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LES TROIS NET LE BOUTON D'ARGENT

par Roberte ARMAND

QUAND Nick, Noel et Nathalie, les Trois N, partent en vacances, I'aventure n'est pas loin!

La découverte d'un étrange S.O.S. les amène jusque chez un très curieux personnage. Celui-ci leur raconte qu'il a été attaque par un mystérieux malfaiteur qui lui a dérobe... un bouton d'argent!

Aucun doute : un secret s'attache a cet objet. Et on peut faire confiance aux Trois N pour trouver la clé de I'enigme!

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ROBERTE ARMAND

LES

ET LE BOUTON D'ARGENT

ILLUSTRATIONS DE HENRIETTE MUNIERE

HACHETTE

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Série les

1. Les 3N et les voleurs d’images 1971 062. Les 3N et la maison brulée 1972 043. Les 3N et l’étrange voisin1972 094. Les 3N et les jumelles 1972 11 5. Les 3N et le chien jaune 1973 036. Les 3N et le bouton d’argent 1973 107. Les 3N et la pêche miraculeuse 1974 058. Les 3N et l’épouvantail 1975 039. Les 3N tendent un piège 1975 0810. Les 3N et le puits hanté 1976 0411. Les 3N sont sur la voie 1977 0812. Les 3N et les trois cygnes 1978 0613. Les 3N et le serpent python 1979 0114. Les 3N et les chats birmans 1979 10

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TABLE DES MATIERES

I. LE RADEAU 6II. UNE DROLE DE MAISON 19

III. LE MANTEAU 30IV. LE BOUTON 44V. LE CHAMPDECOURGES 54

VI. UNE TARTE A LA COURGE 63VII. LE SACRIFICE DE NATHALIE 75

VIII. LA LETTRE 85IX. LE VERROU 97X. LE SEPTIEME BOUTON 108

XI. UN ECLAIR AU CHOCOLAT 122XII. UNE VISITE 135

XIII. DES BONBONS A LA MENTHE 145XIV. LA VILLA « LES IFS 155XV. UN GAGE 165

XVI. LES BOLAS 180

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CHAPITRE PREMIER

Le radeau

NATHALIE se réveilla brusquement : un rayon de soleil lui avait chatouillé le nez.

« Tiens! se dit-elle, il fait beau? » Elle se leva d'un bond et courut, pieds nus, jusqu'à la fenêtre de sa chambre. A travers la vitre, elle aperçut le jardin si bien soigné de l'oncle Edouard. Les fleurs, trempées par la pluie de ces derniers jours,

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achevaient de s'égoutter, et là-haut, le ciel était bleu, si bleu!

« Quelle chance! » pensa la petite fille.Et, aussitôt après : « Je vais annoncer la

nouvelle aux garçons. »Elle enfila sa robe de chambre, ses pantoufles, et

courut jusqu'à la chambre voisine : celle-ci était vide. Déjà levés, Nick et Noël? Elle en eut la certitude un moment plus tard : de savoureuses odeurs de tartines grillées et de chocolat au lait, ainsi qu'un brouhaha de voix, montaient de la cuisine située à l'étage au-dessous. Nathalie dévala l'escalier, pénétra en coup de vent dans le sanctuaire de la tante Rosé : les deux garçons étaient en effet occupés à déjeuner.

« Alors, on ne m'attend pas? » protesta la fillette en accompagnant ces paroles d'une grimace qui la fit paraître plus jeune que ses neuf ans.

Son frère Nicolas — dit Nick — en fut exaspéré.

« En général, remarqua-t-il d'un ton aigre-doux, on n'a pas besoin de te sonner, quand il s'agit de manger!

— Ne commence pas tes taquineries de si bon matin! » intervint Noël, le

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grand cousin de douze ans, qui prenait toujours le parti de Nathalie.

Adopté par les Renaud depuis qu'il avait perdu ses parents, c'était le plus calme des trois enfants. Et tellement différent de Nick, qui n'avait pourtant qu'un an de moins!

« Le grand blond raisonnable et le petit brun remuant! » pensa Nathalie.

Elle les trouvait d'ailleurs très bien comme ça. Une fois de plus, elle se dit que Noël, Nicolas, et elle-même Nathalie — les Trois N — formaient un vrai trio d'inséparables.

Son cousin l'invita à s'asseoir près de lui, et remplit son bol. Pendant un moment, la fillette oublia qu'elle avait quelque chose à dire aux garçons. Ce ne fut qu'une fois son appétit calmé qu'elle annonça :

« Il fait beau.— Et après? grogna Nick. On s'en est aperçus

avant toi, non? Et même, il a bien fallu ça pour me faire lever si tôt!

— Personne ne t'empêchait de faire la grasse matinée, remarqua son cousin. En vacances...

— J'avais envie de faire une partie de

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foot, figure-toi : il y a une éternité qu'on n'a pas touché un ballon. Dis, vieux, tu es d'accord pour jouer avec moi?

— Euh... hésita Noël. As-tu pensé que les prés seraient tout mouillés? »

Nick, l'air excédé, leva les yeux au ciel.« Et alors ? Tu as peur pour tes rhumatismes?»Nathalie jugea qu'on s'éloignait du sujet qui lui

tenait au cœur.« Vous m'avez fait une promesse, déclara-t-

elle. Le premier jour de beau temps, vous deviez m'emmener jusqu'au ruisseau et me construire un petit moulin.

— Assez d'eau comme ça! protesta Nick. On en a vu tomber pendant une semaine...

— Une promesse, ça se tient! » répondit Nathalie d'un air digne.

Son cousin l'approuva aussitôt. Finalement, on convint que la partie de ballon aurait lieu le matin : on attendrait cependant que le soleil ait séché l'herbe. L'après-midi, le trio se rendrait au bord du ruisseau qui coulait non loin de la villa des Besson: les garçons y construiraient le fameux moulin.

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La matinée passa donc agréablement. Au repas, on parla du programme de l'après-midi.

« A votre place, conseilla l'oncle Edouard, j'irais faire marcher ce moulin plus loin : il y a des tas de jolis coins avec de l'eau, aux environs de Volny. Connaissez-vous la Sauvagine?

— Une petite rivière, je crois? répondit Noël.— Oui. A vrai dire, c'est plutôt un torrent,

qui coule dans une vallée très encaissée. Cela vaut le coup d'œil.

— Est-ce qu'il y a des truites, dans cette rivière? demanda Nick.

— Certainement, mais je n'ai jamais eu l'occasion d'en pêcher, faute de temps. »

L'oncle Edouard exerçait le métier de vétérinaire, ce qui l'occupait énormément. Il proposa sa canne à pêche à ses petits-neveux, qui acceptèrent avec enthousiasme. Quant à tante Rosé, elle emplit de provisions un panier dont la fillette eut la charge : de quoi faire un excellent goûter au bord de l'eau.

C'est ainsi que les Trois N partirent en expédition par un bel après-midi ensoleillé

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de la fin août. Après avoir dépassé la bourgade, ils s'engagèrent dans une étroite vallée formant comme une entaille dans la montagne. Tout au fond bouillonnaient les eaux d'un torrent. Le décor était austère : rien que des rochers gris, sur lesquels la végétation était rare.

« C'est beau à vous donner le frisson! déclara Nick sur un ton mélodramatique.

— La vallée de la Sauvagine mérite son nom, répliqua Noël : c'est sauvage et désert, par ici! »

Le fait est qu'on n'apercevait pas trace de vie humaine. Impressionnés, les enfants

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empruntèrent un étroit sentier qui suivait le bord de l'eau et marchèrent à la file indienne sans échanger trois paroles. Après deux kilomètres, la vallée s'élargit et devint plus accueillante. Il y avait des arbres, des buissons, et même une plage caillouteuse où les promeneurs décidèrent de faire halte.

« On aura du bois pour construire le moulin », remarqua Nick.

Pendant un quart d'heure, les garçons, munis de leurs canifs, coupèrent, sculptèrent, assemblèrent... Il en résulta un jouet formé de quatre ailettes autour d'un axe. Deux branches fourchues plantées verticalement dans l'eau supportèrent cet axe, et les ailettes se mirent à tourner sous l'effet du courant. Nathalie, ravie, sauta au cou des garçons.

« Ça va, ça va! dit Nick, coupant court à ces manifestations de reconnaissance. Maintenant amuse-toi, et laisse-nous pêcher la truite. »

L'air affairé, il se mit à monter la canne à pêche, qui était d'un modèle très perfectionné.

« Avec ça, je parie qu'on rapporte une friture à tante Rosé, assura-t-il.

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— Hum! fit Noël, moins optimiste que son cousin. Tu sais, c'est une pêche difficile!

— Défaitiste, va! » riposta Nick en haussant les épaules.

Il gagna un rocher en saillie au-dessus de la rivière, et d'un geste large, fit tournoyer sa ligne et la lança dans l'eau. Puis attendit... cinq minutes, dix minutes : rien. Plusieurs fois il recommença, mais sans succès.

« Tiens, essaie donc toi-même! » dit-il en passant la canne à Noël.

Il était furieux et déçu, d'autant plus qu'une expression moqueuse se peignait sur la ronde figure de Nathalie. Celle-ci, en effet, s'était lassée de voir tourner le petit moulin, et avait préféré s'installer près des pêcheurs.

Quand Noël rendit à son tour la ligne à son cousin, aucun poisson n'avait mordu : c'était à désespérer!

Le temps passait. Nathalie avait cessé de suivre les évolutions du bouchon pour poser les yeux sur le panier aux provisions. Ne serait-il pas bientôt l'heure du goûter? La marche et le grand air l'avaient terriblement creusée. Mais, craignant les

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moqueries de Nick, elle se garda bien de réclamer!

Pour éloigner la tentation, elle regarda fixement la rivière. C'est alors qu'elle vit flotter sur l'eau un objet insolite : une sorte de minuscule radeau, muni d'une voile de fortune aux dimensions d'un petit mouchoir.

« Attrape-le! cria Nathalie à l'intention de Nick.

— Je l'ai! » s'exclama le jeune garçon au même moment.

Mais il ne s'agissait pas du radeau, car, relevant sa ligne, il ramena triomphalement un petit poisson tout frétillant.

« Une truite? Bravo! » lança Noël en se précipitant.

Mais bientôt il s'écria d'un ton méprisant : « Elle est trop petite : il faut la rejeter à l'eau.

— Pour une fois que j'en tenais une! fit Nick rageur.

— Attrape-le! » cria encore Nathalie. Elle s'était totalement désintéressée de

la pêche de son frère, et suivait des yeux le fragile esquif, que le courant entrainait rapidement.

« Qu'est-ce que tu racontes? demanda

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Nick pas aimable du tout! Ah, tu veux parler de ce truc qui flotte? Attends! »

Reprenant place sur le rocher, il lança sa ligne. Les deux premiers essais furent infructueux. Au troisième, l'hameçon s'accrocha au radeau, et Nick le ramena sur la berge. Trois têtes se penchèrent sur l'objet : un carré de dix centimètres de côté environ, fait de roseaux entrelacés; au milieu, jouant le rôle de voile, un morceau d'étoffe blanche fixée à un bâtonnet vertical.

« Un radeau miniature sur cette rivière sauvage? Bizarre! commenta Noël.

— Pourquoi bizarre? coupa Nick. Des gamins l'auront fabriqué, et lâché un peu plus haut dans le courant.

— C'est sans doute la bonne explication. Pourtant...

— La voile! jeta Nathalie. Avez-vous vu la voile?

— Eh bien, quoi? Un morceau de tissu quelconque... sans doute un vieux mouchoir.

— Il y a quelque chose d'écrit dessus! insista la fillette.

— Ma foi, tu as raison! admit Nick. Mais c'est presque illisible. »

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Trois lettres noires, à demi effacées, apparaissaient sur l'étoffe : on aurait dit qu'elles avaient été tracées avec un morceau de charbon. Noël déchiffra : S.O.S.

« C'est un appel au secours? demanda Nathalie.

— Evidemment. Que veux-tu que ce soit d'autre?»

Nick bondit.« Quelqu'un est en danger, plus haut sur la

rivière : on y court!— D'accord! accepta Noël.

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— D'accord! » répéta Nathalie, non sans regret : elle devrait abandonner le moulin, et renoncer provisoirement au

goûter tant attendu! Avec un soupir, elle reprit le panier aux provisions et suivit les garçons qui longeaient à nouveau le bord de l'eau, en remontant le cours de la rivière : l'appel au secours ne pouvait venir que de ce côté-là.

Le trio parcourut encore un kilomètre, à une allure aussi rapide que le permettaient les difficultés du trajet. Parfois, le sentier était tellement resserré entre la rivière et la falaise, qu'il y avait tout juste la place de passer. A d'autres moments la rive s'élargissait en petites plages, certaines envahies de roseaux.

C'est sur l'une d'elles que Nick, qui marchait en tête, aperçut l'homme : un être barbu, chevelu, à l'aspect demi-sauvage. Assis au bord du torrent, le dos contre un rocher, il avait les yeux fermés et paraissait souffrant. Pris de pitié, les garçons s'approchèrent, suivis à bonne distance par Nathalie que l'apparence de l'inconnu effrayait.

Noël se penchait sur l'homme.« Vous êtes malade, monsieur? »

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L'interpellé ouvrit les yeux, regarda les trois enfants avec surprise et finit par répondre :

« Ainsi, vous avez trouvé le petit radeau que j'ai confié à la rivière? C'est une chance! J'avais peu d'espoir que quelqu'un répondît à mon message. »

Comme si ces paroles lui avaient coûté un trop gros effort, il referma les yeux et resta silencieux un moment.

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CHAPITRE II

Une drôle de maison

NICK brûlait de curiosité.« Vous êtes blessé, monsieur? demanda-t-il.— Oui, fit l'inconnu en montrant sa jambe

droite. Une grosse pierre m'est tombée sur le pied : je crains d'avoir quelque chose de cassé.

— Qu'est-ce que nous pouvons faire pour vous? demanda Noël.

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— M'aider à rentrer chez moi : c'est tout près d'ici.

— Mais... je n'aperçois pas de maison! » s'écria Nathalie, après avoir inspecté l'étroite vallée sans y déceler le moindre signe de vie.

Les garçons n'étaient pas moins étonnés. Pour prétendre habiter ce lieu désert, cet homme devait divaguer! Peut-être avait-il la fièvre?

L'inconnu devina sans doute leurs pensées, car il dit en souriant :

« Ma maison n'est pas comme celles que vous avez l'habitude de voir. Regardez : elle se trouve là-haut, à flanc de falaise. »

Trois têtes se levèrent dans la direction indiquée. O surprise! A une dizaine de mètres au-dessus du sol, les enfants virent briller une vitre qui réfléchissait la lumière du soleil. Il y avait là, non pas une maison, mais une façade de maison. De plus, en regardant bien, ils aperçurent de minuscules marches d'escalier taillées dans le roc, à partir de la base de la falaise jusqu'au niveau de la porte d'entrée.

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« J'y suis! s'exclama Nick : c'est une habitation troglodyte.

— Je ne savais pas qu'il en existait par ici! s'ébahit Noël.

— Il y avait jadis tout un village troglodyte, maintenant abandonné, expliqua le blessé. Je me suis installé dans une de ces maisons, que j'ai remise en état. Maintenant, si vous voulez bien... »

II essaya de se lever, mais un gémissement de douleur lui échappa. Les garçons se précipitèrent.

« Passez un bras sur mon épaule, offrit Noël. Toi, Nick, soutiens-le de l'autre côté. Prêt? Allons-y. »

L'homme était de taille moyenne, et plutôt mince : sans trop de peine, les deux cousins le soulevèrent et le firent marcher. Quant à Nathalie, elle se contenta de les suivre en se chargeant du matériel de pêche abandonné par son frère.

Ainsi aidé, le blessé parvint aisément au pied de l'escalier; c'est alors que les difficultés commencèrent : plus moyen d'avancer à trois de front, ni même à deux. Noël se plaça devant l'éclopé, Nick se mit derrière, et, l'un tirant, l'autre

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poussant, ils le hissèrent de marche en marche, non sans de nombreux arrêts pour souffler. L'homme souffrait visiblement, mais serrait les dents. Quand enfin tout le monde se retrouva sur une plateforme précédant la maison, il paraissait à bout de forces.

Noël et Nick, eux, étaient en nage, et Nathalie très impressionnée par la vue plongeante qu'on avait sur la rivière. Un faux pas, et c'était la chute le long de la paroi presque verticale.

« Un drôle d'endroit pour habiter! commenta-t-elle à mi-voix.

— Moi, je trouve ça chouette, déclara son frère.

— ... mais déconseillé pour les somnambules», remarqua Noël en souriant.

Cependant le blessé ouvrait la porte, qui ne possédait qu'un simple loquet, et, sautillant sur son pied valide, pénétrait dans une pièce éclairée par la seule fenêtre de la façade. Alors il fit signe à ses jeunes compagnons de le suivre.

« Eh bien, si je m'attendais...! s'écria Nick.

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— Qu'est-ce qui t'étonne? lui demanda Noël. Vue de l'intérieur, cette maison ressemble à toutes les autres.

— Justement! Je croyais trouver...— ... une grotte du genre préhistorique, sans

doute?— Eh bien, oui, là!— Tu t'es trompé, voilà tout. » Effectivement,

la pièce où ils pénétrèrent avait des murs lisses passés à la chaux, le long desquels couraient des étagères. Comme meubles, une table rustique, trois tabourets, ainsi qu'une paillasse posée sur un bat-flanc. Le tout d'une propreté impeccable.

L'éclopé, s'appuyant aux murs, gagna le lit rudimentaire et s'y laissa tomber avec un soupir de soulagement. Profitant de ce qu'il se reposait, les enfants examinèrent de plus près le logis.

Soudain Nick interpella les autres : « Hep, venez voir! »

Planté devant les étagères qui garnissaient l'une des parois, il observait avec curiosité une série de flacons, de pots, de petites bouteilles contenant des liquides où macéraient des plantes ou des parties de plantes. Sur chacun d'eux était

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collée une étiquette avec un nom écrit à la main.

« Gentiana lutea, Chelidonium majus, déchiffra Noël en s'approchant. Dis donc, c'est du latin!

— Alors, fit Nathalie subjuguée, cet homme sait le latin?

— Et il connaît aussi la botanique, répliqua son frère. On se croirait dans la boutique d'un herboriste!

— Ou dans l'officine d'un pharmacien, suggéra Noël.

— Tu crois qu'il s'agit de remèdes?

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— Peut-être bien. »La fillette était de moins en moins à son aise.

Cette étrange maison taillée dans le roc... Ces flacons, dont certains — qui sait? — contenaient peut-être du poison?... Cet homme à l'aspect sauvage... tout cela lui donnait la sensation d'avoir pénétré dans l'antre d'un sorcier.

Pourtant, l'appel qui parvint aux Trois N provenait d'un être humain comme tous les autres, et qui plus est, souffrant d'une blessure au pied.

« Pouvez-vous m'apporter le flacon d'arnica qui se trouve sur cette étagère? disait-il. Une friction me soulagera. »

Prise de remords, Nathalie apporta le remède et déclara qu'elle ferait elle-même la friction. Avec des gestes précautionneux, elle enleva l'espadrille qui chaussait le pied malade : celui-ci apparut, enflé et tuméfié. La fillette prit sur sa paume un peu de liquide où baignaient des fleurs jaunes, et frotta longuement l'endroit douloureux.

« Ça va mieux, déclara le blessé. Merci, mon enfant. Si vous voulez, je vous raconterai, ainsi qu'à vos frères, l'aventure qui m'a valu ce pied blessé. »

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Il se redressa sur sa paillasse, et les Trois N, curieux, l'entourèrent.

« II y a une heure, dit-il, j'étais en train de pêcher au bord de la rivière...

— Tiens, comme nous! interrompit Nick. Mais nous n'avons rien pris... enfin, presque rien.

— Moi si, affirma le vieil homme : trois belles truites que j'avais mises dans un seau. Je m'apprêtais à ferrer un quatrième poisson lorsqu'un homme s'est jeté sur moi pour me voler...

— ... les truites? suggéra Nathalie.— Vous n'y êtes pas! Il m'a tout bonnement

dépouillé du manteau que j'avais sur le dos.— Votre manteau! » répéta Noël incrédule.Les Trois N évaluèrent du regard le pantalon

rapiécé et la chemise d'un bleu passé que portait leur hôte. Si le manteau était du même genre, il n'y avait pas de quoi tenter un voleur!

« Cela vous étonne, n'est-ce pas? s'écria le blessé en souriant. Moi aussi : ce vêtement était fort usagé, comme le reste. Et cependant... »

Nathalie crut trouver une explication.

