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1 RÉGULATION DE LA FEMME ENCEINTE : POUR UN ACCOUCHEMENT INOPINÉ 1 SAMU 71, Centre Hospitalier W. Morey, rue du Capitaine Drillien, 71100 Chalon-sur-Saône. 2 SAMU 44, CHU Hôtel Dieu, 1 quai Moncousu, 44093 Nantes Cedex 1. 3 SAMU 69, CHU Edouard Herriot, 5 place d’Arsonval, 69003 Lyon. 4 SAMU 49, CHU, Département de Médecine d’Urgence, 4 rue Larrey, 49933 Angers Cedex 9. Les auteurs sont membres fondateurs de l’Observatoire National des Accouchements Inopinés Extrahospitaliers. Correspondance : N. Sybille GODDET, SAMU 71, CH W. Morey, 71100 Chalon-sur-Saône, France. Tél; : 03 85 42 45 90 Email : [email protected][email protected] Points essentiels Les accouchements inopinés extrahospitaliers sont à plus haut risque de complications maternelles et infantiles. La sémiologie téléphonique doit être maîtrisée. Les outils d’aide à la régulation comme le score de Malinas A et/ou le Score Prédictif de l’Imminence d’un Accouchement permettent de faciliter le recueil des informations, l’évaluation du risque et la prise de décision. La multiparité, les antécédents d’accouchement inopiné extrahospitalier, l’absence de suivi, un niveau socio-économique bas ou l’impossibilité de communiquer avec la parturiente, sont des facteurs majorant le risque d’accouchement hors maternité. Des départs avec une sage-femme ou un pédiatre lors de situations identifiées comme à risque, ou pour des départs systématiques, peuvent être envisagés si les procédures locales le permettent. L’engagement d’un Smur néonatal-pédiatrique, pour les régions disposant d’un renfort de ce type, est recommandé dans certaines situations. Chapitre 2 Régulation de la femme enceinte : pour un accouchement inopiné N. S. GODDET 1 , P. PES 2 , G. BAGOU 3 , F. TEMPLIER 4 , V. HAMEL 2

Régulation de la femme enceinte : pour un accouchement inopiné · Sur le plan obstétrical, il est intéressant de prendre en compte : – la notion de multiparité (le risque augmente

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1RÉGULATION DE LA FEMME ENCEINTE : POUR UN ACCOUCHEMENT INOPINÉ

1 SAMU 71, Centre Hospitalier W. Morey, rue du Capitaine Drillien, 71100 Chalon-sur-Saône.2 SAMU 44, CHU Hôtel Dieu, 1 quai Moncousu, 44093 Nantes Cedex 1.3 SAMU 69, CHU Edouard Herriot, 5 place d’Arsonval, 69003 Lyon.4 SAMU 49, CHU, Département de Médecine d’Urgence, 4 rue Larrey, 49933 Angers Cedex 9.Les auteurs sont membres fondateurs de l’Observatoire National des Accouchements InopinésExtrahospitaliers.

Correspondance : N. Sybille GODDET, SAMU 71, CH W. Morey, 71100 Chalon-sur-Saône, France.Tél; : 03 85 42 45 90Email : [email protected][email protected]

Points essentiels

■ Les accouchements inopinés extrahospitaliers sont à plus haut risque decomplications maternelles et infantiles.

■ La sémiologie téléphonique doit être maîtrisée.

■ Les outils d’aide à la régulation comme le score de Malinas A et/ou le ScorePrédictif de l’Imminence d’un Accouchement permettent de faciliter le recueildes informations, l’évaluation du risque et la prise de décision.

■ La multiparité, les antécédents d’accouchement inopiné extrahospitalier,l’absence de suivi, un niveau socio-économique bas ou l’impossibilité decommuniquer avec la parturiente, sont des facteurs majorant le risqued’accouchement hors maternité.

■ Des départs avec une sage-femme ou un pédiatre lors de situations identifiéescomme à risque, ou pour des départs systématiques, peuvent être envisagéssi les procédures locales le permettent.

■ L’engagement d’un Smur néonatal-pédiatrique, pour les régions disposantd’un renfort de ce type, est recommandé dans certaines situations.

