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QUESTIONS PRATIQUES SUR L OBLIGATION DINFORMATION EN RESPONSABILITÉ MÉDICALE Mai 2011

QUESTIONS PRATIQUES SUR L OBLIGATION D INFORMATION EN

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QUESTIONS PRATIQUES

SUR L’OBLIGATION

D’INFORMATION

EN RESPONSABILITÉ MÉDICALE

Mai 2011

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S O M M A I R EPRÉAMBULE 3

PARTIE I - LES PRINCIPES DE L’INFORMATION 5

A - QUI EST TENU DE DÉLIVRER L’INFORMATION 7

B - À QUI DOIT-IL LA DÉLIVRER 8

1 – AU PATIENT 8

2 – AU MINEUR ET AU MAJEUR SOUS TUTELLE 8

3 – À LA FAMILLE ET AUX PROCHES DU PATIENT 9

4 – À LA PERSONNE DE CONFIANCE 10

C - SUR QUOI PORTE L’INFORMATION 10

D - COMMENT EST DÉLIVRÉE L’INFORMATION 13

E - QUAND EST DÉLIVRÉE L’INFORMATION 13

1 – AVANT L’ACTE MÉDICAL 13

2 – APRÈS L’ACTE MÉDICAL 14

PARTIE II - LES DÉROGATIONS LÉGALES 17

PARTIE III - GÉRER LES RÉCLAMATIONS 21

A - LA PROBLÉMATIQUE DE LA PREUVE 23

B - LA SANCTION DU DÉFAUT D’INFORMATION 24

1 – LA NOTION DE PERTE DE CHANCE 24

2 – LE LIEN DE CAUSALITÉ 25

3 – LA NATURE DU PRÉJUDICE INDEMNISABLE : VERS UN PRÉJUDICE MORAL ? 25

BIBLIOGRAPHIE 27

ANNEXES

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Le devoir de conseil est de l’essence même des professions libérales, les praticiens de l’art médical y étantd’autant plus soumis.

La notion actuelle d’obligation d’information qui incombe à tout praticien médical est issue d’arrêts pré-curseurs dont l’arrêt Thouret-Noroy (Chambre des Requêtes, 18 juin 1835) qui a rendu applicable auxmédecins les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code Civil ou le célèbre arrêt Mercier (Cour de cas-sation, chambre civile, 20 Mai 1936) qui a substitué un fondement contractuel au fondement délictuel dela responsabilité médicale. L’obligation d’information constitue à ce titre le préalable nécessaire à l’obten-tion d’un consentement éclairé qui est une condition de validité de toute relation contractuelle. Il constitueégalement une continuité et une partie intégrante de la déontologie médicale.

L’obligation d’information a pour but d’informer le patient sur les risques de sa maladie, les traitements envi-sagés et les risques qu’ils comportent (Chambre des Requêtes de la Cour de cassation, 28 Janvier 1942,Teyssier). L’arrêt Teyssier est considéré par la doctrine comme fondateur de l’éthique médicale en ce qu’il aimposé au praticien, avant toute intervention, l’obligation d’obtenir du patient un consentement libre etéclairé. Le non respect de cette obligation constitue un manquement aux obligations déontologiques du pra-ticien.

Parallèlement à cet aspect juridique, l’exercice de la médecine a toujours été marqué par d’importantes exi-gences morales illustrant le traditionnel « humanisme médical ». Ainsi, le Code de déontologie médicale,dans son article 35 (désormais article R.4127-35 du CSP) énonce que « le médecin doit à la personne qu’ilexamine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investi-gations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patientdans ses explications et veille à leur compréhension… ».

Enfin, la loi n° 2002-404 du 4 mars 2002 sans pour autant modifier fondamentalement les contours de l’o-bligation d’information l’a entérinée dans son article L.1111-2 du CSP et l’a inclus de manière assez sym-bolique dans le titre relatif « aux droits des personnes malades et aux usagers du système de santé ».

L’information une fois délivrée ne décharge pas pour autant le praticien d’une possible mise en cause en casde faute. En effet, respecter la délivrance de l’obligation ne saurait s’analyser comme une exonération detoute responsabilité, le consentement du patient valablement informé des risques n’équivalant pas à uneacceptation de la réalisation de ces risques. En effet, même si le patient a consenti à l’opération alors qu’ilétait mal informé, il reste en droit de demander une indemnisation. De plus, même si le patient a été cor-rectement informé des risques et a donné son consentement à l’intervention ou au traitement, cela n’exo-nère pas le médecin de sa responsabilité.

La plupart du temps, la demande d’indemnisation du patient pour défaut d’information est subsidiaire à unefaute technique. Il peut s’agir soit d’un défaut d’information sur une faute technique, soit sur un aléa, soitd’un défaut d’information doublé d’une faute technique ou d’un aléa. Mais il peut aussi s’agir d’une miseen cause pour défaut d’information uniquement.

Ce document, qui n’a pas vocation à être exhaustif, se veut constituer pour le régleur un outil pratique rela-tant les contours de l’obligation d’information due au patient et une partie des réponses en cas de manque-ment à cette obligation.

PRÉAMBULE

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PARTIE I

LES PRINCIPES DE L’INFORMATION

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LES PRINCIPES DE L’INFORMATION

Cette information a pour but de permettre au patientde prendre « avec le professionnel de santé, etcompte tenu des informations et des préconisationsqu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé ».(Article L. 1111-4 CSP).

A - QUI EST TENU DE DÉLIVRER L’INFORMATION (LE DEBITEUR)

En application de l’article L 1111-2 al 2 CSP, « Cetteinformation incombe à tout professionnel de santédans le cadre de ses compétences et dans le respectdes règles professionnelles qui lui sont applicables.»

Les professionnels de santé concernés sont lesmédecins, les chirurgiens dentistes, les sages-fem-mes, les pharmaciens et préparateurs en pharmacie,les infirmiers (ères), les masseurs-kinésithérapeuteset les pédicures-podologues, les ergothérapeutes etpsychomotriciens, les orthophonistes et orthoptis-tes, les manipulateurs d’électroradiologie médicale,les audioprothésistes, les opticiens-lunetiers, lesdiététiciens(nes) (code de la Santé publique).

Toutes les professions de santé encadrées par lecode de la santé publique sont ainsi concernées,dans leur domaine de compétence et de délégation.S’agissant plus particulièrement des ostéopathes,ces derniers sont désormais considérés comme desprofessionnels de santé par la loi du 4 mars 2002.De plus, leur charte de qualité des soins stipulequ’ils doivent à leur patient la délivrance d’une « information complète sur le diagnostic, les soinsqu’ils préconisent et le pronostic ».

Le devoir d’information pèse aussi bien sur le méde-cin prescripteur que sur celui qui réalise la pres-cription (Cass, civ 1ère, 14 octobre 19971).

Le médecin ne peut pas se décharger de l’informa-tion sur un autre praticien (Cass, 1ère civ, 31 mai

2007, n°06-18262) : la Cour de cassation souligneque chaque médecin est tenu, même en cas de plu-ralité d’intervenants, d’une information personnelle.Le médecin ne saurait se décharger de son obliga-tion sur un confrère, même prescripteur d’un exa-men identique sur le patient. A fortiori il ne doit paspouvoir non plus se décharger de cette obligationpersonnelle sur sa secrétaire ou toute autre person-ne du service.

Les établissements de santé, qu’il s’agisse d’établis-sements publics ou privés sont également débiteursd’une obligation d’information, dont il leur incom-be de rapporter la preuve de la délivrance et ce, partous moyens.

La jurisprudence a également dégagé, à la chargedes établissements de soins et dans le cadre ducontrat qui les lie à leurs patients, une obligation debonne organisation des soins qui les oblige àemployer un personnel suffisamment qualifié. Uneclinique manque ainsi à ses obligations à l’égard dupatient en laissant un médecin pratiquer des opéra-tions relevant de la chirurgie esthétique, sans véri-fier s’il disposait des compétences requises en cedomaine (Cass, 1ère civ, 11 juin 20092).