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« Peut-être le voleur était-il un vieux vagabond mal vêtu?

— Eh bien non, justement! Il était plutôt jeune, et assez bien habillé.

— Bizarre! commenta Nick.— Mais alors... cette blessure au pied, d'où

provient-elle? s'enquit Noël.— C'est en voulant poursuivre mon voleur,

expliqua l'homme. Il a d'abord remonté le sentier du bord de l'eau, puis obliqué sur la droite pour escalader la falaise : je me suis lancé derrière lui. Soudain, un bloc de rocher s'est détaché. Je n'ai pas réussi à l'éviter, et...

— Peut-être bien que cet individu a fait rouler le caillou exprès? suggéra Nick.

— C'est possible, mais je préfère croire qu'il s'agit d'un accident. Risque-t-on de blesser un homme, simplement pour s'emparer d'un vieux manteau?

— Sans doute a-t-il une grande valeur à ses yeux? fit Noël songeur.

— Je ne vois pas laquelle. En tout cas, cette blessure a mis fin à la poursuite, comme vous pouvez penser. C'est en me traînant que j'ai regagné la rive, sur laquelle j'avais abandonné mon seau et

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ma canne à pêche. J'ai essayé de rentrer seul chez moi, mais cela m'a été impossible. C'est alors que l'idée m'est venue de confier au courant un petit radeau tressé avec des roseaux. Sur mon mouchoir servant de voile, j'ai tracé un S.O.S. à l'aide d'un morceau de charbon de bois rejeté par la rivière. J'espérais qu'un pêcheur trouverait le message...

— ... et un pêcheur l'a trouvé : moi, déclara Nick d'un air satisfait.

— Comment, toi? C'est moi qui ai vu le radeau! rectifia Nathalie.

— Mais c'est moi qui l'ai attrapé! riposta son frère.

— Inutile de vous chamailler, intervint Noël. Nous sommes venus, c'est l'essentiel. Que pouvons-nous faire encore pour vous, monsieur?

— Rien, mes enfants. Je me débrouillerai bien tout seul, maintenant que je suis chez moi.

—Et qui vous fera à manger ce soir, alors que vous ne pouvez pas marcher? » s'écria Nathalie, toujours pratique.

En inspectant la pièce, elle avait trouvé une caisse contenant quelques maigres

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provisions : à peine de quoi faire un repas décent.

C'est alors qu'un véritable combat se livra dans la tête de la fillette. Les provisions du panier étaient intactes : pourquoi ne pas les donner à l'invalide? Oui, mais... elle-même se sentait tellement affamée, après cette course au grand air!

Ce fut dans un accès d'héroïsme qu'elle finit par proposer aux deux autres : « Nous pourrions lui laisser notre goûter?

— Bonne idée! » approuva Noël.Quant à Nick, il remarqua d'un air faussement

apitoyé :« Ma pauvre petite sœur va périr d'inanition! Je

suis sûr que cela lui fera perdre quelques grammes!»

Nathalie, d'abord vexée, eut une riposte foudroyante :

« Tant pis! Je me rattraperai ce soir en mangeant le monceau de truites pêchées par mon frère! »

Ce fut au tour de Nick de se sentir mortifié.

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CHAPITRE III

Le manteau

QUELQUES minutes plus tard, les enfants prirent congé de leur nouvel ami, et descendirent l'un derrière l'autre l'escalier de la falaise. A peine avaient-ils posé les pieds sur la rive, que Nick se frappa le front. « J'ai une idée.

— Vas-y, on t'écoute.

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— Je pense qu'on pourrait aller chercher les truites, et...

— Quoi! interrompit Nathalie, tu veux recommencer à pêcher, à cette heure-ci? Pour ce que tu attrapes!

— Quelle idiote! Je parle des truites qui sont restées dans un seau au bord de la rivière : tu as bien entendu ce que l'homme a raconté?

— Ah bon! Dans ce cas, je suis d'accord.— Moi aussi, appuya Noël. Nous les lui

rapporterons, ainsi que sa canne à pêche. »Les Trois N continuèrent à remonter le sentier

longeant la rivière : ils n'avaient pas fait cent mètres que Nathalie apercevait de loin la ligne abandonnée. Quant au seau, il était à l'abri d'un buisson : trois truites de belle taille y remuaient encore. Au moment de rebrousser chemin, Nick déclara : « J'ai une autre idée.

— Décidément, ça chauffe, là-dedans! remarqua Noël en touchant le front de son cousin. Qu'est-ce que tu as encore en tête?

« J'ai une autre idée. »

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— Si l'on poursuivait un moment dans cette direction, on retrouverait peut-être des traces du voleur.

— Tu te fais des illusions! D'abord, il y a belle lurette qu'il a disparu. Ensuite, tu sais très bien qu'il s'est sauvé en escaladant la falaise.

— Nous ferons comme lui...— ... à condition de trouver l'endroit!— Moi, je suis d'avis qu'il faut essayer,

intervint Nathalie.— Bon, bon! céda Noël. Puisque la majorité

l'emporte... »Les Trois N laissèrent en attente le seau et la

canne à pêche, et reprirent leur marche. Quelques centaines de mètres plus loin, Nick s'immobilisa, l'air perplexe. A cet endroit, une sorte de sentier rocheux montait à l'assaut de la falaise. Peut-être s'agissait-il de l'issue empruntée par le voleur? Soudain, Nathalie fit remarquer :

« Il y a un bloc de rocher juste au pied : sans doute celui qui a blessé l'homme?

— Probable, admit Noël. Allons-y! » Les enfants escaladèrent l'abrupte

paroi sans trop de peine. Arrivés au sommet,

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ils s'aperçurent qu'ils étaient sur un plateau : devant eux, des champs cultivés; loin sur leur gauche, les maisons d'un village. Quel contraste avec la vallée sauvage d'où ils venaient! C'était comme si, tout d'un coup, ils avaient retrouvé la civilisation. Mais personne n'était en vue.

— Ton voleur ne nous a pas attendus! fit Noël d'un ton ironique.

— D'abord, ce n'est pas MON voleur, riposta son cousin. Ensuite, je ne m'attendais nullement à le retrouver, lui. Ce sont ses traces que je cherche.

— Des traces de pas? Cherchons-en sur ce petit chemin », suggéra Nathalie.

En effet, une voie étroite s'ouvrait à travers champs, paraissant se diriger vers le village. Mais on n'y distinguait pas grand-chose, à part de vieilles ornières, car le soleil succédant à la pluie avait desséché le sol.

« Suivons-le quand même », proposa Nick.Le chemin était bordé par des buissons touffus.

Soudain, émergeant à peine du feuillage de l'un d'eux, Nathalie crut distinguer un morceau d'étoffe de teinte

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sombre. Elle le saisit, tira,... et vit tomber à ses pieds un vêtement de lainage brun roulé en boule. La fillette héla aussitôt son frère et son cousin qui marchaient devant.

« Nick! Noël! Je crois bien que je l'ai!— Que tu as quoi? fit Nick avec

impatience.— Le manteau volé!— Pas possible! Où ça?— Il était dissimulé dans un buisson. »Les garçons s'approchèrent et examinèrent à

leur tour le vêtement : c'était un pardessus de bonne qualité, qui avait dû coûter cher autrefois. Mais, à force d'avoir été porté, il était maintenant tout élimé.

« Par exemple! s'exclama Noël qui prolongeait son examen. Avez-vous remarqué? Tous les boutons ont été arrachés!

— Tu crois que c'est le voleur qui les a enlevés? demanda Nick.

— Il y a des chances. A moins que ce ne soit le propriétaire du manteau lui-même. Nous n'allons pas tarder à le savoir.

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- Comment ça? demanda Nathalie, surprise.- En lui rendant une nouvelle visite, tiens! »Cependant, par acquit de conscience, les Trois

N fouillèrent les alentours du buisson, mais sans trouver trace des boutons disparus. Alors ils rebroussèrent chemin aussi vite qu'ils le purent, car cette affaire commençait à les intriguer. Néanmoins ils n'oublièrent pas de se charger, au passage, du seau et de la canne à pêche.

Ils trouvèrent le blessé dans la même position: assis sur sa paillasse, il grignotait quelques biscuits.

« Quoi! Vous êtes revenus? s'écria-t-il surpris.— Oui, monsieur. Nous vous rapportons ceci,

ceci, et encore ceci », déclara Noël en posant successivement près de l'invalide le seau, la ligne et enfin le manteau.

A la vue du vêtement qui lui avait été dérobé, l'homme sursauta.

« Comment! Vous l'avez retrouvé? Je me demande alors ce que...

— Attendez, monsieur, dit précipitamment Nick.

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Tous les boutons ont été enlevés. Est-ce qu'ils y étaient, quand on vous l'a pris?

— S'ils y étaient? Bien sûr! Il n'en manquait pas un seul, je peux vous l'affirmer.

— Dans ce cas, on comprend de moins en moins, commenta le jeune garçon. Se faire voleur pour un vieux pardessus, c'était déjà bizarre. Mais pour une demi-douzaine de boutons... »

L'homme paraissait songeur.« Des boutons! répéta-t-il. Je me demande... »Mais il n'en dit pas davantage. D'ailleurs Noël

s'écria, après un regard à sa montre :« Six heures et demie déjà! Nous allons être

en retard pour le repas. Que va dire tante Rosé?— Tante Rosé? » interrogea le blessé. Ce fut

Nathalie qui répondit :« C'est la femme de l'oncle Edouard.— Ha, ha! Comme c'est précis! » fit Nick,

moqueur.Et il ajouta à l'intention de leur hôte : « Notre

grand-oncle s'appelle Edouard Besson, et il est vétérinaire à Volny.

— J'ai entendu parler de lui, fit le blessé dont le visage s'éclaira. Eh bien, allez vite le rejoindre. »

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Les Trois N se précipitaient vers la porte. L'homme les rappela :

« Attendez! J'aimerais que vous emportiez ces truites.

— Les emporter? protesta Nathalie. Mais vous, monsieur...

— J'ai les provisions que vous m'avez laissées. Et je ne pourrais pas, dans l'état où je suis, préparer un plat de poissons. Prenez-les, vous me ferez plaisir. »

Ravi, Nick fit passer les trois truites dans son propre panier.

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« Comme ça, tu pourras te vanter de les avoir pêchées toi-même! lui dit sa sœur avec un clin d'œil malicieux.

— Dis donc, tu me prends pour qui? riposta Nick très digne.

— Cette fois, on file! déclara Noël avec décision.

— Attendez encore! »Le trio étonné se tourna vers le blessé, qui

poursuivit : « Si vous voulez gagner du temps, passez donc par la pièce du fond : vous y trouverez un escalier intérieur qui mène au sommet de la falaise. De là, un chemin vous conduira rapidement à Volny. »

Les Trois N remercièrent et gagnèrent un réduit obscur qui faisait suite à la pièce principale. Une volée de marches en partaient : elles aboutissaient à une petite porte qui, elle non plus, ne fermait pas à clef. L'ayant ouverte, les Trois N se trouvèrent dans un chemin creux. Ils le suivirent sur leur droite, et rejoignirent bientôt une route plus large qu'ils reconnurent : elle se dirigeait droit vers la bourgade de Volny. Bientôt apparurent les premières fermes, puis l'agglomération

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elle-même, et enfin, un peu en dehors, la villa des Besson.

*************************************

« Décrivez-moi votre nouvel ami et soyez plus précis », demanda l'oncle

Edouard.Tout le monde était réuni autour de la table du

dîner, ce même soir, et les Trois N racontaient leur équipée. Mais comme ils parlaient tous à la fois, le vétérinaire et sa femme n'avaient pas compris grand-chose à leur récit.

« C'est un drôle de bonhomme, expliqua Nick, Ni jeune ni vieux. Beaucoup de barbe et de cheveux...

— Un peu l'air d'un sauvage, poursuivit Nathalie. Au début, il m'a fait presque

peur. »Nick haussa les épaules. « Je te savais

froussarde, mais à ce point-là!... Un type très sympathique, à mon avis.

— Moi aussi, je l'ai trouvé sympathique... après, rectifia la fillette.

— Et drôlement instruit! ajouta son frère : il possède des tas de bocaux avec des noms latins...

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— Dans ces bocaux, il y a toutes sortes de plantes, précisa Noël.

— N'en dites pas plus long! interrompit l'oncle Edouard. Ce dernier détail me permet d'affirmer qu'il s'agit de l'ermite.

— L'ermite?— On l'appelle ainsi parce qu'il s'est retiré du

monde il y a une dizaine d'années, après avoir perdu sa femme et ses deux petits garçons dans un accident d'avion.

— Le pauvre homme! » fit Noël, chez qui ces paroles évoquaient de douloureux souvenirs.

L'oncle Edouard posa sur lui un regard affectueux et poursuivit :

« Son vrai nom est Verrier. Avant, il était médecin à Paris. Très réputé, il gagnait beaucoup d'argent. Du jour au lendemain, il a tout laissé et s'est installé où vous l'avez rencontré.

— Pourquoi ici plutôt qu'ailleurs? s'étonna Nick.

— Il connaissait le pays pour y être venu en villégiature.

— De quoi vit-il? demanda Noël.— Il continue à soigner les gens et les bêtes

avec des remèdes à lui, à base

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de plantes. Il ne réclame aucun salaire, mais les villageois, pour le remercier, lui fournissent ce dont il a besoin.

— Le pauvre, il ne possède presque rien! fit remarquer Nathalie. Et quelle drôle de maison... glodyte, je crois?

— Tro... rectifia son frère.— Trop ou pas assez, qu'est-ce que ça peut

faire? Vous avez dit « glodyte », Noël et toi. »Un éclat de rire général accueillit cette

réflexion.« De quoi riez-vous? questionna la fillette d'un

air pincé.— De ta bêtise, répliqua Nick.— Mais non, dit Noël désireux d'arranger les

choses. C'est seulement trop difficile pour elle. Ecoute, Nattie, « troglodyte » s'écrit en un seul mot. Et les troglodytes, ce sont les gens qui utilisent pour se loger les cavités naturelles des rochers.

— Ah bon! Cette fois, j'ai compris. Et nous allons y retourner, j'espère, dans cette maison tro-glo-dyte?

— Certainement : je crois qu'il serait bon d'aller voir comment se porte l'ermite. Et puis

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en le quittant, hier, je lui ai promis de lui rapporter une bande Velpeau. Oncle Edouard, vous en avez sans doute? Est-ce qu'on peut vous demander...

— Bien sûr, bien sûr! accepta le vétérinaire en souriant. J'ai beaucoup d'estime pour l'ermite, et je suis prêt à lui rendre tous les services que vous me demanderez.

— D'ailleurs, il vous a donné trois truites superbes, intervint Mme Besson : je les préparerai demain et nous les mangerons au repas de midi.

— Alléchante perspective! commenta l'oncle Edouard.

— Et comment! ajouta Nick avec malice: chacun sait que la tante Rosé est un vrai cordon bleu! »

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CHAPITRE IV

Le bouton

EST-CE qu'on y va par le bord de la rivière? demanda Noël d'un air hésitant.

— Oui : ce sera plus agréable, par cette chaleur», répondit son cousin en s'épongeant le front.

Le trajet fut parcouru allègrement. Pas question de pêche aujourd'hui, mais les

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Trois N étaient chargés de paquets : des bandes Velpeau données par l'oncle Edouard; des provisions, cadeau de la tante Rosé, et même une couverture usagée : tout cela destiné à l'ermite bien entendu.

« Je suis contente de le revoir », déclara Nathalie alors que le trio escaladait l'escalier taillé dans le roc.

« Quelle girouette tu fais! s'écria Nick! Hier tu avais peur de lui!

— Plus aujourd'hui, figure-toi! »Elle pénétra la première dans la maison, en

criant joyeusement :« Bonjour, monsieur! » Mais il n'y eut pas de

réponse. Le blessé n'était plus sur sa paillasse, et pas davantage dans les autres parties de la maison, comme les enfants eurent tôt fait de s'en assurer. Nick monta jusqu'à la porte d'en haut, tandis que Noël fouillait le petit réduit, ainsi qu'une autre pièce que les enfants n'avaient pas remarquée la veille : elle était séparée de la première par une porte munie d'un verrou, et une fenêtre très étroite donnant sur la rivière l'éclairait parcimonieusement.

« Envolé! conclut-il. Pourtant, il n'y a

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pas trace de désordre dans la maison. S'il est parti, c'est de son plein gré.

— En marchant à cloche-pied, je suppose? coupa Nick avec ironie.

— Alors, quelqu'un l'a emmené? » interrogea Nathalie, déçue et inquiète.

Mais, en s'approchant de la table rustique, elle y trouva un billet sur lequel étaient marqués ces mots : « Pour les petits-neveux de M. Besson ».

Dans ce message, l'ermite expliquait qu'il se trouvait au village de Cernac, chez le fermier Jeangros. « Suivez sur la gauche le sentier au sommet de la falaise, écrivait-il, c'est la première maison que vous rencontrerez. »

Le petit chemin poussiéreux, qu'ils prirent dans le sens indiqué, faisait suite précisément à celui sur lequel ils avaient, la veille, découvert le vieux manteau. Ayant dépassé le buisson qui avait servi de cachette, les enfants marchèrent encore cinq minutes avant d'arriver à une maison modeste, précédée d'une cour où picoraient quelques poules. Un gros chien, dans sa niche, leur fit un accueil sonore. Une femme corpulente à la figure aimable accourut au bruit.

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« Nous désirons voir monsieur... euh... l'ermite, bafouilla Noël.

— Ah! C'est vous les trois enfants qu'il attend? Suivez-moi. »

Elle expliqua que, le soir précédent, son mari avait rendu visite au solitaire.

« Il lui portait du lait et du pain, comme il le fait souvent depuis que cet homme a si bien soigné ses rhumatismes. Et voilà qu'il l'a trouvé blessé au pied, et tout fiévreux. Mon Eugène n'a fait ni une ni deux : il est venu atteler la carriole et a ramené l'ermite chez nous. Ensuite on a fait venir le docteur pour examiner ce pied : il craint une fracture.

— Que va devenir l'ermite? s'inquiéta Noël.— Le médecin vient le chercher cet après-

midi pour le conduire à l'hôpital de la ville voisine. Tenez, entrez ici, vous pourrez lui parler. »

Ayant précédé les Trois N dans un étroit couloir, elle ouvrit la porte d'une modeste chambre. Sur un lit était étendu l'ermite. Il se souleva en voyant entrer les enfants, et une expression de soulagement se peignit sur son visage.

« Je vous attendais, dit-il : il faut

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absolument que je vous parle avant mon départ pour l'hôpital. J'aurais préféré me soigner seul, mais le médecin veut me faire une radio, et éventuellement un plâtre. Je ne sais quand je reviendrai, et d'ici là...

— D'ici là? répéta Noël.— Il peut se passer bien des choses. C'est au

sujet du vol du manteau...— Vous avez trouvé une explication? coupa

Nick très agité.— Je crois que oui. Hier, quand vous m'avez

parlé des boutons disparus, cela m'a vaguement rappelé quelque chose. Tout m'est revenu en mémoire cette nuit, alors que je souffrais d'insomnie à cause de mon pied. Il y a six mois environ, l'un des boutons s'est décousu. Je n'y avais jamais beaucoup fait attention. Mais en voulant le recoudre, j'ai constaté qu'il était différent des autres: c'était un bouton d'argent avec une gravure en relief. Les autres étaient en métal plus ordinaire.

— Que représentait la gravure? demanda Nathalie.

— J'avoue ne plus m'en souvenir : l'incident remonte à six mois, je vous

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l'ai dit. Mais, jugeant que ce bouton avait une certaine valeur, je l'ai alors mis en lieu sûr, non sans l'avoir remplacé par un autre, qui lui ressemblait. Et maintenant je me demande si...

— ... si le voleur d'hier ne voulait pas s'emparer de ce bouton? C'est l'évidence même! » affirma Nick.

Cependant Noël réfléchissait.« Etes-vous sûr, monsieur, qu'il était seul de

son espèce? Je veux dire... il y avait peut-être plusieurs boutons d'argent à ce manteau? »

L'ermite secoua la tête : « Tous les autres étaient de métal ordinaire, seul celui-ci était en argent.

« Dans ce cas, s'étonna Nathalie, pourquoi le voleur les a-t-il tous enlevés?

— Il était pressé, expliqua Noël, et, pour se débarrasser du manteau qui ne l'intéressait pas, a coupé tous les boutons sans les examiner, sûr que l'un d'eux serait le bon.

— Quelle valeur ce bouton unique peut-il présenter pour lui? dit Nick, réfléchissant à voix haute.

— L'argent est un métal précieux, suggéra sa sœur.

