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27 Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000 LA PERCEPTION DE LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE COMME UN STIGMATE PAR LES OPÉRÉS D’UNE CHOLÉCYSTECTOMIE ET PAR LES INFIRMIÈRES* ECHERCHE R Pascale SAINTONGE Cadre Infirmier - GAP RÉSUMÉ DOULEUR ET STIGMATE À travers une recherche descriptive, nous avons sou- haité explorer la perception de l’opéré d’une cholé- cystectomie et des soignants au regard de la douleur post-opératoire dans sa dimension sociologique. La question de recherche est : Dans quelle mesure la douleur post-opératoire est- elle perçue comme un stigmate par les patients opé- rés d’une cholécystectomie et par les infirmières ? Le cadre de référence est construit à partir d’une approche théorique de la cholécystectomie et des notions de douleur et stigmate. Nous avons mené des entretiens auprès de dix opé- rés et dix infirmières. La douleur telle qu’elle a été perçue par la majorité des patients, normale et acceptable, ne semble pas un attribut discréditant. La stigmatisation apparaît dans la relation soignant/soigné. Elle contribue à per- turber le flux d’interactions entre les opérés et les infirmières. Lorsque les infirmières ne répondent pas aux attentes des patients, elles ne sont plus perçues comme des « initiés » mais comme des « normaux ». L’affectivité qui intervient dans la relation soi- gnant/soigné, semble influer dans la prise en charge de la douleur post-opératoire. Mots clés : Douleur, Douleur post-opératoire, Cholé- cystectomie, Stigmate, Infirmière, Soins infirmiers, Relation soignant/soigné SUMMARY PAIN AND ITS STIGMATA THE PERCEPTION OF POST-OPERATIVE PAIN AS STIGMATA BY THE PATIENTS WHO UNDERWENT A CHOLECYSECTOMY AND BY THE NURSES Through a descriptive research, we wished to inves- tigate the perception by the patients who underwent a cholecysectomy and by the caregivers, of the post- operative pain in its sociological dimension. The question of the research is as follows : How far is the post-operative pain perceived as stigmata by the patients who underwent a cholecy- sectomy and by the nurses ? The reference framework is built up on the basis of a theoretical approach of cholecystectomy and of the notions of pain and stigmata. We carried out interviews with ten patients and ten nurses. The sample size does not enable a scientific use of the enquiry results. Pain, such as it is perceived by the majority of the patients, as normal and acceptable, does not seem to bring them into disrepute. Stigmatisation appears in the relation caregiver-patient. It contributes to dis- turbing the flow of interactions between the patients and the nurses. When the nurses do not meet the expectations of the patients, they are no longer considered as « initiate » but as « normal ». The affectivity arising in the relationship caregiver- patient, seems to have an influence in the manage- ment of post-operative pain. Key words :Pain, Post-operative pain, Cholecystec- tomy, Stigmata, Nurse, Nursing care, Caregiver/ patient relationship * Ce travail a été réalisé dans le cadre du Diplôme de Cadre de Santé A l’I.F.C.S. - SIRIF - PARIS

RECHERCHE - fulltext.bdsp.ehesp.frfulltext.bdsp.ehesp.fr/Rsi/60/27.pdf · La voie d’abord comporte 4 mini-incisions cutanées. C’est une chirurgie en plein essor, les suites

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27Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

LA PERCEPTION DE LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE COMME UN STIGMATE PAR LES OPÉRÉS D’UNE CHOLÉCYSTECTOMIE ET PAR LES INFIRMIÈRES*

ECHERCHER Pascale SAINTONGECadre Infirmier - GAP

RÉSUMÉ

DOULEUR ET STIGMATE

À travers une recherche descriptive, nous avons sou-haité explorer la perception de l’opéré d’une cholé-cystectomie et des soignants au regard de la douleurpost-opératoire dans sa dimension sociologique.La question de recherche est :Dans quelle mesure la douleur post-opératoire est-elle perçue comme un stigmate par les patients opé-rés d’une cholécystectomie et par les infirmières?

Le cadre de référence est construit à partir d’uneapproche théorique de la cholécystectomie et desnotions de douleur et stigmate.Nous avons mené des entretiens auprès de dix opé-rés et dix infirmières.La douleur telle qu’elle a été perçue par la majoritédes patients, normale et acceptable, ne semble pasun attribut discréditant. La stigmatisation apparaîtdans la relation soignant/soigné. Elle contribue à per-turber le flux d’interactions entre les opérés et lesinfirmières. Lorsque les infirmières ne répondent pasaux attentes des patients, elles ne sont plus perçuescomme des « initiés » mais comme des « normaux ».L’affectivité qui intervient dans la relation soi-gnant/soigné, semble influer dans la prise en chargede la douleur post-opératoire.

Mots clés : Douleur, Douleur post-opératoire, Cholé-cystectomie, Stigmate, Infirmière, Soins infirmiers,Relation soignant/soigné

SUMMARY

PAIN AND ITS STIGMATA

THE PERCEPTION OF POST-OPERATIVE PAIN ASSTIGMATA BY THE PATIENTS WHO UNDERWENT

A CHOLECYSECTOMY AND BY THE NURSES

Through a descriptive research, we wished to inves-tigate the perception by the patients who underwenta cholecysectomy and by the caregivers, of the post-operative pain in its sociological dimension.The question of the research is as follows :How far is the post-operative pain perceived asstigmata by the patients who underwent a cholecy-sectomy and by the nurses?The reference framework is built up on the basis ofa theoretical approach of cholecystectomy and ofthe notions of pain and stigmata.We carried out interviews with ten patients and tennurses. The sample size does not enable a scientificuse of the enquiry results.Pain, such as it is perceived by the majority of thepatients, as normal and acceptable, does not seemto bring them into disrepute. Stigmatisation appearsin the relation caregiver-patient. It contributes to dis-turbing the flow of interactions between the patientsand the nurses. When the nurses do not meet theexpectations of the patients, they are no longerconsidered as « initiate » but as « normal ».The affectivity arising in the relationship caregiver-patient, seems to have an influence in the manage-ment of post-operative pain.

Key words :Pain, Post-operative pain, Cholecystec-tomy, Stigmata, Nurse, Nursing care, Caregiver/patient relationship

* Ce travail a été réalisé dans le cadre du Diplôme de Cadre de Santé A l’I.F.C.S. - SIRIF - PARIS

INTRODUCTION

La douleur est une des premières causes de consulta-tion médicale ; symptôme complexe, son expressionclinique est polymorphe, ses causes multiples et sonretentissement souvent majeur. Nous ne savons de ladouleur des autres que ce qu’ils peuvent ou veulentbien nous dire.

Au cours des dernières années, notre compréhensiondes mécanismes de la douleur s’est énormément amé-liorée et de nouveaux traitements efficaces sont appa-rus. Malgré l’évident progrès de nos connaissances, denombreux individus souffrent encore de douleurs can-céreuses, obstétricales, chroniques mais aussi post-opératoires.

L’efficacité de la prise en charge de la douleur restemalheureusement aujourd’hui très inférieure à cequ’elle devrait être. La France accuse un retard consi-dérable dans ce domaine.

Les principales causes invoquées pour expliquer ceretard proviennent tout à la fois des soignants et despatients. Parler de chirurgie c’est parler de douleur, tantces deux phénomènes sont liés, non seulement dansl’esprit du public mais dans la réalité quotidienne desservices d’hospitalisation.

Trop souvent sous estimée dans son intensité et sesconséquences, la douleur représente un problèmeconstant de la période post-opératoire.

Les répercussions sur la qualité de vie que génère ladouleur post-opératoire, (intériorisation de la douleur,reprise d’une vie active retardée, risque de chronicisa-tion), en font une de nos préoccupations profession-nelles.

Le problème posé par la prise en charge de la douleurpost-opératoire ne réside en réalité ni dans les moyensthérapeutiques qui existent, ni dans les moyens de lesmettre en œuvre. La prise de conscience de la douleuraiguë post-opératoire est réelle mais il persiste un cer-tain nombre d’obstacles à sa prise en charge.

L’inacceptable de la douleur justifie notre désir decomprendre les mécanismes qui la composent, denous ouvrir à d’autres grilles d’interprétations à partirnotamment des Sciences Humaines.

L’individu douloureux doit se situer par rapport àl’autre, en l’occurrence le soignant.

Erving GOFFMAN, sociologue, a étudié les interac-tions entre les individus à partir du concept de stigma-te. Il définit le stigmate comme un « attribut qui jette undiscrédit profond ». La douleur, en ce qu’elle modifiele comportement et l’image de soi peut-être considéréecomme tel. En cela le patient peut se sentir différent etaura des attentes spécifiques vis-à-vis des soignants.Les soignants ont également des attentes envers l’opé-ré d’une cholécystectomie face à sa douleur. GOFF-MAN précise que les personnes sont stigmatiséeslorsque l’attente des autres à leur égard est supérieureà ce qu’elles présentent effectivement.

Pour cela, nous avons souhaité explorer la perceptionde l’opéré d’une cholécystectomie et des soignants auregard de la douleur post-opératoire dans sa dimensionsociologique.

À partir des descriptions de GOFFMAN, auteur de réfé-rence, dans son livre « Stigmate », nous avons posénotre question de recherche :

Dans quelle mesure la douleur post-opératoire est-elleperçue comme un stigmate par les patients opérésd’une cholécystectomie et par les infirmières.

Dans le but d’appréhender la perception des patients etdes soignants, nous avons choisi de mener unerecherche descriptive explorant les caractéristiquesd’un stigmate.

Cette étude peut apporter quelques éléments à unemeilleure compréhension des opérés d’une cholécys-tectomie afin d’améliorer la prise en charge de la dou-leur post-opératoire.

Pour étudier la perception des patients et des soignantspar rapport à la douleur, nous avons choisi une affec-tion fréquente, qui ne met pas en jeu le pronostic vital,sans composante psychologique particulière : la lithia-se vésiculaire.

Cette pathologie nécessite une intervention chirurgica-le jugée douloureuse dont les suites sont assez simpleset qui entraîne de rares complications. Ce choix estréalisé pour éviter les interférences de la douleur etd’autres phénomènes associés et limiter ainsi des biaisà notre enquête.

Nous développerons, dans une première partie, lecadre de référence avec les définitions et les élémentsde la prise en charge de la douleur post-opératoire.

Puis, dans une deuxième partie, nous indiquerons laméthodologie utilisée dans cette recherche descriptiveexploratoire.

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LA PERCEPTION DE LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE COMME UN STIGMATEPAR LES OPÉRÉS D’UNE CHOLÉCYSTECTOMIE ET PAR LES INFIRMIÈRES

ECHERCHER

Enfin, dans la troisième partie, nous présenterons lesrésultats, l’analyse et la discussion avant de conclure.

APPROCHE THÉORIQUE DE LA CHOLÉCYSTECTOMIE ET DES

NOTIONS DE DOULEUR ET STIGMATE

1 - LA CHOLÉCYSTECTOMIE POUR LITHIASEVÉSICULAIRE NON COMPLIQUÉE

La lithiase biliaire est définie par la présence de calculsdans les voies biliaires. Les calculs se forment habi-tuellement dans la vésicule biliaire, c’est la lithiasevésiculaire. À partir de la vésicule, les calculs peuventmigrer dans le canal cholédoque ou les voies biliairesintrahépatiques. Il existe différents types de calculs(calculs pigmentaires et calculs cholestéroliques). Ilssont responsables d’accidents mécaniques et infec-tieux.

