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Ville de Sousse : Stratégie de Développement Urbain Durable Rapport de Pré Diagnostic Gouvernance Février 2013 Page 1 VILLE DE SOUSSE Projet Stratégie de Développement Urbain Durable. Rapport de pré-diagnostic Gouvernance 2013 Sadek Metimet

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Rapport de pré-diagnostic Gouvernance du projet SDVS

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Rapport de Pré Diagnostic Gouvernance

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VILLE DE SOUSSE Projet Stratégie de Développement Urbain Durable.

Rapport de pré-diagnostic Gouvernance

2013

Sadek Metimet

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Résumé :

Ce rapport est destiné à la préparation d’un état des lieux préliminaire de la ville de Sousse,

forme d’un pré diagnostic pour le compte du projet de stratégie de développement urbain

durable de la ville de Sousse, parrainé par la municipalité de Sousse ville sous l’égide de

MedCities. Nous commençons tout d’abord par clarifier certains concepts et les implicites

sur lesquels reposent les expressions ‘gouvernance’, ‘démocratie locale’ et ‘société civile’.

Ensuite, nous avons précisé que la problématique du présent rapport ne se situe pas

dans le cadre de la dimension normative de ces expressions, quoiqu’il y soit, mais se

rapporte à sa dimension analytique. Ceci du fait que la dimension analytique offre

une nouvelle manière d’aborder le politique qui cherche à dépasser l’approche

institutionnelle dans l’action publique centré sur une vision monolithique de l’Etat. Cette

approche permet aussi d’intégrer dans l’analyse du politique l’étude d’autres acteurs non

étatiques qui contribuent à son (dé)régulation : groupes économiques, notables, groupes

à référent religieux ou régional et également les associations et les O.N.G. On a passé en

revue, pour décrire la situation qui prévaut à Sousse, ses deux composantes : l’Etat à

travers son administration régional et local d’une part, et la société dans sa variable

associatif (O.N.G. et comités de quartier). Enfin, on a terminé le document en résumant les

premières prémisses de nos résultats de recherches (étude des documents, collecte de

données, entretiens, etc.). C’est ainsi qu’on a pu constater les difficultés des associations et

O.N.G. dans la ville de Sousse à se voir r e c o n n a î t r e le statut d’acteur du

développement, vu qu’elles sont toujours considérées comme des solutions palliatives aux

carences du secteur public. Le caractère temporaire des institutions et des acteurs publics en

Tunisie ainsi que la période de ‘transition démocratique’ laissent tout les variables d’analyse

en chantier d’étude ouvert et délèguent l’observateur en l’état.

Mots clés : Gouvernance, État, société civile, associations, comités de quartier,

gouverneur, délégué, ‘omda, collectivité locale, municipalité, décentralisation.

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Plan sommaire de l’étude

Preambule

Considérations préliminaires

Mots clés

CHAPITRE I – L’ETAT DANS LA VILLE DE SOUSSE

Section 1er – Instabilité institutionnelle § I – Au niveau de l’administration régional § II - Le gouvernorat, représentation administrative de l’État

Section 2 – N o n r e p r é s e n t a t i v i t é l é g i t i m e § I – Le Conseil régional § II – Le Conseil communal

CHAPITRE II – LA SOCIETE CIVILE A SOUSSE

Section 1er – Les associations et les O.N.G. § I - Les O.N.G. § 2 - Les associations

Section 2 – Les syndicats § I - L’U.G.T.T. § II - L’U.T.T.

§ III - CGTT

Section 3 – Les comités de quartier § I – Domaines d’intervention § II - Découpage territorial

CONCLUSION

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PREAMBULE

Considérations méthodologiques : Le présent rapport a pour objet de présenter les enjeux sociaux et politiques auxquels la ville de Sousse est confrontée depuis le 14 janvier 2011, date de la révolution citoyenne en Tunisie. Pour ce faire, il est primordial de mieux connaître l’état réel de la ville par une analyse des reconfigurations du pouvoir local et des enjeux sociaux. Il y a lieu avant de s’étaler dans l’analyse de définir certains mots clés pour une bonne appréhension des concepts et des phénomènes qui les conditionnent. Ville, communauté et municipalité : Tout d’abord, il faut considérer que la ville de Sousse est une entité urbaine homogène malgré son découpage administratif en deux communes : la municipalité de Sousse ville et la municipalité de Sousse Zouhour. Cette division est opéré depuis 1976 pour mieux gérer le phénomène migratoire de l’intérieur du pays qui s’est afflué vers Sousse dans les années 1970 – 1980, décennie marquée par l’essor des secteurs touristique et industriel. En outre, il faut r e c o n na î t r e que la ville de Sousse dépasse très largement du cadre qui était le sien il y a au moins cinquante ans. Sousse ville, en tant qu’espace urbain, est « une agglomération reposant sur la continuité du bâti »1 . Or, avec l’accroissement démographique, Sousse tend à « engloutir » d’autres communautés urbaines limitrophes, comme la commune de Hammam Sousse par exemple, et commence à « grignoter » sur des espaces à vocation agricole à l’instar des périmètres, non encore déclassés pour être « lotissables », de la délégation de Sidi Abdul Hamid. L’O.N.U., de son coté, définissait déjà depuis 1978 l’agglomération comme un ensemble d’habitations tel qu’aucune ne soit séparée de la plus proche de plus de 200 mètres2. En fait, « la réalité territoriale du fait urbain se brouille (…). Avec le développement de l’automobile et des transports en commun, une grande partie de la population active réside aujourd’hui loin du centre, dans un cadre de vie qualifié de rural, mais tout en participant à la vie urbaine »3 . Force est de constater, dés lors, que Sousse connait un taux important de croissance démographique de 1.6 %, (supérieur au taux national qui ne dépasse pas 1.6 %) tirant vers une demande pressante de poussée urbaine et de construction d’habitat en cours. Pour s’en convaincre, on se réfère au nombre de dossiers d’autorisation de bâtir (Permis de construction) déposés auprès des services municipaux de la ville de Sousse, ventilé comme suit4 :

1 F. Moriconi – Ebrard, L’Urbanisation du monde depuis 1950. : Paris: Anthropos , 1993

Detalhes físicos: p. 24

2 En fait, c’est 200 mètres en Europe et 500 mètres dans les pays neufs où le système de

peuplement est plus lâche.

3 Y. Grafmeyer, Sociologie urbaine. , Nathan, Paris. Collection U., 1983

4 Source : Commune de Sousse, service d’urbanisme, le 13 décembre 2012

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Tableau 1 : Evolution de la demande de permis de construire

Année Nb de dossiers de Permis de construire

Nb d’avis favorables

Nb d’avis défavorables

2009 1413 1070 343 2010 1358 997 361 2011 896 512 384 TOTAL 3667 2579 1088 Source : Municipalité de Sousse : service de l’équipement Tableau 2 : Evolution des demandes de permis de construire par arrondissement

Arrondissement 2009 2010 2011 Sousse Nord 520 461 314 Sousse Sud 463 442 249 Sousse Riadh 231 227 121 Sousse Médina 10 11 07 TOTAL 1224 1141 691 Source : Municipalité de Sousse : service de l’équipement

La définition classique des villes, celle que l’on trouve dans les dictionnaires, est purement descriptive : « Assemblage d’un grand nombre d’habitations disposées par rues »5. Cette description n’est pas sans contenu ; elle évoque à la fois l’accumulation des hommes et son corollaire : la proximité spatiale, le rôle prééminent de l’habitat, l’existence d’un dispositif autour duquel s’ordonnent l’habitat, les rues ou l’espace public. La ville assure, avec la meilleure efficacité, par son existence et sa localisation, la rencontre et l’échange entre les hommes. Mais comme il est commun d’identifier ville et civilisation, les mots conduisent à assimiler la ville à l’organisation politique, comme l’exprime le double sens étymologique de « cité ». La tradition urbaine associe le projet de dispositif territorial et le projet de société. Ceci étant dit, on ne peut réellement circonscrire l’étude de la ville de Sousse, sur le plan économique, social et politique à l’échelle territoriale de la municipalité de Sousse ville et ce du fait de l’absence d’une rupture urbaine, social, économique, industrielle et humaine entre elle et la commune de Sousse Zehour. Mais hormis cette considération, et en dehors de l’approche fonctionnelle, la description institutionnelle du gouvernement local se limitera dans ce rapport à la seule municipalité de Sousse ville. Démocratisation et transition démocratique : La révolution tunisienne du 14 janvier 2011, qui n’a pas connu de leadership, ne saurait être achevée sans une transition démocratique réussie. Celle-ci passe avant tout par la construction d’un Etat fort, libre, souverain, d’une nouvelle République reliant authenticité et modernité, l’indépendance de la justice6 et la

5 Dictionnaire Larousse du XIXe siècle. Nîmes, Gard: C. Lacour, 1990-1992, p.

6 Voir le projet de la nouvelle Constitution établi le 15 décembre 2012 (Site web de l’A. N. C.)

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reconnaissance de la décentralisation comme principe constitutionnel de gouvernance. La liberté d’information et l’endiguement de la violence au sein de la société sont également des enjeux importants de la transition. De notre part, le survol du projet de la nouvelle Constitution, en cours de finalisation par l’Assemblée nationale constituante en 2012, est primordiale pour l’appréhension de la volonté générale des députés constituants dans la construction d’un nouvel État qui saura réaliser les aspirations de la société civile tunisienne (Travail, dignité, liberté). Cette absence de leadership du mouvement révolutionnaire va contribuer à alimenter tout au long du processus de transition une concurrence de légitimité entre différents acteurs revendiquant être les dépositaires de la volonté populaire. Le retrait progressif du « peuple- acteur » de la scène politique au cours de l’année 2011 débouchera sur une forme d’institutionnalisation du politique qui ne résoudra pas la question des légitimités concurrentes. Les acteurs impliqués dans le processus de transition n’auront de cesse de s’accuser mutuellement de vouloir trahir la volonté populaire et de ne pas être représentatif du peuple. Toutefois, ces conflits de légitimité n’empêchent pas les autorités en charge de conduire la transition de se mettre d’accord, tant bien que mal, sur un certain nombre de mesures à caractère législatif consacrant le pluralisme et débouchant, le 23 octobre, sur l’élection d’une assemblée constituante.7 Malgré la bonne volonté affichée pour (in)-restaurer la démocratie de part et d’autre, une rixe permanente demeure entre un État qui peine à travers ses acteurs publics à restaurer un minimum d’État (application de la loi, respect des officiers publics, hommage aux symboles et référents d’autorité, etc.) et une société contestataire, assoiffée de liberté et d’accès à l’espace public (demandes d’emploi, régularisation des agents temporaires, ouverture des concours d’accès à la fonction publique, allouer des crédits au développement de régions). Société civile : Ce concept se banalise de plus en plus. Tous font un usage fréquent sans pour autant définir ses contours du fait de sa forte instrumentalisation politique. Ce concept trouve son origine dans l’antiquité grecque (2000 A.J.C). Aristote parlait déjà de « société citoyenne », et plus tard en latin « societas civilis », pour désigner une assemblée sans hiérarchie dominante, composée de personnes partageant les mêmes points de vue, ce qu’on appelait alors « polis », c’est-à-dire la société citoyenne ou politique.

