Roberte Armand 05 Les 3N Et Le Chien Jaune 1973 03

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ROBERTE ARMAND

LES TROIS NET LE CHIEN JAUNE

par Roberte ARMANDPETITS chenapans ! Attendez un peu!... C'est le cri pouss par l'oncle Edouard lorsque, en pleine nuit, il aperoit trois ombres dans son jardin. Ah! il va leur apprendre, ces petits maraudeurs!... En fait, ce sont ses neveux et sa nice, Nick, Nol et Nathalie les Trois N qui eux aussi avaient vu rder une ombre suspecte! Comme les Trois N sont justement sur la piste d'une affaire de vol de tableaux, comme leur principal tmoin est ce gros chien jaune qu'a recueilli leur oncle, on comprendra fort bien que les trois enfants ouvrent l'il!Et s'ils retrouvent la trace d'un mystrieux homme blond, cela n'ira pas sans une cascade de surprises et d'aventures.

ROBERTE ARMAND

LES

ET LE CHIEN JAUNE

ILLUSTRATIONS DE

HENRIETTE MUNIERE

HACHETTESrie les I. Les 3N et les voleurs dimages 1971 06II. Les 3N et la maison brule 1972 04

III. Les 3N et ltrange voisin1972 09

IV. Les 3N et les jumelles 1972 11

V. Les 3N et le chien jaune 1973 03

VI. Les 3N et le bouton dargent 1973 10

VII. Les 3N et la pche miraculeuse 1974 05VIII. Les 3N et lpouvantail 1975 03IX. Les 3N tendent un pige 1975 08

X. Les 3N et le puits hant 1976 04

XI. Les 3N sont sur la voie 1977 08

XII. Les 3N et les trois cygnes 1978 06

XIII. Les 3N et le serpent python 1979 01XIV. Les 3N et les chats birmans 1979 10TABLE

I. La maison de l'oncle Edouard

7

II. Msaventures d'un facteur

15III. Une lettre sans adresse

24IV. Premiers soupons

33V. Le cadeau d'anniversaire

42VI. Les mystrieux colis

50VII. Le chien jaune

60VIII. O est son collier ?

78IX. Cambriolage la clinique

86X. L'ami des btes

97XI. L'enqute avance

110XII. L'inquitant Roger Douvion

123XIII. La filature d'un suspect

141XIV. Pris au pige !

153XV. L'homme traqu

161XVI. Saisi... Au vol !

172XVII. L'explication des points de dtail

185Les

Nol, Nathalie et Nicolas (Nick).

CHAPITRE PREMIER

La maison de l'oncle Edouard

pour la quinzime fois peut-tre, Nathalie s'approcha de la fentre pour soulever un coin du rideau. L'oncle Edouard leva les yeux de la revue vtrinaire qu'il feuilletait et posa sur sa petite nice un regard moqueur.

Tu t'es donc bien ennuye ici, fillette, pour avoir si grande hte de voir arriver tes parents ?

Oh ! mon oncle. Comment peux-tu dire a ! rpliqua Nathalie en venant l'embrasser. Simplement, je serai contente de retrouver papa et maman. Pas Nick et Nol! demanda l'oncle Edouard avec un sourire. Allons, avoue donc que tu as envie de faire quelque bonne btise avec eux, histoire de rattraper le temps perdu !

Le visage rond de Nathalie s'panouit : oncle Edouard (Edouard Besson) avait raison, elle bouillait d'impatience l'ide de retrouver son frre Nick et son cousin Nol. L'un autant que l'autre lui avaient manqu, car la fillette ne faisait aucune diffrence dans son affection entre les deux garons ; Nol, orphelin depuis deux ans, vivait chez eux, et Nathalie l'avait promu au rang de frre.

Nathalie s'assit, prit la chatte sur ses genoux et, tout en caressant machinalement le doux pelage, se mit penser Nick et Nol. Comme ils taient diffrents ! Nick, onze ans, tait turbulent, boute-en-train, autoritaire, tandis que Nol se montrait plus calme et plus pondr. Au cours de leurs jeux, Nick prenait toujours le dessus, commandait, mais on s'apercevait souvent qu'en fin de compte toute lorganisation du jeu reposait sur Nol.

La fillette lui vouait une grande admiration. Son frre pouvait bien dauber sur le caractre rserv de leur cousin, pour les neuf ans de Nathalie, Nol tait quelqu'un de trs bien.

De la cuisine, arrivait par bouffes l'odeur de

bonnes choses en train de cuire. Nathalie en eut l'eau la bouche et, quoique tenaille par son impatience, dcida d'aller voir. Elle se dressa brusquement, prcipitant sur le tapis la chatte endormie qui miaula de dsapprobation.

C'tait bien ce que supposait la petite fille : une tarte odorante allait sortir du four, et la tante Ros, les bras jusqu'au coude dans la farine, en prparait une autre.

Tu viens m'aider ?

Oh ! non, fit Nathalie trs vite. Elle se reprit, pensant avoir t impolie : A moins que tu en aies besoin... mais j'aimerais beaucoup aller attendre mes parents jusqu'au portail.

Vas-y, et couvre-toi. Il fait encore trs froid et ce serait trop bte de risquer une rechute!

Oui, ma tante, je prends mon bonnet de laine et mon manteau. Dehors, en effet, le froid demeurait vif malgr l'approche du printemps ; le soleil refusait de percer. Mais Nathalie restait indiffrente ce temps maussade tant elle se rjouissait de retrouver ses parents. Pourtant, elle ne s'tait pas ennuye durant ce mois pass sous le toit d'oncle Edouard et de tante Rose. Ils l'avaient tant gte !... C'tait vraiment gentil de l'avoir prise chez eux aprs sa bronchite.

A droite du portail, sur un pilier, se trouvait une plaque de cuivre portant ces mots :EDOUARD BESSON

VTRINAIRE

Au passage, Nathalie souffla dessus pour y faire de la bue. Elle l'effaait avec son gant lorsqu'une voiture s'arrta contre le trottoir. Se retournant vivement, elle vit Nick mettre pied terre,

Salut ! a va ?... Tu as bonne mine, dis donc ! lcha le garon d'une seule traite.

Il la prit par les paules et l'embrassa sur les deux joues. Puis, sans la librer, il la repoussa bout de bras comme pour en avoir une vue d'ensemble.

Tu as engraiss ! dcida-t-il.

Moi ? Ah, par exemple !... M. et Mme Renaud taient dj descendus de voiture. Nol tardait quitter la banquette arrire.

Tu es viss ? demanda Nick en passant la tte par la vitre baisse.

L'autre descendit sans hte et vint son tour embrasser sa cousine.

Voil de nouveau les trois N runis ! s'cria-t-elle, les yeux ptillants. N comme Nicolas, N comme Nol, et N comme Nathalie...

Ils pntrrent dans la maison en tourbillon, et aprs de nouvelles embrassades avec les matres des lieux, ils allrent s'installer dans un coin du salon prs du vieux canap, et commencrent se raconter mutuellement la foule d'aventures qui leur taient arrives durant

le mois coul.

Aprs le repas, tante Ros servit le caf et oncle Edouard ouvrit son transistor pour couter les informations. Derrire le canap, Nick entreprit de raconter une histoire dans laquelle il prtendait avoir jou un rle de tout premier plan :

... Et alors, tu sais ce qu'il m'a dit ?...

Tais-toi ! coupa Nol qui ne connaissait que trop bien l'histoire et tendait l'oreille vers la radio. Tais-toi : on parle de notre ville !

De Brunires ?

Ecoute ! Enfin !... jeta Nathalie, agace. ... des tableaux de grande valeur, lgus

la ville par le marquis de Chandon... poursuivait le speaker. Les malfaiteurs ont emport onze des plus belles toiles, des Degas et des Renoir. C'est neuf heures ce matin, en faisant sa tourne, que le gardien a dcouvert le vol. Les toiles ont t dcoupes au ras du cadre, sans doute l'aide d'un rasoir.

Dans la salle manger, tout le monde coutait, prsent. On n'entendait plus que le tintement de la petite cuiller dans la tasse de Mme Renaud, et oncle Edouard qui faisait tss-tss d'tonnement.

Le conservateur du muse, reprit le speaker, a immdiatement prvenu la police, mais ilsemble que l'enqute promette d'tre difficile. En effet, coutez ce que nous a dit le gardien :

Eh bien, euh... quand j'ai ferm les portes, six heures, hier soir, tout tait normal.

A votre avis, comment les voleurs se sont-ils introduits ? La serrure est-elle force?

Comment, comment, je n'en sais rien, moi ! La serrure n'a pas t force et la clef ne m'a pas quitt.

Vous la portez avec vous ? Mme la nuit ?

Je l'accroche un clou derrire la porte, chez moi. Je loge dans le pavillon, l'entre du parc o se trouve le muse...

N'est-il pas possible que les malfaiteurs se soient laiss enfermer aprs la fermeture ? Ils auraient pu oprer tranquillement, dans la nuit, et ressortir ce matin...

Le gardien hsita rpondre. Pendant ce court silence, Nick approuva de la tte, avec force. Nol, lui, semblait moins sr :

a m'tonnerait, murmura-t-il. Il n'y a pas tellement d'endroits o se cacher au muse, si tu te souviens...

Comme pour lui donner confirmation, le gardien reprit :

Eh bien... peut-tre. Mais je fais une ronde tous les soirs, aprs le dpart du dernier visiteur. Je ne vois vraiment pas o les voleurs auraient pu se cacher.

En tout cas, conclut le speaker, quelle que soit la manire dont le ou les voleurs sont entrs, il a bien fallu qu'ils ressortent ! L'enqute ne s'annonce pas facile.Le reste des informations gnrales n'offrait plus grand intrt, aprs cette nouvelle. L'oncle Edouard ferma le poste.

Voil qui doit vous intriguer ! dit-il.

Plus encore que vous ne croyez, rpondit M. Renaud. Aujard, le conservateur, est un ami moi. C'est un homme de valeur, un vritable artiste, et ce vol doit tre une catastrophe pour lui.

Oh ! fit Nick plein d'assurance, les voleurs vont se faire pincer, j'en suis certain !

Le fait est que des toiles aussi connues doivent tre difficiles vendre , remarqua Mme Renaud.

Et l'on n'en parla plus.

Du moins, du ct des parents car, aux alentours du vieux sofa, trois jeunes dtectives avaient maintenant la puce l'oreille !

Moi, je crois qu'ils auraient pu se cacher dans le muse ! disait Nick.

- Mais non ! coupa la petite fille, puisque le gardien fait une ronde ! O veux-tu qu'ils se cachent ? Derrire un tableau ?

Oh, toi ! Ce que tu peux manquer d'imagination! Ils sont bien entrs, oui ? Ils sont bien sortis, oui ?Nol vola au secours de Nathalie : On n'a pas parl des fentres, fit-il observer. Et puis, il y a peut-tre une chemine ou une trappe...

- Une chemine !... cria Nick, s'tranglant de rire. Tu les prends pour le pre Nol ? Nol.

- Bon, bon, concda l'autre. Nous verrons bien ce que diront les journaux. D'ici demain, l'enqute aura probablement avanc.

CHAPITRE II

Msaventures d'un facteur

le bulletin d'informations du lendemain matin rsuma, en quelques phrases, ce que l'on savait dj du vol des tableaux. Quant aux journaux, il fallut attendre deux heures de l'aprs-midi et le passage du facteur.

a y est, le voil ! rugit soudain Nick qui se tenait aux aguets derrire la vitre. Il a l'air tout drle... Il gesticule...

Une minute plus tard, le digne prpos sonnait au portail puis traversait le jardin. Entrez, entrez, mon brave Guichon ! Fermez la porte. Quel temps !

Le brave Guichon entra, sa grosse sacoche sur le ventre et un paquet de journaux et de lettres la main. Visiblement, quelque chose le tarabustait et il ne savait trop comment s'expliquer. Il se gratta vigoureusement le crne.

Ah ben, a, il m'en arrive une bien bonne ! finit-il par lcher.

