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Syndromes hémophagocytaires. Syndrome d’activation des macrophages T. Papo Le syndrome hémophagocytaire est responsable d’une activation des macrophages qui ingèrent les éléments figurés du sang (globules rouges, leucocytes, plaquettes). Dans sa forme habituelle, le syndrome comprend une profonde altération de l’état général, une hépatite, une pancytopénie, une hypofibrinémie et une hyperferritinémie importante. Il apparaît comme une voie finale commune de déficits immunitaires primitifs, de syndromes lymphoprolifératifs, de certaines infections, voire de réactions médicamenteuses ou de maladies systémiques. L’identification des gènes incriminés dans les formes pédiatriques a permis d’avancer dans la compréhension globale du syndrome et de disséquer les mécanismes de cytotoxicité des lymphocytes et des cellules tueuses (natural killer), régulièrement déficiente. La mise en jeu du pronostic vital impose un diagnostic précoce, la recherche systématique d’une cause et la mise en route d’un traitement idéalement étiologique. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hémophagocytose ; Lymphohistiocytose ; Cytotoxicité ; Virus EBV ; Étoposide Plan Classification, définition 1 Épidémiologie 2 Clinique 2 Symptômes généraux 2 Organomégalie 2 Atteinte cutanée 2 Atteinte neurologique 2 Atteinte pulmonaire 2 Signes digestifs 3 Biologie 3 Atteinte hématologique 3 Coagulopathie 3 Atteinte hépatique 3 Autres anomalies biologiques 3 Cytologie, histologie 3 Myélogramme 3 Biopsie médullaire 3 Étiologie 3 Lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale 3 Syndrome hémophagocytaire associé aux infections 4 Syndrome hémophagocytaire associé aux autres déficits immunitaires primitifs 4 Syndrome hémophagocytaire associé aux hémopathies 4 Syndrome hémophagocytaire associé aux maladies systémiques 4 Syndrome hémophagocytaire et cancers solides 5 Étiologies diverses associées au syndrome hémophagocytaire 5 Physiopathologie 5 Évolution 5 Traitement 7 Classification, définition Le syndrome hémophagocytaire, ou syndrome d’activation inappropriée du système monocyte-macrophage, appartient au groupe des histiocytoses non langerhansiennes et non malignes (Tableau 1) [1] . Les maladies macrophagiques hémophagocytaires non mali- gnes se distinguent par la prolifération systémique de macro- phages phagocytant et digérant des éléments figurés sanguins incluant globules rouges, lymphocytes, polynucléaires neutro- philes et plaquettes. Ces macrophages sont cytologiquement non malins et apparaissent comme « réactionnels ». Tableau 1. Histiocytoses et syndromes hémophagocytaires. Cellules dendritiques Histiocytose langerhansienne Xanthogranulomatose juvénile, maladie de Erdheim-Chester Histiocytome solitaire à cellules dendritiques Macrophages Syndromes hémophagocytaires - primitifs (lymphohistiocytose familiale, etc.) - secondaires Rosai-Dorfman Histiocytome solitaire à macrophages Réticulohistiocytose multicentrique Histiocytome éruptif généralisé Histiocytoses malignes (rares) Leucémie monocytaire Sarcome monocytaire Sarcome histiocytaire ou dendritique (folliculaire, interdigité, Langerhans, indeterminé) 4-0300 1 Traité de Médecine Akos © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 17/10/2013 par SCD Paris Descartes (292681)

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Syndromes hémophagocytaires.Syndrome d’activation des macrophages

T. Papo

Le syndrome hémophagocytaire est responsable d’une activation des macrophages qui ingèrent leséléments figurés du sang (globules rouges, leucocytes, plaquettes). Dans sa forme habituelle, le syndromecomprend une profonde altération de l’état général, une hépatite, une pancytopénie, une hypofibrinémieet une hyperferritinémie importante. Il apparaît comme une voie finale commune de déficits immunitairesprimitifs, de syndromes lymphoprolifératifs, de certaines infections, voire de réactions médicamenteusesou de maladies systémiques. L’identification des gènes incriminés dans les formes pédiatriques a permisd’avancer dans la compréhension globale du syndrome et de disséquer les mécanismes de cytotoxicitédes lymphocytes et des cellules tueuses (natural killer), régulièrement déficiente. La mise en jeu dupronostic vital impose un diagnostic précoce, la recherche systématique d’une cause et la mise en routed’un traitement idéalement étiologique.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hémophagocytose ; Lymphohistiocytose ; Cytotoxicité ; Virus EBV ; Étoposide

Plan

¶ Classification, définition 1

¶ Épidémiologie 2

¶ Clinique 2Symptômes généraux 2Organomégalie 2Atteinte cutanée 2Atteinte neurologique 2Atteinte pulmonaire 2Signes digestifs 3

¶ Biologie 3Atteinte hématologique 3Coagulopathie 3Atteinte hépatique 3Autres anomalies biologiques 3

¶ Cytologie, histologie 3Myélogramme 3Biopsie médullaire 3

¶ Étiologie 3Lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale 3Syndrome hémophagocytaire associé aux infections 4Syndrome hémophagocytaire associé aux autres déficitsimmunitaires primitifs 4Syndrome hémophagocytaire associé aux hémopathies 4Syndrome hémophagocytaire associé aux maladies systémiques 4Syndrome hémophagocytaire et cancers solides 5Étiologies diverses associées au syndrome hémophagocytaire 5

¶ Physiopathologie 5

¶ Évolution 5

¶ Traitement 7

■ Classification, définitionLe syndrome hémophagocytaire, ou syndrome d’activation

inappropriée du système monocyte-macrophage, appartient augroupe des histiocytoses non langerhansiennes et non malignes(Tableau 1) [1].