D’une manière globale, la Société civile se définit à travers deux façades : - D’un coté, « la société civile » est considérée comme « un domaine au sein de la société, qui est apparu entre les sphères étatique, économique et privée – ou encore : entre État, marché et famille. De nos jours, ce domaine est considéré comme un espace public composé par un grand nombre de groupements plus ou moins indépendants de l’État, plus ou moins bien organisés, dotés de différents formes d’organisation telles que les groupes d’initiatives, les clubs, les forums, les ligues ou les associations »,

7 Éric Gobe, Tunisie an I : les chantiers de la transition. "L'Année du Maghreb, VII (2012) 433-454"

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- De l’autre coté, « société civile » signifie « le développement de sociétés », autrement caractérisée par le terme de démocratisation. Dans le même contexte, le concept de « société de citoyens » est souvent utilisé dans le même sens. Souvent, le terme de « Société civile » sert d’appel politique exigeant ‘plus de démocratie’.8 Pour ce qui est des modalités pratiques de réalisation de pré diagnostic, et en plus de l’analyse de documents et textes légaux relatifs à la société civile en Tunisie, on a pu consulter jusqu’au mi décembre 2012, treize associations parmi un total de 280 organisations de la société civile à Sousse, y compris les acteurs étatiques locaux et régionaux. Ces entretiens semi directifs et consultations visent en réalité à tirer parti de l’expérience et de l’avis de ces interlocuteurs en tant qu’acteurs et observateurs privilégiés de la transition tunisienne et de l’émergence de la société civile à Sousse. Nous visons dans un avenir proche à réaliser des ateliers avec le plus grand nombre d’associations et d’acteurs étatiques locaux. Ces ateliers permettent d’échanger et de travailler en groupe, afin que les composants du tissu associatif de Sousse identifient eux-mêmes les problèmes et les besoins spécifiques à leurs interventions ainsi que de formuler conjointement des solutions et appuis envisageables dans le cadre d’un renforcement éventuel de la société civile à l’échelle local, régional et national. Décentralisation : Elle est avant tout un processus politique, législatif, institutionnel et fiscal d’ordre national. Classiquement, la décentralisation territoriale présuppose deux conditions, D'une part, elle implique que soit distingués les besoins intéressant l'ensemble de la population et ceux qui seraient spécifiques à une certaine partie d'entre elle : "La reconnaissance d'une catégorie des affaires locales, distincte des affaires nationales, est la donnée première de toute décentralisation"9. A partir de cela, la décentralisation territoriale est basée sur l’octroi, aux collectivités, de la personnalité juridique impliquant l'autonomie financière, sans lesquelles les collectivités décentralisées ne pourraient pas gérer leurs affaires. Ces conditions de base se doivent d'être complétées par une troisième, théoriquement indispensable pour leur conférer une pleine efficacité et qui consiste en l’élection des organes locaux par la collectivité. La décentralisation territoriale est donc indispensable au sein d'un É ta t unitaire. Plus que cela, elle lui est vitale et serait donc la condition de son adaptation et de son renouvellement aux besoins multiformes de ses différentes populations locales. Si elle est précieuse à ces dernières, car leur permettant de jouir de certains services publics de proximité, répondant à leurs besoins spécifiques, elle l'est tout autant pour l’État central. Il est donc vital pour lui qu'elle réussisse. Gouvernance et démocratie locale : Tout d’abord, la gouvernance est un ensemble des processus qui décident des orientations publiques et les appliquent. Elle est le résultat d’interaction, de relations et de réseaux entre différents secteurs (administration publique, secteur public, secteur privé et société civile) et implique des décisions, des négociations et différents relations de pouvoir entre les parties prenantes pour décider qui obtient quoi, quand et comment. La gouvernance ne se limite pas donc au gouvernement ; elle détermine la

8 Cf. hp://www.wywa.at/zivgeiscf (consulté le15.2.2012)

9 J.RIVERO et J. VALINE, Droit administratif, 20 e éd, Paris, Dalloz, 2004, p.301

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façon dont un service ou un ensemble de services sont planifiés, gérés et réglementés au sein d’un ensemble de systèmes politiques et économiques. Si la collectivité locale en constitue le pilier institutionnel au niveau local, la sphère plus large de la gouvernance comprend une série d’institutions étatiques, de mécanismes et de processus par le truchement desquels les biens et services publics parviennent aux citoyens, et au travers desquels ceux-ci peuvent exprimer leurs intérêts et leurs besoins, soumettre leurs différents à la médiation et exercer leurs droits et obligations. La Banque mondiale a établit depuis 1993 les conditions à l'établissement de la bonne gouvernance à savoir : - L'instauration d'un Etat de droit qui garantisse la sécurité des citoyens et le respect des lois. - La bonne administration qui exige une gestion correcte et équitable des dépenses publiques. - La responsabilité et l'imputabilité qui imposent que les dirigeants rendent compte de leurs actions devant la population. - La transparence qui permet à chaque citoyen de disposer et d'accéder à l'information. En réalité, la Banque mondiale a introduit le terme de gouvernance pour éviter la référence aux modes de gouvernement, interprétée par les pays bénéficiaires comme de l'ingérence dans la politique nationale. La gouvernance a l'avantage de libeller en termes techniques des problèmes politiques et d'éviter de parler dev réforme de l'Etat ou de changement social et politique. Actuellement, la théorie de gouvernance a pris, en quelque sorte, le relais des théories de développement. La gouvernance en Tunisie est utilisée comme concept dans le jargon politico administratif depuis les années 1990 pour proposer un contrepoids à l'échec des politiques d'ajustement structurel des années 1980. Elle permet d'introduire la dimension du politique dans la théorie de la gestion du développement et elle prend en compte la sociologie des contextes culturels locaux et la science politique. Statistiques et pertinence : Le régime déchu de Ben Ali, tout en entretenant une amnésie totale par rapport à la période antérieure à 1987 (date de son accession au pouvoir), a empêché le développement de critiques de la rhétorique officielle, l’expression de mécontentements et de discours alternatifs. Il a, par ailleurs, mis en évidence plusieurs procédés d’élaboration de « l’exception tunisienne » ou du « dragon de la méditerranée » - Il a choisi, de façon astucieuse, les rapprochements et à établir des comparaisons temporelles et géographiques incohérentes. Les statistiques choisissent des référentiels avantageux pour mettre en perspective ce « dragon émergent » en se référant principalement aux autres pays du continent africain. - Le glissement : Les modifications subreptices dans la construction de l’indicateur, dans les modalités de mesure ou dans l’appréciation d’un phénomène doivent permettre de montrer sans cesse des améliorations. Pour montrer qu’il y a des investissements étrangers en Tunisie, porteurs de dynamique, on confond sciemment les investissements réalisés et les projets agréés par l’organisme de promotion de l’investissement10 comme des entreprises constituées.

10 Agence de promotion de l’industrie (A.P.I.).

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- L’appropriation des phénomènes sociaux pour construire l’éloge économique et social par des discours associant les évolutions positives aux politiques économiques du gouvernement. - Sélection des informations de façon à occulter celles qui ne vont pas dans le bon sens. Les autorités soulignent en principe la primauté du social alors que dans la réalité tout un arsenal de politiques économiques allant à l’encontre des objectifs sociaux affichés a été minimisé, voire occulté. On apprend après janvier 2011 que le taux de chômage des jeunes âgés de 18 à 29 ans aurait frôlé le cap de 30 % en 2009, atteignant les 45 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur, alors que les chiffres rendus publics à l’époque par l’institut national des statistiques (I.N.S.) faisaient état de 22.5 % pour l’ensemble des diplômés chômeurs. Le taux de pauvreté est désormais réévalué à 10 % au niveau national et le centre ouest connaît un seuil proche de 30 %.11 - La base de données est souvent soumise à la technique de désagrégation pour pouvoir faciliter sa manipulation dans le but de donner à la réalité économique une image erronée touchant les secteurs les plus sensibles comme le secteur touristique, celui du textile et de l’industrie. Cette technique a abouti à des résultats controversés concernant l’industrie tunisienne du tourisme. En effet, en 2006 le bilan global a mentionné la réalisation d’un nombre de touristes record (6,5 millions) et des recettes en devises très élevées. Néanmoins, selon l’agence de notation de Fitch12, ces chiffres ont masqué d’autres réalités (chute de la durée moyenne de séjour des touristes de 6,6 à 5,2 jours durant la période (2002-2006), la baisse du taux d’occupation de 50,6% à 43,5%.8. D’un autre côté, l’adoption des recettes unitaires en monnaie locale pourrait renseigner sur une augmentation alors que la réalité renseigne sur une chute des recettes qui a été occultée par l’impact positif exercé par la dépréciation du dinar13. Par ailleurs, les autorités avaient recours à la technique du non publication des données étant donné qu’elles ne tracent pas une amélioration et ne se trouvent pas en harmonie avec le discours officiel. Les chiffres qui dévoilent les inégalités et les déséquilibres observés étaient souvent occultés par la plupart des ministères, l’institut national des statistiques et par la Banque Centrale afin de tracer cette image erronée de la performance de l’économie tunisienne. Toutes ces techniques ont abouti à la création d’une base de données désordonnée, incohérente et inadéquate qui est incapable d’assurer l’évaluation correcte de la situation du pays. Nous ajoutons à ces mauvaises techniques le non mise à jour des données qui trompe de plus en plus la situation réelle.

11 B. Hibou , E-M HRN, La Tunisie d’après le 14 janvier et son économie politique et sociale (les

enjeux d’une reconfiguration de la politique européenne), Copenhague, juin 2011, p.11.

