitenbouilliesansvouslaisser letempsdeplacerdeux

mots!– Vous avez donc besoin d’être assurés que ceux qui essayent de vous enseigner quelque chose

comprennentlesdangersqu’ilyaàvivreici?

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Jecontinuaià lesécouterdecettefaçonenreflétanttantôtverbalement,tantôtsilencieusementcequej’entendais.Cetéchangesepoursuivitpendanttroisquartsd’heure,puisjeperçusundéclic:ilssentaientquejelescomprenaisvraiment.Unconseillerduprogrammeremarquaégalementquequelquechoseavaitbasculéetleurdemandaàhautevoix:«Quepensez-vousdecethomme?»Lejeunehommequim’avaitdonnéleplusdefilàretordrerépondit:«Detousceuxquenousavonsvuspasser,c’estceluiquialemieuxsunousparler.»Surpris,leconseillersetournaversmoietmurmura:«Maisvousn’avezriendit!»Enfait,j’enavaisdit

beaucoup en leur montrant qu’ils ne pouvaient rien me dire qui ne puisse être traduit en besoins etsentimentsuniversels.

Nousendisonsbeaucoupencherchantàentendrelessentimentsetlesbesoinsdel’autre.

L’empathiepourdésamorcerledangerLa capacité à offrir de l’empathie à l’autre dans desmoments de grande tension peut désamorcer les

risquesdeviolence.Une enseignante qui travaillait dans les quartiers difficiles de Saint Louis nous raconta l’histoire

suivante:unsoir,elleétaitrestéedanssaclassepouraiderunélèveaprèslafindescours,toutensachantque,pourdesraisonsdesécurité,lesprofesseursavaientétévivementencouragésànepass’attarderdanslesbâtiments.Uninconnuentraalorsdanslapièceetl’apostropha:

JEUNEHOMME:Déshabille-toi.ENSEIGNANTE:(Remarquantqu’iltremblait.)Jecroispercevoirquevousaveztrèspeur.JEUNEHOMME:T’asentenducequejet’aidit?Déshabille-toietplusvitequeça!ENSEIGNANTE:J’ail’impressionquevousêtestrèscontrariéetquevousvoulezquejefassecequevousmedites.JEUNEHOMME:Bienvu,poupée,etilvat’arriverdesbricolessitun’obéispas.ENSEIGNANTE:Voudriez-vousmedires’ilyaunautremoyendevoussatisfairesansquevousmefassiezdemal?JEUNEHOMME:Déshabille-toi,jet’aidit!ENSEIGNANTE:J’entendsquevousenavezvraimentenvie,maisjeveuxaussiquevoussachiezquej’aitrèspeuretquejemesenstrèsmal,etquejeseraistrèsreconnaissantesivouspartiezsansmefairedemal.JEUNEHOMME:Donne-moitonsacàmain.

Lajeunefemmetenditsonsacàl’inconnu,soulagéed’échapperauviol.Elleexpliquaparlasuiteque,àmesure qu’elle témoignait de l’empathie à son agresseur, elle sentait qu’il renonçait à son intentionpremière.Bienentendu,lesuccèsdel’applicationdel’empathiedanscettehistoirenesignifiepasqu’ellepourrait

résoudretouteslessituationsdecegenre.Ils’agitcependantd’unesituationvécue.UnagentdepolicevenuassisteràuneséancedesuivideCNVmeracontal’histoiresuivante.

Jesuisraviquevousnousayez faitpratiquer l’empathie faceàdesgensencolère, ladernière fois.Quelques joursàpeineaprès laséance, jesuisalléarrêterquelqu’undansuneHLM.Lorsquenoussommesressortis,unesoixantainedegenscernaientmavoitureetcriaientàtue-tête:«Relâchez-le!Iln’arienfait!Salesflics,vousêtestousracistes!»Jen’étaispascertainquel’empathiemarcherait,mais je n’avais pas d’autre solution. Je leur ai donc reflété les sentiments que j’entendais, en leurdisantparexemple:«Vousnepensezdoncpasquej’aidebonnesraisonsd’arrêtercethomme?Vouspensezquecelaaquelquechoseàvoiravecsacouleurdepeau?»Lorsquejeleureusainsireflétépendantquelquesminutesleurssentiments,l’hostilitéretomba,etilsfinirentparm’ouvriruncheminjusqu’àmavoiture.

J’aimeraisenfinrapporterl’histoiredecetteparticipantequinousracontacommentelleavaitdésamorcélaviolencelorsd’unegardedenuitdansuncentred’accueilpourtoximanesdeToronto.QuelquessemainesaprèsavoirassistéàsonpremierséminairedeCNV,ellevitentrerunsoir,versonzeheures,unhommequiétaitd’évidencesousl’emprisededrogues.Ilexigeaunechambre.Elleluiexpliquaquetoutesleschambresétaientprisesets’apprêtaitàluidonnerl’adressed’unautrecentred’accueillorsqu’illaplaquaausol.«Letemps que je comprenne ce quim’arrivait, ilm’avait déjàmaîtrisée,mis un couteau sous la gorge et ilhurlait:“Nemeracontepasd’histoire,salope!Jesaisquetuasunechambre!”»

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Elleentrepritdoncd’appliquercequ’elleavaitapprisenécoutant les sentimentset lesbesoinsdesonagresseur.–Vousavezeuleréflexed’ypenserdanscesconditions?luidemandai-je,impressionné.– Jen’avaispasd’autrechoix!L’énergiedudésespoiraiguiseparfoisnotresensde lacommunication!

Maisvoussavez,Marshall,votreformulem’abeaucoupaidée…Jecroismêmequ’ellem’asauvélavie.–Quelleformule?–Vousavezditqu’ilnefautjamaislancerde«mais»àlatêted’unepersonneencolère.J’étaisàdeux

doigtsde luidire :«Mais,puisque jevousdisque jen’aipasdechambre !»C’estalorsque jemesuissouvenue de votre petite phrase. Elle m’avait marquée parce que, la semaine précédente, je m’étaisdisputéeavecmamère,quim’avaitdit:«Jet’étrangleraisquandjet’entendsrépondre“mais”àtoutcequejedis ! » Imaginezdonc !Siun«mais» fait cet effet àmapropremère, commentauraitpu réagir cetinconnu?Sijeluiavaisdit«Maisjen’aipasdechambre!»alorsmêmequ’ilhurlaitdetoutessesforces,jesuispersuadéequ’ilm’auraittranchélagorge.

Êtreempathiqueplutôtquerépliquer«mais»àunepersonneencolère.

J’airespiréungrandcoupetj’aidit:«J’entendsquevousêtestrèsencolèreetquevousvoulezqu’onvousdonneunechambre.»Sanscesserdecrier,ilrépondit:«Cen’estpasparcequejesuisdroguéquejeneméritepaslerespect!J’enaimarrequepersonnenemerespecte!Mesparentsnemerespectentpas,mais je vais en avoir, du respect ! » J’ai continué àme concentrer exclusivement sur ses sentiments etbesoins:«Enavez-vousassezdenepasobtenirlerespectquevousvoulez?»–Combiendetempscedialoguea-t-ilduré?demandai-je.–Oh,unebonnedemi-heure,répondit-elle.–Vousdeviezêtreterrifiée!–Non,aprèslesdeuxoutroispremierséchanges,jen’aipluseupeur,carj’aiprisconscienced’unautre

phénomènedontnousavionsparléici:enmeconcentrantsurl’écoutedesessentimentsetdesesbesoins,j’aicessédelevoircommeunmonstre.J’aivu,commevousl’aviezdit,commentlesindividusquiontl’airde monstres sont simplement des êtres humains dont le langage et le comportement nous empêchentparfois de percevoir l’aspect profondément humain. Plus je parvenais à porter mon attention sur sessentimentsetsesbesoins,mieuxjelevoyaiscommeundésespérédontlesbesoinsn’étaientpasassouvis.C’estlàquej’aicommencéàmedirequesijefocalisaismonattentionlà-dessus,ilnemeferaitaucunmal.Eteneffet, lorsqu’ileutreçul’empathiedont ilavaitbesoin, ilm’a libérée,arangésoncouteauet je l’aiaidéàtrouverunechambredansunautrecentre.

Lorsquenousécoutons leurssentimentset leursbesoins,nousnevoyonsplus lesindividuscommedesmonstres.

J’étaisenchantédeconstaterqu’elleavaitapprisàréagiravecempathiedansunesituationaussiextrême,maissonrécitavaitpiquémacuriosité:– Pourquoi donc êtes-vous revenue ? lui demandai-je. Vous avez l’air d’avoir maîtrisé la CNV et vous

devriezplutôtêtreentraind’enseignerauxautrescequevousavezappris.–Non,j’aiencorebesoindevotreaidepourquelquechosedevraimentdifficile…–J’oseàpeineimaginer!Quelcaspourraitêtreplusdélicatquecelui-ci?–Mamère…Jevoudraisquevousm’aidiez.Malgrétoutcequej’aicomprissurl’effetdu«mais»,vous

savezcequis’estpassé? Jesuisalléedînerchezelle le lendemainet je luiai raconté l’incident.«Si turestesdanscecentre,tufinirasparnousfaireattraperunecrisecardiaque,àtonpèreetàmoi!Ilfautquetu trouves autre chose ! »m’a-t-elle dit. Et devinez ce que je lui ai répondu ? «Mais,maman, c’estmavie!»

Ilpeutêtretrèsdifficiled’êtreempathiqueavecceuxquinoussontleplusproches.

Je n’aurais pu trouver meilleur exemple pour illustrer la difficulté qu’il peut y avoir à manifester del’empathieàsaproprefamille!

AccepterunrefusavecempathieDans lamesureoùnousavons souvent tendanceà interpréter le refusd’autrui («Non»,« Jeneveux

pas»,etc.)commeunrejet,ilestimportantdesavoirréagiravecempathieàcetypedemessage.Sinous

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lesprenonscontrenous,nouspouvonsnoussentirblesséssanssaisirlesmotivationsprofondesdel’autre.Enrevanche,enportantnotreattentionsur lessentimentset lesbesoinsquisous-tendentunrefus,nousprenons conscience des désirs qui empêchent notre interlocuteur de répondre favorablement à notredemande.

Répondreàunrefusavecempathienousévitedeleprendremal.

Pendantlapaused’unatelier,j’invitaiunjouruneparticipanteàvenirdégusteruneglaceaveclerestedugroupeaucaféducoin.«Non !» répondit-ellebrusquement.Au tonde savoix, j’interprétai sa réponsecommeunrejet,maisj’eusleréflexederechercherlessentimentsetlesbesoinsqu’exprimaitimplicitementcerefus:–J’ail’impressionquevousêtesencolère,dis-je.Est-cebiencela?–Pasdutout.Jen’aisimplementaucuneenviedemefairereprendreàchaquefoisquej’ouvrelabouche.Comprenantqu’elleéprouvaitdavantagedecraintequedecolère,jevérifiaiauprèsd’elle:–Vousavezdoncdesappréhensionsetvousvoulezvousprotégerpournepasvousretrouverdansune

situationoùvousrisqueriezd’êtrejugéesurvotrefaçondecommuniquer?–Eneffet.Jemevoisdéjàassiseenfacedevouspendantquevousépieztoutcequedis.Je compris que la façon dont j’avais reformulé les paroles des participants pendant l’atelier l’avait

effrayée. En réagissant avec empathie à son message, je ne ressentais plus le mordant de son refus.J’entendaisdésormaisqu’ellevoulaitéviterderecevoirenpublicuntelcommentaire.Jel’assuraiquejenejugeraispassafaçondecommuniquerdevantdestiers,puisjelaconsultaisurcequ’illuifaudraitpoursesentirensécuritéavecmescommentaires.Ellesejoignitalorsvolontiersànotregroupe.

L’empathiepourredonnervieàuneconversationChacundenouss’estunjouroul’autretrouvéaumilieud’uneconversationquiluiparaissaitêtre«sans

vie».Ensociété, ilnousestsansdoutearrivéd’entendreparlerquelqu’unsansressentir lemoindrelienaveclui,oubiend’êtreconfrontéàuneintarissablelogorrhée.Ledialogueperddesavitalitélorsquenousnousdéconnectonsdessentimentsetbesoinsquimotiventlesparolesdel’autreetdesdemandesassociéesà ces besoins. C’est un phénomène courant lorsque les gens parlent sans être conscients de leurssentiments, besoins ou demandes. Au lieu de participer à un échange plein de vie, nous avons alorsl’impressionden’êtrequedesimplesréceptaclesdeleursparoles.

Pourredonnervieàuneconversation,interrompredefaçonempathique.

Commentetquandinterrompreundialogue«mortel»pourlerameneràlavie?Àmonsens,lemieuxestd’agirdèsquenousperdonsintérêtàlaconversation.Plusonattend,plusilestdifficilederestercourtoisenintervenant.Ilnes’agitpasd’interromprel’autrepouraccaparerlaparole,maispourl’aideràfairelelienaveccequilemotivevraimentau-delàdesmotsqu’ilprononce.Pource faire,nousrecherchons lessentimentsetbesoinsqu’ilpeutéprouver.Ainsi,siunevieille tante

commenceà raconterpour laénième fois comment, il y a vingtans, sonmari l’aabandonnéeavecdeuxenfantsenbasâge,nouspourrionsl’interrompredelafaçonsuivante:«Tantine,tusemblessouffrirencoredufaitquetuauraisaiméêtretraitéeavecplusdeconsidération.»Lesgensn’ontsouventpasconsciencequec’estd’empathiequ’ilsontbesoin.Ilsneréalisentpasdavantagequ’ilsontplusdechancesdel’obteniren exprimant leurs sentiments et leurs besoins du moment plutôt qu’en racontant inlassablement lesinjusticesetdifficultésdeleurpassé.Nous pouvons encore raviver le dialogue en exprimant ouvertement notre désir de nous sentir plus

prochesdenotre interlocuteuretensollicitantdes informationssusceptiblesdenousaideràétablirunerelationdequalité.Lorsd’uneréception,j’étaissubmergépardesflotsdeparolesquimesemblaientsansvie.Jem’adressaialorsauxneufpersonnesquiformaientnotrecercle:«Excusez-moi,jeperdspatiencecarj’aimeraismesentirplusprochedevous,maisnotreconversationnemepermetpasd’yarriver.Jevoudraissavoirsinotreconversationsatisfaitvosbesoinset,lecaséchéant,lesquels.»Mes neuf interlocuteurs me regardèrent comme si je venais de jeter un rat dans la soupe. Fort

heureusement, je cherchai aussitôt à identifier les sentiments et les besoins que couvrait leur silence :« Êtes-vous contrariés que je vous aie interrompus parce que vous auriez aimé poursuivre cetteconversation?»demandai-je.Aprèsunautresilence,l’und’entreeuxfinitparrépondre:«Non,jenesuispascontrarié.Jeréfléchissais

àvotrequestion.Cetteconversationnemesatisfaisaitpas.Enfait,ellem’ennuyaitàmourir.»

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Lesproposquiennuientl’auditoireennuientaussil’orateur.

Sur le moment, sa réponse me surprit, car c’était précisément lui qui avait alimenté la fameuseconversation.Maisj’aicomprisdepuislorsquelesconversationsquisontsansviepourl’auditoirelesontégalementpourl’orateur.Ilpeutcertessemblerdélicatd’interromprequelqu’unaubeaumilieud’unephrase,maisunsondageque

j’airéaliséauprèsdeplusieursdizainesdepersonnesdémontrequecetteattitudeestsouventmieuxperçuequ’on ne pourrait le penser. À la question : « Si ce que vous dites n’intéresse plus votre interlocuteur,préférez-vousqu’ilcontinueàfairesemblantdevousécouterouqu’ilvousinterrompe?»,àuneexceptionprès, toutes les personnes interrogées affirmèrent préférer être interrompues. Ces résultats m’ontencouragéetconvaincuqu’ilestpluscourtoisd’interromprel’autrequedefairesemblantdel’écouter,carchacundenoussouhaitequesesparolessoientpourlesautresunerichesseetnonunfardeau.

L’orateurpréfèreêtreinterrompuplutôtquel’onfassesemblantdel’écouter.

L’empathiepourlesilenceL’un des messages que nous avons le plus de mal à considérer avec empathie est le silence – tout

particulièrement lorsque nous avons exprimé notre vulnérabilité et que nous attendons une réaction denotreinterlocuteur.Danscesmoments,ilesttrèsfaciledevoirdanslesilencedel’autreuneconfirmationdenospirescraintesetd’oublierderechercherlessentimentsetlesbesoinsimplicitesdansl’absencederéponse.Un jour que j’intervenais auprès des employés d’une entreprise, je parlai de quelque chose qui me

touchaitprofondémentetjememisàpleurer.Lorsquejerelevailesyeux,j’affrontailesilencedudirecteur– chose qu’il m’était difficile de recevoir. Il détourna le regard et j’interprétai son attitude comme unemarque de dédain. J’eus fort heureusement le réflexe de porter mon attention sur les sentiments quipouvaientl’habiter:«J’ail’impressionquevousrépugnezàmevoirpleurer,etquevousauriezpréféréquelapersonnequiconseillevotrepersonnelmaîtrisemieuxsesémotions.»

L’empathiepourlesilence:écouterlessentimentsetlesbesoinsdeceluiquisetait.

S’il avait confirmé cette interprétation, j’aurais pu admettre que nous ne partagions pas les mêmesvaleurs sur l’expression des émotions, sans penser pour autant que j’avais eu tort deme laisser aller àpleurer.Maiscontretouteattente,ilrépondit:«Non,pasdutout.Jepensaissimplementàmafemme,quiaimeraittellementquejesoiscapabledepleurer.»Surce,ilnousconfiaqu’ilétaiteninstancededivorceetquesonépousedisaitdepuislongtempsqu’auprèsdeluielleavaitl’impressiondevivreavecunepierre.Àl’époqueoùj’exerçaislapsychothérapie,jereçuslavisitedesparentsd’unejeunefemmedevingtans,

suiviepardespsychiatres.Elleétaitsoustraitementdepuisplusieursmois,avaitétéhospitaliséeetavaitsubi plusieurs électrochocs. Depuis trois mois, elle s’était enfermée dans le mutisme le plus complet.Lorsqu’ils l’emmenèrent à mon cabinet, ils durent la porter, car elle n’effectuait plus d’elle-même lemoindremouvement.Dès ledébutde laconsultation,ellerestaprostréedansson fauteuil, tremblante, lesyeuxrivésausol.

M’efforçant d’établir un lien d’empathie avec les sentiments et besoins qu’exprimait son message nonverbal,jedis:«Ilmesemblequevousêteseffrayéeetquevousvoudriezêtresûrequevouspouvezparlersanscrainte.Est-cebiencela?»Voyantqu’elleneréagissaitpas,j’exprimaimespropressentiments:«Jesuistrèspréoccupédevousvoir

commecelaetj’aimeraisquevousmedisiezs’ilyaquelquechosequejepeuxdireoufairepourvousaideràvoussentirplusensécurité.»Toujourspasderéponse.Jepassailesquaranteminutessuivantesàtenterdedécodersessentimentsetsesbesoinsouàexprimerlesmiens.Ellenelaissaitstrictementrienparaître,paslemoindresigneindiquantqu’ellecomprenaitquej’étaisentraind’essayerdecommuniqueravecelle.Finalement,jeluidisquej’étaisfatiguéetquejesouhaitaislarevoirlelendemain.Lesdeuxséancessuivantessedéroulèrentexactementcommelapremière.Jecontinuaiàconcentrermon

attentionsursessentimentsetbesoins,disantcequejecomprenais,tantôtàvoixhaute,tantôtensilencepourmoi-même. De temps en temps, je lui faisais part de ce que j’éprouvais enmon for intérieur. Ellerestaitenfoncéedanssonfauteuil,tremblante,sansdesserrerlesdents.Auquatrièmejour,alorsqu’elleneréagissaittoujourspas,jem’approchaietluiprislamain.Nesachant

passimesparoles traduisaientmasollicitudeà sonégard, j’espéraisque lecontactphysiqueseraitplusefficace. Au premier contact, ses muscles se crispèrent et elle se recroquevilla encore plus dans son

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fauteuil.Jem’apprêtaiàdesserrermonétreinte,maisjemeravisaiensentantunlégerrelâchement.Ellesedétenditpeuàpeu.Jegardaisamaindanslamiennequelquesminutesdeplus,toutenluiparlantcommejel’avaisfaitpendantlespremiersjours.Ellenedisaittoujoursrien.Lelendemain,enarrivant,ellesemblaitencoreplustenduequ’auparavant,àcettedifférenceprèsqu’elle

me tendit un poing fermé en détournant le visage. Je fus tout d’abord déconcerté par ce geste,mais jecomprisqu’ellemedonnaitquelquechose.Jedépliaisesdoigtsettrouvaidanssapaumeunbilletfroisséoùétaitgriffonnéunmessage:«S’ilvousplaît,aidez-moiàdirecequiestàl’intérieur.»J’étaisenchantéderecevoircesigne,quitémoignaitdesondésirdecommuniquer.Auboutd’uneheure

d’encouragements,ellefinitpararticulerunepremièrephrase,doucementetavecappréhension.Lorsqueje lui reformulai ceque je l’avaisentenduedire,elle semblasoulagée,puiscontinuaàparler, lentement,craintivement.Unanplustard,ellem’envoyaunecopiedequelquesmorceauxchoisisdesonjournal.

Jesuissortiedel’hôpital.Finis,lesélectrochocsetlestraitementspuissants.C’étaitversavril.Jen’aiaucunsouvenirdestroismois,nimêmedestroisansetdemiquiontprécédécemoisd’avril.Il paraît qu’à ma sortie de l’hôpital, en rentrant chez moi, j’ai passé toute une période à ne rienmanger,àneriendire.Jevoulaisrestertoutletempsaulit.C’estalorsqu’onm’aenvoyéeconsulterleDrRosenberg.Jenemesouvienspasdegrand-chosedesdeuxoutroismoisquiontsuivi,misàpartlesmomentspassésaucabinetduDrRosenberg,àparleraveclui.J’avaiscommencéàme«réveiller»dèslapremièreséance,àluifairepartdecequimecontrariait–ce dont je n’avais jamais imaginé parler à qui que ce soit. Et je me souviens combien cela a étéimportantpourmoi.J’avaistellementdemalàparler.MaisleDrRosenbergs’intéressaitàmoietlemontraitet j’avaisenviedeparleravec lui.Lorsque j’avais faitsortirquelquechose, j’étais toujourscontente. Je me rappelle avoir compté les jours, les heures même, qui me séparaient du prochainrendez-vous.J’aiégalementapprisqu’iln’yapasquedumauvaisàregarderlaréalitéenface.Jemerendsdeplusenpluscomptedecequej’aienvied’oseretdeschosesquej’aibesoindefaireparmoi-même.C’esteffrayant. Et très dur. Et c’est tellement décourageant de voir que, même quand je fais tout monpossible, je peux encore échouer lamentablement. Mais le bon côté de la réalité, c’est que j’ai vuqu’ellecomporteaussidesaspectsformidables.Depuisunan,jedécouvreàquelpointilpeutêtreagréabledepartagercequejesuisavecd’autrespersonnes.Jepensequejen’aiencorevuqu’unefacettedecettejoiedeparleràd’autrespersonnes,etdelesvoirvéritablementécouter–etmêmeparfoisvéritablementcomprendre.

Jenecessedem’émerveillerdevant lesvertuscurativesde l’empathie. J’ai vuàplusieurs reprisesdesgensdépasser leseffetsparalysantsde ladouleurpsychologiquedès lorsqu’ils avaientassezdecontactavecquelqu’uncapablede lesécouteravecempathie.Lorsquenousécoutons,nousn’avonsbesoinnideconnaissancesenpsychologie,nideformationenpsychothérapie.L’important,c’estdesavoirêtreprésentsauxsentimentsetauxbesoinsspécifiquesqueressentunindividuicietmaintenant.

Lesecretdel’empathierésidedansnotrecapacitéàêtreprésent.

RésuméDévelopper notre capacité à être empathiques nous permet de demeurer sincères, vulnérables, de

désamorcer les risques de violence, d’entendre un refus sans y voir un rejet, de redonner vie à uneconversation,etmêmed’entendrelessentimentsetbesoinsexprimésparunsilence.Onparvientsouventàdépasser les effets paralysants de la douleur psychologique lorsqu’on entretient un lien assez fort avecquelqu’unquipeutnousentendreavecempathie.

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9

Relions-nousànous-mêmesavecbienveillance

«Devenonslechangementquenoussouhaitonsvoirdanslemonde.»

MAHATMAGANDHI

NousavonsvulacontributionquelaCNVpeutapporterauxrelationsaveclesamisetlafamille,surlelieudetravailetdansledomainepolitique.Cependant,c’estdanslamanièredontnousnoustraitonsnous-mêmesqu’ellejouelerôleleplusimportant.Lorsquenousexerçonsuneviolenceintérieureànotrepropreégard,ilestdifficiled’éprouverunebienveillancevéritablevis-à-visdesautres.

En fait, laCNVpourrait serviravant toutàdéveloppernotrebienveillanceenversnous-mêmes.

Souvenons-nousdecequinousrenduniqueDanslapiècedeHerbGardnerintituléeDesclownsparmilliers,leprotagonisterefusedelaisserpartir

sonneveudedouzeansàl’Assistancepubliquecar,déclare-t-il:«Jeveuxqu’ilsacheexactementquelleestcettechosequi lerendunique,sinon, lorsqu’ellecommenceraà luiéchapper, ilnes’enapercevrapas.Jeveuxqu’ilgardelesyeuxouvertset…qu’ilvoie…lespossibilitésillimitéesquis’offrentàlui.Jeveuxqu’ilsachequecelavautbienlapeinedebousculerunpeulemondelorsqu’onlepeut.Etjeveuxqu’ilconnaissel’importante raison, subtile et dissimulée, pour laquelle il est arrivé sur terre sous la forme d’un êtrehumainetnond’unechaise.»

Jesuistrèsinquietdevoirquebonnombred’entrenousontperduconsciencede«cettechosequinousrend uniques » ; nous avons oublié l’« importante raison, subtile et dissimulée » que l’oncle voulait siardemmentquesonneveuconnaisse.Lorsque les jugementscritiquesquenousportons surnous-mêmesnousempêchentdevoirnotrebeautéintérieure,nousnouscouponsdel’énergiedivinequiestnotresource.Sinoussommesconditionnésànousconsidérercommedesobjets –desobjetspleinsdedéfauts –,est-ilétonnantsi,souvent,nousfinissonsparavoirunrapportviolentavecnous-mêmes?

L’évaluation que nous faisons de nous-mêmes, instant par instant, est un domaine important où nouspouvons remplacer la violence par de la compassion. Puisque nous voulons que toutes nos actionscontribuentàembellirlavie,ilestessentieldesavoirévaluerlesévénementsetlessituationsd’unefaçonqui nous aide à apprendre et à faire en permanence les choix qui nous seront bénéfiques.Malheureusement,lamanièredontnousavonsétéconditionnésànousévaluernousconduitsouventànoushaïrnous-mêmesplutôtqu’àapprendre.

NousutilisonslaCNVpournousévaluerdemanièreàgrandiretnonànoushaïr.

NousévaluerlorsquenousavonsétémoinsqueparfaitsLorsdemesateliers,jedemandehabituellementauxparticipantsdesesouvenird’unesituationrécente

danslaquelleilsontfaitquelquechosequ’ilsregrettent.Ensuite,nousobservonscequ’ilssesontditjusteaprèsavoir faitcequ’onappelledans le langagecourantune«erreur»ouune« faute».Lesréflexionshabituellessont:«C’étaitpasmalin»«Commentas-tupufaireunechoseaussistupide?»«Qu’est-cequit’apris?»«Tuaslechicpourtoutgâcher!»«Quelégoïste!»

Cespersonnesontapprisàportersurelles-mêmesdesjugementsquiimpliquentquecequ’ellesontfaitétaitfauxoumauvais;enseréprimandantelles-mêmes,ellessupposentimplicitementqu’ellesméritentde

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souffrirdesconséquencesdeleursactes.Ilesttragiquequenoussoyonssinombreuxànousempêtrerdanslahainedenous-mêmesaulieudetirerpartidenoserreurs,quinousmontrentnoslimitesetnousinvitentàgrandir.

Mêmelorsqu’ilnousarrivede«prendreunebonneleçon»deserreursquenousjugeonssévèrement,jesuis préoccupé par la nature de l’énergie qui nous amène à changer et à apprendre de cette manière.J’aimeraisquelechangementsoitstimuléparunvraidésirderendrelavieplusbellepournousoupourlesautres,etnonpardesénergiesdestructricescommelahonteoulaculpabilité.

Si la manière dont nous nous évaluons nous conduit à ressentir de la honte et à modifier notrecomportement en conséquence, nous permettons à cette haine de nous-mêmes d’être le guide de notreévolutionetdenotreapprentissage.Lahonteestuneformedehainedesoietlesactesquienrésultentnesontni libresni joyeux.Mêmesinousavons l’intentiondenouscomporteravecplusdegentillesseetdesensibilité,sil’autresentquenosactionssontmotivéesparlahonteoulaculpabilité,ilseramoinsenclinàappréciercequenousfaisonsquesinoussommesanimésuniquementparledésirhumaindecontribueràlavie.

Dans notre langage, il existe un mot qui possède un pouvoir énorme pour engendrer la honte et laculpabilité. Ce mot violent, dont nous nous servons habituellement pour nous évaluer, est ancré siprofondémentdansnotreconsciencequebeaucoupd’entrenousauraientbiendumalàs’enpasser.Ils’agitduverbe«devoir»,dansdesexpressionscomme«j’auraisdûsavoir»ou«jen’auraispasdûfairecela».Laplupartdutemps, lorsquenousutilisonscetermevis-à-visdenous-mêmes,nousrefusonsd’apprendreparce que « devoir » implique que nous n’avons pas le choix. Lorsqu’on essaie de leur imposer unequelconqueexigence,lesêtreshumainsonttendanceàserebellerparcequeleurautonomie–leurbesoinpressantd’avoirlechoix–estmenacée.C’estainsiquenousréagissonsfaceàlatyrannie,mêmesicettetyrannievientdenous-mêmessouslaformed’un«jedois».

Éviterles«jedois»!

