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WINNIPEG 21st - 24st may 1992 THE FUTURE OF THE DEFENCE FIRM IN EUROPE, NORTH AMERICA AND EAST ASIA. FACTEURS D'EVOLUTION DES FIRMES FRANÇAISES D'ARMEMENT Jean-Paul HEBERT ,

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WINNIPEG 21st - 24st may 1992

THE FUTURE OF THE DEFENCE FIRM IN EUROPE, NORTH AMERICA AND EAST ASIA.

FACTEURS D'EVOLUTION DES FIRMES FRANÇAISES D'ARMEMENT

Jean-Paul HEBERT ,(CIRPES)

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FACTEURS D'EVOLUTION DES FIRMES FRANÇAISES D'ARMEMENT

1. UN CADRE D'ACTION ET D'EXISTENCE DE PLUS EN PLUS EUROPEEN

Les firmes françaises d'armement sont comme les autres firmes européennes engagées dans un profond mouvement de transformations et de restructuration qui depuis 1987 a fortement bouleversé ce secteur d'activité. 1

Ce mouvement est marqué par l'évolution mondiale (stagnation ou baisse des budgets militaires, contraction des marchés d'armement, pressions pour la limitation des exportations). Aussi la première caractéristique de l'évolution récente est-elle une tendance au désengagement du militaire . Ce désengagement est très marqué pour certains grands groupes américains (Chrysler, Ford, LTV...) dont certains "sortent" complètement du secteur. En Europe, c'est aussi le choix de Philips. Mais ce désengagement s'observe également par l'importance prise par la notion de "diversification", voire de reconversion : Ces objectifs , encore sulfureux il y a peu de temps, sont maintenant inscrits dans la stratégie de la plupart des firmes, soucieuses de réduire leur dépendance vis-à-vis de la production militaire et se traduit pour la plupart d'entre elles par l'augmentation de la part des productions civiles : c'est le cas de l'Aérospatiale, de la SNECMA, de Dassault-aviation . Même GIAT-Industries (qui, sous forme de société,a repris les anciens "arsenaux" d'armement terrestre en France) s'est lancé dans un effort important dans cette direction.

Ce désengagement s'accompagne dans certains cas de réorganisations internes: filialisation des activités défense pour laisser le champ plus libre aux activités civiles, déplacement du centre de gravité des sociétés (contraction des activités de fabrication et 1 pour la période 1987-1989 voir J-P Hébert "Le grand marché de l'armement : redistributions en cours et bouleversements à venir" (Memento Défense-Désarmement 1989. GRIP. Bruxelles 1990). J-P Hébert "Réorganisations dans le secteur de l'armement en 1989" (Memento Défense-désarmement 1990. GRIP. Bruxelles 1991). J-P Héert "Stratégie française et industrie d'armement" (FEDN/Documentation Française. Paris 1991, chapitres 8 et 9. J-P Hébert "L'européanisation de l'industrie d'armement 1990-1991" (Memento Défense-désarmement 1991-1992. GRIP. Bruxelles 1992)

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développement des activités d'études comme dans le cas du groupe Dassault). Changements d'images : "Avions Marcel Dassault-Bréguet Aviation" a laissé la place à "Dassault Aviation" et dans le même temps "Electronique Serge Dassault" est devenu "Dassault Electronique", ceci parallèlement à la montée de "Dassault systèmes" préludant à un nouveau positionnement du groupe dans son ensemble (alors que jusque-là AMD-BA et ESD avaient des évolutions relativement indépendantes, au moins officiellement).

Mais ce désengagement n'a pas tari le flux des acquisitions et prises de contrôle dans le secteur de l'armement (tableau 1) . C'est toujours la recherche de la taille critique qui guide la stratégie des firmes de façon à obtenir une position "incontournable" dans le paysage futur de l'armement européen : ainsi peut se comprendre la politique d'acquisitions et d'accords tous azimuts de GIAT-Industries visant à constituer le pôle dominant de l'armement terrestre en Europe : pari risqué étant donné les difficultés particulières de l'armement terrestre, étant donné aussi la fragilité de certaines des firmes rachetées, mais GIAT-Industries n'a guère d'autre voie. Cette voie est cependant périlleuse comme le montre la déconfiture des firmes belges dans ce domaine qui en l'espace de deux ans ont quasiment disparu comme industrie nationale (rachat de FN, FN moteurs, PRB, Forges de Zeebrugge,..2).

L'obtention de la taille critique n'est pas aisée, comme le montre les difficultés de Thomson-CSF à faire aboutir ses vues en direction de la Grande-bretagne , l'évènement le plus marquant étant l'échec de Eurodynamics qui devait lier les activités "missiles" de Thomson et de British Aerospace.

De plus, il faut remarquer que pour les producteurs français l'avenir est marqué par l'intensification notable des initiatives communes de firmes européennes d'armement , qu'il s'agisse des fusions, créations de filiales communes, créations de joint-ventures ou des accords de coopération, décisions de productions communes, constitutions de GIE : la création d'Eurocopter, l'émergence d'Alenia, l'élargissement d'Eurosam, la mise en place d'Euroflag, le programme d'hélicoptères NH 90, l'accord de Thomson-CSF avec Euromissiles, etc : autant d'exemples qui soulignent qu'aucun choix dans le secteur de l'armement n'est plus pensé dans des frontières strictement nationales. 2 voir GRIP "Notes et documents" N°161-162 "Contexte et perspectives de restructuration de l'armement en Wallonie"

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Certes, toutes les incertitudes ne sont pas levées : la coopération n'est pas toujours facile (voir les hésitations de la Grande-bretagne du programme trigat ou la difficulté à concrétiser un programme franco-britannique dans le domaine des missiles nucléaires, pourtant régulièrement évoqué depuis quatre ans, voir aussi certaines difficultés de airbus industries avec british airways), mais il est clair que l'horizon européen, encore très vague il y a cinq ans, est maintenant le cadre inéluctable de l'évolution du secteur de l'armement.

