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Relations entre collectivités territoriales et associations : vers quel équilibre ? 9 e  journée d’étude de l’Observatoire SMACL Paris > 25 juin 2010 42 REVUE LAMY DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES OCTOBRE 2010 N° 61 Impacts de la crise économique sur le niveau des subventions, recours exercé devant le Conseil d’État contre la circulaire du 18 janvier 2010 par un collectif d’associations craignant une mise sous tutelle, proposition de loi examinée au Sénat le 24 juin visant à réformer le délit de prise illégale d’intérêts et à dépénaliser notamment le vote par les élus des subventions aux associations dont ils sont membres…, les collectivités territoriales et les associations sont manifestement à la recherche d’un nouvel équilibre dans leurs relations. Organisée en partenariat avec la Revue Lamy des Collectivités territoriales, et à l’occasion des 20 ans du Lamy Associations, la 9 e journée d’étude de l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale est au cœur de l’actualité. Elle a été l’occasion de dresser un tableau d’horizon des différentes zones de perte d’équilibre possible, de la création de l’association jusqu’à sa dissolution : gestion de fait, prise illégale d’intérêts, accident au cours d’une manifestation, marchés publics et délégations de service public, conventions d’objectifs, mise à disposition de locaux ou de personnel, reprise du passif d’une association subventionnée placée en liquidation judiciaire, sort du personnel après reprise de l’activité d’une association en régie… 68 65 sommaire 43 55 45 OUVERTURE DES TRAVAUX 43>Discours d’ouverture de Michel Paves 44>Discours d’ouverture de Jacques Pélissard PREMIÈRE TABLE RONDE : CONSTITUTION D’UNE ASSOCIATION 45>Quelles garanties d’assurance souscrire ? Par Dominique Elliot 45>Création de l’association et mise en place des relations avec les collectivités territoriales Par Me Alain Pagnoux 52>Des relations qui ne sont pas sans risque Par Me Marie-Françoise Casadéi 54>Intervention de Pierre-Yves Collombat à la première table ronde DEUXIÈME TABLE RONDE : VIE DE L’ASSOCIATION 55>Responsabilité pénale pour délits non intentionnels et manifestations associatives Par Yves Mayaud 59>Intervention de Pierre-Yves Collombat sur la loi Fauchon 60>Participation des élus et des fonctionnaires à la vie associative : quelles précautions sur le plan pénal ? Par Me Didier Seban 63>Intervention de Pierre-Yves Collombat sur la prise illégale d’intérêts TROISIÈME TABLE RONDE : FINANCEMENT DE L’ASSOCIATION 65>Quelles sont les craintes du milieu associatif sur la circulaire du 18 janvier 2010 ? Quelles sont les actions en cours ? Par Jean Lambret 66>Financement des associations : les critères de distinction entre subventions et contrats de commande publique (marchés publics et délégations de service public) Par Me Philippe Petit et Me Agathe Bastard-Rosset QUATRIÈME TABLE RONDE : LIQUIDATION OU REPRISE D’UNE ASSOCIATION 68>Responsabilité de la commune dans la gestion d’une association « loi de 1901 » qui lui est liée Par Me François Pillet 71>Reprise de l’activité d’une association par une collectivité publique : conditions et conséquences sur les contrats de travail Me Layla Assouline

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Relations entre collectivités territoriales et associations : vers quel équilibre ? 9e journée d’étude de l’Observatoire SMACL Paris > 25 juin 2010

42 R E V U E L A M Y D E S C O L L E C T I V I T É S T E R R I T O R I A L E S • O C T O B R E 2 0 10 • N ° 61

Impacts de la crise économique sur le niveau des subventions, recours exercé devant le Conseil d’État contre la circulaire du 18 janvier 2010 par un collectif d’associations craignant une mise sous tutelle, proposition de loi examinée au Sénat le 24 juin visant à réformer le délit de prise illégale d’intérêts et à dépénaliser notamment le vote par les élus des subventions aux associations dont ils sont membres…, les collectivités territoriales et les associations sont manifestement à la recherche d’un nouvel équilibre dans leurs relations. Organisée en partenariat avec la Revue Lamy des Collectivités territoriales, et à l’occasion des 20 ans du Lamy Associations, la 9e journée d’étude de l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale est au cœur de l’actualité.Elle a été l’occasion de dresser un tableau d’horizon des différentes zones de perte d’équilibre possible, de la création de l’association jusqu’à sa dissolution : gestion de fait, prise illégale d’intérêts, accident au cours d’une manifestation, marchés publics et délégations de service public, conventions d’objectifs, mise à disposition de locaux ou de personnel, reprise du passif d’une association subventionnée placée en liquidation judiciaire, sort du personnel après reprise de l’activité d’une association en régie…

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OUVERTURE DES TRAVAUX43> Discours d’ouverture

de Michel Paves

44> Discours d’ouverture de Jacques Pélissard

PREMIÈRE TABLE RONDE : CONSTITUTION D’UNE ASSOCIATION

45> Quelles garanties d’assurance souscrire ?

Par Dominique Elliot

45> Création de l’association et mise en place des relations avec les collectivités territoriales

Par Me Alain Pagnoux

52> Des relations qui ne sont pas sans risque

Par Me Marie-Françoise Casadéi

54> Intervention de Pierre-Yves Collombat à la première table ronde

DEUXIÈME TABLE RONDE : VIE DE L’ASSOCIATION

55> Responsabilité pénale pour délits non intentionnels et manifestations associatives

Par Yves Mayaud

59> Intervention de Pierre-Yves Collombat sur la loi Fauchon

60> Participation des élus et des fonctionnaires à la vie associative : quelles précautions sur le plan pénal ?

Par Me Didier Seban

63> Intervention de Pierre-Yves Collombat sur la prise illégale d’intérêts

TROISIÈME TABLE RONDE : FINANCEMENT DE L’ASSOCIATION

65> Quelles sont les craintes du milieu associatif sur la circulaire du 18 janvier 2010 ? Quelles sont les actions en cours ?

Par Jean Lambret

66> Financement des associations : les critères de distinction entre subventions et contrats de commande publique (marchés publics et délégations de service public)

Par Me Philippe Petit et Me Agathe Bastard-Rosset

QUATRIÈME TABLE RONDE : LIQUIDATION OU REPRISE D’UNE ASSOCIATION

68> Responsabilité de la commune dans la gestion d’une association « loi de 1901 » qui lui est liée

Par Me François Pillet

71> Reprise de l’activité d’une association par une collectivité publique : conditions et conséquences sur les contrats de travail

Me Layla Assouline

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de la loi Fauchon qui fêtera ses 10 ans dans quelques jours. Cette loi aux travaux préparatoires desquels nous avons été associés a singulièrement allégé la menace qui pèse sur les décideurs territoriaux. 10 ans après, donc, notre rapport dresse le bilan de cette loi avec le précieux éclairage du Professeur Mayaud qui nous accompagne depuis plusieurs années. En& n ce rapport souligne l’heureuse initiative de deux parlementaires Bernard Saugey, qui n’a pas pu être des nôtres, et Pierre-Yves Collombat, en vue d’une évolution de l’infraction relative à la répression du délit de prise illégale d’intérêts. Naturellement, il n’est pas question pour nous de défendre l’indéfendable mais de favoriser la prise d’initiatives et de responsabilités par des hommes et des femmes qui savent ce que intérêt général veut dire. Le sénateur Pierre-Yves Collombat nous en parlera ce matin. J’ai d’autant plus de plaisir à la saluer qu’il a été l’un des fondateurs de cet observatoire en 1998 et l’un de ses plus vifs animateurs au titre de l’association des maires ruraux de France (AMRF).Le thème de notre journée d’étude sur les rapports entre col-lectivités et associations est un sujet tout à fait passionnant qui résonne plus particulièrement pour moi qui a été directeur général des services d’une grande ville pendant plus de 10 ans et qui, depuis, est investi dans le monde associatif. J’ai donc été au cœur d’un côté et de l’autre des problématiques qui nous préoccupent aujourd’hui.La création d’associations est, dit-on, un sport typiquement national. Nous verrons aujourd’hui que s’il effectivement facile de déposer les statuts, mieux vaut avoir d’emblée une claire conscience de ce que cela implique de responsabilités auprès des adhérents et des tiers. Nous verrons également que l’éternel casse-tête des responsables d’association, je veux dire le & nancement, implique un nécessaire contrôle dont les collectivités, première partenaires et premier & nanceur des associations, doivent prendre toute la mesure, y compris au regard du Code pénal. Les dirigeants associatifs, c’est tout à fait légitime, tiennent à leur indépendance autant que les élus sont sourcilleux quant à la bonne utilisation des deniers publics. Il en résulte souvent des incompréhensions et des tensions réciproques. La journée d’aujourd’hui, c’est son ob-jectif, devrait permettre de lever les doutes et les ambigüités sur ces rapports autour de notions telles que les subventions, les marchés publics, les délégations de service public, et les obligations réciproques qui s’y rattachent. Notre mutuelle qui compte plus de 15 000 sociétaires collectivités territoriales et autant d’associations, est particulièrement & ère d’apporter sa contribution à la sécurisation du tandem collectivités/asso-ciations qui constitue le pivot d’un service public participatif de proximité. !

J’ai plaisir à ouvrir cette séance de la neuvième journée d’étude de l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale. C’est la troisième fois que nous nous réunissons à l’Hôtel de ville de Paris avec un plaisir particulier puisque Paris est devenu sociétaire de la SMACL. Je remercie tout particulièrement Monsieur Jacques Pélissard, président de l’association des maires de France de nous faire l’honneur de sa présence. Il préside cette réunion et interviendra tout à l’heure.Nous organisons traditionnellement cette journée, avec les Éditions Lamy, avec cette année une occasion particulière puisque c’est le 20e anniversaire du Lamy associations.Je tiens à remercier les intervenants et à excuser le sénateur Bernard Saugey qui a été retenu.– Lionel Benaiche, magistrat, secrétaire général du Service central de Prévention de la corruption ;– Pierre-Yves Collombat, sénateur, vice-président de l’Asso-ciation des maires ruraux de France ;– Yves Mayaud, Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II, spécialiste du droit pénal ;– Jean Lambret fonctionnaire territorial qui représente le Réseau des écoles de citoyens (Récit : association qui a pour objet de « mettre en réseau les initiatives et les organisations qui visent à faire progresser l’éducation de citoyens acteurs d’un monde solidaire ») ;– et plusieurs avocats du réseau Smacl, dont Layla Assouline, Didier Seban, Pierre Liochon, Alain Pagnoux, François Pillet, Marie-Françoise Casadéï, Philippe Petit, respectivement avo-cats aux barreaux de Rennes, Paris, Orléans, Bourges et Lyon.Aujourd’hui c’est un double événement puisque c’est la 9e édi-tion de la journée d’étude de l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale et c’est aussi la publication du rapport annuel de l’Observatoire. Ce rapport annuel est une première. Il nous a semblé que les statistiques, les analyses qui étaient conduits dans le cadre de l’Observatoire, ainsi que la contribu-tion de nos partenaires associations d’élus et de fonctionnaires territoriaux méritaient une publication annuelle Les Éditions Lamy, éditeur de revues juridiques spécialisées et reconnues, se sont naturellement associées pour l’édition de cet ouvrage. Vous y trouverez des observations quantitatives, qualitatives qui pointent les zones de vulnérabilité juridique des décideurs territoriaux notamment au regard de délits aussi sensibles que l’homicide involontaire, la prise illégale d’intérêts ou le favoritisme. Ces observations participent depuis 12 ans à la nécessaire prévention des risques territoriaux et nous osons croire que cette prévention a contribué, même modestement, au tassement des mises en causes depuis les années 2000. Ce tassement s’explique bien entendu aussi et, sans doute d’avan-tage, par les effets des évolutions législatives, et notamment

Discours d’ouverture de Michel Paves, Président du Conseil de surveillance de SMACL Assurances

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RELATIONS ENTRE COLLECTIVITÉS LOCALES ET ASSOCIATIONS : QUEL ÉQUILIBRE ?

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Hier, le Sénat, à l’unanimité, a voté en première lecture la proposition de loi de Monsieur Bernard Saugey, sénateur de l’Isère, qui tend à régler cette question. En l’état actuel de l’article 432-12 du Code pénal, un intérêt quelconque suf& t à caractériser la prise illégale d’intérêts. Dans un arrêt du 22 oc-tobre 2008, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a con& rmé la condamnation de quatre élus, maire et adjoints de la ville de Bagneux, parce qu’ils avaient pris part au vote de subventions à des associations dont ils étaient membres (Cass. crim., 22 oct. 2008, n° 08-82.068).L’objet de la proposition de loi du sénateur Saugey a donc pour objet de remédier à ce type de situations en substituant à la notion d’intérêt quelconque, celle plus précise d’intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Je crois que c’est un progrès intéressant.En conclusion à mon propos, je tiens à souligner le rôle capital des associations : dans un mode qui s’est globalisé avec des ? ux mondiaux & nanciers, des ? ux mondiaux de produits ma-nufacturés, des ? ux mondiaux d’images, des ? ux mondiaux d’émotions, le maire se doit de créer chaque jour du lien social en lien étroit avec le tissu associatif. Ce rôle des associations doit être conjugué intelligemment et légalement avec celui des communes. C’est la raison pour laquelle les rapports entre les communes et les associations doivent être af& nés et sécurisés. Je ne doute pas que cette journée y contribuera.

Au nom de l’Association des maires de France qui, avec Mairie 2000, est heureuse d’apporter son concours à cette journée de l’Observatoire des risques territoriaux, je tiens à souligner toute la pertinence du sujet et combien cette question des rapports entre communes et associations est importante, avec ses implications juridiques, pénales parfois, et & nancières.Le poids du secteur associatif en France est signi& catif : c’est environ 1 million d’associations, 70 000 créations d’associa-tions chaque année, 12 millions de bénévoles, et 20 millions d’inscrits. Donc, quantitativement, le phénomène associatif est important pour les communes. Il l’est aussi sur un plan qualitatif parce que des associations, par hypothèse, pèsent dans une commune : elles mobilisent des bénévoles, portent des intérêts. Nous avons parmi nos conseillers municipaux, nos adjoints, des responsables associatifs, cela implique des risques.Les tables rondes de cette journée vont permettre quelques coups de projecteurs sur ces sujets. J’en ai sélectionné trois qui me semblent particulièrement importants :1° La question de la gestion de fait et des associations dites transparentesVous le savez, une association avec comme action la mise en place des objectifs d’une ville, avec comme & nancement des subventions de la ville, avec comme représentants légaux des responsables municipaux est une association transparente qui par hypothèse est coupable de gestion de fait.2° Le & nancementLa question du & nancement associatif est un sujet qui n’est pas complètement réglé notamment au regard de la régle-mentation européenne, à ce que l’on appelle pompeusement et entre nous le paquet « Monti-Kroes » (1). Sans oublier la circulaire du 18 janvier 2010 qui a commencé à clari& er cette question (Circ. 18 janv. 2010, NOR : PRMX1001610C). Mais il faut encore continuer à ré? échir, à porter devant la Commission européenne des messages pour que cette question du & nan-cement ne télescope pas la vie et l’action de nos communes.3° La prise illégale d’intérêts

Discours d’ouverture de Jacques Pélissard, Président de l’Association des maires de France

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(1) NDLR : Le paquet « Monti-Kroes » – ou paquet « SIEG » – comprend :– la décision de la Commission 2005/842/CE du 28 novembre 2005 concernant l’application des dispositions de l’article 86, paragraphe 2, du traité CE ;– l’encadrement communautaire 2005/C 297/04 du 28 novembre 2005 ;– la directive 2005 /81/CE du 28 novembre 2005 modifi ant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations fi nancières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence fi nancière dans certaines entreprises.

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II – LES ASSURANCES COMPLÉMENTAIRES

Selon l’activité et le budget de l’association, d’autres assu-rances peuvent être souscrites en complément de l’assurance de responsabilité civile :– l’assurance responsabilité civile personnelle des dirigeants sociaux, qui couvre les représentants légaux de l’association contre le risque de mise en jeu de leur responsabilité per-sonnelle ;– l’assurance multirisques des biens mobiliers et du matériel possédé ;– l’assurance responsabilité civile obligatoire des véhicules terrestres à moteur pour les associations qui possèdent un véhicule ;– l’assurance de protection juridique qui permet la défense de l’assuré de façon plus étendue que la garantie défense-re-cours attachée au contrat de responsabilité civile (la défense de l’association sera ainsi prise en charge même si aucune action en responsabilité n’est engagée à son encontre ou si la garantie de l’assureur de responsabilité civile n’est pas due).Si les petites associations peuvent se contenter d’une assurance de responsabilité civile, les associations de taille plus impor-tante, et notamment les associations employeurs, peuvent avoir intérêt à souscrire ces assurances complémentaires.

Sauf exceptions (associations sportives, secteur médical, mi-neurs handicapés, tourisme, centres de loisirs, chasse…), les associations n’ont pas l’obligation de s’assurer. Mais si elle n’est pas obligatoire, l’assurance reste néanmoins fortement recommandée.

I – L’ASSURANCE DE RESPONSABILITÉ CIVILEAu cours des activités proposées par l’association, les hypo-thèses d’accident sont nombreuses tant pour les membres de l’association que pour les personnes extérieures à celle-ci. Les dommages, qu’ils soient corporels matériels, immatériels peuvent être conséquents et grever lourdement le budget associatif. Sans assurance, l’association devra seule faire face au recours d’une victime ou des organismes sociaux si les conditions objectives de la responsabilité civile sont réunies.L’assurance est essentielle car elle permet à l’association :– de se défendre dans le cadre de la garantie défense-recours attachée au contrat de responsabilité civile ;– d’éviter la mise à contribution du patrimoine de ses respon-sables par la prise en charge de l’indemnitéElle est aussi pratique : elle permettra à l’association de pou-voir utiliser les équipements et installations publiques (salle des fêtes, gymnase, etc.) par la production d’une attestation d’assurance, demandée par les propriétaires.

1RE TABLE RONDE

Quelles garanties d’assurances souscrire ?Par Dominique ELLIOT, Responsable du service Associations de SMACL Assurances

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I – INTRODUCTION (1)

On recense actuellement près d’un million d’associations, leur nombre est en constante progression, 190 associations sont créées quotidiennement.Plus d’un français sur deux est membre d’une association.Les associations emploient environ 1 600 000 personnes.Plus de la moitié de leurs ressources proviennent de subven-tions (54 % de subventions publiques, source INSEE 2004).Les associations s’intéressent à toutes les activités : sport (24,5 %), tourisme et loisirs (23 %), santé, action sociale (16,5 %), intérêts et défense des consommateurs et des victimes (9,5 %), habitat et protection de l’environnement (9,5 %), éducation, formation (8,5 %), services aux entre-prises (8,5 %), etc.En outre, les pouvoirs publics confèrent, en droit ou en fait, à des associations, le monopole de certaines activités qui s’ap-parentent, plus ou moins à un service public. Les exemples sont nombreux : les ASSEDIC (C. trav., art. L. 351-4), les ACCA (C. env., art. L. 422-2 à L.422-22), etc.

Les associations pouvant constituer une puissance rivale de la souveraineté étatique, ce n’est que par la loi de 1901 et le décret du 1er juillet 2001, que la liberté d’association a été reconnue.Le Conseil d’État, par une décision du 11 juillet 1956 « Anna-mites de Paris » a consacré la force juridique de l’association (CE, 11 juill. 1956, Annamites de Paris, Rec. CE 1956, p. 317).Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 16 juillet 1971, a érigé la liberté d’association en principe de valeur constitutionnelle.La Convention Européenne des Droits de l’Homme af& rme également ce principe en son article 11.

Création de l’association et mise en place des relations avec les collectivités territoriales

Par Me Alain PAGNOUX, Avocat au barreau de Bordeaux

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(1) Bibliographie : Lamy Associations, Éditions LAMYLes Associations, Charles Debbasche, Jacques Bourdon, Éditions PUFCréer une Association culturelle, Nicolas Marque, Éditions Credit CooperatifLes responsabilités des associations et de leurs dirigeants, Patrice Macqueron, Éditions Francis LefebvreLe guide des associations, Éditions Groupe Revue Fiduciaire.

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1RE TABLE RONDE

L’association est un principe de liberté qui a pour charte la loi de 1901.Une liberté af& rmée mais nécessairement encadrée pour éviter tout type d’abus.Fondées sur ce principe de liberté, les associations ont un encadrement formel moins important que les sociétés com-merciales, et en particulier les sociétés anonymes.Résultant du décret du 2 juillet 2004, le Conseil National de la Vie Associative (CNVA) a pour mission d’étudier l’ensemble des questions relatives à la vie associative et de donner un avis sur les textes législatifs et règlementaires.À cette occasion, peut également être consulté utilement le site du gouvernement : www.associations.gouv.fr.À côté du CNIVA, existent également les MAIA, Missions Départementales d’Accueil et d’Information des Associations.Il existe plusieurs types d’associations, mais pour toutes les associations, et pour leur conférer une capacité juridique, et leur permettre d’être reconnues par les tiers, il faut que leur existence soit rendue publique par les soins de leurs fonda-teurs. Il suf& t pour cela d’une déclaration à la Préfecture ou à la Sous-préfecture, déclaration assortie d’un formalisme réduit.Il existe une distinction entre l’association et la société, qui repose sur la notion de partage des béné& ces. Il est permis à une association de réaliser des béné& ces, mais pas de les répartir entre ses membres (C. cass., 24 nov. 1958, Bull. crim., n° 400 ; Cass. soc., 27 sept. 1989 ; Cass. soc. 1996, n° 94-43.859). Le Conseil constitutionnel a également con& rmé ce principe (Cons. const., 25 juill. 1984, n° 84-176 DC). L’impossibilité de partager les béné& ces implique également que les biens de l’association ne puissent également, être partagés.Rien n’interdit par contre, aux salariés de l’association, d’en être membre, sauf si les salaires versés correspondraient en réalité à une distribution occulte de pro& t (Reims, 19 janv. 1980, RTD com. 1980, p. 103).Alors que la création d’une association est, par dé& nition, un choix de liberté et de simplicité, plus l’association est impor-tante, ou fonctionne comme un service public, ou reçoit des fonds publics, plus ses contraintes, notamment quant à la tenue des documents sociaux, l’information des membres, le contrôle des comptes, vont se rapprocher de celles applicables aux sociétés commerciales.Après le rappel de ces considérations générales concernant le rôle des associations et leurs obligations, il convient de revenir au thème de la table ronde, soit celui des relations entre les collectivités territoriales et les associations.Ces relations nécessaires et béné& ques peuvent parfois, dans certaines hypothèses, se révéler dangereuses.Pour éviter ce danger, et ses éventuelles conséquences, il est nécessaire, au-delà des conventions pluriannuelles d’objectifs, des règles légales de contrôles, de prendre un certain nombre de précautions, et d’effectuer des véri& cations concernant les documents sociaux que l’association devrait normalement détenir, tant en ce qui concerne sa constitution que pendant la durée de sa vie sociale.Il convient, dans ces conditions, dans un premier temps, de rappeler les obligations qui s’imposent à l’association lors de sa création, le cadre qui doit intervenir concernant la mise en place des relations entre l’association et la collectivité, ainsi que les conséquences liées au manque de rigueur de contrôle à l’occasion de cette relation.