__ Voulez-vous boire un verre de vin ?

demanda tante Ros en tant dj le bouchon de la bouteille.

Ma foi... Il but, fit claquer sa langue et s'essuya longuement les moustaches.

Alors ? questionna Nick. Que vous est-il arriv ?

Il m'est arriv qu'on m'a vol deux lettres ! Dans ma sacoche ! Quasiment sous mon nez !

__ Pas possible ! s'cria l'oncle Edouard,

demi intress.

C'est comme je vous le dis, monsieur Besson !... Mme qu'il y en avait une pour vous.

Pas possible ? rpta l'oncle, cette fois sur un tout autre ton.

Une des Chques Postaux.

Ah ! bon. J'aime mieux a !... Un simple relev de compte. J'en recevrai un autre dans quelques jours. Mais, racontez-nous donc votre histoire.

Eh bien, voil : a s'est pass il y a tout juste dix minutes. Comme j'arrivais au hameau des Jailles par le raccourci... Et vous ne devinerez jamais qui est mon voleur !

Comment, vous le connaissez donc ?

Dame, oui !... C'est un corbeau.

- Un corbeau !... Pas possible ! fit le vtrinaire pour la troisime fois. Un corbeau ? Dites-moi, vous ne voulez pas dire que c'tait le corbeau du forgeron, par hasard ?

Dame, oui ! Celui-l mme... Celui qu'il a ramass l'anne dernire et qu'il a nourri tout l't avec du pain tremp dans le vin sucr !... La sale bte !Rares taient les gens, deux kilomtres la ronde, qui n'avaient jamais t victimes de l'oiseau.

Le forgeron l'avait ramass un triste matin, demi mort, probablement empoisonn par quelque produit chimique. Chez lui, il l'avait rconfort avec les restes de son repas de clibataire.

Matre Corbeau ne s'en tait pas port plus mal. En apparence, mme, le rgime semblait lui convenir. Il prenait de l'embonpoint et de l'audace mesure que les semaines passaient. Il prenait aussi la fcheuse habitude de s'emparer de tout ce qui lui faisait envie et de jouer mille tours aux habitants du hameau.

Avec de courtes pauses destines tenir sonauditoire en haleine, le facteur conta comment l'oiseau avait fondu sur le sac laiss imprudemment entrouvert :

Il a saisi deux lettres dans son bec et s'est sauv avec !...

Bouche be, les 3 N coutrent cette invraisemblable histoire.

Je venais de sortir du petit bois qui est derrire la forge, expliqua le facteur. C'est alors que j'ai ouvert mon sac, tout en marchant, pour finir de classer mon courrier. Vous comprenez, j'tais un peu en retard...

Alors, le corbeau a plong dans la sacoche ! anticipa Nathalie.

Exactement, ma jeune demoiselle ! Le temps que je me ressaisisse, et il avait fil derrire une frange d'arbres !

Et vous n'avez pas essay de le rattraper ? demanda Nathalie sans rflchir.

Le rattraper ?... Le facteur ouvrit des yeux ronds. Le rattraper ? Ma foi, non. J'ai bien essay de courir dans sa direction mais je l'ai perdu de vue.

Il cherchait peut-tre manger.

Bien sr, lana Nick avec un coup d'il railleur sa sur. Les corbeaux sont comme certaines gens que je connais : gourmands ! J'aurais mieux compris s'il s'tait agi d'une pie, murmura Nol. La pie s'empare de

tout ce qui brille ou lui fait envie, mais un corbeau!...

En attendant, me voil frais ! Qu'est-ce que je vais dire mon administration ? Depuis vingt-cinq ans que je suis prpos, je n'ai jamais gar une seule lettre. Et l, deux d'un coup !

Savez-vous au moins qui tait adresse la deuxime ?

Ma foi, non. J'ai reconnu l'enveloppe des Chques Postaux, mais l'autre tait une lettre ordinaire.

Hum ! Si le corbeau l'a emmene dans son nid, on peut lui dire adieu. Il va la mettre en pices...

Peut-tre l'a-t-il lche pendant son vol,avana Nol. Ou, du moins, une des deux, puisqu'il y en avait deux. Je pense que a devait le gner pour voler.

C'est a ! C'est srement a ! dcida Nathalie pour qui l'ventualit ne faisait aucun doute. Nous allons la chercher et nous vous la ramnerons.

Pas trs enthousiaste, son frre approuva mollement:

a m'tonnerait qu'on la retrouve, moi !

Pourquoi pas ? Au lieu de marcher le nez en l'air comme ton habitude, tu le baisseras pour une fois!

Il faut bien regarder en l'air pour voir les corbeaux ! rpliqua Nick, trs vif et un peu vex.

L'entente n'tait pas toujours parfaite entre les 3 N. On se chamaillait ferme assez souvent, mais la minute suivante les trouvait plus unis que jamais, face une difficult ou un nouveau problme rsoudre. Au fond, chacun admirait dans les deux autres ce qui lui manquait lui-mme.

Nick, robuste gaillard trs brun, un peu trop enclin se lancer tte baisse dans la mle, enviait parfois le calme de son cousin. Nol faisait presque figure d'adulte par moments. Une. tte de plus que Nick, mince, lanc, des cheveux blond ple et l'air romantique, il rflchissait toujours avant de prendre une dcision.

Quant Nathalie, elle adorait son frre, le faisait enrager chaque fois que possible et subissait ses railleries touchant son dfaut majeur : la gourmandise. Nol tait pour elle le protecteur, aussi se rangeait-elle invariablement son avis.

Tels quels, les trois enfants se compltaient parfaitement.

Alors, c'est dcid, on cherche la lettre ? demanda Nathalie.

L'instant d'aprs, ils revtaient manteaux et cache-nez et se lanaient dans la campagne froide et humide.

L'organisation n'tant pas le point fort de

Nick, c'est Nol qui rpartit les tches : chacun devait parcourir en zigzag une portion du terrain qui se trouvait devant eux. On irait ainsi jusqu'au bois qui couvrait la pente d'une colline et aboutissait au hameau des Jailles. On reviendrait ensuite en explorant une bande de terrain parallle, et on recommencerait plus loin. C'est un travail de Romain ! gmit Nick.- Moi, je trouve cela plutt amusant, repartit automatiquement Nathalie. Supposez que nous soyons des dtectives sur la trace des voleurs de tableaux. A la longue, pourtant, les recherches devenaient fastidieuses. La terre grasse des champs collait aux semelles et chaque soulier semblait peser une tonne. En plus, une brume tenace rendait le froid humide.Nathalie commena regretter d'tre la cause de l'expdition. Ils ne trouveraient rien, naturellement !... Qui sait mme si le corbeau avait bien laiss chapper la lettre ?... Elle aurait mieux fait de se taire ! J'ai faim , dut avouer Nathalie aprs de longues et infructueuses recherches. Mais Nick, le sang fouett par la marche et le froid, se trouvait dans son lment. Un dtective n'a pas le droit d'avoir un estomac ! trancha-t-il. La mission d'abord. Elle tenta de contourner la difficult : Il est presque cinq heures...- C'est vrai, approuva Nol, venant la rescousse, on commence ne plus voir trop clair...- Nous risquons de passer ct de la lettre sans la remarquer, renchrit Nathalie.Nick tait tenace mais non obstin. Trs bien, dit-il, vous avez raison. Terminons ce petit pr et on rentre. Rien le pr, comme de juste. Ce qui ntait pas pour abattre Nick. On s'y remettra demain matin de bonne heure, finit-il par dire. Rentrons ! Et il prit les devants, laissant les deux autres trainer un peu la jambe. Il va nous faire parcourir comme cela la moiti du dpartement ! soupira la petite fille, oubliant qui avait eu l'ide de chercher la lettre.

CHAPITRE III

Une lettre sans adresse

Il avait plu toute la nuit. Aussi, quand les J- enfants descendirent le lendemain matin, Nol fit-il remarquer : Mme si nous retrouvons la lettre, elle va tre dans un piteux tat !- Alors, on reste ? demanda, pleine d'espoir, Nathalie encore en robe de chambre. Mais son frre s'tait trop piqu au jeu, la veille, pour abandonner aussi vite. Pas du tout ! Avec les bottes et les impermables, on s'en tirera trs bien. Aprs avoir aval un solide petit djeuner, ils s'quiprent pour affronter la pluie. Neuf heures sonnaient peine que dj ils pataugeaient dans les champs spongieux. Les bottes s'enfonaient parfois si bien dans la terre dtrempe qu'il fallait un effort pour les arracher et l'on entendait un floc chaque pas. Les recherches reprirent comme la veille, mais beaucoup plus lentement. Une fois de plus, ils se retrouvrent bredouilles l'ore du bois.Ils se partagrent la tche : Nathalie, prfrant rester sur la lisire, suivit le ct droit. Sans l'ombre d'une hsitation, Nick choisit le plus touffu, et leur cousin prit ce qui restait : la lisire gauche assez marcageuse.Cinq minutes plus tard, la dispute clata.Nol, qui risquait de s'embourber, revenait sur ses pas quand il entendit deux voix furieuses : Je te dis que c'est moi ! Enfin I... Non, c'est moi ! Je l'ai vue la premire ! Mais moi, je l'ai ramasse le premier ! Et c'est moi qui la tiens ! Nol trouva le frre et la sur dresss face face comme deux jeunes coqs en colre. Mais, tout de suite, son regard fut attir par l'enveloppe blanche que Nick brandissait bout de bras, hors de porte de la fillette. Vous l'avez trouve ? fit-il assez platement. Que tu es bte, a ne se voit pas ? Elle tait l, sous ce buisson. Ce n'est pas lui, c'est moi ! protesta Nathalie. C'est pas vrai ! La preuve, c'est moi qui l'ai... , rpliqua Nick en l'agitant narquoisement sous le nez de sa sur.A vrai dire, le garon tait pass plusieurs fois ct sans la voir. La pluie de la nuit n'avait pas suffi faire fondre quelques plaques de neige datant de l'hiver, aux endroits exposs au nord. La lettre tait justement tombe sur une de ces plaques et il fallait un il aigu pour l'avoir remarque. Qu'import, dit Nol, du moment qu'on l'a ! Fais voir. Mais Nick ne lcha pas sa prise et les deux autres durent se pencher sur son paule pour en dchiffrer l'adresse. Eh bien ! on peut dire qu'elle est lave ! Ecrite l'encre stylo, l'adresse s'tait si bien dlaye qu'on n'en distinguait plus grand-chose. La pluie n'avait laiss intact que le cachet de la poste indiquant qu'elle avait t expdie de Brunires. Nous voil bien avancs, dit Nick, du. A quoi sert une lettre sans adresse ? Il faut l'ouvrir, on verra bien... Srement pas ! On n'a pas le droit d'ouvrir les lettres des autres. Je pensais... l'intrieur, il y a peut-tre le nom du destinataire. Nathalie suggra qu'on l'emporte la maison. M. Renaud et l'oncle Edouard sauraient ce qu'il convenait de faire. Je voudrais bien me rchauffer, ajouta-t-elle. Je suis gele... Dj, Nick piquait une course en direction de la villa du vtrinaire, trop heureux de ne pas avoir lch sa capture. Il arriva bon premier et pntra en trombe dans le salon o se tenaient les grandes personnes. a y est, on l'a retrouve ! cria-t-il. Bravo ! dit l'oncle Edouard. Je vous avoue que je ne vous donnais pas beaucoup de chances de russir.- Il faut croire que le corbeau s'est lass d'un butin non comestible, fit M. Renaud. Eh bien, voyons cette lettre... Elle est trempe !- Absolument illisible, reconnut Nick.- En effet. On distingue quelques traces d'encre bleue bien que tout soit dilu. Mettez-la donc scher devant le feu, votre oncle la rendra demain au facteur. Il ne lira pas mieux que nous, le facteur ! Non, mais il la versera au service du rebut. L, on l'ouvrira et, par chance, peut-tre dcouvrira-t-on le nom du destinataire l'intrieur. Tenue avec des pincettes devant les braises dela grande chemine, l'enveloppe commena fumer. En schant, le papier reprenait une teinte plus claire, si bien que quelques traces d'criture apparaissaient sur l'enveloppe.Un M majuscule, suivi d'un point, ressortait nettement. Puis un o, un i, un r...Nol tira son calepin de sa poche et passa la langue sur la pointe de son crayon. Qu'est-ce que tu fais ? demanda Nick.- Je vais noter, en mettant un point la place des lettres manquantes. Comme le pays n'est pas si grand, notre oncle verra peut-tre de qui il s'agit. Ce n'est pas une mauvaise ide, murmura l'an des Renaud. Il observa son cousin une seconde avec un brin d'envie. En dpit de son air calme et rserv, celui-ci ne se dbrouillait pas mal !... Il avait souvent une bonne rplique de retard et ne se dcidait jamais qu'avec un temps de rflexion... niais il s'arrangeait toujours par tomber juste ! Bon, tu notes ? poursuivit Nick, dsireux de reprendre l'avantage. Le M suivi d'un point veut dire monsieur. Monsieur , crivit docilement Nol.Au bout de quelques minutes, la page du calepin se prsentait ainsi : Monsieur .o..i.r......aireV.ln. Moi, j'ai trouv ! s'cria vivement Nathalie. V.ln. est ce qu'il reste de : Volny. Et Volny, c'est ici ! Pas la peine de faire la maligne ! riposta Nick, mortifi de son infriorit du moment. Tu habites ici depuis un mois, tandis que nous venons d'arriver. Rien d'tonnant ce que ce mot te saute aux yeux ! ......aire, ce doit tre sa profession, hasardaNol. Vous ne pensez pas ? Vtrinaire ! cria la fillette. Non ! trancha schement Nick. Il ne peut y avoir qu'un vtrinaire Volny, et c'est oncle Edouard. Il s'appelle Besson. Hum... Apothicaire ?... (Et il se mit compter sur ses doigts : a, p, o...)Nol fit doucement remarquer : On aurait plutt crit pharmacien. Maire ? Notaire ? avana successivement Nathalie. Non... Trop court... Sous l'influence combine de la chaleur et de la vapeur, l'enveloppe gonflait et le rabat commenait se dcoller. Oh ! regardez ! cria Nathalie, toute surprise. L'enveloppe qui... Nick avait vu, mais d'un coup de coude dans les ctes, il interrompit sa sur, tout en jetant un regard inquiet du ct des parents. Mais ils n'avaient rien entendu.

