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Travaux dirigés de droit administratif des biens MTD-LD-ME-CMM-LS © 0 TRAVAUX DIRIGES LICENCE III – SEMESTRE 05 – GROUPE I DROIT ADMINISTRATIF DES BIENS Cours de M. le professeur Mathieu TOUZEIL-DIVINA Année universitaire 2017-2018 Equipe pédagogique : M. Loïc DEMEESTER, Mme Marie EUDE, Mme Camille MOROT-MONOMY & Mme Lucie SOURZAT Fiche TD n°07 DES PROTECTIONS DE LA DOMANIALITE PRIVEE I - Du Vocabulaire - Biens communaux, - Chemins ruraux, - Domaine privé, - Forêts domaniales, - Incessibilité à vil prix, - Insaisissabilité. Hippodrome de Compiègne - Auteur inconnu II - Des Documents DOCUMENT 1 : CE, sect., 29 nov.1975, ONF c. Abamonte, Rec. 602. © CNRS éditions DOCUMENT 2 : Articles L. 2211-1 et L. 2212-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. DOCUMENT 3 : CE, 8ème et 3ème Chambres réunies, 27 mars 2017, Société Procedim et Sinfimmo, n°390347. DOCUMENT 4 : Extraits AUBY J.-M., « Contribution à l’étude du domaine privé », EDCE 1958, p. 35-57. DOCUMENT 5 : Extraits COMELLAS S., « Interrogations sur le principe de prescriptibilité du domaine privé des personnes publiques », JCP A 2015 n° 23, p. 19. DOCUMENT 6 : Extraits de la jurisprudence du Tribunal des conflits. 6.A : TC, 22 nov. 2010, Société Brasserie du Théâtre c. Commune de Reims, Leb. 590. 6.B : TC, 5 mars 2012, Dewailly, Leb. 506. III - De la Bibliographie - HUET-GUYARD J.-M., La distinction du domaine public et du domaine privé, th. Paris, 1939. - LAGARDE M., Un droit domanial spécial : le régime forestier, th. Toulouse, 1984. - AMADEI J.-P., « Sur la nature du droit de propriété du domaine privé », RDP 1998 p. 505. - TILLI N., « Les ventes d’immeubles relevant du domaine privé de l’État », AJDA 2010 p. 714. - MAUGARD F., La rétraction du domaine, DUSSART V. (dir.), th. Toulouse 1, 2014. - GIACUZZO J.-F., « Domaine privé de l’État et réserves foncières guyanaises », DA 2015 n°1 p. 41. Commentaire: Vous commenterez la décision suivante (dernier document de la plaquette) : CE, 28 avril 2017, n°400054.

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TRAVAUX DIRIGES LICENCE III – SEMESTRE 05 – GROUPE I DROIT ADMINISTRATIF DES BIENS

Cours de M. le professeur Mathieu TOUZEIL-DIVINA Année universitaire 2017-2018

Equipe pédagogique : M. Loïc DEMEESTER, Mme Marie EUDE,

Mme Camille MOROT-MONOMY & Mme Lucie SOURZAT

Fiche TD n°07

DES PROTECTIONS DE LA DOMANIALITE PRIVEE

I - Du Vocabula ir e

- Biens communaux, - Chemins ruraux, - Domaine privé, - Forêts domaniales, - Incessibilité à vil prix, - Insaisissabilité. Hippodrome de Compiègne - Auteur inconnu

II - Des Documents

DOCUMENT 1 : CE, sect., 29 nov.1975, ONF c. Abamonte, Rec. 602. © CNRS éditions

DOCUMENT 2 : Articles L. 2211-1 et L. 2212-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. DOCUMENT 3 : CE, 8ème et 3ème Chambres réunies, 27 mars 2017, Société Procedim et Sinfimmo, n°390347. DOCUMENT 4 : Extraits AUBY J.-M., « Contribution à l’étude du domaine privé », EDCE 1958, p. 35-57. DOCUMENT 5 : Extraits COMELLAS S., « Interrogations sur le principe de prescriptibilité du domaine privé des personnes publiques », JCP A 2015 n° 23, p. 19. DOCUMENT 6 : Extraits de la jurisprudence du Tribunal des conflits.

6.A : TC, 22 nov. 2010, Société Brasserie du Théâtre c. Commune de Reims, Leb. 590. 6.B : TC, 5 mars 2012, Dewailly, Leb. 506.

