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Le piètre bulletin climatique de la Belgique. Les politiques déçoivent 2/2

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Page 1: Climat9

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Le Soir Mardi 12 novembre 2013

11LE BULLETIN CLIMATIQUE

C ’est un paradoxe. De ma-nière générale, le nombre

d’utilisateurs des transports encommun a doublé en une décen-nie. Mais les émissions de gaz àeffet de serre dues au transport,principalement routier, conti-nuent d’augmenter. « C’est désor-mais la principale pression sur lebilan climatique belge », indiqueun rapport officiel. Et l’on neparle pas de la pollution de l’air,grave problème sanitaire, et del’insécurité routière…

Toujours plus d’usagers destransports en commun : aux TECwallons, ils sont passés de 144,4millions en 2000 à 295 millionsl’année passée. A Bruxelles, onnote une augmentation de 13 à26 %. Idem sur le rail : 120,1 mil-lions de voyageurs au premier se-mestre, en hausse de 0,8 % parrapport à la même période en2012. « Une croissance de plus de50 % en une décennie », estime laSNCB.

Mais toujours plus d’automo-bilistes accomplissent toujoursplus de kilomètres. Comme dansbeaucoup de pays occidentaux, la« demande de mobilité » aexplosé. Le trajet domicile-tra-vail n’est plus le principal motifde déplacement. Dans l’offre demoyens de transport, trains,trams et bus ont du mal à concur-rencer la voiture. Tant en termesd’objectifs que d’image.

Mais a-t-on suffisamment in-vesti, et là où il le fallait, pourfaire du transport public une so-lution attractive ? Le patron sor-tant de la SNCB, Marc Desche-maeker, le reconnaissait ce week-end dans L’Echo : « Dans les an-nées 90, la Belgique n’a pas su in-vestir dans l’achat de nouveaumatériel, ce que nous payons cheraujourd’hui avec une ponctualitéet une satisfaction des usagers enbaisse. » La scission de la SNCBen trois entités a compliqué lepaysage et contribué à forger uneimage chaotique et inefficace dutransport par rail en Belgique.

Investir au bon endroitQuant à la pertinence de cer-

tains investissements, beaucoupla contestent. Deschemaekers’interroge : « Il faut aussi sedemander si l’on doit encoreconstruire des cathédralescomme gares. » La récente déci-sion du gouvernement wallon definancer la construction d’unegare à l’aéroport de Gosselies nefait pas l’unanimité. « Ce qui estinterpellant, dit Xavier Tackoen,administrateur délégué d’Es-paces-Mobilités, ce sont lessommes investies dans des pro-jets de gares pharaoniques alorsqu’elles ne concernent qu’unnombre réduit d’utilisateurs. Il ya un essaimage des moyens. »

La SNCB « n’est absolument

pas à la hauteur, surtout en Wal-lonie », indique un chercheur quitravaille pour le gouvernementwallon. Les choses pourraient-elles changer ? Après de nom-breuses fermetures de gare cesdernières années, le ministre desEntreprises publiques, Jean-Pas-cal Labille (PS), s’est engagé àmaintenir en état optimal d’ex-ploitation l’ensemble des lignesferroviaire en Wallonie, y com-

pris les lignes C (lignes les moinsfréquentées). Et l’on parle d’accé-lérer la mise en œuvre du RER.Encore faudra-t-il dégager lesmoyens : le nouveau plan d’in-vestissement, dit l’associationnavetteurs.be « ne permettra pasd’améliorer la ponctualité, leconfort et, plus globalement, leservice aux voyageurs ».

En fait-on assez, et assez fort ?En Wallonie, le gouvernement a

eu toutes les peines du monde àassurer la dotation des TEC.A Bruxelles, la dotation régionaleà la Stib est passée de 414 mil-lions en 2005 à 452 en 2010 et485 en 2013. « L’amélioration del’offre a un effet d’entraînementsur la fréquentation. Mais on nepeut pas dire qu’il y ait un vraireport modal, analyse Xavier Ta-ckoen. Sur les dix dernières an-nées, Bruxelles a accueilli

180.000 habitants supplémen-taires. La population se paupé-rise. Et devient “usagère captive”des transports en commun. »Sans vraiment gommer lacongestion du trafic.

