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INSTITUT CATHOLIQUE DE TOULOUSE Faculté Libre de Droit Année universitaire 2010-2011 Travaux dirigés de droit européen L2 Droit Cours : Didier BLANC TD : Romana ALECSE Fascicule 1 : Institutions européennes (semestre 1) Séance 1 : Introduction : droit de l’Union européenne vs droit européen ? Thème 1 : L’Union européenne Séance 2 : La structure de l’Union européenne L’appartenance à l’Union européenne Thème 2 : Les institutions politiques de l’Union européenne Séance 3 : Le pôle intergouvernemental de l’Union Le Conseil européen Le Conseil de l’Union Séances 4 et 5 : Le pôle intégrateur de l’Union Le Parlement européen La Commission européenne Thème 3 : Les institutions de contrôle de l’Union européenne Séance 6 : La Cour de justice de l’Union européenne La Cour des comptes de l’Union européenne Thème 4 : Les autres agents institutionnels de l’Union européenne Séance 7 : Les organes et agences de l’Union européenne Thème 5 : Les sujets institutionnels Séance 8 : La citoyenneté européenne

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INSTITUT CATHOLIQUE DE TOULOUSE Faculté Libre de Droit

Année universitaire 2010-2011

Travaux dirigés de droit européen L2 Droit

Cours : Didier BLANC TD : Romana ALECSE

Fascicule 1 : Institutions européennes (semestre 1) Séance 1 : Introduction : droit de l’Union européenne vs droit européen ? Thème 1 : L’Union européenne Séance 2 : La structure de l’Union européenne

L’appartenance à l’Union européenne Thème 2 : Les institutions politiques de l’Union européenne Séance 3 : Le pôle intergouvernemental de l’Union

Le Conseil européen

Le Conseil de l’Union

Séances 4 et 5 : Le pôle intégrateur de l’Union

Le Parlement européen

La Commission européenne Thème 3 : Les institutions de contrôle de l’Union européenne Séance 6 : La Cour de justice de l’Union européenne

La Cour des comptes de l’Union européenne Thème 4 : Les autres agents institutionnels de l’Union européenne Séance 7 : Les organes et agences de l’Union européenne Thème 5 : Les sujets institutionnels Séance 8 : La citoyenneté européenne

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Séance 1 : Introduction : droit de l’Union européenne vs droit européen ?

Les symboles de l’UE

Le drapeau européen Les 12 étoiles disposées en cercle symbolisent les idéaux de perfection, de plénitude et d’unité.

L’hymne européen La mélodie est celle de la neuvième Symphonie de Beethoven. Quand cet air est joué en tant qu’hymne européen, il n’est pas accompagné de paroles.

9 mai : journée de l’Europe Les idées à l’origine de ce que nous appelons aujourd’hui l’Union européenne ont été exprimées pour la première fois le 9 mai 1950 dans un discours du ministre français des affaires étrangères, Robert Schuman. Ainsi, le 9 mai est célébré chaque année comme l’anniversaire de l’UE.

«Unis dans la diversité» Telle est la devise de l’UE.

Qu’est-ce que le droit communautaire ?

*D. SIMON, DROIT COMMUNAUTAIRE, Dictionnaire de la culture juridique, D. ALLAND et S. RIALS (dir.), P.U.F. et Lamy, 2003, p. 448 et s. Par l'expression « droit communautaire », on entend le système juridique de l'Europe communautaire, fondé sur les traités instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (traité de Paris du 18 avril 1951), la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique (traités de Rome du 25 mars 1957), ainsi que sur les instruments conventionnels ayant procédé à la révision de ces traités originaires. Le droit communautaire ne doit pas être confondu avec le droit européen, cette dernière formulation étant généralement retenue pour désigner le droit du Conseil de l'Europe et de la protection européenne des droits de l'homme, ou plus largement le droit des organisations européennes non communautaires. On peut distinguer le droit communautaire stricto sensu, qui comprend l'ensemble des normes juridiques régissant l'organisation et le fonctionnement des Communautés européennes, et le droit communautaire lato sensu, englobant en outre le droit de l'Union européenne, construit sur la base du traité de Maastricht du 7 février 1992 et du traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997, modifiés et complétés par le traité de Nice, signé le 26 février 2001 et entré en vigueur le 1er février 2003. C'est la seconde branche de l'alternative qui sera retenue ici. Le droit communautaire présente la particularité d'être un système juridique dont l'autonomie est discutée, la spécificité contestée, et la nature controversée. Une réflexion préalable sur sa qualité d'ordre juridique et sur ses caractères propres est indispensable avant d'aborder l'analyse de ses sources, de son articulation avec les droits nationaux des États membres de l'Union, et du contrôle juridictionnel de sa mise en oeuvre. Un système juridique autonome Le débat sur la nature de l'ordre juridique communautaire, qui est à l'évidence intimement lié aux controverses portant sur la nature de la Communauté européenne elle-même, est loin d'être clos. Si l'on s'en tient aux doctrines extrêmes, au risque de grossir le trait, on peut constater, depuis la signature du traité de Paris instituant la CECA, une opposition radicale entre la doctrine de la spécificité absolue et la thèse de la banalisation.

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La première valorise les éléments de la construction communautaire qui différencient la structure de l'Union et de la Communauté européennes de celle d'une organisation internationale classique, et l'ordre juridique communautaire du droit international général. En dépit de son fondement conventionnel que nul ne songe à contester, l'édifice communautaire aurait développé un appareil institutionnel infiniment plus sophistiqué que celui des organisations intergouvernementales traditionnelles, un mécanisme de décision faisant une place sans précédent à la règle majoritaire et réduisant singulièrement la fonction du consensualisme, un équilibre institutionnel original, associant notamment à la légitimité interétatique d'autres formes de légitimation du pouvoir et du droit, un système de sources et une hiérarchie des normes sans commune mesure avec les mécanismes juridiques du droit international général, un contrôle juridictionnel allant bien au-delà de ce qui a jusqu'alors existé dans les rapports interétatiques, des méthodes d'interprétation des traités constitutifs dynamiques et finalistes ; de surcroît, le droit communautaire entretiendrait avec le droit des États membres des rapports irréductibles aux relations du droit international et du droit interne. La différence entre droit communautaire et droit international ne pourrait plus dans ces conditions s'analyser en termes quantitatifs, mais correspondrait à une différence de nature, qui ferait de l'ordre juridique communautaire un ordre juridique non seulement autonome, mais radicalement autre par rapport à l'ordre international. Cette altérité peut, selon un premier courant doctrinal, s'exprimer par la reconnaissance d'une dimension fédéraliste de la construction européenne aboutissant à l'assimilation, plus ou moins explicite, de l'ordre juridique communautaire à un ordre juridique étatique, ou à un État en devenir (pour un examen des doctrines « fédéralistes », voir par exemple M. Croisat et J.-L. Quermonne, 1999). Une autre variante, plus consciente des obstacles qui s'opposent à une qualification étatique ou para-étatique du système communautaire, se caractérise par l'utilisation de concepts exaltant la nature sui generis du système communautaire, qu'il s'agisse des déclinaisons de la supranationalité, de l'identification d'un « droit de l'intégration » ou des variations sur le thème de l'objet juridique non identifié. Mais quelle que soit l'option retenue pour qualifier la nature juridique de la Communauté et/ou de l'Union, le point commun demeure : le droit communautaire n'est plus du droit international, mais quelque chose d'autre, ce qui accrédite la pertinence du « mythe de la rupture totale ». La thèse de la banalisation part d'une analyse tout à fait opposée. Mettant l'accent sur la dimension interétatique de la construction européenne, le raisonnement s'attache à valoriser tout ce qui maintient le droit communautaire dans l'orbite du droit international. La nature conventionnelle des traités de base, la place centrale qui serait occupée dans le dispositif institutionnel par les organes interétatiques, qui a d'ailleurs eu plutôt tendance à s'accroître qu'à se réduire, la rémanence de l'exigence d'unanimité dans les modes de votation, l' « irréductible diplomatique » dans le processus de décision, les exigences interétatiques attachées à la procédure de révision des traités constitutifs, le rôle des principes d'attribution des compétences et de subsidiarité, seraient parmi d'autres autant d'indices du fait qu'en dépit de certains traits originaux, les Communautés européennes demeureraient « des organisations internationales comme les autres », restant, quel que soit leur particularisme, « évidemment dans la sphère juridique internationale ». La concession maximale des tenants de la banalisation du droit communautaire serait finalement de reconnaître l'existence d'une différence de degré tout en niant la pertinence d'une analyse en termes de spécificité qualitative. Quel que soit l'intérêt de ces querelles théologiques qui agitent la doctrine, il est indéniable que la Cour de justice des Communautés européennes a pour sa part développé une jurisprudence cohérente consacrant progressivement l'autonomie de l'ordre juridique communautaire. Après avoir affirmé dans l'un de ses arrêts les plus célèbres que « la Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants » (CJCE, 5 févr. 1963, Van Gend en Loos, 26/62, Rec., 3, italiques ajoutées), le juge communautaire a quelques mois plus tard coupé le cordon ombilical entre l'ordre juridique communautaire et le droit international général, en estimant que « à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leurs juridictions » (CJCE, 15 juill. 1964, Costa c/ ENEL, 6/64, Rec., 1141, italiques ajoutées). On peut

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légitimement estimer que cette sacralisation de la spécificité du droit communautaire par rapport au droit international général a eu une fonction incantatoire visant, par répétition rituelle de la formule magique, à forger un véritable mythe. Mais en dépit de certaines tentatives d'interprétation réductrice, on peut difficilement contester que cette affirmation vigoureuse de l'autonomie du droit communautaire constitue la constante par excellence de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, qui commande ensuite l'ensemble des caractères du système juridique communautaire. Encore faut-il préciser que cette proclamation de l'autonomie de l'ordre juridique communautaire ne signifie pas que soit niée l'existence d'un patrimoine génétique interétatique, issu des racines conventionnelles de l'intégration européenne, qui continue de conditionner l'affirmation de la spécificité du droit de la Communauté et de l'Union (pour une analyse plus détaillée, D. Simon, Les Fondements de l'autonomie du droit communautaire, 2000, et D. Simon, 2001). Mais s'il est vrai que les États demeurent, selon une formule célèbre de la Cour constitutionnelle allemande, les « maîtres des traités » ( « die Herren der Verträge » ), il n'en est pas moins incontestable que sur l' « inné conventionnel » s'est greffé un « acquis constitutionnel » progressivement systématisé par la juridiction communautaire. C'est en effet en termes constitutionnels que la Cour analyse la nature du processus de structuration de l'ordre juridique de la Communauté et de l'Union. Les traités constitutifs sont ainsi qualifiés de « constitution interne de la Communauté » ou de « charte constitutionnelle de base ». Certes, cette affirmation de l'existence d'un « déjà-là constitutionnel » ne signifie en aucun cas que l'Union européenne aurait atteint le « seuil étatique » ou jouirait des caractères inhérents à l' « étaticité ». Mais il semble difficile de nier que l'on est en présence d'un « processus de constitutionnalisation » (voir sur ce point J. Gerkrath, 1997 ; P. Magnette, 2000), dont l'achèvement est naturellement subordonné, dans le contexte du constitutionnalisme moderne, à une réorganisation profonde des instruments constitutifs et à une sanction démocratique par les peuples européens sous une forme qui fait l'objet des réflexions inaugurées au sein de la « Convention » et appelées à se prolonger lors des prochaines conférences intergouvernementales de révision des traités. Mais d'ores et déjà on peut considérer que la Communauté européenne incarne l' « officialisation d'une idée de droit » au sens de certaines définitions contemporaines de la notion de constitution. En témoignent à la fois la détermination d'objectifs communs, la reconnaissance des principes de la démocratie et des droits fondamentaux, conçus comme les « fondements de l'Union » par l'article 6 du traité sur l'Union européenne dans la formulation retenue par le traité d'Amsterdam, l'affirmation de valeurs communes, telles que la prévalence de l'intérêt général communautaire et la consécration, à la fois jurisprudentielle et conventionnelle, des implications de la notion de « Communauté de droit » (J. Rideau, 2000 ; D. Simon, « La Communauté de droit », in F. Sudre et H. Labayle, 2000). De même l'émergence d'une identité de l'Union, à travers la définition d'un espace territorial communautaire, la consolidation de la citoyenneté de l'Union et l'existence d'une personnalité juridique propre de la Communauté, constitue un signe indiscutable du processus de constitutionnalisation à l'oeuvre dans la structuration de l'ordre juridique communautaire. Enfin et peut-être surtout, l'évolution de la répartition des compétences entre la Communauté et ses États membres emprunte aux mécanismes techniques du fédéralisme (préemption, subsidiarité, loyauté fédérale) et façonne la physionomie irréductiblement originale du système juridique communautaire (pour plus de détails, voir notamment V. Constantinesco, 1974 ; K. Boskovits, 1999 ; D. Simon, 2001). C'est dire que les « bases constitutionnelles » de l'ordre juridique communautaire commandent d'une part l'autonomie et la cohérence du système des sources du droit communautaire et, d'autre part, les rapports originaux qu'entretiennent les normes communautaires avec les ordres juridiques nationaux des États membres. Sources du droit communautaire Le droit de la Communauté et de l'Union trouve son fondement dans ce qu'il est convenu d'appeler le droit primaire ou originaire, qui est constitué principalement par les traités constitutifs et par les traités qui ont procédé à la révision de ces derniers, à savoir l'Acte unique européen (1986), le traité de Maastricht (1992), le traité d'Amsterdam (1997) et le traité de Nice (2000), ainsi que par les

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innombrables protocoles et déclarations adoptés par l'ensemble des États membres et annexés à ces derniers. S'y ajoutent une série d'actes ou de traités adoptés selon des procédures de révision simplifiées, portant modification du système institutionnel (dont l'Acte du 20 sept. 1976 sur l'élection au suffrage universel direct du Parlement européen) ou modification des règles budgétaires, et les accords d'adhésion de nouveaux États membres, cet ensemble de textes conventionnels ayant la même valeur juridique que les traités constitutifs au sens strict. Le droit primaire bénéficie d'une supériorité hiérarchique sur l'ensemble des autres sources du droit communautaire. Il prévaut également sur les accords internationaux conclus par la Communauté, les risques de conflits étant réduits par une procédure consultative préventive qui permet à la Cour de justice de se prononcer sur la compatibilité des accords que la Communauté envisage de conclure avec les dispositions de la « charte constitutionnelle de base ». Le droit primaire ne peut toutefois prévaloir sur les engagements conventionnels antérieurs des États membres, même si ces derniers ont l'obligation d'éliminer les incompatibilités éventuelles dans le respect des règles du droit international public. La deuxième source principale du droit communautaire correspond à l'ensemble des actes adoptés par les institutions, et qui constituent le droit dérivé. Il s'agit d'abord des règlements, actes à portée générale, obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tous les États membres, qui sont appelés à se substituer aux législations et réglementations nationales dans les domaines où la Communauté bénéficie de compétences exclusives qui lui ont été transférées par les traités. Il s'agit ensuite des directives, instrument destiné à intervenir dans les domaines où les États membres ont accepté un encadrement ou une coordination de leurs compétences. La directive, instrument normatif indirect, lie les autorités nationales quant au résultat à atteindre tout en leur laissant la compétence quant à la forme et aux moyens. Les États membres sont soumis, dans un délai fixé par l'acte communautaire, à une obligation de transposition, consistant à incorporer les exigences de la directive communautaire dans une norme nationale qui doit permettre aux règles communautaires de déployer leur plein effet. Enfin les institutions communautaires sont habilitées à adopter des décisions obligatoires, qui correspondent à des mesures individuelles d'exécution des règles à portée générale, ainsi que des recommandations ou avis, instruments d'orientation dépourvus de force obligatoire. La pratique a par ailleurs développé l'usage d'actes atypiques, comprenant à la fois les actes unilatéraux « hors nomenclature » adoptés par les institutions (tels que les actes informels à vocation principalement programmatoire, les communications de la Commission ou les mesures d'organisation interne aux différents organes et institutions), les accords interinstitutionnels, générant ou consolidant des pratiques de coopération entre les institutions sous une forme proche de la coutume constitutionnelle. Les « piliers non communautaires » de l'Union européenne, organisant la politique étrangère et de sécurité commune et la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures, disposent d'un arsenal d'actes spécifiques tels que les stratégies communes, les actions communes et les positions communes. S'ajoutent à ces différentes sources le droit dit complémentaire, qui prend la forme de conventions interétatiques formelles ou informelles non détachables du système juridique communautaire en dépit de leur nature de droit international. Figurent également parmi les sources du droit communautaire des règles d'origine « externe », qu'il s'agisse des accords conclus par la Communauté avec des pays tiers, des accords conclus par les États membres mais « liant » la Communauté, tels que le GATT, des traités formulant des principes que l'Union s'est engagée à respecter, tels que la Convention européenne des droits de l'homme (voir par exemple F. Sudre et H. Labayle, 2000), ou encore des règles coutumières internationales qui s'imposent à l'action de la Communauté. Il convient enfin de mentionner une catégorie de sources non écrites, qui joue un rôle essentiel au sein de l'ordre juridique communautaire. Il s'agit des principes généraux du droit communautaire, qu'ils soient issus d'emprunts aux droits constitutionnel et administratif des États membres, ou aux instruments internationaux garantissant les droits fondamentaux, ou encore qu'ils procèdent des bases constitutionnelles, économiques et politiques propres au système communautaire. Fruits d'une construction jurisprudentielle parfois audacieuse, ces principes assurent tout d'abord la garantie des droits fondamentaux (respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance, de la liberté religieuse, du droit de

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propriété, du libre exercice des activités économiques, liberté syndicale, liberté d'expression...) ainsi que des différentes dimensions du principe d'égalité et de non discrimination. Ils imposent également l'observance des principes inhérents à tout système juridique organisé sur le modèle de l'État de droit, et notamment de la sécurité juridique (avec ses déclinaisons sous la forme du respect des droits acquis, de la prévisibilité et de la clarté du droit, de la non rétroactivité, de la bonne foi, de la transparence, de la confiance légitime, de la proportionnalité...), des droits à la protection juridictionnelle (« droit au juge », droits de la défense). Ils comportent enfin des principes dits structurels, à caractère constitutionnel (équilibre institutionnel, subsidiarité, coopération loyale, égalité et solidarité entre les États membres, uniformité du droit...) ou économique (libre circulation, non discrimination, libre concurrence, unité du marché commun...). Le respect de ces principes s'impose, à peine de nullité de leurs actes, à l'ensemble des institutions et organes communautaires. Ils doivent également être respectés comme éléments de la légalité communautaire par les États membres quand ils agissent dans le champ du droit communautaire. La portée des principes généraux, tels que dégagés par la jurisprudence, a encore été renforcée par la consolidation opérée par les traités, et notamment le traité d'Amsterdam, qui érige le respect des droits fondamentaux en condition formelle d'adhésion des nouveaux États membres et organise une procédure de sanction politique des violations graves des droits et libertés. L'adoption à Nice en décembre 2000 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, même si la portée juridique de ce texte est pour l'instant fort réduite, est de nature à développer davantage la protection mise en oeuvre par le juge sur la base des principes généraux du droit. Ces dernières considérations illustrent le rôle joué dans l'ordre communautaire par la jurisprudence, compte tenu notamment de la lecture systématique des traités opérée par la Cour de justice, qui a développé des méthodes d'interprétation qui visent à réduire les germes d'incohérence et à valoriser les facteurs d'homogénéité et apportent ainsi une contribution déterminante à l'unité de l'ordre juridique communautaire (sur ce point, voir notamment R. Kovar, 1995 ; D. Simon, 1981). En conclusion, cette présentation sommaire des sources du droit communautaire révèle leur diversité et leur complexité, ce qui pose inévitablement la question de leur coordination et de leur hiérarchisation, inscrite à plusieurs reprises à l'ordre du jour des conférences de révision des traités sans qu'un système plus cohérent, fondé notamment sur la distinction des actes à caractère « législatif » et des actes à caractère « administratif », ait pu aboutir (voir P.-Y. Monjal, 2000). Rapports du droit communautaire avec les droits nationaux des États membres L'un des éléments déterminants qui justifient l'accent mis sur l'originalité irréductible du droit communautaire est constitué par la réponse spécifique qu'il apporte à la question de son insertion dans les ordres juridiques des États membres. En premier lieu, l'ensemble du droit communautaire possède virtuellement une aptitude à produire des effets affectant directement la situation juridique des sujets de droit dans chacun des États membres. À la différence du droit international, dont l'effet self executing demeure exceptionnel, l'invocabilité du droit communautaire se déploie comme un attribut de toute norme communautaire remplissant les conditions techniques de la justiciabilité, c'est-à-dire susceptible de faire l'objet d'une application directe et immédiate par les juridictions nationales. La généralisation de l'invocabilité a pour conséquence la faculté ouverte aux justiciables de se prévaloir des droits qu'ils tirent de la norme communautaire devant leur juge national, et l'obligation corrélative pour ce dernier d'assurer la garantie de ces droits, soit en interprétant son droit national à la lumière des dispositions communautaires (théorie dite de l' « interprétation conforme »), soit en excluant l'applicabilité des règles nationales incompatibles ( « invocabilité d'exclusion » ), soit en sanctionnant par anticipation l'adoption de règles nationales susceptibles de contredire une norme communautaire ( « invocabilité de prévention » ), soit en ordonnant l'indemnisation des dommages causés par une violation du droit communautaire par les autorités nationales ( « invocabilité de réparation » ), soit enfin, dès lors que la norme communautaire remplit les conditions d'une justiciabilité renforcée, en substituant de son propre chef la règle communautaire au droit national incompatible ( « effet de substitution » ).

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En second lieu, le droit communautaire dispose d'une primauté absolue sur les droits internes, en raison de ce que la Cour de justice appelle, sans crainte de la redondance, sa « nature spécifique originale ». En effet, si le droit international général postule sa primauté au regard du droit interne, les modalités de son insertion dans les droits nationaux relèvent des dispositions constitutionnelles qui fixent le statut des traités dans la hiérarchie des normes internes. En revanche, le droit communautaire définit sa primauté sur le droit des États membres en termes de « primauté interne », c'est-à-dire en indiquant aux autorités nationales, et notamment aux juridictions nationales, les conséquences qu'il leur incombe d'en tirer dans leur ordre juridique interne, de manière à ce que soit assurée effectivement la supériorité des règles communes. C'est le sens des prises de position de la Cour de justice, selon lesquelles « issu d'une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc [...] se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même » (CJCE, Costa c/ ENEL, préc.). Il en résulte que les juridictions nationales, considérées comme les « juges communautaires de droit commun », non seulement doivent user des divers procédés de l'ordre juridique interne pour assurer la prévalence de la norme communautaire et sauvegarder les droits individuels issus du droit communautaire, mais sont tenus par une sorte de standard minimum impératif d'écarter l'application de toute règle interne incompatible avec le droit communautaire. Par sa nature même, le droit communautaire implique ainsi un effet d'exclusion (inapplicabilité de plein droit) des règles nationales existantes contraires doublé d'un effet bloquant (paralysie de l'activité normative) à l'égard de l'adoption de nouvelles règles nationales contraires. Ce principe vaut pour l'ensemble des règles du droit interne, et a été finalement, non sans un certain nombre de difficultés historiques, admis par les juridictions nationales, y compris pour les règles législatives. Le seul abcès de fixation résiduel se situe dans les rapports du droit communautaire avec les règles constitutionnelles nationales (CE, 30 oct. 1998, Sarran et autres, notes D. Alland, RFDA, 1999, 57, D. Simon, Europe, mars 1999, chron. 3 ; v. également T. de Berranger, 1996 ; H. Gaudin, 2001 ; v. aussi Cour de cassation, 2 juin 2000, Fraisse, note A. Rigaux et D. Simon, Europe, août-sept. 2000, chron. 8). Au-delà de la jurisprudence communautaire et nationale relative à la prévalence du droit communautaire en cas de conflit frontal avec une règle nationale incompatibles, s'est progressivement développé un « contentieux de la deuxième génération », qui a permis à la Cour de justice d'encadrer l'autonomie procédurale nationale au nom de l'uniformité d'application du droit communautaire. C'est ainsi qu'a été posé le principe d'une protection juridictionnelle effective, impliquant notamment la généralisation du « droit au juge », la garantie d'une équivalence du traitement juridictionnel, la reconnaissance d'un droit à une protection provisoire et dans certaines limites, l'obligation du relevé d'office des règles communautaires dans le procès national. De même, le droit communautaire impose que les conséquences de la violation du droit communautaire par les autorités nationales fasse l'objet d'une réparation adéquate, sous la forme des mécanismes de répétition de l'indu et de responsabilité des États membres, tenus d'indemniser les préjudices résultant de la méconnaissance du droit communautaire (sur ces différents points, v. D. Simon, 2001). Contrôle juridictionnel de l'application du droit communautaire La dernière caractéristique majeure du droit communautaire réside dans le contrôle juridictionnel opéré par la Cour de justice et le Tribunal de première instance. Chargée de la mission générale d'assurer « le respect du droit dans l'interprétation et l'application » du traité, la juridiction communautaire exerce, selon une combinaison complexe de voies de recours, les fonctions de juridiction internationale, constitutionnelle, administrative et régulatrice. Elle est chargée du contrôle de la légalité des actes des institutions (recours en annulation, en carence, exception d'illégalité), de la réparation des dommages causés par l'activité communautaire (responsabilité contractuelle et extracontractuelle), et de la sanction des violations commises par les États membres (recours en constatation de manquement). Elle peut en outre être saisie par les juridictions nationales de questions préjudicielles portant sur l'interprétation ou la validité des règles

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communautaires, grâce à un mécanisme qui a puissamment contribué à l'uniformité d'application du droit communautaire dans les États membres.

Méthodologie

Avertissement : La méthode de la dissertation et du commentaire de texte en droit communautaire général ne diffère pas des autres disciplines juridiques, néanmoins il est bon de rappeler quelques éléments.

LA DISSERTATION JURIDIQUE

La dissertation juridique est souvent perçue comme l'exercice pédagogique le plus difficile en vigueur dans les unités de formation et de recherche de droit des universités françaises. Cela tient notamment au fait qu'avec le cas pratique – dans une certaine mesure puisque ce dernier contient au moins l'indication des faits nécessaires à la résolution du cas – la dissertation ne repose sur aucun texte hormis le sujet, au contraire du commentaire de texte ou du commentaire d'arrêt, voire de la note de synthèse. Elle fait donc appel à un véritable travail de mémoire. En outre, c'est l'exercice le plus libre, puisqu'une dissertation a pour objet de développer juridiquement un sujet. Mais c'est une liberté formatrice, puisqu'elle impose tout autant de réfléchir sur le sujet que de le construire. Le but de la dissertation juridique est donc bien triple : exposer des connaissances juridiques, les ordonner, les utiliser pour analyser le sujet. Tout travail de dissertation repose par conséquent sur la relation que son auteur établit entre le sujet et ses connaissances. C'est soulever immédiatement la question de la problématique. Définie très simplement, la problématique est l'ensemble formé par ce qui fait l'intérêt du sujet. Le premier travail de l'étudiant est d'exposer cette problématique ou des éléments de la problématique. Cette problématique appelle très souvent des questions à résoudre, et donc des réponses à apporter. Cela nécessite de soutenir un point de vue dans la dissertation juridique, c'est-à-dire une thèse (ce qui fait d'ailleurs qu'une dissertation ne peut pas être par définition une question de cours). Cette exigence n'est pas sans effet sur la construction de la dissertation. La problématique et la thèse seront principalement abordées dans l'introduction, ce qui lui donne toute son importance. Au regard de cette introduction, le développement aura pour objet de justifier et de la démarche retenue et du point de vue adopté. C'est la partie principale de la dissertation où seront développées les connaissances juridiques. Ces exigences méthodologiques, qui n'ont pour ambition que de préparer l'étudiant à la pratique professionnelle de l'art juridique, appellent donc la préparation ordonnée d'une dissertation, qui peut être la suivante : - 1) l'analyse du sujet ; - 2) l'élaboration du plan ;

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- 3) la rédaction de l'introduction, du développement et de la conclusion éventuelle. 1) L'analyse du sujet C'est l'étape primordiale de la dissertation. Elle doit occuper environ 30 mn sur une épreuve de 3h00. Il faut analyser le sujet, c'est-à-dire ses termes, en n'écartant pas les remarques les plus simples (définition des termes, nombre [singulier-pluriel], etc.), et leur relation (présence d'une conjonction de coordination, "et" par exemple, phrase interrogative marquée par un point d'interrogation, etc.) Chaque terme – et donc chaque notion – devrait pouvoir être analyser sous l'angle dit du "questionnement soleil" QQQOCP ; qui, quoi, quand, où, comment, pourquoi… Il ne faut pas hésiter à ce stade à poser des questions au sujet, quitte à ne pas y répondre. Un sujet n'est en effet normalement jamais complètement "fermé" et appelle des interrogations, qui feront le sel de la dissertation. 2) L'élaboration du plan Elle est constituée de deux étapes majeures : 1) l'exposition sur une feuille principale de toutes les connaissances sur le sujet en fonction de l'analyse qui en a été faite 2) la préparation, ensuite, du plan détaillé (parties, sous-parties, sous-sous-parties, idées principales). La tradition universitaire, qui se justifie (synthèse et effet de conviction), recommande le plan en deux parties, deux sous parties et éventuellement deux sous-sous parties. Dans l'idéal, une dissertation est donc construite sous la forme suivante I A 1) 2) B) 1) 2) II A) 1) 2) B) 1) 2). Elle comporte donc huit "structures de base", qui correspondent aux sous-sous-parties, ce qui veut donc dire que la dissertation peut reposer idéalement sur huit idées principales qui, on l'aura compris, ressortiront principalement des idées exposées dans l'étape 1 de la préparation du plan. Il existe trois grands types de plan : les plans chronologiques, les plans analytiques et les plans d'idées. Les plans analytiques sont souvent privilégiés dans le sens où le droit s'y prête assez facilement (théorie/pratique, principe/exception, notion/régime, statut/fonction, composition/mission etc.). Ces plans sont à éviter, car ils privilégient l'exposition à la réflexion, ce qui n'est pas, on l'a vu, le but principal d'une dissertation. Les plans chronologiques peuvent être utilisés, même s'ils ne sont pas adaptables à tous les sujets, car, bien menés, ils s'apparentent à un véritable plan d'idées, consistant à défendre une thèse au moyen de deux ou trois arguments qui constituent les parties du devoir. 3) la rédaction En toute logique, l'introduction devrait être rédigée avant le développement. Il est d'usage cependant de la rédiger après le plan détaillé, de façon à s'assurer de la cohérence entre la partie introductive de la dissertation et son développement. Il peut être utile, dans cette perspective, de rédiger entièrement l'introduction au brouillon, de sorte qu'avec le plan détaillé, le cap de l'heure et demie soit dépassé avant la rédaction directe du développement. L'introduction est composée d'un incipit, l'accroche, qui a pour but de soulever l'attention du lecteur, et se termine par une annonce de plan, rédigée sous la forme affirmative. Entre les deux se situent le cœur de l'introduction, où se logent la définition primaire des termes du sujet, sa problématique et la thèse retenue. L'introduction doit être au moins d'une page, jusqu'à une page et demi (ce qui, compte tenu d'une page par partie environ, doit aboutir à un devoir de six pages au maximum – soit une feuille double et un intercalaire - n'exigeant pas un temps de correction supérieur à 15-20 mn et permettant le respect de la synthèse des idées en évitant le hors sujet où les redites…). Le corps du développement proprement dit n'appelle pas de remarques autres qu'il faille un chapeau d'introduction avant chaque sous-partie et une phrase de transition entre chaque parties. Les sous-

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sous parties peuvent être composées de paragraphes, chaque paragraphe correspondant, dans l'idéal, à une idée. Enfin, la conclusion n'est pas obligatoire, en fonction des sujets. LE COMMENTAIRE DE TEXTE EN DROIT COMMUNAUTAIRE Contrairement à deux idées fréquemment admises le commentaire de texte n'est : -ni un exercice d'une extrême difficulté (due à son caractère technique) qu'il faut éviter à tout prix, -ni un exercice facile (le support textuel permettant d'avoir toujours "quelque chose à dire") sur lequel l'étudiant pourra toujours se "rabattre", si le sujet de dissertation paraît particulièrement compliqué. Le "hors sujet" première cause d'échec est particulièrement fréquent. Il provient de la méconnaissance qu'a l'étudiant de ce que le correcteur attend de sa copie (c'est à dire de ce qu'il s'attend à y trouver un sujet compris et traité en respectant une méthode déterminée). Ce principe fondamental s'applique tout particulièrement au commentaire de texte, où le hors sujet peut prendre deux aspects différents voir même opposés C'est bien d'un hors sujet qu'il s'agit lorsque l'étudiant faute de maîtriser convenablement la méthode de cet exercice laisse de côté le texte proposé (après une rapide lecture de celui-ci) pour rédiger une dissertation (ou pire encore une simple récitation écrite du cours) sur le thème principal abordé par le texte. On qualifiera également de hors sujet la démarche de l'étudiant qui sombrant dans l'excès inverse, omet de prendre un recul suffisant par rapport au texte et se contente de le paraphraser (c'est à dire de redire dans son propre jargon -souvent plus longuement et plus maladroitement -ce que l'auteur a exposé clairement et avec concision) Le véritable commentaire de texte se situe à mi-chemin entre ces deux défauts fréquemment rencontrés dans les copies de première année. Commenter un texte consiste obligatoirement en : 1) analyser le texte pour mieux le décomposer 2) rajouter des connaissances personnelles ne figurant pas dans le texte mais se rapportant à celui-ci 3) intégrer (et exposer) ces connaissances personnelles tout le long du texte avec le souci constant de rattacher ces connaissances à un fragment de texte, de manière à éclairer celui-ci. Comment procéder ? En respectant et en appliquant ces 3 principes essentiels ainsi que la méthodologie et la présentation de la copie qui vont suivre; l'étudiant évitera sans peine le hors sujet. Il prendra au contraire conscience que le commentaire de texte lorsqu'il est composé avec rigueur et "savoir faire" se révèle en fait un exercice "relativement" facile et souvent plus "payant" que la classique dissertation juridique (qui nécessite un véritable esprit de synthèse). I) L'introduction Contrairement à 'l'introduction d'une dissertation juridique qui laisse à l'étudiant une certaine souplesse d'organisation, l'introduction du commentaire de texte obéit à des critères précis permettant de présenter de manière logique le texte proposé avant de procéder à son commentaire proprement dit. L'introduction consiste en un schéma comportant 4 phrases distinctes et complémentaires que le correcteur s'attend à trouver, disposées selon un ordre logique précis. A - Nature du texte De quel texte s'agit-il ?

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Traité constitutif (droit primaire) Acte arrêté en vertu d’un traité (droit dérivé) Texte de doctrine (passage tiré d'un ouvrage) Texte ancien (lettre, missive ou discours) Texte récent (conférence de presse, article de journal, "interview" etc) Si le texte est un extrait d'un texte plus important il convient de resituer celui- ci dans son contexte général. B- Origine du texte Qui est l'auteur de ce texte ? Est-ce une autorité individuelle ou une assemblée délibérante ? Quels sont ces pouvoirs, ces compétences, son mode de désignation ? Il faut en quelques lignes retracer ici les différents éléments connus de la biographie de l'auteur (ou les caractéristiques de l'organe) qui permettront d'éclairer et d'envisager sous un jour particulier le texte à commenter (se garder au contraire de replacer inutilement des anecdotes ou des détails sans intérêts par rapport au texte). C- Date et circonstances particulières dans lesquelles le texte a été écrit, élaboré, prononcé, etc. Le mot "date" doit être entendu ici dans un sens plus ou moins large. Il peut s'agir d'une période plus ou moins précise de l'Histoire européenne (années 50, période fondatrice, années 70, période de léthargie, années 80 période de relance, années 90 renforcement de l’intégration…) ou au contraire très précise (année, mois, jours) Là encore, comme pour "l'origine du texte" il faut à la fois citer la date du texte et expliquer en quoi celle-ci est importante et éclaire le texte (époque de crise, texte suivant ou précédant un évènement majeur). D -L'annonce du plan Ultime étape de l'introduction: l'annonce du plan. Elle se déroulera selon un procédé classique en énonçant les deux idées principales du texte qu'il faut logiquement envisager successivement : première idée (I) puis seconde idée (II). On aborde ici le corps même du commentaire de texte II Le commentaire de texte proprement dit On tâchera ici de donner des indications concernant le plan du commentaire et les développements. A) Le plan On distingue deux sortes de plan: le plan "linéaire" et le plan "synthétique" 1) le plan linéaire Le plus souvent (dans 90% des cas) un commentaire de texte se construit en suivant le plan du texte lui-même, c'est à dire la structure du texte. Le plan du commentaire est dit alors "linéaire". La raison en est simple. L'auteur du texte – institution européenne ; homme d'Etat, universitaire -a généralement lui-même ordonné ses idées selon un plan déterminé; sélectionné comme étant le meilleur à ses yeux. Il est donc recommandé le plan élaboré par l’auteur après l’avoir découvert. Adopter à tout prix un plan différent de celui de l'auteur peut entraîner l'étudiant à trahir la pensée de celui-ci. Le plan linéaire de part sa fidélité au texte présente certaines caractéristiques. a) Le nombre des parties et sous-parties

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Le plan linéaire peut comporter plus de deux parties, il n'est pas rare qu'il en comporte trois, mais jamais quatre, dans la mesure où multiple de deux, il peut être ramené à deux parties. En principe, chaque partie se subdivise en deux ou trois parties nettement distinctes. Les parties comme les sous parties apparaissent avec des titres qualifiés et non descriptifs. Ex : Les pouvoirs renforcés du Parlement européen au lieu de Les pouvoirs du Parlement européen. b) Equilibre des parties Il n'est pas nécessaire d'équilibrer rigoureusement les subdivisions du commentaire : si certaines parties du texte présentent plus d'intérêt et appellent plus d'explications que d'autres, l'étudiant pourra (devra) leur donner une place plus importante. 2) Le plan synthétique, plus rare (dans 10% des cas seulement), il peut arriver qu'il soit impossible de trouver un plan dans la structure même du texte (texte long, confus, comprenant de nombreuses redites. ..). Le caractère en apparence confus du texte provient quelquefois des nombreuses redites distillées par l'auteur tout au long du texte, dans sa volonté d’expliquer constamment les mêmes idées ou de les expliquer dans un premier temps puis de les illustrer (texte comportant une partie théorique suivie d'une partie composée d'exemples). Il faut alors rechercher le plan non plus dans la structure du texte mais dans son contenu, dans les notions et les idées exprimées par l'auteur, en opérant des regroupements. Il en est de même lorsque le plan linéaire ne peut être adopté, le nombre de parties structurées étant supérieur à quatre. Dans cette dernière hypothèse également, il est nécessaire de regrouper les idées, en trouvant des intitulés communs, de manière à éviter un commentaire ou un catalogue de plus de 3 parties Il faut toujours veiller à ce que le plan synthétique recouvre l'ensemble du texte (et non une partie seulement de celui-ci) et permettre de le commenter entièrement s'en le dénaturer ni s'en éloigner. Ne jamais séparer l'analyse du texte de son commentaire, dans un plan du type: Analyse (paraphrase) I Commentaire. Le but de l'exercice, consiste précisément à commenter, à expliquer, au fur et à mesure, telle partie ou telle phrase du texte (voir tel mot !). La difficulté consiste à répartir judicieusement chaque commentaire précis, chaque explication, à la partie du texte auquel le elle se rattache. Le commentaire de texte idéal comporte généralement un grand nombre de phrase où se mêlent intimement développements de l'étudiant, et citation de l'auteur. Chaque citation du texte doit être placée entre guillemets et souligné ; afin de permettre au correcteur de vérifier d'un seul coup d'oeil si l'étudiant a véritablement commenté le texte ou s'il s'est contenté de rédiger une dissertation en prenant comme prétexte là ou les idées principales du texte. III La conclusion Elle découle naturellement du commentaire ou peut être formalisée, dans ce cas elle s'établit selon un modèle convenu à l'avance. Elle expose en deux parties distinctes et intervient comme un terme logique de l'étude du texte. L'intérêt du texte Ce n'est en toute logique qu'après avoir étudié et commenté le texte que l'on peut dégager l'intérêt de celui-ci, principalement sur le plan des idées, des théories constitutionnelles. Il s'agira donc d'exposer ici en adoptant un certain recul par rapport au texte, la place qu'il occupe dans l'histoire des idées politiques, ou des institutions de l'Etat envisagé (généralement la France). L'intérêt sera le plus souvent historique mais pas nécessairement exclusivement, il peut également se doubler d'un intérêt pratique. On aborde alors :

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La portée du texte A partir de la "date" du texte on projette celui-ci vers l'avenir en tentant de discerner son influence à la fois dans la doctrine et dans les institutions qui lui sont postérieures. Ce texte a-t-il été suivi d'effets ou non ? Dans quels domaines ? Dans les deux cas il faudra tenter d'exposer (brièvement) les raisons de l'influence (ou de l'absence de celle-ci !) du texte proposé sur les théories futures ou sur les institutions politiques élaborées par l'Etat postérieurement à celui-ci Pour finir inutile de rappeler que la présentation, le style et l’orthographe devront être soignés. Mieux vaut une copie incomplète que parsemée d’erreurs en tout genre faute de les avoir corrigées.

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Revue du Marché Commun et de l’Union européenne (RMCUE), Paris, Les Editions Techniques et

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Revue en ligne du Centre des Etudes Européennes de Strasbourg http://www.etudes-europeennes.fr/

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Eur-lex, le site de documentation : http://europa.eu.int/eur-lex/fr/

Scadplus, fiches thématiques sur l’Union européenne : http://europa.eu.int/scadplus/scad_fr.htm

Le site multimédia de référence sur l’Europe communautaire : http://www.ena.lu/mce.cfm

Le site du Parlement européen : http://www.europarl.eu.int/news/public/default_fr.htm

Le site du Conseil et du Conseil européen: http://ue.eu.int/showPage.ASP?lang=fr

Le site de la Commission européenne: http://europa.eu.int/comm/index_fr.htm

Le site de la Cour de Justice des communautés européennes : http://curia.eu.int/fr/index.htm

Le site de la Convention européenne: http://european-convention.eu.int/bienvenue.asp?lang=FR

Sources d’Europe : http://www.info-europe.fr/

Le site du gouvernement français sur l’Europe : http://europe.gouv.fr/

Le site de la Documentation française sur l’Union européenne : http://www.vie-

publique.fr/decouverte_instit/sommaire.htm#

Portail français sur l’Union européenne : http://www.touteleurope.fr/

Principaux Thinks tanks européens

CEPS (Center for European Policy Studies) : http://www.ceps.be/index3.php

Fondation R. Schuman : http://www.robert-schuman.eu/

Notre Europe : http://www.notre-europe.eu/

Le Blog dédié au cours

http://unioneuropeenne.20minutes-blogs.fr/

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Thème 1 : L’Union européenne

Séance 2 : La structure de l’Union européenne

: L’appartenance à l’Union européenne

L’Union européenne possède une structure générale originale, rendant parfois sa perception

difficile. Dotée d’institutions spécifiques agissant dans un environnement inspiré par des modèles

théoriques variés, ceux de l’organisation internationale classique, de l’Etat fédéral, l’Union

européenne est un ensemble institutionnel mouvant au gré des diverses révisions des traités. Celles-

ci sont en règle générale dictées par l’adhésion de nouveaux Etats. L’attractivité de l’Union

européenne est telle que la perspective de l’adhésion de nouveaux Etats n’est pas sans susciter de

légitimes interrogations.

I – La structure de l’Union européenne

1. R. DEHOUSSE, A. MAURER, J. NESTOR, J.-L. QUERMONNE et J. SCHILD. La nouvelle

architecture institutionnelle de l’Union européenne : une troisième voie franco-allemande ? Notre

Europe, Etudes et recherches n°23, avril 2003.

2. P. LAUVAUX, Le texte de la Convention recèle-t-il un modèle constitutionnel, in L’Europe en

voie de Constitution, L’Europe en voie de Constitution, (dir.) O. BEAUD, A. LECHEVALIER, I.

PERNICE, S. STRUDEL, Bruylant, 2004, p. 305 et s.

II – L’appartenance à l’Union européenne

1. Chronologie de l’élargissement

2. R. MEHDI, L’adhésion de la Turquie en débat, Notes de cours.

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I – La structure de l’Union européenne 1 La nouvelle architecture institutionnelle de l’Union européenne : une troisième voie franco-allemande ? R. DEHOUSSE, A. MAURER, J. NESTOR, J.-L. QUERMONNE et J. SCHILD. Notre Europe, Groupement d’études et de recherche, Etudes et recherches n°23, avril 2003. I - Les propositions franco-allemandes sur l’architecture institutionnelle: apports et éléments clés (…) - Le remplacement de la multiplicité des traités en vigueur par une Constitution qui vise à les abroger ; - La personnalité juridique unique de l’Union ; - La suppression formelle du cloisonnement entre les « piliers » ; - L'insertion dans la Constitution de la Charte des droits fondamentaux ; - Une meilleure délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres, alliant transparence et flexibilité ; - L'établissement, en matière législative, d'une corrélation entre le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres et la codécision avec le Parlement européen ; - La délimitation des fonctions du Conseil européen autour de deux rôles principaux : arrêter les grandes orientations politiques et stratégiques de l'Union, en liaison avec la Commission, et définir les grands axes de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris en matière de défense ; - La tentative pour distinguer les fonctions législatives du Conseil des ministres de ses tâches dites opérationnelles ou exécutives. D’autres éléments dépassent clairement le consensus au sein de la Convention au stade actuel de son travail. Ceci est vrai pour l’idée d’un Congrès réunissant parlementaires nationaux et européens, l’idée d’une double responsabilité politique de la Commission devant le Parlement européen et le Conseil européen ou encore l'extension des compétences du Parlement en vue de statuer sur tout ou partie des recettes. Dans d’autres domaines, les propositions franco-allemandes restent en deçà du consensus auquel est parvenu la Convention. Ainsi, les deux pays ne prévoient pas une application de la procédure de codécision en tant que règle générale pour la quasi-totalité des actes législatifs. Mais les deux éléments clés de cette proposition commune qui touchent le plus directement à l'architecture institutionnelle de l'Union européenne et qui sont le plus lourd de conséquences sont incontestablement : - le choix d'une structure bicéphale ; - l’architecture institutionnelle et la procédure retenues pour l'action extérieure de l'Union. 1. Le bicéphalisme Il repose sur deux personnalités : - Le Président de la Commission, dont la procédure de désignation est inversée par rapport aux traités actuels : il est d'abord élu par le Parlement européen « à une majorité qualifiée de ses membres » (ce qui laisse la porte ouverte à une désignation « consensuelle » impliquant l'accord de plusieurs groupes du Parlement), puis confirmé par le Conseil européen à la majorité qualifiée. « Le Président de la Commission constitue son collège en tenant compte des équilibres géographiques et démographiques », ce qui implique que tous les pays ne seront pas nécessairement représentés au sein du collège. Le Président de la Commission a la possibilité d’agencer son collège en distinguant des commissaires ayant un portefeuille sectoriel et d'autres « chargés de fonctions ou de missions spécifiques », le tout devant respecter un « système de rotation égalitaire ». Le Président de la Commission garderait le droit de donner des directives politiques aux travaux de la Commission (« Richtlinienkompetenz »). Enfin, la Commission serait « politiquement responsable à la fois devant le Parlement européen et le Conseil européen ».

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- Le Président du Conseil européen est un personnage nouveau, qui « exerce ses fonctions à temps plein pendant la durée de son mandat », ce qui signifie clairement qu'il n'est pas choisi parmi les membres de ce Conseil, qui ne disposent pas d'une telle disponibilité. La durée de ce mandat est de cinq ans ou de deux ans et demi renouvelables. Il est élu par le Conseil européen à la majorité qualifiée. Son rôle est de donner « une continuité, une stabilité et une visibilité à la direction du Conseil européen ». A cette fin, il préside et anime les réunions, « veille à l'exécution des décisions », et « représente l'Union sur la scène internationale 2. Le dispositif institutionnel propre à « l'action extérieure de l'Union » L'innovation la plus visible est la création d'un poste de « Ministre européen des affaires étrangères », qui réunit les fonctions du Haut représentant pour la PESC et du Commissaire chargé des relations extérieures sous une même tête. Nommé par le Conseil européen à la majorité qualifiée, « en accord avec le Président de la Commission », ce Ministre : - Participe au collège à la fois ès qualité (en tant que Haut représentant) et en tant que membre de la Commission doté d'un statut spécial ; il ne fera pas partie de la procédure d’investiture de la Commission par le Parlement européen. - Il dispose d'un « droit d'initiative formel en matière de PESC et préside le Conseil des ministres chargé des relations extérieures et de la défense ». - Il s'appuie sur un « service diplomatique européen » associant la Direction Générale des Relations extérieures de la Commission à une unité de politique étrangère constituée autour des services de politique étrangère du Secrétariat Général du Conseil, eux-mêmes renforcés « par des fonctionnaires envoyés par le s Etats membres et la Commission ». (…) II - LES ZONES D’OMBRE D’UN COMPROMIS PAR ADDITION (…) 1. Concurrence institutionnalisée au sommet ? Le gouvernement allemand a consenti à l’idée « ABC » (c’est-à-dire soutenue par MM. Aznar, Blair et Chirac) d’un Président à temps complet du Conseil européen. Mais il a veillé à ce que le rôle de celui-ci n’interfère pas trop avec celui du Président de la Commission et du nouveau « Ministre européen des affaires étrangères ». Ainsi, le Président du Conseil européen représente l’Union sur la scène internationale. D'une rédaction très ampoulée, il ressort que ce rôle de représentation est soumis à une triple limitation : il semble limité aux « rencontres des chefs d'Etat et de gouvernement » (et donc exercé sous le regard d'au moins certains représentants des Etats membres), puisque « la conduite quotidienne de la politique étrangère et de sécurité commune revient au ministre européen des affaires étrangères » ; sa fonction s'exerce en outre « sans préjudice des compétences de la Commission et de son Président ». La tâche principale du Président sera donc l’organisation du Conseil européen, la facilitation de ses travaux et conclusions, et sa ‘refocalisation’ sur les stratégies communes en matière de PESC. Cette triple limitation devrait donner une certaine garantie contre une dérive présidentielle et intergouvernementale dans la conduite des relations extérieures de l’Union. Mais, cette dérive elle-même n'est elle pas une des raison d’être de l'idée d'une présidence durable du Conseil européen et de son soutien par la France ? (…) A plus long terme, se posera la question de savoir quelle est l’institution qui représente le centre de gravité de l’exécutif européen, celle qui doit « gouverner » l’Europe au sens de l’exercice d’un leadership politique? Nombreux sont ceux en RFA qui répondraient sans hésiter : la Commission. Mais, après la mise en place d’un Président du Conseil européen et le renforcement de son poids dans le système institutionnel de l’UE, une évolution de l’UE dans un sens fédéral « pur », la Commission assumant seule la fonction exécutive ou gouvernementale, semble pratiquement exclue. Dès lors que l’on accepte l’idée d’un rôle central, voire accru du Conseil européen dans le « gouvernement » d’une Union élargie, le choix d’une présidence durable de celui-ci et donc du

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bicéphalisme, peut être considéré comme étant celui du bon sens : il présente au moins l'avantage de la clarté en institutionnalisant la tension constitutive de l'Union européenne entre les deux sources de sa légitimité : les Etats et les citoyens européens. C'est d'ailleurs ce que rappelle l'introduction du texte en se référant à la formule de la « Fédération d'Etats nations ». Rendre cette tension manifeste plutôt que l'occulter au sein d'une fonction à double casquette présente au moins l'avantage de la transparence, et éventuellement de l'efficacité en obligeant à préciser les relations entre les deux têtes de l'Union. (…) 2. Le nouveau mode d'investiture va t-il renforcer ou affaiblir la Commission ? Le nouveau Président du Conseil européen serait appelé à coexister avec un Président de la Commission désormais élu par le Parlement européen et confirmé par le Conseil européen. Ce renversement de l’ordre – et par là du poids politique – du Parlement et du Conseil européen dans le processus de désignation du Président de la Commission au profit du Parlement figurait très haut sur la liste des revendications du gouvernement et du parlement allemand. Dans l’optique allemande, il s’agit-là d’un moyen de renforcer le poids et la légitimité politiques de la Commission. Ceci permettrait de lui accorder un pouvoir exécutif accru, par exemple à travers des pouvoirs législatifs délégués (sur base d’une loi européenne) par une « simplification radicale de la procédure de comitologie », dont les détails restent néanmoins à clarifier. L’influence de la pensée du gouvernement français est visible sur deux points : - L’idée d’une double responsabilité politique de la Commission devant le Parlement européen aussi bien que devant le Conseil européen (idée introduite dans le débat par la Commission elle-même) - La nécessité de réunir une majorité qualifiée au sein du Parlement européen et au sein du Conseil européen pour élire et confirmer le Président de la Commission, afin de garantir un large soutien pour la Commission et l’indépendance du collège exécutif par rapport aux groupes et majorités politiques au sein du Parlement européen et vis-à-vis des gouvernements nationaux. Là encore, il s’agit de traduire l’idée d’une tension constitutive de l'Union européenne entre les deux sources de sa légitimité, celle d’une Union des citoyens et celle d’une Union des Etats, dans un schéma institutionnel. L’idée d’assujettir la Commission à un double contrôle politique – celui du Parlement et celui du Conseil européen, chacun disposant du droit de censurer l’action de la Commission – pourrait donner une assise plus stable au travail de celle-ci face à un Parlement de plus en plus puissant et politisé. Mais ce schéma institutionnel comporte également un risque de blocage institutionnel : Que se passerait-il si le Conseil européen retirait sa confiance à la Commission tandis que le Parlement européen affirmerait celle-ci par un vote solennel ? Un deuxième risque est lié au renversement des rôles du Parlement et du Conseil européen dans le processus d’investiture du Président de la Commission. L'exigence d’une « majorité qualifiée » au Parlement européen pour l’investiture de la Commission, semble, à première vue, écarter une évolution de l’Union dans un sens fédéral, telle que souhaitée par de nombreux allemands, par la transformation, à terme, des rapports entre la Commission et le Parlement européen selon le modèle du parlementarisme majoritaire. L’exigence d’une majorité renforcée, au Parlement comme au Conseil européen, ne garantit-t-elle pas une composition plurinationale et multipartisane de la Commission, une sorte de garde-fou contre sa « politisation » qui la rendrait dépendante – et donc prisonnière – de la majorité politique qui sort des urnes lors des élections européennes ? C’est justement son indépendance qui lui permet de jouer son rôle de réducteur de tensions et de méfiance entre les Etats membres, un rôle qui est à l’origine des pouvoirs considérables dont elle dispose et qui gagnera en importance avec l’élargissement de l’Union. En revanche, l’idée intergouvernementaliste de transformer la Commission en un simple instrument d'exécution du Conseil (européen) et de limiter son travail à des tâches administratives plutôt que politiques semble écartée grâce au renforcement de la légitimité de la Commission et de son Président à partir de deux sources différentes. Mais il y a un deuxième facteur qui peut remettre en cause l’indépendance de la Commission : c’est le risque d’une perte de son caractère collégial et par là de sa représentativité. Depuis le Traité de

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Maastricht, c’est essentiellement par le biais d’un renforcement de l’autorité du Président de la Commission que l’on envisage de compenser des pressions centrifuges dues au poids du nombre croissant de commissaires. L’onction du suffrage universel pour le Président de la Commission à travers son élection au Parlement européen pourrait contribuer à affaiblir l’autorité du collège. Un Président investi de cette sorte sera naturellement peu enclin à concevoir son rôle comme celui d’un chef d’équipe ; la tentation sera forte pour lui de ne voir dans « ses » commissaires – choisis et révocables par lui – que les agents d’une ligne politique qu’il définira, ou pire encore, les gages donnés à certains groupes parlementaires en échange de leur soutien de principe. Un principe hiérarchique se substituerait au principe de collégialité. Les tendances à l’unilatéralisme, parfois visibles dans l’action de Romano Prodi déclaration sur le pacte de stabilité, projet constitutionnel « Pénélope ») ne feront que se renforcer. Comment, dans ces conditions, la Commission pourrait-elle encore espérer jouer un rôle d’arbitre et de constructeur de confiance entre les Etats membres ? Il y a aussi une certaine présomption d'incompatibilité entre l'objectif de préservation du caractère indépendant et collégial de la Commission d’un côté, et celui du renforcement du lien entre les élections européennes et la mise en place du collège et de son Président de l’autre.(…) III - UN EQUILIBRE INSTABLE ENTRE UNE TENDANCE INTERGOUVERNEMENTALE ET UNE VISION FEDERALE. (…) 1. Le modèle "intergouvernemental" Ce modèle serait construit à partir du Conseil européen et de son Président selon les lignes suivantes, dont aucune n'est contradictoire avec la lettre du texte franco-allemand : Le Conseil européen serait la clé de voûte de tout le système institutionnel de l’Union européenne (cf. graphique 1 en annexe), bien au delà de ses fonctions actuelles consistant à définir les grandes orientations de l’Union, arrêter les stratégies communes en matières de politique étrangère et exercer le pouvoir constituant à l’échelle européenne. Il constituerait une instance d’appel en cas de conflits persistants au niveau des Conseils des ministres et prendrait, de ce fait, un rôle législatif plus important. Son Président aurait un rôle spécifique d’initiative politique – au plan intérieur comme extérieur. Il choisirait le Secrétaire Général du Conseil, afin de coordonner le travail aussi bien au niveau du Conseil européen qu’au niveau du Conseil des ministres. Il piloterait le travail des Conseils « exécutifs » avec leur trois présidents élus (qui seraient p. ex. ses vice-présidents). Il se doterait d’une administration performante – en partie aux dépens de la Commission – et ferait du Ministre européen des affaires étrangères un exécutant – partage des rôles inspiré de la Ve

République française. Le Conseil des ministres verrait ses responsabilités exécutives/opérationnelles renforcées, notamment en matière de JAI, de PESC et de coordination des politiques économiques des Etats membres. La règle de l’unanimité serait maintenue dans un grand nombre de domaines d’action et le vote à la majorité qualifiée toujours soumis aux conditions prévues par le Traité de Nice. La désignation du Ministre européen des affaires étrangères par le Conseil européen, sa responsabilité vis-à-vis du Conseil et l’exclusion de la PESC du domaine de travail de la Commission changerait profondément le fonctionnement du collège, et pas seulement dans le domaine de la PESC/PESD. Ce ministre européen des affaires étrangères serait clairement subordonné au « super-président ». Il pourrait contrôler les ressources financières et administratives qui sont aujourd’hui à la disposition de la Commission en matière d’action extérieure de l’Union. La Commission se trouverait « coincée » politiquement entre le Conseil européen, le Conseil et le Parlement européen. Son rôle serait de plus en plus limité à des fonctions administratives et à la gestion du marché intérieur. Elle se trouverait dépouillée de ses fonctions de leadership politique du fait : - du rôle politique croissant du Président du Conseil européen et de son administration, - des programmes stratégiques pluriannuels du Conseil européen et des programmes opérationnels du Conseil, encadrant strictement son monopole d’initiative.