Chapitre 2Régulation

de la femme enceinte :pour un accouchement inopiné

N. S. GODDET1, P. PES2, G. BAGOU3, F. TEMPLIER4, V. HAMEL2

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2 ■ LA RÉGULATION MÉDICALE DE LA FEMME ENCEINTE

■ L’orientation des parturientes et des nouveau-nés doit être adaptée, autantque possible, au terme et à l’évaluation clinique lors de la prise en charge parles équipes médicalisées.

1. Introduction

Sur les 750 000 naissances recensées en 2013 en France, on estime à cinq pourmille le nombre des accouchements survenant hors maternité (1-3). Cesaccouchements inopinés sont considérés comme à plus haut risque deprématurité ou de complications maternelles (hémorragie du post-partum, lésionspérinéales, augmentation de la morbi-mortalité) et infantiles (hypothermie,mauvaise adaptation à la vie extra-utérine, mortalité doublée pour les nouveau-nés prématurés < 35 SA) (4-7).

En régulation, on estime que les appels pour menace d’accouchementcorrespondent à 70-90 % des appels pour un motif obstétrical, soit 0,3 % desappels au Samu-Centre 15

(8)

. La notion même d’accouchement imminent doitêtre recherchée pour tout appel concernant d’une femme enceinte

(9)

.

Le rôle de la régulation médicale est de répondre aux besoins de soins despatients, en qualifiant la gravité de la situation clinique, en décidant des moyensadaptés dans des délais compatibles avec l’évaluation faite, et au besoin enorientant les patients vers une structure adaptée

(10)

. La mise en œuvre de cetteréponse, repose sur un binôme Assistant de Régulation Médicale (ARM) etmédecin régulateur. Charge à eux d’identifier la priorité de la régulation, la notiond’urgence et les moyens éventuels à engager.

Comme le montrait déjà une étude réalisée en 1999, le nombre desaccouchements inopinés extrahospitaliers, les moyens engagés, les possibilités derenfort, les outils d’aide à la régulation utilisés, et l’organisation locale sontdisparates d’une structure à l’autre

(3)

. Certains centres de réception et derégulation des appels intègrent des sages-femmes dans les procédures derégulation, notamment au sein des réseaux régionaux de périnatalité

(11)

.

Depuis octobre 2011, l’Observatoire National des Accouchements InopinésExtrahospitaliers (AIE) mis en place dans plusieurs régions, collige les données desaccouchements réalisés en extra-hospitalier pris en charge par le Smur, grâce àl’implication des Samu départementaux et dans certains cas des réseaux depérinatalité. Les données de régulation font parties intégrantes des élémentsrecueillis. On constate ainsi que deux-tiers des enfants sont nés avant l’arrivée duSmur : près de 16 % des accouchements sont déjà réalisés lors de l’appel auSamu-Centre 15, près de 17 % seront réalisés alors que l’appelant est encore enligne, et 33 % le seront avant l’arrivée du Smur ou d’un premier secours sur place.La régulation de ce type d’appel nécessite donc des connaissances sémiologiquespermettant l’évaluation de l’imminence de l’expulsion et des risques inhérents àcette situation, mais aussi la délivrance de conseils pour guider si besoin

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3RÉGULATION DE LA FEMME ENCEINTE : POUR UN ACCOUCHEMENT INOPINÉ

l’expulsion et faciliter la prise en charge du nouveau-né et de sa mère en attendantles secours.

2. Éléments à prendre en compte pour la régulation

La régulation des accouchements nécessite une bonne connaissance des facteursde risque et de la sémiologie téléphonique, ainsi que l’ensemble des élémentspouvant influencer la décision. La charge de travail en régulation, l’indisponibilitédes effecteurs souhaités ou les contraintes locales pourront modifier la décision.Cette dernière peut être facilitée par des outils d’aide à la régulation mis àdisposition des médecins régulateurs.

2.1. Facteurs majorant ou minorant le risque d’accouchement inopiné

Les éléments ci-dessous sont à prendre en compte lors de la régulation. Ils doiventou peuvent compléter l’interrogatoire afin de préciser le risque d’imminence etadapter la décision.

L’âge de la parturiente (< 25 ou > 35 ans), un niveau socio-économique bas, uneprécarité importante sont des facteurs majorant le risque d’accouchementextrahospitalier. S’ajoute à cela les difficultés de communication telles quel’impossibilité de parler à la parturiente, la barrière de la langue, une angoissemajeure ou la panique de l’appelant.