II – LA CRÉATION DE L’ASSOCIATION ET LA MISE EN PLACE DES RELATIONS AVEC LA COLLECTIVITÉ

Les relations avec la collectivité publique peuvent être de trois ordres, éventuellement cumulatifs :

– soit la collectivité publique est membre de l’association et devra être vigilante quant à son fonctionnement ;– soit la collectivité publique octroi des subventions à l’as-sociation et devra également faire preuve de vigilance par le biais de conventions d’objectifs ;– soit, en dernier lieu, la collectivité met des locaux à dispo-sition de l’association.Parfois, il existe entre la collectivité et l’association une relation pathologique, lourde de conséquences, lorsque, par exemple, la collectivité publique entretien des relations étroites avec l’association, sans que le rôle de l’une et de l’autre soit bien différencié.L’article 1er de la loi de 1901 dispose que « L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des béné# ces. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ».L’association a une nature contractuelle, et la constitution d’une association doit respecter les conditions relatives à la validité des contrats, tels que prévus par l’article 1108 et suivants du Code civil : le consentement des parties, leur capacité, un objet certain et une cause licite.En outre, conformément à l’article 1134 du Code civil, les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.L’association naît du consentement des sociétaires sur le but commun qu’ils entendent poursuivre et les moyens qu’ils comptent utiliser pour y parvenir.Pour constituer une association, il faut être au moins deux membres.Conformément à l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901, l’asso-ciation ne béné& cie de la capacité juridique, qu’après avoir été déclarée en préfecture par les soins de ses fondateurs ou administrateurs. À défaut de déclaration, l’association n’a pas de patrimoine et ne peut ester en justice.Il convient également d’insister sur le fait que donne lieu à déclaration dans le délai de trois mois à compter du jour de leur adoption :– les modi& cations statutaires ;– les changements de dirigeants ;– le transfert du siège social ;– les fondations de nouveaux établissements ;– les acquisitions ou aliénations d’immeubles.La modi& cation d’une indication contenue dans la publication initiale de l’association au Journal Of& ciel doit être publiée dans le délai d’un mois de sa déclaration.

A.– L’adhésion

Le consentement peut être exprès ou tacite. Un écrit apparaît toutefois indispensable pour une question de preuve. Le consentement des adhérents non fondateurs résultera de la signature du bulletin d’adhésion.La question récurrente qui va intervenir, va éventuellement concerner la liste des membres. Cette liste des membres doit être régulièrement mise à jour. En effet, cette liste est tout à fait importante, pour les convocations à l’assemblée générale annuelle, les quorums, les majorités.Lorsque l’adhérent signe le bulletin d’adhésion, bien que cela ne soit pas obligatoire, il apparaît toutefois nécessaire que l’adhérent, lors de la signature du bulletin, reconnaisse, soit que lui a été remis une copie des statuts et du règlement intérieur applicable, soit que ce dernier a eu connaissance du statut et du dernier règlement intérieur applicable.À côté des personnes physiques, des personnes morales vont pouvoir être membres d’une association. Le consentement des

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personnes morales est exprimé par ses représentants légaux. Une collectivité publique va pouvoir faire partie d’une associa-tion, et va également, pouvoir subventionner une association sans en être membre. Pour qu’une collectivité publique soit membre d’une association, il est bien évidemment nécessaire que cette dernière fasse acte d’adhésion dans les formes pré-vues par les statuts et habilite son représentant.La volonté de la collectivité publique doit être exprimée de façon formelle.Les collectivités territoriales doivent désigner leurs repré-sentants au sein de l’association, selon les dispositions des articles L.2121-33, L. 3221-7, L. 4231-5 du Code général des collectivités territoriales.

B.– Les cotisations

L’article 6-1er de la loi du 1er juillet 1901 dispose que « Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisa-tion spéciale, ester en justice, recevoir des dons manuels ainsi que des dons d’établissements d’utilité publique, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer, en dehors des subventions de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics :1° Les cotisations de ses membres ou les sommes au moyen desquelles ces cotisations ont été rédimées, ces sommes ne pouvant être supérieures à 16 euros ».Les cotisations sont versées au moins une fois par an et peuvent être différentes selon les membres, mais doivent être égales pour une même catégorie de membres. Les cotisations versées ne doivent pas constituer la rémunération de la fourniture d’un bien ou d’une prestation de service. À défaut, l’association ne pourra pas béné& cier d’une exonération de TVA, outre les autres incidences & scales et juridiques, qu’une requali& cation de son statut entraînerait.

C.– Le nom de l’association

L’association ne doit pas utiliser le nom d’une autre association ou d’une société, et l’association aura tout intérêt à faire une recherche d’antériorité auprès de l’INPI, et le cas échéant, déposer elle-même son nom à l’INPI.L’association, quant à elle, si elle est victime d’une usurpation de son nom, pourra agir en justice pour faire cesser le trouble et demander des dommages-intérêts.

D.– Le bail consenti à l’association

Le bail, que l’association va passer pour installer son local, va être un bail de droit commun, régi par les articles 1714 à 1778 du Code civil. Dans cette dernière hypothèse, la durée du bail est libre et ne dépend que de la volonté des parties.En l’absence de droit au renouvellement, à l’expiration du bail, prévu par un texte, l’association n’a pas droit au renouvelle-ment du contrat, ou au versement d’une indemnité d’éviction, et le bailleur peut donner congé sans invoquer de motif précis.Un bailleur et une association peuvent également opter pour la passation d’un bail, soumis au régime juridique des baux professionnels, tel que prévu par l’article 57 de loi du 23 dé-cembre 1986 (durée du bail initial de 6 ans, reconduction pour une période identique à défaut de congé donné par les parties 6 mois avant).En principe, les associations, ne peuvent béné& cier du statut des baux commerciaux. Toutefois, les établissements qui constituent un fonds d’enseignement, même s’ils sont régis sous forme associative peuvent béné& cier du statut des baux commerciaux, si l’association est propriétaire du fonds d’en-seignement, et si l’enseignement est dispensé à des tiers et non à ses seuls membres.

Les parties peuvent également soumettre volontairement contractuellement, leur bail à la législation des baux com-merciaux.L’association pourrait également, conformément à L’article L. 123-11-1 du Code de commerce, installer son siège au domicile de son représentant légal et y exercer son activité, pour une durée maximum de 5 ans.Lorsque l’association occupera des locaux et qu’il sera procédé à un changement d’usage, conformément à l’article L. 631-71 du Code de la construction et de l’habitation, cette dernière devra prendre les mesures nécessaires. Depuis la réforme des autorisations d’urbanisme, applicable à partir du 1er octobre 2007, l’association utilisatrice d’un local, antérieurement à usage d’habitation, et qui a l’intention, dans ce local, d’installer un bureau, ou d’y exercer une activité d’intérêt collectif, devra déposer une déclaration préalable, conformément à l’article R. 421-17 b) du Code de l’urbanisme, en raison du changement de destination. Si ce changement de destination, est assorti de travaux ayant pour effet, de créer une SHON supérieure à vingt mètres carrés, ou de modi& er les structures porteuses, un permis de construire devra être déposé par application de l’article R. 421-14 a) et b) du Code de l’urbanisme.En ce qui concerne l’administration des biens communaux, le Maire, en tant qu’administrateur des biens de la commune, est compétent pour décider de la mise à disposition des locaux communaux, et du matériel à des associations.Le Conseil municipal & xe, le cas échéant, le montant dû par l’association (Rép. Dehine JO 31 juill. 1995, A.N quest.P3371).Le Maire peut, conformément aux dispositions de l’article L. 2125-1 dernier alinéa du Code général de la propriété des personnes publiques, autoriser l’occupation ou l’utilisation du domaine public gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général.En ce qui concerne le prêt d’une salle communale, pour qu’une association se réunisse, le refus du Maire pourra être sanctionné si ce refus porte une atteinte grave et illégale à la liberté de réunion.Le refus du Maire de mettre à disposition d’une association un local communal ne peut être fondé que sur la nécessité du fonctionnement des services, le maintien de l’ordre public (CAA Nancy, 3 févr. 2005, n° 00NC522), etc.La décision d’autorisation d’utilisation d’un local communal, appartient au Maire, et non au Conseil municipal, qui pourrait uniquement émettre un avis.Le Maire pourra également, après avis du conseil d’établisse-ment et l’accord de la personne morale propriétaire du bâti-ment, autoriser une association à utiliser des locaux scolaires pour l’organisation d’une activité culturelle, sportive, sous réserve du respect des règles de sécurité, conformément aux dispositions de l’article L. 212-15 du Code de l’éducation.

E.– Les statuts

Les statuts, qui doivent obligatoirement être établis par écrit, constituent la charte de l’association. Le choix des statuts est libre. Ils peuvent être rédigés par acte sous-seing privé ou par acte notarié.Les statuts doivent être rédigés avec soin et mentionner no-tamment :– le nom d’association ;– son objet ;– le siège de l’association ;– la durée de l’association ;– les conditions d’accès ;– les cotisations ;– les droits et obligations des membres ;

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– les organes d’administration et de direction ;– les conditions d’élections des membres du conseil d’ad-ministration par l’assemblée et la durée de leurs fonctions ;– les modalités de renouvellement des membres du conseil d’administration ;– les modalités de démission des membres du conseil d’ad-ministration ;– les conditions de désignation des membres du bureau ;– les modalités de réunion du conseil et de l’assemblée ;–  les quorums des assemblées, AGO, AGE, les majorités requises ;– les rôles respectifs du conseil, du bureau ;– les limitations aux pouvoirs du Président (nécessité d’une autorisation préalable du conseil) ;– le droit pour le Président d’ester en justice ;– la désignation du représentant en cas d’empêchement du Président (vice président) ;– la désignation de la personne qui a pouvoir de convoquer l’assemblée, le Président ou le – conseil d’administration ;– les délais de convocation ;– l’ordre du jour ;– les limites de date de dépôt de candidatures, pour la nomi-nation des membres du conseil d’administration ;– l’organisation des débats ;– l’instauration d’un quorum imposant un nombre minimal de membres présents ou représentés pour que l’assemblée puisse valablement délibéré ;– l’expression des votes, soit à mainlevée, soit à bulletin secret ;– les conditions d’exclusion des membres ;–  les sanctions prononcées contre des membres (concer-nant les sanctions, un soin particulier devra être nécessaire-ment apporté, concernant la convocation avec l’indication de l’éventuelle sanction, l’indication précise des griefs reprochés, le cas échéant, la possibilité de consulter le dossier et les conditions de la consultation, la mention de l’exercice des droits de la défense, de l’assistance d’un défenseur, la possi-bilité d’être assistée d’un avocat, la précision que le membre, pour lequel une sanction est envisagée, peut faire part de ses contestations, soit par une réponse écrite ou verbale devant le conseil d’administration, les conditions de la noti& cation de la décision ayant prononcée la sanction, la possibilités de recours devant l’assemblée à l’encontre de la décision ayant prononcée la sanction, le délai à l’intérieur duquel sa réunion devra intervenir), etc.Les statuts pourront prévoir l’établissement d’un règlement intérieur, qui présente plus de souplesse que les statuts. En effet les modi& cations statutaires sont plus lourdes (nécessité d’une assemblée générale extraordinaire) que les modi& cations du règlement intérieur (modi& cations faites par le conseil d’administration ou le bureau). Le règlement intérieur ne peut toutefois remplacer les statuts et n’a pour objet que de les compléter ou de les préciser.S’agissant d’un contrat contenant des conventions réci-proques, les statuts devront être rédigés en autant d’exem-plaires originaux que de parties signataires. Un exemplaire supplémentaire sera nécessaire pour la déclaration de l’as-sociation en préfecture. Une autre solution pourra consister à avoir recours à une assemblée constitutive, laquelle aura toute son utilité, en présence de nombreux signataires. Cette assemblée constitutive a le mérite d’éviter d’insérer le nom et l’identité de tous les membres fondateurs qui peuvent changer dans le temps.Le premier conseil d’administration de l’association élira le bureau composé au moins d’un président, d’un trésorier et d’un secrétaire.

La déclaration en préfecture mentionnera l’identité des diri-geants.

F.– Le règlement intérieur

Les statuts peuvent prévoir une clause stipulant l’établisse-ment d’un règlement intérieur a& n de compléter ou préciser les dispositions statutaires.Le règlement intérieur sera établi, et approuvé par une délibé-ration du conseil d’administration, et approuvé par l’assemblée générale ordinaire, si les statuts le prévoient.Le règlement intérieur a pour objet, par exemple, de régle-menter :– les modalités de convocation de l’assemblée ;– l’élaboration d’une feuille de présence ;– les conditions d’adhésion des membres ;– les procédures d’exclusion ;– l’utilisation des locaux de l’association ;– l’utilisation du matériel de l’association ;– l’organisation des festivités ;– l’animation de l’association ;– le montant des cotisations ;– les modèles de cartes d’adhérents, etc.Il convient de souligner qu’en ce qui concerne les associations reconnues d’utilité publique, les statuts types stipulent, que le règlement intérieur est préparé par le conseil d’administration, et devra être adopté par l’assemblée.Le règlement intérieur des associations reconnues d’utilité pu-blique, est transmis à la préfecture du département, et ne peut être modi& é qu’après approbations du ministre de l’intérieur.Les statuts et le règlement intérieur ont force obligatoire.Le règlement intérieur est opposable aux sociétaires.

G.– Les procès verbaux des réunions

1°) Procès verbal des réunions du Conseil d’AdministrationLa rédaction d’un procès-verbal des réunions du Conseil d’administration n’est pas obligatoire, sauf pour certaines associations.Il est toutefois conseiller d’établir systématiquement un pro-cès-verbal.En cas de litige, un procès-verbal apporte, pour les membres, comme pour les tiers, la preuve de l’adoption des décisions.Ce procès-verbal est également exigé par la Préfecture en cas de modi& cation des organes de direction.Comme pour les procès-verbaux des sociétés commerciales, il convient de mentionner :– la date, l’heure et le lieu de la réunion ;– l’auteur et le mode de convocation ;– les membres présents et les membres représentés ;– l’indication que le quorum est atteint ou n’est pas atteint ;– le président de séance ;– l’ordre du jour ;– le texte des résolutions ;– les résultats des votes etc.

2°) Procès verbal des assembléesLa loi de 1901 ne prévoit pas l’obligation de consulter pério-diquement les membres de l’association.Une assemblée générale annuelle doit intervenir obligatoire-ment pour approuver les comptes.Sauf dispositions particulières dans les statuts, tous les membres de l’association doivent être convoqués aux as-semblées générales.Les attributions de l’assemblée générale doivent bien évidem-ment être clairement dé& nies dans les statuts, et les statuts

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doivent faire la distinction entre, les assemblées générales ordinaires, destinées à régler les questions courantes, et les assemblées générales extraordinaire, devant siéger pour, modi& er les statuts, dissoudre l’association etc.Dans les statuts, il doit être clairement prévu, à quel organe revient l’initiative de convoquer les assemblées générales, le Président ou le Conseil d’administration, et selon quelle périodicité.Il est également important, que les associations qui com-portent de nombreux membres aient une liste à jour des membres effectifs qui doivent être régulièrement convo-qués.Le procès verbal d’assemblée, doit notamment mentionner :– le siège et son adresse ;– la date, l’heure et le lieu de la réunion ;– mention de ce que une feuille de présence a été dressée, et qu’elle a été signée par chaque membre de l’assemblée ;– l’auteur et le mode de convocation ;– le président de séance ;– les noms des scrutateurs avec la mention qu’ils acceptent cette fonction ;– que sont déposés sur le bureau, la feuille de présence signée des membres du bureau ;– pour les AGO annuelles que le bilan, le compte de résultat et l’annexe pour l’exercice clos au … sont déposés sur le bureau ;– que lecture a été donné du rapport moral et & nancier et que le président a offert la parole à tout membre de l’assemblée qui désirerait la prendre ;– l’indication que le quorum est atteint ou n’est pas atteint ;– l’ordre du jour ;– le texte des résolutions ;– qu’il a été donné lecture du rapport moral et & nancier établi par le Président ;– les résultats des votes, etc. ;– l’heure à laquelle la séance est levée ;– la signature du président et des scrutateurs.Il existe dans les associations très souvent une pratique contes-table, qui consiste à faire approuver le procès verbal à l’occa-sion de l’assemblée suivante.Les membres présent d’une assemblée à l’autre ne sont pas forcément les mêmes, et le procès verbal doit être approuvé le jour de l’assemblée.Il peut éventuellement à l’occasion de la prochaine assemblée être donné lecture du précédent procès verbal, mais il ne s’agît que d’une lecture, et non d’une approbation des questions qui avaient été mises à l’ordre du jour.

3°) La forme de la convocationElle doit être déterminée par les statuts, ainsi que le délai.Il convient toutefois de respecter un délai raisonnable.La convocation peut être adressée par lettre simple ou re-commandée.Elle peut être également collective, par af& chage, par voie de presse ou d’af& chage dans les locaux.Les convocations mentionnant l’ordre du jour doivent être adressées dans les délais & xés par les statuts.Ces dispositions doivent être respectées impérativement, sous peine de voir prononcer la nullité de l’assemblée générale.L’assemblée générale ne peut bien évidemment délibérer que sur les points & gurant à l’ordre du jour, à peine de nullité de la résolution adoptée.Il convient, à ce propos, d’éviter d’avoir recours à la rubrique questions diverses, pour prendre des décisions, qui ne & gure-raient pas à l’ordre du jour.

Les statuts & xent les modalités des votes, le nombre de voix, le mode de scrutin, les règles de majorité, et d’unanimité pour les décisions importantes, telles que la dissolution ou la modi& cation de l’objet de l’association.Très souvent dans la pratique concernant la régularité des convocations des assemblées, on est confronté à un problème de preuve.Si, lors de l’assemblée, doivent être prises des décisions d’une particulière importance, les membres de l’association peuvent toujours être convoqués par courrier recommandé avec accusé de réception, même si les statuts ne le prévoient pas.

H.– Les dirigeants

Le Conseil d’administration va élire son Président.Le Conseil d’administration peut déléguer certains pouvoirs à un Directeur salarié.Si une telle délégation devait intervenir, il serait nécessaire de faire & gurer dans les statuts, cette possibilité de déléga-tion, de la formaliser par écrit et dans le contrat de travail du Directeur.La responsabilité pénale du Président pouvant être déléguée, se posera, en cas d’infraction pénale, la preuve d’une telle délégation.Le Président doit également être valablement autorisé à agir en justice.

I.– La comptabilité des associations

Les associations sont assujetties à des règles comptables variables.La loi de 1901, ne soumet d’ailleurs, les associations, à aucune obligation comptable.

1)° Les petites associations ont une comptabilité de trésorerie simpli# ée.En cours d’exercice les petites associations procèdent au clas-sement et aux annotations des pièces justi& catives comptables.Les factures payées sont annotées de la date de paiement, et du numéro du chèque.Les factures comptabilisées seront distinguées, de celles qui n’ont pas encore été comptabilisées.Seuls les mouvements de trésorerie sont enregistrés en cours d’exercice.L’organisation comptable et fondée sur la tenue de journaux de trésorerie.La petite association, dispose d’un journal unique de recettes et dépenses et les mouvements sont enregistrés chronologi-quement avec les références aux pièces justi& catives.La petite association, effectue un état de rapprochement bancaire et à la clôture de l’exercice, présente ses comptes de gestion sa situation & nancière, lors de l’AGO.Mais même s’il s’agit d’une petite association, et si cette der-nière a une activité importante, et/ou de nombreux membres la comptabilité de trésorerie simpli& ée, ne semble pas très adap-tée, et il convient de mettre en place une véritable comptabilité de trésorerie en partie double, sur le modèle de celle prévue par les articles L.123-12 et suivants du Code de Commerce, ou L. 123-5, s’appliquant au régime simpli& é.

2°) Les associations béné# ciant de # nancements publicsMais lorsque l’association, béné& cie de & nancements publics, d’un montant supérieur à 153 000 € par an, cette dernière a l’obligation, conformément au règlement 99-01 du comité de la réglementation comptable (CRC), et l’arrêté du 8 avril 1999 (JO 4 mai), d’avoir une comptabilité respectueuse du plan comptable.

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Ces associations visées par le règlement établissent des comptes annuels conformément au plan comptable général, sous réserve des adaptations prévues par le règlement.Ces comptes annuels sont établis et présentés par la personne morale.

J.– Vie sociale et évolution

Les dirigeants de l’association, la collectivité qui est en relation avec l’association, ou qui en est membre, doivent être vigi-lants lors de la création de l’association, mais cette vigilance ne doit pas disparaître tout au long de la vie de l’association et de son évolution.C’est ainsi, que l’ensemble des documents sociaux, doivent être scrupuleusement tenus, mis à jour, et que les modi& cations intervenues dans le contrôle et la direction de l’association, doivent faire l’objet d’une déclaration modi& cative en préfec-ture, que la comptabilité doit être tenue de façon rigoureuse, et que toute modi& cation de l’objet social ou du risque, doit également faire l’objet d’une information de l’assureur.C’est également au cours de la vie sociale de l’association, que cette dernière, en particulier, va faire appel à des per-sonnes extérieurs à l’association telles que des bénévoles, des collaborateurs non salariés, des fonctionnaires apportant leur concours.Des bénévoles, avec toutes les questions et dif& cultés pouvant être liées à cette situation, telles que, la requali& cation d’un bénévolat en un contrat de travail, l’absence de protection sociale des bénévoles à l’occasion d’accidents du travail, sauf si les bénévoles participent au fonctionnement d’organismes à objet social et dans certaines conditions.Le critère déterminant de la relation salariée, est bien évide-ment, le lien de subordination. Au sens de l’article L. 8221-6-1 du Code du travail, est présumé travailleur indépendant, celui, dont les conditions de travail sont dé& nies exclusivement par lui-même ou par le contrat les dé& nissant avec son donneur d’ordre.En principe, un fonctionnaire doit consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont con& ées, ce qui interdit le cumule entre sa fonction et une activité privée lucrative (L. n° 83-634, 13 juill. 1983, art. 25, modi& ée par L. n° 2007-148, 2 févr. 2007).Le fonctionnaire peut, s’il y est autorisé par son adminis-tration, exercer également une activité accessoire dans une association, sans plafonnement des rémunérations, depuis le 3 mai 2007, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions que lui sont conférées, et n’affecte pas leur exercice (L. n° 83-634, 13 juill. 1983 précitée et D. n° 2007-658, 2 mai 2007, Circ. 11 mars 2008, n° 2157).Un fonctionnaire peut être également détaché auprès d’or-ganismes privés à caractère associatif assurant des missions d’intérêt général.Dans cette hypothèse, le fonctionnaire est placé hors de son corps d’origine mais continue dans ce corps à béné& cier de ses droits à l’avancement et à la retraite (L. n° 83-634, 13 juill. 1983, art. 45 modi& é).Les statuts de l’association doivent préciser la nature et le nombre des emplois pouvant être pourvus par des fonction-naires détachés. Cette disposition doit être approuvée par arrêté du ministre chargé du Budget, du ministre chargé de la Fonction publique et/ou des ministres intéressés.Le détachement dans l’association est prononcé à la demande fonctionnaire.Comme peut le faire tout membre, la collectivité peut tou-jours consulter les documents sociaux a& n de véri& er, que le registre des assemblées est régulièrement et correctement

tenu, que copies des convocations aux assemblées ou au conseil sont régulièrement conservées, qu’il existe bien un registre des feuilles de présence, que les statuts, s’ils ont été modi& és depuis la création de l’association, l’ont bien été en vertu d’une assemblée générale extraordinaire, que copie en a été adressé en préfecture, et que le règlement intérieur a bien été approuvé par l’assemblée générale ordinaire, si les statuts le prévoient.

