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Nicolas HIEN CGI [email protected] Gilbert LAPORTE Chaire de recherche du Canada en distributique, HEC Montréal, [email protected] Jacques ROY Service de l’enseignement de la gestion des opérations et de la logistique, HEC Montréal, [email protected] Les Incoterms constituent un langage codifié qui définit précisément les droits et obligations de l’acheteur et du vendeur dans le cadre d’échanges internationaux. Toutefois, en dépit de leur importance dans la gestion de la chaîne logistique, ils n’ont fait l’objet que d’un faible nombre de publications scientifiques. Cet article vise à brosser un portrait de l’utilisation des Incoterms au Canada et, plus particuliè- rement au Québec, tout en mettant de l’avant les facteurs environnementaux à la base de leur sélection. Définis par le dictionnaire Larousse comme un ensemble de règles internationales pour l’interprétation des termes utilisés dans les contrats de vente avec l’étranger, les Inco- terms sont utilisés dans les échanges interna- tionaux pour établir les responsabilités respectives des parties. Issus de la contraction de « INternational COmmercial TERMS », les Incoterms constituent un ensemble de règles proposées par la Chambre de Com- merce Internationale (ICC). Ils forment un langage codifié qui définit précisément les droits et obligations de l’acheteur et du ven- deur dans le cadre d’échanges internationaux (Jimenez, 1998 ; Chevalier, 2000 ; Gooley, 2000 ; Jacquet, 2000). Ils définissent de plus, de manière uniforme, les points de transfert de frais et les points de transfert de risque asso- ciés à la marchandise (Sriro, 1993 ; Legrand et Martini, 1999 ; Chevalier, 2000). Selon Jimenez (1998), les Incoterms permet- tent de répondre à trois questions fondamenta- les : À qui incombe le coût du transport ? À quel moment le transfert de risque (perte ou détérioration) est-il effectué ? Qui est respon- sable des formalités douanières import et export ? Pour Chevalier (2000), les Incoterms permettent essentiellement d’offrir une défi- nition précise de l’obligation de livraison du vendeur, du transfert de risque du vendeur à l’acheteur, de la répartition des frais entre les parties et également de la responsabilité des documents de transport. Reconnus par les gouvernements, les autorités légales et les professionnels de la logistique à travers le monde, les Incoterms n’ont cepen- dant pas un caractère obligatoire et demeurent un outil à la disposition des entreprises, qu’elles peuvent théoriquement choisir ou non de retenir. Toutefois, l’absence d’un Inco- term dans un contrat pose d’importants pro- blèmes pour la détermination de la valeur en douane de la marchandise, amenant les autori- tés d’un grand nombre de pays, comme le Logistique & Management Vol. 14 – N°1, 2006 79 Sélection et utilisation des Incoterms dans les entreprises exportatrices québécoises

Sélection et utilisation des Incoterms dans les entreprises

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Nicolas [email protected]

Gilbert LAPORTEChaire de recherche du Canada en distributique, HEC Montréal,[email protected]

Jacques ROYService de l’enseignement de la gestion des opérations et de la logistique, HEC Montréal,[email protected]

Les Incoterms constituent un langage codifié qui définit précisément les droits etobligations de l’acheteur et du vendeur dans le cadre d’échanges internationaux.Toutefois, en dépit de leur importance dans la gestion de la chaîne logistique, ilsn’ont fait l’objet que d’un faible nombre de publications scientifiques. Cet articlevise à brosser un portrait de l’utilisation des Incoterms au Canada et, plus particuliè-rement au Québec, tout en mettant de l’avant les facteurs environnementaux à labase de leur sélection.

Définis par le dictionnaire Larousse commeun ensemble de règles internationales pourl’interprétation des termes utilisés dans lescontrats de vente avec l’étranger, les Inco-terms sont utilisés dans les échanges interna-tionaux pour établir les responsabilitésrespectives des parties. Issus de la contractionde « INternational COmmercial TERMS »,les Incoterms constituent un ensemble derègles proposées par la Chambre de Com-merce Internationale (ICC). Ils forment unlangage codifié qui définit précisément lesdroits et obligations de l’acheteur et du ven-deur dans le cadre d’échanges internationaux(Jimenez, 1998 ; Chevalier, 2000 ; Gooley,2000 ; Jacquet, 2000). Ils définissent de plus,de manière uniforme, les points de transfert defrais et les points de transfert de risque asso-ciés à la marchandise (Sriro, 1993 ; Legrand etMartini, 1999 ; Chevalier, 2000).

Selon Jimenez (1998), les Incoterms permet-tent de répondre à trois questions fondamenta-

les : À qui incombe le coût du transport ? Àquel moment le transfert de risque (perte oudétérioration) est-il effectué ? Qui est respon-sable des formalités douanières import etexport ? Pour Chevalier (2000), les Incotermspermettent essentiellement d’offrir une défi-nition précise de l’obligation de livraison duvendeur, du transfert de risque du vendeur àl’acheteur, de la répartition des frais entre lesparties et également de la responsabilité desdocuments de transport.

Reconnus par les gouvernements, les autoritéslégales et les professionnels de la logistique àtravers le monde, les Incoterms n’ont cepen-dant pas un caractère obligatoire et demeurentun outil à la disposition des entreprises,qu’elles peuvent théoriquement choisir ounon de retenir. Toutefois, l’absence d’un Inco-term dans un contrat pose d’importants pro-blèmes pour la détermination de la valeur endouane de la marchandise, amenant les autori-tés d’un grand nombre de pays, comme le

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Maroc ou encore l’Algérie, à en exiger l’utili-sation, les rendant ainsi quasi-obligatoires(Chevalier, 2000).