Sur le plan obstétrical, il est intéressant de prendre en compte :

– la notion de multiparité (le risque augmente dès lors que la parité est > 3) ;

– les antécédents d’accouchement rapide (moins de 1 heure) ou d’accouchementinopiné extrahospitalier ;

– l’absence de suivi pendant la grossesse.

La nulliparité, une grossesse suivie très sérieusement ou des tocolytiques en coursminorent, à l’inverse, le risque d’accouchement inopiné.

2.2. Autres éléments à prendre en compte

D’autres éléments peuvent influencer la régulation. La maternité de suivi doit êtreconnue, son niveau identifié. Le cas échéant, l’orientation de la parturiente et dunouveau-né pourra être modifiée, selon la situation clinique et/ou les contrainteslocales qui imposeraient une orientation vers la maternité la plus proche ou versun centre périnatal de niveau supérieur. La régulation privilégiera, chaque fois quecela sera possible, l’orientation de la mère et de l’enfant dans le mêmeétablissement de santé.

L’évaluation des risques de complication maternelle et du nouveau-né estnécessaire. Elle permet, si possible, d’adapter les moyens engagés.

Parmi les facteurs de risque pour la mère, on distingue :

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4 ■ LA RÉGULATION MÉDICALE DE LA FEMME ENCEINTE

– la multiparité ;

– l’absence de suivi pendant la grossesse ;

– l’utérus cicatriciel ;

– les antécédents d’hémorragie du post-partum ;

– une grossesse pathologique ;

– une césarienne programmée.

Les facteurs de risques identifiés pour le nouveau-né concernent tout d’abord laprématurité dont les éléments suivants aggravent le risque : antécédentd’accouchement prématuré, âge < 20 ou > 35 ans, mère célibataire, bas niveausocio-économique, fausse couche spontanée (FCS) ou interruption volontaire degrossesse (IVG), grande multiparité, tabagisme actif > 10 paquets/année, activitéprofessionnelle fatigante (1). Il peut s’agir aussi d’un retard de croissance intra-utérin (RCIU), d’une grossesse multiple, d’une présentation podalique (par lesiège) ou d’une malformation fœtale connue.

Depuis octobre 2011, 664 dossiers d’AIE ont été enregistrés par l’ObservatoireNational. Les inclusions ont été réalisées par 17 Samu. Pour illustrer ce chapitre, lecontact avec la parturiente pendant l’appel est possible dans 35 % des appels(n = 233). L’âge moyen des parturientes est de 30 ans [16-44], elles sontdeuxième ou troisième pares dans la majorité des cas. La grossesse n’est pas suivieou non connue dans 7 % des cas (n = 36). La barrière de la langue est un frein àla communication dans 12 % des cas (n = 80). Enfin, un niveau socio-économiquebas estimé par l’insalubrité du logement est retrouvé dans 9,8 % des cas (n = 65).

3. Outils d’aide à la décision en régulation

Les scores d’aide à la décision permettent de faciliter le recueil des élémentsdiscriminants pour l’évaluation et la prise de décision (12).

3.1. Le score de Malinas A

C’est probablement le score le plus connu à ce jour. Il reprend les élémentssuivants : parité, caractéristiques des contractions utérines (horaire de début,durée et intervalle), rupture de la poche des eaux. Les valeurs attribuées à chaqueitem sont présentées dans la figure 1.

Par convention, un score > 7 doit faire envisager un transfert de la patiente par unmoyen médicalisé, tandis qu’un score < 5 peut faire envisager un délai et une priseen charge par un transport sanitaire simple. Entre 5 et 7, l’envoi du moyen est àl’appréciation du médecin régulateur. Celui-ci doit alors prendre en compted’autres éléments n’existant pas dans ce score comme la distance ou le délai detransfert vers la maternité, la notion d’envie de pousser et les facteurs de risquesprésentés ci-dessus. Ce score permet de prédire l’absence de risque de survenuede l’expulsion dans l’heure, mais sa validité scientifique reste à prouver. Certainesétudes de pertinence lui confère une bonne VPN > 94 %, mais sa VPP est basse

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5RÉGULATION DE LA FEMME ENCEINTE : POUR UN ACCOUCHEMENT INOPINÉ

(< 29 %) et ne permet pas de définir précisément la survenue de l’expulsion.L’équipe d’Angers avait en 1999 proposé un score de Malinas A modifié prenanten compte la notion d’envie de pousser, la panique de l’appelant, la notiond’hémorragie ou la durée de transport (3). Ce score n’a pas été évalué et n’est pasutilisé en pratique.