On retrouve le même genre d’exigence vis-à-vis de soi-même dans l’auto-évaluation suivante : « C’estaffreux,cequejesuisentraindefaire.Ilfautvraimentquej’yfassequelquechose!»Pensezunmomentàtoutes lespersonnesquevousavezentenduesdire«Il fautvraimentque j’arrêtedefumer»ou«Il fautvraimentque je fasseplusdesport».Ellespassent leur tempsàdirecequ’elles«doivent» faireet,enmêmetemps,àrefuserdelefaireparcequel’êtrehumainn’estpasdenaturesoumise.Nousnesommespasfaitspourobéirauxordresdes«jedois»et«ilfaut»,qu’ilsviennentdel’extérieuroudel’intérieurdenous-mêmes.Etsinousnousplionsetnoussoumettonsàcesexigences,l’énergiequenousyconsacronsestdépourvuedetoutejoieporteusedevie.

Traduirelesjugementsenversnous-mêmesetnosexigencesintérieures

Lorsque nous nous adressons régulièrement des jugements, des reproches et des ordres intérieurs, iln’estpassurprenantquenotreestimedenous-mêmescèdedevantl’impressionde«ressemblerdavantageà une chaise qu’à un être humain ». Un principe de base en CNV consiste à estimer que, lorsque noussuggéronsqu’unepersonneestentortouestmauvaise,nousvoulonsdireenréalitéqu’ellen’agitpasenharmonieavecnosbesoins.S’ilsetrouvequelapersonnequenousjugeonsestnous-mêmes,nousdisons,dans ce cas, « Je ne suis pas en harmonie avec mes besoins lorsque je me comporte ainsi ». Je suisconvaincuquesinousapprenonsànousévaluersousl’angledelasatisfactiondenosbesoins,nousauronsbeaucoupplusdechancesdetirerprofitdecetteévaluation.

Notredéfi, lorsquenousaccomplissonsunactequin’estpasauservicede lavie,consistealorsànousévaluerinstantparinstantd’unemanièrequinouspermettrad’évolueràlafois:

1)danslesensoùnoussouhaitonsaller;2)etdanslerespectetlabienveillancepournous-mêmes,plutôtquedanslahainedesoi,laculpabilitéou

lahonte.

Les jugements vis-à-vis de nous-mêmes, comme tous les jugements, sont desexpressionstragiquesdenosbesoinsinsatisfaits.

LedeuilenCNVAprèsavoirpasséunepériodedenotrevieàl’écoleetdanslasociété,ilestprobablementtroptard,pour

la plupart d’entre nous, pour entraîner notre esprit à se concentrer uniquement sur nos besoins et nos

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valeurs,àchaqueinstant.Néanmoins,toutcommenousavonsapprisàtraduirelesjugementslorsdenosconversationsaveclesautres,nouspouvonsaussinousentraîneràreconnaîtrenosjugementsintérieursetàporterimmédiatementnotreattentionsurlesbesoinsquilessous-tendent.

Parexemple,sinousnoussurprenonsànousfairedesreprochesenréactionàunechosequenousavonsfaite (« Tu as vu, tu as de nouveau tout gâché ! »), nous pouvons nous arrêter tout de suite et nousdemander:«Quelestlebesoininsatisfaitquis’exprimeautraversdecejugementmoral?»Lorsquenousnous relierons à ce besoin – et il peut y avoir plusieurs couches de besoins – nous constaterons unchangementtrèsperceptibledansnotrecorps.Lahonte,laculpabilitéouladépressionquenousressentonssans doute lorsque nous nous critiquons pour avoir « à nouveau tout gâché » céderont la place à dessentiments différents. Qu’il s’agisse de tristesse, de frustration, de déception, de peur, de souffrance oud’autrechoseencore,c’estpourunebonneraisonquelanaturenousadotésdecessentiments:ilsnouspoussentàagirdanslebutdesatisfairenosbesoinsetderespecternosvaleurs.Leseffetsqu’ilsproduisentsur notre esprit et notre corps sont très différents de la honte, de la culpabilité et de la dépression quiapparaissentlorsquenoussommescoupésdenous-mêmes.

Le deuil en CNV consiste à se relier pleinement aux besoins insatisfaits et aux sentiments quiapparaissent lorsque nous avons été moins que parfaits. Nous faisons l’expérience du regret, mais d’unregretquinousaideàtirer les leçonsdenosactessansnousfairedesreprochesounousdétester.Nousévaluons lamanièredontnotrecomportementestalléà l’encontredenospropresbesoinset valeurs, etnousaccueillons lessentimentsquiémergentdecetteprisedeconscience.Lorsquenousdirigeonsnotreconscience sur nos besoins, nous sommes naturellement stimulés à trouver des pistes créatives pour lessatisfaire.Àl’inverse,lesjugementsmoralisateursauxquelsnousfaisonsappellorsquenousnouscritiquonstendentàbrouillercespistesetànousmaintenirdansunétatd’autopunition.

LedeuilenCNV:nousrelierauxsentimentsetauxbesoinsinsatisfaitsquinaissentd’actespassésquenousregrettonsàprésent.

NouspardonnerNousdonnonssuiteaudeuilennouspardonnantànous-mêmes.Enportantnotreattentionverslapartie

de nous-mêmes qui a choisi d’agir de manière à aboutir à la situation actuelle, nous nous demandons :«Lorsque j’ai fait ceque je regrettemaintenant,quels sont lesbesoinsque j’essayaisdecombler ?» Jecroisaufaitquelesêtreshumainsagissenttoujourspourservirdesbesoinsetdesvaleurs,quecesactescomblentounonlebesoin,ouquenousfinissionsparnousenréjouirouparlesregretter.

Ennous écoutant de façon empathique, nouspouvons repérer le besoin à l’originedenos actes.Nousarrivonsànouspardonnerdès l’instantoùce lienempathiqueestétabli.Nouspouvonsalorsreconnaîtreque l’actequenousavions choisi avait pourbutde servir la vie, tout enapprenant,par leprocessusdudeuil,enquoicechoixn’apasnourrinosbesoins.

Pournousmanifesterdelacompassion,ilestimportantquenouspuissionsembrasseravecempathielesdeuxpartiesdenous-mêmes–cellequiregretteunactepasséetcellequiaaccomplicetacteaudépart.Leprocessusdudeuiletdupardonnouslibèreennouspermettantd’apprendreetdegrandir.Ennousreliantinstantparinstantànosbesoins,nousdévelopponsnotreaptitudecréatriceàagirenharmonieaveceux.

NouspardonnerselonlaCNV:nousrelieraubesoinquenoustentionsdesatisfaireparlesactesquenousregrettonsàprésent.

L’enseignementducostumeàpoisJ’aimerais illustrer leprocessusdudeuil etdupardonde soiparuneexpériencepersonnelle.Laveille

d’unatelierimportant,jem’étaisacheté,pourl’occasion,uncostumed’étégrisclair.Àlafindel’atelierquiavaitréunibeaucoupdeparticipants,nombred’entreeuxseprécipitèrentversmoipourmedemandermonadresse,unautographeetdesinformationsdiverses.Commeilmerestaitpeudetempsavantmonrendez-voussuivant, jemedépêchaiderépondreàtouteslesdemandes,signantetgriffonnantsurlesnombreuxmorceauxdepapierqu’onmetendait.Tandisquejem’éclipsais, jeglissaimonstylo–sanslecapuchon–dans la poche de mon nouveau costume. Une fois dehors, je découvris avec horreur qu’au lieu du jolicostumegrisclair,jeportaisàprésentuncostumeàpois!

Pendantvingtminutes, je fustrèsduravecmoi-même.«Commentas-tupuêtreaussinégligent?Quelidiot ! » Je venais juste de massacrer un tout nouveau costume : si j’avais besoin de compassion et decompréhension, c’était bien à cet instant, et pourtant j’étais là à me traiter de telle manière que j’ensouffraisencoredavantage.

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Heureusement–aprèsseulementvingtminutes–jeprisconsciencedecequej’étaisentraindefaire.Jem’arrêtai, recherchai lebesoinque jen’avaispascombléen laissantmonstyloouvert,etmedemandai :«Quelestlebesoinquim’aamenéàmejuger“négligent”et“stupide”?»

Immédiatement,jevisqu’ils’agissaitdemieuxprendresoindemoi,defaireplusattentionàmespropresbesoinsalorsquejemeprécipitaispoursatisfaireceuxdesautres.Dèsquejemereliaiàcettepartiedemoietàcetteenvieprofonded’êtredavantageconscientetsoucieuxdemespropresbesoins,messentimentssemétamorphosèrent.Jesentislatensiondansmoncorpsserelâchertandisquemacolère,mahonteetmaculpabilité se dissipaient. Je fis en entier le deuil de mon costume massacré et du stylo non refermé enlaissantentrerenmoilatristesse,accompagnéedel’enviedemieuxprendresoindemoi.

Ensuite, jetournaimonattentionvers lebesoinque jenourrissaisaumomentdeglisser lestyloouvertdans ma poche. Je me rendis compte de la valeur que j’attachais à prendre en compte les besoins desautres.Biensûr,enm’occupantsibiendeleursbesoins,jen’avaispasprisletempsd’enfairedemêmeàmonégard.Cependant,aulieudem’adresserdesreproches,jeressentisunevaguedecompassionenversmoi,enmerendantcomptequemêmelaprécipitationetlemanqued’attentionaveclesquelsj’avaisrangémonstyloétaientunemanièredecomblermonbesoindetraiterlesautresavecbienveillance!

Nous avons de la compassion pour nous-mêmes lorsque nous sommes capablesd’embrasser tous les aspects de nous-mêmes et de reconnaître les besoins etvaleursexprimésparchacund’entreeux.

Danscelieudecompassion,ilmefutpossibled’embrassercesdeuxbesoins:prêterattentiondefaçonbienveillante aux besoins des autres, d’une part, et, de l’autre, être à l’écoute des miens et en prendredavantagesoin.Enétantconscientdesdeuxbesoins,jepeux,dansdessituationssimilaires,imaginerdescomportementsdifférentsettrouverdessolutionsplusconstructivesquesi jenoiecetétatdeconsciencedansunocéandejugementssurmoi-même.

Nefaisonsriensicen’estparjeu!Enplusduprocessusdudeuiletdupardondesoi,j’aimeraissoulignerunautreaspectdelacompassion

vis-à-visdesoi:ilconcernel’énergiequiestderrièrechacunedenosactions.Lorsquejedis«Nefaisonsriensicen’estpar jeu !»certainsmeprennentpourunextrémiste,voireun fou.Pourtant, jecrois trèssincèrementqu’uneformeimportantedelabienveillancevis-à-visdesoiconsisteàfairedeschoixmotivésuniquementparledésirdecontribueràlavie,plutôtqueparlapeur,laculpabilité,lahonte,ledevoiroul’obligation.Lorsquenoussommesconscientsdudésirdeservirlaviequisous-tendnosactions,lorsquelaseule énergie qui nous motive est de rendre notre vie et celle des autres plus belles, même un travailacharnécomporteunélémentde jeu.L’inverseestégalementvrai : lorsquenouspratiquonsuneactivitéhabituellementjoyeuseparobligation,devoir,peur,culpabilitéouhonte,elleperdsoncôtéexaltantetfinitparsusciterunerésistance.

Dansnosactions,soyonsanimésparledésirdecontribueràlavieplutôtqueparlapeur,laculpabilité,lahonteoul’obligation.

Auchapitre2,nousenvisagionsderemplacerlelangageimpliquantuneabsencedechoixparunlangagereconnaissant l’existenceduchoix. Ilyadenombreusesannées, jemesuis lancédansuneactivitéquiamultipliélesoccasionsdejoieetdebonheurdansmavie,toutenréduisantladépression,laculpabilitéetlahonte. Je la présente ici comme un moyen d’approfondir notre compassion envers nous-mêmes, de nousaideràvivrenotreviecommeun jeu joyeux,en restantancrésdans la conscienceque toutcequenousfaisonsestmotivéparnotrebesoind’embellirlavie.

Traduire«jedois»en«jechoisis»1reétape:Quelssontlesactesdevotreviequevousnevivezpascommeunjeu?Jevousproposed’écrire

surunefeuilledepapiertoutesceschosesquevousvousditesdevoir faire, toutes lesactivitésquevousredoutezmaisquevousfaitesquandmêmeparcequ’ilvoussemblequevousn’avezpaslechoix.

Lorsque j’ai d’abord relu ma propre liste, le fait qu’elle soit si longue me fit comprendre pourquoi jepassaisautantdetempsànepasprofiterdelavie.Jemerendiscomptedunombredechosesquejefaisais,dansunejournéeordinaire,enmefaisantcroireàmoi-mêmequejen’avaispaslechoix.

Lepremierpointsurmalisteétait«rédigerdesrapportscliniques».Larédactiondecesrapportsétaitun calvaire, et pourtant j’y consacrais au moins une heure par jour. La deuxième obligation de ma listeconsistaità«conduirelesgaminsàl’école».

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2eétape:Lorsquevousaurezétablivotreliste,jevousinviteàreconnaîtresincèrementquevousfaitesceschosesparcequevouschoisissezde les faire,etnonparcequevousenavez l’obligation. Insérez lesmots«Jechoisisde…»devantchaquepointdevotreliste.

Jemesouviensdemaproprerésistanceàcetteétape.«Rédigerdesrapportscliniques,merépétais-jeàmoi-même,jenechoisispasdelefaire!Ilfautquejelefasse.Jesuispsychologueclinicien.Jesuisobligéderédigercesrapports.»

3eétape:Aprèsavoirreconnuquevouschoisissezdefairecertaineschoses,tentezdetrouverl’intentionqu’ilyaderrièrecechoixencomplétantlaphrasedelamanièresuivante:«Jechoisisde…parcequejeveux…»

J’eustoutd’abordbiendumalàdéterminercequejevoulaisenécrivantdesrapportscliniques.Ilyavaitdéjàplusieursmoisquejem’étaisdéjàrenducomptequecesrapportsn’étaientpassuffisammentutilesàmes patients pour justifier le temps que j’y consacrais, alors pourquoi continuais-je à investir autantd’énergie dans leur rédaction ? Je me rendis compte finalement que je choisissais d’écrire les rapportsuniquementparceque jevoulais l’argentqu’ilsmerapportaient.Depuiscetteprisedeconscience, jen’aiplus jamais rédigé un seul rapport clinique. Je ne peux pas vous dire à quel point je me sens joyeuxsimplementenpensantaunombrederapportscliniquesquejen’aipasrédigésdepuis lors, ilyatrente-cinqans !Lorsque jemerendiscompteque l’argentétaitmamotivationpremière, jevis immédiatementquejepouvaistrouverd’autresmoyensdesubveniràmesbesoinsfinanciersetque,enréalité,jepréféraisencore fouiller dans les poubelles pour trouver de la nourriture plutôt que de rédiger un seul rapportcliniquedeplus.

Le point qui venait après dans ma liste des tâches que j’accomplissais sans joie était la conduite desenfants à l’école. Lorsque j’analysai les raisons qui motivaient cette corvée, je me mis à apprécier lesavantages,pourmesenfants,defréquentercetteécoleenparticulier.Ilsauraientfacilementpuserendreàpiedàl’écoleduquartier,maiscelleoùilsallaientétaitbienplusenharmonieavecmesvaleurséducatives.Jecontinuaidoncdelesyconduire,maisavecuneautreénergie.Aulieudemedire«Oh,zut!c’estmontourdeconduirelesgaminsaujourd’hui»,j’étaisconscientdemonbut,quiétaitdedonneràmesenfantsunequalitéd’enseignementquimetenaitvraimentàcœur.Bienentendu, ilm’étaitparfoisnécessairedemerappeler,deuxoutroisfoispendantletrajet,derecentrermonattentionsurcequimotivaitmonaction.

Chaquefoisquenousfaisonsunchoix,soyonsconscientsdubesoinqu’ilsert.

Cultivonslaconsciencedel’énergiequimotivenosactions

Enrelisantlaphrase«Jechoisisde…parcequejeveux…»vousdécouvrirezpeut-être–commejel’aifaitpour laconduitedesenfantsà l’école– lesvaleurs importantesquimotiventvoschoix. Jesuisconvaincuquelorsquenousavonsclarifié lesbesoinsservisparnosactions,nouspouvonsvivrecelles-cicommeunjeu,mêmesiellesentraînentuntravailacharné,desdifficultésouunefrustration.

Pour certains des points sur votre liste, vous découvrirez peut-être une ou plusieurs des motivationssuivantes:

Pourl’argent

L’argentest,dansnotresociété,uneformetrèsimportantederécompenseextrinsèque.Leschoixmotivésparledésird’unerécompensesontcoûteux:ilsnouspriventdelajoiedevivrequiaccompagnelesactionsfondées sur l’intentionclairedecontribueràunbesoinhumain.L’argentn’estpasun«besoin» telquenousledéfinissonsenCNV;ils’agitdel’unedesinnombrablesstratégiesquenouspouvonschoisirpours’occuperd’unbesoin.

Pourl’approbation

Commel’argent,l’approbationdesautresestuneformederécompenseextrinsèque.Notreculturenousahabitués à être avides d’approbation. Nous avons fréquenté des écoles où c’est par le biais de facteursextrinsèques qu’on nous a motivés à étudier ; nous avons grandi dans des familles où nous étionsrécompensés d’être de petits enfants bien sages, et punis lorsque ceux qui s’occupaient de nous nousjugeaientautrement.C’estainsique,entantqu’adultes,nousnousméprenonsfacilementenpensantquelavieconsisteàfairedeschosespourêtrerécompensés;noussommestoujoursenquêted’unsourire,d’uncompliment,d’unjugementverbalnousqualifiantde«typebien»,«bonparent»,«boncitoyen»,«bontravailleur»,«boncopain»,etc.Nousagissonspournous faireaimerdesautresetnousévitonscequipourraitlesamenerànepasnousapprécierouànouspunir.

Jetrouvedramatiquequenousenfassionsautantpouracheterl’amourdesautresetquenouspartionsdel’idéequenousdevonsrenoncerànous-mêmesetagirpourlesautresdanslebutdenousfaireaimer.Enréalité, si nous agissons uniquement pour servir la vie, nous verrons que les autres nous apprécient.

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Néanmoins, leur appréciation n’est qu’un mécanisme de retour confirmant que nos efforts ont eu l’effetdésiré.Reconnaîtrequel’onachoisidemettresesforcesauservicedelavieetqu’onyestparvenuavecsuccèspermetd’éprouverunejoiesincèreetuncontentementdesoiquel’approbationdesautresnepeutpasnousprocurer.

Pouréchapperàlapunition

Certains d’entre nous paient leurs impôts en premier lieu pour éviter d’être punis. Par voie deconséquence, ils risquent fortd’appréhender ce rituel annuel avecunecertainemauvaise volonté. Jemesouvienspourtantque,lorsquej’étaisenfant,monpèreetmongrand-pèreavaientunetoutautreapprochevis-à-visdesimpôts.IlsavaientimmigrédeRussieauxÉtats-Unisetsouhaitaientapporterleursoutienàungouvernement qui, selon eux, protégeait les gens bien mieux que le tsar. En pensant aux nombreusespersonnesquibénéficiaientd’uneassistancegrâceàl’argentdeleursimpôts,ilséprouvaientunvéritableplaisiràenvoyerleurchèqueaugouvernementaméricain.

Pouréviterlahonte

Ilsepeutquenousfassionscertaineschosessimplementpouréviterlahonte.Noussavonsquesinousnelesfaisonspas,nousfinironsparnousjugernous-mêmestrèssévèrement,enentendantnotreproprevoixnousdirecombiennousavonstortousommesstupides.Sinousagissonsuniquementparsoucid’éviterlahonte,nousfinironsgénéralementpardétestercequenousfaisons.

Pouréviterlaculpabilité

Àd’autresmoments,nouspensonspeut-être«Sijenefaispastellechose,jevaisdécevoir».Nousavonspeurdefinirparnoussentircoupablesdenepasavoirétéàlahauteurdesattentesdesautres.Ilyaunmondededifférenceentrefairequelquechosepourquelqu’unafindenepassesentircoupableoulefaireenétantclairementconscientdesonbesoindecontribueraubonheurdel’autre.Lepremiermondeestunmondepleindemisère,lesecondunmondepleind’amusement.

Soyons conscients des choses que nous faisons par désir d’argent ou pourl’approbationdesautres,parpeur,parhonteouparculpabilité.Sachonscequ’ellesnouscoûtent.

Parobligation

Lorsquenousemployonsunlangagequidénielechoix,parexemplelorsqu’ilcontientdestermestelsque«jedois»,«ilfaut»,«jesuisobligéde»,«jesuiscensé»,«jenepeuxpasfaireautrement»,etc.,notrecomportement est conditionné par une impression vague de culpabilité, de devoir ou d’obligation. Jeconsidèreque,parmitouteslesmanièresdontnousagissonslorsquenoussommescoupésdenosbesoins,celle-làestlaplusdangereusepournotresociétéetlaplusregrettablesurleplanpersonnel.

Auchapitre2,nousavonsvucommentleconceptdel’AmtsspracheapermisàAdolfEichmannetàsescollaborateurs d’envoyer à la mort des dizaines de milliers de personnes sans qu’ils se sentent affectésémotionnellementniresponsablespersonnellement.Lorsquenousemployonsun langagequinie lechoix,nous laissons tomber l’énergie vitale en nous au profit d’une mentalité qui nous fait agir comme desautomatesetnouscoupedenotrepropreessence.

Le comportement le plus dangereux de tous consiste à faire des choses « parcequ’onestcensélesfaire».

Après avoir analysé votre liste, vous déciderez peut-être d’abandonner certaines tâches, de la mêmemanière que j’ai choisi de renoncer à la rédaction des rapports cliniques. Aussi radical que cela puisseparaître, ilestpossibledefaire leschosesuniquementpar jeu. Jecroisque laqualitéde labienveillanceque nous nous manifestons à nous-mêmes est directement tributaire du plaisir que nous avons à nousinvestir instant après instant dans le jeu qui consiste à rendre la vie plus belle – si telle est bien notreuniquemotivationqued’embellirlavie.

RésuméC’est peut-êtredans lamanièredontnousnous traitonsnous-mêmesque laCNV joue son rôle le plus

important.Lorsquenouscommettonsdeserreurs,nouspouvonsutiliserleprocessusdudeuilenCNVetdupardon pour apprendre à grandir, au lieu de nous emprisonner dans les jugements moralisateurs envers

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nous-mêmes.Sinousévaluonsnotrecomportementsousl’angledenosbesoinsinsatisfaits,cen’estpaslahonte,laculpabilité,lacolèreouladépressionquinouspousseauchangement,maisl’authentiquedésirdecontribuerànotrebien-êtreetàceluidesautres.

Nouscultivonségalementlacompassionenversnous-mêmesenfaisantlechoixconscient,chaquejourdenotre vie, d’agir uniquement au service de nos propres besoins et valeurs plutôt que par devoir, pourobtenir une récompense extrinsèque ou pour échapper à la honte, à la culpabilité et à la sanction. Enrevoyant toutes leschosesquenousnousobligeonsà faire sans lamoindre joieeten traduisant les« jedois»en«jechoisisde»,nousdécouvronsdavantagedejeuetd’intégritédansnotrevie.

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Exprimerpleinementlacolère

Lethèmedelacolèrenousoffreuneoccasionuniqued’approfondirlaCNV.L’expressiondelacolèremeten effet en évidence plusieurs aspects de ce processus et fait clairement ressortir son originalité parrapportàd’autresformesdecommunication.

Tuerestunactetropsuperficiel.

Demonpointdevue,tuerlesgensestunactetropsuperficiel.Eneffet,tuer,battre,accableroublesserl’autre–quecesoitmentalementouphysiquement–n’exprimejamaisquedefaçontrèssuperficiellecequenousressentonslorsquenoussommesencolère.Sinouséprouvonsunevraiecolère,ilnousfautunmoyenbienplusefficacepourl’exprimerpleinement.

Cette prise de conscience soulage généralement les groupes avec lesquels je travaille. Confrontés auracismeetàladiscrimination,ilsveulentrenforcerleurcapacitéàfaireévoluerleschoses.LestermesdeCommunication « NonViolente » ou « empathique » les mettent mal à l’aise, car on les a trop souventexhortés à étouffer leur colère, à se calmer et à accepter le statuquo. Ils seméfientdesapprochesquiconsidèrent leur colère comme un élément indésirable, devant être évacué. Or le processus que nousdécrivonsicinousinvitenonpasàignorer,réprimerouravalernotrecolère,maisàl’exprimerpleinement.

NepasconfondrelacauseetlefacteurdéclenchantPourexprimerpleinementnotrecolèreenCNV,lepremierpasestdedégagerl’autrepersonnedetoute

responsabilité dans cette colère. Il faut tout d’abord reconnaître que l’autre ne porte en rien laresponsabilitédenosémotions.Nousécartons toutespenséesdutype :« Ilouellem’amisencolèreenfaisant ceci ou cela » – qui n’aboutissent qu’à exprimer superficiellement sa colère en critiquant ou enpunissantl’autre.Commenousl’avonsvu,lecomportementd’autruipeutcertesfairenaîtreennousteloutelsentiment,maisenaucuncasiln’enestlacause.Nousnesommesjamaisencolèreàcausedecequequelqu’und’autre a fait.Nouspouvons voir que son comportement a déclenchénotre colère,mais il estindispensabledebiendistinguerentrelacauseetlefacteurdéclenchant.

Nousnesommesjamaisencolèreàcausedecequelesautresdisentoufont.

J’aimerais illustrercettedistinctionparunexemple tirédemonexpériencedans lesprisonssuédoises.J’avais été sollicité pour montrer aux prisonniers qui avaient eu des comportements violents commentexprimer pleinement leur colère au lieu de tuer, de frapper ou de violer. Lors d’un exercice, je leurdemandaid’identifiercequiavaitdéclenchéleurcolère.L’und’eux,John,écrivit:«Ilyatroissemaines,j’aiadresséunerequêteàladirection,etonnem’atoujourspasrépondu.»Ildécrivaitclairementunfacteurdéclenchant,expliquantcequed’autresavaientfait–ou,lecaséchéant,n’avaientpasfait.

Jeluidemandaialorsdedirelacausedesacolère:–Danscecasprécis,vousétiezencolèreparceque…quoi?– Je viens de vous le dire ! s’exclama-t-il. J’étais en colère parce qu’ils n’avaient pas répondu à ma

requête!En confondant le facteur déclenchant et la cause, il s’était convaincu que c’était le comportement des

directeursde laprisonqui lemettaitencolère.C’est làunréflexe facileàacquérirdansuneculturequirecourtàlaculpabilitépourfaireobéirlesgens.Cetypedecultures’attacheànousfairecroirequenouspouvonssusciterchezlesautrescertainssentiments.

Laconfusionentrecauseetfacteurdéclenchantentretientlaculpabilité.

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Pour lesgensquiemploient laculpabilitécommestratégiedemanipulation, ilestutiledemaintenir laconfusion entre facteur déclenchant et cause. Comme nous l’avons souligné, les enfants qui entendent :«Papaetmamansont très tristesquand tuasdemauvaisesnotes» sontamenésà croireque,par leurcomportement,ilssontresponsablesdeladouleurdeleursparents.Onobservelamêmedynamiquedansles couples : « Cela me déçoit beaucoup que tu ne sois pas là pour mon anniversaire. » Notre languefavorise lerecoursàcettestratégiedeculpabilisation:«Tum’énerves»,«Tumefaisdumalenfaisantceci ou cela », « Je suis triste que tu aies fait cela ». Nous ne manquons pas de tournures pour nousconvaincre que ce sont les actes des autres qui sont à l’origine de nos sentiments. Or, pour parvenir àexprimerpleinementnotrecolère,nousdevonstoutd’abordcomprendrequelesactesdesautresnesontjamaislacausedenossentiments.

Cesontnospensées–dereprochesetdejugement–quidéclenchentnotrecolère.

Quelleestdonclacausedelacolère?Nousavonsvuauchapitre5quenouspouvionschoisirderéagirdequatrefaçonsfaceàunmessageouàuneattitudequinousdéplaît.Chaquefoisquenousnousmettonsencolère,c’estparcequenouspensonsquel’autreestentort.NouschoisissonsalorsdenousprendrepourDieuetdejugerl’autre,deleblâmeroudedéciderqu’ilméritepunitionpoursafaute.C’estàmonsenslàquerésidelacausedelacolère.Mêmesinousn’ensommespasconscients,c’estdansnotrepenséequelacolèreprendsasource.

Latroisièmepossibilitédécriteauchapitre5consisteàporternotreattentionsurnossentimentsetsurnosbesoins.Aulieud’analysermentalementlestortsdel’autre,nouschoisissonsderenoueraveccequ’ilya de plus vivant en nous. Cette énergie vitale est particulièrement palpable et accessible lorsque nousrestonsàtoutinstantencontactavecnosbesoins.

Supposons par exemple que quelqu’un arrive en retard à un rendez-vous. Si nous avons besoin d’êtrerassuréssurlefaitquenouscomptonspourcettepersonne, ilsepeutquenousnoussentionsblessés.Sinousavonsbesoindefaireunmeilleurusagedenotretemps,nouséprouveronspeut-êtreunsentimentdefrustration. Si en revanche nous avions justement envie d’une demi-heure de solitude et de calme, nousseronsplutôtreconnaissantsauretardataire;nousnenourrironsalorsàsonégardaucunecolère.Cen’estdonc pas le comportement d’autrui, mais bien notre propre besoin qui suscite notre sentiment. Lorsquenous sommesconscientsdenosbesoins –être rassurés, faireunmeilleurusagedenotre temps,ouêtreseuls–,noussommesreliésànotreénergievitale.Ilsepeutquenouséprouvionsdessentimentsintensesmaisnousneseronsjamaisencolère.Lacolèreprovientd’unefaçondepenserquinetientpascomptedesbesoins et qui est donc coupée de la vie. Elle indique que nous avons fait appel à notre intellect pouranalyseretjugerl’autreaulieudenousfocalisersurnosbesoinsinsatisfaits.

Uneautreoptionconsisteàporternotreattentionsurlessentimentsetbesoinsdel’autre.Danscecas,nousneressentonsjamaisdecolère.Nousnelaréprimonspas,maisnousconstatonssimplementquetoutecolèreestabsentedèslorsquenoussommesentièrementprésentsauxsentimentsetauxbesoinsdel’autre.