Créée en 1919, la Chambre de CommerceInternationale publie pour la première fois, en1936, un ensemble de règles pour l’interpréta-tion des termes commerciaux appelé « Inco-terms 1936 ». Des amendements etmodifications ont ensuite été effectués en1953, 1967, 1976, 1980, 1990 et 2000 afin demaintenir l’adéquation entre les Incoterms etles pratiques en cours (ICC, 1990). La der-nière révision aux Incoterms, qui date de2000, propose treize sigles qui sont générale-ment répartis en quatre familles : Les Inco-terms E (EXW), F (FCA, FAS, FOB), C (CPT,CFR, CIP, CIF) et D (DAF, DES, DEQ, DDU,DDP). Les trois premières familles sont appe-lées Incoterms de vente au départ tandis queles Incoterms du groupe D sont nommés Inco-terms de vente à l’arrivée (DeBattista, 1995 ;Jimenez, 1998 ; Legrand et Martini, 1999 ;Ramberg, 1999 ; Chevalier, 2000).

L’objectif de cet article est de brosser un por-trait de l’utilisation des Incoterms au Canadaet, plus particulièrement au Québec, tout enmettant de l’avant les facteurs environnemen-taux à la base de leur sélection. Après une pré-sentation des facteurs environnementauxpertinents au choix des Incoterms, nous décri-vons la méthodologie utilisée ainsi que lesrésultats obtenus à partir de l’enquête réalisée

au Québec en 2006. Nous analysons ensuitel’influence des facteurs environnementauxsur le choix des Incoterms et concluons avecdes pistes de recherche futures.

Environnement et facteursenvironnementaux

L’étude de l’environnement est au centre denombreuses recherches et peut être définiecomme un ensemble de forces auxquellesl’organisation doit répondre (Lawrence etLorsch, 1967 ; Anderson et Paine, 1975), ouencore comme l’ensemble des facteurs quitendent à influencer une organisation (Dill,1958 ; Aharoni et al., 1978). Dans une étudeportant sur l’impact de la perception de l’envi-ronnement par les gestionnaires, Duncan(1972) montre le rôle prépondérant de l’envi-ronnement dans la prise de décision. Cesrésultats sont également validés par Boultonet al. (1982) et Nicolau (2005) qui montrentque l’environnement influe directement sur leprocessus de prise de décision. Cette assertionsera à la base des hypothèses de notre étudequi vise notamment à évaluer l’impact del’environnement sur le choix des Incoterms.

Cependant, le contexte international, inhérentà l’utilisation des Incoterms, tend à influencerde manière importante la prise de décision.Par conséquent, compte tenu de l’absenced’écrits traitant des facteurs ayant un impact

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Tableau 1 : Répartition des frais entre le vendeur et l’acheteur selon l’Incoterm retenu.

Sigle Emballage ChargementConteneurisa-

tion

Préachemi-nement

Formalitésdouanières

export

Passageaéroportuaire/Plate forme de

groupage

Départ

Transportprincipal

Assurancetransport

Passageaéroportuaire /Plate forme de

groupage

Arrivée

Formalitésdouanières

import

Droits ettaxes

Post-achemi-nement

Déchargement

EXW V A A A A A A A A A A

FAS V V V V A A A A A A A

FCA V V V V A A A A A A A

FOB V V V V V / A A A A A A A

CFR V V V V V V A A A A A

CPT V V V V V V A A A A A

CIF V V V V V V V A A A A

CIP V V V V V V V A A A A

DAF V V V V V V / A V /A A A A A

DES V V V V V V V A A A A

DEQ V V V V V V V V A A A

DDU V V V V V V V V A V A

DDP V V V V V V V V V V A

Coût à la charge du vendeur : V - Coût à la charge de l'acheteur : ASource : Adapté de Chevallier, D., “Incoterms 2000 : tous les mécanismes ”, MOCI, hors série, Paris, 2000.

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sur le choix des Incoterms, nous nous tourne-rons vers un domaine connexe de la littérature,le choix du mode d’entrée dans un marché,domaine qui présente des caractéristiquessimilaires au choix des Incoterms tel quel’aspect international ou encore l’importancede bien connaître le marché. En effet, commele montrent Legrand et Martini (1999), ladécision quant au choix des Incoterms estinfluencée par un certain nombre de facteurssensiblement similaires à ceux entrant enconsidération dans la décision quant au modede pénétration d’un marché étranger. SelonCalof (1993), le mode d’entrée sur les mar-chés étrangers est défini comme un arrange-ment institutionnel permettant à uneentreprise d’utiliser son produit ou son servicedans un pays étranger. Les modes d’entréesont divers et variés, citons à ce titre, l’expor-tation, la franchise, les licences, les acquisi-tions, les fusions ou encore les co-entreprises(joint venture) (Rasheed, 2005). De l’abon-dante littérature sur les composants de l’envi-ronnement influençant le choix du moded’entrée, plusieurs éléments ressortent demanières récurrentes. Ainsi, plusieurs auteursdont Sanjeev et Sridhar (1992), Brouthers(1995), Tsé et al. (1997), Pan et Tsé (2000),Osland et al. (2001) ou encore Rasheed(2005) considèrent le risque inhérent au payscomme un facteur fondamental dans le choixdu mode. Par ailleurs, plusieurs autres élé-ments sont suggérés tels la taille, les ressour-ces et le pouvoir de négociation del’organisation (Sanjeev et Sridhar, 1992 ; Panet Tsé, 2000 ; Osland et al., 2001) , le degré decompétitivité et la réglementation du marchécible (Osland et al., 2001), les caractéristiquesdu produit (Sanjeev et Sridhar, 1992 ; Oslandet al., 2001) ainsi que l’expérience à l’interna-tional de l’organisation et sa connaissance dumarché cible (Hill et al., 1990 ; Sanjeev etSridhar, 1992 ; Pan et Tsé, 2000 ; Osland et al.,2001).