Les maladies macrophagiques hémophagocytaires non mali-gnes se distinguent par la prolifération systémique de macro-phages phagocytant et digérant des éléments figurés sanguinsincluant globules rouges, lymphocytes, polynucléaires neutro-philes et plaquettes.

Ces macrophages sont cytologiquement non malins etapparaissent comme « réactionnels ».

Tableau 1.Histiocytoses et syndromes hémophagocytaires.

Cellules dendritiques

Histiocytose langerhansienne

Xanthogranulomatose juvénile, maladie de Erdheim-Chester

Histiocytome solitaire à cellules dendritiques

Macrophages

Syndromes hémophagocytaires

- primitifs (lymphohistiocytose familiale, etc.)

- secondaires

Rosai-Dorfman

Histiocytome solitaire à macrophages

Réticulohistiocytose multicentrique

Histiocytome éruptif généralisé

Histiocytoses malignes (rares)

Leucémie monocytaire

Sarcome monocytaire

Sarcome histiocytaire ou dendritique (folliculaire, interdigité,Langerhans, indeterminé)

¶ 4-0300

1Traité de Médecine Akos

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Parmi les syndromes hémophagocytaires fulminants, lalymphohistiocytose familiale érythrophagocytaire (hémophago-cytose lymphohistiocytaire) apparaît comme un modèle desyndrome hémophagocytaire génétique associé à un déficit del’immunité humorale et cellulaire, mais dont les caractéristiquescliniques et histopathologiques sont similaires à celles observéesdans les syndromes hémophagocytaires sporadiques réactionnelsqui surviennent chez des patients plus âgés [2].

La définition du syndrome hémophagocytaire est non seule-ment cytohistologique mais aussi clinique et biologique(Tableau 2) [2]. En effet, le constat cytologique d’une hémopha-gocytose est relativement banal au contraire du véritablesyndrome hémophagocytaire, maladie potentiellement mortelle.Les hémophagocytes peuvent être présents dans n’importe queltissu (moelle, ganglions, foie, rate, peau) et dans le sang.

■ Épidémiologie

Le cadre physiopathologique auquel appartient le syndromehémophagocytaire peut différer selon l’âge du patient : lalymphohistiocytose hémophagocytaire familiale apparaît, parexemple, comme un syndrome hémophagocytaire génétique-ment déterminé qui survient précocement chez l’enfant.L’activation inappropriée des macrophages liée à une pathologiemaligne apparaît en général chez l’adulte. Le syndrome hémo-phagocytaire associé aux virus peut survenir à tout âge [3]. Il nesemble pas y avoir d’atteinte préférentielle en fonction du sexe.L’incidence de ce syndrome n’est pas définie précisément, maissa fréquence semble sous-estimée.

■ Clinique

La durée d’évolution des différents symptômes présentés parles patients avant la réalisation du diagnostic final varie defaçon importante, entre quelques jours et plusieurs mois [4].

Symptômes généraux

Les signes généraux sont en général très marqués, de débutbrutal et d’évolution rapidement progressive. La fièvre estquasiment constante, souvent très élevée (> 39 °C), parfoisdésarticulée, avec sueurs et frissons. Elle représente le symptômele plus caractéristique et réalise souvent le premier signed’appel. L’altération de l’état général est habituellementprofonde, associant une asthénie, une anorexie et unamaigrissement.

Organomégalie

Elle est le témoin de l’infiltration tissulaire par le contingenthistiocytaire : hépatomégalie, splénomégalie et plus rarementpolyadénopathie superficielle. Cette organomégalie estd’expression variable, prenant parfois un aspect pseudotumoraldans les formes infantiles.

Atteinte cutanée

Un ictère est souvent présent. Les signes hémorragiques(purpura, hématomes, etc.) sont fréquemment au premier planOn retrouve parfois un œdème localisé ou généralisé (anasarquedans certaines formes de syndrome hémophagocytaire chezl’enfant). La panniculite histiocytaire cytophagique correspondà une manifestation cutanée spécifique du syndrome hémopha-gocytaire. Les lésions peuvent aussi être morbiliformes, nodulai-res, ulcérées, ou croûteuses.

Atteinte neurologique

L’atteinte du système nerveux central est possible, surtoutnotable dans les formes infantiles (lymphohistiocytose fami-liale) : irritabilité, confusion mentale, ataxie, troubles visuels,crises convulsives, raideur de nuque avec vomissements,hémiplégie ou tétraplégie et des signes non spécifiques d’hyper-tension intracrânienne. Ces troubles neurologiques peuvent êtreresponsables du décès des patients.

Des atteintes neurologiques périphériques, essentiellement paraxonopathie avec paralysies périphériques et/ou des pairescrâniennes, ont également été décrites.