12 Ces observations sont développées dans un rapport intitulé ‘L’Industrie Touristique Tunisienne,

un modèle économique à rénover’, Site web de l’agence www.fitchratings.com.tn dans la section

‘Rapports sectoriels et commentaires » 12 décembre 2007 Tunisie, p. 12

13 R. Dallali et M. S. Ben Aïssa, Le paradoxe de la révolution tunisienne : renforcement

démocratique et ralentissement économique (Gouvernance démocratique en vue du

développement socio-économique), 2011, Inédit

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Réticence permanente : Malgré la promulgation du décret-loi n° 41/2011 du 26 mai 2011 relatif à l’accès aux documents administratifs des instances publiques, ainsi que son circulaire d’application n° 25 du 5 mai 2012 émanant du premier ministre et le décret-loi n°54/2011 du 11 juin 2011 complétant le décret-loi n° 41/2011 et un circulaire du premier ministre n° 16 du 27 mars 2012 relative à la consécration de la transparence et la gouvernance sont censés battre en brèche tout équivoque en la matière. Toutefois, il demeure encore chez les agents de l’administration une tendance d’occulter les statistiques, de pervertir les données, de nier l’existence de documents et de ne pas coopérer avec le demandeur du service malgré que nous nous sommes déplacés chez les différents acteurs publics munis d’une lettre d’introduction établi par le président de la délégation spéciale de la municipalité de Sousse expliquant l’objet du projet (Stratégie de développement urbain durable de la ville de Sousse) et la nature de la recherche escomptée ! Cette manière d’occulter les données est nuisible à plus d’un titre pour établir un pré diagnostic fiable. L’impressionnisme méthodologique est sans aucun secours en la matière.

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INTRODUCTION

Sousse est une ville portuaire située en plein centre de la Tunisie. Elle s’est dotée d’un conseil municipal depuis 16 juillet 1884 sous le système du protectorat français (une administration coloniale). Elle constitue le chef lieu du gouvernorat (subdivision administrative équivalant à la préfecture en France) portant le même nom, qui s’étale sur un périmètre de 266.900 hectares et 75 km de littoral sur la méditerranée, avec une population avoisinant 622.100 habitants (estimation approximative établie par l’institut national de statistiques), ce qui donne une moyenne de 233 habitants / kilomètre carré. Le gouvernorat est subdivisé en 16 délégations14, 16 municipalités15, 104 'imadats (secteurs ou quartiers) et 9 conseils ruraux. La ville de Sousse compte 223 235 habitants (valeur approximative de 2011) avec un taux de croissance annuel moyen de 1.6 % (supérieur au taux national : 1,2 %), répartis dans la zone de délégations comme suit15 : � Sousse Medina : 5281 habitants avec un taux de croissance négatif de - 5,9 %. � Sousse Nord : 56075 habitants avec un taux de croissance de + 2.0 % � Sousse Sud (Sidi Abdülhamid): 77244 habitants avec un taux de croissance de + 7.6 % � Sousse Riadh : 34447 habitants, avec un taux de croissance de + 0.6 %16 On estime, d’ici à 2015, à 247.520 habitants le nombre de résidents dans la ville de Sousse.

Par ailleurs, Sousse est une agglomération urbaine constituant un cadre de vie collectif au niveau social, quadrillée par un ensemble d’institutions constituant l’appareil administratif de l’État à l’échelle régional et local (Chapitre 1er). En présence d’une forte croissance urbaine, la ville de Sousse doit faire face à des besoins nouveaux en matière d’aménagement de terrains urbains, de constructions de logement, d’infrastructure, d’équipement, de participation citoyenne dans « la sphère public » vu l’émergence de la société civile en nombre et organismes (Chapitre 2).

14 La délégation est la principale division territoriale d’un gouvernorat. Elle porte normalement le

nom du siège.

15 La municipalité (ou commune) est une partie du territoire, bien délimitée, érigée en tant que

telle par un décret qui la soumet à la loi municipale et est formée d’un ou plusieurs

arrondissements et des secteurs (Imadats) urbains.

16 Ce sont les chiffres de 2004, date du dernier recensement effectué par les services de l’Etat

(I.N.S.)

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CHAPITRE I – L’ETAT DANS LA VILLE DE SOUSSE

Il est représenté par l’ensemble de son appareil administratif, soumis au deux régimes juridiques (public et privé), ainsi que par deux modes de répartition de compétences (La décentralisation et la déconcentration).

Depuis le déclenchement de la révolution tunisienne du 14 janvier 2011, Sousse, à l'instar des autres villes du pays, a subi une instabilité institutionnelle au niveau de l'appareil administratif (Section 1er) régional et local, caractéristique d'une absence de représentativité légale (Section 2ème) du personnel politico administratif.

Section 1er – Instabilité institutionnelle de l'appareil administratif

Tout d'abord, il faut signaler que l'instabilité politique est un concept composite. Elle est la manifestation de plusieurs facteurs qui ne se recoupent pas totalement et doivent être pris en compte simultanément. L'instabilité recouvre deux réalités distinctes : les changements de pouvoir politique par la violence et les changements réguliers dans le respect des formes légales. Les premiers étant déroulés à l'échelle national, les seconds ont suivi mais à des niveaux de conformité à la règle variables. Ceci est vérifiable tant au niveau de l'administration régionale (§ I ) que de l'administration locale (§ II) § I – Au niveau de l'administration régionale L'administration régionale comprend l'ensemble des services extérieurs de l'administration centrale. Sur un ensemble de cinquante ministères et secrétariats d’État17, on dénombre la représentation de 14 ministères seulement à Sousse. Ceci s’explique par le caractère notoirement politique de certains ministères ne nécessitant pas une représentation régionale ou locale (à l’instar du Ministère des droits de l’homme et de la justice transitionnelle ou le Ministère des affaires religieuses), ou bien l’aspect technique dont sa représentation prend la forme d’un établissement à caractère administratif ou à caractère industriel et commercial (ONAS, API, AFH, etc.). L’ensemble de ces services extérieurs est coiffé par le gouverneur, représentant de l’État à l’échelle régionale depuis la réforme de 1989. Le Gouvernorat, en tant que région administrative, est subdivisé en délégations qui couvre tout le territoire supranational et en municipalités englobant les villes dépassant un nombre de 10.000 habitants18.

17 Gouvernement de Hammadi al- Jebali –Premier ministre - composé après les élections du 23

octobre 2011 instaurant une Assemblée nationale constituante, un Président de la république

provisoire et un gouvernement de transition.

18 Critère d’aptitude à la communautarisation, retenu par la loi de 1975 portant le régime

juridique des collectivités publiques locales

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Sousse est le chef lieu du gouvernorat19 portant le même nom. Elle abrite en principe l’ensemble des services extérieurs des ministères à l’échelle régional et locale. Evoluant dans un cadre de transition démocratique, deux phénomènes d'instabilité sont à constater dans la ville de Sousse : le premier à trait au gouvernorat (A), et le second concerne les directeurs des services extérieurs ( B ). A – Le gouvernorat C'est une structure administrative régionale (une subdivision administrative équivalant à la préfecture en Françe) qui coiffe d'autres subdivisions, appelées Délégations qui regroupent des secteurs ('Imada-s). Chaque structure administrative est dirigée par un cadre politico administratif 1 - Le gouverneur : Il est à la fois l 'administrateur générale du gouvernorat, service extérieur du ministère de l ' intérieur, et représentant de l 'Etat à l 'échel le régionale. Il est assisté de l 'administrat ion régionale, notamment des délégués et des 'Omda-s (Chefs secteurs) et d'un secrétaire général. Par ail leurs, la nomination du gouverneur se fait par décret présidentiel sur proposit ion du ministre de l ' intérieur qui est son chef hiérarchique. 2 – Le(s) délégué(s) : La délégation est une circonscription administrat ive intermédiaire entre le gouvernorat et le secteur. On dénombre à Sousse seize délégations, dont quatre si tuées directement au niveau du chef l ieu du gouvernorat, divisées en 104 secteurs. Le délégué est nommé par le ministre de l ' intérieur et placé sous la tutelle du gouverneur. Il assure le fonctionnement des services locaux administrat i fs et préside le conseil local de développement, un organe consultati f . Il est un organe d’exécution des directives du gouverneur. Les délégations ont une cohérence géographique et démographique. Le découpage se fai t en zone urbaine par cohérence démographique tandis qu'en zone rurale, le découpage se fai t par cohérence démographique. 3- Les chefs secteurs Le 'Omda, en tant que dernier mail lon de la structure administrat ive, est chargé d'apporter son concours aux différents administrat ions, ainsi que de vei l ler aux intérêts des administrés. Il est un officier de police judiciaire et off icier de l 'état civi l . Gouverneur, délégué(e)s, chefs secteurs représentent l 'ensemble de l 'él i te pol it ico-administratif à l 'échel le régionale et locale. Cette él i te a subi de

19 Le gouvernorat est la plus grande division administrative du territoire national tunisien, fixée par

le décret du 21 juin 1956 et modifié par la loi du 17 mars 1969. Actuellement, la Tunisie est

découpée en 24 gouvernorats.

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plein fouet l 'effet de la révolut ion ci toyenne du 14 janvier 2011 et ce de deux manières : - En premier l ieu, juste après la révolution tout le corps des gouverneurs et délégués a changé et a été remplacé de fond en comble par un autre personnel recruté de hauts fonct ionnaires de l 'administration tunisienne (Juges, cadres état iques, mil i taires, etc.) pour le corps des gouverneurs, et par des diplômés de l 'enseignement supérieur sans emploi pour le corps des délégués. Le corps des 'Omda-s n'a pas été touché puisqu'i l est devenu inopérat ionnel et sans fonct ion aucune. - En second l ieu, ce nouveau corps d'administrateurs ne s'est pas stabi l isé puisqu'i l a subi les aléas de la conjoncture pol it ique et de la transit ion démocrat ique. Ainsi, du mois de février 2011 jusqu'au mois de septembre 2012, Sousse a vu se succéder à la tête de son gouvernorat trois gouverneurs et 39 délégués. Il faut reconnaitre que la région du Sahel (y compris Sousse) était une source de production de l ’él i te poli t ique dans l ’ancien système pol i t ique. Actuel lement, les nouveaux cadres de la région cherchent à se reposit ionner dans le nouveau champ poli t ique. Cette instabi l i té n'est pas le fai t d'un changement de poli t ique à l 'échel le gouvernementale mais plutôt le résultat d'une dynamique sociale à l 'échel le des insti tut ions publ iques et privés qui subissent une grande pression de demandes à la fois économiques et sociales de la part des acteurs publ ics et privés. La nomination d'un nouveau gouverneur a eu des effets directs sur les services extérieurs de l 'administration centrale. B – Les services extérieurs Alors que le gouverneur est tenu de suivre les direct ives et ordres adressées par les ministres relat ivement à leurs secteurs respecti fs, en même temps i l n'a pas de pouvoir hiérarchique sur les services extérieurs de ces mêmes ministères, mais une simple prédominance puisqu'i l oriente leur act ivité et exerce une survei l lance générale de leurs act ions et coordonne leurs travaux. En prat ique, on a pu constater que chaque gouverneur nommé à Sousse a fai t en sorte de changer les directeurs des services extérieurs des ministères au niveau de la vi l le, dans le but de créer une cohérence dans la conduite de la pol it ique régionale. Ainsi, on dénombre 79 changements à la tête des services extérieurs, établ issements publ ics à caractère administrat i f ou industriel et commercial, off ices et commissariats dans l 'espace d'une année. Ceci est l 'expression d'une dynamique poli t ique qui se répercute sur la stabil i té inst itut ionnel le et la poli t ique publique et les programmes de développement à réal iser sur le plan régional et local. En fai t , cette instabil i té insti tut ionnel le est l 'essence même de la période de transit ion démocrat ique que traverse le pays. Cette instabi l i té insti tut ionnelle ne s'est pas l imitée uniquement à la sphère régionale mais elle a touché d'une manière directe l 'administrat ion locale. § II – L'administration locale