De même, la clinique est redevable envers sespatients d’une obligation d’information quant auxprestations qu’elle assure. En effet, la Cour de cas-sation a censuré l'arrêt d’appel qui, pour dire qu'u-ne clinique n'est pas responsable du préjudice subipar un enfant né avec une paralysie du bras à lasuite d'un accouchement dystocique, énonce quecette dernière n'est pas tenue de mettre à la dispo-sition des patientes des obstétriciens en permanen-ce en salle d'accouchement, ni de les avertir qu'el-le ne dispose pas de ce service permanent. La Courde cassation a estimé bien au contraire, que la cli-nique, liée à ses patients par un contrat d’hospitali-sation et de soins est tenue à leur égard d’une obli-

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1 N° 95-19609.2 Dalloz 2010 n° 6 p 363, n° 08-10642.

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gation de renseignement concernant les prestationsqu’elle est en mesure d’assurer (Cass, 1ère civ, 14octobre 19973).

B - À QUI DOIT-IL LA DÉLIVRER (LEBÉNÉFICIAIRE)

1. AU PATIENT

Selon l’article L. 1111-2 al 3 et 6 du CSP : « Cetteinformation est délivrée au cours d'un entretienindividuel » (art L. 1111-2 al 3). « Des recomman-dations de bonnes pratiques sur la délivrance del'information sont établies par l'Agence nationaled'accréditation et d'évaluation en santé et homo-loguées par arrêté du ministre chargé de la santé. »(art L. 1111-2 al 6).

2. AU MINEUR ET AU MAJEUR SOUS TUTELLE

Selon les dispositions de l’article L. 1111-2 CSP al 5du CSP : « Les droits des mineurs ou des majeurssous tutelle mentionnés au présent article sont exer-cés, selon les cas, par les titulaires de l'autorité paren-tale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l'informationprévue par le présent article, sous réserve des dispo-sitions de l'article L. 1111-5. Les intéressés ont ledroit de recevoir eux-mêmes une information et departiciper à la prise de décision les concernant,d'une manière adaptée soit à leur degré de maturités'agissant des mineurs soit à leurs facultés de discer-nement s'agissant des majeurs sous tutelle.»

Par ailleurs, en application des dispositions de l’ar-ticle L. 1111-5 du CSP : « Par dérogation à l'article371-2 du code civil, le médecin peut se dispenserd'obtenir le consentement du ou des titulaires del'autorité parentale sur les décisions médicales àprendre lorsque le traitement s'impose pour sauve-garder la santé d'une personne mineure, dans le casoù cette dernière s'oppose expressément à laconsultation du ou des titulaires de l'autorité paren-tale afin de garder le secret sur son état de santé.Toutefois, le médecin doit dans un premier tempss'efforcer d'obtenir le consentement du mineur àcette consultation. Dans le cas où le mineur main-tient son opposition le médecin peut mettre enœuvre le traitement ou l'intervention. Dans ce cas,le mineur se fait accompagner d'une personnemajeure de son choix.

« Lorsqu'une personne mineure, dont les liens defamille sont rompus, bénéficie à titre personnel duremboursement des prestations en nature de l'assu-rance maladie et maternité et de la couverture com-plémentaire mise en place par la loi n° 99-641 du27 juillet 1999 portant création d'une couverturemaladie universelle, son seul consentement estrequis ».

• Le mineur

Depuis la loi du 4 mars 2002, l'information doit êtredélivrée aux titulaires de l'autorité parentale ou aututeur afin d'obtenir leur consentement à l'actemédical. Cependant la loi accorde une importanceparticulière au respect de la volonté des mineurs etdes majeurs sous tutelle qui ont également le droitde recevoir une information et de participer à laprise de décision concernant leur santé d'unematière adaptée à leur degré de discernement.

Dans le cas particulier d'un acte nécessaire poursauvegarder la santé du mineur, si celui-ci s'opposeexpressément à ce que les titulaires de l'autoritéparentale soient informés, le médecin est tenu ausecret. Dans ce cas, le médecin peut effectuer l'ac-te de son propre chef après s'être efforcé d'obtenirle consentement du mineur et celui-ci doit êtreaccompagné d'une personne majeure.

• La personne vulnérable

L'information et l'obtention du consentement auxsoins médicaux peuvent s’avérer difficiles chez lespersonnes présentant une altération de compréhen-sion ou de discernement. En effet, chez ces person-nes, qu’elles bénéficient ou non d'une mesure deprotection judiciaire, l'étape fondamentale est l'é-valuation par le médecin de la capacité de compré-hension du patient et de sa faculté de discernementvis-à-vis du consentement aux soins.

Cette évaluation est un préalable nécessaire à ladélivrance d’une information adaptée et au recueildu consentement aux actes médicaux. Il n’existepas de critère ou de paramètres simples permettantde s’assurer que l’information a été correctementcomprise par le patient, car si certaines personnesvulnérables bénéficient d’une protection judiciaire(sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle, d’aut-res peuvent être considérées comme vulnérables

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3 N° 95-21.390.

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sans pour autant faire l’objet d’une protection judi-ciaire.

Bien que la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 « por-tant réforme de la protection juridique desmajeurs», mise en application le 1er janvier 2009 aitmodifié les dispositions préexistantes en matière deprotection des majeurs, s’agissant du recueil duconsentement aux soins, le régime de la sauvegardede justice et de la curatelle n’a aucune incidenceparticulière sur le recueil du consentement dupatient.

La tutelle, quant à elle est une mesure de protectionplus complète. Dès lors, une attention particulièredoit être portée sur les capacités de compréhensionet de discernement de la personne. La prise en char-ge médicale est davantage dépendante de l’évalua-tion des facultés que de la nature juridique de lamesure de protection : si le patient est suffisamment« capable » pour comprendre et consentir, il pren-dra seul les décisions concernant sa santé. Si aucontraire ses facultés sont considérablement alté-rées, et que des actes thérapeutiques nécessaires eturgents doivent être effectués ou une interventionlourde programmée, en ce cas, le juge des tutellesprendra alors les mesures qui s’imposent.

La loi du 5 mars 2007 prévoit par ailleurs des mesu-res nouvelles d’accompagnement judiciaire (MAJ)ou d’accompagnement social personnalisé (MASP)qui visent à aider les personnes à gérer les presta-tions sociales et qui n’interviennent pas en tant quetelles dans l’information ou le consentement auxsoins médicaux.

La loi dispose également que le curateur et le tuteurdoivent être de préférence choisis parmi les procheset c’est bien en tant que « proches » ou membres dela famille que ceux-ci ont généralement un rôle, etnon pas en raison du statut juridique tenant à lamesure de protection.

3. A LA FAMILLE ET AUX PROCHES DU PATIENT

Il n’existe actuellement pas de définition légale des« proches ». Certains textes légaux permettent unepremière approche, par exemple les articles R. 4127-35 et R.4127-36 du CSP qui disposent :

« Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'ilsoigne ou qu'il conseille une information loyale, clai-re et appropriée sur son état, les investigations et lessoins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, iltient compte de la personnalité du patient dans sesexplications et veille à leur compréhension.Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-7, dans l'intérêt du malade et pour des rai-sons légitimes que le praticien apprécie en cons-cience, un malade peut être tenu dans l'ignoranced'un diagnostic ou d'un pronostic graves, sauf dansles cas où l'affection dont il est atteint expose lestiers à un risque de contamination.Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec cir-conspection, mais les proches doivent en être pré-venus, sauf exception ou si le malade a préalable-ment interdit cette révélation ou désigné les tiersauxquels elle doit être faite. » (Art. R.4127-35 CSP). « Le consentement de la personne examinée ou soi-gnée doit être recherché dans tous les cas.Lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté,refuse les investigations ou le traitement proposés, lemédecin doit respecter ce refus après avoir informéle malade de ses conséquences.Si le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, lemédecin ne peut intervenir sans que ses prochesaient été prévenus et informés, sauf urgence ouimpossibilité.Les obligations du médecin à l'égard du patientlorsque celui-ci est un mineur ou un majeur protégésont définies à l'article R. 4127-42. » (Art. R.4127-36CSP). Pas plus que les textes, la jurisprudence n’a défini lanotion de « proche ». Seul un arrêt rendu par laChambre criminelle de la Cour de cassation, dansun tout autre domaine a retenu que « la qualité deproches de la victime ne résulte pas nécessairementet automatiquement du lien familial ». (Cass, crim,27 mars 20084).

