109
Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014 Par Elodie Manthé 1 UNIVERSITÉ PAUL CÉZANNE – AIX-MARSEILLE II INSTITUT D’ÉTUDES POLITIQUES d’AIX MÉMOIRE en vue de l’obtention du Master MIS parcours MGE Sciences Po Aix en Provence Peut-on faire confiance au crowdequity ? Par Elodie MANTHÉ Soutenu le 3 septembre 2014

Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

  • Upload
    loedei

  • View
    531

  • Download
    6

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Le crowdfunding, ou financement par la foule, s’est développé aux Etats-Unis au début des années 2000 notamment grâce à des plateformes de financement d’artistes (comme MyMajorCompagny). Le crowdequity est le dernier développement en date de cette tendance. Cette forme de financement participatif permet d’investir dans des entreprises (PME et startups), et en échange, d’obtenir des actions de celles- ci. L’equity crowdfunding permet aux investisseurs particuliers et professionnels de devenir actionnaires de startup et PME en croissance. En France et en Europe, le crowdequity est aujourd’hui au cœur d’une réflexion réglementaire, économique, politique et sociétale sur laquelle nous souhaitons nous pencher ici. A l’heure où la France se met au rythme du crowdfunding, en voulant devenir la « Startup République » et en démontant le monopole bancaire, il est temps de s’arrêter un instant sur ce phénomène. Le crowdequity se positionne comme un concurrent direct des acteurs traditionnels du financement que sont notamment les busi-ness angels. Ce nouvel acteur chamboule le paysage du financement en France pourtant nous le connaissons très mal. Il convient alors de se poser la question : peut-on faire confiance au crowdequity ?

Citation preview

Page 1: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

1

UNIVERSITÉ PAUL CÉZANNE – AIX-MARSEILLE II

INSTITUT D’ÉTUDES POLITIQUES d’AIX

MÉMOIRE en vue de l’obtention du Master MIS parcours MGE

Sciences Po Aix en Provence

Peut-on faire confiance au crowdequity ?

Par Elodie MANTHÉ

Soutenu le 3 septembre 2014

Page 2: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

2

UNIVERSITÉ PAUL CÉZANNE – AIX-MARSEILLE II

INSTITUT D’ÉTUDES POLITIQUES d’AIX

MÉMOIRE en vue de l’obtention du Master MIS parcours MGE

Sciences Po Aix en Provence

Peut-on faire confiance au crowdequity ?

Par Elodie MANTHÉ

Soutenu le 3 septembre 2014

Page 3: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

3

Les opinions émises dans ce document n'engagent que son auteur. L'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-

Provence ne saurait en aucun cas être tenu responsable du contenu du présent document

Nous attestons que dans ce texte toute affirmation qui n'est pas le fruit de notre réflexion personnelle est attri-

buée à sa source et que tout passage recopié d'une autre source est en outre placé entre guillemets, et cité en

référence.

Elodie Manthé,

Aix-en-Provence le 30 juillet 2014.

Page 4: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

4

Résumé

Le crowdfunding, ou financement par la foule, s’est développé aux Etats-Unis au début des années

2000 notamment grâce à des plateformes de financement d’artistes (comme MyMajorCompagny). Le crow-

dequity est le dernier développement en date de cette tendance. Cette forme de financement participatif per-

met d’investir dans des entreprises (PME et startups), et en échange, d’obtenir des actions de celles- ci. L’equity

crowdfunding permet aux investisseurs particuliers et professionnels de devenir actionnaires de startup et PME

en croissance. En France et en Europe, le crowdequity est aujourd’hui au cœur d’une réflexion réglementaire,

économique, politique et sociétale sur laquelle nous souhaitons nous pencher ici.

A l’heure où la France se met au rythme du crowdfunding, en voulant devenir la « Startup République » et en

démontant le monopole bancaire, il est temps de s’arrêter un instant sur ce phénomène. Le crowdequity se

positionne comme un concurrent direct des acteurs traditionnels du financement que sont notamment les busi-

ness angels.

Ce nouvel acteur chamboule le paysage du financement en France pourtant nous le connaissons très mal. Il

convient alors de se poser la question : peut-on faire confiance au crowdequity ?

Mots-clés

Crowdfunding ; crowdequity ; financement participatif ; business angels ; finance entrepreneuriale ; confiance ;

« internaute-investisseur » ; NTIC ; investissement ; equity-based crowdfunding ; equity gap ; règlementation ;

levée de fonds.