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C'est une administration décentralisée territorialement qui présuppose une distinction des besoins intéressant la population et "La reconnaissance d'une catégorie des affaires locales, distincte des affaires nationales, est la donnée première de toute décentralisation"20 c ' e s t - à - d i r e l’octroi à ces collectivités, de la personnalité juridique impliquant l'autonomie financière, sans lesquelles les collectivités décentralisées ne pourraient pas gérer leurs affaires et l’élection des organes locaux par la collectivité. A Sousse, comme ailleurs, se trouve deux formes de collectivités locales : la municipalité dans le périmètre communal et le conseil régional à l'échelle du gouvernorat. A – La délégation spéciale La municipalité de Sousse a traversé une situation très critique depuis le 14 janvier 2011 en raison de la contestation de son conseil municipal, voire la désertion de certains élus, le reflux massif de sa recette qui a chuté de 70 % par rapport à l'année 2010. Alors un seul impératif s’est imposé : pourvoir à la vacance en dotant la commune de dirigeants intérimaires. C'est ce qui a commandé la décision de dissoudre le conseil municipal et de le remplacer depuis le mois de février 2011 par un mandat spécial, appelé délégation spéciale. La délégation spéciale actuelle vient de succéder à une autre délégation, nommée au mois de février 2011, suite à la dissolution du conseil municipal élu et issu des élections de 2009. Elle est composée de 24 membres, nommés par le chef du gouvernement sur proposition du gouverneur. Mais un fait patent s'impose: en l'espace de 16 mois, on a vu se succéder deux délégations spéciales dans la commune de Sousse ville. Ce changement, à la tête de la collectivité locale n'est pas le fait d'une contestation sociale des citoyens, à l'instar d'autres communes, mais et aux dires de certains, le fait d'une distorsion au niveau de l'équipe dirigeante. Peu importe les causes du changement de direction, l'essentiel est qu'il a engendré une instabilité institutionnelle qui à son tour s'est répercutée sur le retard de l'application des politiques locales communales à l'instar de la régulation du stationnement non réglementaire sur la voie publique par des marchands ambulants ainsi que la sanction et le suivi de la construction sans permis préalable ou son dépassement . Il faut reconnaître que la variable de la transition démocratique est pour quelque chose dans l'instabilité institutionnelle. Ce même phénomène touche un autre organe décentralisé et non élu originellement, le conseil régional du gouvernorat. B – Le Conseil régional A l'instar du président de la municipalité, le gouverneur est secondé par des institutions à caractère collégial et consultatif. C'est un organe présidé par le gouverneur, le tiers de ses membres sont élus, les autres étant désignés parmi la notabilité urbaine, les députés de la région, les présidents des communes et des conseils ruraux. Il donne son avis sur les programmes et projets que l'Etat envisage de réaliser dans le gouvernorat. Cette instance, quoique consultative, est paralysée depuis 2011 du fait de l'instabilité de ses membres déjà désignés et l'absence de ses membres élus. A l'instabilité institutionnelle s'ajoute une non représentativité des acteurs publics locaux et qui constitue la deuxième variable de la transition démocratique.

20 J.RIVERO et J. VALINE, Droit administratif, 20 e éd, Paris, Dalloz, 2004, p.301

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Section 2 – Non représentativité légitime Tout d'abord, il faut définir le terme de représentativité. Elle est le caractère reconnu à une personne, à un parti, à un syndicat ou un groupe organisé de représenter ses mandants. Elle donne la possibilité de parler ou d'agir en leur nom pour défendre leurs intérêts et leurs aspirations. Par ailleurs, la décentralisation est mal perçue en Tunisie. En fait, elle est annoncée dans les textes mais pas réellement pratiquée ou déformée dans les faits. On délègue des compétences et on attribue une autonomie financière mais en pratique on crée des mécanismes de contrôle avant et après l’allocation du budget à l’autorité concernée en sus du droit de regard sur les délibérations prises de telle sorte que la décentralisation perd son essence originel et devient une sorte de déconcentration déguisée. Actuellement, en sus de la mauvaise appréhension de la décentralisation, elle est amputée de sa composante participative à savoir les élections, ce qui délégitime toute représentation issue d'une autre forme de désignation. Cette non représentativité légitime est vérifiable tant au niveau du Conseil régional, qu'au niveau de la Commune. § I – Au niveau du Conseil régional En principe, le conseil régional est une instance consultative et collégiale. Le tiers de ses membres sont élus, les autres désignés. Or, dans les faits, les élections ne se sont jamais déroulés ni avant ou après 2011, quoique prévues par les textes, ce qui dénote d'une entorse au principe de la décentralisation en lui même dans son essence et qui vide, en conséquence, ce conseil de son caractère collégial. Après la révolution de 2011, vu l'absence de traditions démocratiques, libres et multi-partisanes, le nouveau gouvernement a jugé utile de reporter à une date ultérieure l'organisation des élections à l'échelle régionale ou locale, et ce dans le but d'établir en premier lieu la nouvelle Constitution en cours d'élaboration par l'Assemblée nationale constituante et qui déterminera les bases nouvelles d'une représentativité régionale et locale nouvelles. Mais malgré la bonne intention affichée par les nouveaux pouvoirs publics, le report des élections à une date ultérieure non fixée au préalable ôte de toute représentativité légitime le conseil régional du gouvernorat. L'absence d'une représentativité légale se répercute inéluctablement sur les décisions prises qui seront toujours contestées par la population concernée. Pire encore, les membres désignés du conseil régional, quoiqu'ils représentent la notabilité régionale, n'ont pas une légitimité des forces vives de la région (ils représentent des intérêts sectoriels). Sur ce, ils peuvent influencer les décisions du gouverneur mais n'arrivent pas à convaincre la population, d'où la contestation pure et simple des décisions prises à travers des sit-in interminables ou des manifestations sporadiques. La non représentativité est vérifiable aussi à l'échelle locale. B – Au niveau de la Commune Pour les nouveaux pouvoirs publics issus des élections nationales pour la désignation des membres de l'Assemblée nationale constituante en octobre 2011, l'enjeu des élections municipales n'est pas capital ou ne revêtant pas un intérêt primordial vu qu'ils procèdent par des programmes publics dans l'élaboration des politiques publiques. Dès lors, il n'y a pas lieu à l'heure actuelle de faire des élections municipales dans le but de réussir la phase de la transition démocratique et d'éviter d'attiser toute réaction communautaire locale.

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Alors, un double impératif s’impose : pourvoir à la vacance en dotant les municipalités de dirigeants intérimaires et donner ainsi un signal fort, conforme aux valeurs de la révolution, pour porter à la tête des municipalités des figures appréciées, ce qui peut redonner confiance aux habitants et entreprises et les inciter à s’acquitter de leurs taxes locales. C’est ce qui a commandé la décision de dissoudre les conseils municipaux et de les remplacer par des mandats spéciaux, comme stipulé par la loi en vigueur21. Chaque gouverneur établit en principe une base de données de figures locales parmi notamment les enseignants, les cadres, les professions libérales et les travailleurs, qui se distinguent par leur rayonnement et leur engagement sociétal et jouissent de la confiance de la population. A ce premier choix s’ajoutera une consultation de toutes les forces politiques et sociales locales pour connaître leurs appréciations, enrichir ces listes par d’autres personnes capables de servir la commune. Et, c’est à partir de ce vivier que seront désignés les membres des mandats spéciaux. Pour ce qui est du nombre de sièges, la formule retenue consisterait à les attribuer en fonction de la population, selon le dispositif suivant :

- Jusqu’à 20 000 habitants : 8 sièges - De 20 000 à 60 000 habitants : 16 sièges - Au-delà de 60 000 habitants : 24 sièges.

Dès le mois de mars 2011, les conseils municipaux seront dissous et remplacés par des comités de gestion nommés. Ces délégations spéciales, une fois installées, vont travailler jusqu'à l'organisation d'élections municipales dont la date n'a pas été officiellement annoncée. Mais d’emblée, un constat s’impose : depuis le mois de mars 2011, (date de la dissolution du conseil municipal de la ville de Sousse et la désignation en lieu et place d’une délégation spéciale, on remarque l’installation de deux délégations spéciales successivement22. Quoique ces « conseils municipaux » désignés sont représentatifs des forces vives de la région, c’est-à-dire des partis politiques de la coalition gouvernementale nationale (Parti Nahdha, Parti C.P.R et Parti Takattol) et des ordres professionnelles23, deux remarques s’imposent : � La première concerne la représentativité politique et sociale des conseillers. En

réalité, on ne peut pas calquer mimétiquement le taux de la représentativité nationale, et encore moins la représentation régionale, sur la réalité sociale et politique locale de la ville de Sousse et ce pour la simple raison que la dynamique locale est toujours spécifique par

21 Les articles 11 et 12 de la loi de 1975 sur les municipalités.

22 Voir décret n° 2013/2012 du 27 septembre 2012 pour la composition de la délégation spéciale

de la ville de Sousse.

23 La répartition des sièges à la municipalité de Sousse s’est faite, le 2 octobre 2012, comme suit :

Président de la délégation spéciale (Parti Nahdha), Nahdha : 3 sièges ; Parti de l’Initiative :2 ; Parti

du Travail : 1 ; Mouvement du peuple : 1 ; Coalition démocratique (ex PDP) : 1 ; Parti Takattol : 1 ;

Processus démocratique et social : 1 ; les autres sièges (14) aux organismes et ordres

professionnels et notables de la ville .

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rapport aux problèmes nationaux malgré la communauté des soucis partagés. Encore, faut-il dire que les élections du 23 octobre 2011 se sont déroulées pour la désignation des membres d’une Assemblé Nationale Constituante qui a pour tâche principale d’établir une nouvelle Constitution. Dès lors, une faible institutionnalisation frappe de plein fouet « le conseil municipal », dénommé délégation spéciale, désigné par consensus de l’élite politique de la ville de Sousse.

