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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 263 MISE AU POINT Traitement des douleurs zostériennes aiguës et chroniques Christian Guy-Coichard, Sylvie Rostaing-Rigattieri (photo), François Boureau L’éruption zostérienne est due à une réactivation du virus Varicelle- Zona (VZV), de la famille des her- pesviridae. Après contamination respiratoire ou conjonctivale, viré- mie primaire dans les ganglions lymphatiques, puis dissémination hématogène, le virus atteint ses cibles, les kératinocytes de la peau et des muqueuses ; son effet cyto- pathogène typique (ballonisation) est responsable de la formation des vésicules caractéristiques de l’éruption varicelleuse. L’infection est rapidement contrôlée par la réaction immunitaire, mais le virus reste à l’état quiescent dans les ganglions sensitifs des racines rachidiennes pos- térieures ou leurs équivalents crâniens. Les réactivations virales sont probable- ment fréquentes, mais le plus souvent contrôlées par le système immunitaire, ce qui explique la plus grande fréquence du zona chez les patients âgés ou immunodé- primés ; ces réactivations asymptomati- ques sont cependant vraisemblablement à l’origine d’une augmentation de l’immu- nisation des populations (1). Les réactivations symptomati- ques (zona) multiples sont exceptionnelles. Les manifestations cliniques du zona sont l’expression de la migration centrifuge du virus. L’apparition d’une dou- leur précède souvent de quelques jours l’éruption vésicu- leuse au niveau du dermatome concerné. Cette douleur pré-éruptive peut être source de difficultés diagnostiques. Douleur et éruption ont donc la même topographie radi- culaire unilatérale. Pendant toute la durée de l’évolution du zona, la douleur est le symptôme au premier plan. La douleur évolue classiquement en deux phases : la douleur aiguë inflammatoire, contemporaine de l’éruption, et la douleur chronique, dite post-zostérienne, de type neuro- pathique. Les éléments sémiologiques des deux types de douleur peuvent coexister pendant une certaine période, ce qui empêche de différencier clairement ces deux pha- ses sur des seuls critères temporels. La notion de « dou- leurs associées au zona » englobe le continuum entre les deux types de douleurs qu’il est pourtant utile de distin- guer tant du point de vue sémiologique que sur le plan des mécanismes physiopathologiques. L’incidence globale du zona est de l’ordre de 0,2 % de la population, avec un sex-ratio équilibré ; elle augmente avec l’âge pour atteindre environ 0,5 % au-delà de 70 ans (figure 1), puis 50 % chez les patients vivant jusqu’à 85 ans. Les facteurs de risque d’une réactivation symptomatique sont toutes les altérations de la réponse immunitaire : vieillissement, infection par le VIH, cancer, hémopathie maligne, greffe médullaire et traitements immunodépres- seurs (corticothérapie…), immunosuppresseurs (traitement anti-rejet de greffe…) ou cytotoxiques. De plus, plusieurs facteurs peuvent engendrer une réactivation chez un patient immunocompétent : infection, stress, etc. On connaît encore mal les effets de la vaccination systémati- que de certaines populations sur l’incidence du zona et des douleurs post-zostériennes, en raison du faible nombre de régions où cette vaccination a été entreprise ; certaines obser- vations aux États-Unis mettent en évi- dence un lien paradoxal entre une baisse de l’incidence de la varicelle (et donc de l’exposition et de l’immunisation de la population globale) et une augmentation de l’incidence du zona et du risque de douleurs post-zostériennes (1, 2). LA DOULEUR AIGUË ZOSTÉRIENNE Le délai d’installation de l’éruption La douleur aiguë précède donc l’éruption de quelques jours : 2 jours chez 35 % des patients, mais dans certains cas Figure 1. Incidence du zona et des DPZ en fonction de l’âge. D’après Hope-Simpson (29). 12 10 8 6 4 2 0 0/9 20/29 40/49 60/69 80/89 Nombres de cas pour 1 000 par an Pendant toute la durée de l’évolution du zona, la douleur est le symptôme au premier plan.

Traitement des douleurs zostériennes aiguës et chroniques

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 263

M I S E A U P O I N T

Traitement des douleurs zostériennes aiguës et chroniquesChristian Guy-Coichard, Sylvie Rostaing-Rigattieri (photo), François Boureau

L’éruption zostérienne est due àune réactivation du virus Varicelle-Zona (VZV), de la famille des her-pesviridae. Après contaminationrespiratoire ou conjonctivale, viré-mie primaire dans les ganglionslymphatiques, puis disséminationhématogène, le virus atteint sescibles, les kératinocytes de la peauet des muqueuses ; son effet cyto-

