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T andis que les autorités monétaires pensent tou- jours qu’il y a surchauffe et que des mesures restrictives sont indispensables, le marché est en réalité dans une phase de baisse et le phénomène s’ob- serve depuis environ deux ans. Claude Hababou, qui a donné fin mai une conférence sur l’ex- pertise immobilière à l’invitation de la Banque Notenstein à Ge- nève, n’hésite pas à s’inscrire en faux par rapport à un certain optimisme de commande . «Le marché est hésitant et il faut être réaliste, sinon on ne vend pas», avertit le courtier et expert im- mobilier genevois, qui déplore cependant que le message soit difficile à faire passer. Dans ce contexte, l’expertise immobilière est essentielle pour ajuster les prétentions du vendeur aux attentes des clients poten- tiels. Traditionnellement, l’exper- tise se fonde sur des critères qui comprennent l’analyse technique d’un immeuble et la qualité de la construction. Mais ces outils ne sont pas suffisants, surtout dans un marché baissier: il faut tenir compte de l’environnement de l’objet. A cet égard, Claude Haba- bou pose la règle suivante: «le ni- veau de standing doit être adapté au quartier, et cela est valable aussi pour la taille de la parcelle, qui doit correspondre à celle des voisins». Il donne l’exemple de «ce duplex de 400m 2 à Plainpa- lais, qui vaut en théorie 6 millions et qui devrait pouvoir se vendre entre 4,5 et 5 millions». Egalement déterminant pour l’expertise, le segment de mar- ché: si la baisse ne touche pas les objets de moins d’un million - mais ils sont rares -, le seg- ment résidentiel entre 1 et 3 millions accuse une baisse de 10% à 20%. «Celui qui a acheté une maison à 2,7 millions en 2011 risque de la revendre 2,2 millions», précise l’expert qui estime que les segments supé- rieurs sont encore plus touchés, notamment le résidentiel entre 3 et 7 millions et surtout au-delà. Il évoque le cas d’une maison de Cologny, estimée entre 15 et 17 millions. «Le propriétaire en voulait 25 millions en 2010; maintenant il se contenterait de 17 à 19 millions». Le grand luxe, relève Claude Hababou, est un segment brusquement sinistré par manque de demande. Quel avenir? Les anticipations pour l’avenir ont aussi leur rôle à jouer et force est de constater que la tendance s’est inversée depuis le temps pas si lointain où les acquéreurs étaient prêts à sur- payer un bien de 15% à 30%. Pour l’avenir proche, l’expert genevois est relativement pes- simiste: «Il reste encore 10% ou 20% à corriger», prévient-il avant de tirer la conclusion qui s’impose, à savoir vendre sans trop attendre si une offre accep- table se présente. Le pessimisme est raisonné, car l’immobilier subit l’impact de la crise du secteur financier. Les clients de gestion de fortune se font plus rares, alors que les nouvelles restrictions sur l’utili- sation d’espèces dans le com- merce de luxe se font sentir. Les employés du secteur bancaire se font du souci pour l’avenir, tandis que l’expatrié fiscal fran- çais, typiquement acheteur aux environs de 5 millions, devient un mythe. Bref, insiste Claude Hababou, il faut savoir mettre un dossier dans son contexte, or celui-ci n’est pas encourageant à l’heure actuelle. n Mohammad Farrokh TOUT L’IMMOBILIER • NO 726 • 9 jUIN 2014 n Valeur des immeubles Un expert dit tout haut ce qui fait mal à entendre Ce qui vaut 2 millions aujourd’hui n’en vaudra plus que 1,8 million demain et le bien sera plus difficile à vendre sur un marché où il y aura moins d’acheteurs. Courtier indépendant à Genève, Claude Hababou plaide pour une approche plus large de l’expertise immobilière, qui tienne compte de l’environnement et des phases de marché. ENVIRONNEMENT 10 Claude Hababou. Il faudrait une approche plus large de l’expertise immobilière, selon Claude Hababou.