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Le Parlement européen occuperait systématiquement une position subalterne vis-à-vis du Conseil. Il statuerait seulement sur la partie non agricole des dépenses communautaires. Son droit de codécision législative souffrirait de nombreuses exceptions. Il serait de surcroît concurrencé par un Congrès, composé de parlementaires nationaux et européens, qui se découvrirait de plus en plus de fonctions : débat annuel sur « l’Etat de l’Union », vote sur les orientations fondamentales de l’Union, confirmation des modifications des compétences de l’Union, implication quasi-décisive dans le contrôle de subsidiarité (possibilité de vote de blocage contre les projets législatifs de la Commission), approbation de l’adhésion de nouveaux pays membres et, à l’avenir éventuellement, désignation du Président de la Commission, etc. 2. Le modèle "fédéral" Mais les propositions franco-allemandes peuvent tout aussi bien conduire à un renforcement du caractère supranational du système politique de l’UE, voire à une « dérive fédérale ». Ce système à caractère fédéral serait construit non pas à partir du Conseil européen, mais à partir du Parlement européen. Le Parlement deviendrait un joueur à armes égales avec le Conseil dans le processus législatif et en matière budgétaire. La procédure de codécision se trouverait généralisée et s’appliquerait à tous les actes à caractère législatifs de l’Union, la procédure de coopération étant supprimée. En matière budgétaire, le Parlement aurait le droit de décider sur toutes les dépenses de l’Union y compris la dépense agricole. Il disposerait d’un droit de codécision sur la programmation pluriannuelle des dépenses de l’Union. L’idée d’un Congrès, regroupant parlementaires nationa ux et européens, serait abandonnée, ou remplacée par des conventions temporaires. Au niveau du Conseil des ministres, une distinction claire entre fonction législative et exécutive avec des débats en séance publique du/des Conseil(s) législatif(s) et une publication des comptes rendus augmenterait la transparence aux yeux du public. Le principe de la rotation des présidences serait maintenu, y compris au niveau du Conseil des Affaires Générales (CAG), éventuellement sous la forme de présidences groupées qui assureraient une meilleure continuité des travaux. Seul le « Conseil Relations extérieures et défense » serait doté d’une présidence stable afin de lui donner une continuité et une visibilité accrues vis à vis de l’extérieur. Il serait séparé du CAG (qui aurait vocation à se transformer, à terme, en une Chambre des Etats) et présidé par le Ministre européen des affaires étrangères. Celui-ci occuperait le poste de Vice-président au sein de la Commission et serait responsable devant le Parlement. Le Conseil européen pourrait se limiter, grâce à une nette amélioration du fonctionnement et de la coordination au sein du Conseil, notamment par le CAG, à la définition des grandes orientations de l’Union et des stratégies communes en matières de politique étrangère. Il adopterait le programme stratégique trisannuel, décidé à Séville, sur proposition de la Commission après consultation du Parlement européen. Il abandonnerait son rôle de « super-Conseil d’appel » en cas de désaccord au niveau des Conseils de ministres. Le rôle du Président du Conseil européen à l’intérieur de l’UE se limiterait à celui d’un « chairman » du Conseil européen. En matière de politique extérieure, il représenterait l’Union seulement dans les occasions – relativement rares – du type « sommet international » au niveau des chefs d’Etats ou de gouvernement, agissant sur la base des grands axes de politique étrangère définis par le Conseil européen ou sur la base d’un mandat précis défini par le Conseil des ministres. Il remplirait ses fonctions « sans préjudice des compétences de la Commission et de son Président, sachant que la conduite quotidienne de la politique étrangère et de sécurité commune revient au ministre européen des affaires étrangères ». Il ne disposerait pas d’un appareil administratif propre au delà d’un cabinet de collaborateurs personnels. Et il n’aurait pas de rôle en matière d’initiative politique aux dépens de celui exercé aujourd’hui par la Commission. Le Président de la Commission serait élu par une majorité des membres du Parlement européen et confirmé par le Conseil européen. Ce Président pourrait définir le format de la Commission, en jouant sur le nombre des Commissaires, leur possible structuration et la prise en compte d’un certain équilibre géographique et démographique. Le collège des Commissaires serait soumis à un vote d’approbation par le Parlement européen, puis nommé par le Conseil. Le rôle exécutif de la Commission se trouverait nettement renforcé : elle disposerait d’un important pouvoir réglementaire délégué sur la base de

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lois européennes14 avec un droit de « call-back » pour le législateur, c’est-à-dire le Parlement européen et le Conseil. Les procédures de comitologie seraient radicalement simplifiées, les comités ayant seulement un rôle consultatif dans le processus de mise en oeuvre des politiques de l’Union. 2. P. LAUVAUX, Le texte de la Convention recèle-t-il un modèle constitutionnel, in L’Europe en voie de Constitution, L’Europe en voie de Constitution, (dir.) O. BEAUD, A. LECHEVALIER, I. PERNICE, S. STRUDEL, Bruylant, 2004, p. 305 et s. LE TEXTE DE LA CONVENTION RECÈLE-T-IL UN MODÈLE CONSTITUTIONNEL ? Pour tenter de répondre à la question posée, il faudrait d'abord s'interroger sur la notion de modèle constitutionnel dans le contexte d'un processus constituant pour l'Europe, entreprise trop vaste ans le cadre de cet exposé. Si l'on s'en tient au concept classique de Constitution, qui est celle du droit politique et la définit comme un système d'organes et de compétences, la question posée l'a souvent été dans les dernières décennies mais dans un contexte étatique. Et il est facile, à mon sens, d'appliquer la notion de modèle constitutionnel, en particulier de modèle constitutionnel européen, à la mise en oeuvre des processus constituants qui se sont déroulés, à partir de 1990, dans les pays de l'Europe de l'Est, mais aussi, peu auparavant en Espagne. La Constitution espagnole de 1978 se présente non seulement comme « le lieu de convergence historique des traditions juridiques de l'État nation espagnol» (Martinez Cuadido) mais aussi comme l'ébauche d'une synthèse européenne, réunissant les influences allemande, italienne, française, portugaise, suédoise et reprenant dans sa « déclaration des droits et devoirs fondamentaux » des dispositions parfois littérales de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Pour les pays d’Europe centrale et orientale, quelques années plus tard, le modèle constitutionnel européen de référence a pris plus particulièrement traits de l'Allemagne fédérale, « système occidental édifié sur une expérience d'Europe centrale » (Timothy Garton Ash) mais sans exclure certaines influences françaises. Au vu de ces expériences récentes qui témoignent d'une tendance à la synthèse, la Convention pouvait assez logiquement rechercher dans les éléments communs de l'organisation institutionnelle des membres de l'Union ceux d'une constitution pour l'Europe. La jurisprudence de la Cour européenne y encourageait déjà explicitement dans le domaine des droits fondamentaux. Dans une décision déjà ancienne du 11 janvier 1961 dans l'affaire Autriche c. Italie, la Cour de Strasbourg avait consacré le caractère objectif de la Convention en affirmant qu'en concluant celle-ci, les parties contractantes ont entendu « instaurer un ordre public communautaire des libres démocraties d'Europe afin de sauvegarder leur patrimoine commun de traditions politiques, d'idéaux de liberté et prééminence du droit » (1). La Cour a ensuite eu l'occasion, à plusieurs reprises, note Olivier Gohin, « de dégager de l'ensemble des dispositions et traditions constitutionnelles des Etats membres, les principes généraux garantissant les droits individuels en tant qu'ils constituent un patrimoine juridique commun dont elle assure le respect » (2). Dans le même sens, on peut rappeler les termes du renvoi du traité de l'Union européenne du 7 février 1992 aux « traditions constitutionnelles communes des Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire » (titre I, article F, alinéa 2). Ces références sont peu contestables pour l'aspect du droit constitutionnel auquel elles s'appliquent, la garantie des droits fondamentaux. La charte européenne adoptée à Nice, reprise dans la partie II du projet de la Convention, vient ainsi sceller un dispositif dès longtemps établi et globalement respecté. S'agissant du régime politique de l'Union, d'autre part, on peut déceler dans le projet de la Convention les traces d'un référentiel implicite aux éléments communs de l'organisation des pouvoirs des Etats membres. Mais on ne voit pas que l'on aurait pu tirer des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres une réponse univoque à la question la plus délicate posée à la Convention (et à laquelle elle n'a pas répondu), celle de la définition de la nature juridique de l'Union. Néanmoins, en réalité, le seul fait d'entreprendre un processus constituant était un début de réponse. Selon les concepts de droit politique classique, en effet, la notion de Constitution est intrinsèquement liée à celle d'État, et implicitement à celle d'État souverain.

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Cette perception a sans doute inévitablement un côté réducteur. Pour prendre deux exemples assez contrastés, l'Église catholique a une Constitution (dans les années 1970, il fut un temps question d’élaborer une « loi fondamentale de l'Église) ; l'ONU en a une également. Dans le premier cas, la référence étatique est totalement absente, car l'Église en soi n'entretient qu'un lien extrinsèque avec ce qui subsiste des Etats de l'Église (la « Cité du Vatican) ; dans le second, elle est contingente. Inversement, dans le cas de 1'Union européenne, la référence est structurelle et complètement prégnante : l'Union est une communauté d'États et même si elle pas appelée à devenir un super-État, l'idée d'une Constitution, l'Union reste déterminée par le lien ontologique que la tradition établit entre Constitution et Etat. C'est dire si, dans ces conditions, il était difficile aux conventionnels de se départir d'un point de vue stato-centrique, alors même que l'autorité qu'il s'agit de constituer est reconnue comme « objet politique non identifié » et qu'elle produit dès longtemps de logiques institutionnelles qui lui sont bien propres. On risque ici de se heurter à une aporie. Si dans nos présupposés les plus implicites mais les mieux intégrés (présupposés qui aussi ceux des conventionnels} il y a identité d'objet entre Etat et Constitution, la référence à un modèle constitutionnel en vue définir une Constitution pour l'Europe est nécessairement un modèle étatique, alors que l'entité à constituer n'est pas un Etat et sans doute pas vouée à le devenir à termes prévisibles. Déceler un modèle constitutionnel dans l' oeuvre de la Convention reviendrait ainsi, implicitement. à déduire que cette oeuvre est un échec. Reprenons donc simplement la distinction entre les deux aspects envisagés précédemment, celui du régime politique de l'Union et celui de sa nature et de sa structure, mais dans la perspective globale que le premier pourrait bien conditionner en partie le devenir du second. I. S'agissant du régime politique, il est clair que la Convention tout en consacrant pour l'essentiel la situation institutionnelle existante se réfère à un modèle conforme aux traditions institutionnelles communes aux Etats membres, celui du régime parlementaire. L'auto-prescription, si l'on peut dire ainsi, de ce modèle est déterminée par le fait que tous les Etats de l'Union, et presque tous ceux appelés à le devenir, n'ont pas connu, depuis la démocratie, un autre régime que celui-là. Il doit néanmoins se combiner avec une formule, celle des institutions européennes existantes, le triangle institutionnel, qui n'est que très approximativement conforme à celle des trois organes du parlementarisme, en tout cas celui des Etats contemporains. A contrario, cette structure qui paraît originale présente plus d'une analogie, souvent méconnue, avec des modèles constitutionnels préparlementaires. Dans cette perspective, l’introduction coutumière de procédure de mise en jeu de la responsabilité de la Commission puis de son investiture qui étaient, pour la première, et ont été, globalement, codifiées ensuite au titre IV projet et dans sa partie III, participe de cette tendance récurrente à attirer, et à remodeler, sans trop se soucier des conditions de faisabilité, les institutions de l'Union dans le sens d'une mise aux normes institutionnelles des Etats. A. D'une part, la Commission n'est pas un gouvernement. Elle est un organe astreint à un devoir de neutralité politique. Le comité d'experts indépendants a rappelé (3) cette obligation, SI trancher la question de l'avenir de la Commission: soit « technocratie dynamique » soit « une sorte de gouvernement fédéral face à parlement bicaméral » (4). C'est dans cette direction que tentent d'aller les conventionnels: en la définissant comme l'organe qui « promeut l'intérêt général européen », ils ont voulu la dégager l'ornière technocratique. Cela n'en fait pas pour autant un gouvernement. Paul Magnette a bien montré en particulier combien la pratique des procédures de censure et d'investiture tendant à assimiler la Commission à un gouvernement parlementaire politiquement responsable révèle « les limites auxquels se heurtent les parlementaires quand ils tentent d'importer dans le contexte institutionnel singulier de la Communauté des mécanismes qui lui sont étrangers » (5) Codifié par le traité de Maastricht, l'investiture du président de Commission est régie par les dispositions de l'article 26 du projet. La censure l’est par l'article 25 alinéa 5 qui renvoie à l'article 243 de L'ensemble de ces dispositions met en évidence, comme l’écrit encore Paul Magnette, que « le tropisme parlementaire joue pleinement, contribuant à reproduire dans la' Constitution' de l’Union des entre' exécutif' et

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assemblée qui s'inspirent de matrice nationale » (6). La tentation du mimétisme s'avère, à chaque occasion, irrésistible tant les conformismes des référentiels étatiques sont tenaces. Mais cette tentation recouvre aussi un choix politique, celui d'une évolution vers un Etat fédéral, comme le reconnaît implicitement le comité d'experts. Et pour cela, l'accent a été mis dans le projet sur les conditions d'une évolution vers un modèle de parlementarisme moniste, à l'allemande, mais qui est commun à presque tous les Etats d'Europe. Un bon exemple tient dans l’article 26 selon lequel le Conseil européen propose au Parlement un candidat à la présidence de la Commission (système de l'article 63 LF) « en tenant compte des élections au Parlement européen ». La formule se trouve dans la Constitution portugaise, qui est d’inspiration dualiste, mais qui vise à y éviter la formation de cabinet présidentiels. B. D’autre part, les fonctions du Conseil ne sont pas réductibles à celles chef d'Etat. Si la Commission est l'organe le plus spécifique et le plus original de l'Union, le Conseil est celui qui la situe le mieux à la fois dans la note préparlementaire et dans la note fédérative. Les deux institutions -que sont le Conseil européen et le Conseil des ministres- réalisent une sorte d'épigone du Bundesrat allemand du XIX° siècle. C'est le Bundesrat qui était le chef de l'État de fédéral, sous la Constitution de 1871, et non l'Empereur qui n’exerçait en principe qu'une présidence héréditaire. Mais il était aussi la chambre haute du Parlement fédéral, partageant le législatif avec le Reichstag. Pour caractériser cette nature complexe, von Mohl citait ce vers d'Ovide qui sert d'épigraphe à l’Esprit des lois : proIes sine matre creata. Le Conseil européen, en tant qu’épigone, ne pourrait plus revendiquer le titre. C’est un épigone involontaire, évidemment, un peu comme la Constitution de la V° République est un épigone de celle de Weimar et, au-delà, des parlementarismes dualistes prédémocratiques. La science des modèles constitutionnels est en effet celle des logiques institutionnelles, indépendantes pour l'essentiel des principes de légitimité, lesquels déterminent en revanche les conditions politiques de leur application. Les logiques en question sont, répétons-le, celles du préparlementarisme et, si l'on peut ainsi dire, du préfédéralisme. Je ne m'étendrai pas trop sur la note parlementaire. Elle est précisément liée au caractère hétérogène des légitimités. On pourrait dire, avec Carlos Pimentel, que l'Union européenne conjugue des légitimités irréductibles jusque dans son édifice institutionnel : une légitimité étatique, originaire, pour le Conseil et le Conseil européen; une légitimité « supranationale », à caractère purement institutionnel, pour la Commission; une légitimité populaire de type électif pour le Parlement européen (7). C'est la diversité des gouvernés qui conduit à cet éclatement. Dans sa fonction législative, le Conseil peut sans doute être regardé comme une chambre haute à l'exemple du Bundesrat allemand actuel. Cependant, le Conseil ne siège jamais sans que la Commission ne soit présente et pèse sur ses débats. Encadrés par la Commission, les ministres le sont aussi par la présidence puisque le pays qui préside a toujours deux délégués au Conseil, le premier représentant les intérêts nationaux, le second, ceux de l'Union, et est chargé de synthétiser les initiatives des Etats face à la Commis- sion. .Le Conseil n'existe dès lors que comme réunion des ministres, de la collectivité des Etats et de la Commission » (8). Il y a là un organe composite qui n'est pas réductible à une deuxième chambre, fût-ce de type Bundesrat, et qui n'est pas sans évoquer la notion préparlementaire du Parlement anglais, réunion des deux chambres et de l'exécutif. Or, s'agissant du Conseil, le projet de la Convention opère à nouveau une tentative de rapprochement entre ce modèle complexe qui le régit et un modèle parlementaire de type étatique. Le rôle du Conseil européen est, notamment, défini en termes négatifs : « il n'exerce pas de fonction législative » (article 20). Une distinction nette est ainsi opérée entre le Conseil européen et le Conseil des ministres qui « exerce conjointement avec le Parlement, les fonctions législatives et budgétaires (article 22), et c’est une distinction qui change le triangle en quadrilatère. Elle reste néanmoins illusoire dans la mesure où le Conseil des ministres, en tant que tel, n'a pas d'autonomie: c'est ainsi sur le plan fonctionnel, comme on vient de le rappeler; mais surtout parce qu’il existe un lien politique et hiérarchique entre le Conseil européen, chef de l’Etat et le Conseil des ministres, organe législatif et succédané de chambre haute.

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S’agissant maintenant de la note préfédérale, ou fédérative, qui détermine le statut du Conseil, elle induit à s’interroger en second lieu sur le traitement constitutionnel de la nature de l’Union. II. Cette question ne reçoit pas de réponse dans le texte du projet, tant il est clair que la Convention n'a pas voulu choisir entre l’intergouvernementalité et la solution fédérale. Mais le choix du parlementarisme, et la préférence donnée, au moins sur le papier, à la forme moniste de celui-ci, n'est pas innocent au regard de la détermination du modèle constitutionnel relatif à la nature de l’Union. Certes, pour nombre d'auteurs classiques, fédéralisme et régime parlementaire étaient incompatibles. Les Etats fondateurs du fédéralisme n'étaient pas parlementaires : ni les Etats-Unis, ni l'Allemagne impériale, où le Bundesrat permit justement d’enrayer une évolution parlementariste en cours dans les autres monarchies européennes. Aujourd’hui encore, écrit Klaus Von Beyme, « le fédéralisme est la dérogation la plus spectaculaire du principe démocratique de majorité » qui est le fondement structurel et mécanique du régime parlementaire. Et néanmoins, il s'impose de reconnaître que le modèle allemand contemporain, si souvent invoqué dans le débat sur les institutions de l’Europe, est parvenu à concilier parlementarisme et fédéralisme de façon satisfaisante. Tenter d'en cerner les raisons dépasserait notre propos, il suffit d'en faire le constat. Mais à travers cette référence se dessine le projet d'un alignement de l'Union sur le modèle d'un Etat fédéral à régime parlementaire, avec un quasi-gouvernement, un Parlement qui l'investit et un Conseil fédéral. L’extension de la codécision ferait du Parlement une vraie chambre populaire, alors que le Conseil deviendrait la chambre des Etats, et seulement cela. C'est le système qui a été proposé par le chancelier Schröder en avril 2001, soit la reproduction pure et simple du modèle constitutionnel de la RFA. Un président aux fonctions essentiellement représentatives viendrait coiffer le tout, à moins qu'on ne préfère l'élection directe du président de la Commission (suggérée par le Premier ministre belge en juin 2000). L'option parlementariste recouvre ainsi un choix politique implicite en faveur d'une évolution fédérale qui ne dit plus son nom, comme le constate Carlos Pimentel (9). Le schéma parlementaire aboutit à faire l'impasse sur l'exigence de l'équilibre entre les pouvoirs de l'Union et ceux des Etats. Il rend également inutile les ornementations institutionnelles telles qu'une chambre des Etats sur le modèle du Sénat américain, comme l'avait proposé le président Giscard d'Estaing. Une chambre haute du type Conseil, du type Bundesrat, permet infiniment mieux d'opérer le passage d'une logique confédérale à une autre, fédéraliste celle-là. Telle est la force d'attraction implicite du modèle allemand, de plus en plus manifeste chez les européens fédéralistes: la puissance de cohésion de la Kanzlerdemokratie, appuyée sur la majorité parlementaire, s'y conjugue avec un Bundesrat respecté qui exprime et défend les exigences légitimes des Länder. Du reste, le mécanisme de conciliation élaboré à Maastricht pour la procédure de co-décision était calqué sur le modèle allemand, mais de façon inversée: c'est le Conseil qui y occupe la place réservée en Allemagne au Bundestag. Dès lors, une extension de la co-décision ne place pas pour autant les deux chambres sur le même pied: l'égalité éventuelle dans le champ de compétences ne modifierait pas la prépondérance du Conseil en termes de procédure (10). Cette évolution du droit de la Constitution européenne vers le modèle de l'Etat fédéral répond sans doute bien à l'optique dominante des conventionnels. Elle paraît aussi correspondre aux évolutions qu'ont connu, depuis leurs origines confédérales, les Etats- Unis, la Suisse et l'Allemagne. Mais cette idée présuppose le modèle étatique comme un horizon à la fois inévitable, indépassable et, censément, éternel. Or les Etats n'ont pas toujours existé. Et aujourd'hui, nombre d'entre eux, notamment au sein de l'Union, font l'expérience d'une évolution fédéraliste à rebours de celle des fédérations classiques. Des phénomènes inédits s'y produisent, comme on constate en Espagne, en Belgique et peut-être demain en Italie. En Belgique, en particulier, certains croient déceler la prévalence le logique purement « confédérale », où les négociations et les accords, principalement en matière institutionnelle, interviendraient ~ les seules entités fédérées, et en l'absence de représentation des intérêts fédéraux en tant que tels (11) Qui peut dire que ce type de gouvernance,

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fondé au premier chef sur la conciliation d'intérêts locaux ou sectoriels et la préservation de politiques propres, n'est destiné à se répandre (devrait-on le déplorer) et à rester celui l’Europe, de l'Europe à vingt sept d'après l'élargissement ? Evoque une telle éventualité pourrait par trop sembler trempé d’amertume. Mais alors que les Constituants américains avaient élaborés un système original et sans précédent, il pourrait s'avérer au contraire que l’œuvre de la Convention n’est qu’un ravaudage fondé sur des modèles à la fois menacés de péremption et inadaptés à la construction européenne. Les modèles institutionnels sont sans doute, comme le dit Pierre Manent, en nombre limité (12). Mais ceci n’exclut pas qu'il en reste un à découvrir pour l'Union européenne (1) Req. N° 788/60, ANN. CEDH, vol. 4, p. 139 et suiv. (2) « les facteurs communs de l'organisation des pouvoirs publics des Etats membre des Communautés européennes », Revue universelle des Droits de l'homme, déc. 1995, vol. 7, p.428. (3) II° rapport sur la réforme de la Commission, p. 22. (4) Paul MAGNETTE, Contrôler l'Europe. Pouvoirs et responsabilité dans l’Union. Bruxelles, Editions de l'Université de Bruxelles, 2003, p. 42. (5) Op. cit., p. 38. (6) Op. cit., p. 50. (7) Carlos PIMENTEL, Le parlementarisme impossible, pour une approche comparative de la réforme des institutions communautaires, s.l.n.d. dactyl. p. 16. (8) Loc. cit. (9) Ibid., p. 6.. (10) Ibid., p. 9. (11) Voir sur ce point notre rapport introductif in les accords du Lambermont et du Lombard. Approfondissement du fédéralisme ou erreur d’aiguillage ? Centre de droit public de l'Université Libre de Bruxelles, Bruylant, 2003, p.9-15. (12) Pierre MANENT, Cours familier de philosophie politique, Paris, Fayard, 2001.

II – L’appartenance à l’Union européenne 1. Chronologie de l’élargissement De l’Europe des Six à l’Europe des Neuf : les pays du Nord

18 avril 1951 : Signature du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) par l'Allemagne fédérale, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.

25 mars 1957 Signature, à Rome, entre les six pays de la CECA, des traités instaurant la Communauté économique européenne (CEE, "Marché commun") et la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA ou Euratom).

14 janvier 1963 : Lors d'une conférence de presse, le général de Gaulle se prononce contre l'entrée du Royaume-Uni dans la CEE (il réaffirme ultérieurement cette position à plusieurs reprises).

1er-2 décembre 1969 : La conférence des chefs d'État et de gouvernement réunie à La Haye se prononce pour l'ouverture de négociations d'adhésion avec le Danemark, l'Irlande, la Norvège et le Royaume-Uni.

25 septembre 1972 : Lors d'un référendum, les électeurs norvégiens se prononcent contre l'acte d'adhésion, signé le 22 janvier 1972, de leur pays à la CEE (position réaffirmée en 1994, nouveau rejet de l'acte d'adhésion signé le 25 juin 1994 lors du référendum du 28 novembre).

1er janvier 1973 : Entrée du Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni dans la CEE. De l’Europe des Neuf à l’Europe des Douze : les pays du Sud

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1er janvier 1981 : Entrée de la Grèce dans la CEE.

1er janvier 1986 : Entrée de l'Espagne et du Portugal dans la CEE. De l’Europe des Douze à l’Europe des Quinze : les pays neutre

1er janvier 1995 : Entrée de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède dans l'UE. De l’Europe des Quinze à l’Europe des Vingt-cinq : les pays d’Europe centrale et orientale, les Etats insulaires méditerranéens.

Décembre 1989 : Création du programme "Pologne-Hongrie aide à la reconstruction économique", PHARE, qui sera étendu successivement à la plupart des États européens de l'ancien bloc soviétique (hors la CEI) : huit pays candidats à l'adhésion (sauf le Chypre et Malte).

4 juillet 1990 : Chypre dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

16 décembre 1991 : Signature d'accords de coopération entre l'Union européenne et la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Par la suite ils seront étendus à plusieurs anciens pays du bloc soviétique tandis que des demandes d'adhésion à l'Union européenne seront présentées par un certain nombre d'entre eux.

22-23 juin 1993 : Lors du Conseil européen de Copenhague, une décision de principe est prise concernant l'entrée dans l'UE de dix pays d'Europe centrale et orientale (PECO) : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie. Adoption d'une série de trois critères (existence d'institutions démocratiques, présence d'une économie de marché viable, capacité à reprendre "l'acquis communautaire") que devront remplir ces États pour entrer dans l'UE dont, par ailleurs, la "capacité à accueillir ces nouveaux membres" doit être prise en compte.

31 mars 1994 : La Hongrie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

5 avril 1994 La Pologne dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

27 juin 1995 : La Slovaquie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

13 octobre 1995 : La Lettonie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

24 novembre 1995 : L'Estonie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

8 décembre 1995 : La Lituanie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

Janvier 1996 : La République tchèque dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

Juin 1996 : La Slovénie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

12-13 décembre 1997 : Le Conseil européen de Luxembourg lance le processus d'adhésion de onze États (les 11 rassemblent les "5 + 1" ainsi que la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Roumanie) et décide l'ouverture en avril-mai 1998 de négociations d'adhésion avec les six États de la "première vague" (ou "groupe des 5 + 1"). La préparation des négociations avec la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie et la Slovaquie sera accélérée. Le conseil européen

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confirme "l'éligibilité de la Turquie à l'adhésion à l'Union européenne". Il rappelle qu'avant tout élargissement, une refonte des institutions est prévue par le traité d'Amsterdam.

1998 : Malte renouvelle officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne, déposée initialement en 1990, puis gelée en 1996.

10-11 décembre 1999 : Le Conseil européen d'Helsinki décide d'ouvrir à partir de février 2000 les négociations d'adhésion avec la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et Malte (désormais, les 5 + 1 et ces six États ne figurent plus dans deux "vagues" différentes). Par ailleurs, le Conseil européen désigne la Turquie comme pays candidat à part entière, ayant vocation à rejoindre l'UE sur la base des mêmes critères que ceux qui s'appliquent aux autres candidats, mais sans pour autant que des négociations soient entamées avec cet État. Détermination du principe de différenciation (chaque État progresse dans la négociation en fonction des progrès réalisés). En parallèle au Conseil européen, lancement d'une stratégie de "pré-adhésion renforcée" qui comprend la réactivation ou la mise en place de trois instruments financiers d'assistance communautaire : PHARE, Instrument for Structural Policies for Pre-Accession (ISPA) et Special Accession Program for Agriculture and Rural Development (SAPARD).

15 février 2000 :Début effectif des négociations d'adhésion entre l'UE et la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Roumanie et la Slovaquie.

16 novembre 2000 : La Suisse indique qu'elle décidera de l'ouverture de négociations d'adhésion avec l'UE entre 2003 et 2007 (le 4 mars 2001, les électeurs se prononcent par référendum contre une accélération de la procédure d'adhésion).

14 novembre 2001 : La Commission européenne propose que soient menées à bien, avant la fin 2002, les négociations d'adhésion avec dix des pays candidats (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie), qui pourraient ainsi, après les processus nationaux de ratification, entrer dans l'Union en 2004.

24-25 octobre 2002 : Le Conseil européen de Bruxelles permet de lever les principaux obstacles à l'élargissement. Les Quinze approuvent les propositions de la Commission d'ouvrir les portes à dix des douze pays candidats. Grâce au compromis franco-allemand sur la PAC, ils définissent une position commune sur le volet agricole. La réforme de la PAC ne sera pas mise en œuvre avant 2006, mais les dépenses seront plafonnées pour la période 2007-2013 au niveau atteint en 2006.

12-13 décembre 2002 : Lors du Conseil européen de Copenhague, l'Union européenne et dix pays candidats à l'adhésion scellent leur union par un accord sur les conditions économiques et financières de l'élargissement. Chypre, Malte, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et les trois Etats baltes, Estonie, Lituanie et Lettonie rejoindront l'Union le 1er mai 2004.

16 avril 2003 : Signature, à Athènes, du Traité d'adhésion à l'Union européenne par les quinze Etats membres et les dix candidats : Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie.

1 mai 2004 : L'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux Etats membres (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie) porte à vingt-cinq le nombre des pays et ajoute quelque 75 millions de citoyens, soit 454,9 millions au total. Et demain ? Une Union européenne à 30 ? 14 avril 1987 : La Turquie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

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22 juin 1995 : La Roumanie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

13 décembre 1995 : La Bulgarie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union

européenne.

21 février 2003 : La Croatie dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

22 mars 2004 : La Macédoine dépose officiellement sa demande d'adhésion à l'Union européenne.

20 avril 2004 : La Commission donne un avis favorable à la candidature de la Croatie et recommande l'ouverture de négociations d'adhésion avec Zagreb.

17-18 juin 2004 Le Conseil européen réuni à Bruxelles confirme officiellement le statut de candidat de la Croatie et recommande l'ouverture de négociations au début de 2005 après examen de l'acquis effectué par la Commission, même procédure qu'à l'époque des dix candidats devenus membres au 1er mai 2004.

6 octobre 2004 : Rapport de la Commission européenne recommandant l'ouverture conditionnelle des négociations d'adhésion avec la Turquie.

16-17 décembre 2004 : Le Conseil européen est marqué par la décision d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Turquie le 3 octobre 2005 tout en fixant à Ankara des conditions très strictes dont la plus immédiate concerne la reconnaissance de Chypre.

1er février 2005 : Entrée en vigueur de l'accord de stabilisation et d'association (ASA) Union européenne-Croatie. Il s'agit du premier accord global liant l'UE et la Croatie, similaire aux accords européens conclus avec les anciens pays candidats.

13 avril 2005 : Le Parlement européen approuve l'adhésion à l'Union européenne de la Bulgarie et de la Roumanie.

25 avril 2005 : La Bulgarie et la Roumanie signent le traité d'adhésion à l'Union européenne que les deux pays comptent rejoindre le 1er janvier 2007.

3 octobre 2005 : Ouverture officielle des négociations entre l’Union européenne le Croatie et la Turquie.

1er janvier 2007 : Adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie

8 septembre 2008 : L'Ukraine est reconnue pour la première fois comme un pays européen qui partage avec les pays de l'Union une histoire et des valeurs communes.

20 juillet 2009 : L'Islande a officiellement déposé auprès de l’Union européenne sa demande d’adhésion 2. R. MEHDI, L’adhésion de la Turquie en débat, Notes de cours. La Turquie est unie à la Communauté par un traité d’association depuis 1963 et a introduit une demande d’adhésion depuis 1989. Si elle s’est vue reconnaître par les 15 une vocation à adhérer, en 1999, ces derniers n’ont en revanche pas souhaité ouvrir les négociations d’adhésion avant décembre 2004 arguant que des progrès supplémentaires devaient être accomplis dans le respect des conditions politiques et économiques requises par l’Union.

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Au Conseil européen de Copenhague, en décembre 2002, les 15 ont invité la Turquie « à poursuivre énergiquement son processus de réforme » et prévu que le processus de négociation s’ouvrirait sans délai, en décembre 2004, si les critères requis pour l’adhésion étaient entièrement respectés. L’élargissement : la preuve de la réussite du message que portaient les pères fondateurs. Comme L. Jospin l'affirmait, en 1997, dans sa déclaration sur les orientations de la Présidence française de l'Union européenne "l’Europe est un modèle de civilisation [fondé] sur la rencontre de cultures" et fécondé par l'adhésion à un ensemble de valeurs communes. En ce sens, l'Union constitue pour les Etats d'Europe centrale, orientale et méridionale un pôle d'attraction au coeur duquel la démocratie et les libertés s’épanouissent comme nulle part ailleurs. Dans les Etats membres, les opinions manifestent une certaine tiédeur. Les difficultés que laisse entrevoir l'avenir inquiètent les Etats autant que les citoyens de l’Union

qui pour près de 40 % s’y déclarent ouvertement hostiles7. Ils craignent que l'élargissement agisse plus

comme un ralentisseur que comme un accélérateur d'une construction européenne ressentie comme

fondamentalement nécessaire mais, en même temps, comme trop souvent défaillante8. Il est vrai que

compte tenu de l'hétérogénéité des pays candidats, de la diversité de leurs aspirations ou de l'écart des niveaux de développement, l'élargissement a peu de chance d'induire un effet spontanément unifiant. Crainte de la dilution des acquis. L’élargissement invite, en particulier, à, réfléchir à la question des critères requis pour appartenir à l’Union et en conséquence celle des « frontières de l’Europe ». Où s’arrête l’Europe ? Notons que la question des frontières finales de l’Europe ne se pose pas uniquement à propos de la Turquie. 1- La géographie et la culture, des critères aléatoires Les traités eux-mêmes ne sont pas précis quant aux critères requis pour adhérer à l’Union. Ils précisent seulement que tout Etat européen peut demander à devenir membre de l’Union, à condition de respecter les règles de la démocratie pluraliste. Adhérer à l’Union requiert donc d’être un Etat au regard du droit international public (exit les collectivités infra-étatiques). L’État doit ensuite faire la preuve qu’il est européen. C’est alors que les choses se compliquent singulièrement car il est illusoire d’imaginer que la géographie, par son caractère objectif, constituerait l’instrument le plus fiable pour définir la qualité d’européen. Il n’est pas facile de saisir les ruptures et les césures qui alimentent classiquement la réflexion des géographes. La géographie est une construction humaine bien plus que le fruit d’une évidence physique. S'il existe indéniablement des régions "naturelles", il ne faut pas oublier que la « géographie ne

commande jamais de façon absolument impérative »9. Utilisée dans diverses disciplines, de l'anatomie à

la sociologie, cette notion désigne invariablement une étendue ou un espace déterminés comportant des caractéristiques spéciales de nature à en faciliter l'identification. Plus qu'un décret de la nature, la région est

une construction de l'esprit inscrivant dans l'espace une "certaine solidarité internationale"10

. Souvent manifeste, le décalage entre données physiques et réalités socio-politiques fait cependant de la

région un concept à éclipses. M. Flory11

rappelait, à ce titre, que si le géographe dessine à main levée les contours de l'aire méditerranéenne, l'historien 8 démontre aisément que la Méditerranée matrice

lumineuse12

des grandes philosophies et des religions du Livre n'a pourtant été qu'épisodiquement une région. Comme nous le relevions précédemment, la définition d'une frontière terrestre est une opération de nature substantiellement politique ne répondant à aucune règle de droit international. Le droit international ne préside aucunement à la répartition des espaces terrestres entre groupes humains. Il ne permet pas a fortiori de déterminer ce qu'est une bonne frontière. Il s'agit d'un processus conditionné, pour l'essentiel, par la conjonction de circonstances historiques. Qu’en est-il de la culture ? L’adhésion turque montre que la question de l’altérité culturelle fait partie intégrante du débat de l’élargissement de l’Union, au moment même où certains pensent que les conflits du Monde seront des conflits de civilisation.

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Les réticences que la perspective d’une adhésion turque a soulevées (cf. VGE) traduisent une représentation d’un pays qui a « une autre culture » et témoignent de l’idée selon laquelle la culture (perçue ici pour l’essentiel dans sa dimension religieuse) constituerait un élément déterminant de l’identité politique. Le culturalisme défendu dans l’Union par les opposants à l’entrée de la Turquie renvoie à son tour, en Turquie, à un discours de rejet d’un « club chrétien ». La culture et les vieilles « frontières de foi » font certes partie intégrante des représentations qu’ont les sociétés européennes de leur appartenance, elles ne sont cependant d’aucun secours pour la définition des frontières futures de l’Union. La culture et la religion évoluent et se redéfinissent, constamment, dans l’échange et dans l’histoire. Cette évolution invite d’ailleurs à reconsidérer la place de l’Islam dans l’identité européenne contemporaine. Sans songer à minimiser l'intimité des rapports qu'entretiennent historiquement chrétienté et

identité européenne13

, cette approche nous paraît néanmoins porteuse d'une charge fortement conflictuelle. Or, si l'on entend lui accorder une fonction centrale, la mémoire européenne doit être un

levier d'intégration et non un facteur de dissension contribuant à "produire des exclus"14

. Le renvoi au patrimoine chrétien ne peut, tout d'abord, être perçu que comme l'expression claire d'une

opposition de principe à l'adhésion de la Turquie à 9 l'Union15

. Un tel argument est évidemment de nature à accréditer l'idée dangereuse selon laquelle l'organisation européenne serait avant tout un "club chrétien". Par ailleurs, il faut veiller à ne pas porter atteinte à la (fragile) cohésion du corps social au sein même de l'Union. Tel est le risque que l'on prend à vouloir figer, sans considération des évolutions et des croyances, la référence à la seule tradition chrétienne, que n'a justement pas ou plus en commun l'ensemble des Peuples Européens. Exclusive et hiérarchisante, cette conception semble d'autant plus dangereuse qu'elle paraît postuler l'inaptitude des autres traditions confessionnelles à "s'approprier" les valeurs qui, tout en descendant plus ou moins directement du christianisme, ont accédé à une forme d'universalité. On pense ici singulièrement à l'Islam dont l'héritage devra à son tour être agrégé à cette mémoire européenne, à défaut de quoi il serait condamné à porter les stigmates d'un extra-muros

éternel16

. Ce serait commettre un péché d'ignorance que d'oublier qu'un Islam humaniste est possible. Il ne peut jamais s'agir de remettre fondamentalement en cause un cadre qui a partout permis de traduire durablement, sur le plan politique, le principe de reconnaissance indispensable à toute vie démocratique. En tout état de cause, il faut se prémunir contre les errements du communautarisme,

manifestation aiguë d'un autisme social et culturel17

. Il est, en revanche, important que les pouvoirs publics promeuvent un mode de relations entre l'Etat, d'une part, et les Eglises et/ou les communautés religieuses, d'autre part, plus équitable car plus enracinée dans les réalités de sociétés qui, notamment sous l'effet de l'intégration de populations allogènes, ont changé plus qu'on ne le croit. D'un point de vue plus étroitement culturel, l’intégration, à terme, de la Bulgarie (dont 10 % de la population est musulmane), puis des Balkans occidentaux (dont la Bosnie-Herzégovine est majoritairement musulmane), et enfin de la Turquie (combinant régime politique laïc et religion musulmane, avec ses 80 millions d’habitants actuels), conduira à accueillir un Islam « historiquement » européen. Cette évolution prévisible, combinée à la présence en Allemagne et en Autriche de populations qui ne sont pas originaires du Maghreb mais de Turquie, contribue à la diversification de la présence de l’Islam en Europe. En ce sens, le développement d’un Islam européen, loin du fantasme d’une islamisation rampante de l’Europe, devient un horizon raisonnable. L’adhésion à l’Union ne saurait être régie par des critères qui empruntent uniquement au registre de la géographie ou de la culture (particulièrement s’il n’est envisagée que sous l’angle de la religion). Elle renvoie nécessairement à un autre registre qui est l’acceptation d’un projet politique. 2- Des critères post-nationaux (selon l'expression de C. Lequesne) Tels que définis, en 1993 à Copenhague, ces critères sont volontairement larges. Ils sont d’abord économiques (une économie de marché viable, une capacité à faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché). Ils sont ensuite politiques : la stabilité des institutions, la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme, le respect des minorités et leur protection. Depuis 10 ans, ces critères ont

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constitué les « canons de l’évaluation » des adhésions au même titre que la reprise de l’acquis communautaire. Parce qu’ils sont négociables par définition, les critères de Copenhague ont été et restent parfois générateurs de frustrations dans les pays candidats. Ces critères ont toutefois joué, dans un certain nombre de cas, le rôle d’accélérateur des réformes démocratiques et économiques dans ces mêmes pays. Sur ce point, on peut évoquer la réforme constitutionnelle adoptée en Turquie, en octobre 2001, visant à renforcer les garanties dans le domaine des droits de l’homme et des libertés. Idem du retrait des amendements aux dispositions du code pénal relatives à l’adultère. L’élargissement se ramène donc pour l’essentiel à l’application des normes de la démocratie pluraliste et de l’économie de marché. D’une certaine manière, il est l’illustration d’un projet politique postnational transcendant les critères de la culture et de l’identité (entendus au sens le plus strict). Cette orientation explique pourquoi il est si difficile de répondre de manière claire à la question des frontières de l’Europe. Si l’entrée dans l’Union se rapporte, en effet, essentiellement au respect du droit, comment refuser l’entrée à l’Ukraine ou, a fortiori, à la Turquie qui auraient fait la preuve du respect des critères de Copenhague mais aussi aux pays du Caucase, du Maghreb ou d’ailleurs. Dès lors, la question des frontières finales de l’Europe ne pourra être tranchée que par une décision politique nécessairement arbitraire. C’est ce que l’Union ne parvient précisément pas à faire parce qu’elle n’a pas une conscience suffisamment claire de ce que sont ses intérêts propres. Comment évoluer vers une conception différenciée de l’adhésion qui permette à certains voisins, voire à certains candidats actuels, de ne 11 participer qu’à certaines politiques ? Si l’Union élargie évolue davantage vers des formes d’intégration différenciée, comme cela a été le cas pour l’Euro, c’est une architecture en cercles concentriques qui s’imposera à l’avenir.

* * Comment poser correctement la question de l'adhésion turque ? Il paraît d'ailleurs hasardeux de formuler en ces termes la question. Elle laisse à penser que nous apportons une réponse à une question que nous ne parviendrions pas à expliciter. L'exercice semble biaisé. Or, c'est ce que font, de manière brillante, certains des opposants à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Dressant une impressionnante liste de raisons qui devraient conduire tout esprit moyennement rationnel à considérer la perspective de l'entrée de la Turquie dans l'Union avec une légitime réticence. Le procès est instruit "à charge".

• Entamer le processus de négociation ne préjuge en rien de son issu favorable ou défavorable aux attentes turques. Je rejoins, sur ce point, sans réserve le chef de l'Etat. Seule une négociation dont il convient de prendre le soin d'annoncer qu'elle se déroulera de manière ouverte permettra, au bout du compte, non seulement d'apprécier les "progrès" réalisés par la Turquie mais également, ce qui est au moins aussi important, l'aptitude de l'Union à absorber sans dégâts majeurs ce "morceau" particulièrement consistant. En revanche, regimber aujourd'hui face à l'obstacle me paraît comporter un prix trop élevé. Susciter chez nos partenaires turcs le sentiment que l'on s'écarterait du cap établi depuis plusieurs années. Ce sentiment d'incompréhension serait d'autant plus vif que la Turquie serait tentée, qui pourrait lui en faire le reproche, de comparer les hésitations dont elle est l'objet à la hâte (un peu irresponsable) qui a caractérisé l'élargissement aux PECO. L'union doit s'attendre à ce que la lisibilité de sa politique de voisinage soit mise en doute à un moment où la clarté est, en ce domaine, plus que jamais nécessaire.

• C'est dans ce cadre que peuvent se développer les thèses en faveur ou en défaveur de l'adhésion turque. Les Etats membres, les forces politiques, leurs relais dans l'opinion, les citoyens, libres de faire entendre leurs voix

12 divergentes et déployer des arguments de nature à favoriser la réalisation de l'objectif qu'ils se sont fixés. Le défi pour les partisans de l'adhésion turque est de trouver un argumentaire lisible. La tâche est naturellement plus difficile que pour les opposants à cette adhésion. Ouvrir à l'Europe des horizons stratégiques nouveaux. Encore faut-il rappeler que la Turquie, pilier essentiel de l'OTAN compte au nombre des composantes de l'équation de la sécurité européenne. Il faut, du reste, souligner que cette perspective ne doit pas être déconnectée d'une réflexion sur les instruments de

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puissance qui font défaut à l'Union et dont elle est aurait besoin si ses frontières venaient à s'étendre aux confins de l'orient. Eviter le piège du culturalisme. Ne rien éluder, mais… Fonder le refus, à titre principal, sur des considérations culturelles paraît dangereux en plus du fait que cela trahirait une profonde ignorance des réalités passées et présentes. S'appuyer sur cet argument pour justifier à tout prix l'adhésion me paraît tout aussi inopportun, car il conduit à rejeter à l'arrière-plan des considérations liées à l'économie et à l'architecture institutionnelle qui conservent une évidente pertinence. On offre, en outre, la partie turque un moyen de pression et de chantage émotionnel en cas de crispation de la négociation : "vous nous refusez le droit de rejoindre la famille européenne pour des raisons religieuses". Ce qui serait, à n'en pas douter, un peu simpliste. J. Vergès invite à engager une courageuse réflexion sur la pièce dont les acteurs principaux prennent place sans que le scripte et le scénario aient été écrits. Le placement des interprètes, la trame narrative restent improbables. La qualité d'un thriller s'apprécie à l'aune de quelques éléments : la rigueur scénaristique, l'épaisseur des personnages, le suspense. Les choses s'engrènent, à cet égard, bien mal : inconsistance des personnages, ligne narrative incertaine mais … paradoxalement dénouement sans surprise. Ce sera non à la Turquie ! Cette situation n'est saine pour personne. Ni pour les partenaires qui pensent que l'affaire est faite et qui risquent de déchanter, ni pour l'Union qui prend un pari susceptible d'accroître le déficit de crédibilité et de légitimité dont elle est irrémédiablement affectée aux yeux des citoyens. C'est à eux que doit appartenir le dernier mot… Il y aurait quelque chose de surprenant à ne pas tenir compte de l’avis des citoyens à un moment où précisément le projet de traité entend souligner la nécessité de rompre avec une forme d’autisme. Consulter les européens suppose toutefois qu’on leur fournisse les outils intellectuels leur permettant de saisir toute l’importance du débat et de ne pas réagir sous la seule influence des forces politiques les plus hostiles à ce nouvel élargissement. 7 - selon le sondage annuel réalisé par l'institut Louis-Harris pour Le Monde, Le Monde, 16 janvier 2001, p. 2

8 - M. Brulé, "Europe : un petit accès de fatigue", Sociétal, nº 32, 2001, p. 34.

9 - M. VIRALLY, “ Les relations entre organisations régionales et organisations universelles ”, in Régionalisme et

universalisme dans le droit international contemporain, Pedone, 1976, p. 153. 10

- S. BELAÏD, “ Y a-t-il un système régional arabe ? “ in Le système régional arabe, sous la direction de M. FLORY & P.-S. AGATHE, Ed. du CNRS, 1989, p. 16. 11

- M. FLORY, "Conclusions", in Méditerranée espace de coopération ?, CERIC-Economica, 1994, p. 343. 12

- F. Braudel disait "Il n' y a pas au monde d'espace mieux éclairé, mieux inventorié que celui de la mer intérieure et des terres qu'elle illumine de son reflet", cité par A. Mahiou, "Présentation générale", in Méditerranée espace de coopération ?, op. cit., p. 167. 13

- L. Febvre, Leçon IX, "Europe et Chrétienté", L'Europe genèse d'une civilisation, Perrin, 1999, p. 131. 14

- W. Kalinowski, "Les institutions communautaires et "l'âme de l'Europe" la mémoire religieuse en jeu dans la construction de l'Europe", op. cit, p. 49. 15

- P. Chabal & A. de Raulin (dir.), Les chemins de la Turquie vers l'Europe, Artois Presses Université, 2002, 215 p. 16

- ibid. 17

- En Grande-Bretagne, les autorités ont ainsi laissé se développer une confessionnalisation de l'enseignement qui flirte avec le communautarisme dans la mesure où de nombreuses associations demandent le bénéfice pour les musulmans du Race Relations Act, qui ferait des musulmans un groupe néo-ethnique. Le système des faith schools se durcit au point qu'un rapport officiel – rédigé en 2001 – préconise l'introduction dans ces écoles d'un quota d'élèves d'autres confessions. Sur ce point, O. Roy, L'Islam mondialisé, Seuil, 2002, p. 119.

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Thème 2 : Les institutions politiques de l’Union européenne

Séance 3 : Les organes intergouvernementaux de l’Union

Le Conseil européen

Le Conseil de l’Union

Le Conseil européen et le Conseil incarnent ensemble la légitimité étatique, aussi leur

positionnement institutionnel nous éclaire sur la place des Etats membres dans le système européen.

D’évidence, la première place leur est réservée.

1. Acte constitutif du Conseil européen, Communiqué final de la Conférence au sommet de Paris

des 9 et 10 décembre 1974.

2. B. TAULÈGNE, Le Conseil européen, in Dictionnaire juridique des Communautés européennes,

A. BARAV et C. PHILIP, P.U.F., 1993.

3. Ordonnance de la Cour du 13 janvier 1995, O. Roujansky contre Conseil de l'Union européenne,

Aff. C-253/94, rec. 1995, p. 7.

4. Article 15 du traité sur l’Union européenne tel que modifié par le traité de Lisbonne.

5. Rapport d’information n°994 déposé par la Délégation pour l’Union européenne sur la Convention

pour l’avenir de l’Europe et présenté par P. LEQUILLER, à l’Assemblée nationale le 1er juillet 2003,

tome I. Unie dans la diversité ». Le projet constitutionnel de l'Europe réunifié, p. 24 et s.

6. J.-L. QUERMONNE, La question du gouvernement européen. Notre Europe, Etudes et

recherches, n°20, novembre 2002.

7. C. PHILIP, Conseil de l’Union européenne, in Dictionnaire juridique des Communautés

européennes, A. BARAV et C. PHILIP, P.U.F.

8. J.-P. JACQUÈ, Le Traité de Lisbonne, une vue cavalière, RTDE, 2008, p. 439 et s.

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1. Acte constitutif du Conseil européen, Communiqué final de la Conférence au sommet de Paris des 9 et 10 décembre 1974. Reconnaissant la nécessité d'une approche globale des problèmes internes que pose la construction européenne et de ceux avec lesquels l'Europe est confrontée à l'extérieur, les chefs de gouvernement estiment qu'il y a lieu d'assurer le développement et la cohésion d'ensemble des activités des Communautés et des travaux de la coopération politique. Les chefs de gouvernement ont, en conséquence, décidé de se réunir, accompagnés des ministres des Affaires étrangères, trois fois par an et chaque fois que nécessaire, en Conseil de la Communauté et au titre de la coopération poli- tique. Compte tenu des pratiques et procédures en vigueur, le secrétariat administratif sera assuré de manière appropriée. En vue d'assurer la cohérence des activités communautaires et la continuité du travail, les ministres des Affaires étrangères, en Conseil de la Communauté, sont chargés d'un rôle d'impulsion et de coordination. Ils peuvent se réunir à la même occasion au titre de la coopération politique. Ces dispositions n'affectent, en aucune manière, les règles et procédures arrêtées par les traités ni celles prévues par les rapports de Luxembourg et de Copenhague en ce qui concerne la coopération politique. La Commission exerce les compétences et joue un rôle qui lui est dévolu par ces textes dans les diverses réunions mentionnées aux paragraphes ci-dessus (l). (1) Points 2 et 3 du communiqué final, v. Huitième rapport général sur l'activité des Communautés européennes, 1974, p. 329 s. 2. B. TAULÈGNE, Le Conseil européen, in Dictionnaire juridique des Communautés européennes, A. BARAV et C. PHILIP, P.U.F., 1993. Institution non prévue par les traités institutifs mais reconnue par l'Acte unique, puis par le Traité de Maastricht et, enfin, confortée par le Traité d'Amsterdam, le Conseil européen réunit depuis 1975, au moins deux fois par an et dans l'Etat membre qui assure la présidence du Conseil de l'Union européenne, les Chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que le président de la Commission européenne pour traiter des questions relevant des trois piliers de l'Union européenne. 1. Une institution non prévue par les traités institutifs

La création du Conseil européen constitue l'aboutissement d'une longue évolution. Depuis plus de treize ans se dessinait, dans les esprits, le profil plus ou moins conscient d'une coopération d'un nouveau type entre Chefs d'Etat et de gouvernement. Cette initiative se situe, en effet, dans un contexte politique et historique qui favorise les novations institutionnelles. La fin de l'ère gaullienne et de la conception supranationaliste de l'Europe, le premier élargissement avec l'adhésion d'Etats opposés à tout abandon de leur souveraineté nationale, les projets plus ou moins précis de coopération politique européenne et de politique étrangère commune, l'arrivée au pouvoir, notamment en France et en République Fédérale Allemande, de nouveaux dirigeants conscients que tout véritable progrès de l'Union européenne présupposait un engagement politique plus profond dont ils pourraient assumer personnellement l'impulsion et le pouvoir de décision, ont contribué favorablement à l'émergence du Conseil européen. Ces circonstances opportunes s'accompagnent d'une crise institutionnelle communautaire due à l'incapacité des institutions existantes à décider, créant ainsi un véritable "vide politique" excessivement néfaste à l'action de la Communauté. Une telle inefficacité du processus décisionnel peut s'expliquer, d'une part, par l'indiscutable dégénérescence des institutions en place et, d'autre part, par l'absence d'un véritable organe de décision politique qui s'est réellement fait ressentir lorsque le processus d'intégration a touché des domaines qui mettaient en cause la souveraineté des Etats. Tant que l'Union douanière et la Politique agricole commune ont été portées par leur

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dynamique propre, l'absence d'un véritable centre de décision a été masquée par les incontestables progrès de l'unification économique. Les défauts du système sont devenus patents lorsque la Communauté s'est engagée dans des domaines où les Traités n'indiquaient plus de règles de compétences. Dans le silence des Traités, les Chefs d'Etat et de gouvernement ont pris conscience qu'aucun véritable progrès ne pouvait être accompli sans une impulsion politique nouvelle qui ne pouvait être attendue du Conseil des Ministres dont l'immobilisme provoquait un réel essoufflement institutionnel. L'institutionnalisation progressive de la pratique des conférences européennes au sommet de 1961 à 1974 a fortement contribué à profiler la formule définitive choisie par les Chefs d'Etat et de gouvernement lors du Sommet de Paris en décembre 1974. En effet, pendant treize ans, se sont succédées sept conférences européennes qui, tout en s'inscrivant dans la droite ligne des conférences diplomatiques multilatérales traditionnelles, ont progressivement impliqué les Chefs d'Etat et de gouvernement dans le processus décisionnel communautaire. Au Sommet de Paris les 9 et 10 décembre 1974, le Président Giscard d'Estaing, profitant de la Présidence française, relance le projet d'institutionnalisation des rencontres régulières des Chefs de gouvernement. La proposition française relative à la mise en place du Conseil européen est agréée le 10 décembre 1974 par tous les participants. L'acte de naissance du Conseil européen est relativement discret au regard de l'importance de l'événement. La décision instaurant le Conseil européen est purement politique. Sa portée juridique reste très limitée puisqu'elle n'établit aucun lien juridique avec les institutions communautaires préexistantes. En revanche, le lien originel, à savoir le respect des Traités institutifs, est expressément prescrit. Les Chefs d'Etat et de gouvernement ont ainsi voulu signifier leur volonté de conserver un statu quo juridique en se plaçant uniquement sur le terrain politique. L'acte constitutif du Conseil européen transcrit leur volonté de n'entraîner aucun bouleversement institutionnel majeur tout en intégrant le nouvel organe, instance de coordination et de décision, dans l'ordre institutionnel établi et au centre du processus décisionnel communautaire. Le terme "Conseil européen" ne figure pas dans le texte du Communiqué final, il s'est imposé au fil des sessions et a été introduit dans l'Acte unique européen puis a été confirmé par le Traité sur l'Union européenne et par le Traité d'Amsterdam. La portée de la création du Conseil européen va bien au-delà des limites exégétiques de son acte constitutif en devenant, au fil des années, une institution politique qui a progressivement consolidé son autorité et sa prééminence. 2. Une institution originale dans l'ordre institutionnel communautaire Le Conseil européen est plus qu'une appellation générique consacrant la pratique des conférences européennes au sommet. C'est une institution politique que les Chefs d'Etat et de gouvernement ont voulu intégrer dans l'ordre institutionnel communautaire. Sa nature originale et ses modalités de fonctionnement le rattachent au cadre institutionnel établi. Certes, le Conseil européen n'est pas une institution au sens des Traités et n'est pas soumis au contrôle juridictionnel de la Cour de Justice des Communautés européennes mais, réforme après réforme, bien que sa qualification juridique demeure toujours incertaine, sa prééminence au sommet du cadre institutionnel unique établi par le Traité sur l'Union européenne a été confortée. Le Conseil européen ne tire son origine ni d'un instrument conventionnel international, ni d'une révision formelle des Traités instituant les Communautés. Juridiquement original, il constitue un organe hybride qui agit, à certains égards, comme un organe intergouvernemental. Le point 3 du Communiqué final de la Conférence de Paris stipule explicitement que "Les Chefs de gouvernement ont (…) décidé de se réunir, accompagnés des ministres des Affaires étrangères, trois fois par an et chaque fois que nécessaire, en Conseil de la Communauté et au titre de la coopération politique". En mettant l'accent sur la dualité de ses fonctions, les Chefs d'Etat et de gouvernement ont voulu souligner l'indéniable dualité de sa nature juridique.