pathogène typique (ballonisation) est responsable de laformation des vésicules caractéristiques de l’éruptionvaricelleuse. L’infection est rapidement contrôlée par laréaction immunitaire, mais le virus reste à l’état quiescentdans les ganglions sensitifs des racines rachidiennes pos-térieures ou leurs équivalents crâniens.Les réactivations virales sont probable-ment fréquentes, mais le plus souventcontrôlées par le système immunitaire, cequi explique la plus grande fréquence duzona chez les patients âgés ou immunodé-primés ; ces réactivations asymptomati-ques sont cependant vraisemblablementà l’origine d’une augmentation de l’immu-nisation des populations (1). Les réactivations symptomati-ques (zona) multiples sont exceptionnelles.Les manifestations cliniques du zona sont l’expression dela migration centrifuge du virus. L’apparition d’une dou-leur précède souvent de quelques jours l’éruption vésicu-leuse au niveau du dermatome concerné. Cette douleurpré-éruptive peut être source de difficultés diagnostiques.Douleur et éruption ont donc la même topographie radi-culaire unilatérale. Pendant toute la durée de l’évolutiondu zona, la douleur est le symptôme au premier plan. Ladouleur évolue classiquement en deux phases : la douleuraiguë inflammatoire, contemporaine de l’éruption, et ladouleur chronique, dite post-zostérienne, de type neuro-pathique. Les éléments sémiologiques des deux types dedouleur peuvent coexister pendant une certaine période,ce qui empêche de différencier clairement ces deux pha-ses sur des seuls critères temporels. La notion de « dou-leurs associées au zona » englobe le continuum entre lesdeux types de douleurs qu’il est pourtant utile de distin-guer tant du point de vue sémiologique que sur le plan desmécanismes physiopathologiques.

L’incidence globale du zona est de l’ordre de 0,2 % de lapopulation, avec un sex-ratio équilibré ; elle augmente avecl’âge pour atteindre environ 0,5 % au-delà de 70 ans(figure 1), puis 50 % chez les patients vivant jusqu’à 85 ans.Les facteurs de risque d’une réactivation symptomatiquesont toutes les altérations de la réponse immunitaire :vieillissement, infection par le VIH, cancer, hémopathiemaligne, greffe médullaire et traitements immunodépres-seurs (corticothérapie…), immunosuppresseurs (traitementanti-rejet de greffe…) ou cytotoxiques. De plus, plusieursfacteurs peuvent engendrer une réactivation chez unpatient immunocompétent : infection, stress, etc.On connaît encore mal les effets de la vaccination systémati-que de certaines populations sur l’incidence du zona et desdouleurs post-zostériennes, en raison du faible nombre derégions où cette vaccination a été entreprise ; certaines obser-

vations aux États-Unis mettent en évi-dence un lien paradoxal entre une baissede l’incidence de la varicelle (et donc del’exposition et de l’immunisation de lapopulation globale) et une augmentationde l’incidence du zona et du risque dedouleurs post-zostériennes (1, 2).

LA DOULEUR AIGUË ZOSTÉRIENNE

Le délai d’installation de l’éruptionLa douleur aiguë précède donc l’éruption de quelquesjours : 2 jours chez 35 % des patients, mais dans certains cas

Figure 1. Incidence du zona et des DPZ en fonction de l’âge. D’aprèsHope-Simpson (29).

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00/9 20/29 40/49 60/69 80/89

Nombresde cas pour1 000 par an

Pendant toute la durée de l’évolution du zona,

la douleur est le symptôme au premier plan.

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4264extrêmes ce délai a pu atteindre un mois. C’est la raisonpour laquelle une douleur aiguë localisée de topographiemétamérique et sans cause évidente doit faire évoquer unzona ; l’absence d’éruption visible, ainsi que la possibilitéde douleurs projetées d’un territoire viscéral, peuvent, dansles cas douteux, nécessiter un diagnostic virologique afin dene pas retarder la prise en charge thérapeutique, mais cetexamen n’est pas un examen de routine :

– le diagnostic rapide se fait par recherche d’antigènes virauxpar immuno-cytodiagnostic sur cellules du plancher vésicu-laire ;

– l’inoculation de liquide vésiculaire sur culture cellulaireest la technique de référence ;

– la recherche d’anticorps par sérodiagnostic en Elisa estplus aléatoire car l’élévation du titre d’anticorps est incons-tante.

La topographie des douleurs

Tous les métamères peuvent être atteints, et rien ne permetde prédire la topographie du zona ; en général, commel’éruption, les douleurs se localisent à un dermatome mais,du fait du recouvrement des dermatomes, la topographie dela lésion peut s’étendre sur plusieurs dermatomes adja-cents. Cette éventualité reste toutefois rare ; on retrouvera,dans 2 % des cas, une dissémination encore plus large.

Les métamères rachidiens sont les plus impliqués, avec laclassique douleur en hémi-ceinture thoracique (56 % descas) ou lombaire (12 %) ; l’atteinte du ganglion de Gasserconduira à une névralgie dans un des territoires du triju-meau, avec atteinte plus fréquente chez le sujet âgé, du nerfophtalmique de Willis (zona ophtalmique, V1) ; l’atteinte duganglion géniculé (nerf facial, VII bis) sera responsabled’une otalgie souvent associée à une hypoesthésie desdeux-tiers antérieurs de langue et à une éruption du conduitauditif externe.

Description clinique : composante inflammatoire et composante neuropathique

La douleur du zona aigu est spontanée, d’allure inflamma-toire, rarement décrite en terme de brûlure ; elle n’a doncpas en général les caractères de la douleur neuropathiquedite « post-zostérienne », mais elle peut s’associer à dessymptômes d’allure neuropathique, tels que des déchargesélectriques, ou, moins fréquemment, à une allodynie méca-nique dynamique (perception douloureuse engendrée parun frottement normalement non douloureux).