III - De la Bib l iographie

- HUET-GUYARD J.-M., La distinction du domaine public et du domaine privé, th. Paris, 1939. - LAGARDE M., Un droit domanial spécial : le régime forestier, th. Toulouse, 1984. - AMADEI J.-P., « Sur la nature du droit de propriété du domaine privé », RDP 1998 p. 505. - TILLI N., « Les ventes d’immeubles relevant du domaine privé de l’État », AJDA 2010 p. 714. - MAUGARD F., La rétraction du domaine, DUSSART V. (dir.), th. Toulouse 1, 2014. - GIACUZZO J.-F., « Domaine privé de l’État et réserves foncières guyanaises », DA 2015 n°1 p. 41.

Commentaire:

Vous commenterez la décision suivante (dernier document de la plaquette) : CE, 28 avril 2017, n°400054.

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DOCUMENT 1 : CE, sect., 29 nov. 1975, Abamonte, Leb. 734.

Requête de l'office national des forets tendant a l'annulation d'un jugement du 7 février 1973 du tribunal administratif de Besançon le déclarant responsable des deux tiers des conséquences dommageables de l'accident survenu au jeune Georges x... dans la foret domaniale du Banney a Luxeuil et ordonnant une expertise afin de déterminer le préjudice corporel subi par la victime ; vu la loi du 28 pluviôse an viii ; la loi du 23 décembre 1964 ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; le code général des impôts ; Considérant que la demande présentée par le sieur x... devant le tribunal administratif de Besançon tendait a ce que l'Etat et l'office national des forêts fussent déclarés responsables des conséquences dommageables de la chute du jeune x... Georges , survenue le 17 octobre 1971 dans une carrière désaffectée située dans la foret domaniale du Banney a Luxeuil ; que la responsabilité pouvant incomber a l'Etat ou a l'office national des forets dans la gestion de son domaine prive forestier ne saurait être appréciée que par les juridictions de l'ordre judiciaire ; que les mesures prises par l'office national des forets pour ouvrir la foret du Banney au public, notamment par la réalisation d'aménagements spéciaux, n'étaient pas de nature a les faire regarder comme émanant d'un service public administratif, ni a faire regarder ladite foret comme faisant partie du domaine public ; que les travaux de clôture de la carrière ou est tombe le jeune x... n'auraient pas eu le caractère de travaux publics ; que l'office national des forets est, des lors, fonde a soutenir que c'est a tort que, par le jugement attaque, le tribunal administratif de Besançon s'est reconnu compétent pour connaitre de la demande du sieur x... ; que, par suite, le sieur x... n'est pas fonde a demander, par la voie du recours incident, que l'office national des forets soit déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident litigieux et soit condamne a lui verser une indemnité provisionnelle de 10 000 f ; Cons. que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre les dépens de première instance a la charge du sieur x... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ; annulation ; rejet de la demande comme portée devant une juridiction incompétente ; dépens mis a la charge du sieur x... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône .

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DOCUMENT 2 : Articles L. 2211-1 et L. 2212-1 du Code général de la propriété des personnes

publiques. Art. L. 2211-1 : Font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier. Il en va notamment ainsi des réserves foncières et des biens immobiliers à usage de bureaux, à l'exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public. Art. L. 2212-2 : Font également partie du domaine privé : 1° Les chemins ruraux ; 2° Les bois et forêts des personnes publiques relevant du régime forestier.

• DOCUMENT 3 : CE, 8ème et 3ème Chambres réunies, 27 mars 2017, Socié té Procedim et Sinf immo, n°390347.

Vu la procédure suivante : Les sociétés Procedim et Sinfimmo ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions des 22 décembre 2010 et 26 mai 2011 du directeur du centre hospitalier spécialisé de la Savoie rejetant, d'une part, leur offre d'achat de terrains situés sur le territoire de la commune de Bassens pour les céder à la société CIS Promotion et, d'autre part, leur recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 110472 du 21 janvier 2014, ce tribunal a rejeté cette demande. Par un arrêt n° 14LY00915 du 19 mars 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé contre ce jugement par les sociétés Procedim et Sinfimmo.