3.2. Le score de Malinas B

Il permet d’estimer en fonction de la parité et de la dilatation du col utérin, le délaide l’expulsion. Il ne peut être évalué qu’en présence d’un médecin ou d’une sage-femme sur les lieux de l’intervention.

3.3. Le SPIA (Score Prédictif de l’Imminence d’un Accouchement)

Moins connu, plus complexe, mais plus pertinent, il permet d’estimer le risqued’accouchement inopiné pour les termes > 33 SA, selon cinq critères majeurs : lemotif de l’appel, l’envie de pousser, le rythme des contractions, le contact avec laparturiente et les facteurs aggravants, tels que la panique, l’âge, les antécédentset le suivi de la grossesse (13).

Figure 1 – Score de Malinas A et modalités de calcul.

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6 ■ LA RÉGULATION MÉDICALE DE LA FEMME ENCEINTE

L’ensemble des éléments est pondéré d’une valeur variant de – 3 à + 8 selon lesréponses apportées. La somme de ces chiffres donnera un score qui sera ajustéselon les délais estimés de transfert vers la maternité (Figure 2).

Son interprétation, présentée dans la figure 3, est facilitée dans certainessituations. En dehors des situations à risque faible ou à haut risqued’accouchement inopiné, le rôle du premier effecteur sur place est déterminantpour compléter l’évaluation et adapter les moyens.

Figure 2 – Score Prédictif de l’Imminence d’un Accouchement (13, 17).

Figure 3 – Interprétation du score SPIA (17).

Score < 10 Délais admission < 30 min.Score < 5 Délais < 1 ou 2 h

Risque faible* :Transport sanitaire

Score > 24 Délais < 30 min.Score > 15 Délais < 1 hScore > 10 Délais < 2 h

Risque fort** :SMUR

* VPN > 95 % et Se < 80 % ** VPP > 33 % et Spe > 80 %

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7RÉGULATION DE LA FEMME ENCEINTE : POUR UN ACCOUCHEMENT INOPINÉ

L’utilisation du score SPIA fait appel à un algorithme informatique développé pourfaciliter son usage, qui peut facilement être installé sur les ordinateurs au Samu-Centre 15 et permet d’estimer le risque d’accouchement avant l’admission. Lesrésultats peuvent ensuite être exportés dans le dossier de régulation.

3.4. Le score prémat-SPIA

Il évalue le risque pour les termes < 33 SA, selon les 4 points suivants : le motif del’appel, le contact avec la parturiente, la notion de perte des eaux et l’existence dedouleurs abdominales. Il est utilisable selon les mêmes conditions que le scoreSPIA (Figure 4).

Figure 4 – Score prémat-SPIA (1).

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8 ■ LA RÉGULATION MÉDICALE DE LA FEMME ENCEINTE

L’observatoire National AIE n’identifie que 78 appels (soit 11,7 %) pour lesquelsun outil d’aide à la régulation a été utilisé. Parmi ceux-ci, le score de Malinas A estutilisé dans 46,1 % des cas, le score SPIA dans 50 % et les deux scoresconjointement dans moins de 1 % des cas. Les items permettant l’évaluation durisque, et qui sont des éléments sémiologiques repris dans les scores cités ne sontpas systématiquement identifiés. On constate ainsi que les caractéristiques descontractions utérines ne sont pas mentionnées dans près de 25 % des dossiers derégulation (hors accouchement déjà réalisé lors de l’appel ou en cours deréalisation), que la notion d’envie de pousser n’est pas identifiée dans 14 % desappels. 8 % des parturientes ont un antécédent d’AIE.

4. Situations cliniques et gestion des appels en régulation

La régulation fait appel à plusieurs étapes impliquant successivement les Assistantsde Régulation Médicale (ARM) et les médecins régulateurs. Autour del’accouchement inopiné, trois situations peuvent être identifiées :

Afin de faciliter la présentation, nous aborderons les trois situations cliniquessuccessivement, en détaillant pour chaque situation la gestion initiale de l’appelpar l’ARM, l’évaluation médicale, les conseils dispensés, les moyens engagés etl’orientation envisagée.