Dans l’optique de prévention de la douleur post-zostérienne(DPZ), le praticien devra rechercher précocement unesymptomatologie de type neuropathique pour instaurer letraitement symptomatique approprié sans attendre le seulcritère temporel de persistance de la douleur.

Évolution spontanée de la douleur aiguëLa durée et l’intensité de la douleur sont liées à l’âge :l’extinction moyenne se fait en 13 jours ; l’amélioration estsuffisante pour permettre une reprise d’activités (ou du tra-vail) en 12 jours ; ce délai moyen peut être considérable-ment plus long chez le sujet âgé, dont les douleurs seronten outre souvent intenses, et chez qui le risque de persis-tance de douleurs post-zostériennes est accru.

Traitement de la douleur aiguëIl repose sur deux axes : traitement symptomatique desdouleurs et prévention des DPZ. La prévention de la princi-pale complication du zona, les douleurs post-zostériennes,doit faire entreprendre rapidement un traitement sympto-matique, d’autant que l’intensité des douleurs aiguës,constitue l’un des facteurs de risque de DPZ.

Le traitement symptomatique de la douleurLe traitement symptomatique de la douleur fait essentielle-ment appel à la pharmacopée antalgique classique, en fonc-tion de l’intensité de la douleur. L’évaluation de la douleur doitêtre régulière, à l’aide d’une échelle validée, au mieux l’échellevisuelle analogique (EVA), ou l’échelle numérique (EN). Lesmodalités thérapeutiques pratiques sont les suivantes :– paracétamol ou AINS à dose antalgique, si la douleur estmodérée ; le plus souvent il faut recourir à un antalgique depalier II (dextropropoxyphène, codéine, tramadol) ; l’aspi-rine sera évitée en cas de fièvre en raison du risque, qui restetoutefois à établir, de syndrome de Reye ;– il ne faut pas hésiter, en cas de douleur intense, à prescrireun morphinique à libération immédiate, puis si besoin, aprèstitration, une forme à libération prolongée ;– soit per os : Skénan®, Moscontin® débutés à 30 mg matinet soir, associés, en cas d’accès douloureux, à des interdosesde formes à libération immédiate (Actiskénan®, Sevredol®),avec réévaluation quotidienne de l’intensité de la douleur etdes effets indésirables ;– soit sous forme transdermique : Durogésic® patch pour72 heures, débuté à la dose de 25

μg/h, associé à des inter-doses de morphine à libération immédiate ;– les traitements locaux ont pour but essentiel d’éviter la surin-fection ; la conférence de consensus de 1998 recommandeexclusivement la chlorhexidine aqueuse (4). Le rôle des topi-ques dans la gestion de la douleur est du reste très limité… ;Les douleurs rebelles aux antalgiques pourront bénéficier enseconde intention :– d’infiltrations locales d’anesthésiques locaux ;– de blocs tronculaires anesthésiques ;– de blocs sympathiques, agissant sur le couplage chimiqueentre fibres sympathiques postganglionnaires et fibres sensi-tives afférentes consécutif à la lésion nerveuse. Leur effica-cité sur la durée de la douleur aiguë est bien acquise, mais

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 265leur indication doit être pesée en fonction des effets indési-rables et de l’évolution spontanée généralement favorablede la douleur aiguë. Leur efficacité dans la prévention desdouleurs post-zostériennes est beaucoup plus contestée. Ontrouvera une revue des différentes études sur ce sujet dansl’article de Wu (5).La corticothérapie orale a été préconi-sée, sans efficacité établie sur le soulage-ment des douleurs intenses de la phaseaiguë comme sur la prévention des dou-leurs post-zostériennes (6) ; elle estaujourd’hui abandonnée (4).

Traitement antiviralLe valaciclovir (Zelitrex®) et le famciclovir (Oravir®) ontreçu en France l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM)dans les indications suivantes :– prévention des douleurs associées au zona (réduction de leurdurée et de leur fréquence) chez le sujet immunocompétentde plus de 50 ans ;– prévention des complications oculaires du zona ophtalmi-que chez le sujet adulte immunocompétent.Chez le sujet immunodéprimé, le traitement antiviral du zonapar l’aciclovir est systématique, débuté par voie intraveineuse.Les posologies recommandées sont données dans letableau 1 ; il faut noter que les coûts des traitements per ospar aciclovir, valaciclovir et famciclovir sont équivalents,mais ces deux derniers ont l’avantage de la simplification duprotocole d’administration (3 prises quotidiennes au lieu de5 pour l’aciclovir), argument non négligeable chez la per-sonne âgée. Tous ces antiviraux ayant une élimination essen-tiellement rénale, il faut impérativement adapter la dose à lafonction rénale. Enfin, le foscarnet (Foscarvir®) est réservéaux zonas résistants.Plusieurs études ont mis l’accent sur le bénéfice tiré d’untraitement antiviral dans certaines populations à risque spé-cifique de DPZ :– les antiviraux (aciclovir, valaciclovir, famciclovir, foscar-net) accélèrent la disparition de la composante aiguë de ladouleur du zona (7), divisant sa durée par 2 (contre placebo)chez le patient de plus de 50 ans ;– les antiviraux, en limitant la réplication virale et donc leslésions nerveuses, réduisent l’incidence de DPZ, particuliè-rement chez les patients à risque élevé (7, 8) , comme chezles sujets de plus de 50 ans (indication de l’AMM) ou en casd’infection présentant un risque évolutif (sévérité de l’érup-tion, douleurs intenses, sévérité des troubles neurologiquesassociés) (la prescription se fait alors hors AMM) ;– l’intérêt des antiviraux dans les autres cas (patient de moinsde 50 ans sans signe de sévérité) reste à établir formellement ;dans la mesure où il est beaucoup plus difficile de montrerune réduction de l’incidence de DPZ dans une population à