Tais-toi donc ! Tu vas faire rater l'enqute ! Et il ajouta, comme s'il s'en apercevait seulement : Mais, dites donc, c'est vrai ! L'enveloppe s'est ouverte toute seule. Plus d'hsitations, dsormais. C'tait manifestement un signe du destin.Avec des mines de conspirateurs, ils en sortirent le simple feuillet qu'elle contenait. a ira plus vite que le service du rebut, grogna Nick pour soulager sa mauvaise conscience.Ils grillaient de curiosit et, pourtant, ils furent bien dus. C'tait la plus banale deslettres d'affaires. L'expditeur signait seulement des deux initiales R.D. et avisait son correspondant que la marchandise tait dpose l'endroit convenu, et qu'il pouvait aller la prendre quand il voudrait . Cela ne nous apprend pas grand-chose...- Ah, mais si ! corrigea Nol. D'abord, nous savons maintenant qu'il s'agit d'un commerant. Et des commerants, il ne doit pas y en avoir beaucoup Volny qui se terminent en aire., Eh bien, nous pourrions demander oncle Edouard, il connat tout le monde.- D'accord... Inutile de lui dire que l'enveloppe s'est ouverte, hein ? il le verra tout seul... Ils allrent raconter M. Besson le rsultat de leurs dductions.Celui-ci ajusta ses lunettes qui avaient gliss et jeta un regard sur l'enveloppe. Voyons un peu... aire ?... Il y a un antiquaire qui vient de s'installer rcemment par ici. Il se nomme, euh... attendez un peu... Cordier. Biaise Cordier... Hourra ! Cela va trs bien ! s'exclamrent les trois, presque en chur.Cependant, l'oncle Edouard venait de remarquer que le rabat de l'enveloppe n'tait plus coll. Mais dites-moi, fit-il, svre. Cette lettre est ouverte ! Outr qu'on puisse le souponner d'une pareille indlicatesse, Nick s'empressa d'expliquer : C'est la vapeur !.... Pas vrai, Nol, que c'est la vapeur ? Un des leurs tant menac, les deux autres firent bloc aussitt : C'est la vapeur ! confirmrent Nol et sa cousine d'une mme voix ferme.Encore une erreur judiciaire d'vite... Ah ? Bon... fit l'oncle, souponneux. En attendant, j'en connais un qui va tre rudement content : Guichon, le facteur ! Je vais recoller l'enveloppe et il pourra la remettre son destinataire.. Voil un petit mystre de rsolu. Les 3 N se rengorgrent.A dfaut de pouvoir tirer au clair le vol des tableaux de Brunires, du moins avaient-ils retrouv la lettre vole par le corbeau. Et ils n'en taient pas peu fiers.

CHAPITRE IV

Premiers soupons

cette fois-ci, le facteur arriva plutt en avance sur son horaire quotidien, mais il semblait avoir perdu toute sa bonne humeur habituelle. Tenez, la voici, votre lettre ! dit tout de suite le vtrinaire pour le rassurer. Ah ! ben a ! Ah, ben a !Sans la pesante sacoche de cuir, le brave Guichon aurait bondi sur place. De toute la nuit, il n'avait pu fermer l'il en songeant ce que son administration allait penser de lui.Bien sche maintenant, mais un peu gondole, la lettre recolle l'attendait sur la chemine. M. Besson alla la prendre et la lui tendit!. L'humidit l'avait ouverte, mais nous savons en foui cas qui elle est destine : Biaise Cordier, l'antiquaire. O l'avez-vous trouve ? Demandez-le plutt aux enfants ; ils ont ratiss la rgion pendant toute la journe. Le corbeau a d la laisser chapper, ou bien il s'en est dbarrass, se contentant de dvorer la mienne... Dsol... moi, vous savez... Oh ! c'est sans importance. Simple relev de compte. Bon, he ben... Vous direz bien le merci tout votre petit monde pour moi. II avait retrouv d'un coup tout le charme de l'existence. Serrant la maudite enveloppe au plus profond de son sac, il repartit tout content. Nicolas ! cria l'oncle Edouard. Cours aprs lui, toi qui as de bonnes jambes : il a oubli de laisser les journaux ! Nol et sa cousine rdaient dj aux alentours de l'escalier, esprant justement quelques informations fraches au sujet de l'affaire du muse.Nick revint bien vite avec trois quotidiens diffrents et M. Besson leur en abandonna un. Ils filrent avec leur butin l'abri du sofa et commencrent tourner les pages.

L ! Voil ! Le vol des tableaux tait relgu en page locale sous le titre : REBONDISSEMENT DANS L'AFFAIRE DU MUSEE. L'enqute mene par la police au muse de Brunires, disait l'article, a conduit la conclusion que le ou les voleurs n'taient pas entrs par la porte principale... Qu'est-ce que je disais ? interrompit Nol. Il devait y avoir une autre issue, c'est vident ! Toi, tu as dit une chemine ! On va bien voir. J'ai dit : une porte, une fentre ou une trappe!... N'importe comment, on savait dj a, le gardien l'a dit la radio.- Je continue lire, ou tu nous livres tes dductions? lana Nick.- Vas-y... ... par la porte principale qu'utilisent les visiteurs. En effet, la clef de cette porte est en possession du gardien qui, la nuit, l'accroche chez lui, dans le pavillon qu'il occupe l'entre du parc. Or, le gardien et son pouse avaient, ce soir-l, des invits qui se rappellent parfaitement l'avoir vu accrocher la clef sa place quand il est rentr, aprs sa tourne de 18 heures. Cette clef s'y trouvait encore quand il a effectu sa tourne du lendemain matin. En supposant que le voleur ait fait partiedes visiteurs et se soit laiss enfermer dans le muse, comment en serait-il sorti ? Par une autre issue ! affirma Nathalie. Par la fentre ou par une trappe ! Ni par la porte ni par une fentre... poursuivit Nick sans rpondre directement, puisque celles-ci ont toutes t trouves fermes de l'intrieur. Les enquteurs ont alors tourn leur attention vers une autre petite porte de fer qui ouvre sur l'arrire du muse et qu'on utilise rarement. Pour bien comprendre la disposition des lieux, il faut se souvenir que ce muse est l'ancien htel particulier du marquis de Chandon. Il se dresse au milieu d'un parc et possde deux issues : la porte principale, donnant sur l'avenue et par laquelle entrent les visiteurs, et une petite porte donnant sur une ruelle, autrefois rserve aux domestiques et aux fournisseurs. Le conservateur, M. Aujard, en dtient l'unique clef et ne l'ouvre jamais. On admet maintenant que les malfaiteurs ont pntr dans la place par la petite porte en fer. Mais comment se sont-ils empars de la clef? Lorsque les policiers ont demand au conservateur o se trouvait cette clef, celui-ci a dit qu'il l'avait gare. O? Quand? Comment?... Il a t incapable de le prciser et les policiers se demandent s'il ne cherche pas protger quelqu'un.

C'est idiot ! estima Nick, interrompant sa lecture.Pourquoi ? demanda Nathalie. Il ne veut pas cafarder. Moi, je trouve a trs bien, au contraire!- Que tu es bte, ma fille ! Je veux dire : c'est idiot d'avoir l'air de souponner le conservateur! On le connat depuis des annes et des annes ; peut-tre vingt-cinq ans !... Pourquoi protgerait-il le voleur ? Nathalie confirma : Moi, je crois qu'il est innocent... Et son frre fut du mme avis : Il est victime des apparences !... Si seulementon tait Brunires ! Tu parles d'une enqute pour les 3 N !... Ah !... Qu'est-ce qu'on dit encore, dans le journal ? Mum-um-mum... voil : Quand on l'interroge sur l'emploi de son temps dans la soire du 25 mars, le conservateur dclare avoir travaill dans son bureau jusqu' 23 heures. Ensuite, il s'est couch, il a dormi, et il n'a rien entendu de ce qui se passait en dessous de lui. Tu penses ! Ces vieilles maisons avec des murs pais ! Comme son unique domestique avait regagn sa chambre vers 21 heures, personne ne peut dire si M. Aujard n'aurait pas reu la visite de quelqu'un dont il voudrait taire le nom. Toutes les hypothses sont permises. C'est tout ce qu'ils disent ? En deux jours, ils n'ont pas avanc beaucoup ; on aurait fait mieux que a, nous trois ! Ds qu'il tait question d'un mystre, Nol prenait de ces audaces !...Nick lui lana un petit regard en dessous et Nathalie dclara : C'est bien vrai ! Ils allrent ensemble reporter le journal l'oncle Edouard qui leur permit de prendre celui qu'il venait de parcourir.A nouveau, ils se jetrent sur le sofa.Dans ce deuxime quotidien, les vnements taient conts d'une manire quelque peu diffrente.