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Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mai 2015, 21 août 2015 et 4 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Procedim et Sinfimmo demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de la Savoie la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes, - les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public. La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat des sociétés Procedim et Sinfimmo et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier spécialisé de la Savoie ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 22 décembre 2010, le centre hospitalier spécialisé de la Savoie, après avoir sollicité de plusieurs acquéreurs potentiels qu'ils lui adressent des offres d'achat, a décidé de vendre un terrain de son domaine privé situé sur le territoire de la commune de Bassens à la société CIS Promotion. Les sociétés Procedim et Sinfimmo, dont l'offre d'achat n'a pas été retenue, ont demandé en vain au tribunal administratif de Grenoble d'annuler cette décision ainsi que le rejet du recours gracieux qu'elles avaient formé contre celle-ci. Elles se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 19 mars 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elles avaient formé contre ce jugement. 2. La société CIS promotion, cessionnaire des parcelles en litige, justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêt attaqué. Son intervention au soutien des conclusions du Centre hospitalier spécialisé de la Savoie est, par suite, recevable. 3. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à une personne morale de droit public autre que l'Etat de faire précéder la vente d'une dépendance de son domaine privé d'une mise en concurrence préalable. Toutefois, lorsqu'une telle personne publique fait le choix, sans y être contrainte, de céder un bien de son domaine privé par la voie d'un appel à projets comportant une mise en concurrence, elle est tenue de respecter le principe d'égalité de traitement entre les candidats au rachat de ce bien. 4. Il découle de ce qui précède qu'en jugeant que, dès lors que le projet de cession qui avait fait l'objet de la consultation à laquelle les sociétés Procedim et Sinfimmo avaient répondu ne relevait pas du champ de la commande publique, ces sociétés ne pouvaient utilement invoquer à l'appui de leurs conclusions une méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les candidats dans la mise en oeuvre de cette procédure, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit. 5. Les sociétés Procedim et Sinfimmo sont, par suite, fondées à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de la Savoie le versement aux sociétés Procédim et Sinfimmo, ensemble, d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de ces sociétés, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'intervention de la société CIS promotion est admise. Article 2 : L'arrêt du 19 mars 2015 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé. Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon. Article 4 : Le centre hospitalier spécialisé de la Savoie versera aux sociétés Procédim et Sinfimmo une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier spécialisé de la Savoie et par la société CIS Promotion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Procédim, à la société Sinfimmo, au centre hospitalier spécialisé de la Savoie et à la société CIS Promotion.

DOCUMENT 4 : Extraits AUBY J.-M., « Contribution à l’étude du domaine privé de l’Administration », EDCE 1958 p. 2.

I. LA CONCEPTION TRADITIONNELLE DU DOMAINE PRIVE

Il y a un peu plus d’un siècle, la doctrine formulair la distinction du domaine public et du domaine privé de l’Administration, distinction qui ne devait pas tarder à être adoptée par la jurisprudence en attendant d’être consacrée par les textes. Depuis cette époque, le domaine public a donnée lieu à d’innombrables études théoriques, et il n’est guère de spécialiste du droit administratif qui ne lui ait consacré quelques recherches, voire même tenté d’apporter une contribution nouvelle au proclème, toujours renouvelé, du critère de cette catégorie de biens publics. Pendant ce temps, le domaine privé a retenu infiniment moins l’attention des juristes. Sans doute, bien des études de valeur lui ont été consacrées, mais ces études ont été surtout le fait de praticiens, de fonctionnaires de l’administration des Domaines principalement, plus préoccupés de décrire la réglementation domaniale que d’échafauder à son sujet des constructions doctrinales. Peut-être est-ce ce caractère largement réglementaire de la matière qui a détourné de son étude les spécialistes du droit public, plus attirés par les perspectives originales et séduisantes de la domanialité publique ? Peut-être encore ont-ils considéré, sur la base d’une tradition déjà ancienne, que le domaine privé était sous l’emprise du droit commun et qu’il convenait d’en abandonner l’étude aux civilistes, cadeau dont ces derniers ont, du reste, fort peu profité ? […] La définition du domaine privé est presque toujours donné d’une manière négative, en quelque sorte par prétérition. La plupart des auteurs reprennent à peu près la formule de Bonnard selon laquelle « le domaine privé est constitué par les propriétés administratives qui, n’étant pas à l’usage de tous ne sont pas, par ailleurs, affectées à un service public déterminé pour être utilisées ou consommées par ce service ». Il se bornent en d’autres termes, à déclarer que le domaine privé est l’ensemble des biens publics qui ne remplissent pas les conditions nécessaires pour être considérées comme faisant partie du domaine public. [...] Certains auteurs l’ont pensé et c’est ainsi que M. DEMENTHON, spécialiste du droit domanial, a pu écrire que ce domaine comprenait « les choses susceptibles d’appropriation exclusive qui sont, ou peuvent être, sans qu’il intervienne de changement, productives de revenus. Il s’applique à des biens qui appartenant à l’État [sic], sont de même nature que ceux dont se compose le patrimoine d’un particulier. » […] Effectivement, il existe une certaine conception traditionnelle du domaine privé dont les éléments se groupent autour de trois idées principales. 1° Le domaine privé comporte une fonction patrimoniale, financière, il est destiné à procurer à l’Administration des revenus ou des services ; il s’oppose par là au domaine public affecté dans son ensemble à une destination d’intérêt général. […] 2° Le domaine privé est soumis à un régime de droit privé. […] 3° Les litiges concernant le domaine privé relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire. […] II- LA FONCTION DU DOMAINE PRIVE […] La question ainsi posée revient au fond à se demander si la gestion du domaine privé peut être considérée comme constituant un service public. En effet, quelle que soit l’imprécision que comporte en jurisprudnce comme en doctrine la notion de service public, on peut observer que les difficultés concernent surtout la question de savoir à quelles conditions l’activité d’une personne privée peut être qualifiée de service public. Le problème se trouve simplifié lorsqu’il porte uniquement sur l’activité d’une personne administrative. […] Il est à peine besoin de rappeler que le problème ainsi posé ne peut être résolu en considérant le caractère juridique des organismes chargés de la gestion du domaine privé. […] Il s’agit incontestablement de services publics au sens organique, mais il n’y a aucune conclusion à en tirer quant à la nature de l’activité elle-même. […] Si l’on considère alors cette gestion, abstraction faite des organismes qui l’assument, plusieurs observations peuvent être formulées. 1° Le domaine privé peut être le siège d’activités administratives d’intérêt général. […] 2° Les biens du domaine privé peuvent faire l’objet d’une affectation d’intérêt général. […] 3° La gestion des biens du domaine privé non affectés à l’usage du public ou à un service public est souvent dominée par des considérations d’intérêt général. […]