Ce cadre européen fait l'objet d'initiatives politiques (décision du GIEP en février 1990 de permettre à leurs industriels de répondre à des appels d'offres lancés par les armées d'autres pays du groupe, lancement du programme EUCLID [800 millions de francs de recherches militaires communes en 1991]), mais il faut bien constater que l'émergence d'une politique industrielle de l'Europe dans les domaines liés à l'armement est difficile , comme l'illustre la malheureuse affaire "De havilland". Il faut surtout constater que ces initiatives politiques sont restreintes et très limitées par rapport à l'importance des évolutions industrielles. Les deux années écoulées ont vu s'accentuer un phénomène déjà sensible : la multitude d'initiatives des firmes crée un entrelacs nouveau dans l'armement, qui laisse de moins en moins de place à l'intervention ou le contrôle des Etats. Et dans cette perspective, l'importante réorganisation de l'électronique lancée par le gouvernement d'Edith Cresson apparaît plus comme une réaction que comme une action. "L'avance" que les industriels en Europe ont pris sur les autorités, en matière de restructuration , limite considérablement les marges de manoeuvres de ces dernières.

tableau 1

ACQUISITIONS ET PRISES DE CONTROLE DANS L'ARMEMENT, DONT SONT PARTIE PRENANTE DES FIRMES FRANÇAISES (1990-1991)

ACQUEREUR PAYS ACQUIS PAYS REMARQUES

Thomson-CSF F activités sonar de Ferranti

GB acquisition de la moitié des activités "acoustique sous-marine" pour 320 M.F.

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Thomson-CSF F Link-Miles GB Link-Miles est une filiale de Bis Coastal Corp (E.U.) spécialisée dans les simulateurs de vol. L'acquisition est faite pour 530 M.F.

Thomson-CSF F Pilkington Optronics

GB Filiale optronique de Pilkington .(1 G.F. de CA en 1990). rachat de 50%

Giat-Industries F Luchaire Defense F Giat-Industries prend en location-gérance les activités Défense de Luchaire ( passée sous le contrôle Epéda-Bertrand-Faure).

Giat-Industries F Manurhin Défense

F Manurhin défense résulte de la fusion de Manurhin et de Matra-Manurhin-Défense (750 M.F. de CA en 1989). Acquisition pour 1 G.F.

Giat-Industries F PRB Bel. Giat-Industries reprend la marque commerciale de PRB déclarée en faillite.

Giat-Industries F Fabrique Nationale

Bel. reprise pour 170 M.F. dans le cadre d'une nouvelle société : "Herstal Défense (FN Nouvelle Herstal)".

Giat-Industries F Heckler und Koch All. (annonce non réalisée) H und K : G.F. de CA en 1990.

Intertechnique F ABG-Semca F Intertechnique prend un tiers du capital , dans le cadre d'un accord avec l'autre actionnaire : Liebherr-Aerotechnik qui porte lui-même sa participation de 40% à 66,67%.

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Intertechnique F ECE F ECE (400 M.F. de CA en 1990) fabrique des systèmes de commande électrique. Intertechnique prend 76% de SOFIECE (qui contrôle ECE à 100%).

Intertechnique F SECAN F Intertechnique porte sa participation à 33,4%.

Alcatel-Alsthom F Telettra It. Telettra (8 G.F. de CA en1989) filiale télécommunication de FIAT est acquise pour 12,5 G.F. En retour La CGE vend CEAC (filiale accumulateurs à FIAT. De plus il y a échange de participations : CGE prend 3% de FIAT qui prend 6% de CGE. (NB: en 1991, CGE devient Alcatel-Alsthom).

Alcatel-Alsthom F (part de) Telefonica dans Telettra

Esp. Alcatel rachète la part (10%) de l'espagnol telefonica dans Telettra et prévoit la fusion de sa filiale italienne , Face , et de telettra italia . La nouvelle société sera contrôlée à 75% par Alcatel et 25% par FIAT.

Alcatel-Alsthom F Canada Wire Can. (secteur télécommunications)

Alcatel-Alsthom F Une division de Rockwell

E.U. Alcatel-Alsthom intègre la division Network Transmission systems de Rockwell.

Alcatel-Alsthom F AEG-Kebel All. filiale "câbles" d'AEG (5 G.F. de CA en 1990)

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Alcatel-AlsthomAerospatialeAlenia

FFIt.

Space systems Loral

E.U. Activité "satellites" (ex Ford aerospace) de Loral, acquise à part égale par les trois firmes (1 G.F.) à hauteur de 49% . (CA 1990 de Space Systems loral : 2 G.F.)

SNECMA F Fabrique Nationale moteurs

Bel. Après réduction et augmentation de capital, la Snecma garde le contrôle de FN-Moteurs (51%)

SNPE F Martignoni It. contrôle majoritaire . CA 1990 de Martignoni : 60 M.F.

SAGEM F société "allumage" du groupe VALEO

F (CA 1990 : 500 M.F.) . deviendra : "SAGEM Allumage".

SUEZ F Ruggieri F l'ALSPI (groupe SUEZ) reprend 81% de la SAGEPA qui détient 61% des droits de vote dans Ruggieri (CA 1990: 350 M.F. . Pyrotechnie)

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SFIM F SOPELEM F La SFIM prend 66% du capital de la SOPELEM (270 M.F. de CA en 1990), United Scientific Holding revient à 34%

Marrel SA F EDBRO plc GB OPA amicaleQUADRAL F CSEE F Après achats et OPA

(manquée) QUADRAL (société d'investissement) contrôle 42,8% de la CSEE . Mais Finmeccanica (It.) a porté sa participation à 33%.

Siemens All. IN2 F Siemens achète à Intertechnique (F) le reliquat (16,6%) des actions de son ancienne filiale.

Telefunken All. MHS F Telefunken prend le contrôle de la filiale (composants électroniques) de Matra , dont Harris s'était déjà dégagé.

Selenia It. activités "défense" de la CSEE

F CSEE filialise ses activités "défense" et en cède 49% à Selenia (devenu ultérieurement Alenia).