� La deuxième remarque est d’ordre méthodologique : la culture autoritaire (gestion centralisatrice) ancrée depuis des décennies, s’ajoutant à une faible décentralisation, ne va pas de paire avec un processus de démocratisation lent mais certain. Pour déclencher le second, il faut mettre des mécanismes pour éradiquer le premier. Aussi, un budget municipal dont 70 % de son montant est alloué au fonctionnement (paiement des salaires) ne facilite pas la tâche des nouveaux acteurs publics, non représentatifs de la communauté locale et, par-dessus tout, des néophytes dans l’exercice du pouvoir politique et la gestion des affaires locales.

Malgré ces réserves méthodologiques, le gouverneur de Sousse, en concertation avec les partis politiques gagnants des élections du 23 octobre 2011 et les représentants des ordres professionnelles et la centrale syndicale, a reproduit à l’échelle locale les résultats des élections au niveau national quant à la désignation des membres de la délégation spéciale de Sousse. Les deux tableaux qui suivent représentent le calquage d’un score régional à l’échelle locale alors que les enjeux ne sont pas les mêmes.

Tableau 3 : Résultats des élections du 23 octobre 2011 Parti Voix

Niveau National

% niveau

National Sièges

Voix Niveau de

Sousse

% des voix

Sièges

Enhahdha 1 501 320 37.04 89 86590 35.85 4 CPR 353 041 8.71 29 12926 5.35 1 Pétition populaire 273 362 6.74 26 12160 5.03 1 Ettakatol 284 989 7.03 20 10057 4.16 1 PDP 159 826 3.940 16 7519 3.11 1 L’Initiative 129 120 3.19 5 52573 21.76 2 PDM 113 005 2.79 5 Afek Tounes 76 488 1.89 4 PCOT 63 652 1.57 3 Mouvement du Peule 30 500 0.75 2 MDS 22 830 0.56 2 UPL 51 665 1.26 1 MPD 33 419 0.83 1 PLM 19 201 0.47 1 PDSN 15 534 0.38 1 Parti Néo-Destour 15 448 0.38 1 Parti Lutte Progressiste 9978 0.25 1 PNCU 5581 0.14 1 Indépendants 62 293 1.54 8 Sans Siège 1 29 0293 31.83 0 59 730 24.73 0 Blanc et nuls 255 740 5.94 0 11 255 TOTAL 4 053 148 100 217 252 810 100 10 Inscrits 8 289 924 455 745

Source ISIE

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La commune de Sousse, d’ailleurs comme toutes les municipalités tunisiennes, a hérité du régime politique déchu la souffrance d’une triple tutelle rendant sa tâche encore plus lourde et moins efficace : - La tutelle à l’échelle régionale du gouverneur et ce lors de l’approbation de toutes les délibérations du conseil municipale établies dans un procès verbal. - La tutelle du ministre de l’intérieur pour l’allocation du budget. - La tutelle du ministre des finances lors de l’approbation du budget. En fait, cette triple tutelle ôte du principe de la décentralisation affiché son essence, à savoir la gestion autonome des ressources car le contrôle effectué par le gouverneur et les ministres de l’intérieur et des finances est, en réalité, un contrôle à la fois de régularité et d’opportunité des dépenses, en plus des délibérations dûment prises. Par ailleurs, le manque d’ancrage institutionnel ainsi que l’absence de participation citoyenne rend la municipalité un acteur mal appréhendé à l’échelle local. Elle est réduite à un état initial et minimal (le ramassage de l’ordure ménagère ou bien le lieu de déclaration d’une naissance ou un décès). Donc, il est impératif de redéfinir son rôle en tant qu’acteur, parmi d’autres, dans le développement local. En outre, la commune doit avoir plus d’autonomie dans la gestion de son budget (conception et dépense). Ceci est valable normalement pour la conception, l’élaboration et l’exécution du plan d’aménagement urbain. Au fond, il y a une tradition qu’il va falloir peut être abandonné, consistant à résoudre les problèmes de fond par des réorganisations structurelles. En fait, si la municipalité est actuellement « un cadre qui tourne presque à vide », c’est qu’il s’agit d’un cadre qui a été soit rejeté par l’environnement, soit déserté par ceux auxquels il a été destiné. Dans le premier cas, la solution n’est autre que l’implantation d’une administration plus conforme à l’environnement local. Dans le second cas, la solution résiderait certainement dans la révision des modalités d’élection des élus locaux, dans les finances des communes, dans la participation citoyenne dans le processus décisionnel communal (délibératif ou consultatif), etc. Depuis les années 1980, à l ' instar de l 'ensemble du pays, Sousse s’est inscrite dans une politique de mise à niveau de la ville et a subi les effets du plan d’ajustement structurel, décidés par le pouvoir central à travers plusieurs programmes (Programme de réhabilitation de l’ancienne ville de Sousse, programme d’intervention de l’ARRU, de l’AFH, de la SNIT et d’autres offices d’intervention urbaine). Mais depuis les années 1990, la ville a subit les conséquences du désengagement de l’Etat à travers la réhabilitation des mécanismes de régulation par marché (le secteur touristique) et la redistribution des rôles entre secteur public et secteur privé (privatisation). En réalité, ces trois phénomènes (croissance urbaine, politique de mise à niveau et désengagement de l ’État ) ont engendré une mutation des modes de gouvernance urbaine qui s’avèrent contradictoires et difficilement conciliables conjuguant culture autoritaire et faible décentralisation. L’avant projet de la nouvelle Constitution en cours d’élaboration par l’A.N.C. consacre plus de treize articles aux collectivités publiques24 locales vers une autonomie plus grande dans la gestion budgétaire et plus de compétences, réelles et effectives,

24 Les articles 13, 132, à 143 du projet de la Constitution en cours d’élaboration.

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dans le gouvernement du pouvoir local. Aussi, le contrôle de l’autorité de tutelle deviendra de simple régularité. Outre l’instabilité des acteurs publics à l’échelle locale (et régionale) et leur non représentativité légitime de la communauté urbaine, ainsi que le manque des moyens financiers propres et autonomes, s’ajoute un autre phénomène surgissant après la révolution citoyenne du 14 janvier 2011 : c’est la résurrection de la Société civile

CHAPITRE II – LA SOCIETE CIVILE A SOUSSE

Le système républicain, adopté en Tunisie depuis 1957, exclut le communautarisme25 de son mode d’analyse et gestion de la société. Il préconise la citoyenneté comme moyen d’intégration de la population dans un vouloir vivre collectif et soumettre « le bien au juste ». Sur ce, on ne peut pas établir une approche d’étude de la population dans la ville de Sousse sur la base de son origine territoriale, ethnique ou communautaire. Cependant, il demeure plausible d’étudier le phénomène de la migration intérieure vers la ville de Sousse et localiser ses lieux d’attache (les quartiers de résidence) dans des cités périphériques. Depuis le déclenchement de la révolution en 2011, Sousse devient de moins en moins une ville intégratrice des nouveaux arrivants, constat corroboré par des chercheurs universitaires. Juste après la révolution citoyenne de 2011, des demandes pressantes et légitimes de diverses couches sociales de la ville de Tousse pour la satisfaction de leurs besoins (Titularisation des employés précaires et occasionnels, amélioration du cadre de vie, résorption du problème du chômage, etc.). Ceci dénote qu’une société civile, en état de veille, s’est levée pour réclamer plus de participation dans les affaires locaux, la gestion des ressources et la visibilité dans l’espace public local. L’importance de la description de la société civile locale résulte de la nécessité de tenir réellement compte de ses spécificités, en relation avec le contexte social, économique et politique. Cette prise de considération permettrait d’éviter des solutions standards ou passe partout et d’identifier des solutions novatrices à des problèmes particuliers26 La société civile comprend des acteurs de la société en dehors des organisations politiques. C’est l’ensemble des citoyens, dans la diversité de leurs appartenances sociales et

25 Le communautarisme est un courant fondant la structure sociale sur le développement des

mouvements propres à chacune des communautés ethniques d’un pays. Il est aussi une réaction

contemporaine au libéralisme politique en cherchant à remettre en cause ses déterminants

culturels, coupables à ses yeux d’indifférence à l’égard des communautés constituées qui

résident dans une sphère d’influence. Les principes libéraux rendent, à ses dires, impossibles la

reconnaissance et la survivance de communautés culturelles distinctes, porteuses d’un système

de valeurs qui leur est propre. Dans le libéralisme, en revanche, les individus doivent soumettre,

en public, le bien au juste c’est-à-dire mettre entre parenthèses dans la sphère publique la

diversité des fins qu’ils poursuivent (affirmation culturelle, ethnique, religieuse, …) pour ne

l’exprimer que dans la sphère privée. (D. Alcaud et L. Bouvet (dir. de), Dictionnaire de sciences

politiques. Paris : Sirey éditions, 2004, p. 31.)

26 COWI, Rapport de diagnostic sur la société civile tunisienne. Mars 2012, p. 4.

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professionnelles, qui constituent la société et expriment leur volonté de participation à travers des organisations non gouvernementales, associations et d’autres formes de structure très diversifié , ayant pour finalité de concourir à la poursuite d’objectifs à caractère économique, social, culturel, éducatif, sportif, humanitaire, civique ou autre, qui ne sont pas du ressort politique ou gouvernementale. Outre la représentation de plusieurs partis politiques nationaux à l’échelle locale, la ville de Sousse comprend la représentation de la Centrale syndicale (UGTT, Bureau régional et bureau local), l'union des travailleurs tunisiens, la Confédération générale du Travail, des associations et des comités de quartier en état d’évanescence.