Dans le premier, le rdacteur accusait presque le conservateur, mots couverts et avec des interrogations pleines de sous-entendus. Le second journaliste se montrait plus objectif. Et mieux inform, car son article portait une dernire minute : En dernire minute, nous avons recueilli un tmoignage qui vient confirmer la thse concernant la voie utilise par les cambrioleurs. L'arrire du parc ouvre par un petit portail sur une rue tranquille borde seulement de quelques villas. La circulation y est peu prs nulle et les seules voitures qui y stationnent sont celles des riverains. La nuit du cambriolage, un de ceux-ci instituteur en retraite dclare avoir remarqu une voilure insolite en stationnement. Il pouvait tre minuit et demi, et ce tmoin, souffrant d'insomnie, avait prouv le besoin d'aller prendre l'air sur son balcon. Il s'est ensuite recouch et, ne dormant toujours pas une demi-heure aprs, a entendu dmarrer la voiture. On est donc fix sur l'issue utilise par les cambrioleurs et sur l'heure laquelle ils ont opr. Souhaitons que leur arrestation ne tarde pas. Nick replia le journal et le posa ct de lui : Bien. Maintenant, on sait o on va ! D ne reste plus qu' retrouver les voleurs ! Il ne reste plus, il ne reste plus... Comme tu y vas ! fit remarquer le prudent et logique Nol. Il faudrait savoir comment les voleurs ont pu s'emparer de la clef. Qui ils sont. Pourquoi ils ont vol les tableaux du muse de Brunires plutt que ceux d'une autre ville. A qui ils vont les revendre... Flte alors ! Tu en penses, des choses, sans en avoir l'air ! Nol rougit, dj prt se renfoncer dans sa carapace et pas loin de croire qu'il venait de lcher une btise.Sa grande admiratrice vola son secours : II n'est pas plus bte que toi ! C'est seulement qu'il a toujours peur de se tromper ! Bon, bon, on ne va pas se disputer !... Je reconnais que c'tait une bonne ide... Soudain saisie d'une inspiration, la fillette dit tout d'une traite : Si seulement on connaissait la marque et le numro de la voiture, on arriverait peut-tre jusqu'au propritaire ! Les deux' autres la dvisagrent avec des yeux ronds. La voiture !... Mais bien sr ! Et il fallait que ce soit Nathalie qui ait pens a ! songrent-ils ensemble.

CHAPITRE V

Le cadeau d'anniversaire

Avec le vent d'est qui soufflait des montagnes, le ciel finit par se dgager. Un ple soleil filtra et la famille Renaud dcida d'en profiter pour faire une promenade.On dpassa Volny, o M. Renaud posta la lettre qu'il venait d'crire son ami Aujard pour l'assurer de sa sympathie. Ds la sortie du village, on s'engagea sur une route qui menait un belvdre, d'o la vue devait tre magnifique.Un peu l'cart, les promeneurs aperurent une coquette maison crpie de blanc, avec des pans de bois verni, qui tait manifestement une ancienne ferme rnove. Des roues de charrettes, de vieilles marmites en fonte, des chaises fond de paille, paradaient de part et d'autre de l'entre. Voil sans doute le magasin de l'antiquaire, fit remarquer Mme Renaud. Il faudra que nous y fassions un tour avant de regagner Brunires ; j'aime tellement ces vieilles choses romantiques! Quant lui, Nick avait en horreur ce qu'il nommait des vieilleries manges aux vers et pleines de poussire. Mais il avait une petite sur qui avait la mmoire des dates. Principalement, des dates d'anniversaire... Dans deux semaines, c'est le 14 avril, lui avait-elle rappel quelques jours auparavant.- Le 14 avril... avait rpt le garon l'air assez niais et ne voyant pas o sa sur voulait en venir.- Heureusement que je suis l ! intervint Nol. Le 14 avril est l'anniversaire de ta mre, mon petit vieux! Nick rougit jusqu' la racine des cheveux et bredouilla un pas la mmoire des dates ! qui ne constituait qu'une bien pitre excuse.Par la suite, ils avaient complot tous les trois car Nol, qui adorait Mme Renaud,tenait bien sr participer au cadeau pour tenter de dnicher le cadeau idal. Aussi, passant devant le magasin de l'antiquaire, changrent-ils un clin d'il complice : ils trouveraient srement l de quoi mettre fin leurs hsitations. Alors, on entre ? proposa Nick. Pas devant maman, tout de mme ! protesta Nathalie. Comme si tu ne savais pas que la surprise est la moiti du plaisir ! Non, tchons de revenir seuls plus tard. Ils durent courir pour rattraper les parents qui cheminaient tranquillement tout en bavardant. Cette promenade familiale sembla d'ailleurs fort longue aux enfants qui avaient hte de rentrer... afin de ressortir, seuls.Quand les Renaud firent mine de rentrer, Nick lana d'un ton ngligent : On va refaire un petit tour en ville... euh... on n'a pas eu le temps de bien admirer l'glise romane. M. Renaud haussa les sourcils : Tiens, voil mon fils amateur de vieilles pierres, prsent ! Je me demande s'il n'y aurait pas plutt l-dessous quelque achat urgent de chewing-gum ! Mais le trio tait dj trop loin pour entendre la moquerie.Quelques instants plus tard, les trois Renaud arrivaient devant la boutique de l'antiquaire.Quel bric--brac ! Il n'y avait personne dans la boutique quand ils entrrent, et le carillon de la porte n'attira personne non plus. Ils purent tout examiner loisir.Dans la longue pice aux poutres apparentes, se trouvait runie une foule d'objets, d'un pass que ne pouvaient avoir connu les enfants. Des rouets de bois sombre pour filer la laine ou le lin, des bassinoires de cuivre rouge qu'on remplissait autrefois de braises, et que l'on glissait dans le lit avant de se coucher, des lampes ptrole avec leur abat-jour en coupole vert translucide... En somme, bien des objets dont ni Nathalie, ni son frre, ni Nol, ne pouvaient imaginer l'usage, mais que les gens achtent prix d'or.Nick tomba en arrt devant un perroquet empaill, fig, ailes lgrement cartes, au sommet d'un perchoir en bambou.C'tait affreux. Horrible. L'animal perdait ses plumes et tout le reste de sa brillante tenue paraissait plutt mit. Tu ne penses tout de mme pas offrir a maman? protesta Nathalie. Non. Non. Bien sr ! grogna l'amateur qui y avait cependant song un instant.Il se tourna vers un bahut bas sur lequel luisaient faiblement des ustensiles d'tain... et son regard se posa sur une range de boutons de gilet, bien contemporains, ceux-l.Trs doucement, il remonta la range de boutons, et ses yeux plongrent dans les yeux froids d'un homme qu'ils n'avaient pas entendu approcher. Instinctivement, il fit deux pas en arrire, heurtant la commode o les ustensiles se mirent vaciller. Ce perroquet vous intresse-t-il ? demanda l'homme au gilet tandis que Nathalie, intimide, disparaissait dans l'ombre d'une armoire. Je vous le laisserais un bon prix. L'antiquaire parlait d'une voix gale en se frottant continuellement les mains. Il souriait et tenait curieusement sa petite tte rejete en avant de son corps. Euh... fit Nick. Nous ne sommes pas tellement fixs.- Peut-tre prfrez-vous quelque chose d'ancien ? Tout est authentique, ici, vous n'avez rien craindre.- Nous voudrions acheter un cadeau pour notre mre. Parfait... voyons... Sans cesser de se frotter les mains, l'antiquaire examina le fouillis entass, comme pour y chercher l'inspiration. Peut-tre une belle assiette dcore, pour accrocher au mur ? suggra-t-il. Tenez, celle-ci, qui reprsente des bergers jouant de la flte. Ou encore, celle-l... Nathalie se rapprochait avec circonspection,se jugeant bien sotte de s'tre effraye pour rien. Les assiettes lui plaisaient assez. C'est combien ? demanda-t-elle. Le prix nonc lui fit faire la grimace. Nous n'avons pas cette somme, avoua-t-elle en rougissant avec un brin de honte.- Oh ! cela ne fait rien. Nous allons bien trouver quelque chose qui soit dans vos possibilits. Combien pouvez-vous mettre ? C'est lui, cette fois, qui fit la grimace en entendant la rponse. Que diriez-vous de cette splendide tasse japonaise avec sa soucoupe ? Dcor tout fait la main ! Hlas ! cela semblait encore bien cher-Nullement dcourag, mais avec un sourire qui commenait se crisper, le commerant prsenta divers objets que Nathalie sans l'avouer estima fort laids ou trop encombrants.Les enfants n'osaient se retirer sans avoir rien achet, aussi quand le marchand dcrocha du mur une lampe huile, sautrent-ils sur l'occasion. Vous faites une affaire ! affirma l'homme avec, semblait-il, un peu de regret dans la voix. Il l'emballa prestement, nanmoins, tout en poursuivant : Elle est garantie d'poque ! C'est vraiment un prix d'ami que je vous fais, croyez-moi ! Rempli d'importance, Nick compta la somme, qu'il remit non sans fiert l'antiquaire. Leurs conomies entires y passaient, mais, vraiment, les enfants ne regrettaient rien : comme le leur rptait l'antiquaire, ils avaient acquis un bien bel objet !Cependant, peine sur le trottoir, Nol commena, selon son habitude, mettre quelques doutes : Bizarre que cette lampe huile, prtendue d'poque, ne soit pas plus chre ! Compare aux autres objets, c'est donn... et je me demande si on ne s'est pas fait voler.- Oh ! Nol ! s'cria Nathalie, ne nous gche pas notre plaisir ! Nol avait pris la lampe et, la retournant, souligna du doigt quelques mots gravs au culot de la lampe d'poque :MADE IN HONG KONG

Tenez ! fit-il avec un ricanement, regardez comme elle est d'poque ! Made in Hong Kong ! Autrement dit, nous aurions pu avoir la mme, encore plus neuve, dans une quincaillerie ! Zut alors ! Le voleur !... Il a dit d'poque ! On va la lui rapporter pour qu'il nous rembourse... Il n'a pas tout fait menti : elle est d'poque... actuelle et il ne vous remboursera pas. Dire que notre tirelire entire y est passe ! soupira Nathalie. C'est ta faute ! Moi, je voulais prendre le perroquet i fit Nick, rageur. Aprs tout, elle n'est pas si mal, cette lampe ! intervint Nol, dsireux de mettre du baume sur le cur vif de ses cousins. Je la trouve mme plutt jolie : on dirait une petite thire. Moi, je suis sr qu'elle plaira beaucoup votre maman ! Tu crois ?... fit Nathalie, levant les yeux, pleine d'espoir. Sr !... Nous n'avons pas besoin de lui dire o nous l'avons achete. Mais a lui plaira certainement mieux que le perroquet ! Et puis ce n'est pas plein de mites !... Compltement rassure, dsormais, Nathalie ajouta tout de mme : En tout cas, cet antiquaire est un malhonnte homme ! Quand je pense ce mal qu'on s'est donn pour lui ramener sa lettre !

CHAPITRE VI

Les mystrieux colis

Oui, c'est un malhonnte homme ! persista Nathalie. Quand je pense que toutes mes conomies y sont passes !... Enfin ! je le crois capable de tout.- Toi, ce que tu peux tre pingre ! Le fait est que la fillette tait assez prs de ses sous , comme on dit, n'en ayant jamais beaucoup la fois. S'en voir dleste par un aussi peu scrupuleux personnage la mettait horsd'elle. Pour un peu, elle l'aurait accus de tous les crimes de la terre. N'exagrons pas, dit Nick. Si tu continues, tu vas bientt prtendre qu'il a vol les tableaux du muse !... a n'aurait rien d'extraordinaire aprs ce qu'il nous a fait : qui vole un uf vole un buf ! Ils marchaient grands pas, car l'heure du dner ne devait plus tre loin. Nol n'avait pas ouvert la bouche depuis que le paquet avait t refait et reficel. Il semblait chercher dans sa mmoire un dtail oubli. A la dernire rplique de son cousin, il s'arrta brusquement et se frappa le front de la paume de la main. Eh bien ? s'tonna Nick. Qu'est-ce que j'ai dit d'extraordinaire ? Rien, mais je pensais des choses... A quoi? Nol hsita. Il ouvrit la bouche, mais ce fut pour rpter : Des choses... Je ne suis pas certain. Il faut que je rflchisse. Je vous dirai a demain. Le lendemain, Nick avait dj oubli et le perroquet et la lampe-thire. En revanche, il avait repr l'emplacement du terrain de sport communal. Tu ne l'as pas remarqu ?... demanda-t-il son cousin. Il se trouve juste avant d'arriverchez l'antiquaire. Si on allait faire une partie de ballon ? Au mot antiquaire, Nol leva vivement la tte et, contrairement son habitude, approuva tout de suite le projet, comme s'il avait une ide derrire la tte. Oui ! C'est a, allons-y... Ce qui tait loin de faire le bonheur de Nathalie qui avait d'autres projets en tte. Tu n'as qu' rester la maison et te prparer des petits plats ! fit son frre moqueur.Mais elle dclara qu'elle irait avec eux. Elle emporterait quelque chose pour s'amuser. Bon, mais dpche-toi. On file tout doucement et tu nous rattrapes. Ils taient au terrain et avaient dj t leurs vestes quand elle arriva, portant un panier muni d'un couvercle. Tu en as mis, du temps ! remarqua Nick. Qu'y a-t-il dans ce gros panier ? Il se tourna vers Nol et lui confia, assez haut pour qu'elle puisse entendre : Je te parie qu'elle apporte des provisions !... Digne, hautaine, Nathalie fit comme si elle n'avait rien entendu et s'loigna vers une haie de trones qui limitait le terrain de jeu.Aprs un rapide coup d'il en direction des deux cousins, et s'tant assure qu'ils ne s'occupaient pas d'elle, elle ouvrit le panier et en tira... un chaton blanc et noir.C'tait le petit de la chatte qu'avait recueillie M. Besson, le vtrinaire. Nathalie se sentait un peu fautive, car ce dernier ne l'aurait peut-tre pas autorise transporter la petite bte... Aussi s'tait-elle garde de lui en parler.Un nouveau coup d'il au terrain la rassura : occups se disputer prement le contrle du ballon, les garons la laisseraient tranquille.Elle commena par s'asseoir sur un tas d'herbes sches et propres, et prit le chat sur ses genoux pour le caresser. D'abord, il se laissa faire, plutt satisfait, et son faible ronronnement,