Néanmoins, l’information est principalement desti-née au patient, comme l’a rappelé la premièreChambre civile de la Cour de cassation dans unarrêt rendu le 6 décembre 2007 (Cass, 1ère civ, 6décembre 20075). Cet arrêt rappelle que le méde-cin n’a pas à informer la famille dès lors que lepatient est en état de donner son consentement. Enl’espèce, un patient est décédé à la suite d'une opé-ration chirurgicale. Sa famille reprochait au chirur-

LES PRINCIPES DE L’INFORMATION

4 N°07-85076.5 N° 06-19301.

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gien un manquement à son obligation d'informationsur les risques de complications. La cour d'appel ajugé que le défaut d'information n'a pas fait perdreau patient une chance de ne pas subir la pathologiedont il a été atteint. Toutefois, elle condamne le chi-rurgien à payer aux ayants droit une indemnité enréparation de leur préjudice moral au motif que lepréjudice de la veuve et du fils de la victime auraitété moindre s'ils avaient été avisés des risquesencourus. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appelau motif d'une part que le patient étant en mesurede recevoir l'information et de consentir de façonéclairée aux soins proposés, le médecin n'avait pasà donner l'information litigieuse à l'entourage fami-lial. D'autre part, le seul préjudice indemnisable àla suite du non-respect de l'obligation du médecin,laquelle a pour objet d'obtenir le consentementéclairé du patient, est la perte de chance pour cepatient d'échapper au risque qui s'est finalementréalisé.

4. A LA PERSONNE DE CONFIANCE

Trouvent ici à s’appliquer les dispositions de l’arti-cle L. 1111-6 du CSP :« Toute personne majeure peut désigner une per-sonne de confiance qui peut être un parent, un pro-che ou le médecin traitant, et qui sera consultée aucas où elle-même serait hors d'état d'exprimer savolonté et de recevoir l'information nécessaire àcette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle estrévocable à tout moment. Si le malade le souhaite,la personne de confiance l'accompagne dans sesdémarches et assiste aux entretiens médicaux afinde l'aider dans ses décisions.

Lors de toute hospitalisation dans un établissementde santé, il est proposé au malade de désigner unepersonne de confiance dans les conditions prévuesà l'alinéa précédent. Cette désignation est valablepour la durée de l'hospitalisation, à moins que lemalade n'en dispose autrement. »

La loi du 4 mars 2002 a créé la notion juridique depersonne de confiance, que toute personne majeu-re peut désigner (parent, proche ou médecin trai-tant) en cas d’hospitalisation. L’établissement desoins doit alors en rappeler la possibilité.

Le rôle de la personne de confiance est particulière-ment important lorsqu’un patient présente une alté-ration de ses facultés de discernement, car elle va

pouvoir l’accompagner dans sa démarche deconsentement aux soins médicaux, l’assister dansses décisions et le représenter lorsque celui-ci esthors d’état d’exprimer sa volonté. Le médecin peutainsi délivrer à la personne de confiance désignéeles informations sur l’état de santé et les investiga-tions ou les soins qui sont préconisés pour le patient.La personne de confiance pourra ainsi jouer le rôled’un relais vis-à-vis du patient, en lui expliquantéventuellement la situation de manière plus com-préhensible et plus adaptée. Si le patient devientinapte à exprimer son consentement, la personne deconfiance doit être consultée avant tout acte médi-cal, en particulier en cas de limitation ou d’arrêt detraitement de nature à mettre en jeu la vie du patient.

La personne de confiance joue un rôle traditionnel-lement dévolu à la famille et aux proches mais du faitde l’évolution de la société, certaines personnes setrouvent isolées. La personne de confiance ayant étéchoisie par le patient, elle dispose de certaines pré-rogatives : ses avis qui sont censés traduire au mieuxles valeurs et les opinions du patient ont en effet apriori davantage de poids que ceux qui seraientexprimés par la famille ou les proches, même si ellene donne pas un réel consentement, seulement unavis. Il semblerait que le législateur ait voulu donnerau médecin confronté à une telle situation une cer-taine liberté d’appréciation, lui permettant de donnerles soins nécessaires à une personne hors d’état d’ex-primer sa volonté et cela, même si des avis contrai-res, non pertinents, sont exprimés par l’entourage. Ilest recommandé de consigner par écrit le résultat dela consultation de la personne de confiance dans ledossier médical du patient.

C- SUR QUOI PORTE L’INFORMATION(LE CONTENU)

L’article L. 1111-2 al 1 du CSP définit le contenu decette information :« Cette information porte sur les différentes investi-gations, traitements ou actions de prévention quisont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle,leurs conséquences, les risques fréquents ou gravesnormalement prévisibles qu'ils comportent ainsique sur les autres solutions possibles et sur lesconséquences prévisibles en cas de refus. »

• L’information porte sur les actes d’investigation,de soins, de prévention soit l’ensemble des actesmédicaux.

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• L'opportunité de l'acte doit être expliquée (utilitéde l'acte, urgence, risques, autres solutions possi-bles, conséquences d'un refus).

• Les risques sur lesquels le malade doit être infor-mé sont définis :

- ce sont les risques fréquents ou graves norma-lement prévisibles. En ce qui concerne lesrisques graves, à défaut de définition précisedonnée par le législateur, il convient de se réfé-rer à la définition qu'en avait donnée leConseiller Pierre Sargos dans son rapport devantla première chambre civile de la Cour de cassa-tion en date du 14 octobre 1997. Celle-cidemeure toujours d’actualité ; ce sont desrisques : « de nature à avoir des conséquencesmortelles, invalidantes ou même esthétiquesgraves compte tenu de leurs répercussionspsychologiques ou sociales ».

- Rappelons que la Cour de cassation et leConseil d'Etat, par des arrêts du 7 octobre 1998et du 5 janvier 2000 avaient affirmé que lemédecin n'était pas dispensé de cette obligation« par le seul fait que ces risques graves ne seréalisent qu'exceptionnellement » (Cass, 1ère civ.7 octobre 19986, et C.E. 5 janvier 20007),

- S’agissant du Conseil d’État, celui-ci a de plusprécisé que l’obligation d’information vise éga-lement les risques graves temporaires (C.E, 30mars 20098, confirmé par la suite, notammentCE. 9 Juillet 20109).

• Le contenu de l’information pourra être fixé parle juge en référence aux règles professionnellesou encore aux recommandations des sociétéssavantes applicables au professionnel de santéconcerné : respect du code de déontologie médi-cale pour le médecin, mais aussi respect de leurspropres règles déontologiques par les autres pro-fessionnels de santé (sage-femmes, infirmières,kinésithérapeutes, etc).

• L’information est également due sur l’ensembledes risques liés à la thérapeutique employée, etsur le risque d’échec. On se trouve ici à la limitede l’obligation de moyens du médecin.

Précisions

• Le coût de l’acte (art. L. 1111-3 CSP)- doit être fourni par l’établissement de santé à la

demande du patient,- doit être donné obligatoirement par le praticien

libéral avant tout acte ainsi que ses conditionsde remboursement par l’assurance maladie(ceci est également valable pour les consulta-tions en secteur privé hospitalier).

• Dans le cas de la chirurgie esthétique (art. L.6322-2) celui-ci doit donner des informations sur :- les conditions de l’intervention,- les risques éventuels, conséquences et compli-

cations,- les tarifs pratiqués (devis),- l’existence d’un délai de réflexion laissé au

patient.

• En pratique, quel est le contenu actuel de l’obli-gation d’information ?

Les professionnels s’inquiétant sur les modes depreuve, le Conseil National de l’Ordre des Médecinsa développé des fiches d’information à destinationdes médecins et des patients. La nécessité d’informersemble désormais faire partie intégrante de la rela-tion médicale, même si ses modalités d’applicationdemeurent variées et que sont constatées des dispa-rités dans sa mise en œuvre. Il ressort que les prati-ciens utilisent deux supports différents : dans un pre-mier temps, un document écrit d’information estremis au patient, et dans un second temps, le prati-cien reçoit son patient pour l’informer, ou du moinsadapter l’information. Cela étant, et conformément àl’application des textes de loi, le support écrit nepeut être qu’un support à l’information, puisquecette dernière doit être délivrée au cours d’un entre-tien individuel avec le praticien.