Cette dernière est d’ailleursparfois le principal obstacle àl’amélioration du service et à lasatisfaction des usagers. D’oùl’importance des sites propres enmilieu urbain. Encore faut-ilavoir le courage de réduire laplace de la voiture, notamment lestationnement en surface. Là, çacoince souvent. « Les communesrestent dans une logique deconsensus, poursuit Tackoen,elles prônent les transports pu-blics sans faire de mal à la voi-ture. En dix ans, tous les projetsn’ont fait que maintenir la vi-tesse commerciale de la Stib, sansvraiment l’augmenter. » L’argentne suffit donc pas.

Les transports en commun nesont pas seulement l’alternative àla congestion, leur développe-ment est aussi une question so-ciale. Aujourd’hui, 17 % des mé-nages wallons ne possèdent pasde voiture personnelle. Ils sontprès d’un sur trois à Bruxelles. Etils seront probablement plusnombreux à l’avenir, par choix ouà cause du coût croissant del’énergie. ■

MICHEL DE MUELENAEREet RAFAL NACZYK

mobilité Transports en commun : un train de sénateur

La SNCB estime qu’en dix ans, elle a connu une croissance de plus de 50 % au niveau de ses usagers.Cependant le train ne concurrence pas encore la voiture. © BELGA.

A ux derniers relevés descompteurs, réalisés par

l’Agence européenne pour l’Envi-ronnement au chapitre « éner-gies renouvelables », la Belgiquefigure en dessous de la trajectoirelui permettant d’atteindre l’ob-jectif de 13 % qui lui a été assignépour 2020. Un objectif légale-ment obligatoire en vertu de nosengagements européens, rappe-lons-le. Atteignable ? Le secteurest pour l’instant confronté à denombreuses remises en question.En Wallonie, le soutien public auphotovoltaïque est mis en causeen raison de son impact sur la fac-ture des consommateurs et desentreprises. Le développementde l’éolien est quant à lui confron-té à des mouvements locaux d’op-position.

A 85 % dépendantsdes énergies fossiles

Pour Michel Huart, maître deconférences à l’ULB et secrétairegénéral de l’Apere, l’Associationpour la promotion des énergiesrenouvelables, celles-ci sont « dé-sormais considérées comme unecontrainte, une obligation. Pasune opportunité ». Il n’y a pas deconsensus sur la question, re-grette-t-il. Etrangement, ni lessubventions aux énergies fossiles,ni le coût passé et futur du nu-cléaire, ni les subsides aux futurescentrales au gaz qui sont actuelle-ment et seront à l’avenir payéspar la collectivité via le budget del’Etat ne suscitent de réactions.« Le dossier des énergies renouve-lables est l’otage de positionne-ments politiques, analyse Huart.On n’est pas dans une logique deprojet commun. Il est évidem-ment plus facile de faire ce qu’on atoujours fait : produire à partirdes énergies conventionnelles. Leprojet politique actuel reste dansles anciennes recettes énergé-tiques. Pour les renouvelables, il

faut une autre manière de voir. »La production verte « a montré

sa pertinence en matière énergé-tique, poursuit Huart. L’énergiefossile nous appauvrit en termesde facture énergétique : nouspayons annuellement 35 mil-liards d’euros de facture, sanscompter les équipements. Et noussommes dépendants à 85 % desénergies fossiles ». Les renouve-lables ont permis de faire baisserle prix de l’électricité de gros, sou-ligne Huart. Mais la transpa-rence du système le dessert ? « Lafacture des consommateurs in-dique clairement le surcoût lié àla contribution des certificatsverts. » Voilà qui a alimenté undébat furieux.

Certains estiment cependantqu’on a mis la charrue avant lesbœufs dans la politique énergé-tique. « L’accent aurait dûd’abord être mis sur la réductionde la consommation d’énergie,tant au niveau des logements quedes entreprises, insiste un expert.

On n’en a pas assez fait pour l’effi-cacité énergétique. » C’est d’autantplus pertinent que l’objectif de re-nouvelable s’appréciera finalementau regard de la consommationd’énergie. Si celle-ci diminue, lapart de renouvelable grossira auto-matiquement.