pareil un bruit de crcelle, rjouit le cur de Nathalie.Elle se dit que le petit animal et elle formeraient une paire d'amis, si elle pouvait l'emmener Brunires. Mais voil ! Ses parents, qui elle avait touch un mot de ce projet, ne semblaient pas enthousiastes. Comment les dcider ?Au bout d'un moment, Nathalie posa le chat sur ses pattes. Il paraissait trs l'aise dehors, lui qui n'avait jamais quitt la chaude scurit d'une maison. Tout d'abord, il s'aventura prudemment dans ce monde inconnu, regardant autour de lui avec curiosit. Puis, s'enhardissant, il se mit courir d'un ct et de l'autre.Soudain, il bondit dans la haie de trones qui borda il un ct du terrain, et, avant que Nathalie ait ou le temps d'intervenir, il se faufila sous les basses branches et disparut. Que faire pour le rattraper ? se demanda-t-elle. Une seconde, elle songea demander l'aide des garons, mais elle recula l'ide des railleries qui l'attendaient.Par sa faute, le petit chat tait sans doute perdu ! Jamais Nathalie ne le retrouverait ! Et qu'allait dire tante Ros, qui elle n'avait pas demand la permission de l'emmener ?...Elle dcida une tentative dsespre.N'ayant ni l'agilit ni la petite taille du chaton, elle ne pouvait suivre le mme itinraire.Mais en se glissant sous le fourr de verdure... Elle se mit plat ventre et dcouvrit assez vite une claircie o passer la tte. Les paules suivirent avec un peu plus de peine et son visage se trouva bientt presque de l'autre ct de la haie, paisse cet endroit de prs d'un mtre.L, compltement coince, il lui fut impossible de progresser davantage. Elle avait maintenant vue sur le domaine voisin, au-del d'une grande cour carre. Au fond, sur tout un ct de la cour se dressaient des btiments de ferme. Elle n'en dcouvrait que l'arrire, mais, comme on n'apercevait ni poules ni matriel agricole, elle en conclut que ce devait tre la cour de l'antiquaire.Du reste, un monceau d'objets htroclites se voyaient par la porte grande ouverte d'un appentis servant sans doute de remise.Une camionnette tait arrte au milieu de la cour. Deux hommes faisaient le va-et-vient entre le vhicule et l'entrept, transportant dans celui-ci des paquets de forme allonge.L'un de ces hommes tait Biaise Cordier, le trop souriant antiquaire. L'autre, grand et fort, semblait beaucoup plus jeune et possdait une opulente tignasse blonde, mal peigne.Nathalie enregistrait machinalement ces dtails, tandis qu'elle observait de tous cts, la recherche de son fugitif.Il gambadait dans un coin de la cour, jouantavec ce qu'elle prit pour un bouchon ! Comment le ramener elle sans attirer l'attention des deux hommes?... Elle claqua des doigts, appela voix basse : Minet-Minet ... rien n'y fit. Aveugle et sourd tout ce qui n'tait pas le bouchon, la petite bte continuait ses bats.Nathalie commenait d'autant plus se dcourager que sa position ne prsentait rien de confortable. Soudain, apparut un nouveau figurant : un chien. Enorme. Le poil jaune et ras d'un bouledogue, et le museau comme cras.Terrifie, Nathalie le vit jaillir de la camionnette et se prcipiter vers le malheureux petit chat. Celui-ci, innocemment occup faire rouler son bouchon, ne se rendit pas compte immdiatement de l'approche de l'ennemi hrditaire.Nathalie aurait voulu crier pour le mettre en garde. Certainement laffreux, animal n'allait en faire qu'une bouche ! Alors, elle ferma les yeux pour ne rien voir.Et elle les rouvrit tout de suite, malgr elle.Avec un immense soulagement, elle constata que le chaton fuyait devant le monstre et se dirigeait droit en direction de la haie, vers l'endroit o elle se trouvait. Ds qu'il fut sa porte, elle le happa et le ramena contre elle, hors de porte du fauve.Elle amora aussitt un mouvement de repli, et s'aperut avec horreur que c'tait moins ais qu'elle ne l'avait cru...Durant tout ce temps, Nick et son cousin avaient men la vie dure au ballon.Nol, cependant qui avait eu l'air si emball l'ide de venir au terrain de sport , lorgnait souvent en direction du magasin d'antiquits.Quand les garons s'arrtrent pour souffler un peu, il confia Nick : Tu sais, ce que je voulais dire hier ?...- Hein ? Non. Quoi ?- A un moment donn, tu as dit : Pour un peu, tu l'accuserais d'tre le voleur des tableaux ! J'ai dit a, moi ? Tu l'as dit. Tu l'as dit en rponse Nathalie qui affirmait qu'elle croyait l'antiquaire capable de tout.Nick admit qu'il avait pu faire cette dclaration. Eh bien, moi, tandis que tu tais occup payer, je pensais: C'est un vrai fouillis, l-dedans ! un tas de vieilles choses qui viennent on ne sait d'o ! des choses qui ont pourtant de la valeur !... a serait un bon endroit pour revendre des objets vols !... Alors, quand tu as fait cette rflexion, j'ai pens aux tableaux... Hein ? Aussi prs de Brunires ?... Et pourquoi n'as-tu rien dit hier soir ? Tu voulais faire le mystrieux?- Non, ce n'est pas a, non ! se dfendit Nol. Je... j'ai eu peur d'avoir l'air idiot. C'est trop prs de Brunires, en effet, et ce sont des toiles trop connues... Mais, depuis, j'ai repens qu'il pouvait trs bien les garder caches : les clients d'un antiquaire n'habitent pas forcment sa porte ! Il peut les revendre dans deux ou trois ans un tranger... Ils se mirent chafauder une quantit d'hypothses. Soudain, Nol s'interrompit : O est passe Nattie ?... Un coup d'il circulaire vers la haie ne leur montra qu'un panier d'osier, vide. Pourtant, en y regardant mieux, ils virent bouger des branches.Ils allrent voir ce qui agitait la haie de trones, et en virent surgir, reculons, deux mollets gratins. Qu'est-ce que tu fabriques l ?La pauvre Nathalie n'osait plus sortir de la haie, car les deux autres apercevraient le chaton qu'elle tenait serr. Elle ne bouge plus ! constata lugubrement Nick, avec un clin d'il complice son cousin. Prisonnire des trones jusqu' la fin de ses jours... ou du moins jusqu' demain matin ! On la tire chacun par une jambe?A l'ide de se trouver trane sur le sol comme un paquet, la malheureuse retrouva un surcrot d'nergie et elle finit par se tirer d'affaire. O as-tu trouv ce chat?... Oh, mais c'est celui d'oncle Edouard ! Il va tre content quand il va savoir que tu l'as emport ! La petite fille baissa la tte, et il fallut toute la gentille autorit de Nol pour la rassurer : L, l !... Ne pleure pas ! Il plaisante, voyons... Alors, elle leur raconta ce qu'elle venait de dcouvrir.

