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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 293 RUBRIQUE PRATIQUE Quelle est la place du paracétamol pour l’analgésie postopératoire ? Camille Rémy (photo) De nombreux facteurs influencent la survenue, l’intensité, les caractéristi- ques et la durée de la douleur posto- pératoire : type d’incision, durée de l’intervention, qualité de prise en charge anesthésique pré- et peropéra- toire. L’analgésie postopératoire doit simplifier le retour à une autonomie complète et fait souvent appel à l’association de différentes molécules analgésiques, voire de différentes techniques analgésiques (concept d’analgésie multimodale). Le paracétamol est en France le plus prescrit des analgési- ques non morphiniques en périopératoire, par voie intravei- neuse, orale, ou rectale, notamment en pédiatrie. Il peut être utilisé seul, pour l’analgésie des chirurgies dites « mineures » ou en association lorsque les douleurs postopé- ratoires sont plus importantes. Actuellement, on administre souvent du paracétamol en fin d’intervention, en associa- tion à une analgésie opiacée, dans le but de réduire la con- sommation morphinique, et ses effets indésirables. Dans cette revue seront décrites les données de la littéra- ture actuelles sur le paracétamol, pour tenter de déterminer ses véritables indications et ses règles d’administration. RÈGLES D’UTILISATION Mécanisme d’action, mode d’administration Le paracétamol est un dérivé du para-aminophénol. C’est un antalgique antipyrétique qui élève les seuils objectifs et subjectifs de la douleur (1). Le paracétamol exerce une action centrale. Il inhibe la pro- duction des prostaglandines cérébrales par une action spé- cifique sur les cyclo-oxygénases notamment de type 2 (inductibles). Une inhibition de la cyclo-oxygénase de type 3 par le paracétamol a été récemment rapportée (2). Du fait de l’inhibition préférentiellement centrale de la syn- thèse des prostaglandines, cet agent est dépourvu des effets secondaires observés avec les anti-inflammatoires non sté- roïdiens, mais on a observé des modifications mineures de l’hémostase après administration de paracétamol. Après administration intraveineuse, le pic d’efficacité est voisin de 120 minutes, ce qui explique que l’on recom- mande d’administrer le paracétamol pendant l’intervention (plus de trente minutes avant la fin de l’intervention) afin que son efficacité soit optimale dès la fin de l’anesthésie. Dans une revue de la littérature évaluant l’efficacité du para- cétamol rectal et parentéral, en association ou non aux AINS, Romsing et son équipe ont sélectionné deux études comparant l’efficacité du paracétamol oral au paracéta- mol IV, et du paracétamol oral au paracétamol rectal (3). Il semble, au travers de ces études, que la forme parentérale entraîne une analgésie plus intense et plus durable, mais cela s’explique vraisemblablement par un effet plus rapide, du fait d’une biodisponibilté immédiate de 100 %. La biodis- ponibilité de la forme orale est de 80 %, et celle de la forme rectale à peine de 30 % ; de plus, elle est assez variable. La résorption par voie rectale est plus lente, avec un pic de concentration plasmatique survenant entre 2 à 3 heures après l’administration. Aussi, il est important, pour la voie rectale, d’utiliser des doses plus élevées, de l’ordre de 40 à 60 mg/kg, à répéter à intervalles réguliers, et de les admi- nistrer 2 à 3 heures avant le moment prévu d’apparition de la douleur. Les résultats des études citées plus hauts décon- seillant l’administration rectale peuvent s’expliquer par le fait que le paracétamol rectal a été administré à l’induction, ou après des interventions durant moins de trente minutes, avec finalement un pic plasmatique très insuffisant au moment du réveil. En cas d’administration orale de paracétamol avant l’inter- vention, il est important de savoir que l’anesthésie, en par- ticulier les morphiniques utilisés en peropératoire, ralentissent la vidange gastrique, et ainsi l’absorption du paracétamol, dont les concentrations plasmatiques risquent alors d’être insuffisantes au moment du réveil (6). La demi-vie plasmatique du paracétamol est de deux à trois heures, et il faut donc répéter les prises toutes les quatre heures. Il est métabolisé par le foie, par glucuro-conjugai- son, puis éliminé dans les urines. Le Perfalgan ® est la nouvelle forme injectable de paracéta- mol. Il succède au propacétamol (Prodafalgan ® ), prodrogue hydrolysée en paracétamol dans le plasma 6 minutes après son administration, 2 g de propacétamol conduisant à 1 g de paracétamol. Il n’existe actuellement pas d’études publiées évaluant l’efficacité du Perfalgan ® versus placebo mais une étude non publiée (4), a mis en évidence une équivalence d’effet Perfalgan ® -Prodafalgan ® (dans un rapport 2/1).