Sur la base de la recension que nous venonsd’effectuer nous sommes à même de proposerun premier ensemble de facteurs pertinents auchoix des Incoterms :• Expérience à l’international.• Valeur de l’expédition.• Habitude et politiques de l’organisation.• Caractéristiques du client.• Risque-pays.• Intensité concurrentielle.• Pouvoir de négociation du client.• Mode de transport retenu.

Compte tenu du fait que ces facteurs environ-nementaux proviennent d’une recension de lalittérature d’un domaine connexe il apparais-sait important de les valider. Aussi, nousétions à la recherche de personnes reconnuescomme spécialistes des Incoterms dans leurmilieu professionnel et ayant une connais-sance tant théorique que pratique de ce sujet.De plus, ces experts devaient provenir dedomaines différents, permettant ainsi d’offrirune vision multi-facettes d’un même thème etd’accroître la validité externe de l’étude. Cettevolonté de retenir des experts susceptiblesd’avoir des perspectives différentes s’estmatérialisée par le choix de sept experts, deuxœuvrant dans le secteur du transport interna-tional pour le compte de transitaires, deuxdans des organismes gouvernementaux, deuxautres dans des associations professionnellesaxées sur l’exportation et un dans le domaineacadémique. Ces experts ont donc été amenésà valider et compléter la liste des facteursenvironnementaux susceptibles d’influencerle choix des Incoterms dans le cadre d’entre-vues semi-structurées. Ainsi, si l’ensembledes facteurs sont apparus pertinents, deux fac-teurs qui n’apparaissaient pas dans la littéra-ture ont presque unanimement été spécifiéscomme indispensable à l’étude : les ressour-ces financières de l’organisation et la régle-mentation du pays de destination. Cesfacteurs, qui seront explicités plus loin, doi-vent donc être ajoutés au canevas de recherchecomme éléments de l’environnement.

Ces composants seront maintenant explicitésafin de bien en comprendre la nature, et êtreutilisés dans la suite de notre étude.

L’expérience à l’international : Selon Atha-nassiou et Nigh (2002), l’expérience interna-tionale d’une entreprise est indissociable decelle de ses gestionnaires, assertion validéepar les travaux de Yasin et al. (2000) qui mon-trent, dans une étude empirique menée auprèsde 61 gestionnaires, toute l’importance del’expérience à l’international pour la réussitedes mandats internationaux. Dès lors, nousconsidérerons, dans le cadre de notre étude,tant l’historique export des organisations àl’étude que les connaissances des Incotermsdes gestionnaires interrogés.

Valeur de l’expédition : Si le lien entre lescaractéristiques de l’expédidtion et le choixdu mode de transport est clairement établi(Coyle et al., 2000), nous focaliserons notreattention sur l’impact de la valeur de l’expédi-tion sur le choix des Incoterms.

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Habitude et politiques de l’organisation :L’habitude dans un contexte organisationnelpeut être définie comme un schème d’actionrécurrent (Karim et Mitchell, 2000). Dans untravail de recension des écrits traitant des rou-tines dans l’organisation, Becker (2004) iden-tifie plusieurs caractéristiques énoncées dansla littérature dont la récurrence, la dimensioncollective de l’action, soit sa propension à êtreeffectuée de manière similaire par différentsacteurs d’une organisation, ou encore l’aspectmécanique de cette action. Dans le cadre duchoix des Incoterms, l’habitude est suscep-tible d’influencer la prise de décision, certai-nes entreprises vendant systématiquementFOB par exemple, simplement car cette habi-tude est ancrée dans les routines de l’organisa-tion. Par ailleurs, il est indispensable de tenirégalement compte des politiques de l’organi-sation créant potentiellement certaines obli-gations au niveau des Incoterms.

Caractéristiques du client : Comme nousl’avons vu précédemment, le partenaired’affaires est susceptible d’avoir des consé-quences importantes au niveau des décisionsprises dans un contexte international (Erra-milli, 1992). Ainsi, dans le cadre du choix desIncoterms, l’expérience avec le client, sesantécédents de paiement, sa fiabilité d’unpoint de vue global pourrait avoir uneinfluence. Dans cette optique, Legrand etMartini (1999) suggèrent de recourir à desorganismes comme la COFACE pour évaluerle risque client avant de prendre des décisionsd’affaires.