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Ainsi, le Conseil européen peut être qualifié, d'une part, d'organe communautaire susceptible, le cas échéant pour les affaires communautaires, de siéger comme Conseil des Communautés et, d'autre part, d'organe intergouvernemental de coopération politique. La déclaration solennelle sur l'Union européenne adoptée à Stuttgart en 1983 consacre cette dualité dans la mesure où elle précise que "Lorsque le Conseil européen agit dans les matières relevant des Communautés européennes, il le fait en tant que Conseil au sens des Traités". Cette acception a été entérinée par l'article 7 du Traité d'Amsterdam et la configuration du Conseil européen comme "Conseil réuni au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement" a été confirmée par le Traité sur l'Union européenne. Elle s'est concrétisée lors de la 2088ème session du "Conseil de l'Union européenne réuni au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement" à Bruxelles les 2 et 3 mai 1998 qui a décidé à l'unanimité de la participation à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, des onze Etats membres qui remplissaient les conditions nécessaires pour l'adoption de la monnaie unique au 1er janvier 1999. Face à une telle complexité, l'Acte unique, le Traité sur l'Union européenne puis le Traité d'Amsterdam n'ont apporté aucun élément d'éclaircissement. L'Acte unique consacre, certes, la situation juridique particulière du Conseil européen mais ses rédacteurs n'ont pas voulu l'intégrer dans le Titre 2 au même titre que les institutions communautaires. Le Traité sur l'Union européenne puis le Traité d'Amsterdam s'inscrivent dans la même logique. Le fait que les dispositions relatives au Conseil européen se situent dans les dispositions communes signifie que ce dernier, bien qu’instance prépondérante de l'Union européenne, n'en constitue nullement la sixième institution. Ce distinguo indique que les Chefs d'Etat et de gouvernement ont voulu conserver à cette instance l'informalité garantie par son acte constitutif. En maintenant, depuis vingt-cinq ans, le statu quo juridique et la complexité de sa nature originale, ils ont voulu préserver son efficacité politique ainsi qu'une certaine souplesse d'adaptation. Le Traité sur l'Union européenne lui a conféré plus d'importance dans le fonctionnement de l'Union sans toutefois en modifier l'esprit originel et ce, tant sur le plan de sa nature que de son fonctionnement. Il lui octroie une mission et des compétences, et complète les modalités de son exercice. En outre, il renforce son autorité décisionnelle dans deux domaines : l'Union économique et monétaire et la politique extérieure et de sécurité commune, laquelle a été étendue par le Traité d'Amsterdam. Après plus de vingt-cinq ans d'existence, la situation juridique du Conseil européen demeure toujours équivoque. Il s'agit incontestablement d'une institution "sui generis" qui s'écarte, de par sa nature même, des schémas institutionnels existants. Placé à l'articulation du "communautaire" et de l'"intergouvernemental", il a conservé son caractère d'organe hybride et sa nature juridique originale. La nature du Conseil européen se prête difficilement à l'existence de règles définitivement établies. Les Chefs de gouvernement ont depuis plus de vingt ans respecté assez scrupuleusement les usages qu'ils se sont progressivement imposés pour assurer au Conseil européen une réussite optimale. Ces règles coutumières se sont attachées au respect de certaines conditions de forme : brièveté, rapidité et souplesse. Le Conseil européen délibère sans formalisme institutionnel et fonctionne sur la base du consensus, bien que cette règle puisse être transgressée. C'est ainsi qu'au Conseil européen de Milan en 1984, les Chefs d'Etat et de gouvernement sur la base de l'article 236 du Traité de Rome ont voté à la majorité simple pour décider de convoquer la Conférence intergouvernementale chargée de réviser le Traité de Rome. L'organisation des sessions du Conseil européen répond néanmoins à deux exigences : la première consiste à sauvegarder le caractère informel et spontané des discussions et la seconde à l'insérer dans le fonctionnement communautaire. Dans sa conception initiale, la composition du Conseil européen devait être très restreinte et se limiter, de ce fait, aux seuls Chefs d'Etat et de gouvernement, la France se distinguant par la présence du seul Chef d'Etat, le Président de la République française aujourd'hui rejoint par le Président de la République de Finlande. En période de cohabitation, le Président de la République française est accompagné du Premier ministre. La limitation du nombre de participants est toujours apparue comme une garantie de son efficacité. Toutefois, pour respecter les coutumes

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constitutionnelles et les traditions politiques de tous les Etats membres, le droit de participer aux sessions a été étendu aux ministres des Affaires étrangères et, pour d'autres raisons, à la Commission européenne. Toutefois, le nombre de participants habilités à siéger dans la "salle principale" dont l'accès est contrôlé et qui est isolée du monde extérieur est limité à une quarantaine de participants. La participation des ministres des Affaires étrangères témoigne de la volonté d'assurer un lien politique permanent et de garantir une continuité entre le Conseil de l'Union européenne et le Conseil européen. De même, les nouvelles responsabilités du Conseil européen dans le domaine de l'Union économique et monétaire ont conduit les Chefs d'Etat et de gouvernement à se faire assister par leur ministre des Finances. La participation du président de la Commission européenne aux travaux du Conseil européen, laquelle n'était pas évidente à l'origine, revêt une réelle signification politique. Au-delà du fait qu'elle ait indéniablement conforté son autorité politique sur la scène européenne et internationale, elle témoigne de la volonté des Chefs d'Etat et de gouvernement d'intégrer le Conseil européen dans le processus décisionnel communautaire. Le président de la Commission est, par ailleurs, accompagné d'un commissaire dont le choix est lié au thème central de discussion. Les secrétaires généraux du Conseil et de la Commission européenne ainsi qu'un nombre limité de représentants de la Présidence et du Secrétariat du Conseil sont habilités à siéger dans la salle principale. Le Conseil européen se déroule à un rythme régulier. Le Communiqué de Paris lui a assigné une certaine périodicité, à savoir, "trois fois par an et chaque fois que nécessaire". La limitation des sessions à deux par an a été consacrée par l'Acte unique européen et a été confirmée par le Traité sur l'Union européenne. Ce nouveau calendrier permet à chaque Présidence d'exercer ses attributions une fois par an dans le cadre du Conseil européen. Toutefois, depuis 1986, plusieurs dérogations au principe des réunions bisannuelles ont été motivées par l'urgence et la gravité des questions politiques à traiter. Ces dernières années, cette tendance tend à se systématiser avec la tenue de quatre Conseils européens par an, deux par Présidence dont un conseil européen dit "informel" voire la convocation d'un Conseil européen "extraordinaire". En effet, le processus de réforme institutionnelle ininterrompu et la réalisation de l'UEM ont conduit les Chefs d'Etat et de gouvernement à se réunir plus souvent, ou dans le cadre de Conseils européens traditionnels avec ou sans la rédaction de conclusions ou dans le cadre d'un Conseil européen exceptionnel voire d'une réunion informelle des Chefs d'Etat et de gouvernement, ou enfin lors d'une session du Conseil de l'Union européenne réuni au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement. Les sessions se tiennent traditionnellement dans la capitale de l'Etat membre assumant la Présidence ou dans un siège institutionnel de la Communauté (Bruxelles, Strasbourg, Luxembourg). Dans le contexte du compromis global arrêté à Nice, la Déclaration 22 annexée au Traité de Nice relative au lieu de réunion des Conseils européens prévoit qu'à partir de 2002, "une réunion du Conseil européen par Présidence se tiendra à Bruxelles. Lorsque l'Union comptera dix-huit membres, toutes les réunions du Conseil européen auront lieu à Bruxelles". La session se déroule sur deux jours. Le déroulement des réunions n'est pas codifié, toutefois, il existe un certain rituel qui veut que depuis 1987, les réunions débutent par une intervention du président du Parlement européen. Celui-ci informe le Conseil européen de la position du Parlement européen sur les principales questions à l'ordre du jour et, à l'issue d'un bref débat, quitte la salle. La première journée de travail dénommée parfois "séance plénière" est consacrée à un échange de vues sur les questions d'actualité politique interrompu par un dîner au cours duquel les Chefs d'Etat et de gouvernement et le président de la Commission européenne poursuivent seuls leurs débats sur les questions les plus sensibles. Pendant ce temps, la Présidence et le Secrétariat général du Conseil élaborent "les conclusions" qui seront rendues publiques le lendemain. La seconde séance plénière est précédée de contacts bilatéraux suivis de la traditionnelle "photo de famille". Elle est consacrée à la mise au point des conclusions et peut, le cas échéant, se prolonger dans l'après-midi. A l'issue des travaux, plusieurs conférences de presse sont organisées par le président en exercice du Conseil et le président de la Commission européenne mais aussi par chacune des délégations nationales, plus de 2 000 journalistes couvrant, en effet, l'événement que constitue la tenue de ces Conseils.

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La dynamique du Conseil européen se traduit, par conséquent, par l'alternance de séances plénières et de rencontres informelles. Bilatérales ou multilatérales, celles-ci participent efficacement au rouage de la négociation en favorisant le dialogue et en contribuant d'une manière décisive à la réalisation de l'accord. Résultat d'un subtil dosage diplomatique et politique, le contenu de l'ordre du jour peut déjà augurer de la réussite d'une session. Il ne constitue nullement un carcan inflexible liant les Chefs d'Etat et de gouvernement, mais seulement une ossature. La nécessité de maintenir une certaine adéquation entre les dossiers communautaires et ceux relevant de la coopération politique est une exigence matérielle et politique. Une pondération entre les premiers qui suscitent souvent des situations conflictuelles entre les intérêts nationaux et les seconds plus consensuels par nature est primordiale. Une circulation très précoce de l'ordre du jour laisse généralement à la Présidence le temps de préparer les compromis nécessaires au succès de la négociation. Les travaux du Conseil européen sont préparés en grande partie au sein du Conseil et notamment à l'occasion d'un Conseil "Affaires générales" qui se réunit quelques jours auparavant afin de faire le point sur les dossiers susceptibles d'être discutés. En règle générale, la Présidence organise un "tour des capitales européennes" pour s'entretenir au préalable avec les Chefs d'Etat et de gouvernement quelques jours avant la tenue du Conseil européen. Le Chef d'Etat ou de gouvernement qui exerce la Présidence adresse alors une lettre à ses homologues et au président de la Commission européenne pour les inviter à participer à la réunion. Il n'existe toutefois pas d'ordres du jour "formels" tels que nous les connaissons pour les réunions du Conseil. Ces dernières années, plusieurs Conseils européens ont été convoqués pour des motifs précis par le Chef de l'Etat ou de gouvernement dont le pays assure la Présidence du Conseil de l'Union européenne. Récemment, cela fut le cas pour le Conseil européen de Berlin les 24 et 25 mars 1999 sur l'"Agenda 2000", les Conseils européens de Lisbonne en mai 2000 et de Stockholm en mars 2001 consacrés aux questions économiques et sociales ou le Conseil européen extraordinaire de Bruxelles le 21 septembre 2001 consacré à la situation internationale suite aux attentats du 11 septembre 2001. Le Conseil européen, à l'instar du Conseil de l'Union européenne, est présidé par rotation semestrielle. Ce calendrier résulte de la volonté des Chefs d'Etat et de gouvernement de le situer dans le cadre institutionnel existant en permettant une opportune conjonction entre la Présidence du Conseil de l'Union européenne et celle du Conseil européen. La Présidence est responsable de la bonne organisation des travaux, du bon déroulement des séances et de l'élaboration des conclusions avec le soutien du Secrétariat général du Conseil. Quant au fond, elle est considérée comme responsable de la bonne orientation des négociations et de l'aboutissement des dossiers par l'adoption de solutions équilibrées et équitables dans un délai raisonnable. Elle est, en outre, chargée d'assumer la responsabilité du compromis, ce qui nécessite des contacts préalables avec les délégations nationales ainsi qu'avec la Commission européenne et requiert un sens certain de l'arbitrage. Le Conseil européen joue un rôle prépondérant dans l'exercice d'une Présidence. En raison du support médiatique dont il bénéficie, le succès ou l'échec d'une session peut rejaillir sur l'ensemble de la Présidence et sur la prestation globale de l'Etat membre qui l'assure. Bien que le Conseil européen ne doive pas cristalliser l'échec ou le couronnement d'une Présidence, il constitue souvent la dernière étape d'une négociation de six mois et l'événement politique sur lequel elle a concentré tous ses efforts. Les modalités de fonctionnement du Conseil européen sont encore perfectibles, notamment, dans le cadre de la préparation et de la mise en oeuvre de ses décisions. Toute réforme devra, cependant, respecter sa nature initiale, en préservant la souplesse de ses procédures, garante de son efficacité. Les Chefs d'Etat et de gouvernement ont à nouveau rappelé cette exigence lors du Conseil européen d'Helsinki (décembre 1999) en adoptant les lignes directrices pour une réforme du Conseil qui stipulent que "Le Conseil européen doit rester une enceinte où s'exerce le leadership politique qui donne à l'Union les impulsions nécessaires à son développement et définit des orientations politiques générales. Il convient de maintenir la souplesse dans la préparation actuelle et le format restreint des réunions et de préserver l'impact pratique des conclusions de la Présidence". Les recommandations opérationnelles visent, par ailleurs, à faire assumer par le Conseil "Affaires

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générales" d'une part, une fonction de "coordination globale et politique" ainsi que la responsabilité de la coordination générale des travaux préparatoires en vue du Conseil européen et, d'autre part, d'axer les conclusions de la Présidence qui doivent être plus succinctes sur les décisions politiques prises par le Conseil. Institution controversée, considérée par d'aucuns comme transitoire lors de sa création, le Conseil européen s'est affirmé, au fil du temps, comme une institution de facto permanente. 3. Une institution essentielle du processus décisionnel communautaire Le Conseil européen est une instance politique à vocation multiple dont l'originalité réside dans son dédoublement fonctionnel puisqu'il lui a été conféré certaines compétences pour traiter des affaires communautaires et d'autres pour les questions relevant de la coopération politique. Dans le cadre de l'architecture institutionnelle actuelle, il couvre le champ d'intervention des trois piliers de l'Union européenne. Le Traité sur l'Union européenne lui a conféré une fonction politique tout à fait prépondérante puisqu'il lui appartient "de donner à l'Union les impulsions nécessaires à son développement et de définir les orientations politiques générales" En réalité, le Conseil européen exerce deux types de fonction : une fonction générale d'impulsion et d'orientation et une fonction décisionnelle spécifique. Pour les affaires communautaires, à la fonction d'impulsion et de relance s'est vite adjointe une mission d'arbitrage consistant à régler les problèmes restés en suspens à l'issue de délibérations non abouties à un niveau inférieur. En outre, la fonction normative du Conseil européen a été reconnue dans la Déclaration de Stuttgart en 1983 mais dans la pratique, ce dernier n'arrête pas de normes juridiques sauf dans le cadre précis de l'application de l'article 109J du TUE. En réalité, le Conseil européen adopte des conclusions de nature variable sur le mode du consensus. Pour le premier et le troisième piliers, il s'agit d'instructions ou d'orientations données aux institutions communautaires qui peuvent se révéler soit très vagues soit au contraire très précises. Pour le deuxième pilier, il s'agit plus traditionnellement de résolutions ou de déclarations. Bien que les conclusions de la Présidence n'aient pas de portée juridique, l'usage veut qu'elles ne soient pas contestées. Les décisions du Conseil européen sont sans appel et leur traduction juridique incombe au Conseil de l'Union. Depuis sa création, le Conseil européen a couvert tous les dossiers déterminants. Il a notamment fixé les grandes orientations pour la mise en oeuvre de l'Union économique et monétaire et l'achèvement du Marché intérieur. La création du Système monétaire européen constitue l'une de ses grandes réalisations. Mais très vite, il est devenu une instance d'arbitrage entre les intérêts nationaux. En effet, la recrudescence de différends plus politiques que techniques qui ne pouvaient être solutionnés par le Conseil des Ministres l'a conduit à régler les problèmes en suspens. De ce fait, sa fonction décisionnelle et d'arbitrage est devenue prépondérante. Au fil des circonstances, les Chefs d'Etat et de gouvernement se sont progressivement impliqués dans la gestion communautaire et sont aujourd'hui les seuls à être en mesure d'arbitrer entre les intérêts nationaux. Le Conseil européen a notamment solutionné quatre négociations globales : le contentieux agro-budgétaire entre 1975 et 1984 avec notamment la contestation par le Royaume-Uni de sa contribution au budget communautaire, la négociation sur le Plan Delors "Réussir l'Acte unique européen" entre 1987 et 1988, le Paquet Delors 2 sur le financement de la Communauté pour la période de 1993 à 1999 et, enfin, l'"Agenda 2000" pour la période 2000-2006. Progressivement et inéluctablement, le Conseil européen a assis son domaine d'attribution dans les affaires communautaires et est devenu une institution indispensable du processus décisionnel. Depuis l'entrée en vigueur du Traité sur l'Union européenne, son pouvoir décisionnel et d'impulsion s'est considérablement accru. Son autorité s'est particulièrement manifestée dans le cadre de l'Union économique et monétaire en présidant à l'exécution du programme d'introduction de la monnaie unique, en arrêtant sa dénomination et son statut juridique puis en finalisant l'accord sur le Pacte de stabilité monétaire et de croissance puis enfin en décidant le passage à la troisième phase de l'UEM. En outre, l'implication du Conseil européen dans le processus de réforme économique et de promotion de l'emploi s'est particulièrement révélée au cours de ces dernières années. A Madrid en

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décembre 1995, il a défini les grandes orientations politiques et économiques, en faisant de la lutte contre le chômage la tâche prioritaire de l'Union européenne. Le Conseil européen extraordinaire sur l'Emploi de Luxembourg en novembre 1997 a lancé une stratégie coordonnée pour les politiques nationales qui s'inspire de la méthode suivie pour la convergence économique. Puis, à Cardiff en juin 1998, il a énoncé les éléments essentiels de la stratégie de l'Union européenne pour poursuivre les réformes économiques. C'est ainsi que, très logiquement, le Traité d'Amsterdam a consolidé le pouvoir d'intervention du Conseil européen en matière de promotion de l'emploi qui s'est illustré lors des Conseils européens de Lisbonne (mars 200), de Nice (décembre 2000) et de Stockholm (mars 2001). Dans le cadre de la coopération politique, le Conseil européen a débattu une vaste série de questions relevant de la politique étrangère en vue d'harmoniser les positions des Etats membres et d'opter pour une attitude commune, et est devenu le porte-parole de la Communauté. D'une façon significative, le Conseil européen a, au fil des années, contribué à renforcer et à perfectionner les procédures de coopération. Il a imposé l'obligation de concertation entre les Etats membres, a suscité l'extension du domaine de la coopération politique qui s'est graduellement élargi aux questions de sécurité et de défense et a adopté les dispositions constitutives concernant l'institution, la définition et la mise en oeuvre de la PESC. En effet, lors du Conseil européen de Lisbonne en juin 1992, avant même l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht, les Chefs d'Etat et de gouvernement ont fixé le cadre de la future PESC et ont identifié les domaines relevant de la politique extérieure et de la sécurité commune. Cependant, force est de constater que les travaux du Conseil européen ont témoigné des limites actuelles de la PESC en dépit de la fonction essentielle qui lui a été reconnue dans les mécanismes de décision par le Traité de Maastricht puisqu'il lui incombe de définir les principes et les orientations générales ainsi que les stratégies communes qui seront mis en oeuvre par l'Union dans des domaines où les Etats membres ont des intérêts communs. Le Conseil européen de Cologne (juin 1999) a, par exemple, arrête une stratégie commune portant sur les relations entre la Communauté européenne et la Russie. Le Traité d'Amsterdam lui a, en outre, conféré une fonction d'appel dans les mécanismes de coopération renforcée pour la PESC en organisant "l'abstention constructive". La dernière étape de ce processus évolutif date du Conseil européen de Nice avec la mise en place d'une Europe de la défense opérationnelle. En réalité, la PESC ne constitue pas pour les Chefs d'Etat et de gouvernement la part prépondérante de leur activité au sein du Conseil européen bien qu'il s'agisse d'un domaine de prédilection des Chefs d'Etat et de gouvernement et qu'il leur revient parfois de prendre des décisions majeures. Il revient notamment au Conseil européen deux décisions soumises à la ratification des Etats membres : l'orientation vers une défense commune et l'intégration de l'Union de l'Europe occidentale au sein de l'Union européenne. Les conclusions de la Présidence dans ce domaine entérinent en réalité, sauf à de rares exceptions, les résultats du Conseil "Affaires Générales". Enfin, Le Conseil européen a officialisé la part importante du troisième pilier dans le processus d'intégration européenne avec l'engagement des Quinze en faveur d'un très significatif renforcement de la sécurité intérieure et ce, notamment lors des deux Conseils européens de Dublin en 1996 et de Tampere en octobre 1999 qui a consacré la création d'un Espace de liberté, de sécurité et de justice. Ces questions très sensibles pour les opinions publiques et leurs responsables gouvernementaux ont vocation à occuper une part de plus en plus importante dans les travaux du Conseil européen. Le Conseil européen extraordinaire de Bruxelles du 21 septembre 2001 a marqué une nouvelle étape en faisant de la lutte contre le terrorisme un objectif prioritaire de l'Union européenne. Le plan d'action de lutte contre le terrorisme et les "instructions" explicites au Conseil "Justice et Affaires intérieures" notamment vis-à-vis de la mise en place d'un "mandat d'arrêt européen" démontrent l'importance que revêt le 3e pilier pour le Conseil européen et ce, bien que le traité ne lui accorde pas en matière de coopération policière et judiciaire la même reconnaissance que dans le secteur de la PESC. Un rôle spécifique lui est toutefois octroyé dans le cadre des "coopérations renforcées" que peuvent instaurer, sous certaines conditions, plusieurs Etats membres dans des domaines spécifiques. Il revient dans ce cas au Conseil (au niveau ministériel) d'autoriser ces coopérations plus étroites à la majorité qualifiée. Si un membre a l'intention de s'y opposer pour des raisons de politique nationale importantes, le Conseil peut en appeler au Conseil européen. Selon un

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mécanisme semblable à celui existant pour la PESC, le Conseil européen tranche alors la question à l'unanimité. L'action du Conseil européen a marqué toutes les étapes de l'intégration européenne. A Corfou, en juin 1994, ont été signés les traités d'adhésion de la Suède, de la Finlande et de l'Autriche. A Essen, en décembre 1994, le Conseil européen a adopté la stratégie de préadhésion puis, par la suite, a régulièrement confirmé les étapes des prochains élargissements. A Luxembourg, en décembre 1997, sur la base des avis de la Commission européenne et du rapport de la Présidence du Conseil, le Conseil européen a décidé de lancer le processus d'adhésion pour dix Etats candidats d'Europe centrale et orientale ainsi que pour Chypre et a arrêté la mise en place de la Conférence européenne. Enfin, lors du Conseil européen de Nice en décembre 2000, les Chefs d'Etat et de gouvernement se sont déterminés sur le protocole sur l'élargissement de l'Union européenne. De plus, incontestablement, le Conseil européen demeure la seule instance compétente susceptible d'arrêter des décisions majeures telles que la nomination du président de la Commission européenne ou celle du président de la Banque centrale européenne, la modification de l'ordre de succession des présidences de l'Union ou la détermination des sièges des institutions et organes de l'Union européenne. Toutefois, le bilan du Conseil européen doit être nuancé. Il n'a pas été, en effet, en mesure d'exercer pleinement toutes ses fonctions. Trop souvent sollicité comme "instance d'appel", il a été contraint à intervenir dans des négociations délicates, notamment budgétaires, et à arbitrer entre les intérêts nationaux, ce qui a contrarié son rôle dynamique originel. En matière de coopération politique, son activité s'est limitée à une fonction déclaratoire. C'est pourquoi, son action et son apport dans le processus décisionnel ont été controversés. On reproche au Conseil européen, destiné à débloquer le processus décisionnel d'avoir, au contraire, du seul fait de son existence périodique, contribué à accroître les blocages institutionnels. La portée de ses actes a aussi été fortement critiquée. Elle dépend, en effet, non seulement du degré de précision des orientations, de la valeur du consensus mais aussi du suivi et de l'application des décisions. Un décalage parfois important entre les résultats du Conseil européen et leur mise en oeuvre a été constaté. L'exemple de la problématique des réseaux transeuropéens et de leur financement est, à cet égard, patent. Le compromis du Conseil européen de Nice est, en outre, le plus significatif puisqu'il résulte d'une négociation qui a duré deux jours et demi et une nuit, les Chefs d'Etat et de gouvernement se satisfaisant d'un accord verbal et remettant à plus tard la signature d'un texte. La généralité et l'imprécision de certaines conclusions ont parfois rendu difficile leur traitement par les autres institutions. Cependant, jamais son autorité politique n'a été remise en cause; son poids dans le fonctionnement de la Communauté n'a cessé de s'accroître. L'impact du Conseil européen sur le processus décisionnel communautaire et notamment vis-à-vis du Conseil de l'Union, a été critiqué. En effet, la régularité de ses sessions a modifié la position de ce dernier en ouvrant la possibilité d'un recours. Ce constat est encore plus patent à l'heure actuelle pour le premier pilier. La multiplication des réunions suscitées par l'accélération du processus d'intégration et notamment de réunions informelles est parfois considérée comme induisant un double risque pour le Conseil européen, à savoir, un risque de banalisation et un risque de marginalisation par rapport au fonctionnement communautaire. Les Chefs d'Etat et de gouvernement souhaiteraient en réalité limiter leurs interventions aux enjeux majeurs. Tant que le Conseil des Ministres a été en mesure de jouer un rôle de coordination dans la préparation des dossiers, il a pu préserver l'exercice de ses compétences. Les dysfonctionnements actuels du Conseil de l'Union et notamment du Conseil "Affaires Générales" obligent les Chefs d'Etat et de gouvernement à intervenir pour régler des questions qui auraient dû être résolues au niveau du Conseil si ce dernier avait assuré réellement son rôle de coordination. Aujourd'hui, deux conditions sont requises pour éviter toute confusion dans l'exercice décisionnel du Conseil européen vis-à-vis du Conseil de l'Union. Il conviendrait, d'une part, que le Conseil européen se concentre sur sa mission essentielle qui consiste à établir les orientations stratégiques pour l'Union, et d'autre part, qu'une réforme en profondeur du rôle, des structures et du fonctionnement du Conseil de l'Union et notamment du Conseil "Affaires générales" clarifie le partage des responsabilités décisionnelles.

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Néanmoins, le Traité sur l'Union européenne, puis le Traité d'Amsterdam établissent clairement une répartition des tâches dans les mécanismes de prise de décision pour les deux autres piliers. Pour la PESC, l'adoption d'orientations générales par le Conseil européen constitue un préalable à l'adoption par le Conseil de l'Union d'une action commune. A cet égard, le processus d'adhésion et de négociation avec les nouveaux pays candidats est significatif. Certes, le Conseil européen de Luxembourg en décembre 1997 a décidé d'engager le processus d'adhésion mais celui-ci a été effectivement lancé le 30 mars 1998 par une réunion des ministres des Affaires étrangères des Quinze et des dix pays candidats à travers l'établissement d'un dispositif d'encadrement unique. Quant à la Commission européenne, son rôle politique a été renforcé par l'autorité reconnue de son président qui est ressorti grandi de sa participation aux sessions du Conseil européen. Les Chefs d'Etat et de gouvernement sollicitent, par ailleurs, tout particulièrement son rôle d'initiative puisqu'ils s'appuient sur les travaux préparatoires de la Commission européenne dont le nombre de Communications élaborées à l'intention du Conseil européen croît régulièrement. En revanche, le pouvoir de contrôle du Parlement européen sur la Commission européenne, la portée de son dialogue avec le Conseil de l'Union européenne et l'exercice de son pouvoir co-décisionnel pour les questions budgétaires ont été diminués par l'existence du Conseil européen. Dès l'origine, les relations institutionnelles entre le Conseil européen et le Parlement européen ont été assez ténues. Toutefois, depuis 1981, le président en exercice du Conseil européen vient rendre compte des travaux de ce dernier devant l'Assemblée parlementaire. De même, depuis 1990, une rencontre entre le président du Parlement européen et le Conseil européen est prévue en liminaire aux travaux. A cette occasion, le président du Parlement européen prononce un discours ponctué par quelques échanges avec les Chefs d'Etat et de gouvernement mais ce dernier ne participe pas aux travaux. Enfin, le Traité sur l'Union européenne, dans son Article D, a institutionnalisé une forme de contrôle a posteriori du Parlement européen sur les travaux du Conseil européen en prévoyant que "Le Conseil européen présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune de ses réunions ainsi qu'un rapport écrit annuel concernant les progrès réalisés par l'Union".Toutefois, il n'existe pas, en réalité, de réel mécanisme de contrôle parlementaire sur le Conseil européen, ce qui explique les critiques de plus en plus vives du Parlement européen vis-à-vis de la montée en puissance du Conseil européen depuis ces dernières années. Au fil des années, la prééminence du Conseil européen sur l'architecture institutionnelle communautaire s'est accentuée et en dépit des limites inhérentes à tout mécanisme de coopération intergouvernementale, force est de constater que le Conseil européen, instance suprême de l'Union, a été à l'origine de tous les progrès de la construction européenne en étant notamment le moteur du processus de réforme institutionnelle. Du rapport Tindemans en 1975 au Conseil européen de Nice en décembre 2000 qui a conclu les travaux de la Conférence intergouvernementale 2000 en parvenant à un consensus sur un projet de Traité et a proclamé la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le Conseil européen n'a cessé d'orienter la réflexion sur le système institutionnel et a décidé des réformes à entreprendre. De même, l'introduction du Principe de subsidiarité dans le Traité sur l'Union européenne et ses incidences sur l'action des institutions communautaires a conduit le Conseil européen à dégager la portée réelle de ce principe et à définir les conséquences de son application par les institutions communautaires. Depuis la création du Conseil européen, les Chefs d'Etat et de gouvernement assument une responsabilité directe dans la construction européenne. Le Conseil européen peut, certes, symboliser l'instrument privilégié de la coopération intergouvernementale, mais la réalité du pouvoir appartient à ceux qui peuvent l'exercer. La globalisation de l'économie, l'européanisation des problèmes de société et le développement de la coopération diplomatique et militaire rendent, en effet, inévitable le renforcement de la négociation interétatique. L'équilibre institutionnel futur dépendra en réalité des solutions apportées pour résoudre le délicat problème du déficit démocratique de la Communauté où plusieurs légitimités s'opposent, celles du Parlement européen et des parlements nationaux mais aussi celles du Conseil de l'Union européenne et du Conseil européen composés des plus hauts responsables politiques démocratiquement élus. Il

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découlera tout autant des formules d'intégration différenciée qui seront adoptées pour permettre à l'Union européenne d'appréhender son avenir avec réalisme. Dans cette perspective, la prééminence du Conseil européen sera de facto confirmée car il lui appartiendra d'exprimer la volonté politique commune qui seule pourra faire progresser la construction européenne. 3. Ordonnance de la Cour du 13 janvier 1995, O. Roujansky contre Conseil de l'Union européenne, Aff. C-253/94, rec. 1995, p. 7. 1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 15 septembre 1994, M. Roujansky a, en vertu de l’article 49 du statut CEE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l’ordonnance du Tribunal de première instance du 14 juillet 1994, Roujansky/Conseil (T-584/93, Rec. p. II-585), par laquelle le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours introduit par le requérant en vertu de l’article 173 du traité CE. 2 Il ressort de l’ordonnance du Tribunal que le recours visait à: -faire déclarer l'"inexistence absolue" ou, du moins, à annuler la déclaration du Conseil européen du 29 octobre 1993, laquelle aurait eu pour effet de porter à la connaissance des ressortissants de la Communauté économique européenne que le traité sur l' Union européenne entrerait en vigueur le 1er novembre 1993; -faire déclarer la nullité du traité sur l’Union européenne selon sa formulation du 7 février 1992 et du traité sur l’Union européenne, tel qu’il a été modifié par les déclarations du Danemark. 3 La requête a été signifiée au Conseil de l’Union européenne par le greffe du Tribunal. A la suite de cette signification, le Conseil de l’Union européenne a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Ce dernier s’est prononcé sans ouvrir la procédure orale. 4 S’agissant, en premier lieu, de la demande visant à la constatation de l’inexistence ou à l’annulation de la déclaration du Conseil européen, le Tribunal a relevé, tout d' abord, que les actes du Conseil européen ne sont pas inclus par l’article 173, premier alinéa, du traité parmi ceux dont la légalité est susceptible d’être contrôlée par le juge communautaire. Le Tribunal a ensuite rappelé que l'article 31 de l'Acte unique européen, en vigueur à la date de l’adoption de la déclaration attaquée, exclut expressément l’application, au Conseil européen, des dispositions du traité CEE relatives à la compétence de la juridiction communautaire et que cette exclusion a été maintenue par l’article L du traité sur l’Union européenne. 5 Sur la base de ces considérations, le Tribunal a conclu qu'il n'était pas compétent pour connaître de la légalité de la déclaration du Conseil européen. 6 S'agissant, en second lieu, de la demande visant à faire déclarer la nullité du traité sur l’Union européenne, le Tribunal a relevé que ce traité ne constituait pas un acte d’une institution de la Communauté, au sens des articles 4 et 173 du traité, et que, par conséquent, il n’était pas compétent pour connaître de la légalité de ses dispositions. 7 Le Tribunal a condamné le requérant à l'ensemble des dépens, y compris ceux du Conseil de l'Union européenne. 8 Dans son pourvoi, le requérant fait valoir, en substance, que l'ordonnance attaquée est entachée d' erreurs de droit quant à la déclaration d' irrecevabilité et à la condamnation du requérant à l' ensemble des dépens, y compris ceux du Conseil de l' Union européenne. 9 En ce qui concerne la déclaration d'irrecevabilité, le requérant prétend que le Tribunal aurait méconnu l’arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, Rec. p. 1339), les articles 31 et 2 de l’Acte unique européen, l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 111, 115 et 116 du règlement de procédure du Tribunal. 10 Aux termes de l'article 119 du règlement de procédure de la Cour, "Lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, rejeter le pourvoi totalement ou partiellement, par voie d'ordonnance motivée."

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11 Comme le Tribunal l'a jugé, ni la déclaration du Conseil européen ni le traité sur l’Union européenne ne sont des actes dont la légalité est susceptible d’être contrôlée en vertu de l’article 173 du traité, en sorte que le pourvoi introduit par le requérant contre la déclaration d’irrecevabilité est manifestement non fondé. 4. Article 15 du traité sur l’Union européenne tel que modifié par le traité de Lisbonne 1. Le Conseil européen donne à l'Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités politiques générales. Il n'exerce pas de fonction législative. 2. Le Conseil européen est composé des chefs d'État ou de gouvernement des États membres, ainsi que de son président et du président de la Commission. Le ministre des Affaires étrangères de l'Union participe à ses travaux. 3. Le Conseil européen se réunit chaque trimestre sur convocation de son président. Lorsque l'ordre du jour l'exige, les membres du Conseil européen peuvent décider d'être assistés chacun par un ministre et, en ce qui concerne le président de la Commission, par un membre de la Commission. Lorsque la situation l'exige, le président convoque une réunion extraordinaire du Conseil européen. 4. Le Conseil européen se prononce par consensus, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement. 5. Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. En cas d'empêchement ou de faute grave, le Conseil européen peut mettre fin à son mandat selon la même procédure. 6. Le président du Conseil européen : a) préside et anime les travaux du Conseil européen ; b) assure la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen en coopération avec le président de la Commission, et sur la base des travaux du Conseil des affaires générales ; c) oeuvre pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen ; d) présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil européen. Le président du Conseil européen assure, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l'Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des attributions du ministre des Affaires étrangères de l'Union. Le président du Conseil européen ne peut pas exercer de mandat national. 5. Rapport d’information n°994 déposé par la Délégation pour l’Union européenne sur la Convention pour l’avenir de l’Europe et présenté par P. LEQUILLER, à l’Assemblée nationale le 1er juillet 2003, tome I. Unie dans la diversité ». Le projet constitutionnel de l'Europe réunifié, p. 44. 2) Le Conseil européen La Constitution consacre le Conseil européen comme une institution à part entière de l'Union. Il joue ainsi le rôle d'une sorte de souverain collectif. L'article 20 précise ses fonctions : donner les impulsions nécessaires au développement de l'Union, définir ses orientations et ses priorités politiques générales. A la demande de plusieurs conventionnels, le texte final de la Convention dispose que le Conseil européen n'exerce pas de fonctions législatives. Cette précision permet de renforcer et de clarifier la distinction entre le Conseil européen et le Conseil des ministres. Il s'agit de deux institutions nettement différenciées et le Conseil européen n'est pas une instance d'appel du Conseil des ministres. Contrairement à la situation actuelle, la Constitution ne prévoit pas que les ministres des affaires étrangères participent au Conseil européen. Les membres du Conseil européen seront les chefs d'Etat ou de gouvernement, le Président du Conseil européen et le Président de la Commission (qui en est déjà membre dans la situation actuelle). Le ministre des affaires étrangères de l'Union, participera à ses travaux. Les membres du Conseil pourront décider d'être assistés par un ministre,

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et, pour le Président de la Commission, par un membre de la Commission. Sauf exception prévue par la Constitution, le Conseil européen continuera à se prononcer par consensus. Une nouveauté essentielle de la Constitution est l'introduction d'une présidence stable du Conseil européen. Le Président du Conseil européen sera élu pour deux ans et demi. Il ne pourra exercer conjointement un mandat national. Il présidera les travaux du Conseil européen et assurera à son niveau la représentation extérieure de l'Union pour les matières relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des compétences du ministre des affaires étrangères. Cette initiative française, soutenue dès le début par les Britanniques et les Espagnols, reprise ensuite dans la proposition institutionnelle franco-allemande, correspond à une nécessité forte : il s'agit d'assurer aux institutions de l'Union une plus grande lisibilité - tant en interne que sur le plan international - et une continuité accrue. A vingt-cinq Etats membres, la rotation semestrielle, déjà problématique dans la situation actuelle, n'a plus de sens. Cette proposition s'est heurtée au départ à une opposition nettement majoritaire des conventionnels, en particulier des petits pays et des nouveaux adhérents, des représentants du Parlement européen et de la Commission. Les craintes exprimées mettaient en lumière le risque d'un déséquilibre des institutions au détriment de la Commission, les dangers de compétition ou d'incohérence entre les deux présidents - celui du Conseil européen et celui de la Commission -, la perspective possible d'une administration nouvelle autour du Président du Conseil européen. Beaucoup soulignaient les avantages des présidences tournantes pour impliquer successivement chacun des Etats membres de l'Union. En revanche, le Président Giscard d'Estaing s'est, dès le départ, montré favorable à l'idée d'une présidence stable. Les précisions apportées par les débats et le texte de la Constitution quant au rôle de « Chairman » du Président du Conseil européen - rôle d'influence, de « facilitateur de décision », mais en aucune façon de décideur -, comme les dispositions aboutissant par ailleurs à un renforcement du Président de la Commission, et la dynamique finale qui a accompagné les dernières sessions de la Convention, ont permis de faire aboutir cette proposition. Bien que certains semblent continuer à douter de son opportunité, elle paraît à présent hors de portée d'une remise en cause par la CIG. Cette présidence stable constitue une étape essentielle pour rendre l'exécutif européen plus efficace et plus lisible. Elle constitue un résultat remarquable d'une entente franco-allemande persévérante, autour des propositions faites en janvier dernier. Convaincu de l'intérêt d'une présidence stable, le rapporteur avait proposé dès octobre 2002 (contribution du 7 octobre 2002) de mettre en place une présidence unique du Conseil européen et de la Commission (11). Il s'agissait à travers cette proposition de faire un pas supplémentaire vers un « visage » de l'Europe, de promouvoir un véritable exécutif européen assurant la cohérence de la préparation et de la mise en œuvre des décisions de l'Union, sans remettre nullement en cause les équilibres du « triangle », ni bien entendu les pouvoirs des organes de décision de l'Union, exercés collégialement. Beaucoup de conventionnels se sont ralliés à cette proposition ou s'y sont déclarés favorables (12). Elle est néanmoins apparue à un certain nombre comme proposant un saut probablement trop audacieux à ce stade, qui serait perçu négativement par certains Etats. Dans cet esprit, le rapporteur a proposé dans le courant des derniers mois de la Convention derniers mois de la Convention (contribution du 16 mai 2003) – conjointement avec M. Lamberto Dini et M. Andrew Duff (et comme d’autres conventionnels, notamment M. Michel Barnier,membre du Praesidium) – que la présidence unique soit mise en place à terme, dans un délai de dix ans après l’entrée en vigueur de la Constitution. A l’issue de débats prolongés au sein du Praesidium, il a été décidé de laisser la porte ouverte à une possible présidence unique dans l’avenir. Le Praesidium a en effet proposé à la Convention de supprimer la disposition de l’article 21 – dans la nouvelle version des articles institutionnels transmise le 10 juin – qui prévoyait que « le Président du Conseil européen ne peut être membre d’une autre institution européenne » (cette disposition figurait dans le projet de Constitution dès la première version des articles relatifs aux institutions transmise le 23 avril). Le Conseil européen aura donc la possibilité de décider de cette présidence unique, lorsque les conditions politiques luiparaîtront réunies.

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(11) Voir aussi note de la Fondation Schuman, « Un président pour l’Europe », de Pierre Lequiller, janvier 2003. (12) Cette proposition a reçu un écho significatif au sein de la Convention. Outre l’appui de Joschka Fischer, Lamberto Dini, Antonio Tajani, Andrew Duff, Jacques Santer, Louis Michel, Adrian Severin, Josef Olesky, Hanja Maïj-Weggen, Peter Altmaïer, René Van der Linden, Hubert Haenel, Pervenche Beres, Jacques Floch se sont prononcés en sa faveur. Il en est de même à l’extérieur de la Convention de Wilfried Martens, Wolfgang Schaüble, Dominique Strauss-Kahn, François Bayrou et Claude Allègre. D’autres ont adhéré à l’esprit de cette proposition : Jean-Luc Dehaene, Guy Verhofstadt, Franco Frattini, Jean-Louis Bourlanges, Michel Barnier, Alain Lamassoure, Klaus Hänsch etGianfranco Fini. 6. J.-L. QUERMONNE, La question du gouvernement européen. Notre Europe, Etudes et recherches, n°20, novembre 2002. III - FORCES ET FAIBLESSES DE LA PRATIQUE INTERGOUV ERNEMENTALE Essayons donc d’identifier, telle qu’elle a été utilisée jusqu’à présent, la pratique intergouvernementale. Et précisons ses principales caractéristiques. A l’opposé d’un mode de gouvernement arbitral, la nature véritable de la pratique intergouvernementale est, en réalité, diplomatique. Elle privilégie la négociation, même lorsque celle-ci s’exerce dans un cadre multilatéral, et conduit droit au compromis. Certes, exercée au sein du Conseil européen, elle a produit depuis 1974 d’authentiques résultats. Et, comme l’écrit Jacques Delors, "ce n’est également pas le moindre des paradoxes que cette enceinte, intergouvernementale au point d’avoir suscité des craintes lors de sa création, ait été depuis le moteur permanent de l’approfondissement de l’intégration européenne"1. Mais il est non moins évident, comme l’observent les auteurs de l’étude dont l’ancien président de la Commission a écrit la préface, qu’"alourdie par la présence d’un nombre croissant de ses membres et surtout par la surcharge de son ordre du jour", cette instance est à bout de souffle et qu’elle ne saurait, au risque de perdre son irremplaçable raison d’être, devenir au prix d’un rythme accéléré le gouvernement européen2. D’ailleurs si Jean Monnet, dans les années 1970, a admis la nécessité d’impliquer davantage les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres dans la construction européenne, il n’a prêté au Conseil européen que le rôle d’un "gouvernement provisoire"3. Mais en Europe comme en France, le provisoire a la vie dure. Et si le Conseil européen a vocation, à l’évidence, à exercer une fonction stratégique à la tête de l’Union, il ne saurait être rabaissé de façon permanente au rang d’un gouvernement quotidien4. Reste alors à évaluer la capacité opérationnelle du Conseil de l’Union, composé de ministres nationaux. Car, malgré le recours partiel au vote à la majorité qualifiée qui lui confère le statut d’une institution de l’Union, il n’en reste pas moins une instance intergouvernementale de par le dédoublement fonctionnel qui préside à sa composition. Et s’il demeure une institution essentielle, l’on doit s’interroger sur son aptitude à exercer seul la fonction gouvernementale. Sur la base de son expérience, essayons, en effet, de dessiner le "portrait-robot" d’une instance intergouvernementale. Elle obéit principalement à trois traits

1 Jacques Delors, avant-propos à l’étude : Le Conseil européen, rédigée par Philippe de Schoutheete et Helen Wallace, Paris, Notre Europe, septembre 2002, qui traite du rôle et de l’avenir de l’instance réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement. 2 M. Solana écrit dans son rapport au Conseil européen de Barcelone que "le Conseil européen a été détourné de son objet". 3 Nous remercions tout spécialement le professeur Henri Rieben, président de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, dont le siège est situé à la ferme de Dorigny près de Lausanne, de nous avoir largement ouvert les archives dont il a la garde, ce qui nous a permis de confirmer cette interprétation. Voir également sur ce point l’étude de M.T. Bitsch, "Jean Monnet et la création du Conseil européen" in G. Bossuat et A. Wilkens, (dir), Jean Monnet, l’Europe et les chemins de la paix, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p.399 et s. 4 Cf. sur ce point Fabrice Picod, "Le rôle du Conseil européen dans le processus de décision", Revue de Droit Public, n°4, 2002, p.1187 et s.

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: - elle est, d’abord, un organe fragmenté au double sens où elle réunit des composantes souveraines dont la propension est de rechercher l’unanimité, mais où selon la nature des dossiers elle fait aussi appel à des ministres choisis en fonction de leurs compétences techniques. D’où la multiplication des formations du Conseil qui a marqué l’évolution de l’institution depuis les origines du Traité de Rome. - elle est également un organe intermittent, à la fois parce que les ministres nationaux ne peuvent pas siéger en permanence à Bruxelles, mais aussi du fait des alternances politiques qui modifient à un rythme fréquent la composition des gouvernements nationaux5. - enfin, cette instance fonctionne comme le Conseil européen sur la base du dédoublement fonctionnel, ce qui explique la difficulté que rencontrent ses membres à concilier l’intérêt national qu’ils ont pour mission première de promouvoir et l’intérêt général de l’Union, qui occupe souvent une préoccupation seconde dans leurs priorités.

Il serait donc, à l’évidence, contreproductif de pérenniser, partout où elle est utilisée, la pratique intergouvernementale et, à fortiori, de la généraliser à la faveur du cadre institutionnel unique. S’agissant du Conseil européen, vouloir le mêler à l’activité quotidienne lui ferait perdre son rang. Tandis qu’associer les ministres à l’exercice de la fonction exécutive en connexion avec la Commission s’inscrit parfaitement dans la logique d’une Fédération d'Etats nations, à l’opposé de celle de l’Etat fédéral où la représentation des Etats est reléguée dans une deuxième chambre législative du Parlement. Par conséquent, conformément à la double légitimité qui fonde l’Union européenne, c’est du côté de la synergie entre le Conseil des ministres et la Commission qu’il faut chercher la solution6, si l'on veut que dans un cadre institutionnel unique, la pratique quotidienne de l'intergouvernementalité trouve, en relation directe avec la Commission, son efficacité. 7. C. PHILIP, Conseil de l’Union européenne En tant qu’expression des intérêts nationaux au niveau communautaire, le Conseil de l’Union européenne est le centre de gravité de l’équilibre institutionnel des Communautés. C’est en principe l’organe doté du pouvoir de décision. Organe communautaire et non conférence diplomatique de type traditionnel, les représentants de chaque Etat membre y adoptent les actes qui les engagent et s’appliquent sans ratification ultérieure. Nous distinguerons successivement sa composition, son fonctionnement et sa mission. I- COMPOSITION Le Conseil assure la représentation des Etats dans le système communautaire mais aussi, depuis le traité sur l’Union européenne, dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) et celui de la justice et des affaires intérieures (JAI), d’où sa décision de se dénommer Conseil de l’Union européenne (décision 93/591 du 8 novembre 1993, JOCE L 281 du 16 novembre 1993). Lieu priviligié de rencontres et de contacts pour chacun des quinze gouvernements, il est assisté dans l’exercice de ses fonctions par le Comité des représentants permanents.

5 Les changements les plus spectaculaires sont survenus à la veille de la conclusion du Traité d’Amsterdam, à la suite des alternances qui se sont produites successivement au Royaume-Uni et en France. Mais il peut aussi arriver, comme en Italie à la suite de la démission de M. Renato Ruggiero, qu’un remaniement ministériel modifie en cours de législature la composition d’un même gouvernement. 6 Comme le suggérait déjà le Rapport du Groupe de réflexion du Commissariat Général du Plan, publié par la Documentation Française sous le titre : L’Union européenne en quête d’institutions légitimes et efficaces, Paris, janvier 2000.

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A- La détermination du représentant des Etats membres Comme il est classique dans les organisations internationales, le Conseil est un organe intergouvernemental. Mais ici les traités imposent aux Etats d’envoyer aux réunions un membre de leur gouvernement. Ils ne peuvent pas être représentés par un haut fonctionnaire. On notera que depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, l’article 203 -selon lequel " le Conseil est formé par un représentant de chaque Etat membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de cet Etat membre "- permet aux Etats de se faire représenter au Conseil par des membres d’autorités infraétatiques (Länder allemands, régions et communautés belges, Länder autrichiens). Le ministre présent n’est pas toujours le même. Chaque gouvernement délègue celui de ses membres le plus compétent à propos des questions inscrites à l’ordre du jour du Conseil. Si les travaux concernent, par exemple, des questions liées à la coopération politique, les ministres des Affaires étrangères seront présents. Si l’on doit discuter de problèmes plus techniques, le Conseil sera composé des ministres des Finances, des ministres de l’Agriculture, des ministres de l’Industrie, des ministres des Affaires sociales, etc. C’est le Conseil des Affaires générales qui est appelé à assurer la coordination des différentes formations du Conseil. Il arrive également que deux membres d’un même gouvernement siègent ensemble si le Conseil débat de questions relevant d’un champ de compétence qui leur est commun. Ce mode de fonctionnement ne va pas sans poser problème car il nuit à l’effectivité de l’unicité juridique du Conseil et à la cohérence de ses actions. Dénoncée à maintes reprises, l’insuffisance de la coordination générale des affaires de l’Union a été l’un des principaux points à l’ordre du jour durant les travaux préparatoires au traité d’Amsterdam. En 1971, lors d’une conférence de presse, Georges Pompidou avait proposé la désignation au sein de chaque gouvernement d’un ministre spécialement chargé des questions européennes et qui représenterait de façon habituelle son pays aux réunions du Conseil des ministres. Cette idée, séduisante à première vue, n’a pas été retenue car elle présente des inconvénients certains. Les ministres techniques perdraient la dimension européenne qui est aujourd’hui la leur et seraient enclins à poser les problèmes de leur ressort dans le seul cadre national. Ce serait une marche arrière regrettable. Le ministre chargé des Affaires européennes pourrait difficilement être compétent sur toutes les questions traitées au sein du Conseil. La seule solution serait de concevoir que ce ministre assiste ses collègues au Conseil et ne les remplace pas. Mais alors sa raison d’être -permettre une unité de composition du Conseil- n’existe plus et l’on risque seulement d’alourdir son fonctionnement. Cette question n’est cependant pas dépourvue d’actualité. L’idée en a notamment été reprise par le Parlement européen dans le projet Spinelli et en 1993 dans la perspective d’une transformation du Conseil en seconde chambre législative. Si la France a choisi depuis 1983 de créer un ministère des Affaires européennes (certains gouvernements précédents sous la direction de Valéry Giscard d’Estaing avaient pour leur part compté un secrétaire d’Etat aux Affaires européennes auprès du ministre des Affaires étrangères), ce n’est pas pour lui confier le rôle imaginé par Georges Pompidou, mais pour qu’il assure un rôle de coordination des diverses administrations nationales tant dans le suivi de l’élaboration des politiques communes que pour leur mise en oeuvre, et qu’il soit aussi bien pour chaque ministère que pour les partenaires privés (industriels ou organisations professionnelles par exemple) un conseiller et un appui vis-à-vis du système communautaire. B- Comité des représentants permanents (COREPER) Le COREPER (article 207 CE), ou Comité des représentants permanents, est un organisme chargé de préparer les travaux du Conseil. Cette tâche horizontale vaut pour toutes les formations du Conseil, à l’exception du conseil Agriculture traditionnellement préparé pour l’essentiel par le Comité spécial de l’Agriculture et pour toutes les matières relevant de la compétence de l’Union, y compris la PESC et la JAI. Créé de facto dès l’origine des Communautés, le COREPER a été inscrit dans le droit originaire par l’article 5 du traité de Bruxelles du 8 avril 1965 dit de fusion des exécutif. Il occupe une place très importante dans l’élaboration des décisions et est devenu un rouage essentiel du système institutionnel communautaire.