Reste qu’il faut avancer. Pousserà tout prix ? « Il faut un minimumpour continuer le déploiement etacquérir du savoir-faire. Un jour,les énergies renouvelables n’aurontplus besoin d’aide. Lorsque le dés-équilibre entre l’offre et la demandede pétrole poussera les prix à lahausse. En attendant, il faut éviterles à-coups ; il n’y a rien de pire. Ilest nécessaire qu’on se mette d’ac-cord sur une stratégie concertéepour mettre en place un cadre quisécurise les investissements en évi-tant les effets d’aubaine. » Plus glo-balement, conclut Huart, en ma-tière d’énergie en Belgique, « ilfaut arrêter de tergiverser. Il fautdes choix concertés qui doivent êtrepartagés par les trois Régions et lefédéral ». ■

M.d.M.

renouvelables« Un jour, les énergies vertesn’auront plus besoin d’aide »

ET DEMAIN ?Nous n’avons pas faitle quart du tiers du cheminRegardez bien ce graphique. Toute l’ampleurde la tâche y est résumée. Et ce n’est pas unevision d’écologiste ni d’hurluberlus décrois-sants, c’est l’avenir de la Belgique. C’estd’ailleurs celui de l’Europe et de ses Etatsmembres. Folie furieuse ? Personne ne niequ’il va falloir se retrousser les manches. Maisl’objectif est dans nos cordes. De nombreusesétudes ont montré qu’il est encore possibled’engranger de substantiels progrès : dansl’efficacité énergétique des bâtiments, desusines, des transports, grâce à l’arrivée denouvelles technologies, de nouveaux produitset de nouveaux modes de production d’éner-gie, dans la modification des comportements,dans de nouvelles politiques fiscales oud’aménagement du territoire. Un exemple ?Pour le bureau de consultants McKinsey, lepotentiel d’efficacité énergétique s’élèverait à29 % d’ici à 2030. Cela veut dire qu’avec untiers d’énergie en moins on pourrait obtenir lemême résultat qu’aujourd’hui, dans les mai-sons, les usines et les transports : 48 % de laconsommation d’énergie pourraient être épar-gnés dans les bâtiments, 22 % dans l’indus-

trie et 21 % dans les transports d’ici à 2030.

Personne ne dit que toutes les réponses sont

déjà apportées à toutes les questions. Mais

en trente ans, beaucoup de choses peuvent

évoluer. Des pistes de réflexions ont été don-nées récemment dans une étude envisageant

un « scénario bas carbone » pour 2050 (1).Mais il faudra une révolution des mentalités

et des manières de faire. Et pourquoi pas undébat, une mobilisation de la société, un

consensus ? « Cela n’est pas impossible, in-dique un fin connaisseur des négociations

internationales et nationales. Mais il faut de lapédagogie de la part des autorités. Et surtoutoser dire la réalité. Tant qu’un ministre de l’Ener-gie ou un vice-premier privilégieront l’effet d’an-nonce facile d’une réduction des prix de l’énergieau message bien réel à donner à la populationsur le fait que le prix de l’énergie va augmenterdurablement au cours des prochaines années etdécennies, en expliquant pourquoi, et commenton peut faire en sorte que le coût réel pour nouspeut être maîtrisé, on passera à côté de ceconsensus. Il faudrait sans doute une sorte“d’états généraux”, un grand chantier à lancersur plusieurs années, très ouvert et transparent,avec un vrai débat public. »

M.D. M.

(1) www.climat.be/2050

En millions de tonnes équivalent CO2

Trajectoire des émissions belges de gaz à effet de serre 1990 - 2050

1990 2010 Objectif 2050(fourchette)

143132

18

- 0,4 % par an

- 5,1 % par an

- 87,5

%

- 80 à 95 %

Le Soir - 12.11.13Source : Climact, Inventaire belge

des émissions de gaz à effet de serre

Moins de 5 %En 2011, dernière année desstatistiques officielles, laproduction d’énergie renou-velable en Belgique repré-sentait 4,9 % de la consom-mation finale d’énergie(7,7 % en Wallonie). C’est cechiffre qui devrait atteindre13 % en 2020.La production d’électricitéprovenant de sources renou-velables était quant à elle de9 % de la production totale(9,9 % en Wallonie). Princi-pales sources : l’éolien, lephotovoltaïque, l’hydroélec-tricité.

M.D.M.

CHIFFRES

en panne de mobilisation

Les renouvelables parfois vuescomme une menace. © MILUTIN.