Atteinte pulmonaire

Une dyspnée avec toux sèche, ou même un syndrome dedétresse respiratoire aiguë, ont été rapportés. Il n’est pas rare demettre en évidence un infiltrat interstitiel diffus sur la radiogra-phie des poumons.

“ Point fort

Critères diagnostiques du syndrome hémo-phagocytaire (d’après Henter, 2007) [2]

Cinq critères validants parmi huit :• Fièvre• Splénomégalie• CytopénieC Hémoglobine (Hb) < 9 g/dlC Plaquettes < 100 000/mm3

C Polynucléaires neutrophiles < 1 000/mm3

• Hypertriglycéridémie (> 3 mmol/l) et/ou hypo-fibrinémie (< 1,5 G/l)• Hémophagocytose moelle (ou autre tissu : ganglion,rate, etc.)• Ferritine > 500 mg/l• CD25 soluble > 2 400 U/ml• Activité natural killer (NK) nulle ou abaisséeLe diagnostic moléculaire (gènes PRF, SAP, MUNC13-4,STX11, etc.) d’une hémophagocytose lympho-histiocytaire suffit au diagnostic.

Tableau 2.Étiologies infectieuses du syndrome hémophagocytaire.

Virus Bactéries Parasites

EBV

CMV

HSV1-HSV2

HHV6, HHV8

VZV

VIH

VHA-VHB-VHC

VRS

Parvovirus B19

Adénovirus

Coxsackie

Echovirus

Rougeole

Rubéole

Dengue

Influenza

Mycobactéries

Salmonelles (typhoïde)

Rickettsia conorii

Coxiella burnetii

Brucella

Légionelle

Chlamydiae

Mycoplasma pneumoniae

Ehrlichia

Borrelia

Treponema

Campylobacter

Fusobacterium

Haemophilus influenzae

Bactéries pyogènes

Leishmania

Toxoplasma gondii

Babesia

Plasmodium

Strongyloides stercoralis(anguillulose disséminée)

Candida albicans

Cryptocoque

Pneumocystis carinii

Histoplasma

Aspergillus

Fusarium

EBV : virus Epstein-Barr ; CMV : cytomégalovirus ; HSV : herpes simplex virus ;HHV : human herpesvirus ; VZV : virus varicelle-zona ; VIH : virus del’immunodéficience humaine ; VHA : virus de l’hépatite A ; VHB : virus del’hépatite B ; VHC : virus de l’hépatite C ; VRS : virus respiratoire syncytial.

4-0300 ¶ Syndromes hémophagocytaires. Syndrome d’activation des macrophages

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Signes digestifsIl s’agit essentiellement d’hémorragies digestives, parfois

gravissimes, témoins de la thrombopénie et de la coagulopathie.Des troubles du transit à type de diarrhées ont également étérapportés.

■ Biologie

Atteinte hématologiqueLa cytopénie est un paramètre constant dans le syndrome

hémophagocytaire. Celle-ci implique au moins deux lignéescellulaires en début d’évolution, généralement les globulesrouges et les plaquettes. Cette cytopénie est de degré variable etévolue très souvent vers la pancytopénie, notée chez 75 % despatients dans l’ensemble de la littérature. La cytopénie relèveraitd’un mécanisme mixte : infiltration tissulaire avec hémophago-cytose, notamment des précurseurs hématopoïétiques, etlibération de facteurs plasmatiques inhibant l’hématopoïèse.• La thrombopénie est précoce et sévère, retrouvée dans plus de

90 % des cas. La lignée plaquettaire est la première touchée.Le nadir est régulièrement inférieur à 50 000 plaquettespar millimètre cube. Son mécanisme est central, mais égale-ment parfois périphérique, notamment par le biais d’unecoagulation intravasculaire disséminée, ce qui complique laprise en charge transfusionnelle. Dans de rares cas, la pré-sence d’anticorps antiplaquettes a été rapportée.

• L’anémie est notée dans 80 % à 100 % des cas. Elle peut êtred’évolution rapide avec une perte de quatre à six pointsd’hémoglobine en quelques jours. Elle est à la fois centrale,par avortement intramédullaire lié au moins en partie à laphagocytose des précurseurs érythroblastiques, et périphéri-que par érythrophagocytose extrahématopoïétique. Ceci rendcompte de son caractère particulier : elle est normocytaire,normochrome, arégénérative, mais associe des stigmatesd’hémolyse intratissulaire avec érythroblastose, chute del’haptoglobine, augmentation des low density lipoproteins(LDH) et de la bilirubine non conjuguée. Le test de Coombsérythrocytaire est habituellement négatif.

• La leucocytose est variable. La leucopénie est plus tardive,apparaissant dans 60 % des cas, marquée par une lymphopé-nie et par une neutropénie parfois profonde. Le chiffre deleucocytes est normal chez environ 25 % des patients.