ASCOM Suisse

division "terminaux et systèmes" de Sextant avionique

F

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Tableau 2

ECHECS ET TENTATIVES SANS SUITE (1990-1991)

SOCIETES PAYS SITUATIONThomson-CSFFerranti

FGB

En janvier 1990 Thomson annonce qu'il renonce à lancer une OPA sur Ferranti

Thomson-CSFBritish Aerospace

FGB

En mars 1991, les deux sociétés annoncent qu'elles ont décidé "d'un commun accord" d'ajourner les décisions concernant la fusion de leurs activités "missiles guidées" , qui devaient être réunies dans Eurodynamics, discutée depuis trois ans.

AérospatialeDassault

FF

Dans une conférence, résumée par le journal Le Monde , le PDG de l'aérospatiale envisage favorablement d'entrer dans le capital de Dassault ,"si l'Etat le décide".

Renault-VolvoSkoda

F/SuèdeTchéco.

Renault-Volvo proposent de racheter 40% du constructeur tchécoslovaque. C'est finalement Volswagen qui l'emporte.

CGEFramatome

FF

La CGE qui avait cherché à prendre le contrôle de Framatome en rachetant les 12% de Dumez doit finalement revendre 7% au CEA et au Crédit Lyonnais, ne gardant que 44%. . Le contrôle public redevient majoritaire (46% pour CEA+EDF, 5% pour le crédit lyonnais).

AlcatelRacal Electronics

FGB

En décembre 1990, le times précise qu'il est très probable que Racal Electronics soit racheté par Alcatel dont le président a négocié avec les dirigeants de R-E. En fait, Alcatel sera mis hors jeu et c'est le conglomérat William Holdings qui montera à l'assaut de R-E avec une OPA hostile.

GEC-AlsthomFIAT Ferroviaria

F/GBIt.

en avril 1991, l'italien annonce que la reprise de 51% de son capital par le groupe franco-britannique ne se fera pas. Priorité étant donnée au rapprochement avec deux autres sociétés italiennes (ANSALDO [groupe IRI] et BREDA [groupe EFIM])

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EuromissileMatra

F/All.F

en septembre 1991, Euromissile repousse pour une durée indéterminée le projet de Roland Mach 5, qui devait être réalisé en association avec Matra.

AérospatialeAleniaDe Havilland

FIt.Can.

En octobre 1991, la commission européenne met son veto à la reprise par Aérospatiale et Alenia du canadien De Havilland (groupe Boeing), reprise dont l'interdiction avait été demandée un mois avant par Bristish Aerospace (GB) et Fokker (P.Bas)

FAll.GB

en octobre 1991, le ministère britannique de la défense demande six mois de réflexion supplémentaire , préparant son retrait du programme TRIGAT (missile antichar)

GEC/ThomsonBritish Aerospace

GBGB

Devant les difficultés persistantes de BAé (endettement, chute des profits) , est agitée avec insistance l'hypothèse d'une entrée de GEC dans BAé, soit seule, soit avec un consortium comprenant Thomson-CSF et la banque Lazard.

2. DES MARGES DE MANOEUVRE REDEFINIES PAR LA CONTRACTION DES BUDGETS DE DEFENSE ET LA NECESSITE DE LA CONVERSION.

L'industrie française d'armement a déjà connu des périodes de conversion dans les années cinquante ou après la fin de la guerre d'Algérie. Pour la seule direction technique des armements terrestres (arsenaux d'Etat , devenus récemment GIAT-Industries) dix sept établissements sont fermés entre 1950 et 1971 (un tiers des effectifs supprimés). Pour l'ensemble de la délégation à l'armement , entre 1952 et 1972, c'est au total quarante établissements qui sont fermés ou reconvertis Mais depuis cette période, pendant les années soixante dix et la majeure partie des années quatre vingt, , le succès des exportations françaises a en quelque sorte "dopé" 3 ce secteur et empêché que la question de la conversion soit posée ou préparée, ce d'autant plus que la montée du chômage dans l'ensemble de l'économie, rendait encore plus sensible 3 voir J-P HEBERT "Les ventes d'armes" (SYROS-Alternatives, coll.Alternatives economiques. Paris 1988)

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la question de l'emploi (implicitement considéré comme menacé par l'hypothèse de la reconversion). C'est donc très récemment seulement que la question de la conversion apparait au grand jour en France. Pourtant, on peut observer depuis le milieu des années quatre vingt une conversion de fait mais il s'agit jusqu'à présent d'une conversion rampante, non délibérée qui de plus est très différenciée suivant les différents types d'armements . Cette conversion de l'industrie est plus une adaptation aux conditions nouvelles du marché qu'une reconversion proprement dite, comme c'est le cas pour les bases militaires dont la fermeture a été décidée en Allemagne et en France , en particulier car la volonté de souveraineté amène à n'examiner qu'avec circonspection les décisions de conversion de l'industrie d'armement.

2.1 contraction des effectifs.

Sans que le phénomène ait fait l'objet de décisions publiques ou de commentaires importants , il est indéniable qu'on peut constater en France une contraction du secteur de l'armement : d'après les estimations de la délégation générale à l'armement l'emploi dans l'activité armement représentait 310 000 personnes en 1982 et , après des baisses presque régulières , seulement 251 000 personnes en 1991, soit une baisse de 20% (plus importante que la baisse de l'emploi industriel total sur la même période) 4. Cette évolution a été à l'inverse de ce qui était prévu officiellement puisque en 1983 , lors de l'élaboration de la loi de programmation 1984-1988, le rapporteur à l'Assemblée nationale précisait que le volume des dépenses d'équipement prévues ferait augmenter de 35 000 les 310 000 travailleurs de l'armement 5. Non seulement l'augmentation annoncée n'a pas eu lieu , mais c'est au contraire une baisse qui s'est produite.