risque moindre, des études sont encore nécessaires pour éva-luer le bénéfice du traitement antiviral dans ces cas ;– le valaciclovir oral ne s’est avéré supérieur à l’aciclovir quedans une seule étude (9) ;Le traitement antiviral doit classiquement être débuté dansles 72 heures suivant le début de la phase éruptive (4), mais

quelques études ont rapporté un béné-fice même quand le traitement étaitdébuté plus tardivement. D’autres étu-des seraient utiles pour préciser l’utilitéd’une initiation tardive du traitement,dans les cas relativement fréquents où lepatient consulte après 72 heures.

L’antiviral est prescrit en général pour une durée de 7 jours parvoie orale (pour 10 jours par voie intraveineuse chez le sujetimmunodéprimé, en augmentant la durée et la dose du traite-ment en cas de complications neurologiques centrales). Chezle patient souffrant de cancer solide (en dehors des phases de

Tableau 1Modalités de prescription du traitement antiviral.

Par voie orale

Nom DCI Posologie Durée

Zovirax Aciclovir Adulte : 800 mg × 5 fois par jour

7 jours

Zelitrex Valaciclovir Adulte : 1 000 mg × 3 fois par jour

7 jours

Oravir Famciclovir Adulte : 500 mg × 3 fois par jour

7 jours

Par voie intraveineuse (sujet immunodéprimé, critères de gravité)

Nom DCI Posologie Durée

Zovirax Aciclovir Adulte : 10 mg/kg × 3 fois par jour

10 jours

Enfant : 500 mg/m2

Traitement des infections résistantes

Nom DCI Posologie Durée

Foscavir Foscarnet Adulte : 40 mg/kg × 2 fois par jour

2à 3 semaines

Note : adaptation systématique à la fonction rénale.

Le traitement antiviral est indiqué chez les sujets

de plus de 50 ans.

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4266traitement) ou d’infection par le VIH avec déficit immunitairemodéré, le traitement du zona monométamérique peut être lemême que celui de l’adulte immunocompétent (soit 7 jours),sous réserve d’une surveillance rapprochée (4).

Traitements diversLes tricycliques, les anti-convulsivants n’ont pas fait lapreuve de leur efficacité dans la réduction du risque de DPZ(2). En pratique cependant, on les administre souvent pré-cocement, mais dans l’optique de traitement de la compo-sante neuropathique de la douleur zostérienne.On ne négligera pas de prendre en charge certains facteurspouvant affecter l’évolution, le soulagement des douleursou leur retentissement, tels que des troubles du sommeil,l’anxiété engendrée par l’évolution de la maladie ou l’inten-sité des douleurs aiguës, tant chez le patient que dans sonentourage, ainsi que l’isolement social accompagnant lanécessaire éviction.Le tableau 2 reprend les principales recommandations dela conférence de consensus de la Société de PathologieInfectieuse de Langue Française (SPILF-1998), concernantle traitement du zona (4).

DOULEURS POST-ZOSTÉRIENNES

La douleur post-zostérienne (DPZ), ou névralgie post-zosté-rienne (post-herpetic neuralgia, PHN), est classiquementdéfinie comme une persistance de la douleur dans le terri-toire affecté par le zona, après l’éruption. Pour parler deDPZ, il faut attendre un certain délai entre l’éruption et ladouleur, mais ce délai est variable selon les auteurs (entre1 et 6 mois). Cette difficulté d’en arriver à un consensus estliée aux buts recherchés : pour les essais cliniques théra-peutiques, le critère de délai choisi peut influencer lesrésultats de l’étude (un délai trop court fait inclure despatients qui vont s’améliorer spontanément, quelle que soitle traitement testé) ; pour la pratique clinique en revanche,il est important de débuter le traitement de la sémiologieneuropathique de la DPZ dès son apparition, pour tenter delimiter son intensité et si possible prévenir son évolutionchronique.Pour certains auteurs, la douleur post-zostérienne se définitcomme une douleur dans le territoire affecté par le zona etprésentant les caractères d’une douleur neuropathique,sans que soit précisé un quelconque délai temporel par rap-port à l’éruption (3).

Épidémiologie, risque évolutifLes DPZ sont la complication la plus fréquente de l’infectionzostérienne, avec une incidence variable selon les séries (de8 à 30 %).

Le risque d’évolution vers une DPZ peut être majoré ou aucontraire diminué chez certains patients, sous l’influencede plusieurs facteurs (7, 10-14) :– l’âge : L’âge moyen est plus élevé chez les patients déve-loppant des DPZ que chez les patients en rémissioncomplète. Le risque croît avec l’âge (50 % vers 60 ans, 75 %vers 70 ans) (11) ;– l’intensité de la douleur aiguë, la sévérité des lésions cuta-nées, l’importance des troubles sensitifs initiaux qui aug-mentent le risque de DPZ ;– la prescription d’un traitement antiviral à la phase aiguëqui réduit la fréquence d’apparition des DPZ (8).On peut également citer d’autres facteurs qui interviennentà un moindre degré :– la topographie de l’éruption (risque plus élevé pour latête et le thorax que pour les autres localisations) ;– l’immunodépression (risque discuté) ;– certains facteurs psychosociaux.