CONCLUSION 1° […] L’examen de la fonction de ce domaine nous a paru justifier l’idée que, contrairement à la

conception traditionnelle, la gestion domaniale constituait une activité d’intérêt général et, qu’à ce titre, elle pouvait être considérée comme un service public. […] Or, l’étude du domaine privé révèle, contrairement encore à la conception traditionnelle, l’existence de tels éléments exorbitants. Ceux-ci, loin de constituer une exception limitée, occupent au contraire une place considérable

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dans le régime juridique du domaine. Une comparaison quantitative de ces éléments avec les éléments de droit commun est évidemment impossible ; mais si, dans l’ensemble, ces derniers paraissent l’emporter, il est points sur lesquels le régime de droit public paraît prépondérant.[…] En d’autres termes, le régime juridique du domaine privé se présente comme un régime juridique mixte comportant des éléments empruntés au droit commun et des éléments qui trouvent leur origine dans le droit public. la place faite à ces derniers éléments s’est certainement développée depuis plusieurs dizaines d’années et la conception traditionnelle, qui nous paraît critiquable, s’explique peut-être par une référence à un système domanial aujourd’hui dépassé. […] 2° La présente étude conduit encore à s’interroger sur la valeur de la distinction du domaine public et du domaine privé. […] On peut bien dire sans doute que, dans le régime juridique du domaine public, les règles du droit public occupent une place plus large que dans celui du domaine privé. Mais dans les deux cas on rencontre de telles règles, si bien que la différence semble devoir se résoudre logiquement en une différence de degré, plutôt que de nature, à l’intérieur de la catégorie plus vaste des biens publics, dont l’article 537 du Code civil indique, à juste titre, qu’ils sont soumis à des règles particulières d’administration et d’aliénation. […] Chaque catégorie de biens publics est soumise à un régime exorbitant, dans la mesure où ce régime est nécessaire pour assurer sa protection ou son affectation. En effet, la distinction qui s’établit entre les diverses catégories de biens domaniaux se double d’une distinction entre les différents attributs de la domanialité.[…] Les solutions variées qui découlent de ce principe, permettent alors d’établir une échelle de domanialité allant des biens publics dont le régime comporte un maximum d’exorbitance, à ceux pour lesquels les règles de droit public sont peu nombreuses (elles ne sont jamais complètement absentes). À l’intérieur de cette échelle il est possible, à certains égards, de distinguer deux ensembles soumis à des règles différentes. Cependant, la ligne de démarcation de ces deux ensembles s’établir à un niveau différent selon les règles considérées. Elle n’es pas la même selon que l’on se place au point de vue du régime contentieux, de la protection pénale ou encore de la règle d’inaliénabilité. […]

DOCUMENT 5 : COMELLAS S., « Interrogations sur le principe de prescriptibilité du domaine public des personnes publiques », JCP A 2015, n° 23, p. 19.