Quelle est la place du paracétamol pour l’analgésie postopératoire ?

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 293

R U B R I Q U E P R A T I Q U E

Quelle est la place du paracétamol pour l’analgésiepostopératoire ?Camille Rémy (photo)

De nombreux facteurs influencent lasurvenue, l’intensité, les caractéristi-ques et la durée de la douleur posto-pératoire : type d’incision, durée del’intervention, qualité de prise encharge anesthésique pré- et peropéra-toire. L’analgésie postopératoire doitsimplifier le retour à une autonomiecomplète et fait souvent appel àl’association de différentes molécules

analgésiques, voire de différentes techniques analgésiques(concept d’analgésie multimodale).Le paracétamol est en France le plus prescrit des analgési-ques non morphiniques en périopératoire, par voie intravei-neuse, orale, ou rectale, notamment en pédiatrie. Il peutêtre utilisé seul, pour l’analgésie des chirurgies dites« mineures » ou en association lorsque les douleurs postopé-ratoires sont plus importantes. Actuellement, on administresouvent du paracétamol en fin d’intervention, en associa-tion à une analgésie opiacée, dans le but de réduire la con-sommation morphinique, et ses effets indésirables.Dans cette revue seront décrites les données de la littéra-ture actuelles sur le paracétamol, pour tenter de déterminerses véritables indications et ses règles d’administration.

RÈGLES D’UTILISATION

Mécanisme d’action, mode d’administrationLe paracétamol est un dérivé du para-aminophénol. C’estun antalgique antipyrétique qui élève les seuils objectifs etsubjectifs de la douleur (1).Le paracétamol exerce une action centrale. Il inhibe la pro-duction des prostaglandines cérébrales par une action spé-cifique sur les cyclo-oxygénases notamment de type 2(inductibles). Une inhibition de la cyclo-oxygénase detype 3 par le paracétamol a été récemment rapportée (2).Du fait de l’inhibition préférentiellement centrale de la syn-thèse des prostaglandines, cet agent est dépourvu des effetssecondaires observés avec les anti-inflammatoires non sté-roïdiens, mais on a observé des modifications mineures del’hémostase après administration de paracétamol.Après administration intraveineuse, le pic d’efficacité estvoisin de 120 minutes, ce qui explique que l’on recom-

mande d’administrer le paracétamol pendant l’intervention(plus de trente minutes avant la fin de l’intervention) afinque son efficacité soit optimale dès la fin de l’anesthésie.Dans une revue de la littérature évaluant l’efficacité du para-cétamol rectal et parentéral, en association ou non auxAINS, Romsing et son équipe ont sélectionné deux étudescomparant l’efficacité du paracétamol oral au paracéta-mol IV, et du paracétamol oral au paracétamol rectal (3). Ilsemble, au travers de ces études, que la forme parentéraleentraîne une analgésie plus intense et plus durable, maiscela s’explique vraisemblablement par un effet plus rapide,du fait d’une biodisponibilté immédiate de 100 %. La biodis-ponibilité de la forme orale est de 80 %, et celle de la formerectale à peine de 30 % ; de plus, elle est assez variable. Larésorption par voie rectale est plus lente, avec un pic deconcentration plasmatique survenant entre 2 à 3 heuresaprès l’administration. Aussi, il est important, pour la voierectale, d’utiliser des doses plus élevées, de l’ordre de 40 à60 mg/kg, à répéter à intervalles réguliers, et de les admi-nistrer 2 à 3 heures avant le moment prévu d’apparition dela douleur. Les résultats des études citées plus hauts décon-seillant l’administration rectale peuvent s’expliquer par lefait que le paracétamol rectal a été administré à l’induction,ou après des interventions durant moins de trente minutes,avec finalement un pic plasmatique très insuffisant aumoment du réveil.En cas d’administration orale de paracétamol avant l’inter-vention, il est important de savoir que l’anesthésie, en par-ticulier les morphiniques utilisés en peropératoire,ralentissent la vidange gastrique, et ainsi l’absorption duparacétamol, dont les concentrations plasmatiques risquentalors d’être insuffisantes au moment du réveil (6).La demi-vie plasmatique du paracétamol est de deux à troisheures, et il faut donc répéter les prises toutes les quatreheures. Il est métabolisé par le foie, par glucuro-conjugai-son, puis éliminé dans les urines.Le Perfalgan® est la nouvelle forme injectable de paracéta-mol. Il succède au propacétamol (Prodafalgan®), prodroguehydrolysée en paracétamol dans le plasma 6 minutes aprèsson administration, 2 g de propacétamol conduisant à 1 g deparacétamol. Il n’existe actuellement pas d’études publiéesévaluant l’efficacité du Perfalgan® versus placebo mais uneétude non publiée (4), a mis en évidence une équivalenced’effet Perfalgan®-Prodafalgan® (dans un rapport 2/1).