Cette tendance est encore plus remarquable si l'on reprend les données concernant les firmes les plus importantes du secteur:

FIRMES EFFECTIFS 1982

EFFECTIFS 1991

THOMSON-CSF 40 148 22 8904 voir J-P HEBERT "Stratégie française et industrie d'armement" (F.E.D.N./La documentation française. Paris 1991). chapitre 7.5 voir L.TINSEAU "rapport sur le projet de programmation militaire 1984-1988" (Assemblée nationale 11 mai 1983. Doc.N°1485) page 73

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AEROSPATIALE 36450 33 800DASSAULT AVIATION

15 782 12 390

MATRA 5 933 3 300 (1)SNECMA 12 595 13 750

DASSAULT ELECTRONIQUE

3 238 4 331

S.N.P.E. 6 843 5 741TURBOMECA 4 351 3 934

SAGEM 7 787 6 392GIAT-INDUSTRIES 17 000 14 000

6

Le phénomène est d'autant plus net puisque dans les derniers mois de l'année 1991 plusieurs firmes françaises ont annoncé différents plans de licenciements : SEXTANT-AVIONIQUE prévoit 1160 suppressions d'emplis (sur 6570) d'ici la mi 93. DASSAULT-AVIATION annonce 7 à 800 postes de moins d'ici 1995. chez GIAT-INDUSTRIES, on estime les départs à 800 d'ici un an. Dans la région de TOULOUSE, l'aérospatiale supprime 400 emplois et la S.E.P. environ 250. THOMSON-CSF a mis au point un plan global de 4 000 suppressions de postes (dont 1600 en 1992). Même la SNECMA (pourtant portée par le succès du réacteur civil CFM 56) annonce une légère baisse d'effectifs de 300 personnes pour l'an prochain.

Enfin , les estimations plus globales situent entre 20 000 et 50 000 le nombre des emplois qui sont menacés dans l'industrie de défense (y compris l'électronique...).

On peut donc dire qu'il y a bien eu depuis le milieu des années quatre vingt une véritable conversion "de fait" d'une partie importante des activités de défense en France.

2.2 Une conversion rampante.

Toutefois, si l'on admet que cette contraction des emplois dans l'industrie d'armement française peut être considérée comme une conversion , il faut dire qu'il s'agit d'une conversion "rampante", c'est-à-dire d'une conversion non-délibérée. Jusqu'il y a peu de temps le mot "conversion" était absent du vocabulaire des responsables politiques ou industriels de 6 NB effectifs des sociétés non-consolidées.1) données non strictement comparables étant donné la filialisation des activités défense. . Pour d'autres points de comparaison, voir J-P HEBERT " France : ajuster le poids des armes" in "Economie et Humanisme" N° 316 Janvier-mars 1991.

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l'armement. Il était employé essentiellement par des militants "non-violents" ou pacifistes. Mais guère au-delà de ces cercles. Les plus audacieux parlaient de diversification , mais pas de reconversion ni de conversion.

Ce qui s'est produit dans l'industrie française d'armement résulte de la conjonction de plusieurs facteurs,les uns propres à la situation française, les autres généraux:

Il y avait d'abord une certaine hypertrophie du secteur de l'armement : 40% de la production était exportée (et donc environ40% des emplois étaient liés à l'exportation), hypertrophie d'autant plus notable que le poids de l'endettement et des charges financières étaient particulièrement lourd pour les entreprises de ce secteur.7. Il était donc prévisible qu'un retournement du marché mondial entraîne des conséquences particulièrement nettes pour l'industrie française d'armement. D'autant que ces exportations étaient très concentrées sur un petit nombre de produits (essentiellement aéronautiques) et un petit nombre de pays client (essentiellement dans la région du golfe). Ces difficultés ne pouvaient qu'être accrues par les conditions de productions peu concurrentielles de certains établissements comme les arsenaux terrestres , avant leur réorganisation et leur transformation en société (GIAT-INDUSTRIES).

Les autres facteurs sont bien connus : chute des prix du pétrole restreignant les ressources de pays traditionnellement clients, contraction des dépenses d'armement de beaucoup de pays du tiers-monde (à l'exception de la zone sous continent indien et extrême orient), évolution rapide de la situation internationale depuis le traité de Washington (décembre 1987) sur l'élimination des euro-missiles, en passant par la chute du mur de Berlin et la fin du face-à-face américano-soviétique en Europe. Tassement ou baisse des budgets militaires mondiaux. poids de plus en plus lourd du coût des programmes d'armement (poids accru par la dérive fréquente du prix de ces programmes) obligeant à repenser les conditions de production, les types de spécifications, les choix en matière de réalisation.

D'où finalement cette diminution notable des emplois armement en France, accompagné d'une volonté affirmée très fortement par les dirigeants

7 voir in J.FONTANEL et J.ABEN (dir) "Economiede la défense" (ARES Vol.XII. 1990-4. décembre 1991) J-P HEBERT "l'effort militaire français et ses retombées sur l'économie".

J-P Hébert "Facteurs d'évolution des firmes françaises d'armement" page 13

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d'entreprises de diversifier leurs productions pour être moins dépendant de la production militaire.

Mais cette "conversion" n'est pas une conversion voulue à l'avance, choisie pour des motifs politiques et stratégiques. Elle apparaît , dans le cas français, plutôt comme le résultat de l'action de facteurs exogènes : l'évolution générale des relations internationales amène à un ralentissement des ressources , donc à un ralentissement de la demande , de la part des clients étrangers mais aussi de la part de l'Etat et l'évolution du marché lui-même incite les industriels à considérer qu'il est prudent de limiter leur offre. C'est ici la pression du marché international et de la situation mondiale qui sont les facteurs déterminants plutôt que des choix endogènes des responsables français.

cela veut dire que cette "conversion" est loin d'être définitive : tout retournement du marché mondial verrait vraisemblablement une reprise des activités françaises en matière d'armement (comme le laisse pressentir d'ailleurs l'intensité de la prospection commerciale en matière d'armement dans la zone extrême-orient, où se situent les marchés encore "porteurs").

De plus cette conversion est une adaptation "tactique" au terrain mais pas une orientation stratégique.

Cette conversion s'est faite dans l'urgence , sous la pression des évènements économiques et non pas de manière préparée, planifiée, d'où l'importance des conséquences sociales, en termes de licenciements.