C’est une affection fréquente, souvent latente. Elletouche 10 à 20 % de la population adulte. Elle est plusfréquente chez la femme que chez l’homme (3/1) ;cette différence s’atténue après 70 ans. La fréquenceaugmente avec l’âge; la prévalence atteint un maxi-mum vers 60-70 ans.

Les facteurs favorisant sa survenue sont :

• l’hérédité,

• l’origine ethnique

• l’obésité, l’alimentation riche en graisses,

• certains traitements : la vagotomie, une alimentationparentérale prolongée,

- certaines maladies : hémopathies, maladie de Crohn.

Les calculs vésiculaires sont asymptomatiques dansenviron 80 % des cas. La lithiase ne détermine dessymptômes ou des complications que si un calcul sebloque à la sortie de la vésicule ou dans la voie biliai-re principale et provoque une obstruction.

La douleur biliaire est liée à la distension aiguë transi-toire des voies biliaires dues au calcul. C’est le facteuressentiel qui amène à consulter.

La douleur débute brutalement et atteint souvent sonintensité maximale d’emblée ou très rapidement. Ellesiège dans l’hypocondre droit ou dans l’épigastre.

Elle est intense, souvent insupportable à type de spas-me, de torsion, de crampe. La douleur a une irradiationpostérieure vers l’épaule droite, voire l’omoplate et lerachis. Elle inhibe la respiration et peut s’accompagnerde sueurs et de vomissements. L’absence d’ictère et defièvre sont observées. C’est une douleur qui peut durerde quelques minutes à quelques heures.

Les complications de la lithiase biliaire peuvent être lacholécystite aiguë (douleur + fièvre), l’angiocholite(douleur + fièvre + ictère), la pancréatite aiguë, la péri-tonite biliaire.

Le diagnostic de l’origine lithiasique des différentssymptômes est fait grâce à certains examens radiolo-giques et biologiques.

Le traitement a pour but de faire baisser la pressiondans les voies biliaires et de calmer rapidement la dou-leur. Ce peut être un traitement médical, par lithotritieextracorporelle ou un traitement chirurgical.

À partir du moment où la lithiase biliaire devient symp-tomatique, l’indication opératoire est la règle. Cetterègle doit être modulée en fonction du risque opératoi-re et du terrain.

La cholécystectomie consiste à faire l’exérèse de lavésicule, réservoir de bile dans lequel se forment lescalculs et vérifier l’état de la voie biliaire principale.On distingue deux méthodes chirurgicales : la cholé-cystectomie par laparotomie et la cholécystectomiesous cœlioscopie.

➢ Cholécystectomie par laparotomie; cela consiste àréséquer la vésicule biliaire. La voie d’abord habituel-le est l’incision sous costale droite. Les suites des cho-lécystectomies réalisées « à froid » sont habituellementsimples (perfusion, reprise assez rapide de l’alimenta-tion après émission de gaz et si pas de nausées). Ladurée d’hospitalisation varie entre 5 jours et unesemaine et la reprise de l’activité a lieu 1 mois environaprès l’intervention. Les douleurs post-opératoires sontassez importantes.

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La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

➢ Cholécystectomie sous cœlioscopie. Cette dernièreest une nouvelle technique qui consiste à réséquer lavésicule par laparoscopie, sans ouvrir la cavité abdomi-nale. L’intervention est complètement suivie sur un écrande télévision. La voie d’abord comporte 4 mini-incisionscutanées. C’est une chirurgie en plein essor, les suitesopératoires sont beaucoup plus simples avec une dimi-nution des douleurs post-opératoires, déambulation trèsprécoce, rareté des complications thromboemboliques,reprise d’une alimentation normale dès le lendemain etun raccourcissement de la durée d’hospitalisation.

2 - LA DOULEUR

■ 2 - 1 Définition de la douleur

Le dictionnaire « Le Petit Robert » la définit comme« une sensation pénible en un point ou dans une régiondu corps ». Il renvoie à la notion de souffrance qu’il défi-nit comme « un accès de douleur physique ou morale ».

Ces définitions montrent l’interaction qui existe entreces deux termes; la douleur semble recouvrir plutôt unétat physique et la souffrance a une connotation pluspsychologique et plus globale.

La diversité des expériences douloureuses rend compte dela difficulté à trouver une définition totalement satisfaisan-te et définitive de la douleur. La douleur est décrite parl’Association Internationale pour l’Étude de la Douleur en1979 comme « une expérience sensorielle ou émotion-nelle déplaisante, liée à une lésion tissulaire réelle oupotentielle, ou décrite en termes d’un tel dommage ».

La douleur est une « expérience », c’est-à-dire qu’elleconstitue une connaissance unique, singulière, spéci-fique à chacun, susceptible de se modifier selon sonhistoire personnelle.

La douleur est « sensorielle, c’est-à-dire qu’elle utilisenos sens, notre capacité de percevoir, de décoder etd’intégrer les stimuli selon une alchimie qui nous estpropre. La douleur a une base organique; elle passepar le corps. Il est possible de la décrire en terme delocalisation et d’intensité.

Mais la douleur est aussi » émotionnelle «. Elle s’enra-cine dans la subjectivité de la personne humaine, dansson histoire. L’intensité de la douleur n’est pas quanti-fiable dans l’absolu. La douleur s’intègre dans dessignifications personnelles, des symboliques indivi-duelles ou portées par la société.

Pour René LERICHE, chirurgien de la douleur, « la dou-leur n’est pas un simple fait d’influx nerveux courantd’une allure déterminée dans un nerf. Elle est la résul-tante du conflit d’un excitant et de l’individu entier ».

Pour Marc SCHWOB, psychiatre, spécialiste de la dou-leur : « toute douleur est subjective, individuelle etintransmissible. Sa seule traduction est l’expressiondonnée par le patient, traduction à laquelle il faut faireconfiance et se référer de manière stricte sans que lesattitudes du thérapeute par rapport à la douleur neviennent interférer ».

■ 2 - 2 La douleur dans sa dimension sociale

L’attitude à l’égard de la douleur n’est jamais figée.Pour David LEBRETON, anthropologue, « elle varied’une condition sociale et culturelle à une autre, etselon l’histoire personnelle ».

En effet, la relation intime à la douleur dépend de lasignification que celle-ci revêt au moment où elletouche l’individu. La douleur est d’abord un fait desituation. L’expérience montre par exemple l’importan-ce de l’entourage, même purement professionnel, dansle soulagement et l’apaisement du malade. La douleurest intime, mais elle est aussi imprégnée de social, deculturel, de relationnel; elle est le fruit d’une éducation.

Elle n’échappe pas au lien social. La douleur ressentieest une perception qui soulève d’abord la question durapport au monde de l’individu et de l’expérienceaccumulée à son égard.

Pour LEBRETON, la douleur « induit un renoncementpartiel à soi, à la contenance qui est de mise dans lesrelations sociales, l’individu relâche le contrôle qui d’or-dinaire organise les rapports aux autres. Il s’autorise desactes (grimaces, pleurs) ou des paroles (jurons, plaintes)qui tranchent sur les comportements habituels ».

Toute douleur, même la plus modeste, induit des modi-fications de comportements.

Pour lui la douleur relève d’une symbolique. Il expliqueque le corps est une réalité changeante d’une société àune autre. L’image du corps, « c’est la représentationque se fait le sujet de son corps dans un contexte socialet culturel donné et à travers son histoire personnelle ».L’image se construit sur plusieurs composantes : laforme, le contenu, le savoir et la valeur.

La valeur, c’est l’intériorisation par l’acteur du juge-ment social, culturel, relationnel et personnel.

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Selon LEBRETON, la construction sociale de la douleurse fait à partir de plusieurs données :

• La ritualisation

Toutes les sociétés humaines intègrent la douleur dansleur vision du monde en lui conférant un sens, voireune valeur. L’expression individuelle de la douleur secoule au sein de formes ritualisées nourrissant l’attentedes témoins.

Quand une souffrance affichée paraît hors de propor-tion avec la cause et déborde le cadre traditionnel, onsoupçonne la complaisance ou la duplicité, la réputa-tion de l’acteur est alors en jeu.

Même si le seuil de sensibilité est proche pour l’en-semble des sociétés humaines, le seuil de perception etles niveaux de tolérance auxquels réagit chaque indi-vidu et l’attitude qu’il adopte dès lors sont liés essen-tiellement au tissu social et culturel.

Quatre seuils ont été déterminés (un seuil est évalué enappliquant un stimulus à une petite zone cutanée, eten augmentant progressivement l’intensité) :

• le seuil de sensation : soit la valeur minimale du sti-mulus suffisante pour qu’on enregistre une sensation,comme un chatouillement ou une tiédeur,

• le seuil de perception de la douleur : soit la valeurminimale du stimulus suffisante pour qu’on perçoivesa stimulation comme douloureuse,

• le seuil de tolérance à la douleur : soit le niveauminimal du stimulus suffisant pour qu’on cherche àéviter la stimulation ou qu’on réclame l’interruption,

• la tolérance avec encouragement : même définitionque le dernier point mais dans ce cas on incite le sujetà endurer des niveaux de stimulation plus élevés.

• Des données éducatives

La famille est un lieu intense de socialisation où se for-ment les modalités corporelles et le rapport au mondede l’enfant. La manière dont un individu réagit à ladouleur s’enracine pour une large part dans les pre-mières années de la vie et dans le type d’attention desparents aux blessures ou aux maladies de l’enfance.

• Des données culturelles

Les valeurs culturelles jouent un rôle important dans lafaçon dont chacun perçoit la douleur et y fait face. Leconditionnement culturel fait que les groupes sociauxdonnent un statut, accordent une normalité à la dou-leur, et même la valorisent parfois au détriment desplus élémentaires nécessités biologiques.

Le travail d’un sociologue Américain I.K. ZOLA montreles incidences culturelles sur la perception des symp-tômes et l’émission de la plainte dans une populationd’individus de deux origines différentes (Américaind’origine Italienne et Irlandais).

Les malades italiens qui manifestent une tendance cul-turelle à la dramatisation de leur état les met parfois enporte-à-faux avec les exigences de la culture médica-le et hospitalière. À l’inverse, l’attitude conventionnel-le des irlandais est de prendre sur soi et de supporterla situation en congruence avec le sentiment que lavie est difficile et qu’il faut savoir faire face.

Dans nos sociétés hétérogènes marquées par l’indivi-dualisme, les formes personnelles de relation à la dou-leur s’inspirent plus ou moins des modèles culturelstraditionnels.

• Des données sociologiques

Les conditions d’existence nouent une relation couran-te à la peine, à la souffrance, alors les sociétés déve-loppent des ressources physiques et morales les ren-dant plus aptes à supporter leurs maux.

LEBRETON décrit que :

• Dans les milieux les plus démunis, la force de sup-porter la douleur est investie d’une certaine fierté.L’endurance au mal est un critère d’affirmation desoi, un motif d’estime générale.

• Dans les milieux ouvriers, on vit souvent avec lagêne tant qu’elle n’altère pas en profondeur la rela-tion au monde.

• Dans les milieux ruraux, la dureté au mal est plusprononcée, appuyée sur des impératifs économiqueset surtout sur une organisation exigeante de leur quo-tidien.