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4294Contre-indications, doses maximales recommandées, doses minimales nécessairesL’atout du paracétamol réside dans sa faible toxicité quin’apparaît qu’en cas d’ingestion massive (100-150 mg/kg),provoquant une hépatite toxique.Il faut diminuer les doses en cas d’insuffisance rénale etfaire preuve de prudence en cas d’intoxication alcooliquechronique.L’insuffisance hépatique contre-indique l’utilisation du para-cétamol, mais non la grossesse. Cet agent traverse le pla-centa et le fœtus peut le métaboliser dès 18 semaines degrossesse, avec cependant une activité de conjugaison del’ordre du dixième du foie adulte.Le propacétamol présentait l’inconvénient du risque de sen-sibilisation du personnel soignant lors de sa manipulation,et son injection était douloureuse. Avec l’introduction duparacétamol directement injectable, ce risque de sensibili-sation disparaît, et il semble que la tolérance à l’injectionsoit meilleure (4).Les doses maximales de paracétamol — oral ou parentéral —autorisées sont 60 mg/kg/24 h, et il convient de ne pasdépasser 4 g par jour.Les doses minimales reconnues efficaces sont de 15 mg/kg/6 h ; chez l’adulte, il semble que la dose de 1 g soit néces-saire. Les résultats négatifs de certaines études portant surl’efficacité du paracétamol en postopératoire pourraients’expliquer par l’emploi de doses insuffisantes (5).

Règles de prescriptionAinsi, pour obtenir une efficacité optimale du paracétamol,il convient :– d’administrer le paracétamol à des doses suffisantes ;– de l’administrer suffisamment précocement par rapport àla fin de la chirurgie ;– de répéter les administrations de manière systématiquetoutes les 4 à 6 heures pour maintenir un pic d’effet plas-matique ;– d’utiliser une voie d’administration adaptée : intravei-neuse lorsque l’absorption digestive est impossible (iléus,chirurgie digestive) ou ralentie (anesthésie aux halogé-nés, ou emploi de morphiniques en peropératoire) ; oraledès que l’alimentation peut être reprise, intrarectale chezl’enfant avant le début de l’intervention, à posologieadaptée.

EFFICACITÉ DU PARACÉTAMOL

Efficacité du paracétamol seul ou en associationParacétamol seulLe paracétamol est un antalgique non morphinique depalier 1 et peut être utilisé seul pour les douleurs faibles à

modérées. Dans la conférence de consensus de la SFAR de1997 (7), on a recommandé une approche pragmatique del’intensité et de la durée de la douleur en fonction du typede chirurgie, tout en sachant que l’intensité initiale de ladouleur ne préjuge pas de son évolution. Seuls les actes chi-rurgicaux dits « mineurs » sont peu douloureux. Ils regrou-pent la chirurgie ophtalmologique, les curetages ou IVG, lescirconcisions et la chirurgie urologique mineure, les résec-tions transurétrales de prostate et les cholécystectomiessous cœlioscopie. L’administration de paracétamol doit alorsêtre systématique, à dose suffisante, et adaptée à la situationclinique et la durée de la chirurgie.

Une étude très récente a mis en évidence une efficacité com-parable du paracétamol à la morphine intramusculaire, pourla prise en charge des douleurs après chirurgie dentaire. Leparacétamol trouve ici toute son indication, étant pratique-ment dépourvu d’effets indésirables et de risque, contraire-ment à la morphine (8).

Pour les interventions un tant soit peu plus douloureuses, leparacétamol seul ne suffit plus, et sa place devient celle d’unco-adjuvant associé à d’autres molécules analgésiques.

Paracétamol en association

Le paracétamol peut être associé à différentes molécules :

– autres antalgiques non opiacés (néfopam et AINS) ;

– opiacés faibles ou forts.

Association aux antalgiques non opiacés

Pour les actes chirurgicaux mineurs, l’association paracéta-mol-néfopam est de pratique courante, alors mêmequ’aucune donnée de la littérature ne prouve que l’analgésien’est améliorée par rapport à la prescription de chacun desagents pris isolément. Cette association reste acceptablepour les actes chirurgicaux mineurs, grevés de douleurs fai-bles à modérées, mais elle devient rapidement insuffisantedès que les douleurs sont plus importantes.