Valeur des immeubles Un expert dit tout haut ce qui fait ...€¦ · 2011 risque de la revendre 2,2 millions», précise l’expert qui estime que les segments supé-rieurs sont encore

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Page 1: Valeur des immeubles Un expert dit tout haut ce qui fait ...€¦ · 2011 risque de la revendre 2,2 millions», précise l’expert qui estime que les segments supé-rieurs sont encore

Tandis que les autorités monétaires pensent tou-jours qu’il y a surchauffe

et que des mesures restrictives sont indispensables, le marché est en réalité dans une phase de baisse et le phénomène s’ob-serve depuis environ deux ans. Claude Hababou, qui a donné fin mai une conférence sur l’ex-pertise immobilière à l’invitation de la Banque Notenstein à Ge-nève, n’hésite pas à s’inscrire en faux par rapport à un certain optimisme de commande . «Le marché est hésitant et il faut être réaliste, sinon on ne vend pas», avertit le courtier et expert im-mobilier genevois, qui déplore

cependant que le message soit difficile à faire passer. Dans ce contexte, l’expertise immobilière est essentielle pour ajuster les prétentions du vendeur aux attentes des clients poten-tiels. Traditionnellement, l’exper-tise se fonde sur des critères qui comprennent l’analyse technique d’un immeuble et la qualité de la construction. Mais ces outils ne sont pas suffisants, surtout dans

un marché baissier: il faut tenir compte de l’environnement de l’objet. A cet égard, Claude Haba-bou pose la règle suivante: «le ni-veau de standing doit être adapté au quartier, et cela est valable aussi pour la taille de la parcelle, qui doit correspondre à celle des voisins». Il donne l’exemple de «ce duplex de 400m2 à Plainpa-lais, qui vaut en théorie 6 millions et qui devrait pouvoir se vendre entre 4,5 et 5 millions».Egalement déterminant pour l’expertise, le segment de mar-ché: si la baisse ne touche pas les objets de moins d’un million - mais ils sont rares -, le seg-ment résidentiel entre 1 et 3 millions accuse une baisse de 10% à 20%. «Celui qui a acheté une maison à 2,7 millions en 2011 risque de la revendre 2,2 millions», précise l’expert qui estime que les segments supé-

rieurs sont encore plus touchés, notamment le résidentiel entre 3 et 7 millions et surtout au-delà. Il évoque le cas d’une maison de Cologny, estimée entre 15 et 17 millions. «Le propriétaire en voulait 25 millions en 2010; maintenant il se contenterait de 17 à 19 millions». Le grand luxe, relève Claude Hababou, est un segment brusquement sinistré par manque de demande.

Quel avenir?

Les anticipations pour l’avenir ont aussi leur rôle à jouer et force est de constater que la tendance s’est inversée depuis le temps pas si lointain où les acquéreurs étaient prêts à sur-payer un bien de 15% à 30%. Pour l’avenir proche, l’expert genevois est relativement pes-simiste: «Il reste encore 10%

ou 20% à corriger», prévient-il avant de tirer la conclusion qui s’impose, à savoir vendre sans trop attendre si une offre accep-table se présente. Le pessimisme est raisonné, car l’immobilier subit l’impact de la crise du secteur financier. Les clients de gestion de fortune se font plus rares, alors que les nouvelles restrictions sur l’utili-sation d’espèces dans le com-merce de luxe se font sentir. Les employés du secteur bancaire se font du souci pour l’avenir, tandis que l’expatrié fiscal fran-çais, typiquement acheteur aux environs de 5 millions, devient un mythe. Bref, insiste Claude Hababou, il faut savoir mettre un dossier dans son contexte, or celui-ci n’est pas encourageant à l’heure actuelle. n

Mohammad Farrokh

TOUT L’IMMOBILIER • NO 726 • 9 jUIN 2014

n Valeur des immeubles

Un expert dit tout haut ce qui fait mal à entendreCe qui vaut 2 millions aujourd’hui n’en vaudra plus que 1,8 million demain et le bien sera plus difficile à vendre sur un marché où il y aura moins d’acheteurs. Courtier indépendant à Genève, Claude Hababou plaide pour une approche plus large de l’expertise immobilière, qui tienne compte de l’environnement et des phases de marché.

• E N V I R O N N E M E N T10

• Claude Hababou.

• Il faudrait une approche plus large de l’expertise immobilière, selon Claude Hababou.