CliniqueLa douleur post-zostérienne a les caractéristiques d’unedouleur neuropathique typique, avec trois composantes :– douleur continue spontanée, le plus souvent décrite commeune brûlure ;– accès paroxystiques brefs spontanés, le plus souvent décritscomme des décharges électriques ;– allodynie, le plus souvent mécanique dynamique (douleurprovoquée par un frottement habituellement non doulou-reux).Elle peut être accompagnée de déficits sensitifs systémati-sés, avec hypoesthésie de différents types dans le territoireconcerné. Le territoire affecté correspond au dermatomeatteint par l’éruption primaire. Le plus souvent, il existe uncontinuum entre douleur aiguë zostérienne et DPZ, mais laDPZ peut aussi plus rarement survenir après un intervallelibre, parfois de plusieurs mois ou années. On a par ailleursdécrit des périodes de rémission transitoire.

PhysiopathologieLa DPZ est un modèle pour démembrer les différentesexpressions sémiologiques sous-tendues par des mécanismesvariés de douleurs neuropathiques. Pour certains auteurs, ilexiste deux types de DPZ selon qu’il existe ou non une allo-dynie (15). Fields (16) individualise trois sous-types de DPZen fonction des troubles sensitifs et de la réponse à diversesstimulations chimiques (anesthésiques locaux, adrénaline,capsaïcine) : « nocicepteur irritable », « désafférentation sansallodynie », « désafférentation avec allodynie ».Les mécanismes des DPZ sont probablement multiples etpeuvent coexister chez un même patient. Ces mécanismes,comme en général ceux des douleurs neuropathiques, peu-vent être périphériques, avec sensibilisation des récepteurs

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 267

(mécanisme de l’hyperalgésie), décharges ectopiques d’ori-gine ganglionnaire ou axonale (douleur paroxystique sponta-née) ou défaut d’inhibition par lésion des fibres de groscalibre (allodynie dynamique). Ils peuvent également êtrecentraux, avec sensibilisation centrale secondaire à l’activa-tion des récepteurs NMDA postsynaptiques (corne posté-

rieure de la moelle), dégénérescence des neurones de lacorne dorsale (action virale et augmentation du Ca++ intracel-lulaire) et plasticité neuronale (néo-connections des fibres A,mécanisme de l’allodynie). L’implication respective de cesdifférents mécanismes peut se modifier au cours du temps(17).

Tableau 2Recommandations de la conférence de consensus de la SPILF (1998) pour la prise en charge du zona.

Chez le sujet immunocompétent, le traitement antiviral doit être mis en route avant la 72e heure de la phase éruptive, en cas de :

— Zona ophtalmique, en prévention des complications oculaires— Zona des personnes de plus de 50 ans, en prévention des algies post-zostériennes

Bien que le niveau de preuve soit plus faible, un traitement antiviral peut être proposé dans le traitement du zona non ophtalmique chez des personnes de moins de 50 ans s’il existe des facteurs prédictifs d’évolution vers des algies post-zostériennes : gravité de l’éruption, intensité des douleurs à la phase éruptive, prodromes algiques plusieurs jours avant la phase éruptive (indication hors AMM).

Chez le sujet immunodéprimé, tout zona justifie un antiviral débuté par voie intraveineuse. Il est recommandé d’éduquer le malade à la reconnaissance des premiers signes du zona afin de permettre de débuter le traitement le plus tôt possible.

Autres traitements, à la phase aiguë

— Douches ou bains quotidiens ou biquotidiens à l’eau tiède avec un pain, savon ou lavant dermatologique sans antiseptique, sontrecommandés pour assurer les soins locaux.

— La chlorhexidine en solution aqueuse est utile pour prévenir la surinfection. Le jury se prononce contre l’utilisation de tout autre produit ainsi que de topiques antibiotiques, antiviraux, antiprurigineux et anesthésiques.

— En cas de surinfection cutanée, une antibiothérapie à la fois antistaphylococcique et antistreptococcique est prescrite par voie orale.

Traitement du zona ophtalmique

— La prescription d’un antiviral doit être systématique ; l’aciclovir et le valaciclovir ont démontré leur efficacité dans la préventiondes complications oculaires (traitement débuté dans les 48 premières heures pour l’aciclovir par voie orale, dans les 72 premièresheures pour le valaciclovir).

— Un examen ophtalmologique spécialisé est souhaitable ; l’administration de pommade à l’aciclovir doit être décidée après avis du spécialiste et toujours associée à un antiviral systémique. L’utilisation de corticoïdes locaux doit être limitée au traitement des kératites immunologiques et des uvéites antérieures. La corticothérapie générale doit être réservée aux zonas ophtalmiques compliqués de nécrose rétinienne aiguë ou de neuropathie optique ischémique.