CoagulopathieLes anomalies de l’hémostase sont retrouvées dans 50 % à

70 % des cas, selon les séries, nettement dominées par l’appa-rition d’une fibrinopénie isolée significative, souvent inférieureà 0,5 g/l. Il s’y associe parfois un allongement du temps dethrombine, du temps de prothrombine et du temps de cépha-line activé, en dehors de toute anomalie hépatique ou de déficiten vitamine K. Une coagulation intravasculaire disséminée peutsurvenir, aggravant la thrombopénie préexistante. Elle peut êtreresponsable de la survenue d’hémorragies gravissimes, entraî-nant le décès, et constitue ainsi un facteur de mauvaispronostic.

Atteinte hépatiqueL’atteinte hépatique est fréquente, d’intensité variable.

L’élévation des transaminases est en général précoce, notée dans60 % à 90 % des cas, en moyenne de cinq à dix fois la normale,parfois majeure avec des chiffres supérieurs à 100 fois lanormale et accompagnée de signes d’insuffisance hépatocellu-laire (baisse du facteur V, hypoalbuminémie, etc.). La cholestaseest plus tardive.

Autres anomalies biologiquesElles intègrent une élévation des LDH, une hypertriglycéridé-

mie, une hyponatrémie par sécrétion inappropriée d’hormone

antidiurétique, voire une insuffisance rénale aiguë. L’hyperferri-tinémie peut être majeure, découplée de la maladie hépatocy-taire ou de l’inflammation, et atteindre des chiffres trèsimportants de 10 000, voire de 100 000 ng/ml. La glycosylationde la ferritine (normalement supérieure à 50 %) peut êtreabaissée (inférieure à 20 %). De pratique non courante, ledosage plasmatique de la chaîne alpha du récepteur pourl’interleukine 2 (IL2) (CD25), dont les taux sont extrêmementélevés, et l’étude de la fonction natural killer (NK), déprimée,formeraient un couple de bonne spécificité [5].

■ Cytologie, histologie

MyélogrammeIl semble être l’examen le plus sensible. Les histiocytes

représentent souvent plus de 5 % des cellules nucléées de lamoelle dans ce syndrome ; néanmoins, ils sont parfois très peunombreux ou difficilement quantifiables, sans parallélisme entrela sévérité du syndrome clinique et le nombre de macrophages.Au stade initial, l’activité hématopoïétique peut rester conservéeavec une cellularité médullaire normale, voire accrue, notam-ment en ce qui concerne les mégacaryocytes. La lignée rougepeut apparaître dysplasique, avec une érythroblastose. Uneplasmocytose et la présence de lymphocytes activés sontfréquemment retrouvées. En cours d’évolution s’installe unediminution des précurseurs des lignées érythroïdes et granulo-cytaires, avec au maximum un aspect d’aplasie myéloïde.

Biopsie médullaireElle s’avère particulièrement utile dans la mise en évidence de

pathologies associées sous-jacentes (lymphome) et devrait êtreréalisée de façon concomitante avec le myélogramme, les deuxexamens apportant des informations différentes.

■ ÉtiologieHenter et le Study Group of the Histiocyte Society distin-

guent les formes primitives et héréditaires de syndromehémophagocytaire, représentées par la lymphohistiocytosehémophagocytaire familiale ou sporadique (regroupées sous leterme général de lymphohistiocytose hémophagocytaire)survenant dans l’enfance, et les formes secondaires de l’adultehabituellement associées à des thérapeutiques immunosuppres-sives, une affection maligne, auto-immune ou infectieuse [2]. Cedécoupage apparaît artificiel selon plusieurs arguments :• un syndrome hémophagocytaire primitif peut survenir

tardivement, y compris à l’âge adulte ;• une mutation n’est retrouvée que dans la moitié des cas de

syndrome hémophagocytaire d’allure primitive ;• une infection virale peut déclencher un syndrome hémopha-

gocytaire, qu’il soit primitif ou secondaire ;• certains polymorphismes de gènes impliqués dans le syn-

drome primitif participent peut-être à une prédisposition auxsyndromes secondaires [6].

Lymphohistiocytose hémophagocytairefamiliale

De transmission autosomale récessive, elle est rare et survientprécocement, parfois même in utero et dans 70 % des cas avantl’âge de 1 an. Elle est déclenchée par une infection au virusEpstein-Barr (EBV) dans la majorité des cas. La survie médianeest d’environ 2 mois sans traitement. L’atteinte neurologiquecentrale (méninges, cervelet, nerfs crâniens, cortex) fait lepronostic clinique. Il s’agit d’une affection monogénique,autosomique récessive et extrêmement hétérogène puisqu’enfonction des familles ou des pays, le gène a été localisé sur leschromosomes 9, 10, 17 ou 11 (cf. infra) [2].

Syndromes hémophagocytaires. Syndrome d’activation des macrophages ¶ 4-0300

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Syndrome hémophagocytaire associéaux infections

Le Tableau 2 reprend les principaux agents infectieux dont laresponsabilité a été invoquée [3, 7].

L’intrication de ces infections et de pathologies sous-jacentes,notamment dans les états d’immunodépression congénitale ouacquise, est fréquente. L’agent infectieux pathogène pourraitalors intervenir comme stimulus externe, facteur déclenchantsur un terrain prédisposé, dont la réponse immunitaire inadé-quate à l’infection entraînerait la prolifération et l’exacerbationdes fonctions macrophagiques.