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— Bah! Même en or, ça ne vaudrait pas le coup! Un bouton ne pèse pas lourd. Non et non : sa valeur ne vient pas du métal, mais d'autre chose.

— Peut-être de la gravure? suggéra Noël.— Peut-être, admit le blessé. J'ai envisagé des

tas d'hypothèses, cette nuit, mais aucune ne me satisfait. Et maintenant le temps presse : le voleur s'est certainement aperçu qu'il ne détenait pas le bon bouton, et...

— ... et il doit faire une drôle de tête! décida Nick, en gloussant de rire.

— Peu importe sa tête! riposta Noël. L'ennui, c'est qu'il va sans doute recommencer son coup. C'est bien ce que vous craignez, n'est-ce pas, monsieur?

— Evidemment. Aussi je vais vous demander de retourner chez moi, et de prendre ce bouton : je l'ai caché dans un trou du mur derrière la rangée de bocaux. Je vous en prie, faites vite!

— Nous y allons, décida Noël. Mais, une fois que nous aurons le bouton, que devrons-nous en faire? Le garder jusqu'à votre retour? »

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Le blessé secoua la tête. « Il ne m'appartient pas.

— Comment! Le manteau était à vous, pourtant?

— Non, dit l'ermite. Enfin, pas depuis longtemps. Il m'a été donné par une jeune fille nommée Cécile Martin, qui a voulu me remercier de l'avoir soignée d'une bronchite. J'estime que ce bouton doit lui revenir, surtout s'il a de la valeur.

— Facile, dit Nick. Elle habite à Cernac? Dans ce cas nous courons chercher le bouton et le lui rapporterons aussitôt.

— C'est malheureusement impossible,

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objecta l'ermite. Mlle Martin a quitté le village il y a trois mois, et travaille maintenant à Brunières. Je suis incapable d'en dire davantage. »

II paraissait si anxieux que, sans plus insister, Noël fit signe aux deux autres de partir.

« Nous ferons pour le mieux », assura-t-il à l'intention de l'ermite.

Le trio quitta la ferme au moment où l'automobile du docteur y entrait. Rassurés sur le sort de leur nouvel ami, les Trois N éprouvaient soudain un peu d'inquiétude au sujet de la mission qu'il leur avait confiée. Elle leur avait paru facile, tout d'abord. Plus maintenant.

« II faut à tout prix devancer cet individu! » s'écria Nick, exprimant ainsi l'opinion générale.

Et il se mit à foncer vers la maison de l'ermite, suivi tant bien que mal par sa sœur et son cousin.

Le trajet parut long à Nathalie : elle était à bout de souffle et tout à fait en queue de peloton, lorsqu'elle vit son frère ouvrir la porte du haut et s'y engouffrer. Noël attendit sa cousine pour descendre avec elle.

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A première vue, rien ne paraissait changé dans la maison de l'ermite. En regardant mieux, il sembla à la fillette que la paillasse avait été remuée. Pourtant, le reste paraissait en bon ordre, en particulier la rangée de bocaux derrière lesquels Nick et Noël commençaient déjà l'examen du mur pour y découvrir la cachette. Alors, rassurée, Nathalie se joignit à eux, et ce fut elle qui l'aperçut la première : une petite fente dans le mur, juste derrière un bocal contenant une décoction d'Urtica diœca. A peine eut-elle, du bout de l'ongle, fait sortir le bouton d'argent qui s'y trouvait, que Nick le lui arracha. Ignorant les protestations de sa sœur, il se tourna vers la lumière pour mieux examiner l'objet.

Mais il resta le bras en l'air, paralysé par la frayeur : une tête d'homme s'écrasait derrière la vitre, et une paire d'yeux scrutateurs suivait, sans en rien perdre, les gestes des Trois N!

Il/, ,

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CHAPITRE V

Le champ de courges

LE GUETTEUR s'était aussitôt éclipsé, mais déjà Nick, ayant retrouvé son sang-froid, donnait l'alarme :

« Il est ici, sur la plate-forme », souffla-t-il.Au ton de sa voix, les deux autres comprirent

immédiatement qui était ce « il » mystérieux. Noël réagit très vite : prenant la main de sa cousine, il l'entraîna vers

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le fond de la pièce et lui fit monter l'escalier quatre à quatre. Nick enfouit le bouton dans sa poche et les suivit. Un rapide conciliabule eut lieu au moment où le trio franchissait la porte.

« Partez tous les deux, ordonna le jeune garçon, et filez droit chez l'oncle Edouard. Le voleur m'a vu avec le bouton à la main : c'est moi qu'il poursuivra. »

Pendant une fraction de seconde, Noël hésita : il lui répugnait de laisser son cousin courir un tel danger tout seul. Mais il y avait Nathalie : pour elle il valait mieux obéir à cette suggestion.

« A une condition, dit-il enfin. Tu vas me confier le bouton. L'essentiel est que le voleur CROIE que tu l'as.

— D'accord! répondit Nick, qui se mit à fouiller ses poches. Il en retira successivement un mouchoir froissé, un canif, de la ficelle, du chewing-gum mâché... mais pas de bouton.

— Dépêche-toi! ! » lui cria Noël avec un regard inquiet vers la porte.

Quant à Nathalie, elle ne dit rien, mais on la sentait tendue, frémissante de frayeur contenue.

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« Il y a un tel fatras là-dedans! grogna Nick, qui continuait son déballage avec des gestes de plus en plus fébriles. Où diable ai-je pu... »

Sa phrase resta en suspens, car il venait d'entendre un bruit de pas sur l'escalier.

« Il arrive! Filez vite, et tant pis pour le bouton, lança-t-il aux deux autres. C'est moi qui le garde : faites-moi confiance, je ne me le laisserai pas prendre!

— Alors, sois prudent et rejoins-nous le plus tôt possible! » lui cria Noël tout en détalant, la main de Nathalie dans la sienne.

Nick retrouva le bouton presque aussitôt : il était coincé au fond de sa poche droite. Trop tard pour le confier à Noël. Eh bien, tant pis! Il en assumerait seul la responsabilité.

Mais, malgré le ton détaché de ses dernières paroles, le jeune garçon n'en menait pas large. S'il avait pu se sauver immédiatement, il aurait eu des chances, doué comme il l'était pour la course à pied, de semer l'adversaire. Seulement voilà! Décidé à protéger la fuite des deux

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autres, il acceptait de rester, prêt à user de n'importe quel moyen pour arrêter le voleur.

Ce moyen, comment le trouver? Il n'eut pas le temps d'y réfléchir, mais l'idée lui vint tout naturellement quand il devina, au son, que l'homme atteignait la porte. Celle-ci s'ouvrait vers l'intérieur. Nick, s'arc-boutant contre le chambranle, tira de toutes ses forces sur la poignée.

Déjà, de l'autre côté, une main invisible tentait de manœuvrer cette même poignée pour ouvrir la porte. Le jeune garçon tint bon. Cette résistance inattendue provoqua chez l'adversaire une série de jurons.

« Cause toujours, mon bonhomme! pensa Nick avec un rire muet. Tu sortiras de là seulement quand je t'en donnerai la permission. »

Hélas! Il n'ignorait pas qu'il s'agissait d'une pure vantardise. Comment un garçon de onze ans pourrait-il résister longtemps à la poussée d'un adulte?

En même temps qu'il maintenait le panneau, Nick comptait lentement dans sa tête « Un, deux, trois... » Il avait décidé de ne pas lâcher prise avant d'arriver

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jusqu'à cent : à ce moment-là, les deux autres « N » seraient certainement hors d'atteinte. Mais lui-même, tiendrait-il? Il lui venait des crampes dans le mollet, ses biceps étaient douloureux. « 59, 60... » L'adversaire secoua rageusement la porte : une fente apparut entre celle-ci et son encadrement. Nick redoubla d'efforts. « 83, 84... 99, 100! »

Ouf! Il était arrivé au bout du compte, mais de justesse : il n'aurait pu tenir une seconde de plus. Lâchant brusquement la poignée, il fit un bond en arrière et détala comme une flèche. Un bruit de chute, suivi d'un nouveau chapelet d'injures, lui apprit que l'homme, déséquilibré, avait dû tomber. Tant mieux!

Mais le triomphe de Nick fut de courte durée : il n'avait pas fait cinquante pas que, tournant la tête, il aperçut le voleur sur ses talons : un homme encore jeune, très brun et taillé en athlète. Le garçon se dit qu'il passerait un mauvais quart d'heure, si jamais il tombait entre les mains de cet individu rendu furieux par l'opposition rencontrée. Pour le moment, une trentaine de mètres les séparaient. Et, malgré l'ardeur déployée par Nick,

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cette distance n'augmentait pas. Elle ne diminuait pas non plus, il est vrai. Mais qu'adviendrait-il lorsque la fatigue se ferait sentir?

Le jeune Renaud et son poursuivant avaient emprunté tout naturellement le chemin creux. Lorsque la route fut en vue, Nick espéra secrètement qu'il s'y trouverait quelque passant à qui demander protection. Malheureusement, la route était déserte. Et depuis un moment, il en aurait juré, le voleur se rapprochait de lui. Bientôt il le rattraperait, et... il n'osait envisager ce qui se passerait alors.

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Ses forces l'abandonnaient, son souffle se faisait court : Nick aurait donné n'importe quoi pour se reposer un instant. Un peu d'espoir lui revint quand il vit que la route faisait un coude. Au-delà, il y aurait peut-être le salut? Si sa mémoire était bonne, les premières fermes de Volny ne devaient plus être loin : cette pensée lui redonna des ailes.

Le tournant franchi, Nick cessa pendant quelques instants d'apercevoir son poursuivant.

« Donc, pensa-t-il, lui non plus ne me voit pas. Profitons-en! »

Un champ de courges s'étendait sur sa gauche : le fugitif y repéra une sorte de sillon. Il se glissa dans le creux, déplaçant légèrement un énorme potiron qui le cacherait aux regards de son poursuivant. Comme il se sentait bien, tout d'un coup!

Mais la sécurité qu'il croyait trouver là ne pouvait être que trompeuse, car l'homme, ne le voyant plus sur la route, ne tarderait pas à le chercher dans les champs!

« S'« il » me poursuit, c'est pour me prendre le bouton. Pourquoi ne pas m'en

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défaire, en le cachant dans un endroit où je pourrai le récupérer plus tard? »

Une pensée, qu'il jugea d'abord saugrenue, traversa l'esprit du jeune garçon. Au-dessus de lui, la courge rebondie, d'un beau jaune, qui l'aidait à se dissimuler.

« Une courge! Pourquoi pas! C'est creux à l'intérieur, il me semble : un vrai coffre-fort naturel. »

Sans plus hésiter il prit son inséparable canif et traça sur l'écorce du potiron un carré minuscule. Puis il tailla, dans la chair, un fragment aux dimensions de ce carré. Quand il l'eut détaché, la cavité apparut : Nick y introduisit le bouton, après l'avoir enveloppé dans un morceau de papier de bonbon. Il ne lui restait plus qu'à remettre en place le morceau enlevé, ce qu'il fit avec grand soin. Une fois l'opération terminée, l'entaille n'était visible que pour un œil averti.

« Et maintenant, repérons soigneusement la courge, se dit-il. A partir du bord, c'est la quatrième. Elle se trouve, de plus, dans la troisième rangée en venant du côté opposé à la route. Et enfin, ce champ fait certainement partie du domaine des Lemaire. »

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Il s'agissait de fermiers bien connus des Besson et de leurs petits-neveux.

« L'opération courge » n'avait duré que quelques minutes, mais ce laps de temps avait peut-être suffi à l'homme pour se rapprocher dangereusement du jeune garçon? Celui-ci décida de risquer le tout pour le tout : il se leva d'un bond et se retourna vivement. Il ne s'était pas trompé : son poursuivant avait pénétré dans le champ de courges et le fouillait du regard. Quand il vit Nick jaillir en quelque sorte du sol, il bondit dans sa direction. Le jeune Renaud ne l'attendit pas : il partit lestement, fonçant droit vers les bâtiments qu'on apercevait au loin. Le corps reposé par l'arrêt dans le champ de courges, l'esprit allégé à l'idée que le bouton était en lieu sûr, il courait plus vite qu'auparavant. D'ailleurs, comme il approchait de la ferme, un tracteur sur lequel était juché un homme sortit d'une remise. A sa vue, le voleur s'arrêta pile et tourna les talons.

Nick était sauvé!

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CHAPITRE VI

Une tarte à la courge

ENFIN,, te voilà! » fit Nathalie avec un énorme soupir de soulagement, quand, du seuil de la villa des Besson, elle vit venir son frère. « Tu en as mis, du temps! — Bah! riposta Nick d'un ton léger,

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il ne fallait pas vous inquiéter! J'étais à la ferme Lemaire, en train de retenir une courge pour demain.

— Tu plaisantes, ou quoi? fit Noël, indigné. Nous sommes là à guetter ta venue, à demi morts d'angoisse, et c'est tout ce que tu trouves à dire? Raconte-nous plutôt comment tu as échappé au voleur... car je suppose que tu lui as échappé, puisque te voilà.

— Evidemment!— Et tu as toujours le bouton? s'inquiéta la

fillette.— Eh bien, non, figure-toi.— Oh! fit Nathalie, l'air si accablé que Nick

ne put s'empêcher de pouffer.— Vas-tu parler, oui ou non? se fâcha

Noël. Les plaisanteries les plus courtes...— ... sont les meilleures, je le sais. Mais je

vous assure que tout ce que j'ai dit est la pure vérité. Maintenant, si vous voulez m'écouter... »

Devant les deux auditeurs attentifs, il s'étendit complaisamment sur ses aventures, ravi quand sa sœur, frémissant de peur rétrospective, laissait échapper une exclamation. Mais lorsqu'il en vint

« Vas-tu parler, oui ou non ? »

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à l'épisode de la courge, Nathalie décréta péremptoirement : « C'est idiot! Prendre une courge comme cachette, quelle idée stupide!

— Courge toi-même! répliqua Nick. J'aurais bien voulu te voir à ma place!

— Si j'y avais été, à ta place, j'aurais caché le bouton... euh... ailleurs.

— Ailleurs, comme c'est précis!— En tout cas, pas dans un légume! Suppose

que quelqu'un achète cette courge, et avale le bouton?

— Figure-toi que j'y ai pensé, mademoiselle-la-critique. Et c'est pourquoi j'ai décidé que l'acheteur de la courge, ce serait moi... enfin, nous trois, car j'espère bien que vous m'aiderez à la payer? Je... je suis plutôt à court, ces temps-ci.

— On se demande à quel moment tu ne l'es pas! dit Noël en riant. C'est bon, on se cotisera pour l'acheter, ce potiron. Moi, je trouve ton idée géniale... à condition, bien entendu, de pouvoir récupérer la VRAIE courge.

— Ne t'en fais pas : j'ai exactement noté sa place : la quatrième du troisième rang quand on vient de la ferme Lemaire.

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Impossible de se tromper. Et quand j'ai rencontré le fermier, je lui ai laissé entendre que nous viendrions demain lui acheter une courge.

— Difficile, remarqua Noël. Demain, l'oncle Edouard nous emmène en excursion. Tu sais, il en a parlé à midi : il désire nous montrer cette ferme où on fait l'élevage du vison.

— Et la tante Rosé a préparé un pique-nique for-mi-dable! intervint Nathalie, l'air réjoui.

— Non mais, écoutez cette grosse gourmande! coupa Nick excédé. Une promenade, pour elle, c'est seulement une occasion de bien manger!

— Les visons aussi m'intéressent, si tu veux savoir. On en fait de si beaux manteaux de fourrure!

— Ah! là! là! Les filles! s'exclama son frère, les yeux au ciel.

— C'est bien son droit d'aimer la fourrure, intervint Noël. Et toi, ça ne t'intéresse pas, d'aller voir des visons?

— Bien sûr que si! Mais la courge...— ... ne s'envolera pas en notre absence,

je suppose. Nous irons la chercher plus tard, voilà tout! »

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Puisqu'on ne pouvait rien changer au programme, autant jouir de la promenade, ce que firent les Trois N le lendemain : le temps était splendide, le pique-nique délicieux, les mœurs des visons passionnantes. L'histoire du bouton cessa complètement d'occuper leurs esprits, et ils n'y pensèrent qu'en fin d'après-midi, lorsque la voiture des Besson réintégra le garage.

Le trio disparut alors dans un coin du jardin pour délibérer.

« II est encore temps d'aller chercher la courge, proposa Nick qui tenait à son idée. Nous avons une bonne heure devant nous avant le repas.

"•>— Accepté! dit Noël.— Il y a la question d'argent, remarqua

Nathalie d'une petite voix hésitante.— Ah! oui, j'oubliais! répondit son frère

en se grattant la tête d'un air embarrassé. C'est que...

— ... tu es un peu à court, on le sait! acheva Noël en riant.

— Et même beaucoup. Mais Nathalie, elle, a une tirelire pleine!

— C'est parce que je ne suis pas un

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panier percé, MOI! protesta la fillette. Je ne dépense pas tout mon argent de poche en chewing-gum, moi! »

Finalement elle consentit à soustraire quelques francs à sa cagnotte. Noël joignit sa quote-part, et Nick ajouta ce qui lui restait, c'est-à-dire pas grand-chose. Ils se munirent d'un grand sac à provisions, et partirent d'un bon pas pour la ferme Lemaire, à l'autre bout du village.

A peine avaient-ils pénétré dans la grande cour, que Marcel Lemaire se précipita

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à leur rencontre. Ce solide garçon de quatorze ans, sympathique et bon enfant, avait souvent partagé les jeux des Trois N.

« Vous tombez bien! dit-il précipitamment en s'adressant à Noël et à Nick. On vient de m'offrir pour mon anniversaire une carabine à air comprimé : venez que je vous la montre : nous ferons quelques cartons!

— On voudrait bien, mais... répliqua Nick très tenté.

— ... mais nous sommes venus acheter une courge », compléta Noël, décidé à tenir bon — bien que la carabine l'intéressât, lui aussi.

Marcel balaya l'objection.« Eh bien, quoi! Votre sœur peut bien faire cet

achat toute seule, non! Elle n'a qu'à s'adresser à mon père. »

Nick faiblissait à vue d'œil.« Après tout, remarqua-t-il, j'ai déjà averti M.

Lemaire, pour cette courge. C'est bien vrai que Nathalie...

— On ferait mieux d'y aller nous-mêmes! » insista Noël.

Mais il céda finalement sous la pression des deux autres.

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« La quatrième du troisième rang, en partant de la gauche, rappela Nick à sa sœur. Tu ne te tromperas pas?

— Non, non, sois tranquille! » répliqua Nathalie d'un ton rassurant.

Puis elle alla trouver le fermier, tout en répétant pour elle-même : « La quatrième du troisième rang sur la gauche. La quatrième... »

Dix minutes plus tard, l'homme et la fillette étaient de retour. Dans le sac, que portait M. Lemaire, se trouvait un superbe potiron d'une belle teinte jaune orangé. Nathalie paya — la somme réunie par les Trois N était plus que suffisante — et attendit Nick et Noël. L'exercice de tir devait se prolonger, car des bruits divers, des exclamations lui parvenaient de derrière une remise. Alors, pour passer le temps, elle alla regarder les lapins du fermier. Enfin son frère et son cousin apparurent.

« Ce n'est pas trop tôt! » s'écria Nathalie.Nick ignora la protestation. « Dis-moi si tu

l'as!— La courge? Naturellement!— Très bien : en route! »

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Chacun des garçons prit une anse du sac, et le trio réintégra au grand galop la villa de l'oncle Edouard.

Arrivés devant le portail, les Trois N se concertèrent.

« Qu'est-ce qu'on fait de cette courge? demanda Nathalie.

— Autant que possible, on évite de la montrer, répondit son frère. Il faudrait donner des explications et l'oncle Edouard et la tante Rosé s'inquiéteraient de nous savoir engagés dans une nouvelle aventure.

— Hum! Pas facile à escamoter, un gros machin comme ça! fit remarquer Noël.

— Je propose de la mettre dans la salle de jeux, dit son cousin. Nous l'ouvrirons aussitôt pour récupérer le bouton. Ensuite... eh bien, on s'en débarrassera d'une façon ou d'une autre. »

Mais, en se dirigeant vers le fond du jardin, les Trois N se heurtèrent à la tante Rosé venue cueillir un poireau pour le potage.

« Ah! Vous voilà? dit-elle. Je me demandais où vous étiez passés. Que rap-

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portez-vous donc dans mon sac à provisions?— Euh... une courge, bafouilla Nick. C'est

pour... »II se tut, ne trouvant pas d'explication valable.