Lorsqu’il existe, un protocole écrit démontre l’atten-tion du service portée à l’information et assure éga-lement une certaine traçabilité. L’existence d’unefiche d’information permet également de recenserl’ensemble des risques, même si rien n’oblige àcommuniquer au patient un tel support, ce quiimplique que finalement certains patients reçoivent

LES PRINCIPES DE L’INFORMATION

6 J.C.P. 1998, II, 10179.7 J.C.P. 2000, II, 10271, n° 181899.8 N°301082.9 N°316182.

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une information sur les risques exceptionnels alorsque d’autres non.

Une harmonisation du contenu de cette informationne pourrait être que bénéfique.

• Le cas particulier du risque nosocomial

La Cour de cassation a apporté quelques précisionsen la matière par un arrêt du 8 avril 201010. Les faitssont les suivants : un patient a été atteint d'unearthrite septique du genou après que son médecin yeut pratiqué une infiltration intra-articulaire. Ayantcontracté une infection nosocomiale, il assignait enresponsabilité son médecin. En appel, la demandedu patient était rejetée. Sans preuve d'un « défautfautif » du praticien dans la réalisation de l'actemédical, il ne peut être reproché à ce dernier den'avoir pas informé le patient d'un risque qui n’é-tait pas lié à l'intervention préconisée.Un pourvoi en cassation était formé. La 1ère cham-bre civile de la Cour de cassation, au visa de l'arti-cle L. 1111-2 du code de la santé publique cassel'arrêt qui lui est déféré, aux motifs que : « En pré-sence d'un risque d'infection nosocomiale scientifi-quement connu comme étant en rapport avec cetype d'intervention, la cour d'appel ne peut se fon-der sur la seule absence de faute du praticien dansla réalisation de celle-ci pour déterminer la teneurde son devoir d'information ».

• Une particularité concernant la chirurgie esthé-tique

Dans un tel domaine, l’information se doit d’êtreexhaustive. Le patient doit en effet pouvoir compa-rer les bienfaits espérés et les risques encourus.C’est pourquoi l’information doit être intégrale en lamatière : les risques prévisibles, comme les cicatri-ces ainsi que les risques graves, mêmes exception-nels, et les risques d’échec de l’opération doiventêtre abordés par le médecin.

• Les recommandations de la Haute Autorité deSanté

L’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluationen Santé (devenue Haute Autorité de Santé) apublié un certain nombre de recommandationsdestinées aux médecins sur l’information despatients. Ces recommandations rappellent le

contexte historique et juridique de l’obligationd’information, ce qu’elle recouvre (renseigne-ments, faits, appréciation individuelle du patientdans sa particularité), en prenant bien en comptel’importance de fournir des informations adaptées àla situation propre du patient. Le document donnedes indications sur le contenu de l’information « loyale, claire et appropriée » et ses limites (urgen-ce, impossibilité ou refus du patient). Sont égale-ment traités le contenu et les modalités de preuvede l’information.Certaines sociétés savantes renvoient à ces recom-mandations, la Société Française de Radiologie parexemple, d’autres émettent à l’intention de leursadhérents des recommandations plus ciblées enfonction de la profession exercée. Ainsi, par exem-ple, la SFAR se penche sur le contenu de l’informa-tion dans ses principes généraux : « Quand la déci-sion d'intervenir est prise et la technique anesthé-sique fixée, le patient et/ou ses proches en sontinformés. Cette information a pour but d'éclairer lepatient sur l'acte anesthésique projeté, d'obtenir sonconsentement et de répondre à ses éventuellesquestions. »L'information doit être simple, intelligible et loyale.Elle ne peut être exhaustive. Elle doit cependantpermettre d'éviter tout malentendu et aider lepatient à comprendre l'objectif médical poursuivi etles procédures qui lui sont proposées.Le devoir d'information persiste tout au long de lapériode périopératoire, notamment lors de la sur-venue d'éventuelles complications. Des recomman-dations à la fois générales et à visée très pratique,puis des informations spécifiques à chaque tech-nique et intervention possibles sont par la suitedétaillées. Le document indique également qu’une informa-tion doit être donnée sur les suites prévisibles ethabituelles de l’acte chirurgical et également surla douleur et les techniques analgésiques. Ledocument traite enfin des informations complé-mentaires concernant les cas particuliers (traite-ments en cours, prévention de maladie throm-boembolique …)

• La prescription médicamenteuse nécessitant uneinformation

La responsabilité du médecin prescripteur peut êtreengagée sur le fondement de l’obligation d’infor-mation.

LES PRINCIPES DE L’INFORMATION

10 N°08-21058.

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En application de l’article L1111.2 du CSP précité,le médecin est débiteur d’une information avanttoute prescription. L’article R.4127-34 du CSP luiimpose de « formuler ses prescriptions avec toute laclarté indispensable, veiller à leur compréhensionpar le patient et son entourage et s'efforcer d'enobtenir la bonne exécution. »Pour être délivré en France, un médicament doitbénéficier d’une Autorisation de Mise sur le Marché(AMM), délivrée par les autorités sanitaires pour uneou plusieurs indications thérapeutiques précisesque tout médecin se doit de respecter. L’actualitéamène à se pencher sur les problèmes posés en casde prescription hors AMM (ex. : affaire duMédiator). Dans un tel cas, l’information revêt uneimportance particulière et se trouve renforcée. Lemédecin doit clairement informer le patient ducaractère hors AMM de la prescription, du fait quele médicament n’a pas d’AMM pour l’indicationthérapeutique pour laquelle il le prescrit et des rai-sons pour lesquelles il fait quand même le choix decette thérapeutique. Il doit informer sur les alterna-tives thérapeutiques existantes et les éventuels effetsindésirables.

D - COMMENT EST DÉLIVRÉE L’INFORMATION

• L’information doit être délivrée au cours d’unentretien individuel : c’est donc le praticien lui-même qui doit informer le patient, au cours d’unentretien.

• Lorsque le praticien qui a vu le patient au coursd’un entretien individuel est indisponible (anes-thésiste, obstétricien), celui qui exécute l’actedevra s'enquérir du contenu de l'information et lacompléter le cas échéant.

• Le praticien qui exécute un acte prescrit par unautre est tenu du même devoir d’information.

• En cas d’obligation d’information due à un patientqui, de par sa profession dans le milieu médicalne peut ignorer l’existence d’une obligation d’in-formation, il est parfois admis que ce fait allègel’obligation d’information entre professionnels(Tribunal administratif de Montpellier, 23 février2000, confirmé par C.A.A. Marseille, 29 novem-

bre 200411). Il s’agissait en l’espèce d’une obliga-tion d’information liée à la pratique d’une amnio-centèse ; la patiente étant infirmière et son marimédecin généraliste, la cour a estimé qu’ « évo-luant dans le milieu médical, ils ne pouvaientméconnaitre les risques inhérents à un examenaussi courant que l’amniocentèse. »

• La 1ère chambre civile de la Cour de cassation s’estégalement prononcée en ce sens par une décisionen date du 14 octobre 199712. Dans les faits, unepatiente est décédée d’une embolie gazeuse à lasuite d’une cœlioscopie visant à déterminer lescauses de sa stérilité. Un défaut d’information étaitreproché au médecin. La Cour de cassation confir-me la décision des juridictions du fond et aprèsavoir rappelé que l’obligation d’information pèseaussi bien sur le médecin prescripteur que surcelui qui réalise la prescription, estime qu'il existeun ensemble de présomptions démontrant que lapatiente était informée du risque grave d'emboliegazeuse inhérent à la cœlioscopie, informationqui peut se faire par tous moyens. La cour relèveque « la patiente exerçait la profession de laboran-tine dans l’établissement dans lequel a été prati-quée la cœlioscopie et avait eu divers entretiensavec son médecin, pris sa décision après un tempsde réflexion très long, et manifesté de l’hésitationet de l’anxiété avant l’opération. » De l’ensemblede ces présomptions la cour a pu déduire que lapatiente avait été informée des risques d’emboliegazeuse.

Cette position doit cependant être nuancée dans lamesure où certaines autres décisions, notammentau fond, adoptent une solution contraire.