Section 1er – Les O.N.G. et les associations

L'article 1er de la loi relative aux associations n°59-154 du 7 novembre 1959 dispose que : « l'association est une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que partager des bénéfices » La vie associative a passé par trois phases qui s'identifient aux régimes politiques successives (1959 – 1988 : Période du Président H. Bourguiba ; 1988 -2010 : Régime de Z. Ben Ali ; 2011 – à nos jours : Période de transition démocratique). Avant d'entamer l'analyse de la vie associative à Sousse (§ Paragraphe II), il est utile d'exposer brièvement quelques repères historiques sur le régime associatif en Tunisie (§ Paragraphe I). § I – Régime associatif en Tunisie La Tunisie est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui garantit à toute personne le droit de s'associer librement avec autrui et qui précise que les restrictions prévues par la loi doivent être nécessaires dans une société démocratique et mises en œuvre dans le seul intérêt de la sureté nationale, de la sureté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publique ou les droits et les libertés d'autrui. Malgré la consécration de la liberté d'association dans la constitution de 195927, l'appréciation de son exercice est laissée à la discrétion du législateur, lui même contrôlé par le pouvoir exécutif par le jeu du Parti politique. La loi organique n°59-154 du 7 novembre 1959 relative aux associations a instauré la procédure de déclaration de l'association comme limite à cette liberté. La loi du 2 avril 1992 a quadrillé cette liberté en créant une classification des associations selon leurs activités et objectifs. Cette loi établit en fait une panoplie de procédures allant de l'acte constitutif jusqu'au financement, de telle sorte qu'aucune association ne peut agir sans l'assentiment des pouvoirs publics en place. Le noyautage est tellement poussé qu'on peut parler d'O.V.G. Dites « Organisations véritablement gouvernementales » à l'instar de l'Association des Mères Tunisiennes ou bien l'Association de Soutien aux handicapés 'Bessma'. Un autre moyen de museler les associations sont les subventions accordées par les différents organismes de l'Etat qui sont arbitraires et inéquitables quant à leur distribution.

27 L'article 8 de la Constitution stipule : « Les libertés (…) d'association sont garanties et exercées dans les

conditions définies par la loi »

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En plus, et quoi qu'aucun texte n'interdit l'obtention de financements étrangers mais en pratique la loi du 10 décembre 2003 dite de soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d'argent, permet au Ministère des finances de placer les associations sous contrôle financier continu sous prétexte de respect des procédures de « gestion prudentielle ». L'objectif étant de tarir les sources de financement et de museler les associations indépendantes par des pratiques sélectives et arbitraires. A l’échelle nationale, Il existerait aujourd’hui plus que 1 1 .732 associations en Tunisie, de toute nature, agissant dans tous les domaines d’intervention de la société civile. Pourtant peu d’associations répondent aux critères d'indépendance à l'égard du pouvoir politique quant au choix de leurs buts, de la définition de leurs activités et la désignation de leurs responsables. Le contexte de verrouillage institutionnel et de quadrillage politique qui a prévalu en Tunisie, le pouvoir politique tunisien déchu a eu tendance à considérer les associations indépendantes comme des entités d’opposants. La loi sur les associations a été amendée en 1988 et 1992 dans le sens du durcissement pour servir d’épée de Damoclès contre les associations indépendantes et leurs membres. Actuellement, les associations sont régies par le décret présidentiel n° 2011-88 du 24 septembre 2011. Une autre dépendance des associations est apparue après la révolution de 2011, c'est aux partis politiques et aux pourvoyeurs de fonds étrangers.

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Tableau 4 : Modifications apportées à la Loi des associations après le 14 janvier Loi 154/59 du 7/11/1959 Loi 88/11 du 24/9/2011

La constitution de l’association

Déclaration auprès du Ministre de l’Intérieur (Gouvernorat ou Délégation)

Déclaration auprès du Secrétaire général du Gouvernement

Le Ministre se réserve un délai de 3 mois pour se prononcer sur l’acceptation de la constitution de l’Association

Le 1er Ministre se réserve 30 jours pour se prononcer sur l’acceptation de la constitution de l’Association

La loi prévoit 8 catégories d’associations et limite leur champ d’intervention

Aucune classification et limitation du champ d’intervention des associations n’est prévue

Les associations de caractère général ne peuvent refuser aucune demande d’adhésion, à défaut ils peuvent être poursuivis juridiquement.

L’association fixe les critères d’adhésion.

Aucune limite d’âge n’est prévue pour les fondateurs ainsi que pour les membres.

Ne peuvent être fondateurs que les personnes âgées de 16 ans au moins, et les membres doivent être âgées de 13 ans au moins.

Implicitement, les associations tunisiennes ne peuvent être constituées que par des tunisiens (On exige la C.I.N. comme pièce dans le dossier de constitution).

Les associations peuvent être constituées par des tunisiens ou des résidents en Tunisie

Le fonctionnement associatif

En cas de non respect des dispositions réglementaires, le Ministre de l’Intérieur peut décider la fermeture provisoire des locaux de l’association et interdire les réunions des membres avant même le prononcé du jugement par le tribunal compétent.

En cas de non respect des dispositions réglementaires, l’association continue à réaliser ses activités jusqu’à la prononciation d’un jugement d’arrêt des activités ou de dissolution.

Des sanctions privatives de liberté à l’encontre des membres et des responsables sont prévues en cas de non respect des dispositions réglementaires (jusqu’à 1 an de prison).

Aucune sanction privative de liberté n’est prévue.

Une liberté limitée en matière de modification des statuts ou du règlement intérieur.

Les amendements des statuts doivent être communiqués au Secrétaire général du Gouvernement.

Une liberté limitée en matière de gestion comptable et financière.

Obligation de désignation d’un commissaire au compte si le budget annuel dépasse 100.000 D.T.

Source : Journal Officiel

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§ II – Vie associative à Sousse A quelques exceptions près, le secteur associatif dans la ville de Sousse ne semble pas connaître, malgré le nombre assez important, un épanouissement et un développement à la hauteur des exigences et des demandes sociales actuelles. Par delà les diversités, les associations et les ONG ne peuvent pas être considérées comme des forces vives et collectives véritables, à même de peser sur le développement et le devenir de la société locale. Les domaines de prédilection du secteur associatif de la ville de Sousse sont le travail caritatif et le travail social en général. Sans nier l’importance de ces fonctions dans un contexte général de désengagement de l ’É ta t pour l’investissement dans le littoral et son orientation obligée vers l’intérieur du pays, objet de délaissement délibérée par le régime déchu, force est de constater qu’elles ne sont généralement pas accomplies sur la base de mobilisation active, solidaire et citoyenne. A quelques exceptions près, elles reposent sur la base d’une assistance à une frange de la population défavorisée, d’offres de services et également sur des bases communautaires, voir régionales ou locales28. Les associations qui cherchent à occuper de nouvelles fonctions sociales en tant que partenaires des pouvoirs publics dans le choix et la conduite du développement existent certes mais elles sont récentes, fragiles et rencontrent des difficultés et des obstacles diverses. Toutes ces données donnent à l’association dans la ville de Sousse une configuration originale très éloignée de ce que devrait être une O.N.G. Se basant sur des entretiens semi dirigés qu’on a pu organiser avec quelques associations dans la localité de Sousse, on a pu constater d’une façon empirique que l’association se caractérise par son faible poids social, sa nature élitiste, la faiblesse de sa base d’adhérents, la restriction de son champ d’intervention dans les villes, son imbrication dans les appareils politico-administratifs et les rapports clientélistes qu’elle entretienne, navrée ou par choix délibérée, avec l’environnement partisan local2937. On cherche ultérieurement, sur la base d’exemples pris et des statistiques établies, à corroborer le pré diagnostic plus ou moins sévère et à proposer des hypothèses d’analyses et des pistes de solution. La transition par laquelle passe la Tunisie, laisse les études en chantier et la spéculation sur l’imprévisible en l’état. Sur un nombre total de 744 associations au niveau du gouvernorat, Sousse ville compte 280 associations (40 %) ventilées comme suit :

28 A cet égard, les associations comme « We love Sousse », « Sousse Futur » et « Sousse propre »

fournissent un exemple type de travail communautaire. Ceci est vérifiable surtout pour les

associations de bienfaisance, caritatives et de soutien social et scolaire

29 Ceci est vérifiable surtout pour les associations de bienfaisance, caritatives et de soutien social

et scolaire.

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Tableau 5 : Répartition des associations par catégorie CATEGORIE NOMBRE

Associations culturelles et artistiques 77 Associations d’écoles primaires et secondaires 48 Associations de bienfaisance 40 Associations scientifiques 35 Associations à caractère général 21 Associations sportives 19 Associations mutuelles 15 Associations de développement 10 Associations de crédit 4 TOTAL 280 Source : compilation de données

A noter qu’avant 1987, on dénombre 120 associations dans le gouvernorat de Sousse. Ce chiffre a évolué pour atteindre en 2005 le nombre 606 associations. Or, depuis 2011 le nombre a augmenté de 137 associations dont 88 associations dans de l’année de 2012. Quant à la ville de Sousse, on dénombre jusqu’à 2005 un chiffre de 122 associations. Entre 2005 et 2011 s’ajoute 158 associations totalisant un chiffre de 280 associations.

Tableau 6 : Evolution du nombre des associations entre 1959 et 2012 1959-1988 1988-1992 Jan 2011-Sep 2011 Sep 2011-Déc 2012 Ass. Générales 1 11 4 6 Ass. Sportives 16 2 1 0 Ass. Féminines 1 0 5 5 Ass. Scientifiques 11 14 5 5 Ass. Culturelles 35 38 10 10 Ass. Mutuelles 7 3 2 3 Ass. développement 3 6 1 0 Ass. caritatives 3 10 17 10

Total 77 84 45 39 Source : compilation de données

Tableau 7 : Evolution du nombre des associations « Générales » entre 1959 et 2012

Gouvernorat Ville de Sousse 1959 – 1988 2 4 1988 – 1992 40 6 Jan 2011-Sep 2011 30 53 Sep 2011-Déc 2012 Source : compilation de données

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Tableau 8: Evolution du nombre d’associations « culturelles et artistiques » entre 1959 et 2012

Gouvernorat Ville de Sousse 1959 – 1988 1988 – 1992 Jan 2011-Sep 2011 Sep 2011-Déc 2012 Source : compilation de données

Tableau 9: Evolution du nombre d’associations « mutuelles » entre 1959 et 2012 Gouvernorat Ville de Sousse 1959 – 1988 1988 – 1992 Jan 2011-Sep 2011 Sep 2011-Déc 2012 Source : compilation de données

Tableau 10: Evolution du nombre d’associations « de développement » entre 1959 et 2012 Gouvernorat Ville de Sousse 1959 – 1988 1 1988 – 1992 18 16 Jan 2011-Sep 2011 18 24 Sep 2011-Déc 2012 10 13 Source : compilation de données

Tableau 8: Evolution du nombre d’associations « scientifiques » entre 1959 et 2012 Gouvernorat Ville de Sousse 1959 – 1988 1 1988 – 1992 12 Jan 2011-Sep 2011 13 7 Sep 2011-Déc 2012 Source : compilation de données

Tableau 11: Evolution du nombre d’associations « sportives » entre 1959 et 2012 Gouvernorat Ville de Sousse 1959 – 1988 3 1 1988 – 1992 10 9 Jan 2011-Sep 2011 Sep 2011-Déc 2012 Source : compilation de données