Noël vint à la rescousse.« II y en a de magnifiques chez les Lemaire,

et... nous avons eu l'idée d'en acheter une...— ... pour me l'apporter? C'est gentil, ça!

déclara Mme Besson, touchée. Mais vous m'étonnez un peu, ajouta-t-elle soudain méfiante. Je croyais que vous n'aimiez pas la courge!

— C'est-à-dire... cela dépend de la façon de la préparer! » fit Nick en dissimulant une grimace de dégoût.

Cette courge, pensa-t-il soudain, aux mains de la tante Rosé, se transformerait automatiquement en plats auxquels lui, Nick, serait forcé de goûter!

Ses craintes étaient fondées, car déjà Mme Besson, ayant invité ses neveux à poser le potiron sur la table, se livrait à des anticipations culinaires:

« J'en ferai... voyons : un gratin, un potage, et peut-être aussi une tarte, avec de l'œuf, de la crème et du gruyère...

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— C'est cela : une tarte! » intervint Nathalie, qui se dit que ce serait un moindre mal.

Elle se fit câline : « Pourquoi pas tout de suite, ma chère petite tante?

— Oh! oui, tout de suite! appuyèrent Noël et Nick.

— Y pensez-vous? Me remettre à cuisiner à cette heure-ci!

— Je t'aiderai! promit la fillette.— C'est bon! soupira l'aimable tante. Vous

l'aurez, votre tarte... mais ne vous étonnez pas si le dîner est en retard! »

Elle s'installa devant la table de cuisine, prit un couteau, et, sous le regard attentif des Trois N, se mit à tailler dans la courge.

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CHAPITRE VII

Le sacrifice de Nathalie

C'ETAIT bien la peine de me réclamer cette tarte à cor et à cri! remarqua Mme Besson : vous y avez à peine touché. Elle ne vous plaît pas?

— Oh, si! Elle est délicieuse, répondit Nathalie sincère. Mais nous n'avons plus faim. » Les deux autres firent chorus. C'était

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vrai que, préparé ainsi, ce légume était plus qu'acceptable. Mais le moyen d'avaler quand on a la gorge serrée? Et c'était le cas des Trois N, après l'affreuse déception qu'ils venaient d'éprouver : profitant de ce que sa tante avait le dos tourné, tout à l'heure, dans la cuisine, Nathalie avait examiné la courge sous toutes ses faces. Or elle avait eu beau fouiller l'intérieur, elle n'y avait rien trouvé, sinon des pépins. Pas le moindre bouton d'argent. Nick et Noël avaient essayé à leur tour, sans plus de succès.

« C'est ta faute : tu t'es trompée de courge! s'était écrié Nick.

— Non, c'est la tienne : tu m'as expliqué de travers, voilà! » avait riposté Nathalie.

Le repas était venu opportunément interrompre cette dispute. Si bien préparé qu'il fût, les enfants n'y avaient pris aucun plaisir. Ils n'avaient qu'une hâte : se retrouver entre eux pour discuter de ce contretemps.

Le conciliabule eut lieu dans la chambre des garçons. Nick arborait une mine sombre.

« C'est le déshonneur pour les

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Trois N! dit-il sur un ton dramatique. L'ermite nous confie une mission et nous la sabotons par la faute de cette gourde! »

Ce disant, il désignait sa sœur, qui se sentit bouillir d'indignation. Elle ouvrit la bouche pour protester, mais Noël ne lui en laissa pas le temps. Il répliqua ironiquement :

« Que veux-tu, mon pauvre Nick! Quand on cache un objet précieux dans une courge, il faut s'attendre à des... pépins! »

Son cousin, d'abord interloqué, prit le parti d'éclater de rire.

« Tu as gagné! avoua-t-il. Je reconnais que j'ai pris un risque, et que j'aurais dû au moins aller chercher moi-même la courge, au lieu d'en charger Nathalie.

— Ah bon! soupira la fillette, qui posa sur son cousin un regard éperdu de reconnaissance. Alors, qu'est-ce qu'on va faire, maintenant?

— Retourner chez Lemaire, répondit Nick, et voir s'il y a eu erreur sur la courge. Pas ce soir, bien sûr, mais de bonne heure demain matin.

— Une erreur? C'est impossible!

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réfléchit Nathalie. Tu m'as bien dit « troisième rang, quatrième courge à gauche », n'est-ce pas?

— Oui, et je le maintiens.— Bon. Eh bien, je suis absolument sûre

d'avoir compté comme il faut. D'ailleurs, M. Lemaire m'a aidée.

— Alors je ne vois pas d'explication.— Eh, eh! Il se pourrait... commença Noël.— Tu as une idée? Parle! s'écria Nick d'un ton

pressant.— Voilà : supposons qu'un acheteur se soit

présenté hier matin, donc avant nous, et ait emporté par exemple la courge n° 1 de cette troisième rangée : du coup, c'est l'ancienne cinquième qui est devenue quatrième. Est-ce que vous me suivez?

— Euh... fit Nathalie, un peu perdue dans tous ces chiffres.

— Moi oui, acquiesça Nick. L'hypothèse est valable : nous la vérifierons demain. »

« L'essentiel, pensa Noël, c'est que M. Lemaire n'ait pas vendu justement la courge n° 4! »

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Mais il garda cette réflexion pour lui.Le lendemain matin, ayant bien dormi malgré

leur inquiétude, les Trois N se rendaient à la ferme Lemaire. Marcel les accueillit avec le sourire.

« Vous revenez faire du tir à la carabine?— Non, répondit carrément Nick : c'est

encore au sujet d'une courge. » Les yeux du jeune Lemaire s'arrondirent d'étonnement.

« Quoi! Vous avez déjà mangé celle d'hier tout entière?

— Non, heureusement! On voudrait seulement savoir... ton père n'en a pas vendu à d'autres personnes qu'à nous, ces jours-ci? »

Visiblement surpris de l'intérêt porté par les Renaud aux courges de son père, Marcel répondit :

« Pas une seule.— Vous n'en avez pas non plus cueilli pour

votre usage personnel? intervint Noël.— Eh bien... non. Ah, attendez donc! Hier

matin, une de nos vaches, qui broutait dans le pré voisin, s'est introduite dans le champ de courges. J'étais là et

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je l'ai chassée aussitôt, mais elle avait eu le temps d'en piétiner une.

— Et... qu'en avez-vous fait? questionna vivement Nick.

— De la vache? Elle a eu droit à un coup de bâton, pour lui apprendre à ne pas quitter le pré!

— Non : de la courge.— Je l'ai rapportée à ma mère, qui l'a fait cuire

pour la soupe du cochon. Abîmée comme elle l'était... »

Les Trois N échangèrent des regards anxieux. Ne s'agissait-il pas de LEUR courge? Il fallait

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absolument vérifier si le bouton... « Et cette soupe, le cochon l'a déjà mangée? »

demanda Noël d'une voix altérée.De plus en plus surpris, Marcel n'en répondit

pas moins :« Il est en train de la manger, plutôt : il y a

cinq minutes que je suis allé la verser dans son auge. »

Nathalie, une fois de plus, était en proie à une lutte intérieure. Se sentant malgré tout un peu responsable de la perte du bouton, elle désirait contribuer à le retrouver. Or un moyen se présentait, mais qui lui répugnait fort!

Elle n'hésita pas longtemps. L'honneur des Trois N était en jeu, avait dit Nick : cela méritait bien un léger sacrifice! Prenant un air intéressé, elle se tourna vers le jeune Lemaire.

« J'aimerais bien le voir, ton cochon.— Pourquoi pas? fit Marcel. Mais tu sais, ça

ne sent pas bien bon, dans sa cabane.— Tant pis! Je me boucherai le nez. » Tandis

que le grand garçon guidait lesTrois N jusqu'à l'antre du goret, Nathalie reçut

une petite tape amicale sur l'épaule : elle venait de Noël, qui avait

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compris son idée et l'encourageait. Nick, lui, se contenta de dire malicieusement :

« C'est fou ce que ma petite sœur aime les animaux! »

Une cahute était adossée à l'écurie; il en sortait des bruits bizarres : grognements, ronflements... Cette musique s'amplifia lorsque Marcel ouvrit la porte. Gras et rosé, les oreilles rabattues au-dessus des yeux minuscules, l'habitant du lieu leva vers les arrivants un groin humide, auparavant plongé dans une auge de bois.

« Je peux entrer? demanda bravement Nathalie.

— Si tu n'es pas dégoûtée... »En réalité, chez la fillette, la peur l'emportait

sur le dégoût. Le goret allait peut-être la mordre? Car elle s'était décidée à agir de la seule façon possible : elle plongerait la main dans l'auge, emplie à moitié d'une soupe épaisse, et en explorerait le fond.

Elle fit signe à Noël, et celui-ci s'ingénia à détourner l'attention de Marcel. Nick, entrant dans le jeu, fit de même. Alors Nathalie entreprit rapidement sa fouille, qui se révéla tout d'abord

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infructueuse. Puis ses doigts rencontrèrent un objet lisse et dur, qui s'était coincé dans un angle. Elle eut quelque peine à le retirer, mais y parvint enfin.

Oh! Ce corps étranger était un bouton de métal gris, que Nathalie essuya soigneusement avec son mouchoir avant de le faire disparaître dans sa poche.

Après cette épreuve, c'est avec soulagement qu'elle retrouva l'air libre. Le goret continuait son repas comme si de rien n'était : il n'avait pas fait mine de mordre la main qui fouillait sa soupe. Mais tout de même, Nathalie avait eu chaud!

Noël leva vers sa cousine un regard interrogateur : elle baissa les paupières pour lui faire comprendre qu'elle avait réussi.

« Eh bien, dit le jeune garçon d'une voix pleine d'entrain, je pense qu'on peut tout de même aller la faire, cette séance de tir!

— Alors, demanda Marcel, éberlué, il n'est plus question de courge? Je croyais...

— On a changé d'avis, voilà tout! » Les trois garçons s'éloignèrent. Restée seule, Nathalie contempla le bouton qui lui avait donné tant de mal

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: il portait bel et bien une gravure en relief, qui représentait une ancre.

Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier?

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CHAPITRE VIII

La lettre

DE RETOUR à la villa, les Trois N examinèrent le bouton sur toutes ses faces, puis chacun se creusa la tête à son sujet. Quelle valeur pouvait-il bien avoir aux yeux du voleur? Son prix venait-il de la gravure, comme l'avait supposé

Noël?« Une ancre, suggéra Nathalie qui

débordait d'imagination, ça doit vouloir

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dire que ce bouton se trouvait sur l'uniforme d'un capitaine de navire. Peut-être avait-il découvert une île avec un trésor, et le voleur chercherait à s'en emparer, et... »

Elle s'arrêta, vexée, en voyant les garçons qui se tordaient de rire.

« Géniale, ton idée! s'exclama Nick. On ne t'a jamais dit que tu devrais écrire des romans? »

Finalement les Trois N renoncèrent à trouver une explication. Ils avaient réussi à récupérer le bouton, c'était l'essentiel.

« Maintenant, remarqua Nick, il s'agit de ne plus le perdre.

— Comment veux-tu qu'on le perde? s'exclama sa sœur. Il suffit de bien le ranger... ailleurs que dans une courge! »

Son frère haussa les épaules.« Tu ne comprends rien à rien! Je voulais dire

qu'il faut éviter de se le faire voler.— Ah! Tu crois que...— ... que l'homme va chercher à nous le

reprendre? Mais voyons, c'est l'évidence même!— Je le crains aussi, intervint Noël.Après tout le mal que cet individu s'est donné

pour l'avoir, il ne va pas abandonner si vite!

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— Alors vous pensez... qu'il va... venir... ici... nous cambrioler? demanda Nathalie, que la frayeur faisait bafouiller.

— Je ne sais comment il s'y prendra, répondit Nick. Toujours est-il qu'il nous faut cacher ce bouton soigneusement. »

Les Trois N passèrent donc le reste de la matinée à chercher la cachette idéale. D'abord, ils hésitèrent entre l'extérieur et l'intérieur de la maison. Cette dernière solution prévalut, à cause de la présence rassurante des Besson. Aussi les enfants examinèrent-ils avec soin les lattes de plancher susceptibles de se soulever, les plinthes décollées, les trous dans les murs...

En fin de compte, Noël et Nathalie acceptèrent tout bonnement la suggestion de Nick, qui proposait de le mettre dans son traversin. Celui-ci fut, par les soins de Nathalie, décousu sur une faible longueur, puis recousu après introduction du bouton.

« De cette façon, déclara le jeune garçon avec emphase, si le voleur veut s'en emparer, il devra me passer sur le corps!

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— Puisque nous dormons dans la même chambre, je partagerai le danger avec toi », remarqua Noël en souriant.

Du coup, Nathalie contempla les deux garçons avec le respect qu'on doit à des héros.

Puis, d'un ton sérieux, Noël recommanda :« Désormais, le mot d'ordre est « Prudence ».

Si possible, pas de sortie solitaire : restons groupés.

— Bien, chef! approuva Nick. Les Trois N unis plus que jamais! »

Néanmoins, débarrassés du souci du bouton, les enfants continuèrent leurs jeux comme par le passé, et même leurs promenades, mais en évitant les lieux déserts. Puis, petit à petit, la confiance revint, car le voleur ne se manifestait décidément pas!

« Il a renoncé, conclut Nick.— Tant mieux! » ajouta Nathalie. Mais

Noël, lui, hocha la tête d'un air de doute.« Ça m'étonnerait! »C'est une semaine après le début de ces

événements que la lettre arriva : le facteur la remit à Nick en même temps que le courrier de l'oncle Edouard. Sur une enveloppe blanche, très ordinaire, il lut :

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« Pour les petits-neveux clé Monsieur Besson, à Volny. »

Le jeune garçon intercepta la missive et appela à grand cris les deux autres « N », qui le rejoignirent dans la maisonnette au fond du jardin.

« Une lettre pour nous! » annonça-t-il en l'agitant à bout de bras.

Il s'efforçait impatiemment de l'ouvrir. Noël s'en empara. « Donne que je l'examine. Curieux, cette façon de libeller l'adresse! Cela me rappelle quelque chose.

— Quelle importance? Voyons plutôt ce qu'il y a dedans! »

Reprenant la lettre, Nick sortit de l'enveloppe un feuillet unique. Son regard sauta au bas de la page.

« C'est signé L'ermite, remarqua-t-il.— Je m'en doutais, dit Noël. Cette

adresse...— ... est la même que celle du billet qu'il

nous avait laissé sur sa table, compléta Nathalie. D'ailleurs, l'écriture aussi est pareille. Il a seulement rajouté le nom du village. »

Quant au texte, que Nick lut à voix haute, il était concis, sans introduction ni formule de politesse :

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« Je suis de nouveau chez moi. Ma blessure au pied était moins grave que ne le pensait le docteur. Pouvez-vous venir me voir en apportant le bouton? J'ai des révélations à vous faire à son sujet.

« L'ERMITE. »

« Bizarre qu'il signe comme ça! remarqua Noël.

— Mais non! répliqua son cousin. Tu sais très bien que personne ne l'appelle par son vrai nom. En tout cas, c'est une bonne nouvelle!

— Oh oui! apprécia Nathalie : l'ermite est guéri, et nous allons lui rendre visite. Chic, chic! J'espère bien qu'on y va cet après-midi? »

Les deux autres acceptèrent d'emblée. Si bien que les Trois N, une fois de plus, se mirent en route pour la vallée de la

Sauvagine, sitôt la dernière bouchée avalée.

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Il ne faisait pas aussi beau que lors des deux premières expéditions : de lourds nuages obscurcissaient le soleil, rendant le paysage plus sévère que jamais.

« Je trouve que l'endroit est sinistre! remarqua Nick en frissonnant. Pour vivre ici à longueur d'année, il faut avoir le moral! »

Mais qu'importait aux Trois N que le temps fût maussade et le décor lugubre? Le rebondissement de « l'affaire », voilà ce qui les intéressait! Ils brûlaient du désir de savoir ce que l'ermite avait à leur révéler. Bien entendu, ils n'avaient pas oublié le bouton.

« Dommage! une si bonne cachette » avait soupiré Nick en le retirant du traversin pour le mettre dans sa poche, en compagnie de deux ou trois duvets qui y étaient restés collés.

La curiosité du trio n'allait pas tarder à être satisfaite, car déjà Noël, chef de file, posait le pied sur l'escalier de la falaise.

Quand il fut sur le plate-forme, il jeta

un coup d'œil à travers la vitre : la pièce était plongée dans la pénombre, et il ne vit rien. Alors

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il frappa à la porte, et entra sans plus attendre. Cette fois encore la maison semblait vide. Il y avait bien un billet sur la table, mais c'était celui de la dernière fois.

« Tiens! Nous l'avions laissé! » remarqua Noël.

Et il fronça les sourcils dans un effort de réflexion : l'absence de l'ermite lui paraissait louche. C'était aussi l'avis de Nick, qui grommela:

« Quand on convoque quelqu'un, on reste à l'attendre!

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— Mais enfin, il ne pouvait pas savoir que nous viendrions aujourd'hui! objecta Nathalie. Il doit être tout simplement à la pêche.

— Improbable : son pied ne doit pas être complètement guéri. »

La fillette se mit à fureter partout, inspectant même les étagères, ce qui fit dire à Nick :

« Tu crois que l'ermite se cache derrière un bocal? »

Ignorant cette boutade, la fillette fit remarquer:

« II y a encore la petite pièce d'à côté, que nous n'avons pas regardée. »

Elle s'y dirigea, ouvrit la porte... et, poussant un cri vite étouffé, disparut comme si elle avait été happée par une main puissante.

Les garçons, interloqués, n'eurent pas le temps de se demander ce qui se passait, car la porte s'ouvrit toute grande, et Nathalie reparut.

Mais elle n'était plus seule!Avec effroi, Nick et Noël virent un homme

qui poussait la fillette devant lui, tout en lui maintenant les bras derrière le

dos. Et cet homme n'était pas l'ermite, mais le voleur de boutons.

Les Trois N étaient tombés dans un piège!

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Atterrés, saisis d'une rage impuissante à la vue de Nathalie pâle de frayeur, les deux garçons ne purent tout d'abord émettre un son. Ce fut l'homme qui prit la parole :

« Merci d'être venus! dit-il avec ironie. Curieux comme vous semblez l'être, j'étais sûr que vous accourriez dès le reçu de ma lettre.

— Votre lettre? put enfin articuler Nick. Mais... l'ermite?

— ... n'a rien écrit du tout, pour la bonne raison qu'il n'a pas quitté l'hôpital. Mais, moi, j'ai toujours été habile pour imiter les écritures, figurez-vous. Et vous aviez eu la bonté de me laisser un modèle... et une adresse. Pour la compléter, je n'ai eu qu'à interroger le premier commerçant venu : M. Besson est bien connu à Volny! »

Tout en parlant, l'homme désignait le billet laissé sur la table, et qui, lui, avait vraiment été écrit par l'ermite. Quelle

imprudence de l'avoir oublié, alors que cette maison n'était jamais fermée!

Mais l'heure n'était pas aux regrets : il fallait faire face à la situation, qui était grave.

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« Je vous ordonne de libérer ma cousine! dit Noël d'une voix qu'il voulait ferme, mais qui tremblait un peu.

— La libérer? Je suis prêt à le faire, riposta l'homme en accentuant son sourire moqueur... toutefois, après que vous aurez accepté un échange : donnez-moi le bouton, je vous rendrai la fille.

— C'est un procédé révoltant! gronda Nick en serrant les poings. Ce bouton nous a été confié. Nous ne pouvons pas...

— Ah! Vous ne POUVEZ pas me le donner? C'est regrettable! » fit le bandit d'un ton doucereux.

En même temps, il attirait Nathalie plus près de lui et lui tordait le bras : elle laissa échapper un cri de douleur.

Nick ne put en entendre davantage.« C'est bon, je vais vous le donner. Mais

lâchez ma sœur D'ABORD.

— Ce n'est pas à vous d'imposer vos conditions, répliqua sèchement le voleur. Comme je n'ai pas envie que vous alliez alerter les gendarmes aussitôt après mon départ, je vais prendre mes précautions. Entrez un à un dans

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cette pièce — il désignait le réduit qui lui avait servi de cachette. Vous d'abord, le grand. L'autre garçon ensuite. En passant, vous me remettrez le bouton : voilà qui est fait. La fille, maintenant. »

Quand Nathalie eut rejoint les deux autres, l'homme repoussa vivement la porte et fit jouer le verrou. Puis les Trois N l'entendirent qui détalait en empruntant l'escalier du fond : la porte claqua, ensuite il y eut le silence, rompu quelques minutes plus tard par un grondement de moteur, qui bientôt décrut puis disparut : le voleur s'était enfui en automobile, laissant les enfants prisonniers dans la maison creusée dans le roc.