Enfin, jusqu'à présent, cette conversion s'est faite en acceptant les restrictions sur ce qui apparait comme secondaire du point de vue de la stratégie française (les exportations) et en s'efforçant de préserver ce qui apparait comme essentiel: une capacité de production nationale pour les programmes majeurs d'armement, cette capacité étant un des moyens de la souveraineté. C'est qu'en effet la question de la conversion ne se pose pas dans les mêmes termes pour la France ou pour les Etats-Unis ou l'ex-URSS : la taille des appareils de production n'a rien à voir (et le pourcentage des dépenses militaires par rapport au PIB non plus): il y a actuellement en France environ 250 000 emplois dans l'armement. Compte tenu des prévision indiquées plus haut , on peut considérer qu'au milieu de la décennie, il en restera 210 000. C'est sans doute la taille minimum pour un appareil de production répondant à l'objectif d'indépendance industrielle nécessaire à la

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souveraineté politique qui est jusqu'à présent l'axe directeur des choix français en matière de défense.8

Les considérations qui précèdent expliquent également que cette conversion soit une conversion différenciée.

2.3 Une conversion différenciée.

En effet , il est remarquable que cette conversion ne touche pas de la même façon tous les secteurs de l'armement:

Le nucléaire est évidemment, pour des raisons stratégiques évidentes, dans une situation à part : jusqu'à présent, il a été à peu près épargné par la baisse des effectifs. Une grande part des personnels sont employés par la délégation générale pour l'armement (DGA) et par le commissariat à l'énergie atomique (CEA) dont les décisions d'emploi dépendent de considérations de politique globale plus que de considérations industrielles ou commerciales. Le seul effet repérable actuellement est la diminution d'emploi d'environ trois cents personnes sur un site de production de la société Aérospatiale, diminution liée à la décision de ne pas produire le missile S 45 (destiné au plateau d'Albion) et de geler les productions de missiles Hadès. Toutefois , dans l'avenir, étant donné les débats en cours en France qui insistent sur le niveau "suffisant" atteint par l'équipement nucléaire, on peut s'attendre à quelques effets dans ce domaine , à moins que le relais de ces productions d'armement nucléaire ne soit pris par des activités de désarmement nucléaire (neutralisation, destruction), en particulier dans les républiques issues de l'union soviétique.

Les constructions navales, en France sont essentiellement réalisées par la direction des constructions navales (DCN) dont les effectifs (31 000 personnes) ont peu varié depuis la fin des années soixante dix . A la différence des arsenaux terrestres ,transformés en société anonyme, les arsenaux de la marine ont gardé leur statut et travaillent en régie directe de l'Etat. Cette stabilité 8 en 1983 , à un moment où officiellement personne ne prévoyait une telle contraction du sceteur, un ingénieur de l'armement écrivait " à trois cent mille, on tourne tant bien que mal, à deux cent mille, il faut songer à fermer boutique" F.VARENNE "Ventes d'armes: le juridisme et l'incantation" (PROJET N°177.)

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s'explique par le fait que la DCN assume la réalisation des bâtiments nucléaires : sous marin lance engins, sous marin nucléaire d'attaque, porte avion à propulsion nucléaire qui constituent les choix prioritaires dans les programmes d'armement français. De plus cette stabilité s'explique également par le fait que ces bâtiments nécessitent des moyens importants de maintenance et d'entretien qui doivent être en permanence disponibles, même si , dans l'intervalle des périodes de carénage ou de refonte, ils sont partiellement sous-employés. Enfin , la DCN a été relativement protégée , en termes d'emploi, par le fait qu'une part notable de la production était sous traitée à des chantiers civils et que , pour pallier l'étalement des commandes, la DCN a pu rapatrier une part de cette sous- traitance dans les arsenaux, reportant ainsi le poids du ralentissement des commandes sur ces chantiers. Toutefois, pour l'avenir il n'est pas exclu que des évolutions se produisent puisque même les programmes nucléaires majeurs français sont touchés par la contraction des budgets : le huitième sous marin nucléaire d'attaque ne sera pas construit. Le chantier du septième est actuellement gelé. La construction du SNLE de nouvelle génération "le triomphant" est ralentie. Le programme de construction du porte-avion nucléaire Charles de Gaulle est ralenti de plusieurs mois. La commande du deuxième porte avion nucléaire , qui à l'origine aurait dû intervenir en 1990, n'est pas encore passée, ni même annoncée et en avril 1992 le ministre de la défense a annoncé un premier ensemble significatif de réorganisations dont certaines touchent le secteur des constructions navales : 200 emplois en moins à l'arsenal de Lorient, 240 emplois supprimés à Cherbourg avec des inquiétudes pour l'avenir, étant donné le regroupement des bâtiments de la flotte à Brest et Toulon.

La situation de l'aéronautique est plus complexe , en raison de l'imbrication des activités civiles et militaires au sein des entreprises, voire même des sites industriels : l'aéronautique française a légèrement augmenté ses effectifs depuis dix ans (5 000 personnes de plus. environ 120 000 personnes actuellement). mais en opérant un changement d'équilibre remarquable dans ses productions : il y a dix ans , moins de trente pour cent de son chiffre d'affaires était civil, actuellement cette part a presque doublé : le civil représente non loin de 60% de l'activité. Ces résultats s'expliquent bien sûr par les succès d'Airbus, des avions de transport régionaux , des moteurs CFM 56. Ils

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reflètent des situations différenciées selon les firmes : Dassault-Aviation , très engagé dans l'aéronautique militaire , a souffert beaucoup plus que l'Aérospatiale de cette évolution. Mais il est important de noter qu'en 1992 les objectifs de tous les responsables de société sont d'augmenter la part de la production civile . Chez Dassault-Aviation, la production était militaire à 88%, en 1980. en 1990 cette part est tombée à 72% et l'objectif annoncé est de réduire la proportion à 55% en 1995. De même, l'Aérospatiale , dont les ventes étaient à deux tiers militaires en 1985, prévoit de baisser cette proportion à 40% en 1995. De même encore , à la SNECMA, les ventes militaires représentaient 80% du chiffre d'affaires en 1980. Ce n'est plus que 36% en 1990. C'est certainement dans le secteur de l'aéronautique que la conversion a le plus de réalité : les firmes ont cherché à diversifier leurs activités, à développer les productions civiles, éventuellement à se replier en abandonnant certaines activités de fabrication au profit du développement des activités d'études. Et ce n'est pas l'avenir tourmenté des programmes d'avions de combat en Europe et dans le monde qui changera cette orientation.