• Dans les couches sociales moyennes et surtout privi-légiées, la relation au corps est faite d’une attentionaiguisée. Toute douleur est traitée à son émergence,l’accent est mis sur la nécessité de rester en forme.

• Pratiques médicales et cultures

Ce ne sont pas seulement les malades qui intègrentleur douleur dans leur vision du monde, mais égale-ment les médecins ou les infirmières qui projettentleurs valeurs et souvent leurs préjugés, sur ce quevivent les patients dont ils ont la charge.

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La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

La relation interculturelle (culture de l’autre et culturemédicale) est le fruit d’un ajustement d’attitudes de partet d’autre. Elle met en face des individus qui ont uneimage de l’autre et modulent leur comportement res-pectif en fonction de cette image, et de ce qu’ils veu-lent préserver d’eux-mêmes.

Chaque acteur, au-delà de son groupe d’appartenanceréagit avec son style propre à l’émergence de la dou-leur. Certains individus sont réputés plus « durs » qued’autres ou plus « douillets », plus « sensibles ».

Un même individu n’a pas une relation constante à sadouleur.

La perception de l’autre sur sa douleur a une influencesur la gestion de sa propre douleur.

■ 2 - 3 But et rôle de la douleur

La douleur peut être nécessaire :

• la douleur contribue à la survie, elle provoque unmouvement de retrait immédiat ou tout autredémarche visant à empêcher une aggravation de lablessure,

• les douleurs prévenant une lésion future sont fonda-mentales pour apprendre à l’avenir les situations oules objets nocifs,

• les douleurs provenant d’articulations endomma-gées, d’infections abdominales, de maladies ou deblessures graves limitent l’activité et imposent l’inac-tion et le repos, conditions souvent essentielles à l’ef-ficacité des mécanismes naturels de récupération etde lutte contre la maladie qui assurent la guérison etla survie. Elles ont également un rôle diagnostic.

Certaines douleurs n’ont aucune fin utile, par exemplela douleur chronique peut même mettre en jeu la sur-vie, elle peut être si terrible, si épouvantable que lesvictimes préféreraient la mort à la perspective de vivresans arrêt avec elle.

LEBRETON décrit les usages sociaux de la douleur :

• L’offrande de la douleur : les deux motivations ensont le perfectionnement moral et la quête du salutdans un contexte religieux.

• La douleur pour exister : hors de toute vocation reli-gieuse, certains individus mènent leur existence surun chemin de douleur qu’aucune circonstance n’ar-rive à éliminer. Cette prédisposition touche des typesde personnalité. Souffrir autorise l’individu à exister,pour d’autres, la douleur est un atout pour attirer l’at-tention. À l’inverse retournée contre soi, la douleurest aussi un outil de contrôle de l’autre. Le chantageà la souffrance est l’arme redoutable de ceux qui sontdépourvus de tout autre moyen de se faire entendre.

• La douleur éducatrice : la douleur infligée à l’indivi-du est un moyen de gouvernement de l’autre, d’em-prise sur son comportement, sinon sur sa conscien-ce. Elle chemine avec le soutien de la douleurcomme sanction possible de tout écart de conduite.

• La douleur infligée pour punir d’une incartade, d’uneinfraction ou imposer un ordre : de longue date, c’estun principe d’intimidation et de pouvoir, une maniè-re de prise sur l’autre à proportion de son impuissan-ce à se défendre.

• La douleur initiatique accompagne les rites de nom-breuses sociétés traditionnelles. L’imposition de ladouleur témoigne du contrôle que le novice exercesur soi et prépare à supporter les vicissitudes del’existence. Elle est un liant social.

• La douleur comme ouverture au monde : le soulage-ment de la douleur a valeur de remise au monde, deréappropriation plénière d’une vie provisoirementmutilée. Il y a une puissance dans toute douleur, unedimension initiatique, une sollicitation à vivre plusintensément la conscience d’exister.

■ 2 - 4 Le stigmate

Le dictionnaire « Le Petit Robert » définit le stigmatecomme « une marque, un signe qui révèle un état dedétérioration (empreinte, trace, flétrissure) ».

Pour Erving GOFFMAN, tout le temps que l’inconnuest en notre présence, des signes peuvent se manifestermontrant qu’il possède « un attribut qui le rend diffé-rent des autres membres de la catégorie de personnesqui lui est ouverte et aussi, moins attrayant, qui à l’ex-trême fait de lui quelqu’un d’intégralement mauvais oudangereux ou sans caractère ».

Selon le même auteur, ce mot désigne « un attribut quijette un discrédit profond ». Or, le discrédit est « ladiminution ou perte de la confiance, de l’estime, de lavaleur dont jouit quelqu’un » selon le dictionnaire citéprécédemment.

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Nous l’avons vu, la douleur modifie le comportementet modifie l’image de soi.

Une personne ayant un stigmate n’est pas selon GOFF-MAN « tout à fait humain, partant de ce postulat, nouspratiquons toutes sortes de discrimination ». Le stigma-te représente un certain type de relation entre l’attributet le stéréotype, c’est-à-dire que ce ne sont pas tous lesattributs déplaisants qui sont en cause mais ceux làseuls qui détonnent par rapport au stéréotype que nousavons quant à ce que devrait être une certaine sorted’individu.

Le patient tient un rôle lorsqu’il est hospitalisé, celui de« malade ».

Henri MENDRAS définit le rôle comme une conduitesociale de quelqu’un qui joue dans une situation uncertain personnage. Un rôle se trouve défini par lesattentes des autres rôles. Il se situe par rapport à desnormes que cet auteur décrit comme un consensussocial. Les normes sont fournies aux individus par leursgroupes d’appartenance et de référence, beaucoupplus que par la société dans son ensemble. La percep-tion de soi et d’autrui permet la sélection de compor-tements jugés appropriés par l’individu lors d’interac-tions où les conduites des uns ont un effet sur lesconduites des autres.

Les soignants posent des hypothèses quant à ce quedevrait être le patient opéré, douloureux, qui leur faitface.

Selon GOFFMAN, les critères que la société a fait inté-rioriser à l’individu stigmatisé, sont autant d’instru-ments qui le rendent intimement sensible à ce que lesautres voient comme sa déficience et qui inévitable-ment l’amènent, ne serait-ce que par instant, àadmettre qu’en effet il n’est pas à la hauteur de ce qu’ildevrait être. Surgissent la honte, la haine et le méprisde soi-même et une réduction de la reconnaissance desa valeur sociale par les autres.

Il détermine des symboles de stigmate « signes dontl’effet est d’attirer l’attention sur une faille honteusedans l’identité de ceux qui le portent avec pour consé-quence un abaissement de l’appréciation ».

L’auteur octroie des qualités à l’attribut discréditanttelles :

• la visibilité : la douleur est visible pour l’initié àcondition de la reconnaître ou de la laisser s’expri-mer,

• la perceptibilité, l’importunité : lorsqu’un stigmateest immédiatement perceptible, il reste à déterminerà quel point il contrarie le flux d’interaction,

• le foyer apparent ; c’est le domaine dans lequelinflue le stigmate. La douleur influe dans la relationsoignant/soigné.

Le patient douloureux peut se demander si l’expressionde sa douleur est perçue comme une déficience par lessoignants.

■ 2 - 5 Les différents types de douleurs

L’amélioration de la connaissance du cheminement dumessage douloureux, des phénomènes d’amplificationou d’inhibition de la douleur, le diagnostic de la patho-logie à l’origine de la douleur s’il y a lieu, l’observationet l’entretien avec le patient doivent permettre de dis-tinguer différents types de douleurs.

Bien qu’il soit difficile de les classer au sens strict duterme, on retient néanmoins classiquement troisgrandes catégories de douleurs :

– Les douleurs par excès de nociception :

Ce sont de loin les plus fréquentes. Elles sont induites,sur un système nerveux normal, par un excès d’influxnociceptifs à partir des lésions tissulaires. Ce sont lesdouleurs usuelles des brûlures, des traumatismes et dela plupart des maladies, qu’elles engendrent, des dou-leurs aiguës (douleur dentaire, infarctus du myocarde,embolie pulmonaire, péritonite...) ou chroniques(arthrose, cancer...).

L’origine somatique s’exprime selon un rythme méca-nique (augmentation de la douleur par l’activité phy-sique) ou inflammatoire (réveil nocturne par la dou-leur). Cette sensation douloureuse est un signal d’alar-me qui va conduire le patient à consulter.

C’est la douleur que l’on retrouve chez le patient por-teur d’une lithiase vésiculaire et après une cholécys-tectomie.

– Les douleurs neurogènes :

Elles sont dues à la lésion ou à la destruction d’une ouplusieurs structures nerveuses, périphériques ou cen-trales : membre fantôme, section de nerf, paraplégie.Leurs caractéristiques spécifiques facilitent leur recon-naissance : sensation de brûlure, décharges élec-triques, fourmillements, picotements. Les douleursneurogènes sont une cause fréquente de douleurschroniques.

La complexité des mécanismes de la douleur faitaujourd’hui préférer les termes neurogènes ou neuro-pathiques à celui de désafférentation.

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La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

– Les douleurs psychogènes

Elles se manifestent en l’absence de toute atteintesomatique ou neurologique, susceptible d’être mise enévidence avec nos moyens actuels d’investigation. Lediagnostic de douleur fonctionnelle est donc portéaprès avoir éliminé toute origine somatique ou neuro-logique; il doit être étayé sur un faisceau d’argumentspsychopathologiques. Certaines somatisations s’intè-grent dans des pathologies psychiatriques (dépression,névrose, hystérie...) et sont entre autres, des manifesta-tions physiques algiques sans qu’aucun support orga-nique ne soit retrouvé.

Parmi ces différents types, la douleur aiguë et la dou-leur chronique.

• La douleur aiguë est le plus souvent provoquée pardes stimulations dommageables pour les tissus. Ellesignale l’existence d’une lésion plus ou moins spéci-fique qui orientera le médecin vers un diagnostic.Elle entraîne des réactions en chaîne qui représententune menace pour l’individu. Elle doit être rapide-ment jugulée.

• La douleur chronique n’a aucune fonction biolo-gique. Elle est même, notent les spécialistes, inutileet dévastatrice. Une douleur devient chronique lors-qu’elle dure au-delà de trois à six mois. Récurrente,elle peut même durer des années. Pouvant accom-pagner une lésion organique déterminée, elle peutaussi persister plusieurs mois après la guérison. Ladouleur chronique envahit l’univers affectif dupatient. À l’origine de divorces et de suicides, la dou-leur chronique semble être la cause d’un nombrenon négligeable d’incapacités. Réel problème desanté publique, son coût total est considérable.

Au centre des préoccupations actuelles, les douleurschroniques tendent à être prise en charge de mieux enmieux par les centres de traitement spécialisés.

3 - LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE

■ 3 - 1 Définition

La douleur post-opératoire est une douleur aiguë évo-quée par des stimulations nociceptives appliquées endifférents points de l’organisme. Ces stimulations ont encommun de menacer l’intégrité corporelle et déclen-chent des réponses biologiques, comportementales etréflexes variées, véritables « signaux d’alarme » dont lafinalité est de préserver l’intégrité de l’organisme.

La douleur post-opératoire se définit comme une dou-leur prévisible et transitoire, de 24 à 72 heures. Elle estla conséquence de l’acte chirurgical et de la pathologieen cause. Cette douleur est exacerbée par des efforts demobilisation, des efforts de toux, lors de gestes théra-peutiques survenant à distance de l’intervention (panse-ments, ablation de drains...) et parfois par des complica-tions post-opératoires (infections locales ou générales...).