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CHAPITRE IX

Le verrou

UNE fois passé le premier moment de V stupeur, chacun des Trois N réagit à sa manière : Nathalie éclata en sanglots, Nick tapa rageusement des poings contre la porte, et Noël fit calmement le tour de la pièce afin d'évaluer les chances d'évasion.

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Elles lui parurent minces, au premier abord. Deux issues possibles : la porte et la fenêtre. Cette dernière — une lucarne plutôt — était de dimensions trop réduites pour laisser passer même Nathalie, la plus petite du trio. La porte? Faite d'un bois épais, elle constituait un obstacle difficile, mais non pas insurmontable.

« Tu... crois... qu'on sortira... d'ici... un jour? larmoya Nathalie.

— Bien sûr! affirma Noël. Et même avant ce soir! »

II avait mis dans sa voix tant de conviction — plus apparente que réelle — que la fillette dit : « Ah, bon! » et cessa de pleurer. Quant à Nick, ayant vite renoncé à user ses forces inutilement contre la porte, il s'était mis à l'étudier.

« Elle est solide, conclut-il. Pour l'enfoncer, il faudrait une poutre, ou quelque chose du même genre. »

Les deux garçons et la fillette entreprirent de fouiller leur prison. Ce fut vite fait, car elle ne contenait pas grand-chose : des caisses, des fagots, du matériel de pêche... En tout cas, pas la

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moindre pièce de bois pouvant être utilisée comme bélier.

« Reste le verrou, dit Noël.— Impossible! Il est de l'autre côté »,

répliqua Nathalie.Nick haussa les épaules.« Evidemment! S'il était de ce côté-ci, on

aurait déjà filé! Mais avec un peu d'astuce... »La fillette soupira : l'astuce, les deux garçons

en avaient sûrement, mais non pas elle, qui n'arrivait pas à comprendre comment on pouvait manœuvrer un verrou invisible!

« Pour l'atteindre, lui expliqua Noël, il faut faire un trou dans la porte.

— Ah! ce n'est que ça? C'est tout simple, alors, fit Nathalie rassurée.

— Tout simple! protesta son frère. Non, mais, tu as vu comme elle est épaisse, cette porte? Tu te figures peut-être qu'elle va se laisser découper comme une tranche de cake? Si encore nous disposions d'outils...! Mais je n'ai que mon canif.

— Et moi le mien, ajouta Noël. Eh bien, nous y mettrons le temps, voilà tout!

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— Drôle de boulot! grogna son cousin.— Si tu vois autre chose...? » Nick ne voyait

rien. Aussi se résigna-t-il à utiliser cet unique moyen, qui consistait à découper le bois de la porte juste à côté du verrou.

« Encore faut-il trouver son emplacement exact », remarqua-t-il.

Une fois de plus, Nathalie eut lieu d'admirer l'intelligence de son cousin et de son frère. D'un commun accord, ils s'étaient mis à appuyer sur le bord de la porte, du côté où celle-ci s'ouvrait et en commençant par le haut : sous leurs efforts conjugués, le panneau fléchit légèrement. Ils recommencèrent un peu plus bas, encore et encore... Ils finirent par trouver un endroit où le bois refusa de céder.

« C'est ici », affirma Noël.Nathalie avait compris : à cet emplacement

exact, le panneau, maintenu par le verrou, ne bougeait pas d'un millimètre.

Nick trouva un morceau de craie dans le fouillis de ses poches et traça un cercle délimitant approximativement la place

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de l'ouverture à percer. Puis, avec la lame de son canif, il commença à entailler le bois.

Noël voulut l'aider, mais les deux garçons constatèrent qu'ils se gênaient mutuellement, et risquaient même de se blesser l'un l'autre. Alors il fut convenu qu'ils se mettraient à la tâche alternativement. C'était d'ailleurs une bonne solution, car, au bout d'un moment de ce travail pénible, il était nécessaire de se reposer : la main se fatiguait vite, à faire ce geste toujours pareil qui consistait à rogner peu à peu le bois. Un petit tas de sciure commençait à se former sur le sol au bas de la porte, mais comme il montait lentement!

A un moment, la lame du canif de Noël se cassa net sur un nœud : désormais l'espoir d'évasion reposait seulement sur celui de Nick, heureusement plus solide et possédant une deuxième lame et un poinçon.

Il ne fallut pas moins d'une heure et demie de travail opiniâtre pour obtenir un commencement de résultat : soudain, le poinçon du couteau de Nick réussit à traverser le bois. Ce fut un « Hurrah! »

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de triomphe chez les captifs, dont le moral remonta en flèche. Il suffisait maintenant d'agrandir le trou : ce fut relativement aisé. Vint un moment où la main de la fillette put passer par l'ouverture. Elle tâtonna pour trouver la tige du verrou.

« Je l'ai! annonça-t-elle enfin.— Bon. Et maintenant, tire dessus

latéralement, ordonna son frère.— C'est trop dur! Je n'y arrive pas.— Tu as la force d'un poulet saigné! »

grommela Nick. .

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Mais Noël montra patiemment à sa cousine le geste à accomplir : en levant puis abaissant la tige plusieurs fois de suite, elle arriverait petit à petit à faire glisser le verrou.

« Ça y est! » déclara bientôt Nathalie avec un accent de triomphe.

Déjà, le panneau cédait à la poussée de Nick : les Trois N avaient retrouvé la liberté!

Mais leur explosion de joie retomba vite : ils pensaient au bouton qui était maintenant aux mains de l'indélicat personnage.

« Libres, mais vaincus! » déclama Nick.Il n'y avait guère d'espoir de retrouver le

voleur et de lui reprendre le bouton. Néanmoins les trois enfants, sortis de la maison de l'ermite par la porte du haut, se mirent à examiner le chemin.

« Le bruit de moteur venait de droite, donc il est parti du côté de Volny », précisa Nathalie qui avait l'ouïe fine.

Effectivement, ayant parcouru cinquante mètres dans cette direction, les jeunes enquêteurs aperçurent un bouquet d'arbres. Par-derrière, il y avait des marques de pneu sur le sol.

« Voilà où l'homme a caché sa voiture!

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déclara Noël. Il évitait ainsi de nous mettre la puce à l'oreille, si nous étions arrivés par cette route. »

Cependant Nick s'était accroupi, et, le nez presque au niveau du sol, étudiait les empreintes.

« Ça pourrait être utile, au cas où nous retrouverions l'auto, affirma-t-il.

— Plutôt difficile, à pied et avec deux heures de retard! fit remarquer son cousin, d'un air de doute. Il y a quelque chose de plus urgent à faire.

— Quoi donc?— Aller à Cernac chez les Jeangros, prendre

des nouvelles de l'ermite.— D'accord! » acceptèrent les deux

autres.Et Nathalie ajouta : « Des nouvelles VRAIES,

cette fois! »A la ferme, ils furent accueillis avec

amabilité, comme à leur première visite. Mme Jeangros les invita à s'asseoir à l'ombre du tilleul de la cour, et leur offrit des pommes qu'elle venait de cueillir.

« J'étais sûre que vous viendriez, dit-elle. Vous voulez sans doute savoir comment se porte le malade? Eh bien,

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mon mari est justement allé le voir hier. C'est bel et bien une fracture : il a le pied dans le plâtre pour un bout de temps.

— Il guérira complètement?— Le médecin l'affirme. » Rassurés sur le

sort de leur nouvelami, les Trois N ramenèrent la conversation

sur un terrain favorable à leur enquête : Noël glissa juste à propos le nom de Cécile Martin.

« L'ermite nous a parlé d'elle.— Ah! oui? Encore une qui lui doit une

fière chandelle à cet homme! commenta la fermière. Il l'a quasiment sauvée, quand elle a eu cette mauvaise bronchite. Et cette pauvre Mathilde n'était déjà plus de ce monde pour s'occuper d'elle, alors! »

Qui était Mathilde? Les enfants n'allaient pas tarder à le savoir, car Mme Jeangros était d'humeur bavarde. Ils prêtèrent une oreille attentive à ses propos, et voici ce qu'ils apprirent : Cécile Martin, originaire de Brunières, avait perdu sa mère, quand elle était toute petite, et son père alors qu'elle n'avait que douze ans. N'ayant plus ni

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famille ni ressources, elle avait été recueillie par sa nourrice, Mathilde Bonnet, qui vivait à Cernac. Cette dernière était morte deux ans auparavant, et la jeune fille était restée quelque temps au village, faisant des travaux de couture pour assurer sa subsistance.

« Elle vivotait tout juste, conclut la fermière. Si bien que, pour gagner davantage, elle est retournée à Brunières où elle a trouvé, paraît-il, une place de vendeuse. Ah! je la regrette bien, allez! C'était une brave petite.

— Si elle est à Brunières, nous pourrons lui porter des nouvelles de l'ermite? suggéra Nick. Nous y retournons bientôt nous-mêmes.

— C'est que j'ignore son adresse et son lieu de travail, mes pauvres enfants! regretta la brave femme. Elle nous a bien envoyé une carte postale il y a quelque temps, mais sans donner de précisions.

— Vous la connaissiez bien, pourtant?— Si on la connaissait? Mais naturellement!

Elle a été invitée au repas qu'on a fait pour nos noces d'argent, l'automne dernier, c'est vous dire! Même que j'ai

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une photo prise ce jour-là, avec elle au milieu de toute la famille.

— J'aimerais bien la voir, cette photo! glissa Nathalie.

— Si ça vous intéresse, je veux bien, moi! Attendez : je cours vous la chercher.»

Elle s'engouffra dans la maison aussi vite que le lui permettait sa corpulence, et revint avec un gros album, qu'elle feuilleta.

« Tenez, la voilà cette photo. Et Cécile est ici, juste à côté de mon mari. »

Sur le cliché souriait une jeune fille au visage agréable. Elle paraissait brune avec des yeux clairs. Les Trois N l'observèrent avec soin, essayant de graver ses traits dans leurs mémoires.

Puis ils dirent au revoir à l'aimable fermière et reprirent la route de Volny.

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CHAPITRE X

Le septième bouton

LE TRAJET de retour se fit avec lenteur : malgré le repos sous le tilleul, les garçons étaient encore épuisés par leur lutte contre la porte; quant à Nathalie, l'émotion lui avait coupé les jambes. En revanche, les langues allaient bon train.

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« Cette visite aux Jeangros, dommage qu'on ne l'ait pas faite avant! regretta Nick. Nous aurions compris que la lettre était un faux...

— ... et le bouton serait encore en notre possession, soupira Nathalie.

— ... et le bandit se morfondrait à nous attendre dans la maison de la falaise, ajouta son frère.

— Les regrets ne servent à rien, trancha Noël. Il aurait fallu être bien malins pour deviner que la lettre ne provenait pas de l'ermite.

— C'est vrai, admit Nick : l'écriture, l'adresse, tout y était.

— Une seule chose m'a étonné : la signature, remarqua son cousin. Il me semble qu'à la fin d'une lettre, on met son nom, plutôt que son pseudonyme. C}u encore : « Verrier, dit l'ermite».

— Ce nom, peut-être que le voleur l'ignore? suggéra Nathalie.

— Je le pense : ce qui tendrait à prouver qu'il n'est pas du pays.

— Tes déductions vont loin, Sherlock! fit Nick d'un ton moqueur.

— Et le voleur aussi, hélas! Peut-être jusqu'à Brunières?

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— Pourquoi Brunières plutôt qu'une autre ville? s'étonna la fillette.

— Une idée comme ça, répondit Noël. Ou peut-être le fait que Cécile Martin y habite?

— Eh, eh! ça se défend, ton hypothèse, déclara Nick. Le voleur se rapprocherait du volé, pourquoi pas? Eh bien, quand nous y serons aussi, à Brunières, il y aura également trois détectives lancés sur la trace du bandit.

— Tu ne doutes de rien! dit Noël en riant. En tout cas, dès notre retour, nous chercherons à retrouver Cécile Martin.

— Et pourquoi donc? demanda Nick. Si encore nous avions le bouton à lui rapporter...!

— Peut-être bien qu'elle ignore l'existence de ce bouton? suggéra Nathalie. Sinon elle n'aurait pas donné le vieux manteau à l'ermite.

— C'est probable, approuva Noël. N'empêche qu'il faudra le lui apprendre : question d'honnêteté, il me semble.

— Et nous devrons lui avouer en même temps que nous nous sommes bêtement fait voler ce bouton? Nous aurons bonne mine! grommela Nick.

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— Et ça lui causera une déception, appuya Nathalie.

— Déception ou pas, nous ne pouvons garder ce secret pour nous, insista Noël.

— Bon, bon! J'avoue que tu as raison, là! dit Nick à regret. On écrasera notre petit amour-propre, et on rendra visite à cette jeune fille... à condition de pouvoir la retrouver. « Mlle Cécile Martin, Brunières. » Comme adresse, c'est plutôt maigre!

— Peut-être bien que nous la rencontrerons dans la rue? supposa Nathalie optimiste. Je suis sûre que je la reconnaîtrai.

— Si tu comptes sur le hasard...! critiqua son frère.

— Nous nous arrangerons bien pour provoquer une rencontre, le moment venu, assura Noël.

— En attendant, il faudrait faire quelque chose, mais quoi? Nous sommes absolument bloqués! » ragea Nick.

Le fait est que les Trois N étaient arrivés à une impasse. Chercher le voleur? Ils ne savaient absolument rien de lui. D'où venait-il? Où était-il reparti? A Brunières, comme l'avait supposé

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Noël? Certes ils l'avaient vu de près, et sauraient le reconnaître... mais à condition de se retrouver en sa présence, ce qui paraissait problématique.

Pour Nick surtout, la sensation d'un échec aussi cuisant était difficile à supporter. Pour les trois, il y avait le regret de n'avoir pu mener à bien la mission qui leur avait été confiée.

Il fallait bien pourtant s'y résigner : les Trois N s'efforcèrent de profiter au mieux des derniers jours de vacances chez l'oncle Edouard et la tante Rosé.

M. et Mme Renaud avaient annoncé leur venue pour le dimanche suivant. Le même soir, ils rentreraient à Brunières avec les enfants.

Dès le samedi, Mme Besson s'affaira dans sa cuisine : elle avait l'intention de régaler ses hôtes du lendemain. Au moment de pétrir une tarte, elle s'aperçut qu'il lui manquait des œufs.

« Allez donc m'en chercher une douzaine chez Lemaire », demanda-t-elle à ses petits-neveux.

Ceux-ci ne se firent pas prier.« On en profitera pour dire au revoir à

Marcel, décida Nathalie.

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— Et peut-être qu'on pourra encore tirer à la carabine? » ajouta Nick.

Ils coururent joyeusement jusqu'à la ferme, où régnait l'activité habituelle. Ce fut encore Marcel qui s'occupa d'eux : il alla au poulailler chercher des œufs frais pondus, que Nathalie rangea dans la boîte apportée tout exprès. Mais le fils du fermier, à la déception de Nick, ne parla pas de carabine.

« Je dois me rendre au village, expliqua-t-il, pour assister au mariage de la

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sœur d'un copain. C'est à quatre heures qu'il a lieu. »

Comme les Trois N faisaient mine de repartir, il les retint.

« Attendez-moi : on fera le trajet ensemble. Le temps de m'habiller, ce ne sera pas long. »

Pourtant il dut fignoler sa toilette, car un bon quart d'heure s'écoula. Mais quand il reparut, ce n'était plus le même.

Nick émit un sifflement admiratif.« Dis donc, tu t'es mis sur ton trente-et-un!— Quelle élégance! appuya Noël. Tu

ressembles à une gravure de mode! »Marcel arborait un costume neuf dont la veste

ressemblait à une tunique d'uniforme. Elle était fermée par sept boutons de métal gris. Tout de suite, Nathalie eut l'œil attiré par eux. Ces boutons... mais oui! Ils portaient une gravure en relief qui représentait une ancre.

« Les mêmes que... celui... de l'auge! » balbutia-t-elle en les désignant à Nick et à Noël.

Ceux-ci regardèrent à leur tour, et restèrent médusés. Qu'est-ce que cela signifiait? Ce bouton, assez précieux semblait-il pour provoquer les

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agissements malhonnêtes du voleur, existait à sept exemplaires sur la veste de Marcel Lemaire? C'était une histoire de fous!

Sept boutons pareils à celui du manteau de l'ermite? Eh bien non : six seulement. Car, en regardant mieux, Nathalie — encore elle — s'aperçut que le dernier n'avait pas tout à fait le même aspect.

« Un de tes boutons n'est pas comme les autres! dit-elle.

— Ah! oui, tu as remarqué ça? J'espérais que ça ne se voyait pas trop!

— Montre! » s'écrièrent en même temps les deux garçons.

A n'en pas douter, ce dernier bouton était plus beau que ses voisins.

« C'est parce qu'il est vraiment en argent, conclut Noël. Et les autres...

— ... en toc, acheva Nick. Ou plutôt en métal ordinaire.

— Et la gravure représente un oiseau, remarqua Nathalie.

— Un aigle, précisa son frère.— L'aigle napoléonien? suggéra Noël, frappé

d'un souvenir historique.

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— Dites donc, fit Marcel en riant, vous n'avez pas fini de m'examiner comme un animal de zoo? Je dois partir : le mariage...

— Mais enfin, ce bouton... coupa Nick. Nous diras-tu...

— Lâchez-moi et filons : je vous en parlerai en chemin. »

Tout en marchant, le fils du fermier expliqua que sa veste avait perdu un bouton, environ un mois auparavant.

« Vous pensez si j'étais embêté! Un costume quasi neuf. Je l'avais mis un dimanche pour me rendre au village. Quand je l'ai quitté le soir, le bouton n'y était plus. C'est vrai qu'entre-temps j'avais fait quelques travaux à la ferme, sans avoir le courage de remettre mes vêtements de tous les jours. »

Saisie d'une idée, Nathalie demanda :« Tu avais peut-être donné à manger au

cochon?— Justement! »La fillette échangea des coups d'œil entendus

avec Noël et Nick. Le bouton trouvé par elle dans l'auge du porc n'était autre que celui qu'avait perdu Marcel.

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« Mais alors... l'autre? questionna vivement Nick.

— L'autre? Ah oui, celui qui remplace le bouton manquant? Là, mes amis, vous n'allez pas me croire : figurez-vous que je l'ai trouvé dans une courge! »

Si Marcel avait escompté de l'étonnement chez ses auditeurs, il fut déçu. « Evidemment! commenta Noël.

— Quoi! s'écria Marcel ahuri, ça vous paraît tout naturel, à vous, de trouver un bouton dans une courge?

— Ce sont des choses qui arrivent! jeta Nick d'un ton léger. Au fait, quand as-tu trouvé?

— Voyons... fit le fils Lemaire qui réfléchissait. C'était... quelques jours après votre visite. Oh, mais, j'y pense! Vous paraissiez vous intéresser de très près aux courges, à ce moment-là! Est-ce que par hasard... »

Nick éluda la question.« Raconte-nous plutôt ton histoire. Tu es donc

allé chercher une courge dans le champ, et...— ... et je l'ai apportée à ma sœur, qui faisait

la cuisine ce jour-là. C'est elle qui a trouvé le bouton, enveloppé dans

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un papier de bonbon. Avouez que ça tombait bien! Comme il ressemblait vaguement à celui que j'avais perdu, j'ai demandé à Josette de le recoudre à la place vide. Comme ça, j'ai évité de me faire gronder par ma mère.

— Une chance, en effet! commenta Nick. Mais dis-moi : à quel endroit était-elle, cette courge?

— Je l'ai prise au troisième rang; et c'était, je crois, la quatrième sur la droite.

— Sur la droite, tu es sûr?— Mais oui! En tournant le dos à la ferme,

bien sûr!

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— J'ai compris! fit Nick effondré. J'avais dit la quatrième à gauche parce que, moi, je venais de la route! »

Nathalie lui jeta une œillade triomphante.« Je t'avais bien dit que je savais compter! »Ils se seraient peut-être chamaillés, si Noël

n'avait fait cette remarque :« Vous rendez-vous compte de ce que cela

implique? Le voleur est en possession d'un bouton faux! »

Dans sa joie, Nick fit un bond en l'air.« Oh! mais, dites donc! remarqua-t-il ensuite,

vous devriez me féliciter de mon erreur : si je n'avais pas confondu la gauche et la droite, nous aurions récupéré le vrai, et c'est le voleur qui l'aurait maintenant!

— Je trouve ça tout bonnement immoral! s'indigna Nathalie. Recevoir des compliments pour s'être trompé!