Dans le domaine de l'électronique de défense, dont la part ne cesse de croître dans les programmes d'armement, la situation est bien différente : on le sait ce secteur est dominé en France par THOMSON-CSF qui en une dizaine d'années s'est hissé au rang de premier producteur d'armement en France. A l'inverse des orientations prises par l'aéronautique, THOMSON-CSF a choisi de se concentrer très fortement sur la production d'électronique "professionnelle" (en fait militaire). C'est un pari risqué bien sûr si la contraction des productions vient à toucher l'électronique à son tour. Mais d'un autre coté, ce faisant, THOMSON-CSF (firme publique) s'impose ainsi comme "le" producteur national, dont l'Etat ne peut que souhaiter garantir l'existence. les effectifs de THOMSON-CSF ont connu des variations de grande amplitude (dans une orientation générale de baisse). toutefois il est difficile de les analyser précisément en termes de conversion, étant donné le caractère très changeant de l'organigramme de THOMSON-CSF.

Autour de Thomson-CSF différentes entreprises , moyennes ou petites, sont confrontées à de sérieux problèmes de plan de charge (Sextant avionique, SFIM,SAGEM) et obligées d'envisager des diversifications civiles conséquentes (Dassault Electronique, SAT etc..).

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C'est dans le secteur de l'armement terrestre que la nécessité de la conversion est la plus urgente, étant donné le tassement général des marchés à l'exportation, la diminution de la taille des programmes nationaux liée entre autres à la dérive des prix, la vivacité de la concurrence tant traditionnelle que nouvelle, à l'évolution des systèmes d'armes où la part d'activité traditionnelle de mécanique est de moins en moins importante. Plusieurs producteurs ont disparus ou ont été absorbés par GIAT-INDUSTRIES ( Luchaire, manurhin) et GIAT-INDUSTRIES, qui a déjà notablement diminué ses effectifs mène uns stratégie qui vise à la fois à l'imposer comme producteur européen incontournable (rachat de FN-Herstal, de la marque PRB) et à développer une part civile , jusque-là extrêmement réduite : l'objectif de GIAT-INDUSTRIES est d'employer à l'horizon 1995, environ 2 000 personnes (sur un peu plus de 12 000) dans des activités civiles.

Le panorama d'avenir pour l'industrie de l'armement française apparait donc très différent suivant les secteurs. Mais les facteurs lourds de réduction des effectifs pèsent sur l'ensemble de ces secteurs. Ce qui explique que le ministre de la défense ait récemment nommé un responsable aux restructurations pour faire face aux temps difficiles à venir.

3. ENTRE DESARMEMENT ET REORGANISATIONS, LES TEMPS DIFFICILES .

D'après les données douanières connues en début d'année 1992 9, les livraisons françaises d'armements à l'exportation ont atteint un niveau plancher en 1991 : environ 20,6 milliards de francs (contre 34 milliards en 1990) , les importations étant revenues à 5,8 milliards (au lieu de 6.7 en 1990) , c'est donc un solde de 14.8 milliards (27.3 en 1990). Il faut remonter à 1979 pour retrouver un chiffre semblable , en francs courants; et si l'on tient compte de l'inflation et qu'on fait la comparaison en francs constants , le recul historique est encore plus notable. Ce résultat n'est pas une surprise : il découle logiquement de la baisse des

9 voir INSEE "Bulletin mensuel de statistiques" février 1992.

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commandes enregistrées les années précédentes. Toutefois, il souligne clairement que les "belles années" des exportations d'armements sont derrière nous et que le secteur de l'armement en France est confronté aujourd'hui à des difficultés majeures qui n'épargnent aucun des différents domaines de production .

3.1 Difficultés de l'armement terrestre.

Le domaine à l'évidence le plus menacé est celui de l'armement terrestre : depuis deux ans , cet ensemble a fait l'objet de réorganisations substantielles : les arsenaux terrestres ont été transformés en société nationale : GIAT-Industries, transformation accompagnée d'une réduction sensible des effectifs (- 3000 emplois). GIAT-Industries, dynamisé par cette évolution, a entrepris d'être au centre de la production d'armement terrestres en Europe en reprenant ce qui restait d'activités armement de LUCHAIRE (un peu plus de cinq cent personnes 10), en s'agrégeant également Matra-manurhin-Défense, en grosses difficultés depuis plusieurs années et dont le groupe Matra cherchait à se dégager, en prenant le contrôle de FN-Herstal en Belgique (prenant ainsi pied sur le marché américain des armes individuelles, à travers des marques comme Winchester, Browning...), en entamant des négociations avec Renault-véhicules industriels et Creusot-Loire-Industries pour harmoniser les productions de véhicules blindés et peut-être constituer un GIE11 dans ce domaine.

Le pari de GIAT-Industrie pour assurer l'avenir paraît reposer sur deux axes : tout d'abord , devenir le producteur français unique (ou à peu près) en matière d'armements, être celui dont on ne pourra pas se passer , escomptant sans doute que cette position centrale obligera l'Etat à prévoir les moyens de la survie du groupe, d'autant plus que GIAT-Industrie a une vocation non seulement française mais européenne . Le deuxième axe de la stratégie industrielle du groupe est moins visible mais pas moins important : c'est le choix de la diversification : jusqu'à présent les tentatives dans ce domaine à l'intérieur des arsenaux avaient été limitées et peu probantes en termes d'impact économique : les dirigeants de GIAT-Industrie ont commencé à recenser les capacités de 10 On n'oubliera pas que le groupe LUCHAIRE, avant son irrésistible chute, était un ensemble de 6000 personnes...!11 GIE : Groupement d'intérêt économique.

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production (et de recherche) civile à l'intérieur du groupe et prévoit de constituer , )à coté de leurs branches traditionnelles de productions militaires, une branche qui comprendra 2000 personnes (sur un peu plus de 12 000) en 1994.