Elle est caractérisée par une très grande variabilitéselon les individus pour un même acte chirurgical. Ellene survient d’ailleurs pas obligatoirement et on estimequ’environ 5 à 20 % des opérés ne souffrent pas.

Même si cette douleur, dont on envisage la fin pro-chaine, perd une part de sa violence dans son ressenti,elle peut néanmoins entraîner des modifications decomportement de l’individu.

■ 3 - 2 Les facteurs interférants

Les caractères et l’évolutivité de la douleur post-opéra-toire relèvent de facteurs multiples largement dépendantde facteurs liés au patient, de l’acte chirurgical, de lapathologie causale mais aussi de la « signification » dela douleur pour le patient et de l’attitude de soignants.

– Les facteurs liés au malade :

L’âge, le sexe, le poids influent d’une part sur la phar-macocinétique des agents analgésiques et d’autre partsur la perception de la douleur.

L’attitude vis-à-vis de la douleur post-opératoire estdirectement liée à l’information préopératoire sur ladouleur et aux moyens mis à la disposition du patienten post-opératoire (technique, personnel soignant).

– Les facteurs chirurgicaux :

La nature et le siège de l’acte chirurgical sont les déter-minants essentiels de la douleur post-opératoire.

Ainsi, la chirurgie abdominale haute (cholécystectomie),la chirurgie thoracique et la chirurgie orthopédiquemajeure (rachis, grosses articulations) sont plus doulou-reuses que la chirurgie abdominale basse ou les inter-ventions superficielles de la peau, de la tête et du cou.

34Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

D’autres facteurs liés à la technique chirurgicaleentrent en jeu dans l’intensité et la durée de la douleurpost-opératoire comme le type d’incision. Ainsi, lesincisions transversales sont réputées moins allogènesque les incisions verticales, car elles sectionnent moinsde filets nerveux. De ce fait, une incision sous-costaleexpose à moins de complications pulmonaires et per-met une meilleure analgésie qu’une incision médianeaprès chirurgie vésiculaire.

On comprend qu’une cholécystectomie sous cœlio-scopie est moins algogène que par laparotomie.

La nature de l’acte chirurgical modifie la perception dela douleur et on note le caractère anxiogène de la chi-rurgie pour une tumeur maligne.

– Les facteurs anesthésiques :

La gestion per-opératoire de l’analgésie revêt une impor-tance considérable dans l’horaire d’apparition et l’inten-sité de la douleur post-opératoire, ainsi que le choix dela technique et des agents anesthésiques. Enfin, le choixdu mode analgésique post-opératoire dépend dans unecertaine mesure de la possibilité de poursuivre le typed’analgésie utilisée durant l’intervention.

– Les facteurs psycho-sociologiques :

Il existe une corrélation nette entre le niveau d’anxiétépré-opératoire et l’intensité de la douleur post-opéra-toire. Certains patients s’attendent à souffrir après lachirurgie et peuvent être rassurés par la survenue de ladouleur qui devient le gage du succès de l’interven-tion. Il est d’observation fréquente, pour une même« agression » chirurgicale, de constater l’extrême varia-bilité dans la réponse individuelle des malades tant auniveau de l’intensité que de l’expression de la douleuret des besoins analgésiques.

Parmi les déterminants concourant à l’apparition de ladouleur, les interférences psychiques et sociales ont uneimportance capitale et peuvent majorer, ou à l’inverse,minorer la douleur dans des proportions considérables.

Ces facteurs sont nombreux mêlant à des degrés diversla peur, l’anxiété, la sensation de perdre le contrôle desoi, la séparation du milieu social et familial habituel,le contexte culturel et ethnique, les expériences anté-rieures de la douleur et de la souffrance. Des modifi-cations du comportement peuvent accroître la toléran-ce à la douleur.

– L’attitude des soignants :

La douleur d’autrui entraîne toute une gamme de réac-tions s’échelonnant de la détresse au déni pur etsimple. Il arrive que les médecins prescripteurs nefixent pas les quantités d’antalgiques suffisantes pour

différentes raisons, et que les infirmières les interprè-tent parfois à la baisse.

■ 3 - 3 Les conséquences de la douleur post-opératoire

L’intérêt d’une prise en charge post-opératoire dépassele cadre de simple confort. En effet, la douleur peutêtre à l’origine de multiples perturbations, dont les plusétudiées sont les modifications comportementales, lesperturbations cardio-vasculaires et respiratoires et lesyndrome neuro-endocrinométabolique :

• la douleur post-opératoire semble jouer un rôle nonexclusif dans l’hypersécrétion hormonale,

• la sensation douloureuse aiguë est généralementassociée à une tachycardie et à des accès hyperten-sifs,

• la douleur semble jouer un rôle dans la genèse et lapérennisation des perturbations respiratoires post-opératoires,

• la pérennisation d’une douleur aiguë, en l’absenced’une prise en charge efficace est responsable d’unemodification de la perception douloureuse pouvant,à terme, conduire à l’hyperalgie et à la chronicisa-tion de la douleur,

• la douleur peut entraîner des troubles neuropsy-chiques tels que l’insomnie, l’irritabilité, un étatdépressif si la douleur se prolonge,

• elle peut être responsable de troubles physiques liésà une diminution de la mobilisation, avec un risqueaccru de problèmes thromboemboliques, un retardde la reprise du transit, une augmentation de la mor-bidité post-opératoire avec allongement de l’hospita-lisation (augmentation du coût global des soins).

4 - LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR

■ 4 - 1 Le cadre législatif

La douleur est l’affaire de tous. Parallèlement à l’évo-lution à la fois des mentalités, des comportements, destechniques qui est réelle, il est nécessaire de ne pasperdre de vue les textes officiels qui incitent les profes-sionnels de santé à une certaine réflexion quant àl’adoption d’une stratégie commune afin de diminuerla douleur du patient.

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La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

Ces textes officiels concernent aussi bien les infir-mières, les médecins que les établissements de santé etles patients.

Deux décrets concernent les infirmières :

• Le décret 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règlesprofessionnelles des infirmiers et infirmières (article 2).

• Le décret 95-345 du 15 mars 1993 relatif aux actesprofessionnels et à l’exercice de la profession d’infir-mier (article 1).

Pour les médecins, un nouveau code de déontologiemédicale apparaît dans le décret 95-1000 du 6 sep-tembre 1995 et prévoit, en l’article 37 : « en toute cir-constance, le médecin doit s’efforcer de soulager lessouffrances de son malade, l’assister moralement etéviter toute obstination déraisonnable dans les investi-gations ou la thérapeutique ».

Une des missions des établissements de santé est defavoriser l’organisation des soins, la prise en charge dela douleur, et doivent mette en œuvre les moyenspropres à cette prise en charge. Les textes de référencessont :

• La Loi 91-748 du 31 juillet 1991 portant réformehospitalière,

• La Circulaire D.S.G./DH no3 du 7 janvier 1994 rela-tive à l’organisation des soins et prise en charge de ladouleur,

• La Loi 95-116 du 4 février 1995 portant sur diversesdispositions d’ordre social.

L’amendement NEUWIRTH, le 12 décembre 1994,tend à insérer dans la loi hospitalière un article nou-veau qui concerne trois volets fondamentaux de la luttecontre la douleur :

• Obligation pour les acteurs du système de santé, deprendre en charge la douleur des patients,

• Obligation pour les établissements de santé d’inscri-re dans le projet d’établissement les moyens qu’ilscomptent mettre en œuvre à cette fin,

• Amélioration de la formation des médecins et despersonnels soignants.

L’Agence Nationale pour le Développement de l’Éva-luation Médicale (A.N.D.E.M) en novembre 1995 éla-bore des critères d’évaluation des moyens et de l’acti-vité ainsi que des critères d’évaluation des besoins surla demande de la Direction Générale de la Santé : cescritères permettront de labelliser les centres.

Pour le patient, la Charte du patient hospitalisé(Circulaire D.G.S. no 95 22 du 6 mai 1995) précisedans l’article 2 : « la prise en compte de la dimensiondouloureuse physique et psychologique des patients etle soulagement de la souffrance doivent être une pré-occupation constante de tous les intervenants ».

Un Plan de Lutte contre la douleur sur 3 ans(1998/2000) a été lancé par le Secrétariat d’État à laSanté et à l’Action Sociale, en faveur d’une meilleureprise en charge globale du patient à toutes les étapesde l’histoire de sa maladie, et vise à ce que la douleurne soit plus vécue comme une fatalité.

La Circulaire DGS/DH no 98-586 du 24 septembre1998 relative à la mise en œuvre du Plan d’ActionTriennal de lutte contre la douleur dans les établisse-ments de santé publics et privés en présente les princi-pales mesures autour de 3 axes :

• le développement de la lutte contre la douleur dansles structures de santé et les réseaux de soins,

• le développement de la formation et de l’informationdes professionnels de santé et les réseaux de soins,

• la prise en compte de la demande du patient et l’in-formation du public.

La Circulaire DGS/SQ2/DH/DAS no 99-84 du 11février 1999 relative à la mise en place de protocolesde prise en charge de la douleur aiguë précise les mis-sions des équipes pluridisciplinaires médicales et soi-gnantes des établissements de santé et institutionsmédico-sociales.

Un certain nombre de mesures sont d’ores et déjàmises en œuvre :

• diffusion du « carnet douleur » auprès des établisse-ments de santé et des médecins hospitaliers,

• diffusion d’un million de « réglettes » d’évaluation dela douleur,

• identification des structures de lutte contre la dou-leur,

• mise sur le marché d’antalgiques majeurs pour l’en-fant,

• la douleur est l’un des thèmes prioritaires de la for-mation continue en 1998.

36Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

Aujourd’hui, pour accompagner ces mesures qui ontjusqu’à présent surtout concerné les professionnels desanté et l’organisation des soins, une campagne decommunication est lancée en direction du grandpublic.

Cette campagne de communication vise deux objectifsessentiels :

• diffuser une information sur le fait qu’aujourd’hui lamajorité des douleurs peuvent être soulagées,

• travailler sur les représentations sociales pour aiderles personnes souffrantes à demander de l’aide etinciter les professionnels de santé à les soulager.

À moyen terme, il sera tenu compte de la qualité deprise en charge de la douleur des patients dans l’éva-luation des établissements. La grille d’accréditation quisera mise au point par l’Agence Nationaled’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES) com-portera l’appréciation de la qualité des procédures etdes pratiques de prise en charge de la douleur despatients. Les Agences Régionales d’Hospitalisation(ARH) prendront en compte les efforts réalisés en lamatière dans l’évaluation des établissements.

Il s’agit de faire reconnaître la douleur et la souffrancecomme objets thérapeutiques afin de restituer le pro-blème au cœur de la relation soignant/soigné.

Cette évolution face à la douleur qui place le patientau centre du système de santé doit conduire à réaffir-mer la dimension essentiellement humaine de l’exerci-ce médical.

La bienveillance sociale, que l’on retrouve dans cestextes, est destinée, selon GOFFMAN, à adoucir, àaméliorer la façon dont nous agissons envers la per-sonne stigmatisée.

Ce que peut éprouver le stigmatisé au plus profond delui-même peut être le sentiment d’être une personne« normale », un homme semblable à tous les autres,une personne donc qui mérite sa chance et un peu derépit.