— Ça ne fait rien, dit Noël en riant. C'est le résultat qui compte! Et maintenant, il s'agit de convaincre Marcel de nous donner ce bouton. »

Toute cette dernière partie de la conversation avait échappé au fils Lemaire,

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car, désireux d'arriver à l'heure, il avait pris les devants.

« Hep, Marcel! cria Nick. Attends-nous donc!— Pressez-vous plutôt pour me rattraper!

répondit l'interpellé sur le même ton.— Dis donc, fit Noël quand le trio l'eut

rejoint,... ce septième bouton, est-ce que tu ne pourrais pas nous le céder?

— Vous n'y pensez pas! J'aurais du chic, avec un bouton manquant!

— On t'en achètera sept autres... tous pareils ceux-là! » promit Nick.

Sa sœur le regarda de travers. Facile de faire le généreux avec l'argent des autres! Son exaspération fut à son comble lorsqu'elle l'entendit ajouter : « Nathalie se chargera de te les recoudre.

— Pas le temps! jeta Marcel par-dessus son épaule. Je vais être en retard, je vous dis! »

Mais quand l'horloge du clocher fut en vue, elle marquait seulement quatre heures moins le quart. Le jeune Lemaire accepta de se faire traîner chez la mercière. Par chance, celle-ci possédait des boutons gravés d'une ancre, presque

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identiques à ceux de la veste : il en suffit d'un, et les Trois N ne furent pas ruinés. Il est vrai, qu'ils firent encore l'acquisition d'aiguilles et de fil. On alla s'installer sur un banc de la place, Nick détacha le septième bouton avec son canif, et Nathalie recousit l'autre.

Quand on se sépara, tout le monde était content : Marcel portait une veste avec sept boutons semblables, et les Trois N emportaient avec eux l'objet de leurs recherches et de leurs tourments : un bouton d'argent avec un aigle en relief.

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CHAPITRE XI

Un éclair au chocolat

LA journée du dimanche fut des plus agréables. D'ailleurs, depuis la veille, les enfants étaient de joyeuse humeur, et il y avait de quoi! Le bouton était retrouvé, et le voleur volé! A cette satisfaction s'ajoutait le plaisir de retrouver leurs parents, et de faire en leur compagnie un de ces

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festins dont la tante Rosé avait le secret.Après le café, l'oncle Edouard et M. Renaud,

installés dans de bons fauteuils, s'étaient mis à lire les journaux du dimanche apportés de Brunières... Quant aux Trois N, ils s'étaient lancés dans une partie de cartes. Nick, qui montrait une veine insolente, triomphait bruyamment, lorsque son cousin lui fit impérativement signe de se taire : l'oncle Edouard commentait tout haut une petite annonce trouvée dans le journal.

« Vraiment, dit-il, je commence à croire que tous les goûts sont dans la nature. Je savais déjà qu'on collectionnait des boîtes d'allumettes, des porte-clefs et bien d'autres choses, mais des boutons, alors là je ne m'en serais pas douté! Ecoutez ceci :

« Collectionneur « cherche boutons uniforme époque Premier Empire. Bon prix. S'adresser : Delcour, Les Ifs, Croix-Verte, Brunières. » II y a même un numéro de téléphone. »

Les enfants étaient prodigieusement intéressés. Sur un signe de Noël, ils abandonnèrent la partie de cartes et gagnèrent

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le vieux canapé qui se trouvait dans un coin du salon : c'était leur refuge, quand ils avaient à discuter sans être entendus.

« Et voilà! s'écria Nick. Nous cherchions pourquoi le voleur attachait tant d'importance au bouton : nous le savons maintenant.

— C'est sûrement ça, appuya Noël. Il est question de Premier Empire, et l'aigle qui s'y trouve gravé...

— Eh bien... je trouve que le jeu n'en vaut pas la chandelle! remarqua la fillette avec une petite moue déçue.

— Pourtant, l'annonce parle de « bon prix », répondit son frère.

— Nathalie a raison, déclara Noël. Un bon prix, c'est peut-être quelques milliers de francs : pas de quoi justifier les efforts déployés par le voleur, il me semble1

— En tout cas, il faudra voir de ce côté-là », conclut Nick.

Un peu plus tard, il s'arrangea pour subtiliser le journal qui avait cessé de servir> et pour découper le texte de la petite annonce.

Puis cette bonne journée prit fin, et il

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fallut quitter l'hospitalière maison des Besson pour regagner Brunières dans la 404 de M. Renaud. Le soir même, les Trois N retrouvaient la maison de la rue des Jardins et leurs habitudes. Et dès le lendemain ils se mettaient en chasse.

« Objectif : Cécile Martin, énonça Noël. Description : une vingtaine d'années, cheveux bruns, yeux clairs. Profession : vendeuse.

— On dirait que tu lis un passeport... et ton signalement n'est guère plus précis! » déclara Nick d'une voix moqueuse. Et il ajouta, contrefaisant son cousin : « Nez moyen, menton moyen, signes particuliers : néant. »

Nathalie, prenant le parti de son cousin, contre-attaqua :

« Si on avait à donner le tien, de signalement, on mettrait comme signe particulier : « Moqueur et insupportable ».

— Et pour toi ce serait « Grosse et bavarde », rétorqua Nick.

— Encore du temps perdu à vous chipoter! intervint Noël. Songez plutôt que nous avons une tâche urgente à accomplir! »

Ils discutèrent un moment de la façon d'opérer pour retrouver la jeune fille. Nick,

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ayant proposé malicieusement d'aller aux « objets trouvés », se fit rabrouer vertement. Alors il émit une suggestion plus sérieuse :

« Et si on demandait à la Poste? Cette Cécile doit sûrement recevoir des lettres, ou au moins des prospectus : donc elle y est connue.

----Bonne idée! » approuvèrent sa sœuret son cousin.Ils s'y rendirent à bicyclette, mais ce fut pour

essuyer un échec : l'employé des « Renseignements » auquel ils s'adressèrent leur déclara tout net qu'il n'avait pas le droit de révéler les adresses.

Alors Nathalie proposa de regarder l'annuaire au nom « Martin ».

« Inutile : elle n'a sûrement pas le téléphone, répliqua son frère.

— Essayons toujours. »Cette recherche, bien qu'inefficace, leur

révéla cependant qu'il existait une dizaine de Martin, sans compter ceux qui avaient un nom composé : les Martin-chose, selon l'expression de Nick.

« Eh bien, voilà qui nous promet du plaisir! s'exclama le jeune garçon. Si on y ajoute les Martin qui n'ont pas le téléphone, autant

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chercher une aiguille dans une botte de foin! »Un peu découragés, les trois enquêteurs

sortirent de l'établissement public et se concertèrent.

« Un seul moyen, le plus simple, conclut Noël: parcourir la ville, et entrer dans le plus de boutiques possible. Avec un peu de chance...

— Simple peut-être, mais interminable! répliqua Nick. Te rends-tu compte du nombre de magasins qu'il peut y avoir, dans une ville importante comme

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— Brunières où il y a des dizaines et des dizaines de rues?

— Ne crains rien : j'y ai pensé avant toi. Cette fois encore, je propose cette solution parce qu'il n'y en a pas d'autre. »

Comme on était un lundi et que la plupart des magasins fermaient ce jour-là, les Trois N optèrent pour les supermarchés : il y en avait deux grands, et quelques-uns de moindre importance. Ce fut leur tâche de la journée, à laquelle ils ajoutèrent la visite des quelques magasins ouverts.

Dans les supermarchés, pas de problème : les enfants se séparaient, chacun explorant une partie des rayons comme s'ils s'intéressaient aux marchandises, mais regardant en réalité les vendeuses. Dans les petites boutiques, c'était plus gênant : une fois entrés, il leur paraissait difficile de ressortir sans avoir fait d'achat. Alors ils s'efforçaient de regarder à travers les vitrines; ou bien, quand c'était indispensable, ils réclamaient un article qui n'existait pas. C'est ainsi que Nick voulut se faire montrer un drap « vert à pois mauves » dans une lingerie

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et que, visitant une poissonnerie, Noël demanda des filets de baleine.

« Après ça, nous n'oserons plus jamais retourner dans ces magasins! » protesta Nathalie qui avait envie de rentrer sous terre lors de ces tentatives.

En tout cas, au soir de ce lundi, les Trois N n'avaient rencontré aucune vendeuse ressemblant de près ou de loin à la jeune couturière de Cernac, telle qu'ils l'avaient vue en photographie.

Le mardi, les enfants durent accompagner Mme Renaud qui désirait leur acheter des vêtements en vue de la prochaine rentrée des classes. Ils firent aussi l'acquisition de matériel scolaire. Cette fois ils eurent un bon prétexte pour pénétrer dans les magasins, mais ils en visitèrent beaucoup moins. Et toujours sans succès.

Le mercredi, mêmes essais, même déconvenue. En fin de journée, les Trois N déçus reprenaient le chemin de la maison. Nathalie suggéra alors de passer par une certaine rue où, d'après ses dires, il y avait plusieurs boutiques encore inexplorées. Ce qu'elle n'avouait pas, c'est que l'une d'elles était une pâtisserie à la

« Mademoiselle espère se faire payer un gâteau ! »

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vitrine alléchante. Elle la connaissait pour y être allée un jour avec sa marraine. Elle s'arrêta devant, les yeux rivés sur les gâteaux exposés : choux, babas, tartes, éclairs...

« Alors, tu viens, oui ou non? demanda Nick, l'air impatient. Ah, je vois! Mademoiselle est en contemplation! Mademoiselle nous a fait passer par ici exprès, parce qu'elle espère se faire payer un gâteau!

- Voyons! Sûrement pas par toi, puisque tu es tellement à court d'argent! » intervint ironiquement Noël.

Il prit la main de sa cousine. « Viens, Nathalie. Pendant que ton pauvre frère fauché léchera la vitrine, je t'en paierai un, moi, de gâteau. »

Laissant Nick tout déconfit, ils entrèrent à deux dans la pâtisserie.

« Lequel prends-tu? » demanda Noël.Le choix fut laborieux. Les yeux sur les

rangées de gâteaux, la fillette évaluait leurs qualités et leurs dimensions respectives.

« Celui-ci », dit-elle enfin, en désignant un gros éclair au chocolat.

Une vendeuse, jusqu'alors dissimulée

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par le comptoir, s'était approchée, un petit plateau d'une main, une pince à gâteaux de l'autre. Tandis qu'elle saisissait l'éclair, Nathalie leva les yeux sur la jeune fille : une jolie brune aux yeux bleus. Mais, mais... ce visage! Elle poussa son cousin du coude, et au même moment aperçut Nick qui, de l'autre côté de la vitrine, faisait de grands signes en montrant la jeune fille : lui aussi avait vu! Alors, d'une petite voix timide, la fillette questionna :

« Dites, mademoiselle, vous ne vous appelleriez pas Cécile Martin, par hasard? »

L'interpellée, surprise, regarda la fillette et finit par répondre :

« Mais oui, c'est bien mon nom. Vous me connaissez?

— Oui... enfin, j'ai entendu parler de vous. Et je sais que vous venez de Cernac, et que vous connaissez l'ermite.

— En effet! C'est lui qui...?— Oui, et les fermiers Jeangros nous ont

aussi parlé de vous, intervint Noël.— Ces braves gens! fit la jeune fille. J'ai du

remords à leur sujet : j'aurais dû leur écrire plus souvent. Mais, voyez-vous,

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j'attendais d'être définitivement installée. Mes débuts à Brunières ont été difficiles. »

Elle soupira et il y eut un silence. Alors un toussotement discret se fit entendre du côté de la caisse, derrière laquelle était assise une femme maigre et sèche. Ses yeux scrutateurs suivaient le petit groupe bavard, et on y lisait de la réprobation.

« Ma patronne...! souffla la jeune fille. Je ne peux continuer cette conversation ici. »

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D'ailleurs, des clients qui venaient d'entrer interpellaient la vendeuse.

« Pouvons-nous vous revoir? demanda précipitamment Noël. C'est très important : des choses à vous raconter.

— Attendez! fit Cécile Martin en réfléchissant. Mon travail se termine à sept heures. Venez nie chercher : je vous emmènerai chez moi où nous parlerons plus à l'aise.

— Entendu! » répondit le jeune garçon.Les deux enfants sortirent de la pâtisserie.

Nathalie, tenant à la main son éclair au chocolat, fit à son frère un clin d'œil victorieux.

« Tu vois! dit-elle : la gourmandise, c'est quelquefois payant! »

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CHAPITRE XII

Une visite

A SEPT heures précises, les Trois N faisaient les cent pas devant la pâtisserie. Cécile Martin ne tarda pas à se montrer. Souriante, elle vint vers eux. « Excusez-moi de vous avoir obligés à revenir, dit-elle. Ma patronne n'est pas méchante, mais très stricte : quand on

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est au magasin, c'est pour travailler, pas pour bavarder.

— Vous faites un métier bien agréable! remarqua Nathalie avec envie.

— Vous croyez? répondit Cécile en souriant. Manger des gâteaux et en vendre, ce n'est pas tout à fait la même chose! »

Cependant Nick cachait difficilement son impatience : la jeune fille le comprit.

« Suivez-moi, dit-elle. Je n'habite pas loin d'ici. »

Pendant le trajet, peu de paroles furent échangées. La jeune fille conduisit le trio dans une petite rue écartée, et s'arrêta devant un immeuble modeste.

« C'est au troisième », annonça-t-elle.Des escaliers raides les conduisirent sur un

palier où s'ouvraient deux portes. Cécile introduisit sa clef dans la serrure de celle de droite, et fit entrer ses visiteurs dans un logement minuscule, mais propre et gai. Une fois qu'elle les eut invités à s'asseoir dans une petite pièce, mi-chambre, mi-salon, elle se tourna vers eux et dit :

« Je vous écoute. »Alors Noël narra le vol du manteau,

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dont l'ermite avait été victime, et la découverte du bouton d'argent. La stupéfaction se lisait sur le visage de Mlle Martin.

« C'est bien moi qui lui ai donné le pardessus. Mais j'ignorais absolument l'existence de ce bouton!

— A qui appartenait ce vêtement? questionna Nick.

— A mon père. Il y a bientôt dix ans qu'il est mort, et cependant j'ai conservé longtemps le peu qu'il m'avait laissé... comme souvenir, bien sûr, car tout cela ne valait pas grand-chose! »

Elle raconta que son père, autrefois riche ou du moins très à l'aise, avait perdu sa fortune par la faute de gens peu scrupuleux auxquels il prêtait de fortes sommes sans contrepartie.

« II était si bon, si généreux! soupira-t-elle. Il avait une telle confiance dans les autres! Malheureusement, il n'a eu affaire qu'à des ingrats.

— Il ne vous avait jamais parlé de ce bouton, vous en êtes sûre?

— Absolument. Ou alors je l'ai oublié, mais cela m'étonne : j'avais déjà douze ans quand il est mort.

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— Pourtant, remarqua Noël, il y a quelqu'un qui sait que ce bouton existe, puisqu'il a tenté à trois reprises de le voler... sans succès d'ailleurs. »

Et il reprit le fil de son récit, que la jeune fille suivit avec un profond intérêt.

« Pauvre ermite! En lui faisant ce cadeau, je ne me doutais pas que cela lui attirerait tous ces ennuis! Mais vous-mêmes, que d'aventures et de dangers vous avez courus!

— Oh! nous, nous avons l'habitude! » fit Nick en bombant le torse.

Noël paraissait perplexe.« Ainsi, dit-il, quelqu'un connaissait

l'existence du bouton d'argent sur le vieux manteau de votre père, alors que vous l'ignoriez vous-même? Admettons. Mais comment ce même personnage a-t-il pu apprendre que ce manteau était passé aux mains de l'ermite? Il faut nécessairement que cet individu vous ait espionnée... ou ait cherché à vous approcher. »

Cécile Martin fronça les sourcils dans un effort de réflexion.

« Je me demande... dit-elle enfin. Oui, c'est certainement ça : figurez-vous qu'un

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homme s'est présenté à moi, quelque temps après mon installation à Brunières. Il prétendait avoir connu autrefois mon père, et s'être lié d'amitié avec lui.

— Sa description? demanda vivement Nick.— Grand, fort, le teint mat, les cheveux gris.— Tout à fait conforme, à part la teinte des

cheveux, remarqua Noël.— Peut-être une perruque? suggéra son

cousin.— Cela ne m'étonnerait pas, dit Cécile. Il

avait le visage assez jeune — à part les cheveux, justement — et je me suis même étonnée, tout d'abord, qu'il ait pu être un ami de mon père. Il l'avait connu, disait-il, quand je n'étais moi-même qu'une enfant. Après quoi il s'était expatrié, et venait seulement de rentrer en France. Alors, en souvenir de son ancien ami, il avait cherché à me retrouver, moi, sa fille.

— Vous ne vous êtes pas méfiée de lui?— Tout d'abord, si : il ne m'était guère

sympathique. Ensuite... eh bien, il m'a donné sur mon père des détails qui m'ont paru véridiques : j'ai cessé de me poser des

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questions. Et puis, je me sentais si seule, que ses visites ont fini par m'être agréables. Il ne m'en a fait d'ailleurs que trois : je ne l'ai pas vu depuis plusieurs semaines.

— Vous a-t-il parlé du manteau? demanda Noël.

— Oui : il disait que, dans ses derniers souvenirs, il revoyait mon père vêtu d'un pardessus brun.

— Et tout naturellement, vous lui avez dit ce qu'il était advenu de ce vêtement?

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— Mais oui! Si j'avais pu deviner...! Car c'est lui que vous soupçonnez d'être le voleur, n'est-ce pas?

— Il y a toutes les chances. Au fait, vous a-t-il dit son nom?

— Bien sûr : il s'appelle Delcour. » Les Trois N sursautèrent.

« Par exemple! C'est le nom du collectionneur! jeta Nick. Un type qui cherche des boutons, justement. En supposant que nous soyons allés le voir, nous tombions une fois de plus dans un piège! »

Comme Cécile Martin n'avait pas l'air de comprendre grand-chose à ce discours, Noël lui parla de l'article de journal.

« Et vous pensiez vous rendre à cette adresse? demanda la jeune fille.

— Oui, avec votre accord, bien sûr! Mais maintenant, je me demande si ce serait prudent!

— Pourtant, remarqua Nick, ce collectionneur semble être la seule personne capable d'élucider le mystère du bouton. Il faut faire une tentative, à mon avis.

— Si c'est lui le voleur, il ne faut pas aller chez lui! s'écria Nathalie d'une petite voix tremblante.

— Qui parle d'y aller? Ce que je propose,

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c'est de lui passer un coup de fil pour tâter le terrain. Suivant ce qu'il répondra on agira.»

Noël émit une restriction.« En admettant que ce soit notre homme, il se

méfiera en entendant des voix d'enfants au téléphone : sans doute pensera-t-il qu'il s'agit de nous.

— Si vous voulez, c'est moi qui me chargerai de cette communication, proposa la jeune fille. Je vous tiendrai au courant du résultat, bien entendu.

— Où et comment? demanda Nick.— Revenez chez moi demain à la

même heure, si vous pouvez.— Entendu. Et nous apporterons le bouton

pour vous le montrer, promit Noël. Pour le moment il est en sûreté à la maison. Ah! j'allais oublier : au cas où ce collectionneur vous demanderait de le décrire, dites qu'il est en argent, avec une gravure en relief représentant un aigle.

— Je n'oublierai pas. »Les Trois N quittèrent rapidement la jeune

vendeuse : il était grand temps pour eux de regagner la rue des Jardins. Ils dévalèrent l'escalier l'un derrière

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l'autre. Mais comme Nick, qui était en tête, allait sortir de l'allée, il aperçut un individu plaqué contre le mur extérieur de l'immeuble et paraissant guetter la porte. Le jeune garçon n'eut que le temps de faire un bond en arrière.

« Qu'est-ce qui te prend? demanda Noël arrivant au même moment.

— Un homme... là! souffla Nick en désignant la sortie. Je crois bien que c'est notre voleur.

— Alors, c'est qu'il nous attend? demanda Nathalie, affolée.

— Sans doute, dit Noël. Vite, cherchons s'il y a une autre issue. »

Ils tournèrent les talons et se ruèrent dans le couloir. Il se prolongeait sous la cage d'escalier et aboutissait à une porte vitrée, que Nick ouvrit : elle donnait sur une petite cour où étaient rangées deux bicyclettes et une voiture d'enfant. De hauts murs lisses la cernaient : impossible de sortir par là.

« Remontons chez Mlle Martin, décida Noël. Peut-être nous suggérera-t-elle un autre moyen? »

Ils gravirent à nouveau l'escalier, et sonnèrent à la porte de la vendeuse.