1. - Les études consacrées au patrimoine des personnes publiques se concentrent presque exclusivement sur le domaine public et son régime juridique protecteur. À quelques exceptions près, elles semblent rejeter dans l'ombre l'étude du domaine privé et de la domanialité privée. Les ouvrages spécialisés leur consacrent peu de développements, les études sur le sujet sont rares et font d'eux les parents pauvres du droit domanial. Le peu d'attention qu'ils suscitent est toutefois regrettable, et ce, pour deux raisons au moins. La première tient à la composition même du domaine privé. Lui que l'on a pour habitude d'envisager uniquement « d'une manière négative », se définit généralement comme l'ensemble de tous les biens qui ne répondent pas aux critères d'identification du domaine public. En pratique, il est formé d'un ensemble conséquent de biens, mobiliers comme immobiliers, qui constituent, notamment pour les collectivités territoriales, une large part de leur patrimoine. Cet ensemble apparaît aussi diversifié qu'hétérogène. Au sein du domaine privé des communes se côtoient ainsi des presbytères, des églises, des biens dits « communaux » ou encore des chemins ruraux. La deuxième raison tient au régime juridique spécifique auquel sont soumis les biens relevant du domaine privé. La gestion du domaine privé n'étant pas une activité de service public, elle est soumise aux règles du droit privé. Parmi elles, se trouve notamment la règle de la prescription acquisitive. Cette règle, dont les modalités d'application sont prévues par le Code civil, permet à des tiers d'acquérir un bien au terme d'une possession prolongée. L'ensemble des biens du domaine privé est donc théoriquement susceptible de tomber entre les mains de particuliers et donc de quitter le patrimoine de la personne publique propriétaire. […] Le dépôt au Sénat le 16 janvier 2014 d'une nouvelle proposition de loi. […] présenté en séance publique et renvoyé en commission le 23 octobre dernier, vise ainsi à consacrer l'imprescriptibilité du domaine privé des collectivités territoriales et de leurs groupements. Sur le plan pratique, une telle réforme est séduisante puisqu'elle protégerait tous les biens publics des collectivités. Sur le plan juridique en revanche, elle pose de sérieuses difficultés. […] Quid enfin du champ d'application à donner au principe d'imprescriptibilité. La fonction même de ce principe étant de préserver l'affectation publique d'un bien, il paraît à première vue impensable de soumettre les biens du domaine privé au respect d'un tel principe. Une telle situation pourrait d'ailleurs remettre en cause la distinction traditionnelle entre le domaine public et le domaine privé, telle que consacrée par les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques (1). Juridiquement, la mise en place d'un principe d'imprescriptibilité apparaît pourtant envisageable. Pour limiter les risques d'inconstitutionnalité d'une telle loi, ce principe devra être justifié par un motif d'intérêt général, en rapport avec l'objectif affiché par le législateur. À ce titre, l'imprescriptibilité ne semble pas pouvoir être étendue à l'ensemble des biens du domaine privé. Les chemins ruraux apparaissent ici comme un candidat potentiel à l'application de ce principe, même si l'état actuel de la jurisprudence conduit à relativiser la portée de l'extension du principe d'imprescriptibilité à leur égard (2).