ToutecolèreaunefonctionvitaleMais,medirez-vous,n’ya-t-ilaucunecirconstancequijustifielacolère?N’est-onpasendroitd’éprouver

une«indignationlégitime»face,parexemple,àlapollutioninconsidéréedel’environnement?Àcela,maréponseestlasuivante: jesuisprofondémentconvaincuque,danslamesureoùjemepermetsdecroirequ’ilexistedesactes«inconsidérés»ou«réfléchis»,desgens«profiteurs»oudesgens«honnêtes»,jecontribueàlaviolencesurcetteplanète.Aulieudediscuterdestermesàemployerpourqualifierlesgensqui tuent, violent ou polluent, je crois que nous sommes plus du côté de la vie en concentrant notreattentionsurnospropresbesoins.

Lorsquenousjugeonsl’autre,nouscontribuonsàlaviolence.

Toutecolèreestàmonsenslefruitd’unepenséecoupéedelavie,quiengendrelaviolence.Aucœurdetoute colère, il y aunbesoin insatisfait. La colèrepeutdoncêtre trèsutile si nous l’utilisons commeunsignald’alarme:ellenouspermetdeprendreconsciencequ’ilyacheznousunbesoininsatisfaitetquenospenséesactuellesdiminuent fortementnos chancesde le satisfaire.Exprimercomplètementnotre colèrerequiertlacapacitéd’êtrepleinementconscientsdenosbesoins.Parailleurs,poursatisfairecesbesoins,ilfautdel’énergie.Or, lacolèreaccaparenotreénergieenl’utilisantpourpunir l’autre.Aulieudecéderàl’« indignation légitime », mieux vaut donc considérer avec empathie nos propres besoins ou ceux des

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autres. Cela ne se fait certes pas du jour au lendemain, mais on y parvient à force de remplacersystématiquement l’expression«Jesuisencolèreparcequ’ils…»par :« Jesuisencolèreparceque j’aibesoinde…»

Utiliserlacolèrepouralerternotreattention.

J’aitiréunenseignementmémorableàcetégardentravaillantdansunfoyerderéinsertionpourenfantsdans le Wisconsin. Il m’arriva deux jours de suite le même incident : je reçus un coup sur le nez. Lapremièrefois,jeprisuncoupdecoudeenessayantdeséparerdeuxélèves.J’étaissifurieuxquejedusmeretenirpournepasriposter!DanslesruesdeDetroit,oùj’aigrandi,ilenfallaitbienmoinspourmemettreenrage.Ledeuxièmejour,danslamêmesituation, jereprisunautrecoup–aumêmeendroit,cequifutdoncplusdouloureuxencore.Pourtant,jen’éprouvaiaucunecolère.

Lacolèreaccaparenotreénergieetladétourneversdesactionspunitives.

Ce soir-là, en repensant sérieusement à cet incident, je me rendis compte que j’avais intérieurementdonnéaupremierpetitgarçonl’étiquettede«salegosse».J’avaisdéjàcetteimagedeluiàl’espritavantmême que son coude ne m’atteigne. Au moment du choc, je n’avais pas simplement ressenti le coup decoude,mais jem’étaisdit :«Cesalegossesecroit toutpermis!» Jeconsidéraisenrevanche lesecondenfant comme un « pauvre gamin paumé ». Et comme j’avais tendance à m’inquiéter pour lui, je neressentis aucune rage malgré mon nez qui saignait et me faisait encore plus mal que la veille. Cetteexpérience m’a vraiment aidé à comprendre que ce ne sont pas les actes d’autrui, mais l’image et lesinterprétationsquenousavonsàl’esprit,quiprovoquentnotrecolère.

Facteurdéclenchantetcause:lorsquenouslesconfondons

Je tiensàsouligner ladistinctionentre facteurdéclenchantetcausepourdesraisonstantpratiquesetstratégiquesquephilosophiques.Pourillustrercepoint,jereviensàmondialogueavecJohn,leprisonniersuédois.

JOHN : Il y a trois semaines, j’ai adressé une requête aux directeurs et ils ne m’ont toujours pasrépondu.MBR:Danscecasprécis,vousétiezencolèreparceque…quoi?JOHN:Jeviensdevousledire!Parcequ’ilsn’avaientpasréponduàmarequête!MBR:Attendez…Aulieudedire«J’étaisencolèreparcequ’ils…»réfléchissezetprenezconsciencedecequevouspensezquivousmettellementencolère.JOHN:Jenepenseriendutout.MBR:Stop,doucement,écoutezsimplementcequisepasseenvous.JOHN:(Aprèsunmomentderéflexion.)Jemedisqu’ilsn’ontaucunrespectpourlesêtreshumains.Cesontdesbureaucratesfroidsetanonymesquisefichentbiendetoutlemondeetnepensentqu’àeux!C’estunebandede…MBR:Trèsbien,celasuffit.Maintenant,voussavezpourquoivousêtesencolère:cesontcespenséesquivousirritent.JOHN:Jenevoispascequ’ilyademalàpenserdelasorte!MBR:Jenedispasquec’estmal.Notezque,sijeledisais,jepenseraisdelamêmemanièrequevous.Je ne dis pas que c’est mal de juger les autres, de les traiter de bureaucrates anonymes, ou dequalifier leursactesd’inconsidérésoud’égoïstes.Mais c’est ce typede raisonnementquinourrit lacolèreenvous.Concentrez-voussurvosbesoins:dequoiavez-vousbesoindanscettesituation?JOHN : (Après un long silence.) Marshall, j’ai besoin de la formation que j’ai demandée. Si je nel’obtienspas,jesuissûretcertainqu’àpeinesortideprisonjemereferaicoffrer.MBR:Maintenantquevousêtesconcentrésurvosbesoins,commentvoussentez-vous?JOHN:Terrifié.MBR:Maintenant,mettez-vousdanslapeaud’undirecteurdeprisonetsupposezquecesoitmoiledétenu. D’après vous, aurais-je plus de chances d’obtenir ce que je veux en vous disant : « J’aivraiment besoin de ce stage et j’ai peur de ce qui pourrait arriver si je ne l’ai pas… » ou bien enm’adressantàvousenvousconsidérantcommeunbureaucrateanonyme?Mêmesi jeneprononcepascesmots,monregardtrahiracequejepense.Alors,commentai-jeplusdechancesd’obtenircequejeveux?(Leregardrivéausol,Johnnerépondpas.)

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MBR:Ehbien,quevousarrive-t-il?JOHN:Jenepeuxpasenparler.

Lorsque nous prenons conscience de nos besoins, la colère cède la place à dessentimentsquiserventlavie.

Troisheuresplustard,Johnvintmetrouveretmeconfia:«Marshall,sij’avaissuilyadeuxanscequevousvenezdem’apprendre,jen’auraispastuémonmeilleurami.»

La violence naît de la croyance que d’autres sont la cause de notre douleur etméritentparconséquentd’êtrepunis.

Toute violence vient de ce que, comme ce jeune détenu, les gens se laissent aller à penser que leurdouleurestsuscitéepard’autrespersonnes,etquecesautrespersonnesméritentd’êtrepunies.

J’aivuunjourmonplusjeunefilsprendreunepiècede2francsdanslachambredesasœur.«Brett,as-tudemandéàtasœurl’autorisationdeprendrecetargent?»luiai-jedemandé.«Cen’estpasàellequejel’aipris»,répondit-il.Jepouvaisréagirdequatrefaçons.J’auraispuletraiterdementeur,cequiseraitalléàl’encontredemesbesoins,carjugerl’autrelimitenoschancesd’obtenircequenousvoulons.Cesurquoij’allais porter mon attention à cet instant serait déterminant. En le traitant de menteur, j’irais dans unedirectionbiendéfinie.Envoyantdanssaréponselesignequ’ilnemerespectaitpasassezpourmedirelavérité,jeprendraisuneautredirection.Sienrevanchejeréussissaissoitàluimanifesterdel’empathieàcemomentprécis, soitàexprimerouvertementmessentimentsetbesoins, j’auraisbienplusdechancesdevoirmesbesoinssatisfaits.

Lorsque nous entendons un message difficile, souvenons-nous des quatre choixpossibles:1.noussentirfautif;2.rejeterlafautesurl’autre;3.chercheràpercevoirnossentimentsetnosbesoins;4.chercheràpercevoirlessentimentsetlesbesoinsdel’autre.

Lafaçondontj’exprimaimonchoix–qui,danscecasprécis,serévélautile–netransparutpastantdanscequejedisquedanscequejefis.Aulieudeletraiterdementeur,jetentaid’entendresonsentiment:ilavait peur et avait besoin de se protéger d’une punition. En adoptant une attitude empathique, j’avaisl’occasiond’établiruncontactaffectifsusceptibledenoussatisfairetouslesdeux.Cependant,sijel’avaisconsidérécommeunmenteur–mêmesansledire–,ilseseraitcertainementsentimoinsensécuritépourdiresincèrementcequis’étaitpassé.J’auraisalorsenclenchél’engrenageinfernal:parlesimplefaitdelejuger en le qualifiant de menteur, j’aurais alimenté une prophétie qui se serait réalisée d’elle-même. Eneffet,àquoibondirelavéritésil’onsaitqu’ellenousvaudrad’êtrejugésetpunis?

Jugerlesautresdébouchesurdesprophétiesquiseréalisentd’elles-mêmes.

Lorsque nous avons à l’esprit des jugements qualifiant les autres de mauvais, cupides, irresponsables,menteurs, tricheurs, pollueurs, intéressés, ou leur reprochant de ne pas se conduire comme nous levoudrions,raresserontceuxquis’intéresserontànosbesoins.Sinousavonsl’âmeécologisteetquenousabordonsunpatrond’usineenluireprochantdedétruirelaplanèteetenaffirmantqu’iln’aaucundroitdetraiterlaTerrecommeillefait,nouslimitonssérieusementnoschancesd’obtenircequenousvoulons.Seulunêtreexceptionnelseraitenmesurederestercentrésurnosbesoinsennousentendantluiadresserdetelsreproches.Ilarrivebienentenduque,parcesjugements,nousparvenionsàintimiderlesautrespourlescontraindreàsatisfairenosbesoins.S’ilséprouventsuffisammentdecrainte,deculpabilitéoudehontepourmodifierleurconduite,nouspouvonsfinirparpenserqu’ilestpossiblede«convertir»lesautresenleurexposantleursdéfauts.

Àterme,pourtant,nouscomprenonsque,àchaquefoisquenosbesoinssontsatisfaitsdecettemanière,nonseulementnousperdons,maisnouscontribuonstrèsconcrètementàlaviolencesurTerre.Nousavonspeut-êtrerésolunotreproblèmeàcourtterme,maisnousenavonsaussiengendréunautre.Pluslesgens

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entendentdescritiquesetdes jugements,plus ils semettent sur ladéfensiveetdeviennentagressifs,etmoinsilssesoucierontàl’avenirdenosbesoins.Ainsi,mêmesinotrebesoinimmédiatestsatisfait,enceciquelesautresfontcequenousvoulons,nousenpaieronsplustardlesconséquences.

ExprimerlacolèreenquatretempsVoyonsmaintenantconcrètementleprocessusquinouspermetd’exprimerpleinementnotrecolère.Nous

marquons tout d’abord un temps pour respirer profondément. Nous nous abstenons de toute initiativevisant à critiquer ou à punir l’autre. Nous restons simplement tranquilles. Puis, nous recherchons lespenséesquinousontmisencolère.Supposonsparexemplequenousayonssurprisuneréflexionquinousapoussésàcroirequenousavonsétéexclusd’uneconversationàcausedelacouleurdenotrepeau.Noussentonsmonter lacolère,marquonsunepauseet identifionscequinousvientà l’esprit :«Cen’estpasjuste.Elleauncomportementraciste.»Mais,sachantquecetypedejugementestl’expressiontragiquedebesoinsinsatisfaits,nouspassonsàl’étapesuivanteetcherchonsàidentifierlesbesoinssous-jacentsàcespensées. Si je qualifie quelqu’un de raciste, je peux éprouver le besoin d’être intégré, d’être considéréd’égalàégal,d’êtrerespectéoudemesentirplusprochedel’autre.

Lesétapesdel’expressiondelacolère:1.s’arrêter,respirer;2.identifierlesjugementsquioccupentnospensées;3.retrouverlecontactavecnosbesoins;4.exprimernossentimentsetnosbesoinsinsatisfaits.

C’estseulementunefoisnotrecolèretraduiteentermesdebesoinsetdesentimentsquenousouvronslabouchepourexprimercequiestaufonddenous.Il fautnéanmoinsparfoiss’armerd’unebonnedosedecouragepourénoncercessentiments.Ilmeseraitfaciledem’emporteretdetraitermesinterlocuteursde«bandederacistes».Jepourraiséprouverduplaisiràlefaire,tandisquejepeuxavoirpeurdereconnaîtreles sentiments et besoins profonds que recouvre mon jugement. J’exprimerais pleinement ma colère endisantàmoninterlocuteur:«Lorsquevousêtesentrédanslapièceetquevousavezcommencéàparlerauxautresmaispasàmoi,puisquevousavezfaitcecommentairesurlesBlancs,jemesuissentivraimentmaletj’aieupeur.Celaaréveilléenmoilebesoind’êtretraitéd’égalàégal.Voudriez-vousmedirecequevousressentezquandjevousdiscela?»

Offrird’aborddel’empathieDanslaplupartdescas,avantd’espérerquel’autreparvienneàs’intéresseràcequenouséprouvons,il

fautpasserparuneautrephase.Eneffet,danscegenredesituation,ilestgénéralementdifficileànotreinterlocuteurderecevoirnossentimentsetbesoins;sinousvoulonsqu’ilnousécoute,nousavonsintérêtàluitémoignerd’aborddel’empathie.Plusnousagironsainsi,plusilyauradechancesqu’ilenfasseautantpournousparlasuite.

Mieuxnousécoutonslesautres,mieuxilsnousécouteront.

Depuistrenteans,j’aieudenombreusesoccasionsd’utiliserlaCNVavecdespersonnesquiavaientdesconvictionsbienancréessurlesracesetlesgroupesethniques.Jemesouviensnotammentd’avoirprisunjour aux aurores un taxi, de l’aéroport au centre-ville. En route, le chauffeur reçut le message suivant :«AllezchercherM.Fishmanà lasynagoguedeMainStreet.»Lepassagerquiétaitassisàcôtédemoigrommela:«Cesyoupinsselèventdèsl’aubepourmieuxextorquerdel’argentàtoutlemonde.»

Jefulminai,l’espacedequelquessecondes.Quelquesannéesauparavant,mapremièreréactionauraitétéde vouloir me jeter sur un tel individu pour lui taper dessus. Je respirai profondément et réagis avecempathieàladouleur,lacrainteetlaragequim’agitaient,cequiestmafaçondeprendresoindemoi.Jegardaiàl’espritquemacolèreneprovenaitnidemoncompagnonderoutenidesaréflexion.Celle-ciavaitréveillélevolcanquiétaitenmoi,maisjesavaisquemacolèreavaituneoriginebienplusprofondequelesparolesqu’ilvenaitdeprononcer.Jemedétendisunmomentetdonnailibrecoursàmespenséesviolentes.Jeprismêmeplaisiràl’imagequimevintdeluiattraperlatêteetdel’écraser!

Quandj’eneusfinidem’occuperdemoi,jefusenmesuredeportermonattentionsurl’humanitéquisecachait derrière les paroles de mon interlocuteur, et la première chose que je lui demandai fut : « Voussentez-vous…?»Jem’efforçaideluitémoignerdel’empathie,d’entendresadouleur.Pourquoi?Parcequejevoulaisvoirlebeaucôtédelapersonne,etjetenaisàcequ’ilprennetoutelamesuredecequej’avaisressentiaumomentoùilavaitfaitcetteréflexion.Jesavaisquejenerecevraispasunetellecompréhension

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s’ilressentaituntumulteintérieur.Monintentionétaitd’établiruncontactavecluietdeconsidéreravecempathieetrespectl’énergievitalequiavaitsuscitéchezluicecommentaire.Jesavaisparexpériencequesi j’étais capable d’empathie, alors il serait capable de m’entendre. Ce ne serait pas facile, mais il lepourrait.

Resterconscientsdespenséesviolentesquinousviennentàl’esprit,sanslesjuger.

–Voussentez-vouscontrarié?demandai-je.OndiraitquevousavezvécudemauvaisesexpériencesaveclesJuifs.

Ilmeregardauninstant,puisrépliqua:–Oui,cesgens-làsontrépugnants!Ilsferaientn’importequoipourdel’argent.–Vousêtesméfiantetvousavezbesoindevousprotégerlorsquevoustraitezenaffairesaveceux?–Exactement!s’exclama-t-il.Puisilcontinuaàémettred’autresjugements,tandisquej’écoutaisensilencelessentimentsetbesoins

qu’ilsrecouvraient.

Lorsque nous fixons notre attention sur les sentiments et besoins de l’autre, nous renouons avecl’humanité qui nous est commune. Quand j’entends les peurs de cet homme et le besoin qu’il a de seprotéger,jereconnaisquej’aiaussibesoindemeprotégeretquejesaiscequ’estlapeur.Lorsquejeplacemon attention sur les sentiments et besoins d’un autre être humain, l’universalité de notre expériencem’apparaît.Dans l’exemplequinousoccupe, j’étaisextrêmementcontrariépar lespenséesquianimaientmon interlocuteur,mais j’aiapprisque j’appréciedavantagemessemblablessi jen’entendspascequ’ilspensent.Etfaceàceuxquientretiennentcegenredepensées,j’aiapprisàsavourerbienpluslavieenmelimitantàentendrecequiestdansleurcœur,sansmelaisserprendreaupiègedecequiestdansleurtête.

Lorsque nous entendons les sentiments et les besoins de l’autre, nous renouonsavecl’humanitéquinousestcommune.

Monvoisincontinuaàépanchersatristesseetsa frustration.Àpeineenavait-il finiavec les Juifsqu’ilpassaauxNoirs.Toutunéventaildesujetsluiinspiraitdelasouffrance.Jel’écoutaipendantunedizainedeminutes,puisils’arrêta.Ils’étaitsenticompris.

Jeluifisalorspartdecequejeressentais:–Voussavez,lorsquevousavezcommencéàparler,j’aiéprouvébeaucoupdecolèreetdefrustration,et

jemesentais tristeetdécouragéparceque j’aivécudesexpériences trèsdifférentesdesvôtresavec lesJuifs, et j’étais en train de vous souhaiter d’avoir beaucoup plus d’expériences semblables aux miennes.Pouvez-vousmerépétercequevousm’avezentendudire?

–Oh,jenedispasqu’ilssonttous…–Non,non,attendez.Pouvez-vousmerépétercequevousm’avezentendudire?–Qu’est-cequevousracontez?–Permettez-moiderépétercequej’essaiedevousdire.Enfait,j’aimeraissimplementquevousentendiez

lasouffrancequej’airessentieenentendantvosparoles.C’esttrèsimportantpourmoiquevousentendiezcela.Jedisaisquej’éprouvaisunegrandetristesse,parcequej’avaisvécudesexpériencestrèsdifférentesdesvôtresaveclesJuifs.J’auraissimplementaiméquevousayezconnud’autresexpériencesquecellesquevousdécriviez.Pouvez-vousmedirecequevousm’avezentendudire?

–Vousmeditesquejen’aipasledroitdeparlercommejel’aifait.–Non, jevoudraisquevousm’entendiezdifféremment. Jeneveuxabsolumentpasvousreprocherquoi

quecesoit.Jen’aiaucundésirdevouscritiquer.

Cedontnousavonsbesoin,c’estquel’autreentendevraimentnotresouffrance.

Jedécidaideralentirlaconversation,carl’expériencem’amontréquesilesautresentendentlamoindrecritique,c’estqu’ilsn’ontpasentendunotredouleur.Sicethommeavaitdit:«Jen’auraispasdûparlerdelasorte,cesréflexionsétaientracistes»,iln’auraitpasentendumadouleur.Àpartirdumomentoùnotreinterlocuteurpensequ’ilafaitquelquechosedemal,ilneprendpastoutelamesuredenotredouleur.

Lesgensn’entendentpasnotredouleurlorsqu’ilscroientavoirétéprisenfaute.

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Jevoulaisnonpasqu’ilentendeunreproche,maisqu’ilsachecequesesparolesavaientéveilléenmoi.Ilestfaciled’accuserlesautresdececioudecela.Lesgenssonthabituésàentendredescritiques;soit

ilslesacceptentets’enveulent,soitilssebraquentetnousenveulentdelesavoirtraitésderacistes,parexemple – ce qui, dans un cas comme dans l’autre, ne les empêche pas de persister dans leurscomportements.Sinouscroyonsdevinerqu’ilsentendentunecritique,ilpeutêtresouhaitablederalentir,d’enreveniràlaphaseprécédenteetdesedonnerunpeuplusdetempspourentendreleursouffrance.

PrendresontempsPourbienintégrerceprocessus,l’essentielestsansdoutedeprendresontemps.Nouspouvonséprouver

unegrandedifficultéàrompreaveclescomportementsquenotreconditionnementarendusautomatiques,mais si notre intention est de vivre en harmonie avec nos valeurs, nous aurons alors à cœur de nousaccorderdutemps.

Undemesamis,SamWilliams,avaitrésumélesélémentsessentielsdelaCNVsurunepetitefiche,qu’ilavait toujours sur lui au travail. Au moindre conflit avec son patron, il marquait une pause, sortait son«antisèche»etrévisaitsoigneusementlamarcheàsuivrepourréagir.Jeluidemandaisisescollèguesneletrouvaientpasunpeubizarreen levoyantconstammentconsultersapetite ficheetprendreuntempsinfiniàpréparersesphrases.«Enfait,celanedurepassilongtempsquecela,réponditSam.Etquandbienmême,celaenvaudraitlapeine.C’estimportantpourmoidesavoirquejerépondsauxautrescommejeleveux vraiment. » En famille, il agissait plus ouvertement et avait expliqué à sa femme et à ses enfantspourquoi il prenait le temps et la peine de consulter sa petite fiche, par exemple lorsqu’une disputemenaçait.Auboutd’unmois,ils’étaitsentiassezsûrdeluipourlaissersonantisèchedecôté.Maisunsoir,ileutmailleàpartiravecsonfilsdequatreans,quirefusaitd’éteindre la télé.Leconflitdégénéra,et legaminlesupplia:«Papa,vacherchertafiche!»

JeproposeunexerciceàceuxquisouhaitentappliquerlaCNV,notammentdansdessituationsdélicatesoudanslesmomentsdecolère.Commenousl’avonsvu,notrecolèreprovientdesjugements,étiquettesetreproches portant sur ce que les autres « devraient » faire et sur ce qu’ils « méritent ». Recensez lesjugementsquivousviennentleplussouventàl’espritencommençantvotrephrasepar:«Jen’aimepaslesgens qui sont… » À partir de cette liste de qualificatifs négatifs, demandez-vous : « Lorsque je jugequelqu’un,quelssontlesbesoinsqui,chezmoi,nesontpassatisfaits?»Peuàpeu,vousapprendrezainsiàpenserdavantageentermesdebesoinsinsatisfaitsquedejugements.

S’entraîneràtraduirechaquejugementenbesoininsatisfait.Prendrenotretemps.

Lapratiqueestessentielle,carnousavonspresquetousgrandisinondanslesruesdeDetroit,dumoinsdansdesmilieuxplusoumoinsviolents.Jugeretcritiquersontdevenuscheznousunesecondenature.Pourpratiquer la CNV, il nous faut procéder lentement, réfléchir posément avant de parler, et souvent justeprendre une profonde respiration et ne rien dire du tout. L’apprentissage de ce processus est long, toutcommesamiseenapplication.

RésuméCritiquer et punir les autres sont autant d’expressions superficielles de la colère. Si nous souhaitons

exprimer pleinement la colère, le premier pas est de décharger l’autre de toute responsabilité, afin deporter notre entière attention sur nos propres sentiments et besoins. Nous avons bien plus de chancesd’obtenircequenoussouhaitonsenexprimantnosbesoinsqu’enjugeant,critiquantoupunissantl’autre.

L’expressionde lacolèrese faitenquatre temps :1)marquerunepauseet respirerprofondément ;2)identifierlesjugementsquinousviennentàl’esprit;3)prendreconsciencedenosbesoinset4) exprimernos sentiments et nos besoins inassouvis. Il se peut que, entre les étapes2)et3), nous choisissions detémoignerdel’empathieàl’autrepourluipermettredemieuxnousécouterlorsquenousexprimeronsnotredemande4).

IlestnécessairedeprendresontempspourapprendreleprocessusdelaCNV,etaussipourl’appliquer.

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LaCNVenpratique

Dialogueentreunparentetunado:lesconséquencesdenosactesAlexandre,quinzeans,aempruntéunevoituresans l’autorisationdesonpropriétaire,Georges,un

amidelafamille.Ils’estoffertunepetiteviréeavecdeuxamisetaramenélavoituresansencombre,etsansmêmequepersonnenesesoitaperçuqu’elleavaitquittélegarage.Maisentre-temps,lafilledeGeorges, Sandrine, quatorze ans, qui avait participé à la petite balade, a tout raconté à son père.Georgesaalorsalertélepèred’Alexandre,qui,fraîchementinitiéàlaCNV,décidedeparleràsonfils.

LEPÈRE: J’aientendudirequ’avecSandrineetDavidtuavaisprislavoituredeGeorgessansluidemanderlapermission?

ALEXANDRE: C’estpasvrai!

LEPÈRE: (Haussantleton.)Nememenspas,tuaggravestoncas!(Ilsesouvientalorsqu’illuifauttoutd’abordidentifiersespropressentimentsetbesoinspournepasperdrecontactavecsonfils.)Assieds-toiunmoment,j’aibesoinderéfléchir.(Plongeantenlui-même,ilmesuresacolèreetsapeur.Ilestencolèreparcequ’ilsedit:«Alexandreauraitdûêtreplusraisonnablequecela!…Ilestdevenumenteur!»Iltrembleenpensantnonseulementauxconséquencesqu’auraitpuavoirl’actiond’Alexandre,maisaussiàsapropreerreurdejugementsurlecomportementdesonfils.«J’aiétéidiotdepenserqu’ilétaitraisonnable!…Quelqu’unauraitpusefairetuerdanscettehistoire!»Maisilserattrapeaussitôt:«Attention!Jedoistraduirelesadjectifs“idiot”et“menteur”entermesdesentimentsetdebesoins.Jesupposequequandjemesens“idiot”,jesuisdéçuparmoi-même:j’auraisaimémedirequejeleconnaissaismieux.Etquandjeletraitede“menteur”,j’éprouvedelapeurcarjeveuxpouvoircomptersurdesinformationsprécisespourgérerlasituation.»Ensilence,ilpréparecequ’ilvadire.)Alexandre,as-tupeurd’êtrepunisitumedislavérité?

ALEXANDRE: Biensûr!Tumetombestoujoursdessusquandjefaisquelquechosequineteplaîtpas.

LEPÈRE: Es-tuentraindemedirequetuaimeraisêtremieuxcomprisettraitéavecplusd’objectivitépourcequetufais?

ALEXANDRE: C’estça,essaiedemefairecroirequec’esttoiquivasmecomprendreetêtreobjectif!

LEPÈRE: (Intérieurement:«Jevoisrougequandilditça!Ilneserenddoncpascomptedeseffortsinsensésquejedéploie?Enfait,j’aibesoind’unpeuderespectpourcesefforts,etaussi,jecrois,qu’onprêteattentionàmapeur.»)Ilmesemblequetucrainsdenepasêtretraitédefaçonimpartiale,quoiquetudises.

ALEXANDRE: Cen’estpasl’impartialitéquit’étouffe!Dèsqu’ilarrivequelquechose,tuveuxàtoutprixpunirquelqu’un.D’ailleurs,iln’yapasdequoienfaireunplat!Mêmesij’aiprislavoiture,iln’yapaseudeblesséetelleestrevenueàsaplace.Cen’esttoutdemêmepasuncrime!

LEPÈRE: Crains-tudesreprésaillessitureconnaisavoirprislavoitureetvoudrais-tuêtrecertaind’êtretraitédefaçonimpartiale?

ALEXANDRE: Ben,oui…

LEPÈRE: (Prenantletemps,avantderépondre,desaisirenprofondeurcequisepasseenlui.)Quepourrais-jefairepourterassurer?

ALEXANDRE: Tupourraispromettredeneplusjamaismepunir.

LEPÈRE: (Sachantquelapunitionn’aiderapassonfilsàmieuxprendreconsciencedeséventuellesconséquencesdesesactes,maisneserviraqu’àaccentuersarésistanceetàl’éloigner,lepèremontrequ’ilestprêtàaccéderàlademanded’Alexandre.)Jen’auraisriencontresituétaisd’accordpourcontinueràdialogueravecmoi.J’aimeraisquenousparlionsjusqu’àcequejesoispersuadéquetuesconscientdetouteslesconséquencesquetuauraispudéclencherenprenantlavoiture.Cependant,siàl’avenirjenesuispascertainquetumesuresledangerpotentieldetesactes,jemeréservelapossibilitéd’userdelaforce–maisseulementpourteprotéger.

ALEXANDRE:

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Super!Ravidesavoirquejesuissibêtequetuesobligéd’userdelaforcepourmeprotégerdemoi-même!

LEPÈRE: (Perdantdevuesespropresbesoins,ilsedit:«Ilyavraimentdesmomentsoùjepourraistuercepetit…Jesuistellementfurieuxquandilditdeschosescommeça!…Voyons,dequoiai-jebesoin,icietmaintenant?…J’aibesoindesavoirque,quandjefaisdetelsefforts,çaluifaitaumoinsunpeud’effet.»)(Àvoixhaute,d’untoncoléreux.)Tusais,Alex,quandtudiscegenredechoses,çamemetvraimentenrogne.Jefaisdemonmieuxpourtecomprendre,danscettehistoire,maisquandjet’entendsdireça…Écoute,j’aibesoindesavoirsituasenviedecontinueràparleravecmoi.

ALEXANDRE: Çam’estégal.