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Tableau 12: Evolution du nombre d’associations « de bienfaisance » entre 1959 et 2012 Gouvernorat Ville de Sousse 1959 – 1988 1 1988 – 1992 35 21 Jan 2011-Sep 2011 30 11 Sep 2011-Déc 2012 10 4 Source : compilation de données

Tableau 13: Evolution du nombre d’associations « féminines » entre 1959 et 2012 Gouvernorat Ville de Sousse 1959 – 1988 10 1 1988 – 1992 8 5 Jan 2011-Sep 2011 Sep 2011-Déc 2012 Source : compilation de données La municipalité de Sousse alloue chaque année un montant de 400.000 dinars environ en forme de dons aux organisations et associations ventilé comme suit30 :

Tableau 14: Répartition des subventions municipales par catégorie entre 2009 et 2012 2009 2010 2011 2012 Ass. Générales 80 80 80 80 Ass. Culturelles 80 90 90 90 Ass. Jeunesse 18 18 18 18 Ass. Enfance 10 8 8 8 Ass. Sportives 216 213 266 216

Total 404 409 462 412 Source : Municipalité de Sousse, services financiers NB : Les montants sont libellés en milliers de dinars tunisiens

Section 2 – Les syndicats L’activité syndicale à Sousse est dotée de trois organisations indépendantes. La première l’Union Générale Tunisien du Travail, (§ I) la plus importante, est représentée par un bureau régional qui regroupe en son sein les structures de base des différentes activités économiques (fédérations et syndicats de base). La seconde, la Confédération Générale Tunisienne du Travail (§ II), crée depuis février 2011 et la troisième, l’Union Tunisien du Travail (§ III) est crée en mai 2011

30 Statistiques établies par les services financiers de la municipalité de Sousse en septembre 2012

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§ I – L’Union Générale Tunisienne du Travail (l’UGTT) Le bureau régional de l’UGTT regroupe, aux dires de son secrétaire général adjoint, 15 000 adhérents au niveau de la ville de Sousse et 40 000 adhérents au niveau du gouvernorat. En tant qu’organisation syndicale, l’UGTT préconise sa représentation dans la sphère publique, et plus particulièrement dans les structures représentatives des collectivités publiques régionales et locales. Ainsi, l’UGTT est représenté par deux membres au niveau de la délégation spéciale de la Commune de Sousse et est toujours invité dans les réunions du Conseil régional du Gouvernorat de Sousse. L’implication de l’UGTT dans la société politique est notoire : ainsi il a appelé dans des communiqués rendus public à boycotter l’ancienne délégation spéciale de la ville de Sousse, désignée en mars 2011, surtout le président de la délégation pour le motif que ce dernier ne constitue pas « l’homme de la période » a cause de sa politique autoritaire dans la gestion des affaires locales et communales et la violation répétée des lois. Dans ce sens, l’UGTT quoique représenté au sein de la délégation spéciale a dénoncé le Président désigné de la municipalité de Sousse et ce malgré le soutien notoire de l’ancien gouverneur de Sousse. Quant à la vie associative, l’UGTT préconise la rupture avec l’esprit du leadership admise et tolérée avant la révolution mais moins toléré actuellement du fait de la nouvelle mentalité régnante de la jeunesse et des aspirations de la base syndicale qui cherche plus d’implication collective et de démocratie participative au sein des structures syndicales. D’ailleurs, le bureau régional de Sousse de l’UGTT a instauré une certaine « autonomie relative » par rapport à la centrale de Tunis et ce à travers l’encouragement de l’initiative régionale de base et la faculté de proposition à l’échelle locale. Ceci est remarquable lors de la décision du grève générale décidée pour le 14 janvier 2011, laissée au libre choix et débat du bureau régional de Sousse. En outre, et vis-à-vis des associations, le bureau régional de Sousse préconise le renforcement de ces structures, nouvellement établies, à travers le réseautage principalement. Concernant la vie interne du bureau régional, l’UGTT de Sousse s’est lancé pour le renforcement et la mise à jour des ses structures dans la réalisation de certains projets à l’échelle régional à l’instar de : - L’Institut de Farhat Hached pour la formation des syndicalistes depuis 2011, - Ecole d’informatique et de multimédia pour les travailleurs, - Forum de l’information syndicale, - Une station de Radio, et éventuellement une chaine de télévision pour l’UGTT à

l’échelle nationale, - Un site Web interactif au grand public

Tout ceci ne préjuge pas l’inexistence d’un certain nombre de problèmes et de difficultés. A titre indicatif, on cite les plus importants :

- Tout d’abord, le bureau régional de Sousse lutte jusqu’à nos jours, à travers ses structures de base au sein des entreprises économiques (Industrie et secteur tertiaire) de faire prévaloir auprès des chefs d’entreprises le respect du droit de travail en vigueur

- La prédominance de l’action politique (le plein politique) dans les meetings et les manifestations syndicales. Certains membres syndicaux profitent de l’occasion pour émettre un discours purement politique.

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- L’absence totale de la représentation féminine dans les instances syndicales et au niveau du bureau régional de Sousse. Paradoxalement, la base ouvrière féminine existante dans le secteur textile est très importante point de vue nombre mais elle est mal représentée quant au genre ou bien « accaparée » par la junte masculine. Le bureau régional de Sousse, et à travers la Commission de la femme active, a recommandé vivement l’imposition de la règle de la parité (50 %) au niveau de toutes les structures syndicales de Sousse.

- L’existence de courants politiques, au sein des syndicats de Sousse, a un effet pervers sur l’activité syndicale. Le bureau régional, quoiqu’il adopte une tendance allant vers la consécration de la « dignité » du travailleur, et par le citoyen en général, et préconise l’entière liberté de chaque membre d’adhérer à un courant politique, tâche en même temps de donner une autonomie à l’activité syndicale

- La cohabitation de fait, quoique non désirée, avec les autres organisations syndicales (l’UTT et la CGTT) malgré l’absence d’une concertation collaborative

§ II – L’Union des travailleurs de Tunisie (UTT) La nouvelle organisation syndicale a pour objectif de développer le dispositif social et législatif dans le pays et ce dans le cadre du respect des textes internationaux en la matière. L’UTT n’aspire pas en réalité à concurrencer les autres structures syndicales de la place mais œuvre à encadrer les employés marginalisés, à renforcer le rôle des travailleurs notamment les jeunes et à consolider leur contribution à la vie publique, à lutter contre le chômage, la marginalisation et la corruption. La chargée du bureau régional de Sousse préconise que l’économie de la ville de Sousse a besoin de stratégies efficientes afin de surmonter les difficultés conjoncturelles, particulièrement dans le secteur touristique. Par ailleurs, l’entreprise est une structure de production de la richesse et non pas un espace pour les sit-in Sur le plan national, l’UTT prétend rassembler dans ses rangs 130000 adhérents. Ceci est facilité par le circulaire du Premier ministre du 4 janvier (Paragraphe 2) qui a permis la possibilité aux travailleurs de se désinscrire de l’UGTT. Quant à l’échelle régionale (Gouvernorat de Sousse) la direction de Sousse ne peut donner un chiffre exact des adhérents du fait que les structures de base sont en cours de constitution. Pour ce faire, l’UTT a adopté une formule assez originale consistant au contact direct avec les chefs d’entreprises et les directeurs des services extérieurs de l’administration à Sousse et a envoyé des lettres de prise de contact qui ont été reçu favorablement et accepter de procéder à l’installation des structures de base syndicale L’originalité de l’UTT sur le plan local est qu’il agit dans un cadre de diversité syndicale. Dès lors, notre souci disait la secrétaire régionale est de rehausser le moral du travailleur en premier lieu. Aussi, nous avons des projets pour établir une nouvelle forme de société qui lutte contre la privatisation (source de corruption et de maux) et l’assainissement de l’enseignement). Les conflits avec le patronat se résolvent uniquement par le débat et en dehors de toute contrainte. Par ailleurs, et concernant la présence de la femme au sein du bureau régional, l’UTT est en avance dans ce domaine puisque la femme est représenté à raison de 30 % dans les structures

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de base syndicales et est présente dans le bureau régional par 3 femmes pour 8 membres au total, en sus d’une commission permanente de la femme syndicale à l’échelle régional. Concernant le rapport de l’activité syndicale avec le sphère politique, l’UTT prône la déconnexion avec la politique politicienne et exige de ses adhérents de ne pas être membre d’un parti politique quelconque. D’ailleurs, nos rapports avec l’Etat sont des rapports de concertation sociale et nous tachons d’éviter autant que possible l’affrontement et ce à travers la multiplication des réunions. A titre d’exemple, nous avons pu réussir à bien concerter avec la délégation spéciale de la municipalité de Sousse pour la titularisation des ouvriers sous contrat. En outre, et quoi l’UGTT nous bloque l’entrée dans certaines entreprises et établissements pour la création de structures syndicales de base, nous gardons et dans certains domaines des rapports de concertation surtout dans le secteur de l’enseignement secondaire où il ya une forme de réseautage. Pour le financement, nous avons pu et dès l’établissement du gouvernement de la transition convaincre le Premier ministre d’établir une circulaire no 18 du 20 aout 2011 adressée aux ministres et secrétaires d’Etat pour généraliser le remboursement des ponctions aux salaires pour les agents de la fonction publique pour à la fois à notre organisme et la CGTT à raison de 1,5 dinars par mois (0,75 Euro environ) § III – La Confédération Générale des Travailleurs Tunisiens (CGTT) La CGTT propose quant à elle un nouveau contrat social car « l’époque d’une organisation syndicale unitaire excessivement centralisée est révolu » disait le S.G. de la CGTT à Sousse. Cette organisation syndicale veut reproduire le pluralisme syndical, poursuivie de 1924 à 1956 en Tunisie (date de l’indépendance du pays et de l’établissement du régime du Pzarti politique unique, le syndicat unique, le régime autoritaire). Il s’agit de faire revivre, d’actualiser et de moderniser la première organisation du leader défunt Mohamed Ali Hammi (la CGTT) crée le 3 décembre 1924. La motivation de la CGTT, à l’échelle locale, consiste dans le droit des travailleurs d’adhérer au syndicat de leur choix, conformément aux articles 242 et 250 du Code de travail tunisien et des conventions internationales et du bureau international du travail. Le droit syndical fait part des libertés publiques, et il doit être l’émanation de la volonté des travailleurs et s’inscrire dans leur dynamique autonome, sans ingérence ni des partis politiques ni du gouvernement. Par ailleurs, le S.G. régional de la CGTT de Sousse croit savoir que l’UGTT est récupérée depuis 1989 par le régime déchu, plusieurs syndicalistes se sont réunis depuis 2006 autour d’une plateforme en vue de la constitution d’une nouvelle organisation syndicale tunisienne, en l’occurrence la CGTT qui se veut moderne, démocratique et efficace. La CGTT n’est pas une organisation parallèle à l’UGTT mais plutôt une autre organisation avec des objectifs autres. La révolution de 2011 a rompu avec le système autoritaire dans ses deux phases, la phase autoritaire civile et éclairée de H. Bourguiba (1956 – 1987) et la phase autoritaire policière et mafieuse de Ben Ali (1988 – 2011). Sur le plan social, nous cherchons à être un partenaire de la transformation sociale, où on ne marginalise pas l’entreprise mais nous proposons un nouveau contrat social qui fixe les droits