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1. Une prescriptibilité de principe […] A. - Un principe justifié 3. - Le champ d'application du principe d'imprescriptibilité ne peut s'étendre aux biens du domaine privé, pour deux raisons au moins. La première raison tient à la fonction même du principe d'imprescriptibilité. […] L'inaliénabilité protège l'affectation en s'opposant à tout démembrement de propriété tant que le bien est affecté. L'imprescriptibilité préserve la destination du domaine en le rendant insusceptible de propriété privée du fait de la possession prolongée. Formalisée sous l'Ancien Régime, l'imprescriptibilité s'oppose à ce qu'un particulier puisse acquérir, par la voie de la prescription, des droits sur la dépendance du domaine public qu'il occupe. Si les biens du domaine public sont imprescriptibles, « c'est parce qu'ils sont affectés au service général de la société ». L'imprescriptibilité protège ainsi l'affectation du domaine public puisque « cette affectation opère un droit public pour tous, contre lequel nul ne peut prescrire ». De par sa fonction, l'imprescriptibilité « demeure aussi longtemps que l'affectation de la dépendance est maintenue ». […] La deuxième raison découle en effet de la particularité des biens qui relèvent du domaine privé. Depuis l'avènement au XIXe siècle de la distinction des deux domaines de l'Administration, le domaine privé, que Proudhon nommait le « domaine de l'État », comprend « les propriétés administratives qui, n'étant pas à l'usage de tous ne sont pas, par ailleurs, affectées à un service public déterminé pour être utilisées ou consommées par ce service ». Aujourd'hui, le domaine privé est défini par le législateur comme comprenant tous les « biens des personnes publiques (...) qui ne relèvent pas du domaine public (...) ». Au regard de la formulation employée par le législateur, le domaine privé est constitué de tous les biens publics qui ne répondent pas aux critères de définition du domaine public. Il s'agit de biens qui n'ont aucune destination publique et qui n'ont fait l'objet d'aucun aménagement. Coexistent, aux côtés des biens que le législateur a choisi de ranger expressément dans le domaine privé, des terrains non aménagés mis à la disposition par une commune, une cité appartenant à la SNCF, une ferme dépendant du domaine de Chambord et des biens cultuels non ouverts au public tels que les presbytères ou les églises. Dépourvu d'affectation publique, le domaine privé n'est pas préservé du commerce des hommes, comme l'est le domaine public. Il est un domaine que la personne publique gère librement, « comme une personne privée, comme un propriétaire, dans les conditions de droit commun ». Il peut donc être exproprié si un but d'utilité publique le justifie ou être cédé à un tiers, soit à l'occasion d'une vente soit par le jeu de la prescription acquisitive. B. - Un principe discutable 4. - En principe, le mécanisme de la prescription acquisitive, tel que posé par le Code civil, s'applique aux biens faisant l'objet d'une propriété privée. Cette dernière est garantie par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, prolongés par les articles 544 et suivants du Code civil. L'article 2258 du Code définit la prescription comme « un moyen d'acquérir un bien (...) par l'effet de la possession ». Celle-ci a vocation à jouer lorsque la possession du bien est « continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire d'un bien ». Cette règle est parfaitement établie en droit privé et bien connue de tous les civilistes. En droit privé, le mécanisme de la prescription acquisitive se justifie par la volonté de protéger les droits du possesseur de bonne foi. Il permet d'éviter qu'un propriétaire privé puisse revenir juridiquement sur une situation de fait, en opposant au détenteur (privé ou public, un titre de propriété ancien. Transposé à la propriété publique, ce mécanisme revient à protéger les droits d'un possesseur privé contre un propriétaire public. Cela revient donc à considérer que, passé un certain délai, les intérêts individuels de la personne privée priment sur les intérêts collectifs de la personne publique. La question est donc de savoir si un point d'équilibre peut être trouvé, au-delà duquel les intérêts privés priment les intérêts publics. La situation paraît relativement simple si l'on considère que les biens du domaine privé ne disposent pas d'affectation publique. Dans cette hypothèse, la nature du droit de propriété publique et privée semble comparable. Il paraît donc envisageable d'étendre les règles du droit privé à la personne publique lorsque cette dernière est assimilable à un propriétaire privé, comme cela se fait par exemple en matière de services publics, lorsqu'ils interviennent dans le domaine industriel ou commercial. Les données du problème changent lorsque les biens considérés bénéficient d'une affectation publique. Dans une telle hypothèse, le poids des intérêts collectifs est renforcé. […] Toutefois, ce point de vue doit être nuancé. Pour être effective, la prescription suppose le respect de conditions restrictives. Le possesseur doit en effet se comporter comme un propriétaire et utiliser de façon exclusive le bien qu'il occupe. Dès lors, si le bien occupé se révèle affecté à l'intérêt général, le possesseur ne peut plus être considéré comme occupant le bien « à titre de propriétaire ». Il en va ainsi lorsque l'utilisation d'un chemin est « publique ». Si un chemin connaît une circulation publique continue, le riverain de ce chemin ne peut donc en revendiquer la propriété. La destination publique du chemin neutralise le mécanisme de la prescription acquisitive puisqu'elle interrompt toute possession utile du bien par un particulier. Par conséquent, la prescription porte une atteinte relativement limitée au droit de propriété publique. Même si la prescriptibilité se justifie en principe pour les biens du domaine privé, une protection particulière peut toutefois s'envisager pour certains de ses biens. 2. Une imprescriptibilité d'exception […] A. - Une exception envisageable 6. - Partant de l'idée que le point de départ de toute disposition législative est l'existence d'une volonté politique, rien n'interdit a priori au Parlement d'être saisi de projets ou propositions de loi relatifs à l'extension de l'imprescriptibilité aux biens du domaine privé des personnes publiques. Et cela, même si un tel projet ou proposition de loi semble se