LEPÈRE: Alex,j’aivraimentenviedet’écouteraulieuderetomberdansmesvieilleshabitudesdetecritiqueretdetemenacerdèsquequelquechosemecontrarie.Maisquandjet’entendsdiresurceton«Ravidesavoirquejesuissibête»,j’aibeaucoupdemalàmemaîtriser.J’auraisbesoindetonaidelà-dessus.J’aibesoindesavoirsitupréfèresquejet’écouteaulieudetefairedesreprochesetdetemenacer.Sinon,jesupposequejen’auraid’autrechoixquederéglercetincidentcommeavant.

ALEXANDRE: C’est-à-dire?

LEPÈRE: Ehbien,là,jediraisprobablement:tuespunipourdeuxans.Plusdetélé,plusdevoiture,plusd’argentdepoche,plusdesorties,plusrien!

ALEXANDRE: Danscecas,jecroisquejepréfèretanouvellefaçondefaire.

LEPÈRE: (Avechumour.)Jesuisravideconstaterquetun’asrienperdudetoninstinctdeconservation.Maintenant,j’aibesoinquetumedisessituesprêtàpartagerunpeud’honnêtetéetdevulnérabilité.

ALEXANDRE: Qu’est-cequetuentendspar«vulnérabilité»?

LEPÈRE: Celaimpliquequetumedisescequeturessensréellement,etquejetedisecequemoijeressens.(D’unevoixferme.)Alors,tuenasenvie?

ALEXANDRE: D’accord,jevaisessayer.

LEPÈRE: (Dansunsoupirdesoulagement.)Merci.Jetesuisreconnaissantdebienvouloiressayer.Est-cequejet’aiditqueGeorgesavaitpuniSandrinepourtroismois?Ellen’auraplusledroitdesortir.Qu’est-cequeçatefait?

ALEXANDRE: Oh,labarbe!C’estpasjuste!

LEPÈRE: J’aimeraisentendrecequecelatefaitvraiment.

ALEXANDRE: Jeviensdeteledire:c’estcomplètementinjuste!

LEPÈRE: (Comprenantqu’Alexandren’estpasconscientdecequ’ilressent,ildécidededeviner.)Es-tutristequ’elledoivepayersichersonerreur?

ALEXANDRE: Non,cen’estpasça.Cen’étaitpasréellementsafaute.

LEPÈRE: Tuesdonccontrariéqu’ellepayelesconséquencesd’unactedonttuétaisàl’origine?

ALEXANDRE: Ben,oui…Elleajustefaitcequejeluidisaisdefaire.

LEPÈRE: J’ail’impressionqueçatefaitunpeumaldevoirlesconséquencesquetadécisionaentraînéespourSandrine.

ALEXANDRE: Unpeu…

LEPÈRE: Alex,j’aivraimentbesoindesavoirquetucomprendsenquoitesactespeuventporteràconséquence.

ALEXANDRE: Jen’avaispaspenséàcequiauraitpusepasser.Oui,jecroisquej’aimaljoué,là.

LEPÈRE: Jepréféreraisquetulevoiescommequelquechosequetuasfaitetquin’apasdonnélesrésultatsquetuattendais.Etj’aitoujoursbesoind’êtreassuréquetuesconscientdesconséquences.Veux-tumedirecequeturessensencemoment,faceàcequetuasfait?

ALEXANDRE: Jemesensvraimentidiot…Jet’assure,papa,jenevoulaisfairedemalàpersonne.

LEPÈRE: (Traduisantlejugementdesonfilsensentimentsetbesoins.)Tuesdonctristeetturegrettescequetuasfaitparcequetuvoudraisquel’onpuissetefaireconfiance?

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ALEXANDRE: Oui,jenevoulaispasprovoquertouscesennuis.Jen’yaitoutsimplementpaspensé.

LEPÈRE: Es-tuentraindemedirequetuauraisaiméypenserunpeuplusetavoiruneidéepluspréciseavantd’agir?

ALEXANDRE: (Pensif.)Oui…

LEPÈRE: Jesuisrassuréd’entendrecelaet,pourvéritablementarrangerleschosesavecGeorges,jevoudraisquetuailleslevoiretquetuluirépètescequetuviensdemedire.Tuvoudraisbien?

ALEXANDRE: Oh,c’esttropterrifiant!Ilvaêtrefurieux.

LEPÈRE: Ilyadeschances,eneffet.C’estl’unedesconséquences.Veux-tuêtreresponsabledetesactes?J’aimebienGeorgesetjeneveuxpasperdresonamitié.Etjesupposequetoi,tuaimeraisresterencontactavecSandrine.C’estbiença?

ALEXANDRE: C’estl’unedemesmeilleuresamies.

LEPÈRE: Onvalesvoir?

ALEXANDRE: (Aveccrainteethésitation.)Bon,d’accord…

LEPÈRE: As-tupeuretas-tubesoindesavoirquetunerisquesrienenyallant?

ALEXANDRE: Oui.

LEPÈRE: Ehbien,jet’accompagne.Jeserailàpourtoietavectoi.Jesuistrèsfierquetuveuillesbienyaller.

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Résolutiondesconflitsetmédiation

Maintenant que vous connaissez les étapes du processus de la Communication NonViolente, j’aimeraisvoiravecvouscommentlesappliqueràlarésolutiondesconflits.Ilpeuts’agirdeconflitsentrevous-mêmeetquelqu’und’autre,ouilsepeutquel’onvousdemande–ouquevouschoisissiez–d’intervenirdansdesconflitsentred’autrespersonnes:desmembresdevotrefamille,uncouple,descollèguesdetravail,voiredes inconnus qui se disputent. Quelle que soit la situation, la résolution de conflit fait appel à tous lesprincipesque j’aiexposésprécédemmentdansce livre :observerunesituation, identifieretnommerdessentiments,reliercessentimentsàdesbesoins,etadresserdesdemandesréalisablesàuneautrepersonnedansunlangageclairetconcret,unlangaged’actionpositif.

Cela fait plusieurs décennies que j’emploie la Communication NonViolente pour résoudre des conflitsdans différentes parties du monde. J’ai rencontré toutes sortes de gens malheureux : des couples, desfamilles, des salariés et leurs employeurs, ou encore des groupes ethniques en guerre. D’après monexpérience, il estpossiblede résoudrepratiquementn’importequelconflità la satisfactionde toutes lespartiesenprésence.Toutcequ’ilfaut,c’estbeaucoupdepatience,l’éland’établiruneconnexiondecœuràcœur, la détermination à suivre les principes de la CNV jusqu’à ce que le conflit soit résolu, et enfin laconfiancedanslefonctionnementduprocessus.

UneconnexiondecœuràcœurSil’onveutrésoudreunconflitenfaisantappelàlaCNV,l’essentielestd’établiruneconnexionentreles

gensenconflit.C’estcetteconnexionquipermettraàtouteslesautresétapesduprocessusdesedérouler:elleseraindispensablepourquechacunedespartiesaitenviedesavoircequel’autreressentetdequoielleabesoin.Chaquepartieenprésencedoitégalementsavoirdèsledépartquelebutn’estpasd’amenerl’autreàfairecequ’elleveut.Lorsquecelaestclairpourtoutlemonde,ildevientpossible(etparfoismêmefacile)d’avoiruneconversationsurlesmoyensderépondreauxbesoinsdechacun.

L’essentielestdecréeruneconnexionentrelesgens.

Avec la CNV, nous essayons de vivre selon un système de valeurs différent, tout en recherchant unchangement social. Il est extrêmement important que toute connexion que nousmettons en place soit àl’image du monde que nous entendons créer. Il faut que chacun de nos pas soit aligné sur le planénergétiqueaveccequenouscherchonsàcréer,commeunhologrammequiseraitlerefletdelaqualitéderelation que nous souhaitons. En d’autres mots, notre manière d’amener le changement est le reflet dusystèmedevaleursquenoussoutenons.Lorsquenouscomprenons ladifférenceentrecesdeuxobjectifs,nousnousabstenonsconsciemmentdevouloirfairefairequelquechoseàautrui.Aulieudecela,nousnousattachonsàcréerdu respectetde la sollicitude réciproques,desortequechacunsentequesesbesoinscomptent et prenne conscience que ses besoins propres et le bien-être de l’autre sont interdépendants.Lorsquecelaseproduit,desconflitsapparemmentinsolublesserésolventavecuneétonnantefacilité.

Quandonmedemandederésoudreunconflit,montravailconsisteàcréerentrelesdeuxpartiesceliendesollicitudeetderespect.C’estsouventl’étapelaplusardue.Unefoiscetteconnexioncréée, j’aidelespartiesàmettreenplacedesstratégiesquipermettrontdesortirduconflitàlasatisfactiondechacun.

Notez bien que je parle de satisfaction et non de compromis ! Pour résoudre un conflit, on visegénéralement le compromis, cequi signifieque chaquepartie renonceàquelque choseet qu’aucunenepeutêtrepleinementsatisfaite.AveclaCNV,c’estdifférent:notreobjectifestdesatisfairepleinementlesbesoinsdechacun.

RésolutiondeconflitenCNVetmédiationtraditionnellePenchons-nousànouveau sur la connexionde cœurà cœur sur laquelle s’appuie laCNV, cette fois au

traversdelamédiationparuntiers,c’est-à-direunepersonnequiintervientpourrésoudreunconflitentre

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deux autres parties. Quand je travaille avec deux personnes ou deux groupes qui sont en conflit, monapprocheesttrèsdifférentedecellequ’adoptentsouventlesmédiateursprofessionnels.

Ainsi, je rencontrai un jour en Autriche un groupe de médiateurs professionnels intervenant dans desconflits internationaux en tout genre, notamment entre syndicats et patronat. Je leur décrivis plusieursconflits dans lesquels j’avais été médiateur, dont un en Californie, marqué par des violences physiquesimportantes, qui avait opposé des propriétaires terriens et des travailleursmigrants. Je leur parlai aussid’unemédiationentredeuxtribusafricaines(quej’expliqueendétaildansmonouvrageParlerdepaixdansunmondedeconflits)etdequelquesautresconflitsdangereuxprofondémentenracinés.

Unparticipantmedemandacombiende temps jem’accordaispourétudierune situationdans laquellej’étaisappeléàintervenircommemédiateur.Ilseréféraitàlaméthodedetravailhabituelledelaplupartdesmédiateurs : onexamined’abord lesenjeuxduconflit,puisonmène lamédiationen seconcentrantexclusivement sur cesenjeux plutôt que de s’attacher à créer une connexion de cœur à cœur entre lespartiesenprésence.Enfait,lorsd’unemédiationclassique,ilsepeuttrèsbienquelespartiesenconflitnesetrouventpasdanslamêmepièce.Unjourquejeparticipaisàunemédiation,notregroupeétaitdansunepièce, l’autredansuneautre,et lemédiateurfaisait lanavetteentre lesdeux.Ilnousdemandait :«Quevoulez-vousqu’ils fassent?»,puis ilallaitdemanderauxautress’ilsétaientd’accord. Il revenaitensuitecheznouspournousdire:«Ilsneveulentpasfairecela,maisquepensez-vousdececi?»

Nombre de médiateurs définissent leur rôle comme celui d’une « troisième tête » réfléchissant à unmoyendemettretoutlemonded’accord.Ilsnepensentpasunesecondeàcréeruneconnexiondequalitéentre les parties, négligeant ainsi le seul outil de résolution de conflit qui ait jamais fonctionné à maconnaissance.Lorsque,à la réunion tenueenAutriche, jedécrivis laméthodede laCNVet le rôlede laconnexion de cœur à cœur, un des participants objecta qu’il s’agissait là de psychothérapie et que lesmédiateursn’étaientpasdespsychothérapeutes.

Selonmonexpérience, lefaitdecréerunetellequalitédeliennerelèvepasdelapsychothérapiemaistoucheàl’essencemêmedelamédiation,carlorsquelesgensserelientdecœuràcœur, leproblèmeserésoutleplussouventtoutseul.

Si,aulieud’avoirunetroisièmetêtequidemande:«Surquoipouvons-nousnousmettred’accordici?»,nousarrivonsàfaireensortequechaquepartienommeclairementsesbesoins,c’est-à-direexprimedequoielleabesoinmaintenantdelapartdel’autre,nousdécouvrironscequ’ilyamoyendefairepoursatisfairelesbesoinsdetoutlemonde.Nouspourronsalorsélaborerdesstratégiesquelespartiesserontd’accorddemettreenœuvrelorsquelamédiationseraterminéeetqu’ellesaurontquittélapièce.

Lorsquelesgensserelientdecœuràcœur,leproblèmeserésoutsouventtoutseul.

LesétapesdelarésolutiondeconflitenCNV–unbrefaperçu

Avant d’examiner plus en détail certains des éléments essentiels de la résolution de conflit, j’aimeraisesquisserlesdifférentesétapesduprocessusàsuivrepoursortird’unconflitentrenous-mêmeetuneautrepersonne. Ces étapes sont au nombre de cinq. Chacune des deux parties peut exprimer ses besoins lapremièremais,parsoucidesimplicité,supposonsquenouscommençonsparlesnôtres.

D’abord,nousexprimonsnospropresbesoins.Ensuite, nous essayonsde trouver les besoins réels de l’autre, quelle que soit lamanièredont il s’exprime. S’il ne formule pas un besoin mais une opinion, un jugement ou uneanalyse, nous en tenons compte et nous continuons à rechercher le besoin qui se cachederrièresesparolesetenestàl’origine.Entroisièmelieu,nousvérifionsquel’autreetnous-mêmeavonsidentifiéavecprécisionnosbesoinsrespectifs,et,sicen’estpaslecas,nouscontinuonsàchercherlesbesoinsquisous-tendentlesmotsdel’autre.Quatrièmement, nous donnons autant d’empathie qu’il est nécessaire pour que chacunpuisseentendreavecprécisionlesbesoinsdel’autre.Cinquièmement, après avoir clarifié les besoins des deux parties dans la situation enquestion,nousproposonsdesstratégiesderésolutionduconflit,quenousexprimonsdansunlangaged’actionpositif.

Pendanttoutleprocessus,nousnousécoutonsl’unl’autreavecleplusgrandsoin,enévitanttouteparoleinsinuantquel’uneoul’autredesdeuxpartiesatort.

Évitertouteparoleinsinuantquel’unoul’autreatort.

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Quelquesmotssurlesbesoins,lesstratégiesetl’analyseÉtant donné qu’il est primordial de comprendre et d’exprimer les besoins pour résoudre les conflits à

l’aidedelaCNV,revoyonsicicettenotionessentiellequiaétédéveloppéetoutaulongdecetouvrage,etenparticulierauchapitre5.

Fondamentalement,lesbesoinssontlesressourcesquisontnécessairesàlaviepourseperpétuer.Nousavons tous des besoins physiques : l’air, l’eau, la nourriture, le repos. Nous avons aussi des besoinspsychologiques,commelacompréhension,lesoutien,l’honnêtetéoulesens.J’ailaconvictionquetouslesêtreshumainsontaufondlesmêmesbesoins,quellequesoitleurnationalité,leurreligion,leursexe,leurniveauderevenu,leuréducation,etc.

Ensuite, voyons la différence entre les besoins d’une personne et la stratégie qu’elle adopte pour yrépondre.Lorsquel’onveutrésoudreunconflit,ilestimportantdefaireclairementcettedistinctionentrebesoinsetstratégies.

Beaucoupd’entrenousontdegrandesdifficultésàexprimer leursbesoins.Eneffet,dansnotresociéténousavonsdéveloppénotresensdelacritiqueetdureprocheainsiqu’unmodedecommunicationquinousséparelesunsdesautres.Dansunconflit,chacunedesdeuxpartiespassesouventtropdetempsàessayerdeprouverqu’ellearaisonetquel’autreatort,aulieudeprêterattentionàsespropresbesoinsetàceuxdel’autre.Cesconflitsverbauxpeuventbientropfacilementdégénérerenviolence,etmêmeenguerre.

Pour éviter de confondre besoins et stratégies, il est important de se rappeler que les besoinsne fontjamais référence à une action particulière à effectuer par une personne en particulier. À l’inverse, lesstratégies,pouvant seprésenter sous la formededemandes,dedésirs,de souhaitsoude solutions, fontréférenceàdesactionsconcrètesquedespersonnesprécisespeuventeffectuer.

Parexemple,jerencontraiunjourunhommeetunefemmequiavaientpratiquementperdutoutespoirdesauverleurcouple.Jedemandaiaumarilesquelsdesesbesoinsn’étaientpassatisfaitsdanssonmariage.Ilmerépondit:«Ilfautquejesortedecemariage.»Cedontilmeparlait,c’étaituneactionprécise(sortirdumariage)àeffectuerparunepersonneprécise(lui-même).Ilnenommaitpasunbesoin;ilformulaitunestratégie.

Je le lui fis remarquer,en lui suggérantdeclarifier sespropresbesoinsetceuxdesa femmeavantdemettreenœuvresastratégieconsistantà«sortirdecemariage».Unefoisquetousdeuxsefurentreliésàleursbesoinsmutuels,ilsdécouvrirentquecesbesoinspouvaientêtresatisfaitspard’autresstratégiesquelaséparation.Lemariserenditcomptequ’ilavaitbesoind’appréciationetdecompréhensionpourlestressengendréparsontravail,quiétaitassezprenant;lafemme,quantàelle,identifiasesbesoinsdeproximitéetdeconnexiondansunesituationoùelleconsidéraitqueletravaildesonmarioccupaitbeaucoupdesontemps.

Lorsqu’ilseurentréellementcompris leursbesoinsrespectifs,cemarietcette femmepurentsemettred’accordsurdifférentesstratégiesquirépondaientàleursbesoinsàtouslesdeuxtoutenleurpermettantdegérerlesexigencesdutravaildumari.

Chez un autre couple, le manque de connaissance du « langage des besoins » se traduisait par uneconfusionentrel’expressiondebesoinsetlaformulationd’analyses,etfinissaitparengendrerdesactesdeviolence physique. Le mari, qui participait à une formation professionnelle, avait fondu en larmes endécrivantsasituationet,àlafindelajournée,m’avaitdemandésiluietsafemmepouvaientmeparlerenprivé.C’estainsiquejefusinvitéàintervenircommemédiateur.

Jelesrencontraichezeuxunsoir.Pourcommencer,jeleurdis:«Jesaisquevoussouffreztouslesdeuxénormément. Je vais d’abord vous demander d’exprimer, chacun de vous, les besoins qui ne sont passatisfaitsdansvotrerelation.Unefoisquevousaurezcomprislesbesoinsdel’autre,jesuisconvaincuquenouspourronsélaborerdesstratégiespouryrépondre.»

Neconnaissantpasle«langagedesbesoins»,lemaricommençapardireàsafemme:«Leproblèmeavectoi,c’estquetuescomplètementinsensibleàmesbesoins.»

Elle répondit de la même manière : « Ça te ressemble bien, tiens, de dire des choses injustes commeça!»

Au lieudeparlerde leursbesoins, ils formulaient leuranalysede lasituation,quipeut facilementêtreprisepourunecritiqueparcelleouceluiquiécoute.Commejel’aiécritplushautdanscelivre,lesanalysesquiimpliquentquel’autreatortsontfondamentalementdesexpressionstragiquesdebesoinsinsatisfaits.

Danslecasdececouple,lemariavaitbesoindesoutienetdecompréhension,maisl’exprimaitenparlantdel’«insensibilité»desafemme.Celle-ciavaitégalementbesoind’êtrebiencomprise,maiselleledisaitenreprochantàsonmarid’être«injuste».Ilfallutuncertaintempspourexplorertouteslescouchesdebesoinsdumarietdelafemme,maiscen’estqu’aprèsavoirréellementreconnuetappréciéleursbesoinsmutuelsqu’ilspurentfinalemententamerlarecherchedestratégiespourréglerleursanciensconflits.

J’ai travaillé dans une entreprise où, à un moment donné, le moral du personnel et la productivitéplongèrent en raison d’un conflit très perturbant. À l’intérieur d’un même service, deux équipess’opposaientausujetduchoixd’unlogiciel,etlatensionétaittrèsforte.Uneéquipeavaittravaillétrèsdurpourdévelopperlelogicielquiétaitutiliséàcemoment-làetellevoulaitleconserver.L’autreéquipetenaitbeaucoupàcequ’unnouveaulogicielsoitélaboré.

Jecommençaipardemanderàchacunedespartieslesquelsdeleursbesoinsseraientmieuxsatisfaitsparlelogicielqu’ellepréconisait.Toutesdeuxrépondirentparuneanalyseintellectuellequel’autrepartiepritpour de la critique. Un membre du groupe favorable à un nouveau logiciel dit : « Nous pouvons rester

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excessivementconservateursmais jepenseque,danscecas,nousrisquonsdeperdrenotreemploidansl’avenir. Aller de l’avant, c’est prendre des risques et oser montrer que nous savons renoncer à desméthodesdémodées.»Unmembredel’autregrouperépondit:«Moi,jepensequecen’estpasdansnotreintérêt de sauter de manière impulsive sur n’importe quelle nouveauté qui croise notre chemin. » Ilsreconnurentqu’ilsrépétaientcesmêmesanalysesdepuisdesmoisetquecelaneleurapportaitrien,saufdestensionsdeplusenplusfortes.

L’analyseintellectuelleestsouventperçuecommeunecritique.

Quandnousnesavonspascommentexprimerdirectementetclairementcedontnousavonsbesoinetquenous sommes uniquement capable de formuler des analyses qui sont perçues par les autres comme descritiques,laguerren’estjamaisloin–qu’ellesoitverbale,psychologiqueouphysique.

Sentirintuitivementlesbesoinsdesautres,quoiqu’ilsdisent

Résoudre les conflits à l’aide de la CNV nous demande de nous entraîner à entendre les besoins del’autre, quelle que soit sa manière de les exprimer. Si nous voulons vraiment lui apporter une aide, lapremière chose à faire est d’apprendre à traduire n’importe quelmessage en besoin. Ce message peutprendrelaformed’unsilence,d’unedénégation,d’uneremarquecritiqueou,dansl’idéal,d’unedemande.Il s’agitdoncd’affinernotrecapacitéàentendre lebesoinqui secachedans toutmessage,mêmesi, audébut,nousnepouvonsquedeviner.

Imaginonsquejesuisenconversationavecquelqu’un.Sijeposeunequestionàl’autrepersonneàproposde ce qu’elle vient de dire et qu’elle me répond : « Quelle question idiote », je suppose que moninterlocuteurexprimeunbesoinsouslaformed’unjugementsurmoi.J’entreprendsalorsdedevinerquelpourraitêtrecebesoin:peut-êtremaquestionnesatisfaisait-ellepas lebesoindel’autred’êtrecompris.Dansunautreexemple,sijedemandeàmonpartenairedeparlerdestensionsqu’ilyadansnotrerelationetqu’ilmerépond:«Jeneveuxpasenparler»,jevaispeut-êtresentirchezluilebesoindeseprotégercontrelesconséquencespossiblesd’unediscussionsurnotrerelation.Notretravailseradoncd’apprendreà reconnaître le besoin dans des paroles qui n’en expriment explicitement aucun. Cela demande de lapratique,etnouspassonsdutempsàessayerdedeviner.Lorsquenouscroyonscomprendre lebesoindel’autrepersonne,nouspouvonsvérifieravecelle,puisl’aideràmettredesmotsdessus.Sinousparvenonsàentendrevéritablementsonbesoin,uneconnexionsecréeàunautreniveau :c’estuneétapeessentiellepourqueleconflitévolueversuneissuefavorable.

Apprendre à entendre les besoins de l’autre personne, quelle que soit lamanièredontellelesexprime.

Lors des ateliers destinés aux couples mariés, je recherche souvent le couple qui vit le conflit le plusancienafindedémontrermonhypothèseselon laquelle,dès lorsquechacunedespartiesestcapabledenommerlesbesoinsdel’autre,ilnefautpasplusdevingtminutespourmettrefinauconflit.Àl’undecesateliers,ilyavaituncouplequisedisputaitdepuistrente-neufanspourdesquestionsd’argent.Aprèssixmoisdemariage,lafemmeavaitfaitdescendredeuxfoisleurcomptecourantennégatif,aprèsquoilemariavaitprislecontrôledeleursfinancesetinterditàsafemmed’émettredeschèques.Depuiscemoment,lesdeuxn’avaientjamaiscessédesedisputeràcesujet.

La femme mit en question mon hypothèse, objectant que, même si leur couple était heureux etcommuniquaitbien,leurconflitétaitenracinédepuistellementlongtempsqu’ilseraitimpossibleàréglersirapidement.

Jeluidemandaidemediretoutd’abordsiellesavaitquelsétaientlesbesoinsdesonmaridansceconflit.Ellerépondit:«Manifestement,ilneveutpasquejedépenselemoindrecentime.»Lemaris’exclama

aussitôt:«C’estridicule!»Enaffirmantquesonmarinevoulaitpasqu’elledépenseuncentime,lafemmeévoquaitcequej’appelle

une stratégie.Mêmesi elle avait biendeviné lastratégieadoptéepar sonmari, ellen’avait aucunementidentifiésonbesoin.Onretrouveiciladistinctionessentielleentrel’uneetl’autre:selonmadéfinition,unbesoinnefaitpasréférenceàuneactionspécifique,commedépenserounepasdépenserdel’argent.Jedisalorsàlafemmequetouslesêtreshumainspartagentlesmêmesbesoinsetque,siellepouvaitseulementcomprendreceuxdesonmari,laquestionseraitréglée.Quandjel’invitaiànouveauànommerlesbesoinsdesonmari,ellerépondit:«Ilesttoutàfaitcommesonpère»,évoquantainsilefaitquesonbeau-pèrerechignaitàdépenser.Àcestade,elleselivraitàuneanalyse.

Jel’arrêtaipourluiredemander:«Quelétaitsonbesoin?»

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Il devint clair que, même après trente-neuf années de « bonne communication », elle n’avait toujoursaucuneidéedesbesoinsdesonmari.

Jemetournaialorsverslemari.Puisquevotrefemmen’estpasenlienavecvosbesoins,pourquoineleluidites-vouspas?Quelsbesoinsnourrissez-vouschezvous-mêmeenluiinterdisantd’utiliserlechéquier?

Critiqueetdiagnosticentraventlarésolutionpacifiquedesconflits.

Il répondit : « Marshall, c’est une épouse merveilleuse, une mère formidable. Mais quand il s’agitd’argent,elleestcomplètementirresponsable.»Cegenredediagnostic(«Elleestirresponsable»)relèved’unlangagequiempêchetouterésolutionpacifiqued’unconflit.Quandl’unedespartiesentenddanslesparoles de l’autre un reproche, un diagnostic ou une interprétation, il est probable que les énergies enprésenceserontorientéesversl’autodéfenseetlacontre-attaqueplutôtqueverslasortieduconflit.

J’essayai d’entendre le sentiment et le besoin qui étaient vivants en lui quand il qualifiait sa femmed’irresponsable :«Ressentez-vousde lapeurparcequevousavezbesoind’êtreassuréquevotre familleseraprotégéesurleplanéconomique?»Ilacquiesça.Ilsetrouvequej’avaisbiendeviné,maisiln’étaitpasindispensabledetomberjustedupremiercoup:mêmesijem’étaistrompé,j’avaisconcentrémonattentionsursesbesoins,etc’estlàl’essentiel.Enfait,nepastrouverlevraibesoindel’autrepeutnéanmoinsl’aideràs’yrelier,carcelalefaitsortirdumode«analyse»pourmieuxseconnecteràcequiestvivantenlui.

Lesbesoinsont-ilsétéentendus?Le mari avait finalement découvert son besoin : préserver la sécurité de sa famille. L’étape suivante

consistaitàs’assurerquesafemmeavaitentenducebesoin.Cetteétapeestessentielledanslarésolutionde conflit : nous ne pouvons pas partir du principe que, lorsqu’une des parties exprime clairement unbesoin, l’autre l’entend forcément de manière exacte. Je demandai donc à la femme : « Pouvez-vousreformulerlebesoindevotremaritelquevousl’avezentendudanscettesituation?»«Ehbien,cen’estpasparcequej’aimislecomptecourantennégatifdeuxoutroisfoisquejevaiscontinueràlefaire.»

Saréponsen’estpasinhabituelle.Lorsquenousavonsaccumulédelasouffrancependantdenombreusesannées,nouspouvonsavoirplusdemalàentendreclairement,mêmesicequiestexpriméestclairpourd’autres.Jedisensuiteàlafemme:«J’aimeraisvousdirecequemoi,j’aientenduvotremariexprimer,etj’aimeraisquevouslereformuliezensuite.J’aientenduvotremaridirequ’ilabesoindeprotégersafamille,etqu’ilapeurparcequ’ilveutêtresûrquecetteprotectionestassurée.»

L’empathiesoulagelasouffrancequiempêched’entendreCependant, elle souffrait encore trop pour m’entendre. C’était le moment de faire appel à une autre

compétencenécessairepourengagervéritablementleprocessusderésolutiondeconflitenCNV.Lorsquelesgenssontcontrariés,ilsontsouventbesoind’empathieavantdepouvoirentendrecequelesautresleurdisent.Danscecas,jechangeaidecap:aulieud’essayerdefairerépéteràlafemmecequesonmariavaitdit, j’essayai de comprendre sa souffrance – cette souffrance qui l’empêchait d’entendre sonmari. Il estimportant, surtout quand une souffrance est ancienne, de donner assez d’empathie aux parties pour lesrassurerquantaufaitquecettesouffranceestreconnueetcomprise.

Jem’adressaidoncà la femmeavecempathie :«Ondiraitquevousêtesvraimentblesséeetquevousavezungrandbesoinqu’onpuissecroirequevoussaveztirerlesleçonsdupassé.»Jevisalorsdanssesyeux à quel point elle avait besoin d’être comprise pour cela. « Oui, exactement », répondit-elle ; maisquandje luidemandaidereformulercequesonmariavaitexprimé,elledit :«Il trouveque jesuistropdépensière.»

Les gens ont souvent besoin d’empathie avant de pouvoir entendre ce que ditl’autre.