Risque-pays : Selon Rasheed (2005), lerisque-pays est le risque lié à la stabilité éco-nomico-politique du pays cible. Nous retrou-vons donc ce qu’il nomme le risque général destabilité, faisant référence à la viabilité du sys-tème politique du pays cible, à l’incertitudede la durée de possession des actifs dans lepays compte tenu de la propension du gouver-nement à en prendre le contrôle, et le risque detransfert, défini comme la capacité d’uneentreprise à transférer des capitaux hors dupays d’accueil. Ces risques, qui apparaissentparticulièrement pertinents dans le processusde sélection des Incoterms, sont égalementconsidérés par Hill et al. (1990), Erramilli(1992), et Osland et al. (2001).

Intensité concurrentielle : Cet élément faitréférence au contexte concurrentiel del’industrie, particulièrement dans le paysd’exportation, auquel l’entreprise doit faireface. Selon Osland et al., (2001), ce compo-sant de l’environnement est fondamental et

oriente un grand nombre de décisions prisespar les gestionnaires. En ce qui concerne lesIncoterms, notre étude tentera de déterminerl’impact du niveau de l’intensité concurren-tielle.

Pouvoir de négociation du client : Consi-déré par Porter (1979) dans son modèle desforces concurrentielles, le pouvoir de négo-ciation dépend d’un certain nombre de carac-téristiques de marché et de l’importancerelative des ventes ou achats d’une organisa-tion par rapport à l’industrie dans laquelle elleévolue. Ainsi, même si les ressources finan-cières d’une organisation jouent un grand rôledans la détermination de son pouvoir de négo-ciation (Palenzela et Bobillo, 1997), nousnous intéresserons au pouvoir de négociationcomparé, à savoir l’avantage ou le désavan-tage d’un exportateur sur son acheteur dans lecadre d’une négociation.

Mode de transport retenu : Comme nousl’avons vu précédemment, la Chambre deCommerce, depuis 1953, précise de manièreclaire, les modes de transport pouvant être uti-lisés avec chaque Incoterm. Par conséquent, lemode de transport influencera, de facto, lechoix de l’Incoterm et devrait donc être consi-déré dans la prise de décision.

Règlementation du pays de destination :Ainsi, la réglementation du pays de destina-tion constitue, en pratique, un élément àconsidérer. En effet, les autorités douanièresde certains pays, principalement des paysémergeants, exigent des Incoterms spécifi-ques. Par exemple, l’exportation versl’Algérie devrait être effectuée sur une baseCFR ou CIF tel qu’exigé par les douanes algé-riennes, l’utilisation d’un autre Incotermentraînant d’importants retards et de nom-breux problèmes d’ordre administratif. Cesrèglementations visent, d’une part, à faciliterle calcul de la valeur en douane de la marchan-dise, sur laquelle sont calculés les droits ettaxes à acquitter et, d’autre part, à contrôler lesentrées et sorties de devises du pays. En effet,lorsqu’un exportateur vend CIF, le transportprincipal dont il a la charge est généralementeffectué par un transporteur du pays d’origine,mandaté et payé par l’exportateur qui livre lamarchandise jusqu’au port de destination. Lepost-acheminement, c’est-à-dire le transportdu port aux locaux de l’acheteur est donc à lacharge de l’importateur qui fera généralementaffaire avec un transporteur local, rémunérédans la devise du pays. Si la vente avait étéeffectuée EXW ou DDP, le volume de deviseforte sortant du pays (au profit d’un transpor-

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teur international ou de l’exportateur) auraitété bien plus important que dans le cas d’unevente CIF. Dès lors, la réglementation desIncoterms permet de s’assurer de la minimisa-tion de la sortie de devises fortes, enjeumacro-économique extrêmement important,particulièrement pour un pays émergent.

Ressources financières de l’organisation :Ce second facteur environnemental ajouté parles experts concerne la capacité de l’organisa-tion à financer l’exportation. Ainsi, si l’entre-prise dispose d’un important fond deroulement elle sera plus encline à accepter unevente à l’arrivée (Incoterm D) dans laquelleelle doit défrayer les coûts de transport, coûtsrépercutés dans le prix de vente et donc recou-vré généralement à 30, 60 ou même 90 jours.Par conséquent, une entreprise ayant des pro-blèmes de fonds de roulement devrait laisserles frais de transport à la charge de l’acheteuret opter pour l’Incoterm EXW.

Méthodologie

L’objectif de cette recherche est de brosserun portrait de l’utilisation des Incotermsdans les entreprises exportatrices et demieux comprendre les éléments à la base deleur sélection.

Notre population cible est constituée desentreprises exportatrices québécoises. Nousavons donc retenu un échantillon de conve-nance pour l’envoi du questionnaire. En uti-lisant la base de données d’Industrie Canadaet en retenant les entreprises situées au Qué-bec et ayant une activité export, nous avonspu obtenir les coordonnées électroniquesdes responsables export de 1487 entrepri-ses. Sur ces 1487 adresses électroniques,1308 se sont avérées valides, 179 courrielsn’ayant donc pu être expédiés et ce, soitparce que la compagnie avait déposé sonbilan ou encore que l’adresse de courriel dela personne ressource n’était plus fonction-nelle.

Sur les 1308 responsables de l’exportationcontactés, 135 ont complété le question-naire, pour un taux de réponse de 10,32 %.Plus précisément, selon les statistiques dulogiciel Question Pro™, 181 personnes ontcommencé à répondre au questionnaire sansarriver à son terme et 149 personnes ont uni-quement cliqué sur le lien, lu la lettred’introduction et les avis de conformité duComité d’éthique de la recherche de HECMontréal et n’ont répondu à aucune ques-tion.