Page 5: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

5

Remerciements

Je souhaiterais remercier Michel Vacher, président du réseau Alumni Business Angels qui a toujours

montré un intérêt sincère à l’avancée de mon travail. Je le remercie par ailleurs pour la confiance qu’il a su me

porter et pour m’avoir toujours considérée comme son égale.

Merci aux membres du réseau Alumni pour leur accueil, leur gentillesse et leur bienveillance. Je tente l’exercice

périlleux de les citer car j’en oublie forcément : Julia Santi, Tünde Amphoux, Philippe Domini, Jean-François

Lucas, Marie-Christine Pessiot, Denis Garnier, Pascale Bruyat, Régine Lorenzi, Didier Avé, Olivier Plotton, Renaud

Vincent…

Merci à Benjamin Bréhin et Arnaud Longueville de France Angels pour leur accueil toujours chaleureux et leur

disponibilité. A Jean-Patrice Anciaux pour m’avoir orientée dans mes recherches. Merci au Professeur Jean Redis

et à Benjamin Wattine pour s’être prêtés au jeu de l’interview.

Merci à mon tuteur, Florian Paris, pour les encouragements et les petits articles glanés au gré de ses lectures

venus enrichir mon travail.

Merci à mes camarades et amis de ce master MGE 2014 qui ont toujours eu le mot pour rire ou pour motiver,

en cette dernière année dans les murs de Sciences po, riche en émotions et en défis : Nicolas de Chalonge, Léo

Carpentier, Robin Legrand, Victor Estrade mais surtout Coline Piveteau.

Enfin merci à vous, lecteurs, en espérant que ce travail viendra enrichir votre propre réflexion sur le sujet.

Page 6: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

6

Sommaire

Avant-propos .................................................................................................................................................................................... 7

Introduction ........................................................................................................................................................................................ 8

PARTIE 1. REDONNER CONFIANCE AUX ENTREPRENEURS ET AUX INVESTISSEURS ................................................... 13

Chapitre 1 – Constat ..................................................................................................................................................................... 14

Chapitre 2. Un manque dans la chaîne de financement des entreprises. ..................................................................... 20

Chapitre 3. L’explosion du crowdfunding : évolution ou révolution ? ........................................................................... 34

PARTIE 2. LE CROWDEQUITY : ENTRE ESPÉRANCE ET SUSPICION .................................................................................... 42

Chapitre 4. Crowdequity et angélat en France : entre confiance et défiance mutuelle. ......................................... 43

Chapitre 5. L’espoir de faire de la France la Startup République. ................................................................................... 56

Chapitre 6. Donner sa confiance à une foule d’investisseurs ou à une foule sentimentale ? ................................. 64

PARTIE 3. PRÉCONISATIONS ET LEÇONS MUTUELLES. .......................................................................................................... 80

Chapitre 7. Challenges .................................................................................................................................................................. 81

Chapitre 8. Préconisations. .......................................................................................................................................................... 88

Page 7: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

7

Avant-propos

Ce présent mémoire s’adresse à un public large, d’initiés ou d’amateurs. Ainsi le vocabulaire employé sera tech-

nique mais toutes les expressions, abréviations et sigles seront explicités et annotés.

Lors de la rédaction de ce document il est apparu qu’il était extrêmement difficile d’avoir du recul sur le phé-

nomène du crowdfunding, d’autant plus en France où il fait ne fait l’objet d’une couverture médiatique que

depuis quelques mois. Ce sujet est hautement d’actualité et rend ardue l’analyse. Bien que celle proposée ici

soit la plus neutre possible, le lecteur doit garder en tête que l’éclairage de ce sujet dépend, en partie, des

convictions de chacun.

L’objet de ce mémoire est bien de donner une vision d’ensemble du contexte dans lequel le phénomène du

financement participatif s’épanouie et de la façon dont les acteurs du financement interagissent entre eux.

Page 8: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

8

Introduction

Rappels 1.