De même que nous ne sommes pas entraînés à exprimer nos propres besoins, la plupart d’entre nousn’ontpasapprisàentendreceuxdesautres.Toutcequecettefemmeentendait,c’étaientdesreprochesoudesdiagnosticsde lapartde sonmari. Je l’encourageai à essayer simplementd’entendre lesbesoinsdecelui-ci.Jedusrépéterlebesoindesonmari(lasécuritédesafamille)deuxfoisdepluspourqu’ellefinissepar l’entendre. Ensuite, après quelques autres échanges, tous deux purent entendre leurs besoinsrespectifs.Et,toutcommejel’avaisprédit,unefoisqu’ilseurentcompris–pourlapremièrefoisentrente-neufans–lesbesoinsquechacunnourrissaitparrapportàleursituationfinancière,ilfallutmoinsdevingtminutespourtrouverdesmoyensconcretsdesatisfaireleursbesoinsàtouslesdeux.

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Àmesurequej’accumuledel’expérienceenmédiationaufildesansetquejecomprendsmieuxcequimènelesfamillesàladisputeetlesnationsàlaguerre,jesuisdeplusenplusconvaincuquelaplupartdesécolierspourraientrésoudrecesconflits.Sinouspouvionssimplementdire :«Voici lesbesoinsdesdeuxpartiesetvoicilesressourcesdisponibles.Quepeut-onfairepourrépondreàcesbesoins?»,ilseraitfaciledemettre finauxconflits.Au lieudecela,notremodedepensées’attacheàdéshumaniser l’autreen luicollantdesétiquettesetenlejugeant,jusqu’àcequelemoindreconflitdeviennetrèsdifficileàrésoudre.LaCNVnousaideàévitercepiègeet,ainsi,améliorenoschancesdeparveniràunesolutionsatisfaisantepourtous.

Parlerauprésentetdansunlangaged’actionpositifpourrésoudrelesconflits

Sij’aidéjàmentionnél’importancedeparlerauprésentetdansunlangaged’actionpositifauchapitre6,j’aimeraisprésentericiquelquesautresexemplesdanslecontextedelarésolutiondeconflit.Unefoisquechaque partie s’est reliée aux besoins de l’autre, l’étape suivante consiste à trouver des stratégies quisatisfont ces besoins. Il est important de ne pas passer trop vite à la recherche de stratégies, car celapourrait aboutir à un compromis qui n’apporterait pasune résolution aussi profonde et authentiquequepossible.Silespartiesentendentpleinementleursbesoinsrespectifsavantdesepenchersurlessolutions,il y aura beaucoup plus de chances qu’elles adhèrent aux accords conclus par la suite. Le processus derésolution du conflit doit aboutir à des actions qui satisfont les besoins de chacun, et la formulation destratégiesenlangaged’actionclair,présentetpositifycontribuera.

S’exprimeren langageprésent,c’estparlerdecequel’onveut icietmaintenant.Parexemple,unedespartiespourraitdire:«J’aimeraisquetumedisessituseraisd’accordde…»etdécrirecequ’ellevoudraitquel’autrefasse.Laformulationd’unedemandeenlangageprésentcommençantpar:«Serais-tud’accordde… » favorise un échange respectueux. Si l’autre partie répond qu’elle n’est pas d’accord, la suite del’échangeconsisteranaturellementàessayerdecomprendrecequil’empêched’êtred’accord.

Àl’inverse,unedemandetelleque:«J’aimeraisquetuviennesavecmoiaucinémasamedisoir»n’estpasformuléeenlangageprésentetneditriendecequiestdemandéàl’autreicietmaintenant.Lerecoursaulangageprésentpermetd’affinercettedemande.Sil’onditparexemple:«Quedirais-tud’alleravecmoiaucinémasamedisoir?»,ilyauraplusdeclartéetdeconnexiondansl’échange.Nouspouvonsclarifierencoredavantagelademandeenindiquantcequenousattendonsdel’autreaumomentmême:«Tuseraisd’accorddemedirecommenttutesensàl’idéed’alleravecmoiaucinémasamedisoir?»Plusnousseronsclairs quant à la réponsequenous attendonsmaintenant de l’autre, plus nous avancerons effectivementverslarésolutionduconflit.

Utiliserdesverbesd’actionAuchapitre6,nousavonsabordélerôledulangaged’actiondanslaformulationdedemandesenCNV.

Danslessituationsdeconflit,ilestparticulièrementimportantdemettrel’accentsurcequenousvoulonsplutôtquesurcequenousnevoulonspas.Parlerdecequel’onneveutpaspeutfacilementprovoquerdelaconfusionetdelarésistanceentrelespartiesenconflit.

Le langage d’action signifie que l’on utilisera des verbes d’action et que l’on évitera les paroles quirendentl’échangeobscurouquipeuventfacilementêtreprisespourdesattaques.J’aimeraisillustrermonproposparunexemple:unjour,unefemmeexprimaunbesoindecompréhensionquin’étaitpassatisfaitdans la relation avec son partenaire. Après que celui-ci fut capable d’entendre avec exactitude et dereformulercebesoindecompréhension,jemetournaiverslafemmeetluidis:«Maintenant,passonsauxstratégies.Quevoulez-vousquevotrepartenaire fassepoursatisfairevotrebesoindecompréhension?»Ellesetournaversluietdit:«J’aimeraisquetum’écoutesquandjeteparle.»«Maisjet’écoutequandtuparles!»,rétorqualepartenaire.Iln’estpasinhabituel,lorsquequelqu’unnousditqu’ilaimeraitbienquenousl’écoutionsquandilparle,quenousentendionsdesaccusationsetquenousenéprouvionsuncertainressentiment.

Lelangaged’actionnécessitel’utilisationdeverbesd’action.

Ilspoursuivirentleuréchange,lepartenairerépétant:«Maisjet’écoute»etlafemmeobjectant:«Non,tu ne m’écoutes pas. » Ils me dirent qu’ils avaient cette « conversation » depuis douze ans, situationclassiquedanslesconflitsoùlespartiesutilisentdestermesvaguescomme«écouter»pourexprimerdesstratégies.Jepréconiseplutôtl’utilisationdeverbesd’actionpourdécrirequelquechosequenousvoyonsou entendons se produire – quelque chose qui peut être enregistré à l’aide d’une caméra vidéo. On« écoute » dans sa tête, et c’est invisible pour les autres. Un moyen de vérifier que quelqu’un écoute

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réellementestde luidemanderparexempledereformulercequivientd’êtredit :nousdemandonsà lapersonnede fairequelquechosequenouspouvonsobservernous-même.Si l’autrepartieestcapabledenousdirecequivientd’êtreexprimé,noussavonsqu’elleaentenduetqu’ellenousécoutaiteffectivement.

Dans un autre conflit de couple, la femme voulait être assurée que son mari respectait ses choix.Lorsqu’elleeutréussiàexprimersonbesoin,l’étapesuivanteconsistaitàclarifiersastratégiepournourrircebesoinet à adresserunedemandeà sonmari.Elle lui dit : « Je veuxque tumedonnes la libertédegrandiretd’êtremoi-même.»«C’estcequejefais»,répondit-il.Etcommeavecl’autrecouple,ils’ensuivitunesuccessionstérilede:«Non,tunelefaispas»etde:«Si,jelefais.»

Des formulesvaguescomme :«Donne-moi la libertédegrandir»ontsouventpoureffetd’aggraver leconflit.Danscecas-ci,lemariaentenduquesafemmelejugeaitcommeétantdominateur.Jefisremarqueràlafemmequecequ’ellevoulaitn’étaitpasclairpoursonmari:«Pourriez-vousluidireexactementcequevousvoudriezqu’ilfassepourrépondreàvotrebesoinderespectdevoschoix?»

« Je veux que tu me laisses — », commença-t-elle. Je l’interrompis : « laisser » est trop vague. « Quevoulez-vousvraimentdirequandvousdemandezàquelqu’undevous«laisser»fairequelquechose?»

Après quelques secondes de réflexion, elle comprit quelque chose d’important : ce qu’elle voulaitvraiment,quandelledisaitparexemple :« Jeveuxque tume laissesexister»ou :« Jeveuxque tumelaissesgrandir»,c’étaitquesonmariluidiseque,quoiqu’ellefasse,ill’accepterait.

Quand elle eut compris ce qu’elle demandait vraiment – qu’il lui dise quelque chose –, elle se renditcomptequecequ’ellevoulaitnelaissaitpasbeaucoupdelibertéàsonmarietnelaissaitpasbeaucoupdeplaceaurespectdeseschoixà lui.Or lapréservationdurespectestessentiellepourrésoudreunconflitavecsuccès.

Lapréservationdurespectestessentiellepourrésoudreunconflitavecsuccès.

Traduireun«non»Lorsquenousexprimonsunedemande,ilesttrèsimportantd’êtrerespectueuxdelaréactiondel’autre,

qu’il soit d’accord ou non avec cette demande. De nombreuses médiations auxquelles j’ai assistéconsistaient à attendreque lesgens s’usent aupointd’acceptern’importequel compromis.Cegenredeconclusion est très différent d’une sortie de conflit dans laquelle les besoins de tous sont satisfaits etpersonnenevitaucuneperte.

Auchapitre8,nousavonsdécouvertl’importancedenepasentendreun«non»commeunrejet.Écouterattentivement le message qui se cache derrière le « non » nous aide à comprendre les besoins del’autre.Quandildit«non»,ilditqu’ilaunbesoinquil’empêchededire«oui»àcequenousdemandons.Si nous parvenons à entendre le besoin derrière un « non », nous pouvons poursuivre le processus derésolutiondeconflit–encontinuantdenousattacheràtrouverunmoyendenourrirlesbesoinsdetous–mêmesil’autrepartiedit«non»àlastratégieparticulièrequenousluiavonssuggérée.

LaCNVetlerôledumédiateurBienquej’aieproposédanscechapitredesexemplesdemédiationsquej’aimenéesentredespartiesen

conflit,l’accentasurtoutétémisjusqu’àprésentsurlarésolutiondeconflitsentrenous-mêmeetuneautrepersonne.Ilyatoutefoisquelquesélémentsàgarderàl’espritsinousvoulonsutiliserlesoutilsdeCNVentantquemédiateurpouraiderdeuxautrespartiesàsesortird’unconflit.

Votrerôle,etlaconfiancedansleprocessusAumomentd’entamerunemédiation,unebonne idéepeutêtredecommencerparassurerauxparties

concernées que nous ne sommes pas là pour choisir notre camp mais pour les aider à s’entendre l’unel’autre,etpour lesguiderversunesolutionrépondantauxbesoinsdechacun.Selon lescirconstances, ilpourra également êtreutile dedirenotre confiancedans le fait que, si les parties suivent les étapesduprocessusenCNV,leursbesoinsàtouteslesdeuxserontsatisfaitsàlafin.

Rappelez-vous:ilnes’agitpasdenousAudébutdecechapitre,j’aisoulignéquel’objectifn’étaitpasdefaireensortequel’autrefasseceque

nousvoulons.Celavautégalementpourlesmédiateursquiinterviennentdanslesconflitsdesautres.Mêmesi nous souhaitons peut-être que le conflit se résolve de telle ou telle manière, surtout s’il oppose desmembresdenotrefamille,desamisoudescollègues,nousdevonsnousrappelerquenousnesommespas

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làpouratteindrenospropresobjectifs.Lemédiateurapourrôledecréerunespacedanslequellespartiespeuvent se relier l’une à l’autre, exprimer et comprendre leurs besoins respectifs, et parvenir à desstratégiespoursatisfairecesbesoins.

L’objectifn’estpasd’amenerlespartiesàfairecequenousvoulons.

L’empathied’urgenceEntantquemédiateur, jesoulignequemonintentionestd’arriveràceque lesdeuxpartiessesentent

comprises de manière précise et complète. Malgré cela, il n’est pas rare que, dès que j’exprime del’empathie envers l’une d’elles, l’autre m’accuse immédiatement de favoritisme. La chose à faire à cemoment-là,c’estdedonneruneempathied’urgence.Ondiraparexemple:«Vousêtesvraimentencolère,etvousavezbesoind’êtrerassuréquevousaurezaussivoixauchapitre?»

Unefoiscetteempathieexprimée,jerappelleauxpartiesquechacuneaural’occasiond’êtreentendueetque, après la première, le tour de la seconde viendra. Ensuite, il est utile de vérifier que celle-ci estd’accordpourattendre,parexempleen luidemandant :«Êtes-voussuffisammentassuréquevousaurezl’occasiondevousfaireentendre?»

Ilserapeut-êtrenécessairederépétersouventcetteétapetoutaulongdelamédiationpourmaintenirlecap.

Suivrel’échange:garderlesyeuxsurlaballeDansnotrerôledemédiateur,nousdevonssuivrel’évolutiondel’échangeenécoutanttrèsattentivement

cequiestditetenveillantàcequechaquepartieaitl’occasiond’exprimersespropresbesoins,d’écouterceuxdel’autreetdeformulerdesdemandes.Nousdevonségalement«garderlesyeuxsurlaballe»,c’est-à-dire retenircequ’unepartieaditendernier lieupourpouvoiry reveniraprèsque l’autrepartieaétéentendue.

Cela peut être difficile, surtout quand la conversation s’anime. En pareille situation, je trouve souventutile d’écrire, par exemple sur un tableau blanc ou sur un tableau de conférence (ou paperboard), lesélémentsessentielsdel’interventiondelapartiequivientd’exprimerunsentimentouunbesoin.

Cetteformedesuivivisuelpeutaussirassurerlesdeuxpartiessurlefaitquetousleursbesoinsserontentendus.En effet, il arrive souvent que l’onn’ait pas le tempsdedétecter enune fois tous les besoinsd’unedes parties parceque l’autre est dans l’urgencede s’exprimer. Si lemédiateur prend le tempsdenoterlesbesoinsdemanièrevisiblepourtouteslespersonnesprésentes,celuiquiécouteauradavantageconfiancedanslefaitquesespropresbesoinsserontégalementprisencompte.Ainsi,chacunpourraplusfacilementaccordertoutesonattentionàcequiestditdanslemomentprésent.

MaintenirlaconversationdansleprésentUne autre qualité importante à mettre en œuvre lors d’une médiation est la conscience du moment

présent:quiabesoindequoiencemomentprécis?Qu’est-cequelespartiesdemandentmaintenant?Celademandeunegrandepratiquederesterdanslemomentprésent,carlaplupartd’entrenousn’ontjamaisapprisàlefaire.

Àmesurequenousavanceronsdansleprocessusdemédiation,nousentendronsprobablementbeaucoupderéférencesauxévénementsdupasséetauxchangementsque lespartiessouhaiteraientdans l’avenir.Cependant, la résolution d’un conflit ne peut se produire que dans le moment présent, et c’est sur cemomentquenousdevonsconcentrertoutenotreattention.

Continuerd’avancerLemédiateuraégalementpourtâched’éviterquelaconversationnes’enlise.Celapeutseproduiretrès

facilement, car lesgenspensent souventque, s’ils racontent lamêmehistoireencoreune fois, ils serontfinalementcomprisetl’autrepartieferacequ’ilsveulent.

Pourcontinuerdefaireavancerleprocessus,lemédiateurvaposerdesquestionsefficaceset,encasdebesoin,mainteniroumêmeaccélérerlerythme.Ilyaquelquetemps,onm’ademandéd’animerunstagedansunepetitevilledeprovince.L’organisateurmedemandasi jevoulaisbien l’aideràréglerunconflitpersonnel en rapport avec ladivisiond’unepropriété familiale. J’acceptai d’intervenir commemédiateur,sachantquenousnedisposionsquedetroisheuresentredeuxateliers.

Leconflitfamilialtournaitautourd’unhommequipossédaitunegrandefermeets’apprêtaitàprendresaretraite. Ses deux fils étaient en bagarre au sujet de la division de la propriété. Ils ne se parlaient plus

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depuishuitans,alorsqu’ilsvivaienttoutprèsl’undel’autredumêmecôtédelaferme.Jerencontrai lesfrères,leursfemmesrespectivesetleursœur,tousmêlésàcetimbrogliojuridiqueetàceshuitannéesdesouffrance.

Pourfaireavancerleschoses–etresterdanslestemps–,jedusaccélérerleprocessusdemédiation.Afind’éviterqu’ilspassentdu tempsàraconter lesmêmeshistoiresencoreetencore, jedemandaià l’undesfrèressijepouvaisjouersonrôle;j’inverseraisensuitepourjouerceluidel’autrefrère.

Utiliserlejeuderôlepouraccélérerleprocessusdemédiation.

Aprèsquelquesminutes,jedemandaienplaisantantsijepouvaisvérifieravecmon«réalisateur»quejejouais bien le rôle.Me tournant vers le frèredont j’avais pris la place, je vis une chose à laquelle je nem’attendais pas : il avait les larmes aux yeux. Je supposai qu’il avait fait l’expérience d’une profondeempathie à la fois pour lui-même, du fait que j’avais joué son rôle, et pour la douleur de son frère, qui,jusqu’alors,luiétaitpasséeinaperçue.Lelendemain,lepères’approchademoi,lesyeuxaussiembuésdelarmes,pourmedireque,laveilleausoir,toutelafamilleavaitdînéensemblepourlapremièrefoisdepuishuitans.Alorsqueleconflitduraitdepuisdesannéessansquelesavocatsdesdeuxpartiesneparviennentàtrouverunaccord,ilavaitsuffiquechaquefrèreentendeladouleuretlesbesoinsdel’autreautraversdujeuderôlepourymettrefinfacilement.Sij’avaisattenduquelesdeuxracontentleurshistoires,ilauraitfallu beaucoup plus de temps. Quand je fais appel à cette méthode, je me tourne régulièrement vers lapersonnedontjejouelerôle,quej’appelle«monréalisateur»,pourvérifiersimonjeuestjuste.Pendantun moment, j’ai pensé que j’étais bon acteur car, très souvent, les gens pleuraient et disaient : « C’estexactementcequej’essayaisdedire!»Cependant,maintenantquejeformelesautresaujeuderôle, jesaisquen’importequipeutarriveraumêmerésultatàconditiondeserelieràsespropresbesoins.Quoiqu’ilsepasse,nousavonstouslesmêmesbesoins.Lesbesoinssontuniversels.

Ilm’arrivedetravailleravecdespersonnesquiontétévioléesoutorturéeset,quandl’auteurdesfaitsestabsent,j’assumesonrôle.Souvent,lavictimeestsurprisedem’entendre,lorsdujeuderôle,direlamêmechosequesonvioleurousonbourreau,etellemedemande:«Maiscommentsaviez-vous?»Laréponseàcettequestion,jecrois,estquejesaisparcequejesuisunêtrehumain.Nouslesommestous.Quandnousexprimonsnossentimentsetnosbesoins,nousnenouspréoccuponspasdesproblèmesquiseposentmaisnousnousmettonssimplementàlaplacedel’autre,nousessayonsd’êtrel’autre.«Bienjouerlerôle»n’estpasnotreobjectif,mêmesinousvérifionsde tempsen tempsavecnotre« réalisateur»parcequenousavonsenvied’êtreauplusproche.Personnenejouetoujoursjuste,etcen’estpasgrave.Sinousn’allonspasdanslebonsens,lapersonnedontnousjouonslerôlenousleferasavoird’unemanièreoud’uneautre,nousdonnantainsiuneautreoccasionderectifierletir.

Lejeuderôleconsistesimplementàsemettreàlaplacedel’autre.

SavoirinterrompreParfois, lesmédiationsdeviennent trèsanimées, lespartiessecriantdessusouessayantdeparlerplus

fortl’unequel’autre.Pourmaintenirleprocessussurlesrailsdansdetellescirconstances,ilestimportantdesavoirinterrompreleséchangesavecunecertaineaisance.Aucoursd’unemédiationquejemenaisunjourenIsraël, j’avaisdesdifficultésparcequemon interprèteétait troppoli. Je finispar luiapprendreàêtreméchant:«Dites-leurdelafermer!»,luidis-je.«Dites-leurd’attendreaumoinsquelatraductionsoitfinieavantderecommenceràsecrierdessus.»Donc,lorsquelesdeuxpartiescrientouparlentenmêmetemps,jem’interpose:«S’ilvousplaît,s’ilvousplaît,s’ilvousplaît!»Jerépètecettephraseaussifortetaussisouventquenécessairepourgagnerleurattention.

Aumomentdecapterleurattention, ils’agitd’êtrerapide.Si lapersonnesemetencolèrequandnousl’interrompons,nouspouvonsdevinerqu’ellesouffretroppournousentendre.C’estalorslemomentdeluidonneruneempathied’urgence.Pourillustrercela,voiciunexempletiréd’uneréunionenentreprise:

L’EMPLOYÉ :C’est toujours lamêmechose ! Ilsontdéjàconvoqué trois réunions,etàchaque fois ilstrouvent une nouvelle raison pour nous dire que le projet ne peut aboutir. La dernière fois, ils ontmêmesignéunaccord!Maintenant ilsnous fontencoreunepromesse,et iln’yaurariendeplus :justeunenouvellepromesse!Celanesertàriendetravailleravecdesgensqui…LEMÉDIATEUR : S’il vousplaît…S’il vousplaît…S’ILVOUSPLAÎT ! Pourriez-vous reformuler cequel’autrepersonnevientdedire?L’EMPLOYÉ:(serendantcomptequ’iln’avaitpasécoutél’autre)Non!LE MÉDIATEUR : Vous ressentez beaucoup de méfiance en ce moment, et vous avez besoin d’avoirconfiancequelesgenstiennentparole?

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L’EMPLOYÉ:Euh,évidemment,mais…LEMÉDIATEUR:Alorspourriez-vousmedirececi:quandvotreinterlocuteuraparlé,qu’est-cequevousavezentendu?Jevaislerépéterpourvous.Cequej’entendschezl’autrepartie,c’estungrandbesoind’intégrité.Pourriez-vousreformulercela,pourquejesoissûrquenousnouscomprenonstous?L’EMPLOYÉ:(silence)LEMÉDIATEUR:Non?Alorsjevaisvousledireencoreunefois.

Etnouslerépétons.

Nouspourrionsvoirnotrerôlecommeceluid’untraducteur:noustraduisonslemessagedechacunedespartiesafinqu’ilsoitcomprisparl’autre.Jedemandeauxpartiesdes’habitueràcequejelesinterrompeafindecontribuerà la résolutionduconflit.Lorsque je les interromps, jevérifieégalementauprèsde lapersonnequiparle si elleestimeque je la traduisdemanièreexacte. Je traduisdenombreuxmessages,mais je ne fais que deviner et c’est toujours la personne qui parle qui décidera en fin de compte del’exactitudedematraduction.

Ilest importantdeserappelerquesi l’on interrompt lesgensetque l’oncapte leurattentiondecettemanière,c’estpourrevenirdansleprocessusquiconsisteàformulerdesobservationsneutres,identifieretexprimer les sentiments, relier les sentimentsàdesbesoins, et formulerdesdemandesdansun langageclairetconcret,unlangaged’actionpositif.

Lemédiateurinterromptlespartiespourrevenirdansleprocessus.

QuandlesgensrefusentdeserencontrerfaceàfaceJe sais que nous pouvons obtenir de bons résultats lorsque nous réunissons des personnes pour leur

permettre d’exprimer leurs besoins et de formuler leurs demandes. Cependant, l’une des plus grandesdifficultésauxquelles j’aidû faire faceest toutsimplementd’avoiraccèsauxdeuxparties.Celademandeparfois du temps à unepartie pour clarifier ses propresbesoins.C’est pourquoi il est important que lesmédiateursrencontrentchacunedespartiesenconflitafinqu’ellepuisseexprimersesbesoinsetensuiteentendreceuxdel’autre.Oronnousditsouvent:«Non,çanesertàriendeluiparler,iln’écouterapas.J’aidéjàessayéetçanemarchepas.»

Pourrépondreàcettedifficulté, j’airecherchédesstratégiespermettantderésoudreunconflit lorsquelespartiesneveulentpasseréunir.Uneméthodequidonnedesrésultatsprometteursconsisteàfaireunenregistrementaudiode la séance. Je travaillealors séparémentavecchaquepartieen jouant le rôledel’autre.S’ilyadansnotreviedeuxpersonnesquisouffrenttroppourêtreprêtesàserencontrer,c’estunepossibilitéàenvisager.

Ainsi,j’eusunjouraffaireàunefemmequisouffraiténormémentenraisond’unconflitavecsonmari,etnotammentàcausedelafaçondontildirigeaitsacolèrecontreelle.D’abord,jel’écoutaid’unemanièrequil’aida à exprimer clairement ses besoins et lui permit de se sentir accueillie avec une compréhensionrespectueuse.Ensuite,jejouai(enm’enregistrant)lerôledesonmarietluidemandaidem’écoutertandisque j’exprimaisceque jedevinaisêtre lesbesoinsdecedernier.Une foisque lesbesoinsdespartiesenconfliteurentétéclairementnommésdanscejeuderôle,j’invitailafemmeàfaireécouterl’enregistrementàsonmariafinderecueillirsaréaction.

Commej’avaisbiendevinélesbesoinsdumari,celui-ciressentitunimmensesoulagementàl’écoutedel’enregistrement.Étantdavantageenconfianceaprèss’êtresenticompris, ilacceptaplustarddeveniràuneséancedemédiation,cequinouspermitdetravaillerensemblejusqu’àcequel’unetl’autretrouventdesmoyensdesatisfaireleursbesoinsdansunrespectmutuel.

Lorsqu’ilestdifficile,danslarésolutiond’unconflit,deréunirlespartiesdanslamêmepièce,l’utilisationdejeuxderôleenregistréspeutapporterlasolution.

Lamédiationinformelle:mettrelenezdanslesaffairesdesautres

Onparlede«médiation informelle» lorsquenous intervenonscommemédiateur sansqu’onnous l’aitdemandé–ou,end’autrestermes,quandnousmettonslenezdanslesaffairesdesautres.

Unjour,jefaisaisdesachatsdansuneépiceriequandjevisunefemmefrappersonpetitenfant.Elleallaitle faireànouveauquand j’intervins.Ellenem’avaitpasdemandé :«Marshall,pourriez-vousmenerunemédiationentrenous?»

Uneautre fois, jemarchaisdans les ruesdeParis, etune femmemarchait à côtédemoi.Soudain,unhommeassezéméchéarrivaencourantderrièreelle,laretournaetlagifla.Commejen’avaispasletempsdeparleraveccethomme, je recourusà l’usageprotecteurde la forceen lemaîtrisantaumomentoù il

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allaitlafrapperànouveau.Jem’interposaientrelesdeuxetmisainsilenezdansleursaffaires.Uneautrefoisencore, lorsd’uneréunionenentreprise, j’observaideuxclansprisdansunediscussion interminablesurunequestionancienne,etjem’enmêlaiànouveau.

Lorsquenousobservonsdescomportementsquinouspréoccupent–saufdansunesituationnécessitantl’usageprotecteurdelaforce,tellequedécriteauchapitre12–,lapremièrechoseàfaireestdeserelieravecempathieauxbesoinsdelapersonnedontlecomportementnousdéplaît.Danslapremièresituationévoquéeplushaut,sijevoulaisquel’enfantsubissedavantagedeviolence,j’auraispu,aulieudedonnerdel’empathieà lamère, lui reprocherd’avoir frappésonenfant.Une telle réactiondemapartn’aurait faitqu’aggraverlasituation.

Pour apporter un vrai soutien dans ces situations de médiation informelle, il nous faut acquérir unegrandemaîtrisedulangagedesbesoinsetuneaptitudeàdécelerlebesoinquisecachedansn’importequelmessage, même celui qui peut amener une personne à en gifler une autre. Une grande pratique del’empathieverbaleestégalementindispensablepourquelesgenssesententcomprisdansleursbesoins.

Souvenons-nousque,lorsquenouschoisissonsdenousmêlerdesaffairesdequelqu’und’autre,ilnesuffitpasd’aidercettepersonneàserelieràsespropresbesoins.Ils’agiraaussidepratiquertouteslesautresétapestraitéesdanscechapitre.Parexemple,aprèsavoirdonnédel’empathieà lamèredupetitenfant,nous pourrions lui dire que nous accordons de l’importance à la sécurité et à la protection des êtreshumains,puisnouspourrionsluidemandersielleestd’accord,poursatisfairesesbesoins,d’essayeruneautrestratégie.

Nous devons acquérir une aptitude à entendre le besoin dans n’importe quelmessage.

Nousnousabstiendrons,cependant,dementionnernospropresbesoinsenrapportaveclecomportementdel’autrepersonnetantqu’ilneserapasclairpourcelle-ciquenouscomprenonssesbesoinsetqu’ilsontdelavaleurpournous.Sinon,elleignoreracomplètementnosbesoinsetneverrapasqu’ilssontlesmêmesque les siens.Comme l’a dit si jolimentAliceWalkerdansLaCouleurpourpre : «Et un jour que j’étaisassisetranquille,àmesentircommeunepauvregosseabandonnée,quej’étaisvraiment,làçam’estvenud’uncoup,uneimpressiondefairepartiedetoutça,denepasêtreàpart,endehors,tucomprends?Parexemplel’idéequesijecoupeunarbrec’estmonbrasquivasaigner.»

Si nous ne veillons pas à ce que chaque partie soit consciente de ses propres besoins et de ceux del’autre,nousauronsdumalàréussirunemédiationinformelle.Lerisquepourlemédiateurestdecroirequ’ilestimpossiblederépondreauxbesoinsdetous–dèslors,sonattentionseraentièrementconcentréesurlasatisfactiondesesseulsbesoins.Siàcettecroyances’ajoutentdesjugementsmorauxcomme«quiatortouraison»,n’importequelêtrehumainpeutdevenirmilitantetviolent,etaveuglemêmeauxsolutionslesplusévidentes.Àcemoment-là,leconflitsemblesansissue–etil leseraeffectivementtantquenousn’auronspaspud’abordoffrirdel’empathieàl’autreavantdenouspréoccuperdenospropresbesoins.

RésuméLarésolutiondeconflitàl’aidedelaCNVestdifférentedesméthodesdemédiationtraditionnelles;au

lieudedébattredesenjeux,desstratégiesetdessolutionsdecompromis,nousnousattachonsavanttoutàcerner les besoins des deux parties, et ce n’est qu’après cela que nous recherchons des stratégies poursatisfairecesbesoins.

Nouscommençonsparcréeruneconnexiondecœuràcœurentre lespartiesenconflit.Ensuite,nousveillons à ce que celles-ci aient l’occasion d’exprimer pleinement leurs besoins, que chacune écouteattentivementlesbesoinsdel’autreetque,unefoistouslesbesoinsentendus,ellesfassentdespropositionsconcrètesetréalisablespoursatisfaireleursbesoins.Nousévitonsdeporterdesjugementsoud’analyserleconflit,enrestantplutôtconcentréssurlesbesoins.