Virus EBV et syndrome lymphoprolifératif lié à l’X

EBV prend une place à part dans les étiologies du syndromehémophagocytaire. Le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X(XLP et XLP2), décrit par Purtilo, se déclare dans les premiersmois ou années de la vie, chez des garçons antérieurementsains, lors de la primo-infection à EBV. Il se caractérise schéma-tiquement par l’apparition d’une mononucléose fatale ou parl’évolution vers un lymphome B (lymphome de Burkitt), uneaplasie médullaire ou une agammaglobulinémie. La plupart deces patients développent une prolifération systémique histiocy-taire dont les données pathologiques sont celles d’un syndromehémophagocytaire. L’infection par EBV traverse toute la patho-logie du syndrome d’activation des macrophages. Il s’agit decertains lymphomes (lymphome T/NK angiocentrique nasal,maladie de Hodgkin, etc.). Dans tous les déficits immunitairesdiscutés, le syndrome d’activation macrophagique peut êtredéclenché par cette infection. Dans la primo-infection par EBV(mononucléose infectieuse), même sans déficit immunitaire, lamortalité est causée par un syndrome hémophagocytaire : dansce cas, la charge virale est particulièrement élevée et au lieud’infecter majoritairement les lymphocytes B, l’EBV se réplique-rait surtout dans les lymphocytes T CD8 avec une diminutionde la cytotoxicité antivirale [8]. Il ne faut pas oublier certains casde syndromes d’hypersensibilité médicamenteuse avec infectionEBV concomitante.

Enfin, il faut souligner la difficulté diagnostique dans lesyndrome hémophagocytaire lié au virus de l’immunodéficiencehumaine (VIH). La présence d’infiltrats histiocytaires avecimages d’hémophagocytose a été signalée fréquemment sur desprélèvements autopsiques de patients infectés par le VIH, endehors d’un contexte clinique évocateur d’activation macro-phagique. Néanmoins, le VIH pourrait véritablement induire unsyndrome d’activation macrophagique, que ce soit au stade deprimo-infection, de syndrome de l’immunodéficience acquise(sida) avéré, au cours d’un syndrome de reconstitution immu-nitaire ou surtout pendant la période asymptomatique del’infection [9, 10]. Cette étiologie est importante à reconnaître, letraitement antirétroviral pouvant s’avérer, au moins en partie,efficace [11].

Comme nous l’avons noté, le syndrome hémophagocytairepeut survenir dans tous les types d’infections. Néanmoins, il estassocié de façon préférentielle aux agents infectieux intracellu-laires et dans un contexte d’immunodépression, y comprisiatrogène [12].

Syndrome hémophagocytaire associéaux autres déficits immunitaires primitifs

La lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale ou spora-dique et le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X représententdeux exemples de déficit immunitaire primitif que nous avonsdéjà signalés.

La maladie de Chediak-Higashi est une maladie génétique, detransmission autosomale récessive, dont la phase accéléréepourrait aussi apparaître comme un modèle de syndromehémophagocytaire associé aux virus survenant dans un contextede déficit immunitaire congénital. Le syndrome de Griscellitouche des enfants en très bas âge. Dans ces deux déficits, une

hypopigmentation de la peau est observée, avec des cheveuxgris argenté (cf. infra).

Ces déficits immunitaires (lymphohistiocytose de type II ouIII, syndrome de lymphoprolifération lié à l’X) peuvent êtrerévélés à l’âge adulte après 40 ans (Tableau 3) [13].

Syndrome hémophagocytaire associéaux hémopathies

Les hémopathies malignes représentent l’une des étiologiesmajeures du syndrome hémophagocytaire. Parmi celles-ci, leslymphomes non hodgkiniens prédominent largement, aveccertaines particularités :• phénotype T, souvent anaplasique CD30, ou NK ;• caractère angiotrope ;• association à EBV.

D’autres hémopathies, malignes ou non, ont été associées à

la survenue d’un syndrome hémophagocytaire : les leucémiesaiguës myéloblastiques ou lymphoblastiques, les syndromesmyéloprolifératifs, le myélome multiple, les myélodysplasies, lepurpura postviral, les anémies hémolytiques et l’éry-throblastopénie.

Outre le myélogramme ou la biopsie médullaire, un scannerthoraco-abdomino-pelvien couplé à la tomographie par émis-sion de positons, un phénotypage lymphocytaire sanguin et larecherche de clone T ou B circulant sont régulièrement deman-dés dans ce contexte.

Syndrome hémophagocytaire associéaux maladies systémiques

Un certain nombre d’observations rapportent la survenued’un syndrome hémophagocytaire au cours de l’évolution d’unepathologie auto-immune ou inflammatoire chronique : lupussystémique, arthrite chronique juvénile/maladie de Still,

Tableau 3.Causes génétiques de lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale(FHL) (défaut de cytotoxicité) (d’après Filipovich, 2009) [13].

Maladie Gène/protéine Transmission

FHL 2 PRF1/perforine AR

FHL 3 UNC13D/Munc 13-4 AR

FHL 4 STX11/syntaxine 11 AR

Griscelli Rab27a/Rab27a AR

Chediak-Higashi LYST1/LYST1 AR

Hermansky-Pudiak AP3B1/AP3B1 AR

Syndromes hémophagocytaires liés à l’X

XLP SH2D1A/SAP X

XLP2 BIRC4/XIAP X

XLP : X-linked lymphoproliferative syndrome ; AR : autosomique récessif ; X : liéeà l’X.