Résultats

Utilisation des Incoterms dans lesentreprises exportatrices

En premier lieu nous constatons que pour 95% des entreprises, la sélection des Incotermss’effectue à l’interne (voir figure 3). Les 5 %restants, qui laissent, en tout temps (3 %) oupar moment (2 %), la responsabilité du choixdes Incoterms à un intervenant externe, sontuniquement des entreprises de moins de 100employés et de moins de 15 millions de chiffred’affaires. Ces résultats démontrent la néces-sité, pour les exportateurs, de disposer àl’interne des compétences en terme d’Inco-terms.

Figure 1 : Canevas de recherche

Figure 2 : Répartition des entreprises en fonction du choixdes Incoterms

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Par ailleurs, en ce qui concerne la fréquenced’utilisation des Incoterms (voir figure 4),nous constatons que 67 % des répondants enfont une utilisation intensive, dans l’ensemblede leurs contrats d’exportation, 6 % les utili-sent dans près de la moitié de leurs contratsd’exportation, 11 % de manière ponctuelle et16 % ne les utilisent jamais.

En ce qui concerne les entreprises utilisant lesIncoterms dans leur contrat d’exportation,nous avons tenté d’en dresser un portrait plusdétaillé en nous interrogeant sur l’utilisationde chacun des treize Incoterms. Ainsi, tel queprésenté à la figure 5, les Incoterms FOB etEXW demeurent les plus utilisés, suivis parCIF. Plus précisément, 65 % des répondantsemploient fréquemment FOB, 85 % utilisantcet Incoterm fréquemment ou ponctuelle-ment. En ce qui concerne EXW, une majorité(55 %) y a recours de manière fréquente ouponctuelle, proportion qui tombe à 47 % pourl’Incoterm CIF. Après ces trois Incoterms, cesont les Incoterms de vente à l’arrivée DDU etDPP qui sont les plus fréquemment utilisés,respectivement 26 % et 25 % de manière fré-quente ou ponctuelle. Suivent ensuite FCA etCFR dont l’utilisation est fréquente ou ponc-tuelle dans 22 % des cas.

Par ailleurs, la variété des Incoterms utilisésest relativement faible. En effet, six Incotermssur les treize disponibles ne sont presque pasemployés au Québec, soit près de la moitié del’étendue de l’outil. Ainsi 89 % des entrepri-ses n’utilisent jamais ou rarement l’IncotermCIP, chiffre qui monte à 90 % pour CPT et 92% pour l’Incoterm FAS.

Mais les trois Incoterms de vente à l’arrivée,DAF, DEQ et DES sont les plus délaissés parles exportateurs québécois. Seulement quatreentreprises sur 100 utilisent fréquemment ouponctuellement l’Incoterm DES, 92 % ne s’enservant jamais. Si DEQ n’est également quetrès peu utilisé, 97 % ne l’employant jamaisou rarement, c’est l’Incoterm DAF quidemeure le moins usité, 1 % seulement l’utili-sant ponctuellement, 99 % ne l’utilisantjamais ou rarement.

Cette propension à n’utiliser qu’une faiblevariété de la gamme des Incoterms provientsans nul doute d’un manque de connaissancede cet outil de la part des entreprises ou d’uneemphase trop faible au moment de la négocia-tion. En effet, sur une échelle de Likert à septniveaux, les entreprises ont, en moyenne, éva-lué à 4,37 leur connaissance des Incoterms(voir tableau 2) alors que le niveau d’impor-tance a été évalué à 5,47. L’écart type de 1,72

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Figure 3 : Fréquence d’utilisation des Incoterms

Figure 4 : Fréquence d’utilisation de chaque Incoterm

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révèle des écarts à la moyenne relativementimportants, tendant à montrer l’hétérogénéitédes connaissances concernant les Incoterms.

Influence des facteursenvironnementaux sur le choixdes IncotermsDans le cadre de notre recherche nous avonsretenu les dix facteurs environnementaux sui-vants susceptibles d’influencer la sélectiondes Incoterms :• expérience à l’international,• valeur de l’expédition,• habitude et politiques de l’organisation,• ressources financières de l’organisation,• pouvoir de négociation du client,• mode de transport retenu,• caractéristiques du client,• risque-pays,• intensité concurrentielle,• réglementation du pays de destination.

La figure 6 présente un regroupement parfamille des Incoterms choisis par les répon-dants dans huit situations différentes. Commenous le constatons, lorsque la valeur moné-taire de l’expédition est élevée, 32 % desexportateurs retiendront l’Incoterm EXW soitdépart usine, 36 % utiliseront un Incoterm dela famille F, 24 % laisseront les frais du trans-

port principal à la charge de l’acheteur avec unIncoterm du groupe C et seulement 8 % utili-seront un Incoterm de vente à l’arrivée. Dansle cas d’une expédition de faible valeur, lesexportateurs seront plus enclins à effectuerdes ventes à l’arrivée (14 %), réduisant donc laproportion de vente EXW (25 %). Il apparaîtdonc que la valeur de l’expédition influence lechoix des Incoterms en augmentant la propen-sion des exportateurs à assurer le transport dela marchandise jusqu’aux locaux des clientslorsqu’il s’agit d’une expédition à faiblevaleur, et en les amenant à vendre EXW, FCA,FAS ou FOB, laissant ainsi la charge et la res-ponsabilité du transport principal à l’acheteur,lorsque la valeur de cette expédition estimportante. Ces préférences démontrent, làencore, la vision que les entreprises exporta-trices ont des Incoterms, c’est-à-dire unmoyen de gérer le risque.