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situer à contre-courant des évolutions récentes en la matière qui reconnaissent que les propriétés publiques constituent des biens supports d'activités privées, y compris de nature commerciale. Il ne revient donc pas au juriste de discuter de l'opportunité d'une telle mesure mais simplement d'en relever, le cas échéant, les difficultés et/ou les avantages juridiques qu'elle apporterait, au regard de l'objectif affiché par le législateur. Il paraît possible ici de prendre la question à l'envers et de considérer que, juridiquement, c'est le principe de prescriptibilité des biens du domaine privé qui pose problème. Au-delà des considérations d'ordre matériel avancées par les collectivités territoriales elles-mêmes, le professeur Ch. Lavialle avait déjà mis en doute le caractère absolu de l'opposition de la prescription acquisitive aux personnes publiques. […] Si le législateur arrive à démontrer l'existence de motifs d'intérêt général permettant de justifier une extension de l'imprescriptibilité aux autres biens du domaine privé, alors cette extension paraît juridiquement possible. À ce titre, il paraît difficile d'imaginer que de tels motifs existent directement pour l'ensemble des biens du domaine privé des personnes publiques. Les chemins ruraux font alors figure d'exception, ceux-ci bénéficiant en effet d'une affectation publique. B. - Une exception circonscrite […] Si l'affectation publique permet en elle-même d'interrompre la prescription, la consécration d'un principe d'imprescriptibilité du domaine privé présente un intérêt plus que limité. De même, on pourrait s'interroger sur la pertinence même de la consécration d'un principe d'imprescriptibilité des biens du domaine public. Ces biens étant affectés à l'utilité publique, ils ne peuvent pas, par conséquent, faire l'objet d'aucune appropriation privée.

DOCUMENT 6 : Extraits de la jurisprudence du Tribunal des conflits.

© Tribunal administratif de Toulouse (31) – Photo DDM

DOCUMENT 6.A : TC, 22 nov. 2010, Société Brasserie du Théâtre c. Commune de Reims, Leb. 590.

Considérant que, par convention du 17 mai 1991, la commune de Reims a mis pour neuf ans à la disposition de la société Brasserie du Théâtre des locaux dépendant de l'immeuble abritant le théâtre municipal, pour l'exploitation d'un commerce de café, restaurant ; qu'au terme de la période, l'exploitant, soutenant être titulaire d'un bail commercial, a demandé à la commune le renouvellement de son titre pour neuf ans ; que par lettre du 3 mai 2000, le maire a notifié à la société Brasserie du Théâtre sa décision de ne pas lui reconnaître le bénéfice de la propriété commerciale, faisant valoir que les locaux relevaient du domaine public communal ; que cette dernière a contesté cette décision devant la juridiction administrative ; Considérant que par décision du 28 décembre 2009, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a retenu que la convention du 17 mai 1991 ne se rapportait pas à l'occupation du domaine public ; Considérant que la contestation par une personne privée de l'acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu'il en va de même de la contestation concernant des actes s'inscrivant dans un rapport de voisinage ; Considérant que l'acte par lequel le maire a refusé à la société Brasserie du Théâtre le renouvellement d'un titre d'occupation consenti par une convention ne comportant aucune clause exorbitante, n'est pas détachable de la gestion du domaine privé et relève de la compétence du juge judiciaire ; [Compétence ordre judiciaire]

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DOCUMENT 6.B : TC, 5 mars 2012, Dewailly, Leb. 506.

Considérant que la contestation par une personne privée de l’acte par lequel une personne morale de droit public ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne privée, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu’en soit la forme, dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu’en revanche, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par l’intéressé de l’acte administratif par lequel une personne morale de droit public refuse d’engager avec lui une relation contractuelle ayant un tel objet ; Considérant que le litige qui oppose M. Dewailly au centre communal d’action sociale de Caumont (Pas-de-Calais) porte sur le refus de cet établissement public administratif de conclure un bail rural portant sur des terres agricoles appartenant à son domaine privé ; qu’il relève ainsi de la compétence de la juridiction de l’ordre administratif ;