La plateforme de financement participatif Ulule propose une définition simple de ce qu’est le crowdfunding

(ou financement participatif) : « il désigne l’application d’une méthode de financement d’un projet par la mise

en commun d’une multitude d’apports individuels. » Avec la généralisation et la démocratisation des NTIC il y a

eu un engouement considérable autour de ce mode de financement. Les particuliers, depuis leur ordinateur,

sont désormais impliqués pleinement dans la microéconomie. Ils ont accès à des blogs, des sites web, des fo-

rums sur lesquels des entrepreneurs partagent leurs ambitions et leurs projets. Ce mode de financement per-

met de faire interagir un nombre suffisamment grand d’investisseurs pour minimiser le risque au maximum. Le

modèle permet de s’affranchir en partie des procédures de demandes subventions et de financements exté-

rieurs.

Un des plus célèbres exemples de crowdfunding est la dernière campagne de Barak Obama aux USA, financée

par le grand public à hauteur de 150 millions de dollars. Le don moyen était de 80 dollars par personne et le

paiement s’est fait principalement par le biais du site de campagne du démocrate. L’idée était d’impliquer les

citoyens dans cette campagne présidentielle. De faire en sorte que la victoire de leur candidat soit également la

leur en les impliquant financièrement.

Le crowdfunding permet de créer un lien direct entre le financement accordé et le projet financé.

C’est aux Etats-Unis que l’on a vu apparaitre les premières plateformes, au début des années 2000 avec des

sites comme ArtistShare en 2003, Indiegogo en 2008 ou encore Kickstarter, la plus connue, en avril 2009. De-

puis les années 2010 on a vu apparaitre des plateformes dites de crowdequity. C’est-à-dire de financement par

prise de participation au capital de sociétés. Le phénomène n’est donc pas nouveau mais a pris une toute autre

ampleur ces dernières années grâce au développement d’Internet et des réseaux sociaux.

Jusqu’à présent, les acteurs traditionnels du financement d’entreprise évoluaient dans l’écosystème sans entrer

en concurrence car ils n’ont pas les mêmes capacités d’investissement : sociétés de capital-risque, fonds

d’investissement, entités publiques et business angels. Or nous allons voir qu’avec l’arrivée du crowdequity, c’est

un concurrent direct des réseaux de business angels qui prend place et qui impose un changement de règle.

C’est pour cette raison que ce mémoire ne traitera pas uniquement du crowdequity en tant que phénomène

mais bien du crowdequity en tant que nouvel acteur dans un écosystème déjà en place, qui présente déjà des

Page 9: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

9

règles du jeu et des concurrents. C’est l’interaction avec les business angels notamment qui nous permettra de

donner un éclairage, que nous espérons original, au sujet.

Design de la recherche 2.

Au cours de ce présent mémoire nous nous concentrerons sur cette branche de crowdfunding qu’est le

crowdequity, bien que nous verrons qu’il en existe d’autres formes et qu’elles sont éclairantes pour com-

prendre le phénomène dans sa globalité.

Nous nous limiterons également au territoire français. Des benchmarks avec des pays anglo-saxons et euro-

péens viendront cependant enrichir notre réflexion.

Cette recherche n’a pas pour ambition de donner un avis arrêté sur le phénomène du crowdequity mais bien

de développer des pistes de réflexion et de soulever un certain nombre de problématiques qui vont de pair

avec l’explosion de ce phénomène. Le recul manque pour prétendre savoir comment va évoluer le crowdfun-

ding en général. Ainsi nous ne donnerons que des pistes concernant les concernant les conditions sous les-

quelles nous pouvons faire confiance au financement participatif.

Afin de construire cette réflexion nous avons confrontés des articles de recherches et des articles d’actualité. Les

changements règlementaires ayant eu lieu lors de l’année 2014 ont conduit à l’écriture de centaines d’articles

de presse sur le sujet, plus ou moins documentés. Il a été parfois compliqué de faire la part des choses alors

que nous étions plongés dans l’actualité, toujours en mouvement. Ainsi au cours de nos lectures liminaires nous

avons isolés des hypothèses qui seront nos fils conducteurs pour cette recherche.

Hypothèses de recherche

Nous avons établi quatre hypothèses de recherche :

1. Il y a une méconnaissance des citoyens vis-à-vis des acteurs du financement et entre ces acteurs eux-

mêmes.

2. Les acteurs traditionnels du financement, tels que les réseaux de business angels, se méfient de l’explosion

du phénomène de crowdfunding et craignent un effet de mode.

Page 10: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

10

3. Ce n’est pas la « foule » qui finance mais bien une multitude d’individus indépendants. Si cette foule n’est

en réalité qu’un agrégat d’individus aptes à investir leur propre patrimoine alors la définition de « crowdequity »

doit être revue pour se rapprocher de la réalité.