K.– Les subventions

Avant d’envisager la question des subventions, il convient de rappeler que les subventions font partie, de ce qu’on pourrait appeler, pour simpli& er, la catégorie des transferts & nanciers. D’une façon générale, les transferts & nanciers opérés par les collectivités publiques, pour schématiser à l’extrême, recou-vrent trois grandes catégories.La distinction pourrait résider dans l’initiative de l’opération :

1°) Le marché publicLa dépense publique résulte d’un contrat conclu entre l’autorité publique et un cocontractant sous la condition d’une contre-partie directe au pro& t de l’autorité administrative payante. Le marché public sera conclu conformément aux dispositions du Code des marchés publics. Le marché public est conclu à titre onéreux.Les principes fondamentaux applicables sont la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats, la transparence des procédures.

2°) La délégation de service publicLa dépense publique est faite à l’initiative d’une personne publique, à l’occasion d’un contrat, con& ant à un tiers la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité. Il existe plusieurs formes de DSP : la concession, l’affermage, la régie intéressée.La délégation de service publique doit respecter un principe de transparence, selon la jurisprudence du Conseil d’État, quant à l’information des candidats sur les critères de sélection de leurs offres, nonobstant les dispositions de l’article 38 de la loi du 29 janvier 1993.

3°) La subventionLa collectivité publique attribue une subvention lorsqu’elle souhaite, accompagner une initiative de l’association béné& -ciaire. La décision de subvention doit résulter de la nature de l’initiative de l’association et correspondre à l’intérêt général de la collectivité ou de sa population.C’est l’association qui est, dans ce cas, à l’initiative de la subvention.La collectivité va décider d’octroyer une subvention, et tout tiers peut avoir connaissance, en consultant le compte-rendu des délibérations ou les budgets des collectivités, de la sub-vention accordée à l’association.Elle peut revêtir plusieurs formes : une subvention de fonc-tionnement ou une subvention d’équipement.L’octroi de subvention est en général, assorti de la conclu-sion d’une convention. Une convention avec la collectivité publique ayant attribué la subvention est obligatoire si le montant des subventions dépasse 23 000 €. Une convention est également obligatoire en cas d’engagements plurian-nuels.Elle mentionne l’action pour laquelle la subvention est accor-dée, son montant, ses modalités de versement, la durée de la convention, les caractéristiques budgétaires de l’association, et le contrôle de l’utilisation des fonds.

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La subvention doit bien évidemment être utilisée conformé-ment à l’objet pour lequel elle a été accordée. Tout fond versé doit pouvoir être justi& é par l’association.Les associations qui reçoivent une subvention supérieure à 150 000 €, doivent établir un bilan selon le plan comptable, et nommer au moins un commissaire aux comptes et un sup-pléant, conformément aux dispositions de l’article L. 612-4 du Code de commerce. Une association qui reçoit une subvention supérieure à 153 000 € doit également déposer ses comptes à la Préfecture.Les dispositions dudit article L. 612-5 s’appliquent également, et le Commissaire aux comptes présente à l’organe délibérant un rapport sur les conventions passées, directement ou par personne interposée, entre la personne morale et l’un de ses administrateurs ou l’une des personnes assurant un rôle de mandataire social. Et il en sera de même entre les conventions passées entre cette personne morale et une société.La décision de versement d’une subvention relève du pouvoir discrétionnaire de la collectivité, qui doit prendre en considé-ration l’intérêt de celle-ci.Une association, n’a pas de droits acquis à une subvention.De plus, conformément aux dispositions de l’article L. 2131-11 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), sont illégales les délibérations du conseil municipal auxquelles ont pris part des membres du conseil municipal intéressés. A& n d’éviter toute suspicion, il conviendrait que les dirigeants de l’association intéressée, s’abstiennent de participer à une délibération d’octroi d’une subvention à cette association.Le Conseil d’État a toutefois refusé d’annuler des délibéra-tions attribuant des subventions à des associations dont les conseillers municipaux ayant pris part au vote, étaient des dirigeants en considérant, « qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la participation à la séance du conseil muni-cipal de MM. Y respectivement président de l’Amicale de …, membre du bureau de l’association sportive et culturelle du huitième canton et président de l’association N. Sport, ait exercé une in+ uence sur le résultat du vote par lequel des subventions (…) » ont été versées (en ce sens : CE, 12 oct. 1994, n° 141.638).Les conventions de subventions, font l’objet d’une circulaire, en date du 18 janvier 2010, relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations. La subvention peut être affectée un but précis, lequel doit être impérativement respecté. Comme cela a été dit, une convention est obligatoire dès lors qu’une autorité administrative attribue une subvention dépassant 23 000 €.Les pouvoirs publics subordonnent le versement de cette subvention un certain nombre de contrôles.Toute subvention accordée a pour conséquence de soumettre l’association à un contrôle des élus et délégués de la collectivité qui a subventionné (CGCT, art. L. 1611-4).Pour toute subvention supérieure à 153 000 € par an, l’associa-tion doit établir des comptes annuels, nommer un commissaire aux comptes, assurer la publicité de ses comptes annuels, du rapport du commissaire aux comptes, conformément aux dispositions régissant les sociétés commerciales (C. com., art. L. 612-4 et L. 612-5).Pour toute subvention supérieure à 75 000 €, l’article L. 2313-1 du CGCT, dispose que les documents budgétaires des com-munes de plus de 3500 habitants, doivent comporter en an-nexe, la liste des organismes qui ont béné& cié d’une subven-tion supérieure à 75 000 €, ou représentants plus de 50 % du produit & gurant à leur compte de résultat.La liste des concours attribué par les communes aux associa-tions, sous forme de prestations en nature et de subventions,

mentionnent le nom de l’association béné& ciaire, la nature la prestation, le montant de la subvention (CGCT, art. R. 2313-4, R. 2313-5, R. 231-6).Concernant les départements, ce sont les dispositions de l’article L. 3313-1 du CGCT qui s’appliquent, concernant les régions ce sont les dispositions de l’article L. 4312-1 du CGCT qui s’appliquent.Pour toute subvention supérieure à 50 000 €, l’association doit publier dans son compte & nancier les rémunérations des trois plus hauts cadres dirigeants, lorsque leur budget annuel est supérieur à 150 000 € (L. n ° 2006-586, 23 mai 2006, art. 20).Les Chambres régionales des comptes, peuvent effectuer la véri& cation des comptes des associations qui reçoivent des collectivités territoriales, des aides d’un montant supérieur à 1 500 €, ou dans lesquels elles détiennent séparément ou ensemble, plus de la moitié du capital, ou des voix dans les organes délibérants, ou exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion (C. jur. & n., art. L. 133-3).Le contrôle porte, tant sur les comptes de l’association que sur sa gestion.Il convient en dernier lieu de souligner que le Conseil d’État, a considéré que la loi du 17 juillet 1978, relative à la liberté d’accès aux documents administratifs, s’appliquait aux asso-ciations gestionnaires de services publics.

L.– Les risques de requali# cation

À défaut pour les collectivités territoriales de respecter scru-puleusement leurs obligations, les Tribunaux pourront par-faitement considérer que la commune était gérante de fait, ou que l’association était transparente.

1)° La gestion de faita) La commune pour être considéré comme gérante de faitC’est ainsi que la Cour de cassation, retient qu’une commune ayant des possibilités de suivi, de contrôle, et des pouvoirs au regard de la gestion et des décisions de l’association doit être considérées comme dirigeant de fait, en ce sens (Cass. com., 13 mai 2003, n° 99-17.505).

b) Le dirigeant ordonnateur de fonds publics pourra être considéré comme pénalement responsableLe dirigeant ordonnateur de fonds publics pourra être consi-déré comme pénalement responsable (en ce sens : CDBF, 7 déc. 1994, n° 1994 106-290, CDBF, 19 févr. 1992, n° 94-259 ; CDBF, 24 oct. 1989, n° 82-231 ; CDBF, 17 févr. 1988 n° 74-154 et CE, 30 oct. 1991, n° 95.997 ; CE, 6 janv. 1995, n° 145.898, aff. Carrefour du Développement).

2°) L’association transparentea) Le principeIl convient de rappeler que selon la jurisprudence, les critères de l’association administrative transparente sont les suivants :– pas de déclaration de l’association, elle est donc sans per-sonnalité propre (en ce sens : T. con? ., 4 juil. 1983, n° 2306, Préfet – Commissaire de la république du département de Haute-Corse, Rec. CE. 1983, p. 540) ;– absence d’activité statutaire réelle, en pratique les décisions sont prises par les organes de la collectivité publique initiatrice, même si formellement il existe un dédoublement fonctionnel (en ce sens : CE, 11 mai 1987, n° 62.457, Didier, p. 273) ;– gestion d’activités administratives en l’absence de moyens propres et sans titre légal, c’est-à-dire, sans qu’un lien juri-dique ait été formé, entre l’association et la personne publique maître du service public géré par l’association (CE, 16 févr. 1977, n° 90.550, Dame Archeray, Rec. CE 1977, p. 88).

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Le juge des comptes quali& e d’association transparente, des associations administratives qui n’ont pas de vie associa-tive autonome, alors même qu’elles seraient régulièrement déclarées.Le Conseil d’État dé& ni la notion de transparence : « lorsqu’une personne privée est créée à l’initiative d’une personne publique en contrôle organisation le fonctionnement et qui lui procure l’essentiel de ses ressources, cette personne doit être regardée comme transparente » (CE, 21 mars 2007, n° 281796, Cne de Boulogne Billancourt).

b) Les conséquence de la transparence de l’associationLes conséquences juridiques de la transparence de l’association sont considérables.Les actes des organes statutaires sont réputés être des actes de la collectivité publique. Ces actes peuvent être quali& és d’administratifs et soumis aux recours pour excès de pouvoir.Les contrats signés, sont susceptibles d’être administratifs en fonction des critères normaux (en ce sens : CE, 21 mars 2007, n° 281796, Cne de Boulogne Billancourt, précité).La responsabilité non contractuelle est administrative (en ce sens : T. con? ., 4 juill. 1983, précité).La gestion des fonds de l’association est une gestion de fait, au sens de la loi de & nances n° 63-156 du 23 février 1963, du fait de l’absence de séparation entre l’ordonnateur et le comptable au sein de l’association.Le régime du cumul des activités et rémunérations publiques s’applique automatiquement.Les dirigeants et salariés de l’association sont réputés exercer leur activité pour le compte de la personne publique. Dès lors,

les dispositions de l’article L. 231 du Code électoral s’appli-quent et leurs interdits d’être candidat à l’assemblée de la collectivité concernée (en ce sens : CE, 26 janv. 1990, n° 108.190, Élections municipales de Chantilly, Rec. CE 1990, p. 20).

M.– Les autres situations qui doivent faire l’objet de marchés publics

L’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 transposant le droit européen en droit interne, prévoit que certaines personnes de droit privé, dont les associations, doivent respecter les principes généraux de la commande publique (liberté d’accès à la commande, égalité de traitement entre les candidats, transparence des procédures…) pour leurs propres besoins de travaux de fournitures et de services, etc.Les associations concernées sont celles qui ont été créées spécialement pour satisfaire un besoin d’intérêt général autre qu’industriel et commercial et qui remplissent l’un des critères ci-après mentionnés : aide & nancée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au Code des marchés publics, dont la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adju-dicateur, et dont le conseil d’administration et de surveillance, est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur.Ces critères ne sont pas cumulatifs. Ces points seront toutefois examinés à l’occasion des autres tables rondes.En conclusion de cette première table ronde, il est impératif que les documents sociaux de l’association soient correctement tenus, et que l’ensemble des formalités précédemment décrites soient respectées, et en dernier lieu, qu’il existe une étanchéité entre l’association et la personne publique.

Comme cela a été dit, nul ne se plaindra du dynamisme et du dévouement des associations avec lesquelles la collectivité territoriale, grande, petite ou moyenne, est régulièrement conduite à nouer des liens en leur apportant une aide & nancière et ce a& n de satisfaire l’intérêt public local.Mais de telles relations, aussi intéressantes et souhaitables soient-elles pour la satisfaction de l’intérêt public local, peuvent devenir de véritables « liaisons dangereuses » si les « règles du jeu » ne sont pas scrupuleusement respectées par les deux partenaires.En d’autres termes, depuis sa constitution et tout au long de sa vie sociale, l’association doit pouvoir justi& er d’une pleine et entière autonomie.Elle doit pouvoir s’exprimer librement et manifester clairement son esprit d’initiative dans la réalisation des projets qu’elle entend réaliser et ce, bien entendu, en totale conformité avec son objet statutaire.Et la collectivité territoriale, même si elle a le droit et le devoir de contrôler l’usage des subventions qu’elle alloue, doit im-pérativement s’interdire toute immixtion dans l’organisation et le fonctionnement de l’association.À défaut de respect de ces règles fondamentales, la personne morale de droit privé sera exposée au risque de requali& cation d’association de droit commun en association para adminis-trative (I) et les conséquences, non seulement pour elle et

ses dirigeants mais encore (et surtout) pour la collectivité, pourraient être redoutables (II).

I – L’ÉCUEIL DE LA REQUALIFICATIONL’engouement partagé par les collectivités et les associations pour mettre en œuvre des projets dont l’intérêt local ne fait aucun doute, ne doit pas leur faire perdre de vue l’implacable construction prétorienne qui a vu le jour il y a quelques décennies et aboutissant à la notion d’association para admi-nistrative, d’association transparente, notion bien étrangère à celle du contrat civil reposant sur l’initiative individuelle au sens de la loi de 1901.Après une époque que l’on pourrait quali& er d’insouciante pendant laquelle les collectivités, et l’État d’ailleurs, convain-cus des avantages du « procédé associatif » pour mener à bien des missions d’intérêt général, voir « gérer » un service public, avec souplesse, rapidité, ef& cacité, dans les secteurs les plus variés (sports, culture, environnement, formation…) y ont eu largement et parfois imprudemment recours, en s’affranchissant de la rigueur des règles du droit public, le juge (& nancier, administratif ou judiciaire) s’est appliqué à dénoncer un véritable détournement de la loi.Au-delà de l’analyse du juge, dont il sera fait état plus bas, les critiques sont récurrentes, les relations collectivités/associa-tions apparaissant parfois même et a priori suspectes.

Des relations qui ne sont pas sans risquePar Me Marie-Françoise CASADÉI, Avocat au barreau d’Orléans

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C’est ainsi que le Conseil d’État, dans son rapport public 2000 « les associations, la loi de 1901, 100 ans après » (EDCE n° 51), a pu relever que « si le recours à des associations pour assurer la gestion et l’exécution du service public est, dans son principe, parfaitement légitime et souvent souhaitable, il doit en revanche susciter plus de réserves lorsque la collectivité délégataire fait partie de l’association délégataire et exerce sur elle un entier contrôle ».Fut mis en exergue le « dévoiement de l’intention du législateur de 1901 qui concevait l’association comme un contrat civil fondé sur la volonté individuelle des sociétaires ».On peut lire encore la réponse du ministre de la Justice à la question écrite n° 19932 : « L’objectif de l’autorité publique qui recourt à une structure associative transparente vise géné-ralement à échapper aux règles du droit public au béné# ce du statut associatif, a# n par exemple de se soustraire au contrôle des dépenses publiques, au code des marchés publics (…). Les subventions attribuées à une association transparente sont alors quali# ées de # ctives par le juge des comptes et conservent leur caractère de deniers publics (…) » (rép. min. à QE n° 19932, JO Sénat Q. 24 août 2006).Association para administrative, mais également « Faux nez de l’administration », paravent, ectoplasme, pseudopodes, tels sont les quali& catifs plus ou moins imagés utilisés pour désigner les associations qui n’en portent en dé& nitive que le nom, tant ces dernières, par le fait de l’administration, ont perdu leur identité pour ne devenir que de simples façades aisément « franchissables ».En premier lieu, et cela ne surprendra bien entendu personne, seront ainsi regardées les associations qui n’ont pas respecté leurs obligations déclaratives et se trouvent dès lors dépour-vues de toute personnalité juridique distincte de celle de la commune (voir notamment en ce sens : T. con? ., 4 juill. 1983, n° 2306, Préfet – Commissaire de la république du département de la Haute-Corse, lequel a pu considérer qu’en pareille hypothèse l’association constituait « un service public directement placé sous l’autorité du Maire » ; voir encore pour un cas encore très extrême : CE, 17 avr. 1964, Cne d’Arcueil, Rec. CE 1964, p. 230, à propos d’un « patronage (…) créé par la ville dans un but d’intérêt social a# n d’aider les familles à la garde de leurs enfants, (…) ouvert gratuite-ment à tous les enfants d’âge scolaire et (…) placé sous la direction et sous l’autorité du maire (…), ne fonctionne pas dans des conditions analogues à celles des organismes similaires relevant du droit privé »).Cela étant dit, et en second lieu, ce n’est pas parce qu’elle justi& e d’une existence légale et notamment de statuts régu-lièrement établis, de l’établissement de conventions avec la collectivité, qu’une association n’est pas exposée au risque de requali& cation en « simple démembrement » de la collectivité.Le juge, administratif, & nancier, ou judiciaire, n’est certainement pas lié par l’apparence et peut, encore une fois être conduit, après requali& cation, à en tirer des conséquences relativement lourdes que ce soit pour les élus ou les dirigeants de l’association.Et puisqu’il n’existe pas de dé& nition légale de l’association transparente, sur quels critères le « censeur » se fonde-il pour arriver à telle requali& cation ?Il ressort de l’examen des décisions des lettres d’observations des chambres régionales des comptes, que sont regardés avec une particulière attention :– la composition des organes de direction de l’association (présidence, conseil d’administration, bureau) : si la direction effective de l’association est con& ée à un ou plusieurs élus, l’autonomie réelle de l’association pourra être remise en cause ;– le fonctionnement réel de l’association : pourront être mis en exergue le fait que l’association se réunit régulièrement dans les bâtiments de la mairie, les éventuelles interventions

d’agents municipaux pour assurer le secrétariat de l’associa-tion, la préparation de son budget… l’inexistence de membres réellement actifs ;– le & nancement de l’association : est prise en considération la part de ressources provenant de la commune dans le budget de l’association ainsi que toutes les autres participations de la collectivité : mises à disposition de matériel et de personnel ;– la mise en œuvre par l’association de missions de service public ou d’intérêt général (voir notamment en ce sens : CRC, Alpes Côte-d’Azur, 10 déc. 1991, Rev. Trésor 1993, p. 117, qui avait relevé l’absence de membres actifs ainsi que l’origine exclusivement municipale des ressources).Appréciation de nature à être relayée par le juge pénal (voir en ce sens : Cass. crim., 30 juin 2004, n° 03-85.946 : « que cette association, qui, selon les observations dé# nitives formulées par la chambre régionale des comptes d’Alsace, n’était qu’un démembrement des services du département du Haut-Rhin, ne disposant d’aucune autonomie réelle à l’égard de la collectivité territoriale qui assurait son fonctionnement, a at-tribué le marché d’impression de la revue précitée à l’imprimerie (…) »), ou par le juge civil (Cass. com., 13 mai 2003, n° 01-17.505). Le juge administratif, jusqu’au 21 mars 2007, date de l’arrêt du Conseil d’État dont il sera fait état plus bas, appliquait également la méthode du faisceau d’indices sans que l’on sache précisément si les critères utilisés étaient alternatifs ou non, s’il existait en quelque sorte une hiérarchie entre ces critères (v. T. con? ., 22 avr. 1985, déc. n° 2368, Laurent : « Considérant que, eu égard à sa composition et aux modalités de son # nancement, le Comité des fêtes doit être regardé comme ayant agi pour le compte de la commune ; que le contrat qu’il a passé avec M. Laurent pour l’organisation de cette fête traditionnelle avait pour objet l’exécution même du service public ; que par suite le recours formé par celui-ci contre le Comité des fêtes ressortit à la compétence de la juridiction administrative. » ; ou encore : CE, 20 juill. 1990 nos 69.867, 72.160, Ville de Melun et assoc. « Melun culture-loisirs » c./ Vivien et autres).La doctrine exprimait, devant la méthode adoptée par le juge administratif « un certain sentiment d’impressionnisme qui dé-coulait naturellement de la technique utilisée, celle du faisceau d’indices qui a l’avantage mais l’inconvénient de l’imprévisibilité » (Lichere F. in Contrats et Marchés Publics juillet 2007 étude n° 14).Le 21 mars 2007, le Conseil d’État semble avoir clari& é la si-tuation : « (…) lorsqu’une personne privée est créée à l’initiative d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et qui lui procure l’essentiel de ses ressources, cette personne privée doit être regardée comme “transparente” » (CE, 21 mars 2007, n° 281796, Cne de Boulogne Billancourt).Les quatre critères respectivement relatifs à l’origine de l’as-sociation, son organisation, son fonctionnement et son & nan-cement doivent semble-t-il être cumulativement réunis pour conclure à la transparence de la personne privée.« Là réside la principale nouveauté de cet arrêt et l’on peut se féliciter de cette contribution à la sécurité juridique … il suf# t qu’un critère fasse défaut pour que la personnalité de l’asso-ciation reprenne le dessus » (Lichere F., revue précitée).

II – LES CONSÉQUENCES DE LA REQUALIFICATIONJean-Marie Auby, écrivait : « la transparence est en quelque sorte une “technique” employée par le juge qui va rendre “transparente” une institution qui se présente à lui dans un rapport juridique et dont la présence entraîne l’application d’une certaine règle. Le juge, sans s’interroger sur la validité de cette institution va l’écarter, en quelque sorte passer à travers et relever la présence, derrière elle, d’une autre institution, le conduisant à appliquer une autre règle que celle à laquelle il aurait fait appel au vu de l’institution transparente » (RDP 1998, p. 265).