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Quand celle-ci vint ouvrir, elle parut étonnée, puis inquiète. Rien qu'à voir les Trois N, essoufflés, l'air bouleversé, elle avait compris qu'il se passait quelque chose d'anormal.

« Entrez vite, dit-elle, et racontez-moi ce qui vous arrive.

— Un homme fait le guet à l'entrée de l'immeuble, expliqua Nick. Il m'a semblé que c'était le voleur de boutons. »

Sans faire de commentaires, Cécile Martin alla ouvrir la fenêtre et se pencha au-dehors.

« Je le vois, dit-elle. Il semble en effet en train d'épier quelque chose... ou quelqu'un. »

Soudain elle se rejeta en arrière : son visage était bouleversé. « II vient de lever la tête, expliqua-t-elle. Et c'est LUI, j'en jurerais.

— Lui?— L'homme qui se fait appeler M. Del-cour,

et se prétend un ancien ami de mon père. »

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CHAPITRE XIII

Des bonbons à la menthe

LES TROIS N ne s'étaient donc pas trompés : l'individu qui avait volé le manteau de l'ermite et celui qui avait rendu visite à Cécile Martin n'étaient qu'une seule et même personne.

Le doigt levé, les sourcils froncés comme quelqu'un qui s'apprête à énoncer une vérité profonde, Nathalie s'écria :

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« Ainsi, c'était bien une perruque! » Cette réflexion inattendue détendit l'atmosphère et délia les langues.

« Perruque ou pas, cet homme est là pour nous, déclara Nick, et je me demande bien ce qu'il nous veut!

— Evident! répondit Noël. Il a dû s'apercevoir que le bouton qu'il nous a pris est faux. Alors il s'est dit que nous possédions peut-être le vrai.

— Dans ce cas, pourquoi nous guette-t-il ici, et pas chez nous? s'étonna Nathalie.

— Il ne doit pas connaître notreadresse, tiens!— Tant mieux! soupira la fillette.— Mais il connaît la mienne, poursuivit la

vendeuse.— ... et il a pensé qu'un jour ou l'autre nous

viendrions vous parler de ce bouton, acheva Nick qui avait compris les déductions de son cousin. Qui sait s'il n'espionne pas depuis plusieurs jours déjà? »

La jeune fille remarqua, l'air pensif : « Maintenant que vous le dites, je me rappelle avoir eu la sensation d'être surveillée, ces derniers temps. Mais, n'ayant

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jamais vu personne, je croyais à un effet de mon imagination.

— Une conclusion s'impose, remarqua Noël : il faudra éviter désormais de se rencontrer chez vous. Demain, par exemple...

— Vous avez raison, acquiesça Mlle Martin. Aussi je vous propose un rendez-vous au Jardin des Plantes, qui

. n'est pas très loin de mon lieu de travail. Il y a des tas de petits bosquets où on peut se tenir à l'abri des regards. Je serai à 19 h 10 près du pont aux cygnes.

— D'accord! firent les Trois N.— En attendant, remarqua Nick après un

rapide coup d'œil par la fenêtre, nous ne sommes pas sortis de l'auberge! Le type est toujours là. Comment allons-nous lui échapper?

— J'ai une idée, déclara la vendeuse. Venez avec moi. »

Elle se munit d'un filet à provisions, fit sortir les enfants, et, après avoir soigneusement fermé à clef, descendit avec eux jusqu'au rez-de-chaussée.

Sur la gauche du couloir d'entrée, il y avait une porte sur laquelle on ne voyait ni sonnette, ni plaque au nom du

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locataire. Cécile Martin tourna une poignée de cuivre et pénétra, suivie par les Trois N, dans un réduit obscur et envahi de caisses et de cageots. Il y régnait un mélange d'odeurs où l'on distinguait celles du café, du poivre, du savon... et bien d'autres encore. Une petite porte faisait face à la première. A leur surprise, l'ayant franchie à la suite de Cécile, les enfants se trouvèrent derrière le comptoir d'une épicerie. Une petite femme mince et ridée, occupée à rendre la monnaie à une cliente, se retourna. « Bonjour, madame Milain! lança la

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jeune fille d'une voix enjouée. Je me suis encore permis de passer par votre arrière-boutique!

— Vous avez bien fait! » répondit l'épicière avec un grand sourire.

Mais elle se rembrunit un peu en apercevant les Trois N. « Et ces enfants, qu'est-ce qu'ils viennent faire?

- Ils étaient en visite chez moi, et...— ... et nous voulions acheter des bonbons »,

acheva Noël pour amadouer l'épicière.Il y en avait de tout prêts dans des cornets de

cellophane. Il prit le premier venu, paya, et se dirigea, suivi par ses cousins, vers la porte vitrée qui faisait face au comptoir. Elle débouchait dans une rue perpendiculaire à celle où l'homme devait continuer à faire le guet.

« Une chance que cette épicerie occupe l'angle de l'immeuble! conclut Noël.

— Mais tout de même, remarqua Nathalie en examinant le cornet de bonbons, tu aurais pu choisir autre chose que de la menthe! Ce sont ceux que j'aime le moins. »

Nick faillit s'étrangler d'indignation. « Penser à des bonbons alors qu'on vient d'échapper de justesse à un danger,

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c'est... c'est... »Il n'acheva pas, car Noël, ayant inspecté

soigneusement les alentours, jeta : « Personne en vue : On file! »

Ce fut une course éperdue jusqu'à la villa des parents, où les Trois N se sentirent enfin en sécurité.

*********************************

Le lendemain, Cécile Martin arriva en courant: il était 19 h 20, et les enfants commençaient à s'inquiéter.

« Excusez-moi, dit-elle après avoir repris son souffle. En sortant de la pâtisserie, j'ai eu l'impression d'être suivie. Aussi ai-je fait des quantités de détours pour arriver jusqu'ici. En fin de compte, je crois que c'était une fausse alerte. »

Les Trois N regardèrent de tous côtés avec inquiétude : le jardin paraissait désert. En compagnie de la jeune fille, ils allèrent s'installer dans une sorte de niche de verdure, fermée sur trois côtés par des haies.

« Alors, vous avez téléphoné? demanda vivement Noël.

— Oui, et c'est un homme qui m'a

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répondu. « Monsieur Delcour? » ai-je demandé. « Lui-même. » Or, croyez-moi, ce n'était pas le pseudo-ami de mon père qui parlait. Cette voix-là était plus grave, et — comment dire? — plus chaleureuse.

— Par exemple! s'exclama Nick. Il y aurait donc un vrai Delcour et un faux, comme il y avait un vrai et un faux bouton? Quel micmac! »

La jeune fille sourit, mais Noël, faisant signe à son cousin de se taire, la pria de continuer.

« Attendez, demanda-t-elle, tout en

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réfléchissant, je vais essayer de vous rapporter la conversation aussi exactement que possible.

« — C'est à quel sujet? m'a-t-il demandé.« — J'ai lu votre annonce dans le « journal, à

propos d'un bouton.« — Vous en avez un datant du Premier

Empire?« — Je pense que oui.« — Pouvez-vous me le décrire?« — II est en argent, et gravé d'un « aigle. »« Après un silence, mon interlocuteur a dit

d'une voix changée :« — Quel est votre nom, mademoiselle?« — Cécile Martin.« — Dans ce cas... je vais vous demander

quelques détails sur votre « famille. »« Un vrai questionnaire a suivi : j'ai dû donner

le prénom de mon père, sa date de naissance, la couleur de ses yeux, etc. Après quoi M. Delcour — si c'est lui — m'a proposé d'aller le voir en apportant le bouton.

« — En ce moment, ai-je répondu, il est entre les mains de trois enfants

« qui m'ont aidée à le récupérer. Puis-je venir avec eux?

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« — Naturellement! Et même je vous le conseille : il vaut mieux que vous ne soyez pas seule. Surtout, faites attention! »

— Vous avez rudement bien fait! interrompit Nick, ravi à l'idée que les Trois N seraient mêlés à cette aventure jusqu'à son dénouement.

— Et ce rendez-vous, c'est pour quand? demanda Noël.

— Pour samedi à 17 h : c'est mon après-midi de liberté. J'espère que cette date vous convient? Sinon, je me suis réservé d'en changer.

— C'est parfait! approuva Nick. On viendra vous prendre... où, au fait? »

On convint d'un nouveau lieu de rendez-vous. A 16 h 30 précises, le surlendemain, Cécile Martin et les Trois N se rencontreraient à la gare, dans la salle des pas perdus. Puis, tous ensemble, ils se rendraient à la Croix-Verte : c'était une banlieue éloignée de la ville de Brunières.

Au moment où chacun se levait pour partir, Nathalie crut entendre un froissement dans la haie toute proche. Elle la contourna précipitamment : rien!

« Que se passe-t-il, Nattie? demanda Noël en la rejoignant.

— Un bruit : j'ai cru...

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— Bah! dit Nick qui arrivait à son tour, il devait provenir de cette volière! »

En effet, tout près de là, une grande cage grillagée abritait un couple de paons. L'un d'eux était fort occupé à faire la roue.

« C'est sûrement ça », admit la fillette.Mais elle ne se sentait pas tellement rassurée.

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CHAPITRE XIV

La villa «Les Ifs»

« LES IFS? C'est par là, à cinq minutes d'ici! » répondit la femme à qui Noël venait de demander son chemin.

Elle était assise sur le seuil d'une maisonnette, et ses mains s'activaient sur un tricot.

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« Cette villa est bien occupée par un certain M. Delcour? » poursuivit le jeune garçon.

La dame arrêta ses aiguilles, l'air surpris.« Mais non! dit-elle : c'est une maison

inhabitée! »Les Trois N et Cécile Martin échangèrent des

regards inquiets. A ce moment, un homme qui soignait ses fleurs — sans doute le mari de la tricoteuse — se rapprocha, un sécateur en main.

« Bien sûr que si! affirma-t-il. Tu ne te rappelles pas, Yvonne? La villa a été achetée récemment par un homme qui vient de je ne sais quel pays lointain... des antipodes, quoi! »

« Ouf! » pensèrent, soulagés, les quatre promeneurs.

Quant à Nathalie, elle se creusa la tête pour savoir où se trouvait le pays appelé « Antipodes ». Elle faillit poser la question, mais vaguement consciente que cela lui attirerait les moqueries de Nick, préféra se taire.

« Un vrai bled! maugréa le plus jeune des garçons en examinant la campagne presque déserte qui les entourait. Quant

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aux cinq minutes annoncées... la dame a dû s'imaginer qu'on se propulsait en avion! »

Pourtant, ce délai n'était pas tellement dépassé lorsque se présenta un petit chemin latéral bordé de buissons. Au fond apparaissait une vieille demeure d'allure aristocratique, bien qu'assez délabrée. Voyant deux grands ifs se dresser de part et d'autre du portail, Noël décida :

« C'est ici!— Une belle maison! jugea Cécile.— Un peu trop croulante pour mon goût! »

critiqua Nick.Les enfants et leur nouvelle amie traversèrent

un jardin en friche, gravirent trois marches et se trouvèrent sur un perron. Après une courte hésitation, Noël tira sur une sonnette. Au bout d'une minute, la porte fut ouverte par un homme d'allure étrange : il avait le teint cuivré, le nez aquilin, les cheveux et les yeux très noirs. Quand il parla, ce fut avec un fort accent espagnol.

« Qui êtes-vous?— Mlle Martin et les trois enfants

Renaud. »Le panneau s'ouvrit plus largement.

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« Suivez-moi, dit l'homme : mon maître vous attend. »

L'intérieur de la maison, comme la façade, témoignait d'une splendeur disparue. Tout en suivant le domestique à travers un long corridor, puis dans un escalier, les Trois N se posaient d'angoissantes questions. Ne se jetaient-ils pas tête baissée dans un nouveau piège? N'avaient-ils pas accepté trop à la légère de se rendre dans cette maison isolée, qui serait si propice à un guet-apens? Nick, d'un geste machinal, vérifia si le bouton

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d'argent, dont il avait la charge, se trouvait toujours dans la poche intérieure de sa veste : il le sentit sous ses doigts et fut rassuré... provisoirement.

L'escalier aboutissait à un autre couloir. Le serviteur étranger ouvrit une porte et s'effaça pour laisser entrer les nouveaux venus : ceux-ci aperçurent un homme qui se leva pour les accueillir.

Alors, d'un seul coup, leurs craintes s'évanouirent : ce M. Delcour inspirait confiance. C'était un vigoureux quinquagénaire, assez grand, large d'épaules.

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Il avait le teint hâlé des gens qui vivent au grand air. La bonté se lisait sur son visage.

Quant à la pièce spacieuse où il les reçut, elle paraissait remise à neuf depuis peu. Les meubles avaient un aspect exotique. Contre les murs, on voyait toutes sortes d'ornements qui intriguèrent les visiteurs : ils notèrent la présence d'une selle de cheval, d'une corne de bœuf, d'un lasso...

Cependant M. Delcour, une fois les présentations faites, se tournait vers la jeune vendeuse.

« Ainsi, dit-il, vous êtes la fille de mon meilleur ami! Je suis heureux de vous avoir retrouvée. »

Cécile tressaillit, et les Trois N en comprirent la cause : ces mêmes paroles, ne les avait-elle pas déjà entendues, sortant de la bouche d'un imposteur?

Sans s'apercevoir du trouble de la jeune fille, M. Delcour poursuivait :

« Car vous êtes vraiment sa fille : j'en ai eu la preuve quand vous m'avez donné tous ces détails au téléphone. A propos, vous m'excuserez de ce questionnaire, mais c'était indispensable : savez-vous

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qu'une autre jeune fille du nom de Martin s'était déjà présentée à moi?

— Quoi! s'écria Nick. Pour les Martin aussi, il y en a de faux et de vrais? »

M. Delcour parut surpris, puis rectifia en souriant :

« Cette autre personne s'appelait vraiment Martin, figurez-vous. Nicole Martin, exactement. J'ai vu sa carte d'identité : elle était tout à fait authentique.

— Mais alors... comment avez-vous su? balbutia Cécile.

— Qu'elle n'était pas celle que j'attendais? Tout simplement parce que, en même temps qu'elle me révélait son nom, cette jeune fille m'a montré un bouton qui, lui, était faux. »

Les Trois N échangèrent des regards entendus : ils commençaient à comprendre... du moins, un tout petit peu.

« Nous, c'est le vrai que nous avons! s'écria Nick. Enfin... nous pensons que c'est le vrai. »

Il fouilla sa poche, non sans un peu d'appréhension, et tendit le bouton à M. Delcour. Rien qu'à voir le visage de celui-ci s'éclairer, le jeune garçon comprit que les Trois N ne s'étaient pas trompés.

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Sans un mot, leur hôte s'approcha d'un petit secrétaire, et, d'un tiroir fermé à clef, sortit un autre bouton qu'il montra à ses visiteurs : c'était l'exacte réplique de celui que Nick avait apporté : même dimension, même métal, même gravure représentant un aigle aux ailes déployées. Dans le silence qui suivit, on entendit un grand soupir poussé par Nathalie.

« Ouf! dit-elle. J'avais tellement peur que le bouton trouvé par Marcel dans la courge ne soit pas encore le bon!

— Que voulez-vous dire? demanda M. Delcour abasourdi.

— Rien d'intéressant : on vous racontera tout à l'heure! » se hâta de dire Nick avec un regard de réprobation pour sa sœur.

Cécile Martin fit diversion en tendant sa carte d'identité à l'ex-ami de son père. Celui-ci n'y jeta qu'un coup d'œil.

« J'ai toute confiance en vous, affirma-t-il. Seule la fille de Pierre Martin peut m'avoir donné de lui une description aussi fidèle. Et maintenant, ajouta le propriétaire de la villa Les Ifs, je vais vous raconter l'histoire de ce bouton : je

« Je vais vous raconter l'histoire de ce bouton.

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suis sûr que vous brûlez d'envie de la connaître.

— Oh, oui! s'écrièrent les Trois N en chœur.— Bon. Mais attendez un instant : je

descends dire à Pablo — il s'agit de mon domestique, qui est d'origine indienne — de n'introduire aucun visiteur, sous quelque prétexte que ce soit. »

Il disparut, et les enfants pensèrent qu'il prenait là une sage précaution : il leur restait, de leurs diverses rencontres avec le voleur de boutons, un souvenir trop pénible pour souhaiter le revoir! Or, tant qu'il rôdait dans Brunières, tout péril n'était pas écarté.

M. Delcour revint.« Pablo m'a promis qu'il resterait en faction

derrière la porte, annonça-t-il. Avec lui, nous pouvons être tranquilles. Maintenant, mes amis, installez-vous confortablement : vous allez entendre mon récit. »

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CHAPITRE XV

Un gage

« IL Y A quinze ans, commença M. Delcour, j'étais un homme ruiné : la petite usine que j'avais montée venait de faire faillite, et je ne possédais plus un sou. Que devenir? Quelqu'un m'avait parlé de l'Argentine comme d'un pays où il était possible de faire fortune en élevant du bétail : je décidai d'aller y tenter ma chance.

— Alors, interrompit Nathalie, c'est en Argentine que vous étiez, et pas aux Antipodes?

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— Ma foi, répliqua le narrateur en souriant, on peut bien parler d'antipodes : c'est si loin, l'Argentine!

— Ah bon! admit la fillette sans bien comprendre.

— Ce projet, poursuivit M. Delcour, semblait malheureusement impossible à réaliser. Il me manquait l'essentiel : de l'argent. Il m'en fallait pour la traversée, et aussi pour l'achat d'une ferme et de quelques têtes de bétail. Eh bien, savez-vous qui m'en a prêté?

— Mon père! devina Cécile.— Exactement. Sa bonté m'était

connue, et elle ne s'est pas démentie quand j'ai fait appel à lui. Mais je savais aussi, hélas, que la plupart de ceux qui le sollicitaient se montraient ingrats envers cet homme généreux. J'étais décidé à ce qu'il n'en fût pas ainsi pour moi. Comme il m'avait avancé une somme importante, je lui déclarai que j'allais lui signer un reçu. Il refusa net. « Entre amis, me dit-il, la parole suffit. » J'insistai, il s'obstina. Alors je lui proposai

un autre moyen pour reconnaître ma dette.

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« Ecoute, lui dis-je, je tiens tout de même à te donner un gage. Les seuls objets de valeur que j'ai pu sauver du naufrage de ma fortune, ce sont deux boutons d'argent qui me viennent d'un lointain ancêtre, colonel sous le Premier Empire. Il fut tué au cours d'une bataille où sa conduite avait été si héroïque que, dit-on, Napoléon enleva sa propre tunique pour en couvrir sa dépouille. De cette tunique il me reste deux boutons. Prends l'un d'eux, je garderai l'autre. Plus tard, lorsque j'aurai fait fortune, il suffira que toi-même ou l'un de tes héritiers nie présente ce bouton pour que je lui rembourse ce que tu m'as prêté. » Pierre se mit à rire. « La légende est jolie, dit-il, et je suis touché à l'idée que tu veux te défaire, en ma faveur, d'un trésor de famille. Soit : j'accepte. Mais, pour moi, la principale valeur de ce bouton, c'est qu'il me vient de mon meilleur ami. Tiens! En souvenir de toi, je vais même le coudre à l'un de mes vêtements ». A l'époque, il venait de s'acheter un beau pardessus brun. Les boutons étaient en métal. Devant moi,

il a fait la substitution : le bouton d'argent gravé d'un aigle a pris la place d'un des autres.

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— Ce pardessus, intervint Cécile, a été le dernier qu'il ait porté. La perte de sa fortune l'a obligé à user jusqu'à la fin les mêmes vêtements, puis... »

Elle s'arrêta, la voix étranglée par l'émotion.« Puis il est mort, reprit M. Delcour avec

sympathie : la triste nouvelle m'est parvenue en Argentine, où je tentais tant bien que mal de mettre sur pied un élevage. Ayant commencé avec de très petits moyens, il m'a fallu lutter longtemps pour que l'affaire prenne enfin son essor. Je savais que mon ami laissait une fillette sans ressources, et j'aurais voulu m'occuper d'elle. Mais, de si loin, ce n'était guère possible. D'ailleurs, à cette époque, je n'avais pas l'argent nécessaire pour rembourser ma dette. Puis la chance m'a souri, et la richesse est venue récompenser mon travail de tant d'années. Rentré en France, j'ai décidé de m'installer à Brunières, la ville où je suis né. J'ai trouvé à acheter cette villa, qui m'a plu malgré son état de décrépitude :

je compte la faire entièrement moderniser. Mais mon plus cher désir, une fois ici, a été de

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retrouver la fille de Pierre, afin de lui rendre les bienfaits dont son père m'a gratifié jadis. »

La jeune fille, depuis un moment, ne pouvait retenir ses larmes. Les Trois N étaient eux-mêmes fort émus, et Nathalie reniflait discrètement dans son mouchoir.