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Le COREPER est composé d’un délégué par Etat membre. Chaque pays désigne auprès des Communautés un représentant permanent dont le rôle est à peu près celui d’un ambassadeur accrédité d’un état étranger (ce représentant est d’ailleurs le plus souvent un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères et il a rang d’ambassadeur). Individuellement, le représentant permanent (lui-même et l’ensemble des experts composant la délégation permanente d’un pays membre qui - au moins pour les Etats les plus importants - comporte souvent une personne représentant les ministères nationaux les plus directement concernés par les activités communautaires) est l’intermédiaire entre les institutions des Communautés et son gouvernement. Collectivement, avec ses collègues des autres Etats, il participe à l’action communautaire en intervenant dans le processus d’adoption des actes pris par le Conseil. Le COREPER débat, préalablement à leur examen par les ministres, de tous les points appelés à être inscrits à leur ordre du jour. Il sert d’instrument de " déblayage " et permet une première discussion où chacun confronte son point de vue. Si un accord unanime se réalise au sein du COREPER, la question est inscrite au point A de l’ordre du jour du Conseil. En principe, les ministres ne rouvrent pas la discussion et se contentent de ratifier le résultat acquis. Si un accord n’a pu être obtenu, la question est inscrite à l’ordre du jour du Conseil comme point B. Il y a alors débat entre les ministres. Mais celui-ci est facilité par les travaux préalables du COREPER. Chacun connaît les éléments d’accord et de désaccord comme les différentes solutions envisageables. Le Conseil peut d’entrée s’attacher à l’élaboration du nécessaire compromis, lequel est évidemment politique, ce qui justifie la rencontre entre ministres. La pratique n’a cessé de montrer l’utilité du COREPER. Rouage supplémentaire, il n’alourdit pas cependant le processus de décision mais lui permet de mieux fonctionner. Elément essentiel de l’élaboration des actes du Conseil, il est une sorte de double de ce dernier. Ces réunions entre hauts fonctionnaires précédant les sessions ministérielles comptent pour beaucoup dans l’action des Communautés. Le COREPER est subdivisé en deux parties et s’est réparti lui-même les tâches. Les dossiers les plus politiques sont traités par le COREPER II qui réunit les représentants permanents en titre. Celui-ci s’occupe des questions institutionnelles et prépare les Conseils Affaires générales, ECOFIN, Développement, Justice et Affaires intérieures et Budget. Les dossiers plus techniques sont examinés par le COREPER I qui réunit les représentants permanents adjoints. Depuis 1970, le COREPER est complété par des comités spécialisés (comité politique, groupe de coordination monétaire, etc...). Composés de représentants des ministères techniques compétents sur le sujet en cause, ces comités instruisent un dossier à la place du COREPER. Mais ceci ne met pas en cause l’importance du Comité des représentants permanents auquel Léo Tindemans, dans son rapport de janvier 1976 sur l’Union européenne, avait proposé de donner officiellement le pouvoir de décision " lorsqu’il apparaît au niveau du COREPER un consensus entre les pays membres et la Commission ". II- Fonctionnement Le Conseil est l’institution représentative des Etats. Son fonctionnement est marqué par une présidence tournante destinée à maintenir une stricte égalité de principe entre tous les Etats membres et un système de vote qui, au contraire, permet à chacun d’eux d’exprimer sa volonté en fonction de son poids démographique, économique et politique. 1- La présidence La présidence du Conseil revient successivement à chacun des représentants des Etats membres. Elle est exercée à tour de rôle pendant une durée de six mois (1er janvier/30 juin, 1er juillet/31 décembre) selon un ordre qui a été défini par la décision du Conseil du 1er janvier 1995 (JOCE L 1 du 1er janvier 1995) et qui est le suivant : Italie, Irlande, Pays-Bas, Luxembourg, Royaume-Uni, Autriche, Allemagne, Finlande, Portugal, France, Suède, Belgique, Espagne, Danemark, Grèce. Cet ordre peut être modifié par le Conseil statuant à l’unanimité. Durant le temps d’une présidence, tous les Conseils, mais aussi le COREPER et tous les organes intergouvernementaux, sont présidés par

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le même Etat. Les attributions de la Présidence, précisées dans les articles des traités par domaine ou secteur ainsi que dans le règlement intérieur, sont relativement limitées au regard des textes mais considérables dans la pratique. En particulier, chaque Présidence établit un programme de travail avant la prise de ses fonctions. Ce programme de travail, qui constitue la base de l’organisation des travaux du Conseil en exercice, a non seulement un caractère fonctionnel mais une dimension politique. Primus inter pares, le président du Conseil n’a pas une autorité supérieure aux autres représentants. Mais ceci ne l’empêche pas de bénéficier d’une influence réelle sur la conduite des travaux communautaires. En outre, la Présidence, dans son rôle d’arbitre, doit intervenir en cas de blocage persistant et rechercher des solutions de compromis qui s’efforcent de concilier les différents intérêts en présence sur un dossier ou un ensemble de dossiers (" package deal "), ce qui la conduit inévitablement à opérer des choix politiques. La pratique a montré de " grands " présidents (Maurice Couve de Murville par exemple) et d’autres qui ont freiné la vie des Communautés (la première présidence britannique au début de 1977 a laissé un mauvais souvenir). Le rôle de la Présidence s’est accrû avec le développement des compétences externes des Communautés. La Présidence doit en effet assurer la cohérence de l’ensemble des activités touchant aux relations extérieures de l’Union (en principe préparé au sein du Conseil Affaires générales), en particulier en ce qui concerne leurs aspects institutionnels : répartition de compétences entre la Communauté et les Etats membres, modalités d’exercice des compétences respectives, modalités de représentation sur le plan international. Le rôle du Conseil et de la Présidence, certes, diffère selon que les compétences sont celles de la Communauté européenne ou de l’Union européenne ou qu’il s’agit de compétences des Etats membres agissant au sein du Conseil. Mais de manière générale, le président du Conseil exerce un rôle de représentation extérieure des Etats membres qui est loin d’être seulement protocolaire. Il peut jouer un rôle important s’il sait exprimer la position commune sans susciter de heurts avec ses partenaires. " La magistrature d’influence " que permet la présidence du Conseil est aujourd’hui comprise de tous. Chaque pays accorde une grande attention à " sa " présidence et cherche à profiter de ce moment pour donner une impulsion dans le sens qu’il souhaite aux Communautés. Incontestablement, une présidence exercée sur une année entière serait plus efficace, mais les Etats membres craignent que ceci mette en cause leur égalité (même momentanément) et estiment qu’une présidence leur revenant tous les quinze ans seulement serait trop rare. C’est pourquoi la pratique a développé l’émergence de ce que l’on appelle désormais la " troïka ", c’est-à-dire que le pays ayant exercé la présidence précédente et celui qui prendra la prochaine présidence sont associés par l’Etat qui préside à la gestion des affaires en cours de manière à assurer la continuité nécessaire au bon fonctionnement de la Communauté. Cette pratique a été institutionnalisée dans le cadre de la PESC (article 15 UE). 2- Le vote Les règles relatives au vote au sein du Conseil sont fixées par l’article 205 CE et explicitées aux articles 7 et 8 du règlement intérieur du Conseil. Le règlement intérieur en vigueur est celui adopté le 6 décembre 1993 (JOCE L 304 du 10 décembre 1993) modifié en dernier lieu le 6 février 1995 (JOCE L 31 du 10 février 1995) consécutivement à l’adhésion de l’Autriche de la Finlande et de la Suède. Le vote à la majorité absolue (actuellement huit voix) est présenté dans l’article 205 comme le droit commun mais il ne joue en fait que dans des cas limités (par exemple, l’adoption du règlement intérieur (article 207) ou le droit pour la Commission de recueillir des informations (article 284)), en l’absence de précision quant au recours à une autre modalité de vote et pour les décisions de procédure. Le fait même d’instituer le principe d’un vote majoritaire est à souligner. Les Communautés européennes se différencient par là nettement des organisations internationales traditionnelles. Le plus souvent, les traités précisent que les délibérations du Conseil requièrent une majorité " qualifiée ". Dans ce cas, la voix de chaque Etat membre est affectée d’une certaine pondération pour tenir compte de son poids démographique, économique et politique. L’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ont chacun dix voix; l’Espagne, huit voix; la Belgique, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal, cinq voix; L’Autriche et la Suède, quatre voix; l’Irlande, le Danemark et la Finlande, trois voix; le Luxembourg deux voix. Le total des voix est de 87. Le seuil de la majorité qualifiée est fixé à 62 voix (soit environ 71 % des voix). La minorité de blocage est

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donc de 26 voix. On précisera que le seuil de la majorité qualifiée est atteint à 62 voix si la décision est prise sur proposition de la Commission -ce qui est le cas de figure le plus fréquent- et à 62 voix représentant le vote favorable d’au moins dix Etats membres dans les autres cas. Par ailleurs, dans le cas du vote à la majorité qualifiée, il faut 62 voix positives, ce qui revient à assimiler l’abstention à un vote négatif. Le seuil de la majorité qualifiée est fixé en fonction de l’équilibre politique qu’il est jugé souhaitable d’atteindre entre les " grands ", les " moyens " et les " petits " Etats, ceci afin de faciliter la constitution de majorités qui peuvent varier selon les questions à traiter et d’éviter les risques d’affrontement entre le bloc des " grands " Etats et les autres. Ainsi, du fait de cette pondération, les cinq grands Etats ne peuvent, à eux seuls, emporter une décision contre les dix autres; deux grands Etats isolés ne disposent pas d’une minorité de blocage (mais leur poids demeure important dans la mesure où il leur suffit du concours d’un ou de deux autres Etats); et les quatre petits Etats ont besoin du concours d’autres Etats membres pour empêcher l’adoption d’une décision par le Conseil. Ce système particulièrement original marque une rupture avec la règle de l’égalité entre états souverains propre au droit international. Il a fonctionné de manière relativement satisfaisante -encore que les Etats membres les moins peuplés soient surreprésentés par rapport aux Etats les plus peuplés-, jusqu’en 1994, faisant l’objet d’une adaptation quasimathématique lors des élargissements successifs de la Communauté. Cependant, lors des négociations du dernier élargissement, le Royaume-Uni et l’Espagne ont demandé que la minorité de blocage reste fixée à 23 au lieu de passer à 27 (Norvège inclus). Le Royaume-Uni voyait dans son élévation un avantage donné aux petits pays tandis que l’Espagne craignait une marginalisation des pays du Sud au profit de ceux du Nord. Ils n’ont pas obtenu satisfaction. Toutefois, le Conseil, dans une déclaration dite " compromis de Ioannina " -reprise dans une décision du Conseil du 29 mars 1994 (JOCE C 105 du 13 avril 1994) modifiée le 1er janvier 1995 du fait de la défection de la Norvège-, a accepté que si des membres du Conseil représentant un total de 23 à 25 voix indiquent leur intention de s’opposer à la prise d’une décision par le Conseil à la majorité qualifiée, le Conseil fera tout ce qui est en son pouvoir pour aboutir, dans un délai raisonnable et sans porter préjudice aux limites obligatoires de temps fixés par les traités et le droit dérivé, à une solution satisfaisante qui puisse être adoptée par 65 voix au moins. Le compromis de Ioannina ne représente qu’un engagement du Conseil à rallier trois voix supplémentaires -c’est-à-dire celles d’un Etat (autre que le Luxembourg)- avant de passer au vote lui permettant de constater l’existence de la majorité qualifiée. La décision ne peut pas être bloquée définitivement. Ceci étant, il s’agit là d’un expédient qui ne saurait valoir pour les futurs élargissements de l’Union car si celle-ci s’élargissait encore tout en conservant une référence politique à une minorité de blocage de 23 voix, la majorité qualifiée serait en pratique de plus en plus difficile à obtenir. La détermination des coefficients de pondération et du calcul de la majorité qualifiée est un sujet d’une extrême sensibilité politique car elle met directement en cause le poids des Etats dans le processus décisionnel, et par là leur capacité à influencer le cours de la politique communautaire. Dans la perspective d’un nouvel élargissement de la Communauté qui intègrera un grand nombre de petits Etats -peu peuplés comme Chypre et Malte ou à faible PNB- le système a besoin d’une " remise à plat ". En effet, le maintien de la règle du seuil de la majorité qualifiée aux deux-tiers des voix diminue progressivement le poids relatif des grands Etats, ce qui, dans le cas du couple francoallemand, peut paraître regrettable compte-tenu du rôle majeur qu’il joue dans la construction européenne. Or, l’élargissement à l’Est va nécessairement accroître ce phénomène : sur les onze pays candidats, un seul, la Pologne, est un " grand " Etat. Si l’on ne modifie pas les règles actuelles de pondération, dans une Union de vingt-six Etats, six " grands " Etats, avec 70 % de la population, auront 42 % des droits de vote, tandis qu’une coalition de douze " petits " Etats pourra constituer une minorité de blocage en rassemblant seulement 11,5 % de la population. Il convient d’ajouter par ailleurs que les coefficients actuels de pondération des votes ne tiennent pas compte des contributions financières des Etats membres. Certes, une approche purement financière serait contraire au principe de solidarité qui fonde toute la construction européenne. Mais force est de constater qu’aujourd’hui, le Portugal, la Grèce et l’Irlande, qui ont ensemble plus de voix que l’Allemagne (13 contre 10), fournissent seulement 3,7 % des recettes du budget communautaire, soit dix fois moins que l’Allemagne. De même, la France et l’Allemagne fournissent 46,1 % des recettes communautaires alors qu’elles ne peuvent à elles deux constituer

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une minorité de blocage. Ce déséquilibre, tant du point de vue des réalités démographiques que des responsabilités financières affaiblit la légitimité des décisions du Conseil. Les traités prévoient enfin que l’unanimité est exigée dans certaines hypothèses. Dans ce cas, l’abstention ne fait pas obstacle à l’adoption d’une délibération. Ce recours à la procédure classique du droit international est en particulier requis, dans le traité CE, dans le domaine institutionnel, pour certaines politiques ou secteurs sensibles et pour le recours à l’article 308. D’une manière générale, l’unanimité est nécessaire pour que le Conseil puisse s’écarter d’une proposition de la Commission (sous réserve de l’article 251 §4-5-6 et de la nécessité d’une majorité qualifiée pour l’adoption des actes dont la base juridique l’exige); elle est également la règle s’agissant des actions ou des positions communes arrêtées par le Conseil dans le cadre de la PESC et de la JAI (article 18 et 32 UE) et des Conventions (article 31 UE). Il est évident que l’exigence de l’unanimité n’est pas de nature à faciliter l’intégration européenne et qu’elle n’est pas démocratique dans la mesure où il suffit de l’opposition d’un seul Etat pour bloquer le processus décisionnel. Majorité absolue, majorité qualifiée, unanimité, tels sont les rouages institués par les traités originaires. Le choix entre ces trois modalités de vote est déterminé par les dispositions qui régissent les différents secteurs des traités. La pratique communautaire est toutefois différente. Elle a longtemps privilégié l’unanimité du fait du compromis de Luxembourg mais l’évolution amorcée depuis quelques années va heureusement dans le sens d’une application réelle du vote à la majorité qualifiée quand un blocage résultant d’une absence de consensus tend à ne pouvoir être surmonté. La procédure de prise de décisions -extension du vote à la majorité qualifiée et pondération des voix- ainsi que certaines questions relatives à l’organisation des travaux du Conseil ont été au coeur des débats sur la réforme des institutions lors de la Conférence intergouvernementale 1996-1997 et la négociation du traité d’Amsterdam. S’agissant du vote à la majorité qualifiée, le problème se posait de manière spécifique pour chacun des trois piliers de l’Union. Dans le premier pilier, le traité de Maastricht avait déjà fait l’essentiel du chemin possible au stade actuel de la construction européenne et la CIG n’avait qu’une marge de progrès relativement limitée. Le nouveau traité étend néanmoins la procédure de vote à la majorité qualifiée à un certain nombre de domaines, principalement la recherche, le développement technologique, et certaines compétences nouvelles en matière de politique de l’emploi, de politique sociale, de santé publique et de lutte contre la fraude. Dans le deuxième pilier, le vote à la majorité qualifiée a été introduit au stade des mesures d’application (sous réserve du droit de veto de chaque Etat pour des raisons de politique nationale importantes) des décisions politiques arrêtées d’un commun accord par les Etats membres. Quant à la " communautarisation " d’une partie du troisième pilier, -qui consiste dans le transfert dans le premier pilier des mesures relatives à la libre circulation des personnes, à l’asile, à l’immigration et à la coopération judiciaire en matière civile-, elle prévoit que la règle de l’unanimité est maintenue pour les cinq années suivant l’entrée en vigueur du traité, son abandon partiel ou total à l’issue de cette période supposant une décision unanime du Conseil; un accord n’a pu être trouvé que moyennant des clauses d’opting out pour les Etats -le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark- qui souhaitaient rester en dehors du dispositif communautaire dans ce domaine. annexé qu’à la date d’entrée en vigueur du premier élargissement de l’Union, la pondération devra être modifiée par la mise en place soit d’une nouvelle pondération des voix, soit d’un système de double majorité. Toutefois le protocole ne rend pas obligatoire cette modification; il en fait seulement une condition du changement de la composition de la Commission qui, dans une Union de seize à vingt membres, ne devrait comprendre qu’un commissaire par Etat membre. En tout état de cause, on ne peut que regretter que la Conférence intergouvernementale 1996-1997 n’ait pas permis de renforcer notablement la capacité d’action du Conseil et la légitimité de ses décisions car l’augmentation du nombre d’Etats membres influencera de manière très directe le fonctionnement de cette institution. III- Mission Les compétences du Conseil sont multiples et définies dans de nombreuses dispositions du traité. On rappellera seulement les pouvoirs importants qu’il détient dans le cadre de la procédure budgétaire, de la procédure de coopération et de la procédure de conclusion des accords

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internationaux, sans compter les responsabilités que lui a conféré le traité de Maastricht dans le domaine de la PESC et de la JAI (titre V et VI sur l’Union européenne). Cependant, c’est l’article 202 CE qui définit le rôle dévolu au Conseil en lui assignant trois missions. Ici aussi, la pratique est venue compléter les dispositions textuelles et faire du Conseil le centre de gravité des institutions européennes. En vertu de l’article 202, le Conseil : - assure la coordination des politiques économiques générales des Etats membres. - dispose d’un pouvoir de décision. - confère à la Commission, dans les actes qu’il adopte, les compétences d’exécution des règles qu’il établit ", l’exercice de ces compétences pouvant être soumis à certaines modalités et le Conseil pouvant se réserver, dans des cas spécifiques, d’exercer directement des compétences d’exécution. Si la responsabilité de la politique économique relève des Etats, le Conseil dispose d’un pouvoir de coordination des politiques économiques générales des Etats membres. Cette compétence, au vu de l’article 4, -lequel prévoit une action conjuguée des Etats membres et de la Communauté pour l’instauration d’une politique économique fondée sur l’étroite coordination des politiques économiques des Etats membres-, doit s’interpréter comme une compétence concurrente des Etats et du Conseil et s’analyser en rapport avec les articles 99 à 111 CE qui donnent des compétences précises tant à la Commission qu’au Conseil dans les domaines de la politique de conjoncture, de la balance des paiement et en matière monétaire. En particulier, aux termes de l’article 99 par. 3, le Conseil procède régulièrement, sur rapport de la Commission, à un exercice de surveillance multilatérale des politiques et des situations économiques des Etats membres et de la Communauté. Lorsque la politique économique d’un Etat membre ne lui apparaît pas conforme aux grandes orientations qu’il a adoptées, le Conseil statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission peut, selon l’article 99 par. 4, adresser les recommandations nécessaires à l’Etat membre concerné et décider de les rendre publiques. Les pouvoirs du Conseil (dans sa formation " Ecofin ") augmentent avec la mise en place progressive de l’Union économique et monétaire et, malgré la création du Conseil de l’euro, le Conseil reste la seule instance habilitée à formuler et à adopter les grandes orientations des politiques économiques qui constituent le principal instrument de coordination économique. Il résulte l’article 202 deuxième tiret que le Conseil détient un véritable pouvoir législatif. L’annexe du règlement intérieur vient préciser que le Conseil agit en tant que législateur lorsqu’il adopte des normes juridiquement obligatoires pour les Etats membres, que ce soit au moyen de règlements, de directives ou de décisions, sur la base des dispositions des traités ou dans le cadre des procédures des articles 251 et 252. Sans entrer dans le détail de ces procédures, il importe de souligner que le schéma initial prévu par le traité de Rome -selon lequel tout acte est pris par le Conseil à partir de propositions formulées par la Commission et après avis du Parlement européen, voire du Comité économique et social- se trouve profondément modifié par la procédure de coopération instituée par l’Acte unique et la procédure de " co-décision " prévue par le traité sur l’Union européenne et l’on doit maintenant considérer que le pouvoir décisionnel est désormais partagé entre le Conseil et le Parlement européen. Enfin, le troisième tiret de l’article 202 du traité tel que modifié par l’Acte unique européen pose trois principes en matière d’exécution des actes communautaires : - le Conseil, sauf cas spécifique, confère à la Commission les compétences d’exécution dans les actes qu’il adopte ; - l’exercice des compétences ainsi conférées peut être soumis à certaines modalités ; - les modalités éventuelles doivent respecter les règles et principes préalablement établis d’une façon générale par le Conseil. Le Conseil peut conférer à la Commission compétence pour assurer l’exécution des règles qu’il établit (art. 211 4ème tiret). Il s’agit d’une simple faculté. Cette disposition s’applique principalement dans les domaines de l’agriculture, des transports ou de la concurrence. De fait, le Conseil, renonçant à cette faculté, s’est souvent réservé l’exécution de ses actes pour des raisons politiques. Avec l’Acte unique, l’attribution des compétences d’exécution à la Commission est devenu la règle en vertu de l’article 202 troisième tiret. S’agissant des modalités d’exercice de ces compétences, faisant suite à l’Acte unique, le Conseil a adopté le 13 juillet 1987, la décision fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission, décision dite " comitologie " (JOCE n° L 197 du 18 juillet 1987). Cette décision a utilement réduit le choix des procédures d’exécution à trois formules de comités et une procédure pour l’adoption de mesures de

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sauvegarde (avec des variantes). D’une manière générale, on peut dire que les procédures d’exécution créées par la décision de 1987 ont relativement bien fonctionné mais que le système est complexe et peu transparent. En particulier, la multiplicité des types de procédure a souvent conduit à des discussions de principe entre institutions sur le choix de la procédure à retenir, ralentissant le processus législatif, et a rendu nécessaire une révision, qui est intervenue par la décision 1999/468 du Conseil du 28 juin 1999. Il est important de noter que si la procédure de codécision instaurée par le traité sur l’Union européenne a donné au Parlement de nouvelles compétences en matière législative, sur le plan de l’exécution, le traité de Maastricht n’a pas modifié le système créé suite à l’Acte unique. Le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont conclu un modus vivendi concernant les mesures d’exécution des actes pris en codécision, surmontant temporairement ces difficultés dans l’attente d’un réexamen de ces questions par la Conférence intergouvernementale de 1996-1997. Cependant, lors de cette conférence, les Etats membres n’ont pas souhaité réformer les dispositions du traité relatives aux mesures d’exécution. La question est aujourd’hui au coeur d’un long débat qui porte globalement sur le pouvoir réglementaire de la Commission et sur la nécessité de renforcer le contrôle de l’exercice des compétences d’exécution par le législateur communautaire -qu’il s’agisse du Conseil ou, en codécision, du Conseil et du Parlement dans le respect de la séparation des pouvoirs entre exécutif et législatif. Conclusion Si une évolution importante est manifeste, il faut au préalable souligner combien l’importance du Conseil n’a cessé - au contraire - de s’affirmer au cours des années. Certes, les rédacteurs des traités avaient voulu faire de lui l’organe principal de la décision au sein des Communautés. Mais ils pensaient que la Commission, par son propre pouvoir de décision et par son droit d’initiative, comme le Parlement, par la portée de ses avis, exerceraient une influence dans le système institutionnel communautaire. Or la pratique montre que le Conseil a occupé une position privilégiée qui a fait de lui le seul véritable titulaire du pouvoir décisionnel. Le rôle des deux autres institutions est resté relativement réduit. C’est en Conseil, et en Conseil seul, que sont arrêtées les lignes directrices de l’action des Communautés. La volonté des Etats de défendre leurs intérêts propres et de contenir le côté supranational que représentent la Commission et le Parlement explique cette évolution. L’influence du Conseil tient aussi à ce qu’il peut discuter de tous les problèmes que les Etats souhaitent traiter ensemble. Le Conseil a certes une compétence délimitée par les traités. Mais les articles 2 et 3 du traité CE sont rédigés en terme si généraux qu’ils permettent d’inscrire n’importe quelle action dans le cadre des objectifs du traité, et - autre élément- l’article 308 CE autorise le Conseil à s’octroyer tous les pouvoirs nécessaires à la réalisation des finalités recherchées par le traité. Il y a donc là une large d’extension quasi-illimitée qui fait du Conseil l’instrument potentiellement le plus dynamique des Communautés. Si un accord est réalisé en Conseil, il est possible d’entreprendre pour ainsi dire toute politique voulue. Cette constatation est normale dans la mesure où l’Europe ne peut se construire qu’avec l’adhésion des Etats membres. Le Conseil étant l’organe où ces Etats confrontent leurs volontés, il est logique qu’il soit l’institution souveraine. Mais cette prééminence du Conseil n’est sans doute pas une caractéristique définitive du système institutionnel communautaire. Même si ce dernier n’évolue pas vers une fédération, il est de plus en plus difficile de justifier une pratique qui crée un réel déficit démocratique et ne peut se concilier avec les régimes parlementaires qui sont en place dans chacun des Etats membres. Le pouvoir législatif doit normalement relever du Parlement et non de l’exécutif. La construction européenne ne peut durablement laisser perdurer un paradoxe aux termes duquel un acte communautaire est arrêté par le Conseil alors qu’au plan national son champ de compétence appartient au domaine de la loi. Il n’est donc pas anormal de voir s’instituer, même si ceci ne couvre pas encore (loin s’en faut) toutes les interventions des Communautés et même si le Conseil garde une certaine prééminence dans la procédure de la " co-décision ", un équilibre Conseil- Parlement européen. Mais ce faisant, n’assiste-t-on pas à une transformation structurelle essentielle ? Le Conseil restera-t-il longtemps un organe de type exécutif ou ne deviendra-t-il pas plutôt la seconde chambre, chambre des Etats, d’un Parlement bicaméral où assemblée élue au

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suffrage universel direct et assemblée représentant les gouvernements des Etats membres se partageront le pouvoir législatif ? La logique du régime parlementaire conduit à cette évolution, laquelle n’est pas incompatible -au moins un certain temps- avec une situation où cette chambre des Etats est en outre dotée de compétences de nature exécutive, compétences exercées au plan national par les gouvernements mais qu’au plan communautaire on choisira de faire relever du Conseil et non de la Commission. Ainsi, même si le traité de l’Union européenne a ouvert la voie à un pouvoir législatif que le Conseil doit partager avec le Parlement européen, il est probable que le Conseil restera encore longtemps le centre de gravité du pouvoir décisionnel communautaire. 8. J-.P JACQUE, Le traité de Lisbonne, Une vue cavalière 1. Le Conseil européen, une institution dotée d'un président permanent La transformation du Conseil européen en institution est l'aboutissement d'un long processus. Jusqu'à l'adoption de l'Acte unique européen, le Conseil européen était une réunion informelle des chefs d'Etat et de gouvernement. L'Acte unique, puis les traités successifs, ont peu à peu précisé sa composition et ses fonctions sans pour autant lui donner un statut d'institution, car on souhaitait préserver son mode informel de fonctionnement. C'est ce statut qu'il acquiert avec le traité de Lisbonne. La conséquence essentielle est de soumettre les actes juridiques qu'il pourrait adopter au contrôle de la Cour de justice. Les fonctions du Conseil européen ont peu varié si ce n'est que la suppression de la structure en piliers et l'octroi du statut d'institution permettent de mettre un terme à la dichotomie entre Conseil européen et Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Cette dichotomie était nécessaire dans les traités actuels pour permettre aux chefs d'Etat ou de gouvernement d'exercer certaines des fonctions de nomination ou de fixation de lignes directrices attribuées par le traité CE et qui ne pouvaient être exercées que par le Conseil. Le choix avait été fait de créer une formation spécifique du Conseil composée des chefs d'Etat ou de gouvernement. Désormais, le Conseil européen pourra poursuivre ses fonctions de fixation d'orientation à l'action de l'Union et simultanément d'accomplir les tâches de nomination et d'arbitrage (dans le domaine de la sécurité sociale ou de l'espace de liberté, de sécurité et de justice) que lui confèrent les traités. Par contre le traité de Lisbonne exclut clairement toute participation au travail législatif qui reste l'apanage du Conseil. L'hypothèse classique selon laquelle le Conseil européen pourrait se substituer au Conseil législateur est donc définitivement abandonnée. L'institutionnalisation du Conseil européen qui sera doté d'un règlement intérieur se fera sans doute au détriment de la souplesse de fonctionnement qui l'avait caractérisé jusqu'à présent. En fait, on doit s'attendre à peu de changement, les conclusions du Conseil européen de Séville avaient déjà bien atténué le caractère informel en chargeant le Coreper et le Conseil « affaires générales » de préparer les réunions du Conseil européen. La « bruxellisation » de l'institution fait son chemin au détriment des sherpas nationaux qui revendiquaient la préparation des réunions. L'avantage sera de situer davantage les travaux dans une optique « communautaire ». L'innovation principale réside dans la création d'un président du Conseil européen élu pour deux an et demi à la majorité qualifiée, renouvelable une fois et dont les fonctions ne peuvent être cumulée avec un mandat national. L'institution d'une présidence permanente trouve sa justification dans la nécessité d'assurer la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen. En effet, le dispositif actuel pêchait surtout par l'absence d'un processus de suivi des conclusions du Conseil européen. Du fait de l'existence d'une présidence tournante, certaines des conclusions du Conseil européen pouvaient se trouver ignorée par les présidences successives. Le président permanent aura pour mission d'aiguillonner les différentes institutions de l'Union pour qu'elles donnent une suite satisfaisante aux orientations dégagées. Il constituera la mémoire de l'institution et son bras exécutif. Certes, son pouvoir sera essentiellement d'exhortation, mais, compte tenu de la légitimité du Conseil européen, ses incitations pourront être difficilement négligées. La Commission n'a pas accepté cette réforme de gaîté de coeur. En effet, le nouveau président pourrait faire de l'ombre au président de la Commission. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les auteurs du traité ont délimité

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avec soin les fonctions du président du Conseil européen. Mais, même dans ce cas, il n'est pas exclu

que le nouveau président fasse figure dans l'opinion de président de l'Union (30). Tout dépendra de la personne choisie pour exercer cette fonction. De la même manière, puisque le président du Conseil européen doit représenter l'Union « à son niveau » dans le cadre de la PESC, un modus vivendi devra être trouvé avec le Haut représentant. Ce sera d'autant plus aisé que le Haut représentant, bien que membre de la Commission, sera désigné par le Conseil européen. On peut penser que le président du Conseil européen dirigera la délégation de l'Union lors des principales rencontres avec des chefs d'Etats étrangers en compagnie du président de la Commission compétent pour la politique commerciale commune et les aspects externes des politiques internes et du Haut représentant. Enfin, les relations entre le président du Conseil européen et la présidence tournante de l'Union devront être précisée. Les présidences successives n'accepteront sans doute pas sans réticence de voir un nouvel intervenant les supplanter dans la représentation extérieure de l'Union. Seule l'expérience pourra nous instruire sur le fonctionnement d'un système dont l'équilibre dépendra beaucoup des personnalités en présence et de leurs charismes respectifs. 2. La gestion des relations extérieures Retrouvant sa dénomination de Haut représentant pour la PESC, mais sans sa qualité de secrétaire général du Conseil, la fonction de Haut représentant connaît une mutation importante. C'est l'introduction du « double chapeau ». A la fois désigné par le Conseil européen et responsable devant lui, le Haut représentant est vice-président de la Commission investi avec celle-ci par le Parlement. L'unité de l'exécutif est ainsi établie dans le domaine des relations extérieures. Certes le Haut représentant n'est compétent que pour la PESC, mais en sa qualité de vice-président, il animera vraisemblablement un groupe de commissaires ayant la responsabilité de la politique commerciale commune, du développement et l'action humanitaire. Ce sera l'instrument de la cohérence qu'il est chargé d'établir dans la politique extérieure de l'Union. Il aura à sa disposition le service diplomatique commun, nouvel instrument créé par la fusion des services de la Commission et du Conseil avec l'adjonction de diplomates nationaux détachés. Enfin, innovation considérable, il présidera le Conseil dans sa formation « affaires étrangères ». Ici encore, l'impact réel de la réforme est difficile à évaluer. Tout dépendra de la manière dont s'harmoniseront les pièces que le traité met ensemble. C'est une question d'organisation, mais aussi de personnalité. En effet, le traité institue une schizophrénie au sommet. Comment être à la fois le représentant de la Commission, et par fonction le défenseur des thèses de celle-ci, et également celui qui doit au Conseil, parfois au détriment de la Commission, rechercher le consensus ? Comment trouver une cohabitation dans la cohérence avec ses collègues chargés au sein de la Commission d'autres aspects des relations extérieures ? Comment exercer le pouvoir d'initiative et d'exécution propre que lui reconnaît le traité tout en respectant le principe de collégialité ? Quelles relations établir avec le Parlement qui contrôle le budget ? Ne s'agit-il pas du début d'une expérience fascinante qui si elle réussit pourrait permettre à la vision exprimée par certains auteurs sur un regroupement des fonctions exécutives exercées par le Conseil et le Parlement entre les mains d'une seule personne ou d'une seule institution de s'imposer ? Mais, au delà de ces questions, ceux qui critiquent la complexité introduite par le « double chapeau » devraient également mesurer le progrès pour l'intégration que constitue l'acceptation du fait que le Haut représentant puisse oeuvrer à la fois pour la Commission et pour le Conseil. Dans la mesure où il était inimaginable que les Etats membres acceptent que la gestion des relations extérieures passe entièrement sous le contrôle de la Commission, la solution retenue constitue un progrès incontestable. (30) De la même manière que la Présidence actuelle du Conseil se présente et est perçue comme une présidence de l'Union alors qu'elle ne préside que l'une des institutions.

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Thème 2 : Les institutions politiques de l’Union européenne

Le pôle intégrateur de l’Union européenne

Séance 4 : Le Parlement européen

Séance 5 : La Commission européenne

L’Assemblée parlementaire des origines de la construction européenne incarne la légitimité

démocratique au sein de l’Europe communautaire, si bien qu’en mars 1962, il décide de changer

unilatéralement de dénomination pour devenir le « Parlement européen ». Bien que n’en possédant

pas tous les attributs à l’origine, il n’a de cesse d’en revendiquer la possession, au point

qu’aujourd’hui, sa qualification n’est en rien usurpée, tant du point de vue de sa composition, de

son fonctionnement et des prérogatives. Sa montée en puissance sur une longue période se fait au

détriment de l’autre représentant du pôle intégrateur : la Commission. Toutes choses devant être

égales par ailleurs afin de préserver le rapport entre les deux pôles structurant la construction

européenne.

1. Répartition des sièges par Etat membre au Parlement européen

2. D. BLANC, La relance par la réforme des institutions, in Quelle relance de la construction

européenne ? sous la direction de C. PHILIP et P. SOLDATOS, Bruylant, 2007, p. 148

3. J.-M. DE WAELE et R. COMAN, Les partis politiques européens, Synthèse n°134 de la

Fondation R. SCHUMAN, juin 2004.

4. CHOPIN et C. MUSSO, Un an après les élections européennes : audit de l’influence française au

sein du Parlement européen, supplément de la Lettre de la fondation R. SCHUMAN, n°217 du 27

juin 2005.

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1. Répartition des sièges par Etat membre au Parlement européen

1999-2004 2004-2007 2007-2009 2009-2014 Allemagne 99 99 99 99 Autriche 21 18 18 17 Belgique 25 24 24 22 Bulgarie — — 18 17 Chypre — 6 6 6

Danemark 16 14 14 13 Espagne 64 54 54 50 Estonie — 6 6 6 Finlande 16 14 14 13 France 87 78 78 72 Grèce 25 24 24 22

Hongrie — 24 24 20 Irlande 15 13 13 12 Italie 87 78 78 72

Lettonie — 9 9 8 Lituanie — 13 13 12

Luxembourg 6 6 6 6 Malte — 5 5 5

Pays-Bas 31 27 27 25 Pologne — 54 54 50 Portugal 25 24 24 22

République tchèque — 24 24 20 Slovaquie — 14 14 13 Slovénie — 7 7 7 Suède 22 19 19 18

Roumanie — — 36 33 Royaume-Uni 87 78 78 72 Total (max) 626 732 786 732

2. D. BLANC, La relance par la réforme des institutions, in Quelle relance de la construction européenne ? sous la direction de C. PHILIP et P. SOLDATOS, Bruylant, 2007, p. 148 B) L’incarnation législative du pôle supranational

Le Parlement européen est dans une situation comparable à la Commission, il n’incarne pas à lui seul le législatif communautaire, il doit composer avec le Conseil avec lequel il partage la fonction législative et budgétaire, qui sont réunies, selon la formule de M. Hauriou, dans le « pouvoir délibérant »7. Cette notion présente le mérite d’intégrer la participation parlementaire au processus de nature constituant. Indissociable de l’idée que l’on se fait d’un corps législatif, ce pouvoir délibérant ne peut être amoindri sans faire injure au principe démocratique qui le fonde, c’est à ce titre qu’il faut penser sa plénitude (2). Celle-ci trouve à jouer en faveur d’une institution dont la légitimité puise aux sources de la démocratie. En conséquence, l’assise populaire du Parlement européen doit être réexaminée, il n’est que temps d’en parfaire la légitimité (1).

7 Précis élémentaire de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1933, 3ème édition, p. 166 et s.

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1) Parfaire la légitimité parlementaire

L’élection du Parlement européen au suffrage universel direct confère aux Communautés une indéniable légitimité démocratique, sans égal dans la vie interétatique. Cependant ses modalités, dans une organisation à vocation politique, importent autant que son principe. Sa réalisation a été tardive - la décision d’instaurer le suffrage universel direct est contemporaine de celle instaurant le Conseil européen8, soulignant au passage l’indéfectible relation entre les aspects intergouvernementaux et supranationaux - une fois acquise, des obstacles demeurent dans trois directions.

La première tient bien entendu dans l’absence de véritable procédure électorale uniforme, en dépit des progrès réalisés par la décision du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002, retenant quelques principes communs9. Mais elle n’est en aucun cas suffisante pour assurer la fondation d’un corps électoral européen. A côté d’un changement procédural soumettant à la codécision la fixation des règles relatives à l’élection, celles-ci devraient d’une part prévoir un mode de scrutin véritablement uniforme et gouverné par la représentation proportionnelle, et d’autre part les élections devraient se tenir le même jour dans l’ensemble des Etats membres.

La deuxième a trait à la persistance de la logique étatique au moment même où le traité-constitutionnel remplace la référence aux « peuples des Etats » par celle de « citoyens de l’Union »10. La prise en considération du critère étatique affaiblit la représentativité du Parlement européen, au point de nourrir la thématique du déficit démocratique. Dans une assemblée comptant au maximum 750 députés, une plus grande place doit être accordée au critère démographique. A cet égard une règle pourrait veiller à une meilleure proportionnalité entre le nombre de sièges et la population d’un Etat, qui loin d’être stricte, réduirait les écarts de représentation11.

Enfin, le défaut de proximité entre les députés européens et leurs électeurs est souvent évoqué comme facteur aggravant du caractère insuffisamment démocratique de la construction européenne. Là encore les voies choisies pour y remédier se remarquent par leur timidité12. Une solution parfois envisagée mériterait d’être approfondie, elle consiste dans la désignation d’une

8 Point 3 : « Les chefs de gouvernement ont, en conséquence, décidé de se réunir, accompagnés des ministres des affaires étrangères, trois fois par an et chaque fois que nécessaire, en Conseil de la Communauté et au titre de la coopération politique » et point 12 : « Les chefs de gouvernement ont constaté que l'objectif fixé par le traité, de l'élection au suffrage universel de l'Assemblée, devrait être réalisé le plus tôt possible ». Communiqué final de la réunion des chefs de gouvernement de la Communauté (Paris, 9 et 10 décembre 1974). 9 Décision modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom, JOCE L n°283 du 21 octobre 2002, p. 1. 10 Article I-20§1. 11 Au Luxembourg, on dénombre un député pour 66 000 électeurs, un pour 410 000 en Belgique, un pour 820 000 en Allemagne ; le rapport variant de 1 à 12, cela revient à dire qu’un électeur luxembourgeois compte autant que douze électeurs allemands. La fixation d’un rapport ne pouvant dépasser une fourchette allant de 1 à 8 marquerait un progrès. 12 En France, le régime électoral des élections européennes a été modifié par la loi n°2003-327 du 11 avril 2003, JORF du 12 avril 2003, p. 6488. Pour l’essentiel elle substitue à la circonscription unique formée du territoire national, huit circonscriptions regroupant en principe plusieurs régions, à l’exception de l’Ile de France et de la circonscription réunissant les départements et territoires d’outre-mer. Prétextant un rapprochement entre les députés européens et leurs électeurs, ce découpage interrégional a pour effet d’avantager les grands partis politiques.

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même catégorie de députés européens, soumis cela va sans dire à un statut uniforme13, selon deux procédés distincts14. S’inspirant du scrutin mixte en vigueur en Allemagne, à cette différence près que la représentation propositionnelle guiderait l’ensemble des opérations, tout électeur pourrait voter à la fois pour des listes transnationales et pour des listes ayant un cadre géographique inférieur ou égal aux unités territoriales de niveau régional. Ce mode de désignation présente le triple avantage de participer à l’édification de partis politiques européens15, de resserrer le lien entre l’électeur et l’élu et de fragiliser le « cloisonnement des corps électoraux nationaux »16. Pour ne pas se cantonner à une fonction purement décorative, l’ensemble d’un dispositif soutenant la légitimité démocratique du Parlement européen ne prend sa pleine signification que s’il lui ait confié la plénitude de son pouvoir délibérant. 2) La plénitude du pouvoir délibérant

Le pouvoir délibérant d’une assemblée emprunte trois formes : constitutionnelle ; législative ; budgétaire ou financière. Chacune mérite d’être revue, et en premier lieu celle touchant à la révision des traités, forme équivalente dans l’Union du pouvoir constituant.

La révision des traités présente cette particularité d’intéresser à la fois le fond et la forme de la construction européenne, la forme dominant ici le fond. Toute révision des traités emprunte en définitive la voie classique des négociations intergouvernementales, le texte adopté le cas échéant à l’issue d’une conférence intergouvernementale (CIG) ou chaque Etat membre est représenté, doit être signé par chacun d’eux puis ratifié par tous afin d’entrer en vigueur. L’unanimité ainsi exigée fait de la recherche du compromis, ou de manière plus réaliste celle du plus petit dénominateur commun, une règle d’airain de la construction communautaire, elle ne constitue pas pour autant le gage d’une ratification complète. Dans une Union européenne comptant 27 Etats membres il importe de rompre avec le principe de l’unanimité sous peine de voir l’Union paralysée sombrer sous propre poids.

Le texte établit par la Convention européenne et celui issu de la CIG 2003-200417 marquent un progrès en généralisant la technique de la « clause passerelle » qui n’est rien moins qu’une procédure de révision allégée du traité. Mais son champ d’application demeure circonscrit, aussi faut-il se débarrasser des réflexes étatiques pour davantage associer le Parlement européen à tous les stades de la procédure18.

En amont, l’initiative de toute procédure de révision, qu’elle soit d’origine communautaire ou nationale, devrait recevoir l’assentiment du Conseil européen et du Parlement européen. Ensuite, pour les révisions importantes, la réunion d’une convention doit se tenir sous la forme d’un Congrès

13 Ce statut est enfin en voie d’unification grâce à la décision n°2005/684 du Parlement européen du 28 septembre 2005 portant adoption du statut des députés au Parlement européen, JOUE L n°262 du 7 octobre 2005, p. 1. 14 V. le rapport L’Union européenne en quête d’institutions légitimes et efficaces, op. cit., p. 67. L’idée est reprise par la Commission dans son avis rendu préalablement à la réunion de la CIG 2000, Adapter les institutions, COM (2000) 34 final, 26 janvier 2000, p. 8. 15 Sur la logique de transnationalisation des partis déjà à l’œuvre : Y. Poirmeur et D. Rosenberg, Droit européen des partis politiques, Paris, Ellipses, 2007, p. 99 et s. 16 P. Soldatos, Le débat sur le déficit démocratique de l’Union européenne : paramètres et démystification. L’éclatement structurel-fonctionnel de l’Etat nation à l’origine de nouvelles formes de déficit démocratique, in L’Union européenne de l’an 2000 : défis et perspectives, op. cit., p 149. 17 Respectivement article I-24 et articles IV-444 et IV-445. 18 Le partage du pouvoir de révision est une revendication assez ancienne du Parlement européen, réitéré à l’occasion de la convocation d’une CIG, elle prend sa source dans l’article 84 du projet de traité qu’il a adopté en février 1984. V. F. Capotorti, M. Hilf, F. Jacobs et J.-P. Jacqué, Le Traité d’Union européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles. 1985, pp. 287-288.

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ouvert aux représentants des Etats. En aval, le texte élaboré est soumis pour approbation aux Etats membres et au Parlement européen se prononçant suivant une majorité renforcée19. De manière alternative, à l’instar de plusieurs pays, le Conseil européen aurait le choix entre une ratification parlementaire associant les parlements nationaux (l’approbation des deux tiers ou trois cinquièmes étant exigée) au Parlement européen et populaire avec l’organisation d’un « référendum européen »20. Très proche du modèle de la fédération, ces procédures témoignent de la nécessité de l’« action conjointe d’une pluralité de pouvoirs constituants »21 se répartissant les facultés de statuer et d’empêcher chères à Montesquieu. En tout état de cause, il convient de faire sauter le verrou de l’unanimité interétatique22, mais pour cela il faut passer par lui, ce qui rend l’entreprise aussi vaine qu’hasardeuse. Pour autant il ne faut pas craindre de rappeler que « le principe d’unanimité qui a été retenu, est (...) une exigence supérieure aux règles habituelles du droit international ou du droit constitutionnel »23.

L’exercice du pouvoir législatif offre un visage plus apaisé depuis que le Parlement européen a véritablement accédé au rang de colégislateur grâce au traité d’Amsterdam. Après ce saut qualitatif, toute innovation digne d’intérêt passe par la relation mécanique entre la majorité qualifiée et la procédure de codécision ainsi que l’extension de son domaine d’application, en particulier en direction des actes de nature budgétaire.

Le pouvoir budgétaire du Parlement européen est amputé dans la mesure où il est écarté de la détermination des ressources propres de l’Union. Celles-ci provenant pour l’essentiel des Etats membres, le Conseil doit sans doute se prononcer à une majorité renforcée, cette modalité procédurale se concilie aisément avec l’avis conforme qui s’analyse en une codécision passive. La reprise du dispositif de l’article I-54 du projet arrêté par la Convention paraît souhaitable. L’avis conforme est également un mode d’expression pertinent de l’intervention parlementaire en matière d’accords internationaux. Sans nier les avancées contenues dans le traité–constitutionnel24, un pouvoir étendu doit être reconnu au Parlement européen, singulièrement pour les accords intéressants la politique commerciale commune, il doit être en mesure droit d'approuver le mandat de négociation de la Commission européenne25.

L’ensemble des pouvoirs confiés au Parlement européen et la pente naturelle de la parlementarisation de l’Union conduisent à accorder au Président du Conseil européen un droit de dissolution, la hauteur de sa fonction le destine à être titulaire d’un tel pouvoir26. 19 Lors de la Convention européenne, un dispositif comparable était proposé : « après avis conforme du Parlement européen et la ratification de la majorité des États membres représentant quatre cinquièmes de la population de l’Union ». Secrétariat de la Convention européenne, 7 mars 2003, CONV 325/2/02, Rev. 2. Contrib 111, présentée par E. Brok, La Constitution de l’Union européenne, p. 124. 20 T. Schmitz, Le peuple européen et son rôle lors d’un acte constituant de l’Union européenne. R.D.P., 2003, n°6, pp. 1740-1741. Sur la question : A. Auer et J.-F. Flauss (dir.), Le référendum européen, Actes du colloque international de Strasbourg, 21-22 février 1997, Bruxelles, Bruylant, 1998, 341 p. 21 J. GERKRATH, L'émergence d'un droit constitutionnel pour l’Europe. Etudes européennes, Bruxelles, 1997, p. 260. 22 Pour les traités d’adhésion, le maintien de l’unanimité s’impose comme le suggérait le « Projet Pénélope », p. XIII. 23 H. Oberdoff, La ratification et la révision du traité établissant une Constitution pour l’Europe, Notre Europe, Etudes et recherches n°38, avril 2005, p. 6. 24 Articles III-315 et III-325. 25 Voir en ce sens l’avis de la commission du commerce international, Rapport sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, commission des affaires constitutionnelles, R. Corbett et Í. Méndez de Vigo, PE A6-0070/2004, 9 décembre 2004, p. 64 et 73. 26 Dans sa contribution, R. Badinter préfère confier ce pouvoir au Conseil des ministres, mais puisqu’il est le partenaire régulier du Parlement européen, il convient d’en dépassionner l’exercice en le remettant entre les mains du Président du Conseil européen. « Une Constitution européenne », Conv 317/02, Contrib 105, 30 septembre 2002, p. 41. Celle-ci a fait l’objet d’une publication destinée au grand public : Constitution européenne, Paris, Fayard, 2002, 180 p.

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Si le régime politique de l’Union demeure à de maints égards original, il est extrêmement représentatif. Pour en limiter les excès et imperfections, la construction européenne doit s’appuyer sur la démocratie participative. Le référendum européen atteste de la prise en compte de ce souci, il pourrait être complété par des mécanismes connus de la démocratie directe tels que l’initiative populaire, indicative, et le veto populaire, impératif. La constitution d’un corps politique européen ne peut se limiter aux recettes classiques de nos démocraties représentatives. 3. J.-M. DE WAELE et R. COMAN, Les partis politiques européens, Synthèse n° 134 de la Fondation R. SCHUMAN, juin 2004. Les fédérations européennes de partis apparaissent dans les années 1970 dans la perspective de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct. Elles ont connu une émergence plus lente par rapport à d’autres acteurs qui se forment au niveau européen dès le début de la construction européenne. Les groupes d’intérêt économique, par exemple, s’établissent à Bruxelles immédiatement après la signature des Traités fondateurs, alors que les fédérations de partis naissent 20 ans après. Cette situation s’explique par la nature même de la construction européenne, dont le projet a été avant tout de nature économique, mais aussi par la spécificité de l’architecture institutionnelle de l’Union européenne et l’inadéquation du système partisan traditionnel à la logique communautaire. La faible activité partisane au niveau européen avant 1970 est aussi due à la diversité idéologique et à l’existence de conflits d’intérêts partisans nationaux [1]. Les partis politiques européens ont connu plusieurs périodes dans leur développement: -une première étape se caractérise par la création des groupes parlementaires dans le cadre de l’Assemblée commune de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier ; -la deuxième étape est dominée par le débat sur l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct et la création des premières fédérations de partis (1970-1979) ; -suit une période de stagnation entre 1979-1989 [2] ; -1992 marque le début d’une période de renaissance, avec l’institutionnalisation et la reconnaissance du rôle des partis politiques au niveau européen par le Traité de Maastricht [3]. Cette période se prolonge jusqu’en 2003 avec l’adoption du Règlement sur le statut et le financement des partis politiques européens. -Une nouvelle étape commence à partir du 1er mai 2004 avec l’entrée de dix nouveaux Etats dans l’Union européenne. Dès 1952 dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) les députés s’y regroupaient selon des affinités idéologiques et non pas selon leurs origines nationales. L'article 33 bis du Règlement de l'Assemblée prévoyait la possibilité pour les délégués des Parlements nationaux de se réunir en groupes politiques. Au début l’Assemblée en comptait trois: les démocrates-chrétiens, les socialistes et les libéraux. Progressivement d’autres groupes se constituent correspondant aux grandes familles politiques européennes. A cette époque on anticipait déjà le rôle important que les partis politiques pouvaient jouer dans la construction de l’Europe. Cependant, en dépit de ces prédictions, les activités partisanes au niveau européen ne s’intensifient que dans les années 70 [4]. Le Traité de Rome (1957) avait prévu l’élection de l’Assemblée au suffrage universel direct par les citoyens des Etats membres. Mais cette décision n’est prise qu’en 1976, après l’adoption par le Conseil de l’Acte portant élection des représentants au Parlement européen. L’organisation de la première élection directe du Parlement européen marque le début de la « transnationalisation » des partis politiques. « L’Europe des patries » semblait se transformer dans une « Europe des partis ». Entre 1974-1976, les socialistes, les libéraux et les démocrates-chrétiens des Etats membres de l’époque se constituent en fédérations de partis, suivis par les verts et les régionalistes dans les années 1980 [5]. Il ne s’agit pas de partis politiques européens, à proprement

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parler, mais des partis parlementaires et des fédérations de partis nationaux ayant pour ambition de former un jour de véritables partis à l’échelle de l’Europe [6]. Trois des fédérations européennes qui se constituent dans cette période sont issues de groupes parlementaires existants au sein du Parlement européen (les démocrates-chrétiens, les socialistes et les libéraux). -Le Parti populaire européen (PPE) a été crée le 26 avril 1976, succédant à l’Union européenne chrétienne-démocrate (UEDC) établie en 1965. -Le Parti des socialistes européens (PSE) trouve ses origines dans l’Union des partis socialistes de la Communauté européenne constituée le 5 avril 1974. Suite à la reconnaissance du rôle des partis politiques au niveau européen dans le Traité de Maastricht, l’Union change de dénomination pour former le Parti des socialistes européens. -La Fédération des Partis Libéraux et Démocrates de la Communauté européenne se constitue en mars 1976 et prend également le nom de « parti » en 1993 après l’adoption du Traité sur l’Union européenne. -En 1978 les partis régionalistes créent l’Alliance libre européenne, pour former aujourd’hui le Parti démocratique des peuples d’Europe – Alliance libre européenne (PDPE-ALE), composé de partis de défense de la périphérie. -Toujours dans cette période ont lieu les premières formes de collaboration entre les différents partis verts des Etats européens. En effet, en 1984 apparaît la Coordination européenne des partis verts devenue « fédération » en 1993. Le 21 février 2004, à Rome, se constitue le Parti vert européen. -Une autre fédération de partis qui émerge dans le contexte de la préparation des premières élections du Parlement européen au suffrage universel direct est l’Union démocratique européenne (UDE), formée à Salzburg en avril 1978, qui réunit des partis de droite. Après les élections européennes de 1979, les fédérations de partis entrent dans une phase de stagnation. L’élaboration des manifestes électoraux fait apparaître toute une série de divergences entre les composantes nationales des fédérations nouvellement constituées. Les élections ont été menées par des partis nationaux, avec des candidats nationaux et portant sur des enjeux nationaux. En bref, les fédérations y ont joué un rôle mineur. A part la mission d’élaboration des manifestes électoraux, leurs actions ont été limitées à l’organisation des conférences et à la distribution des documents électoraux. Pour les élections de 1984, les principaux partis européens – le PPE, le PSE et l’ELDR - adoptent avec moins de difficulté les manifestes électoraux et les campagnes au niveau national ne sont plus focalisées sur des questions nationales, mais sur des enjeux européens, notamment l’environnement et le marché unique. La période de renaissance des fédérations européennes commence dans les années 1990. En effet, les leaders des partis politiques européens avaient pris l’habitude de se rencontrer avant les sommets européens afin de coordonner leurs points de vue quant au développement de l’Union [7], ce qui leur a permis de s’accroître la visibilité sur la scène politique européenne. Le Traité de Maastricht, précédée par l’organisation de deux conférences intergouvernementales (CIG), l’une portant sur l’Union économique et monétaire, l’autre sur l’Union politique, institutionnalise les partis politiques européens. L’article 191 énonce : « Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union. Ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union ». Notons également que dans les années 1990 commence la coopération des partis politiques européens avec les formations partisanes des pays de l’Europe centrale et orientale [8]. Si les fédérations européennes ne jouaient pas un grand rôle sur la scène politique de l’Union européenne, étant dominées par les groupes siégeant au sein du Parlement européen, en revanche, elles joueront

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un rôle non négligeable dans les nouvelles démocraties instaurées à l’Est du continent, où les nouveaux partis chercheront à recevoir la reconnaissance « idéologique » des fédérations européennes. Ainsi celles-ci seront une importante source de reconnaissance et de légitimité. Les partis politiques des pays de l’Europe centrale et orientale y ont progressivement acquis le statut de membre de plein droit, passant par le statut de membre observateur ou associé. Cette période de renaissance est complétée par l’adoption en juin 2003 du Règlement sur le statut et le financement des partis politiques européens. Sans leur reconnaître la personnalité juridique, le règlement définit les partis européens et établit une liste minimale de conditions que les formations européennes doivent remplir afin de bénéficier du financement sur le budget communautaire. Si auparavant l’absence de définition constituait une difficulté pour le financement et le déroulement de l’activité des partis européens, actuellement cette question semble être réglée. Ces nouvelles dispositions s’inscrivent dans le même processus de reconnaissance et d’institutionnalisation des partis européens démarré en 1992 au moment de l’adoption du Traité de Maastricht. En dépit de leur développement organisationnel, les partis politiques ne parviennent que difficilement à remplir le rôle qui leur est conféré par le Traité sur l’Union européenne. Leur contribution au développement d’une conscience et à la formation d’une volonté commune reste modeste [9]. Le seul développement organisationnel [10] ne leur a pas permis de se placer au centre de la décision européenne, dominée par les institutions de l’Union et par ses Etats membres, processus dans lequel s’insère aussi une multitude de groupes d’intérêt, d’associations, de partenaires sociaux, d’organisations non gouvernementales, en bref, les différentes composantes de la « société civile organisée ». Bien que le Parlement européen soit la seule institution de l’UE dotée d’une légitimité directe, les liens entre les électeurs européens et les partis européens sont faibles. Pour une longue période de temps, les scientifiques ont avancé l’idée de la faiblesse des pouvoirs du PE. Avec les révisions successives des Traités, ses pouvoirs ont été accrus, sans que le poids plus important en termes de compétences donne un rôle significatif aux partis politiques européens. La difficulté vient aussi de l’absence de compétences dans des domaines auxquels les citoyens européens sont les plus attentifs : la politique sociale, la culture, la fiscalité, l’éducation qui restent de la compétence des Etats membres [11]. Or, les partis politiques européens font difficilement campagne sur des thèmes comme le marché unique et la régulation. En bref, il y a trois freins au développement des partis européens [12]: l’hétérogénéité des conceptions et des intérêts de leurs membres, qui semble s’accroître dans le contexte de l’élargissement vers les partis des pays de l’Europe centrale et orientale, la non personnification de l’offre politique pendant les élections européennes, ainsi que le caractère fonctionnel et la segmentation des compétences de l’Union européenne. Les partis politiques dans leur conception classique semblent s’adapter avec difficulté à la nature institutionnelle de l’Union. Les partis politiques européens ne remplissent pas en totalité les fonctions que leurs homologues assument au niveau national [13] : l’Union européenne n’est pas dotée d’un gouvernement, ce qui signifie que les partis européens ne peuvent pas remplir la fonction de coordination et de contrôle des organes gouvernementaux ; la sélection des élites au niveau européen reste de la compétence des partis nationaux, d’où le rôle quasi-nul des partis européens dans le recrutement du personnel dirigeant pour les postes de gouvernement ; les partis européens élaborent des programmes politiques avant chaque élection, mais ces manifestes électoraux restent assez généraux afin de réunir le consensus de toutes les composantes de la fédération ; les partis européens ne remplissent ni la fonction d’intégration sociétale des individus, les liens entre les électeurs et les partis européens étant faibles ; dans l’Union européenne l’agrégation et la satisfaction des demandes sociales se réalisent plutôt à travers une multitude d’acteurs qui se constituent au niveau national ou européen et s’établissent à Bruxelles pour défendre des intérêts aussi privés que publics.

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Les élections européennes de juin 2004 marquent le début d’une nouvelle période dans l’histoire des partis politiques européens, qui s’inscrit dans le contexte de la réforme en cours de l’Union européenne. Depuis plusieurs années déjà, on ne cesse pas de parler de l’Union européenne et de son déficit démocratique. Pour certains participants à la Convention européenne l’UE ne pourrait pas devenir pleinement démocratique si elle se prive de rôle des partis au niveau européen. L’Union européenne serait incomplète comme système politique sans de véritables partis. 4. T. CHOPIN et C. MUSSO, Un an après les élections européennes : audit de l’influence française au sein du Parlement européen, supplément de la Lettre de la fondation R. SCHUMAN, n°217 du 27 juin 2005. L'un des sujets les plus évoqués lors de la campagne des élections européennes du 13 juin 2004 fut le déficit d'influence de notre pays au sein du Parlement européen [1]. Le bilan de la cinquième législature (1999-2004) n'était en effet guère élogieux: dispersion au sein des groupes politiques; représentation insuffisante dans les commission importantes du Parlement européen, absentéisme et inactivité des eurodéputés français. A l'heure du premier anniversaire de la sixième législature, peu d'articles paraissent sur le sujet et aucune donnée statistique ne permet de se faire une idée précise de l'évolution de l'influence française actuelle au sein du Parlement européen. Pourtant, après le referendum français du 29 mai 2005, la vie politique au niveau des institutions européennes continue et exige que l'on s'intéresse au poids actuel de notre pays au sein d'une institution dont les pouvoirs législatif, budgétaire et de contrôle n'ont cessé de croître au fil des traités. I- La répartition des eurodéputés français au sein des instances du Parlement européen Le Parlement européen combinant les logiques majoritaire et proportionnelle, les groupes politiques y jouent un rôle majeur, plus particulièrement le groupe politique majoritaire depuis 1999, le PPE[2]. La mise à disposition de moyens techniques (collaborateurs, secrétariat, salle de réunion, budget pour publications, traductions, etc.) ainsi que le droit de parole et d'initiative politique sont en effet proportionnels à la taille du groupe. Il en est de même de l'accession aux postes de responsabilités (vice-présidences du Parlement européen et questure de l'Assemblée, présidences et vice-présidences des commissions et délégations, rapporteurs). Les groupes politiques décident ainsi des postes-clés tant au niveau de la présidence du Parlement européen (Vice-président, questeur, etc…) qu'au niveau des commissions parlementaires (présidence, rapport, interventions)… En conséquence, l'influence de la France se mesure à la répartition de ses eurodéputés au sein des divers groupes, à la manière dont ils auront su intégrer les groupes numériquement importants en vue d'obtenir le maximum de postes clés au sein des commissions parlementaires.

A- Les groupes politiques La mandature 1999-2004 comprenait sept groupes politiques outre le rassemblement des non-inscrits, soit huit groupes. La France se singularisait par la dispersion de ces 87 députés parmi ces huit groupes et par le fait que plus d'un député français sur deux était membre de l'un des quatre groupes les moins influents ou siégeait parmi les non inscrits. Cette volatilité ne permettait pas à la France de constituer une masse critique à la différence de l'Allemagne dont les 99 députés se répartissaient entre trois groupes, dont les deux plus importants. [3] Avec la 6ème législature, la France a cédé à l'Italie son triste record relatif à la dispersion de ses eurodéputés dans tous les groupes politiques du Parlement européen. Il convient en effet de relever une nouvelle concentration des eurodéputés français dans les groupes numériquement importants, deux eurodéputés français sur trois appartenant désormais à l'un des groupes les plus influents.

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Représentation allemande, française et britannique au sein des groupes politiques du Parlement européen durant la 6ème législature Groupes politiques

% de ce groupe au sein du Parlement européen

Au sein de la délégation allemande % de députés dans ce groupe

Au sein de la délégation française % de députés dans ce groupe

Au sein de la délégation britannique % de députés dans ce groupe

PPE 36.5 49.49 20.80 36.36 PSE 27.5 23.23 40.25 24.35 ADLE 12 7 14.30 15.35 Verts/ALE 5.75 13 7.80 6.4 GUE 5.6 7 3.90 1.2 GID 4.92 0 3.90 12.82 UEN 3.69 0 0 0 NI 3.96 0 9 3.85 Cette nouvelle concentration dans les groupes les plus influents a permis à la France de maintenir, avec 2 vice-présidents, le niveau de sa représentation au sein du bureau du Parlement européen malgré l'arrivée au sein de celui-ci de représentants des nouveaux Etats membres. Loin de se réduire à des postes symboliques, ces vice-présidences permettent à la France d'exercer une influence sur des questions clés. B- Les commissions parlementaires

1-La répartition des eurodéputés français dans les différentes commissions Durant la mandature précédente, les eurodéputés français étaient fortement attirés par les commissions en charge de secteurs sur lesquels l'impact du travail du Parlement européen était limité (en particulier les commissions principalement chargées du suivi de la coopération intergouvernementale comme par exemple la commission des affaires étrangères, des droits de l'homme, de la sécurité commune et de la politique de défense). En revanche, les six commissions dites « législatives », en particulier les commissions à vocation économique, dans lesquelles le Parlement européen a progressivement acquis un pouvoir de codécision avec le Conseil des ministres, étaient relativement délaissées par les Français. [4] Sous la sixième législature, l'organisation sectorielle des commissions a été revue et leur nombre a été légèrement accru (21 contre 17, le nombre des commissions à vocation législative et économique passant quant à lui de 6 à 8). La représentation française au sein des commissions économiques et législatives est beaucoup plus importante que par le passé allant même jusqu'à concurrencer celle des euro députés britanniques très attachés à être fortement présents au sein de ces commissions.

Représentation allemande française et britannique au sein des huit commissions à vocation

législative et économique dans l'actuelle mandature % de députés

allemands au sein de cette commission

% de députés français au sein de cette commission

% de députés britanniques au sein de cette commission

Transports et tourisme

12.90 11.90 8.9

Affaires économiques et monétaires

17.30 8.70 10.85

Environnement, santé publique et sécurité

12.90 6.45 11.20

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alimentaire Emploi et affaires sociales

9.80 9.80 14.13

Industrie, Recherche, Energie

14.85

13.85 8.90

Affaires juridiques 18.36 10.20 6.10 Marché intérieur et protection des consommateurs

16.90 9.10 15.60

Commerce international

12.50 15.65 12.50

2 - Les présidences

Si les pouvoirs inhérents à la fonction de présidence de commission sont minimes, un président de commission ne pouvant décider en lieu et place des membres de celle-ci, la portée symbolique de ce poste ne saurait être sous-estimée s'agissant de l'influence que peut exercer un Etat membre. Durant la 5ème législature, la France n'eut que 2 présidences sur les 17 commissions parlementaires (contre 3 pour l'Allemagne et 3 pour le Royaume-Uni). Ce maigre bilan quantitatif n'était pas compensé d'un point de vue qualitatif puisque les commissions présidées par des eurodéputés français (Culture et Agriculture) ne figurent pas dans la liste précitée des commissions les plus influentes. Sous la 6ème législature, la France compte 4 présidences de commission - affaires économiques et monétaires; agriculture; pêche; liberté, justice et sécurité - (contre 3 pour l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie et 2 pour le Royaume-Uni) sur les 21 que comprend le nouvel organigramme du Parlement européen. Outre le progrès quantitatif, les commissions présidées par des Français sont plus influentes que par le passé (surtout pour ce qui concerne la commission des affaires économiques et monétaires).