4.1. L’enfant est né avant l’appel

Cette situation correspond à environ 17 % des appels selon les données del’Observatoire National AIE, jusqu’à 25 % selon les données recueillies pour larédaction des recommandations formalisées d’expert (7).

Pour l’ARM, il s’agit d’une situation de régulation prioritaire (P0) comme présentédans le tableau 1, et d’envoi réflexe de l’équipe Smur (10). Après avoir identifiél’appelant (son nom, son âge) et le motif de l’appel, le lieu de l’intervention etl’ensemble des coordonnées nécessaires, la qualité des personnes présentesautour de la parturiente, l’ARM transfère l’appel au médecin régulateur. Il s’agitd’une régulation orientée en priorité vers le médecin régulateur urgentiste (MRU).L’ARM peut être amenée à colliger des informations concernant le terme ou la

3 situations en régulation

L’enfant est déjà né L’enfant est en train de naître Le travail est en cours

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9RÉGULATION DE LA FEMME ENCEINTE : POUR UN ACCOUCHEMENT INOPINÉ

notion de grossesse multiple, et doit rapidement s’enquérir de l’horaire de lanaissance, de la vitalité du nouveau-né (a-t-il crié, est-il tonique ?) et en l’absencede régulation médicale immédiate, conseiller des mesures de prévention del’hypothermie.

La régulation médicale doit permettre d’évaluer l’état clinique maternel et dunouveau-né, et de guider les premiers gestes dans l’attente de l’arrivée dessecours sur place. Pour ce faire, l’appelant doit être gardé en ligne jusqu’à l’arrivéedes secours si cela est possible.

Le MRU confirme l’engagement de l’équipe Smur et au besoin d’un transporteursanitaire selon les organisations locales.

Il doit s’enquérir de l’adaptation du nouveau-né à la vie extra-utérine (a-t-il crié,respire-t-il, est-il tout petit, est-il tonique, est-il à terme ?) et de l’absence decomplication maternelle (est-elle somnolente, saigne-t-elle, est-elle pâle, ladélivrance est-elle faite ?).

Lorsque la situation ne présente pas d’éléments de gravité, les conseils suivantsdoivent être délivrés :

– placer le nouveau-né contre sa mère dénudée (peau à peau) afin de prévenirl’hypothermie, mais en position latérale de sécurité afin de libérer les voiesaériennes. Le nouveau-né ne doit pas être mobilisé de manière intempestive et nedoit être positionné ni plus bas, ni en hauteur par rapport à sa mère ;

– sécher l’enfant avec des lignes propres, un bonnet doit être mis en place. Sibesoin, un sac de congélation (sac en polyéthylène) peut être proposé en précisantque la tête doit être laissée à l’extérieur. Les courants d’air doivent être évités, lesportes fermées et le nombre d’intervenant limité (2, 14, 15) ;

– ne pas secouer le nouveau-né pour le stimuler ;

– ne pas tirer sur le cordon ombilical. Si l’arrivée des secours n’est pas imminente,il est possible de faire clamper le cordon avec une compresse ou un lien très largemais sans le couper ;

Tableau 1 – Priorité de régulation et envoi des moyens. Tiré du Guide d’aide à la régulation au SAMU – Centre 15

(10)

.

Pour les ARM Pour les médecins régulateurs

P0 Régulation prioritaireenvoi réflexe SMUR

R1 Urgence vitaleSMUR

P1 Régulation prioritaire R2 Urgence vraie sans détresseATSU, VSAV+ médecin de proximité

P2 Appel peut être mis en attente

R3 PDS

R4 Conseil médical

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10 ■ LA RÉGULATION MÉDICALE DE LA FEMME ENCEINTE

– si la délivrance est faite il est possible de conseiller de masser le ventre de lamère ;

– noter l’horaire de la naissance.

L’évaluation clinique de la mère et du nouveau-né sont confirmés par le médecinde l’équipe Smur dès son arrivée sur les lieux de l’intervention. Dans l’idéal, unincubateur de transport doit être acheminé pour le transport du nouveau-né,notamment en cas de prématurité ou de petit poids de naissance, ou detempérature extérieure très basse.