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Tableau 2 : Connaissance et importance des Incoterms dans les entre-prises exportatrices et écart avec leur secteur d’activité(réponses des entreprises exportatrices basées sur une échelle de Likert à 7 niveaux)

Moyenne Écart type

Connaissance des Incoterms 4,37 1,72

Importance des Incoterms 5,47 1,67

Écart de connaissance entre l’entreprise et son secteur d’activité 0,24 1,183

Écart d’importance consacré entre l’entreprise et son secteur d’activité 0,05 0,85

Figure 5 : Choix des Incoterms dans huit contextes spécifiques

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Cette propension à utiliser les Incoterms pourgérer les risques est encore plus marquée auregard de la gestion du risque client. En effet,dans le cas d’une exportation destinée à unclient ayant de bons antécédents de paiementavec l’organisation, 10 % des entreprises ten-dront à vendre EXW, 39 % utiliseront un Inco-term de la famille F, 29 % un Incoterm de lafamille C et 22 % un Incoterm de vente àl’arrivée. Dans le cas d’un client à risque oud’un nouveau client, la proportion de venteEXW passe à 48 %, le recours à des IncotermsF passe à 35 %, 16 % utilisant des Incoterms Ccontre seulement 1 % des Incoterms de lafamille D. Ainsi, lorsque le risque de paiementest faible, 51 % des exportateurs tendront àassurer la charge du transport principal alorsque seulement 17 % tendront à le faire en casde clients à risque.

Par ailleurs, il est intéressant de constater quele choix des Incoterms dans un contexte declients à risque est sensiblement similaire àcelui effectué dans un contexte de pays àrisque. En effet, dans le cas d’une exportationvers un pays reconnu pour présenter un risquede guerre élevé ou un haut degré de corruptiondes autorités douanières, les entreprisesexportatrices tendront à retenir majoritaire-ment (55 %) l’Incoterm EXW, 31 % utilise-ront des Incoterms F, 10 % des Incoterms dugroupe C et seulement 4 % des Incoterms D.Ainsi, à l’image du risque-client, lerisque-pays, dans 87 % des cas, se traduit parune volonté de laisser le transport principal àla charge de l’acheteur.

Un autre facteur tend à avoir une influencesignificative sur le choix des Incoterms :l’intensité concurrentielle du pays de destina-tion. Ainsi, la figure 6 nous montre que dansun contexte de forte concurrence, les exporta-teurs sont amenés à augmenter leur offre de

service en assumant le transport principal. Eneffet, seulement 17 % utiliseront l’IncotermEXW, alors que 28 % tendront à assumer nonseulement le coût mais également les risquesinhérents au transport par le biais de l’utilisa-tion d’un Incoterm du groupe D. Cet élémentest cohérent avec les tendances identifiées parBiederman (2000) qui montrait que les clientsexigent de plus en plus le recours aux Inco-terms DDU ou DDP.

Ainsi, compte tenu du fait que le contexte deforte concurrence tend à accroître le pouvoirde négociation du client, il n’est pas étonnantde retrouver une répartition similaire dans unesituation où le client dispose d’un importantpouvoir de négociation. On constate que 11 %des entreprises retiendront alors l’IncotermEXW, 35 % un Incoterm de la famille F, 30 %un Incoterm C et 24 % un Incoterm D. Làencore, cette répartition représente en fait lesexigences du client qui est, dans ce cas, sou-vent à même d’imposer l’Incoterm comptetenu de son pouvoir de négociation. A contra-rio, lorsque l’entreprise exportatrice disposed’un pouvoir de négociation important, seschoix se portent principalement sur l’Inco-term EXW (30 %) et l’Incoterm F (45 %), 18% seulement retiendront un Incoterm C et 7 %un Incoterm D. Dès lors, nous constatons queles entreprises exportatrices privilégieraientles Incoterms de vente au départ EXW, FAS,FCA ou FOB mais que les clients préfére-raient des livraisons CFR, CPT, CIF, CIP ouencore des Incoterms de vente à l’arrivée,mettant de l’avant l’importance de la négocia-tion et du contexte environnemental inhérent àcette négociation.

Éléments influençant laconsidération des facteursenvironnementaux

Par ailleurs, afin de satisfaire la dimensionexploratoire de la recherche, il apparaîtimportant d’étudier les éléments amenant uneorganisation à considérer ou non les Inco-terms. Comme nous le constatons au tableau3, la considération de l’expérience à l’interna-tional lors du choix d’un Incoterm est liée à lafréquence d’utilisation. Ainsi, avec une valeurp de 0,011, inférieure au seuil de significationstatistique, nous pouvons constater une rela-tion entre les variables, laquelle peut êtreconsidérée comme modérée au regard de lavaleur du V de Cramer (0,360). Cependant, ilsemble que la fréquence d’utilisation ne soitliée à aucune autre variable environnemen-

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Tableau 3 : Relation entre la fréquence d’utilisation des Incoterms etla considération des différents éléments de l’environnement

Éléments de l’environnement Valeur p V de Cramer

Expérience à l’international 0,011* 0,360

Valeur de l’expédition 0,138 0,290

Habitude et politiques de l’organisation 0,756 0,204

Ressources financières de l’organisation 0,472 0,243

Pouvoir de négociation du client 0,763 0,202

Mode de transport retenu 0,666 0,219

Caractéristiques du client 0,383 0,252

Risque-pays 0,509 0,236

Intensité concurrentielle 0,662 0,217

Réglementation du pays de destination 0,790 0,198

* Significatif à p = 0,05

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tale, l’ensemble de leurs valeurs p étant systé-matiquement supérieure à 0,05.