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À cet égard et à l’occasion des interventions qui seront faites dans le cadre des tables rondes qui vont suivre, les dévelop-pements seront amplement nourris.À ce stade seront simplement brièvement rappelés les dangers majeurs auxquels sont exposés et associations et collectivités qui s’écarteraient du « code de bonne conduite ».En premier lieu et s’agissant des contrats que l’association aura pu signer, ils pourront être regardés comme des contrats admi-nistratifs (voir en ce sens : T. con? ., 22 avr. 1985, n° 2368, précité, et CE, 21 mars 2007, n° 281796, Cne de Boulogne Billancourt, précitée).Mais comme ils auront été conclus en violation des règles de droit public (et notamment de la commande publique), ces contrats ont vocation à être déclarés nuls et de nul effet : « en raison de sa nullité, le contrat (…) n’a pu faire naître d’obligations à la charge des parties » (jurisprudence précitée).En second lieu, et s’agissant du statut des salariés de l’associa-tion, ils sont susceptibles d’être en dé& nitive regardés comme des agents contractuels de la collectivité.Le juge pourra encore être conduit à considérer que les di-rigeants d’une association transparente sont en réalité des entrepreneurs municipaux au sens du 6° de l’article L. 231 du Code électoral et à en tirer des conséquences désastreuses pour les intéressés (v. en ce sens : CE, 26 juin 1990, n° 108.190, Élections municipales de Chantilly).En troisième lieu, et s’agissant des actions en responsabilité, la victime pourra imaginer d’aller rechercher, en cas d’insol-vabilité de la personne privée, celle de la collectivité (v. en ce sens : T. con? ., 4 juill. 1983, n° 2.306, Gambini).En quatrième lieu pèse la menace de la gestion de fait qui se dé& nit comme le maniement ou la détention de deniers publics par une personne dépourvue de tout titre légal c’est-à-dire par une personne qui n’a pas la qualité de comptable public (v. L. & n. n° 63-156, 23 févr. 1963, art. 60, XI).Pourront être concernés :– le dirigeant de l’association (voir en ce sens : C. comptes, 13 avr. 2006 n° 449444, Assoc. de recherche et développement en urbanisme – ARDU) ;– le ou les élus dirigeant en fait l’association (voir en ce sens : CRC Champagne Ardennes, 12 avr. 2007, n° J2007-005).En dernier lieu, et pour clôturer ce tableau particulièrement noir, est susceptible de surgir le spectre de la condamnation pénale (infraction au Code des marchés publics, prise illégale d’intérêt, etc.), questions qui – encore une fois – seront abor-dées dans les prochaines tables rondes.En synthèse, dans le cadre de ses relations avec la collectivité territoriale, l’association doit pouvoir manifester et justi& er son autonomie et son initiative.Et, dans le feu de l’action, la dérive est un risque réel.Cela étant dit, aux & ns de clari& er et sécuriser le cadre juridique des relations & nancières entre les pouvoirs publics et les as-sociations, le Premier ministre vient de rappeler ces principes avec solennité dans sa circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations (Circ. 19 janv. 2010, NOR : PRMX1001610C, JO 20 janv.)À cette circulaire sont annexés d’une part un modèle de conven-tion d’objectifs et d’autre part un document CERFA n° 12153*03 « demande de subvention » portant en préambule cette mention, ô combien rassurante : « Nous sommes là pour vous aider »…Il est précisé que ces formulaires devront être utilisés par l’ensemble des administrations de l’état et par l’ensemble des établissements publics placés sous leur tutelle et « qu’il convient également d’encourager les collectivités territoriales et les établissements territoriaux et leurs établissements publics à les utiliser ou à s’en inspirer ».« À bon entendeur… ! ».

La rédaction des articles de ce modèle de convention illustre parfaitement les enseignements jurisprudentiels (voir notam-ment la proposition de préambule : « Considérant le projet initié et conçu par l’association [préciser par exemple lutter contre l’illettrisme] conforme à son objet statutaire.Considérant : [préciser les références aux objectifs généraux de politiques publiques dans lesquels s’inscrit la convention], (…) pour une collectivité locale l’intérêt public local.Considérant que le programme d’actions ou l’action [au choix] ci-après présenté(e) par l’association participe de cette politique. »).Les auteurs du modèle font référence aux articles L. 2121-29, L. 3211-1 et L. 4221-1 du Code général des collectivités territo-riales (CGCT) relatives à la compétence générale des collectivités locales pour intervenir dès lors qu’il existe un intérêt public local.Ils rappellent la notion jurisprudentielle d’intérêt public local (CE, 29 juin 2001, n° 193716, Cne de Mons-en-Barœul) et que « L’activité d’un organisme à but non lucratif présente un intérêt local si cet organisme poursuit un but d’intérêt public au béné& ce direct des administrés de la collectivité locale. La subvention peut être accordée par référence aux dispositions de l’article L. 1111-2 du CGCT qui dispose que « les communes, les départements et les régions (…) concourent au développement économique, social, sanitaire, culturel et scienti# que, ainsi qu’à la protection de l’environnement et à l’amélioration du cadre de vie (…) ». L’article L. 1115-1 du CGCT fonde la compétence des collectivités territoriales et de leurs groupements pour mener des actions de coopération et de développement dans le cadre de conventions avec les collectivités locales étrangères et pour mettre en œuvre ou & nancer des actions d’urgence « à caractère humanitaire ». L’article 1er « objet de la convention » rappelle avec force que « par la présente convention, l’association s’engage, à son initiative et sous sa responsabilité, à mettre en œuvre, en cohérence avec les orientations de politique publique mentionnées au préambule (…) ». Sont ensuite fermement précisées les obligations de la collectivité en matière de contrôle de l’utilisation des subventions (articles 9 et 10) et les sanctions (article 8).Il s’agit là d’un « cadre » rassurant, et en tout cas d’un outil pédagogique pour les collectivités, tant il les conduira à se poser, en amont, les bonnes questions et bien entendu à y apporter les bonnes réponses.

Intervention de Pierre-Yves COLLOMBATSénateur, vice-Président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF)J’ai été 22 ans maire, je suis aujourd’hui adjoint au maire de ma commune et sénateur.Mes réactions par rapport à la première table ronde ?Parler, s’agissant des associations contribuant à la vie communale, de démembrement de la puissance publique, cela suppose qu’il y avait initialement des membres… Dans une commune de 2 000 habitants, je ne vois pas bien comment on peut se passer d’associations où des élus sont présents. Je ne sais pas non plus comment on peut payer les avocats chargés de donner les précieux conseils de sécurisation juridique évoqués…J’ai terminé mon mandat de maire. J’ai eu la chance de ne pas avoir de problème, mais je suis certain que j’en aurai eu si j’avais persisté, surtout par les temps qui courent… On n’est jamais sûr de ce qui peut se passer devant un tribunal. Je dirai même que plus on est sûr de son bon droit, moins vous avez de chance qu’il soit facilement reconnu. Si vous contrôlez de près les associations et organismes liés à la collectivité, vous êtes suspecté de prise illégale d’intérêts. Si vous ne contrôlez pas vous êtes suspecté de défaut de contrôle ! Et, en cas de dérives, cela peut coûter cher.

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I – LA DIMENSION PERSONNELLE DES RESPONSABILITÉS

Il est un principe majeur en droit pénal, celui de la responsabilité personnelle. L’article 121-1 du Code pénal le formule en termes explicites : « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Ramenée à nos préoccupations, cette règle signi& e que, quelles que soient les organisations retenues pour organiser des manifestations en rapport avec la vie locale, la réponse du droit pénal passera toujours par l’engagement de la responsabilité de ceux qui sont personnellement impliqués dans les défaillances constatées. Il s’agit là d’un point de départ essentiel, et nombre de décisions restent incomprises si on ne l’a pas intégré.Nous plongeons alors au cœur d’une interrogation qui intéresse tous les élus. Comment, à partir d’une manifestation associative, les maires peuvent-ils voir leur responsabilité pénale engagée ? La réponse tient tout simplement à ce qui peut leur être im-puté à titre personnel de manquements, d’imprudences ou de négligences… Et cette imputation suppose que soit neutralisé l’écran mis entre l’élu et la manifestation, que soit en quelque sorte révélé le caractère factice de l’association elle-même ou de ses activités. Le principe de personnalité est l’instrument de cette neutralisation (A), dont les applications les plus sensibles rejoignent la fragilité de certains comités des fêtes (B).

A.– La neutralisation de l’écran associatif

On pourrait croire que, du fait de l’existence de l’association, seuls ses dirigeants en titre sont pénalement responsables en cas de manifestations à l’origine de dommages. Et de fait, l’association étant une structure autonome, une personne morale juridiquement indépendante, il est normal d’imputer ses dysfonctionnements d’abord à ceux qui en sont les repré-sentants. On rejoint là le principe de personnalité. Mais ce principe ne se double pas d’exclusivité, ni d’automaticité. Le droit pénal va chercher les responsables là où ils se trouvent : ils dépassent les montages pour rejoindre les réalités. L’asso-ciation peut être perçue comme un écran fragile ou arti& ciel, et il appartient à la justice de le dire si tel est le cas, à la me-sure de la responsabilité de toutes les personnes autres que les dirigeants eux-mêmes impliquées dans sa gestion. Parmi ces personnes, il est naturellement le maire ou ses adjoints, voire des fonctionnaires territoriaux. Tout est fonction des circonstances, des faits, qui sont les seuls à pouvoir dicter ce que le principe de personnalité contient effectivement de responsabilité pouvant leur être imputée.Il arrive souvent que l’association organisatrice ne soit qu’une coquille vide, non pas destinée à tromper, mais… qui ne trompe personne, surtout pas le juge. Tout dépend en fait de son importance, de son indépendance, de ses ressources. Seules des associations vraiment structurées, représentatives d’une indépendance réelle par rapport au pouvoir local, peu-vent prétendre à une autonomie reconnue, avec ce que celle-ci implique de responsabilité attenante pour ses dirigeants. Alors les élus locaux sont garantis d’une certaine tranquillité, sauf à s’immiscer dans la gestion de ces associations, ou n’avoir

La Rome antique avait développé les jeux, mais il n’est pas sûr qu’elle ait construit dans le même temps un droit de la responsabilité en rapport avec ce qu’ils pouvaient générer d’accidents ou de dommages. Il faut dire que les acteurs étaient le plus souvent promis à la mort… Quant aux spectateurs, ils ne pouvaient qu’être conscients des risques qu’ils prenaient en se fondant dans une foule avide d’émotions fortes.Qu’en est-il aujourd’hui ? Les jeux servent toujours de recette pour tenir le peuple, mais le droit est moins indifférent aux débordements qu’ils peuvent générer. Il apporte des réponses élaborées, qui font des organisateurs des responsables potentiels en cas d’accidents. Les initiatives locales sont sources d’obli-gations et de contraintes pour les élus, particulièrement pour le maire et ses adjoints. La justice leur demande des comptes, et les registres du droit portent de plus en plus la trace de leur mise en cause devant les juridictions, même si deux lois suc-cessives, dites lois Fauchon, sont intervenues, destinées à éviter des réponses judiciaires trop sévères, en invitant le juge à plus de modération. On connaît ces lois, la première du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d’imprudence ou de négligence (L. n° 96-393, 13 mai 1996, JO 14 mai), la seconde la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la dé& nition des délits non intentionnels (L. n° 2000-647, 10 juill. 2000, JO 11 juill.). Deux textes qui ont porté les aspirations des élus à plus de réserve dans l’application du droit pénal, en rapport avec les délits d’homicide involontaire et de coups et blessures par imprudence, et dont il convient de voir comment ils sont restitués en rapport avec des manifestations associatives.Le sujet est pratique, mais dif& cile. Pratique pour rejoindre une réalité très concrète. De plus en plus de manifestations passent par le relais associatif, qui est une commodité recherchée pour les organiser. Les associations permettent une délocalisation facile, une autonomie de gestion, des & nancements plus souples : bref, elles sont des instruments appréciés, et les collectivités territoriales y ont volontiers recours, reportant sur elles ce qui participe de la politique locale. Mais ces facilités d’organisation ne se doublent pas des mêmes avantages sur le plan juridique. Le recours aux associations soulève immédiatement une question essentielle : quid des responsabilités, particulièrement de la responsabilité pénale, la plus sensible, la plus exigeante, la plus redoutable. Le maire en sera-t-il exclu ? Pourra-t-il se retrancher derrière la réalité associative pour s’en échapper, ou, au contraire, restera-t-il redevable devant la justice ? Les réponses sont subtiles, nuancées, et on peut comprendre que les élus aient parfois quelque dif& culté à les assimiler… Il n’en demeure pas moins qu’elles doivent être présentées dans leur contenu et leur logique.Tel est l’objet de notre propos : dans le laps de temps très court qui nous est imparti, il s’agit pour nous, moins de faire une analyse détaillée des textes et de la jurisprudence propres à notre matière, que de livrer la trame du raisonnement servant de soutien aux poursuites exercées et aux décisions pronon-cées. Cette trame passe par deux axes, qui affectent, pour l’un, la dimension personnelle des responsabilités à même d’être retenues (I), pour l’autre leur dimension fautive (II).

2E TABLE RONDE

Responsabilité pénale pour délits non intentionnels et manifestations associatives

Par Yves MAYAUD, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II, Directeur du Master 2 Droit pénal et sciences pénales

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pas suf& samment délégué tout ce qui participe de la sécurité. Pareillement, si les manifestations prises en charge par ce type d’associations rentrent dans une organisation ferme et compatible avec ses moyens, les dérapages ne pourront qu’engager la responsabilité des dirigeants, tout simplement parce que les élus sont étrangers aux décisions en cause, au-raient-ils consenti à quelques subventions, mais qui ne sont pas en elles-mêmes des éléments sur lesquels s’appuyer pour neutraliser une autonomie parfaitement établie.On le voit, la structure associative doit donner d’elle-même l’image d’une réalité solide. Alors, les responsabilités ne peuvent que rejoindre ceux qui en incarnent la présence, à savoir les dirigeants eux-mêmes. En revanche, si l’association n’est qu’une façade, un simple relais de délocalisation, qui n’échappe pas aux pouvoirs du maire, pour rester tributaire de ses décisions et subventions, alors il est bien évident que ces derniers auront la responsabilité des dysfonctionnements constitutifs de délits non intentionnels. L’association ne sera pas répercutée comme une structure reconnue, malgré son existence juridique, et le droit pénal n’en tiendra pas compte. De la même manière, si une manifestation, pourtant of& ciellement organisée par une association, est en fait directement prise en charge, dans son & nancement, dans ses modalités, par les élus eux-mêmes, c’est sur eux que retomberont, là encore, la responsabilité pénale, à supposer que des dommages se produisent.Tout est donc fonction de la réalité des pouvoirs. Là où sont les pouvoirs, sont également les devoirs, et donc les responsa-bilités. Il faut bien reconnaître que nombre de condamnations d’élus locaux ne font que traduire ce qu’ils ont eu d’emprise réelle sur la manifestation, au-delà de l’existence d’une ou de plusieurs associations of& ciellement présentées comme étant les organisateurs. La quali& cation appartient au juge, et c’est donc à lui de dire ce qu’il en a été réellement de cette organisation. Il suf& t qu’elle soit insuf& samment autonome par rapport aux élus, et ceux-ci se trouveront impliqués dans une responsabilité très lourde.L’application aux comités des fêtes en témoigne.

B.– L’application aux comités des fêtes

Les comités des fêtes sont souvent au cœur de poursuites pesant sur les élus locaux, en ce sens que le maire voit sa responsabilité engagée et retenue, alors qu’il avait délégué la manifestation litigieuse à une association, dite « comité des fêtes », précisément chargée de la mettre en place. La pratique de la délégation est ici en cause. Tout comme les chefs d’en-treprises, les décideurs publics disposent d’un moyen ef& cace pour se soustraire au nombre et à la pression des obligations dont ils ont la charge : il s’agit de la délégation de pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour veiller à l’observation des dis-positions en vigueur (pour les arrêts de principe en ce sens : Cass. crim., 11 mars 1993, nos 91-83.655, 91-80.598, 90-84.931, 92-80.773, 91-80.958 (5 arrêts), Bull. crim. n° 112 ; D. 1994. Somm. 156, obs. Roujou de Boubée G. ; Dr. pén. 1994. 39, obs. Robert J.-H. ; Rev. sc. crim. 1994, p. 101 et 102, obs. Bouloc B.). La responsabilité pénale est alors transférée au délégataire, qui devient ainsi responsable, en étant tenu personnellement des obligations inhérentes aux pouvoirs qui lui sont consentis. Parce qu’il est, à son tour, doté des prérogatives du délégant, il en a également les devoirs, ce qui le soumet aux obligations qui en découlent, et toutes les défaillances dans leur exécution lui deviennent personnelles, avec pour conséquence de rendre également personnelle sa responsabilité.Comment comprendre, dans ces conditions, que malgré la délégation, il y ait un retour de responsabilité ? Le maire ne

deviendrait-il pas responsable du fait d’autrui, à supposer que le comité n’ait pas répondu à toutes les attentes inhérentes à la délégation ? L’explication tient au caractère souvent & ctif du comité, faute pour lui d’avoir les assises suf& santes pour prendre en charge la manifestation. Nombre de ces comités sont en réalité des relais fantaisistes, de sorte que les actions ou omissions fautives continuent à être personnellement im-putées au maire, ou à ses adjoints plus spécialement chargés de la sécurité.À cet égard, trois impératifs s’imposent : respecter l’esprit de la délégation ; éviter la délégation dans les petites communes ; veiller particulièrement aux questions de sécurité dans les situations à risques prononcés.

1°) Respecter l’esprit de la délégationUne espèce intéressante permettra de l’illustrer, qui s’est soldée, malgré la délégation prétendue, par la responsabilité d’un maire. Plusieurs personnes avaient été victimes d’élec-trocution, dont l’une mortellement, au cours d’un bal « disco » organisé dans une petite commune de 870 habitants. Entrées en contact avec les barrières métalliques délimitant la piste de danse, elles furent atteintes par le défaut d’isolement du matériel de sonorisation, ainsi que par une absence de mise à la terre des éléments conducteurs du podium. Bien qu’ayant délégué l’organisation de cette manifestation au comité des fêtes, le maire fut poursuivi pour homicide et blessures invo-lontaires, et il fut condamné, tant en première instance qu’en appel. Le pourvoi qu’il déposa ne lui permit pas d’échapper à sa responsabilité, la Cour de cassation l’ayant rejeté dans un arrêt du 11 juin 2003 (Cass. crim., 11 juin 2003, n° 02-82.622, Bull. crim. n° 121 ; AJ Pénal 2003, p. 24, obs. J. L.-H ; Dr. pén. 2003. 120, obs. Véron ; Rev. sc. crim. 2003. 784, obs. Mayaud Y.).L’affaire est très révélatrice de la responsabilité personnelle qui continuait à peser sur lui, malgré la délégation qu’il invoquait. Cette dernière en effet s’apparentait davantage à l’attribution d’une charge ponctuelle, qu’à une véritable et authentique délégation au sens exonératoire du terme. En con& ant au co-mité des fêtes l’organisation de la manifestation, le maire était resté maître de son pouvoir, ce que démontraient plusieurs éléments. D’abord, la commune était une petite collectivité, qui ne disposait que de quatre employés, à la hauteur du nombre d’habitants qu’elle comptait. Comme l’a relevé la cour d’appel, un maire « se doit d’être d’autant plus présent que sa commune est plus petite ». Ensuite, le comité des fêtes ne disposait pas d’une autonomie suf& sante pour prétendre à la délégation. Subventionné par la commune, il n’en était qu’une simple émanation, sans une réelle indépendance qui eût pu la faire considérer comme une véritable structure à même d’assurer la relève des responsabilités du maire. Il ne s’agissait en fait que d’un rouage municipal, à qui avait été con& ée une mission particulière, mais sans que celle-ci ne se soldât par une dépossession des prérogatives de l’élu. En& n, la délégation prétendue n’avait pas été recherchée pour une meilleure sécurité, mais elle avait été davantage consentie à des & ns de facilité, le maire n’ayant manifesté que du « désin-térêt » pour l’organisation des festivités ayant tourné au drame. Les élus locaux ne sauraient prétendre à une irresponsabilité de principe en invoquant une délégation dont l’existence ne serait que le signe d’un désengagement gratuit de leur part.Tels furent les éléments de décision propres à cette affaire. La délégation de pouvoir n’est pas exclue de la gestion des acti-vités communales, mais il importe qu’elle réponde à tous les critères indispensables à sa reconnaissance, ce qui ne saurait être lorsqu’elle procède d’un esprit totalement étranger à sa raison d’être. Cette conclusion est en parfaite logique avec le

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caractère personnel de la responsabilité pénale. Le maire, en l’espèce, n’a pas été condamné pour le fait d’autrui, à savoir les négligences des personnes ayant agi pour le compte du comité des fêtes. Il n’a fait que répondre de ses manquements personnels, faute de s’être engagé dans une délégation juridi-quement recevable.

2°) Éviter la délégation dans les petites communesLe recours à un comité des fêtes peut être contesté en soi, comme ne procédant pas d’une nécessité, sauf à vider le pouvoir local de toute ef& cacité ou de toute utilité. Dans l’affaire que nous venons de rapporter, c’est une donnée qui a été prise en compte, la délégation consentie ayant été réfutée en considération de la sous-dimension de la commune. C’est dire qu’il est des manifes-tations qui peuvent dif& cilement être déléguées. La délégation doit se comprendre comme un mode de gestion, et point n’est besoin de délégation dans les petites communes, qui reviendrait à décharger le maire de toute obligation. Dans ces collectivités, le principe d’une délégation est volontiers suspect, parce qu’il peut être le signe d’un désintérêt plus que d’un transfert de pouvoir. Du moins convient-il que le maire continue à surveiller l’activité déléguée, ce qui fragilise le principe même de la délégation et la rend inutile. Pas plus qu’un chef d’entreprise, un maire ne saurait donc échapper à sa responsabilité en pratiquant une délégation déplacée par rapport aux besoins de sa commune.

3°) Veiller aux questions de sécurité dans les situations à risques prononcésCertaines délégations peuvent être en rapport avec des risques particulièrement élevés. Il importe au maire, qui est person-nellement tenu, dans le cadre de ses pouvoirs de police, de veiller à la sécurité de ses concitoyens, de suivre tous les enjeux adossés à de tels risques. Cela ne signi& e pas que la délégation est impossible, mais seulement que l’élu doit contrôler, dans le cadre de celle-ci, que les questions de sé-curité ont bien été envisagées. Par exemple, il doit s’assurer que le contrat de prestation de services qui sera passé par le comité délégataire aborde bien les problèmes de sécurité. La validité de la délégation est en quelque sorte conditionnée par ces données sécuritaires.On comprend, sur de tels fondements, que ces éléments de sécurité puissent détruire la délégation dans son principe. C’est ce qui se passe lorsque la manifestation dépasse en retombées les capacités d’absorption de la collectivité ter-ritoriale elle-même. La disproportion vaut disquali& cation, pour entraîner une remise en cause de la délégation, de sa légitimité, et conserver au délégant une responsabilité qu’il n’a pu transférer.Par exemple, la Chambre criminelle, dans un arrêt du 10 juin 2008 (Cass. crim., 10 juin 2008, n° 07-87.134 – Sur la décision de première instance, con& rmée en appel : T. pol. Angers, 30 août 2006, JCP 2006. IV. 2906), a rejeté le pourvoi d’un maire qui avait été condamné par la Cour d’appel d’Angers pour blessures invo-lontaires, à la suite de l’organisation d’un lâcher de vaches landaises, organisé par le comité des fêtes de la commune. La décision insiste sur l’obligation qu’avait le maire de suivre per-sonnellement les questions de sécurité relevant de ses pouvoirs de police, à la mesure de l’importance des personnes attendues – évaluées à 10 000 – pour une localité de 2 500 habitants. Autrement dit, la délégation était viciée dans son principe, pour se situer hors des limites du raisonnable. Et si un maire entend se placer dans ces périmètres inaccessibles, ce n’est pas sous forme de délégation qu’il doit le faire, mais en veillant lui-même à la sécurité, en suivant lui-même l’organisation indispensable à celle-ci.

On le voit, ces décisions n’ont rien d’exceptionnel. Elles s’ins-crivent dans une logique à laquelle les élus locaux ne peuvent qu’adhérer, pour rejoindre des défaillances personnelles. En revanche, il est plus de réserves sur certains aspects de la dimension fautive de leur responsabilité.