4. Il y a une complémentarité dans l’expertise et l’accompagnement de la startup entre business angels et

crowdfunding, sous certaines conditions.

La notion de confiance 3.

Ce qui est formidable dans le crowdfunding, en général – dans le crowdequity en particulier- c’est que tout

le système repose sur la notion de confiance. Aussi incroyable que cela puisse paraître, quasiment aucun garde-

fou n’existe. En financement participatif « traditionnel » - je donne et je reçois éventuellement une récompense

pour mon geste – quasiment rien n’oblige le porteur du projet à tenir sa parole et à remplir les engagements

pris, en envoyant les récompenses promises. En equity il est certes possible de faire pression sur l’entrepreneur

car l’internaute-investisseur est présent au capital de la société mais il possède un poids tout à fait relatif dans

les prises de décisions importantes.

Andrew Maxwell a montré qu’un cercle vertueux fondé sur la confiance et la fiabilité peut et doit se mettre en

place entre investisseurs et entrepreneurs pour que leur relation soit saine. Selon son modèle, c’est la confiance

qui implique la fiabilité. Le biais psychologique qui veut que l’on souhaite « bien faire » lorsque l’on nous fait

confiance conduit à l’instauration d’un système vertueux et viable. Chacun y trouve son compte. La confiance

est alors efficiente pour les deux parties.

Figure 1 : Cercle vertueux de confiance et de fiabilité entre investisseurs et entrepreneurs.

Source : Andrew Maxwell, Business Angel Decision Making, Canada, 2011

Page 11: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

11

Pour le moment, la confiance règne. Pour l’instant il n’y a pas de grain de sable dans la machine qui se

met en place. Mais pour combien de temps ? Bien sur la confiance est au cœur de beaucoup de choses : la

finance, la politique, l’économie…Mais nous avons vu que c’est un concept fragile à la base d’un équilibre pré-

caire. La bulle Internet de 2000 et la crise des subprimes en sont des témoins plus que fiables.

Les plateformes ne peuvent assurer à 100% de trouver toutes les tentatives de fraudes. Beaucoup de critiques

ont d’ailleurs émergées de la campagne Healbe GoBe,1 un appareil portable qui prétendait mesurer automati-

quement apport calorique, niveau d'hydratation, et autre niveau de stress de ses usagers. Les spécialistes sont

sceptiques quant au projet, mais cela ne l'aura pas empêché de récolter près d'un million de dollars de fonds en

crowdfunding. Sans compter avec le fait que la société derrière le projet, prétendument basée à San Francisco,

se trouve exploitée depuis Moscou.2

La plateforme américaine Kickstarter a une position claire sur ce point, ses conditions d'usage stipulant que « la

société ne peut garantir l'authenticité de toutes les données ou informations que les utilisateurs fournissent eux-

mêmes ou via leurs campagnes et projets », ni même l'identité des usagers avec lesquels on serait amené à

interagir sur le site.3

Julien Helmlinger, journaliste chez ActuaLitté dénonce d’ailleurs un « revirement sur la plateforme Indiegogo,

qui considère la notion de « confiance » comme l'un des trois piliers fondamentaux de l'amélioration de l'expé-

rience de ses usagers. Une intention louable, mais encore faut-il être en mesure de pouvoir justifier cette con-

fiance. Tandis que le site promettait jusqu'à lors de déceler tous les cas de fraude parmi les projets qu'il hé-

berge, celui-ci a changé la clause au cours d'une nuit [du 3 avril 2014]. »4

La phrase a donc simplement été modifiée, passant de « All campaigns and contributions go through a fraud

review, which allows us to catch any and all cases of fraud » à « Campaigns and contributions that have been

flagged by our fraud detection system go through a thorough review ». Une modification qui peut paraître

anodine mais qui, en réalité, change tout pour les centaines de personnes ayant investi dans des projets fraudu-

leux comme Healbe.5

1 James Robinson, « Refund demands flood in as Healbe’s Indiegogo scampaign enters final days », pando.com [en ligne], 7

avril 2014.

2 Ibid

3 Julien Helmlinger, « La notion de confiance, pilier bancal du financement participative », actualitte.com [en ligne], 7 avril

2014.