3 - Les coordinateurs Chargés de suivre et d'orienter les décisions dans les commissions parlementaires au nom des groupes qui les ont désignés, les coordinateurs exercent une influence non négligeable sur les travaux du Parlement européen. Le bilan français de cette nouvelle législature montre une progression dans ce domaine en comparaison de la précédente. Aucun Français n'est coordinateur pour le groupe PPE (contre 6 Allemands, 5 Britanniques, 4 Espagnols) contre un demi poste (partagé avec un Néerlandais) sous la précédente mandature. Deux Français seulement sont coordinateurs pour le groupe PSE (contre 6 Allemands, 3 Espagnols, 2 Britanniques), soit le même nombre que sous la précédente mandature. Un progrès notable doit être constaté au sein du groupe ADLE qui comprend 3 coordinateurs français dans les commissions suivantes : développement régional; emploi et affaires sociales; développement. Sous l'ancienne mandature, le groupe des libéraux ne comptait aucun coordinateur français. D'un point de vue institutionnel, l'influence française au sein du Parlement est donc aujourd'hui bien plus importante qu'elle ne l'était à la veille des élections européennes de juin 2004. Les leçons énoncées lors de la campagne (nécessaire concentration dans les groupes politiques majoritaires, meilleure représentation au sein des commissions parlementaires) ont été tirées.

II- L'activité des eurodéputés français : une productivité accrue La précédente législature du Parlement européen mettait en évidence, à quelques exceptions près, une faiblesse relative de l'activité des eurodéputés français. Si, depuis un an, l'absentéisme des députés français, qui cumulent souvent plusieurs mandats, semble être à nouveau la règle, le bilan en terme de "productivité "est plus positif.

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A- Une constante : l'absentéisme aux séances plénières

Le recensement 2005 d'"europarliament.net" permet de constater que le taux de présence en séance plénière de la délégation française atteint 83.17%. Comparé à la moyenne de la mandature précédente, soit 79.22%, force est de constater un progrès même si la France est toujours en dessous de la moyenne européenne, soit 87.36%.[5] En effet, lorsque l'on compare le taux de présence des eurodéputés français avec celui des 24 autres Etats membres, il ressort que la France est au 23ème rang sur 25 loin derrière les délégations chypriote et autrichienne qui affichent respectivement des taux de 97.16 et 95.04%. Au niveau du classement individuel, le constat est également négatif. Si l'eurodéputé le plus assidu est français, plus précisément française (Françoise GROSSETETE avec un taux de présence de 100%), deux eurodéputés français figurent dans le groupe des cinq élus les plus absents. L'absentéisme des eurodéputés français est d'autant plus dommageable que le vote au Parlement européen est strictement personnel, i.e. qu'il n'est pas possible de donner procuration à un autre parlementaire européen. Au-delà de la seule présence, l'activité des eurodéputés doit également être mesurée au regard des critères de productivité.

B- La "productivité" des eurodéputés français: un premier bilan positif 1 - Le nombre d'interventions en séances plénières

Le nombre d'interventions des eurodéputés français durant les six premiers mois de l'année 2003 avait été recensé. Il en était ressorti que l'activité des eurodéputés français avec 239 interventions était moindre que celle des eurodéputés allemands (303) et surtout britanniques (309). La première année de la 6ème législature accentue cette tendance puisque le nombre d'interventions de la part des députés français (547) est largement inférieur à celui des députés britanniques (857) et allemands (881). Il est évident qu'une présence silencieuse a peu d'effets sur l'influence que peut exercer un député européen.

2 - La publication de rapports parlementaires Une étude réalisée en mars 2004 par le MEDEF[6] révélait que de 1999 à fin 2003, les 31 députés néerlandais avaient rédigé 107 rapports, les 99 députés allemands 299, les 87 députés français 119. Le taux d'activité était donc au terme de la 5ème législature de 3,45 rapports pour un député néerlandais, 3,01 rapports pour un député allemand, 2,73 rapports pour un député britannique contre seulement 1,36 pour un député français. Une analyse des travaux parlementaires de la première année de la 6ème législature permet de constater que les 27 députés néerlandais ont rédigé 13 rapports, les 99 députés allemands 32 rapports, les 78 députés britanniques 26 alors que les 78 députés français en ont rédigé 42. Le taux d'activité est donc de 0.48 rapport pour un député néerlandais, 0.3 pour un Allemand, 0.3 pour un Britannique et 0.53 pour un Français. La productivité des députés français a donc considérablement augmenté au point de dépasser celle des députés européens traditionnellement les plus actifs. Ce nouvel activisme des eurodéputés français s'explique largement par le poids nouveau qu'ils représentent dans les groupes politiques influents et par conséquent par leur capacité à se voir confier des missions pour orienter les travaux du Parlement. Conclusion En comparaison du constat qui pouvait être effectué de la faiblesse de la présence française au Parlement européen entre 1999 et 2004, il convient, un an après les élections de juin 2004, de souligner que des progrès sensibles ont été réalisés en matière d'organisation et de structuration politique comme d'implication des eurodéputés français au Parlement européen. Si certaines faiblesses structurelles ont pu être soulignées lors de la campagne de 2004, elles ont été dans une certaine mesure corrigées dès l'entame de cette sixième législature. Des progrès peuvent

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naturellement encore être accomplis, ce qui exige sans doute, et à titre d'exemple, des réformes nécessaires en matière d'interdiction de cumul des mandats. Quoi qu'il en soit, mieux organisés et structurés politiquement au sein du Parlement européen, plus impliqués et plus actifs, les 78 députés européens français ont pris conscience de l'importance du Parlement européen, de ses pouvoirs sans cesse croissants et des décisions qui y sont prises pour les citoyens.

[1] Voir Yves Bertoncini et Thierry Chopin, Le Parlement européen : un défi pour l'influence française, note de la Fondation Robert Schuman, n°21, avril 2004. [2] PPE-DE Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) et des Démocrates européens; PSE Groupe socialiste au Parlement européen ; ALDE Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe; Verts/ALE Groupe des Verts/Alliance libre européenne GUE/NGL; Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique; IND/DEM Groupe Indépendance/Démocratie UEN Groupe Union pour l'Europe des Nations; NI Non-inscrits [3] Représentation allemande, française et britannique au sein des groupes politiques du Parlement européen durant la 5ème législature Groupes politiques % de ce groupe au

sein du Parlement européen

Au sein de la délégation allemande, % de députés dans ce groupe

Au sein de la délégation française ,% de députés dans ce groupe

Au sein de la délégation britannique, % de députés dans ce groupe

PPE-DE 37,28 53.24 24.14 42.53 PSE 28 35.53 20.69 33.33 ELDR 8.48 0 1.15 12.64 GUE/NGL 7.84 7.07 17.24 0 Verts/ALE 7.04 4.04 10.64 6.90 UEN 3.68 0 4.60 0 EDD 2.88 0 10.34 3.45

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Séance 5 : La Commission européenne

1. J.-L. QUERMONNE, La question du gouvernement européen. Notre Europe, Etudes et

recherches, n°20, novembre 2002.

2. Résolution du 23 mars 1999 du Parlement européen sur la démission de la Commission et la

nomination d’une nouvelle Commission.

3. P. SOLDATOS, L’érosion du modèle de gouvernance communautaire et son impact

d’affaiblissement du processus d’intégration européenne : le mouvement de pendule d’une

supranationalité chancelante, In Quelle relance de la construction européenne ?, Bruylant, 2007

4. F. ZAMPINI, La Commission, in La révision du Traité sur l'Union européenne. Perspectives et

réalités, P. MANIN (dir.), Rapport du groupe français d'études pour la Conférence

Intergouvernementale 1996, Pedone, 1996, p . 67 et s.

5. J.-P. JACQUÈ, Le Traité de Lisbonne, une vue cavalière, RTDE, 2008, p. 439 et s.

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1. J.-L. QUERMONNE, La question du gouvernement européen. Notre Europe, Etudes et recherches, n°20, novembre 2002. VII - DU ROLE IRREMPLAÇABLE D’UNE INSTANCE APPELÉE COMMISSION Le génie attribué, parfois de façon hagiographique, à Jean Monnet s’applique en particulier à l’invention d’un ordre institutionnel qui a autorisé pendant cinquante ans la construction européenne à faire l’économie d’un gouvernement. En promouvant l’établissement d’un organe indépendant des gouvernements nationaux qui permette, sans se substituer à eux, de réaliser une cohérence de l’action communautaire au long du processus de décision, l’"inspirateur" a introduit dans le système européen, une innovation qui lui a conféré l’efficacité. Certes, la contrepartie de l’indépendance reconnue à la Commission, qui a été longtemps sa force et qui est apparue depuis comme son principal handicap, a été son apparent apolitisme. Et celui-ci a souvent servi d’argument pour dénoncer le déficit démocratique des institutions communautaires. Mais en agrégeant, dans un souci de cohésion, la pluralité des intérêts nationaux afin de dégager un intérêt général européen, la Commission dite de Bruxelles a donné au processus de décision une plus-value que la négociation intergouvernementale à elle seule aurait été incapable d’apporter. D’ailleurs, il ne faut rien exagérer, l’apolitisme de la Commission a toujours été relatif. Car sa composition a mêlé, dès l’origine, des hommes politiques expérimentés (tel son premier président Walter Hallstein) à des personnalités choisies en raison de leur compétence, pour ne pas dire des "technocrates"27. Et la référence imputée au Général de Gaulle, à un "aréopage apatride" n’a pas empêché la France de conclure souvent avec la Commission une alliance objective qui a servi ses intérêts, notamment en matière agricole, quand ils coïncidaient avec ceux de la Communauté. Bref, par rapport à l’expérience du MERCOSUR et d’autres organisations régionales privées d’instance équivalente, l’on peut mesurer l’apport de la Commission à l’oeuvre réalisée en Europe. Et sans aller chercher plus loin, il n’est que d’observer les faibles résultats obtenus depuis Maastricht dans les domaines régis par la pratique intergouvernementale dans les domaines de la justice et de la sécurité intérieure, ou de la politique étrangère et de sécurité commune, pour évaluer le rôle irremplaçable exercé la Commission européenne –comme en témoignent les succès remportés grâce à elle par la Communauté en matière de politique commerciale commune28. Certes, une telle performance n’aurait pu être accomplie sans le soutien d’une autre innovation, due en grande partie au professeur Paul Reuter29, à savoir le recours à l’Etat de droit, comme ressource essentielle de la Communauté. Celle-ci n’ayant jamais disposé d’un budget important, le droit en a pallié l’insuffisance. Et les trois règles dégagées par la Cour de Justice : l’applicabilité directe du droit communautaire, sa primauté sur le droit national et son interprétation uniforme par la Cour, ont conféré aux normes établies par le processus de décision un impact que n’auraient jamais eu des conventions internationales30. Il n’est que d’observer l’effet limité des accords signés dans le cadre du Conseil de l’Europe, parfois restés non ratifiés, pour en être convaincu. Or, à travers le recours en manquement, le droit est un instrument de pouvoir au service du collège des Commissaires.

27 Jean Joana et Andy Smith, Les commissaires européens, technocrates, diplomates ou politiques ? Paris, Presses de Sciences-Po, 2002, ainsi que le numéro spécial de la Revue française de science politique (Vol. 46, 3 juin 1996) consacré à l'étude de la Commission européenne, sous la direction de Christian Lequesne. 28 Cf. Pascal Lamy, "La politique commerciale commune, un exemple à parfaire", discours prononcé le 15 octobre 2002 devant le groupe de travail "politique extérieure" de la Convention. 29 . Sur les origines de la construction européenne, notons parmi les nombreux travaux qu’il conviendrait de citer, l’ouvrage de Pierre Gerbet, La Construction de l’Europe, Paris, Imprimerie Nationale, 3è éd., 1999. 30 Renaud Dehousse, "Un nouveau constitutionalisme ?" in Une Constitution pour l’Europe, Paris, Presses de Sciences-Po, 2002, p.19 et s.

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Demeure le handicap tenant à l’apolitisme de la Commission. En fait, le mot n’a jamais été rigoureux car, comme on l’a rappelé, l’instance supranationale a toujours inclus dans sa composition des hommes (et des femmes) politiques. Ils sont aujourd'hui majoritaires, et les deux derniers présidents ont précédemment occupé le rôle de Premier ministre dans leur pays respectif. Ce qui, en revanche, est exact, c’est que la Commission n’a jamais reflété une majorité partisane, qu’il s’agisse de la majorité du moment au Conseil européen, ou de celle résultant de la dernière élection au Parlement. C’est pourquoi, contrairement à l’idée qu’on lui prête parfois, Jacques Delors n’a jamais préconisé l’élection directe du président de la Commission par le Parlement ; il a seulement suggéré, à travers les travaux du Conseil d’orientation de Notre Europe, que l’élection du Parlement soit l’occasion pour les formations politiques de proposer la candidature d’un leader à la présidence de la Commission. Ce qui préserverait le maintien au sein de cette instance d’un minimum de pluralisme provenant de la combinaison de sensibilités différentes émanant du centre-gauche et du centre-droit, qui lui permet d'être un catalyseur de confiance. Si la Commission européenne, à l'avenir, doit se politiser davantage et mieux répondre à l’exigence démocratique, rien ne devrait s’opposer à la conciliation de cette nécessité avec la garantie de son indépendance. C’est pourquoi, il importe qu’elle conserve une réelle autonomie, tant par rapport au Parlement que par rapport au Conseil européen, devant lesquels peut et doit pouvoir être engagée sa responsabilité politique. Mais il serait contreproductif d’aboutir, à l’occasion d’une réforme des institutions, à ce que la Commission européenne, placée sous la tutelle d’un président du Conseil européen permanent ou rendue tributaire du "gouvernement d’assemblée", perde la marge de manoeuvre, par rapport à des instances tributaires de la conjoncture politique, qui garantit la cohésion et la continuité de l’Union. Ce qui permet, en outre, la prise en compte par l’Union des intérêts des "petits" Etats membres au même titre que ceux des "grands" et rassure les premiers, en faisant de la Commission pour tous ses partenaires un "catalyseur de confiance". A moins d’instituer un Etat fédéral européen ou de revenir en arrière en direction d’une Confédération d’Etats souverains, la place et le rôle de la Commission ou d’un organe analogue dans le "triangle institutionnel" demeure donc irremplaçable. Il est paradoxal que, du fait des circonstances, son rôle ait diminué depuis 1992 au rythme des nouveaux élargissements de l’Union. Au contraire, si l’on veut que l’Union européenne élargie soit gouvernée sans devenir un super-Etat, son poids dans le processus de décision devra croître, à mesure que le nombre des Etats dépassera la vingtaine pour approcher la trentaine. Sans quoi, l’Europe, partagée entre des intérêts divergents, sera sans cesse menacée de dilution. 2. Résolution du 23 mars 1999 du Parlement européen sur la démission de la Commission et la nomination d’une nouvelle Commission. Le Parlement européen, - vu le premier rapport du Comité d'experts indépendants sur les allégations de fraude, de mauvaise gestion et de népotisme à la Commission, - vu la décision du Président de la Commission et des membres de celle-ci de remettre leur démission, A. considérant qu'il a mis l'accent en permanence, en ce compris dans sa résolution du 14 janvier 1999 sur l'amélioration de la gestion financière de la Commission (1), sur la nécessité de lutter contre la fraude et d'assurer une gestion meilleure et plus responsable du budget de l'Union européenne, et rappelant les conclusions de la Cour des comptes et de la commission du contrôle budgétaire, B. considérant que la Commission a soustrait des documents importants à l'examen du Parlement (article 206 TCE (futur article 276 TCE)), C. considérant qu'à la suite de la publication du rapport, qui dénonçait un manque de responsabilité généralisé, la Commission a démissionné conformément à l'engagement qu'avait pris précédemment le Président Santer,

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D. convaincu qu'une Union européenne forte passe nécessairement par l'existence d'une Commission forte, capable d'agir avec efficacité et dans la transparence; 1. prend acte du premier rapport élaboré par le Comité d'experts indépendants et exprime son appréciation quant au contenu et à l'argumentation; prend acte des conclusions et de la critique concernant l'absence de sens de responsabilité et la perte de contrôle sur l'administration et la gestion, dont ont fait preuve individuellement les membres de la Commission et la Commission en tant que collège; note que le comité n'a pas rencontré de cas dans lesquels un commissaire était directement et personnellement impliqué dans des activités frauduleuses; 2. respecte la décision des membres de la Commission de démissionner, décision qu'il juge à la fois nécessaire et proportionnée à la nature et à l'ampleur des critiques contenues dans les conclusions du rapport du Comité d'experts indépendants et où il voit un acte reconnaissant la nécessité de la responsabilité politique et du contrôle démocratique; 3. invite la Commission, à la lumière du rapport et de ses conclusions, à réexaminer le cas de M. Paul van Buitenen; 4. attend le second rapport du Comité d'experts indépendants, contenant un examen plus approfondi de la culture, des pratiques et des procédures de la Commission et comportant en particulier des recommandations concrètes pour renforcer ces procédures et entreprendre toute autre réforme appropriée, à soumettre à l'examen de la Commission et du Parlement; ce rapport devrait examiner notamment les procédures existantes pour l'attribution de contrats financiers et de contrats pour l'engagement de personnel intérimaire ou temporaire dans le cadre de la mise en œuvre de programmes, les procédures de suivi des allégations de fraude, de mauvaise gestion et de népotisme (détection et traitement) et le traitement par la Commission des cas de fraude, de mauvaise gestion et de népotisme impliquant le personnel; insiste pour que ce rapport soit achevé d'ici le début de septembre 1999; 5. estime que cette crise institutionnelle offre l'occasion de consolider la dimension politique et démocratique de l'Union européenne par le renforcement de la responsabilité de la Commission devant le Parlement et par la chance ainsi offerte de refondre une nouvelle Commission, forte, politiquement responsable et efficace; 6. note que le principe de collégialité conserve son importance, mais estime qu'il ne devrait pas exonérer des membres individuels de la Commission des conséquences, non seulement de toute malversation personnelle, mais également de toute impéritie ou négligence dans la gestion de leur propre domaine de responsabilité et estime de surcroît que le rapport du Comité d'experts indépendants plaide vigoureusement en faveur d'une responsabilité exécutive individuelle en tant que fondement d'une Commission plus forte, indépendante et politique, régie par le principe de responsabilité démocratique; 7. demande instamment au Conseil que soit arrêtée dans les plus brefs délais une procédure permettant de demander compte à un membre de la Commission; 8. note qu'en recommandant la décharge budgétaire pour 1996 le Conseil n'a pas assumé ses responsabilités en tant qu'une des deux branches de l'autorité budgétaire; 9. regrette que le jour même de la publication du rapport et des conclusions du Comité d'experts indépendants le Conseil ait recommandé la décharge budgétaire pour 1997, se dérobant à nouveau à ses responsabilités politiques; 10 . demande au Conseil européen, lors de sa réunion extraordinaire de Berlin, de présenter, en collaboration avec le Parlement, un calendrier précis et raisonnable concernant la nomination de la

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nouvelle Commission et demande aux gouvernements des États membres de présenter d'urgence leur candidat au poste de Président de la Commission et, par la suite, aux postes de membres de la Commission; rappelle que cette Commission, conformément au traité, sera nommée pour la durée du mandat restant à courir, c'est-à-dire jusqu'à la fin de l'année, et insiste pour que les procédures arrêtées dans le traité d'Amsterdam s'appliquent pour l'approbation à la fois de cette Commission et de celle qui prendra ses fonctions au 1er janvier 2000; 11. demande instamment d'augmenter de façon notable le nombre des nouvelles femmes qui seront membres du nouveau collège des commissaires; 12. demande instamment à la Commission de lancer un programme approfondi et ambitieux de réforme radicale de ses procédures de gestion et de contrôle financiers, et de sa culture de gestion dans son ensemble, afin d'instaurer des normes appropriées et de meilleure qualité pour la conduite des affaires européennes, sur la base du principe de transparence; 13. déclare que la démission de la Commission ne saurait servir au Conseil européen de prétexte ou de motif pour ajourner une décision définitive et globale sur l'Agenda 2000 lors de sa réunion extraordinaire de Berlin; 14. invite les États membres à déposer le plus vite possible leurs instruments de ratification du traité d'Amsterdam; 15. invite les gouvernements des États membres à prendre des mesures résolues afin de veiller à doter également le Parlement européen des instruments requis pour améliorer sa crédibilité et sa responsabilité à l'égard de l'opinion publique, en convenant d'un accord sur la proposition du Parlement concernant un statut des députés européens avant les prochaines élections européennes; 16. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, au Conseil européen, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres.

3. P. SOLDATOS, L’érosion du modèle de gouvernance communautaire et son impact

d’affaiblissement du processus d’intégration européenne : le mouvement de pendule d’une

supranationalité chancelante, In Quelle relance de la construction européenne ?, Bruylant, 2007 2° Le débat sur la« représentativité» de la Commission européenne et sa «taille», sur fond de politisation de l’instance, illustration de tentatives d’érosion de sa supranationalité: des arrangements cacophoniques d’arrière- pensées a.- Les commissaires, simples ressortissants plutôt que représentants des États membres Les traités constitutifs ont toujours cherché, dans la composition de la Commission, une représentativité d’intérêt communautaire, supranational(voir ,supra, A, 1°), en exigeant, notamment, une simple relation de nationalité( ressortissants des États membres) plutôt qu’un lien de représentation étatique : on y trouve une volonté de relais, au sein du collège, des réalités nationales, eu égard, notamment, à l’exercice du rôle d’articulation- agrégation des intérêts nationaux, confié à cette instance supranationale, surtout lors de ses initiatives législatives.

Cela dit, la stipulation afférente, selon laquelle « seuls les nationaux des États membres peuvent être membres de la Commission», avait, inévitablement, introduit, par cet ingrédient d’appartenance nationale, un certain risque de «nationalisation» de l’instance et de représentativité étatique de facto.

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Malgré cette orientation supranationale du constituant, nous assistons, par la suite -- et l’offensive «gaullienne» contre les «apatrides» de la Commission Hallstein y est pour beaucoup—à un processus constant de politisation-«nationalisation» de la Commission: dans la foulée, surtout, de la crise de 1965, les gouvernements des États membres, considérant à la fois l’importance des fonctions-pouvoirs de la Commission et son autonomie trinaire (voir, supra, A, 1°), ont tenu, à un rythme variable mais croissant, à procéder à l’exercice d’un de facto privilège de nominations politiques au niveau de la Commission, en y désignant, souvent, aux fonctions de commissaire, des hommes politiques (anciens membres ou membres des gouvernements et des Parlements nationaux, parfois même quittant leurs fonctions nationales pour Bruxelles), avec, en outre, des chefs et des membres de cabinets, également, politisés et sensibles aux intérêts nationaux( l’introduction, surtout depuis la présidence Prodi, d’une pratique de cabinets multinationaux a voulu réduire cette politisation aux accents de «nationalisation»). Certes, on avait, dès ce départ, fait valoir, en guise d’explication-justification de ce virage, le besoin d’une Commission faisant montre de sensibilité politique et mettant ainsi son action à l’abri d’un irréalisme supranational, susceptible d’antagoniser les gouvernements nationaux; mais, ce faisant, on savait, pertinemment, que l’on contribuait, inévitablement, à l’établissement- renforcement d’un régime informel de représentation nationale et d’un processus de politisation accrue de la Commission.

Répétons aussi qu’à ce premier processus de « mauvaise politisation», sous-tendu par un impératif d’acceptabilité de l’instance par les États membres— bien que, généralement, expliqué davantage par le recherche d’une Commission réaliste et respectueuse des réalités- préoccupations nationales que par la vraie et délibérée volonté de politisation- contrôle—, a succédé—l’avons-nous vu -- celui de la « bonne politisation», dans la quête d’une réduction du déficit démocratique de cette institution, par l’introduction, notamment, lors du traité de Maastricht, de l’approbation préalable de la Commission par le Parlement européen.

C’est, d’ailleurs, dans cette foulée de réduction du déficit démocratique et de plus grande parlementarisation du système communautaire que des propositions de désignation du président de la Commission sur la base de candidatures appuyées par les diverses formations politiques européennes lors de l’élection du PE(par exemple, choix du candidat de la formation politique européenne qui arriverait en tête aux élections européennes) ou, encore, de son élection par une majorité des membres du Parlement européen, « en tenant compte des élections au PE»(la dernière formule a été retenue par le traité établissant une Constitution pour l’Europe) ont pu être formulées. Elles représentent ainsi de nouvelles formules de «bonne politisation» qui s’inscrivent dans la logique d’une parlementarisation- fédéralisation du système et se concilient avec la préservation de la supranationalité de la Commission, vu l’idée d’un recours à l’intervention de l’organe supranational qu’est le Parlement européen, avec ses formations politiques.

b.- La relation entre la politisation -représentativité de la Commission et le débat sur sa «taille»

La formule de réduction du nombre total de commissaires( un national par État membre), envisagée dans le Protocole accompagnant le traité d’Amsterdam sur les institutions dans la perspective de l’élargissement de l’Union européenne(article 1er) , (réduction, toutefois , conditionnelle, car liée à une modification préalable de la pondération des voix au Conseil) et, finalement, inscrite dans un Protocole rattaché le traité de Nice(article 4), avec aussi, l’engagement ultérieur, en cas d’élargissement à 27 membres, d’avoir une Commission avec moins de commissaires que d’États, visait, principalement, la préservation -consolidation- renforcement de cette instance: dans ce second cas de figure, en acceptant que la Commission à Vingt-Sept (et plus) États ne puisse pas comprendre un national par État, on s'aligne sur une vision renforcée de la supranationalité de cet organe, qui deviendrait, de la sorte, et en tant que collège, un organe encore plus autonome, sous-

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tendu par la rationalité néo-fonctionnaliste de creuset de compétences et de gardien de l’intérêt collectif, communautaire, plutôt que par une logique d’enceinte de tous les représentants nationaux.

Dans cette optique, le débat, qui s’est déroulé au sein et en dehors de la Convention sur l’avenir de l’Europe , sur la question de la représentativité et, dès lors, de la capacité de décision que poserait une Commission à 27 et plus membres, avec un commissaire par État membre, et où les petits pays seraient fortement majoritaires, reflète la fausse, mais, ô combien, ancrée, perception de gouvernements d’États membres qui voient et veulent voir le commissaire non pas comme un simple ressortissant ( un apatride) mais plutôt comme un représentant national.

D’où les diverses propositions cacophoniques émises alors : certains préconisaient, dans un système d’un commissaire par État membre, l’établissement de règles de vote « pondéré» ou de doubles majorités, protégeant les six grands États membres (Allemagne, Espagne, France, Italie, Pologne et Royaume-Uni); d’autres acceptaient, à 27 et plus membres, dans l’optique de la règle de Nice, « moins de commissaires que d’États», au sein, toutefois, d’une Commission stratifiée-hiérarchisée, avec, entre autres, un nombre restreint de membres à part entière et quelques commissaires délégués( dans cette optique, une première version du traité constitutionnel prévoyait des commissaires, membres à part entière du collège, et des commissaires sans droit de vote).

4. F. ZAMPINI, La Commission, in La révision du Traité sur l'Union européenne. Perspectives et réalités, P. MANIN (dir.), Rapport du groupe français d'études pour la Conférence Intergouvernementale 1996, Pedone, 1996, p . 67 et s. A l'évidence, les mesures de réforme que devra subir la Commission ne s'envisagent-elles et ne s'évaluent-elles qu'à l'aune des modifications qui doivent éventuellement toucher le Conseil de l'Union voire le Conseil européen. Du sort de l'organe aujourd'hui détenteur du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif dépendront la configuration et les pouvoirs nouveaux de Commission, sa place dans le système institutionnel, sa nature. La Commission est aujourd'hui, lorsqu'on veut en saisir, de manière didactique, la physionomie et le rôle, comparée à un organe de type gouvernemental. On ne raisonne bien qu'avec des notions connues... Reste que l'on s'empresse, le parallèle établi, de rappeler que la Commission qui est certes, investie (par les États membres et le Parlement européen) et responsable (sans être toujours coupable) devant le Parlement européen ne présente pas tous les attributs du gouvernement classique en régime parlementaire, et pas seulement parce qu'elle n'est pas la résultante d'une majorité politique parlementaire. Le schéma institutionnel dans lequel elle s'insère est évidemment sui generis. Sans doute le restera-t-il même après les retouches suggérées. Si l'analyse se déploie entre deux extrêmes théoriques - le modèle de fonctionnement simplement intergouvernemental (dans lequel la Commission est envisagée comme simple exécutant de politiques dessinées au sein du Conseil (qui reste un organe hybride, organiquement exécutif, fonctionnellement législateur) et le modèle supranational fédéral - le réalisme laisse penser qu'on y parviendra, pour l'heure, qu'à concilier, avec des inflexions nouvelles, les deux tendances contradictoires mais récurrentes. La Commission ne peut prendre une autonomie plus grande qu'au prix nécessaire d'une responsabilité politique effective. L'option consistant à renforcer la Commission représente, même dans le seul cadre du premier pilier, un pas téméraire. Mais, elle peut permettre de faire taire les critiques (parfois abusives, parfois fondées) de technocratie. Rationalisation et responsabilisation pourraient aller de pair. Tout à la fois émancipée et effectivement contrôlée, la Commission qui dispose, incontestablement, face au Conseil, de la supériorité due à la permanence, pourrait gagner en légitimité. Son rôle serait celui d'un organe

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gouvernemental chargé de définir et de réaliser l'intérêt général communautaire, intérêt commun qu'elle s'est en principe attachée à promouvoir et assurer jusqu'ici. Efficacité du fonctionnement interne de la Commission, transparence dans la prise de décision, cohérence dans les décisions doivent se conjuguer avec subsidiarité et démocratie. Évidemment, l'équilibre doit aussi être trouvé dans les relations institutionnelles conçues sur un plan horizontal comme sur le plan vertical (autorités étatiques (État-autorités infra étatiques) instances communautaires). Réfléchir sur la composition de la Commission, c'est d'abord s'interroger sur le nombre de commissaires souhaitable. Cette première question est déterminante et la solution qui sera retenue reposera nécessairement sur l'a priori du principe d'indépendance des commissaires vis-à-vis des États (I). C'est ensuite étudier le fonctionnement de l'organe (d'un point de vue extérieur, un audit in situ serait sans doute nécessaire), c'est-à-dire la pratique de la collégialité et la question d'une présidentialisation renforcée (II). Quelques brèves observations sur les compétences de la Commission à repréciser concluront l'étude (III). I. -LE NOMBRE DES COMMISSAIRES : UN PROBLÈME A IMPLICATIONS MUL TIPLES Le problème du nombre de commissaires est un thème récurrent dans les analyses de ceux qui se sont penchés sur l'avenir du système communautaire. Dans la perspective d'adhésions nouvelles, on met en lumière le fait que le maintien du système de composition actuel (un commissaire au moins par État membre et deux commissaires pour les plus grands États) conduira à un étoffement quantitatif de la Commission peu supportable (cf. déjà le rapport SPIERENBURG, 1979). La proposition du Luxembourg consistant à ramener l'effectif à 12 commissaires n'a pas été acceptée. La Déclaration n° 15 de l'Acte final faisant suite au traité sur l'Union européenne rappelle la nécessité d'une réforme rapide. Selon l'article 157-1 CE, le nombre de membres de la Commission peut être modifié par le Conseil statuant à l'unanimité... Ce système, qui permet la participation d'un national de chaque État et favoriserait, dit-on, le « sentiment d'appartenance » des citoyens, présentera alors des inconvénients en terme d'efficacité de la structure « Commission ". Outre le fait que la cohérence des décisions des divers commissaires pourrait être affectée, l'attribution des portefeuilles « stratégiques" serait sans doute encore plus difficile, l'opération n'étant pas dénuée de toute connotation politique. Il conviendrait en d'autres termes de déterminer le nombre adéquat de commissaires, ce qui revient nécessairement à reconsidérer les paramètres de composition actuels (cf. l'article 157-1, dernier alinéa). Cette question du resserrement proportionnel du collège revient en pratique à répondre à une alternative: soit envisager la" dénationalisation" du mandat de commissaire, soit faire l'aveu d'une « nationalisation » réelle ou nécessaire (et donc éventuellement à confirmer). A ce stade, ne convient-il pas de rappeler que l'on a toujours insisté sur le caractère supranational de la Commission et sur le fait que les commissaires sont, quoi qu'il en soit, par principe (cf. l'article 157 CE), indépendants des États dont ils sont ressortissants. Dès lors, pourquoi un État devrait-il nécessairement voir un de ses ressortissants désigné comme commissaire ? Cette question relative au nombre et aux modalités de sélection des membres de la Commission reste d'ailleurs pertinente, quelle que soit l'option choisie (inflexion dans le sens plus gouvernemental ou simple réaménagement). Les options visant à opérer une réduction du collège sont plus ou moins drastiques et... plus ou moins politiquement acceptables. A - L'option « ultra ») communautaire Sans préjuger du nombre de membres nécessaire, mais évidemment réalisable dans l'optique du resserrement du collège, cette option novatrice (plus conforme à un système sui generis) voudrait que l'on se départisse des considérations relatives à la représentation des sensibilités étatiques au sein d'un organe dont on affirme théoriquement l'autonomie à l'égard des intérêts strictement nationaux.

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A plus ou moins long terme, pourquoi en effet ne pas imaginer qu'il pourrait y avoir plusieurs commissaires d'une même nationalité et aucun d'une autre ? Les commissaires ne devraient-ils pas être désignés en fonction de leurs connaissances techniques ou clairement de leur sensibilité politique ? Ceci ne permettrait-il pas de transcender les clivages nationaux pour favoriser e soutien de l'organe (ou des organes) devant lesquels ils sont responsables :n estompant les critiques parfois entendues de parti pris de certains commisaires ? Très favorable à la diminution du collège, le rapport CATALA-AMELINE 8 février 1995, Assemblée nationale) envisage une équipe de 10 commissaires. Cette proposition semble néanmoins difficile à mettre en oeuvre dans 'immédiat, même si l'on peut citer la Commission Euratom comme précédent. Certains États perdraient forcément leur(s) commissaire(s) et l'on ne sait pas quels États devraient forcément être représentés. De plus, on peut penser Lue les commissaires gagneraient individuellement en pouvoir (auraient un laids plus grand) et donc la bataille pour les nominations pourrait être encore plus rude. On peut se demander d'ailleurs ce qui motive ce nombre: des considérations juridiques, techniques... ? En fait, la solution du collège ramené à O serait progressive, favorable au caractère nettement supranational de la Commission... La réduction du nombre des commissaires ne va-t-elle pas de pair avec une « rupture du cordon ombilical » plus évidente entre les commissaires et leur État d'origine ? Reste que l'on a pu émettre des propositions prenant en compte l'importance démographique et les affinités géographiques des États: chacun des grands États pourrait avoir un commissaire et un commissaire « représenterait " plusieurs « petits " États. Certes, mais lesquels ? n n'est pas certain que les États concernés trouvent l'option judicieuse. La Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas seraient-ils concernés ? Si l'option revient à susciter de fait l'émergence de regroupements en fonction d'intérêts catégoriels, on peut se demander si les États scandinaves, par exemple, ont nécessairement toujours les mêmes intérêts. Comment, de plus, serait choisi ce" représentant » et n'y aurait-il pas là, de fait, création d'un échelon (i.e. d'une sous-structure) entre les États en question et le système communautaire ? L'" attache » entre ce commissaire et les États concernés ne serait-elle pas encore plus évidente ? Ne constituerait-on pas de véritables fiefs rivaux qui laisseraient supposer que l'indépendance des commissaires est une vaine réalité ? B. La solution « égalitaire » La solution consistant à poser le principe d'un commissaire par État est, semble-t-il, la plus fréquemment avancée (cf. le rapport BOURLANGES du 23 mai 1995, la résolution du Parlement européen du 17 mai 1995 (« au moins un... ») ou encore le rapport GUÉNA (Sénat, 15 février 1995). Le rapport MARIN (Parlement européen, 17 mai 1995) rappelle à cet égard que, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères tenue à Noordwijk qui a préparé le Sommet de Maastricht, un accord provisoire était intervenu aux termes duquel le nombre des membres de la Commission devait être limité à un commissaire par État (ce qui ne requiert pas de modification du traité). Se rallier à une composition qui renonce à un deuxième commissaire pour les" grands " États présente des avantages (d'ordre technique) et des inconvénients (d'ordre politique), puisqu'elle aboutit à réduire la place des " grands » États au sein de la Commission. L'égalité pourrait signifier inégalité : le système serait cette fois-ci déséquilibré au profit des « petits » États. Mais c'est là, encore une fois, penser que les commissaires pourraient ne pas faire prévaloir l'intérêt commun communautaire... La solution paraît cependant être une proposition de compromis raisonnable et acceptable en attendant l'option plus novatrice (surtout et à condition que la pondération des voix au sein du Conseil soit préservée, précise-t-on parfois !). Quoi qu'il en soit, cette solution, en établissant l'égalité juridique entre les États membres, permet de neutraliser une partie du problème. c. Le « statu quo » ? L'option médiane (et repoussant pour plus tard un choix inévitable) peut faire admettre de proroger le système actuel, avec ou sans nuances: instance de type gouvernemental, la Commission comprendrait un nombre de commissaires supérieur à 20 et dépassant les 30. Les gouvernements

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comptent souvent une quarantaine de membres... La solution n'est pas irrationnelle. Cela étant, on perpétuerait l'idée que les « grands" ou les « plus" grands États doivent être davantage" représentés" que les plus « petits ". Toutefois, si l'on a pu prôner une « prime à l'ancienneté » s'agissant des pondérations des voix au sein du Conseil, pourquoi ne pas en faire autant pour la Commission et donner un privilège pour les États" fondateurs » ? On pourrait ainsi opérer une distinction « objective" entre les États membres entrés dans la Communauté avant et après une date donnée (par exemple 1995), les nouveaux arrivants ne pouvant espérer au mieux qu'un seul commissaire pour les" représenter » (un commissaire pourrait « représenter » plusieurs d'entre eux). Il. -RESTRUCTURATION ET PRÉSIDENTIALISATION Cette question du fonctionnement et de la structure même de la Commission est intimement liée à celle de l'effectif, surtout si l'on n'endigue pas l'accroissement du nombre de commissaires. L'organisation des diverses directions générales (DG) peut s'accompagner d'une hiérarchisation des membres de la Commission dans le sens de la présidentialisation. De même que le fait d'attribuer diverses directions générales couvrant des domaines d'action « hétéroclites" à un seul commissaire n'est sans doute pas des plus efficaces, l'adjonction de nouvelles DG, corollaire à l'entrée de nouveaux États, nuirait à la cohérence. Le système " un État, un commissaire ", qui permet d'éviter une composition pléthorique, n'éviterait pas que plusieurs commissaires se partagent certains domaines d'action. Certes, ce risque ne paraît pas insurmontable, certaines procédures permettant de traiter ensemble des questions connexes. A. Restructuration Avec la refonte des divisions existantes (DG, directions, unités au sens de l'article 17 du chapitre 2 du règlement intérieur de la Commission du 17 février 1993), on peut concevoir une" hiérarchisation » des commissaires. Les gouvernements connaissant en effet différentes catégories de ministres (pour l'approche française, outre le Premier ministre, les ministres d'États, les ministres « ordinaires », les mini5tres délégués (auprès du Premier ministre souvent chargés de secteurs nécessitant une gestion transversale, auprès d'autres ministres), des secrétaires d'État (qui n'assistent pas au Conseil des ministres), il n'est pas irréaliste de préconiser une solution similaire. On pourrait ainsi concilier un nombre important de commissaires (i.e. une présence de toutes les nationalités) et le maintien de DG substantielles, même si la répartition actuelle des matières peut être revue. L'existence de commissaires adjoints ou sans portefeuille est envisageable. Cette idée, bien qu'abandonnée, a d'ailleurs, semble-t-il, été émise à Noordwijk. Des commissaires délégués pourraient être rattachés au Président ou à des commissaires principaux. Dans ces conditions, la Commission ne se réunirait pas forcément toujours en formation plénière avec ou sans participation « extérieure » à la Commission. On sait qu'à cet égard certaines propositions suggèrent la possibilité de réunions de la Commission sous l'égide de la Présidence de l'Union (à l'instar du Conseil des ministres français présidé par le Président de la République). Des formations restreintes et des réunions" interministérielles" seraient possibles. Des structures de coordination et les moyens d'information et de suivi entre les DG devraient sans doute être développés et assurer une plus grande transparence. Ne pourrait-on pas aussi désigner un commissaire chargé des relations avec les Parlements nationaux ou/et le Parlement européen ? L'établissement d'organismes spécifiques - agences sur le modèle américain ou des autorités administratives indépendantes françaises - est évoqué parfois comme une solution satisfaisante pour remédier à une confusion-concentration des fonctions au sein d'une direction générale. Mais ceci est aussi critiqué car cela contribue à démembrer la Commission. La prolifération de ces organismes est dénoncée par exemple par le rapport BOURLANGES (évoquant le rapport de Mme NEYTS UYTT'ERBROECK). La proposition semble pourtant pertinente dans certaines hypothèses (cf. infra).

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n faut aussi se demander quel contenu donner au concept de collégialité au quotidien. En effet, sous l'empire du règlement intérieur de la Commission du 9 janvier 1963, maintenu en vigueur par décision du 6 juillet 1967, les problèmes d'authentification des actes (signature requise du président et du secrétaire exécutif de la Commission) et d'habilitation des commissaires n'ont pas été rares. La jurisprudence (cf. l'arrêt du 23.9.1986 Akzo) s'est enrichie d'arrêts concluant à l'annulation des actes attaqués (cf. TPI 23.4.1995, T.435/ 93, ASPEC-Sorbitol et TPI 29 juin 1995, T.31/91, Solvay; T.37/91, Imperial Chemical Industries)... Le recours à la procédure d'habilitation pour les mesures de gestion ou d'administration est compatible avec le principe de collégialité. Le règlement intérieur de la Commission dans sa version du 17 février 1993, permet, dans son article 11, l'habilitation d'un membre pour des mesures de gestion ou d'administration clairement définies. L'on pourrait néanmoins restreindre la portée technique du principe de collégialité telle qu'établie par l'article 10 du règlement actuel. Certes, les propositions d'actes normatifs resteraient de la compétence exclusive de la Commission en collège, mais les attributions décisionnelles devraient pouvoir donner lieu plus facilement à des décisions des commissaires compétents seuls, à moins de vouloir engorger le prétoire (cf. l'arrêt ASPEC du 23.4.1995). L'arrêté interministériel connu en droit interne pourrait aussi servir de modèle. Il conviendrait peut-être que la flexibilité de la matière dépende du choix du président et des vice-présidents, instance de direction de la Commission, mais que le choix soit clair pour satisfaire le principe de sécurité juridique et éviter les contentieux. B. Présidentialisation Une présidentialisation accrue de la Commission parait aussi nécessaire : deux vice-présidents peuvent trouver une place effective. On sait, à cet égard, que l'on a pu songer à leur confier la charge plus directe des affaires liées aux deuxième et troisième piliers. Le président de la Commission doit pouvoir bénéficier d'un pouvoir de direction réel à l'égard des autres commissaires. il serait ainsi la tête d'une des deux branches de l'exécutif. Sa contribution au moment de la désignation des autres commissaires doit pouvoir être plus nette. On marquerait plus encore les deux temps existants : ce n'est qu'après désignation de la personnalité qui dirigera la future Commission et de la présélection qu'elle aura exprimée en vertu d'un pouvoir de proposition que les autres membres devront être désignés. Sans doute pourrait-on d'ailleurs remplacer l'expression " les gouvernements des États membres », figurant à l'article 158 révisé par le traité de Maastricht, par" le Conseil européen ". La phase initiale déterminante qui consiste à choisir la personne chargée de présider la Commission doit d'ailleurs pouvoir se faire sans exiger l'accord unanime des gouvernements des États membres (même s'il faut tendre à un accord préalable), ce d'autant plus que le Parlement doit" être consulté" (en réalité voter) (cf. rapport MARTIN, p. 16 (suggestion de M. Santer), résolution du Parlement européen) pour avaliser ce choix (avis conforme). A l'investiture du président succède donc l'investiture du collège des commissaires sur la base. d'un programme de travail et après débat. Cette double investiture (du seul président puis de l'ensemble du collège) donnée par le Parlement européen sur la base d'un programme est acceptable car préventive. En cas de refus répété du PE, on pourrait peut-être se passer de la seconde investiture. Consacrant davantage le rôle" unificateur" d'une personnalité qui doit avoir exercé de hautes fonctions et démontré une sensibilité européenne, la présidentialisation du collège doit permettre de donner plus de cohérence et de cohésion à la Commission. Elle peut, par ailleurs, éviter l'audition et l'agrément individuels éventuels par le Parlement (selon le mode prévu par le règlement intérieur actuel du Parlement européen et usité en janvier 1995) des commissaires pressentis. Des remaniements au sein du collège décidés en cours de législature par le président de la Commission (ou de celui-ci plus les deux vice-présidents) peuvent aussi être imaginés. La responsabilité de la Commission qui doit être corrélative à l'autonomie acquise doit s'entendre comme une responsabilité collégiale, politique, solidaire devant le Parlement européen, les commissaires étant responsables au plan pénal pour des actes individuels. Par ailleurs, les règles d'incompatibilité et d'inéligibilité des commissaires pourraient être renforcées. La censure individuelle des commissaires a pu être suggérée dans la mesure où elle peut constituer une mesure

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intermédiaire face à la censure trop radicale du collège. Cette proposition ne paraît pas devoir être reprise, un remaniement palliatif par le président de la Commission pour" raisons techniques" étant sans doute possible. Certaines propositions préconisent une responsabilité devant le Conseil européen (proposition CATALA, rapport BOURLANGES sous condition, sur proposition du Conseil des ministres). Celle-ci établirait un système dualiste inutile, d'ailleurs peu courant, dans les régimes parlementaires européens actuels. La responsabilité devant le Conseil de l'Union pourrait certes être envisagée, le Conseil apparaissant comme l'institution de représentation des États et davantage législateur (pratiquement deuxième chambre de l'organe législatif). Une telle responsabilité de la Commission devant le Conseil pourrait permettre de prendre en compte les nouvelles majorités politiques pouvant résulter d'élections nationales pendant l'intervalle se situant entre deux élections du Parlement européen, sauf à envisager un système de mise en cause de la responsabilité de la Commission devant les Parlements nationaux (ou devant une chambre composée de délégués des Parlements nationaux) ! Mais alors la responsabilité devant le Conseil devrait-elle être conservée ? Reste qu'un tel cas de figure (situation de « cohabitation » politique dure entre la Commission, le Parlement européen, le Conseil et les Parlements nationaux) est hypothétique. Le nombre d'États et la disparité des échéances électorales permettent de relativiser un clivage trop marqué entre majorité politique interne et majorité politique communautaire. La procédure de mise en cause de la responsabilité de la Commission doit sans doute être rationalisée, afin d'éviter des crises à répétition et l'impotence de l'exécutif, donc de la machine communautaire. L'harmonisation des règles relatives à l'investiture et à la censure doit aussi être prévue. III. -LES COMPÉTENCES DE LA COMMISSION La question de l'accroissement des compétences de la Commission dans le cadre des deuxième et troisième piliers fait l'objet des réflexions d'un groupe de travail spécifique. De façon générale, dans le cadre du premier pilier, la Commission peut légitimement revendiquer à son profit l'exclusivité du pouvoir exécutif, forte de son pouvoir d'initiative, de son pouvoir d'exécution budgétaire, du pouvoir décisionnel ou normatif que les traités ou le droit dérivé lui octroient à titre propre ou sur délégation du Conseil, celui-ci étant dans l'incapacité d'exercer le pouvoir exécutif. Mais la Commission doit de toute façon garder son pouvoir de proposition en matière « législative ». A ceci s'ajouterait la possibilité pour la Commission d'agir sur habilitation de l'autorité législative (Parlement européen-Conseil). Cette habilitation doit être claire, les principes préfixés. En matière de politique de concurrence, certaines voix préconisent la constitution d'un organisme conçu sur le modèle du « Bundeskartellamt ». Une Haute Autorité de la Concurrence est ainsi suggérée comme solution pour alléger la mission en matière de concurrence quantitativement trop importante et qualitativement trop disparate. Dans cette hypothèse, la DG IV conserverait le pouvoir normatif. L'application relèverait de l'autorité créée. La prise de position rapide (la célérité étant nécessaire dans certaines affaires de concurrence) serait facilitée. Cette autorité pourrait comporter des subdivisions spécialisées. Elle serait l'autorité centrale de contrôle face aux autorités similaires décentralisées dans les États. De plus, la désignation des membres de ces agences pourrait être le fait du Parlement et du Conseil. Un contrôle juridictionnel serait évidemment nécessaire. Cette proposition ne comporte cependant pas que des avantages. En particulier, l'on peut penser qu'un tel organisme serait plus exposé à une dérive technocratique que la Commission qui est soumise à un contrôle politique. Dès lors, une telle réforme ne paraît pas s'imposer en tant que priorité.

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5. J.-P. JACQUÈ, Le Traité de Lisbonne, une vue cavalière 3. La Commission, vers un renouveau ? Depuis la fin de la Commission présidée par Jacques Delors, on assiste à un déclin progressif de l'autorité de la Commission sans que ce déclin puisse être imputé à la seule personnalité des présidents successifs de la Commission. Il existe en effet des causes structurelles sur lesquels le charisme éventuel d'un président n'a guère d'influence. Pour répondre à cette situation, les Etats membres ont dans un premier temps renforcé la légitimité et l'autorité du Président de la Commission. Cela ressort de l'évolution de son mode de désignation qui, au fil du temps, a impliqué une intervention de plus en plus importante du Parlement européen. A l'origine, le Président était désigné par le Conseil européen après consultation du bureau du Parlement, puis la consultation s'est transformée en un accord du Parlement. Enfin, le traité de Lisbonne parle d’élection sur proposition du Conseil européen lequel devra tenir compte du résultat des élections européennes. Donc le Président tire sa légitimité tant des peuples que des Etats. Il reste à voir si l'emploi du terme d'élection dans le traité de Lisbonne, bien qu'il ne change pas au fond la procédure, aura des conséquences politiques et renforcera le lien entre le Président de la Commission et le Parlement. Bénéficiant d'une légitimité propre, le Président de la Commission participe à la désignation des commissaires qui ne peuvent être nommés sans son accord. Il a d'ailleurs eu l'occasion lors du dernier élargissement d'exercer ce droit de refus. Ainsi la maîtrise de la composition de la Commission est partagée entre les Etats membres et le Président de la Commission en ce qui touche au choix des membres et le Parlement et le Conseil en ce qui concerne l'investiture du collège dans son ensemble. On se souvient que le Parlement a utilisé la menace du refus d'investiture, lors de la dernière nomination de la Commission, pour imposer au Président Barroso une modification de la composition du collège. Le traité de Nice permet au Président d'exiger la démission d'un membre de la Commission avec l'appui de la majorité du collège. Le traité de Lisbonne va plus loin en confiant au Président seul un pouvoir discrétionnaire de mettre fin au mandat d'un membre. Si l'on ajoute à cela le fait que la répartition des portefeuilles relève de la responsabilité du Président et que ce dernier est responsable de la définition des orientations politiques qui seront suivies par le collège, on réalise combien le statut du Président a évolué depuis le traité de Rome. A l'origine primus inter pares, il est progressivement devenu l'équivalent d'un chef de gouvernement. Or cette évolution a été sans influence sur le déclin de l'institution. Est-ce parce que les causes de ce déclin résidaient davantage dans la composition du collège ? La Commission comporte actuellement un commissaire ayant la nationalité de chaque Etat membre. Cet accroissement du nombre de commissaires présente un certain nombre d'inconvénients pour l'institution. Inconvénients d'ordre pratique d'abord, l'extension des secteurs d'activité de la Commission n'a pas suivi l'accroissement du nombre de commissaires. Il en résulte l'octroi à certains commissaires de compétences fort limitées, comme par exemple le multilinguisme, mais également des difficultés à coordonner l'activité de membres trop nombreux du collège. Cependant, ces problèmes peuvent être surmontés, comme c'est le cas actuellement pour la compétitivité et comme ce sera vraisemblablement le cas après Lisbonne pour les relations extérieures, en mettant en place des groupes de commissaires sous l'autorité d'un vice-président. L'autre inconvénient de la situation actuelle est d'ordre politique. En effet, chaque Etat a naturellement tendance à voir dans le commissaire de sa nationalité un représentant de ses intérêts et, dans la mesure ou certains interviennent en faveur de « leur Etat », d'autres se joignent à ce jeu et l'on assiste à une intergouvernementalisation de la Commission. Il convient de ne pas être naïf. Cette situation a toujours existé, mais elle était corrigée par une composition qui donnait deux commissaires aux cinq grands Etats membres et un aux plus petits. Actuellement, chaque commissaire à une voix et la

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majorité à la Commission est fort éloignée de celle exigée au Conseil. D'où la tendance naturelle du Président de la Commission, afin d'éviter des problèmes au sein du collège, de pré négocier certaines initiatives avec les Etats afin d'obtenir d'eux le support politique nécessaire. C'est sans doute une des causes de l'affaiblissement du caractère collégial de la Commission laquelle ne représente plus l'intérêt général, mais des sommes d'intérêts particuliers. Alors qu'elle pouvait résister aux Etats avec les armes que lui donne le traité au nom de cet intérêt général, elle le sacrifie à l'avance pour assurer le succès de ses initiatives. On sait que le traité de Nice prévoyait une réduction du nombre de commissaires lors de la nomination de la Commission qui suivrait le moment auquel la Communauté comporterait 27 Etats membres. La Commission nommée en 2009 devait donc être soumise à cette règle de la réduction. Le traité de Lisbonne repousse l'échéance en 2014, mais précise que le nombre de membres ne peut excéder les deux tiers du nombre d'Etats membres sur la base d'une rotation (31). La fin de l'intergouvernementalisation est donc retardée, mais programmée. Il reste à savoir s'il sera possible en 2014 de se départir d'habitudes qui auront été acquises pendant plus de dix ans. Mais, au-delà de l'effet néfaste de l'intergouvernementalisation, le véritable problème se situe ailleurs. L'inconvénient de l'évolution institutionnelle pendant plus de cinquante ans est d'avoir mis à mal moins l'indépendance des commissaires que celle de la Commission. En effet, le triangle institutionnel a connu un profond rééquilibrage en faveur du Parlement. Les conséquences ont certes affecté le Conseil, mais à un niveau moindre que la Commission. Pendant de longues années, alors que le Parlement ne disposait que d'un pouvoir consultatif, celui-ci ne pouvait espérer imposer ses vues qu'en passant par le canal de la Commission. L'alliance entre le Parlement et la Commission constituait donc un élément stable du jeu interinstitutionnel. Mais l'apparition de la codécision, puis l'extension du champ d'application de cette procédure ont changé la donne. Puisque le Parlement peut discuter directement avec le Conseil, l'entremise de la Commission n'est plus indispensable. Progressivement, le Parlement a renforcé son emprise sur le collège et a entrepris de lui lier les mains à travers une succession d'accords-cadres. Dans le cadre du processus législatif, la Commission conserve le monopole de l'initiative, mais elle a de plus en plus de mal à protéger sa proposition dans le déroulement de la procédure. En outre, la dépendance instaurée par le Parlement affaiblit la position de la Commission vis-à-vis du Conseil. Ce dernier a besoin d'une Commission forte qui soutienne ses propositions sur la base de l'intérêt général. Dans la mesure où la position de la Commission est de plus en plus déterminée par le Parlement, le Conseil préfère discuter directement avec ce dernier et la qualité du dialogue avec la Commission en souffre. En bref, un rééquilibrage du système est indispensable si l'on souhaite conserver le principe selon lequel la Commission doit défendre ce qu'elle estime être l'intérêt général face aux Etats et aux représentants des peuples. Or toute discussion à ce sujet est frappée d'interdit, car elle consisterait à donner à la Commission des armes lui permettant de résister au Parlement ce qui ne manquerait pas de soulever des protestations parlementaires auxquelles nul n'a envie de faire face. Ni la constitution, ni le traité de Lisbonne ne se sont attachés à revoir les rapports au sein du triangle interinstitutionnel laissant le système évoluer vers un régime d'assemblée. Certes, nous sommes encore loin de ce résultat et la majorité exigée pour voter la censure constitue un frein efficace aux dérives éventuelles vers une instabilité chronique. Cependant, point n'est besoin que la censure soit votée pour qu'elle constitue une arme de dissuasion efficace afin d'asseoir le pouvoir du Parlement sur la Commission. Un jour ou l'autre, une réflexion d'ensemble sur la nature du système politique de l'Union devra être menée. (31) L'article 17, § 5, prévoit que le Conseil européen peut à l'unanimité modifier le nombre de commissaires. Certains ont cru y voir une des solutions au problème irlandais dans la mesure où le Conseil européen pourrait décider que la Commission comporterait autant de commissaires que d'Etats membres. Il reste à voir si une telle solution serait bien conforme au traité. En effet, le second alinéa du paragraphe 5 prévoit l'établissement d'un système de rotation égale entre les Etats membres. La lecture combinée des deux alinéas pourrait signifier que le Conseil européen peut modifier le nombre de commissaires en remplaçant les deux tiers par une autre proportion, mais que revenir à un commissaire par Etat membre irait à l'encontre du principe de réduction du nombre de commissaire qui constitue la philosophie de base de l'article.

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Thème 3 : Les institutions de contrôle de l’Union européenne Séance 6 : Les institutions de contrôle

La Cour de justice de l’Union européenne

La Cour des comptes de l’Union européenne Si les institutions de l’Union européenne ne sont pas bâties sur le modèle issu de la théorie de la séparation des pouvoirs, il n’en demeure pas moins que la nécessité d’une instance impartiale chargée de dire le droit s’est fait ressentir dès l’origine. Le pouvoir juridictionnel prend la forme dans l’Union européenne de la Cour de justice des Communautés européennes. Cette appellation désigne initialement la seule Cour, puis le nombre d’affaires croissant à conduit les auteurs des traités à prévoir en 1986 la création d’un juge de première instance : le TPI, puis en 2001 le traité de Nice a rendu possible la création de chambres spécialisées. La première à voir le jour en 2005 est le Tribunal de la Fonction publique de l’Union européenne. La mission de contrôle dévolue au juge communautaire n’est pas exclusive, en 1992, le traité de Maastricht a élevé au rang d’institutions la Cour des comptes, créée en 1977. Sa principale mission consiste dans un contrôle externe des finances communautaires. Toutefois, sa dénomination ne doit pas tromper, la Cour des comptes n’a pas de pouvoir juridictionnel. I - La Cour de justice de l’Union européenne 1. J.-P. JACQUÉ, L’avenir de l’architecture juridictionnelle de l’Union, R.T.D.E., 1999, p.443 et s. 2. R. MEHDI, Le traité de Nice et la réforme de la juridiction communautaire, Intervention à la 2ème académie européenne d’été du Pôle européen Jean Monnet de Grenoble, 17-28 septembre 2001, « L'avenir de l'Union européenne : Du Traité de Nice à l'élargissement ». 3. D. BLANC, Guide du droit de l’Union européenne, Ellipses, 2008.

II - La Cour des comptes de l’Union européenne 1. Service des relations extérieures de la Cour des comptes, La Cour des comptes européenne. Améliorer la gestion financière de l’Union européenne, 2004.