“ Point fort

Principaux syndromes lymphoprolifératifsassociés au syndrome hémophagocytaire• Lymphome de Hodgkin (associé ou non à EBV)• Lymphome T : anaplasique CD30, pseudopanniculite,gamma-delta hépatosplénique• Lymphome B : intravasculaire• Lymhome NK

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polyarthrite rhumatoïde, sarcoïdose, maladie de Kawasaki,maladie de Horton, maladie de Weber-Christian.

Dans la plupart des cas, les patients bénéficiaient d’untraitement immunosuppresseur. Néanmoins, dans plusieursobservations, la maladie initiale (essentiellement maladie de Stillet lupus systémique) semblait être la seule cause du syndromed’activation macrophagique [14].

Syndrome hémophagocytaire et cancerssolides

La survenue d’un syndrome hémophagocytaire a été décritedans l’évolution d’un certain nombre de cancers solides,notamment lorsqu’il existait des métastases médullaires : cancerde l’ovaire, gastrique, du nasopharynx, pulmonaire à petitescellules, tumeur germinale médiastinale, rhabdomyosarcome,angiosarcome.

Encore une fois, l’association de traitements immunosuppres-seurs (polychimiothérapies) et la possibilité d’infectionss’intriquent.

Étiologies diverses associées au syndromehémophagocytaire

L’apparition d’un syndrome hémophagocytaire semble êtrefavorisée lors de situations variées, probablement par le biaisd’altérations des fonctions du système immunitaire, ou d’infec-tions associées : transfusion sanguine, nutrition parentérale avecdes solutés lipidiques, vaccination, glycogénoses, traitementsmédicamenteux (phénytoïne, acide valproïque) dans le contexted’un syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse, intoxicationéthylique chronique, splénectomie.

En conclusion, les étiologies du syndrome hémophagocytairesont dominées par la triade infection, déficit immunitaire,lymphome. Il n’est pas rare de retrouver plusieurs cofacteursassociés favorisant l’émergence d’un syndrome hémophagocy-taire. Enfin, dans de rares cas, aucune étiologie n’est mise enévidence : syndrome hémophagocytaire « idiopathique ».

■ Physiopathologie

Le premier niveau physiopathologique est que la majorité dessymptômes ou des manifestations biologiques trouvent uneexplication dans une hypercytokinémie (tumor necrosis factor[TNF-a], interféron gamma, IL1, 2, 6, 8, 10, 12, 18, etc.)d’origine à la fois lymphocytaire et macrophagique. Pourprendre quelques exemples :• le TNF-a est capable d’inhiber la lipoprotéine lipase, ce qui

entraîne une augmentation des triglycérides ;• l’IL18 est susceptible de déclencher une apoptose des hépato-

cytes, voire des cellules souches hématopoïétiques ;• l’interféron gamma active la phagocytose et peut entraîner

également une myélosuppression, sans oublier une activitéprocoagulante [15].La production et la consommation des cytokines, par les

différents acteurs cellulaires, sont centrées par une boucled’activation réciproque des lymphocytes T CD8 et desmacrophages.

À un deuxième niveau physiopathologique, le syndromed’activation des macrophages est une voie finale commune dedéficits immunitaires primitifs, de syndromes lymphoproliféra-tifs, de certaines infections, voire de réactions médicamenteusesou de maladies systémiques. L’hémophagocytose cytologique estun « marqueur banal » dans différentes situations (anémiehémolytique auto-immune, cancers en phase terminale, chocseptique en réanimation, phase tardive de l’infection par le VIH,etc.) à ne pas confondre avec le syndrome hémophagocytaireclinique que l’on rencontre dans certaines proliférationslymphoïdes, quelques déficits immunitaires primitifs, desinfections (virales et surtout EBV, bactériennes et principalement

la tuberculose, parasitaires en considérant la leishmaniose chezl’enfant ou l’histoplasmose plus que le paludisme), secondaire àune maladie systémique, et il s’agit surtout du lupus érythéma-teux et de la maladie de Still de l’adulte, voire à une prisemédicamenteuse dans le contexte d’un syndrome d’hyper-sensibilité.

Le modèle de syndrome d’activation macrophagique est lalymphohistiocytose familiale. L’analyse de ce type de déficitimmunitaire a permis la dissection du processus de cytotoxicitélymphocytaire dépendant des granules (lymphocytes T CD8 etcellules NK) qui passe par plusieurs étapes :• activation du lymphocyte T ;• biogenèse du lysosome sécrétoire ;• polarisation à la synapse membranaire entre le lymphocyte T

et sa cible ;• attachement du granule à la membrane encore appelé tethe-

ring ou encore docking ;• fusion ;• exocytose du granule ;• kiss of death (Fig. 1) [16, 17].