Par ailleurs, les tests effectués sur les relationsentre la considération de chaque variableenvironnementale et la taille de l’organisationou son historique export n’ont révélé aucunerelation statistiquement significative. Celasignifie que le fait de considérer tel ou tel élé-ment de l’environnement ne dépend probable-ment pas de la taille de l’organisation ouencore de son historique export. Ainsi, il estintéressant de remarquer que, contrairement àla notion selon laquelle les grandes entrepri-ses tendent à considérer davantage les facteursenvironnementaux que les plus petites, ilsemble que la taille n’ait pas d’impact à ceniveau. Il en est de même pour l’historiqueexport qui pourrait amener une prise de cons-cience sur la nécessité de considérer les fac-teurs de l’environnement mais qui semble aucontraire ne pas influer sur le degré de consi-dération des facteurs étudiés.

Si les caractéristiques de l’organisation sem-blent ne pas avoir d’impacts significatifs sur laconsidération des variables environnementa-les, les facteurs « connaissance des Inco-terms » et « importance accordée »apparaissent, quant à eux, comme des élé-ments explicatifs de première importance. Eneffet, comme en fait foi le tableau 4, laconnaissance des Incoterms est liée à l’expé-rience à l’international (p = 0,000) et au pou-voir de négociation du client (p = 0,016).Toutefois, la relation avec l’expérience àl’international est plus forte qu’avec le pou-voir de négociation du client au regard ducoefficient de corrélation. Plus précisément,l’analyse du R² nous indique que la connais-sance des Incoterms explique respectivement21,3 % et 5,8 % des variables « expérience àl’international » et « pouvoir de négociationdu client ». Ainsi, plus la connaissance desIncoterms est grande, plus les entreprisesexportatrices tendront à considérer leur expé-rience à l’international et le pouvoir de négo-ciation de leur client lors du choix del’Incoterm à retenir.

À l’image de la connaissance des Incoterms,l’importance accordée constitue un élémentexplicatif important de la considération deplusieurs facteurs environnementaux (tableau5). Ainsi, il semble que cette variable soit liéeà l’expérience à l’international (p = 0,000), àla valeur de l’expédition (p = 0,043) ainsiqu’aux caractéristiques du client (p = 0,0001).Si ces relations sont d’intensité modérée, nousconstatons que l’importance accordée permet

d’expliquer 21,2 % de la considération del’expérience à l’international, 11,2 % de laconsidération des caractéristiques du client et4,10 % de la considération de la valeur del’expédition.

La création d’une nouvelle variable, intitulée« moyenne de l’environnement », et basée surla moyenne de l’ensemble des facteurs envi-ronnementaux nous permet de disposer d’uneévaluation agrégée de la considération del’environnement. On se base ainsi sur le pos-tulat que chaque facteur environnemental estd’égale importance. Au regard du tableau 6,nous constatons que les deux variables quesont la connaissance des Incoterms et l’impor-tance accordée ont un lien avec la considéra-tion moyenne des facteurs environnementaux(p = 0,049 et p = 0,010), le premier facteur per-mettant d’expliquer 4,1 % de la considérationde l’environnement, le second permettantd’en expliquer 6,8 %. Ainsi, de manière géné-rale, plus la connaissance des Incoterms etl’importance qui leur est consacrée sont

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Tableau 4 : Relation entre la connaissance des Incoterms et la consi-dération des différents éléments de l’environnement

Éléments de l’environnement Valeur p R2

Expérience à l’international 0,000* 0,213

Valeur de l’expédition 0,098 0,027

Habitude et politiques de l’organisation 0,096 0,028

Ressources financières de l’organisation 0,726 0,001

Pouvoir de négociation du client 0,016* 0,058

Mode de transport retenu 0,0750 0,001

Caractéristiques du client 0,172 0,019

Risque-pays 0,093 0,028

Intensité concurrentielle 0,122 0,024

Réglementation du pays de destination 0,631 0,002

* Significatif à p = 0,05

Tableau 5 : Relation entre l’importance accordée aux Incotermset la considération des différents éléments de l’environnement

Éléments de l’environnement Valeur p R²

Expérience à l’international 0,000* 0,212

Valeur de l’expédition 0,043* 0,041

Habitude et politiques de l’organisation 0,816 0,001

Ressources financières de l’organisation 0,392 0,008

Pouvoir de négociation du client 0,109 0,026

Mode de transport retenu 0,553 0,004

Caractéristiques du client 0,001* 0,112

Risque-pays 0,103 0,027

Intensité concurrentielle 0,133 0,023

Réglementation du pays de destination 0,134 0,023

* Significatif à p = 0,05

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grandes plus les entreprises tendent à considé-rer les facteurs environnementaux dans leursdécisions quant au choix des Incoterms. Cetterelation est, somme toute, relativementlogique puisqu’une plus grande connaissancedes Incoterms est susceptible de générer unemeilleure compréhension du mode de sélec-tion, amenant les entreprises exportatrices àtenir compte des facteurs environnementauxpertinents. En ce qui concerne l’importanceaccordée aux Incoterms par l’organisation,plus cette importance est élevée plus la sélec-tion des Incoterms revêt une importanceélevée et donc plus les facteurs environne-mentaux étudiés sont susceptibles d’êtreconsidérés.