CHAPITRE VII

Le chien jaune

"ENCORE tout mue par ce qu'elle avait vu, la fillette entama son rcit d'une faon plutt incohrente : Et alors, il a couru aprs avec un sac et il lui a donn un grand coup de pied ! Il se sauvait en gmissant... Qui a ? L'antiquaire ? Mais non, le chien jaune ! C'est le chien qui a donn un coup de pied l'antiquaire, et c'est l'homme blond qui gmissait ! ricana Nick l'adresse de son cousin. Que tu es bte, tu ne comprends rien rien ! Elle s'explique pourtant clairement ! Voyant la petite fille pincer les lvres, Nol s'empressa d'intervenir : Nathalie, je crois que le mieux serait que tu reprennes tout depuis le dbut. Au moment o tu as vu le chien sauter sur le chat... Elle ferma les yeux, comme pour revoir la scne.... Le chien qui jaillit de la camionnette et qui (lui sembla-t-il) se prcipite sur le chat... La fuite perdue de ce dernier... L'air furieux de l'antiquaire qui crie : Encore lui ! Je t'avais dit de nous en dbarrasser!L'homme blond qui rplique, acide : Je lui ai pourtant donn un bon coup sur la tte ! Et je l'avais fourr dans un vieux sac, puisque tu voulais qu'on l'emmne !... L'antiquaire, de nouveau : Evidemment, idiot ! Si les choses tournent mal, tu ne veux pas laisser ce tmoin derrire nous, non ? Il nous sautera la gorge si on nous met en sa prsence...A cet instant, Nathalie avait eu l'impression que le chien n'en voulait nullement au chaton. Encore tout tourdi, vacillant, il fuyait devant l'homme blond.Nol ouvrit la bouche pour une question, mais il se ravisa, se souvenant de sa promesse. De mme que Nick, il attendait la suite ; mais il n'y avait pas de suite, l'histoire s'arrtait l.A ce moment, ils entendirent la camionnette dmarrer, grincer en prenant son virage et s'loigner. Plus moyen de voir quoi pouvait bien ressembler ce fameux jeune homme blond, ni les mystrieux colis qu'ils transportaient, lui el l'antiquaire. Qu'est-ce que c'tait que ces paquets ? Des caisses? Non... Je n'ai pas bien pu voir, la camionnette tait tourne du mauvais ct, mais il ne s'agissait pas de caisses. C'tait... allong. Allong et rond.Des planches ?Je sais reconnatre une planche, enfin !... El ce n'est pas rond ! Non, c'tait... plutt comme des tapis enrouls. Voil ! rugit Nol, perdant toute retenue cette confirmation de ces soupons. Et il donna Nick une si forte claque sur l'omoplate que l'autre, surpris, se mit tousser. Voil ! Comme des tapis ou comme des tableaux!... Je me suis toujours mfi de cet antiquaire. Et c'est pour a que j'ai saut sur l'occasion quand tu as propos une partie de ballon par ici. Sans l'ombre d'une hsitation, le bouillantNick accepta l'ide comme un fait certain. Si nous allions jeter un coup d'il dans cette remise ? fit-il, plein d'entrain.Malheureusement, Nol regrettait dj de s'tre emball : II vaudrait mieux nous assurer d'abord que nous ne faisons pas fausse route. Voyons, rcapitulons : En premier, nous avons cette lettre, adresse Biaise Cordier, antiquaire Volny, et poste Brunires...- A Brunires o les tableaux viennent d'tre vole ! complta Nick.- En second lieu, que dit la lettre ? Que la marchandise est dpose l'endroit convenu. C'est drle, a. Pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom ? S'il s'agit d'un fauteuil, on dit un fauteuil et non la marchandise... Et puis, pourquoi dposer une marchandise que le destinataire peut venir prendre ?... Enfin, une lettre d'affaires signe seulement d'initiales, cela semble louche...- Plus que louche : trs clair ! L'expditeur n'ose pas dire ce qu'il expdie et il n'ose pas signer son nom! Et maintenant, Nattie surprend les deux complices en train de transporter les tableaux ! Doucement. Ne nous emballons pas. Elle n'a vu... Voyons, c'est vident ! Cet antiquaire estun voleur ; regarde comme il nous a rouls avec sa lampe d'poque de Shangha...- Hong Kong, rectifia machinalement Nol.- Hong Kong si tu veux... Regarde cette brute de grand type blond qui flanque un coup sur la tte de ce pauvre chien !D'accord, c'est une brute, reconnut Nol, mais cela ne veut pourtant pas dire que c'est un voleur...- C'en est un ! coupa premptoirement la fillette. Je le sens ! Positif avant tout, Nick se mit rire. Bon, dit-il. Eh bien, puisque ma petite sur le sent, il ne nous reste plus qu' retrouver les tableaux dans la remise. Comme a, on tiendra une preuve.Tu n'as pas abandonn ton ide de t'introduire dans la remise, hein ? dit Nol. Mais comme nous n'avons pas le droit d'y pntrer, il nous reste deux moyens : retrouver l'homme blond ou retrouver sa camionnette. Par l'un ou par l'autre, nous verrons bien s'il y a un quelconque rapport avec le vol des tableaux. La camionnette... Comment tait-elle ? demanda Nol. Quelle marque ? Quelqu'un de bien embarrass, ce fut Nathalie. Elle n'aurait pas confondu un ris de veau avec un gigot d'agneau, mais, ses yeux, toutes les voitures se ressemblaient. Euh..., fit-elle bravement, et elle se lana : C'tait comme une petite caisse... Je veux dire : c'tait rond devant et derrire ; on ne voyait pas le moteur comme dans une auto...- Un fourgon cabine avance, traduisit Nick. Quelle marque ? Est-ce qu'il y avait deux chevrons sur le radiateur... Tu vois ? Comme deux V renverss sur l'avant, sur le museau... Est-ce que ta petite caisse tait faite en tle ondule ?- Non. C'tait tout lisse, avec un toit blanc. Sur le ct, il y avait comme un panneau avec quelque chose d'crit.- Quoi ? s'crirent ensemble les garons.- Je n'ai pas lu... , murmura la fillette, piteuse. Elle ajouta trs vite pour se disculper : J'tais proccupe cause du chaton, et puis la camionnette tait mal tourne... Nick lana les bras au ciel et se battit plusieurs fois les cuisses, de Pair de dire : Ah ! les filles !... Donc, une fourgonnette commerciale, qui n'est pas une Citron, tout en tant cabine avance. Qu'est-ce que tu connais dans ce genre, Nick ? demanda Nol. Oh ! des tas... mais la description irait bien avec une Estafette Renault : ronde, toit blanc... Dis donc, on n'avance pas beaucoup. On recule, tu veux dire !... Souviens-toi de ce tmoin qui ne pouvait dormir. Celui qui est all prendre l'air sur son balcon la nuit du vol...Oui, et alors ?Il a parl d'une voiture insolite. Pas d'une fourgonnette ni d'une camionnette !Possible. Il faudra essayer de l'interroger nous-mmes quand on sera Brunires. Au fait, quand rentre-t-on ?- Aprs-demain, rpondit Nathalie, lugubre.- Flte, c'est vrai ! Moi qui voulais aller voir la cascade !- Quelle cascade ? demanda Nol qui n'tait pas au courant de ce projet.- Dans la montagne, expliqua Nick. Oncle Edouard dit que c'est magnifique en ce moment, avec la fonte des neiges, l'eau du torrent, les rochers et tout !- On pourrait y aller demain ? N'importe comment, notre enqute est bien compromise. Nous n'avons qu'une toute petite piste ; une chance sur mille de revoir la fourgonnette avant notre dpart... C'tait bien de Nol, ce pessimisme ! Nick dut cependant reconnatre que la chance restait mince, effectivement.Tous trois quittrent le terrain de sports et reprirent le chemin du retour, car ils n'taient pas trop en avance... et l'incroyable se produisit !A peine avaient-ils dpass le magasin d'antiquits qu'ils entendirent, au loin, un moteur qui changeait de vitesse dans une cte. Quelques secondes plus tard, le vhicule apparut, roulant toute allure dans leur direction... une Estafette bleu mtallique toit blanc. Vite ! dans le foss !... Tchez de lire ce qui est crit et de relever le numro ! cria Nick, bousculant sa sur.La fourgonnette passa en trombe sans que son conducteur et certainement remarqu les enfants. L'homme blond conduisait. Inutile de noter son numro, fit amrement Nol. Vous avez lu comme moi ce qui est crit sur la portire? - Biaise Cordier, Antiquits, Achat et Vente d'Objets anciens, rcita Nick, trs abattu. Et voil. Notre seule piste s'vanouit ; la

LES TROIS N ET LE CHIEN JAUNEmystrieuse fourgonnette est tout bonnement celle d Cordier, et l'homme blond est sans doute son employ. Quel rapport avec le vol des tableaux? Je vous le demande !- H, dis donc, riposta Nick qui reprenait dj le dessus. Il y a tout de mme les rouleaux que Nattie a vus ! Et la lettre !... Qui nous dit que ce n'est pas cette fourgonnette qui stationnait derrire le muse la nuitLe lendemain, ils en discutrent encore, tandis que, bon pas, ils grimpaient le sentier en lacet qui devait les mener la cascade.Le ciel, si bleu le matin mme, se montrait nouveau envahi de nuages. Il faisait doux, presque orageux, si bien qu'en quelques minutes Nathalie et les garons taient en nage.Un grondement sourd, qui allait en s'amplifiant mesure qu'on avanait, indiquait qu'on ne devait plus tre bien loin du but. Tout coup, ils dbouchrent sur un cirque entour de tous cts par des parois abruptes. L'eau tombait de cinquante mtres de haut en une courbe impressionnante.Ils franchirent un petit pont de pierres moussues et aboutirent sur un terrain humide, couvert de cresson et sillonn de mille ruisselets. De la cascade elle-mme tombait une sorte de pluie trs fine qui nimbait la cressonnire comme d'une onde permanente. En s'abattantparmi les rochers, la colonne d'eau faisait un fracas assourdissant.La tte leve vers la masse sans cesse cumante et toujours renouvele, Nick ne trouvait rien dire. (Ce qui tait rare chez lui, et signe d'une profonde admiration.)Les 3 N restrent un bon moment contempler la cascade. Il s'en dgageait une force brutale, invincible et fascinante la fois, comme de ces spectacles de la nature sauvage que l'homme ne parvient jamais galer.... Mais il s'en dgageait aussi, nous l'avons vu, une pluie fine et dense qui les trempa des pieds la tte.La descente de retour, par le sentier en lacets, parut autrement plus aise que la monte. Il devait tre cinq heures de l'aprs-midi quand ils dbouchrent sur la route. Il leur restait environ un kilomtre faire pour atteindre Volny, et cinq cents mtres de plus pour gagner la maison d'oncle Edouard.Rien ne les pressait tellement et Nathalie, fourbue, tirait la jambe, en arrire des deux gaillards. Pourtant, Nick ne put rsister la tentation : Dpche-toi donc, lambine ! Tu tranes !... Pense un peu que tante Rose a d nous prparer un fameux goter... La fillette pressa le pas cette perspective, mais sans parvenir au niveau des garons. Dece fait, ce fut elle qui aperut l'homme, non loin duquel ceux-ci venaient de passer sans le remarquer.De loin, il lui sembla vaguement familier.A cet endroit, la route surplombait un ravin troit o coulait un mince filet d'eau. Les rochers taient encombrs de vieilles ferrailles rouilles bidons d'huile, vieux sommiers, paves de tacots, etc. que les gens des alentours y jetaient pour s'en dbarrasser.L'inconnu se tenait pench sur le parapet comme s'il voulait l'enjamber pour descendre dans le ravin. Que peut-il bien contempler ? se demanda

Nathalie. La vue n'est certainement pas une des plus attirantes de la rgion ! Tout absorb qu'il tait, l'homme les avait nanmoins entendus dvaler le sentier. Il se redressa, hsita, regarda une seconde les arrivants et, tout aussitt, se mit dtaler dans la direction oppose. a, alors ! s'cria Nick qui venait de se retourner pour presser nouveau sa sur. Qu'est-ce qui lui prend, celui-l ? C'est nous qui l'avons fait fuir ? Nathalie fronait le sourcil, cherchant dans sa mmoire. II me semble que je l'ai dj vu. Il ressemble... Qu'est-ce qu'il pouvait bien chercher en .bas ? dit Nol. On va voir ? Une fois arrivs l'endroit mme o s'tait tenu le fuyard, ils se penchrent leur tour sur le parapet. En bas, c'aurait d tre un frais ruisseau courant parmi les rocs bruns ; malheureusement, il semblait bien qu'il n'y poussait que tessons de bouteilles et vieilles botes de conserves, comme garniture quelques jeunes sapins. Pouah ! fit Nol. C'est un dpotoir. Ce type est venu y jeter quelque chose. Arrt dans sa chute par une avance rocheuse, ce qui paraissait tre un sac attira l'attention de Nathalie.L!... Regardez! Le chien! Le chien jaune !... S'il s'agissait bien du chien, la pauvre bte tait srement morte, aprs une chute de vingt mtres sur les rochers. Oui, c'est un chien ! s'cria Nick aprs avoir scrut la masse inerte. Le pauvre vieux ! Tu crois que c'est celui que tu as vu chez l'antiquaire ? demanda Nol, boulevers.La veille encore, le chien jaune tait pour Nathalie un monstre , alors qu'il se jetait sur le chaton. Puis, devenu la victime de l'homme blond, les 3 N l'avaient automatiquement trouv sympathique. Et maintenant, il gisait sur les rochers ; mort, probablement. Il faudrait voir... , avana Nick.Et les deux autres reconnurent que, en effet, il faudrait voir. Mais, qui allait se lancer sur ce parcours prilleux ?La question fut lude par la fillette qui s'cria soudain : Maintenant, j'en suis sre : c'est l'homme blond ! Il n'est pas habill comme hier, mais c'est lui. Le fuyard ? Oui. C'est lui qui a lanc le chien dans le ravin ! dcrta Nick, toujours prompt tirer des conclusions. Regardez!... cria Nathalie. Il bouge!...Je l'ai vu essayer de soulever la tte !... On ne peut pas le laisser comme a ! dclara Nol.Nathalie, pour sa part, avait envie de pleurer. Ce terrible bouledogue qui avait pourchass son chaton, lui inspirait prsent une profonde piti. II faut aller le chercher, dit-elle. Hum, fit Nol en rougissant. C'est trs abrupt. Je ne sais pas si je... Moi, j'y vais. A dfaut d'autres prix, Nick dcrochait rgulirement celui de gymnastique, au lyce. L'entreprise tait plus dans ses aptitudes que dans celles de son cousin. C'est dcid : j'y vais ! Je le remonterai, et on l'emmnera chez l'oncle Besson qui va le soigner. Sans plus de parlotes, Nick passa l'action.Il franchit le parapet et s'engagea - sur la pente.Descendre jusqu'au bord du ravin se montra relativement facile, en s'agrippant aux arbres. Mais ensuite, le haut talus inclin n'offrait aucune prise. Nick l'aborda par le ct, glissant et drapant la manire d'un crabe. Encore quelques bonds souples et il se trouva au fond, aprs avoir provoqu une avalanche de pierres sches.Marchant avec hsitation au milieu des ferrailles rouilles