Lorsqu’unepartiesouffretroppourentendre lesbesoinsde l’autre,nous luidonnonsde l’empathie,enprenanttoutletempsnécessairepourqu’ellesachequesadouleuraétéentendue.Nousn’entendonspasun«non»commeunrejet,maisplutôtcommeuneexpressiondubesoinquiempêchelapersonnededire«oui».Cen’estqu’aprèsquetouslesbesoinsontétéentendusquenouspassonsaustadedessolutions,endemandantauxpartiesdeformulerdesdemandesréalisablesdansunlangaged’actionpositif.

Lorsque nous intervenons comme médiateur dans un conflit entre deux autres parties, nous suivonsattentivement ledéroulementdeséchanges,nousdonnonsde l’empathiequandcelaestnécessaire,nousveillonsàcequelaconversationresteaxéesurleprésent,nouslafaisonsavanceretnousinterromponslespartiessinécessairepourrevenirauprocessus.

Aveccesoutilsetcettecompréhension,nouspouvonspratiqueretaiderlesautresàrésoudredesconflits,mêmeanciens,àlasatisfactiondetous.

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L’usagedelaforcedansunbutdeprotection

LorsquelerecoursàlaforceestinévitableQuand deux parties en conflit ont eu l’occasion d’exprimer pleinement ce qu’elles observaient,

ressentaient,désiraientetdemandaient –etquechacuneadonnéde l’empathieà l’autre –,unesolutionsatisfaisantepourl’uneetl’autreestgénéralementàportéedemain.Ou,dumoins,peuvent-ellesentoutecordialitétomberd’accordpournepasêtred’accord.Certainessituationsn’offrentenrevancheaucuneouverturesurledialogue.L’usagedelaforcepeutalors

s’imposerpourprotégerlavieoulesdroitsdel’individu.Ilsepeutparexemplequel’unedespartiesrefusedecommuniquerouque l’imminencedudangerne laissepas le tempsdedialoguer.Nouspouvonsalorsêtrecontraintsderecourirà la force.Lecaséchéant,ondistingueenCNVl’usageprotecteurde l’usagerépressifdelaforce.

Dansquelespritrecourt-onàlaforce?

Lesdeuxusagesdelaforce:protecteuretrépressif.

L’usageprotecteurdelaforceviseàéviterdesdommagescorporelsoudesinjustices,tandisquelaforcerépressiveviseàfairesouffrirdesindividuspourlespunirdeleursactesperçuscommedesméfaits.C’estdecelaqu’ils’agitlorsquenousattraponsunenfantquitraverselarueencourantpourluiéviterdesefaireécraser.Uneagressionphysiqueoupsychologique–unefesséeoudesremontrancestellesque:«Commentas-tupuêtreaussibête?Tudevraisavoirhontedetoi!»–relèveenrevanchedel’usagerépressifdelaforce.Lorsquenousemployonslaforcedansunbutdeprotection,nouspensonsàlavieouauxdroitsquenous

souhaitonsprotégersansporterdejugementsurlapersonneousursoncomportement.Nousnecritiquonsninecondamnonsl’enfantquiseprécipitesurlachaussée.Notreseulsouciestdeleprotégerdudanger.(Pourlesapplicationsdurecoursàlaforcedansunbutdeprotectiondanslesconflitssociauxetpolitiques,voir l’ouvragedeRobert Irwin,NonviolentSocialDefense [«LaDéfense socialeNonViolente»].) L’usageprotecteur de la force part du principe que c’est essentiellement par inconscience que les individusadoptentdescomportementsdangereuxpoureux-mêmesetpourlesautres.C’estdoncparl’informationetnonparlarépressionqu’ilconvientd’yremédier.L’inconsciencepeutsemanifestersousdiversesformes:a)l’individuneserendpascomptedesconséquencesdesesactes;b)ilnevoitpascommentsatisfairesesbesoinspropressansporterpréjudiceàautrui;c)ilestpersuadéd’être«endroit»d’infligerunepunitionouunedouleurauxautres,sousprétextequ’ilsle«méritent»;d)ilestprisonnierdesesfantasmesetcroitparexemplequ’une«voix»luiaordonnédetuerquelqu’un.

L’usageprotecteurdelaforceviseseulementàprotégeretnonàpunir,accuseroucondamner.

L’actionrépressivepartenrevancheduprincipequelesindividuscommettentdesdélitsparcequ’ilssontmauvaisouméchantsetque,pouryremédier,ilfautlescontraindreaurepentir.Pourlesremettredansledroitchemin,onrecourtà l’actionrépressive,censée1) leur infligersuffisammentdedouleurpourqu’ilscomprennentleurerreur;2)lespousseraurepentir,et3)leschanger.Or,danslapratique,larépressionparvient davantage à générer de l’hostilité ou à renforcer la résistance aux comportements que nousrecherchonsqu’àsusciterunrepentiretuneprisedeconscience.

Exemplesdeforcerépressive

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Lapunitionphysique,tellequelafessée,estunexempled’usagerépressifdelaforce.J’aiconstatéquelethèmeduchâtimentcorporelsoulevaitdesréactionstrèstranchéesparmilesparents.Certains,invoquantla Bible, « Qui aime bien châtie bien », défendent vigoureusement cette pratique, affirmant que si lesparentsdistribuaientplusdefesséesiln’yauraitpasaujourd’huiunetelledélinquance.Ilssontpersuadésquelafesséeestunepreuved’amourenceciqu’ellefixedeslimitesclairesàl’enfant.D’autresparentssonttout aussi convaincus qu’elle est cruelle et inefficace, car elle apprend à l’enfant qu’en dernier recoursl’adultepeuttoujoursseprévaloirdelaviolencephysique.Personnellement,jecrainssurtoutquelapeurduchâtimentcorporeln’empêchel’enfantdepercevoirla

bienveillanceinhérenteauxexigencesdesesparents.J’entendssouventdesparentsdirequ’ils«doivent»userdelaforcerépressivecarilsnevoientaucuneautrefaçond’amenerleursenfantsàagir«pourleurbien».Ilsenveulentpourpreuvelestémoignagesd’enfantsaffirmantquelapunitionleura«ouvert lesyeux».Ayantmoi-mêmeélevéquatreenfants,j’aibeaucoupd’empathiepourlesparentsquidoiventreleveraujourlejourledoubledéfidel’éducationetdelasécurité.Cequineretirerienàmesréservessurl’usageduchâtimentcorporel.

La peur du châtiment corporel empêche l’enfant de percevoir la bienveillanceinhérenteauxexigencesdesesparents.

Enpremierlieu,jemedemandesilespartisansdelapunitionsaventquedansbiendescasl’enfantfaitexactement le contraire de ce qui est bon pour lui, simplement parce que la coercition le pousse à serebellerplutôtqu’àcéder.Endeuxièmelieu,l’efficacitéapparenteduchâtimentcorporelnesignifiepasqued’autres méthodes n’aboutiraient pas à des résultats analogues. Enfin, je partage les inquiétudes denombreuxparentsquant aux conséquences socialesdu châtiment corporel.Le recoursà la forcepermetpeut-êtredegagnerunebataille,enceciquel’onobtientdel’enfantcequel’onveut,mais,danslemêmetemps,ilperpétueunenormesocialequilégitimel’usagedelaviolencepourrésoudrelesconflits.Outrelaviolencephysique,d’autresusagesdelaforcerelèventdelarépression.Ainsilereprochevisant

àdiscréditerl’autre.Parexemple,unparenttraiterade«mauvais»,«égoïste»ou«immature»sonenfantdontlecomportementnerépondpasàsesattentes.Autreformed’usagerépressifdelaforce:restreindrecertainessourcesdesatisfaction tellesque l’argentdepocheou ledroitdeprendre lavoiture.Parmi lespunitionsdecegenre,lesplusmenaçantessontleretraitd’affectionouderespect.

Les étiquettes défavorables sont aussi des punitions, de même que la privationdecertainsprivilèges.

LeprixdelapunitionLorsquenousneconsentonsà fairequelquechosequepouréchapperà lapunition,notreattentionest

détournéede la valeurde l’acte en soi.Elle seporte en revanche sur cequi pourrait arriver si nousnecédonspas.Siunemployén’estmotivéqueparlapeurdessanctions,ilferacertessontravail,maissansaucunenthousiasmeet,tôtoutard,ilseramoinsproductif.L’estimedesoiestégalementendommagéeparl’usage répressif de la force. Si les enfants ne se brossent les dents que parce qu’ils craignent d’êtretournésenridiculeouhumiliés, ilsaurontpeut-êtredesdentséclatantes,mais leurrespectd’eux-mêmessera bien moins reluisant ! De plus, comme chacun le sait, la punition entame sérieusement la bonnevolonté : plus l’autre nous perçoit comme un agent répressif, plus il aura du mal à répondre avecbienveillanceànosbesoins.

Lorsquenouscraignonsd’êtrepunis,nousnepensonsplusqu’auxconséquencesaulieudenouscentrersurnospropresvaleurs.Lacraintedelapunitioncomprometl’estimedesoietlabonnevolonté.

J’étaisun jourdans lebureaud’unamiquidirigeuncollège.Regardantpar la fenêtre, il vitungrandfrapperunpetit. Il seprécipitadans lacour,attrapa l’agresseur, luidonnaunegifleet luidit :« Jevaist’apprendre,moi,àfrapperlespetits!»Lorsqu’ilrevint,jeluifisremarquer:«Jenepensepasquetuaiesapprisàcetenfantcequetuvoulais.Jecrainsqu’aucontraireiln’aitcomprisqu’ilnefautpasfrapperpluspetitquesoilorsquequelqu’undeplusgrand–ledirecteur,parexemple–setrouvedanslesparages!J’aiplutôt l’impression que tu l’as renforcé dans l’idée que lemeilleurmoyen d’obtenir ce que l’on veut del’autre,c’estdelebattre.»

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Dans de telles situations, je recommande de commencer par manifester une attitude empathique àl’enfant qui a un comportement violent. Si je vois par exemple un enfant frapper un camarade qui l’ainsulté,jepourraisréagiravecempathiedelafaçonsuivante:«Ilmesemblequetuesencolèreparcequetuaimeraisêtretraitéavecplusderespect.»Sij’aidevinéjusteetquel’enfantconfirmecetteintuition,jepoursuisenexprimantmespropressentiments,désirsetdemandessansymêlerdeblâme:«Jesuistristeparce que je voudrais que nous trouvions des façons de nous faire respecter sans tourner les autres enennemis.J’aimeraisquetumedisessituveuxbienchercheravecmoid’autresfaçonsd’obtenirlerespectquetudésires.»

DeuxquestionsquimontrentleslimitesdelapunitionDeuxquestionspermettentdecomprendrepourquoinousavonspeudechancesd’obtenir cequenous

voulonsenpunissant lesautrespour changer leur comportement.Lapremière :Enquoi voudrais-je quecettepersonnechangedecomportement?Sinousenrestonslà, lapunitionpeutsemblerefficace,car lamenaceou l’exercicede la forcerépressivepeut fortbien influencer lecomportementde l’autre.Mais laseconde question fait clairement apparaître que la punition a peu de chances de marcher : Quellemotivationvoudrais-jequecettepersonneaitpourfairecequejeluidemande?C’estlàunequestionquenousnousposonsrarement.Ellenouspermetpourtantdecomprendrequeles

motivationsquenousaimerionsvoiràl’originedesactesd’autruisontsouventfausséesparlacrainted’unepunitionoul’espoird’unerécompense.Jecroisqu’ilestessentieldemesureràquelpoint lesmotivationsdes gens sont importantes lorsqu’ils accèdent à nos demandes. Par exemple, blâmer ou punir un enfantseraientdetouteévidencedesstratégiesinefficacessinoussouhaitionsquecetenfantnettoiesachambreparcequ’il a envied’ordre, oupour satisfaire lebesoind’ordrede sesparents. Il arrive souventque lesenfantsnenettoientleurchambrequepourobéiràl’autorité(«parcequemamanl’adit»),pouréchapperàunepunition,ouencoreparcraintedefâcherleursparentsoud’êtrerejetéspareux.Àl’inverse,laCNVfavoriseundéveloppementmoralfondésurl’autonomieetl’interdépendance,quinousamèneàreconnaîtrenotreresponsabilitépournosactes,àréaliserquenotreproprebien-êtreetceluidesautresnefontqu’un.

1requestion:Quevoudrais-jequecettepersonnefasse?2equestion:Quellemotivationvoudrais-jequecettepersonneaitpourlefaire?

L’usagepréventifdelaforceàl’écoleJ’aimeraisracontericicomment,avecungrouped’élèves,nousavonseurecoursàlaforcedansunbutde

protection pour remédier à une situation chaotique dans une école parallèle. Cette école accueillait desélèvesquiétaientenéchecscolaireous’étaientfaitrenvoyerdesétablissementsclassiques.Ladirectionetmoi-mêmeespérionsdémontrerqu’uneécolefondéesurlesprincipesdelaCNVrépondraitauxbesoinsdeces élèves. Je fus chargéde former les enseignants à laCNVet de jouer un rôle de consultant pendantl’année.N’ayanteuquequatrejourspourpréparerlesprofesseurs,jen’étaispasparvenuàbienétablirladifférence entre CNV et permissivité. Il en résulta que certains enseignants fermaient les yeux au lieud’intervenir dans des situations de conflit ou devant des comportements perturbateurs. Bientôt, un teldésordres’installaqueladirectionétaitpresquerésolueàfermerl’école.Jedemandaiàparlerauxélémentslesplusperturbateurs.Ledirecteurm’envoyahuitgarçonsdeonzeà

quatorzeans.Voiciquelquesextraitsdenotrediscussion.

MBR: (Exprimantmonsentimentetmesbesoinssansposerdequestions inquisitrices.) Jesuis trèscontrariéparcequem’ontditlesprofesseurssurledésordrequirègnedansbeaucoupdeclasses.Jetiens fort à ce que cette école soit une réussite. J’espère que vous pourrezm’aider à identifier lesproblèmesetàenvisagerdessolutions.WILL:Ilssontnulslesprofsdanscetteécole!MBR:Veux-tudire,Will,quetuesdéçudesenseignantsetquetuaimeraisque,danscertainscas,ilss’yprennentautrement?WILL:Maisnon!Ilssontnulsparcequ’ilsrestentplantéslàetilsnelèventmêmepaslepetitdoigt.MBR: (Essayantànouveauderecevoir lessentimentsetdésirsdemon interlocuteur.)Tuveuxdirequetuesdéçuparcequetuaimeraisqu’ilsréagissentdavantagequandilyadesproblèmes?WILL:C’estça,oui.Quoiqu’onfasse,ilsrestentplantéslà,àsourirecommedesimbéciles.MBR:Serais-tudisposéàmedonnerunexempleconcret?WILL:Facile!Pasplustardquecematin,unmecrentreavecunebouteilledeScotchdanslapoche–groscommeunemaison.Toutmondelevoit.Laprofaussi,maisellefaitcommesiellen’avaitrienvu.MBR : (M’efforçant toujoursdecomprendrepleinement.) J’ai l’impressionque tun’éprouvespasderespectpourlesprofesseurslorsqu’ilsn’interviennentpas.Tuaimeraisqu’ilsfassentquelquechose?

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WILL:Ben,oui…MBR:Jesuisdéçu,parcequejevoudraisqu’ilsrésolventlesproblèmesaveclesélèves,maisilsemblequejen’aipassuleurmontrercequejevoulaisdire.

La conversation s’engagea ensuite sur la question pressante des élèves qui refusaient de travailler etdérangeaientceuxquienavaientenvie.

MBR:Jetiensàessayerderésoudreceproblème,parcequelesenseignantsm’ontditquec’estceluiquilesinquièteleplus.Jevousseraisreconnaissantdemediresivousavezdesidées.JOE:Leprofdevraitavoirunmartinet!MBR:Alorstudis,Joe,quetuvoudraisquelesenseignantsbattentlesélèveslorsqu’ilsdérangentlesautres?JOE:Sionveutquelesélèvesarrêtentdefairelesimbéciles,c’estlaseulefaçon.MBR : (M’efforçant toujours de recevoir les sentiments de Joe.) Tu doutes qu’une autre méthodepuissemarcher?JOE:(Ilacquiescedelatête.)MBR:Sic’estleseulmoyen,jemesensdécouragé.Jedétestecettefaçonderésoudrelesproblèmesetj’aimeraisentrouverd’autres.ED:Pourquoi?MBR:Pourplusieursraisons.Supposezque j’arriveàvousempêcherdemettre l’écolesensdessusdessousenvousbattantavec lemartinet.Quesepasse-t-il le jouroùtroisouquatreélèvesque j’aifrappésenclassesetrouventprèsdemavoiturequandjeveuxrentrerchezmoi?ED:(Esquissantunsourire.)Vousauriezintérêtàavoirunbongourdin!MBR:(Certaind’avoircomprislemessaged’Edetsachantqu’ilsaitquej’aicompris,jecontinuesansparaphraser.)C’estexactementcequejeveuxdire.Jevoudraisquevouscompreniezquejen’aimepascettefaçonderéglerleschoses.Jesuistropdistraitpourpenseràavoirtoujoursunbongourdinsurmoi,etmêmesijem’ensouvenais,jen’aimeraispasm’enservircontrequelqu’un.ED:Vouspourriezéjecterletype.MBR : Tu veux dire que tu aimerais que nous renvoyions temporairement ou définitivement desélèves?ED:Oui.MBR:Jen’aimepasdavantagecetteidée.Jeveuxmontrerqu’ilyad’autresméthodespourrésoudrelesconflitsàl’écolequederenvoyerdesélèves.J’auraisunsentimentd’échecsic’étaitcequenousavionsdemieuxàfaire.WILL :Siunmecne fait rien,pourquoiest-cequ’onnepeutpas lemettredansune salleàne rienfaire?MBR:Tuveuxdire,Will,quetuaimeraisqu’ilyaitunepièceoù l’onpuisseenvoyer lesélèvesquidérangentlesautres?WILL:C’estcela.Ilsn’ontpasbesoind’êtredanslaclasses’ilsnefontrien.MBR : Cette idée m’intéresse beaucoup. J’aimerais bien entendre comment tu envisagerais lefonctionnementd’unetellesalle.WILL:Ilyadesjoursoù,enarrivantaucollège,onsesentmal.Onn’apasenviedefairequoiquecesoit.Alors,onpourraitallerdansunesallespécialejusqu’àcequ’onaitenviedefairequelquechose.MBR:Jecomprendscequetudis,maisjepensequeleprofesseurvasedemandersilesélèvesirontd’eux-mêmesdanslasalleànerienfaire.WILL:(D’untonassuré.)Ilsiront.

Je leur dis qu’à mon avis ce projet pourrait marcher si nous parvenions à faire comprendre qu’il nes’agissait pas de punir,mais de proposer un endroit à ceux qui n’étaient pas prêts à étudier et, dans lemêmetemps,dedonneràceuxquienavaientenviel’occasiondetravailler.Jesuggéraiégalementquela« salle àne rien faire» aurait plusde succès si tout lemonde savait qu’elle avait étéproposéepardesélèvesetnonimposéeparladirection.Une«salleànerienfaire»futdoncouvertepourlesélèvesquiétaientperturbésetnesesentaientpas

capablesde travailler, et pour ceuxqui dérangeaient la classe. Parfois, les élèvesdemandaient à y aller,parfoisc’étaientlesprofesseursquileurdemandaientdes’yrendre.L’enseignantequimaîtrisaitlemieuxlaCNV fut placée dans la « salle à ne rien faire », où elle eut des conversations très fécondes avec lesadolescents. L’ordre fut effectivement rétabli dans l’école grâce à cette salle, parce que les élèves quil’avaientimaginéeexpliquèrentclairementsonbutàleurscamarades:préserverlesdroitsdesélèvesquivoulaient travailler.Nousutilisâmes ledialogueavec lesélèvespourdémontrerauxprofesseursque l’onpouvaitrésoudrelesconflitsautrementqu’enbattantenretraiteouenréprimantparlaforce.

Résumé

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Dans les situationsquine laissentaucuneplaceà lacommunication–encasdedanger imminent,parexemple–,nouspouvonsparfoisêtreamenésàemployerlaforcedansunbutdeprotection.L’intentionestalors d’éviter les dommages corporels ou les injustices, jamais d’amener des individus à souffrir, à serepentirouàchanger.L’usagerépressifdelaforcetendàgénérerdel’hostilitéetàrenforcerlarésistanceaucomportementque l’onchercheàsusciter.Lapunitionentame lasincéritédesrapportset l’estimedesoi,etconcentrenotreattentionsurlesconséquencesdel’acteenfaisantoublierl’intentionpremière.Lesreprochesetlapunitionnesuscitentpaslesmotivationsquenousaimerionsinspireràl’autre.

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Selibéreretaccompagnerlesautres

«L’humanitéadormi–etdortencore–bercéeparlesjoiesétroitesetconfinantesdesesamoursfermés.»

TEILHARDDECHARDIN,théologien

S’affranchirdesanciensconditionnementsNousavonstousassimiléuncertainnombredechosesquinouslimitententantqu’êtreshumains.Nous

lestenonsdeparents,deprofesseurs,deprêtresoud’autrespersonnesaniméesdesmeilleuresintentionsdumonde.Transmisaucoursdesgénérationsetdessiècles,cethéritageculturel–destructeur,pourunebonnepart–asibienpénétrénotreviequenousn’ensommesplusconscients.Dansl’undesesnuméros,lecomédienBuddyHackett1,dontlamèrefaisaitunecuisinetrèsriche,prétendaitavoirattendusonservicemilitairepourdécouvrirquel’onpouvaitsortirdetablesansbrûluresd’estomac.Lasouffranceengendréepar notre conditionnement culturel néfaste fait tellement partie intégrante de notre vie que nous ne ladétectons même plus. Il faut beaucoup d’énergie et de clarté d’esprit pour reconnaître les effetsdestructeursdecetenseignementettransformercelui-cienpenséesetcomportementsporteursdevie.

Pouryparvenir,ilestnécessairedeconnaîtrelelangagedesbesoinsetd’êtrecapabledeserelieràsoi-même,cequiestdifficilepourlesgensdenotreculture.Nousn’avonsjamaisétééduquésàconnaîtrenosbesoins et, bien plus encore, nous sommes souvent exposés à un conditionnement culturel qui nousempêcheenfaitd’enêtreconscients.Commenousl’avonsditplushaut,nousavonshéritéunlangagequiservaitlesroisetlesélitesaupouvoirdanslessociétésfondéessurladomination.Lesmasses,dissuadéesdedévelopperuneconsciencede leurspropresbesoins,ont,aucontraire,étééduquéesàêtredocilesetsoumisesàl’autorité.Notreculturelaissepenserquelesbesoinssontnégatifsetdestructeurs;lorsqu’unepersonne est qualifiée de « sensible », elle est perçue comme inadaptée ou immature. Lorsque les gensexprimentleursbesoins,ilssontsouventtaxésd’«égoïstes»etl’utilisationdupronompersonnel«je»estparfoisassimiléeàdel’égoïsmeouàdeladépendanceaffective.

En nous incitant à séparer observation et évaluation, à reconnaître les pensées ou besoins qui sont àl’originedenossentimentsetàexprimernosdemandesenlangaged’actionclair,laCNVnousaideàêtreplus conscients du conditionnement culturel qui nous influence dans l’instant. Or mettre en lumière ceconditionnement, et en prendre conscience, est le premier pas déterminant pour nous dégager de sonemprise.

Nouspouvonsnousaffranchirduconditionnementculturel.

RésoudrelesconflitsintérieursNous pouvons employer la CNV pour résoudre les conflits internes qui se soldent souvent par la

dépression. Dans son ouvrageRevolution in Psychiatry (« La Révolution psychiatrique »), Ernest Beckerattribueladépressionàdes«alternativesbloquéesparlafonctioncognitive»:lorsquenousportonsdesjugementssurnous-mêmes,nousperdonslecontactavecnosbesoinsetnepouvonsdoncplusagirpourlessatisfaire.Ladépressionestrévélatriced’unétatd’aliénationdenospropresbesoins.

Une participante à un stage de CNV traversait une période de profonde dépression. On lui demandad’identifier ce qu’elle se disait aux moments où elle se sentait le plus déprimée et de transcrire cesmessagessousformededialogue.Lesdeuxpremièresrépliquesfurentlessuivantes.

Voix1(«femmeprofessionnelle»):Jedevraisfairequelquechosedemieuxdemavie.Jesuisentraindegâchermaformationetmestalents.

Voix2(«mèreresponsable»):Tun’espasréaliste.Tuasdeuxenfantsettun’arrivesdéjàpasàassumercetteresponsabilité,commentveux-tugérerautrechose?

Cesmessages intérieurssonttruffésdetermesetdetournurescontenantdes jugements implicitestelsque « je devrais », « gâcher ma formation et mes talents », « tu n’arrives déjà pas ». Cette femme

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entretenaitdepuisdesmoisdespenséesdecetordre.Onluidemandaensuited’imaginerquelavoixdela« professionnelle » prenait une « pilule CNV » pour reformuler son message selon le schéma suivant :«Quanda),jemesensb),parcequej’aibesoindec).Parconséquent,jevoudraismaintenantd).»

Laphrase«Jedevraisfairequelquechosedemieuxmavie.Jesuisentraindegâchermaformationetmestalents»devintalors:«Quandjepassetoutcetempsàlamaisonaveclesenfantssansexercermaprofession, jemesensdépriméeetdécouragée parceque j’ai besoin de la satisfaction que me procuraitmonmétier.Parconséquent,jevoudraismaintenanttravailleràmi-tempsdansmaspécialité.»

Puisellefitdemêmeaveclavoixdela«mèreresponsable».«Tun’espasréaliste.Tuasdeuxenfantsettu n’arrives déjà pas à assumer cette responsabilité, comment veux-tu gérer autre chose ? » devint :«Quand j’envisaged’aller travailler, jeme senseffrayéeparce que j’ai besoinde savoir que les enfantsserontendebonnesmains.Parconséquent,jevoudraismaintenantrechercherunegardedequalitépourmesenfantspendantquejetravailleraiettrouverlemoyenderéserverassezdetempspourêtreaveceuxsansêtrefatiguée.»

Cette femmeéprouvaungrandsoulagementà traduire sesmessages intérieursenCNV.Elleparvintàpercer les messages aliénants qu’elle se rabâchait et à « s’offrir de l’empathie ». Elle avait encore àrésoudrelesproblèmespratiques,telsquelagardedesesenfantsetlesoutiendesonmari,maiselles’étaitaffranchiedudialogueintérieurpleindejugementsquil’empêchaitdeprendreconsciencedesespropresbesoins.

Savoir écouter nos sentiments et besoins et les accueillir avec empathie peuventnouslibérerdeladépression.

PrendresoindenotreenvironnementintérieurLorsque nous sommes empêtrés dans des pensées comportant des critiques, des reproches ou de la

colère, ilestdifficiled’établirunenvironnement intérieursain.LaCNVnousaideànousmettredansunétat d’esprit plus serein en nous encourageant à focaliser notre attention sur ce que nous voulonsréellementplutôtquesurnosdéfaillancesoucellesdesautres.

Uneparticipantenousparlaunjourd’unedécouvertecapitalequ’elleavaitfaitependantunstagedetroisjours.Entreautresobjectifs,ellesouhaitaitarriveràmieuxs’occuperd’elle-mêmeàl’issuedecetatelier.Orledeuxièmejour,elles’éveillaàl’aubeavecunedespiresmigrainesqu’elleaitconnues.«Entempsnormal,expliqua-t-elle,j’auraisimmédiatementcherchéàsavoircequej’avaisfaitdemal:avais-jemangéquelquechosequejen’auraispasdû?Étais-jetropstressée?Avais-jefaitceci,avais-jeomisdefairecela?Mais,venantdetravaillersurlamiseenœuvredelaCNVpourmieuxm’occuperdemoi,jemedemandaiplutôt:“Qu’ai-jebesoindefairepourmoi-même,maintenant,aveccettemigraine?”

Nouscentrersurcequenousvoulonsfaireplutôtquesurcequis’estmalpassé.

«Jemesuisassisesurmonlitetj’aifaitdesrotationsdelanuquependantunbonmoment,puisjemesuis levée, j’ai marché un peu et fait d’autres choses qui me faisaient du bien au lieu de m’accabler dereproches. Ma migraine s’atténua assez pour que je puisse participer au séminaire ce jour-là. Cela areprésentépourmoiuneavancéecapitale.Cequej’aicomprisenétantplusàl’écoutedemoi-même,c’estque laveille jenem’étaispasaccordéassezd’attention,etque lamigraineétaitune façondemedireàmoi-même:“J’aibesoindeplusd’attention.”Jeparvinsalorsàmedonnerl’attentiondontj’avaisbesoinet,grâce à cela, à participer toute la journée à l’atelier. J’ai des migrainesdepuis toujours, et pourmoi cetincidentamarquéuntournantdécisifdansmavie.»

Lorsd’unautreséminaire,unparticipantdemandacommentlaCNVpouvaitnousaiderànousaffranchirdesmessagesquinousmettentencolèrelorsquenoussommesauvolant.Jeconnaissaisbienlaquestion!Pendantdesannées,monmétierm’aamenéàtraverserlepaysenvoitureetj’étaisépuiséetéreintéparlesmessagesgénérateursdeviolencequimepassaientparlatête.Tousceuxquineconduisaientpascommejele voulais étaient des ennemis jurés, des brutes épaisses. Les pensées fusaient : « Mais qu’est-ce qu’ilfabrique,cetimbécile?Ilpourraitregarderoùilva!»Danscetétatd’esprit,jen’avaisqu’uneenvie:punirl’autrechauffeur.Etcommejenepouvaispaslefaire,lacolèresecristallisaitdansmonorganismeetfaisaitdesravages.

Jefinisparapprendreàtraduiremesjugementsensentimentsetbesoins,etàmedonnerdel’empathie:«Jesuistétaniséquandlesgensconduisentdecettefaçon.J’aimeraisvraimentqu’ilscomprennentcombienleur comportement est dangereux ! » Je fus stupéfait de voir que je pouvais créer pour moi-même dessituationsbeaucoupmoinsstressantes,simplementenprenantconsciencedecequejeressentaisetdemesbesoins,aulieudeblâmerlesautres.