II – LA DIMENSION FAUTIVE DES RESPONSABILITÉSPlacés sur le terrain des manifestations associatives, les élus locaux, nous l’avons vu, peuvent engager leur responsabilité pénale personnelle. Il s’agit d’une responsabilité qui rejoint les délits non intentionnels, c’est-à-dire les quali& cations d’homi-cide involontaire et de blessures involontaires. Nous sommes ici dans un domaine sensible, qui a été dénoncé par les élus locaux comme relevant d’une répression excessive, et c’est pourquoi le législateur est intervenu par deux fois, d’abord par la loi du 13 mai 1996, dont la portée fut plus incitative que normative, les magistrats ayant seulement été invités à plus de réalisme dans l’appréciation des fautes, en référence aux diligences normales, ensuite par la loi du 10 juillet 2000, avec un objectif nettement plus contraignant pour le juge, puisqu’il s’est agi de modi& er radicalement les règles de la responsabilité pénale, au pro& t de normes voulues plus clé-mentes et plus justes.Le résultat obtenu est une dépénalisation partielle de la non-intention. Une dépénalisation qu’il convient de restituer dans son mécanisme (A), mais en veillant à mettre l’accent sur ce qu’elle peut inspirer de résistance de la part du juge (B).

A.– La dépénalisation

Avant la loi du 10 juillet 2000, la faute non intentionnelle était toujours sanctionnée, quel que soit son impact sur le dommage, qu’elle ait contribué directement ou indirectement à en permettre la réalisation. À cela s’ajoutait une conception unitaire des fautes civile et pénale, qui fut facteur de déna-turation pour le droit pénal, le juge répressif ayant eu pour préoccupation d’assurer une réparation civile, plus que de répondre à la & nalité propre de sa discipline. Il en était résulté une responsabilité pénale omniprésente, du moins dont le poids se & t exagérément ressentir. La rencontre d’une faute étendue et d’une causalité distendue n’a pu qu’engendrer rejet et incompréhension, parce qu’aboutissant à des applications incontrôlables, dont la mesure n’était plus le re? et de la loi, mais de la seule sensibilité du juge.Désormais, la responsabilité a perdu de son uniformité au pro& t de deux versions séparées.

1°) La première est relative à la causalité directeToutes les fautes peuvent être retenues, qu’elles soient légères ou graves, lorsqu’une telle causalité est démontrée. Rien n’est donc changé par rapport à l’état antérieur du droit, qui a toujours sanctionné, sans distinction de gravité, les fautes constitutives d’un dommage direct.

2°) En revanche, une modi# cation substantielle intervient dans la seconde version, lorsque le dommage est indirectSeule une faute quali& ée est alors prise en compte, à l’exclu-sion de la faute ordinaire. Seule la démonstration d’une faute délibérée ou d’une faute caractérisée, au sens de l’article 121-3 du Code pénal, est à même de générer une responsabilité en relation avec le dommage constaté. La faute simple n’est plus punissable dans ce cas de & gure, et la loi du 10 juillet 2000 se présente bien ainsi comme une loi de dépénalisation sensible.Cette dépénalisation n’est qu’une absence de réponse pé-nale. Elle ne se double pas d’une irresponsabilité civile. Bien au contraire, c’est tout le mérite de la loi du 10 juillet 2000

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que d’avoir permis à chacune des matières de renouer avec son objet propre : le juge civil peut réparer le dommage sur le constat d’une faute au civil même si le juge répressif a nié toute faute au pénal (C. pr. pén., art. 4-1). Mieux encore, le juge pénal peut lui-même procéder à cette réparation en prolongeant sa compétence au-delà de la décision de relaxe qu’il a pu rendre (C. pr. pén., art. 470-1). Les fautes pénale et civile ont bien retrouvé leur autonomie, et c’est un facteur essentiel de la réforme.Le découpage entre les deux régimes est pertinent, notamment en renouant avec une meilleure justice pour les décideurs publics, dont la responsabilité est souvent engagée sur le fondement d’une causalité éloignée. Il est rare que les accidents qui leur sont imputés soient le fait d’une action ou d’une omission directe de leur part : en général est en cause une insuf& sance de contrôle ou de surveillance, non point une initiative immédiate à la source du préjudice. Aussi est-il juste que leur responsabilité soit le re? et, non d’une faute légère, pour laquelle le droit civil ou administratif est à même de compenser le dommage, mais d’une faute plus marquée, en étant caractérisée ou délibérée. Le système mis en place est légitime : plus la causalité est proche, s’af& rmant en quelque sorte d’elle-même, plus il est normal de sanctionner la faute qui en a été le moteur, s’agirait-il d’une faute minime ; en revanche, plus elle est relâchée, plus il est nécessaire de la renforcer par la pression d’un manquement suf& samment grave pour jouer ce rôle, ce que ne saurait être une faute ordinaire.Il est impossible de développer la jurisprudence venant en application de ce nouveau droit de la responsabilité, opéra-tionnel depuis 10 ans. L’analyse à en faire doit toujours l’être en rapport avec l’objectif de dépénalisation qui a présidé à la réforme, et les manifestations associatives, lorsqu’elles re-jaillissent sur les élus locaux, n’échappent pas à cette logique. Il convient donc de voir comment les deux instruments de la dépénalisation opérée sont répercutés dans les décisions rendues par nos tribunaux : d’une part la causalité, a& n d’ap-précier, au-delà de sa certitude, son impact direct ou indirect, d’autre part la faute, a& n de juger de sa gravité en rapport avec le lien causal ainsi établi.Mais une mise en garde s’impose. Certains spécialistes se livrent à des restitutions statistiques, destinées à convaincre de l’indulgence ou de la sévérité des magistrats. Rien n’est plus dif& cile que ce genre d’exercice, tout simplement parce que nous ne sommes pas sur le terrain d’une science exacte, mais sur celui des faits, des circonstances, qui ne sont jamais les mêmes d’une espèce à une autre, et qui relèvent, non d’un constat mathématique, mais d’une appréciation souveraine des juges auxquels ils sont soumis. Il se peut que, dans cette appréciation, la sensibilité du magistrat soit importante, mais elle n’est pas chiffrable, et c’est pourquoi il est très osé de prétendre à des conclusions péremptoires sur les retombées de la réforme. Comme nous l’avons déjà dit, nombre de condamnations sont méritées, tout simplement parce que le comportement de certains élus ne rejoint pas les conditions de l’irresponsabilité pénale : la faute caractérisée occupe une place déterminante dans les décisions, qui a pour conséquence, en rapport avec les actions ou omissions graves qu’elle entend sanctionner, de servir de fondement à une responsabilité dif& cilement contestable.Il faut toutefois convenir qu’une résistance judiciaire est pos-sible, et nous allons en livrer les recettes, a& n de veiller à ce que la défense des élus soit toujours ef& cace.

B.– La résistance

La loi du 10 juillet 2000, dont nous venons de reporter les termes et les principes d’articulation, peut se prêter à certaines

résistances. Il s’agit d’une réforme dont les éléments, nous venons de le dire, sont entre les mains du juge, et celui-ci, au nom de la souveraineté qu’il va projeter sur les circonstances soumises à sa décision, peut parfaitement contourner la dépé-nalisation souhaitée par le législateur. Il lui suf& t de contrarier les éléments sensibles de la réforme, en ayant une conception large de la causalité directe, avec pour avantage de pouvoir sanctionner une simple faute, ou encore, sur le fondement de la causalité indirecte, de consentir à la faute caractérisée de manière très étendue.Certaines décisions nous semblent aller en ce sens, par l’at-trait qu’elles manifestent, soit de la causalité directe, soit de la faute caractérisée…

1°) L’attrait de la causalité directeLa & nalité de la réforme n’est véritablement respectée que si l’approche de la causalité ne se fait pas trop à l’avantage du lien direct. Il est évident que plus ce lien trouve à s’appliquer, moins la dépénalisation devient effective, et c’est sous cet angle qu’il convient d’apprécier la manière dont les juridictions le conçoivent.En fait, on est parfois assez loin d’une conception empruntant son principe à une immédiateté d’effets, ou encore à la ma-térialité physique de l’impact de la faute sur le dommage. Le lien direct de causalité appartient à un genre plus subtil, révélé par quelques arrêts signi& catifs, à propos desquels on peut se poser la question de savoir s’ils ne reviennent pas à effacer, subrepticement, les limites de séparation avec la causalité indirecte. Le critère est tiré du « paramètre déterminant », c’est-à-dire de la portée décisive de certaines circonstances, qui, malgré leur défaut apparent de proximité avec le dom-mage, sont considérées comme ayant un impact direct dans sa réalisation. Ainsi d’un excès de vitesse dans les causes et les conséquences d’un accident, malgré le heurt d’un sanglier brusquement surgi du côté de la chaussée (Cass. crim., 25 sept. 2001, n° 01-80.100, Bull. crim. n° 188 ; Rev. sc. crim. 2002. 101, obs. Mayaud Y.), ou encore d’un défaut de concertation entre un chirurgien et un cardiologue, même si l’opération au cours de laquelle est décidée la patiente n’a fait l’objet d’aucune faute (Cass. crim., 29 oct. 2002, n° 01-87.374, Bull. crim. n° 196 ; Rev. sc. crim. 2003. 330, obs. Mayaud Y.). C’est dire que le caractère direct du lien causal ne s’apprécie pas seulement en rapport avec la cause immédiate de l’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, mais encore au regard de ce qui relève d’une dynamique dommageable, d’une logique d’enchaînements ininterrompus, un peu comme une onde de choc, qui porte en elle tous les dommages qui lui sont liés, même les plus lointains…Les élus locaux ne semblent pas encore concernés par cette extension de la causalité directe. Mais ils pourraient l’être un jour, notamment en rapport avec les dérèglements associatifs. Il faut en être conscient, du moins si on ne veut pas que la causalité perde de sa dimension sélective, telle que prévue et aménagée par le législateur. À ne pas y veiller, elle pourrait in-sensiblement rejoindre des maillons fort distants du dommage, ce qui serait une manière discrète, mais aussi insidieuse, de contrarier la réforme, en répercutant sur les élus de simples fautes, lesquelles auraient vocation à être exclues dans un rapport indirect de causalité.

2°) L’attrait de la faute caractériséeLa loi du 10 juillet 2000 est à l’origine d’une nouvelle catégorie de faute, que l’on peut dire intermédiaire entre la faute simple et la faute délibérée. Il s’agit de la faute caractérisée, prévue et dé& nie à l’article 121-3 du Code pénal, quatrième alinéa. Cette faute pèse sur les personnes physiques, lorsqu’il est établi

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qu’elles ont eu un comportement qui « exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».La faute caractérisée occupe une place stratégique dans l’appli-cation de la réforme, pour se distinguer de la faute délibérée, n’atteignant pas sa gravité extrême, tout en se séparant de la faute simple ou ordinaire par sa nature nettement plus pronon-cée. Avant la loi Fauchon seules ces fautes opposées étaient exploitables : délibérée, d’une part, et simple, d’autre part. La matière a été utilement complétée par la faute caractérisée, qui est venue mettre un peu de souplesse dans l’approche des imprudences et des négligences, en faisant une juste part à ce qui relevait d’une position plus médiane. Mais, ce faisant, la faute caractérisée peut être facilement instrumentalisée pour neutraliser la réforme. Il suf& t, en dehors d’une faute délibérée bien établie, de charger un peu la faute simple pour la faire basculer dans la faute caractérisée. Alors, sur le fondement d’une causalité indirecte, ce qui eût mérité une dépénalisation va verser dans la réponse pénale.La faute caractérisée emprunte sa substance à un manque-ment non délibéré dans son principe, ce qui en fait une faute classique, tout en étant revêtue d’une certaine importance pour ce qu’elle représente de défaillance inadmissible, par la connaissance, effective ou requise, de la dangerosité des circonstances à l’origine du dommage. Rien n’est plus facile de gon? er le défaut de diligences normales, qui servent de critères à la faute simple, de manière à en rendre le constat synonyme d’une faute caractérisée. Celle-ci est une réponse à ce qui mérite une attention particulière dans des domaines sensibles de risques ou d’insécurité évidents. Il est certaines formules en jurisprudence qui en soulignent à la fois toute la spéci& cité et la richesse : « À la lumière des observations formulées devant l’Assemblée nationale et le Sénat, il est pos-sible de dire que pour revêtir les traits d’une faute caractérisée, la faute doit apparaître avec une particulière évidence, une particulière intensité, sa constance doit bien être établie, elle doit correspondre à un comportement présentant un caractère blâmable, inadmissible » [Poitiers, 2 févr. 2001, JCP 2001. II. 10534, note Salvage (con& rmation de TGI La Rochelle, 7 sept. 2000, D. 2000. IR. 250 ; Gaz. Pal. 2000. 2. 2369 ; LPA 23 nov. 2000, n° 234, p. 13, note Vital-Durand ; Rev. sc. crim. 2001, p. 159, obs. Mayaud. Y.] ; « La faute caractérisée, au sens de la loi du 10 juillet 2000, s’analyse comme un manquement caractérisé à des obliga-tions professionnelles essentielles ou comme l’accumulation d’imprudences ou de négligences successives témoignant d’une impéritie prolongée » [Lyon, 28 juin 2001, D. 2001. IR. 2562 ; Gaz. Pal. 2001. 2. 1140, note Petit S. ; Rev. sc. crim. 2001. 804, obs. Mayaud Y. (sur renvoi après cassation par : Cass. crim., 12 déc. 2000, n°  98-83.969, Bull. inf. C. cass. 2001, n° 529, p. 3, concl. Commaret, et rapp. Ferrari ; Bull. crim. n° 371 ; Gaz. Pal. 2000. 2. 2456, note Petit ; ibid. 2001. 2. 1196, note Monnet Y. ; Dr. pén. 2001. 43, obs. Véron ; Rev. sc. crim. 2001, p. 157, obs. Mayaud Y., et p. 372, obs. Bouloc) – Paris, 24 janv. 2002, n° 00/05096 ; con& rmé par Cass. crim., 10 déc. 2002, n° 02-81.415, Bull. crim. n° 223 ; Dr. pén. 2003. 45 (2e arrêt), obs. Véron ; Rev. sc. crim. 2003. 332, obs. Mayaud Y. – Grenoble, 4 juill. 2007, JCP 2007. IV. 3248]. Est donc en cause tout comportement marqué par un relief de gravité propre, dépassant largement la faute simple ou ordinaire, sans atteindre les conditions plus strictes de la faute délibérée, qui passe, quant à elle, par de strictes conditions, en termes de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement…Il est deux approches possibles de la faute caractérisée. L’une quantitative, passant par le cumul de défaillances, qui, prises isolément, n’auraient pas quitté le seuil de la faute ordinaire, mais qui, par leur addition, gagnent la gravité qu’elles n’ont

pas naturellement. Les exemples ne manquent pas, et il est im-possible de les présenter ici. L’autre conception est qualitative, renvoyant à ce qui se nourrit d’une défaillance marquée par sa gravité intrinsèque, et on aborde ici toutes les négligences en rapport avec l’impardonnable, soit que l’auteur est un profes-sionnel ou un spécialiste, sur lequel pèse une obligation plus prononcée de diligence, soit que le contexte de l’action ou de l’omission fautive renvoie à un danger manifeste.Les élus sont concernés par cette double conception, et nom-breuses sont les décisions qui les appliquent, soit en détaillant des imprudences ou négligences dont l’addition revient à une faute caractérisée, soit en raison des risques inhérents à l’activité déployée ou à la manifestation engagée. La faute caractérisée a une place de choix dans la jurisprudence relative aux élus locaux, une place peut-être méritée, mais une place également stratégique, pour ce qu’elle représente de frein facile à l’application de la réforme : en retenant cette faute, alors que les élus locaux sont le plus souvent dans un rapport de causalité indirecte avec le dommage, la responsabilité n’est plus discutable, et les condamnations tombent…C’est peut-être là que certains élus pourraient trouver à redire…

Intervention de Pierre-Yves COLLOMBAT sur la loi FauchonSénateur,vice-Président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF)Bruno Leprat : Auriez-vous voté en son temps la Loi Fauchon ?Pierre-Yves Collombat : J’aurais voté la loi Fauchon même si je crois qu’elle n’a rien réglé.En 2005, j’ai participé au colloque organisé au Sénat à l’oc-casion des cinq ans de la loi. J’étais le seul de mon avis. La meilleure preuve de l’absence de changement : un représentant d’une des associations de victimes présentes a & nalement avoué qu’il n’y en avait pas eu.Je voudrais commencer par une citation extraite du « Procès » de Kafka. Cette citation est la suivante : « tel que je connais les services, ils ne s’amusent pas à rechercher des culpabilités au sein de la population. C’est au contraire la culpabilité qui les provoque. La loi est ainsi faite, il n’y a de place pour aucune erreur. »Les élus locaux se retrouvent dans cette situation. Par une mécanique bien huilée, étant responsables de tout, ils se re-trouvent forcément coupables de quelque chose à un moment donné, auteurs d’une faute dont il est demandé réparation non seulement au civil, ce qui est normal, mais au pénal, ce qui l’est beaucoup plus rarement.

B.L. : Est-ce que la loi Fauchon a modi& é cette situation ?P.-Y.C : Il y a quelques années, une avalanche a emporté un centre de vacances à Chamonix. Le maire de Chamonix (je me demande comment il peut y avoir encore des maires à Chamonix !) a été condamné pénalement parce qu’il n’était pas passé outre les recommandations du comité de spécialistes qu’il avait mis en place, lequel ne préconisait pas d’évacuation du centre, conformément d’ailleurs au plan de prévention des risques de la commune ! En bref, si les spécialistes sont d’accord, il faut passer outre leurs recommandations et s’ils ne sont pas d’accord les suivre !Je considère que l’épée de Damoclès est toujours là. La loi Fauchon ne représente pas une dépénalisation de la respon-sabilité des élus. Je reproche à cette loi de vouloir traiter de la même façon au nom du principe d’égalité devant la loi, des gens qui de toute façon, sont dans des situations très inégales. Le pèlerin est responsable de lui-même ; le maire est responsable de tout, même s’il n’est pas un spécialiste :

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de l’application de toutes les normes, de toutes les véri& ca-tions techniques. Alors qu’il n’a pas été élu pour ça, pour ses qualités professionnelles, encore moins pour en vivre. L’assimilation routinière de l’élu à un professionnel (avocat, médecin etc.) n’a donc aucun sens. Il est élu pour prendre les bonnes décisions dans l’intérêt général, au nom de la collectivité.Avec l’AMRF, on a toujours essayé de faire valoir – sans succès – la situation particulière des élus et notamment des élus ruraux. Lorsque ces derniers sont défaillants au regard de l’intérêt général (cf. la prise illégale d’intérêt), ils sont plus sanctionnés que tout le monde. En matière de délit non-in-tentionnel, ils sont sanctionnés comme tout le monde ! Tout le monde trouve cela logique et « équilibré ».

Personne ne veut bouger même si Pierre Fauchon reconnaît lui-même qu’il n’est pas pleinement satisfait du contenu de la loi. Et je reconnais volontiers, à mon tour, que Pierre Fauchon ne pouvait aller plus loin dans ses propositions sans susciter des obstacles infranchissables à sa tentative d’amélioration. Cette tentative était méritoire. Je pense seulement que le résultat n’est pas à la hauteur de l’attente.En 2005, l’association des élus de montagne (ANEM) a de-mandé à un cabinet d’avocats de faire une synthèse des jurisprudences depuis 2000. Ils avaient conclu que la seule différence perceptible depuis la loi Fauchon n’était pas une meilleure prise en compte de la situation des élus mais que les juges motivaient mieux leurs décisions. Pour les juristes c’est probablement un progrès, pour les élus, j’en doute…

PROPOS INTRODUCTIFS

Les collectivités territoriales sont amenées, a& n de satisfaire au mieux l’intérêt général, à déléguer certaines de leurs missions à des associations et organismes spéci& ques, qui perçoivent à ce titre des fonds publics sous forme de subventions.L’implication des élus et fonctionnaires dans la vie de ces associa-tions répond alors à la double nécessité de garantir l’ef& cacité et la cohérence des politiques publiques, et de s’assurer de l’utilisation conforme et raisonnée des subventions qui leurs sont allouées.En ce sens, cette participation constitue tout à la fois un outil de bonne de gestion et un outil de contrôle, propre à limiter le risque pénal induit par d’éventuels détournements des fonds publics ainsi con& és à ces associations (I).Pour autant, cette implication des élus et fonctionnaires dans la vie associative, lorsqu’elle se fait trop active, peut égale-ment recéler d’autres risques pécuniaires et pénaux, tels que la gestion de faits et la prise illégale d’intérêts (II).Sous cette distinction, l’enjeu de la présente table ronde sera d’isoler les risques pénaux spéci& ques, « endémiques », de l’intervention des élus et fonctionnaires dans la vie associative, a& n de dégager les règles prudentielles propres à les réduire.

I – SUR LE RISQUE PÉNAL INHÉRENT À L’ABSENCE DE CONTRÔLE DES ASSOCIATIONS

Tout d’abord, une absence totale de contrôle des associations béné& ciaires de subventions peut exposer les élus et fonction-naires de l’autorité les ayant consenties à un risque pénal, au cas de détournement des fonds publics ainsi alloués (A).La mise en place d’outils de contrôle de l’utilisation des sub-ventions consenties à ces associations constitue un moyen de limiter l’ampleur de ce risque (B).

A.– Identi# cation du risque pénal

1°) La complicité d’abus de con# anceC’est là l’hypothèse de l’élu ou du fonctionnaire qui se rendrait complice du détournement par une association et / ou ses

dirigeants, auteurs principaux du délit, de tout ou partie des subventions dont elle béné& cie.La complicité punissable implique la réunion des éléments suivants :

a) L’existence d’un fait principal punissableConsistant, au cas d’espèce, dans un acte de détournement des subventions publiques allouées à une association, acte imputable à l’association et / ou à ses dirigeants, en qualité d’auteurs principaux.Un tel détournement pourrait consommer le délit d’abus de con& ance, voire le délit de détournement de fonds pu-blics, si l’association et / ou ses dirigeants disposent de la qualité de « dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service public, de comptable public ou de dépositaire public ».La constitution du délit d’abus de con& ance, prévu et réprimé par l’article 314-1 du Code pénal, est soumise à la réunion d’un élément préalable, matériel et intentionnel.L’élément préalable consiste dans la remise d’une chose en exécution d’un contrat, tel par exemple que :– la convention de subventionnement (hypothèse d’un détour-nement commis par l’association subventionnée au préjudice de la collectivité) ;– le mandat social des dirigeants de l’association subvention-née (hypothèse d’un détournement commis au préjudice de l’association par ses dirigeants)L’élément matériel est un acte de détournement, dé& ni comme le fait de se comporter comme le propriétaire d’une chose remise à titre précaire.Plus concrètement, cet acte de détournement pourrait consister dans une utilisation de la subvention à des & ns étrangères à celles prévues lors de son octroi et, le cas échéant, stipulées à la convention de subventionnement, telle par exemple qu’une rétrocession de la subvention à une autre association en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1611-4 alinéa 3 du CGCT.

Participation des élus et des fonctionnaires à la vie associative : quelles précautions sur le plan pénal ?