Mais Nick n'était pas satisfait : l'énigme ne lui paraissait pas encore résolue.

« Puisque vous êtes le vrai M. Delcour, donc l'ami de M. Martin, qui est le faux? questionna-t-il.

— Le faux! Que voulez-vous dire?— Quelqu'un s'est fait passer pour vous

auprès de Cécile, expliqua Noël, et lui a extorqué des renseignements au sujet du manteau brun.

— Il ne peut s'agir que de Michel Sadier, que là-bas on appelait Miguel, fit tristement M. Delcour. Ce jeune Français s'était expatrié à la suite de je ne sais quelle histoire louche; je crois même qu'il avait fait de la prison. Il est venu m'offrir ses services : j'ai accepté, et n'ai

eu qu'à me louer de son travail. Pourtant, au début, je ne pouvais lui verser qu'un bien faible salaire. Peu à peu il est devenu pour moi un

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précieux collaborateur, et presque un ami. C'est bien compréhensible : dans la pampa où nous vivions, c'était le seul avec qui je pouvais parler du lointain pays.

— Si bien que vous lui avez fait des confidences? suggéra Noël.

- Exactement. Je n'avais aucun secret pour cet homme, alors que, de lui, je ne savais pas grand-chose. Je lui ai parlé de mon ami Martin, de sa fille, encore très jeune à mon départ, et enfin de la dette garantie par le bouton d'argent. Comment pouvais-je deviner qu'il abuserait ainsi de ma confiance? Mieux encore : quand nous sommes rentrés en France, il y a quelques mois, c'est lui que je chargeai de retrouver Mlle Martin. La tâche paraissait difficile : des Martin, il y en a beaucoup...

- Oh, oui! approuva Nick. On s'en est aperçus!

- De plus, poursuivit M. Delcour, j'avais oublié le prénom et l'âge exact de la fille de Pierre. Néanmoins Miguel

me promit de mener cette recherche avec tout le soin désirable. Malheureusement, je ne tardai pas à me rendre compte que le retour à la vie

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facile ne lui valait rien. Il devint dépensier, joueur, et se mit à fréquenter des gens d'une moralité douteuse. A mes remontrances amicales, il répondit insolemment qu'il n'avait pas de comptes à me rendre. Je commençais à regretter de lui avoir confié cette mission, lorsque, il y a deux semaines, il m'annonça qu'il avait réussi. Il m'amena une certaine Nicole Martin, 21 ans — sa carte d'identité en faisait foi — qui prétendait être revenue spécialement d'Angleterre où elle vivait, et où Miguel avait retrouvé sa trace.

— Très habile de lui avoir prêté un domicile étranger, commenta Noël : un bon prétexte pour rompre les relations, une fois l'argent empoché.

— C'est juste, approuva l'ancien éleveur. Bref, cette Nicole se disait la fille de mon ami. J'aurais sans doute mordu à l'hameçon, si elle ne m'avait tendu, pour mieux me convaincre, un bouton métallique où était gravée...

— … une ancre! jeta Nick.— Tiens! Comment le savez-vous? Bref, j'ai flairé la supercherie. Alors j'ai posé à cette

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Nicole des questions sur son père. Miguel lui avait certainement fait la leçon, peut-être même montré une photo de Pierre que j'ai en ma possession. La pauvre fille se serait sans doute tirée honorablement d'un interrogatoire superficiel. Mais comme je me méfiais, je lui ai demandé des détails que seule une personne proche pouvait me fournir...

— ... par exemple, la couleur de ses cheveux et de ses yeux, précisa Cécile en souriant,

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— C'est cela... et beaucoup d'autres renseignements dont vous vous êtes fort bien souvenue, vous. Il n'en a pas été de même pour Nicole Martin : ses réponses vagues, ou carrément fausses, m'ont vite démontré qu'elle n'était pas la fille de mon ami. Quant à Miguel, son trouble prouvait assez qu'il était l'instigateur du complot. Comme je lui en faisais le reproche, il prit le parti de fuir en entraînant la jeune fille. Depuis, je ne l'ai plus revu.

— Cette Nicole Martin, où a-t-il bien pu la pêcher? s'étonna Nick.

— Miguel, parmi ses relations suspectes, a dû connaître quelqu'un du nom de Martin. Sans doute cet homme avait-il une fille. L'idée lui est alors venue d'en profiter pour me soutirer l'argent que je destinais à la vraie Mlle Martin. Je suppose qu'il en aurait versé une partie à sa complice.

— Mais il lui fallait le bouton, afin que vous n'ayez aucun doute sur l'identité de cette fille, poursuivit Noël. Voilà pourquoi il a employé tous ces procédés malhonnêtes pour s'en emparer. »

M. Delcour fronça les sourcils.« S'en emparer, dites-vous? Pourtant, c'est un

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faux bouton qui m'a été présenté. Je me suis même étonné, en y réfléchissant après coup, que Miguel ait essayé de me tromper de façon aussi grossière. Il savait que j'en possédais un deuxième identique.

— L'avait-il vu? demanda Nick.— Oui, mais une seule fois, et il y a déjà

longtemps : il a pu oublier.— Certainement, sans quoi il ne s'y serait

pas trompé lui-même, expliqua Noël. Quand Nicole Martin vous a montré ce bouton, Miguel croyait qu'il s'agissait du vrai.

— Tout ceci ne me paraît pas très clair, avoua M. Delcour. Vous feriez mieux de me raconter votre histoire. »

Alors Noël narra les péripéties de la course au bouton. L'ancien éleveur rit franchement de l'épisode de la courge et du renversement final de la situation. Mais il se déclara très peiné du comportement de Miguel envers les Trois N et l'ermite.

« Et maintenant, qu'espère-t-il en nous espionnant? demanda Noël. Nous avons d'abord pensé qu'il voulait reprendre le

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bouton. Mais, après votre récit, je ne crois plus à cette explication. Qu'en ferait-il? Désormais, pour vous, Miguel est « brûlé ». S'il vous présentait une autre Mlle Martin, même porteuse du vrai bouton, vous ne le croiriez plus.

— Bien raisonné, approuva M. Delcour. Après l'échec de sa tentative, il devrait se tenir tranquille. Or il n'en est rien. Pourquoi? J'avoue que cela m'inquiète. »

Il se tourna vers Cécile et son air soucieux disparut.

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« L'essentiel, c'est que je vous aie retrouvée, ma chère enfant. Et ceci grâce à l'idée que j'ai eue de mettre une annonce dans le journal.

— Drôlement rédigée, cette annonce! remarqua Nick. Il y était question du bouton, et non de Cécile Martin! »

L'ex-éleveur sourit. « II faut que je vous explique mes diverses tentatives, après la trahison de Miguel. Ma première idée — la plus naturelle, en somme, — a été de mettre un avis de recherche dans divers journaux. Malheureusement, faute de souvenirs assez précis, ces annonces ont été rédigées de façon trop vague : il y était question d'une jeune fille de dix-neuf à vingt-trois ans, nommée Martin, qu'un certain M. Delcour cherchait à retrouver : elles m'ont valu un flot de lettres et de visites, émanant de jeunes personnes s'appelant vraiment Martin. Mais aucune n'était la bonne.

— Evidemment! intervint Cécile. Je ne lis jamais les journaux.

— Donc, poursuivit le narrateur, je me suis résolu à changer ma façon de faire. Si les Martin courent les rues, il n'en est pas de même des boutons datant

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du Premier Empire! D'où la deuxième annonce...

— ... Celle qui nous est tombée sous les yeux, acheva Nick, et qui nous a mis tout de suite la puce à l'oreille.

— Sans vous trois, jamais je n'aurais retrouvé l'ami de mon père! dit Cécile d'un ton ému. Merci encore de votre intervention. »

L'homme et la jeune fille se lancèrent alors dans un dialogue amical, et les Trois N en profitèrent pour se lever et aller examiner les ornements des murs.

« On dirait que tout ça concerne l'élevage des bovins, remarqua Noël. Ce sont sûrement des souvenirs rapportés d'Argentine. »

Nick était tombé en arrêt devant un objet bizarre, formé par des lanières de cuir terminées par des boules de pierre.

« Par exemple, ce truc-là, je me demande bien à quoi ça peut servir.

— Ce sont des bolas, répondit M. Delcour qui avait prêté l'oreille.

— Bolas... bolas... connais pas! avoua le jeune garçon. C'est quoi, au juste? »

En souriant, l'ex-éleveur alla décrocher l'objet.

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« C'est une sorte de lasso d'origine indienne, expliqua-t-il. Les gardiens de bestiaux s'en servent pour maîtriser les bêtes récalcitrantes.

— De quelle façon? demanda Noël.— On les lance comme ceci — M. Delcour

esquissa le geste — et les lanières s'enroulent dans les pattes des animaux, les empêchant de se sauver.

— Astucieux! » commenta Nick. L'ancien éleveur déposa les bolas sur une table et invita tout le monde à se rasseoir.

« Maintenant, déclara-t-il, parlons affaires : le moment est venu de payer ma dette. Vous m'avez rendu le bouton, ma chère Cécile. A mon tour de vous restituer ce qui correspond, actuellement, au prêt que m'a fait votre père. Intérêts compris, je l'évalue à 50000 F. Comme j'étais tout à fait sûr que, cette fois, il n'y avait pas erreur sur la personne, j'ai déjà retiré cette somme de la banque. »

Il se dirigea vers un petit coffre-fort, l'ouvrit et y prit une liasse de coupures.

« C'est trop! protesta Cécile.— Pourquoi trop? Cet argent est le vôtre,

affirma M. Delcour, et vous

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l'accepterez en souvenir de votre père. » II se mit à recompter les billets, les tendant au fur et à mesure à la jeune fille.

Intimidés par toute cette richesse, les Trois N suivaient l'opération avec un profond intérêt.

Aussi, lorsque le loquet de la porte se mit à tourner doucement et que celle-ci s'entrouvrit, aucun des cinq occupants de la pièce ne s'en aperçut.

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CHAPITRE XVI

Les bolas

C’EST trop! répéta Cécile. Tout cet argent, pour moi qui n'en ai jamais eu!— Vous verrez comme il vous facilitera la vie, assura M. Delcour. Pour le moment, je vous conseille de ne pas le garder chez vous : placez-le

— Je ne saurai jamais! s'écria la jeune

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vendeuse. En tout cas, je... je vous remercie, monsieur. »

Soudain Nathalie, qui se trouvait un peu en arrière des autres eut la sensation d'une présence derrière son dos. Elle voulut tourner la tête, mais n'en eut pas le temps : une main brutale se plaqua sur sa bouche, et une voix qu'elle connaissait trop bien lui glissa dans l'oreille :

« Ne bouge pas, sinon...! »La pauvre Nathalie en aurait bien été

incapable, tant le voleur la tenait serrée contre lui. Ainsi, il avait réussi à s'introduire dans la villa! Son but? L'argent, de toute évidence. Et il n'hésitait pas à user du même procédé qui lui avait si bien réussi une première fois : prendre la fillette comme otage.

Toutes ces pensées se bousculèrent dans la tête de la captive en une fraction de seconde, qui lui parut un siècle. Les autres ne s'étaient doutés de rien. Alors la voix de l'homme s'éleva ironique et mordante.

« Tout cet argent vous fait peur, mademoiselle Martin? N'ayez crainte : je vais vous en débarrasser bien vite. »

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Quatre têtes se tournèrent vers le nouveau venu, et la même stupeur horrifiée se peignit sur tous les visages.

« Lâchez Nathalie! s'écria Noël. Vous n'avez pas le droit...

— Le bandit! » gronda Nick. Quant à M. Delcour, il posa sur son ancien homme de confiance un regard empreint de la plus profonde tristesse.

« Miguel, comment oses-tu t'attaquer à une enfant? Je ne t'aurais jamais cru capable d'une telle lâcheté!

— Il y a beaucoup de choses dont je suis capable pour 50 000 F! répondit l'homme avec cynisme. D'ailleurs je ne ferai pas de mal à cette gamine si vous vous montrez raisonnable. »

L'ancien éleveur, cherchant sans doute à gagner du temps, interrogea :

« Comment es-tu entré? Pablo... »Le voleur se mit à rire. « Pablo? Tout indien

qu'il est, je suis plus rusé que lui.Et puis, n'oubliez pas, monsieur Delcour, que

j'ai habité cette maison quelquetemps : il m'a été facile d'emprunter la

deuxième entrée, celle de la cuisine.Quant à votre fidèle gardien, vous le

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trouverez en bas, ligoté sur une chaise. »Nick profita de cette conversation pour

s'approcher de son cousin et lui murmurer :« Continue à le faire parler. »Noël entra aussitôt dans le jeu : « Comment

saviez-vous que nous étions tous réunis ici? » demanda-t-il.

Miguel ne se fit pas prier pour répondre à cette question : les Trois N avaient eu déjà l'occasion de noter le côté fanfaron de son caractère, En se rengorgeant, il expliqua :

« J'ai surveillé la maison de la petite Martin. Quand vous y êtes entrés avec elle, j'ai compris que vous déteniez le vrai bouton. Ensuite, je n'ai pas cessé de vous avoir à l'œil, et j'ai appris bien des choses... par exemple, votre rendez-vous avec M. Delcour. »

« Et voilà! pensa Nathalie consternée. Il y avait bien quelqu'un derrière la haie, au Jardin des Plantes! »

« J'ai aussi filé mon ancien patron, poursuivit l'homme, ce qui m'a permis d'apprendre qu'il s'était rendu à sa banque : j'ai deviné qu'il allait en retirer la somme destinée à la fille de son ami.

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Il ne me restait qu'à recueillir le fruit de tous ces efforts : ce que je vais faire sans plus tarder. »

Il ajouta d'une voix dure : « Mademoiselle Martin, veuillez m'apporter cet argent immédiatement. Après quoi, vous vous tiendrez tranquilles tous les quatre, pendant que je reculerai jusqu'à la porte. Bien entendu, j'emmène la gamine.

— Vous ne ferez pas ça! cria Noël.— N'ayez crainte : je ne m'embarrasserai pas

d'elle bien longtemps : juste assez pour m'éloigner un peu de la villa après vous avoir enfermés à clef.

— Miguel, réfléchis encore : je te le demande au nom de notre ancienne camaraderie! » plaida M. Delcour.

Ignorant cet appel, le bandit s'adressa à Cécile d'un ton menaçant.

« Alors, vous me l'apportez, cet argent? »La jeune fille se leva : elle était très pâle.

Comme un automate, elle déposa la liasse dans la main qui se tendait. L'autre main du bandit, bien entendu, tenait toujours Nathalie. Miguel évalua d'un regard avide l'imposant paquet de coupures... si bien que son attention se

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trouva détournée un instant de sa prisonnière.Ce fut l'occasion que choisit Nick. Depuis un

moment il avait opéré, centimètre par centimètre, une lente progression en direction de la petite table sur laquelle l'ancien éleveur avait déposé les bolas. Cherchant dans sa tête comment s'opposer à l'adversaire, le jeune garçon s'était souvenu du lasso indien et de l'usage qu'en faisaient les gauchos argentins.

« Si j'arrive à le lancer convenablement, pensa-t-il, je pourrai empêcher

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le voleur de fuir, de la même façon qu'on arrête les bêtes indociles. »

Mais, en admettant qu'il fasse cette tentative, il y avait Nathalie, dont la présence auprès du bandit serait gênante. Alors Nick décida d'obtenir la collaboration de son cousin : au moyen d'une série de clins d'yeux, il lui fit comprendre ses intentions. Noël se tint prêt, attendant le signal.

Il vint, sous forme d'une main levée. Les deux cousins agirent ensemble : Nick saisit les bolas, et d'un geste rapide, les lança au niveau du plancher en direction des jambes du bandit. Le jeune garçon avait choisi cette façon d'opérer, se disant que les poids rouleraient facilement sur le plancher ciré.

Il ne s'était pas trompé : le lasso atteignit son but, et les lanières, tendues par les boules, s'enroulèrent autour des chevilles de l'homme. Au même moment, Noël s'était précipité sur Nathalie et l'avait tirée à lui de toutes ses forces.

Surpris par cette double agression, l'homme poussa un hurlement de rage et lâcha prise, tandis que les lanières

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emprisonnant ses jambes lui faisaient perdre l'équilibre : il tomba lourdement en arrière.

Sa chute entraîna celle de Nathalie et de Noël, qui, n'étant plus retenus, s'affalèrent sur le plancher du côté opposé. Ils se relevèrent aussitôt, ne s'étant fait aucun mal. Pendant ce temps, M. Delcour et Nick s'étaient rués sur Miguel pour le maîtriser. Comme il avait les jambes entravées, il leur suffit de le maintenir chacun par un bras.

« Cécile, venez reprendre votre argent », ordonna calmement l'ancien éleveur.

Pendant que la jeune fille, encore toute tremblante, s'exécutait, Noël déclara :

« Je cours délivrer Pablo... et je rapporterai la corde.

— Attends-moi, je t'accompagne, dit Nathalie d'une petite voix chevrotante. Ce... cet homme me fait peur. »

Le jeune garçon et sa cousine trouvèrent le domestique bâillonné et ficelé sur un siège derrière la porte d'entrée : ils le délivrèrent rapidement.

« Merci », dit l'Indien.

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Et, d'un air farouche, il demanda : « Où est Miguel?

— Là-haut : nous l'avons mis hors de combat.

— Alors, c'est moi qui me chargerai du reste, décida Pablo en s'emparant de la corde. Cet homme-là, j'ai toujours su qu'il ne valait rien. »

Et, résolument, il gravit les marches, suivi par les deux enfants.

Dix minutes plus tard, confortablement assis au salon, l'éleveur et ses jeunes convives se remettaient de leurs émotions en buvant du maté, breuvage originaire d'Argentine que leur avait préparé le serviteur indien.

Miguel, solidement attaché sur une chaise dans la pièce voisine, par les soins de Pablo, attendait que la police, alertée par téléphone, vienne le chercher. Quant aux bolas, elles avaient, sur le mur, repris leur rôle d'ornement.

L'ancien éleveur complimenta Nick.« Vous avez été très habile en vous en servant

de cette façon », dit-il.

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Le jeune garçon essaya de prendre un air modeste.

« C'est que ça m'intéresse, des gadgets qui arrivent de si loin!

— Dans ce cas, offrit M. Delcour, revenez me voir : je vous montrerai des quantités de souvenirs que j'ai rapportés de là-bas.

— D'accord! s'écrièrent les Trois N ravis.— Quant à vous, Cécile, ajouta l'ex-éleveur,

il est bien entendu que cette maison est désormais la vôtre : je compte vous y voir souvent. »

Trop émue pour parler, la jeune fille acquiesça d'un signe de tête.

Les Trois N se sentaient presque de trop. Aussi allèrent-ils contempler les deux boutons d'argent enfin réunis, que M. Delcour avait placés bien en vue dans une vitrine.

« On ne les distingue plus l'un de l'autre, remarqua Noël. Et pourtant, que de tribulations a subi le nôtre, depuis la tunique de Napoléon jusqu'au manteau d'un ermite...!

— ... en passant par une courge! compléta Nick.

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- A propos d'ermite, il faudra lui écrire à son hôpital pour lui raconter la fin de l'histoire, suggéra la fillette.

— Bonne idée! Nous lui dirons que le bouton d'argent a rapporté une fortune à Cécile. »

Noël secoua la tête.« Je ne crois pas que ça l'intéresse. Pour

l'ermite, l'argent n'a plus d'importance! »A ce moment Nathalie se tourna vers la jeune

vendeuse, assise auprès de M. Delcour. Son air heureux la frappa.

« Je sais, dit-elle. Nous lui apprendrons que, grâce au bouton d'argent, Cécile Martin a retrouvé un ami. Et je suis sûre que cela lui fera grand plaisir. »

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LES TROIS NET LE BOUTON D'ARGENT

par Roberte ARMAND

QUAND Nick, Noel et Nathalie, les Trois N, partent en vacances, I'aventure n'est pas loin!

La découverte d'un étrange S.O.S. les amène jusque chez un très curieux personnage. Celui-ci leur raconte qu'il a été attaque par un mystérieux malfaiteur qui lui a dérobe... un bouton d'argent!

Aucun doute : un secret s'attache a cet objet. Et on peut faire confiance aux Trois N pour trouver la clé de I'enigme!

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Les

Noël, Nathalie et Nicolas (Nick).

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de Roberte Armand

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LES de Roberte Armand

Série intégrale

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