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Désamorcer le stress en nous mettant à l’écoute de nos sentiments et de nosbesoins.

Plustard,jedécidaideportermonempathiesurlesautresconducteurs,etmapremièreexpériencefutonnepeut plusgratifiante. J’étais derrièreune voiturequi roulait à une vitessed’escargot et ralentissait àchaque carrefour. Je fulminais. « Encore un qui ne sait pas conduire ! » me dis-je en maugréant.Remarquantlestressquejem’imposais, jechangeaideregistreetmedemandaiquelspouvaientêtrelessentimentsetlesbesoinsduconducteur.Jesupposaiquecettepersonneétaitperdue,désorientéeetqu’elledésiraitde lapatiencede lapartdeceuxqui lasuivaient.Lorsqueenfin jeparvinsà ladoubler, jevisauvolantunedamequidevaitavoirdanslesquatre-vingtsansetsemblaitterrorisée.Jemefélicitaideluiavoirdonnéassezd’empathiepourm’abstenirdeklaxonnerouderecouriràl’unedemestactiquescoutumièrespourmontrermonmécontentementàceuxdontjen’aimaispaslafaçondeconduire.

Désamorcerlestressendirigeantnotreempathieversl’autre.

RemplacerlediagnosticparlaCNVIl y a bien des années, alors que je venais de consacrer neuf ans de ma vie à étudier pour devenir

psychothérapeute, je suis tombé sur un dialogue entre le philosophe israélien Martin Buber et lepsychologue américain Carl Rogers, dans lequel Buber mettait en doute le fait qu’on puisse faire de lapsychothérapie dans le rôle du psychothérapeute. De passage aux États-Unis, Buber avait été invité àdébattreavecCarlRogersdansunhôpitalpsychiatrique,devantungroupedeprofessionnelsde lasantémentale.

Danscedialogue,Buberpartduprincipequeledéveloppementhumainseproduitlorsdelarencontrededeuxêtresquis’exprimentavecsincéritéetvulnérabilité,danslecadredecequ’ilappelaitun«rapportduJe au Tu ». Il trouvait peu vraisemblable qu’une telle authenticité puisse exister lorsque des êtres serencontrent dans les rôles de psychothérapeute et de client. Rogers convenait que la sincérité était uneconditionnécessaireaudéveloppement.Maisilsoutenaitqu’unpsychothérapeuteéclairépouvaitchoisirdetranscendersonrôlepouravoiravecsonclientunerencontreauthentique.

Buberétaitsceptique.Ilestimaitque,mêmesilethérapeuteétaitdebonnevolontéetcapabled’établirune relation authentique avec ses patients, une telle rencontre serait impossible tant que les patientscontinueraientàseconsidérercommedespatientsetàpercevoirlethérapeutecommeunthérapeute.Leprocessusmêmedeprendre rendez-vousavecquelqu’undans soncabinetetde lepayerpour« se fairesoigner»,soulignait-il,comprometleschancesqu’unerelationauthentiquesedéveloppe.

Cedialogueprécisal’ambivalencequem’inspiraitdepuislongtempslaquestiondudétachementclinique– règlesacro-saintede lapsychothérapiepsychanalytiqueà laquelle j’avaisété formé.Dans l’espritde laplupart des professionnels, faire intervenir ses propres sentiments et besoins dans la psychothérapietrahissaitunepathologiechezlethérapeute.Lespsychothérapeutescompétentsdevaientresterendehorsdu processus thérapeutique et fonctionner comme un miroir, sur lequel les patients projetaient leurstransferts, qu’ils travaillaient alors avec l’aide du thérapeute. Je comprenais les raisons de laisser lesprocessusinternesduthérapeuteàl’écartdelapsychothérapieetlesrisquesqu’ilyavaitàsepenchersursespropresconflitsintérieursaudétrimentdupatient.Pourtant,j’avaistoujourseudumalàmaintenirladistanceaffectiverequise,et j’étaisenoutrepersuadédesavantagesqu’ilyauraitàm’impliquerdans leprocessus.

J’engageaidoncmespremièrestentatives,remplaçant le langagecliniquepar le langagedelaCNV.Aulieud’interprétercequemespatientsdisaient,conformémentaux théoriesde lapersonnalitéque j’avaisétudiées, jeme rendisprésentà leursparoleset lesécoutaiavecempathie.Au lieudeposer sureuxundiagnostic, je leurrévélaicequisepassaitenmoi.Audébut, j’euspeur. Jemedemandaiscommentmescollèguesréagiraientà lasincéritéque jemettaisdansmondialogueavecmesclients.Mais lesrésultatsfurentsiheureux,tantpourlesclientsquepourmoi-même,quej’abandonnaitoutehésitation.Depuis1963,l’idéedes’investirpleinementdanslarelationpatient-thérapeuteacesséd’êtreperçuecommeunehérésie,mais à l’époque je fus souvent invité par des associations de psychothérapeutes à présenter ce nouveaurôle.

J’aimanifestédel’empathieàmesclientsaulieudemelivreràdesinterprétations;jemesuisouvertàeuxplutôtquedeposerdesdiagnosticsàleursujet.

C’estainsiquejefusconviéàexpliqueràunvasteauditoiredeprofessionnelsdelasantémentaled’unhôpitalpsychiatriqueenquoilaCNVpouvaitaideràapporterunsoutienpsychologiqueauxpersonnesen

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souffrance.Au termedemonexposéd’uneheure, onmedemandadem’entretenir avecunpatientpourposerundiagnosticetproposeruntraitement.Jem’entretinsdoncavecunejeunefemmedevingt-neufans,mère de trois enfants, pendant environ une demi-heure. Lorsqu’elle quitta la pièce, les médecins qui lasuivaientposèrentleursquestions:«DocteurRosenberg,commençasapsychiatre,jevoussauraisgrédediscuter les différents diagnostics possibles. D’après vous, cette femme manifeste-t-elle une réactionschizophréniqueous’agit-ild’uncasdepsychoseinduitepardessubstancespsychotropes?»

Jerépondisquecetypedequestionmemettaitmalàl’aise.Àl’époqueoùj’étaisinternedansunhôpitalpsychiatrique,déjà, jene savais jamais trèsbiendansquelle catégoriediagnostiqueplacer les individus.Depuislors,j’avaisludansdesrapportsderecherchequelespsychiatresetlespsychologuesn’étaientpasd’accord sur les termes. Ces études concluaient que, dans les hôpitaux psychiatriques, les diagnosticsétaientdavantagefonctiondel’écoledontétaitissulepsychiatrequedessymptômesdupatient.

J’ajoutai que j’hésiterais à appliquer ces termes, même si tout le monde s’entendait sur ce qu’ilsrecouvraient,carjenevoyaispasenquoiilsservaientlesintérêtsdespatients.Enmédecinephysique,c’estsouventl’identificationduphénomènepathologiqueresponsabledelamaladiequipermetdeproposeruntraitement, mais je ne percevais pas de lien aussi clair dans le domaine que nous appelons la maladiementale.Monexpériencem’avaitmontréqu’enmilieuhospitalier,lorsqu’ilsétudiaientuncas,lesmédecinspassaientleplusclairdeleurtempsàdiscuterdudiagnostic.Puis,lorsquelafindelaréunionapprochait,lepsychiatrequisuivaitlepatientdemandaitparfoisàsescollèguesdel’aideràétabliruntraitement,maisdansbiendescaslesautrescontinuaientàdébattredudiagnostic,ignorantcettedemande.

J’expliquai à la psychiatre que, en CNV, plutôt que de chercher à définir les défaillances du patient, ilimportaitdeseposerd’autresquestions :«Queressentcettepersonne?Dequoia-t-ellebesoin?Quelssentimentsm’inspire-t-elleetquelssontlesbesoinsquisontàl’originedemessentiments?Quelleinitiativeou quelles décisions pourrait-on proposer à cette personne de prendre pour que sa vie soit plusheureuse ? » Dans la mesure où les réponses à ces questions révèlent une grande part de ce que noussommesetdenosvaleurs,nousnoussentonsbienplusvulnérablesquesinousnouscontentonsdeposerundiagnosticsurl’autre.

Enuneautreoccasion,jefusinvitéàmontrercommentonpouvaitenseignerlaCNVàdespatientschezqui on avait diagnostiqué une schizophrénie chronique. Devant quelque quatre-vingts psychologues,psychiatres, travailleurs sociaux et infirmières, on fit venir sur scènequinzepatients dits schizophrènes.Tandis que je me présentais et expliquais l’objectif de la CNV, l’un des patients fit une remarque quisemblait n’avoir aucun rapport avec ce que je disais. Sachant qu’il avait été diagnostiqué schizophrènechronique,jemelaissaiprendreauraisonnementcliniqueetcrusquec’étaitàcausedesonétatquejenelecomprenaispas.«Voussemblezavoirdumalàsuivrecequejedis»,luifis-jeremarquer.

Maisunautrepatients’interposaaussitôt:«Moijecomprendscequ’ildit.»Puisilexpliquaenquoicequ’avait dit le premier patient était pertinent dans le contexte de mon introduction. Force était dereconnaître que l’homme n’avait absolument pas l’esprit confus, mais que c’était moi qui n’avais toutsimplement pas saisi le lien entre nos pensées. Je fus déconcerté par l’aisance avec laquelle je lui avaisattribué laresponsabilitéde larupturedecommunication. J’auraisaiméavoirréponduàsaremarqueenexprimantsimplementmaperplexité:«Jenecomprendspas.J’aimeraisvoirlelienentrecequej’aiditetvotreréaction,maisjen’yarrivepas.Voudriez-vousm’expliquerenquoivosparolesontunlienaveccequej’aidit?»

Àpartcebrefretourauraisonnementclinique,laséanceaveclespatientssepassabien.Lesmédecins,impressionnés par les réactions des patients, me demandèrent si je les considérais comme des sujetsexceptionnellementcoopératifs.Jerépondisqu’àpartirdumomentoùjem’abstenaisdeposerundiagnosticsurlesindividus,maisrestaisencontactaveclavieeneuxetenmoi,lesgensréagissaientengénéraldefaçonpositive.

Un membre du personnel demanda alors qu’à titre d’expérience pédagogique on organise une séancesimilaire avec quelques-uns des psychologues et psychiatres. Sur ce, les patients cédèrent leur place àplusieursvolontaires.Lorsdecetravailaveclesprofessionnels,j’eusquelquedifficultéàfairecomprendreà un psychiatre la différence entre la compréhension intellectuelle et l’empathie de la CNV. Lorsqu’unmembredugroupeexprimaitdessentiments,ilexpliquaitladynamiquepsychologiquequisous-tendaitcessentiments, mais il ne parvenait pas à exercer l’empathie. À la troisième reprise, l’un des patients,désormaispassédanslepublic,explosa:«Vousnevoyezpasquevousrecommencez?Vousinterprétezcequ’elleditaulieudedonnerdel’empathieàsessentiments!»

Enadoptantlesméthodesetl’étatd’espritdelaCNV,nouspouvonsapporterunsoutienauxautresdansdesrencontresauthentiques,ouvertesetréciproques,aulieudefaireappelàdesrelationsprofessionnellescaractériséesparlediagnostic,lerapporthiérarchiqueetuneprudentemiseàdistancedetouteémotion.

RésuméLaCNVfavoriseunenouvellerelationànous-mêmesennousaidantàtraduirenospenséesnégativesen

sentiments et besoins. Notre capacité à identifier nos propres sentiments et besoins, et à les considéreravec empathie peut nous affranchir de la dépression. Nous nous rendons alors compte que, en toutescirconstances,nousavonstoujoursunchoix.Ennousapprenantànousconcentrersurcequinoustientàcœur plutôt que sur nos défaillances ou celles des autres, la CNV nous donne les moyens et la clarté

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nécessairespourentretenirunétatd’espritplusserein.Enfin,lesprofessionnelsduconseilpsychologiqueou de la psychothérapie peuvent également utiliser la CNV pour établir une relation authentique etréciproqueavecleurspatients.

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LaCNVenpratique

LesressentimentsetlesjugementsdesoiUne participante à un stage de Communication NonViolente nous a fait parvenir le témoignage

suivant.

JevenaisderentrerdemonpremierstageintensifdeCNV.Irène,uneamiequejen’avaispasrevuedepuis deux ans, m’attendait à la maison. Elle est bibliothécaire depuis vingt-cinq ans. Je l’avaisrencontréelorsd’unraiddesurviededeuxsemainesenpleinenature,quis’étaitachevéenapothéosepar une course de trois jours en solitaire dans les montagnes Rocheuses. Après avoir écouté madescriptionenthousiastede laCNV, Irènemeconfiaque,depuissixans,ellesouffrait toujoursdecequeluiavaitditLisa,l’unedesmonitricesderandonnéedansleColorado.JemesouvenaistrèsbiendeLisa :c’étaitune« femmedesbois»,unegrimpeusehorspairauxpaumesentailléespar lescordesd’escalade;ellereconnaissaittouslesanimauxàleursdéjections,hurlaitdanslanuit,dansaitdejoie,neseretenaitpasdepleureret,lorsquenotrebusrepartit,ellenousmontrasonderrièreenguised’aurevoir!Voicicequ’IrèneavaitentenduLisadirelorsd’uneséanced’évaluationindividuelle:«Irène,jene supporte pas les filles de ton genre, toutes gentilles et toutes douces, quoi qu’il arrive. Tu estoujourscoincéedanstonrôledepetitebibliothécaireinsipide.Arrêteunpeuetremue-toi,bonDieu!»

Depuis six ans, Irène était hantée par les paroles de Lisa, et depuis six ans elle lui répondaitmentalement.NousétionstoutesdeuxcurieusesdevoircommentunesensibilisationàlaCNVauraitpumodifiercettesituation.JememisdanslapeaudeLisaetrépétaicequ’elleavaitditàIrène:

IRÈNE: (OubliantlaCNV,elleentendlacritiqueetlaremarquedésobligeante.)Tun’aspasledroitdemedireça!Tunemeconnaispasettunesaispasquelgenredebibliothécairejesuis!Jeprendsmonmétiertrèsàcœuretsachequejemeconsidèrecommeunepédagogue,aumêmetitrequen’importequelenseignant…

MOI: (MemettantàlaplacedeLisa,sensibiliséeàlaCNVetécoutantavecempathie.)Ondiraitquetuesencolèreparcequetuvoudraisquejesacheetquejereconnaissecequetuesvraiment,avantdetecritiquer.C’estbiencela?

IRÈNE: Exactement!Tun’asaucuneidéedecequ’ilm’afallusurmonter,neserait-cequepourm’inscrireàceraid.Etpourtant,tuvois,jesuislàetjesuisalléejusqu’aubout.J’aiacceptétouslesdéfispendantcesquatorzejours,etjelesaitousrelevés!

MOI: (ToujoursdanslapeaudeLisa.)J’entendsquetutesensblesséeetquetuauraisaiméquetoncourageetqueteseffortssoientreconnusetappréciés.

Après quelques échanges, un déclic se produisit chez Irène. Ces déclics sont souvent perceptiblesphysiquement,lorsquenotreinterlocuteursesentsuffisamment«entendu».Àcetinstant,ilpeutparexemple sedétendreetpousserungros soupirde soulagement.Engénéral, c’est signequ’il a reçul’empathiedontilavaitbesoinetqu’ilestdésormaisprêtàportersonattentionsurautrechosequeladouleurqu’ilexprimaitjusqu’alors.Ilpeutêtredisposéàécouterlessentimentsetbesoinsdel’autre,àmoinsqu’ilnefailleluimanifesterunpeuplusd’attentionpourécouterunautreaspectdesadouleur.Danscecasprécis, jecomprisqu’ilme fallaitêtrevigilanteàautrechose,avantqu’Irènenesoitenmesured’entendreLisa.Depuissixans,eneffet,elleavaiteutoutletempsdes’envouloirpourn’avoirpas eu le réflexe de répondre à Lisa du tac au tac. Elle aborda d’ailleurs le sujet aussitôt après ledéclic:

IRÈNE: Mince!J’auraisdûluidiretoutcelailyasixans!

MOI: (Reprenantmonproprerôled’amiebienveillante.)Tuescontrariéeparcequetuauraisvouluêtrecapablededirecequetuavaisàdireàl’époque?

IRÈNE: Jemesenstellementbête.Jesavaisbienquejen’étaispasune«petitebibliothécaireinsipide»,maispourquoineleluiai-jepasdit?

MOI: Tuauraisdoncvouluêtresuffisammentprochedecequeturessentaispourdirecela?

IRÈNE: Etjem’enveuxterriblement!Jen’auraispasdûlalaissermemarchersurlespieds.

MOI: Tuauraisaimét’affirmerdavantage?

IRÈNE: Exactement.Jedoisgarderàl’espritquej’ailedroitdedéfendrecequejesuis.

Irène resta silencieuse quelques secondes, puis se sentit prête à pratiquer la CNV pour entendredifféremmentlesparolesdeLisa.

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MOI: (DanslerôledeLisa.)Irène,jenesupportepaslesfillesdetongenre,toutesgentillesettoutesdouces,quoiqu’ilarrive.Tuestoujourscoincéedanstonrôledepetitebibliothécaireinsipide.Arrêteunpeuetremue-toi,bonDieu!

IRÈNE: (Écoutantlessentiments,besoinsetdemandesdeLisa.)Tusemblestrèsagacée,Lisa…agacéeparcequeje…(Irèneconstatequ’elletombedansuntraversclassiqueetserattrapeaussitôt.Encommençantpar«je»,elleprendlaresponsabilitédessentimentsdeLisaaulieudelesattribueràundésirdeLisa.Plutôtque«tuesagacéeparcequejesuiscecioucela»,ellepourraitdire:«Tuesagacéeparcequetuattendaisautrechosedemoi.»)(Reprenantsaphrase.)Bon…Lisa,ondiraitquetuesagacéeparcequetuasbesoinde…euh…tuvoudrais…

En jouant le rôle de Lisa, je m’efforçai de me mettre véritablement à sa place, et soudain je prisconscience de ce dont j’avais (elle avait) véritablement envie : « De proximité !… C’est cela que jeveux!Jeveuxmesentirproche…detoi,Irène!Etjesuistellementexaspéréeparcemurdedouceuretcettegentillessequisedresseentrenousquej’aienviedeledétruirepourarriverjusqu’àtoi!»

Laforcedecettedéclarationnouslaissaunmomentabasourdies,puisIrènedit:«Sij’avaissuquec’était ce qu’elle voulait, si elle avait pu me dire que c’était un contact authentique qu’ellerecherchait…C’esttouchant!»Bienqu’ellen’aitjamaisrevuLisapourvérifiercetteintuition,aprèscetteséancedeCNV,Irènefutlibéréedececonflitintérieurquilatarabustaiteteutdésormaisplusdefacilitéàentendredesparolesqu’elleauraitjusque-làressentiescommedésobligeantes.

1. ComédiennéàBrooklyn,ÉtatdeNewYork,en1924(N.d.E.).

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ExprimersareconnaissanceenCommunicationNonViolente

« Plus on se familiarise avec la gratitude, moins on est victime desrancœurs,de ladépressionetdudésespoir.Lagratitude fera l’effetd’unélixirquidissoutpeuàpeulacarapacedenotreego–denotrebesoindeposséder et de maîtriser – pour faire de nous des êtres généreux. Lesentimentdegratitudeproduitunevéritablealchimiespirituelle,nousrendmagnanimes–faitdenousdegrandesâmes.»

SAMKEEN

L’intentionduremerciement«Tuasfaitunbontravailsurcerapport.»«Tuasunegrandesensibilité.»«C’étaitgentilàtoidemeramenerhiersoir.»Onutilisesouventcegenredephrasespourexprimersagratitudeenlangagecoupédelavie.Lefaitque

jeconsidèrelesfélicitationsetcomplimentscommecoupésdelavievoussurprendrapeut-être.Forceestpourtantdeconstaterque,lorsqu’ilssontformulésdecettefaçon,ilsnenousrenseignentpasbeaucoupsurle vécu de la personne qui s’exprime,mais la présentent comme quelqu’un qui se pose en juge. Or lesjugements–qu’ilssoientfavorablesoudéfavorables–relèventàmonsensdelacommunicationaliénante.

Lescomplimentssontsouventdesjugementsd’autrui,toutpositifssoient-ils.

Danslesformationsquenousproposonsenentreprise,jerencontresouventdescadresquidéfendentlapratiqueducomplimentetdelalouange,sousprétextequ’elle«faitsoneffet».«Ilaétéscientifiquementprouvéquesiundirigeantfélicitesesemployés, ilsmettentdavantagedecœuràl’ouvrage,affirment-ils.Demême,enmilieuscolaire,lesélèvestravaillentmieuxlorsquelesenseignantslesfélicitent.»Bienquej’aie lu ces études, je reste persuadé que les personnes qui reçoivent des compliments travaillenteffectivementdavantage,maisuniquementdansunpremiertemps.Carunefoisqu’ilsperçoiventl’intentionmanipulatriceduremerciement,leurproductivitéretombe.Maiscequejetrouveplusgênantencore,c’estquecettereconnaissanceperdtoutsoncharmelorsquelesdestinatairescommencentàcomprendrequ’elleviseenfaitàleurextorquerquelquechose.De plus, lorsque nous adressons à quelqu’un des paroles aimables pour influencer son comportement,

nousnesavonspastoujourscommentilreçoitlemessage.Celamerappelleundessinhumoristique,oùunAmérindien dit à un autre : « Je vais te montrer comment j’emploie la psychologie moderne sur moncheval!»Entraînantsonamiverslechevalpourquecelui-cipuissel’entendre,ilpoursuit:«J’ailechevalleplusrapideetlepluscourageuxdetoutl’Ouest!»L’animalfaitalorsgrisemineetsedit:«C’estbienmachance!Ilaachetéunautrecheval!»Lorsquenousemployons laCNVpourdirenotrereconnaissance,nouscherchonsexclusivementànous

réjouirdecequis’estfait,sansrienattendreenretour.Notreseuleintentionestdecélébrerlafaçondontnotrevieaétéenrichieparlesautres.

Manifesternotreappréciationpourleplaisiretnonpourmanipuler.

Lestroiscomposantesd’unremerciementLaCNVdistingueclairementtroiscomposantesdansl’expressiondelareconnaissance:

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1)lesactesconcretsquiontcontribuéànotrebien-être;2)lesbesoinsquecesactesontsatisfaitscheznous;3)lesentimentdeplaisirnédelasatisfactiondecesbesoins.

L’ordredecesfacteurspeutvarier.Ilsuffitparfoisd’unsourireoud’unsimple«merci»pourmanifestersimultanément les trois composantes. Mais si nous voulons nous assurer que notre gratitude a étépleinement reçue, il vaut la peine d’apprendre à les verbaliser une à une. Le dialogue suivant montrecomment on peut passer d’un compliment à un remerciement comportant ces trois composantes de lareconnaissance.

Dire«merci»enCNV:«Voicicequetuasfait;voicicequejeressens;voicilebesoinquichezmoiaétésatisfait.»

Uneparticipante,Jeanne(m’approchantàlafind’unatelier):Marshall,tuesgénial!MBR:Jen’arrivepasàappréciertoncomplimentautantquejelevoudrais.JEANNE:Queveux-tudire?MBR:Depuisquejesuisné,onm’aattribuétoutessortesdequalificatifs,maisjenemesouvienspasavoirvéritablementapprisquoiquecesoitlorsqu’onmedisaitcequejesuis.J’aimeraisappréciertonremerciementetenapprendrequelquechose,maisilmefaudraitplusderenseignements.JEANNE:Lesquels,parexemple?MBR:D’abord,j’aimeraissavoircequit’apludanscequej’aiditoufait.JEANNE:Ehbien,tuestellementintelligent.MBR:Jecrainsquetuneviennesdeporterunautrejugement,maisilnemerenseignepasdavantagesurlesactesoulesparolesquit’ontfaitdubien.(Jeanne dut réfléchir un instant, puismemontra deux passages dans les notes qu’elle avait prisespendantl’atelier.)JEANNE:Voilà,cesontcesdeuxchosesquetuasdites.MBR:Ah,ainsic’estlefaitquej’aieditcesdeuxchosesquetuapprécies.JEANNE:Oui.MBR:Àprésent,j’aimeraisconnaîtrelessentimentsquet’inspirentcesdeuxchoses.Jeanne:Jemesenspleined’espoiretsoulagée.MBR:Etmaintenant,j’aimeraissavoirquelsbesoinsdanscequej’aiditontétésatisfaitscheztoi.JEANNE:J’aiunfilsdedix-huitansavecquijen’arrivepasàcommuniquer.Jecherchaisdésespérémentquelquechosequipourraitm’aideràétablirunrapportd’affectionplusprofondaveclui,etcesdeuxchosesquetuasditesm’ontfournil’orientationquejecherchais.

Unefoisque j’eusentenduces trois informations–ceque j’avais fait,cequ’elleavaitressentietquelsbesoinsavaientétésatisfaitschezelle–,jefusenmesuredegoûterpleinementcequ’elleavaitapprécié.Sielleavaitd’embléeexprimésareconnaissanceenCNV,elleauraitpudireparexemple:«Marshall,lorsquetuasditcesdeuxchoses(enmemontrantsesnotes), jemesuissentiepleined’espoiretsoulagéecar jecherchaisunmoyend’établirunlienavecmonfilsetcelam’adonnél’orientationquejecherchais.»

RecevoirunremerciementRares sont ceux qui savent recevoir un remerciement avec simplicité. Nous nous demandons

généralement si nous leméritons, nous craignons que l’on ne nous demande quelque chose en retour –surtout si nous avons des enseignants ou des patrons qui recourent au compliment pour stimuler notreproductivité. Ou alors nous nous demandons si à l’avenir nous serons à la hauteur de ce compliment.Habituésàunecultureoùacheter,gagneretméritersont lesmodesd’échangeclassiques,noussommessouventmalàl’aiselorsqu’ils’agitsimplementdedonneretderecevoir.LaCNVnous inviteàrecevoir lecomplimentavec lamêmequalitéd’empathiequ’enécoutantd’autres

messages.Nousreconnaissonscequi,dansnosactes,acontribuéaubien-êtredenotreinterlocuteur;nousentendons ce qu’il ressent et les besoins qui ont été satisfaits. Et nous savourons avec joie le fait quechacunpeutcontribueraubien-êtredesautres.C’estmonamiNafezAssaileyquim’a appris à recevoir une appréciation avec simplicité.Nafez faisait

partied’uneéquipepalestinienneque j’avais invitéeenSuissepourunséminairedeCNV,à l’époqueoù,pour des raisons de sécurité, on ne pouvait pas accueillir dans leur pays d’origine des groupes mêlantIsraéliensetPalestiniens.Àlafinduséminaire,Nafezvintmetrouver.«Cestagenousseratrèsprécieuxpour œuvrer pour la paix dans notre pays, déclara-t-il. Je voudrais te remercier à notre manière. Voilàcommentnousfaisonslorsquenousvoulonsexprimernotregratitudepourquelquechose.»Croisantmon

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pouceavec le siencommecela se faitdans la tradition soufie, ilme regardadroitdans les yeuxetdit :«J’embrasseleDieuquiestentoiettepermetdenousdonnercequetunousasdonné.»Puisilmebaisalamain.Je découvris dans le rituel par lequel Nafez exprimait sa gratitude une façon différente d’accueillir la

reconnaissance de l’autre. En général, nous adoptons l’une ou l’autre de deux attitudes extrêmes pourrecevoir un remerciement : soit le narcissisme, soit la faussemodestie. Dans le premier cas, nous nouscroyons supérieurs parce que nous avons été appréciés ; dans le second, nous nions l’importance duremerciementenminimisantcequinousavalucettereconnaissance :«Oh,cen’étaitrien.»Nafezm’amontré que je pouvais recevoir un remerciement dans la joie, conscient que la vie a donné à chacun lepouvoird’apporterquelquechoseauxautres.Àpartirdumomentoùjegardeàl’espritquec’estl’énergiede la vie passant à traversmoi quime donne lesmoyens d’apporter quelque chose aux autres, je peuxéchapperaupiègedunarcissismecommeàceluidelafaussemodestie.

Recevoirl’appréciationsanssentimentdesupérioriténifaussemodestie.

À l’époque où elle était Premierministre d’Israël, GoldaMeir taquina un jour un de ses collègues dugouvernement:«Nesoyezpassimodeste,vousn’êtespasextraordinaireàcepoint.»J’aimeaussiàmesouvenir,pouréviterl’écueildelafaussemodestie,dupoèmesuivant,attribuéàMarianneWilliamson1.

Notrepirecrainten’estpasdenepasêtreàlahauteur.Notrepirecrainteestd’êtredémesurémentpuissants.Cenesontpasnoszonesd’ombrequinousfontlepluspeur,maisplutôtnotrelumière.NoussommesdesenfantsdelaVie.Quandnousfaisonssemblantd’êtreinsignifiants,celan’apporterienaumonde.Iln’yariendesageànousdiminuerpourquelesautresnesesententpasdéstabilisésànotrecontact.Nous sommes nés pour laisser la Vie se déployer en nous dans toute sa splendeur. Elle n’est passeulementenquelques-uns,elleestenchacundenous.Etlorsquenouslaissonsrayonnernotreproprelumière,nousdonnonsinconsciemmentauxautreslapermissiond’enfaireautant.Lorsquenoussommeslibérésdenotrepeur,notreprésenceautomatiquementlibèrelesautres.