Ainsi, la lymphohistiocytose familiale de type II est liée à unemutation du gène de la perforine, qui est une petite protéinesituée dans les granules lytiques préformés dans le cytoplasme,dans le lymphocyte cytotoxique et la cellule NK [18]. Cetteperforine est monomérique dans le cytoplasme et s’organise enoligomères transmembranaires au niveau de la cible cellulairedu lymphocyte cytotoxique, ce qui constitue un pore quipermet de faire passer les granzymes, susceptibles d’entraîner unsignal d’apoptose (mort cellulaire de la cible), dépendant ounon des mitochondries.

La lymphohistiocytose de type III est liée à la mutation dugène MUNC 13-4 dont la protéine joue un rôle dans l’exocytosedu granule lytique, c’est-à-dire à la phase tardive du processus.

La lymphohistiocytose de type IV concerne la syntaxine-11,exprimée dans les lymphocytes T et NK, qui est en partieresponsable de la fusion du granule à la membrane plasmique.

Le gène de la lymphohistiocytose de type I, porté par lechromosome 9, n’est toujours pas isolé.

D’autres modèles, qui comportent également un syndromehémophagocytaire, ont pu être rapportés à ce mécanismegénéral : le syndrome de Griscelli, avec la mutation du gèneRAB27A, est responsable d’un défaut d’attachement du granulelytique à la membrane et d’un mauvais transfert de la mélaninedu mélanocyte vers le kératinocyte. Au cours du syndrome deChediak-Higashi, lié à une mutation du gène LYST, régulateurdu trafic lysosomal, la synapse granule-membrane est possiblemais sans exocytose.

Enfin, le syndrome de lymphoprolifération liée à l’X situe leproblème bien en amont par une mutation du gène SAP quiobère la signalisation et l’activation lymphocytaire T et NK. Unemutation d’un autre gène, X-linked inhibitor of apoptosis ouXIAP, peut donner un phénotype similaire (syndrome XLP2).

La première explication globale est celle d’un défaut dedestruction de la cible macrophagique infectée par les lympho-cytes T CD8, qui aboutit à une stimulation indéfinie deslymphocytes T qui eux-mêmes vont hyperactiver les macropha-ges dans un phénomène de type « explosif ».

Une autre hypothèse est que la lymphocytotoxicité, modenaturel d’autorégulation des lymphocytes CD8 activés quiprovoque une contraction physiologique de cette populationaprès stimulation antigénique, devient impossible en cas dedéficit génétique, ce qui aboutit à une activation cellulaireanormalement intense et durable.

Ces déficits immunitaires (lymphohistiocytose de type II ouIII, syndrome de lymphoprolifération liée à l’X) peuvent êtrerévélés à l’âge adulte après 40 ans.

■ ÉvolutionLa mortalité globale rapportée dans la littérature varie entre

20 % et 40 %. Néanmoins, cette affection survient très souventdans un contexte de pathologie sévère et la cause du décès n’est

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pas toujours univoque : complications propres au syndromehémophagocytaire, évolution de la maladie associée.

La lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale est unsyndrome constamment fatal si aucune thérapeutique n’estengagée et la médiane de survie spontanée est de 2 à 3 mois,de 50 % à 70 % après traitement actuellement.

La gravité du syndrome hémophagocytaire associé aux virusdépend surtout du terrain sur lequel il survient. En effet, en

dehors d’une immunodépression sous-jacente chez des sujetsapparemment sains, il ne nécessite le plus souvent aucuntraitement spécifique et la régression spontanée est de règle. Àl’inverse, l’existence d’une immunodépression sévère, congéni-tale ou acquise, aggrave considérablement le pronostic.

La survenue d’un syndrome d’activation des macrophages aucours d’un lymphome représente un facteur de mauvaispronostic.

Granulecytolytique

Granuled'exocytose

Lymphocytecytotoxique

Granzyme B

Cellulecible

Mitochondrie

Bcl-2/Bcl-XL

Bax/Bak

Relargage ducytochrome c

Formationd'apoptosome

Bid tronqué

CAD

iCAD

Caspase 3 active

Procaspase 3

Procaspase 9

Noyau

Fragmentation de l'ADN

ApoptoseApaf1

Mort cellulairecaspase-indépendante

Pore perforine

Bid

Monomère de fibrine

Granzymes A/M

Endosome

IS?

?

Figure 1. Mécanismes de la cytotoxicité : « synapse » entre cellule tueuse et cellule cible, d’après [16]. ADN : acide désoxyribonucléique ; CAD : caspaseactivated DNase ; ICAD : inhibitor of caspase activated DNase ; Apaf1 : apoptotic protease activation factor 1.

4-0300 ¶ Syndromes hémophagocytaires. Syndrome d’activation des macrophages

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Lors d’une pathologie auto-immune, en dehors d’une immu-nodépression préalable, le traitement spécifique semble efficacesur l’évolution du syndrome hémophagocytaire.

Lorsque l’évolution est favorable, la résolution des symptômeset des anomalies biologiques s’effectuerait assez rapidement, enmoyenne entre 1 et 8 semaines. La disparition totale des signesd’hémophagocytose au niveau médullaire pourrait être plustardive et persister plusieurs semaines ou mois, sans que cela aitune signification particulière. Les rechutes, une fois la guérisonobtenue, semblent exceptionnelles en dehors du contexte delymphohistiocytose hémophagocytaire familiale.