qui encombraient le petit cours d'eau, il parvint auprs du bouledogue.De nouveau, l'animal restait parfaitement immobile sur l'arte rocheuse qui avait stopp sa chute. D'en haut, Nol et Nathalie virent Nick l'examiner, le palper. Il est bien vivant ! cria-t-il dans leur direction. Tu peux le remonter ? Je vais essayer... J'espre qu'il ne va pas me mordre. Il voulut le soulever et s'aperut que l'animal tait bien plus lourd qu'on n'aurait pu l'imaginer. De plus, la main glissait sur son poil ras englu de sang par endroits.Sans se dcourager, le garon le saisit bras-le-corps et, moiti portant, moiti tranant la pauvre bte, il l'amena jusqu' la base du talus.La bte se laissait faire, trop puise sans doute pour tenter la moindre rsistance. Seul, parfois, un tressaillement de la peau indiquait qu'un clair de douleur la parcourait.Arriv au pied du talus, Nick s'arrta un instant pour souffler. Alors ? cria Nol, d'en haut. Tu ne peux pas y arriver ? Tu veux que je descende ? Vaillamment, il enjamba le parapet et mesura la distance du regard, en dpit de la peur qui l'treignait. Non, a ne servirait rien ! A deux, on pourrait le porter et remonter le torrent. Il doit bien y avoir un endroit praticable... Nick regarda en amont, puis en aval. Partout, des rocs escarps et le talus qui tombait par endroits presque la verticale. Rien faire, il faut le remonter par l ! La fillette eut soudain une de ses inspirations : Attendez ! Si on allait chercher un panier et une corde, on pourrait le remonter dans le panier. Elle avait parfois de ces trouvailles qui laissaient les garons muets d'tonnement.Aussitt dit, aussitt fait. Tandis que Nick s'asseyait auprs du chien, Nol et sa cousine partaient au galop vers la maison.Nathalie en avait oubli sa fatigue. Ce fut elle qui, connaissant bien les lieux, guida Nol vers un hangar o se trouvaient entreposs caisses, cartons et paniers de toutes sortes. Ils choisirent une vieille malle d'osier veuve de son couvercle. Dans la buanderie, Nathalie s'empara froidement de la corde tendre le linge.Avec leur butin, ils reprirent en courant la direction du petit ravin.Ils trouvrent le chien et le garon dans la mme position. Le chien ne bougeait toujours pas, et Nick le caressait doucement avec une tendresse que sa petite sur trouva tonnante de sa part.La corde fut attache une anse de la malle et celle-ci passa par-dessus le parapet, raclant les pierres. Une dernire fois, Nick souleva la malheureuse bte et l'installa dans la malle o elle tenait tout juste. Allez, ho, hisse!... Tirez sur la corde, moi je vais pousser ! Par saccades, la malle et son chargement commencrent glisser sur le talus. Quelques minutes plus tard, ils se trouvaient tous runis sur le bord de la route.

CHAPITRE VIII

O est son collier ?il est dans un piteux tat, dclara enfin l'oncle Edouard aprs sa premire auscultation. Va-t-il mourir ? Avec sa prudence de vtrinaire, l'oncle rpondit : Je ne peux pas affirmer qu'il s'en tirera. Il a reu un mauvais coup sur la tte, mais je ne pense pas qu'il y ait fracture. Par contre, sachute dans le ravin lui a enfonc les ctes, et cela risque d'tre plus grave. Mais on peut le soigner !... Naturellement. Je vais laver ses plaies, puis je l'immobiliserai dans un corset de pltre. Plus ou moins rassur sur le sort du malheureux, Nol en vint une question qui lui trottait par l'esprit : Vous qui tes vtrinaire, oncle Edouard, vous devez connatre tous les chiens de Volny et des environs ? A qui appartient celui-ci ? Eh bien, mon garon, je te rpondrai que je n'en sais rien !... Ou, plus exactement, qu'il n'appartient personne de ma connaissance. Nol lui confia que, aprs le rcit de Nathalie, ils taient arrivs la conclusion que le chien devait tre, soit l'antiquaire, soit son employ. Son employ est bien un grand jeune homme blond ? en profita-t-il pour demander. En effet. Mais je ne crois pas qu'il possdait un chien, lui ou son patron. C'est pourtant le commis de Cordier que nous avons surpris pench sur le parapet ! insista Nol, tout son ide.Le vtrinaire le dvisagea : Tout ce que je peux te dire, mon garon, c'est que cette bte a reu un coup sur la tte il y a au moins 36 heures. A mon avis, vu sontat, il a d passer la nuit d'hier et une partie de la journe d'aujourd'hui sur les rochers. Nick claqua des doigts : Voil d'o il revenait si vite, hier, avec l'Estafette!... a m'tonnait aussi. Je ne le vois pas transporter le chien, assomm, sur son dos ! Il aurait pu l'emmener en laisse et l'assommer sur place, fit remarquer Nol. Ohhh !... Taisez-vous donc, vous tes curants, tous les deux ! cria Nathalie. Pas du tout ! On recherche des faits. On cherche trouver son propritaire. Il n'avait pas de collier ? demanda le vtrinaire. Non. Curieux ! Le collier a pu se rompre dans la chute... Nick a raison, dit Nol. Il y a quelque chose de bizarre dans l'attitude du commis. S'il a assomm le chien et s'il est all le jeter dans le ravin en le transportant dans la fourgonnette, pourquoi est-il revenu aujourd'hui ?... Et pourquoi a-t-il cherch le tuer, juste aprs le dmnagement de ces curieux rouleaux de tapisserie ?... Et pourquoi, complta Nick, s'est-il enfui comme un coupable quand il nous a vus ? M. Besson ne comprenait videmment pas grand-chose leurs propos, et les dvisageait tour de rle. Quelqu'un veut-il m'aider pltrer votre malade ? demanda-t-il enfin. Toi, Nol ? Bien! Les autres, dehors!... Nathalie courut se consoler avec son chaton, et Nick resta tourner en rond dans la cour, ce qui lui donna l'occasion pour une fois de rflchir avant d'agir.Alors qu'il restait avec le chien, dans le ravin, attendre le panier, il avait remarqu sans trop y prter attention que l'animal avait le dessous du cou pel. Cela lui revenait, maintenant, et il pensa : Le boxer portait ordinairement un collier... Sur un collier se trouve une plaque ou une mdaille... et, sur cette mdaille, le propritaire du chien fait graver son nom et on adresse... O tait pass ce collier ? On pouvait avancer que c'tait cela que l'homme blond cherchait dans le ravin. Pourquoi ?... Parce que, se dit-il, il tenait normment ce qu'on ne sache pas d'o venait le chien ni qui il appartenait !... Je crois que je commence y voir clair, se dit Nick. Cette brute de commis jette le collier en mme temps que le chien. Puis il se ravise : il ne faut aucun prix laisser ce collier que quelqu'un pourrait dcouvrir ! Il revient le chercher, mais, manque de chance, nous arrivons! La brute dtale. Mais trop tard, mon vieux, nous avons l'il, nous autres, les trois N !... Nick se frotta les mains, trs satisfait de ses dductions. Il n'ignorait pas qu'il restait encore pas mal d'autres possibilits, mais il prfra s'en tenir celles-ci. Et, plutt que de tourner en rond, il dcida de retourner sur-le-champ jeter un coup d'il dans le ravin. Sait-on jamais ? Peut-tre aurait-il la chance de mettre la main sur le collier ?Un instant plus tard, il filait sur la route, sans avoir pris le temps de prvenir personne.Le soleil allait bientt se coucher derrire un lit de nuages, si bien qu'il n'y voyait plus trs clair. Arriv au ravin, il refit la descente avec-une agilit accrue par sa premire exprience.Nick eut tt fait de reprer l'endroit o il avait trouv le chien demi mort. Pourtant, il eut beau regarder aux alentours : aucune trace de collier.Il largit un peu le cercle de ses recherches, soulevant des botes de conserves cabosses, dplaant des ressorts rouilles et, soudain, victoire ! mit la main sur le fameux collier, qui avait d se trouver arrach du cou du chien.Il fourra le collier sous sa chemise afin d'avoir les mains libres pour regrimper, se redressa... et aperut une silhouette penche par-dessus le parapet !L'homme se rejeta en arrire en voyant le garon relever la tte, mais pas assez vite : celui-ci eut le temps de reconnatre la brute sa tignasse.Que faisait l'homme, l-haut, l'pier ?...Le ravin tait terriblement dsert, et, comme le jour baissait, Nick se voyait bien mal parti si l'autre s'avisait de faire dbouler des rochers...Aussi commena-t-il une prudente retraite vers une ligne de jeunes sapins, du ct oppos la route. Parvenu dans la zone boise, il jugea plus sage d'effectuer un dtour. Marchant courb en deux, sur un sol couvert d'aiguilles rsineuses, il progressa lentement et silencieusement.Aprs un long crochet, il aboutit sur la route, une dizaine de mtres plus loin que le parapet et du ct du village. Son espion avait disparu, semblait-il...Tout de mme, le jeune garon regarda droite et gauche avant de hasarder un pied prudent sur la route. Bien lui en prit !... La brute se tenait camoufle derrire un tronc d'arbre et scrutait attentivement la ligne des sapins derrire laquelle Nick s'tait vanoui.Nick n'eut pas l'ombre d'un doute : c'tait bien lui que l'homme en avait ! Mais pour quel motif ? Le collier, parbleu !Il se flicita intrieurement de sa prudence, d'ordinaire plus dans les habitudes de son cousin que dans les siennes. Ainsi, c'tait lui, prsent, qui voyait son adversaire de dos ! L'autrele cherchait toujours du regard, au milieu des arbres...Nick espra qu'il tait patient. Car, pour sa part, il allait le laisser plant l. Il ne reprit pied sur le sol goudronn que de l'autre ct d'un virage, et il se hta de rentrer.Nol sortait justement du cabinet de consultation quand il franchit le portail. Tout de suite, Nick lui demanda des nouvelles du chien. Oh, je pense qu'il se remettra, dit Nol. Notre oncle est un vtrinaire remarquable. Si tu voyais comme il soigne ses pensionnaires ! Tant mieux !... Moi, je viens de l'chapper belle! Ah, oui ? Raconte... Attends que Nathalie soit l, a m'vitera de me rpter. Et, de temps autre, elle a de bonnes ides. Quelques minutes aprs, les 3 N se trouvaient runis dans leur repaire favori : le vieux sofa. Nick narra son aventure, sans trop exagrer son propre rle. Pas de doute, dcida Nol, la Brute voulait: te faire un mauvais coup ! Fais voir ce collier ? Il n'y a pas de mdaille ! Il dsigna un petit anneau entrouvert et tordu : II y en avait une, mais elle est perdue. Quand ? Mystre ! Dommage, elle nous aurait appris l'adresse du matre du chien. Nick se grattait furieusement la tte : Je ne vois pas le rapport... Rflchis un peu. Cordier a dit celui que nous nommons la Brute : Je t'avais dit de nous en dbarrasser ! Et c'est ce qu'a fait la Brute en allant le jeter dans le ravin. Plus j'y pense, et plus je crois que ce chien est l'indice qui permettrait aux policiers d'aboutir Cordier. La Brute s'est bien dbarrass du chien, mais comme il ne semble pas avoir trop de jugeote, il n'a pas pens au collier !... C'est ce qu'il revenait chercher ! C'est le collier qu'il voulait te reprendre ! Un collier sans nom ! Sans mdaille !... Nous, nous le savons, mais pas eux ! A mon avis, tout est li : trouvons le propritaire du chien et nous ne serons pas loin du voleur des tableaux.