L’association paracétamol-AINS est également de pratiquecourante. Au plan expérimental, on a pu mettre en évidenceune synergie d’action avec cette association. Une analysequalitative de la littérature concernant l’efficacité analgési-que du paracétamol et des AINS en postopératoire, utilisésseuls ou en association (3), a montré que l’analgésie procu-rée par l’association paracétamol-AINS était de meilleurequalité qu’avec le seul paracétamol. Cependant, les auteurss’interrogeaient sur la réalité d’un effet additif du paracéta-mol, les résultats pouvant très bien ne s’expliquer que par lasupériorité analgésique des AINS. En effet, pour l’analgésiepostopératoire de chirurgies majeures, l’association du para-cétamol aux AINS s’est avérée plus active que le paracétamolseul mais elle n’était pas plus efficace que les AINS utilisésseuls (3). Les données à ce propos restent insuffisantes pouren tirer une conclusion définitive.

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 295Association aux opiacés faibles

Les agents concernés sont le tramadol, la codéine, et la nal-buphine.L’intérêt de l’association tramadol-paracétamol n’a jamaisété formellement démontré, même si cette association esttrès utilisée en milieu hospitalier.De nombreuses formes galéniques combinent le paracéta-mol et la codéine. Elles sont très souvent prescrites aprèsextraction dentaire. Cette association renforce une analgésieparfois insuffisante, lors d’un acte particulièrement doulou-reux, et elle peut être efficace et suffisante dans ce cas. Uneétude récente a mis en évidence une supériorité de l’analgé-sie induite par l’association paracétamol-codéine comparéeau paracétamol seul (9). En chirurgie ambulatoire où les dou-leurs attendues sont un peu plus importantes, ou aprèsextraction dentaire, l’association paracétamol-codéine estplus efficace.La nalbuphine (Nubain®) est couramment administrée pourl’analgésie postopératoire en pédiatrieou en postpartum. On lui adjoint sou-vent le paracétamol, même si le béné-fice de cette association n’a jamais étéclairement démontré. Une étudeancienne a mis en évidence un effetanalgésique équivalent de l’associationparacétamol 1 g-nalbuphine 10 mg IV,comparée à la nalbuphine seule (20 mg IV), après chirurgiegynécologique ou obstétricale (10).

Association aux opiacés forts Paracétamol et morphine

Le paracétamol diminue la consommation d’opiacés, maismoins que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).Une méta-analyse englobant 22 études randomisées en dou-ble-aveugle, incluant 2 127 patients traités par la morphineauto-administrée par voie intraveineuse en association ounon avec les AINS (11), a mis en évidence une réductionsignificative de l’incidence des nausées-vomissements posto-pératoires (odds ratio = 0,78 [IC 95 % : 0,64-0,96]), et de lasédation (odds ratio = 0,63 [IC95 % : 0,41-0,96]) lors del’association avec des AINS. Ces derniers, associés à la mor-phine, entraînent donc une épargne morphinique réelle,avec comme corollaire une diminution des effets indésira-bles de la morphine. Nous avons de même effectué uneméta-analyse portant sur l’intérêt de l’association du paracé-tamol à la morphine administrée par PCA IV en postopéra-toire, en terme de réduction des nausées-vomissementspostopératoires. Huit études de méthodologie adaptée ontpu être réunies et analysées. Le cumul des résultats a révéléune épargne morphinique significative mais faible (– 8 mg ;[– 13 mg ; – 3 mg]), sans réduction significative des effetsindésirables liés aux morphiniques (figure 1).

Le paracétamol conserve l’avantage de sa faible toxicité parrapport aux AINS, dont les contre-indications sont nombreu-ses (insuffisance rénale, antécédents d’ulcères digestifs, ano-malies de l’hémostase, etc.). Il reste donc une alternativepossible aux AINS quand ces derniers sont contre-indiqués,même s’il faut en attendre une efficacité moindre.En pratique quotidienne, quand les suites opératoires sont

considérées comme relativement outrès douloureuses, justifiant une PCAde morphine, on peut y adjoindre duparacétamol, mais rien ne prouveactuellement que cette associationdiminue les effets indésirables des mor-phiniques, ni qu’elle améliore significa-tivement la qualité de l’analgésie.