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I - La Cour de justice des Communautés européennes 1. J.-P. JACQUÉ, L’avenir de l’architecture juridictionnelle de l’Union, R.T.D.E., n°3, p.443 et s. I. -LE CONSTAT Le constat est simple. Le volume du contentieux communautaire s'accroît et il s'accroîtra encore dans l'avenir. L'accroissement actuel apparaît clairement dans les statistiques annexées au rapport et il n'est pas besoin de commenter celles-ci. II suffit de noter que la durée moyenne d'une procédure préjudicielle est de 21,4 mois alors qu'elle était de 17 mois au début de la décennie. En ce qui con- cerne les recours directs, la durée est équivalente, ce qui signifie que les effets bénéfiques de la création du tribunal se sont dissipés. Pour le tribunal, le stock d'affaires pendantes est en constante augmentation. Or, si la situation actuelle n'est pas satisfaisante, l'avenir n'est guère plus pro- metteur. Pour la Cour, l'augmentation du nombre de recours n'est pas seulement liée à l'élargissement futur, mais plus simplement à l'exercice des compétences de la Communauté et de l'Union telles qu'elles découlent du traité d'Amsterdam. Il s'agit notamment du contentieux qui résultera des mesures de mise en oeuvre du titre IV du traité, même si celui-ci limite l'emploi du recours préjudiciel aux seules juridictions statuant en dernière instance. Compte tenu du domaine concerné, il est vraisemblable que les demandeurs ne manqueront pas d'utiliser toutes les voies qui leur sont offertes pour éviter une reconduite à la frontière ou une expulsion. II s'agit également d'un contentieux qui devra être traité rapidement, non seulement parce qu'il concerne des cas individuels, mais surtout parce qu'on ne peut concevoir qu'un juge national attende vingt mois pour statuer sur une affaire d'immigration. Cependant, toute priorité accordée à de tels cas entraînera inévitablement un allongement des délais pour les autres affaires préjudicielles. Mais, l'immigration n'est pas le seul domaine porteur d'une augmentation du contentieux. L'article 63 relatif à la coopération judiciaire dans les matières civiles devrait lui aussi être générateur de nombreuses affaires lorsqu'il sera mis en oeuvre. Pour le tribunal, en dehors de l'élargisse- ment, le principal facteur d'augmentation du contentieux devrait se trouver dans les titres communautaires de propriété intellectuelle si l'on en juge par le mouvement qui se dessine en matière de marque communautaire. Or, d'autres titres communautaires sont actuellement à l'examen comme la protection des dessins et modèles. De plus, le contentieux de la fonction publique occupe une part importante des travaux du tribunal. Bien entendu, la charge de travail du tribunal a une incidence sur celle de la Cour par le jeu des pourvois qui sont formés dans 20 à 25 % des cas. Face à cette situation, le maintien du statu quo est difficile- ment acceptable puisqu'il conduirait inévitablement à un allongement des délais. Or, indépendamment du fait qu'un tel allongement serait incompatible avec les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme (4), un tel allongement pourrait dissuader les juridictions nationales de présenter des demandes préjudicielles (…) I. - LES PRINCIPES Toute proposition de réforme exige que l'on prenne position à l'égard d'un certain nombre de principes qui ont fondé jusqu'à présent l'organisation du système juridictionnel communautaire. Le premier d'entre eux concerne le maintien de la cohérence de la jurisprudence; En ce qui concerne, l'existence de plusieurs degrés de juridiction, la cohérence est maintenue par l'existence du pourvoi. Quelles que soient les formules retenues pour l'avenir, elles devront comporter un mécanisme de régulation susceptible de permettre à la Cour d'assurer la cohérence de la jurisprudence. Mais, la cohérence pourrait-elle être menacée par un élargissement du nombre de membres de la Cour ? En effet, si l'on maintient le principe selon lequel le nombre de juges est égal à celui des Etats membres, la Cour pourra après les élargissements prévisibles compter plus de vingt cinq juges. Dans ces conditions, il deviendra difficile de maintenir les habitudes de travail commun qui ont prévalu jusqu'à présent. C'est la raison pour laquelle la Cour a toujours été réservée à l'égard d'une

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augmentation du nombre de ses membres, mais elle comprend également que sa légitimité ne peut être que renforcée par la présence en son sein de membres issus des différents systèmes juridiques nationaux. En tout état de cause, lors de la négociation du traité d’Amsterdam, il n'a pas été envisagé de modifier le système. Il faudra donc s'en accommoder et trouver des modalités internes d'organisation qui permettent de maintenir la cohérence de la jurisprudence. De par son mode de fonctionnement et du fait de l'existence du pourvoi, le tribunal n'est pas soumis à des contraintes identiques et, bien au contraire, un accroissement du nombre de membres est souhaité, notamment pour faire face au contentieux de la marque Communautaire. Le second principe de base gouverne les relations entre la cour et les juridictions nationales qui reposent sur une coopération entre les juges. Cette coopération trouve son champ d'application privilégié dans le système du renvoi préjudiciel. Certes, la jurisprudence de la Cour a encadré progressivement l’autonomie du juge national dans l'exercice de ses pouvoirs judiciaires des lors qu'il s'agit de la protection juridictionnelle des particuliers dans des matières qui tombent dans le champ d'application du droit communautaire, mais le principe de la coopération demeure. On pourrait penser qu'en raison de la primauté du droit communautaire sur le droit national, une hiérarchie pourrait être instituée entre le juge communautaire et le juge national. Cependant, il s'agirait d'une modification fondamentale du système juridique communautaire laquelle ne pourrait intervenir que pour des motifs très sérieux puisque jusqu'à présent la situation actuelle n'a pas conduit à des dysfonctionnements manifestes. On verra que certaines des propositions de la Cour pourraient remettre en cause l'équilibre actuel. III -LES MODIFICATIONS A COURT TERME La Cour estime qu'une amélioration immédiate pourrait résulter de modifications mineures du règlement de procédure. Elle a d'ailleurs proposé certaines de ces modifications au Conseil le 1er juillet 1999, Ces modifications visent à accélérer le déroulement de la procédure en conférant de plus larges pouvoirs d'instructions au président, au juge rapporteur ou à l'avocat général. Elles sont très souvent inspirées du règlement de procédure de la Cour européenne des droits de l'homme. Elles permettent également la mise en oeuvre d'une procédure accélérée. S'agissant de ce dernier point, il répond à des demandes du Conseil formulées tant à propos de la convention relative à la compétence, la reconnaissance et : l'exécution des décisions en matière matrimoniale ainsi que de la libre circulation des marchandises dans le marché intérieur (6), La proposition qui ne s'appliquerait dans un premier temps qu'aux demandes préjudicielles permettrait au président de la Cour de décider, à la demande de la juridiction nationale auteur du renvoi et sur proposition du juge rapporteur, l'avocat général entendu, de mettre en oeuvre une procédure accélérée « lorsque les circonstances invoquées établissent l'urgence extraordinaire de statuer... ». Il serait ainsi possible de passer outre à certaines phases de la procédure, Une autre réforme, plus fondamentale, permettrait à la Cour de statuer sur une demande préjudicielle par voie d'ordonnance, non seulement lorsque la question est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué, ce que permet l'actuel article 4 du règlement de procédure, mais aussi « lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question ne laisse place à aucun doute raisonnable. Enfin, les modifications proposées visent à rendre plus efficaces certaines procédures existantes. Il en va ainsi de l’omission de la phase orale qui est actuellement possible avec l’accord des parties (…) IV. - SOLUTIONS A PLUS LONG TERME Elles portent essentiellement sur le filtrage des pourvois et sur le traitement à réserver aux questions préjudicielles. A. -La première piste suggérée par la Cour consisterait dans le filtrage des pourvois. Le filtrage serait applicable lorsqu'une affaire, avant d'être portée devant le Tribunal de première instance, a fait l'objet d'un examen par un organe indépendant. Ceci s'appliquerait bien entendu au contentieux

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des marques puisque toute requête fait l’objet d’un examen par les chambres de recours de l'office d’Alicante avant la saisine du Tribunal, Mais, et l’idée est intéressante, cette solution pourrait être étendue au contentieux de la fonction publique dès lors que le statut serait modifié pour permettre la création d'instances indépendantes chargées d'examiner les recours des fonctionnaires au sein de chaque institution (…) B (…) Aussi, la Cour choisit-elle de proposer des pistes de réflexion plus radicales. Elles portent essentiellement sur le traitement à accorder aux demandes préjudicielles. D’emblées est écartée le transfert des demandes au tribunal. Une telle solution ne ferait Que déplacer la charge des affaires de la Cour vers le Tribunal et elle porterait atteinte au rôle constitutionnel de la Cour. -La première voie envisagée consisterait à limiter le droit de saisir la Cour aux juridictions suprêmes ou au moins d’en exclure les juridictions du premier degré. Si cette solution a été mise en œuvre dans des cas spécifiques, comme le titre IV du traité CE, il paraît à la Cour qu’elle ne devrait pas être étendue à d’autres hypothèses. Il existe, en effet, un véritable intérêt à obtenir une interprétation uniforme du droit communautaire à un stade précoce. Ceci évite la multiplication des demandes émanant de divers Etats membres et, surtout, limite le risque d'allongement des procédures nationales puisque l'appel ou le pourvoi devant les juridictions suprêmes pourrait être motivé uniquement par le désir d'obtenir une demande préjudicielle. -La seconde solution consisterait à instaurer un filtrage des demandes afin de ne retenir que les plus importantes. Il est vrai qu'un tel système permettrait, si l'on en juge par le modèle de la Cour suprême des Etats-Unis, de réduire considérablement la marge de travail de la Cour qui pourrait alors se saisir uniquement des questions essentielles. Mais, les relations avec le juge national seraient profondément modifiées puisqu'il ne serait plus juge de l'intérêt que peut présenter pour le litige qui lui est soumis une interprétation uniforme .Or, une affaire qui ne paraît pas être fondamentale sur le plan des principes peut être essentielle pour le juge national. C'est le cas de certaines affaires, a priori banales, de classification tarifaire douanière. Comme le note la Cour, le risque existe que les juridictions nationales hésitent à s'adresser à la Cour de crainte de voir leurs demandes non retenues. Aussi est-il suggéré d'amender le système en demandant au juge national de proposer une réponse, ce qui faciliterait le filtrage. La Cour envisage même la possibilité que le juge national tranche sans renvoi, les parties ayant ensuite la faculté de saisir la Cour, cette dernière pouvant alors, en connaissance de cause, filtrer les demandes et donner une interprétation uniforme. Le jugement national devrait alors, le cas échéant, être réformé afin de tenir compte de l'arrêt de la Cour. Il s'agit d'une mutation fondamentale puisque le système ne repose plus sur la coopération mais sur la hiérarchie. De plus, une telle procédure conduirait à des modifications profondes des procédures nationales puisqu'il faudrait prévoir la possibilité qu'un jugement national soit révisé à la suite d'une intervention de la Cour. En outre, la solution est porteuse d'un allongement inévitable des procédures, les parties utilisant la faculté de saisir la Cour pour retarder l'exécution d'un arrêt qui leur serait défavorable. Quoiqu'il en soit cet éventail de proposition invite à se demander si le modèle actuel de coopération n'a pas atteint ses limites et ne doit pas faire place à un autre type de relation entre juge communautaire et juge national. -La troisième voie est la plus radicale. Elle consiste en la création d'instances déconcentrées chargées de traiter les questions préjudicielles. Cette formule a déjà été envisagée sous la forme de cours régionales (7). Pour des raisons techniques (éviter la charge de traductions), la Cour fait porter sa préférence sur des juges nationaux qui pourraient avoir un statut soit communautaire, soit national. L'utilisation de juges à statut national crée un risque pour l'uniformité du droit communautaire, c'est la raison pour laquelle un statut communautaire sous la forme de tribunaux communautaires délocalisés dans les Etats membres comme cela a déjà été suggéré paraît en tout état de cause préférable. De plus, la faculté de renvoyer à la Cour une affaire qui soulève un problème d'intérêt général serait reconnue à ces juges et leurs décisions pourraient faire l'objet d'un pourvoi « dans l'intérêt de la loi ». Nul doute que cette dernière solution rencontrera les critiques de ceux qui estiment que l'uniformité ne peut être assurée qu'au prix d'une centralisation. Mais, il conviendra également d'apprécier l'intérêt que peut présenter une juridiction plus proche du justiciable, statuant plus rapidement, sous le contrôle de la Cour. Une organisation stricte du pourvoi pourrait permettre d'éviter les inconvénients en terme de délai d'éventuels pourvois (…)

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(4) V. à ce sujet l'arrêt du 17 déc. 1998. aff. C-185/95P. (6) Règlement (CE) 2679/98 du Conseil du 7 décembre 1998, JOCE L, 12 décembre 1998, p. 8. (7) Jacqué et Weiler, Sur la voie de l'Union européenne, une nouvelle architecture judiciaire, RTD eur. 1990.441. 2. R. MEHDI, Le traité de Nice et la réforme de la juridiction communautaire, Intervention à la 2ème académie européenne d’été du Pôle européen Jean Monnet de Grenoble, 17-28 septembre 2001, « L'avenir de l'Union européenne : Du Traité de Nice à l'élargissement ». Cette juridiction communautaire offre un visage particulier : elle est placée sous le sceau de la nouveauté. Les rédacteurs du traité de Rome ont souhaité mettre en place une institution prenant en compte les spécificités de la construction communautaire. Cette juridiction rompt avec les schémas classiques. C’est une juridiction assez ouverte, aux requérants traditionnels (institutions internationales et Etats), et aux personnes physiques et morales, via le recours en annulation. C’est une nouveauté qui doit être soulignée. Les décisions ont force exécutoire sur le territoire des Etats membres. C’est également une spécificité. De plus, cette institution n’a cessé de se renforcer. Le système juridictionnel communautaire a été valorisé par les textes, et par la pratique. La Cour de justice des Communautés européennes (C.J.C.E.) est une institution à part entière. Elle est sur un pied d’égalité, par rapport au Conseil et à la Commission. Elle échappe à tout contrôle des institutions communautaires et des Etats membres. En droit, cette institution est indépendante ; elle va exercer quantité de compétences. La C.J.C.E. a vite pris conscience du rôle qu’elle peut jouer dans l’ordre juridique communautaire. Cet ordre juridique communautaire va s’imposer aux Etats membres : ce fait n’est pas inscrit dans les traités, car c’est impensable politiquement. Mais dès le début des années 1960, vont émerger de nombreux principes : principe de l’applicabilité directe, principe de primauté… L’architecture de cet ordre juridique est conçu par la C.J.C.E. ; elle a su développer des instruments idoines, et a développé les méthodes d’interprétation pour rendre plus facile l’intégration européenne. Il existe en effet deux conceptions possibles du rôle de l’interprète : conception limitée, ou bien au contraire conception laissant une sorte de pouvoir discrétionnaire – sans toutefois donner des interprétations arbitraires. La C.J.C.E. a plutôt favorisé la deuxième conception. La Cour a imprimé un rythme inattendu : on a assez rapidement quitté les terres du droit international public, pour s’engager sur des terres relativement inconnues. Il va y avoir une terminologie constitutionnaliste ; la C.J.C.E. se comporte en effet comme une Cour constitutionnelle. La C.J.C.E. apparaît comme une Cour exerçant des pouvoirs constitutionnels : elle va veiller à l’équilibre entre les institutions, au respect des sphères de compétences, à l’Etat de droit et à la protection des droits fondamentaux… La Cour est également une juridiction administrative suprême : elle connaît des litiges relatifs à la fonction publique, aux actes administratifs… Elle occupe donc une place centrale dans le dispositif institutionnel. Les avancées ont ensuite été entérinées par les textes eux-mêmes. La Cour a exploité toutes les potentialités. Mais c’est une juridiction sous pression ; elle doit faire face à des contraintes. C’est une juridiction qui doit faire face à un accroissement considérable des contentieux. Il y a une augmentation exponentielle de la demande judiciaire. Cela est dû à une accumulation de facteurs : la judiciarisation, tout d’abord, qui n’épargne aucune société, et le fait, ensuite, que cette justice est victime de son succès. Le juge est l’arbitre suprême. Or, le droit européen est enseigné à plus grande échelle, donc les moyens tirés du non-respect du droit communautaire sont plus souvent invoqués. La Cour, dont le métier est de dire le droit, est fréquemment saisie. La perspective plus ou moins proche de l’élargissement devrait se traduire par un accroissement de la pression. Il existe un effet arithmétique dû à l’élargissement. Il y a de surcroît des niches d’augmentation, des domaines dans lesquels les demandes vont se multiplier : introduction de l’euro, la reconnaissance, la légitimation active de la B.C.E. et de la Cour des comptes, avec la possibilité de recours, le contentieux des marques…

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L’approche peut se faire par les chiffres. Mais il y a une autre démarche : on ne mesure pas l’intérêt à l’aune de critères d’efficacité et de productivité. En effet, c’est un système de droit. La fonction juridictionnelle est une fonction importante. Il ne faut pas perdre cette dualité de vues. Lors de la création du Tribunal de première instance (T.P.I.), on a mis un mécanisme de pourvoi : il y a donc un contrôle de la C.J.C.E.. Cela contribue d’un point de vue fonctionnel à ne pas arranger les choses, mais c’est très satisfaisant d’un point de vue éthique. C’est intéressant pour les droits des particuliers : il doit y avoir un double degré de juridiction. Il faut toujours percevoir une Communauté et une Union de droit. Les choses ne sont pas nécessairement figées. Il y a des possibilités de réformes. Cela a tout d’abord été fait avec la création du T.P.I.. Les propositions ont foisonné. En mai 1999, la C.J.C.E. adresse un document de réflexion aux ministres de la justice : sont inscrites les grandes lignes de la réforme, pour le débat qui s’ouvrira quelques mois plus tard. La Commission a suscité la réflexion d’un groupe, sur le devenir de cette institution. Mais la question de la C.J.C.E. n’apparaissait pas dans le reliquat d’Amsterdam. Ce n’était pas une question prioritaire, car cela n’était pas une question politique. Les Etats ont pourtant réussi à s’entendre à Nice. De nombreuses dispositions viennent adapter cette institution judiciaire pour qu’elle puisse fonctionner convenablement pendant les années à venir. A – Les effectifs judiciaires La perspective de l’élargissement se précise. On maintient la règle non écrite selon laquelle chaque Etat a droit à un juge. Mais il faut nuancer : il n’y a pas de représentation, car il y a une indépendance des différents juges, qui est tout à fait tangible. Il n’y a jamais de reproche concernant cette institution, à cet égard. Il faut une bonne représentation des traditions juridiques. Ou alors : faut-il disjoindre, et ne pas avoir autant de juges que d’Etats ? Le maintien de la règle pourrait mettre en danger la cohérence de la jurisprudence. En 1995, la Cour préfère la disjonction, car elle risque de devenir une « assemblée ». La Commission a appuyé la Cour : elle a préféré que l’on distingue le nombre de juges du nombre d’Etats. La Commission a dit arbitrairement que la présence de 13 juges était convenable. La solution retenue est sage : le traité de Nice prévoit un juge par Etat membre. Il faut de plus tenir compte de l’ « acceptabilité » des décisions de la Cour. La Cour a pu éviter les écueils, car toutes les traditions étaient représentées au sein du collège. Il convient de surcroît de remarquer que la Cour n’est pas obligée de siéger tout le temps en assemblée plénière. La décision de principe prise à Nice parait être acceptée par tout le monde. B – Les modalités de déroulement de l’instance Il y a des dossiers qui prennent beaucoup de temps, et qui font des milliers de pages. Il y a ainsi une bataille contre le temps. Le gouvernement néerlandais voulait se débarrasser de l’avocat général, dans certaines affaires. Mais l’avocat général est important dans le dispositif communautaire. On ne peut pas le barrer d’un trait de plume. Un certain nombre de réformes, concernant le délai de procédure, ont été faites. C – Le pouvoir d’auto-organisation Cette institution doit-elle avoir une prérogative d’auto-organisation ? Pendant longtemps, la Cour en a été persuadée. Elle voulait que lui soit permis de faire elle-même son règlement de procédure. Permettre au juge de s’auto-organiser, cela peut signifier donner le droit de restreindre les droits des Etats dans la procédure. Aujourd’hui, le règlement de procédure peut être modifié par le Conseil à la majorité qualifiée, donc plus facilement qu’à l’unanimité – mais cette distinction est illusoire, car tout le monde préfère

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le consensus, un vote signifiant d’ailleurs souvent qu’un Etat désire être mis en position minoritaire officiellement, pour son opinion publique… Il s’agit d’assurer l’application uniforme du droit communautaire. Mais il faut aussi une exigence d’efficacité, et protéger les droits du justiciable… On peut agir au plus haut niveau, en changeant le traité, mais aussi au niveau inférieur, en modifiant le règlement intérieur. La Cour, la Commission, le Parlement, avaient fait des propositions pour une refonte de l’architecture communautaire. On a adapté ce système juridictionnel pour qu’il absorbe les chocs de certains contentieux spécialisés. D – Les rapports entre les juges communautaires et les juges nationaux Les choses vont plutôt bien, plutôt trop bien, car les juges sollicitent la C.J.C.E. de manière un peu trop excessive – via le recours en interprétation. Il faut améliorer la durée de l’instance. Le renvoi préjudiciel a été un levier de l’intégration européenne, mais cela menace l’institution. La durée excessive porte atteinte à l’efficacité de la procédure elle-même. Pourquoi en effet saisir la Cour si cela va prendre trois ans de plus ? Les juges nationaux prennent alors des biais pour échapper au renvoi préjudiciel. Il faut engager une réforme de ce point de vue. Mais la Cour elle-même admet que la voie est étroite. Pourquoi ne pas réserver le renvoi préjudiciel aux juridictions suprêmes ? Cette proposition n’a pas été suivie d’effet. La Cour est favorable à l’instauration d’un système de filtrage. Cela fait un certain nombre d’années que la Cour y prête attention. On peut prévoir des procédures simplifiées – ordonnance motivée – dans le règlement de procédure. La Cour peut en effet réserver ses efforts dans les cas les plus délicats. La Cour invite aussi les juges nationaux à plus de sélectivité – ils oublient d’ailleurs qu’ils sont « juges communautaires de droit commun ». La Cour est allée plus loin – sans être suivie – : plutôt que d’instaurer un filtrage trop sévère, elle pourrait confier aux juges nationaux une part du travail. Le juge national pourrait ainsi inclure dans sa décision une proposition de réponse à la question posée. En vertu d’une autre variante, on pourrait obliger les juges à statuer en interprétation sans renvoyer. Il faudrait que le juge règle sur le fond. Il n’y aurait pas de risque pour l’uniformité du droit, car on pourrait saisir la C.J.C.E. pour qu’elle vérifie l’interprétation du juge national. Mais on ne règle pas l’efficacité du juge communautaire, car les parties ont des stratégies dilatoires : la Cour sera toujours saisie. De plus, cette réforme du renvoi préjudiciel introduit une mutation des liens existants entre juge communautaire et juge national. En principe, c’est une coopération de juge à juge qui exclut les parties. Enfin, c’est une relation de coopération : les deux juges vont dialoguer ; or on introduit là une hiérarchie : la C.J.C.E. apparaîtrait encore plus comme une Cour suprême. La responsabilisation des juges nationaux peut passer par le canal de la formation. Il y avait aussi une proposition de déconcentration de la juridiction, pour les questions préjudicielles, sorte d’intermédiaire. Cela aurait été un filtre ; mais cela aurait posé de très grands problèmes, notamment au niveau du droit interne… Ce n’est pas une solution raisonnablement opératoire. Le renvoi préjudiciel est ainsi en mal d’efficacité. E – Le rééquilibrage entre les sphères de compétence de la Cour et du T.P.I. On a au début confié au T.P.I. des tâches, et puis on a élargi ses compétences par la suite. Le traité de Nice ouvre des perspectives plus grandes encore. Concernant le recours en constatation de manquement : il y avait un blocage, cela pourrait être réglé de manière plus rapide par le T.P.I.. Concernant le contrôle par la Cour : le pourvoi frappe environ 25 % des décisions du T.P.I.. Augmenter les compétences du T.P.I., c’est peut-être accroître les pourvois. Il y a 75 % de rejet des pourvois : le T.P.I. fait donc bien son travail. Le traité de Nice essaye d’éviter une augmentation anarchique du nombre des pourvois. F – La question des contentieux dits spéciaux

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Il existe une importance quantitative, et une spécificité matérielle. Il y a la fonction publique, et la propriété intellectuelle. Existent des considérations de fond et de quantité. La solution est de créer des juridictions spécialisées. L’idée a été avancée prudemment, mais le traité de Nice a franchi le pas : « des chambres juridictionnelles peuvent être adjointes… ». Il s’agit bien de juridictions : les membres sont choisis parmi les personnes possédant les garanties d’indépendance… Concernant la propriété industrielle et commerciale, l’Office des marques possède déjà des chambres juridictionnelles spécialisées. Soit on demandera à la Cour d’examiner en droit, soit le T.P.I. exercera un appel. Dans ce dernier cas, il y aura un réexamen par la C.J.C.E., dans les conditions et limites fixées par le statut. Le réexamen n’est pas un pourvoi ; les conditions de déclenchement n’ont d’ailleurs rien à voir. Le T.P.I. se voit reconnaître une compétence assez stupéfiante : compétence préjudicielle. Il y a une possibilité de lui confier à l’avenir, dans les domaines très techniques, une compétence préjudicielle. Il pourra répondre aux questions des juridictions nationales. Mais le T.P.I. est soumis à une éventuelle procédure de réexamen : il appartient au premier avocat général de saisir la Cour. Conclusion Le traité de Nice est une bonne surprise pour la juridiction communautaire. On sent que l’on crée les conditions d’un développement potentiel. On voit dériver le centre de gravité du traité vers le statut de la Cour : ce dernier est le texte de référence pour les années à venir. Il y a toutefois un regret : les Etats ont manqué une occasion de réformer les conditions d’accès au juge communautaire. C’est une juridiction accessible au particulier, mais ce n’est pas une promenade de santé ! Des progrès ont été faits. Le texte du recours en annulation est assez restrictif, mais il est interprété dans un sens favorable au justiciable. Mais c’est une construction prétorienne : la Cour peut donc revenir sur cette tendance. La Cour impose au juge national un régime très difficile. Elle invite à bousculer l’autonomie procédurale. Pourtant, la Cour ne peut pas assurer au justiciable le régime dont il pourrait bénéficier devant les juridictions nationales. Les particuliers ne peuvent pas agir contre les actes de portée générale. Les droits des particuliers sont un peu flous. Il faudrait clarifier la structure juridique communautaire : préciser la hiérarchie des normes, quels sont les actes attaquables… Mais les Etats n’osent pas lancer ce débat. La Cour a des problèmes énormes d’interprétariat : il aurait fallu 60 postes de traducteurs, or elle n’a eu que 5 postes – il y a d’ailleurs des langues qui posent plus de problèmes que d’autres. Il y a donc un problème technique, qui touche un problème de fond, à savoir la manière dont les décisions juridiques sont faites. 3. D. BLANC, Guide du droit de l’Union européenne, Ellipses, 2008. Juridictions communautaires Notion Á côté du juge national, juge de droit commun du droit communautaire, les traités ont prévu une institution juridictionnelle : la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). La première Communauté, celle du Charbon et de l’Acier (CECA), instituée par le traité de Paris du 18 avril 1951, instaure une Cour de justice, qui devient à la suite des traités de Rome de 1957 fondant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA), la Cour de justice des Communautés européennes. Á l’origine, la notion de juge communautaire désignait exclusivement la CJCE, mais l’encombrement de son prétoire a incité dans un premier temps les rédacteurs de l’Acte unique à lui adjoindre un Tribunal de première instance (TPI), puis dans un second temps, ceux du traité de Nice ont rendu possible la création de chambres juridictionnelles spécialisées, le Tribunal de la fonction publique (TFP) est né de cette faculté.

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Les traités confondent dans leur présentation le tout, la CJCE en tant qu’institution juridictionnelle, avec la partie, c’est-à-dire la CJCE, juridiction suprême des Communautés européennes. Le traité de Lisbonne procède à une saine clarification sémantique en insérant un article 19 TUE prévoyant : « La Cour de justice de l'Union européenne comprend la Cour de justice, le Tribunal et des tribunaux spécialisés ». Si l’institution juridictionnelle, la CJUE est unique, il prend acte de la pluralité de juridictions européennes. La transformation par le traité de Lisbonne de l’institution juridictionnelle, la CJCE, en CJUE ne lui confère pas pour autant une compétence générale valant pour tous les aspects de l’Union européenne, sa vertu réside dans la réduction des matières échappant jusque là à son contrôle (voir supra Communauté de droit). Au final, disposant comme toute institution d’une compétence d’attribution conformément à l’article 7 TCE, l’institution juridictionnelle communautaire est chargée d’assurer le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités. La Cour de justice Outre les articles 220 à 245 TCE, la Cour de justice est régie par un Statut fixé par un protocole inscrit en annexe du traité, complété par un règlement de procédure soumis pour approbation au Conseil qui se prononce à la majorité qualifiée. Composition Depuis le traité de Nice, il est explicitement prévu qu’un représentant de chaque État membre siège à la Cour de justice, de sorte qu’elle est actuellement composée de 27 juges. La relation établie entre la nationalité et la fonction de juge a pour effet d’assurer une représentation des divers systèmes juridiques internes et une égalité entre les États membres. Les juges sont nommés pour 6 ans, renouvelable, d’un commun accord par les gouvernements des États membres après avoir été choisis parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance et réunissant les qualités nécessaires pour l’exercice, dans leur pays respectif, des plus hautes fonctions juridictionnelles. Tous les trois ans a lieu le renouvellement partiel de la Cour de justice, il et porte alternativement sur 14 et 13 juges. Cette règle vise à concilier la stabilité institutionnelle et la continuité jurisprudentielle. Avant de procéder aux nominations le traité de Lisbonne prévoit qu’un comité est saisi pour donner un avis sur l’adéquation des candidats à l’exercice des fonctions de juge (art. 225 TFUE). Ce dispositif est destiné à renforcer l’indépendance attendue des juges, il doit également s’appliquer à la désignation des avocats généraux. Par une décision du Conseil du 18 janvier 2005, un tel comité a été constitué, de sorte qu’il a été fait une application anticipée des règles à venir. Il est composé de sept personnalités choisies parmi d’anciens membres de la Cour de justice et du TPI et de juristes possédant des compétences notoires. La Cour de justice compte 8 avocats généraux, désignés pour six ans dans les mêmes conditions que les juges. Leur nombre empêche que toutes les nationalités soient représentées, aussi les quatre États les plus peuplés de la Communauté (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie) ont le privilège d’avoir un avocat général de leur nationalité. Le traité de Lisbonne abandonne cette règle puisqu’il ne fixe aucune limitation quant à leur nombre. La mission générale des avocats généraux est d’assister la Cour de justice comme cela est explicité à l’article 222 TCE. D’un point de vue statutaire ils sont assimilés aux juges de la Cour de justice et bénéficie d’un régime identique. Chaque juge de la Cour de justice et chaque avocat général est assisté de trois référendaires. Organisation et fonctionnement La Cour de justice rend en principe ses décisions conformément à l’article 221 TCE soit réunie en chambre soit en grande chambre. Les premières sont composées de 3 ou 5 juges tandis que la seconde compte 13 membres dont les 5 présidents de chambre. Actuellement, la Cour compte huit

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chambres, un juge peut donc appartenir à deux chambres. Exceptionnellement, la Cour de justice se réunit en assemblée plénière. La Cour de justice est dirigée par son président, élu par ses pairs pour 3 ans, ce mandat est renouvelable, à ses côtés un greffier exerce des fonctions judiciaires comparables à celles d’un greffier d'une juridiction nationale et celles de secrétaire général de la Cour. Celle-ci dispose de ses propres infrastructures administratives pour des raisons évidentes d’indépendance. Les services de la Cour sont organisés de la façon suivante : le greffe ; une direction bibliothèque ; un service de la recherche et de la documentation ; une direction de la traduction ; un service de l’interprétation ; un service Presse et information ; une direction des infrastructures ; un service protocole et visites. Au final, 785 fonctionnaires et 290 personnes à titre temporaire sont affectés à la Cour de justice sur un total d’environ 1700 qui relèvent de l’institution juridictionnelle dans son ensemble (Cour de Justice, TPI et TFP). Compétences Dans le cadre communautaire, la Cour de justice à la manière d’un juge suprême est compétente pour examiner les pourvois formés contre les décisions rendues par le TPI. Comme un juge constitutionnel elle tranche les conflits entre les institutions communautaires et entre ces dernières et les États membres. En sa qualité de juge communautaire, elle dit le droit communautaire au juge national la saisissant au titre d’un renvoi préjudiciel (voir infra Renvoi préjudiciel). Enfin, elle apprécie la légalité des actes communautaires. Depuis l’instauration du TPI, la Cour de justice a vu régulièrement ses compétences transférées en direction de ce dernier. Relèvent de ses attributions les recours en annulation et en carence formés par les États membres et dirigés contre un acte ou une abstention de statuer du Parlement européen ou du Conseil, ou de ces deux institutions statuant conjointement. Sont également réservés à la Cour de justice les recours en annulation ou en carence formés par une institution des Communautés ou par la BCE contre un acte ou une abstention de statuer du Parlement européen, du Conseil, de ces deux institutions statuant conjointement ou de la Commission ainsi que par une institution des Communautés contre un acte ou une abstention de statuer de la BCE. Pour les deux piliers intergouvernementaux (PESC et CPJ) la Cour de justice est exceptionnellement compétente dans les conditions posées aux articles 35 et 46 UE. Le Tribunal de première instance L’Acte unique a posé les fondations d’une juridiction de première instance, sur la base desquelles a été institué, par une décision du Conseil du 24 octobre 1988, entrée en vigueur le 1er janvier 1990, le Tribunal de première instance. Cette création répond à la double nécessité de décharger la Cour de justice d’un certain nombre d’affaires, en particulier celles touchant au contentieux de la fonction publique communautaire et d’instituer un double degré de juridiction de nature à améliorer la protection juridictionnelle des justiciables. Toutefois, cette protection demeure limitée dans la mesure où les arrêts du TPI sont seulement susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi, c’est-à-dire d’un recours limité aux questions de droit. Le TPI est doté d’un règlement de procédure inspiré de celui de la Cour de justice. Composition Les 27 juges du TPI sont nommés pour six ans à la suite d’un commun accord entre les États membres. L’article 224 TCE ouvre la possibilité pour le TPI de compter plus de membres que d’État membre afin de lui permettre de faire face à l’augmentation constante de ses missions. Ils sont choisis en fonction de leurs garanties d’indépendance et de leur capacité requise pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles. Comme la Cour de justice, le TPI est renouvelé par

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moitié tous les 3 ans. Mais à sa différence, les fonctions de juge ou d’avocat général sont indifférentes, tout membre du TPI, à l’exception de son président, peut exercer les fonctions d’avocat général. Au surplus, sa participation à la procédure n’est pas obligatoire, sauf lorsqu’il délibère en formation plénière. Chaque membre du Tribunal est assisté de deux référendaires. Organisation et fonctionnement Le TPI siège en principe en chambres, composées de 3 ou 5 juges. Il revient au TPI de fixer les critères selon lesquels les affaires sont réparties entre les chambres, ensuite le président attribue l’affaire en cause à la chambre ad hoc. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Nice, le TPI peut également se réunir en grande chambre composée de 13 juges. Á l’imitation de la formation plénière elle constitue une formation exceptionnelle, réunie lorsque la difficulté en droit ou l’importance de l’affaire ou des circonstances particulières le justifient. Face au volume croissant d’affaires auquel doit faire face le TPI, un juge unique peut rendre ses décisions en son nom. Tel est le cas pour des affaires caractérisées par l'absence de difficulté des questions de droit ou de fait soulevées, de leur importance limitée et de l’absence d’autres circonstances particulières. Cette faculté est faiblement utilisée par le TPI. Le TPI désigne son président dans les mêmes conditions que la Cour de justice, il est pareillement assisté d’un greffier exerçant des fonctions identiques à celles de son homologue de la Cour. Compétences L’article 225 CE confère au TPI trois missions. Tout d’abord, en sa qualité de juridiction de première instance, il dispose d’une compétence de droit commun pour le contrôle de légalité mis en œuvre par le recours en annulation (art. 230 TCE), pour le recours en carence (art. 232 TCE), pour le recours en indemnité (art. 235 CE) et pour le recours en responsabilité contractuelle (art. 238 CE). En outre, l’article 225 TCE réserve la possibilité d’étendre les compétences du TPI en direction d’autres recours, ce que réalise la décision du Conseil du 26 avril 2004. Le critère général s’agissant de la compétence du TPI tient dans l’exclusion des litiges mettant en jeu des questions d’ordre « constitutionnel ». Ensuite, le TPI peut examiner les décisions rendues par les chambres juridictionnelles prévues à l’article 225 A TCE. Cependant, si l’unité ou la cohérence du droit communautaire est susceptible d’être affectée, la CJCE pourra réexaminer les décisions du TPI sans qu’il s’agisse bien entendu d’un pourvoi. Ce cas de figure apparaît exceptionnel. Á côté de cette clause de réexamen déjà évoquée le TPI est autorisé à renvoyer l’affaire devant la Cour de justice lorsqu’il estime que « l’affaire appelle une décision de principe susceptible d’affecter l’unité ou la cohérence du droit communautaire » suivant les termes de l’article 225-3 TCE. Enfin, le TPI accède au rang de juge préjudiciel selon des termes devant être précisés dans le statut de la CJCE. Pour l’heure cette possibilité est restée lettre morte, mais plusieurs solutions été avancées : confier au TPI le contentieux de la propriété intellectuelle ou encore celui né de l’application du tarif douanier commun. Le Tribunal de la fonction publique L’article 225 A TCE introduit par le traité de Nice habilite le Conseil, statuant à l’unanimité, à créer une chambre juridictionnelle sur proposition de la Commission ou de la CJCE. Sur ce fondement la Commission a pris une initiative répondant à la demande pressante des États membres exprimée par la déclaration n°16 annexée au traité. Le TFP a été institué à cette fin par la décision du Conseil du 2 novembre 2004, s’insérant en annexe I au statut de la CJCE dans laquelle sont posées les règles régissant la nouvelle juridiction. Á la manière du TPI qui avait été adjoint à l’origine à la Cour de

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justice, le TFP est adjoint au TPI, il a son siège auprès de ce dernier. Le TFP a pris ses fonctions officiellement à la fin de l’année 2005, les affaires déposées devant le TPI lui ont été transférées. Après avoir suivi les règles en vigueur au TPI, le TFP dispose depuis le 25 juillet 2007 de son propre règlement de procédure. Le TFP est la première chambre juridictionnelle établie sur la base de l’article 225 A TCE. D’autres doivent suivre comme le Tribunal du brevet communautaire, prévu pour 2009. Composition Le TFP est composé de sept juges, ce nombre a été jugé en adéquation avec le nombre d’affaires relevant du contentieux de la fonction publique. Toutefois, le Conseil peut décider d’augmenter leur nombre. Dans la mesure où la relation entre le nombre de juges et d’États membres est rompue, la décision du 2 novembre 2004 demande au Conseil de veiller à « une composition équilibrée du Tribunal sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres et en ce qui concerne les systèmes juridiques nationaux représentés ». Au demeurant, leur désignation se fait selon les critères déjà rencontrés pour la Cour de justice ou pour le TPI, les personnalités choisies doivent offrir selon l’article 225 A TCE « toutes les garanties d’indépendance » et posséder « la capacité requise pour l’exercice de fonctions juridictionnelles ». La désignation des membres du TFP est originale en ce sens qu’il appartient au Conseil de les nommer à l’unanimité, alors que les autres membres de l’institution juridictionnelle sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des États membres. D’une certaine manière la procédure de désignation des juges du TFP est « communautarisée ». L’originalité du mode de nomination du TFP a été accentuée par la consultation pour la première fois du comité de sélection chargé d’apprécier les qualités des candidats. Pour le reste à l’instar des autres juridictions, les membres du TFP sont nommés pour 6 ans, renouvelable ; tous les 3 ans un renouvellement partiel a lieu. Organisation et fonctionnement Le TFP se prononce en formation ordinaire au sein de chambres composées de trois juges, mais il peut aussi se réunir, sous la présidence de son président, en formation plénière ou en grande chambre (5 juges), ses décisions peuvent aussi être prises par un juge unique. Le président du TFP est désigné pour 3 ans, son mandat est également renouvelable. Il est assisté d’un greffier nommé par le TFP. Le lien organique entre le TFP et les autres juridictions est très fort puisqu’il s’appuie sur leurs services. Compétences Le TFP est compétent pour statuer sur les litiges entre les Communautés et ses agents en vertu de l’article 236 TCE. Il est le juge du contentieux de la fonction publique en lieu et place du TPI. Par sa spécialisation, le TFP évoque les tribunaux administratifs de certaines organisations internationales telles que l’Organisation des Nations Unies ou l’Organisation Internationale du travail (OIT). Les décisions que rend le TFP font l’objet d’un pourvoi devant le TPI. Pour en savoir plus

Didier Blanc, Contentieux de l’Union européenne, Dictionnaire Joly Communautaire, Paris, Éditions Joly. Jean-Noël Billard, Droit du contentieux communautaire, Paris, Ellipses, 2006. II - La Cour des comptes de l’Union européenne

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1. Service des relations extérieures de la Cour des comptes, La Cour des comptes européenne. Améliorer la gestion financière de l’Union européenne, 2004. Historique La Cour des comptes a été instituée par le traité de Bruxelles, du 22 juillet 1975, et est entrée en fonction en octobre 1977. Son siège est à Luxembourg. Le traité de Maastricht, du 7 février 1992, a élevé la Cour des comptes européenne au rang d'institution des Communautés européennes, renforçant ainsi son indépendance et ses pouvoirs. La Cour a, depuis, l'obligation de publier chaque année une déclaration d'assurance (DAS) concernant la fiabilité des comptes communautaires, ainsi que la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes. Le traité d'Amsterdam, du 2 octobre 1997, a conféré à la Cour des comptes le rang d'institution de l'Union européenne et a donc formellement étendu le champ d'application de l'audit de la Cour aux deuxième et troisième piliers de l'Union (à savoir la politique étrangère et de sécurité commune, d'une part, la justice et les affaires intérieures, d'autre part). Cela a eu pour effet de renforcer le rôle de la Cour en matière d'irrégularités et de mesures de lutte contre la fraude. Le traité a confirmé le droit pour la Cour de saisir la Cour de justice afin de protéger ses prérogatives par rapport à une autre institution de l'UE. Le traité de Nice, du 26 février 2001, dispose que la Cour des comptes est composée d'un national de chaque État membre. En vertu du traité, la Cour peut adopter certaines catégories de rapports ou d'avis au sein de chambres, plutôt qu'en collège. Il a confirmé la pratique consistant à publier des appréciations spécifiques dans le cadre de la déclaration d'assurance pour chacun des principaux domaines d'activité de l'Union européenne. Le traité insiste également sur l'importance de la coopération entre la Cour et les institutions supérieures de contrôle des États membres. Les fonctions attribuées par le traité La Cour des comptes européenne est l'auditeur externe des finances de l'Union européenne. Les articles 246 à 248 du traité définissent la composition et les fonctions de la Cour des comptes. Celles-ci peuvent se résumer comme suit : La Cour des comptes européenne examine les comptes de la totalité des recettes et dépenses de l'Union européenne, et de tout organisme créé par celle-ci, sauf dispositions contraires ; examine la légalité et la régularité des recettes et dépenses de l'UE et s'assure de la bonne gestion financière, à savoir que les fonds ont été utilisés de manière économique, efficiente et efficace ; établit un rapport annuel comportant ses observations sur l'exécution du budget de l'Union européenne pour chaque exercice et fournit une déclaration d'assurance (DAS) concernant la fiabilité des comptes de l'Union européenne pour l'exercice concerné, ainsi que la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes ; peut présenter à tout moment ses observations sur des questions particulières, notamment sous forme de rapports spéciaux ; rend compte des cas d'irrégularités ou de fraude présumée, détectées dans le cadre de ses travaux d'audit ; rend des avis formels sur les propositions de législation communautaire de nature financière ; est consultée sur toute proposition concernant des mesures de lutte contre la fraude; assiste l'autorité de décharge (Parlement européen) dans l'exercice de ses fonctions de contrôle de l'exécution du budget de l'Union européenne, par la publication de rapports d'audit et d'avis. La Cour n'a aucun pouvoir juridictionnel ; ses rapports et avis ne sont donc pas juridiquement contraignants. Cependant, les travaux de la Cour permettent au législateur et aux responsables de la gestion des programmes et des finances de l'UE d'améliorer la gestion financière. 5. PROCÉDURE D'AUDIT Chaque audit s'articule autour de trois grandes phases: la programmation, les tests et l'établissement d'un rapport. La programmation

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La Cour programme ses travaux sur une base annuelle et pluriannuelle. Le programme pluriannuel permet à la Cour de définir, puis de mettre à jour son approche d'audit. Le programme annuel présente les tâches spécifiques à effectuer au cours de l'exercice en question. S'agissant des audits sélectionnés, les travaux commencent par une étude préliminaire visant à déterminer s'il est justifié d'entreprendre un audit approfondi en ce qui concerne la tâche spécifique, c'est-à-dire si l'audit est susceptible d'avoir une incidence et d'être rentable. Durant cette phase, les auditeurs collectent et analysent des données provenant de la Commission européenne, ainsi que des administrations des États membres et des pays bénéficiaires, afin d'obtenir une vue d'ensemble des principaux systèmes de gestion et de contrôle interne. Les auditeurs procèdent à une évaluation précise des risques et désignent les sources potentielles pour l'obtention d'informations probantes. Ces informations permettent aux auditeurs de définir les objectifs généraux et détaillés de l'audit ainsi que la nature et l'ampleur des tests à effectuer pour les atteindre. Les objectifs de l'audit établissent précisément ce que l'audit vise à accomplir et/ou les questions auxquelles l'audit permettra de répondre. Le rapport sur l'étude préliminaire se termine par une appréciation de l'incidence escomptée d'un audit approfondi ainsi que de son coût global. Pour chaque audit entrepris, les auditeurs établissent un plan d'enquête, qui définit l'étendue de l'audit, l'approche d'audit, ainsi que les objectifs d'audit et la manière la plus efficiente et la plus économique d'atteindre ces derniers. Ce plan comporte des données sur les ressources humaines et autres, nécessaires à la réalisation de la tâche d'audit, ainsi que des informations pratiques telles que les pays à visiter et les méthodes qui seront employées pour obtenir les informations probantes, ou encore le calendrier d'exécution de l'audit. Un programme d'audit vient compléter le plan d'enquête: il expose en détail les tests d'audit nécessaires. Les plans d'enquête et les programmes d'audit sont soumis à l'approbation du groupe d'audit responsable. Les tests Les tests servent à obtenir des informations probantes suffisantes, pertinentes et fiables, pour que les auditeurs puissent tirer des conclusions sur les objectifs d'audit. Les tests sont effectués par des équipes d'audit composées de deux ou trois agents. Les auditeurs collectent des informations probantes conformément au programme d'audit, tant au sein des institutions de l'Union européenne que dans les États membres et dans les pays bénéficiaires. Selon le type d'audit, cela comporte généralement l'analyse et les tests des systèmes et des opérations dans tous les services administratifs concernés. Les techniques de sondage statistique s'avèrent souvent efficaces pour obtenir une image représentative d'une population d'opérations. Pour certains audits, la Cour fait appel à des experts externes chargés de lui fournir des compétences spécifiques. Pour obtenir des informations probantes, l'auditeur dispose de différents moyens généralement articulés autour d'examens de pièces justificatives importantes, de contrôles physiques ou d'enquêtes. La nature des informations probantes nécessaires dépend de l'opération concernée, de l'objet de l'audit et, en particulier, des conditions d'obtention de l'aide communautaire. Par exemple, lors d'un audit portant sur la prime à la vache allaitante versée aux exploitants agricoles, l'auditeur devra obtenir des éléments probants attestant que les animaux existent bien, qu'ils satisfont aux critères spécifiques d'éligibilité (âge, etc.) et qu'ils étaient détenus par l'exploitant durant la période d'éligibilité. S'agissant de l'aide communautaire en faveur de projets d'infrastructures régionaux, il convient d'obtenir des informations probantes concernant tant l'existence physique du projet, que la réalité et l'éligibilité des dépenses dont le bénéficiaire a demandé le remboursement. L'approche d'audit par l'analyse des systèmes Un audit suppose généralement la réalisation de tests directs sur un échantillon d'opérations pour obtenir les informations probantes nécessaires. L'étendue de ces tests peut toutefois être réduite, pour autant que cela soit possible et économique, lorsque les systèmes de contrôle interne sont fiables. L'approche par l'analyse des systèmes commence par une analyse approfondie de la conception et du fonctionnement des systèmes de contrôle interne de l'organisme audité, ainsi que par des tests portant sur ces différents éléments, l'objectif étant d'obtenir des informations probantes quant à leur efficacité. Les systèmes de contrôle interne sont les systèmes mis en place par les responsables de l'entité auditée afin d'assurer : la réalisation des objectifs de l'entité de manière économique, efficiente et efficace ;

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le respect des règles externes (législation) et des politiques de gestion ; la sauvegarde de l'actif et de l'information ; la prévention et la détection des fraudes et des erreurs ; la bonne qualité des pièces comptables et la diffusion, en temps utile, d'informations financières et d'informations de gestion fiables. S'il ressort des tests que les systèmes sont bien conçus et fonctionnent efficacement, le nombre de tests directs sur les opérations nécessaires pour atteindre les objectifs d'audit peut être réduit. L'approche par l'analyse des systèmes est utilisée tant pour les audits financiers que pour les audits de la bonne gestion financière. Elle présente l'avantage de fournir des observations détaillées sur les systèmes de contrôle interne et, par suite, de permettre la mise au jour des faiblesses systématiques et la formulation de suggestions pour améliorer la situation. Une fois ses travaux terminés, l'équipe d'audit établit une lettre officielle où elle détaille ses constatations. Ce relevé de constatations préliminaires est signé par le Membre de la Cour responsable de l'audit en cause; il est adressé aux entités auditées, c'est-à-dire : aux autorités des États membres responsables de la gestion des fonds de l'UE, dans le cas d'une gestion partagée des dépenses ; à la Commission européenne dans le cas d'une gestion directe des dépenses ; aux autres institutions de l'UE, si l'audit concerne leurs propres dépenses. L'objectif de ce relevé est de permettre aux entités auditées de confirmer l'exactitude des faits constatés par la Cour et de fournir toute information complémentaire ou explication qui seraient nécessaires. Une fois que les auditeurs ont obtenu suffisamment d'informations probantes, pertinentes et fiables, les données sont analysées et servent de base aux conclusions sur chacun des objectifs de l'audit. L'établissement des rapports Les rapports d'audit servent à communiquer les résultats des travaux de la Cour à l'entité auditée, à l'autorité de décharge et aux citoyens de l'UE. La publication des rapports d'audit est un élément important pour assurer la transparence du processus de surveillance de la gestion et de l'utilisation de fonds communautaires. Quand les travaux d'audit programmés sont terminés et que les informations probantes ont été analysées, les auditeurs établissent un projet de rapport d'audit ("Les observations préliminaires de la Cour") contenant : les observations et les constatations ; les conclusions sur les objectifs d'audit ; des recommandations pour que des améliorations soient apportées. Ce projet de rapport d'audit est d'abord examiné par le groupe d'audit compétent, avant d'être soumis à la Cour pour adoption. Le projet de rapport est transmis à l'entité auditée - la Commission européenne ou une autre institution de l'Union européenne concernée - dans le cadre d'une procédure contradictoire, durant laquelle l'entité auditée peut vérifier les faits exposés et répond officiellement aux observations de la Cour. Cette réponse tient compte des réactions des États membres. En fonction de la réponse, soit la Cour maintient ses observations initiales, soit elle les modifie pour corriger les erreurs et les malentendus éventuels. La réponse de l'entité auditée est publiée en même temps que le rapport d'audit. Au terme de la procédure contradictoire, la Cour adopte officiellement le rapport d'audit définitif. 6. INCIDENCE DES TRAVAUX DE LA COUR Rapports et avis de la Cour Un rapport annuel contenant, pour chaque exercice, la déclaration d'assurance de la Cour, ainsi que d'autres observations sur l'exécution du budget général de l'UE et sur les Fonds européens de développement ; des rapports annuels spécifiques relatifs à chaque organisme et agence de l'UE ; des rapports spéciaux contenant les résultats des audits financiers et de la bonne gestion financière approfondis effectués par la Cour dans des domaines budgétaires, ou d'audit portant sur des questions spécifiques de gestion ;

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des avis présentant l'opinion de la Cour sur une réglementation, nouvelle ou modifiée, ayant une incidence financière. Le rapport annuel est publié au mois de novembre de l'année suivant l'exercice concerné. Les rapports spéciaux et les avis peuvent être publiés à n'importe quel moment de l'année. Les rapports d'audit et les avis de la Cour sont officiellement transmis aux Présidents des institutions de l'UE et de la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen. Le rapport annuel est également adressé au comité budgétaire du Conseil, de même qu'aux Parlements nationaux et aux Présidents des Institutions supérieures de contrôle des États membres. La présentation devant le Parlement européen et le Conseil Le Président de la Cour présente le rapport annuel devant le Parlement européen réuni en séance plénière, après l'avoir fait devant la commission du contrôle budgétaire. Au cours du débat qui s'ensuit, la Commission a également la possibilité de faire valoir son point de vue. Ces présentations publiques sont suivies avec intérêt par la presse internationale. Le Président de la Cour présente également le rapport au Conseil ECOFIN, composé des ministres de l'économie et des finances des États membres. Les rapports spéciaux, de même que les rapports annuels spécifiques, sont en règle générale présentés à la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen par le Membre de la Cour qui en est responsable. En outre, d'autres commissions ou comités spécialisés du Parlement européen et du Conseil examinent ou prennent en considération les rapports de la Cour. Le Parlement européen adopte des résolutions sur les observations d'audit de la Cour. Sur la base des conclusions d'audit de celle-ci, le Conseil formule pour sa part des recommandations concernant les mesures correctrices à prendre par la Commission ou une autre institution de l'UE. La procédure annuelle de décharge Les rapports de la Cour des comptes européenne pour un exercice donné servent de point de départ à la procédure annuelle de décharge. Celle-ci clôture le cycle d'opérations concernant l'obligation de rendre compte de l'utilisation des fonds communautaires, commencé quelques années auparavant avec l'approbation du budget par le Parlement et le Conseil. L'autorité de décharge - le Parlement européen - examine les comptes annuels afférents aux opérations du budget général élaborés par la Commission européenne. Le Parlement, sur proposition de sa commission du contrôle budgétaire et sur recommandation du Conseil, décide de donner ou de refuser la décharge à la Commission et aux autres institutions pour l'exécution du budget de l'exercice en question. L'octroi de la décharge revient à reconnaître que la Commission, ou d'autres institutions de l'UEont bien géré les fonds de l'Union européenne, que les dépenses étaient légales et régulières, que sa gestion financière a été efficace et que l'utilisation des crédits a servi les objectifs politiques que l'UEs'était fixés. Le refus de décharge constitue l'un des griefs majeurs que le Parlement européen peut faire à la Commission ou aux autres institutions de l'UE. Le Parlement peut également ajourner la décision concernant la décharge jusqu'à ce que la Commission, ou une autre institution de l'UE, ait adopté des mesures correctrices pour remédier aux principales faiblesses constatées. Chaque année, la Commission est tenue d'informer l'autorité de décharge des mesures prises sur la base des décisions de décharge précédentes. Le suivi des observations antérieures Quelques années après avoir terminé un audit, la Cour effectue un suivi de ses observations. Il s'agit en l'occurrence de déterminer quelles mesures correctrices ont été prises suite aux recommandations de la Cour et de l'autorité de décharge. Les résultats de ce suivi figurent dans le rapport annuel de la Cour, ce qui permet à l'autorité de décharge d'en prendre connaissance.

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Thème 4 : Les autres agents institutionnels de l’Union européenne

Séance 7 : Les organes et agences de l’Union européenne

A côté des institutions telles que qualifiées par les traités, l’Union européenne fonctionne grâce à un

quelques organes et un nombre croissant d’agences, au point que leur multiplication est source de

complexité institutionnelle.

1. C. PHILIP, Comité économique et social, Dictionnaire juridique des Communautés européennes,

A. BARAV et C. PHILIP (dir), P.U.F.

2. Avis du Comité économique et social européen à l'intention de la Conférence

intergouvernementale 2003, du 24 septembre 2003, CESE 1171/2003, p. 8.

3. P.-A. FERAL, Le Comité des régions dans la conférence intergouvernementale, Petites Affiches,

du 1er janvier 1997, n°1, p. 10 et s.

4. Rapport d’information n°3069 du 3 mai 2006 déposé par la délégation de l’Assemblée nationale

pour l’Union européenne sur les agences européennes, présenté par C. Philip.