Discussion

Les Incoterms comme outilde gestion des risques

Une analyse plus approfondie de l’environne-ment nous indique que les facteurs les plusconsidérés actuellement sont les facteursintroduisant la notion de risque. En effet, lesfacteurs « caractéristiques du client » et« risque-pays », touchant respectivement lesnotions de gestion du risque de paiement etgestion du risque-pays, sont les deux facteursdont les entreprises exportatrices québécoisestiennent le plus compte lors de la sélection desIncoterms.

Ainsi, comme que nous pouvons le voir à lafigure 6, cette vision des Incoterms commeoutil de prévention des risques, que semblepartager la majorité des entreprises exportatri-ces ainsi que plusieurs experts, peut êtreconsidérée comme une vision élargie desIncoterms par opposition à la perspective res-treinte mise de l’avant par certains experts. Eneffet, plusieurs experts et professionnels del’exportation considèrent les Incotermscomme un outil complémentaire et non par-faitement intégré comme dans la perspectiveélargie. Dans la perspective restreinte, lesIncoterms assurent exclusivement la gestiondes frais et les transferts de risques, la gestiondu risque de paiement étant effectuée par unchoix approprié de mode de financement(lettre de crédit, crédit documentaire, etc.)alors que le risque-pays est géré par la sous-cription d’assurances auprès d’Exportation etDéveloppement Canada ou son pendant fran-çais la COFACE.

Alors que nous pouvons imaginer un conti-nuum entre les deux perspectives, ce qui peutamener certaines entreprises à retenir unevision hybride, il apparaît important de préci-ser que la perspective élargie semble être laperspective privilégiée par la majorité desexperts et entreprises exportatrices québécoi-ses.

Les Incoterms et le partage de la maîtrisedu transport

Dans leur choix des Incoterms, les entreprisesquébécoises interrogées semblent attribuerplus d’importance au risque qu’aux avantagesreliés à la maîtrise du transport. Ainsi, commeon l’a vu à la figure 5, la majorité des exporta-teurs tendront à assurer la maîtrise du trans-port principal lorsque le risque de paiementest faible, alors que seulement 17 % tendront àle faire en cas de clients à risque. Le même rai-sonnement s’applique au cas des pays consi-dérés à risque élevé. Ces préférences illustrentl’importance qu’accordent les entreprisesexportatrices à la gestion du risque dans leurchoix des Incoterms.

Néanmoins, il existe un autre type de risque,celui associé à la concurrence et à la perte declients importants. En effet, on sait que lesclients exigent de plus en plus que leurs four-nisseurs prennent en charge le transport enimposant le recours aux Incoterms du groupeD. Il n’est donc pas étonnant de constater queles entreprises exportatrices québécoisesauront davantage tendance à assumer la maî-trise du transport lorsque leurs clients ont unpouvoir de négociation important et qu’ils

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Tableau 6 : Relation entre la connaissance des Incoterms,l’importance accordée et la considération moyennede l’environnement

Valeur p R²

Connaissance des Incoterms 0,049* 0,041

Importance accordée aux Incoterms 0,010* 0,068

* Significatif à p = 0,05

Figure 6 : Incoterms et gestion du risque : deux visions différentes

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sont situés dans des pays où la concurrence esttrès forte pour l’exportateur. On assiste donc àune forme d’arbitrage entre les différentstypes de risque illustrés à la figure 6 dans leprocessus de sélection des Incoterms.

Conclusion

Cette étude aura permis de dresser un portraitde l’utilisation et du mode de sélection desIncoterms au Québec. Ainsi, il apparaît queles Incoterms EXW et FOB sont les plus utili-sés, les entreprises exportatrices québécoisesn’ayant recours en pratique qu’à un faiblenombre d’Incoterms. Cette utilisation d’unevariété limitée d’Incoterms tient sans doute auniveau insuffisant de connaissance des Inco-terms au Québec. En effet, cette étude anotamment révélé un écart important entre leniveau de connaissance des Incoterms auQuébec et dans le reste du monde, plus parti-culièrement en Europe. Ce fossé résulte, enpartie, de la proximité et de l’intensité deséchanges avec les États-Unis, ce qui amène denombreuses entreprises à utiliser les termescommerciaux américains et à confondre cesderniers avec les Incoterms. Dès lors, auCanada, le défi est de taille puisque l’émer-gence des Incoterms est intimement liée audéclin des termes commerciaux américains.En effet, pour relever un tel défi, les entrepri-ses devraient privilégier l’utilisation des Inco-terms au détriment des termes américainsmais la législation canadienne devrait égale-ment être modifiée pour inclure les Incotermsdans les textes de lois de la douane canadiennequi font actuellement référence aux termesissus des « Revised American Foreign TradeDefinitions » de 1941.

Par ailleurs, il nous apparaîtrait pertinent demener une étude similaire à l’échelle euro-péenne où la connaissance des Incoterms estplus grande. Il serait, en effet, intéressant decomparer les pratiques et d’analyser les diffé-rences dans l’utilisation de cet outil tout envérifiant s’il existe également, en Europe, unlien entre la sélection des Incoterms et la per-formance à l’exportation.

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