Traitement des douleurs associées

— Utilisation d’une échelle d’évaluation de la douleur afin de contrôler au mieux l’effet antalgique des médicaments.— Les douleurs de la phase aiguë, si elles sont modérées, nécessitent des antalgiques de classe II prescrits à intervalle réguliers et cou-

vrant le nycthémère.— En cas d’efficacité insuffisante, il est nécessaire d’utiliser la morphine sous forme de sulfate chez l’adulte et de chlorhydrate chez le

sujet âgé, en débutant par de faibles doses.— Le jury recommande de ne pas utiliser la corticothérapie dans les douleurs de la phase aiguë.— Les algies post-zostériennes nécessitent l’utilisation d’autres traitements :

— L’amitriptyline à la dose de 75 mg/j a fait la preuve de son efficacité sur le fond douloureux permanent (indication d’AMM).— La carbamazépine (400 à 1 200 mg/j) est efficace pour le contrôle des paroxysmes hyperalgiques (indication hors AMM).— Les techniques de contre-irritation (cryothérapie, acupuncture, neurostimulation transcutanée) n’ont pas été évaluées.— Les aspects médicopsychologiques du zona nécessitent une prise en charge globale de la souffrance du malade.

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4268Traitement médicamenteux des DPZ

Les premières études contrôlées sur le traitement des DPZdatent des années 80 ; elles mettaient en première ligne lesantidépresseurs tricycliques ; depuis, on a évoqué l’efficacitéde trois autres classes thérapeutiques : les anticonvulsivants(gabapentine), les opiacés (tramadol) et les anesthésiqueslocaux (lidocaïne sous forme de patch).

Il n’existe pas actuellement d’études permettant de compa-rer objectivement ces molécules dans le traitement des DPZ(2, 18) ; de même, aucune corrélation entre les réponsesaux différents traitements chez un même patient n’estactuellement solidement étayée. Enfin, aucune associationde ces divers médicaments n’a été évaluée, alors qu’ils sontsouvent administrés simultanément en pratique.

On peut toutefois tenter une comparaison en terme de tolé-rance et d’efficacité par l’étude du « nombre de patientsnécessaires à traiter » (NNT) ; rappelons que, quand oncompare deux traitements, le NNT est l’inverse de la diffé-rence entre les pourcentages de patients améliorés (ouaggravés) par chacun des traitements. Dans la revue systé-matique de McQuay (19), par rapport à un placebo, le NNTdes antidépresseurs tricycliques était compris entre 1,9 et4,1 pour l’efficacité, entre 1,7 et 8,8 pour les effets indési-rables mineurs et entre 13 et 37 pour les effets indésirablesmajeurs. Dans l’étude de Rowbotham (20), le NNT de lagabapentine (Neurontin®) était de 3,2 pour l’efficacité, de3,7 pour les événements indésirables mineurs et de 25 pourles effets indésirables majeurs.

En pratique, on prescrit ces traitements en tenant comptedu profil (antécédents, terrain, traitement actuel et anté-rieur, efficacité et tolérance) du patient ; une premièremolécule sera débutée en monothérapie puis, bien souvent,il faudra y adjoindre un traitement de seconde ligne ou uneassociation. Quoi qu’il en soit, le traitement médicamen-teux fait rarement disparaître complètement les douleurs,et le prescripteur gagnera à considérer, dès la premièreconsultation, le traitement pharmacologique comme un élé-ment d’une prise en charge globale du patient.

Tricycliques (21-23)

L’amitriptyline est la molécule la mieux évaluée dans cetteindication, comme dans le traitement des douleurs neuropa-thiques en général, et son niveau d’efficacité n’est plus àprouver. Elle peut constituer la molécule de première inten-tion dans le traitement des DPZ. Elle est toutefois souventmal tolérée chez les patients âgés et elle est contre-indiquéeen cas de glaucome par fermeture de l’angle, de troubles uré-troprostatiques et d’infarctus du myocarde récent. Elleréclame une surveillance rapprochée chez le sujet âgé ou surun terrain cardiovasculaire fragile, en particulier si un traite-ment antihypertenseur est associé.

Ses principaux effets indésirables sont l’hypotension orthos-tatique (action adrénolytique), la somnolence (effet antihis-taminique), la sécheresse des muqueuses, la constipation, latachycardie, les troubles de l’accommodation (effets anti-cholinergiques), la prise de poids, les troubles du rythmecardiaque et de la conduction à forte dose.

Pour minimiser autant que possible ces effets indésirables,on augmente très progressivement les doses, en débutant à20 ou 25 mg/j pour obtenir une dose efficace souvent situéeentre 75 et 150 mg/j. Si cet agent est inefficace ou maltoléré, il est possible d’utiliser un autre tricyclique.

Il est par ailleurs indispensable d’expliquer au patient lepourquoi du traitement, en particulier la recherche d’uneffet indépendant de l’effet anti-dépresseur, et le délaid’action retardé (deux à quatre semaines).

Anticonvulsivants (2, 20, 24)

Plusieurs études contrôlées ont montré l’efficacité antalgiquesignificative d’un traitement par la gabapentine (Neurotin®), àla dose moyenne de 1 200 à 3 600 mg/j en trois prises. Dansl’étude contrôlée contre placebo de Rowbotham en 1998(20), le score douloureux moyen des patients a diminué de6,3/10 à 4,2/10 ; cet effet s’accompagnait d’une réductionsignificative des troubles du sommeil et d’une amélioration dela qualité de vie ; 43 % des patients rapportaient un soulage-ment fort ou modéré de leur douleur.