• L’information se doit d’être loyale, claire etappropriée à l’état du patient (article 35 du codede déontologie médicale, désormais codifié dansle CSP sous l’article 4127-35). Elle ne saurait êtreexhaustive, mais elle doit cependant permettre aupatient de comprendre les risques liés aux soinsrendus nécessaires par l’objectif médical poursui-vi. Les risques à préciser sont les risques réels etprécis, inhérents au type d’intervention, uneinformation trop large n’est pas acceptée par lajurisprudence : « La remise par un médecin à sonpatient d’un document libellé en termes très géné-raux ne contenant aucune précision quant à la

LES PRINCIPES DE L’INFORMATION

11 N°00MA01072.12 N°95-19609.

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LES PRINCIPES DE L’INFORMATION

nature des complications et des risques effective-ment liés à l’intervention et nécessairementconnus du médecin, ne peut constituer une infor-mation conforme aux exigences légales etjurisprudentielles. » (C.A Toulouse, 25 octobre201013).

E - QUAND EST DÉLIVRÉE L’INFORMATION

1 - AVANT L’ACTE MEDICAL

En application de l’article L.1111-2 du CSP :« Toute personne a le droit d'être informée sur sonétat de santé. Cette information porte sur les diffé-rentes investigations, traitements ou actions de pré-vention qui sont proposés, leur utilité, leur urgenceéventuelle, leurs conséquences, les risques fréquentsou graves normalement prévisibles qu'ils compor-tent ainsi que sur les autres solutions possibles et surles conséquences prévisibles en cas de refus.Lorsque, postérieurement à l'exécution des investi-gations, traitements ou actions de prévention, desrisques nouveaux sont identifiés, la personneconcernée doit en être informée, sauf en cas d'im-possibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel desanté dans le cadre de ses compétences et dans lerespect des règles professionnelles qui lui sont appli-cables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'infor-mer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entre-tien individuel. La volonté d'une personne d'être tenue dans l'igno-rance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit êtrerespectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à unrisque de transmission. (...)Des recommandations de bonnes pratiques sur ladélivrance de l'information sont établies par laHaute Autorité de santé et homologuées par arrêtédu ministre chargé de la santé. »Certaines sociétés savantes ont également émis desrecommandations à l’usage de leurs adhérents.

• Recommandations de la Société Françaised’Anesthésie et Réanimation (SFAR). La SFAR amis en ligne sur son site internet, et ce depuis1991 un dossier intitulé « Réflexions sur l’infor-mation et le consentement du patient en anesthé-

sie réanimation », mis à jour en juin 2010. LaSFAR conseille : « Lors d'interventions program-mées, pratiquées ou non dans un contexte ambu-latoire, l'interrogatoire, l'examen et l'informationne doivent pas avoir lieu dans l'instant qui précè-de l'anesthésie ».

Ces recommandations détaillent l’information dupatient lors d’une consultation préanesthésique,recommandant qu’une telle consultation, dans lecadre d’une intervention programmée, puisse avoirlieu « à distance de l’intervention », estimant que « lorsque la consultation n'a lieu que la veille de l'in-tervention, le consentement n'est plus réellement libre,mais sous la contrainte de la décision chirurgicale. » (laSFAR recommandait déjà en 1991 que la consultationpréanesthésique ait lieu « à distance de l'acte ».).

• Par ailleurs, le décret n° 94-1050 du 5 décembre1994 impose que la consultation préanesthésique,« lorsqu'il s'agit d'une intervention programmée »,ait « lieu plusieurs jours avant l'intervention ».

2 – APRES L’ACTE MEDICAL

a – L’information sur le dommage

Elle découle des dispositions de l’article L. 1142-4du CSP : « Toute personne victime ou s'estimant victime d'undommage imputable à une activité de prévention,de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si lapersonne est décédée, ou, le cas échéant, son repré-sentant légal, doit être informée par le professionnel,l'établissement de santé, les services de santé oul'organisme concerné sur les circonstances et lescauses de ce dommage.Cette information lui est délivrée au plus tard dansles quinze jours suivant la découverte du dommageou sa demande expresse, lors d'un entretien aucours duquel la personne peut se faire assister parun médecin ou une autre personne de son choix. »

Cet article de loi est inséré sous la section 2 du cha-pitre II du Titre IV de la première partie du Code dela Santé Publique consacré à la réparation desconséquences des risques sanitaires. Cette informa-tion permettra au patient de prendre sa décision entoute connaissance de cause. L’information doitporter sur le risque qui peut être générateur de pré-judices, sur les risques potentiels, hypothétiques ouéventuels.

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13 N°10/01705.

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LES PRINCIPES DE L’INFORMATION

Cela étant, en droit positif, la jurisprudence refusel’indemnisation du préjudice éventuel (Cass, 1ère

civ, 19 décembre 2006)14. Ainsi, un porteur desonde cardiaque reconnue pour présenter un risqueimportant de défectuosité choisit de se faire explan-ter plutôt que de risquer la mort. Considérant queles dommages tant physiques que moraux consécu-tifs à cette chirurgie cardiaque préventive étaientdirectement consécutifs au défaut de sonde, il aréclamé au fabricant la réparation de l'intégralitédes préjudices subis. La cour d'appel a débouté lepatient de sa demande, considérant le préjudiceinvoqué comme éventuel.

D'autres arrêts ont été rendus par d’autres coursd’appel dans un sens opposé. Dans plusieurs arrêts rendus le 19 décembre 2006,la première chambre civile de la Cour de cassations’est prononcée en faveur de la thèse selon laquellele préjudice invoqué étant éventuel, il ne peut don-ner lieu à indemnisation. Cependant, si la Cour decassation refuse l'indemnisation des préjudicesconsécutifs à l'opération préventive, elle sembleaccepter le principe de réparation du seul préjudicemoral causé par l'annonce du risque d'accident etl'angoisse éprouvée par les victimes avant l'extrac-tion.

b – L’information postérieure à l’acte médical

C’est une innovation de la loi du 4 mars 2002,qu’on peut trouver à deux reprises dans le texte.

• Le risque nouveau

Cette obligation découle de l’article. L. 1111-2 al 1du CSP : « Lorsque, postérieurement à l’exécution

des investigations, traitements ou actions de préven-tion, des risques nouveaux sont identifiés, la person-ne concernée doit en être informée, sauf en casd’impossibilité de la retrouver. »

Toutefois, le risque nouveau n’est pas défini. Onpeut admettre comme tel, par exemple, la décou-verte d’un nouveau virus transmissible par voie san-guine, ou d’une complication d’un traitement.Plus récemment, la jurisprudence administrative aeu à se prononcer sur le sujet. (Conseil d’État, 2 sep-tembre 200915). Le Conseil d'État a jugé que le ser-vice public hospitalier était tenu, en cas d'identifi-cation de risques nouveaux postérieurement à l'exé-cution d'une investigation, à l'obligation d'en infor-mer la personne concernée, sauf impossibilité deretrouver celle-ci. Par conséquent, en l'espèce, leservice des urgences aurait dû spontanément infor-mer la patiente des informations figurant dans lecompte rendu rédigé par le praticien du service desurgences.

Le Conseil d'État a estimé la responsabilité du servi-ce hospitalier engagée, l’absence de transmissionde cette information constituant une faute. Lapatiente fut indemnisée pour perte de chance d'uneguérison sans séquelles.

Parfois, le comportement même du patient peutentrainer un partage de responsabilité et une dimi-nution de son indemnisation (Cass, crim, 11 mai201016). Le patient avait refusé les soins infirmiers,ce qui avait abouti à une amputation d’un doigt. LaCour de cassation n’a retenu aucune faute à l’en-contre du médecin, l’amputation étant imputable aucomportement du patient.

15

14 N°05-15721 et plusieurs autres du même jour.15 N°292783.16 N°09-8710.

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PARTIE II

LES DÉROGATIONSLÉGALES

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LES DÉROGATIONS LÉGALES

Les articles L. 1111-2 CSP al 2 et 4 prévoient un cer-tain nombre de dérogations légales, elles sont éga-lement liées au consentement libre et éclairé de lapersonne et aux modalités de son consentement.

Article L 1111-2 du CSP :

« Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peu-vent l'en dispenser ».« La volonté d'une personne d'être tenue dans l'i-gnorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doitêtre respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés àun risque de transmission.»