La pire des solutions pour l'avenir de GIAT-Industries aurait certainement été de ne rien faire. Néanmoins les choix engagés ne sont pas gagnés d'avance : la diversification ne peut être simplement "une bonne intention", elle devra être validée économiquement. Le pari d'agréger autour de GIAT-Industries des entreprises en difficultés ne garantit pas nécessairement que l'ensemble ainsi constitué soit suffisamment solide . l'avenir de l'armement terrestre dans les panoplies de défense dans le monde , mais aussi en France , sera vraisemblablement marqué par de profonds bouleversements dans les programmes et les matériels : concurrence de productions rustiques, développements de matériels à forte mobilité (plutôt qu'à forte protection), séries proches du civil, réévaluation du rôle des chars, développement de l'électronique. Et ces bouleversements se feront dans un contexte global de contraction des moyens financiers. C'est dire que le plan de charge de GIAT-Industries , qui repose actuellement sur le programme de char LECLERC, n'est pas à l'abri de coups de chien sérieux : ce programme qui fait partie des plus gros ensembles financiers de la programmation militaire est discuté quant à sa finalité et quant à son ampleur. Les perspectives d'exportation annoncées sont essentiellement la possibilité d'un contrat de plusieurs centaines d'exemplaires avec les Emirats arabes unis, ce qui évidemment "donnerait de l'oxygène à GIAT-Industries, mais , non moins évidemment ouvrirait la voie à une situation paradoxale en matière de programmes d'armements en France : le risque qu('au fond le choix du Leclerc pour la Défense nationale soit surdéterminé par l'éventualité de ce contrat à l'exportation. Enfin, même si dans les années qui viennent GIAT-Industries peut tabler sur une production de LECLERC suffisante pour son plan de charge (ce que n'assurent pas de manière incontestable les commandes nationales actuellement engagées) , ce programme ne suffira pas à résoudre toutes les difficultés . Dans le domaine de l'armement terrestre, le plus gros de la tourmente n'est pas derrière mais devant.

3.2 Les réorganisations hypothétiques .

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On peut d'autant moins sous-estimer ces difficultés que dans le domaine de l'électronique de défense l'incertitude est grande : Edith CRESSON avait annoncé un plan de réorganisation industrielle en trois volets 12 : informatique, électronique, aéronautique . Pour l'informatique, c'est le rapprochement Bull-IBM. Pour l'électronique, c'est la proposition de rapprochement de Thomson et de CEA-Industrie, l'idée étant de constituer un grand groupe (à l'exemple de l'allemand SIEMENS ou du japonais TOSHIBA) mariant le nucléaire et l'électronique civile. Dans cette configuration nouvelle, les activités d'électronique civile et militaire seraient séparées , l'électronique de défense étant concentrée à l'intérieur de THOMSON-CSF qui changerait de contrôle : actuellement Thomson-CSF est contrôlé à 60% par Thomson S.A., elle-même contrôlée à 82% par l'Etat. Dans la nouvelle structure où Thomson S.A. fusionnerait avec CEA-Industrie, Thomson-CSF apparaitrait comme une branche à part de l'ensemble en étant directement contrôlée à 60% par l'Etat. Ce meccano industriel repose sur l'idée d'une synergie entre activités de pointe nucléaires et électronique, -la puce et l'atome- , bien que certains spécialistes soient fort sceptiques sur la dite synergie. Il repose également sur l'importance de la trésorerie et des provisions de l'ensemble CEA : la construction de centrales nucléaires oblige à provisionner de quoi financer dans l'avenir le démantèlement d'installation, la vitrification des déchets, les aménagement de site , les risques de fonctionnement (en particulier pour Superphénix) : il est tentant d'utiliser dans l'immédiat cette trésorerie et ces provisions pour financer ou recapitaliser Thomson qui , en particulier dans son activité composants (dans la société franco-italienne SGS-Thomson) , manque cruellement de capitaux. C'est que la réserve est bien garnie :

Trésorerie

provisions

Holding CEA-Industrie

2 milliards

1,050 milliard

groupe COGEMA

9 milliards 16 milliards

Groupe FRAMATOME

9.7 milliards

6.6 milliards

12 voir le Monde 19 décembre 1911

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13

L'ensemble représente pour la trésorerie uniquement 21 milliards de francs dont 3 milliards en liquidités et les reste en SICAV, fonds commun de placement et obligations. Néanmoins, ce montage a priori séduisant pour thomson a immédiatement provoqué des réactions de défiance quant au devenir de la trésorerie "nucléaire" au point que l'entourage d'Edith Cresson a multiplié les assurances pour préciser qu'il n'était pas question de "toucher à l'argent du nucléaire" ni de "piller la trésorerie de CEA-industrie". Du coup ne reste plus pour répondre aux besoins en financement de Thomson que la vente d'actifs publics minoritaires, solution bien entendu moins séduisante... Le temps et les échéances électorales ayant passé, le projet apparait comme de plus en plus nébuleux et difficile à préciser dans ses modalités pratiques. Peut-être même la fusion n'aura-t-elle tout simplement pas lieu. Dans cette hypothèse , les questions restent ouvertes pour Thomson-CSF qui ne va donc pas, à brève échéance en tout cas, se trouver directement sous l'aile protectrice de l'Etat.

Or le troisième volet de l'annonce "Cresson", c'était le volet aéronautique : les éléments qui avaient filtré évoquaient l'éventualité d'une fusion Thomson-CSF/ Aérospatiale, voire d'un ensemble Thomson-CSF/Aérospatiale/Dassault... mais les décisions concrètes ont tardé et en avril 1992, les perspectives sont incertaines.

L'idée d'un "grand pôle aéronautique" vise à faire pièce aux grands ensembles qui se sont constitués chez nos partenaires européens : en grande-Bretagne British Aerospace a pris le contrôle de Rover et des Royal Ordnance factories. En Allemagne on sait que Daimler-Benz fédère sous son autorité 60% du potentiel de production d'armements (avec Telefunken, MTU, Dornier, Messerschmidt, etc... ). l'allemand Siemens et le britannique GEC ont pris conjointement le contrôle de Plessey... Face à ces groupes géants, la course à la taille critique pousse à faire surgir un groupe géant français. L'idée est-elle si pertinente cependant, compte tenu de la spécificité des entreprises concernées ? on peut relever un certain nombre de facteurs qui dessinent des visages très différents pour Thomson-CSF et Aérospatiale, si

13 voir B.Barbier et R.Chinaud "Rapport /.../ sur le projet de rapprochement Thomson-CEA -Industrie" (Sénat Doc.N°258 PV du 11 février 1992)

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différents qu'on ne voit pas bien comment les fondre harmonieusement :

Thomson-CSF et Aérospatiale n'ont pas la même histoire: l'une n'est dans le secteur public que depuis dix ans, non sans hésitations et aléas, l'autre, héritière des nationalisations de 1936, s'inscrit dans une continuité de presque un demi siècle.