Les effets indésirables de la gabapentine sont fréquents, maisne nécessitent le plus souvent qu’une adaptation de dose :somnolence, vertiges, ataxie, parfois œdèmes modérés desmembres inférieurs, prise de poids. Une augmentation pro-gressive des doses (titration) est là aussi indispensable ; onconstate souvent un effet partiel à 1800 mg/j, mais une dosesupérieure reste le plus souvent nécessaire pour obtenir unsoulagement significatif. Il faut adapter la posologie à la fonc-tion rénale.

La prégabaline est une molécule plus récente, non encorecommercialisée en France ; on a pu établir son efficacité surl’intensité de la douleur et les troubles du sommeil dus auxDPZ, dans une étude contrôlée contre placebo, portant sur173 patients, à sept jours.

Opiacés (2, 25, 26)

L’efficacité de l’administration IV de morphine dans le traite-ment des DPZ a été évaluée dans une seule étude et néces-siterait des évaluations complémentaires, notamment enadministration répétée (2).

L’oxycodone (26), s’est avérée efficace sur la douleur, l’allody-nie, le retentissement sur l’activité, à partir de 60 mg/j endeux prises per os, dans une étude contrôlée versus placebo.

Le tramadol (25) per os, à libération prolongée, à la dosemoyenne de 275 mg/j recherchée après une titration d’unesemaine, est plus efficace que le placebo. Il fait apparaître une

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 269différence d’intensité douloureuse sur l’EVA de 3,5 points sur10, un mois et demi après le début du traitement. Le profil deseffets indésirables n’est pas significativement différent decelui du placebo ; ils concernent essentiellement le systèmedigestif (17,4 % : nausées, constipation) et nerveux (9,4 % :vertiges, paresthésies).

Anesthésiques locaux : patch de lidocaïne à 5 % (2)

Deux études contrôlées ont rapporté un effet de la lidocaïne à5 % en patch sur l’allodynie. Elle peut être utilisée comme adju-vant en cas d’allodynie dans le dermatome atteint. Elle est bientolérée, ses seuls effets indésirables étant les réactions locales(érythème régressif à l’arrêt). Son passage systémique est négli-geable quand la peau est saine, mais il faut en tenir comptechez les patients traités par un anti-arythmique de classe 1.

Le protocole conseillé consiste en une pose de patch 3 foispar jour, pendant au plus 12 heures par jour, dans la zone laplus douloureuse associée à l’allodynie. En général, on noteun effet notable en moins de deux semaines. En France, lepatch de lidocaïne (Emlapatch®) n’a pas obtenu l’AMM danscette indication.

Autres traitements

Un nombre non négligeable de patients ne répondra pasaux traitements médicamenteux de première et secondeligne, même en association. On ne peut que recommanderd’adresser ces patients le plus précocement possible à unCentre de Traitement de la Douleur, où pourront leur êtreproposé un éventail de techniques médicamenteuses ounon, plus ou moins invasives, dont la plupart demandent àêtre mieux évaluées dans des essais cliniques.

TENSLa stimulation électrique transcutanée peut être proposéedans les DPZ, au même titre que toute douleur neuropa-thique, même si son efficacité n’a pas été évaluée dans cetteindication particulière. Elle peut constituer une thérapeu-tique adjuvante dans le cas de douleurs bien localisées,notamment thoraciques. L’existence d’une anesthésie dou-loureuse ou d’une allodynie peut nécessiter la mise en placedes électrodes dans un dermatome adjacent.

Blocs sympathiques et neurolytiques (5)

L’efficacité des blocs sympathiques dans le traitement de ladouleur aiguë du zona a fait entreprendre plusieurs étudessur leur utilisation dans le traitement des DPZ, mais leursrésultats se sont avérés décevants, particulièrement enterme de l’effet à long terme, très rarement persistant à6 mois. Le rôle, probablement limité, du système sympathi-que dans le mécanisme physiopathogénique de la douleur etde l’allodynie post-zostérienne, reste à éclaircir pour pour-suivre les recherches dans cette voie.

Les perfusions continues d’anesthésiques locaux par voiepéridurale se sont avérées efficaces sur les différentescomposantes douloureuses, mais dans une seule étude deméthodologie discutée (18).

Perfusions intrathécales de corticoïdes (27)Les perfusions intrathécales de corticoïdes (27) (perfusionshebdomadaires de 60 mg d’acétate de méthylprednisolone)ont été évaluées (en combinaison avec la lidocaïne) dans uneétude. Elles étaient efficaces ou très efficaces chez 90 % despatients de l’étude et pourraient constituer une thérapeutiquealternative à préciser par des travaux complémentaires.