En application de l’article L.1111-4 du CSP :« Toute personne prend, avec le professionnel desanté et compte tenu des informations et des préco-nisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sasanté. Le médecin doit respecter la volonté de lapersonne après l'avoir informée des conséquencesde ses choix. Si la volonté de la personne de refuserou d'interrompre tout traitement met sa vie en dan-ger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour laconvaincre d'accepter les soins indispensables. Ilpeut faire appel à un autre membre du corps médi-cal. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa déci-sion après un délai raisonnable. Celle-ci est inscritedans son dossier médical. Le médecin sauvegarde ladignité du mourant et assure la qualité de sa fin devie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10.Aucun acte médical ni aucun traitement ne peutêtre pratiqué sans le consentement libre et éclairéde la personne et ce consentement peut être retiréà tout moment.Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer savolonté, aucune intervention ou investigation nepeut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité,sans que la personne de confiance prévue à l'articleL. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses pro-ches ait été consulté.Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer savolonté, la limitation ou l'arrêt de traitement sus-ceptible de mettre sa vie en danger ne peut être

réalisé sans avoir respecté la procédure collégialedéfinie par le code de déontologie médicale et sansque la personne de confiance prévue à l'article L.1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses procheset, le cas échéant, les directives anticipées de la per-sonne, aient été consultés. La décision motivée delimitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dansle dossier médical.Le consentement du mineur ou du majeur soustutelle doit être systématiquement recherché s'il estapte à exprimer sa volonté et à participer à la déci-sion. Dans le cas où le refus d'un traitement par lapersonne titulaire de l'autorité parentale ou par letuteur risque d'entraîner des conséquences gravespour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle,le médecin délivre les soins indispensables. »

• Les dérogations légales sont celles qui étaientauparavant admises par la jurisprudence descours et tribunaux (urgence ou impossibilité).

• L’article R. 4127-35 du Code de la SantéPublique, codifiant le Code de déontologie médi-cale énonce : « Dans l’intérêt du malade et pourdes raisons légitimes que le praticien apprécie enconscience, un malade peut être tenu dans l’igno-rance d’un diagnostic ou d’un pronostic graves,sauf dans les cas où l’affection dont il est atteintexpose les tiers à un risque de contamination ».C’était avant la loi du 4 mars 2002, une déroga-tion admise par la jurisprudence. L’article L.1111-2 CSP prévoit que l’information incombe aupraticien « dans le respect des règles profession-nelles ». Cela pourrait donc laisser encore la pos-sibilité d’invoquer l’article 35 du Code de déon-tologie.

• La volonté du patient doit être respectée sauf s’ily a risque de transmission. On pense bien enten-du au virus HIV, aux maladies sexuellement trans-missibles. Le médecin a le devoir d’informer sonpatient, mais à l’inverse il n’a pas le droit d’infor-mer un tiers de la maladie, le conjoint par exem-ple, mais doit lui indiquer de se protéger (CA

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Paris, 26 janvier 200617). Il convient tout à la foisde respecter la volonté du patient et de concilierla protection d’autrui, en application de l’articleR 4127-36 du CSP précité. En pratique dès lors, lemédecin a l’obligation d’informer le conjoint dela nécessité de se protéger, mais ne doit pas révé-ler la maladie.

• L’article L 1111-2 al 5 dispose que « la volontéd’une personne d’être tenue dans l’ignoranced’un diagnostic ou d’un pronostic doit êtrerespectée… ». Ce texte reconnait au médecin lapossibilité de taire certaines informations aupatient uniquement à la demande de celui-ci. Eneffet, le corollaire du consentement libre et éclai-ré est alors la légitimité du refus par le patient deconsentir aux soins proposés. Le patient est endroit de refuser tout traitement, même vital, et lemédecin doit respecter la volonté ainsi exprimée,à condition qu’elle soit précédée d’une informa-tion sur les conséquences de ce choix, et que lepatient réitère sa décision après un délai raison-nable (Article L.1111-4 al 2 du CSP, modifié parla loi n°2005-370 du 22 avril 2005).

• Parfois le comportement du patient peut avoir uneincidence sur l’obligation d’information, commela Cour administrative d’appel de Nancy par unedécision en date du 24 septembre 200918 l’a pré-cisé ; dans les faits, il s’agissait d’un patient chezqui a été suspectée une rupture d’anévrisme aprèsune première consultation au centre hospitalier.Informé par les praticiens de la nécessité d’êtretransféré vers un centre hospitalier universitairepour la réalisation d’une IRM diagnostique, lepatient refusait et quittait l’établissement. La rup-ture d’anévrisme se produisait quelques jours plustard occasionnant de profondes séquelles neuro-logiques. Le jugement de première instance avaitretenu la responsabilité du centre hospitalier pourne pas avoir réussi à convaincre le patient de lanécessité du transfert. La CAA a censuré cetteanalyse en considérant au contraire que le refusdu patient fait obstacle à la mise en cause de laresponsabilité du centre hospitalier. Cette déci-

sion est cependant soumise au Conseil d’État àl’heure actuelle.

• La jurisprudence a eu également à se prononcersur la découverte d’une nouvelle pathologie audécours d’une intervention (Cass, 1ère civ, 22 mai200219).

Dans les faits, le patient avait souffert à la suited'une première intervention chirurgicale, de trou-bles urinaires et consulté le docteur Y..., chirurgien,lequel a préconisé une uréthrotomie. Au cours decette opération, le chirurgien a également procédéà une résection endoscopique de complément. Lepatient a rapidement présenté des troubles fonc-tionnels graves auxquelles il n'a pu être totalementremédié et a assigné le chirurgien en réparation, luireprochant d'avoir procédé à un acte chirurgical quin'était ni prévu ni urgent, sans avoir l’avoir informédu risque grave de lésion du sphincter inhérent à untel acte, et d'avoir fait preuve d'imprudence dansl'accomplissement du geste chirurgical. La juridic-tion d’appel l’a débouté de sa demande ; le patienta formé alors un pourvoi en cassation.

La 1ère chambre civile confirme la décision rendueen rappelant que « le médecin est dispensé de l'o-bligation d'informer son patient sur les risques gra-ves inhérents aux investigations ou aux soins qu'ilpropose en cas d'urgence, d'impossibilité ou derefus du patient d'être informé, que l'arrêt attaqué aretenu que l'obligation de procéder à une résectionendoscopique complémentaire, source du risquenon révélé, s'était imposée en cours d'intervention,comme une nécessité anatomique, en présence detissus obstructifs que seules les constatations visuel-les préopératoires avaient permis de déceler ; queles juges d'appel ont ajouté que le chirurgien nepouvait informer son patient des risques inhérents àcet acte complémentaire sans l'exposer au risqued'une nouvelle intervention sous anesthésie généra-le ou loco-régionale ; qu'ayant ainsi caractérisé l'im-possibilité dans laquelle le chirurgien s'était trouvéd'informer son patient du risque grave réalisé, lacour d'appel a légalement justifié sa décision ». Lepourvoi est rejeté.

LES DÉROGATIONS LÉGALES

17 N° 2005/06304.18 N°08NC01316.19 N°00-19817.

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PARTIE III

GÉRER LES RÉCLAMATIONS

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GÉRER LES RÉCLAMATIONS

A - LA PROBLÉMATIQUE DE LA PREUVE

En vertu de l’article L. 1111-2 CSP al 7, la preuvede l’information appartient au professionnel ou àl’établissement de santé. « En cas de litige, il appar-tient au professionnel ou à l'établissement de santéd'apporter la preuve que l'information a été délivréeà l'intéressé dans les conditions prévues au présentarticle. Cette preuve peut être apportée par toutmoyen. »

La preuve de l’information, à la charge du profes-sionnel de santé comme l'avait déjà établie lajurisprudence avant la loi est apportée par tousmoyens (exemple : témoignages des autres memb-res de l’équipe médicale, remise d’une note expli-cative au patient, document signé du patient, …)Ainsi, de nombreuses sociétés savantes, à la suitedes décisions de jurisprudence rendues sur cepoint, ont rédigé des notices d’information pour uncertain nombre d’interventions, en attendant lesrecommandations de la Haute Autorité de Santé.Bien évidemment, cela ne se substitue pas à uneinformation adaptée au patient.

La jurisprudence considère que plusieurs rendez-vous successifs avec le médecin ne permettent pasde rapporter la preuve que l’information a été déli-vrée (Cass, 1ère civ 28 octobre 201020). M. X, opéréd’une hernie discale et ayant réintégré son domicile,était de nouveau admis à la clinique à la suite d’uneaggravation de son état. Une IRM a révélé une spon-dylodiscite. M. X. ayant recherché la responsabilitédu médecin et de la clinique, la cour d’appel a limi-té son droit à indemnisation en excluant tout man-quement au devoir d’information dans la mesure oùle médecin a reçu deux fois le patient et qu’il s’estécoulé trois semaines entre la première consultationet l’intervention pratiquée, de sorte que M X. a béné-ficié de toutes les informations utiles. La Cour de

cassation casse l’arrêt, considérant que de tels motifssont impropres à établir que le médecin avait satis-fait à son obligation d’information.