■ Traitement

La réflexion préthérapeutique est importante.• S’agit-il d’un déficit immunitaire ?• A-t-on pisté l’infection ?• Y a-t-il des arguments cumulés pour un syndrome lympho-

prolifératif ?• Quelle est l’évaluation de la gravité clinique au plan

individuel ?Le traitement du syndrome hémophagocytaire est non

codifié, en grande partie conditionné par l’étiologie ou lespathologies associées.

La lymphohistiocytose hémophagocytaire familiale représentecertainement le modèle homogène de syndrome hémophagocy-taire le mieux étudié du point de vue thérapeutique, en raisonde l’évolution naturelle constamment défavorable. C’est lapossibilité d’une greffe de moelle osseuse allogénique, avec unepréparation qui comprend de la dexaméthasone, de la ciclospo-rine A ciblant les lymphocytes T et de l’étoposide (VP16) qui aune activité antihistiocytes-monocytes, qui gouverne lepronostic.

Le traitement du syndrome hémophagocytaire associé auxvirus dépend du contexte au sein duquel il apparaît. Commenous l’avons vu, la guérison peut être spontanée lorsqu’ilsurvient chez un sujet jeune en dehors de toute pathologieassociée. Dans les autres cas, un traitement antiviral en présenced’un virus du groupe Herpès (ganciclovir, foscavir, aciclovir), ouantirétroviral dans le cadre d’une infection à VIH, paraît utile.Les corticoïdes et le VP16 sont souvent utilisés en raison de leuraction inhibitrice sur l’activation macrophagique, mais semblentêtre réservés aux cas les plus sévères et dans le cadre d’uneinfection par l’EBV, en association aux antiviraux. De façon« paradoxale », on préconise plutôt une réduction ou un arrêtdes traitements immunosuppresseurs, lorsque cela est possible,chez les patients soumis à une immunodépression au long coursfavorisant l’apparition d’une infection pouvant être à l’originedu syndrome hémophagocytaire (greffés rénaux).

Le traitement du syndrome hémophagocytaire dans les autrescadres étiologiques est représenté par celui du facteur inducteur.L’antibiothérapie antibactérienne ou antimycobactérienneassociée aux mesures symptomatiques semble suffire dans cesinfections. La polychimiothérapie, voire les biothérapies(rituximab si la prolifération cellulaire est CD20, daclizumabanti-CD25), est indiquée en cas de lymphome, ou de pathologiemaligne. L’utilisation de granulocyte-colony stimulating factor(G-CSF) et surtout de granulocyte-macrophage colony stimulatingfactor (GM-CSF) pour pallier une neutropénie peut être délétèreen exacerbant le syndrome hémophagocytaire [19].

Le traitement corticoïde serait efficace sur le syndromehémophagocytaire associé aux pathologies auto-immunes« actives ». L’utilisation des anticorps anti-TNF ou des antago-nistes du récepteur de l’IL1 dans la maladie de Still ne fait pasl’objet d’un consensus, puisqu’il y a des observations d’efficacitémais également de déclenchement d’un syndrome d’activationmacrophagique.

Le constat d’un syndrome d’hypersensibilité médicamenteusenécessite l’arrêt du médicament (sulfamides, anticonvulsivant,etc.).

Lorsque le syndrome ne comporte pas d’atteinte viscéralemenaçante avec une cause non identifiée, l’utilisation desimmunoglobulines polyvalentes a le mérite de sa relativeinnocuité dans une double logique puisqu’il s’agit d’un immu-nomodulateur qui n’est pas immunosuppresseur. Son efficacitépeut être définie comme « variable ».

Enfin, lorsque le syndrome hémophagocytaire est grave, ilfaut rapidement mettre en place un traitement par étoposide(VP16, 150 mg/m2 par voie intraveineuse) de façon la plusprécoce possible dans différentes situations : absence de causeidentifiée, traitement d’une cause identifiée non efficace à courtterme. Ainsi, dans le syndrome hémophagocytaire lié à EBV, lerisque de mortalité serait multiplié par 14 lorsque le VP16 n’estpas utilisé ou avec un délai trop important [20].

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“ Points essentiels

• Le tableau clinique est polymorphe, systémique et sansspécificité.• L’atteinte multiviscérale (foie, cerveau, rein, etc.) estpotentiellement mortelle.• L’hypertriglycéridémie, l’hyperferritinémie etl’hypofibrinémie sont les anomalies biologiques quimettent la « puce à l’oreille ».• Le diagnostic passe par le constat cytologiqued’hémophagocytes (macrophages activés qui ont ingérédes érythrocytes, des globules blancs ou des plaquettes).• Le syndrome hémophagocytaire de l’adulte est une voiefinale commune de processus pathologiques divers :infection, lymphome, maladie auto-immune, médi-caments.• Chez l’enfant, les déficits immunitaires en causeconcernent, et ont permis de disséquer, la cytotoxicité deslymphocytes T et des cellules NK.• La prise en charge est spécialisée : elle nécessite danstous les cas l’identification et le traitement de la cause del’activation macrophagique.

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T. Papo ([email protected]).Service de médecine interne, Hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Papo T. Syndromes hémophagocytaires. Syndrome d’activation des macrophages. EMC (Elsevier MassonSAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-0300, 2011.

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