COMMENTAIRE

Vu la procédure suivante : La région Centre-Val de Loire a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de M. B...A...des bâtiments qu'il occupe au sein de l'exploitation agricole de Villevard. Par une ordonnance n° 1601378 du 9 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande. Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 8 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A...demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de la région Centre-Val de Loire ; 3°) de mettre à la charge de la région Centre-Val de Loire la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code rural et de la pêche maritime ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes, - les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public. La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de M. A...et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la région Centre-Val de Loire. Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par acte du 2 octobre 2015, M. A...a vendu l'exploitation agricole et la maison d'habitation située dans l'enceinte de celle-ci, dont il était propriétaire dans la commune de Villavard, à la région Centre-Val de Loire en vue de la conversion de cette exploitation en ferme pédagogique pour les besoins de l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) de Montoire. Cette vente était assortie d'un engagement de recrutement de M. A... par l'EPLEFPA sous contrat à durée indéterminée avec période d'essai de deux mois. Par ailleurs, le contrat de cession prévoyait que M. A...disposerait d'un droit d'usage et d'habitation de la maison tant que ce dernier conserverait la qualité de salarié de l'EPLEFPA et, au plus tard, jusqu'à son départ à la retraite. A la suite de dissensions apparues entre M. A...et la directrice de l'EPLEFPA, la région Centre-Val de Loire a mis fin au contrat de travail de M. A... avant la fin de la période d'essai, par une décision du 22 décembre 2015. Elle l'a en conséquence mis en demeure de quitter avant le 31

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mars 2016 la maison d'habitation qu'il occupait. M. A...s'étant toutefois maintenu dans les lieux après cette date, la région a saisi le 29 avril 2016, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à ce que soit ordonnée son expulsion. M. A...se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 9 mai 2016 faisant droit à cette demande. 2. Il appartient aux tribunaux judiciaires de connaître d'une requête tendant à l'expulsion d'un occupant sans titre d'immeubles relevant du domaine privé d'une collectivité publique, à moins que le contrat relatif à l'occupation de ces immeubles comporte des clauses, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, qui impliquent, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. 3. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ". 4. Aux termes de l'article R. 811-9 du code rural et de la pêche maritime : " Les exploitations agricoles et les ateliers technologiques dont disposent les établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles sont des unités de production à vocation pédagogique. (...) Leur orientation, leur conduite et leur gestion sont utilisées comme moyens de formation, d'expérimentation, de démonstration et de développement ". 5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la maison d'habitation occupée par M. A...est située dans l'enceinte de l'exploitation agricole cédée par M. A...à la région. Cette exploitation, qui a désormais pour vocation de servir de " ferme pédagogique " aux élèves du l'établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles de Montoire, doit être regardée, en application des dispositions précitées de l'article R. 811-9 du code rural et de la pêche maritime, comme affectée au service public de l'enseignement. Toutefois, cette exploitation agricole, qui comprend notamment un poulailler de 9 000 poules pondeuses, une laiterie, une bergerie pour un cheptel de 200 brebis berrichonnes, ne présente aucune spécificité la distinguant d'une exploitation agricole privée et n'a fait l'objet d'aucun aménagement en vue de l'accueil des élèves de l'établissement de Montoire. Elle ne saurait, dès lors, être regardée comme ayant fait l'objet d'aménagements indispensables en vue de son affectation au service public de l'éducation, au sens des dispositions précitées de l'article L. 2111-1 du code de la propriété des personnes publiques. Dans ces conditions, la ferme et la maison d'habitation en litige qui en dépend sont manifestement insusceptibles d'être qualifiées de dépendances du domaine public. Par ailleurs, le contrat en vertu duquel M. A...occupait les lieux, qui est un contrat de cession d'immeuble comportant une clause conférant au cédant un droit d'usage et d'habitation de la maison tant que celui-ci conserverait la qualité de salarié de l'établissement d'enseignement et, au plus tard, jusqu'à son départ à la retraite, ne saurait être regardé comme relevant du régime exorbitant des contrats administratifs. Dès lors, en statuant sur la demande de la région Centre-Val de Loire, le juge des référés a méconnu l'étendue de sa compétence juridictionnelle. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée et de rejeter la demande de la région comme présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Centre-Val de Loire la somme de 3 000 euros à verser à M.A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : --------------

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d' Orléans du du 9 mai 2016 est annulée. Article 2 : la demande de la région Centre-Val de Loire est rejetée comme présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Article 3 : La région Centre-Val de Loire versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de la région Centre-Val de Loire présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et à la région Centre-Val de Loire.