L’information doit porter sur le risque effectivementlié à l’opération préconisée (Cour d’appel deToulouse, 25 octobre 201021). En l’espèce, MmeHélène M. a subi le 23 février 2005 une arthrosco-pie du genou gauche pratiquée par le docteur M.,puis le 3 mars 2005 une nouvelle intervention chi-rurgicale nécessitée par l’apparition d’un œdèmeimportant de la jambe gauche. Par une décision endate du 11 mars 2010, le Tribunal de GrandeInstance d’Albi a condamné le docteur M. pourfaute d’imprudence. Ce dernier interjette appel. LaCour d’appel réformait ce jugement, et condamnaitle médecin sur le fondement du défaut d’informa-tion, au motif que le document intitulé « Consentement éclairé mutuel – Autorisation d’o-pérer » signé par madame M. est « libellé en termestrès généraux » et « ne contient aucune précisionquant à la nature des complications et des risqueseffectivement liés à l’arthroscopie, qui étaient prévi-sibles et nécessairement connus du docteur M ».

Cependant, informer ne signifie pas forcémentconvaincre (Cass, 1ère civ, 18 janvier 200022) ; eneffet, un médecin n'est pas tenu de réussir àconvaincre son patient du danger de l'acte médicalqu'il demande. Dans l’espèce, la Cour de cassationa considéré que « violait l'art. 1147 du code civil, laCour d'appel qui, pour retenir la responsabilité d'unmédecin retenait que la faute de ce praticien, quiavait informé son patient des risques d'une anesthé-sie locale, consistait dans le fait de n'avoir pas été enmesure de convaincre son patient des dangers pré-sentés par un tel acte. »

Les établissements de santé, qu’il s’agisse d’un éta-blissement public ou privé sont également débi-

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20 N°09-13990.21 N°508, 10/0175.22 N°97-17716.

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teurs d’une obligation d’information, dont il leurincombe de rapporter la preuve par tous moyens. Enpratique et depuis plusieurs années, les équipesmédicales font signer au patient des documents trèscomplets énonçant l’ensemble des conséquencespotentielles de l’intervention envisagée. En l’absen-ce d’un tel document signé du patient, certainesmentions du dossier médical relatives par exempleà des entretiens avec le patient, des courriers entreconfrères ou encore les déclarations de la victimerapportées par l’expert pourraient permettre deconsidérer que la preuve de l’information suffisantea été rapportée.

En cas d’absence de délivrance de l’obligation, lejuge cherche alors à mesurer les implications decette absence d’information suffisante. Le fait quedes interventions chirurgicales postérieures aientpermis de rétablir l’état de la victime et de réparerles conséquences d’une intervention au sujet delaquelle le patient n’avait pas été suffisammentinformé est sans incidence sur l’existence d’unefaute constituée par le défaut d’information et sur ledroit à réparation, la multiplication des interven-tions étant déjà un préjudice (C.E, 30 mars 2009,Genevaux23).

B – LA SANCTION DU DÉFAUT D’INFORMATION

1. LA NOTION DE PERTE DE CHANCE

Depuis le début de l’année 2010, certains arrêtssemblent marquer une évolution de la sanction dudéfaut d’information. En effet, si le défaut d’infor-mation est sanctionné depuis longtemps, unejurisprudence bien établie en limitait la réparation àdes contours précis. Ainsi, l’arrêt de la premièrechambre civile de la Cour de cassation du 6 décem-bre 200724 décidait, au visa des articles R-4127-36du Code de la Santé Publique et 1382 du code civil« qu’attendu que l’arrêt retient que le manquementpar Mme Y à son devoir d’information à l’égard deJean Louis Y avait été source d’un préjudice moral.Qu’en statuant ainsi, quand le seul préjudice indem-nisable à la suite du non respect de l’obligation d’in-formation du médecin, laquelle a pour objet d’obte-nir le consentement éclairé du patient, est la perte

de chance d’échapper au risque qui s’est finalementréalisé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».Cet arrêt excluait donc toute indemnisation d’unpréjudice moral autonome qui aurait été la consé-quence d’un défaut d’information sur le risque quis’est finalement réalisé.

Quelques temps après, la première chambre civilede la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 28janvier 2010 (Cass, 1ère Civ25) a marqué une pre-mière évolution. Dans les faits, une patiente attein-te de reflux gastriques liés à une hernie hiatale avaitbénéficié d’un traitement chirurgical dont il étaitrésulté de violentes et persistantes douleurs. Unedouble faute avait été retenue par le tribunal degrande instance, consistant à la fois en une absenced’information sur le risque inhérent à l’intervention,et en une faute médicale, l’expertise concluant àune absence d’indication thérapeutique de l’inter-vention. Le tribunal avait alors condamné le prati-cien à une indemnisation intégrale de la victime,issue du cumul d’une perte de chance liée audéfaut d’information (qui en principe donne lieu àl’indemnisation d’une fraction du préjudice) etd’une faute dans la réalisation de l’acte (qui doitaboutir à une indemnisation totale). Saisie, la courd’appel avait réduit l’indemnisation à la seule pertede chance. Cette décision fut cassée par la Cour decassation, qui a maintenu l’indemnisation dans sonintégralité, suggérant ainsi qu’en présence d’undéfaut d’information précédant une interventionmédicale fautive, deux préjudices distincts doiventêtre réparés. Cet arrêt s’inscrit comme l’un des pre-miers à consacrer une autonomie au défaut d’infor-mation.

Quelques mois plus tard, la Cour de cassation estvenue renforcer cette amorce d’autonomie par unarrêt rendu le 11 mars 2010 (Cass, 1ère Civ , n° 09-11270), par lequel elle a jugé que la responsabilitédu médecin pour défaut d’information n’empêchepas que l’ONIAM prenne en charge, au titre de lasolidarité nationale, le reste du préjudice résultantde l’accident médical non fautif. Dès lors, en cas demanquement d’un médecin à son obligation d’in-formation, la victime peut demander à l’ONIAM laréparation intégrale des conséquences de la réalisa-tion d’un acte médical dont le risque n’avait pas été

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23 N°301 082.24 N°06-19301.25 N° 09-10992.

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révélé et qui s’est finalement réalisé, y compris enl’absence de toute faute imputable au praticien.

Toujours dans la continuité de cette évolution, la1ère chambre civile de la Cour de cassation a rendule 8 avril 2010 un arrêt de cassation relatif au défautd’information26. Dans les faits, le patient souffrantde douleurs au genou avait bénéficié d’injectionsintra articulaires. Des analyses postérieures ontrévélé la présence d’un staphylocoque doré et descomplications médicales s’en sont suivies. Lesconditions d’accès à l’indemnisation via la solidari-té nationale n’étant pas réunies, la victime a saisi lesjuridictions judiciaires afin de voir le praticiencondamné, notamment quant au défaut d’informa-tion sur le risque d’infection nosocomiale. La courd’appel l’a débouté de sa demande au motif qu’enl’absence de faute imputable au praticien dans laréalisation de l’acte médical, il ne peut lui êtrereproché de ne pas avoir informé son patient d’unrisque qui n’était pas lié à l’intervention préconisée.

La cassation est prononcée au motif « qu’en pré-sence d’un risque d’infection nosocomiale scientifi-quement connu comme étant en rapport avec cetype d’intervention, il n’est pas possible de se fondersur l’absence de faute du praticien dans la réalisa-tion de celle-ci pour déterminer la teneur de sondevoir d’information ».

2. LE LIEN DE CAUSALITÉ

Pour la jurisprudence jusqu’à présent, lorsque lelien entre la perte de chance alléguée et le préjudi-ce était incertain, la perte de chance n’était pasreconnue. On constate depuis peu une évolution dela jurisprudence en la matière.

Dans un arrêt du 14 octobre 2010, (Cass, 1ère

Civ27), une patiente est décédée d’une grippemaligne. La responsabilité du Dr Y a été recherchéeà la suite du décès de Mme X des suites des com-plications de cette grippe.