LasoifdereconnaissanceParadoxalement,malgrénotredifficultéàrecevoirlesremerciements,nousavonspresquetoussoifd’être

véritablement reconnus et appréciés. À l’occasion d’une fête donnée en mon honneur, un jeune ami dedouzeansproposad’organiserunjeupouraiderlesinvitésàfaireconnaissance.Nousdevionsrédigerunequestion,ladéposerdansuneurne,puistirerl’unaprèsl’autreunequestionetyrépondreàvoixhaute.J’étaisrécemmentintervenuauprèsdediversesentreprisesetorganismesdeservicessociaux,etj’avais

étéfrappédevoirlenombredegensquiexprimaientleursoifdereconnaissanceautravail.«Quellequesoit lapeinequevousvousdonnez, soupiraient-ils, iln’ya jamaisunmotderemerciementdepersonne.Mais,à lapremièreerreur, il se trouve toujoursquelqu’unpourvous tomberdessus !» Je rédigeaidoncpournotre jeulaquestionsuivante:«Quellesparolesdereconnaissancepourraientvousfairebondirdejoie?»Unefemmetiramaquestion, la lutet fonditen larmes.Elledirigeaitunfoyerpourfemmesbattueset,

moisaprèsmois,consacraitbeaucoupd’énergieàpréparerdesplanningsquisatisfassentautantdemondeque possible. Pourtant, à chaque fois qu’elle présentait son planning, il y avait toujours aumoins deuxpersonnes pour se plaindre. Elle ne se souvenait pas d’avoir jamais reçu le moindre témoignage dereconnaissancepour leseffortsqu’elledéployaitdans lebutd’êtreéquitableenverschacun.Toutcela luiétaitrevenuàl’espritaumomentoùelleavaitlumaquestion,etsasoifdereconnaissanceluiavaitmisleslarmesauxyeux.Après avoir entendu l’histoire de cette femme, un autre demes amis déclara qu’il souhaitait lui aussi

répondre à la question. Puis, tout le monde voulut en faire autant, et plusieurs personnes se mirent àpleurerpendantqu’ellesrépondaient.

Nousavonstendanceàremarquerdavantagecequinevapasquecequivabien.

Si la soif de reconnaissance – par opposition aux compliments manipulateurs – est particulièrementévidentesurlelieudetravail,elleexisteégalementenfamille.Unsoir,alorsquejeluifaisaisremarquerqu’ilnes’étaitpasacquittéd’unedeses tâches,mon filsBrett rétorqua :«Papa,as-turemarquéque tuparlessouventdecequinevapas,maispresquejamaisdecequivabien?»Saréflexionmefrappa.Jemerendiscompteque,àforcedecherchercommentleschosespouvaientêtremieuxfaites,j’enoubliaisdeme

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réjouirdecequiallaitbien.Jevenaisdeterminerunséminaireavecplusd’unecentainedeparticipantsqui,à une exception près, l’avaient tous jugé excellent. Or, ce que j’avais surtout retenu, c’était lemécontentementdecetteuniquepersonne.Cesoir-là,j’écrivisunechansonquicommençaitdelasorte:

Quoiquejefasse,sijeréussisà98%cedontjemesouviendraiàlafin,cesontles2%quej’airatés.

Jemerendiscomptequ’ilnetenaitqu’àmoid’adopterl’approched’unprofesseurquejeconnaissais.Lorsd’uneinterrogationécrite,l’undesesétudiantsquin’avaitpasréviséinscrivitsonnomenhautd’unefeuilleetremitunecopieblanche.Quandsacopieluirevintavecun3/20,ilfutplutôtsurpris:«Pourquoim’avez-vousmis3?»demanda-t-ild’untonincrédule.«Pourlaprésentation»,réponditleprofesseur.Depuisle« rappel à l’ordre » de mon fils Brett, je m’efforce de mieux apprécier ce qui, dans les actes de monentourage,contribueàmonbien-êtreetd’affûtermacapacitéàexprimermareconnaissance.

SurmonterlaréticenceàdiresareconnaissanceJe fus profondément touché par un passage du livre de John Powell, The Secret of Staying in Love

(«Commentresteramoureux»),oùl’auteurditcombienilétaittristedenepasavoirsu,quandsonpèreétaitencoreenvie,luiexprimersareconnaissance.«Queldommage,medis-je,delaisserpasserl’occasionderemercierceuxquiontexercél’influencelaplusbénéfiquequisoitsurnotrevie!»Jepensaialors immédiatementà l’undemesoncles, JuliusFox.Quand j’étaisenfant, il venait tous les

jourss’occuperdemagrand-mère,quiétaittotalementparalysée.Auprèsd’elle,ilnesedépartaitjamaisdesonsouriretendreetaffectueux.Jelevoyaisparfoiseffectuerdestâchesquimesemblaientbieningrates,maisilétaittoujourspleind’égardsetl’onavaitl’impressionqu’elleluifaisaitlaplusgrandefaveurquisoiten le laissant s’occuper d’elle. Celame donna unmerveilleux exemple de forcemasculine – auquel j’aisouventfaitappeldepuislors.Or,jemesuisrenducomptequejen’avaisjamaisditmareconnaissanceàmononcle,quilui-mêmeétait

désormaismaladeetprochedelafin.J’envisageaidelefaire,maisjeperçusmapropreréticence:«Jesuissûr qu’il sait déjà ce qu’il représente pourmoi, je n’ai pas besoin de le lui dire.D’ailleurs,mes parolesrisqueraient de le gêner. » À peine ces penséesm’eurent-elles effleuré que je sus qu’elles n’étaient pasvraies. J’avais trop souvent imaginé que les autres savaient combien je leur étais reconnaissant, pourensuitedécouvrirlecontraire.Etmêmesicelapouvaitlesmettredansl’embarras,ilsavaienttoutdemêmeenvied’entendredesparolesdegratitude.Toujours hésitant, jeme dis que lesmots ne pouvaient pas faire justice à la profondeur de ce que je

voulaiscommuniquer. Jedéjouai rapidementcettenouvelleparade :certes, lesmotssontdebienpiètresvecteurspournosréalitéslesplusprofondes,mais,commejel’aiappris,«toutcequivautlapeined’êtrefaitvautlapeined’êtrefaitmêmemédiocrement».Enfait, jemesuisretrouvéquelquetempsplustardassisàcôtédel’oncleJulius lorsd’uneréunionde

famille, et les motsme sont venus naturellement. Il les accueillit avec joie, sansmanifester le moindreembarras.Cettesoiréeavaitétépourmoi trèsriched’émotionset,enrentrantchezmoi, jecomposaiunpoèmeetleluienvoyai.Onmeracontaparlasuiteque,pendantlestroissemainesquisuivirentetjusqu’àsonderniersouffle,ilavaitdemandéchaquejourqu’onleluilise.

RésuméLescomplimentsconvenusprennent souvent la formede jugements,aussi favorables soient-ils, et sont

parfois prononcés pour influencer le comportement d’autrui. La CNV invite à faire part de ce qu’onapprécie, justepour le plaisir.Nous énonçons1) l’actionqui a contribué à notrebien-être ;2) le besoinparticulier que nous éprouvions et qui a été satisfait ; et 3) le sentiment de contentement né de cettesatisfaction.Lorsque nous recevons un remerciement de cette façon, nous pouvons l’accueillir sans éprouver de

sentiment de supériorité et sans fausse modestie, en nous réjouissant avec la personne qui offre sareconnaissance.

1. Traductionadaptée.

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Épilogue

J’ai un jourdemandéàmononcle Julius comment il avait acquis cette remarquable capacité dedonneravec bienveillance. Ma question sembla le flatter et, ayant réfléchi un instant, il répondit : « J’ai eu lachanced’avoirdebonsmaîtres.»Jevoulaissavoirquiétaientcesmaîtres,etilpoursuivit:«Tagrand-mèreestcellequim’aleplusappris.Elleétaitdéjàmaladequandtul’asconnue,ettun’aspassuquelgenredefemmeelleétaitvraiment.Est-cequetamèret’adéjàracontécomment,lorslagrandecrisede1929,elleavaitrecueillichezellependanttroisansuntailleur,safemmeetleursdeuxenfants,aprèsqu’ileutperdusamaisonetsoncommerce?»Jemesouvenaisbiendecettehistoire.Ellem’avaitbeaucoupimpressionnélorsquemamèremel’avaitracontée,carjen’aijamaiscomprisoùgrand-mèreavaittrouvélaplacepourlafamilledutailleur,alorsqu’elleélevaitneufenfantsdansunemaisonminuscule!

Oncle Julius évoqua la générosité de ma grand-mère à travers quelques autres anecdotes, que j’avaistoutesentenduesdansmonenfance.L’histoiredel’hommequiseprenaitpourJésusfutledernierprésentquemefitmononcleavantdemourir.C’étaitunehistoirevraie.Unjour,unhommefrappaàlaportedemagrand-mèreet luidemandaàmanger.Celan’avait riend’exceptionnel :magrand-mèreétait trèspauvremais, dans le quartier, tout le monde savait qu’elle offrirait une assiette à quiconque viendrait la luidemander.L’hommeavaitunebarbeetdescheveuxnoirsenbroussaille.Sesvêtementsétaientélimésetilportaitensautoirunecroixfaitedeboutsdeboisgrossièrementtaillésetassemblésavecuneficelle.Magrand-mèrel’invitadanssacuisineetluidonnauneassiette.Enleregardantmanger,elleluidemandasonnom:

–Jem’appelleJésus,répondit-il.–Vousavezunnomdefamille?–JesuisJésusLeSeigneur.Magrand-mèrecomprenaitmall’anglais.Unautreoncle,Isidor,meracontaplustardqu’ilarrivadansla

cuisine pendant que l’homme était à table, et ma grand-mère le lui avait présenté sous le nom de « M.Leseigneur».

Tandisqu’ilcontinuaitàmanger,magrand-mèreluidemandaoùilhabitait.–Jen’aipasdemaison.–Oùdoncallez-vousdormir,cesoir?Ilfaitfroid,dehors.–Jenesaispas.–Voulez-vousresterici?proposa-t-elle.Etilrestaseptans.LaCommunicationNonViolenteétaitchezmagrand-mèreunesecondenature.Ellen’avaitpascherchéà

cataloguercethomme–auquelcas,elleseseraitprobablementditqu’ilétaitfouets’enseraitdébarrassée.Ellepensaitàcequelesgensressentaientetàcedontilsavaientbesoin,cequirevenaitàdire:s’ilsontfaim,onlesnourrit.S’ilsn’ontpasdetoit,onleuroffreunabripourlanuit.

Magrand-mèreaimaitaussidanser,etmamèresesouvientl’avoirsouvententenduedire:«Nemarchepassitupeuxdanser.»

C’estainsiquej’achèvecelivreenrendanthommageàmagrand-mère,quipratiquaitlaCommunicationNonViolentesansl’avoirjamaisapprise.

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Annexes

QuelquesbesoinsfondamentauxquinousanimenttousPratiquerleprocessusdelaCNVBibliographieÀproposdel’auteuretduCentrepourlaCommunicationNonViolenteTémoignages

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Quelquesbesoinsfondamentauxquinousanimenttous

Autonomie•Choisirnosrêves,nosbuts,nosvaleurs•Choisirdesstratégiespourconcrétisernosrêves,nosbuts,nosvaleurs

Célébration•Célébrerlavieetlaréalisationdenosrêves•Célébrernospertes:lapertedesêtresproches,lanon-réalisationdenosrêves,etc.(ledeuil)

Intégrité•Authenticité•Créativité•Sens•Estimedesoi

Interdépendance•Acceptation•Appréciation•Proximité•Communauté•Considération•Contributionàl’enrichissementdelavie•Sécuritéémotionnelle•Empathie•Honnêteté(l’honnêtetéquinousdonnelepouvoird’apprendreparnospropreslimites)•Amour•Réassurance•Respect•Soutien•Confiance•Compréhension

Nourrituresurleplanphysique•Air•Nourriture•Mouvement,exercice•Protectioncontrelesformesdeviemenaçantes:virus,bactéries,insectes,animauxprédateurs•Repos•Expressionsexuelle•Abri•Toucher•Eau

Jeu•Amusement•Rire

Communiond’esprit•Beauté•Harmonie•Inspiration•Ordre•Paix

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PratiquerleprocessusdelaCNV

J’exprimeavechonnêtetécommentjemesens,sansformulerdereprochesnidecritiques

J’écouteavecempathiecommenttutesens,sansentendredereprochesnidecritiques

OBSERVATIONS

1. Ce que j’observe (vois, entends, me rappelle,imagine – sans y mettre mes évaluations) quicontribueounonàmonbien-être:«Lorsqueje(vois,entends)…»

1.Ceque tuobserves (vois, entends, te rappelles,imagines – sans y mettre tes évaluations) quicontribueounonàtonbien-être:«Lorsquetu(vois,entends)…»(parfoisomisdansl’écouteempathique)

SENTIMENTS

2. Comment je me sens (émotion ou sensationplutôt que pensée) par rapport à ce quej’observe:«Jemesens…»

2.Commenttutesens(émotionousensationplutôtque pensée) par rapport à ce que tu observes :«Tutesens…»

BESOINS

3.Cedont j’aibesoinouquitoucheàmesvaleurs(plutôtqu’unepréférenceouuneactionprécise)qui éveille mes sentiments : « Parce que j’aibesoinde/j’accordedel’importanceà…»

3.Cedonttuasbesoinouquitoucheàtesvaleurs(plutôtqu’unepréférenceouuneactionprécise)qui éveille tes sentiments : « Parce que tu asbesoinde/tuaccordesdel’importanceà…»

Jedemandeclairementcequipourraitembellir/enrichirmaviesansquecelasoitune

exigence

Jereçoisavecempathiecequipourraitembellir/enrichirtaviesansentendreune

exigence

DEMANDES

4.Lesactionsconcrètesquej’aimeraisvoir:«Serais-tud’accordde…?»

4.Lesactionsconcrètesquetuaimeraisvoir:«Voudrais-tu/aimerais-tu…?»

©MarshallRosenberg.

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1998.KUSHNERS.Harold,Pourquoilemalheurfrappeceuxquineleméritentpas,SandPrimeur,1985(épuisé).MAGERRobert-Frank,Pouréveillerledésird’apprendre,Dunod,Paris,1995*.MASLOW AbrahamHarold,Vers une psychologie de l’Être, Fayard, « Expérience et psychologie », Paris,

1972.MCLAUGHLINCorinneetDAVIDSONGordon,LesBâtisseursdel’aube:modesdeviecommunautairesdansun

mondeenmutation,Souffled’or,Findhorn,1987.MILGRAMStanley,Soumissionàl’autorité,Calmann-Lévy,«Documents»,Paris,1990.ROGERSCarlRansom,Libertépourapprendre?Dunod,Paris,1996.ROGERSCarlRansom,LeDéveloppementdelapersonne,Dunod,Paris,1998.SHARP,Gene,LaGuerrecivilisée:ladéfenseparactionsciviles,PUG,Grenoble,1995*.STEINERClaude:L’ABCdesémotions:développersonintelligenceémotionnelle,InterÉditions,Paris,1998.SZASZ Thomas, Idéologie et folie : essais sur la négociation des valeurs humanistes dans la psychiatrie

d’aujourd’hui,PUF,«Perspectivescritiques»,Paris,1976.TAGORERabindranath,Sadhava.AlbinMichel,«Spiritualitésvivantespoche»,no6,Paris,1971.*Lescorrespondancesentreouvrageanglaisetouvragefrançaisnesontpasavérées.

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Àproposdel’auteuretduCentrepourlaCommunicationNonViolente

MarshallB.RosenbergMarshallB.Rosenberg,PhD(1934-2015)afondéleCentrepourlaCommunicationNonViolente(CNVC),

organisationinternationaleœuvrantpourlapaix,etaoccupépendantdenombreusesannéeslafonctiondedirecteurdesservicespédagogiquesduCentre.Il est l’auteur de quinze ouvrages, dont le best-sellerLesMots sont des fenêtres (ou bien ce sont des

murs)–IntroductionàlaCommunicationNonViolente,venduàplusd’unmilliond’exemplairesàtraverslemondeettraduitdel’anglaisdansplusde30languesàcejour(d’autrestraductionssontencours).M.RosenbergareçudenombreusesdistinctionspoursontravailenCommunicationNonViolente,parmi

lesquelles:2014:ChampionofForgivenessAwarddelaWorldwideForgivenessAlliance2006:BridgeofPeaceNonviolenceAwarddelaGlobalVillageFoundation2005:LightofGodExpressinginSocietyAwarddel’AssociationofUnityChurches2004:ReligiousScienceInternationalGoldenWorksAward2004:InternationalPeacePrayerDayManofPeaceAwarddelaHealthy,HappyHoly(3HO)Organization2002:PrincessAnneofEnglandandChiefofPoliceRestorativeJusticeAppreciationAward2000:InternationalListeningAssociationListeneroftheYearAwardM. Rosenberg a développé le processus de la CNV dans les années 1960, dans le cadre de projets

d’intégrationscolairefinancésparl’Étatfédéralaméricain;satâcheconsistaitalorsàdonnerdesséancesde formation enmédiation et en communication. LeCentre pour la CommunicationNonViolente, qu’il afondé en 1984, s’appuie aujourd’hui sur des centaines de formateurs certifiés et de transmetteurs quienseignentlaCNVdansplusdesoixantepaysàtraverslemonde.Orateurtrèssollicité,hommedepaixetleadervisionnaire,M.Rosenbergaformédesdizainesdemilliers

depersonneslorsd’ateliersetdeséminairesinternationauxdeformationintensiveenCNVdansplusde60paysdumonde.Il a également dispensé des formations etmis enplace des programmes en faveur de la paix dans de

nombreusesrégionsenproieàlaguerre,parmilesquellesleNigeria,laSierraLeoneetleMoyen-Orient.Ilatravaillésansrelâcheavecdeséducateurs,desdirigeantsd’entreprise,desprofessionnelsdelasanté,desjuristes,desmilitaires,desresponsablesdelapoliceetdumondecarcéral,deshautsfonctionnairesetdesfamilles. Avec sa guitare, sesmarionnettes et une énergie spirituelle qui remplissait des salles entières,Marshallnousamontrécommentcréerunmondepluspacifiqueetplusaccueillant.

LeCentrepourlaCommunicationNonViolenteLe Centre pour la Communication NonViolente1 (CCNV) est une organisation mondiale qui a la

visiond’unmondeoùlesbesoinsdechacunsontsatisfaitsdemanièrebienveillante.Notremissionestdecontribueràconcrétisercettevisionenfacilitant lacréationdesystèmesquiservent lavieenchacundenous, sur le plan interpersonnel et à l’intérieur des organisations. Nous faisons cela en vivant et enenseignantleprocessusdelaCommunicationNonViolenteSM(CNV),quirenforcelacapacitédespersonnesàseconnecteràelles-mêmesetauxautresaveccompassion,àpartagerleursressourcesetàrésoudrelesconflitsdanslapaix.LeCCNVapourvocationdecontribueràcequenous interagissionsaveccompassionenhonorantnos

besoinsuniverselsd’autonomie,decélébration,d’intégrité,d’interdépendance,denourriturephysique,dejeu et de communion d’esprit. Nous sommes déterminés à fonctionner, à tous les niveaux de notreorganisation et dans toutes nos interactions, en harmonie avec le processus que nous enseignons, enagissantparconsensus,enutilisant laCNVpourrésoudre lesconflitseten formantnotrepersonnelà laCNV.Nousnousassocionssouventàd’autresorganisationsdanslebutd’œuvrerpourlapaix,lajusticeetl’équilibreécologiquedanslemonde.

Raisond’être,mission,historiqueetprojetsCequ’estlaCNV–C’estunprocessustrèsefficacepourinspirerdesrelationsetdesactesbienveillants.

Elle offre un cadre et un ensemble de compétences permettant d’aborder les problèmes humains, qu’ils’agissedesrelationslesplusintimesoudeconflitspolitiquesmondiaux.LaCNVpeutcontribueraussibienàprévenirlesconflitsqu’àlesrésoudredemanièrepacifique.Ellenousaideàconcentrernotreattention

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surlessentimentset lesbesoinsquinousanimenttous,plutôtqu’àpenseretànousexprimerautraversd’étiquettes déshumanisantes ou d’autres schémas courants qui sont facilement perçus comme desexigencesouconsidéréscommehostiles,etquicontribuentàlaviolenceenversnous-mêmes,lesautresetlemondequinousentoure.LaCNVnousdonnelepouvoirdenousengagerdansundialoguecréatifafindeconstruirenous-mêmesdessolutionspleinementsatisfaisantes.

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D’oùvientlaCNV–MarshallB.RosenbergacommencéàmettreaupointleprocessusdelaCNVen1963etn’acesséde l’affiner jusqu’à la fin de sa vie. Ayant fait très jeunel’expérience de la violence, Marshall a été animé d’un vifdésir de comprendre ce qui suscitait la violence entre lesgens et d’explorer le type de langage, de pensée et decommunication qui pourrait apporter une alternativepacifique à la violence qu’il rencontrait. Son intérêt l’aconduit à l’université, où il a obtenu un doctorat enpsychologieclinique.Ilad’abordmislaCNVauservicedecommunautés qui travaillaient dans le but d’intégrer de

manièrepacifiquedesécolesetd’autresinstitutionspubliquesdanslesannées1960.LetravailconsacréàcesprojetsdansdifférentesvillesdesÉtats-UnisamisMarshallRosenbergencontactavecdespersonnesqui souhaitaient faire largement connaître son enseignement dans leur communauté. Dans le but derépondreàcebesoinetdediffuserplusefficacementleprocessusdelaCNV,ilacrééen1984leCentrepour laCommunicationNonViolenteetaélaborédepuisdenombreuxoutilspédagogiques,dont lesdeuxouvrages Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Introduction à la CommunicationNonViolente(3eédition)etUneéducationauservicedelavie2,disponiblesdanslecommerce.Depuis de nombreuses années, le Centre pour la Communication NonViolente contribue à une

transformationsocialedegrandeampleurdansnospensées,nosparolesetnosactes,montrantauxgenscomment entrer en relation par des moyens qui inspirent des relations bienveillantes. Plus de centformateurscertifiésdispensentàprésentune formationà laCNVà travers lemonde,avec le soutiendecentaines de bénévoles dévoués qui aident à l’organisation de séminaires, participent à des groupes depratiqueetcoordonnentlaformationd’équipes.Laformationcontribueàpréveniretàrésoudrelesconflitsdanslesécoles,lesentreprises,lescentresdesoinsdesanté,lesprisons,lesassociationsdequartieretlesfamilles.MarshallRosenbergetsonéquipeontintroduitlaCNVdansdesrégionsdéchiréesparlaguerre,comme la Sierra Leone, le Sri Lanka, le Rwanda, le Burundi, la Bosnie et la Serbie, la Colombie et leProche-Orient.Nouscherchonsàrecueillirdesfondsauprofitdeprojetsmenésdanslemondeentier,etnotammenten

AmériqueduNord,enAmérique latine,enAmériqueduSud,enEurope,enAfrique,enAsieduSud,auBrésil et au Proche-Orient. Le CCNV a obtenu de certaines fondations des subventions qui l’ont aidé àlancerdesprojetsdeformationnovateursenvuedecréerdesoutilsdestinésauxenseignantsetauxprojetsmettant l’accent sur la parentalité, le changement social et le travail en milieu carcéral dans diversesrégionsdumonde.Noustravaillonsensynergieavecd’autresorganisationsdont lesobjectifsconcordentaveclesnôtres.N’hésitezpasàvisiterlesitewebduCCNVpourtrouverdesinformationssurcesprojets,laliste des sites web régionaux, ainsi que d’autres outils disponibles pour apprendre la CNV. Toutecontributiondevotrepartàceseffortsseragrandementappréciée.Sur le site Internet duCCNV figurent également la liste des formateurs certifiés duCentre, ainsi que

leurscoordonnées.Cettelisteestactualiséetouslesmois.LesitewebcontientégalementdesinformationssurlesformationsparrainéesparleCCNV,demêmequedesliensversdessiteswebrégionauxaffiliésauCentre.LeCCNVvousinviteàenvisagerdedispenseruneformationàlaCNVdansvotreentreprise,votreécole,votreégliseouvotreassociationdequartier.Pourobtenirdesinformationsàjoursurlesformationsprévuesdansvotrerégion,ousivoussouhaitezorganiserdesformationsà laCNV, figurersur la listedediffusion du CCNV ou soutenir nos efforts pour créer unmonde plus pacifique, n’hésitez pas à prendrecontactavecleCCNV.Pour plus d’informations sur le Centre pour la Communication NonViolente (Center for Nonviolent

Communication),surMarshallRosenbergousurlaCommunicationNonViolente:CenterforNonviolentCommunication(CNVC)9301IndianRd.,N.E.,Suite204,Albuquerque,NM87112-2861Tél.:(uniquementÉtats-Unis):(+1)8002557696Email:[email protected]éricains:http://www.cnvc.orghttp://www.NonviolentCommunication.comSiteInterneteuropéen:http://www.nvc-europe.org

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EnFranceAssociationCommunicationNonViolente13bis,boulevardSaint-Martin75003ParisTél.:0148049807Fax:0142720131E-mail:[email protected]:cnvf.free.frEnSuisseAssociationdesformateursenCommunicationNonViolente6,ruedelaGoutte-d’OrCH-2014BôleTél./Fax:+41328423020E-mail:cnvsuisse@hotmail.comEnBelgiqueConcertationpourlaCommunicationNonViolentec/oUniversitédePaixBoulevardduNord4B-5000NamurTél.:+3227821013E-mail:[email protected]étariatgénéralauxÉtats-UnisTheCenterforNonviolentCommunicationP.O.Box2662Sherman,Texas75091,USATél.+19038933886Fax+19038932935E-mail:[email protected]érielenEuropeTheCenterforNonviolentCommunicationPostfach232CH-4418ReigoldswilFax+41619412079E-mail:[email protected]

1.CenterforNonviolentCommunication:CNVC(N.d.T.).2. TraductionlibredeLife-EnrichingEducation,encoursdetraductionenfrançais(N.d.T.).

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Témoignages

« Parce que je crois que seule une véritable compréhension mutuelle peut soutenir la paix, je suisprofondément reconnaissanteque lesmoyensd’une tellecompréhensionsoient rendusaccessiblespar laCNV.Eneffet,chacund’entrenous,jeuneouvieux,aunrôleindispensableàjouerdanslemaintiendelapaix.»

LucyLeu,membreduconseild’administrationduCentrepourlaCommunicationNonViolente,Seattle,Washington

«L’impactdelaCNVsurmavieestparticulièrementclairencequ’ellemepermet:1)desavoir, lorsque j’entendsquelqu’unmedirenon,quecelaveutdiresimplementquecettepersonnedésireautrechose–etnonpasquec’estmoiquisuisencause;2) d’éprouver concrètement la puissance de l’empathie : il n’y a plus de situations qui paraissentinsolubles.»

ToweWidstrand,consultanteenorganisation,Lidingo,Suède

«LaCNVm’apermisdevivreauquotidiendesmomentsd’uneprofondeurmagnifiqueavecmesenfantsetavecmonmari.Grâceàelle,j’aiégalementamélioré,lorsdemesconsultationsmédicales,l’écoutedemespatients. Enfin et surtout, j’ai découvert l’écoute de moi-même et cela était très nouveau et trèsenrichissant.»

VéroniqueBoissin,médecinhoméopathe,Genval,Belgique

«Àdemultiples reprises,nousavonsvécudesmomentsdramatiques–momentsdepeuretdepanique,d’incompréhension,defrustrations,dedéceptionetd’injusticesdetoutessortes–,sansespoird’ensortir,ce qui aggravait notre souffrance. Ceux qui ont suivi la formation donnée parMarshall Rosenberg sontvraimentdésireuxd’adopterlaCommunicationNonViolentecommeunchoixpacifique,afindemettrefinàceconflitinterminableauRwanda.»

ThéodoreNyilidandi,ministèredesAffairesétrangères,Kigali,Rwanda

«Àl’écoleprimaireduquartieroùj’enseigne,Marshallad’abordformélesenseignantsàlaCommunicationNonViolente.Enapprenantàleurtourlemodèleauxenfants,lesmaîtressesontentraînésàcommuniqueravecbienveillance.Puis,lorsquelesélèvesontcommencéàexprimerleurssentimentsetleursbesoins,etàsefairemutuellementdesdemandesprécises,lesconflitsentreeuxontsensiblementdiminué.»

LoisHudson,enseignante,Cleveland,Ohio

« LaCNVnous aide dans notre vie quotidienne avec notre famille, nos amis et nos opposants, dans lesmomentsdecolère,detensionetdeconflit.AprèslaformationenCNV,legroupepalestinienaforméuncomité pour laCommunicationNonViolente.Nous travaillons à introduire les principes pragmatiques dumodèledanslavielocale.»

NafezAssailey,coordinateurpourlaCNV,Autoritépalestinienne

« Aux ateliers de CNV dans mon pays, nous avons appris beaucoup plus que des techniques decommunication.Nousavonsapprisd’expériencedirectequechaqueéchangeestuneoccasiondebonheur,uneoccasiond’enrichissementmutuel.Récemment,unprojetéducatifdeCNVatouchétreizemilleenfantsde cinq à seize ans, leur enseignant à résoudre sans violence les malentendus et les conflits. Tous lesparticipantsàceprojet,jeunesetvieux,disentquelaCNVaétépoureuxunapportpositifdansleurvie.»

NadaIgnatovic-Savic,professeurd’université,Belgrade,Serbie

«Detoutmoncœur,j’auraisaiméquecetteapprochefûtenseignéeàlagénérationd’élèvesprécédente.Jesuiscertainquecelaleurauraitdonnéd’autresmoyensquelaviolencederésoudreleursdivergences.»

Unenseignant,Belgrade,Serbie

«LaCNVm’apermisdeprendreladécision,justemaisdifficile,dequittermonemploiauboutdevingtansd’ancienneté, pour faire ce que je voulais, c’est-à-dire enseigner la Communication NonViolente. Elle a

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égalementaidémonépouse,Vera,quim’adonnéénormémentd’empathiependantcettetransition.LaCNVm’aaidéàmecomprendreetàêtreconsciemmentprésentàmoi-mêmedanslessituationsdifficiles.»

DmitriRonzin,formateurenCNV,Saint-Pétersbourg,Russie

« C’est bien dommage qu’il n’y ait pas plus de gens qui veuillent apprendre à communiquer avecbienveillance. Il me semble maintenant évident que la rhétorique et les accusations ne résolvent rien.J’aimeraistravaillercelaavecd’autres,commencerparapprendreautantquejepeux,puisfaireconnaître[laCNV]danslesprisons.Pourfairecesserlacriminalité,ilfaut,entreautres,montrerauxprisonniersunenouvellemanièred’entrerenrelationavec lesautres.J’espèrequevousallezcontinuervotrebontravail.Sachezquevousaveztouchéunprisonnier.

D.W,détenudansuneprisonduMissouri