Stimulation médullaire (28)Dans une étude unique de 2002 portant sur 28 patients avecDPZ rebelle à tous les traitements médicamenteux, associéeà une allodynie, mais sans perte de sensibilité dans le derma-tome concerné, la stimulation médullaire a procuré dès lespremiers jours de l’essai, un soulagement significatif dansplus de 80 % des cas, avec une durée moyenne de l’effet deplus de 30 mois.Les électrodes quadripolaires sont implantées chirurgicale-ment après laminectomie. L’implantation définitive est pré-cédée d’une phase test avec électrode épidurale interne. Laneurostimulation doit permettre d’obtenir des paresthésiesdans le territoire douloureux avec soulagement significatif,avant toute implantation définitive de l’électrode et du boî-tier de stimulation, internalisé en général dans la région cla-viculaire. L’efficacité de cette voie thérapeutique mériteraitconfirmation par des études contrôlées. Comme pour toutetechnique chirurgicale, il faut mettre en balance les coûts,les contraintes et les risques de la technique avec les avanta-ges pour mieux poser les indications.

Nécessité d’une prise en charge globale du patientQuelle que soit la réponse de la douleur aux différents trai-tements proposés, le praticien devra veiller aux différentsaspects du retentissement de la douleur sur la vie quoti-dienne et le psychisme du patient.Dès le stade aigu, l’anxiété générée par l’éruption et/oul’intensité de la douleur devra être prise en charge par desexplications, une écoute qui facilitera une meilleure compré-hension des traitements proposés, une meilleure observanceet probablement un meilleur contrôle du risque de DPZ.Avec le temps, le retentissement psychique de la douleur ris-que d’évoluer vers un syndrome dépressif, plus ou moinsmarqué qu’il faut prendre en charge rapidement (thérapeuti-ques médicamenteuses, psychothérapie de soutien) pourobtenir des résultats satisfaisants. Chez certains patients, leretentissement sur le comportement et la cognition néces-sitera un abord comportemental plus structuré avec destechniques de reconceptualisation et un réapprentissagecomportemental permettant au patient de mieux « gérer »,

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4270

« vivre avec » (coping) et de réduire le retentissement de ladouleur. Chez le sujet âgé à risque, il faut inciter à conserverdes activités physiques, des loisirs et des activités sociales.

C’est dire tout l’intérêt d’une prise en charge plurimodaleet pluridisciplinaire que seule peut proposer une structurede prise en charge de la douleur chronique ; dans tous lescas, en présence de facteurs de risque de chronicisation, lepraticien devra s’entourer précocement d’avis spécialisé etproposer le plus tôt possible une prise en charge psycholo-gique, en association au traitement médicamenteux et nonmédicamenteux. Le risque de chronicisation de la douleur

du zona doit d’ailleurs faire considérer cette pathologiedouloureuse comme une urgence (Tableau 3).

Sites Internet— IHMF (International Herpes Management Forum)www.IHMF.org.— 11e conférence de consensus de la Société de PathologieInfectieuse de Langue Française : Prise en charge des infec-tions à virus zona-varicelle.www.infectiologie.com/public/documents/consensus/vzv-98.htm

Tableau 3En pratique.

L’éruption zostérienne est due à une réactivation du virus Varicelle-Zona (VZV). Le vieillissement et l’immunodépression sont les principaux facteurs de risque d’une réactivation symptomatique.

Les douleurs associées au zona évoluent selon deux phases successives et intriquées : la douleur aiguë, inflammatoire est contemporainede l’éruption ; la douleur neuropathique est plus tardive et peut devenir chronique, constutuant la douleur post-zostérienne.

La douleur aiguë

La douleur aiguë zostérienne peut précéder l’éruption de quelques jours, elle est le plus souvent de topographie métamérique.

Le traitement des douleurs aiguës repose sur deux axes : traitement symptomatique des douleurs et prévention des douleurs post-zostériennes; l’urgence du traitement est liée à la prévention de la principale complication du zona : les douleurs post-zostériennes.

Le traitement symptomatique de la douleur fait essentiellement appel aux antalgiques adaptés à l’intensité de la douleur, ainsi qu’à des blocs sympathiques.

La douleur post-zostérienne (DPZ)

Le traitement antiviral doit être débuté dans les 72 heures suivant le début de la phase éruptive.

Ne pas négliger la prise en charge des troubles du sommeil, de l’anxiété, du retentissement de la douleur.

La DPZ est une douleur persistante dans le territoire affecté par le zona et présentant les caractères d’une douleur neuropathique.

Les facteurs de risque de DPZ sont l’âge et la sévérité des symptômes aigus.

L’interrogatoire et l’examen retrouvent une douleur continue spontanée (brûlure), des accès paroxystiques spontanés ou provoqués(décharges électriques), une allodynie, un déficit sensitif (hypo anesthésie).

Les traitements médicamenteux de première et seconde ligne les mieux évalués sont les tricycliques (amitriptyline), les anticonvulsivants(gabapentine), les opiacés (morphine, oxycodone, tramadol), et les patches de lidocaïne à 5 %.

Les techniques alternatives, moins bien évaluées, sont la stimulation électrique transcutanée (TENS), la stimulation médullaire, les blocs sympathiques, les injections intrathécales de corticoïdes.

La prise en charge de la DPZ doit être globale et comporter une prise en compte du retentissement sur la vie quotidienne et le psychisme(anxiété, dépression).

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 271RÉFÉRENCES1. Thomas SL, Wheeler JG, Hall AJ. Contacts with varicella or with children

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Tirés à part : Sylvie ROSTAING-RIGATTIERI,CETD Hôpital St Antoine,

184 rue du Faubourg St Antoine,75012 Paris, France.