L’arrêt d’appel retient que si ce dernier avait délivrédes soins consciencieux, attentifs et diligents, sonhospitalisation et la mise en place d’une antibiothé-rapie seraient intervenues plus tôt, mais qu’il estextrêmement difficile de dire si l’évolution de la

pathologie aurait été différente. En effet, aucun élé-ment médical ne permet de dire que cela auraitévité la dégradation brutale de l’état de santé et ledécès, dans la mesure où la cause du syndrome dedétresse respiratoire aiguë n’a pu être déterminée. Iln’est dès lors pas établi que la faute du Dr Y ait faitperdre une chance de survie à sa patiente selon l’ar-gumentation développée.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par lacour d’appel, retenant qu’en statuant ainsi, alorsque la perte de chance présente un caractère directet certain chaque fois qu’est constatée la dispari-tion d’une éventualité favorable, de sorte que nil’incertitude relative à l’évolution de la pathologie,ni l’indétermination de la cause du syndrome dedétresse respiratoire aigue ayant entrainé le décès,n’étaient de nature à faire écarter le lien de causali-té entre la faute commise par le Dr Y., laquelle avaiteu pour effet de retarder la prise en charge de MmeX., et la perte de chance de survie de cette derniè-re.

Pour une partie de la doctrine, dans ce cas, soit ledéfaut d’information a entrainé une perte de chan-ce et alors l’indemnisation est fonction de l’impor-tance de cette perte, soit le défaut a causé un préju-dice « moral », préjudice autonome indemnisableen tant que tel, mais les deux préjudices ne seraientpas cumulatifs.

Par ailleurs, dans son rapport annuel 2010, la Courde cassation insiste sur l’intérêt principal de cetarrêt qui est de substituer au fondement contractuelde l’article 1147 du code civil invoqué par le pour-voi, sur lequel repose toute la responsabilité médi-cale depuis l’arrêt Mercier, l’article 1142-1-1 ducode de la Santé publique. Le fondement légal, apar rapport au fondement contractuel, l’avantage dela simplification en ne distinguant plus selon que lavictime est le patient lui-même ou un tiers, ni selonque les soins ont été prodigués dans le secteurpublic ou privé.

3. LA NATURE DU PRÉJUDICE INDEMNISABLE :VERS UN PRÉJUDICE MORAL

Le 3 juin 2010, la 1ère chambre civile de la Cour decassation rendait un arrêt d’une importance capitale

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26 N° 08-21058.27 N°09-69195.

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concernant le préjudice indemnisable découlant dudéfaut d’information du médecin. Les faits étaient lessuivants : après avoir subi une adénomectomie pro-statique, un patient recherchait la responsabilité deson urologue à qui il impute un certain nombre defautes, notamment de ne pas l’avoir informé durisque d’impuissance lié à l’opération, risque quis’est réalisé. La cour d’appel, saisie par le patient l’a-vait entièrement débouté de ses demandes, écartanttoute faute médicale et estimant de surcroît que si ledéfaut d’information était bel et bien établi, lepatient eu égard à sa pathologie, et à l’absence d’al-ternative thérapeutique aurait accepté l’opération,même informé du risque d’impuissance.

Se fondant sur les articles 16-3 alinéa 2 du CodeCivil (respect de la dignité humaine) et 1382 dumême code, la Cour de cassation casse la décisiond’appel au motif que « le non respect du devoir d’in-formation résultant des articles précités cause à celuiauquel l’information était légalement due un préju-dice qu’en vertu de l’article 1382 du Code Civil lejuge ne peut laisser sans réparation. »

Dans son rapport annuel 2010, la Cour de cassationprécise que la solution retenue se rattache au princi-pe posé dans un arrêt fondateur rendu par la 1ère

chambre civile le 9 octobre 201028 qui affirme quele devoir d’information du médecin vis-à-vis de sonpatient trouve son fondement dans l’exigence durespect du principe constitutionnel de sauvegarde dela dignité de la personne humaine.

Ainsi, cette évolution majeure, pour la Cour de cas-sation, fait du droit à être informé en matière médi-cale, un droit découlant de la loi ce qui explique le

visa de l’article 1382 au lieu de l’article 1147 ducode civil habituellement visé.

Et la Cour de cassation en conclut que : « C’est la rai-son pour laquelle partant de l’obligation légale derespecter l’être humain (article 16) et le consente-ment de l’intéressé chaque fois qu’il est envisagé deporter atteinte à l’intégrité de son corps (article 16-3, alinéa 2), l’arrêt affirme qu’indépendamment detoute appréciation de l’existence d’une perte dechance (en l’espèce il n’y en avait aucune) l’obliga-tion d’information relève d’une obligation légale(visa de l’article 1382 du code civil). Et ces principesétant posés, l’arrêt affirme que le non respect dudevoir d’information, cause nécessairement à celuiauquel l’information était légalement due un préju-dice que le juge ne peut laisser sans réparation ».

Cela semble donc ouvrir la voie à une réparationsystématique du préjudice, sans doute moral, dupatient. Cette affaire faisant l’objet d’un renvoidevant la Cour d’appel de Toulouse, il faudra êtreparticulièrement attentif à la qualification juridiqueemployée et au montant de l’indemnité qui seraallouée à ce titre.

Il convient enfin d’attirer l’attention sur l’actuellejurisprudence du Conseil d’état, qui, par un arrêt endate du 2 janvier 2011, confirme son analyse habi-tuelle en matière de défaut d’information, en main-tenant sa jurisprudence constante fondée sur la pertede chance. Il n’aborde ainsi pas la question du pré-judice « autonome » reconnu par la Cour de cassa-tion dans son arrêt du 3 juin 2010, et semble ainsifaire apparaître une divergence d’appréciation entreles deux ordres de juridiction.

GÉRER LES RÉCLAMATIONS

28 N° de pourvoi 00-14564.

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- L’obligation d’information à l’épreuve de la pratique : enjeux et difficultés. BOURGEOIS A., Responsabilité,2008, 8-32, 22-25.

- La responsabilité du service public hospitalier. MAUGÜE CH., THIELLAY J-P, LGDJ. éd., juin 2010.

- Information et consentement aux soins de la personne vulnérable en France. GARNIER J.C, CHOPARD J-L, PILI-FLOURY S.ET SAMAIN E, Ann. fr anesth. réanim., 2009, 28-6, 575-578.

- Droit du dommage corporel. Systèmes d’indemnisation. LAMBERT-FAIVRE Y., et PORCHY SIMON S. - 1vol. 1056 p. Paris 2008, 6ème édition, Dalloz éd.

BIBLIOGRAPHIE

- Site internet de la HAS, de la SFAR, de la Société Française de Radiologie

- Document d’étude FFSA

SITES INTERNET

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Nous tenons à remercier tout particulièrement les membres de la COREME (Commission de Réflexion enResponsabilité Médicale) : Mme Béatrice COURGEON (MACSF-LE SOU MÉDICAL), Mme Sophie CREMIE-RE (GEMA), M. Michel DUMONT (MÉDICALE DE FRANCE), M. Franck GARCIN (MATMUT), M. MichelGERMOND (SHAM, président de la COREME), M. Frédéric GUIBOUT (MÉDICALE DE FRANCE), MmeIsabelle LEMARCHAND (ALLIANZ), Mme Anne Marie PAPEIX (FFSA), Mme Françoise PICHON (GROUPA-MA), Mme Françoise PÉREZ (SHAM), Mme Brigitte ROOSE (MAIF), Mme Delphine ROUSSEL (MACSF-LESOU MEDICAL), Mme Dominique RYAUX (AXA FRANCE IARD), Mme Nathalie TREMBLAYE (MMA IARD),Mme Chantal VINCENT (ALLIANZ).

Le Dr Hélène BÉJUI-HUGUES, Mme Isabelle BESSIÈRES-ROQUES, et Mme Sabrina CAVAIGNAC-RUBIO sesont chargées de la coordination et de la synthèse des travaux.

REMERCIEMENTS

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ASSOCIATION POUR L’ÉTUDE DE LA RÉPARATION DU DOMMAGE CORPOREL1, rue Jules Lefebvre - 75431 Paris Cedex 09 - Téléphone : 01 53 21 50 72 - Télécopie : 01 53 21 50 76

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