Par Me Didier SEBAN, Avocat au barreau de Paris, SCP Seban & Associés

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L’élément intentionnel est la volonté de l’auteur de commettre l’acte de détournement tel que précédemment dé& ni.

b) Un acte matériel de complicitéEntendu comme un acte de participation concomitant ou anté-rieur à l’infraction principale et pouvant notamment consister dans toute aide ou assistance donnée en vue de faciliter la préparation du délit.La jurisprudence ajoute toutefois que l’acte de complicité doit nécessairement consister dans un acte positif, la complicité par abstention étant, en principe, non punissable (Cass. Ass. Plén. 20 janv. 1964 ; Cass. crim. 26 oct. 1912, S. 1914, 1, 225), sauf à caractériser l’existence d’une collusion entre l’auteur principal et le complice [Cass. crim. 10 nov. 1971, Bull. crim. n° 307]).

c) Une intention délictueuseLe complice devant avoir contribué à l’infraction principale en connaissance de cause (Cass. crim. 6 août 1924, Bull. crim. n° 157).

2°) Le détournement de fonds publics par négligenceC’est là l’hypothèse de l’élu ou du fonctionnaire qui, par sa négli-gence, aurait rendu possible le détournement par l’association et / ou ses dirigeants des fonds publics qui lui ont été alloués par la collectivité dans le cadre du subventionnement de ses activités.Ce délit, prévu et réprimé par l’article 432-16 du Code pénal par référence au détournement de fonds publics stricto sensu, est passible des peines complémentaires de l’article 432-17 du Code pénal (interdiction des droits civils, civiques et de famille, interdiction temporaire ou dé& nitive d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise).Il est constitué par la réunion des éléments suivants :

a) Un élément préalableIl tient à la qualité de l’auteur du délit, qui doit être « déposi-taire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, d’un comptable public ou d’un dépositaire public ».

b) Un acte de détournement imputable à un tiersConsistant dans le fait de se comporter comme le propriétaire d’une chose remise à titre précaire.Là encore, cet acte de détournement pourrait plus concrète-ment consister dans une utilisation de la subvention à des & ns étrangères à celles prévues lors de son octroi et, le cas échéant, stipulées à la convention de subventionnement, telle par exemple qu’une rétrocession de la subvention à une autre association en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1611-4 alinéa 3 du CGCT.

c) Une faute de négligence imputable à l’élu ou au fonctionnaire et ayant rendu possible l’acte matériel de détournement.Cette faute de négligence doit être rapprochée de la notion de négligence visée par l’article 121-3 alinéa 3 du Code pénal (Cass. crim. 9 nov. 1998), aux termes duquel : « Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute (…) de négligence (…), s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. »Aussi l’élu ou le fonctionnaire mis en cause à ce titre serait-il admis à s’exonérer de sa responsabilité pénale en établissant qu’il a fait toutes diligences pour s’assurer de l’utilisation des subventions dans un but conforme à celui ayant présidé à leur octroi.

Le délit de détournement de fonds publics par négligence apparaît ainsi comme un risque pénal important pesant sur les élus et fonctionnaires au cas de détournement par une association des subventions alloués par l’autorité dont il relève.Il importe toutefois de souligner que, dans les faits, les pour-suites demeurent rares.

B.– Le contrôle de l’association comme moyen de minimiser le risque pénal

La notion de négligence étant dé& nie comme un défaut de diligences normales, élus et fonctionnaires seraient admis à s’exonérer de leur responsabilité pénale en établissant qu’ils ont pris toutes mesures utiles pour l’éviter.De telles diligences impliquent que l’élu ou le fonctionnaire dispose d’une connaissance approfondie de l’association, tant au titre de l’objet pour lequel les subventions ont été allouées qu’à celui de leur destination effective.Une telle connaissance présente une dimension ex ante, tenant à la dé& nition de la destination des fonds alloués (1°), et une dimension ex post, portant sur la conformité de l’utilisation des subventions avec l’objet stipulé (2°).

1°) Le contrôle ex ante : la convention de subventionnementLa loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations a imposé aux collectivités locales de nouvelles obligations dans le cadre de l’attribution des subventions.Son article 10 impose ainsi la conclusion de convention lorsque le montant annuel de la subvention allouée dépasse la somme de 23 000 €.Dans ce cadre juridique, il incombe donc à l’élu ou au fonction-naire, a& n de minimiser le risque pénal auquel il est exposé, de faire toutes diligences pour éviter un éventuel détournement des subventions allouées, comme par exemple :– généraliser les conventions de subventionnement, sans condition de montant ;– stipuler dans les conventions de subventionnement :– le montant de la subvention alloué ;– une dé& nition générale de l’objet de la subvention allouée ;– l’affectation requise de la subvention, ventilée selon les postes suivants : les sommes dévolues aux frais de fonction-nement de l’association, les sommes dévolues au & nancement de l’opération subventionnée. Il importe toutefois de souligner que les termes de la convention doivent demeurer généraux au regard notamment de son objet – au risque de la voir re-quali& ée en marché public ou en délégation de service public, et de sa destination, au risque de voir ses signataires déclarés gérants de fait de l’association ;– imposer aux associations subventionnées de produire, dans les six mois suivant la & n de l’exercice pour lequel les fonds ont été attribués, un compte rendu & nancier attestant de la conformité des dépenses effectuées à l’objet de la subvention.

2°) Le contrôle ex post : l’affectation des subventionsa) Les moyens de contrôlePar application des dispositions combinées de l’article L. 1611-4 du CGCT et de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, la personne publique ayant alloué la subvention est fondée à solliciter de l’association béné& ciaire, dans les 6 mois de la clôture de chaque exercice, son budget annuel, ses comptes annuels, ainsi qu’un compte rendu & nancier attestant de l’utilisation conforme des subventionsEn outre, elle est fondée, le cas échéant, à diligenter des mis-sions d’audit au sein de l’association subventionnée.

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b) La pertinence des données # nancières contrôléesL’article L. 612-4 du Code de commerce impose à toute asso-ciation subventionnée à hauteur d’un montant annuel global de 153 000 € au moins, d’établir et de publier des comptes annuels, et de désigner des commissaires aux comptes.

II – SUR LES RISQUES INHÉRENTS À UNE PARTICIPATION ACTIVE À LA VIE ASSOCIATIVE

A.– Les risques pécuniaires : la gestion de fait

La gestion de fait ne constitue pas en soi un risque pénal mais un risque & nancier relevant de la Chambre régionale des comptes. Toutefois, la sanction de la gestion de fait pourra parfois sembler tout aussi lourde qu’une condamnation pénale. En outre, certaines conséquences pénales sont indirectement rattachées à cette situation.La gestion de fait s’applique à « toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d’un comptable public, s’ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public » ou « reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d’un organisme public » (L. & n. n° 63-156, 23 févr. 1963, art. 60-XI).Ce risque va se rencontrer fréquemment dans les rapports qu’entretiennent collectivités et associations :– soit lorsqu’une association, sans gérer un service ou un équipement public, encaisse sans titre des recettes de la col-lectivité ;– soit lorsque l’association exerce en réalité la gestion dé-léguée d’un service public sans avoir été régulièrement désigné pour cela, en raison du caractère para-administratif de l’association.C’est dans cette seconde hypothèse que des élus ou des fonctionnaires pourront voir leur responsabilité & nancière engagée : la gestion d’une activité d’intérêt général par une association dite « transparente » sera de nature à menacer les élus la dirigeant de droit ou de fait.Le risque sera donc d’autant plus fort que l’autonomie réelle de l’association à l’égard de la collectivité sera faible.Ce sera bien entendu le cas si tous les organes dirigeants de l’association sont composés d’élus (ou de fonctionnaires), et que le & nancement de l’association n’est assuré que par des subventions de la collectivité.Pour garantir son autonomie par rapport à la collectivité, l’association peut mettre en œuvre plusieurs « outils ».Elle se doit, tout d’abord, de réunir régulièrement ses organes de décision et veiller à ce que les décisions prises le soient par les organes collégiaux de l’association.Elle peut, par ailleurs, instituer un système de contrôle & nan-cier interne, faire certi& er ses comptes par un commissaire aux comptes et s’attacher à produire ses comptes annuellement auprès de ses adhérents, a& n d’établir que les subventions qui lui sont versées sont utilisées conformément à son objet. Les associations percevant au moins 153 000 € de subventions an-nuelles sont d’ailleurs soumises à l’obligation d’établissement annuel d’un bilan, d’un compte de résultat et d’une annexe, sous le contrôle d’un commissaire aux comptes.L’établissement d’une convention d’objectifs et de moyens encadrant l’activité et & xant le domaine d’intervention propre de l’association permettra également de convaincre le juge de l’existence autonome de l’association.Lorsqu’il est reconnu comptable de fait par la Chambre régio-nale des comptes, le chef de l’exécutif local perd sa qualité d’ordonnateur des dépenses de la collectivité, jusqu’à ce qu’il ait reçu quitus de sa gestion.

En revanche, la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 a supprimé la peine d’inéligibilité qui frappait automatiquement les élus coupables de gestion de fait jusqu’au terme de la procédure. Toutefois, cette sanction existe toujours en ce qui concerne les fonctionnaires.Lorsque le juge considère qu’il y a gestion de fait, la sanc-tion applicable réside dans le prononcé d’une amende d’un montant maximal équivalent à la somme maniée irrégu-lièrement, à l’encontre du comptable de fait (L. n° 54-1306, 31 déc. 1954, art. 9).Le gestionnaire de fait peut en outre être reconnu coupable du délit d’usurpation de fonctions prévu à l’article 433-12 du Code pénal (sanctionné par 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amendes).Par conséquent, il importe d’éviter le recours aux associations transparentes pour gérer des activités d’intérêt général : si la gestion associative présente l’avantage de la souplesse pour les collectivités et a ainsi pu connaitre un développement important, il convient aujourd’hui de conclure des conven-tions avec les associations et de veiller à leur préserver un fonctionnement autonome et une source de & nancement la plus diversi& ée possible.

B.– Les risques pénaux : la prise illégale d’intérêts et les délits connexes

1°) Le délit de prise illégale d’intérêtsLe délit de prise illégale d’intérêt est, prévu et réprimé par l’article 432-12 du Code pénal, est passible des peines com-plémentaires de l’article 432-17 du Code pénal (interdiction des droits civils, civiques et de famille, interdiction temporaire ou dé& nitive d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise).Sa constitution est subordonnée à la réunion :

a) D’un élément préalableCet élément tient à la qualité de son auteur, qui doit être « dé-positaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ».L’incrimination est ainsi applicable aux élus et aux fonction-naires territoriaux.

b) D’un premier élément matérielÉlément tenant à la surveillance, l’administration, la liquida-tion ou le paiement exercé par l’auteur sur une entreprise ou une opération.Outre la liquidation, l’ordonnancement et l’administration qui ne posent guère de dif& culté, la notion de surveillance désigne tout pouvoir de décision ou d’in? uer sur le contenu d’une décision concernant une entreprise ou une opération (Cass. crim., 10 avr. 1897, Bull. crim. 1897, n° 139 ; Cass. crim., 16 déc. 1975, Bull. crim. 1975, n° 279).Cette notion de surveillance fait ainsi l’objet d’une interpré-tation jurisprudentielle extensive, le délit de prise illégale d’intérêt pouvant être constitué par :– la participation à un organe délibérant d’une collectivité chargé de l’examen d’une affaire à laquelle l’agent est inté-ressé, quand bien même celui-ci ne disposerait dans ce cadre que d’un « pouvoir de décision partagé avec d’autres » (Cass. crim., 19 mai 1999, Bull. crim. 1999, n° 101, p. 27) ;– la participation à un organe délibérant par le biais d’une procuration, fût-elle en blanc (Cass. crim., 10 avr. 2002, Bull. crim. 2002, n° 84, p. 282) ;– l’exercice de simples pouvoirs de préparation ou de pro-position de décisions prises par d’autres (Cass. crim., 22 sept.

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1998 ; Cass. crim., 14 juin 2000, Bull. crim. 2000, n° 221 ; Cass. crim., 19 sept. 2003).L’objet de cette surveillance peut consister dans :– une entreprise, au sens habituellement donné à ce terme dans le monde des affaires, savoir non seulement les sociétés commerciales sous toutes leurs formes juridiques (Cass. crim., 2 nov. 1961, Bull. crim. 1961, n° 438), mais aussi les sociétés civiles, les GIE, les GAEC et les entreprises individuelles ;– une opération, c’est-à-dire un acte juridique isolé tel notam-ment que l’attribution d’une subvention (Cass. crim., 22 oct. 2008, Bull. crim. 2008, n° 212).

c) D’un second élément matérielÉlément tenant à la prise ou la conservation par l’auteur d’un intérêt quelconque dans l’entreprise où l’opération qu’il avait la charge de surveiller.Cette notion fait elle aussi l’objet d’une interprétation jurispru-dentielle extensive, conférant au délit un champ d’application extrêmement vaste.Tout d’abord, la Cour de cassation considère que le délit ne nécessite ni que l’agent ait retiré un béné& ce de l’opération (Cass. crim., 23 févr. 1988), ni que la collectivité ait souffert un préjudice.Ensuite, la Cour de cassation considère que l’intérêt prohibé peut être de nature pécuniaire (Cass. crim., 27 nov. 2002), maté-rielle (Cass. crim., 7 mai 1998 : B.Crim. 1998, n° 157), mais aussi morale (Cass. crim., 5 nov. 1998, Bull. crim 1998, n° 289).Le fameux arrêt « Commune de Bagneux » résume la po-sition adoptée par la Jurisprudence en la matière (Cass. crim., 22 oct. 2008, Bull. crim. 2008, n° 212) : « l’infraction est constituée même s’il n’en résulte ni pro& t pour les auteurs ni préjudice pour la collectivité » de sorte « qu’il n’importe que ces élus n’en aient retiré un quelconque pro& t et que l’intérêt pris ou conservé ne soit pas en contradiction avec l’intérêt communal ».Précisons que, dans cette espèce, l’élu concerné occupait, ès qualités, les fonctions de Président d’une association rem-plissant des missions d’intérêt général, sans percevoir la moindre rémunération.

d) D’un élément intentionnelLa jurisprudence considère toutefois que cet élément inten-tionnel est établi dès lors que l’agent a accompli sciemment l’acte constituant l’élément matériel du délit (Cass. crim., 21 nov. 2001, Bull. crim. 2001, n° 243 ; Cass. crim., 27 nov. 2002, Bull. crim. 2002, n° 213).Dans ces conditions, la prudence exige d’éviter qu’un élu ou un fonctionnaire n’occupe, fut ce ès qualités, un quelconque mandat au sein d’associations subventionnées et, dans le cas contraire, qu’ils s’abstiennent de toute participation, directe ou indirecte au processus d’attribution des subventions à l’association concernée.

2°) Le délit de tra# c d’in* uence passifL’article 432-11 du Code pénal dispose qu’« Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui :1° Soit pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;

2° Soit pour abuser de son in+ uence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »La perception, par un élu ou fonctionnaire, d’une rémunération dans le cadre de fonctions occupées au sein d’une association subventionnée pourrait être considérée comme constitutive du délit de tra& c d’in? uence passif.

CONCLUSIONLes relations entre personnes publiques et associations se caractérisent ainsi par une grande complexité, mêlant tout à la fois nécessité de contrôle et devoir de non ingérence, obli-gations bornées de toutes parts de sanctions pénales.Élus et fonctionnaires apparaissent tout particulièrement expo-sés à ce risque pénal, au point que certaines collectivités ont choisi de limiter au strict minimum le recours aux structures associatives.La pérennité et l’opportunité d’une solution si tranchée peut toutefois apparaître discutable, au regard des vertus de réacti-vité et de proximité de ces structures associatives, matérialisant bien souvent de surcroît de véritables initiatives citoyennes.Le véritable enjeu me semble donc se situer en réalité sur un plan législatif et réglementaire, dans la création d’un dispositif encadrant les relations entre personnes publiques et associations.On peut espérer que le législateur ait compris cette nécessité au regard :– de la circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations et visant à poser « le cadre de référence qui régit les relations # nancières entre les collectivités publiques et les associations avec un nouveau modèle de convention annuel ou pluriannuel d’objectifs juri-diquement sécurisé » ;– de la proposition de loi de M. le Sénateur Bernard Saugey, débattue et adoptée à l’unanimité au Sénat le 24 juin der-nier, visant à remplacer la notion « d’intérêt quelconque » actuellement réprimée par le délit de prise illégale d’intérêt, par celle « d’intérêt personnel distinct de l’intérêt général ». Cette proposition de Loi a pour objectif de mettre un terme à la Jurisprudence actuelle tendant à étendre le champ de l’incrimination de prise illégale d’intérêt, notamment aux élus et fonctionnaires occupant, ès qualités, des fonctions au sein d’associations subventionnées et poursuivant des missions d’intérêt général.Reste qu’il est malaisé d’apprécier l’interprétation qui en sera donnée en Jurisprudence, dans la mesure notamment où cette proposition de Loi ne rompt pas avec le principe selon lequel le délit de prise illégale d’intérêt n’implique pas la caractéri-sation d’un préjudice.

Intervention de Pierre-Yves COLLOMBAT sur la proposition de loi modifi ant la loi sur la prise illégale d’intérêtSénateur,vice-Président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF)Le Sénat n’est qu’une première étape mais on a bon espoir que cette proposition soit reprise à l’assemblée nationale et examiné avant la fi n de l’année. Reste que, Sénat et Assemblée nationale sont des cimetières des éléphants de propositions de loi…Encore une fois ce texte ne casse pas trois pattes à un canard. C’est juste une question de bon sens. Maître Seban l’a dit, le vote des subventions ressemble à une pièce de Feydeau : les élus rentrent en séance, sortent, sans

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garantie de se protéger ainsi de la prise illégale d’intérêt. Logiquement même les élus membres des bureaux d’associations ne devraient pas voter le budget puisque ce vote conditionne les subventions ! On est dans l’absurde complet.Je reviens sur la notion d’intérêt personnel/d’intérêt quelconque à partir d’une anecdote personnelle. Quand j’ai été élu sénateur j’ai voulu installer le bureau de ma permanence dans le village dont j’étais alors maire. Vous imaginez le nombre de locaux disponibles dans un village de 2 500 habitants ! Comme il y avait justement un bureau non occupé dans un local municipal, j’ai projeté de le louer à la commune, après délibération du conseil, au prix que fi xerait le service des domaines, ce qui pour la commune aurait représenté une recette supplémentaire et n’aurait pénalisé personne, le local étant vide. Peu confi ant dans l’usage du bon sens comme boussole en matière juridique, avant de passer à l’exécution, j’ai demandé l’avis du service central de prévention de la corruption, comité de lutte contre la corruption. Celui-ci m’a formellement déconseillé de donner suite à mon projet qui, malgré la transparence totale de l’opération, m’aurait placé en situation de prise illégale d’intérêt. En passant, je voudrais souligner le travail remarquable et silencieux du service.Dans mon cas, l’adoption de la proposition de loi n’aurait rien changé. Il y aurait toujours intérêt « personnel ». Qu’il soit parfaitement légitime, voire correspondre aussi à l’intérêt communal n’y change rien.La proposition de loi n’étend pas le champ des dérogations actuellement prévues pour les maires des communes de moins de 3 500 habitants. La modifi cation se borne à préciser, la notion d’intérêt délictueux afi n de sécuriser l’action de ceux auxquels a été confi ée la gestion des affaires publiques, sans amoindrir, pour autant, leur responsabilité. Elle concerne exclusivement l’article 432-12 du Code pénal (prise illégale d’intérêt), laissant inchangée toute la section 3, chapitre II, titre III, livre IV, « manquement aux devoirs de probité » dudit Code pénal. Inchangé les articles 432-10 (concussion), 432-11 (trafi c d’infl uence), 432-13 (pantoufl age), 432-15 (soustraction et détournement de biens).Comme je l’ai dit, au sein de l’article 432-12, elle ne concerne pas les cas où existe un intérêt personnel propre,

même légitime, de l’élu, question abordée par les alinéas 2 à 5 de l’article. Alinéas qui ne s’appliquent d’ailleurs qu’aux élus municipaux des communes de moins de 3 500 habitants et sur lequel Il y aurait pourtant beaucoup de chose à dire.Mais nous sommes un pays prompt aux procès en sorcellerie, qui présentent l’avantage de protéger de l’obligation d’instruire les procès qui devraient l’être. Par exemple en matière de chassés-croisés entre mandats ou fonctions publics et emplois dans des entreprises privées vivant essentiellement des marchés publics.Ainsi, un maire, ancien employé d’une entreprise spécialisée dans la gestion des services d’eau, d’assainissement ou d’ordures ménagères, ne peut pas participer à l’instruction des affaires relatives à l’association qu’il préside es qualité, sous peine de prise illégale d’intérêt, mais peut, en toute légalité concéder ses services municipaux (en respectant le formalisme de l’appel à concurrence), à son ancien employeur. On pourrait appeler cela du « pantoufl age à l’envers ».Quant au « pantoufl age » proprement dit, il est réprimé ou plutôt limité par l’article 432-13 du Code pénal. Avec ce paradoxe que soulignait déjà le rapport de l’année 2000 du service central de prévention de la corruption : « Comment, malgré un cadre juridique si rigoureux, un sentiment de suspicion peut-il se faire jour ? Comment le pantoufl age en vient-il à être stigmatisé même lorsqu’il ne constitue pas une infraction ? » « Même lorsqu’il ne constitue pas une infraction » : l’expression parle d’elle-même.Mais dès qu’il est question de la responsabilité pénale des élus, les esprits s’échauffent et les pouvoirs publics reculent devant toute modifi cation de la législation, même de bon sens, pouvant passer pour faveur envers les élus. Moyennant quoi peuvent continuer à prospérer des pratiques pour le moins discutables.Il paraît que nous devons l’invention de « la prise illégale d’intérêt » à Saint-Louis et à Charles VI.Charles VI, auquel nous devons aussi la première ordonnance royale relative au blasphème, Charles VI qui fut d’abord « le bien aimé » avant de sombrer dans la folie et de devenir « Charles le fol ».En raccourci, le destin de notre Code pénal, sous section « prise illégale d’intérêt ».

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l’annexe V dé� nit des critères communs aux différents services de l’État dans le cadre des procédures d’agrément.Les associations défendent avec l’État le principe de trans-parence et de bon usage des subventions, mais contestent la vision restrictive et marchande du fait associatif pour trois rai-sons de principe et une restriction qui, pour nous, est infondée :La circulaire af� rme que «  la grande majorité des activités

exercées par des associations peut être considérée comme des

activités économiques » et n’envisage pas les autres situations :– les associations qui ne font aucune activité économique : l’arrêt « SODEMARE SA » de la CJCE du 17 juin 1997 précise que «  la condition d’absence de but lucratif s’avère être le

moyen le plus cohérent au regard de la " nalité exclusivement

sociale. » (CJCE, 17 juin 1997, aff. C-70/95) ;– celles qui mènent plusieurs activités de front, sociales et économiques : la circulaire du 12 février 2009 du ministère de l’Intérieur précise que dans ce cas « Les règles de concurrence

ne s’appliqueront pas à leurs activités non économiques. ».Elle précise que « l’octroi de l’aide par la collectivité publique

n’est acceptable que si le concours " nancier peut être regardé

comme la compensation d’obligations de service public ». Dans ces conditions, les associations ne peuvent plus être à l’initia-tive du projet, et deviennent dépendantes de la dé� nition du service donnée par la collectivité publique.Ces premiers points suf� sent, pour nous, à montrer qu’un débat démocratique est nécessaire avant de décider comment distinguer les activités associatives des services marchands et des services publics. De fait, cette circulaire fait débat, tout comme l’application d’une directive européenne par une circulaire. Pour notre avocat, seule la loi peut incorporer la Directive Service à notre droit interne.En� n, cette circulaire exclue les associations qui perçoivent plus de 200 000 €, sur une période de trois ans, sauf si elles mettent en œuvre une « politique publique d’intérêt géné-ral ». Or la loi du 4 février 2009 appelée « plan de relance » (L. � n rect. n° 2009-122, 4 févr. 2009) reprend la décision de la Commission européenne qui, en raison de la crise, permet d’accorder jusqu’à 500 000 € par entreprise pour 2009 et 2010. La différence est très importante et, pour nous, injusti� ée. Les associations seraient contraintes aux mêmes exigences que les entreprises mais ne béné� cieraient pas des mêmes limites ! De plus, cela ne pose-t-il pas, là encore, un problème de droit ?Le collectif souhaite une mobilisation générale du monde asso-ciatif, des élus de la République et des collectivités territoriales pour dé� nir quelles associations nous voulons pour demain.Il s’agit de défendre la pérennité des mobilisations citoyennes désintéressées.Comment agir concrètement pour faire des pro� ts non � nanciers ?En incitant les élus locaux à ne pas appliquer la circulaire : ils n’y sont aucunement obligés, depuis les lois de décentralisa-tion, même si le Gouvernement incite les collectivités territo-riales à le faire, et l’imposera pour les � nancements de l’État.