L’auteur distingue les différents interlocuteurs du stig-matisé. Toute personne sans stigmate appartient augroupe des « normaux ».

Parmi les normaux, GOFFMAN distingue les « initiés »qu’il définit comme « des normaux qui du fait de leursituation particulière, pénètrent et comprennent inti-mement la vie secrète des stigmatisés. L’initié est unmarginal devant qui l’individu diminué n’a ni à rougirni à se contrôler car il sait qu’en dépit de sa déficien-ce, il est perçu comme quelqu’un d’ordinaire ».

Le personnel hospitalier peut être considéré commeinitié au regard des missions qui lui sont conféréesmais est-il perçu comme tel par les patients doulou-reux ?

De même le conjoint et/ou un enfant représentent unsecond type d’initiés car il s’agit d’un « individu que lastructure sociale lie à une personne affligée d’un stig-mate, relation telle que, sous certains rapports, lasociété en vient à les traiter tous les deux comme s’ilsn’étaient qu’un ». Cet initié peut se sentir « obligé deprendre sur lui une partie du discrédit qui frappe lapersonne stigmatisée qui lui est proche ».

GOFFMAN définit l’acceptation comme « un proces-sus d’intégration de l’individu stigmatisé dans la viesociale ». L’acceptation se manifeste par des compor-tements de tolérance mutuelle, le stigmatisé se présen-te comme quelqu’un d’ordinaire sans pour autant dis-simuler sa déficience, et que les « normaux » recon-naissent, comme si l’attribut, source de discrédit, necomptait pas.

Selon ce même auteur, quand les normaux et les stig-matisés sont mis en présence les uns des autres, lesstigmatisés se sentent en insécurité, angoissés car ilsignorent ce que les autres pensent vraiment d’eux.

Ils peuvent se sentir en représentation, obligés decontrôler l’impression qu’ils produisent. L’incertitudequ’éprouve le stigmatisé quant à son statut domine ungrand nombre d’interactions sociales. La confiance estréduite ce qui conduit à une surveillance accrue de lapart des deux personnes impliquées.

Cette surveillance chez chaque acteur conduit à unediminution de la spontanéité et à une augmentation dela tension.

Ne sachant pas comment il va être accueilli, identifié,il souffre d’insécurité, d’angoisse. Selon GOFFMAN,les personnes sont stigmatisées lorsque l’attente desautres à leur égard est supérieure à ce qu’elles présen-tent effectivement.

Le contrôle de l’information sociale transmise par lessymboles de stigmate est le moyen facilitateur du pro-cessus d’acceptation du stigmatisé par les autres.

■ 4 - 2 L’évaluation

L’évaluation de la douleur post-opératoire est un préa-lable indispensable à sa prise en charge. Pour cela,l’équipe soignante observe, écoute et dialogue avec lepatient. Elle doit également prévenir certains facteursdont l’apparition accroît la douleur :

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La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

• favoriser le calme autour du patient (pas d’agressionsonore ni visuelle),

• respecter son intimité,

• rassurer le patient et ses proches en les informant desmoyens mis en œuvre pour maîtriser la douleur.

La reconnaissance et la quantification de la douleursont indispensables pour pouvoir la traiter. Mais objec-tiver un phénomène aux caractères éminemment sub-jectifs reste difficile pour les équipes para-médicales etmédicales.

Ceci explique peut-être le peu d’intérêt affiché pendantlongtemps pour la douleur puisque les attitudes médi-cales se déterminent en règle sur des faits cliniques ousur des mesures d’ordre physiologique avec uneméthodologie et des résultats vérifiables et reproduc-tibles.

La verbalisation des plaintes, associées ou non à desmimiques caractéristiques (grimaces) ou des comporte-ments régressifs (gémissements), a pendant longtempsété la seule méthode d’évaluation de la douleur.

LERICHE rappelle la complexité et l’enjeu moral del’évaluation d’un mal qui n’a que l’humilité d’uneparole pour ce dire : « il n’y a qu’une douleur qu’il soitfacile de supporter c’est la douleur des autres ».

Il revient aux équipes soignantes d’avoir une visionplus large que celle organiciste et elles seules sonthabilitées à justifier socialement la souffrance éprou-vée par le plaignant.

À ce jour, différentes méthodes d’évaluation sont pro-posées :

– les tests comportementaux

– les méthodes unidimensionnelles

– les méthodes multidimensionnelles

• les tests comportementaux

L’appréciation clinique par la mesure ou l’énumérationde manifestations comportementales peut servir pourapprécier la douleur. Dans le cadre de la douleur post-opératoire, cette approche peut s’avérer utile, lorsquele rapport verbal est difficile à recueillir, en particulierà proximité du réveil post-anesthésique.

La mimique, les plaintes, les soupirs, un comportementrégressif (mouvements de protection, gémissements)sont souvent utilisés pour apprécier la douleur, maisdes facteurs sont influencés par des facteurs externes,tels que la personnalité et l’environnement.

Un autre critère, dit objectif, tient compte de la deman-de ou de la consommation d’antalgiques. Il a long-temps été considéré comme un paramètre acceptabled’appréciation de la douleur. Il est pourtant soumis à lapersonnalité du patient, au mode de prescription anal-gésique et à l’attitude du personnel infirmier respon-sable de l’administration des antalgiques.

Ainsi, un patient velléitaire, expressif, volubile ourâleur, aura plus de chance de faire réévaluer son trai-tement qu’un patient résigné. Une appréciation inadé-quate par l’infirmière, pour quelque raison que ce soit,feront que le besoin analgésique sera appréhendé.

• Les méthodes unidimensionnelles

Une grande variété d’échelles unidimensionnelles estproposée pour évaluer l’intensité de la douleur. La sen-sibilité, la facilité d’utilisation et la possibilité de traite-ment statistique des données recueillies varient selonles échelles :

– Les échelles verbales : elles n’ont que 4 ou 5 qualifi-catifs (nul, faible, modéré, intense, atroce) et sontparfois rehaussées secondairement de valeurs numé-riques attribuées à chaque adjectif. Elles sont facilesà comprendre et permettent une passation rapide del’information.

– Les échelles numériques : le patient note sa douleurselon son intensité de 0 à 10 et de 0 à 100. Faciles àcomprendre, elles sont présentées oralement ou parécrit. Elles peuvent permettre une comparaison.

– Les échelles visuelles analogiques (EVA) : ce sont lesplus répandues. L’échelle est constituée par une lignede 10 cm de long dont les extrémités définissent leslimites de la grandeur de la variable mesurée, allanten règle générale de l’absence de douleur à la dou-leur maximale imaginable, et sur laquelle lesmalades doivent positionner un curseur à l’emplace-ment où ils pensent situer la douleur. C’est un outilindispensable à l’évaluation de l’efficacité d’un trai-tement analgésique.

• Les méthodes multidimensionnelles

Elles permettent d’évaluer plus finement la douleurpuisqu’elles y intègrent ses composantes affectives ouneuro-sensorielles, autorisant une évaluation à la foisqualitative et quantitative. Cependant, elles sont peuappropriées aux patients en post-opératoire immédiatcar elles sont trop complexes :

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– Le questionnaire de Mc GILL développé par MEL-ZACK dès 1971 est basé sur une nomenclature demots anglais prenant en compte des composantesneurosensorielles, affectives et l’intensité du phéno-mène. Il inclut également des informations complé-mentaires sur le site, les caractéristiques temporelles,les expériences douloureuses précédentes. Chaquemot choisi va être transformé en valeur numérique,sur une échelle de 1 à 5, permettant de dégager desmesures quantitatives statistiquement exploitables.

– Le questionnaire douleur de Saint-Antoine (QDSA)est l’adaptation française du questionnaire de McGILL, en tenant compte des nuances sémantiquesdes deux langues. La méthodologie est similaire etles questions sont regroupées en 3 sous-classes,réparties en 17 sous-classes, dont 9 sensorielles, 7affectives et 1 évaluative.

Cette version a déjà été utilisée avec succès dans l’éva-luation de la douleur post-opératoire.

L’évaluation de la douleur post-opératoire et de l’effi-cacité de la prise en charge tant au niveau des traite-ments que de la relation établie avec le patient doitdésormais faire partie des pratiques routinières. Cecisuppose l’acquisition de techniques fiables, rapides,compréhensibles par tous et facilement manipulablesau lit du malade et aisément reproductibles.

Le seul moyen de savoir si un malade souffre est de lecroire.

GOFFMAN fait la différence entre :

– un individu discrédité, sa différence est déjà connueou visible sur place,

– d’un individu discréditable, sa différence est niconnue ni immédiatement perceptible par les per-sonnes présentes.

L’expression de la douleur par le patient le rendra dis-crédité. Si elle ne s’exprime pas, la reconnaissance dela douleur par les soignants fera du patient un individudiscréditable à condition que les soignants soient suffi-samment formés à l’approche de la douleur et accep-tent de la reconnaître « il n’a pas mal, il ne se plaintpas ».

Il nous est apparu intéressant de nous interroger surla plainte en ce qu’elle contribue à catégoriser lespatients. La plainte vient du latin « plangere » quisignifie frapper avec bruit, battre. Elle est d’abordexpression du mécontentement que l’on éprouvedans le registre du blâme, de la doléance, du grief,du murmure. Elle consiste selon J. J KRESS, psychiatre, « à susciter le trouble et le malaise surcelui à qui elle s’adresse, mais au-delà à déclencherl’efficacité d’une conduite, d’une tendance à agir en sorte de faire cesser la plainte par l’action sur son objet ».

Le porteur de stigmate peut se sentir obligé de le dissi-muler ou de le révéler. Il se voit entouré de profession-nels qui viennent lui prêter assistance.

Il devra trouver la façon la plus souhaitable de sedévoiler, ou au contraire, de se dissimuler. Il va contrô-ler l’information.

Le professionnel peut lui expliquer dans quelle mesureil est en droit de se présenter comme une personneaussi normale que quiconque et en même temps endroit de réclamer un traitement adapté. Il devientconscient de la situation.

GOFFMAN conclue que le normal et le stigmatisé nesont pas des personnes mais des points de vue. Cespoints de vue sont socialement produits lors descontacts mixtes, en vertu des normes insatisfaites quiinfluent sur la rencontre.

■ 4 - 3 Thérapeutiques et techniques

La recherche de l’analgésie, la disparition de la dou-leur représentent dans l’histoire de l’humanité l’acte denaissance de la médecine. L’analgésie constitue tou-jours dans la pratique quotidienne la motivation pre-mière de la demande de soins.

• Traitement de la douleur post-opératoire

– Les antalgiques non morphiniques :

Leur action principale est une diminution de la sensi-bilité des récepteurs nociceptifs à l’origine du messa-ge nociceptif. Ces molécules peuvent avoir un effetantalgique pur ou un effet antalgique et anti-inflam-matoire.

39Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

– Les antalgiques morphiniques ou opiacés :

Ils se fixent sur des récepteurs spécifiques, localisésprincipalement au niveau des structures nerveuses cen-trales. L’interaction médicament-récepteur modifie latransmission des messages nociceptifs dans le sensd’une réduction de ces influx. En dehors des zones spé-cifiques du contrôle de la douleur, les opiacés peuventse fixer dans d’autres régions, procurant ainsi les effetssecondaires de la morphine : dépression respiratoire,nausées, vomissements.