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1. C. PHILIP, Comité économique et social, Dictionnaire juridique des Communautés européennes, A. BARAV et C. PHILIP (dir), P.U.F. Chargé de représenter les différentes catégories de la vie économique et sociale, le Comité économique et social s’est révélé être un moyen de concertation efficace entre les partenaires sociaux au sein de la Communauté européenne. Lors des négociations relatives à l’élaboration des traités de Rome, il apparaît nécessaire à beaucoup de prévoir un organe où les partenaires sociaux auront collectivement la possibilité d’exprimer leur point de vue sur les activités communautaires. Ainsi naît le Comité économique et social, même si la république fédérale d’Allemagne se montrant réticente, sa conception du libéralisme et sa crainte du corporatisme lui faisant douter de l’utilité d’un tel organisme qui n’existe pas à Bonn, cette réserve conduit à la dénomination de " Comité " et non de " Conseil ", et à ne pas faire du Comité une institution au même titre que le Conseil, la Commission, le Parlement ou la Cour, le Comité sera simplement un organe subordonné au Conseil. Le Comité économique et social est institué par les articles 257 à 262 du traité CE. Il a été décidé dès l’origine de mettre en place un seul Comité pour la CEE et Euratom, mais de ne pas le fusionner avec le comité consultatif CECA. Le nombre des membres du Comité économique et social est le suivant : - Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni : 24 - Espagne : 21 - Belgique, Grèce, Espagne, Portugal : 12 - Autriche, Suède : 11 - Danemark, Finlande, Irlande : 9 - Luxembourg : 6 soit 222 membres au total. La répartition des sièges entre les États membres est la même pour le Comité économique et social et pour le Comité des régions. Le Traité de Nice prévoit que les règles actuelles seront conservées pour le nombre de sièges par État membre. L’effectif de ces deux comités augmentera donc fortement avec l’élargissement chacun d’entre eux passera de 222 à 344 membres dans l’Union élargie (sans toutefois pouvoir excéder 350) et se répartira comme suit : - Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie : 24 - Espagne, Pologne : 21 - Roumanie : 15 - Pays-Bas, Grèce, République tchèque, Belgique, Hongrie, Portugal, Suède, Bulgarie, Autriche : 12 - Slovaquie, Danemark, Finlande, Irlande, Lituanie : 9 - Lettonie, Slovénie, Estonie : 7 - Chypre, Luxembourg : 6 - Malte : 5 Ces membres sont des représentants des " différentes catégories de la vie économique et sociale, notamment des producteurs, des agriculteurs, des transporteurs, des travailleurs, des négociants et artisans, des professions libérales et de l’intérêt général ". Les membres du Comité sont nommés par le Conseil sur proposition des gouvernements des Etats. Il appartient à ceux-ci de procéder à la consultation des organisations considérées, dans chaque pays respectif, comme les plus représentatives des employeurs, des travailleurs et des autres activités appelées à participer au Comité. Le Conseil ratifie la liste établie par chacun des gouvernements. Les membres du Comité sont nommés pour quatre ans, et leur mandat est renouvelable. Ils ne représentent pas les organisations auxquelles ils appartiennent et ne sont pas liés par un mandat impératif résultant de directives de ces groupements. Ils exercent leurs fonctions en pleine indépendance, dans l’intérêt général de la Communauté. Ils sont considérés comme représentant l’ensemble des catégories de la vie économique et sociale. La structure interne du Comité comprend l’assemblée plénière, le bureau, les sections, les groupes, les sous-comités et le secrétariat général. Cet agencement est précisé dans le règlement intérieur. Le

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règlement intérieur du Comité en vigueur a été révisé en 1999 en vue de répondre aux responsabilités nouvelles conférées au CES par le traité d’Amsterdam. Le Comité ne peut émettre un avis qu’en assemblée plénière. Aussi cette dernière constitue le cadre qui rythme ses travaux. Elle se réunit en principe dix fois par an, normalement dans la dernière semaine du mois. Convoquée par le président du Comité, son ordre du jour est proposé par le bureau. Le bureau est élu pour deux ans, ce qui revient à deux bureaux successifs pour un mandat quadriennal du Comité. Le nombre des membres du bureau a été ramené de 36 à 24, y compris les six présidents de sections et les trois présidents de groupe qui siégeront désormais de droit au bureau. Le bureau comprend un président et deux viceprésidents. Le président est choisi alternativement au sein des trois groupes du Comité (les vice-présidents appartiennent aux deux autres groupes). La composition du bureau tient compte d’une représentation des différents Etats et groupes (8 membres par groupe ; 2 membres pour l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Grèce, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ; 1 membre pour le Danemark, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède). Le bureau se réunit en principe une fois par mois. Il prépare, organise et coordonne les travaux du comité et de ses différents organes. Le président, outre bien sûr la présidence des réunions du Comité et du bureau, assure les relations avec les autres institutions des Communautés et d’une manière générale la représentation du Comité. Ce sont dans les sections que s’élaborent les avis, présentés ensuite devant l’assemblée plénière. Le Comité crée le nombre de sections qu’il entend. Leurs membres sont compris entre 41 et 84. Tout membre du Comité est, à l’exception du président, membre d’au moins une section. Pour chaque section, il est tenu compte d’une représentation équitable des Etats et des groupes. Les sections sont renouvelées tous les deux ans. Le nombre des sections a été ramené de neuf à six, à savoir : " Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale " ; " Marché unique, production et consommation " ; " Transports, énergie, infrastructures, société de l’information " ; " Emploi, affaires sociales, citoyenneté " ; " Agriculture, développement rural, environnement " ; " Relations extérieures ". Tout membre du Comité s’inscrit à l’un des trois groupes qui traduisent la diversité de la composition du Comité : groupe des employeurs (groupe I), groupe des travailleurs (groupe II) et groupe des activités diverses (groupe III). Il n’y a pas de règles strictes en ce qui concerne le partage des sièges entre ces trois groupes : une relative évolution peut résulter de proposition de nomination des gouvernements comme du choix de certains membres. Le Comité économique et social est un organe consultatif. Il faut distinguer les consultations obligatoires du Comité, c’est-à-dire les hypothèses où la consultation du Comité trouve sa source dans les traités et où il n’est pas possible de décider valablement sans l’avis émis par le Comité, et les consultations facultatives, c’est-à-dire demandées sans que les traités exigent la saisine du Comité. En vertu du traité CE, le Comité doit être consulté par le Conseil des ministres ou la Commission européenne sur les questions relatives à l’agriculture, à la libre circulation des travailleurs, au droit d’établissement, aux transports, au rapprochement des législations, à la politique sociale, au Fonds social européen et à la formation professionnelle. A ces consultations obligatoires, s’ajoutent des consultations facultatives. Les traités disposent en effet que le Comité " peut être consulté par ces institutions (Conseil et Commission) dans tous les cas où elles le jugent opportun ". La Commission a très largement fait appel à cette possibilité au cours de ces dernières années. La décision du sommet de Paris d’octobre 1972 d’accorder au Comité le droit d’émettre des avis de sa propre initiative sur toutes les questions touchant aux activités communautaires a abouti à l’adoption en juin 1974 par le Conseil d’un nouvel article du règlement du Comité (art. 20, al. 4) régissant l’usage de ce droit d’initiative. " Le Comité peut être convoqué par son président sur proposition de son bureau et avec l’accord de la majorité de ses membres pour émettre de sa propre initiative des avis sur toute question relative aux tâches confiées à la Communauté économique européenne et à la Communauté européenne de l’énergie atomique. " Il résulte de cette rédaction, que l’utilisation du droit d’initiative dépend d’un accord du Comité plénier et non pas seulement du bureau, ce qui lui donne une réelle portée politique. Les termes " toute question relative aux tâches confiées " aux Communautés signifient

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que le Comité n’est pas enfermé dans les seuls problèmes économiques et sociaux, mais que le droit d’initiative s’étend aux questions institutionnelles et à la politique générale communautaire. Ils indiquent également que le Comité n’est pas limité aux secteurs où existe déjà une politique commune, mais qu’il peut user du droit d’initiative pour permettre aux représentants des organisations socioprofessionnelles de manifester leur volonté de voir la Communauté amorcer telle action. Le Comité obtient ainsi un domaine d’intervention qui, même s’il exerce de manière purement consultative, dépasse les limites initiales définies par les traités de Rome. Ce droit d’initiative est officiellement reconnu par le traité sur l’Union européenne qui ajoute une dernière phrase ainsi rédigée: " Il peut prendre l’initiative d’émettre un avis dans les cas où il le juge opportun. " Avec le traité d’Amsterdam, le Comité devient, en outre, l’organe consultatif du Parlement européen. Le Comité économique et social a d’une manière incontestable su progressivement accroître son audience dans le système institutionnel communautaire. Au départ institution contestée et marginale, le Comité est aujourd’hui parvenu à acquérir une autorité certaine malgré sa compétence purement consultative. Même si les traités ne le placent pas au même rang que le Conseil, la Commission, le Parlement ou la Cour, il doit être désormais considéré comme une institution principale des Communautés à placer presque sur le même plan. Le Comité s’est inséré avec efficacité dans l’ensemble institutionnel communautaire. Organe consultatif du Conseil et de la Commission, dépendant du Conseil de par les traités, il a des relations privilégiées avec les exécutifs des Communautés tout en établissant depuis quelques années une coopération avec le Parlement européen. Le Comité économique et social permet à des responsables des principales organisations du monde économique et social de se rencontrer pour confronter leur point de vue sur les activités des Communautés et, à travers elles, sur les questions essentielles qui conditionnent l’avenir des quinze Etats membres. Les travaux du Comité enrichissent et approfondissent les résultats issus de rencontres analogues au plan national. Le Comité donne l’occasion à des personnes militant dans des organisations nationales défendant des objectifs à peu près semblables de travailler ensemble et ceci les a souvent conduit à mettre en place des structures de regroupement au niveau communautaire. C’est au siège du Comité à Bruxelles que se réunissent les institutions en question: Union des industries de la Communauté européenne (UNICE), Confédération européenne des syndicats (CES), etc. Le Comité est ainsi un lieu de rencontres, un forum. Ce n’est pas le cadre de négociations, mais la possibilité d’échanges de vue entre les partenaires sociaux (et pas seulement les employeurs et les syndicats de salariés) qui peuvent faciliter une meilleure compréhension mutuelle des positions de chacun et inciter peut—être à mieux comprendre l’intérêt d’accepter certaines évolutions. Les initiatives prises par le Comité permettent de multiplier les contacts avec les forces économiques et sociales et de les sensibiliser à l’importance de la Communauté, et ce bien au-delà des organisations représentées en son sein. Le Comité économique et social n’est pas le seul cadre de la consultation des partenaires sociaux par le Conseil ou la Commission. Des organes consultatifs ont été créés pour associer des représentants des forces économiques et sociales à tel ou tel aspect particulier de l’action des Communautés. Le Conseil entend néanmoins être l’organe central de la consultation économique et sociale dans le système communautaire. Seul ou presque à être prévu par les traités, représentatif de l’ensemble des catégories économiques et sociales, disposant d’un secrétariat indépendant, il estime être le mieux placé pour exprimer le point de vue des partenaires économiques et sociaux. Par son intermédiaire, c’est l’ensemble de ces derniers qui font entendre leur voix et non un secteur propre qui défendra naturellement des intérêts catégoriels. Un organe consultatif spécialisé serait plus tenté par des positions " corporatistes ", plus soumis aux groupes de pression, qu’une institution comme le Comité économique et social où un certain intérêt général sort nécessairement de la confrontation entre ses membres représentant toutes les grandes activités socioprofessionnelles et, qui plus est, siégeant à titre individuel et non liés par un mandat de leur organisation. Le Comité fait observer que les institutions communautaires auraient intérêt à lui accorder une place centrale dans le mécanisme de consultation. Pourquoi ne pas placer tous les organes consultatifs créés sous ces auspices et confier au secrétariat du Comité un rôle de coordination et d’harmonisation de leurs activités ?

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Certains ont envisagé une modification de la composition du Comité pour y introduire une représentation des pouvoirs régionaux. Cette idée a été abandonnée, ce qui paraît sain, au profit de la création, par le traité de l’Union européenne (art. 263 A), d’un nouvel organe consultatif, indépendant du Comité économique et social, le Comité des régions (même si leur secrétariat devait être commun). Autant la question d’une participation des régions à la vie des Communautés peut paraître souhaitable, autant une " mixité " avec le Comité économique et social aurait risqué de dénaturer ce dernier, les représentants des pouvoirs régionaux étant des élus et n’ayant pas vocation à se faire l’écho d’une catégorie socioprofessionnelle particulière. Le Comité n’a pas l’ambition de devenir un organe décisionnel. Il ne prétend pas exercer un quelconque pouvoir législatif réservé aux élus du suffrage universel. Mais, dans toutes les démocraties modernes les forces économiques et sociales influençant les décisions des pouvoirs publics et étant associées à leur élaboration comme à leur exécution, le Comité considère qu’il a vocation à jouer ce rôle dans la Communauté. C’est pourquoi il souhaitait une modification de l’article 7 du traité pour introduire le Comité au rang d’une véritable institution et obtenir " la reconnaissance du rôle institutionnel du Comité, rôle institutionnel non de décision, mais bien rôle consultatif... " (F. Staedelin, le 18 octobre 1990 lors de son élection à la présidence du Comité), comme la possibilité d’adopter seul son règlement intérieur (soumis à approbation du Conseil statuant à l’unanimité). Il a obtenu satisfaction sur ce dernier point, l’article 260 ayant été modifié en conséquence par le traité de Maastricht. En revanche, il n’a pu obtenir la reconnaissance demandée au niveau de l’article 7. 2. Avis du Comité économique et social européen à l'intention de la Conférence intergouvernementale 2003, du 24 septembre 2003, CESE 1171/2003, p. 8. Si l'Article I-46 du Projet de Traité constitutionnel constitue un acquis fondamental, il ne va pas aussi loin que le CESE et les organisations de la société civile l'ont souhaité et demandé. En effet, le principe de la démocratie participative implique non seulement la consultation, mais également la participation active de tous les acteurs représentatifs de la société civile organisée: d'une part, et à un stade précoce, au processus de formation des politiques et à la préparation des décisions et, d'autre part, à leur mise en oeuvre et à leur suivi. 3.1.3 Le Comité regrette à cet égard l'insuffisance de dispositions opérationnelles mettant en oeuvre ce principe et permettant d'accroître la confiance de la société civile européenne envers la nature réellement participative du fonctionnement de l'Union. En permettant la participation de ceux qui sont directement concernés, le dialogue civil constitue un élément clé pour renforcer la légitimité démocratique de l'Union. Pour que ce dialogue civil soit effectif, il est cependant nécessaire d'en préciser le cadre et le lieu. Le CESE a vocation, par sa composition et ses fonctions, à jouer le rôle de "facilitateur" du dialogue civil et à en être l'enceinte institutionnelle. Ainsi et sans que cela remette en cause le Projet de Traité constitutionnel, le Comité demande de: – Faire figurer le Comité économique et social européen, qu'il conviendrait, de préférence de dénommer à l'avenir "Conseil économique et social européen", dans la liste des institutions et organes qui constituent le cadre institutionnel de l'Union (Article 18, alinéa 2, de la Partie I). Par sa nature et les fonctions qui lui sont assignées dans le cadre institutionnel communautaire, le CESE contribue en effet à part entière à la réalisation des objectifs assignés à l'Union et à l'accroissement de sa légitimité démocratique dans l'intérêt général de celle-ci et des États membres. En outre, une telle insertion rendra plus opérationnel l'alinéa 2 de l'Article 46 qui stipule que "les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile". Ce processus de dialogue et de consultation lors de la formation des politiques européennes doit toutefois être étendu à tous les niveaux territoriaux. – Insérer un Article III-297 rédigé comme suit qui permettrait de définir avec clarté les missions du Comité économique et social européen: "Dans le cadre de la fonction consultative qui lui est impartie par l'Article I-31 de la Constitution, le Conseil économique et social européen:

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• Assiste les institutions législatives et exécutives de l'Union dans le processus de formation des politiques et des décisions, ainsi que dans leur mise en oeuvre; • Assiste l'Union européenne dans l'organisation du dialogue social, à la demande conjointe des partenaires sociaux et dans le respect de leur autonomie; • Facilite le dialogue entre l'Union et les organisations représentatives de la société civile conformément aux principes établis à l'Article I-46 (1 et 2); • Accompagne l'action extérieure de l'Union en entretenant le dialogue avec les organisations de la société civile des pays et ensembles géographiques tiers". 3.1.4 En outre, le suivi effectif des avis du CESE (consultatifs, exploratoires ou de sa propre initiative) constitue une garantie fondamentale de son efficacité dans le cadre d'une démocratie véritablement participative. C'est pourquoi, le CESE propose de compléter comme suit l'Article III-298: "Les institutions communiquent au Comité un rapport régulier sur le suivi de ses avis". 3.2 Élargir les champs de la démocratie représentative et participative 3.2.1 Le CESE regrette que, dans un domaine aussi important que la coordination des politiques économiques et de l'emploi, n'aient pas été prévues de règles permettant d'associer et de consulter les citoyens, par l'intermédiaire du Parlement européen, et les organisations de la société civile, par celui du Comité économique et social européen. Cette anomalie devrait être corrigée par la CIG en prévoyant la consultation du Parlement européen et du CESE sur les grandes orientations des politiques économiques des États membres (GOPE) (Article III-71). 3.2.2 Le champ d'application de la "méthode ouverte de coordination" a été étendu à de nouveaux domaines: la politique sociale, la compétitivité des entreprises, la recherche et la santé publique. Cependant on doit regretter l'absence de dispositions permettant une implication effective du Parlement européen et des parlements nationaux, du CESE, des partenaires sociaux et des autres acteurs de la société civile dans les domaines les concernant. 3.2.3 En ce qui concerne le champ de consultation obligatoire du CESE, il serait opportun, du fait de la composition et de l'expertise de ses membres, de l'élargir à: • L'application du principe de non-discrimination (Article III-7); • La politique commune en matière d'asile et d'immigration (Articles III-167 et III-168);

• La culture (Article III-181)5.

Cela concrétiserait le souci de l'Union de renforcer la légitimité démocratique des politiques communautaires dans des domaines qui revêtent une importance particulière pour les citoyens européens et les organisations de la société civile. 3.3 La société civile organisée et le principe de subsidiarité 3.3.1 La question de l'application du principe de subsidiarité a été une des questions les plus débattues lors de la Convention. Elle faisait partie des demandes du Conseil européen de Laeken. Le Projet de Traité constitutionnel reconnaît fort justement un rôle aux parlements nationaux dans le contrôle de la subsidiarité. Il y associe également le Comité des régions qui peut introduire des recours concernant des actes législatifs pour l'adoption desquels la Constitution prévoit sa consultation, sans pour autant avoir le statut d'institution. 3.3.2 Dans le Protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, la nécessité de larges consultations avant de proposer et de décider d'un acte législatif est reconnue. Néanmoins, ce protocole, qui confère un droit d'alerte au profit des parlements nationaux et un droit de recours aux États membres (le cas échéant au nom de leurs parlements nationaux) ignore totalement le rôle de la société civile organisée, représentée notamment par le CESE, dans la mise en oeuvre du principe de subsidiarité, sans égard pour l'Article I-46 sur la démocratie participative. 3.3.3 Les acteurs de la société civile sont tout aussi fondés que les autorités régionales ou locales à estimer que certaines propositions d'actes législatifs ou réglementaires peuvent empiéter sur leurs champs de compétence; ceci concerne tout autant les partenaires sociaux, dans le cadre de leurs relations conventionnelles, que les autres acteurs de la société civile, pour toutes les formes

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alternatives de réglementation (coréglementation, autoréglementation, codes de bonne conduite, etc.) qui peuvent compléter l'action législative ou s'y substituer. La Commission européenne a elle-

même mis en exergue, dans son Livre blanc sur la gouvernance européenne6, l'importance à l'avenir

de ces nouvelles formes d'organisation de la société, qui s'inscrivent dans le cadre d'une subsidiarité fonctionnelle et constituent également la garantie d'une meilleure réponse aux préoccupations et demandes des citoyens et d'une plus grande efficacité de l'action de l'Union. 3.3.4 C'est pourquoi, le CESE propose: • d'une part, de compléter en conséquence le Protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité et, • d'autre part, et dans le but également de respecter le principe de parité avec le Comité des régions, d'octroyer au Comité économique et social européen un droit de recours auprès de la Cour de justice concernant des actes législatifs pour l'adoption desquels la Constitution prévoit sa consultation et de modifier à cet effet l'Article III-270, alinéa 3, Projet de Traité constitutionnel. En tout état de cause, ce droit de recours serait automatiquement conféré au CESE s'il était inclus dans le cadre institutionnel de l'Union. 5

Le Comité souligne que l'Article I-31 du Projet de Traité constitutionnel prévoit que le Comité économique et social européen est constitué d'acteurs représentatifs de la société civile notamment dans le domaine de la culture. Il est par conséquent logique de prévoir que le Comité est consulté dans ce domaine. 6 COM(2001) 428 final du 25 juillet 2001.

3. P.-A. FERAL, Le Comité des régions dans la conférence intergouvernementale, Petites Affiches, du 1er janvier 1997, n°1, p. 10 et s. II. Qu'est-ce que le Comité des régions ? 1. En effet, les 9 et 10 mars 1994 a eu lieu la réunion constitutive du Comité des régions, institué par le Traité sur l'Union européenne. Cet organe consultatif communautaire, qui n'est pas une institution au sens strict de l'article 4, paragraphe 2, du Traité instituant la Communauté européenne (T.C.E.), est le porte-parole de l'ensemble des collectivités territoriales des Etats membres de l'Union européenne (1) . 2. Le T.C.E. précise, tout d'abord, que le Comité des régions est consulté par le Conseil ou par la Commission dans les cas prévus par le Traité et dans tous les autres cas où l'une de ces deux institutions le juge opportun (2) . Les domaines dans lesquels le Comité est obligatoirement consulté concernent les cinq politiques communautaires suivantes : _ dans le cadre de la politique sociale : l'éducation (article 126, paragraphe 4, du T.C.E) ; _ la culture (article 128, paragraphe 5, du T.C.E.) ; _ la santé publique (article 129, paragraphe 4, du T.C.E.) ; _ dans le cadre des réseaux transeuropéens : les transports, les télécommunications et l'énergie (article 120 D du T.C.E.) ; _ la Cohésion écononique et sociale (articles 130 B, D et E du T.C.E.). Par ailleurs, le Conseil ou la Commission peuvent impartir au Comité des régions, pour présenter son avis, un délai qui ne peut être inférieur à un mois, à compter de la communication qui est adressée à cet effet au Président. L'avis du Comité, ainsi qu'un compte rendu des délibérations, sont transmis au Conseil et à la Commission (3) . 3. Ensuite, lorsque le Comité économique et social (C.E.S.) est consulté en application de l'article 198 du T.C.E., le Comité des régions est informé par le Conseil ou la Commission de cette demande d'avis. Le Comité des régions peut alors émettre un avis à ce sujet (4) lorsqu'il estime que des intérêts régionaux spécifiques sont en jeu. Il s'agit donc d'une forme indirecte de consultation. 4. Enfin, le Comité des régions peut aussi émettre un avis de sa propre initiative dans les cas où il le juge utile (5) . Aussi, peut-il rendre un avis sur une politique communautaire, même si celle-ci ne

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figure pas parmi les cas où il est obligatoirement consulté. De toute évidence, cette disposition représente pour le Comité, non seulement un moyen d'affirmer son autonomie et d'accroître progressivement sa légitimité (6) , mais aussi une procédure qui lui donne un droit d'accès direct aux débats et réflexions suscités par la C.I.G. de 1996. III. Les propositions du Comité des régions adressées à la C.I.G. 1. Très naturellement, le Comité des régions, comme d'autres (7) , a tenu à apporter sa contribution au processus de la C.I.G. qui pourrait aboutir à la réforme des traités communautaires. Au lendemain de sa mise en place, les 9 et 10 mars 1994, le Comité des régions a installé une commission spéciale des « Affaires institutionnelles » qui a élaboré un rapport dont la rédaction avait été au préalable confiée à M. Jordi Pujol. Les membres du Comité des régions ont adopté, le 21 avril 1995, l'avis présenté par ce dernier (8) . Ce rapport intermédiaire définissant les propres orientations du Comité des régions (9) a été transmis au Parlement européen, au Conseil de l'Union européenne, à la Commission européen, ainsi qu'aux membres du groupe de réflexion préparatoire à la C.I.G. de 1996. 2. Dans ce document (10) , le Comité des régions formule des propositions concrètes qui peuvents être rassemblées à travers deux catégories (11) . D'une part, on trouve les propositions relatives à son statut et à l'amélioration de sa position institutionnelle, à savoir : a) droit de recours en annulation sur la base de l'article 173 du T.C.E. pour la défense de ses prérogatives, ainsi que pour faire censurer toute violation au principe de subsidiarité. Ainsi, l'article 173 du T.C.E. serait modifié comme suit : « La Cour est compétente, dans les mêmes conditions, pour se prononcer sur les recours formés par le Parlement européen, la Banque centrale européenne et le Comité des régions qui tendent à la sauvegarde des prérogatives de ceux-ci. De même, elle est compétente pour se prononcer sur les recours formés par le Comité des régions pour cause de violation du principe de subsidiarité (...) » ; b) droit de recours en carence sur la base de l'article 175 du T.C.E.. Ainsi, l'article 175 du T.C.E. serait modifié comme suit, notamment dans le cas où l'on n'attribuerait pas au Comité des régions le rang d'institution : « (...) dans le cas où, en violation du présent traité, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission s'abstiennent de statuer, les Etats membres, les autres institutions de la Communauté et le Comité des régions peuvent saisir la Cour de justice en vue de faire constater cette violation » ; c) accession du Comité des régions au rang d'institution communautaire sur la base de l'article 4, paragraphe 1er, du T.C.E. Ainsi, l'article 4, paragraphes 1 et 2, du T.C.E. serait modifié comme suit : « 1. La réalisation des tâches confiées à la Communauté est assurée par : _ un Parlement européen, _ un Conseil, _ une Commission, _ une Cour des comptes, _ un Comité des régions. Chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont confiées par le présent traité. 2. Le Conseil et la Commission sont assistés d'un Comité économique et social exerçant des fonctions consultatives » ; d) légitimation plus grande du mandat des membres du Comité des régions (12) sur la base de l'article 198 A du T.C.E. Ainsi cet article serait modifié comme suit : « Il est institué un comité à caractère consultatif composé de représentants désignés sur proposition des collectivités régionales et locales, dont le mandat est électif ou qui sont responsables devant une assemblée élue au suffrage universel direct, ci-après dénommé « Comité des régions » » ; e) autonomie quant à l'élaboration et à l'adoption de son règlement intérieur (13) , sur la base de l'article 198 B du T.C.E. Ainsi, cet article serait modifié comme suit : « Il établit et approuve son règlement intérieur » ; f) abrogation du Protocole no 16 annexé au T.U.E. et relatif à la structure organisationnelle commune (S.O.C.) que doivent partager le C.E.S. et le Comité des régions (14) . Cette abrogation

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permettra, outre une plus grande clarté institutionnelle au niveau de ces deux organes consultatifs, d'assurer une pleine autonomie organisationnelle et budgétaire par rapport au C.E.S. ; g) renforcement du rôle consultatif du Comité des régions à l'égard de certaines matières relevant du droit matériel (15) . Plus précisément, le Comité des régions propose, d'une part, que le traité révisé prévoit explicitement la consultation du Comité des régions pour tous les cas où est prévue la consultation du C.E.S., ainsi que pour les cas prévus, à l'article 130 W, paragraphe 1er, du T.C.E., relatif à la coopération au développement, à l'article 8 E, paragraphe 2, du T.C.E., relatif à la citoyenneté de l'Union et à l'article 94 du T.C.E., relatif aux aides publiques. D'autre part, il propose également que, en ce qui concerne sa fonction consultative, l'article 198 C du T.C.E., tel que reformulé par le T.U.E., soit modifié comme suit : « Le Comité des régions est consulté par le Parlement, par le Conseil ou par la Commission dans les cas prévus au présent traité et dans tous les autres cas où l'une de ces trois institutions le juge opportun. S'il l'estime nécessaire, le Parlement, le Conseil ou la Commission impartit au Comité, pour présenter son avis, un délai qui ne peut être inférieur à un mois à compter de la communication qui est adressée à cet effet au président. A l'expiration du délai imparti, il peut être passé outre à l'absence d'avis. Il peut émettre un avis de sa propre initiative dans les cas où il le juge utile. L'avis du Comité ainsi qu'un compte rendu des délibérations sont transmis au Parlement, au Conseil et à la Commission. En cas de divergence avec l'avis du Comité, l'institution concernée informe ce dernier des motifs de sa position » ; h) élargissement de la consultation au Parlement européen sur la base de l'article 198 C, paragraphe 1er, du T.C.E. Ainsi, cet article serait modifié dans le sens précédemment mentionné ; i) collaboration du Comité des régions, auprès de la Commission européenne, dans l'exercice du droit d'initiative. Ainsi, l'article 198 C du T.C.E. se verrait ajouter un nouveau paragraphe formulé comme suit : « Le Comité collabore avec la Commission et conseille cette dernière lors de l'élaboration de programmes législatifs, de livres blancs et de livres verts ainsi que lors de la préparation d'autres initiatives en matière de politiques susceptibles d'affecter les compétences des régions et des collectivités locales ». D'autre part, on trouve les propositions relatives à d'autres thèmes concernant, généralement, le statut et les prérogatives des collectivités territoriales des Etats membres de l'Union européenne, à savoir : a) reformulation de l'article 3 B, paragraphe 2, du T.C.E. relatif au principe de subsidiarité, afin qu'on y mentionne explicitement les régions et collectivités locales et définition claire des compétences respectives de l'Union et des Etats (16) . Ainsi, l'article 3 B, paragraphe 2, du T.C.E. serait modifié comme suit : « La Communauté n'intervient conformément au principe de subsidiarité que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et les collectivités régionales et locales dotées de compétence selon le droit interne des Etats membres » ; b) droit de recours en annulation sur la base de l'article 173 du T.C.E. au profit des régions dont les compétences législatives sont affectées par une norme juridique communautaire. Ainsi, l'article 173, paragraphe 2, du T.C.E. serait modifié comme suit : « (...) Elle est également compétente pour se prononcer sur les recours formés par les régions dont les compétences législatives sont affectées par un règlement, une directive ou une décision » ; c) élargissement de la collaboration aux collectivités régionales et locales pour les politiques de l'Union ayant une incidence sur les compétences des régions ou des collectivités locales, en particulier pour tout ce qui est relatif à l'aménagement du territoire, d) renforcement de la cohésion économique et sociale, notamment, sous l'angle de la promotion de la coopération transfrontalière et interterritoriale ; e) renforcement de la coordination des politiques communautaires ayant une incidence directe sur les zones urbaines et inscription dans le traité du principe de l'autonomie locale, tel qu'il est défini

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par la Charte du Conseil de l'Europe sur l'autonomie locale, ouverte à la signature des Etats membres depuis le 15 octobre 1985 ; f) progression de la C.I.G. sur la voie de la communautarisation du IIIe pilier de l'Union européenne relatif à la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures ; g) clarification, pour les citoyens, des responsabilités et des compétences au sein de l'Union européenne et définition précise, dans un nouveau texte fondateur, des droits fondamentaux des citoyens européens, des objectifs de l'Union européenne, des institutions et organes de l'Union européenne et de leurs compétences respectives. 3. Par la suite, les membres du bureau et de la commission spéciale « Affaires institutionnelles » du Comité des régions, réunis à Catane (17) , le 8 mars 1996, ont décidé de se prononcer sur le rapport final du Groupe de réflexion (18) et de réaffirmer leurs priorités en matière de réforme institutionnelle. Le Comité, dont les membres sont confrontés quotidiennement aux préoccupations des citoyens, demande que l'Union européenne s'affirme davantage au service de ses citoyens et que ces derniers se sentent mieux représentés par et dans l'Union européenne. En effet, avant l'ouverture, le 29 mars 1996 à Turin, de la Conférence intergouvernementale sur la réforme des traités communautaires, le comité souhaitait confirmer les demandes figurant dans sa résolution adoptée le 21 avril 1995, visant à rapprocher le citoyen des institutions communautaires. Le Comité des régions réaffirme donc dans ce contexte ses demandes relatives aux mécanismes de participation des régions et collectivités locales au processus décisionnel communautaire. De même, le Comité souligne que ces collectivités territoriales européennes constituent un intermédiaire fondamental dans le dialogue qui doit s'établir entre les citoyens et les institutions communautaires. Ainsi, l'amélioration des mécanismes de participation régionale et locale au processus de décision de l'Union contribuera considérablement à renforcer la transparence, la démocratie et à rapprocher l'Union des citoyens, autant d'objectifs clefs de la réforme des traités communautaires. Toutefois, on peut noter, dans cette déclaration rédigée à l'attention de la C.I.G. (19) , qu'outre l'apparition d'une nouvelle revendication relative à la reconnaissance de l'importance et de la valeur des langues européennes régionales et/ou minoritaires (20) , une précision est apportée au sujet d'une légitimation plus grande du mandat des membres du Comité des régions (21) . En effet, ces derniers devraient remplir l'une des deux conditions suivantes : « qu'ils soient tenus de rendre compte de leur activité politique devant une assemblée élue au suffrage universel direct » ou bien, « qu'ils soient investis d'un mandat démocratique au sein d'une région ou d'une collectivité locale ». Dans le cas où l'une de ces deux conditions (alternatives) ne serait pas remplie, le mandat du membre devrait donc expirer au plus tard après une période de six mois (22) . 4. Nous le constatons aisément, les propositions du Comité des régions sont précises et essentiellement limitées à la défense et l'amélioration de son statut institutionnel, sans pour autant négliger la problématique d'une plus grande et meilleure association des collectivités territoriales européennes au processus d'intégration communautaire. Dans le cadre de cette démarche politique audacieuse, mais tout à fait légitime, le Comité des régions est étroitement soutenu par les deux grandes associations européennes de collectivités territoriales. a) D'une part, l'Assemblée des régions d'Europe (A.R.E.) (23) estime que le Comité des régions devrait être transformé en une institution de plein droit et ses membres dotés d'une plus grande légitimité démocratique (24) . Par ailleurs, le Comité des régions devrait avoir le droit d'ester indépendamment en justice devant la Cour de justice afin d'assurer la protection de ses prérogatives et droits, ainsi que l'application du principe de subsidiarité (25) . Il devrait aussi pouvoir « disposer de sa propre structure organisationnelle, indépendante du C.E.S. » (26) . b) D'autre part, le Conseil des communes et régions d'Europe (C.C.R.E.), dont le président est M. Pasqual Maragall, actuel président du Comité des régions, demande, entre autres, « une plus grande autonomie pour le Comité par rapport au C.E.S. et au Conseil des ministres, ainsi qu'au Conseil de l'Union, en matière budgétaire et pour son règlement intérieur » (27) . Face à ces diverses propositions institutionnelles formulées par le Comité des régions, soutenu en cela par l'A.R.E. (28) et le C.C.R.E., l'attitude des institutions communautaires, principalement le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne (29) , s'est exprimée de façon

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contrastée, notamment lorsque l'on envisage aussi le contenu des propositions du Groupe de réflexion présidé par M. Westendorp. IV. Les réactions des institutions communautaires Il convient d'envisager successivement les réactions du Parlement européen, du Conseil de l'Union européenne et de la Commission européenne, aux différentes propositions du Comité des régions. 1. Dans le cas du Parlement européen, il est nécessaire de distinguer les propositions émanant de la commission de la politique régionale de celles qui sont retenues, au final, dans les résolutions adoptées par le Parlement européen dans son ensemble. a) Ainsi, le 23 février 1995, la commission de la politique régionale adoptait un avis à l'intention de la commission institutionnelle (30) , dans lequel elle « juge nécessaire de revoir la question du rôle attribué au Comité des régions par le traité et, en particulier, de compléter les dispositions relatives à sa composition et à ses fonctions de façon à » : _ garantir que la charge de ses membres soit conférée par élection dans le contexte de subdivisions administratives et/ou que les membres disposent d'une légitimité démocratique directe devant une assemblée régionale ou locale, _ affirmer la pleine autonomie du Comité des régions en séparant ses structures de celles du C.E.S., _ garantir la représentation, dans le cas des Etats ayant une structure régionale ou fédérale, de toutes les régions constitutionnellement reconnues ; il est également nécessaire de garantir une représentation satisfaisante des différents échelons des pouvoirs locaux et régionaux, dans le respect du principe qui veut que tous les niveaux de pouvoir jouissent de la même considération, _ permettre, au nom du renforcement de la fonction démocratique et législative du Parlement européen, que le Comité adresse ainsi ses avis au Parlement européen, notamment dans le cas où sont d'application les procédures de codécision et d'avis conforme. Par ailleurs, la commission de la politique régionale juge nécessaire que l'on reconnaisse au Comité des régions une légitimation active lui permettant d'introduire des recours devant la Cour de justice en cas d'infractions au principe de subsidiarité affectant les compétences propres des organes locaux de régionaux. On peut aisément souligner la proximité des propositions exprimées par cette commission avec celles du Comité des régions. D'ailleurs, depuis la création de l'organe consultatif, les liens se sont fortement resserrés entre ces deux structures qui attachent une importance primordiale à la pleine association des collectivités territoriales au processus d'intégration communautaire. Toutefois, et après de longs et difficiles débats internes au Parlement européen entre les différentes commissions (31) et surtout entre et à l'intérieur de chaque groupe politique, de nombreuses propositions exprimées par le Comité des régions, soutenu en cela par la commission de la politique régionale, disparaissaient du texte définitif adopté par le Parlement européen, le 17 mai 1995, soit à peine deux semaines après le projet adopté par la commission institutionnelle (32) . Ne subsistait plus que le fait que « les membres du Comité des régions auxquels se réfère l'article 198 A du traité devront avoir un mandat démocratique dans une Assemblée régionale ou locale. Le Parlement devrait être à même de consulter ce Comité (ainsi que le Comité économique et social) au même titre que le Conseil et la Commission » (33) . Par ailleurs, et « pour améliorer la cohésion économique et sociale de l'Union européenne et respecter le principe de subsidiarité ; il est nécessaire de renforcer le rôle du Comité des régions dans l'élaboration des politiques le concernant » (34) . Une « bataille » était à l'évidence perdue mais certainement pas la « guerre » puisque moins d'un an après cet échec patent, qui illustre les difficultés rencontrées par le Comité des régions dans ses relations passionnées avec « son grand frère » le Parlement européen, la préparation intensive du Conseil européen de Turin, du 29 mars 1996, marquant les débuts de la C.I.G. de 1996, allait permettre au Comité de se repositionner par rapport à cette grande institution démocratique et politique et ce, afin de faire valoir l'intérêt et la légitimité de ses revendications, notamment quant à sa nécessaire autonomie administrative et budgétaire. b) Ainsi, le 27 février 1996, la commission de la politique régionale adoptait un nouvel avis à l'intention de la commission institutionnelle (35) , dans lequel elle « considère que la réforme du

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traité fournit une occasion propice de réexaminer le rôle du Comité des régions en fonction des orientations suivantes » : _ il est indispensable de s'assurer que ses membres soient des représentants élus à l'échelle régionale ou locale et qu'ils soient politiquement responsables devant une assemblée démocratiquement élue ; _ il importe de lui reconnaître une autonomie opérationnelle et budgétaire et de dissocier sa structure propre de celle du C.E.S., ce qui passe à l'évidence par l'abrogation du protocole no 16 ; _ le comité doit pouvoir élaborer et adopter son propre règlement intérieur, à l'image du C.E.S. ; _ il convient de prévoir la possibilité d'une consultation du comité par le Parlement européen ; _ il convient de veiller à ce que, dans le cas des Etats dotés d'une structure régionale ou fédérale, les régions reconnues par la Constitution soient représentées au sein du comité, sans préjudice d'une représentation satisfaisante des divers niveaux des pouvoirs locaux et régionaux et ce, en application du principe de l'égalité ; _ enfin, le comité doit se voir reconnaître le droit d'engager des procédures auprès de la Cour de justice afin de défendre ses propres compétences et prérogatives institutionnelles. Pourtant, le mercredi 13 mars 1996, le Parlement européen, dans sa résolution relative à la convocation de la C.I.G. et à l'évaluation des travaux du groupe de réflexion, ne retenait des propositions de sa commission de la politique régionale que le fait que « le Comité des régions doit se voir reconnaître le droit d'adopter son règlement interne et de bénéficier d'une autonomie administrative et budgétaire par rapport au Comité économique et social » (36) . c) Six mois plus tard, le Parlement européen, à l'initiative de son infatigable commission de la politique régionale, organisait avec le Comité des régions la « conférence Parlement européen/ collectivités territoriales » de l'Union européenne. Cette conférence des 1, 2 et 3 octobre 1996, qui faisait suite à celle de 1984 et 1991 avec les régions et de 1994 avec les pouvoirs locaux, avait pour but de renforcer les relations avec les collectivités territoriales de l'union et de procéder à une réflexion commune sur les perspectives de la C.I.G. de 1996 et de la mise en oeuvre de l'Union économique et monétaire (37) . Dans le cadre de la Déclaration finale adoptée par l'ensemble des participants à la conférence, on pouvait lire, notamment, qu'on jugeait « indispensable de consolider le Comité des régions à travers notamment : _ la reconnaissance de son autonomie organisationnelle et budgétaire ; _ l'exigence pour ses membres, d'être titulaire d'un mandat électoral ou d'être politiquement responsables devant une assemblée démocratiquement élue ; _ l'extension de ses compétences à la consultation par le Parlement européen ; _ l'accroissement du nombre de matières sur lesquelles le Comité des régions doit être consulté ; _ le droit de se donner un règlement intérieur ; _ l'incompatibilité des fonctions de membre du Comité des régions et de député au Parlement européen ; _ le droit de recours devant la Cour de justice en défense de ses propres compétences » (38) . En conséquence, on peut aisément remarquer que si les propositions de la commission de la politique régionale sont très favorables à l'identité et à la place du Comité des régions dans le schéma institutionnel, elles ne sont, malheureusement, que partiellement reprises, d'abord par la commission institutionnelle, compétente à titre principal pour le dossier de la C.I.G., ensuite par le Parlement européen dans son ensemble qui reste apparemment très vigilant et restrictif à l'égard des diverses demandes présentées et défendues par le Comité des régions. Reste à identifier les positions respectives du Conseil et de la Commission européenne. 2. Si les différentes réunions du Conseil européen, relatives à la problématique de la C.I.G. (39) , n'ont pas donné lieu, à notre connaissance, à l'évocation du dossier du Comité des régions, il n'en demeure pas moins qu'en ce qui concerne le Conseil de l'Union euroépenne le sujet ne fut que très rapidement abordé. En effet, dans le cadre de son « rapport sur le fonctionnement du traité sur l'Union européenne » (40) , le Conseil se contente de souligner que « le Comité des régions, nouvel organe représentatif des instances régionales et locales mis en place par le T.U.E., a commencé son activité consultative (...). La définition des modalités relatives à la structure organisationnelle commune avec le Comité économique et social, prévu au protocole no 16 du T.U.E., a donné lieu à des difficultés et devra encore être précisée » (41) . Toutefois, lors du Conseil européen de Madrid, les 15 et 16 décembre

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1995, la réflexion sur l'avenir de l'Europe, entamée à Essen (décembre 1994) et poursuivie à Cannes et à Formentor (septembre 1995), a été substantiellement enrichie. En effet, dans ce contexte, après avoir accueilli avec satisfaction le rapport du groupe de réflexion (42) , le Conseil européen a pris la décision de lancer la Conférence intergouvernementale, le 29 mars 1996, à Turin, afin de créer les conditions politiques et institutionnelles nécessaires pour adapter l'Union européenne aux besoins d'aujourd'hui et de demain, en vue notamment du prochain élargissement. Tout d'abord, dans le cadre de la première partie de ce rapport du groupe de réflexion (43) , certains membres « estiment que le Comité des régions a un rôle important à jouer dans la législation communautaire et que le rôle consultatif de cet organe devrait être mieux utilisé ». Ensuite, concernant la reformulation du principe de subsidiarité (44) , « une très large majorité du Groupe rejette la demande formulée par le Comité des régions dans son rapport qui vise à obtenir le droit de saisir la Cour de justice dans les cas où le principe de subsidiarité n'a pas été mis en oeuvre correctement ». Les membres estiment « qu'il n'appartient pas au Comité des régions d'interpréter l'application du principe de subsidiarité, en cas de compétences partagées entre l'Union et les Etats ». Enfin, « la majorité du groupe souligne l'importance de la fonction dévolue à cet organe de représentation des régions et des pouvoirs locaux, qui renforce, sur tout le territoire de l'Union européenne, le sentiment d'appartenance à celle-ci. Certains, toutefois, ont affirmé également qu'il convenait de donner à cette innovation de l'Union le temps d'atteindre sa pleine dimension avant d'envisager de le développer. La majorité des membres du groupe estime qu'il pourrait être doté d'un appareil administratif propre, que ses fonctions consultatives pourraient être mieux utilisées et éventuellement étendues et que le Parlement européen devrait avoir le droit de le consulter. Certains membres plaident en faveur de l'octroi au comité de la capacité d'action devant la Cour afin de préserver ses prérogatives ; l'un des représentants souhaiterait que cette capacité s'étende au recours pour violation du principe de subsidiarité ». Reste à connaître maintenant la position de la Commission européenne. 3. A l'image de la prudence du Conseil, la Commission européenne, dans son rapport pour le Groupe de réflexion (45) , se contente d'indiquer, après un court descriptif d'ordre institutionnel, que « le Comité a jusqu'ici pu s'exprimer sans retarder le processus décisionnel, malgré le caractère espacé de ses sessions. Sur le fond, ses avis ont toujours bien reflété la sensibilité régionale ou locale en cause tout en accordant une grande importance au respect du principe de subsidiarité. Cependant ses avis d'initiatives, tel celui sur l'apurement des comptes de la politique agricole commune, révèlent un certain risque de dispersion de son activité ». Toutefois, aucune mention n'est faite au sujet du Comité des régions dans l'« avis de la Commission : renforcer l'Union politique et préparer l'élargissement » (46) . Néanmoins, Mme Wulf-Mathies, membre de la Commission européenne, chargée des politiques régionales et des relations avec le Comité des régions, est apparemment favorable à une plus grande indépendance institutionnelle de ce dernier, ce qui pourrait se traduire par la disparition de la S.O.C. (47) . V. Les réactions des Etats membres Les réactions des Etats membres varient en fonction, d'une part, de leur attitude d'ensemble, favorable ou pas à l'égard du Comité des régions et, d'autre part, du contenu précis des revendications du Comité dans le cadre de la C.I.G. 1. Tout naturellement, on retrouve, au premier plan de la défense des intérêts du Comité des régions, les Etats à structure fédérale, l'Allemagne, l'Autriche et la Belgique et dans une moindre mesure, les Etats à structure fortement régionalisée, l'Espagne et l'Italie. D'ailleurs, rien de surprenant, puisque dès la précédente C.I.G. (1991), c'est essentiellement l'Allemagne qui se fit le principal porte-parole des intérêts des régions, ce qui n'est guère surprenant pour qui connaît la vigueur et le dynamisme des Länder allemands. La Belgique, l'Espagne, ainsi que l'Italie, se joignirent aux allemands pour plaider la cause régionale. Les Etats membres plus centralisés, pour des raisons tout aussi compréhensibles, se montrèrent moins enthousiastes face à la revalorisation des régions, et cela tant par souci de ne pas trop compliquer les mécanismes de prise de décision que par crainte de susciter de nouvelles revendications dans leur propre tissu institutionnel (48) . Ce schéma politique de la fin de l'année 1991 est tout simplement en train de se reproduire, très précisément, cinq ans plus tard (49) .

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a) Par exemple, le gouvernement belge, en ce qui concerne le Comité des régions, envisagerait favorablement de transformer ce Comité en une institution complète, doté du droit de se présenter devant la Cour de justice. De plus, il réclame pour le Comité des régions une compétence consultative en rapport avec le Parlement européen et se montre favorable à la consultation obligatoire du Comité dans les affaires de politiques communautaires qui, dans les différents Etats membres, sont gérées par les communautés, les régions ou les collectivités locales, et notamment en ce qui concerne la formation professionnelle, l'environnement et l'aménagement du territoire. En outre, il considère qu'il est nécessaire d'imposer au Conseil et à la Commission une obligation de se justifier en cas d'inobservation des opinions émises par le Comité des régions (50) . L'Allemagne, quant à elle, s'est essentiellement exprimée par la voix de ses Länder, qui estiment que le Comité des régions doit être doté d'un droit de recours propre, être obligatoirement consulté (notamment dans les domaines de l'environnement, de la formation professionnelle et de la mise en place de la société de l'information) et acquérir une structure propre (51) . Enfin, l'Autriche, dernier Etat membre de l'Union à structure fédérale, est favorable au renforcement du Comité des régions et a annoncé son intention de soumettre à la C.I.G. les diverses propositions qui seront présentées à ce sujet par les Länder, la Fédération des régions et la Fédération des villes (52) . b) En ce qui concerne maintenant les Etats à structure fortement régionalisée, l'Espagne semble favorable à une promotion institutionnelle du Comité des régions qui le convertisse, non pas en une deuxième branche, mais en une institution à part entière, laquelle aurait pour tâche de veiller à la bonne application du principe de subsidiarité aux niveaux local et régional (53) . Par ailleurs, dans un document du 28 mars 1996, l'Espagne considère qu'il faudrait doter le Comité des régions d'un appareil administratif qui lui soit propre et faire un meilleur usage de ses fonctions consultatives, voire même les élargir (54) . L'Italie, pour sa part, dans sa position exprimée le 18 mars 1996, juge qu'il est nécessaire de préserver et de développer le rôle du Comité des régions (55) . Sans poursuivre, de manière plus détaillée, la présentation des diverses positions émanant des Etats membres à l'égard des demandes formulées par le Comité des régions, il est tout de même intéressant d'analyser plus avant les chances de succès du Comité à l'égard des propositions qui sont généralement les plus débattues, notamment par les représentants des ministres. 2. Sur l'ensemble de ces propositions, les membres de la C.I.G. ont adopté des positions différentes. En dernier lieu, la Conférence a traité, les 16 et 17 septembre 1996, au niveau des représentants des ministres, le thème des institutions et organes communautaires. Pour ce qui concerne les revendications synthétisées dans la Déclaration de Catane du 8 mars 1996 (Doc. CdR 97/76), les débats et réflexions se sont orientés de la façon suivante :

a) Autonomie organisationnelle Ce point n'a plus été abordé depuis le 30 mai 1996, lorsque les délégations qui ont pris la parole ont toutes plaidé pour une autonomie organisationnelle ; il n'y avait pas de voix contre.

b) Renforcement de la fonction consultative du Comité des régions Pas de mention officielle de ce point depuis la réunion du 30 mai 1996 au cours de laquelle la présidence évoquait des points de vue divergeants. D'après certains observateurs avertis, une majorité serait tout de même favorable ou le renforcement de cette fonction consultative.

c) Droit de recours devant la Cour de justice des communautés européennes Le nombre des Etats opposés à un tel recours est plus important que le nombre de ses partisans, et ceci aussi bien par rapport aux propres droits du Comité des régions que par rapport à la défense de l'application du principe de subsidiarité.

d) Révision de la définition du principe de subsidiarité Les 3 et 4 septembre 1996, le thème de la subsidiarité a été traité au niveau des représentants des ministres. L'Autriche a alors demandé une modification de l'article 3 B, paragraphe 2, du T.C.E., l'Allemagne étant également favorable à une telle modification. Toutefois, un grand nombre d'Etats membres s'est prononcé pour l'ajout au traité d'un protocole sur la subsidiarité, dans lequel le rôle des régions et des collectivités locales serait précisé expressément. Une partie des Etats membres s'opposait pourtant formellement à toute modification, dans le contexte actuel, du principe de subsidiarité. Finalement, le président irlandais a retenu les propositions britanniques et allemandes qui seront donc examinées.

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e) Inscription dans le traité du principe de l'autonomie locale Ce thème n'a pas été abordé jusqu'à présent. On pense que ce sujet sera traité lors d'une des prochaines réunions de la Conférence.

f) Reconnaissance du Comité des régions en tant qu'institution Ce point aussi n'a pas été encore abordé, mais sera traité très prochainement. Enfin, suite à la réunion des 15 et 16 octobre 1996, au niveau des représentants des ministres, on pouvait noter qu'une majorité relative des Etats membres s'est prononcée en faveur de la proposition de la présidence irlandaise qui ne veut incorporer, au sujet de la révision de la définition du principe de subsidiarité, que l'approche globale du Sommet d'Edimbourg sur la subsidiarité et ce, dans le cadre d'un protocole du traité révisé. Par ailleurs, le groupe des représentants personnels du ministre des Affaires étrangères pour la C.I.G., présidé par l'irlandais Noel Dors, a essentiellement consacré sa réunion des 21 et 22 octobre 1996 aux questions institutionnelles et budgétaires, ainsi qu'au principe de subsidiarité. Ainsi, au sujet du C.E.S. et surtout du Comité des régions, l'orientation donnée consistait apparemment en un maintien de leur composition et statut respectifs, avec éventuellement des pouvoirs consultatifs élargis pour les deux organes. En outre, le Comité des régions pourrait se voir accorder une plus grande autonomie administrative, sans que l'on sache plus précisément pour le moment quelles en seraient les modalités (56) . Conclusion Ainsi, nous pouvons aisément constater que rien n'est gagné pour le Comité des régions qui doit poursuivre sa mission d'information et de promotion de sa position institutionnelle en accentuant sa réflexion sur certaines de ses propositions, notamment celles qui ont le plus de chance d'aboutir, sans négliger, toutefois, tout ce qui, de près ou de loin, peut favoriser son intégration et son rôle dans le système institutionnel communautaire. Ainsi, le Comité des régions ne dispose plus que de sept mois d'ici la fin de la C.I.G., qui s'achèvera certainement par le Conseil européen d'Amsterdam en juin 1997, pour accélérer sa démarche institutionnelle. Pour cette raison, il lancera dans les prochaines semaines une grande initiative politique qui se concrétisera principalement les 15 et 16 mai 1997, à Amsterdam, par l'organisation d'un sommet où se retrouveront les régions et grandes villes européennes. Cela constituera certainement pour ces dernières une chance supplémentaire de faire entendre leurs voix, afin qu'une plus grande et meilleure prise en compte des intérêts des collectivités territoriales européennes soit assurée, d'une part, au sein de la phase finale de la C.I.G. et, d'autre part, dans le cadre des prochains débats relatifs à l'évolution institutionnelle qui ne manqueront pas de voir le jour, notamment dans la perspective des futurs et inévitables élargissements de l'Union européenne. (1) Voir sur l'ensemble de la question : Jacques Bourrinet (éd.), « Le Comité des régions de l'Union européenne », Economica, Paris, janvier 1997, à paraître. (2) Article 198 C, paragraphe 1er, du T.C.E. (3) Article 198 C, paragraphes 2 et 5, du T.C.E. (4) Article 198 C, paragraphe 3, du T.C.E. (5) Article 198 C, paragraphe 4, du T.C.E. (6) On peut souligner à cet effet que le Comité des régions a obtenu, dès sa création, le droit d'initiative que le C.E.S. a pourtant attendu, pour sa part, pas moins de 17 ans avant de ne le voir inscrit dans son règlement intérieur puis, enfin, dans le traité (article 198 du T.C.E.). Le nouvel article 198 reconnaît donc au C.E.S. la possibilité de prendre l'initiative d'émettre un avis lorsqu'il le juge opportun. Cette possibilité avait été reconnue, antérieurement au traité sur l'Union européenne, par la modification du règlement intérieur du C.E.S. en 1974, à la suite de la position adoptée en ce sens au Sommet de Paris d'octobre 1972 ; cf. décision no 74/428 C.E.E. - Euratom, J.O.C.E., no L 228, 19 août 1974, p. 1 que A. Barav et Ch. Philip, « Dictionnaire juridique des Communautés européennes », P.U.F., décembre 1993, spécialement l'article de Ch. Philip, p. 185 et s. Bien que de création récente, le Comité des régions a d'ores et déjà tenu quatorze sessions plénières, ainsi que vingt-deux réunions de bureau. Par ailleurs, en un peu plus de deux ans, il a été amené à rendre pas moins de 103 avis. (7) Voir pour la Commission européenne, « Rapport de la Commission pour le groupe de réflexion », Luxembourg, O.P.O.C.E., mai 1995, 103 pages et l'« Avis de la Commission - Renforcer l'Union politique et préparer l'élargissement », O.P.O.C.E., février 1996, 23 pages ; pour le Conseil, « Rapport du Conseil sur le fonctionnement du traité sur l'Union européenne », adopté le 10 avril 1995 par le Conseil de l'Union européenne, Europolitique, supplément, no 2032, 12 avril 1995, 48 pages ; pour la C.J.C.E. et le T.P.I., « Rapport de la Cour de justice sur certains aspects de l'application du traité sur l'Union européenne », ainsi que la « Contribution du Tribunal de première instance en vue de la Conférence intergouvernementale de 1996 », in : « Les activités de la C.J.C.E. et du T.P.I. », semaine du 22 au 26 mai 1995, no 15/95, 20 pages ; pour la Cour des (8) Adoption à la quasi-unanimité, une voix contre et quatre abstentions, lors de la septième session plénière du Comité des régions tenue les 20 et 21 avril 1995 à l'Espace Léopold ; cf. Le procès-verbal, C.D.R. 149/95 M.C., p. 7. (9) Voir « La réforme institutionnelle », document publié par le Comité des régions, Bruxelles, mai 1995, 43 pages.