4 Ibid.

5 http://www.goodmorningcrowdfunding.com/indiegogo-se-defile-face-aux-fraudeurs/Indiegogo se défile face aux frau-

deurs

Page 12: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

12

On peut en conclure que « si les plateformes de crowdfunding servent d'intermédiaire visant à mettre en rela-

tion des fondateurs de projets et leurs financeurs potentiels, mais qu'au final elles déclinent toute responsabilité

juridique, le plus grand risque de la pratique résiderait donc dans le faux sentiment de sécurité qu'elles inspi-

rent. »6

Dans le cas du crowdequity, l’encadrement juridique est en train de se mettre en place suite à une volonté affi-

ché du gouvernement de s’emparer du phénomène. La question se pose alors : peut-on faire confiance au

crowdequity ? Si oui, à quelles conditions ? Si non, que pouvons-nous prédire de l’évolution du crowdfunding ?

Nous analyserons dans un premier temps le contexte dans lequel le crowdfunding – et le crowdequity - est

arrivé en France. Dans un climat économique et entrepreuneurial qui semble morose, le crowdfunding se posi-

tionne comme le nouveau « graal » du financement, chamboulant les positions bien établies des acteurs tradi-

tionnels du financement d’entreprise.

Puis nous verrons que la France et les acteurs de cet écosystème “startups” oscillent entre suscpition et

espérance envers ce phénomène. Entre refonte de la règlementation bancaire pour favoriser le crowdequity et

méfiance de certains acteurs, tels que les business angels, le crowdequity ne fait pas tout à fait l’unanimité car il

soulève quantité de questions.

Les conditions de succès du crowdequity et d’une collaboration entre plateformes de financement participatif et

business angels existent. Restent à savoir si elles seront appliquées, et comment elles le seront. Cette projection

fera l’objet d’une dernière partie, récapitulant nos préconisations.

6 Ibid.

Page 13: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

13

PARTIE 1. REDONNER CONFIANCE AUX

ENTREPRENEURS ET AUX INVESTISSEURS

Page 14: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

14

Chapitre 1 – Constat

Une volonté d’entreprendre largement limitée 1.

Au deuxième trimestre 2013, les startups françaises ont levé 487 millions d’euros selon le baromètre du

capital risque7 français du cabinet EY (anciennement Ernst&Young)

8. La France représente à elle seule 16% du

montant levé par les entreprises européennes. Elle se positionne sur la troisième marche du podium des pays

de l’Union Européenne qui ont le plus investis dans leurs entreprises au cours de cette période.9

Cependant, « en France, et en général en Europe, on observe un retard dans les financements véritablement

ciblés sur l’investissement d’amorçage et le monitoring des entreprises innovantes. Dans le cas français, la struc-

ture d’investissement directe et indirecte (via des fonds) est très déséquilibrée : le faible nombre d’investisseurs

directs au stade très précoce réduit le vivier de projets à fort potentiel, la rentabilité et les chances de valorisa-

tion ultérieure de ces entreprises. Les fonds spécialisés de capital-risque ne se substituent pas à ce maillon

manquant et desservent très peu les phases préliminaires. »10

Or l’innovation est primordiale pour rendre un pays compétitif. « Pour des économies matures, qui ont épuisé le

moteur du rattrapage, la créativité dans le domaine des produits et services est un élément décisif de la compé-

titivité. Un tel objectif suppose que l’innovation soit en partie animée par de nouvelles entreprises entrantes. Et,

« nombre d’analystes s’accordent pour reconnaître que la structure de la grande entreprise n’est pas toujours la

plus favorable à l’innovation de rupture (Christensen, 1997 ; Baumol, 2001).»11

Une multitude d’acteurs - des réseaux d’investisseurs comme les business angels, des plateformes de crow-

dfunding, des entités étatiques comme la BPI France ou des fonds de capital-risque composent la chaîne du

financement. Et pourtant les entreprises innovantes peinent à se financer. Il y aurait près de mille deux-cents

aides12

à la création innovante en France. Ce sont des subventions, des aides régionales, des prêts d’honneur,

7 Le baromètre du capital risque France recense les opérations de financement en fonds propres des entreprises en phase

de création ou en phase dite d’amorçage.

8 Aude Fredouelle, JDN.fr [en ligne].

9 Après l’Allemagne et le Royaume-Uni.

10 « Business angels et capital-risque en France : les enjeux fiscaux », La Note d’analyse n°237, Centre d’Analyse Stratégique,

septembre 2011.