C’est en tant que militant associatif que je me présente à vous. Je dirige plusieurs associations de bénévoles et j’adhère à l’association Récit qui promeut l’éducation à la citoyenneté avec ses 3 500 adhérents et trois permanents.Récit est une des quatre associations (RECIT (Réseau des écoles de citoyens), FNFR (Fédération nationale des foyers ruraux), Action Consommation, La Vie Nouvelle)) qui a déposé un recours pour l’annulation de la circulaire du 18 janvier 2010 (Circ. 18 janv. 2010, NOR : PRMX1001610C, relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations : conventions d’objectifs et sim-pli� cation des démarches relatives aux procédures d’agrément, JO 20 janv.) et initié le Collectif des Associations Citoyennes constitué à ce jour de vingt six organisations (Peuple et Culture, Action Consommation, FNFR (Fédération nationale des foyers ruraux), APICED (association insertion citoyenneté égalité droit, Paris 11e), RECIT (Réseau des écoles de citoyens), LDH (Ligue des Droits de l’Homme), ATTAC France, La Vie Nouvelle, Fondation Copernic, Les Amis de la Confédération Paysanne d’Alsace, Intermèdes (Longjumeau), Mouvement National Culture et Liberté, ADELS, Artisans du monde Metz, ALDEAH (Alternatives pour un Développement Écologique Autodéterminé et Humain), Culture XXI (Recit), Les Pistes d’Ariane (76 Deville-les-Rouen), CNLRQ (Comité national de liaison des régies de quartier), ARMA (Association pour la reconnaissance des médias alternatifs), Arc-en-Ciel théâtre, CNAFAL, MRAP, Ensemble nous sommes le 10e, UNADEL, AARNCM (association des amis de la réserve naturelle des Condamines Montjoie), AFIC/COPARENTS Dias-pora) et soutenu par de nombreuses personnalités.Mais ce n’est pas par hasard si j’ai été choisi pour répondre à l’invitation des organisateurs de cette journée. Par le passé, j’ai été gestionnaire d’une association qui animait un centre d’accueil de classe de découverte, et responsable d’un service « culture-Vie Associative » d’une ville de 12 000 habitants dans une Ville Nouvelle de Région Parisienne. Je suis donc fonction-naire territorial, au grade d’Attaché Principal, en fonction de direction des services municipaux et de conseil aux élus locaux.Après vous avoir tenté de vous intéresser aux aspects de la circulaire, je partagerai avec vous quelques valeurs non � nancières qui fondent notre démarche désintéressée d’as-sociation citoyenne.La circulaire du 18 janvier 2010 a pour ambition de faciliter les relations entre pouvoirs publics et les associations. Elle met à jour la circulaire du 24 décembre 2002 relative aux subven-tions de l’État aux associations et conventions pluriannuelles d’objectifs (Circ. n° 5193/SG, 16 janv. 2007, NOR : PRMX0709930). Elle tente de clari� er et sécuriser le cadre juridique des rela-tions � nancières entre les pouvoirs publics et les associations.L’annexe I propose une doctrine partagée entre l’État, les col-lectivités territoriales et les associations, au regard de la régle-mentation européenne, notamment la « Directive service ». Les annexes II, III et IV précisent un nouveau modèle de convention, de demande de subvention et son manuel d’utilisation. En� n,

3E TABLE RONDE

Quelles sont les craintes du milieu associatif sur la circulaire du 18 janvier 2010 ? Quelles sont les actions en cours ?

Par Jean LAMBRET, Fonctionnaire territorial – Membre du collectif : www.associations-citoyennes.net/blog

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3E TABLE RONDE

faut amener chaque « administré » à devenir « citoyen actif », dans un contexte d’abstention et de dif� cultés à renouveler l’engagement associatif.En proposant de retenir l’absence de but lucratif comme un critère de soutien aux associations, ainsi que l’incitation à la participation, à l’engagement bénévole, à répondre aux besoins sociaux, à l’ouverture à tous sans distinction, à la solidarité avec le territoire.Cette ré� exion va se poursuivre au cours des prochains mois, et nous souhaitons vivement pouvoir l’approfondir avec les collectivités qui le souhaitent, a� n de dé� nir des relations as-sociation collectivités permettant de travailler ensemble dans le sens des principes d’action que j’ai évoqués. ◆

En incitant les associations à valoriser les énergies et moyens non-� nanciers qu’elles mobilisent. Il suf� t d’intégrer dans sa comptabilité :le temps consacré à l’activité de l’association par chaque bénévole, sur la base du SMIC ;les moyens personnels mobilisés bénévolement : transports, communication, bureautique…Cela permet aux bénévoles d’en déduire une partie de ses impôts. Si ces activités devaient être organisée un jour sans le recours aux bénévoles, qui payerai ces factures ?Nombre d’élus locaux ont d’abord vécu l’expérience de l’intérêt commun associatif avant de défendre l’intérêt général tout aussi bénévolement. Ils savent que pour « faire société », il

Avant d’évoquer les deux principaux critères de distinction entre les subventions et contrats relevant de la commande publique, on rappellera, à titre liminaire, la nécessité pour la collectivité de ne � nancer, par subventions, que des actions qui présen-tent un intérêt public local. À titre d’exemple, le juge d’appel a ainsi pu annuler les délibération d’un conseil municipal par lesquelles il avait décidé de verser des subventions à une asso-ciation d’élus, ayant pour objet de promouvoir la création d’un département basque, aux motifs que lesdites délibérations ne pouvaient être regardées comme répondant directement à des besoins de la population locale et ne présentaient pas d’intérêt public communal (v. CAA Bordeaux, 13 mars 2007, n° 05BX01225, Cne d’Ahetze c./ Préfet des Pyrénées-Atlantiques).

I – LE CRITÈRE DE L’INITIATIVE DU PROJET

Le versement d’une subvention suppose une demande préa-lable de l’association, en ce sens que pour pouvoir prétendre béné� cier d’une subvention, l’association doit nécessairement être à l’initiative du projet qu’elle porte et pour lequel elle demande un � nancement public.On précisera toutefois que la subvention, laquelle est par nature destinée à soutenir � nancièrement une action initiée et menée par un tiers, peut éventuellement être versée dans le cadre d’un dispositif incitatif mis en place par la collectivité tel que l’appel à projets. La circulaire du 18 janvier 2010 dé� nit ainsi l’appel à projets comme une procédure permettant à la collectivité « de mettre en avant un certain nombre d’objectifs

lui paraissant présenter un intérêt particulier. Il s’agit de dé-

# nir un cadre général, une thématique. Les associations sont

invitées à présenter des projets s’inscrivant dans ce cadre. Mais

ce sont bien elles qui prennent l’initiative de ces projets et en

dé# nissent le contenu. Dans le cadre des appels à projets, la

collectivité publique a identi# é une problématique mais n’a

pas dé# ni la solution attendue. L’appel à projets ne préjuge

en rien de l’ampleur des propositions qui seront formulées ou

Le choix du mode de � nancement d’une association n’est pas une question aisée pour les collectivités territoriales et peut avoir des conséquences importantes sur les modalités de contractualisation des concours ainsi versés.Au préalable, il convient de rappeler l’obligation pour l’autorité administrative, qui attribue à une association une subven-tion dont le montant excèderait un seuil de 23 000 euros, de conclure avec l’association béné� ciaire une convention (dé-nommée communément « convention d’objectifs ») dé� nissant l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subven-tion attribuée, conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et aux dispositions du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 relatif à la transparence des aides octroyées par les personnes publiques.Les collectivités doivent donc faire le (bon) choix lors de la contractualisation de leurs engagements � nanciers avec les associations en optant soit pour le versement d’une subven-tion par la conclusion d’une convention d’objectifs, soit pour la mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable en vue de la conclusion d’un marché public ou d’une convention de délégation de service public.Dans ce contexte, une synthèse explicative des divers modes de � nancement des associations s’imposait. La circulaire du 18 janvier 2010 relative « aux relations entre les pouvoirs publics

et les associations : conventions d’objectifs et simpli# cation des

démarches relatives aux procédures d’agrément » (Circ. 18 janv. 2010, NOR : PRMX1001610C, JO 20 janv.), a tenté de réaliser cet exercice délicat, en reprenant, dans le droit � l de la jurispru-dence constante, les critères d’identi� cation d’une subvention.À l’examen de cette circulaire, on retiendra ainsi que la sub-vention « caractérise la situation dans laquelle la collectivité

apporte un concours # nancier à une action initiée (…) par une

personne privée, poursuivant des objectifs propres auxquels

l’administration, y trouvant intérêt, apporte soutien et aide ».

Financement des associations : les critères de distinction entre subventions et contrats de commande publique (marchés publics et délégations de service public)

Par Philippe PETIT et Agathe BASTARD-ROSSET, Avocats au barreau de Lyon – SELARL Philippe Petit et Associés

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individualisées commandées par elle (v. p. ex. : CE, 26 mars 2008, n° 284412, Région Réunion ; TA Limoges, 6 mai 2010, nos 0900512, 0900517, 0901112, AFORMAC).S’agissant du risque de requali� cation d’une convention d’objectifs en contrat de commande publique, on rappellera d’une manière générale que si le montant total des subven-tions allouées par la collectivité correspond à un prix versé en contrepartie de la réalisation d’une prestation, la convention pourrait, le cas échant, être requali� ée par le juge administratif en marché public au sens de l’article 1er du Code des marchés publics. En revanche, si la rémunération de l’association est « substantiellement » assurée par les résultats de l’exploitation d’un service public et que le cocontractant de la personne pu-blique supporte une part signi� cative du risque d’exploitation du service (v. p. ex. : CE, 7 nov. 2008, n° 291794, Dpt de la Vendée), la convention encours alors un risque de requali� cation en convention de délégation de service public au sens de l’article L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales.Plus précisément, si le montant total des subventions allouées par la collectivité correspond à un prix versé en contrepartie de la réalisation d’une prestation, la convention pourrait, le cas échant, être requali� ée en marché public de services au sens de l’article 1er du Code des marchés publics. À l’inverse, si la rémunération de l’association est « substantiellement » assurée par les résultats de l’exploitation, au sens de la jurisprudence administrative, la convention pourrait alors être requali� ée en convention de délé-gation de service public au sens des articles L. 1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales. ◆

encore de leur contexte. Cela le différencie d’un marché dont

le besoin est clairement identi# é ».En pratique, on émettra quelques réserves quant à la mise en œuvre de ce type de procédure, la frontière entre appel à projets et consultation au sens du Code des marchés publics pouvant s’avérer particulièrement ténue…En tout état de cause, au vu du critère de l’initiative du pro-jet, on retiendra que la mise en œuvre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable tendant à la conclusion d’un marché public ou d’une convention de délé-gation de service public est obligatoire dès lors que le projet est initié par la collectivité et que celle-ci entend imposer des prescriptions particulières (v. p. ex. : CAA Douai, 19 févr. 2009, n° 07DA00027, Dpt de l’Oise).

II – LE CRITÈRE DE L’ABSENCE DE CONTREPARTIE DIRECTE

Outre le critère tenant à l’initiative du projet, le versement d’une subvention induit, par dé� nition, l’absence de toute contrepartie directe au service rendu (v. p. ex. : CE, 6 juill. 1990, n° 88.224, Comité pour le développement industriel et agricole du Choletais).A contrario, le juge considère que la contribution � nancière versée par une collectivité publique doit être regardée non comme une subvention mais comme la rémunération d’une prestation effectuée pour le compte de ladite collectivité dès lors que l’association réalise des prestations répondant à un besoin préalablement dé� ni par la collectivité et que les sommes versées correspondent à des prestations de services

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Cette jurisprudence est illustrée par l’arrêt « Département de la Dordogne » rendu par le Conseil d’État le 5 décembre 2005 (CE, 5 déc. 2005, n° 259748, Dpt de la Dordogne). Dans cette affaire, le Conseil d’État avait à se prononcer sur les conditions dans lesquelles une collectivité territoriale pouvait être appelée à répondre des dettes d’une association qu’elle avait créée, dirigée, � nancée et à laquelle elle avait con� é la gestion d’une mission de service public.Le Conseil d’État a estimé que le comité d’expansion de la Dordogne était une association transparente au regard de plu-sieurs indices concordants : les conditions de création de cette association, son objet, son � nancement et de l’in� uence des représentants du département en son sein ; il estime dès lors que la responsabilité de la collectivité territoriale pouvait être engagée sur le fondement des règles du droit administratif et devant le juge administratif en raison des fautes commises par elle dans la gestion du comité.En effet, la collectivité départementale périgourdine avait constitué une association, le « comité d’expansion de la Dor-dogne », chargé de contribuer au développement économique du département. L’association entretenait des liens très étroits avec la collectivité, sa direction était assurée par le président du conseil général de l’époque, son conseil d’administration et son bureau étaient en partie composés d’élus locaux.Son � nancement était assuré à titre quasi exclusif par le département. À la suite d’un changement de majorité, le nou-veau président du département a interrompu le versement de toute subvention et a refusé de mandater une subvention de 2,5 millions de francs votée par la majorité sortante.L’association a déposé son bilan et le Tribunal de grande instance de Périgueux a prononcé sa liquidation judiciaire le 10 juillet 1992. Le mandataire judiciaire a engagé une action en comblement de passif, pour laquelle le tribunal de grande instance de Périgueux s’est déclaré incompétent tout comme d’ailleurs le tribunal administratif. Le Tribunal des con� its considérera le 15 novembre 1999 que la compétence appartient à la juridiction administrative.On peut observer que la solution retenue est classique en ce qu’elle identi� e une association administrative à partir des quatre critères habituellement utilisés par le juge :– création à l’initiative d’une personne publique ;– objet public et plus précisément gestion d’une mission de service public ;– � nancement public (99 % du � nancement) ;– in� uence publique se manifestant notamment dans la com-position des organes dirigeants de l’association.

B.– La nature de la faute imputable à la commune

À partir du moment où le juge administratif est reconnu compé-tent, il applique fort logiquement les règles régissant la respon-sabilité des personnes publiques, à savoir la responsabilité pour faute. Mais s’agit-il d’une faute simple ou d’une faute lourde ?Pour échapper à la condamnation, le département de la Dor-dogne soutenait que sa responsabilité ne pouvait être engagée

En principe, la responsabilité d’une commune ne peut être retenue qu’à raison de ses propres agissements, ou de ceux de ses agents à condition qu’ils ne soient pas « dépourvus de

tout lien avec le service ». Dans ce cas, elle est appréciée, sauf exception, par le juge administratif.La commune peut cependant être poursuivie en réparation de préjudices qui ne relèvent pas directement d’elle, notamment parce qu’ils sont le fait d’une association « Loi de 1901 ».Dès lors ? le problème se pose de savoir sur quels fondements sa responsabilité peut être engagée, devant quel juge, et si les mêmes faits peuvent donner lieu, simultanément, à une action en comblement de passif et à une action en responsabilité quasi délictuelle.À cette question, le Conseil d’État répond de façon positive puisqu’il estime que les conclusions tendant à mettre en jeu sur le terrain quasi délictuel la responsabilité pour faute d’une collectivité publique, dans la mesure où elles se fondent sur les mêmes faits que l’action en comblement de passif, ne consti-tuent pas une demande nouvelle. L’action en comblement de passif s’inscrit dans le droit général de la responsabilité civile et même si son mécanisme est propre au droit des procédures collectives, il faut admettre la possibilité de cumul des deux actions en responsabilité.Il y a d’ailleurs de ce point de vue identité de raisonnement entre la jurisprudence des tribunaux de l’ordre judiciaire et celle du juge administratif.Il convient toutefois de distinguer les deux situations : celle dans laquelle la responsabilité de la collectivité est engagée sur le fondement du droit administratif, parce qu’elle agit comme personne publique (I), celle dans laquelle elle est engagée dans le cadre des procédures collectives quand elle se comporte comme une personne privée (II).

I – LA RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE DE DROIT COMMUN DE LA COMMUNE QUAND ELLE AGIT COMME PERSONNE PUBLIQUE

Cette responsabilité trouve son fondement dans la théorie ju-risprudentielle des institutions transparentes (A) qui conduit à reconnaître la compétence du juge administratif pour apprécier la faute de la commune (B).

A.– Le fondement : l’association transparente

Dans un certain nombre de cas, le juge administratif, allant au-delà des apparences, retient la responsabilité de l’adminis-tration à raison des agissements commis par une entité juridi-quement distincte d’elle (par exemple une association) mais ne disposant pas d’une autonomie réelle. Il considère alors que l’organisme en première ligne est en réalité transparent ; il n’est qu’une façade derrière laquelle se dissimule la personne publique. C’est la théorie jurisprudentielle des « institutions

transparentes » appliquée en l’espèce aux associations.Au nom de cette transparence, le juge administratif retient sa compétence et impute à la personne publique les agissements, actes ou abstentions de la personne privée.

4E TABLE RONDE

Responsabilité de la commune dans la gestion d’une association « loi de 1901 » qui lui est liée

Par François PILLET, Avocat au Barreau de Bourges – Ancien Bâtonnier

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fait peut être mise en cause notamment dans le cadre d’une action en comblement de passif.L’action est alors diligentée par les organes de la procédure collective devant le tribunal de la procédure collective (tribunal de grande instance ou tribunal de commerce).Le demandeur doit démontrer :– la qualité de dirigeant de droit ou de fait du défendeur ;– l’existence de fautes de gestion ayant contribué à l’insuf� -sance d’actif ;– l’insuf� sance d’actif.Il s’agit d’une action en responsabilité civile qui ne peut être engagée qu’à l’occasion d’une procédure collective. Ne sont visées, en principe, que les personnes morales de droit privé soumises à procédure collective, ce qui exclut donc les per-sonnes morales de droit public.Néanmoins ces personnes morales de droit public ne peuvent-elles pas être poursuivies en qualité de « dirigeant » de ces personnes de droit privé ?On a longtemps pensé que le débat sur la mise en jeu de la responsabilité de l’État ou d’une personne morale de droit public pour combler l’insuf� sance d’actif d’une personne morale de droit privé resterait théorique.Mais l’interventionnisme accru des pouvoirs publics en vue de permettre notamment la survie d’entreprises défaillantes a conduit à réviser cette opinion comme le montre l’évolution de la jurisprudence.La jurisprudence a en effet longtemps hésité avant d’appliquer les règles de la procédure collective aux collectivités territoriales en leur qualité de dirigeant d’une personne morale de droit privé. Puis le Tribunal des con� its a distingué selon que la personne publique était dirigeante de droit ou de fait. Si la personne pu-blique était dirigeante de droit, la compétence du juge judiciaire : s’imposait (T. con� ., 2 juill. 1984, n° 2.343). La compétence du juge administratif s’appliquait au contraire si la personne publique était dirigeante de fait (T. con� ., 23 janv. 1989, n° 2.561).Dans sa décision du 2 juillet 1984, le Tribunal des con� its a réaf� rmé que l’action en comblement de passif d’une per-sonne morale privée était par nature de la compétence des tribunaux judiciaires.Il a con� rmé ce principe dans une espèce dans laquelle les di-rigeants de fait étaient des communes, notamment les villes de Bourges et d’Orléans, participant au conseil d’administration d’une association de rénovation et d’amélioration de l’habitat urbain laquelle avait une activité lucrative.La liquidation judiciaire de l’association s’était soldée par une insuf� sance d’actif de 1 million de francs.Le syndic de l’association avait assigné les administrateurs dont six communes en comblement de passif. Celles-ci ont décliné la compétence de la juridiction judiciaire au pro� t de la juridiction administrative. Le Tribunal de grande instance a rejeté cette exception par un jugement du 14 juin 1983.Le Tribunal des con� its a tranché au pro� t de la juridiction ju-diciaire au motif que la recherche de la responsabilité encourue par chaque commune membre du conseil d’administration, dans l’exercice de son mandat de dirigeant d’une association de la loi du 1er juillet 1901 relevait par nature de la compétence des tribunaux judiciaires.Toutefois, dans sa décision du 23 janvier 1989, le Tribunal des con� its a décidé que l’action en comblement de passif contre l’État pris en tant que dirigeant social d’une société de droit privé relevait de la compétence de la juridiction administrative.Dans cette affaire, la SCOPD France ayant été mise en liqui-dation judiciaire, son syndic avait assigné l’État français au côté de différentes banques en comblement d’une insuf� sance d’actif de 216 millions de francs.

que sur le terrain de la faute lourde car était en cause, selon lui, l’activité de surveillance et de contrôle de l’association.La responsabilité du département sera néanmoins retenue pour faute simple, celle-ci n’ayant pas été mise en jeu dans le cadre de l’activité de contrôle et de surveillance de la collectivité territoriale mais à raison de la gestion même de l’association : c’est la conséquence de la notion d’association transparente.Cette responsabilité a été retenue sur un ensemble de com-portements fautifs :– la gestion désastreuse du comité d’expansion de la Dordogne avec une absence de prévision annuelle des dépenses, l’ab-sence de contrôle réel des dépenses, le recrutement d’agents sans rapport avec les besoins…,– la cessation brutale du versement de toute subvention après les élections cantonales de 1992 (là encore ce chef de l’arrêt s’explique par la notion d’association transparente puisqu’une association véritablement indépendante n’a pas de « droit acquis » au versement annuel d’une subvention).A contrario et en toute logique, le Conseil d’État dans une déci-sion du 18 juin 2008 (CE, 18 juin 2008, n° 284942, Hôtel Negresco), a débouté la société « Hôtel Négresco » de l’action en responsa-bilité qu’elle a diligentée contre la ville de Nice. En l’espèce, une association « Festif Organisation » qui organisait le « Festival des � lms » a commandé à la Société Hôtel Négresco des prestations de restauration et d’hébergement qui n’ont pas été réglées par l’association dont la liquidation judiciaire a été prononcée. La société Hôtel Négresco a estimé que la responsabilité de la ville de Nice était engagée et a saisi la juridiction administrative d’une demande tendant à la condamnation de la ville à lui verser une indemnité égale au montant des prestations non réglées.Le Conseil d’État a con� rmé l’arrêt rendu par la Cour admi-nistrative d’appel de Marseille qui a rejeté l’ensemble de ces demandes sur les fondements suivants :– il ne résulte pas de l’instruction que des élus ou des agents de la ville de Nice aient été membres des instances dirigeantes de l’association ;– le versement d’une subvention ne suf� t pas à considérer que l’association a agi pour le compte de la ville alors que la chambre régionale des comptes n’a, par ailleurs, pas reconnu l’existence d’une gestion de fait à raison de cette opération ;– la circonstance invoquée par la demanderesse selon laquelle la ville lui avait donné l’assurance de lui rembourser les sommes exposées en cas de défaillance de l’association, n’est pas établie ;– la convention conclue entre la ville et l’association prévoyant que l’organisateur du festival serait responsable de l’équilibre � nancier de l’opération et supporterait un éventuel dé� cit, il ne peut dès lors être reproché à la ville de ne pas s’être assuré de l’équilibre � nancier de l’opération subventionnée et d’avoir négligé d’exercer un contrôle sur l’emploi des fonds.

II – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DE LA COMMUNE DANS LE CADRE DES PROCÉDURES COLLECTIVES QUAND ELLE SE COMPORTE COMME UNE PERSONNE PRIVÉE

Cette action trouve son fondement dans les dispositions de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 relative à la sauvegarde, au redressement et à la liquidation des entreprises (A). Les conditions d’application de ce texte aux personnes publiques sont cependant source de divergences entre les juridictions (B).

A.– Son fondement : la loi du 26 juillet 2005 codi" ée notamment à l’article L. 651-2 du Code de commerce, relative au redressement et à la liquidation des entreprises

Lorsqu’une personne morale est soumise à une procédure collective, la responsabilité de ses dirigeants de droit ou de

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la loi du 25 janvier 1985 (aujourd’hui : L. n° 2005-845, 26 juill. 2005, de sauvegarde des entreprises) devait s’appliquer aux per-sonnes publiques, même gestionnaire d’une mission de service public administratif, dans l’hypothèse où il s’agit d’obtenir le remboursement de dettes sociales ne mettant en cause que des rapports de droit privé.La Cour de cassation devait statuer sur une action en comble-ment de passif engagé à l’encontre d’une commune dirigeante d’une société d’économie mixte ; dans sa décision la cour a af� rmé que l’action en paiement des dettes sociales ne mettait en cause que des rapports de droit privé et relevait en consé-quence de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire.Il n’a été fait nulle référence à la décision « comité d’expansion de la Dordogne » par laquelle le Tribunal des con� its avait � xé les règles de compétence en la matière ; leur application aurait sans doute conduit à considérer que l’activité de la société d’économie mixte (aménagement urbain) consistait en une mission de service public administratif emportant compétence du juge administratif.On est donc en droit de constater quelques contradictions entre, d’une part, la jurisprudence du Tribunal des con� its et de la première chambre civile de la Cour de cassation pour lesquels la loi relative au redressement et à la liquidation des entreprises ne s’applique jamais aux personnes morales de droit public en charge d’un service public administratif et, d’autre part, celles de la Chambre commerciale qui considère que, même dans ce cas, cette loi s’applique aux personnes publiques dès lors que nous sommes dans le cadre de rapports de droit privé.

CONCLUSION

Au-delà des subtilités de cette jurisprudence, on constate néanmoins un � l conducteur, empreint de réalisme, dans le raisonnement tant du juge judiciaire que du juge administratif quand une commune, ou toute autre personne publique, exerce un rôle déterminant au sein d’une association.Sa responsabilité sera appréciée par le juge judiciaire à la lumière du droit civil si cette collectivité se comporte au sein de l’association comme une personne privée, soit parce qu’elle gère un service public à caractère industriel et commercial, soit parce que sa responsabilité trouve sa source dans des rapports de droit privé. La personne publique « disparaît » alors en tant que telle pour relever du droit commun.Si, au contraire, elle se comporte comme telle, derrière la façade de l’association, le juge administratif vient en quelque sorte la « démasquer » pour juger sa responsabilité à l’aune du droit qui lui est propre, le droit administratif.On ne saurait donc que recommander la plus grande prudence aux personnes publiques dans leurs liaisons avec les associa-tions, qui lorsqu’elles sont trop étroites, peuvent se révéler être dangereuses… ◆

Sur déclinatoire de compétence du Préfet, le Tribunal de commerce de Saint-Étienne se déclarait compétent.Le con� it ayant été élevé, le Tribunal des con� its a considéré que la responsabilité de l’État en sa qualité de dirigeant de droit n’était pas recherchée, et que sa responsabilité en tant que dirigeant de fait relevait des juridictions administratives car elle supposait une appréciation d’un comportement de la puis-sance publique qui s’était exercée hors du cadre juridique du droit privé, à l’occasion des concours dispensés à l’entreprise.La Cour de cassation a également considéré que dès lors que la collectivité territoriale était dirigeant de droit, elle pouvait être poursuivie en comblement de l’insuf� sance d’actif de-vant les juridictions de l’ordre judiciaire (Cass. com., 16 févr. 1993, n° 90-18.389 : la commune de Montargis, membre de droit du conseil d’administration de l’association de rénovation immobilière, voit son pourvoi rejeté par la Chambre commerciale qui approuve la Cour d’appel d’Orléans de l’avoir condamnée à supporter une partie des dettes sociales de l’association ; Cass. com., 25 mai 1993, n° 90-19.626 : le second arrêt relatif à la même association, rejette le pourvoi de la commune de Bourges qui prétendait à raison de son absence répétée aux réunions du conseil d’administration à partir d’une certaine date, faire la preuve qu’elle ne s’était plus considérée comme administrateur et en tout cas n’était pour rien dans l’aggra-vation du passif. La Cour observe que d’une part son représentant avait continué à venir de temps à autre aux réunions et d’autre part que son désintérêt pour la gestion de l’association ne lui permettait pas de faire la preuve qu’elle avait exercé ses fonctions avec l’intérêt et l’attention nécessaire).

B.– Les conditions d’application de ce texte aux personnes publiques, source de divergences d’interprétation entre les juridictions

La distinction, dirigeant de droit = compétence judiciaire, diri-geant de fait = compétence administrative, a été abandonnée par le Tribunal des con� its dans sa décision du 15 novembre 1999 qui a posé le principe de l’inapplicabilité de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation des entreprises aux personnes publiques agissant dans le cadre d’une mission de service public administratif. Le Tribunal des con� its a ainsi substitué aux critères du mode de gestion celui de la nature des activités exercées.La Chambre commerciale de la Cour de cassation a long-temps considéré également qu’il appartenait aux juridictions de l’ordre judiciaire de connaître de l’action en paiement des dettes sociales dirigées contre un établissement public à caractère industriel et commercial qui ne soutenait pas avoir accompli une mission de service public administratif.Mais cette jurisprudence a évolué.Dans l’arrêt « Albenque » du 8 janvier 2002 (Cass. com., 8 janv. 2002, n° 98-17.439), la Chambre commerciale a considéré que

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département du Nord, des activités de lutte contre la tuberculose et de vaccination précédemment assurées pour son compte par la Ligue du Nord d’hygiène sociale, constituée sous la forme d’une association reconnue d’utilité publique).Toutefois, la solution retenue par le Conseil d’État, à savoir la possibilité pour la collectivité publique de maintenir les personnes dont le contrat était transféré dans le cadre d’un contrat de droit privé, a conduit à l’adoption de dispositifs législatifs complémentaires.L’article L. 1224-1 du Code du travail continue néanmoins à s’appliquer en cas de reprise de l’activité dans le cadre d’un service à caractère industriel et commercial.Il faut bien rappeler ici que dans cette hypothèse :– le transfert des contrats en cours au jour de la reprise de l’activité est automatique ;– les intéressés continuent à être employés dans le cadre de leur contrat de droit privé avec l’ensemble des garanties qui y sont prévues (durée, rémunération, horaires) dès lors qu’elles ne sont pas contraires aux règles d’ordre public qui s’imposent aux collectivités publiques (ce qui est par exemple le cas de l’af� liation à l’IRCANTEC de tous les agents y compris ceux relevant du droit privé).

B.– L’article L. 1224-3 du Code du travail

Il s’appliquera en cas de reprise de l’activité d’une association par une collectivité publique dans le cadre d’un service public à caractère administratif.Ce texte (issu de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 et modi� é par la loi n° 2009-972 du 3 août 2009) consacre le droit des sala-riés à être repris par la collectivité et organise les modalités de cette reprise dans le cadre d’un contrat de droit public qui doit leur être proposé : « Lorsque l’activité d’une entité

économique employant des salariés de droit privé est, par

transfert de cette entité, reprise par une personne publique

dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à

cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat

de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la

nature du contrat dont ils sont titulaires./ Sauf disposition

légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi

des agents non titulaires de la personne publique contraires,

le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles

du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier

celles qui concernent la rémunération. / En cas de refus des

salariés d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend # n

de plein droit. La personne publique applique les dispositions

relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail

et par leur contrat. »

1°) Quand y a-t-il transfert d’une entité économique ?

Cette notion est celle de la directive européenne du 12 mars 2001 qui dispose (art. 1er §1, b) : « est considéré comme transfert

au sens de la présente directive, celui d’une entité économique

maintenant son identité, entendue comme un ensemble orga-

nisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité écono-

mique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire »

La question de la reprise des personnels par une collectivité publique n’est pas spéci� que aux associations et se pose en des termes analogues en cas de reprise de l’activité d’une entreprise.Elle est d’ailleurs bien connue dans le monde de l’entreprise puisque le principe de la reprise des salariés en cas de mo-di� cation dans la situation juridique de l’employeur a été consacré par une loi de 1928 (intégrée au Code du travail sous l’article L. 122-12 devenu depuis l’article L. 1224-1).Cette règle a ensuite été inscrite dans la législation communau-taire (Dir. CEE n° 77 /187, 14 févr. 1977 – remplacée par : Dir. CE n° 2001/23 du Conseil, 12 mars 2001 – concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprise, d’établissements ou partie d’établissement).Les règles applicables en la matière sont donc le fruit de la combinaison de la jurisprudence interne et de la jurisprudence communautaire.Cette dernière a d’ailleurs conduit à des modi� cations légis-latives des règles spéci� quement applicables aux collectivités publiques élargissant de manière progressive les cas dans lesquels des transferts d’activité vont entraîner des transferts de personnels.

I – L’ÉVOLUTION RÉGLEMENTAIRE

À l’heure actuelle, deux dispositions législatives (pour être complet, il convient de préciser que la loi du 3 août 2009 a également introduit deux autres dispositions qui débordent le cadre stricte de cette étude : l’article L. 1224-3-1 du Code du travail qui prévoit que les agents employés par une personne morale de droit public doivent se voir proposer un contrat en cas de reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un SPIC de l’activité dans le cadre de laquelle ils étaient employés ; et l’article 14 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obli-gations des fonctionnaires qui organise le transfert entre deux personnes morales de droit public dans le cadre de services publics administratifs) peuvent trouver à s’appliquer en cas de reprise de l’activité d’une association par une collectivité publique, cette application devant être combinée avec les dispositions de la directive communautaire.

A.– L’article L. 1224-1 du Code du travail

Il s’appliquera en cas de reprise de l’activité d’une association (ou de toute autre entité de droit privé) par une collectivité publique dans le cadre d’un service public à caractère industriel et commercial – solution consacrée depuis longtemps par la jurisprudence en cas, par exemple, de reprise de la gestion d’une piscine municipale, jusque là concédée à une entité privée, si cette reprise se fait dans le cadre d’un SPIC (C. cass., 8 nov. 1978, n° 77-40.896).Sous l’in� uence de la jurisprudence communautaire, le Conseil d’État a récemment considéré qu’il devait également s’appli-quer à la reprise d’un service public administratif (CE, Sect., 22 oct. 2004, n° 245154, Lamblin, relatif à la reprise en régie, par le

Reprise de l’activité d’une association par une collectivité publique : conditions et conséquences sur les contrats de travail

Par Me Layla ASSOULINE, Avocat au barreau de Rennes

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2°) La condition relative à la poursuite de l’activité

Celle-ci est remplie alors même que l’activité connaîtrait une interruption temporaire (v. par exemple : Cass. soc., 13 mai 2009, n° 07-45.516, reprise de l’exploitation d’un bar par la ville de Saint-Lo).En revanche, il faut rappeler qu’aucune disposition légale ne fait obligation à un employeur de maintenir une entreprise en activité à la seule � n d’assurer une stabilité d’emploi à son personnel (Cass. soc., 6 mai 1975, Bull. civ. 1975, V, n° 234). De la même manière, une collectivité publique qui a repris l’activité d’une association peut parfaitement, ultérieurement, décider d’une réorganisation de son activité dès lors que celle-ci est décidée pour l’intérêt du service.

II – LES MODALITÉS DE REPRISE DES PERSONNELS

A.– Le caractère automatique du transfert des contrats

Tous les contrats en cours au jour de la reprise de l’activité assurée par l’entité économique autonome sont automatique-ment transférés à la collectivité publique.L’article L. 1224-3 du Code du travail ne reprenant pas l’option offerte par l’arrêt « Lamblin » précité de maintenir les contrats de droit privé et ne précisant pas expressément que le salarié passe au service de la collectivité, la question s’est posée de savoir si le mécanisme du transfert automatique de l’article L. 1224-1 était en ce cas applicable.La Cour de cassation vient d’écarter tout doute en rappelant ce caractère automatique et en précisant que tant qu’un contrat de droit public n’avait pas été proposé, l’employeur public était lié à l’agent par le contrat de droit privé transféré. Il devient le nouvel employeur et est tenu dès la reprise de l’activité de continuer à rémunérer les salariés transférés dans les condi-tions prévues par leur contrat de droit privé jusqu’à ce que ceux-ci acceptent le contrat de droit public qui leur sera pro-posé, ou jusqu’à leur licenciement, s’ils le refusent (Cass. soc., 1er juin 2010, n° 09-40.679, sera publié au bulletin – l’affaire concernait la reprise en régie directe, par une communauté de communes, de la collecte sélective et du gardiennage d’une déchèterie con� és à une entreprise privée, les bâtiments et les autres éléments matériels (toutes les bennes, bacs de récupération, containers, meubles, armoires, chaises, frigos) étant la propriété de la communauté de communes).Il reste bien évidemment possible d’anticiper cette situation et de proposer aux salariés concernés, en amont de la reprise d’activité, un contrat de droit public prenant effet au jour du transfert.À l’inverse, la loi ne dit rien du délai dans lequel la collecti-vité publique doit proposer le nouveau contrat. En l’absence d’une telle proposition, il appartient donc au salarié de saisir le juge (c’est le juge administratif qui est compétent : voir : Cass. soc., 1er juin 2010, précité) pour qu’il soit enjoint à la collectivité de la formuler.

B.– Les caractéristiques du contrat de droit public devant être proposé

L’article L. 1224-3 du Code du travail est assez laconique puisqu’il précise seulement que le contrat proposé doit être à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont les intéressés étaient auparavant titulaires et que sont obli-gatoirement reprises les « clauses substantielles du contrat », en particulier la rémunération « sauf disposition légale ou

conditions générales de rémunération et d’emploi des agents

non titulaires de la personne publique contraires ».

1°) La durée du contrat proposée

Elle pourra donc être indéterminée si le salarié était titulaire d’un tel contrat. Une nouvelle exception est ainsi introduite,

La jurisprudence communautaire s’attache à identi� er les éléments nécessaires à l’existence d’un transfert :1. l’entité économique en cause doit être autonome : cela conduit à admettre que même si l’intégralité de l’activité d’une structure n’est pas concernée, il peut y avoir néanmoins transfert dès lors que l’activité en cause présente une réelle autonomie ;2. l’entité doit conserver son identité : il ne faut donc pas que la nouvelle activité présente des caractéristiques différentes ;3. l’activité de l’entité doit être poursuivie.La Cour de cassation, qui fait une application combinée des dispositions du Code du travail et de la directive, suit la même logique.Elle dé� nit l’entité économique comme suit : « Mais attendu,

d’abord, que l’article L. 1224-1 du Code du travail, interprété à

la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, ne

s’applique qu’en cas de transfert d’une entité économique auto-

nome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie

ou reprise ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert d’une telle entité ne s’opère que si des moyens

corporels ou incorporels signi# catifs et nécessaires à l’exploi-

tation de l’entité sont repris, directement ou indirectement,

par un autre exploitant » (Cass. soc., 17 juin 2009, n° 08-42.615, Bull. civ. 2009, V, n° 151).Ainsi, d’une part, l’entité ne se réduit pas à l’activité dont elle est chargée et ressort d’autres éléments tels que le personnel, l’encadrement, l’organisation du travail, les méthodes ou les moyens d’exploitation. D’autre part, et cela devient particulièrement important en cas de transfert partiel, l’entité doit disposer d’un pouvoir de direction d’une certaine autonomie.Cela conduit la Cour de cassation dans cette affaire à considérer que la reprise en régie par une ville de l’exploitation de son théâtre municipal pour laquelle elle avait conclu un marché ne constituait pas un transfert d’entité économique autonome dès lors que l’association s’était bornée, dans le cadre de ce marché, à mettre à disposition deux de ses salariés pour qu’ils participent au fonctionnement du théâtre.Pour qu’il y ait transfert, il ne suf� t pas que l’entité de départ soit une entité économique autonome comme cela vient d’être dé� ni, encore faut-il que cette entité conserve son identité.Pour ce faire, la Cour de cassation recourt à la technique du faisceau d’indices et prend ainsi en considération :– le transfert ou non d’éléments corporels (bâtiments, biens mobiliers, etc.) ;– la valeur des éléments incorporels au moment du transfert ;– la reprise ou non de l’essentiel des effectifs ;– le transfert ou non de la clientèle ;– le degré de similarité des activités ;– la durée éventuelle d’une suspension.Mais l’identité d’activité n’a pas à être absolue.La Cour de cassation approuve ainsi la Cour d’appel de Rennes qui a considéré qu’il y avait reprise d’une entité économique autonome dans une hypothèse où une commune avait décidé de construire des locaux pour y installer un centre multi-ac-cueil, et reprenait ainsi, notamment, l’activité d’une crèche associative dont les locaux n’étaient plus conformes, et alors même que des prestations complémentaires étaient assurées dans la nouvelle (Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-44.636).Il faut insister sur le fait que la reprise d’une partie des per-sonnels par la collectivité publique peut être un élément dé-terminant pour conduire à considérer qu’il y a bien transfert d’une entité économique autonome…

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l’avant-dernier alinéa de l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 relative à la Fonction publique territoriale qui dispose : « Lorsque ces agents sont recrutés pour occuper un nouvel em-

ploi au sein de la même collectivité ou du même établissement,

l’autorité territoriale peut, par décision expresse, et dans l’intérêt

du service, leur maintenir le béné# ce de la durée indéterminée

prévue au contrat dont ils étaient titulaires, si les nouvelles

fonctions dé# nies au contrat sont de même nature que celles

exercées précédemment. »

On notera la restriction relative à la nature des nouvelles fonc-tions pouvant être proposées à l’agent titulaire d’un contrat à durée indéterminée pour lui permettre de conserver le béné� ce de la durée du contrat.

4°) Le régime de retraite

L’agent contractuel continuera à relever de la caisse nationale d’assurance vieillesse pour la retraite. En revanche, il devra être af� lié, pour la retraite complémentaire, à l’institut de régime complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités territoriales (IRCANTEC), les collectivités publiques étant obligatoirement af� liées à cet organisme pour l’ensemble de leurs agents.Il faut en� n préciser que c’est le juge administratif qui sera compétent pour se prononcer sur la régularité du contrat de droit public proposé (Cass. soc., 1er juin 2010, précité).

C.– Les conséquences du refus du contrat proposé

L’article L. 1424-3 précise qu’en cas de refus des salariés d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend � n de plein droit et la personne publique applique les dispositions rela-tives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat.Le fait de dire que le refus des modi� cations proposées vaut rupture ne changera sans doute pas l’analyse de la Cour de cassation qui rappelle qu’il s’agit d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse (et donc qu’il n’y a pas lieu d’appli-quer les règles du licenciement économique, mais qu’il ne s’agit pas non plus d’une démission) (Cass. soc., 2 déc. 2009, n° 07-45.304).Par contre, il est probable que, si le contrat proposé ne reprend pas des clauses substantielles alors qu’aucune disposition légis-lative ou réglementaire ne l’imposait, la rupture s’analyserait alors comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La question de la légalité du contrat proposé devrait alors être posée, par question préjudicielle, au juge administratif (Cass. soc., 1er juin 2010, précité).

En conclusion, on ne peut donc que souligner que de nom-breuses incertitudes demeurent encore sur les modalités de reprise des agents par les collectivités publiques.Celles-ci, très démunies face aux règles applicables qui pour beaucoup relèvent du droit privé ont donc intérêt à chercher à anticiper le moment de la reprise et à en négocier, autant que possible, les modalités en amont. ◆

notamment au sein de la fonction publique territoriale, pour laquelle le principe est le recrutement de contractuels à durée déterminée.

2°) La rémunération

Elle doit rester théoriquement inchangée.Toutefois, il faut rappeler que le Conseil d’État a estimé que la rémunération (pour une espèce faisant application de l’article L. 1224-3-1 dans sa version antérieure à la loi du 3 août 2009, mais sur ce point inchangée) ne pouvait pas être maintenue, si elle excédait manifestement le niveau des rémunérations applicables aux non-titulaires de la collectivité (CE, avis, 21 mai 2007, n° 299307)Il faut s’interroger sur les termes de la comparaison :– quelle période de référence prendre en considération : il paraît judicieux de prendre les douze derniers mois a� n d’avoir un lissage des primes et indemnités non mensualisées ;– faut-il comparer les rémunérations brutes ou nettes : pour un même niveau de rémunération brute du privé, les cotisa-tions ouvrières du public sont inférieures à celles du privé, en conséquence le net correspondant dans le public est supérieur au net du privé ;– est-il possible de prévoir une « indemnité différentielle » permettant un maintien de la rémunération qui serait pro-gressivement résorbé au fur et à mesure de l’évolution des rémunérations applicables à l’ensemble des non-titulaires de la collectivité ?En� n, reste la question de l’évolution de la rémunération. Celle-ci est la plupart du temps prévue dans les clauses des conventions collectives applicables. Or, d’une part, celles-ci ne sont pas applicables aux collectivités publiques et, d’autre part, la règle demeure de l’impossibilité d’organiser une « carrière » des non-titulaires. Il semble donc que la garantie de maintien de la rémunération ne s’étende pas à son évolution.

3°) Le pro# l du poste

Au nombre des clauses substantielles du contrat � gurent certainement (c’est ce qu’avait considéré la Cour de cassation avant d’abandonner la distinction entre clauses substantielles et non substantielles) les caractéristiques de la fonction : tâches effectuées, quali� cation professionnelle requise, lieu d’exercice, horaires de travail, congés.Tous ces éléments doivent être conservés mais à condition de ne pas être contraires aux dispositions applicables à la fonction publique et, plus particulièrement, aux non-titulaires de la fonction publique.Or, les dispositions relatives à la durée annuelle du travail ou aux droits à congés constituent des dispositions certainement impératives empêchant que des avantages plus importants soient consentis aux personnels repris.Par ailleurs, si les caractéristiques du poste peuvent être maintenues à l’occasion du transfert, les règles applicables aux autres non-titulaires en cas de modi� cations de l’emploi occupé, paraissent pouvoir être appliquées et notamment