Thomson-CSF et Aérospatiale n'ont pas le même mode de gestion de leurs ressources productives : Alors que l'organisation de l'Aérospatiale en quatre divisions est la même depuis l'origine, Thomson est , à l'inverse, une firme dont l'organigramme ne cesse d'être modifié année après année 14et ces modifications ne sont pas seulement des réaffectations de personnels dirigeants mais reflètent une grande mobilité des activités : revente du "secteur matériel médical", achat d'activités "télévision", développement puis filialisation des activités "financières"...

Thomson-CSF et Aérospatiale ne sont pas des groupes homothétiques : le groupe Thomson est une nébuleuse complexe, avec une multitude de filiales , sous-filiales, co-entreprises etc, alors que le groupe Aérospatiale est essentiellement appuyé sur l'aérospatiale proprement dite, les filiales étant peu nombreuses et assez clairement complémentaires. ces différences traduisent des approches différentes en terme de stratégie : stratégie plus financière pour Thomson et plus tourné vers les multiples activités du groupe, stratégie plus industrielle à l'Aérospatiale et d'abord ordonnée autour de la maison-mère.

Thomson-CSF et Aérospatiale n'ont pas les mêmes orientations dans les choix géographico-industriels : alors que l'Aérospatiale a développé un grand nombre de liens en Allemagne (Eurocopter, airbus, euromissile etc),Thomson a cherché ces dernières années des alliances en Grande-bretagne (tentatives avec Plessey, puis ferranti, acquisition récente de Pilkington). D'autre part, l'Aérospatiale est présente dans toute la production aéronautique (avions , hélicos, engins, systèmes stratégiques) alors que Thomson-CSF ne fait que de l'électronique; et si la première a depuis plusieurs augmenté régulièrement sa part de production civile, la seconde s'est au contraire "concentré" sur le militaire.

Tout ceci rend peu plausible la perspective d'un rapprochement entre les groupes. Rien n'est donc réglé pour les choix d'avenir de Thomson-CSF

14 voir détails dans J-P Hébert "stratégie française et industrie d'armement" (FEDN 1991) pages 239-240

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3.3 Lignes de force et lignes de faiblesse :

Les difficultés décrites pour le domaine de l'armement terrestre ou de l'électronique en terme de politique industrielle de l'armement existent aussi , sous d'autres modalités , pour l'aéronautique , comme le montre l'échec du Mirage 2000-5 de dassault-Aviation face au F18 américain sur le marché finlandais en mai 1992 ou pour les constructions navales, même si ces dernières bénéficient d'un certain répit grâce à d'importantes commandes à l'exportation : contrat de frégates pour Taïwan (14 milliards de francs) et de chasseurs de mines pour le Pakistan.

les professionnels prévoient pour la période 1992-1994 une réduction des effectifs consacrés à l'armement dans l'aéronautique et le spatial, l'électronique professionnelle et l'armement terrestre de 65 000 (emplois directs et indirects , chez les sous-traitants et fournisseurs) , dont 30 000 dans l'aéronautique et le spatial (sur 190 000), 10 000 dans l'électronique professionnelle (sur 65 000), 25 000 dans l'armement terrestre (sur 125 000). 15

Cette situation difficile dans l'ensemble incite parfois à l'emploi d'images très insistantes : 1992 serait "l'année de touts les dangers", etc. La limite de telles expressions est de concentrer en un temps très bref ce qui relève d'une évolution sur un terme plus long. Toutefois il est vrai que les décisions qui seront prises (ou qui seront évitées) dans l'année 1992 seront lourdes de conséquences : l'avenir de la production d'armement en France passe par une maîtrise politique retrouvée des choix qui permette d'identifier les objectifs d'une politique souveraine de défense , qui ne soit pas surdéterminée par la fascination pour les technologies émergentes 16, telle qu'elle s'exprime dans certains rapports parlementaires consécutifs à la guerre du Golfe 17. C'est en restaurant une pensée politique sur l'armement qu'on servira le mieux une politique industrielle.

Mais cette restauration elle-même n'est pas aisée comme le montrent les aléas de la loi de

15 source : CIDEF (conseil des industries de défense françaises in "Industries et techniques" N°276 8 mai 1992)16 voir Dominique David "Défense anti-missiles : les enjeux" in Libération 13 avril 1992 17 Voir en particulier Jean lecanuet et alii "Rapport /../ sur quelques enseignements immédiats de la crise du Golfe quant aux exigences nouvelles en matière de défense" (Sénat Document N° 303. Annexe au PV du 25 avril 1991)

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programmation militaire : après la septième loi de programmation militaire (1990-1993), une nouvelle loi devait être présentée et discutée à l'automne 1991. Elle a d'abord été repoussée au printemps 1992. Mais les informations disponibles au 18 mai 1992 indiquent que , au mieux, il y aura seulement une déclaration gouvernementale sur ce sujet au mois de juin pour une discussion de la loi à la session d'automne, les rapports parlementaires étant publiés seulement à cette époque. Ces atermoiements sont-ils seulement le reflet de la difficulté qu'il peut y avoir à penser une défense dans un monde qui change à la vitesse de ces dernières années ou bien s'agit-il du début de la déshérence de la programmation et de l'entrée dans un pilotage à vue ?

Les firmes d'armement , malgré les rengaines libérales disent pourtant elles-mêmes qu'elles ont besoin d'un horizon politique défini pour adapter leurs propres choix d'entreprises.

Jean-paul Hébert (CIRPES,Centre interdisciplinaire de recherches sur la paix et d'études stratégiques.71 boulevard Raspail 75OO6 Paris.)

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