En l’absence de complication, la maternité de suivi est privilégiée, dès lors que leterme est compatible avec le niveau du centre périnatal.

En cas d’hémorragie du post-partum, l’orientation vers une maternité présentantle plateau technique adapté (radiologie interventionnelle, réanimation, produitssanguins) est privilégiée par le médecin régulateur en fonction du retentissementclinique et des contraintes géographiques (10). L’état clinique et les contrainteslocales ou la distance à parcourir ne permettent pas systématiquement ce type deprise en charge, l’orientation vers la maternité la plus proche doit alors êtreenvisagée.

L’hospitalisation de la mère et du nouveau-né dans la même structure doit êtreorganisée autant que possible (7).

4.2. L’enfant est en train de naître

Cette situation est retrouvée dans 13 % des cas selon les données del’observatoire National AIE.

Il s’agit d’une régulation prioritaire (P0) pour l’ARM. La décision d’envoi d’unmoyen médicalisé est réflexe. Tout comme la situation précédente, en cas de délaiimportant d’acheminement de l’équipe Smur sur les lieux de l’intervention, unmédecin de proximité, correspondant de Samu par exemple pourra êtredéclenché. Il sera conseillé à la parturiente de s’allonger. L’appel est orienté enpriorité vers le MRU.

Le MRU évalue le risque pour la mère et le nouveau-né d’une naissance horsmaternité. Il doit, tant que possible, garder l’appelant en ligne jusqu’à l’arrivée dessecours afin de délivrer les conseils nécessaires au bon déroulement de l’expulsionet aider à prendre en charge le nouveau-né. Il confirme l’engagement de l’équipeSmur.

Le médecin régulateur se doit de rassurer la ou les personnes sur place, de restercalme, de faire préparer des linges propres, de donner les conseils au fur et àmesure de l’évolution de la situation.

Il conseille :

– d’allonger la parturiente sur un lit, canapé, les fesses installées au bord. Lafuture mère doit avoir les fesses surélevées, dans l’idéal de 40 cm par rapport au

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11RÉGULATION DE LA FEMME ENCEINTE : POUR UN ACCOUCHEMENT INOPINÉ

sol. En cas d’impossibilité d’utiliser un lit ou canapé ou autre fauteuil, des coussinspeuvent être positionnés sous les fesses. Si la mère est seule, mieux vaut luiconseiller de s’installer au milieu du lit afin d’éviter la chute éventuelle dunouveau-né ;

– de protéger le sol, si possible. De préparer des linges propres pour accueillir lenouveau-né ;

– de prévenir le risque d’hypothermie en limitant les courants d’air et enchauffant la pièce

– de ne faire pousser que si la présentation est visible à la vulve ;

– d’hyperfléchir les cuisses sur le bassin, uniquement lors des efforts de poussée,et de pousser pendant une contraction

– de ne pas tirer sur le bébé, d’accompagner son expulsion, de le recueillir et del’installer sur sa mère sans tirer sur le cordon ombilical. Les conseils suivant lanaissance sont les mêmes que ci-dessus.

En cas de présentation par le siège, le médecin régulateur doit expliquerformellement à l’appelant de ne toucher à rien et de laisser l’expulsion se fairenaturellement. Il pourra exceptionnellement être amené à guider des gestes partéléphone.

Lorsque cela est possible, le Smur pédiatrique ou néonatal doit être déclenché, àla demande des intervenants, ou mis en alerte plus précocement dans lessituations suivantes (2, 7, 15)

:

– lorsque l’expulsion est en cours, si :

• présentation par le siège,

• grossesse multiple,

• hyperthermie maternelle > 38°,

• liquide méconial,

• métrorragies abondantes, pathologie maternelle non contrôlée,

• procidence du cordon ;

– lorsque le terme est inférieur à 35 SA ou la hauteur utérine < 28 cm ;

– lorsque l’état clinique du nouveau-né, évalué par les moyens présentés sur leslieux, le requiert :

• mauvaise adaptation à la vie extra-utérine,

• hypothermie < 35°,

• score de Silverman > 4,

• hypoglycémie non contrôlée,

• poids estimé à moins de 2 000g ;

• malformation fœtale.