– Les anesthésiques locaux :

Ils bloquent transitoirement la conduction au niveaudes fibres nerveuses. Ils produisent une analgésie decontact : pour agir, ces produits doivent être déposésen regard des structures nerveuses (administration péri-durale, blocs tronculaires, infiltration de l’incision opé-ratoire).

Cependant toutes ces substances antalgiques sont sus-ceptibles de produire des effets secondaires et/ou descomplications.

Aussi pour traiter les douleurs post-opératoires, il estcoutumier d’associer différents types d’antalgiques(anti-inflammatoires non stéroîdiens et morphiniques-anesthésiques locaux et morphiniques) qui permettentd’obtenir une meilleure qualité d’analgésie et donc deréduire le risque de survenue des effets secondaires oudes complications, ceci en diminuant les posologies dechaque molécule.

• Techniques d’administration

Les techniques d’administration des molécules antal-giques sont également nombreuses : voie parentérale,voie péridurale, voies orale et rectale. Ces techniquesd’injection doivent procurer une analgésie avec undélai d’action le plus court possible et doivent per-mettre une adaptation rapide de la posologie des antal-giques en fonction des besoins de l’opéré.

L’analgésie contrôlée par le patient (PCA) représente laplus grande innovation dans ce domaine. Il s’agit d’unetechnique d’administration parentérale des morphi-niques qui, par son principe, permet d’adapter au mieuxle traitement antalgique aux besoins réels du patientpendant les premiers jours post-opératoires. En effet, ilsuffit au patient d’appuyer sur un bouton pressoir, relié àune pompe informatisée, pour déclencher une injectionparentérale d’une faible dose de morphinique.

La dose injectée et le délai entre les bolus sont définispar le médecin anesthésiste en salle de surveillancepost-interventionnelle après titration (recherche de ladose seuil).

Le patient devient donc de ce fait partenaire dans la priseen charge de sa douleur, sous réserve bien entendu de sacapacité à comprendre le principe de cette technique.Cette technique nécessite une surveillance rigoureuse.

Le traitement de la douleur est un des éléments impor-tants de la prise en charge du patient pendant la pério-de post-opératoire.

MÉTHODOLOGIE

1 - MÉTHODE UTILISÉE EN SOCIOLOGIE

L’homme étant le sujet de cette étude, et plus spécifi-quement sa perception de la douleur post-opératoire,une approche sociologique nous paraît pertinente pourcerner notre sujet.

Nous avons choisi l’entretien semi-directif qui nous estapparu l’outil le plus adapté à notre question derecherche dans le cadre de l’étude descriptive explora-toire.

Nous connaissons les thèmes sur lesquels nous devonsobtenir les réactions de l’enquêté, mais l’entretiensemi-directif permet cependant à la personne inter-viewée de parler en toute liberté, en donnant desréponses complètes ou nuancées, et donc d’obtenir unmaximum d’informations.

Les questions posées doivent être suffisamment largespour ne pas induire les propres réflexions du cher-cheur.

Les objectifs sont de :

• rechercher des informations sur la personne elle-même (biographie),

• identifier la perception de la douleur post-opératoiredes patients et des infirmières

• rechercher des informations sur les attentes de cesdeux populations l’une vis-à-vis de l’autre,

• mesurer l’écart entre les patients et les soignants.

Si la définition de la stratégie analgésique est de touteévidence du domaine des médecins, sa mise en œuvreet sa surveillance sont dévolues à l’infirmière, c’estpourquoi nous avons choisi de mener notre enquêteauprès de cette catégorie professionnelle. L’infirmièrereprésente le pivot et la cheville ouvrière, qui réalisel’irremplaçable trait d’union entre les besoins du mala-de et leur prise en considération par les médecins.

40Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

Afin de faciliter la réalisation de cette recherche, nousavons informé le chirurgien, l’infirmière générale, lecadre du service et les infirmières, du thème et dudéroulement de l’étude.

Ainsi, nous ont-ils signalé les malades ayant subi unecholécystectomie par laparotomie pour lithiase vésicu-laire non compliquée, permis l’accès à leur dossier etfacilité le recueil d’information. Nous avons exclu denotre étude les patients opérés sous cœlioscopie, cettetechnique entraînant peu de douleur post-opératoire.

L’enquête a été réalisée dans 4 services de chirurgieviscérale de deux établissements différents sur la pério-de du mois de février à avril 1999.

2 - L’ÉTHIQUE DU CHERCHEUR

Cette recherche qualitative n’apportant pas deconnaissances d’ordre biologique ou médical, ne peutpas prendre le nom de recherche biomédicale et êtresoumise à la Loi HURIET (Loi no 88.1138 du 20décembre 1988, relative à la protection des personnesqui se prêtent à des recherches biomédicales).

Mais le malade demeure un sujet c’est-à-dire une per-sonne et non une chose. C’est pourquoi il nous a sem-blé nécessaire d’obtenir des patients opérés leurconsentement libre et éclairé avant leur participation àcette étude.

Dans cette optique, un entretien préalable nous per-mettait de leur expliquer le cadre, le thème et le dérou-lement de cette recherche.

À l’issue de cette prise de contact, la personne, libre-ment, nous donnait ou non son accord. Afin de leurassurer le respect de l’anonymat, aucune référencerelative à leur identité n’apparaissait dans les prises denotes.

3 - DÉROULEMENT DES ENTRETIENS AVEC LESPATIENTS

Les deux premiers entretiens avaient lieu dans lachambre du patient, à la veille de son retour à domici-le, porte fermée, au calme, durant une période où iln’était pas prévu d’intervention de soignants.

Leur réalisation s’est déroulée dans de bonnes condi-tions.

L’entretien pouvait commencer, les questions étaient :

• Pouvez-vous me parler de votre douleur?

• Comment l’avez-vous exprimée auprès des infir-mières?

• Qu’attendiez-vous des infirmières?

L’entretien s’achevait par des précisions relatives àl’âge, la situation familiale, la profession exercée et lesantécédents chirurgicaux.

La difficulté d’expression nous paraît être en lien avecla présence du patient dans le service et le manque dedistance envers le personnel. Il nous a été dit :

• « ça m’embête de vous dire ça, je ne voudrais pasque les infirmières en pâtissent »,

• « j’ai eu un peu mal, mais tout c’est très bien passé ».

Pour permettre la libre expression des patients, nousleur avons demandé la possibilité de mener l’entretienà leur domicile le lendemain de leur sortie du service.

Après avoir obtenu leur accord, nous rencontrons huitpatients à leur domicile dans les 48 heures suivant leurdépart du service, entre J 8 et J 10 de leur intervention.

La durée des entretiens dans le service a été de 10 et15 minutes. Ceux réalisés à domicile se sont échelon-nés de 25 à 45 minutes pour une durée moyenne de 35minutes.

Quatre patients ont pu facilement s’exprimer, les autresse sont exprimés avec pudeur.

4 - DÉROULEMENT DES ENTRETIENS AVEC LES INFIRMIÈRES

Les entretiens individuels ont été programmés au préa-lable avec le cadre du service et l’équipe de soins afinde ne pas perturber l’organisation du service. L’infir-mière donnait son accord pour l’entretien.

Il avait lieu dans la salle de soins ou dans un bureau,porte fermée, au calme, à un moment où elles n’étaientpas susceptibles d’être dérangées, un relais auprès dessoignés étant organisé par leurs collègues.

41Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

L’entretien commençait par la présentation de l’infir-mière : son âge, son année de diplôme, le nombred’années d’exercice en chirurgie viscérale, son vécupersonnel de la douleur post-opératoire et les forma-tions spécifiques sur la douleur qu’elle avait pu suivre.Elle situait ensuite la politique du service sur la prise encharge de la douleur post-opératoire.

Les questions posées étaient :

• Pouvez-vous me parler de la douleur post-opératoiredes patients opérés d’une cholécystectomie par lapa-rotomie?

• Comment identifiez-vous la douleur?

• Quelle est la prise en charge que vous réalisez?

• Rencontrez-vous des difficultés et pourquoi?

La communication s’achevait par des remerciementspour leur collaboration.

La durée d’entretien a varié selon les infirmières de 20à 45 minutes pour une durée moyenne de 30 minutes.

Nous n’avons pas rencontré de difficulté lors des entre-tiens. Les infirmières se sont exprimées librement surleur expérience et leur perception.

L’enquêteur doit adopter « une stricte neutralité » aussibien dans la formulation des questions que dans soncomportement vis-à-vis des réponses, ce que nous pen-sons avoir réalisé sans pouvoir le vérifier.

Pour faciliter l’analyse des entretiens, nous avonsconstruit une grille repérant les dimensions concep-tuelles explicitées auparavant :

• la perception de la douleur :

– est-elle perçue comme un stigmate par les soignéset les soignants,

– est-elle un attribut qui rend l’individu différent desautres et moins « attrayant »,

– la différence est-elle visible directement ou non(individu discrédité ou discréditable),

– existe-t-il un symbole qui attire l’attention sur unefaille ayant pour conséquence une dévalorisationde l’individu,

– y a-t-il intégration sociale : l’acceptation du stig-matisé c’est lorsque il se présente comme quel-qu’un d’ordinaire, l’interlocuteur le reconnaîtcomme si l’attribut ne comptait pas ; le contrôle del’information intervient comme moyen facilitateurdu processus d’acceptation.

– Les attentes des soignés et des soignants qui défi-nissent le rôle de chacun; lorsque l’attente desautres est supérieure à ce que les personnes pré-sentent effectivement, celles-ci sont stigmatisées.

– Les interlocuteurs de la personne stigmatisée : lesinfirmières sont-elles des interlocuteurs « nor-maux » ou « initiés ».

5 - L’ÉCHANTILLON DES PATIENTS OPÉRÉS

Tous ont été opérés pour une lithiase vésiculaire noncompliquée par laparotomie. L’échantillon se composede 7 femmes et de 3 hommes.Ils seront identifiés dans notre travail par des lettres(Mme A...)➢ L’âge : La moyenne d’âge des patients est de 66 ansavec un écart de 55 à 75 ans. Il n’y a pas de différencesignificative entre l’âge des femmes et celui des hommes.La moyenne d’âge de l’échantillon correspond à celledéfinit dans le cadre de référence où la prévalence dela pathologie atteint un maximum entre 60 et 70 ans.

➢ La situation familiale sur les 10 patients :

– les 3 hommes sont mariés– 3 femmes sont mariées– 2 sont veuves– 2 sont divorcées

La majorité des patients reçoit la visite d’un ou plu-sieurs de leurs enfants. Mme B est seule sur la régionparisienne, mais ses filles entretiennent avec elle desrelations téléphoniques quotidiennes.

➢ La situation professionnelle

3 patients sont en activité et les 7 autres sont retraités.4 sont issus du milieu ouvrier (imprimeuse sur papier,serveuse, cantinière, tourneur),4 autres représentent la classe moyenne (institutrice,laborantine, secrétaire bilingue, artisan plombier) et 2sont issus d’un milieu privilégié (proviseur, architecte).

➢ Expérience antérieure de douleur post-opératoire

La majorité des patients ont un souvenir désagréable dela douleur à des degrés différents, « du supportable àl’horreur », pour des interventions chirurgicalesdiverses. Deux interventions sont réalisées dans l’en-fance et les huit autres dans les dix dernières années.Pour deux d’entre eux, la douleur est « normale » dumoins les premiers jours post-opératoires, Mme E nel’exprime pas directement mais le sous-entend.

42Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

6 - L’ÉCHANTILLON DES INFIRMIÈRES

L’échantillon de 10 infirmières est exclusivement féminin.

➢ L’âge : La moyenne d’âge de ces 10 infirmières estde 37 ans (écart 30-47 ans),

➢ Le nombre d’années moyen de diplôme est de 13ans (écart 7 ans - 28 ans),

➢ Durée d’exercice : elles ont exercé en moyenne 10ans dans un service de chirurgie viscérale (écart 4 ans-20 ans).

Ces 10 infirmières sont expérimentées tant dans leurprofession, puisque la dernière diplômée a déjà 7 ansd’expérience professionnelle, que dans la disciplinechirurgicale.

➢ Expérience de la douleur post opératoire

7 infirmières ont subi une intervention chirurgicale, 4ont un souvenir de la douleur et 3 en ont aucun. Laplupart des infirmières ont eu une expérience de ladouleur plutôt désagréable.

➢ Politique des services en matière de prise en char-ge de la douleur

La politique des services est de prendre en charge ladouleur le plus rapidement possible, les protocolesexistent ou sont en cours de réalisation. Malgré la pré-sence de l’outil dans le service (réglette), pour l’éva-luation visuelle analogique de la douleur, les infir-mières ne s’en servent plus après un temps d’utilisationde deux mois ou ne l’ont jamais utilisé.

Il est à noter que 30 % des infirmières ont bénéficié deformation spécifique sur l’utilisation de l’AnalgésieAuto Contrôlée, mais aucune, depuis sa formation ini-tiale, n’a reçu de formation sur les évolutions de la prise

43Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

Patients Antécédents chirurgicaux Souvenir de la douleur

Mme A Appendicectomie en 1994 Aucun

Mme B 2 « interventions sur le genou » en 1993 « J’ai souffert beaucoup après chaque opération Anévrisme surtout le genou »Éventration

Mme C Amygdalectomie enfant « c’était l’horreur »

Mme D Prothèse totale de la hanche en 1995 « quand on est opéré c’est normal d’avoir mal, mais c’est supportable »

Mme E Appendicectomie enfant « j’ai dû avoir mal mais je ne m’en souviens pas »

Mme F Prothèse du genou en 1997 et reprise en 1998 « ça fait très mal au début c’est normal mais quand ça dure... »

Mme G Canal Carpien en 1996 « C’est gênant mais ça fait pas mal »

M. H Varices en 1990 « Pour les varices j’ai eu peu mal mais c’est normal, Coloscopie pour le reste c’était vraiment rien »

Lipome sur l’épaule

M. I « Pontage après un anévrisme » en 1988 « C’était pas vraiment rigolo tout ça, j’ai dégusté « 2 fois la prostate » en 1992 et 1996 pour la prostate »

Éventration

M. J Prostatectomie en 1995 « Madame, je ne vous le souhaite pas... »

Tableau no I : Expérience antérieure de la douleur post-opératoire des patients

Infirmières Antécédant chirurgical Souvenir de la douleur

Mme 1 Oui « pendant 48 hinsupportable »

Mme 2 Non

Mme 3 Oui « ne pensais pasAppendicectomie que c’était

aussi douloureux »

Mme 4 Oui AucunIntervention sous

cœlioscopie

Mme 5 Oui « mauvais souvenir,AVG enfant l’infirmière

me forçait à manger »

Mme 6 Oui « l’accouchement sansPoints de suture péri, ce n’est rien

à coté »

Mme 7 Oui AucunAppendicectomie

Mme 8 Non

Mme 9 Oui Aucun

Mme 10 Non

Tableau no II : Expérience de la douleur post-opératoire des infirmières

en charge et l’évaluation de la douleur post-opératoire.

Les populations des échantillons, patients et infir-mières, ont semblé intéressées par le sujet et se sontmontrées coopératifs. Les patients ont fait référence à lapublicité diffusée actuellement sur le petit écran, »c’est bien de pouvoir en parler, surtout aux infir-mières ». Les infirmières, quant à elles, ont manifestéleur désir d’approfondir le sujet « la douleur, on enparle beaucoup, mais on ne la connaît pas bien ».

PERCEPTION DE LA DOULEUR POST-OPÉRATOIRE PAR LES OPÉRÉS ET LES

INFIRMIÈRES

1 - LA PERCEPTION DE LA DOULEUR PAR LES OPÉRÉS

Six patients sur dix ont accepté la douleur post-opéra-toire et l’ont perçue comme un événement normal. Ellecorrespond à une norme définie par les patients euxmêmes en fonction des critères de sociétés qu’ils ont

intériorisés. Elle est alors « supportable », ils n’en gar-deront pas de mauvais souvenir.

Ils reconnaissent un seuil de douleur acceptable, ce quiest qualifié dans notre cadre de référence comme leseuil de perception de la douleur. Le seuil de douleuracceptable est propre à chacun. Les individus se pré-sentent comme « ordinaires ». Comme si la douleur necomptait pas. L’endurance au mal peut être alors uncritère d’affirmation de soi.

La douleur s’inscrit dans le temps. Au-delà d’une pério-de que le cadre de référence définit de 24 à 72 heures,la douleur génère de l’anxiété et met en cause la qua-lité de l’intervention.

La douleur telle qu’elle a été perçue par ces patients nesemble pas être un attribut discréditant.

Deux des patients expriment une douleur difficile àsupporter mais ne l’ont pas signalée aux infirmièrespour ne pas sortir du cadre de la norme, de la douleurpost-opératoire perçue comme normale. Ils ont peurd’être catégorisés (douillet, chochotte). Dans cettemesure, ils se perçoivent comme des individus stigma-tisés, obligés de contrôler l’information pour faciliter leprocessus d’acceptation.

Ils ne savent pas comment ils sont perçus par les infir-mières. Ils se sentent obligés de dissimuler leur stigma-

44Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

IDE Protocole dans le service Utilisation d’un outil d’évaluation Formation spécifique

Mme 1 - Pour la PCA (Analgésie Non « on a une réglette mais Salon infirmier Formation enContrôlée par le Patient) on ne s’en sert pas » interne sur l’utilisation de la PCA

- Pour certaines interventionsmais pas pour la cholécystectomie

- Prescriptions en fonction del’anesthésiste

Mme 2 Idem Non « On a pas l’habitude, Mémoire de fin d’étude sur mais on devrait » la douleur chronique

Mme 3 Idem Non Non

Mme 4 Idem Non Formation en interne d’unanesthésiste sur la PCA

Mme 5 Idem Non Non

Mme 6 Idem Non Formation en interne surl’utilisation de la PCA

Mme 7 Oui Non « Difficile à gérer » Non

Mme 8 Oui Non « On a pas le temps, Nonpas vraiment fiable »

Mme 9 Oui Non « On a pas le temps, Nonje n’y crois pas »

Mme 10 Oui Non « On ne réajustait pas les Nonantalgiques/aux résultats

Tableau no III : Politique des services en matière de prise en charge de la douleur post-opératoire

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N°2

te, cette douleur qui jette un discrédit profond, quidiminue l’estime de soi.

Les deux derniers opérés verbalisent leur douleur parune plainte, expression d’un mécontentement pourdéclencher l’efficacité d’une conduite, et obtenir untraitement adapté. Ils estiment qu’aujourd’hui, ils peu-vent bénéficier de traitement supprimant la douleur. Enconsultant les dossiers des patients, tous reçoivent desantalgiques en prescription systématique, durant les 72heures post-opératoires.

La plainte peut être considérée comme un symbole dustigmate, « signe dont l’effet est d’attirer l’attention surune faille honteuse de l’individu avec pour consé-quence un abaissement de l’appréciation ».

À travers ces 10 patients, nous observons des compor-tements d’acceptation, de soumission et d’opposition.

2- LES INTERLOCUTEURS DES OPÉRÉS

Comme nous l’avons décrit dans le cadre de référence, lesinfirmières peuvent être considérées comme des « initiés »qui du fait de leur situation particulière, leur formation etleurs missions comprennent les individus stigmatisés.

Selon la majorité des patients, elles savent estimer ladouleur post-opératoire. Les infirmières sont capablesde reconnaître la douleur sans pour autant qu’elle soitverbalisée. Les infirmières de l’échantillon sont com-pétentes voire spécialistes de part leur expérience.

Huit patients reconnaissent en l’infirmière un » initié« devant qui ils n’ont pas à se contrôler et se sentent enconfiance, soit immédiatement, soit après qu’elle soitintervenue (en donnant des antalgiques). Dans ce cas,elle a reconnu la douleur sans qu’elle ne soit signifiée.

Les 2 autres perçoivent les infirmières comme impuis-santes, pas capables de les comprendre. Leur qualifi-cation devrait permettre de répondre à leurs attentesd’être soulagés. Ces infirmières peuvent être alors per-çues comme des « normaux » qui ne reconnaissent pasla douleur et qui ne tiennent pas compte de l’expres-sion verbale et non verbale de la douleur. Les patientsse sentent en insécurité.

3 - LES ATTENTES DES OPÉRÉS

Les patients attendaient l’intervention comme un sou-lagement, une délivrance. La période écoulée entre le

diagnostic et l’opération s’est échelonnée entre 3 jourset 6 mois. Ils n’expriment pas d’anxiété par rapport àl’intervention. Ils nous disent « être en confiance »,qu’ils vont être opérés par un « bon chirurgien ».

Les patients manifestent des attentes envers les méde-cins et les infirmières. Aucun des patients n’a reçu d’in-formation sur la douleur post-opératoire avant l’inter-vention. Ils n’ont pas osé en faire la demande.Cependant les infirmières les ont informés, au retourdu bloc qu’ils recevraient des antalgiques en systéma-tique puis à leur demande.

4 - LA PERCEPTION DE LA DOULEUR PAR LESINFIRMIÈRES

Ce que reconnaissent les infirmières de la douleur cor-respond à la définition de l’Association Internationalepour l’Étude de la Douleur, puisqu’elles la décriventcomme une expérience empreinte d’une dimensionsensorielle et émotionnelle. Elles perçoivent la douleurcomme un élément subjectif, indépendante de l’inter-vention, toujours variable selon les individus.

La douleur post-opératoire est la conséquence de l’ac-te chirurgical dont le caractère relève de facteurs inter-férants qu’elles citent : facteurs sociaux, culturels, rela-tionnels, comme l’évoque D. LEBRETON. Elle dépenddu vécu de chacun et de la signification que peut luidonner le patient.

5 - LES INFIRMIÈRES COMME INTERLOCUTEUR

Les infirmières peuvent être considérées comme « ini-tiées » au regard de leur formation et des missions quilui sont conférées. Néanmoins, leurs attitudes sontconditionnées par le seuil de perception qu’ellesaccordent au patient (douleur acceptable ou pas dedouleur du tout), ainsi que par leur propre subjectivité.Elles donnent d’autres significations à la douleur. Ellepeut-être une invention de la part du patient, un appel,un moyen d’avoir une présence, une simulation voireune exagération.

Elles accordent une place à l’évaluation verbale et àl’observation du patient. Elles n’utilisent pas d’outild’évaluation et certaines d’entre elles n’y croient pas.

45Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

L’évaluation de la douleur et la surveillance des traite-ments ne sont pas prévues de façon systématique dansle dossier du patient et la planification n’est pas forma-lisée. La réponse à la douleur est essentiellement médi-cale et les infirmières se sentent démunies lorsquecelle-ci n’est pas suffisante pour pallier la douleur.

Les infirmières ne connaissent pas l’antériorité de ladouleur des patients. L’information pré-opératoire desopérés concerne le déroulement de l’hospitalisation etelles répondent à la demande sur la douleur post-opé-ratoire.

Nous constatons une ambiguïté dans le comportementdes infirmières. En effet, elles ne mettent pas en cohé-rence leurs connaissances générales par rapport à l’in-tervention (chirurgie douloureuse...) et l’applicationindividuelle de la prise en charge de la douleur. La per-ception de la douleur est intimement liée à la proprecroyance des infirmières et influe sur sa reconnaissan-ce pour l’accepter et l’admettre.

6 - LES ATTENTES DES INFIRMIÈRES

C’est à partir de l’estimation qu’elles font de la douleurpost-opératoire pour les patients opérés d’une cholé-cystectomie par laparotomie et de leur rôle de soignantque les infirmières définissent leurs attentes envers lespatients. Elles s’accordent à dire que cette interventionest douloureuse voire extrêmement douloureuse enpost-opératoire immédiat.

Les infirmières répondent à l’attente des patients qui estd’être soulagés, et leurs attentes est de soulager lepatient. Cependant les infirmières expriment un senti-ment de malaise lorsque les comportements despatients ne correspondent pas à ce qu’elles attendentd’eux. Elles procèdent alors à une catégorisation despatients. Elles ressentent un sentiment d’impuissancevoire de culpabilité. Elles attendent du corps médicalun secours.

La douleur n’apparaît pas comme un attribut discrédi-tant. L’expression de la douleur par la plainte peut êtreconsidérée comme un symbole de stigmate. Une caté-gorisation des patients est observée avec pour consé-quence un abaissement de l’appréciation de l’individu.

Les sentiments d’impuissance et de culpabilité nousapparaissent comme étant des éléments responsables àcette catégorisation.

LA DOULEUR COMME STIGMATEQue l’acte chirurgical, même le plus banal, crée deslésions douloureuses, tout le monde le comprend. Maisces explications logiques ne justifient pas la douleur.Les infirmières reconnaissent à la douleur, une fonctionde protection. Elles la considèrent comme un signald’alarme, mais les soignants que nous sommes doiventlutter contre la tendance à trouver normale la douleurdes opérés et à la minimiser.

La douleur post-opératoire, dans ce quelle contribue àmodifier le comportement des individus opérés, peutêtre considérée comme un attribut qui jette un discré-dit profond. Nous avons pu constater que la majoritédes patients constituant notre échantillon, ne la perce-vait pas comme un attribut discréditant. Cette douleurest intégrée dans la norme. Il en est de même pour lesinfirmières rencontrées, qui ne perçoivent pas lespatients opérés comme porteur d’un stigmate.

Le concept de stigmate apparaît lorsque les attentes despatients (être soulagés) et celles des infirmières (soula-ger) ne sont pas satisfaites.

Bien que les patients considèrent normal d’avoir malaprès une cholécystectomie, nous constatons leur désird’être soulagés. Les infirmières expriment leur rôledans la prise en charge de la douleur mais se heurtentà des stratégies thérapeutiques insuffisantes à calmer ladouleur.

L’expression de la douleur va perturber le flux d’inter-action entre les opérés et les infirmières. Les individusopérés peuvent adopter des comportements de replisur soi, d’agressivité. Les infirmières peuvent égale-ment emprunter des comportements agressifs et defuite.

La catégorisation des patients va alors justifier leur atti-tude.

Nous avons noté dans le cadre de référence un princi-pe de base : le patient a toujours raison quand il parlede sa douleur ; il est important de lui signifier que nouscroyons à sa douleur, et que nous l’avons pris encompte.

Même si les infirmières considèrent la douleur commeétant subjective, elles la perçoivent parfois comme uneinvention, une simulation, voire une exagération. Lasignification qu’elles lui accordent est intimement liéeà leur propre croyance, leur propre valeur. Le sens attri-bué à la douleur des patients par les infirmières modi-fie les comportements et ainsi peut-il en limiter la priseen charge. L’écoute du patient semble altérée par lapropre subjectivité des infirmières (la non utilisation dela réglette n’en est-elle pas un signe ?).

46Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

L’évaluation de la douleur par le personnel soignantpasse le plus souvent par une analyse stéréotypée enfonction du type de pathologie et se limite en généralà l’administration, sur prescription médicale, d’antal-giques.

La production des soins est basée davantage sur unenorme (habitudes de soins, habitudes médicales) quesur des critères objectifs. L’objectivation de la douleursemble difficile pour les infirmières interviewées.

Le milieu médical se caractérise par le savoir qu’il pos-sède alors que le patient est inculte dans le domaine.Aussi, les infirmières de l’échantillon adoptent des atti-tudes normatives, « Avec ce que je vous ai donné, vousne devriez plus avoir mal », elles savent ce qui est bonpour le patient.

Adapter le traitement de la douleur en fonction desrésultats obtenus avec une méthode d’évaluation, c’estcroire à la parole du patient et admettre qu’il saitmieux que le professionnel. Nous constatons la diffi-culté pour les infirmières à utiliser la « réglette », ellesl’expliquent, dans leurs propos, par l’interprétationqu’elles font de la douleur de l’autre (invention, simu-lation, exagération).

La prise en charge de la douleur introduit un change-ment culturel important. Elle remet en cause le « pou-voir médical », et nécessite que le soignant accepteque le patient devienne partenaire du soin. L’infirmièreet le médecin ne décident pas complètement pour luice qu’il lui faut. La prise en charge de la douleur s’ins-crit dans la reconnaissance du patient sujet et non dupatient objet.

Les plaintes des patients ayant subi une interventionchirurgicale, leurs appels répétés, leur demande d’aideà travers un comportement spécifique ne reçoivent pastoujours de réponses adaptées. Il y a une inadéquationentre ce que le patient demande et les services propo-sés par les infirmières.

Cette verbalisation de la douleur par le patient crée desproblèmes relationnels.

Nous avons pu constater que la plainte des patients,lorsque celui-ci a reçu la quantité d’antalgique prescri-te, renvoi à un échec du rôle des infirmières.

La douleur de l’autre nous remet en question, notam-ment dans notre volonté et notre capacité d’entendrel’autre dans sa plainte. Parfois, notre mode de fonc-tionnement personnel ou collectif vient suturer la pos-sibilité d’expression ou de parole de l’autre.

Des sentiments d’impuissance et de culpabilité vien-nent majorer les difficultés relationnelles et les profes-sionnels peuvent pratiquer toutes sortes de discrimina-

tion. Ces sentiments diminuent l’estime de soi des infir-mières.

La relation affective se substitue en partie à la relationprofessionnelle, ce qui peut expliquer l’échec ressentipar les infirmières. En effet, dans leurs expressions, laprise en charge de la douleur « n’est pas un soincomme un autre ». Leurs comportements sont chargésd’affect et marquent les difficultés de prise de distanceenvers ce soin.

L’analyse de la sensation douloureuse est probléma-tique car elle impose à l’analyste la reconnaissance del’individualité de l’homme souffrant.

Les dix infirmières interviewées ne pratiquent aucuneévaluation pré-opératoire sur la douleur. Parler de dou-leur post-opératoire avec le patient avant l’interventionn’est pas de leur ressort pour certaines, ou fait partiedes sujets tabous pour d’autres.

La douleur est l’affaire de tous, comme le prévoit lapolitique actuelle développée dans le cadre de référen-ce. Répondre à la douleur nécessite la « prise en char-ge globale du patient », du moins reconnaître qu’elles’inscrit dans une continuité ; il y a un avant et un aprèsà l’intervention. Les infirmières de l’échantillon adop-tent un comportement séquentiel en ne prenant pas encompte l’antériorité de la douleur du patient.

Nous venons de développer dans ce travail dansquelles mesures la douleur post-opératoire est perçuecomme un stigmate par les patients opérés d’une cho-lécystectomie et par les infirmières.

La douleur ne peut se définir comme stigmate que dansles relations qu’elle engendre entre les soignants et lessoignés.

Nous tenons à citer à nouveau GOFFMAN : « Le nor-mal et le stigmatisé ne sont pas des personnes maisdes points de vue. Ces points de vue sont socialementproduits lors des contacts entre eux, en vertu desnormes insatisfaites qui influent sur la rencontre »

CONCLUSION

Le contexte international de recherche sur la douleur etla médiatisation du sujet ont mûri notre volonté deréflexion sur la douleur post-opératoire.

La prise en charge de la douleur répond à une préoc-cupation de santé publique tout en étant une obliga-tion éthique.

47Recherche en soins infirmiers N° 60 - Mars 2000

La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières

Un constat d’insatisfaction de la prise en charge de ladouleur, malgré les techniques et les moyens disponibles, nous a conduit à mener une enquêteexploratoire afin de définir dans quelles mesures ladouleur pouvait être perçue comme un stigmate par les patients opérés d’une cholécystectomie et lesinfirmières.

La méthode utilisée, l’entretien semi-directif, nous apermis de repérer la perception de la douleur post-opé-ratoire par les interlocuteurs mis en relation ainsi queleurs attentes.

Pour la majorité des patients, la douleur est un événe-ment normal qu’ils ont accepté. La douleur, telle qu’el-le a été perçue par ces patients ne semble pas être unattribut discréditant. La stigmatisation apparaît dans larelation entre les soignants et les soignés. Les réponsesdes infirmières ne correspondent pas aux attentes despatients, ce qui contribue à perturber le flux d’interac-tions entre les deux protagonistes.

Ce processus autorise l’utilisation de mots aux conno-tations émotionnelles négatives tels que « douillet »« chochotte ».

Lorsque les infirmières ne répondent pas aux attentesdes patients, elles ne sont plus perçues comme des« initiés » mais comme des « normaux ». Les opérés sesentent alors obligés de contrôler l’information pourfaciliter le processus d’acceptation.

La confiance est réduite ce qui conduit à une surveillance accrue de la part des deux personnesimpliquées. Cette surveillance accrue chez chaqueacteur et entre les acteurs, conduit à une diminution dela spontanéité et à une augmentation de la tension.

L’affectivité, qui intervient dans la relation soignant/soi-gné, semble influer dans la prise en charge de la dou-leur.

Deux pistes de recherches ultérieures s’imposent ànous à l’issue de ce travail :

• Quels sont les moyens disponibles pour palier le sentiment de culpabilité des infirmières,

• Quelles sont les répercussions de l’évaluation et l’in-formation de la douleur avant l’intervention sur lessuites opératoires.

D’une part, la réflexion des équipes infirmières etmédicales semble nécessaire au cheminement duchangement culturel que nécessite la prise en chargede la douleur post-opératoire.

D’autre part, l’information du patient n’est pas seule-ment un enjeu juridique ou technique en terme d’accréditation des soins. Il faut aujourd’hui imaginer

des dispositifs de soins qui donnent aux usagers unenouvelle place. Il ne s’agit plus seulement de ce quesavent les soignants, mais aussi de ce que la personneopérée sait, un véritable partage du savoir qui enrichi-ra la clinique.

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La perception de la douleur post-opératoire comme un stigmate par les opérés d’une cholécystectomie et par les infirmières