• Paracétamol -AINS - morphinePour l’analgésie postopératoire après chirurgie majeure,l’association du paracétamol aux AINS s’est avérée plus effi-cace que le paracétamol seul (5) mais pas plus que les AINSutilisés seuls.Ces résultats négatifs peuvent être dus au nombre limitéd’études disponibles. Par ailleurs, dans certaines études con-sidérées, les scores douloureux étaient très faibles, ce quirendait plus difficile la mise en évidence d’une différence.Enfin, le moment de l’administration du paracétamol variaitd’une étude à l’autre, avec donc une efficacité variable.Ainsi, dans l’état actuel des connaissances et au vu de la lit-térature, il est difficile d’affirmer l’intérêt de l’ajout du para-cétamol aux AINS pour l’analgésie postopératoire encomplément de la morphine ; un éventuel intérêt de cetteassociation reste à démontrer.• Paracétamol-néfopam-AINS-morphineIl n’existe pas d’étude à ce jour évaluant l’efficacité del’association paracétamol et néfopam, co-administrés à lamorphine. Il serait intéressant d’étudier la possibilité d’uneffet quelconque, synergique ou au moins additif, d’autantque cette association est parfois prescrite en postopéra-toire.Enfin, dans le cadre de l’analgésie multimodale, la triple asso-ciation paracétamol-néfopam-AINS est très vraisemblable-ment intéressante, mais cela reste à établir formellement.

Figure 1. Effet de l’association du paracétamol à la morphine enmode PCA sur les effets secondaires induits par les opiacés.

Odds ratio (IC 95 %) Odds ratio (IC 95 %)

NVPO 0,87 [0,53, 1,44]

Rét. urinaire 0,73 [0,28, 1,89]

Prurit 0,55 [0,24, 1,27]

Sédation 1,33 [0,69, 2,58]

Dépression resp. 0,59 [0,07, 4,62]

0,1 0,2 0,5 1 2 5 10

L’effet d’épargne du paracéta-mol sur la morphine PCA

est inférieur à 10 mg pour 24 heures.

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4296Efficacité du paracétamol « préventif » ou « curatif »Le concept d’analgésie « préventive » est d’actualité, mêmes’il reste sujet à controverse. Dans une analyse de la littéra-ture récente, Moiniche et son équipe ont tenté d’évaluerdans quelle mesure l’administration ou l’application d’untraitement antalgique avant l’événement entraînant la dou-leur, améliorait l’analgésie postopératoire (12). Différentestechniques et molécules ont pu être étudiées, notammentles AINS en préopératoire, les opiacés, les antagonistes desrécepteurs NMDA, les techniques d’anesthésie locorégio-nale telles que les rachi-anesthésies simples, péridurales oucaudales, et les infiltrations préopératoires et blocages ner-veux périphériques préopératoires. Les résultats de cetteanalyse quant à l’utilité d’une analgésie préventive restentmitigés, et décevants. Le paracétamol ne faisait pas partiedes études considérées, la seule étude le concernant ayantété exclue du fait d’une disparité de dose dans les groupesavant et après chirurgie. Dans l’état actuel de nos connais-sances, on ne peut donc pas formellement parler d’anal-gésie « préventive » avec le paracétamol. Seule, uneadministration suffisamment précoce par rapport à la fin dela chirurgie, permettant un pic plasmatique efficace aumoment du réveil, semble justifiée.

COÛT

Le coût d’1 g de Perfalgan® est de 1,677 euros HT pour lescollectivités hospitalières, sans compter le coût de la tubu-lure, ni le temps de l’acte infirmier pour mettre en place etsurveiller une telle perfusion. Le paracétamol oral (Doli-prane®) est gratuit dans les hôpitaux de l’Assistance Publi-que, et son coût global s’élève à 0,020 euro les 500 mg, soit0,040 euros le gramme, posologie usuelle. Le paracétamolinjectable est donc 40 fois plus cher que la forme orale ; ilconvient donc de convertir le traitement intraveineux enadministration orale dès que possible.

CONCLUSION

Du fait de sa quasi innocuité, et de son efficacité analgési-que réelle, même si son mécanisme est encore mal compris,le paracétamol constitue une molécule intéressante pour laprise en charge de la douleur postopératoire.

Il convient cependant de respecter quelques règles de pres-criptions pour s’assurer d’une efficacité optimale, à savoirun mode d’administration adapté, à posologie adaptée, aumoment adapté. Le paracétamol permet ainsi, pour lesactes chirurgicaux mineurs entraînant des douleurs faiblesà modérées, une analgésie suffisante qui rend inutile et dan-gereux le recours aux opiacés.

En revanche, dans la chirurgie majeure, même si la littéra-ture comporte quelques controverses, il n’est pas possibleà l’heure actuelle, d’affirmer que le paracétamol est utile enassociation aux morphiniques, dans le but d’en diminuer lesdoses et donc les risques.

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Tirés à part : Camille RÉMY,Département d’Anesthésie,

Hôpital Cantonal de Genève,24 rue Micheli du Crest, CH 1211 Genève 14

Suisse.