À défaut, une seconde équipe du Smur adulte peut être acheminée sur les lieux del’intervention.

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12 ■ LA RÉGULATION MÉDICALE DE LA FEMME ENCEINTE

Comme dans la situation précédente, l’orientation de la mère et du nouveau-névers la maternité de suivi est privilégiée dès lors que le terme est en adéquationavec le niveau du centre périnatal.

4.3. La patiente est potentiellement en travail

Il s’agit pour l’ARM d’une régulation prioritaire de type P1 lorsque la parturiente aenvie de pousser, d’une régulation qui peut attendre dans les autres cas (P2).

Le MRU doit déterminer les facteurs favorisant la survenue d’un accouchementinopiné extrahospitalier, ainsi que le risque d’imminence de l’expulsion. Il peutpour cela utiliser des outils d’aide à la régulation tels que le score de Malinas A oule score SPIA adapté au terme. Il doit par ailleurs identifier les éléments aggravantles risques pour la mère et le nouveau-né afin d’adapter les décisions. Il tiendraainsi compte, notamment, des caractéristiques des contractions utérines, de larupture de la poche des eaux (qui ne signifie pas toujours accouchementimminent), de l’envie de pousser, de la parité, mais aussi des antécédentsobstétricaux, de la présentation du nouveau-né, du terme, de la panique sur place,de la distance jusqu’à la maternité, de la couleur du liquide amniotique, despathologies liées à la grossesse… (16).

Le choix de l’effecteur repose sur l’évaluation du risque, du niveau d’urgenceestimé ou de la gravité de la situation (17). Un moyen médicalisé doit êtremissionné dès lors que le risque estimé de l’imminence de l’accouchement estgrand (R1) ou qu’une complication semble d’emblée suspectée : la parturiente aenvie de pousser, le score de Malinas A est supérieur à 7, le score SPIA estsupérieur à 24 (avec délai d’admission < 30 min), > 15 avec un délai < 1 heure ou> 10 avec un délai < 2h, une hémorragie est visible, le liquide est teinté. Dans lesautres cas, un transport sanitaire non médicalisé (ambulance privée ou VSAV) peutêtre engagé. Un médecin de proximité peut aussi être engagé lorsque les délaisd’acheminement de l’équipe Smur sont importants. En l’absence de risqueidentifié, il peut être demandé à la parturiente de se rendre à la maternité par sespropres moyens.

Selon les organisations locales, une sage-femme, un obstétricien ou un pédiatrepeut être sollicité. Il s’intègre alors à l’équipe Smur. Ce type d’organisation doitfaire l’objet de procédures écrites.

Un transport héliporté n’est pas justifié dès lors que le risque d’accouchementexiste (17).

Les conseils suivants peuvent être délivrés :

– dans l’attente de l’arrivée des secours :

• installer la parturiente sur le côté (décubitus latéral),

• préparer le dossier de maternité, pour le mettre à disposition des soignants ;

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13RÉGULATION DE LA FEMME ENCEINTE : POUR UN ACCOUCHEMENT INOPINÉ

– dans tous les cas, rappeler en cas d’évolution des signes avant l’arrivée dessecours s’ils ont été engagés, ou pendant le trajet si un moyen personnel estprivilégié.

Les choix d’orientation de la patiente reposent sur les mêmes éléments queprécédemment. À défaut de disposer à proximité, d’un centre périnatal adaptépour des termes précoces, l’orientation vers la maternité de suivi ou la maternitéla plus proche peut être envisagée. Dans certains cas, en accord avec l’équipeobstétricale et pédiatrique, un renfort secondaire du Smur néonatal même distantpourra être envisagé. La maternité d’accueil doit, dans tous les cas, être prévenuepar le MRU de l’arrivée de la patiente.

5. Conclusion

Bien que cela restent des situations peu fréquentes en régulation, ces appelsnécessitent une approche rigoureuse et la délivrance potentielle de nombreuxconseils. L’évaluation initiale de la gravité de la situation ou de l’imminence del’expulsion peut être facilitée par des scores d’aide à la régulation, mais d’autreséléments doivent être pris en compte afin notamment d’anticiper sur des moyenscomplémentaires et l’orientation des mères et des nouveau-nés.

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14 ■ LA RÉGULATION MÉDICALE DE LA FEMME ENCEINTE

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