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et les devoirs des travailleurs. Nous cherchons à Sousse une entreprise compétitive, car nous croyons savoir qu’une entreprise précaire ne peut produire que de l’emploi précaire. Dès lors, nous prônons des relations responsables avec l’entreprise en vue de parvenir à un compromis social La CGTT est en outre une organisation démocratique, une confédération basée sur le principe de la fédération, et où celles-ci auront de larges prérogatives (contrairement à l’UGTT qui est basée sur un centralisme excessif). Statistiquement 92 % des travailleurs ne sont pas syndiqués (10 % étant inscrits auprès de l’UGTT), donc l’espace syndical est ouvert à plusieurs organisations. Nous prônons, par ailleurs, disait le SG de la fédération de Sousse, le système espagnol (aussi belge et scandinave) c’est-à-dire l’unité d’action d’organisations différentes, contrairement au model français où les syndicats sont liés aux partis politiques. Nous dénonçons la surenchère de l’UGTT, notamment sa direction générale, celle qui donne son avis sur la nomination des ministres ; des gouverneurs et des délégations spéciales. Le syndicat est un contre pouvoir. Il a un rôle politique à jouer, mais ne doit pas faire de la politique politicienne. En fait, le rôle de la CGTT, outre l’aspect revendicatif, consiste dans l’engagement pour la réussite de la révolution tunisienne, notamment la transition démocratique, ses mécanismes, les actions à entreprendre. Notre slogan est : solidarité, justice et modernité. Le S. G. de la fédération de la CGTT de Sousse reconnait qu’il ne dispose pas de statistiques actualisées relatives au nombre d’adhérents, genre et syndicats de base vu que la fédération et les structures de base sont en cours d’établissement Relativement à l’activité syndicale dans la ville de Sousse, une chose est certaine qui consiste à dire que le clivage de la nouvelle élite politique locale s’est étendu aussi au sphère syndical. Elle a aussi tendance à reproduire les débats nationaux et de les calquer sur la réalité locale. En outre, le dynamique sociale de la ville ne supporte pas la « prolifération » syndicale quoique le nombre des travailleurs non syndiqués donne une envie de créer des structures de base mais en réalité, et comme le disait le S. G. du bureau régional de l’UTT de Sousse, le syndicat est un facteur de paix social, de concertation entre partenaires sociaux.

Section 3 – Les comités de quartier

Création : Ils sont crées suite à une circulaire du ministre de l’intérieur n°1675 du 7 juin 1991. Le décret émanant de la même autorité ministérielle n°967/1992 du 22 mai 1992 a prévu la création d’un service administratif dans chaque gouvernorat pour le suivi des comités de quartier, en sus de l’unité centrale ad hoc au sein de la direction générale des affaires régionales auprès du ministère de l’intérieur. Composition : Le bureau exécutif de chaque comité, suivant la circulaire précitée, de 6 à 9 membres cooptés par « les autorités locales » parmi les résidents du quartier concerné sur la base de la probité, de l’altruisme et le rayonnement (le leadership).

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Le découpage territorial des comités : Un comité de quartier peut englober une seule cité, une avenue ou plusieurs rues au gré des citadins et du pouvoir politique en place (Le parti politique dominant, le RCD31, était l’initiateur de la création et du noyautage et d’encadrement de ces comités). Dans les zones rurales, c’est les limites administratives du secteur (‘Imada) qui détermine le champ d’action du comité de quartier. Nombre et genre humain : Depuis 1991 jusqu’à 2011 on dénombre 284 comités de quartier dans le Gouvernorat de Sousse, dont 246 comités dans les communes. Ils étaient animés par 1763 membres actifs, dont 10 % des femmes (176 environ). Les domaines d’intervention : Mises en place depuis 1991 et ayant pour but initial la participation des citoyens dans les affaires locaux comme mode d’expression alternatif au multipartisme mou et inopérant. Il faut reconnaitre, par ailleurs, que l’activité des comités de quartier a rencontrée un succès relatif. Plusieurs comités ont réalisé des projets louables et avec des moyens plutôt rudimentaires et personnelles, alors que d’autres comités se sont limités dans leurs actions aux évènements importants nationaux et n’ont pas franchi le seuil du domaine de la propreté et l’environnement. L’action des comités de quartier, tant dans le milieu citadin ou le milieu rural, n’a pas pu se réaliser sans le concours financier des collectivités locales (municipalité et conseil régional). Mais malgré ces subventions, les comités ont rencontré plusieurs difficultés au niveau financier, humain et l’absence de cadre légal. La valeur des réalisations matérielles des comités de quartier, depuis leur création en 1991, avoisine un montant global de 13 millions de dinars, dont 3 millions de dinars comme contributions personnelles, et a touché les secteurs suivants :

- L’infrastructure avec un budget de 6,3 millions de dinars. - L’embellissement des quartiers : 3,6 millions de dinars - Activités culturelles, sportives et distractives : 1,4 millions de dinars. - Elan de solidarité (Dons aux familles nécessiteuses) : 1,8 millions dinars

Les problèmes rencontrés : Malgré le rôle dévolu à ces instances, surtout le soutien à l’effort de la propreté de la ville et le sauvegarde de l’environnement, plusieurs difficultés ont empêché ces comités d’agir efficacement sur le terrain. On cite quelques unes : - Le financement : Le problème du manque de moyens, ou leur rareté, constitue la principale difficulté chez les comités de quartier à cause de l’absence d’’un budget propre. Ils se sont contentés de la maigre subvention allouée par les collectivités locales et à certains dons provenant des particuliers ou entreprises commerciales. Ceci a constitué un handicap majeur dans l’action qui est à l’origine faible sur les plans quantitatif et qualitatif. - L’exclusion : Elle provient essentiellement de l’inexistence d’une représentativité dans les conseils municipaux ou les conseils locaux. Le droit d’accès aux réunions de ces instances est insignifiant ou protocolaire. L’absence d’un interlocuteur fiable ou un service administratif de suivi au niveau municipal pour la bonne coordination des actions à réaliser et les projets à entreprendre.

31 Le rassemblement constitutionnel démocratique

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- L’absence participative : Tous s’accordent que le citoyen-résident du quartier n’a pas adhéré d’une façon effective à l’action du comité dans son quartier. Ceci s’explique principalement du fait du non-crédibilité notoire des membres du comité chez les citadins ainsi que de la clientélisation de ces comités par le parti politique au pouvoir (le R.C.D.) à un point qu’ils sont devenus des appareils de propagande au pouvoir politique et un service de renseignement supplémentaire pour les autorités policières. Le constat est palpable : après coup de la révolution citoyenne du 14 janvier 2011, ces comités ont disparu par désenchantement de ces membres. Aussi, il faut ajouter que la disparition de ces comités n’est pas uniquement du fait de leur implication manifeste dans l’action politique et policière du régime déchu, mais aussi – il faut le noter – du fait de l’apparition des associations fraichement crées, ayant une grande autorité de proposition, et qui se sont partagé les missions de ses comités (environnement, sauvegarde des espaces verts, activité culturelle et artistique, soutien aux familles nécessiteuses) de telle sorte que les comités de quartier n’ont plus de raison d’être. Malgré le budget alloué aux activités, les résidents des quartiers n’ont pas adhéré dans ces comités du fait du manque de crédibilité des membres actifs auprès de la population à cause de leur appartenance manifeste au Parti politique dominant (Le R.C.D.). Actuellement, ces comités ont disparu pour manque de budget, par désintérêt politique et du fait que le thème de la protection de l’environnement n’est plus, ou pas, à l’ordre du jour prioritairement. Ces comités de quartier sont mises en place depuis 1991 et ont pour fonction principale, comme instance de contrôle, la participation locale « a la pérennité du système »32. Ils sont un lieu de marquage du pouvoir territorial, de conscientisation à l’ordre moral « nouveau », le tout dans une rhétorique constante autour du « citoyen » tunisien. La description de ce lieu de contrôle redoutable montre comment prend racine l’expression du pouvoir selon le Président déchu Z.A. Ben Ali, successeur du leader de l’indépendance H. Bourguiba. Elle ouvre aussi sur une compréhension des mécanismes du « faire avec », longtemps perçu comme incontournable, y compris par des opposants au régime. Ce faisant, ces comités de quartier apparaissent aussi comme les lieux inattendus de l’apprentissage de la démocratie, malgré ses promoteurs. Quatre caractéristiques sont à noter dans ces comités de quartier qui n’existent pratiquement plus après la révolution citoyenne de 2011 :

- Un encadrement sociétal voulu mais sans statut juridique déclaré. - Un renforcement du contrôle sociopolitique de la société civile escompté et recherché. - Un seul moyen d’agir à l’intérieur du système politique. - Une illusion démocratique de participation citoyenne Les comités de quartier, dans le gouvernorat de Sousse, ont bénéficié dans la période de 1991– 2010 d’un montant global de 13 millions de dinars en forme de subventions

32 Isabelle Berry-Chikhaoui (2011) : Les comités de quartier en Tunisie : une illusion

démocratique ; Paris (France), Revue Mouvements, 2011/2, n°66, p.30 – 39.

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provenant des collectivités publiques (Municipalités et conseil régional) en sus des dons (plus ou moins consentis) par les particuliers et les entreprises commerciales de la région. Plusieurs critiques ont été adressées à ces comités de quartier : - Critique quant au fonctionnement : le manque de statut juridique s’est répercuté directement sur le manque de ressources (pas de budget fixe) qui a paralysé ses activités. - Critique quant à la représentativité : n’ayant pas un interlocuteur fiable ou un service municipal de suivi des projets en cours, les comités de quartier ne sont pas représentés aux conseils municipaux et les conseils locaux. Par ailleurs, l’ensemble des membres des comités sont désignés jadis par le parti politique au pouvoir (le RCD) ce qui a entravé leur crédibilité chez les résidents des quartiers.

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CONCLUSION GENERALE Ceci est, brièvement et à titre indicatif, l’état des lieux de la ville de Sousse. Il va sans dire qu’il y aura d’autres thèmes à développer et des problèmes de parcours peuvent surgir et devenir, par l’occasion des sujets de développement.