CHAPITRE IX

Cambriolage la cliniquetout de suite aprs dner, les 3 N se rendirent la clinique que le vtrinaire avait installe dans son jardin, pour voir comment allait leur malade.Situe l'arrire de la villa, c'tait un petit btiment qui ouvrait sur le verger par une porte vitre. L'oncle Edouard y hbergeait l'occasion les animaux en observation. Il s'y tenait, pour le moment, occup donner ses soins un chatsiamois, unique pensionnaire du local jusqu' l'arrive du chien.Un pole feu continu y brlait, faisant rgner dans la petite pice peinte en blanc une douce chaleur. Voici votre clop , dit M. Besson en dsignant le chien.Celui-ci paraissait dormir d'un sommeil agit, tendu sous une couverture l'intrieur d'une cellule grillage. Un corset de pltre lui enserrait la poitrine, ne laissant que deux ouvertures par o passaient les pattes. Comment va-t-il ? s'enquit Nathalie que ce spectacle attendrissait. Je lui ai fait une piqre pour qu'il puisse dormir plus calmement. Je crois bien qu'il va finir par s'en tirer, car il est robuste et jeune. Est-ce que je peux le caresser ? Si tu veux, mais ne le drange pas trop. La fillette ouvrit la porte de la cellule et flatta de la main la tte du chien. Comment peut-il bien se nommer ? demanda-t-elle, et elle appela mi-voix : Azor... Mdor... Trompette... Bobby... Inutile, il ne t'entend pas, il dort. Maintenant, laissez-le tranquille, les enfants, dcida fermement le vtrinaire qui en avait fini avec les soins au chat. Il les fit passer devant lui et sortir de la pice aprs avoir teint l'lectricit. Vous fermez la porte clef ? s'tonna Nolen le voyant donner un tour la serrure et mettre la clef dans sa poche.- A cause des indiscrets, oui ! rpliqua l'oncle en les regardant avec un sourire. Vous ne mettez pas de volets ? demanda son tour Nick. Pour quoi faire ? Euh... il me semble qu'on pourrait facilement s'introduire dans la clinique et voler des choses... des mdicaments, je ne sais pas, moi...' Qu'est-ce que tu vas imaginer l, mon garon ! dit le vtrinaire en riant. Les cambrioleurs n'ont pas l'habitude de se dranger pour si peu ; et ce n'est certes pas un chien et un chat malades qui vont les attirer ! *

* *Les deux garons partageaient la mme chambre.Dans le courant de la nuit, un craquement soudain, suivi d'un fracas de verre bris, dressa Nol sur son sant. Nick !... H, Nick !... appela-t-il voix basse, tentant d'veiller l'enrag dormeur sans mettre toute la maisonne sur pied.Un vague grognement lui ayant rpondu, il insista, un ton plus haut : H, Nick ! Rveille-toi !... Hein ? Qu'est-ce qui se passe ?

Tu n'as pas entendu ?... Non, c'tait vident, il n'avait pas entendu. Je crois qu'il y a quelqu'un dans le verger... Il y a eu un bruit de vitres casses... Cette fois-ci, l'autre avait l'il bien ouvert. Le chien ?... Tu penses que c'tait la porte de la clinique ? Vite, il faut aller voir a !Il bondit hors du lit et courut, pieds nus, vers le bouton de l'lectricit. Non ! N'allume pas ! dit vivement Nol, se levant son tour. Il se dirigea vers la fentre, l'ouvrit et repoussa silencieusement les volets.Dehors, d'pais nuages laissaient filtrer par intervalles une clart blafarde. Accouds In fentre, les garons restaient parfaitement invisibles pour quelqu'un de l'extrieur ; mais, vrai dire, ils ne voyaient pas grand-chose eux-mmes. Du reste, prsent tout tait silencieux dans le jardin, et Nol commena se demander s'il n'avait pas rv. Ecoute !... Tu as entendu ? Encore un petit bruit de verre... Plus d'erreur *possible ! quelqu'un devait s'en tre pris la porte de la clinique. L'inconnu avait d'abord cass un carreau pour tourner le verrou de l'intrieur, mais le tapage l'avait inquit et il s'tait tenu quelques instants immobile, coutant. Rassur, il devait avoir recommenc son mange, faisant choir un nouveau dbris de verre.de reprendre leur enqute sur les lieux mmes du vol. Pendant qu'elle sera l-bas, proposa Nol, si tu vrifiais cette dclaration du tmoin ? Tu sais, au sujet de la voiture qu'il a remarque... Oui, pourquoi pas ? Pques se passa en famille, dans la grande maison retrouve. Mais, ds neuf heures, le mardi matin, chacun des 3 N se prpara sa mission particulire :Nick accompagna sa petite sur jusqu' la grille du parc, et, la laissant poursuivre seule vers le muse, il tourna le coin et s'engagea dans la ruelle adjacente.Nathalie traversa le parc et s'arrta un moment devant la porte d'entre, trop intimide pour oser monter les marches du perron.Maintenant, elle regrettait presque d'tre venue. Qu'allait-elle dire M. Aujard pour entamer la conversation ? Elle ne pouvait pas lui parler de l'affaire, c'tait dlicat... Heureusement qu'il y avait le chaton ! Elle allait lui demander des conseils pour sa nourriture, voil !Elle avait fourr la petite bte dans un sac de toile, ne trouvant pas chez elle de panier couvercle. Mal son aise, le petit gaillard cherchait s'en vader, et sa tte noire marque d'une toile blanche entre les yeux se dressait, comme la tte d'un diable, hors de sa prison. Viens, habille-toi vite, on y va ! dcida Nick.

Eh trois secondes, ils furent en bas. Nol faisait entendre un curieux bruit de castagnettes. Tu claques des dents, vieux ?... C'est le froid. Tu aurais d mettre un pull-over... Dans le verger, on n'entendait gure que le vent, qui gmissait. A tout hasard, Nol s'empara d'une binette qui tranait le long du mur, et Nick, se souvenant de la carrure de la Brute, approuva son cousin.Car ce ne pouvait tre que l'homme blond !...Nick devant, Nol derrire, mais en vrit pas beaucoup plus rassurs l'un que l'autre, les deux garons arrivrent porte du petit btiment. Nol qui pensait dcidment tout, mme dans les pires moments Nol avait apport sa lampe 'lectrique. Cependant, comme il se trouvait dj arm de la binette, c'est Nick qui tenait la lampe et qui la braqua soudain sur la porte vitre.Une haute silhouette s'y dtacha, comme un papillon pingle au mur : La Brute, un bras pass jusqu' l'paule travers le carreau cass, et ttonnant pour trouver le verrou. Haut les mains ! cria Nick, assez sottement, avec l'intention vidente d'impressionner l'adversaire.L'homme fit un bond en arrire et se tourna vers eux tel un animal traqu. Nick lui braqua le faisceau de la lampe droit dans les yeux, ce qui acheva de le dmoraliser tout en l'blouissant. Dans le mme temps, son cousin, saisi de la tmrit des timides, faisait un pas de ct, la binette fermement tenue dans les deux mains.Ebloui, l'intrus ne distingua . que deux silhouettes, assez minces pour tre celles de deux enfants, mais dont l'une brandissait ce qui lui parut tre une carabine.Il partit comme l'clair et traversa, tte baisse, un buisson de ronces fort pais qui fit des dgts au passage...L'instant d'aprs une ombre fantomatique tourna le coin du verger. Ah ! je vous y pince ! lana une voix familire, celle de l'oncle Edouard. Encore trop tt pour les cerises ! Mais je vais vous donner une bonne leon... Attendez un peu ! Espce de petits chenapans ! En entendant du bruit, il tait descendu, et il les prenait pour des chapardeurs. C'est nous, mon oncle ! cria Nick. Quoi ? Quoi ? C'est vous ? fit l'oncle. Quelle ide ! Qu'est-ce que vous faites dans le jardin une heure du matin ?... Oh-h-h... mais qui m'a cass un carreau ?... Et qu'est-ce que tu fais avec cette binette la main, toi ?Les explications promettaient d'tre pnibles. Aussi le vtrinaire dcrta : Rentrez la maison, vous allez prendre froid. Ils regagnrent tous trois la cuisine, et le vieil homme les fit asseoir pendant qu'il prparait du caf. La grosse pendule au lent balancier de cuivre marquait! heure 20.Nol prit son courage deux mains et expliqua toute l'affaire...Tout y passa : les soupons concernant l'antiquaire et son rle prsum dans le vol des tableaux ; les dductions quant au collier du chien... ... Et nous avons craint, conclut Nol, que le commis ne cherche reprendre le collier puisqu'il sait qu'il est en notre possession. Hum... Pourquoi ne m'avoir rien dit hier soir ? On n'a pas os. Nous n'avons aucune preuve... Ah! dis donc, qu'est-ce qu'il te faut ! s'exclame Nick. Hier soir, a pouvait tre une concidence ; l'homme pouvait tre revenu pour s'assurer que le chien tait bien mort ; mais cette nuit, hein ? Hum !... Je commence vous croire, dclara l'oncle Edouard. En fin de compte, je me demande si je ne vais pas aller dcrocher mon vieux fusil de chasse ! Il faisait chaud dans la cuisine. On n'entendait que le tic-tac monotone et lent de l'horloge, et parfois un trottinement furtif au plafond ou le craquement d'un vieux meuble de chne. La Brute, comme vous l'appel*, n'est, mon avis, qu'un comparse, reprit l'oncle. Il obit aux ordres de Cordier qui n'est sans doute lui-mme que le receleur. Qu'est-ce qu'un receleur ? demanda Nick. Celui qui revend des objets vols. Les tableaux, par exemple... Doucement, fit Nol. Ta sur a vu dcharger des objets ronds et allongs comme des tapis. Or, ce sont des objets plats qui ont t drobs. Tu n'as pas entendu ce qu'on disait la radio ? Les toiles ont t coupes au ras ducadre... Une toile, a se roule ! s'exclama Nick. Le vtrinaire tait tout prt se laisser convaincre, car il ne lui aurait pas dplu de sortir un peu du train-train quotidien. L'occasion tait belle de jouer au dtective ; par personnes interposes, bien entendu-Prenant le point de vue du policier, il fit remarquer : Tu avais raison tout l'heure, mon garon : vous n'avez aucune preuve. On n'accuse pas un homme comme a ! C'est grave ! Cela peut ruiner son honneur et empoisonner sa vie. Voyez ce malheureux conservateur du muse... C'est vrai, se dirent les deux autres. Le pauvre M. Aujard qui doit tre l'objet des commrages et des cancans ! Nous avons davantage de preuves contre l'antiquaire qu'il n'y en a contre M. Aujard ! protesta Nick. Et, se souvenant de la lampe d'poque , il ajouta: En tout cas, on a la preuve que c'est un voleur!L'oncle Edouard balaya l'objection de la main. Tout ce que nous pouvons tenir pour certain, dit-il, c'est que Cordier et son commis veulent qu'on ignore d'o vient ce chien. Mais si quelqu'un peut vous aider, c'est bien moi!D'un air assur, il ajouta : Je suis vtrinaire et je connais chaque bte de la rgion. Si j'entends parler de quoi que ce soit, je vous ferai signe. Entendu, mon oncle. Vous gardez un il sur Cordier ; et nous* puisqu'on rentre demain, on va poursuivre l'enqute Brunires mme. La pendule fit entendre un faible dclic. Instinctivement, M. Besson tourna la tte et tapota l'endroit de son gousset comme pour en tirer sa montre. Mais il se rappela qu'il tait toujours en chemise de nuit.Cette fois, l'horloge ronronna. Deux heures! fit M. Besson au moment prcis o elle frappa le premier coup. Il est temps de retourner au lit, jeunes gens.

CHAPITRE X

L'ami des btes

..Au revoir, au revoir ! crirent le lendemain les occupants de la 404 grise en direction de la villa des Besson.Tandis que la voiture prenait de la vitesse, Nathalie se sentit le cur un peu triste et joyeux tout la fois. Triste, car on ne quitte pas un endroit familier sans quelque regret ; joyeux, car elle allait retrouver la maison de Brunires et toutes ses petites habitudes.Enfin, surtout, elle emportait le chaton !...Les parents avaient fini par se laisser flchir ; par lassitude, sans doute, et d'autant plus qu'ils avaient lutter contre le front commun des 3N: Laissez-la l'emmener! disait Nick. Tous nos voisins ont un chat ou un chien, pourquoi pas nous ?... Dans une maison o il y a un chat, ajoutait Nol, il n'y a jamais de souris !... Il est si petit... insistait la fillette.Bref. Aprs trois assauts conscutifs des allis, la forteresse s'tait rendue : Nathalie emportait la petite bte.A peine arrivs, elle se prcipita pour faire visiter son domaine au nouveau locataire. Le chaton parut raisonnablement satisfait. La maison des Renaud tait une vaste demeure btie un peu l'cart de Brunires o M. Renaud tait expert-compta