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(10) L'avis présenté par la commission spéciale « Affaires institutionnelles » et adopté le 21 avril 1995 par l'assemblée plénière du Comité des régions sur la révision du traité sur l'Union européenne ». Suite à une révision intervenue le 3 juillet 1995, la nouvelle dénomination est la suivante : « Avis du Comité des régions sur la révision du traité sur l'Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne », rapporteur M. Jordi Pujol I Soley, C.D.R. 136/95, D, EB/LA/cf. Bruxelles, 21 avril 1995 (document révisé le 3 juillet 1995), 12 pages. (11) Voir l'Agence Europe, no 6467, du lundi et mardi 24 et 25 avril 1995, p. 4 et p. 5. (12) Après l'élargissement de l'Union européenne, le Comité des régions rassemble 222 membres titulaires, ainsi qu'un nombre égal de membres suppléants, nommés pour quatre ans par le Conseil statuant à l'unanimité, sur proposition des Etats membres, les quatre plus grands Etats disposant respectivement de délégation du 24 membres titulaires et d'autant de membres suppléants. (13) Il s'agirait ici d'établir une parfaite égalité avec le C.E.S. qui, depuis l'entrée en vigueur du T.U.E., peut élaborer et adopter librement son règlement intérieur. (14) Voir sur ce point Feral, « Les contraintes d'une structure organisationnelle commune », in « Le Comité des régions de l'Union européenne », op. cit., note no 1. (15) Voir la troisième partie de l'ouvrage consacré au Comité des régions, op. cit., note no 1. Plus spécialement se reporter aux contributions, d'une part de V. Falcone, « L'impact des avis du Comité des régions sur le processus décisionnel communautaire » et, d'autre part, de L. Burgorgue-Larsen, « L'élaboration d'une doctrine consultative par le Comité des régions ». (16) Voir P.-A. Feral, « Le principe de subsidiarité dans le cadre de la Conférence intergouvernementale de 1996 », les Petites Affiches, no 147, 8 décembre 1995, p. 20, p. 25 ; « Le principe de subsidiarité dans l'Union européenne », Revue de Droit Public, no 1, 1996, p. 203, p. 240 ; ainsi que « Il Principio Di Sussidiarietà Nell'Unione Europea » (en collaboration avec M. Mario Badii), Istituto regionale per la programmazione economica della Toscana (préface de M. Vannino Chiti, Président de la région Toscane, Vice-Président du Comité des régions), Florence, novembre 1996, 75 pages. (17) 6e réunion extraordinaire du bureau du Comité des régions (Italie). (18) Cf. le premier « Rapport d'étape du président du groupe de réflexion sur la Conférence intergouvernementale de 1996 », SN-509/95, Rev. 1 (reflex 10), Madrid, 24 août 1995, 44 pages ; voir, par ailleurs, sa version révisée, SN-509/95, Rev. 1 (reflex 10), Madrid, 1er septembre 1995, 45 pages. Voir enfin, la version définitive du « rapport du groupe de réflexion », Doc. SN-509/95 (reflex 21), Bruxelles, 5 décembre 1995, 50 pages, qui a été examiné par le Conseil européen de Madrid, les 15 et 16 décembre 1995 ; voir document du Conseil européen, « Conclusions de la présidence, Madrid, 15 et 16 décembre 1995, Doc. SN-400/95. (19) Document du C.d.R., no 97/96, fin F.D.E./J.L./ cf., 8 mars 1996, 2 pages. (20) Cf. le point 13 de la Déclaration de Catane. (21) Cf. le point 9 de la Déclaration de Catane. (22) Pour l'instant, le mandat des membres du Comité des régions est de quatre ans, renouvelable (cf. l'article 198 A, paragraphe 2, du T.C.E.). De plus, il s'agit d'un mandat qui n'est pas impératif, les membres exerçant, par ailleurs, leurs fonctions en pleine indépendance, dans l'intérêt général de la Communauté (cf. l'article 198 A, paragraphe 3, du T.C.E.). (23) Voir le texte adopté par l'Assemblée générale de l'A.R.E., lors de sa 20e réunion, les 19 et 20 octobre 1995, à Anvers : « Propositions pour la révision du Traité sur l'Union européenne à l'occasion de la Conférence intergouvernementale de 1996 ». Se reporter également au document assurant le « transmission de la résolution de la XXe assemblée générale de l'A.R.E. sur la révision du Traité de Maastricht à Mme Susanna Agnelli, président en exercice de l'Union européenne », intitulé « Motion de la présidence de l'A.R.E. », Turin, 27 mars 1996, 2 pages. (24) Point 8 des « propositions de l'A.R.E. », voir note précédente. (25) Point 8 des « propositions de l'A.R.E. », voir note no 23. (26) Point 9 des « propositions de l'A.R.E. », voir note précédente. (27) Voir le texte adopté par le Conseil des communes et régions d'Europe (section européenne de la I.U.L.A.), le 4 décembre 1995, à Strasbourg : « Contribution du C.C.R.E. à l'attention du groupe de réflexion » ; spécialement le point 19. Par ailleurs, se reporter au « Communiqué du bureau exécutif du C.C.R.E. », adopté à Turin, le 27 mars 1996, 2 pages. Voir aussi la « Déclaration de Thessalonique, Une Europe pour ses citoyens », XXe Etats généraux des communes et régions d'Europe, Thessalonique, le 25 mai 1996, 6 pages. (28) On remarque toutefois dans les propositions de l'A.R.E. des accents régionalistes très (trop ?) poussés qui ne se retrouvent pas systématiquement intégrés dans les propositions du Comité des régions. (29) La Cour de justice et le Tribunal de première instance des Communautés européennes, ainsi que la Cour des comptes ont formulé des propositions exclusivement techniques relatives à leurs propres fonctions et prérogatives institutionnelles. Voir la note no 7. (30) Au cours de sa réunion du 22 novembre 1994, la commission de la politique régionale a nommé M. Speciale, rapporteur pour avis (cf. l'article 147 du règlement intérieur du Parlement européen). Au cours de ses réunions du 15 janvier 1995 et du 23 février 1996, elle a examiné le projet d'avis. Au cours de la dernière de ces réunions, elle en a approuvé les conclusions à l'unanimité moins deux abstentions. (31) Dans le cadre d'une proposition de résolution émanant de la commission institutionnelle, dont les rapporteurs étaient MM. Bourlanges et Martin, on pouvait constater que certains parlementaires étaient particulièrement sensibles aux difficultés rencontrées par le Comité des régions, notamment à l'égard de la S.O.C., et par là même aux légitimes revendications du Comité des régions. Voir le « Rapport sur le fonctionnement du traité de l'Union européenne dans la perspective de la Conférence intergouvernementale de 1996. Mise en oeuvre et développement de l'Union » ; commission institutionnelle, partie I.A. : proposition de résolution ; Doc. P.E. 212.420/def. Partie I.A., 4 mai 1995. (32) Voir les « Textes adoptés par le Parlement, T.U.E. et C.I.G. de 1996 » ; Réf. : A 4, 0102/95/Partie I.A. (rapport Bourlanges Martin) ; « Résolution sur le fonctionnement du Traité sur l'Union européenne dans la perspective de la C.I.G. 1996. Mise en oeuvre et développement de l'Union » ; Document du P.E. 190/441. Voir J.O.C.E., no C 151 du 19 juin 1995, p. 56, p. 67. (33) Voir le texte définitif adopté, op. cit., note précédente, point 27, page 10. (34) Voir le texte définitif adopté, op. cit., note no 32, point 28, page 10. (35) Au cours de sa réunion du 25 janvier 1996, la commission de la politique régionale a nommé M. Fernandez-Martin rapporteur pour avis (cf. l'article 147 du règlement intérieur du Parlement européen). Au cours de ses réunions des 13 et 27 février 1996, elle a examiné le projet d'avis. Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté l'ensemble des conclusions à l'unanimité. (36) Cf. le point 21.5 relatif au Comité des régions (le point 21 s'intitulant « Des progrès décisifs pour une Europe plus démocratique et plus efficace ») de la « résolution portant (i) avis du Parlement européen sur la convocation de la Conférence intergouvernementale, (ii) évaluation des travaux du groupe de réflexion et précision des priorités politiques du Parlement européen

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en vue de la Conférence intergouvernementale », document du P.E. A 4-0068/96, mercredi 13 mars 1996, J.O.C.E. no C 96 du 1er avril 1996, p. 77-89. (37) Cette conférence publique devait permettre, plus largement, de débattre de la Cohésion économique et sociale et de la contribution des collectivités territoriales à la construction d'une Union européenne plus démocratique, plus solidaire et plus proche des citoyens. Ainsi, le Parlement européen avait invité, afin de participer à ce vaste débat, l'A.R.E., le C.C.R.E., ainsi qu'une délégation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (le C.P.L.R.E. est un organe du Conseil de l'Europe). (38) Voir le point no 14 de la Déclaration finale adoptée par « les membres du Parlement européen et du Comité des régions, et les représentants des pouvoirs régionaux et locaux réunis dans le cadre de la Conférence Parlement européen/ collectivités territoriales de l'Union européenne pour une Europe démocratique et solidaire ». Doc. FR\DV\308\3088 17.fr - P.E. 219.693/déf., 3 octobre 1996, 6 pages ; spécialement p. 3 pour la mention du point 14. Par ailleurs, il est particulièrement intéressant de noter que la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités du Parlement européen a approuvé, le 7 novembre 1996, à Bruxelles, un document de travail sur « un statut unique pour les membres du Parlement européen », présenté par son président, le socialiste luxembourgeois Ben Fayot. Il est notamment prévu dans ce document une incompatibilité entre le mandat de membre du Parlement européen et celui du membre du Comité des régions ; voir Agence Europe, no 6849, du vendredi 8 novembre, p. 5. (39) Principalement le Conseil européen de Bruxelles des 10 et 11 décembre 1993 ; le Conseil européen de Corfou des 22 et 25 juin 1994 ; le Conseil européen de Cannes des 26 et 27 juin 1995 ; le Conseil européen de Madrid des 15 et 16 décembre 1995. (40) Rapport du 6 avril 1995, document du Conseil no 5082/1/95, 142 pages. (41) Cf. le point 39 du rapport, op. cit., note précédente, p. 18. (42) Groupe dans lequel siègent, outre deux représentants du Parlement européen et un membre de la Commission européenne, un représentant pour chacun des quinze Etats membres. Ce groupe installé à Messine, le 2 juin 1995, soit très précisément quarante ans après la première conférence européenne de Messine (1er et 2 juin 1955), était présidée par M. Carlos Westendorp. (43) Partie intitulée « Une stratégie pour l'Europe » ; spécialement p. 8 du rapport, op. cit., note no 18. (44) Deuxième partie du rapport intitulée « Un ordre du jour annoté » ; spécialement p. 22 du rapport, op. cit., note no 18. (45) Voir le Rapport de Commission européenne, op. cit., note no 10, mai 1995, points 32 et 33, page 25. (46) Voir l'Avis de la Commission européenne, op. cit., note no 7, février 1996. Egalement, aucune mention du Comité des régions dans la « Position de la Commission sur le rapport du Groupe de réflexion », 6 décembre 1995, document I.P./95/1352, 3 pages. (47) Voir le contenu des interventions de Mme Wulf-Mathies, d'une part, lors de la 7e session plénière du Comité des régions (cf. Agence Europe, no 6467, 24 et 25 avril 1995, p. 4, p. 5) et, d'autre part, lors du colloque international consacré au « Rôle du Comité des régions dans l'intégration européenne », à Marseille, le 23 février 1996, voir la référence de la note no 1. (48) Cf. J. Cloos, G. Reinesch, D. Vignes et J. Weyland, « Le Traité de Maastricht - Genèse, Analyse, Commentaires », éditions Bruylant, Bruxelles, collection « Organisation Internationale et Relations Internationales », no 28, 1993, p. 408 et s. (49) Voir « Rapport sur les positions des Etats membres de l'Union européenne dans la perspective de la Conférence intergouvernementale de 1996 », in « Livre blanc sur la C.I.G. de 1996 » (volume II), Parlement européen, Task-force « Conférence intergouvernementale », Document du P.E. 165-968, série politique W-18, Luxembourg, 29 mars 1996, 173 pages. (50) Le 28 juillet 1995, le gouvernement belge a approuvé une note sur la politique du gouvernement, relative à la C.I.G. de 1996, qui a fait l'objet d'une concertation avec les communautés et les régions belges au sein de la Conférence interministérielle de la politique étrangère au cours du mois de septembre suivant. Voir Document du P.E. 165.968, op. cit., note précédente, p. 24. (51) Les Länder sont associés à la préparation de la position allemande lors des débats et réflexions relatifs à la C.I.G. de 1996. Voir Document du P.E. 165.968, op. cit., note no 49, p. 43. (52) Cf. les « Positions de principe de l'Autriche sur la Conférence intergouvernementale », du 16 mars 1996. Voir Document du P.E. 165.968, op. cit., note no 49, p. 138. (53) Cf. le document du gouvernement espagnol, du 2 mars 1995, « La Conférence intergouvernementale de 1996. Eléments de réflexion ». Voir Document du P.E. 165.968, op. cit., note no 49, p. 67. (54) Cf. le document du gouvernement espagnol, du 28 mars 1996, « Eléments pour une position espagnole lors de la Conférence intergouvernementale de 1996 ». Voir Document du P.E. 165.968, op. cit., note no 49, p. 85. (55) Cf. la « Position du gouvernement italien sur la Conférence intergouvenementale pour la révision des traités ». Voir Document du P.E. 165.968, op. cit., note no 49, p. 108. (56) Voir Agence Europe, no 6839, jeudi 24 octobre 1996, p. 4.

4. Rapport d’information n°3069 du 3 mai 2006 déposé par la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur les agences européennes, présenté par C. Philip. I. LA MULTIPLICATION DES AGENCES : UN PHENOMENE REC ENT… L’absence de définition formelle de la notion d’agence participe de la confusion qui s’est installée ces dernières années dans le contexte d’une montée en puissance progressive de ces organismes décentralisés. A. L’absence de définition formelle de la notion d’agence Le traité de Rome instituant la Communauté européenne ne comporte aucune référence à la création éventuelle d’agences. Il est ainsi très difficile de recenser précisément le nombre des agences européennes puisque l’ordre juridique communautaire ne comporte pas de définition normative de la notion même d’ « agence communautaire ». Leur nombre varie dès lors selon la définition que l’on en retient.

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On peut néanmoins s’accorder sur des caractéristiques communes : une agence communautaire est un organisme de droit public européen, distinct des institutions communautaires (Conseil, Parlement, Commission) et qui possède une personnalité juridique propre. Elle est créée par un acte communautaire de droit dérivé en vue de remplir une tâche de nature technique, scientifique ou de gestion bien spécifique et précisée dans l'acte constitutif correspondant. Néanmoins, les différences qui les caractérisent – pour ce qui concerne leurs structures internes, leurs relations avec les institutions, leurs missions et leurs pouvoirs d’action – demeurent sensiblement plus importantes que les analogies. Ces différences sont la conséquence du fait qu’aucune réflexion d’ensemble n’a encadré leur création au cas par cas. On pourrait alors regrouper sous le vocable d’agences les organismes décentralisés qui, malgré des appellations différentes (agence, office, fondation, observatoire, centre) présentent les caractéristiques communes suivantes : - création par voie réglementaire ; - personnalité juridique ; - organes de direction autonomes ; - autonomie financière ; - missions et tâches déterminées. Les agences se caractérisent également par une souplesse de gestion qui leur permet de recourir très largement à du personnel non fonctionnaire des institutions européennes, ce qui se traduit par un moindre coût budgétaire. Cependant, cette souplesse a ses limites puisque la réglementation européenne interdit de renouveler indéfiniment les contrats d’agents temporaires. Or cette règle peut se révéler inadaptée dans le cas de personnels techniques titulaires de compétences qui n’existent pas dans le vivier des fonctionnaires de l’Union. Il ne fait pas de doute que les personnels chargés de la certification des aéronefs à l’Agence européenne pour la sécurité aérienne sont, en pratique, employés pour une durée indéterminée. De même, en matière budgétaire, les agences dépendent de la contribution communautaire mais certaines peuvent s’autofinancer pour tout ou partie grâce aux droits et redevances qu’elles perçoivent dans le cadre de l’exercice de leurs activités. Tel est notamment le cas de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur, de l’Office communautaire des variétés végétales, de l’Agence européenne des médicaments et de l’Agence européenne pour la sécurité aérienne. Pour autant, les agences restent soumises au Règlement financier, ce qui leur interdit de recourir à l’emprunt. Cette rigidité n’est pas sans poser des difficultés s’agissant notamment de l’Agence européenne pour la sécurité aérienne qui n’est pas encore en mesure de s’autofinancer grâce au produit des redevances qu’elle perçoit. – L’originalité des agences européennes Comparées aux formes juridiques existantes en France, les agences européennes semblent davantage s’apparenter à la catégorie des établissements publics (EPA ou EPIC) qu’à celle des autorités administratives indépendantes, dès lors qu’elles sont dotées de la personnalité juridique. Par ailleurs, les agences communautaires sont plus « autonomes » qu’elles ne sont « indépendantes ». Elles demeurent en effet, en application du traité et de la jurisprudence de la Cour de justice, soumise à la hiérarchie de leur institution de tutelle. S’agissant des agences du pilier communautaire, c’est bien la Commission européenne, et elle seule, qui répond des activités des agences placées sous son autorité. Il serait d’autre part erroné de comparer les agences européennes aux agences fédérales américaines, même si elles s’en inspirent en certains points. C’est par exemple le cas de l’agence européenne de sécurité aérienne en ce qui concerne ses pouvoirs de certification. Mais la comparaison s’arrête là. Les agences de l’Union se démarquent en effet sensiblement des agences américaines en premier lieu parce que l’Union européenne n’est pas un Etat fédéral. Les agences américaines détiennent des pouvoirs qui dépassent le seul champ des compétences d’exécution, au point qu’elles sont davantage assimilables à des ministères à part entière, responsables devant le pouvoir politique. B. Une montée en puissance progressive

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Les agences européennes ont été créées par vagues successives pour répondre, au cas par cas, à des besoins spécifiques. L’agence la plus ancienne – toujours en activité – trouve son origine directement dans le traité Euratom instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique. Il s’agit de l’Agence d’approvisionnement d’Euratom, opérationnelle depuis le 1er janvier 1960. L’agence, dont le siège se situe à Bruxelles, est dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Elle est placée sous le contrôle de la Commission européenne qui dispose d’un droit de veto sur toutes ses décisions. Les premières agences de la Communauté économique européenne datent, pour leur part, du milieu des années 1970 et sont apparues dans le domaine des relations sociales avec la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, située à Dublin, puis le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP) d’abord implanté à Berlin, puis transféré en Grèce, à Thessalonique, en 1995. Jusqu’aux années 90, près de vingt ans vont alors s’écouler sans que l’Europe communautaire n’ait recours à la création de nouvelles agences. C’est du début des années 90 que date la multiplication du nombre des agences : huit ont été créées entre 1993 et 1995. On dénombre aujourd’hui 21 agences communautaires, c’est-à-dire relevant du premier pilier de l’Union européenne. Ces agences sont créées pour une durée indéterminée, à l’exception de l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA) dont l’article 27 du règlement constitutif prévoit que « l’Agence est instituée à partir du 14 mars 2004 pour une période de cinq ans ». C’est également le cas de l’Agence européenne pour la reconstruction (EAR) dont le mandat expire le 31 décembre 2006. La Commission européenne envisage la prolongation du mandat de deux ans et prévoit la dissolution de l’agence à la fin de l’année 2008. Aux agences communautaires, il convient d’ajouter les agences des deuxième et troisième piliers qui se caractérisent par des procédures de fonctionnement intergouvernementales. On peut en comptabiliser trois organes dans le deuxième pilier (politique étrangère et de sécurité commune) : - l’agence européenne de la défense ; - l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne ; - le Centre satellitaire de l’Union européenne. Trois relèvent du troisième pilier : il s’agit d’Eurojust, d’Europol et du Collège européen de police (CEPOL). Au-delà des agences constituées au niveau européen, il convient de mentionner les agences nationales dont la création est prévue par le droit communautaire dérivé. C’est notamment le cas des autorités chargées de réglementer et de contrôler la sécurité ferroviaire, dont la création est imposée par la directive 2001/14/CE sur la sécurité ferroviaire en Europe. Se pose enfin la question des très nombreuses structures « satellitaires » (existantes ou cours de création) de l’Union européenne, qui ne sont ni des institutions, ni des agences au sens formel du terme. On pourrait notamment inclure dans cette catégorie des structures aussi variées que l’Institut européen de Florence, le futur « Conseil européen de la recherche », la force européenne de gendarmerie, l’Office des publications officielles des Communautés européennes ou encore les centres nationaux d’information tels « Sources d’Europe » en France. En l’absence de cadre juridique commun aux agences de l’Union européenne, la frontière demeure ambiguë entre les agences à proprement parler et les nombreux organismes satellitaires créés au fil du temps par les institutions de l’Union, souvent à la demande des Etats membres.

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Thème 4 : Les sujets institutionnels

Séance 8 : La citoyenneté européenne

Le concept de citoyen européen se substitue à la notion de « ressortissant d’un Etat membre »,

employée par exemple par l’article 52 du traité de Rome (CEE), elle-même remplacée par celle de

« ressortissant communautaire ». Cette citoyenneté européenne ne remplace pas la citoyenneté

nationale, elle la « complète » suivant la précision par l’article 17 du traité tel que modifié par le

traité d’Amsterdam. C’est donc la qualité de national d’un Etat membre, définie selon ses propres

règles, qui détermine la citoyenneté européenne. Celle-ci s’ajoute à la citoyenneté nationale en

conférant des droits nouveaux aux nationaux des Etats membres. Cette citoyenneté de juxtaposition

est clairement confirmée par l’article 20 TFUE tel qu’issu du traité de Lisbonne.

1. D. HANF, Le développement de la citoyenneté de l’Union européenne, Research papers in Law,

Etudes juridiques européennes, Collège d’Europe, 2006, n°1.

2. D. BLANC, Guide du droit de l’Union européenne, Ellipses, 2008.

3. C. BIDEGARAY et H. STUDER, De la citoyenneté européenne et autres coquecigrues.

remarques sur la participation des citoyens de l’union européenne aux élections municipales

françaises de mars 2001, Annuaire français de relations internationales, 2003.

4. Statistiques sur les ressortissants de l'Union européenne élus conseillers municipaux

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1. D. HANF, Le développement de la citoyenneté de l’Union européenne, Research papers in Law, Etudes juridiques européennes, Collège d’Europe, 2006, n°1. III. Développement législatif du concept de citoyenneté de l’Union européenne En règle générale, l’on ne peut pas dire que les Etats membres et le législateur communautaire se sont empressés d’accorder au citoyen de l’Union des droits allant au delà de ceux envisagés par le traité de Maastricht. En ce qui concerne les droits politiques, on n’a pu observer qu’une simple mise en oeuvre des principes établis par le traité de Maastricht concernant le droit de vote actif et passif dans le pays de résidence24 et le droit à la protection diplomatique et consulaire.25 Ni les « maîtres des traités », réunis à Amsterdam et à Nice, ni le législateur communautaire n’ont entrepris de nouvelles initiatives dans ce domaine.26 Même le traité constitutionnel de 8 Rome, dont l’entrée en vigueur est incertaine, ne prévoit que des avancées relativement modestes.27 En ce qui concerne le droit de circuler et de séjourner librement sur l’ensemble du territoire de l’Union, les avancées ont également été relativement limitées. Il est vrai que le législateur communautaire a arrêté une directive relative à ce droit qui doit être transposée en droit national en mai 2006.28 En réalité, il s’agit toutefois pour l’essentiel d’une consolidation et codification des textes déjà existants à la lumière des principes d’interprétation dégagés par le juge communautaire en la matière.29 IV. Développement jurisprudentiel du concept de citoyenneté de l’Union européenne Le droit accordé au citoyen européen de circuler et de séjourner sur l’ensemble du territoire de l’Union est expressément soumis aux limitations et conditions du droit primaire et dérivé. Il semble donc que le traité de Maastricht se limitait, d’une part, à réitérer les libertés de circulation déjà établies par le traité de Rome30 et, d’autre part, à « constitutionnaliser » l’extension de cette liberté aux personnes non économiquement actives telle 9 qu’opérée - et également soumise à conditions - par le législateur communautaire en 1990.31 Beaucoup escomptaient que le juge communautaire utilise le concept de citoyenneté comme un levier pour permettre une extension considérable des droits des personnes. En analysant la jurisprudence de la Cour, il nous semble que la Cour a d’abord consolidé et conforté son interprétation, traditionnellement généreuse, des droits dont peuvent jouir les citoyens européens. Puis, progressivement, l’article 18 CE lui a permis de procéder à une extension de ces droits - qui restent toutefois confinés aux citoyens de l’Union ayant fait usage de leur droit de circulation. La Cour a reconnu, non sans hésitations,32 que le citoyen n’étant pas économiquement actif peut fonder son droit de circuler et de séjourner directement sur l’article 18.1 CE.33 En refusant l’idée que cette disposition renvoie simplement à celles des directives de 1990, le juge a entériné la portée « constitutionnelle » de ce droit. Ceci implique notamment que toute condition à son exercice, qu’elle soit prévue par le droit secondaire ou le droit national, doit être interprétée à la lumière de cette liberté et donc de manière restrictive. Ainsi, la Cour n’a pas hésité à réduire la portée des exigences, inscrites dans les directives de 1990, comme celle selon laquelle le citoyen européen ne doit pas constituer une charge pour les systèmes de sécurité sociale dans le pays d’accueil.34 Il n’est certes pas exclu que la Cour serait parvenue à des résultats très similaires sur la seule base du droit secondaire. L’inscription du concept de citoyenneté dans le traité, « constitutionnalisant » 10 le droit de circuler et de séjourner, lui a toutefois facilité la tâche de donner une interprétation restrictive aux exceptions prévues par le législateur communautaire. Malgré ces développements, l’on note que le juge communautaire n’a pas réalisé un droit inconditionnel à la libre circulation.35

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Le cercle des personnes étant en mesure de bénéficier des règles du droit communautaire, notamment de la règle de non-discrimination sur base de la nationalité,36 était déjà assez large avant l’introduction de la citoyenneté de l’Union. En effet, la Cour avait adoptée une interprétation généreuse des dispositions du traité relatives à la libre circulation.37 De plus, le législateur communautaire avait élargi considérablement leur champ d’application en accordant le droit de séjour aux citoyens européens non économiquement actifs, à condition qu’ils répondent aux critères établis par les directives de 1990.38 Après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, cette dernière limitation ne pouvait être maintenue qu’au prix de concevoir l’article 18 CE en tant que « disposition de renvoi », dépourvue d’un contenu propre. Comme indiqué ci-dessus, la Cour a rejeté une telle approche.39 Il s’ensuit que toute personne séjournant40 ou résidant41 légalement sur le territoire d’un autre État 11 membre relève du domaine d'application ratione personae du traité - et peut donc se prévaloir du principe de non-discrimination inscrit à l’article 12 CE. En poursuivant une ligne déjà tracée par le juge et le législateur communautaires, le concept de citoyenneté tel que défini par le traité de Maastricht contribue ainsi à un développement important. Même si ce dernier ne pouvait se matérialiser sans le concours de la jurisprudence, il trouve clairement son origine dans un choix constitutionnel fait par les Etats membres en 1992. Tout citoyen de l’Union dispose donc aujourd’hui, dès qu’il se trouve légalement dans un Etat membre autre que le sien,42 d’un droit reconnu d’obtenir le même traitement juridique que les nationaux du pays d’accueil. La reconnaissance d’un tel « statut fondamental »43 ne garantit pas, en principe, un droit à l’égalité de traitement inconditionnel. D’une part, le principe de non-discrimination peut seulement s’appliquer lorsque la situation tombe dans le champ d’application matériel du traité CE. D’autre part, il est possible qu’un traitement différencié soit justifié dans certains cas. Toutefois, la Cour ne se montre pas très exigeante lors qu’elle examine le lien de rattachement avec le droit communautaire.44 Il faut ajouter que le juge communautaire a tendance à étendre, moyennant le concept de citoyenneté, le domaine d’application ratione materiae du traité tout en opérant des 12 revirements de sa jurisprudence antérieure.45 Comme la Cour adopte traditionnellement une définition large de la discrimination tout en étant peu généreuse vis-à-vis des arguments avancés par les Etats membres pour justifier des inégalités de traitement, il semble qu’elle conçoit le « statut fondamental » de citoyenneté - le droit au même traitement juridique que les nationaux - de manière large. Malgré ces développements et extensions importants, basés sur la jurisprudence antérieure et renforcés par l’introduction de la citoyenneté, cette dernière n’a pas encore été utilisée par la Cour dans l’objectif d’établir une sorte de « statut général » de tout citoyen en vertu du droit de l’Union. Bien que le juge communautaire puisse, en acceptant de reconnaître l’existence de liens communautaires pour rattacher des situations plutôt internes au champ d’application du traité,46 donner l’impression contraire, il n’a pas (encore) abandonné le concept de la discrimination à rebours.47 Il en dérive que le « statut fondamental » du citoyen défini à l’article 17 CE reste toujours lié à l’exercice du droit à la libre circulation au sein de l’Union.48 Conclusion et perspectives En conclusion, l’on constate que la citoyenneté de l’Union est un concept particulier, susceptible d’évoluer, qui s’efforce à décrire l’ensemble des droits dont dispose le citoyen européen en vertu du droit de l’Union. Ces droits - qu’ils soient conférés par le traité et le législateur ou qu’ils découlent de l’interprétation, très « dynamique », de ces textes par le juge communautaire - restent, pour l’essentiel, attachés à la circulation, c.à.d. au déplacement dans un autre Etat membre. Il est vrai que le droit à la libre circulation, largement généralisé, n’est pas encore inconditionnel et reste soumis à des restrictions - 13 dont la portée s’est vue considérablement limitée par la Cour moyennant, d’une part, une interprétation large des libertés spécifiques, d’autre part, un recours croissant aux

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dispositions relatives à la citoyenneté. L’apport fondamental de ces dernières réside dans le fait qu’elles accordent au citoyen européen, dès qu’il circule ou séjourne sur le territoire d’un autre Etat membre que le sien, un droit très étendu : celui de recevoir le même traitement juridique que les ressortissants du pays d’accueil. L’introduction de la notion de citoyenneté au sein du traité CE par le traité de Maastricht renforce considérablement un développement important et inhérent au processus d’intégration en cours depuis un demi-siècle : celui de détacher progressivement, dans une certaine mesure49 et dans certaines limites,50 la jouissance de droits dans un Etat de l’exigence de posséder la nationalité de ce dernier. En imposant que le citoyen européen « transfrontalier » soit traité de manière égale aux nationaux de l’Etat d’accueil, la citoyenneté de l’Union rattache la possession de certains droits à la simple résidence dans l’Etat d’accueil51 - contribuant ainsi à l’émergence d’une conception de citoyenneté à la fois pré- et post-nationale. La notion de citoyenneté « complémentaire », basée sur l’exercice d’un droit à la libre circulation au sein de l’Union, n’est pas difficile a concevoir, à condition que l’on ne cherche pas à transposer les concepts de citoyenneté 14 tels qu’ils se sont développés dans le cadre de l’Etat-nation. Il est, par contre, plus difficile d’accepter l’idée que tous les citoyens ne disposent pas de ce droit de base. En effet, l’utilisation du terme citoyenneté implique aujourd’hui l’attribution de droits égaux à tous les citoyens. Or, tous les ressortissants des Etats membres ne bénéficient pas de la libre circulation : restent privés de ce droit les citoyens européens non économiquement actifs et sans moyens financiers leur permettant de ne pas constituer une charge pour les systèmes de sécurité sociale du pays d’accueil.52 Cette limitation ne concerne pas seulement le cercle (relativement restreint) des personnes qui, sans disposer de ressources financières, ne souhaitent ou ne parviennent pas à exercer une activité économique.53 Sont aussi et surtout visés les citoyens auxquels certains Etats membres refusent l’accès au marché de travail sur base des dispositions transitoires inscrites dans les actes d’adhésion. Tandis que les premiers ressentent le fait qu’être citoyen européen de plein droit dépend toujours (encore), dans une certaine mesure, de leurs ressources financières, les derniers se voient privés d’un droit, déjà garanti à leurs concitoyens de l’Union, en raison de leur seule nationalité. Bien que la Cour de justice soit en mesure de contrôler l’utilisation des clauses habilitant les anciens Etats membres54 à restreindre la libre circulation et à limiter ainsi leur portée, en les traitant comme exception à la règle 15 générale,55 elle ne peut mettre en cause les dérogations en matière de libre circulation des travailleurs inscrites dans le droit primaire.56 Un décalage entre le principe énoncé et l’exception étant certainement concevable pendant une période transitoire, même étendue, sa consolidation - telle que discutée pour le futur acte d’adhésion de la Turquie - changera profondément une des caractéristiques fondamentales de l’intégration.57 L’introduction du concept de citoyenneté dans le droit de l’Union est de nature à susciter des attentes que les Etats membres ne seront certainement pas prêts à satisfaire dans un futur proche ou même plus lointain. En attendant, ce concept constitue un outil important dans le renforcement du statut du citoyen européen « transfrontalier » - tout en rappelant que la libre circulation des personnes constitue un élément de base de l’intégration européenne. 12 Droit de vote actif et passif dans l’Etat de résidence pour les élections municipales (article 19.1 CE) et au Parlement européen (article 19.2 CE) ; droit de pétition devant le Parlement européen (articles 21 al. 1 et 194 CE) ; possibilité accordée aux citoyens de s’adresser au médiateur (articles 21 al. 2 et 195 CE) ; droit de s’adresser aux institutions et au médiateur ainsi que de recevoir une réponse dans une des langues officielles de l’Union (article 21 al. 3 CE). 13 Article 20 CE. 14 Article 18.1 CE : « Tout citoyen a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres… ».

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15 Cf. l’article 18.1 CE : « … sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application. ». 16 Cf. la précision apportée par le traité d’Amsterdam à l’article 17 CE : « La citoyenneté complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. ». 17 Confirmé par l’arrêt de la Cour du 20 février 2001 dans l’affaire C-192/99, Kaur, Rec. p.I-1237, relatif à la déclaration du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord concernant la définition du terme « ressortissants » annexée à l’acte d’adhésion de 1972 (remplacée par la déclaration de 1982). 18 Bien que les Etats membres doivent respecter les limites imposées, d’une part, par le droit international, et d’autre part, par le droit communautaire (cf. l’arrêt de la Cour du 7 juillet 1992 dans l’affaire C-369/90, Micheletti, Rec. p.I-4239). 19 Cette particularité, à savoir que la citoyenneté de l’Union attribue des droits aux nationaux des Etats membres auxquels correspondent des obligations à la charge des Etats membres plus que des obligations des bénéficiaires (réciprocité), ne ressort pas de l’article 17.2 CE dont la formulation s’inspire de la formule classique propre aux constitutions étatiques (« Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévues par le présent traité. »). 20 Bien que des formes de citoyenneté dérivée soient connues dans certains Etats fédéraux comme la Suisse et les Etats Unis. 21 Dans ce texte, les expressions « citoyen de l’Union européenne » et « citoyen européen » sont utilisées comme synonymes. 22 Moyennant une révision des traités (article 48 UE) mais également de manière indirecte par le biais d’une procédure législative spéciale à caractère « constitutionnelle » prévue pour compléter les droits de citoyenneté (actes du Conseil statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen nécessitant ensuite l’approbation par les Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles, cf. l’article 22.2 CE). Aucune procédure particulière n’est prévue pour mettre en oeuvre le droit des citoyens de l’Union de bénéficier d’une protection diplomatique et consulaire par les Etats membres dont il n’est pas ressortissant : il revient aux Etats membres d’établir « entre eux » les règles nécessaires (cf. l’article 20 CE). 23 Selon la procédure spéciale citée à la note précédente qui n’est cependant pas applicable pour l’adoption des modalités concernant le droit de vote dans le pays de résidence (pas besoin de « ratification » selon les règles constitutionnelles des Etats membres, cf. l’article 19 CE) et des mesures visant à réaliser le droit de libre circulation et de séjour des citoyens de l’Union. Ces dernières sont, de manière générale, adoptées selon la procédure de codécision (cf. les procédures spécifiques des articles 40, 44, 52 CE et l’habilitation générale inscrite à l’article 18.2. CE) - bien que certaines mesures restent soumises à la règle de l’unanimité au sein du Conseil (sécurité sociale, article 42 CE ; accès aux professions libérales, article 47.2 CE ; cf. aussi les exclusions contenues dans l’article 18.3. CE). 24 Directive 93/109/CE du Conseil du 6 décembre 1993, fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants (J.O. 1993 L 329 p.34) et Directive 94/80/CE du Conseil du 19 décembre 1994, fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité (J.O. 1994 L 368 p.38). 25 Décision 95/553/CE des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 19 décembre 1995, concernant la protection des citoyens de l’Union européenne par les représentations diplomatiques et consulaires (J.O. 1995 L 314 p.73). 26 A l’exception de l’amélioration des droits du citoyen découlant de l’extension de la procédure de codécision opérée par les dernières révisions des traités et également envisagée par le traité constitutionnel de Rome. 27 Outre l’inscription d’un catalogue formel de droits fondamentaux (partie II du traité constitutionnel), l’on remarquera surtout la création de l’instrument de l’initiative populaire (article I-47.4 dudit traité). 28 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et aux membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004 L 158 p.77). 29 Sur le plan substantiel, la seule avancée par rapport à l’état actuel du droit semble être la possibilité offerte au citoyen de l’Union et les membres de sa famille d’acquérir - indépendamment des dispositions plus favorables dont ils bénéficient en tant que personnes exerçant (ou ayant exercé) une activité économique - un droit de séjour permanent et pratiquement inconditionnel après cinq ans de séjour légal dans l’Etat membre d’accueil (cf. l’article 16 e.s. de la directive 2004/38, supra note 28).

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30 Et davantage concrétisée par la législation communautaire, cf. les directives 64/221/CEE (J.O. 1964 p.56, p.850), 68/360/CEE (J.O. 1968 L 257, p.13), 72/194/CEE (J.O. 1972 L 121, p.32), 73/148/CEE (J.O. 1973 L 172, p.14, 75/34/CEE (J.O. 1975 L 14, p.10), 75/35/CEE (J.O. 1975, L 14, p.14). 31 Cf. les directives 90/364/CEE, 90/365/CEE (J.O. 1990 L 180 pp.26 et 60) et 93/96/CEE (J.O. 1993 L 317, p.59), la dernière remplaçant la directive 90/366 annulée par la Cour en raison de son fondement juridique (utilisation de l’article 235 CEE/308 CE au lieu de l’article 7 al. 2 CEE/12 al. 2 CE, cf. l’arrêt du 7 juillet 1992 dans l’affaire C-295/90, Parlement européen/Conseil, Rec. p.I-4193). 32 Arrêts du 12 mai 1998 dans l’affaire C-85/96, Martínez Sala, Rec. p.I-2691 et du 21 septembre 1999 dans l’affaire C-378/97, Wijsenbeek, Rec. p.I-6207. 33 Arrêt du 17 septembre 2002, affaire C-314/99, Baumbast, Rec. p.I-7091. 34 Cf. les arrêts Baumbast (supra note 33) concernant l’exigence d’une couverture pour les frais médicaux, Grzelczyk (affaire C-184/99, arrêt du 20 septembre 2001, Rec. p.I-6193) concernant la question dans quelle mesure un étudiant peut recourir à l’aide sociale, interprétations restrictives confirmées par l’arrêt Trojani (affaire C-456/02, Rec. p.I-7573). 35 Il est vrai qu’une mention faite dans l’arrêt Bickel et Franz (au paragraphe 15), lue de manière isolée, pourrait donner l’impression que la Cour interprète l’article 18.1 CE comme un droit inconditionnel. Une telle lecture ignore toutefois que ledit arrêt se fonde entièrement sur le fait que les requérants tombaient dans le champ d’application du traité en vertu de l’article 49 CE (affaire C- 274/96, arrêt de la Cour du 24 novembre 1998, Rec. p.I-7637). 36 Article 12 CE. 37 Cf. p.e. les arrêts Gravier (affaire 293/83, arrêt du 13 février 1985, Rec. p.593) et Cowan (affaire 186/87, arrêt du 2 février 1989, Rec. p.195). L’arrêt Carpenter, rendu après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, s’inscrit dans la même logique (affaire C-60/00, arrêt du 11 juillet 2002, Rec. p.I- 6279). 38 Le champ d’application de l’article 12 CE, à savoir le « domaine d’application du présent traité », peut non seulement être précisé par le juge communautaire (cf. l’arrêt Gravier, supra note 37) mais aussi par des actes de droit secondaire. 39 De manière implicite déjà dans l’arrêt Martínez Sala (supra note 32) et de manière explicite dans l’arrêt Baumbast (supra note 33). 40 La mention de la citoyenneté dans l’arrêt Bickel et Franz (soulignée par nous supra, à la note 35) servait probablement à clarifier ce point. 41 Cf. l’arrêt Martínez Sala (supra note 32). 42 Ou dans son propre pays après avoir exercé son droit de libre circulation dans la ligne des arrêts Knoors (arrêt du 7 février 1979 dans l’affaire 115/78, Rec. p.399) et Kraus (arrêt du 31 mars 1993, affaire C-19/92, Rec. p.I-1663), établie avant l’entrée en vigueur du traité de Maastricht et confirmée ensuite par les arrêts d’Hoop (arrêt du 11 juillet 2002, affaire C-224/98, Rec. p.I-6191) et Pusa (arrêt du 29 avril 2004, affaire C-224/02, Rec. p.I-5763). 43 Ainsi que la Cour l’a reconnu dans son arrêt Grzelczyk (supra note 34), para. 31. 44 Cf. p.e. l’arrêt Gravier (supra note 37). Dans le domaine de la citoyenneté, le seul fait de résider légalement dans un autre Etat membre - même si l’on possède aussi la nationalité de celui-ci - a été reconnu comme un lien de rattachement suffisant (cf. l’arrêt du 2 octobre 2003 dans l’affaire C- 148/02, Garcia Avello, Rec. p.I-11613 et l’arrêt Pusa (supra note 42). Cf. également les conclusions de l’avocat général JACOBS du 30 juin 2005 dans l’affaire pendante Standesamt Stadt Niebüll (affaire C-96/04). 45 Cf. l’arrêt Grzelczyk (supra note 34) qui renverse la jurisprudence Brown (arrêt du 21 juin 1988 dans l’affaire 197/86, Rec. p.3205), l’arrêt Collins (affaire C-138/02, arrêt du 23 mars 2004, Rec. p.I-2703) qui renverse la jurisprudence Lebon (arrêt du 18 juin 1987 dans l’affaire 316/85, Rec. p.2811) ainsi que l’arrêt Bidar (affaire C-209/03, arrêt du 15 mars 2005, non encore publié dans le Rec.) qui renverse la jurisprudence Lair (arrêt du 21 juin 1988 dans l’affaire 39/86, Rec. p.3161). 46 Voy. à cet égard l’arrêt Carpenter (supra note 37). 47 Cf. l’arrêt Uecker et Jacquet (affaires C-64/96 et C-65/96, arrêt du 5 juin 1997, Rec. p.I-3171) mais aussi l’arrêt Kaur (supra note 17). 48 Cf. aussi l’arrêt du 12 juillet 2005 dans l’affaire C-403/03, Schempp, non encore publié au Rec. 49 Car la possession de la nationalité d’un des Etats membres - ou un lien avec une personne la possédant - est, en règle générale, requise. Notez toutefois qu’une nouvelle directive (2003/109/CE du 25 novembre 2003, J.O. 2004 L 16, p.44) qui doit être transposée en droit national en 2006 accordera aux ressortissants d’Etats tiers résidant de longue durée (cinq ans de résidence légale) une égalité de traitement étendue en matière économique et sociale - incluant la possibilité (limitée) de libre circulation au sein de l’Union). 50 Car certaines inégalités de traitement sur base de la nationalité restent toujours admises au sein de l’Union. Un exemple est l’accès à la fonction publique que les Etats membres peuvent, sous certaines

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conditions (interprétées de manière restrictive par la Cour), réserver à leurs ressortissants (cf. l’article 39.4 CE et l’arrêt du 17 décembre 1980 dans l’affaire 149/79, Commission/Belgique, Rec. p.3881). 51 Dans ce contexte, il est intéressant de constater que la Cour accepte que les Etats membres exigent qu’un citoyen européen désirant bénéficier des aides publiques aux frais d’entretien (sans chercher à exercer et sans avoir exercé préalablement une activité économique) démontre un certain degré d’intégration dans la société cet Etat d’accueil. Cf. l’arrêt Bidar (supra note 45). 52 Comme déjà noté, ces critères ont reçus une interprétation restrictive par la Cour, cf. l’arrêt Grzelczyk pour des étudiants et l’arrêt Trojani pour les personnes non économiquement actives sans pourtant être étudiants (supra note 34). Ils ne s’appliquent non plus aux membres de famille à charge d’un citoyen exerçant son droit de libre circulation - ni d’ailleurs aux derniers étant à la charge d’un ressortissant d’un Etat tiers (cf. l’arrêt du 19 octobre 2004 dans l’affaire C-200/02, Zhu, Rec. p.I-9925 et les conclusions de l’avocat général RUIZ-JARABO COLOMER du 25 octobre 2005 dans l’affaire pendante C-408/03, Commission/Belgique) - ou à des citoyens européens qui se déplacent en tant que touristes (cf. l’arrêt du 31 janvier 1984 dans les affaires 286/82 et 26/83, Luisi et Carbone, Rec. p.377). 53 Dans une période raisonnable, cf. l’arrêt Antonissen (affaire C-292/89 du 26 février 1991, Rec. p.I- 745). 54 Comme d’ailleurs les nouveaux Etats membres en vertu des clauses de réciprocité - également difficiles à adapter à l’idée de citoyenneté - inscrites dans les actes d’adhésion. 55 Cf. p.e. l’arrêt du 23 mars 1983, affaire 77/82, Peskeloglou, Rec. p.1085, l’arrêt du 27 septembre 1989, affaire 9/88, Lopes da Veiga, Rec. p.2989, l’arrêt du 27 mars 1990, affaire C-113/89, Rush Portuguesa, Rec. p.I-1417 ou encore l’arrêt du 16 juillet 1998, affaire C-171/96, Pereira Roque, Rec. p.I-4607. 56 Cf. l’arrêt du 26 avril 1988 dans l’affaire 312 et 35/86, Laisa, Rec. p.2285. 57 Pour une discussion des options de la Cour, cf. HANF, D. et DENGLER, P., « L’adhésion annoncée de la Turquie : les perspectives en matière de libre circulation des personnes » in E. LANNON et J. LEBULLENGER, Les défis de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, à paraître chez Bryulant, Bruxelles, 2005. 2. D. BLANC, Guide du droit de l’Union européenne, Ellipses, 2008. Citoyenneté européenne Notion La citoyenneté européenne est une citoyenneté de juxtaposition, venant enrichir la citoyenneté d’essence nationale sur laquelle elle se fonde. Ce constat ressort de l’article 17-1 CE : « Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l'Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ». En d’autres termes, la citoyenneté de l’État commande celle de l’Union dans le respect du droit communautaire. Ce principe est entendu largement par le juge communautaire puisqu’il admet qu’un État membre puisse décider d’accorder la citoyenneté européenne à une personne n’ayant pas sa nationalité (12 septembre 2006, aff. C-145/04, Espagne c. Royaume-Uni, R I-7917). L’art. 20 TFUE valorise la citoyenneté européenne précisant qu’elle « s’ajoute à la citoyenneté nationale ». La notion de citoyenneté a été introduite par le traité de Maastricht du 7 février 1992, elle atteste du renforcement de la dimension politique de la construction européenne. Simultanément, la Communauté économique européenne (CEE) devient la Communauté européenne (CE), de sorte que si les préoccupations économiques demeurent essentielles, elles ne sont plus exclusives. Auparavant, la formule employée par les traités et les institutions communautaires était celle de ressortissant des États membres ou de ressortissant communautaire. Droits attachés à la citoyenneté européenne A côté de l’article 17-2 CE affirmant que les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le traité, les articles 18 à 21 CE tracent le cadre juridique de la citoyenneté européenne. Tout d’abord, selon l’article 18 CE tout citoyen de l’Union bénéfice du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres sous réserve de certaines limitations. La Cour de justice considère que le traité confère au droit de séjour une application

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directe (17 septembre 2002, aff. C-413/99, Baumbast, R I-7091). Pour autant, il appartient au Conseil de prendre les mesures appropriées suivant la procédure de codécision. Depuis le traité de Nice, la citoyenneté européenne peut faire l’objet de coopérations renforcées. Ensuite, elle confère des droits politiques en vertu de l’article 19 CE : droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales de l’État de résidence, ce que permet l’article LO 227-1 du Code électoral à la suite de l’introduction en 1992 de l’article 88-3 C ; droit de vote et d’éligibilité aux élections européennes, selon les conditions posées par la loi n°94-104 du 5 février 1994. Enfin, conformément à l’article 20 CE, tout citoyen européen bénéficie du droit à la protection diplomatique et consulaire. S’il se trouve en difficulté sur le territoire d’un pays tiers où son État n’est pas représenté, il jouit d’une protection identique à celle que recevrait un autre citoyen européen dont l’État est représenté. L’ensemble de ces droits renforce le statut juridique des personnes concernées uniquement lorsqu’elles se trouvent hors de leur territoire national, ce qui ne concerne qu’une minorité, si bien que les bénéfices apportées par la citoyenneté européenne sont faiblement ressentis et partant l’émergence d’une conscience politique européenne s’en trouve retardée. Á l’occasion des élections municipales en France en 2001, 166 000 européens se sont inscrits sur les listes électorales alors qu’ils étaient plus d’un 1 200 000 à pouvoir le faire. Droits détachés de la citoyenneté européenne Une série de droits sont reconnus aux citoyens européens sans que cette qualité soit nécessaire puisque les ressortissants des pays tiers peuvent également s’en prévaloir, au premier rang desquels figure la liberté de circulation et de séjour. Par ailleurs, toute personne physique ou morale résidant dans un État membre peut adresser une plainte au médiateur de l’Union en cas d’une mauvaise administration causée par les institutions ou organes communautaires, elle peut également user d’un droit de pétition devant le Parlement européen ou demander l’accès aux documents du Conseil, de la Commission et du Parlement européen dans les conditions de l’article 255 TCE. 3. C. BIDEGARAY et H. STUDER, De la citoyenneté européenne et autres coquecigrues. remarques sur la participation des citoyens de l’union européenne aux élections municipales françaises de mars 2001, Annuaire français de relations internationales, 2003. N’en déplaise aux rédacteurs des Eurobaromètres, une lecture attentive fait clairement apparaître le faible degré d’intérêt des Européens pour la construction européenne. Prudents, les auteurs des sondages prennent pour critère d’intérêt pour l’Europe le fait d’avoir lu, entendu ou vu quelque chose s’y rapportant dans les trois derniers mois – ce qui ne semble pas excessif. Un parcours rapide des enquêtes montre que l’indifférence oscille entre la moitié et un bon tiers des personnes interrogées. Malgré tous les efforts d’information déployés par la Commission, force est de constater que la connaissance qu’ont les Européens de l’architecture institutionnelle de l’Europe est des plus floues, quand elle n’est pas franchement erronée : témoins, ces 13 % de sondés qui, en 1993, plaçaient le Conseil de l’Europe parmi les institutions communautaires, ou encore cette estimation de 1996, selon laquelle les dépenses administratives occupaient 42 % du budget européen alors qu’elles n’en représentaient que 5 %, et les dépenses agricoles en absorbaient 21 % (contre 51 % effectifs). Quand on leur demande d’apprécier le fonctionnement des institutions européennes la plupart des personnes consultées plaquent sur l’Europe leur vision nationale – d’où la surévaluation du rôle du Parlement européen et la faible notoriété de la Commission, de la Cour de justice ou des Conseils européens. Quant au sentiment d’appartenance à l’Europe, il oscille au gré des sondages, mais, en gros, une bonne moitié des personnes interrogées se sent beaucoup ou assez européenne, quand l’autre ne le ressent pas beaucoup ou pas du tout. Cette impression est confirmée par les enquêtes sur le sentiment d’identité nationale et/ou européenne, qui montrent que l’attachement à la patrie d’origine

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n’est pas près de s’effacer devant l’identité européenne31. On comprend dès lors pourquoi les commentateurs officiels des Eurobaromètres passent discrètement sur ce qui fâche et affichent un optimisme mesuré et rassurant. En toute hypothèse, recourir aux sondages, même attristants, est beaucoup moins dangereux que de convoquer les Européens à des consultations électorales fréquentes. Comme le disait Paul Valéry, « la politique est l’art d’empêcher les gens de s’occuper de ce qui les regarde ». Toutefois, comme un régime démocratique ne peut exister sans que les citoyens soient consultés, les responsables européens ont attendu que soit surmonté le deuxième choc pétrolier puis que s’annonce la reprise économique et la création d’un marché unique pour décider de passer d’une union économique à une véritable union politique – décision institutionnalisée lors de la ratification par les Etats membres du Traité de Maastricht (1992) et des traités ultérieurs (Amsterdam 1997) et Nice (2000). Il fut donc décidé à l’article 8B du Traité de Maastricht, confirmé par le Traité d’Amsterdam (art. 17 à 22), de reconnaître une citoyenneté de l’Union comportant, outre le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales et européennes dans l’Etat membre de résidence, le droit de circuler et de séjourner sur le territoire de l’Union, d’être protégé par les autorités diplomatiques ou consulaires des pays tiers, de déposer des pétitions devant le Parlement européen et de saisir le médiateur européen. Force est de constater cependant que cette citoyenneté n’est qu’une citoyenneté de superposition, puisqu’elle est en fait dépendante de la possession de celle d’un Etat membre et que l’Union ne dispose d’aucune compétence en matière d’attribution de la citoyenneté européenne. Attentant directement à la souveraineté qui réside « essentiellement dans la nation » selon l’article 3 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ces dispositions furent en France la cible de tous les « souverainistes » et donnèrent lieu à de multiples escarmouches juridiques visant à en restreindre la portée32. Comme on le sait, le biais a été trouvé dans les mécanismes d’élection du Sénat, dont le corps électoral est notamment composé de maires et de délégués des conseils municipaux et généraux. Faire participer les « étrangers communautaires » à ces élections eût été les faire participer à une opération affectant directement « les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté » – d’où l’interdiction qui leur est faite de prétendre à la fonction de maire, d’adjoint, ou de participer à l’élection des sénateurs. Mais tous les Etats européens ne sont pas aussi frileux. Ainsi, au Danemark, les droits politiques locaux ont été octroyés aux ressortissants des Etats membres de l’Union nordique à partir de 1977 et, dès 1981, à l’ensemble des étrangers. En Irlande, les résidents communautaires ont eu le droit de voter aux élections européennes dès la première élection organisée au suffrage universel direct (1979). A la même date, l’Italie accordait l’éligibilité aux ressortissants d’autres Etats de la Communauté (qui ne se souvient de l’élection de Maurice Duverger sur une liste communiste en 1989). Les Pays-Bas ont adopté des dispositions analogues après la révision de leur Constitution en 1983, de même que l’Espagne et le Portugal, sous réserve de réciprocité avec certains pays. Bref, indépendamment des réglementations nationales, avec l’article 8B2 du Traité de Maastricht, la citoyenneté de l’Union est désormais entrée dans les règles. Elle a été organisée par la directive 93/109/CE du Conseil du 6 décembre 1993 fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un Etat membre dont ils ne sont pas ressortissants. En France, ces dispositions ont été traduites en droit interne par la loi no 94-104 du 5 février 1994 33 et le décret d’application no 94-206 du 10 mars 199434, en vue des élections européennes du 12 juin 1994.

31 S. Duchesne/A.P. Frognier, « Is There a European Identity », in O. Niedermayer/R. Sinnot (dir.), Public Opinion and International Governance, Oxford University Press, Oxford, 1995, pp. 193-227 32 Christian Bidegaray, « Opinion publique et classe politique françaises face à la citoyenneté européenne », communication aux journées franco-helléniques de l’Université Pantéion Athènes-Rhodes, les 13 et 14 octobre 1994. 33 JORF du 8 février 1994. 34 JORF du 12 mars 1994.

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Pourtant, lors des ces élections de 1994, (prolongées en Suède en 1995 et en Autriche et Finlande en 1996), sur 4 300 000 citoyens de l’Union résidant dans un Etat membre dont ils n’étaient pas ressortissants (pour un électorat total d’environ 270 millions de personnes), à peine 253 000 d’entre eux se firent inscrire sur les listes électorales (ce qui représente environ 6 % de ce corps électoral potentiel). Les Français résidant en Europe ne se sont d’ailleurs pas distingués puisqu’à peine 16 293 d’entre eux sur 345 000 (4,7 %) firent l’effort de se faire inscrire. Les élections de 1999 n’ont guère bouleversé cette tiédeur électorale. Sur 1 225 000 citoyens européens installés en France, seuls 72 400 se sont fait inscrire (moins de 5,9 %). Les communautés les plus nombreuses n’ont d’ailleurs pas été les plus actives : à peine plus de 16 000 Portugais sur 590 000 (2,7 %), 8 870 Espagnols sur 175 195 (5 %), 17 053 Italiens sur 212 000 (8 %). Les plus déterminés ont été les Belges (10 172 inscrits pour 61 113 soit 16,6 %), les Néerlandais (3 327 pour 22 557, soit 14,7 %), les Britanniques (7 759 sur 65 353, soit 11,8 %) et les Danois (531 sur 4 913, soit 10,8 %). Les moins enthousiastes ont été, respectivement, les Autrichiens (149 inscrits sur 4 191, soit 3,5 %) les Portugais (2,7 %) et les Suédois (220 sur 7 997, soit 2,7 %). Au total, moins de 6 % des ressortissants communautaires résidant en France ont pris la peine de se faire inscrire, contre 3,8 % en 1994, ce qui atteste, à première vue, de l’intérêt très relatif que suscite l’octroi de la citoyenneté de l’Union35. On espérait que les élections municipales entraîneraient une plus forte mobilisation. L’expérience qui en a été faite cette année ne semble guère marquer un tournant décisif dans l’euro-tiédeur. Sans doute faut-il remarquer que les ressortissants européens résidant en Belgique qui n’étaient que 5% d’inscrits sur les listes électorales pour les élections européennes de 1994 sont passés à 17,6 % pour les élections communales du mois d’octobre 2000. L’expérience française de mars 2001 n’incite pourtant pas à pavoiser. Six ans après la première expérience de vote des citoyens européens, il n’est plus possible d’invoquer la trop grande brièveté des délais ou l’insuffisance d’information des citoyens européens pour expliquer la faiblesse de la participation électorale. Joue certainement la grande diversité des populations issues de pays aux conceptions très différentes en matière de citoyenneté, ainsi que le sentiment plus ou moins fort d’intégration à la communauté française36. Lorsqu’on les interroge, les Européens résidant en France semblent d’autant plus désireux de voter ou de se présenter aux élections municipales qu’ils habitent depuis longtemps dans la commune et se sentent, comme tous leurs concitoyens, concernés par les problèmes locaux. Mais ce sentiment d’appartenance semble très variable selon les régions et les personnes consultées. D’après les chiffres donnés par le ministère de l’Intérieur, sur plus d’un million deux cent mille Européens vivant en France (recensement INSEE de 1999), 166 031 ressortissants se sont inscrits sur les listes complémentaires au titre des élections municipales des 11 et 18 mars 2001 et seuls 991 d’entre eux se sont portés candidats pour 255 788 candidats de nationalité française, dans les communes de 3 500 habitants et plus37. Sur les 83 445 conseillers municipaux élus dans les communes de plus de 3 500 habitants, 204 sont des ressortissantes d’autres pays de l’Union européenne, soit 0,24 %. Les plus nombreux sont les Portugais (83), suivis des Italiens (28), des Espagnols (23), des Belges (21), des Allemands (17) et des de la citoyenneté européenne 429. Britanniques (16). S’y ajoutent 8 Néerlandais, 3 Suédois, 2 Irlandais, 1 Danois, 1 Grec et 1 Finlandais. Selon la taille des communes, ces 204 élus se

35 Toutes ces données sont tirées de l’article de Sylvie Strudel, « La citoyenneté de l’Union : l’incertaine construction d’un corps électoral européen », in B. Cautrès/D. Reynié, (dir.), L’Opinion européenne 2001, Presses de Sciences Po et Fondation Robert-Schuman, Paris, 2001, p. 53-64 36 Pour une analyse qualitative des représentations engagées, cf. les contributions au numéro thématique coordonné par Sylvie Strudel, sur les « Pratiques de la citoyenneté européenne », Revue internationale de politique comparée, à paraître au printemps 2002. 37 Cf. La Croix, 11 avril 2001

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répartissent ainsi : 95 dans des communes de 3 500 à 9 000 habitants, soit 0,20 % sur un total de 46 632 conseillers municipaux; 76 dans les communes de 9 000 à 30 000 habitants soit 0,31 % sur un total de 24 594 élus; 27 dans les communes de 30 000 à 100 000 habitants pour 9 411 conseillers, (soit 0,29 %) et enfin, 6 dans les communes de plus de 100 000 habitants pour 2 521 conseillers (soit 0,24 %). En définitive, on voit bien que le droit de vote des ressortissants européens n’est qu’un premier pas timide vers une citoyenneté européenne. N’y participent que les personnes les mieux intégrées à la vie communale, notamment par le milieu sportif, associatif ou culturel – ce qui est plus aisé dans les petites ou moyennes communes que dans les grandes et qui explique la faiblesse numérique de ces élus dans les villes de plus de 100 000 habitants. Mais, plus généralement, cette citoyenneté reste une citoyenneté au rabais et discriminatoire. Au rabais, car les ressortissants étrangers ne peuvent être ni adjoints ni maires, et cette interdiction peut démotiver un certain nombre d’entre eux. Discriminatoire surtout, dans la mesure où un tri est effectué entre les étrangers. C’est ainsi que de nombreux ressortissants des anciennes colonies françaises ont fait observer que leurs liens avec la France et avec leurs communes de résidence étaient souvent bien plus forts et plus anciens que ceux de citoyens européens dont les valeurs culturelles, juridiques ou culinaires étaient très éloignées de celles de l’Hexagone. Plusieurs mouvements politiques s’en sont d’ailleurs émus. En témoigne cette proposition de loi constitutionnelle déposée le 3 mai 2000 par le député Vert Noël Mamère, proposant d’élargir le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers non communautaires et adoptée par l’Assemblée nationale, ou encore la proposition déposée le 21 décembre 1999 par les sénateurs communistes. Ultime paradoxe, ceux à qui le droit de vote est dénié seraient aujourd’hui plus mobilisés que ceux à qui celui-ci a été concédé. A cet égard, la mise en place hésitante de la citoyenneté européenne dans sa théorie et sa pratique sert de miroir aux tensions et contradictions qui traversent la démocratie française.

4. Statistiques sur les ressortissants de l'Union européenne élus conseillers municipaux

Statistiques sur les ressortissants de l'Union européenne élus conseillers municipaux

13 ème législature

Question écrite n° 04615 de J. L. Masson JO Sénat 29/05/2008, p. 1039

M. Jean Louis Masson attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le fait que les ressortissants de l'Union européenne peuvent être élus conseillers municipaux. Il souhaiterait qu'elle lui indique quel est, à l'issue des élections municipales de 2008, le nombre de ressortissants de l'Union européenne élus d'une part dans des communes de moins de 3500 habitants et d'autre part dans des communes de plus de 3500 habitants, ainsi que la ventilation correspondante par nationalité. Il souhaiterait également connaître pour chaque département le nombre total de conseillers municipaux n'ayant pas la nationalité française.

Réponse du Ministère de l'intérieur JO Sénat du 10/07/2008 – p. 1421

À l'issue des élections municipales de mars 2008 et à la date du 6 juin 2008, le nombre de ressortissants de l'Union européenne élus dans les communes de moins de 3 500 habitants s'élève à 1 198, et ceux dans les communes de plus de 3 500 habitants à 239. La ventilation par nationalité selon ces deux types de communes est indiquée dans le tableau suivant :

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PAYS NOMBRE D'ÉLUS COMMUNAUTAIRES

CM < 3 500 hab. CM > 3 500 hab.

Allemagne 100 24

Autriche 6 1

Belgique 299 37

Bulgarie 1 0

Danemark 8 2

Espagne 22 19

Estonie 2 0

Finlande 8 1

Grèce 5 4

Hongrie 4 0

Irlande 13 1

Italie 49 21

Lituanie 1 0

Luxembourg 5 0

Malte 4 0

Pays-Bas 160 18

Pologne 2 1

Portugal 102 79

République tchèque 2 0

Roumanie 1 2

Royaume-Uni 398 26

Slovaquie 1 0

Suède 5 3

Total 1 198 239