11 Ibid.

12 La Rédaction, « [Métro Startup] Les aides à la création sur un plan de métro ! », frenchweb.fr [en ligne], le 27 février 2012

Page 15: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

15

des aides de pépinières ou d’incubateurs. Et pourtant, des entrepreneurs se voient encore bloquées dans leur

développement, notamment car les investisseurs ont du mal à faire confiance dans cette phase dite d’« early-

stage ».

« Les contraintes financières des entreprises innovantes en phase de création sont d’une intensité particulière

compte tenu de l’asymétrie d’information entre l’investisseur et l’entrepreneur. L’accès restreint aux finance-

ments externes provient en premier lieu de la difficulté à évaluer le marché futur des entreprises innovantes,

l’entrepreneur disposant d’une meilleure vision prospective de son entreprise qu’un bailleur de fonds extérieur.

La proportion élevée d’actifs intangibles mis en jeu dans le processus d’innovation aggrave cette asymétrie

d’information. Cette difficulté entraîne des coûts importants d’assurance ou de contractualisation. En second

lieu, le caractère différé du retour sur investissement, d’autant plus marqué que l’apport de fonds se produit à

un stade précoce du projet, crée une restriction. Celle-ci est enfin accentuée par la faiblesse des collatéraux

pour le financeur, notamment en cas de projets à forte teneur immatérielle, ce qui exclut largement le recours à

la dette bancaire ».13

Les flux trésoriers et financiers sont au cœur du développement et de la vie de la startup. Dans cette phase, ses

besoins de financement varient de quelques milliers d’euros à plusieurs centaines de milliers d’euros. Aussi

étonnant que cela puisse paraître, cette première phase de financement, sollicitant moins d’un million et demi

d’euros environ, est la plus difficile à dépasser. En effet, la commercialisation n’est pas encore débutée ou vient

à peine de démarrer. Le chiffre d’affaire n’est pas révélateur de la potentialité de l’entreprise. Si elle repose sur

une innovation de rupture, on ne peut savoir comment le marché va l’accueillir. La difficulté pour trouver des

financements afin de continuer l’aventure est immense : prêter à ces jeunes pousses est souvent trop risqué

pour des établissements bancaires traditionnels, le capital-risque ne s’intéresse qu’aux entreprises déjà lancées

et prometteuses, le financement interne reste une option mais les moyens viennent souvent à manquer.

C’est sur cette question que s’interroge Frédérique Savignac dans son article « Quel mode de financement pour

les jeunes entreprises innovantes »14

. Elle y explique que le fort potentiel de croissance de ces entreprises inno-

vantes ne compense pas le risque élevé qu’elles représentent. Là se trouve le défi majeur des startups, « leur

statut d’entreprise en création, associé au caractère innovant de leur projet, renforce les traditionnels problèmes

d’asymétrie d’information avec les apporteurs de financement externes (Hall [2002], Belin et al.[2003])15

. En

13 « Business angels et capital-risque en France : les enjeux fiscaux », La Note d’analyse n°237, Centre d’Analyse Stratégique,

septembre 2011.

14 Savignac Frédérique, « Quel mode de financement pour les jeunes entreprises innovantes » Financement interne, prêt

bancaire, ou capital-risque ?, Revue économique, 2007/4 Vol. 58, p. 863-889.

15 Les références citées par l’auteur dans le texte sont :

BELIN J., CARO J.-Y, GUILLE M et LUBOCHINSKY C. [2003], « Innovation technologique et systèmes financiers », rapport

pour la Fondation Banque de France.

Page 16: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

16

particulier, les bailleurs de fonds ne possèdent pas ou peu de bilans passés qui les informent sur la performance

de l’entreprise. En outre, le contenu innovant du projet nécessite une expertise technique afin d’évaluer le risque

de l’investissement. Enfin, l’importance relative des actifs immatériels ne permet pas toujours aux banques de

disposer de garanties nécessaires à l’attribution d’un prêt (Jacquin [2003]).»

C’est pourquoi, explique-t-elle, la phase de création de l’entreprise et celle qui approche de la pénétration du

marché est la plus difficile à financer via du prêt bancaire. On parle de la phase « d’amorçage ». Durant celle-ci,

les entreprises ne peuvent techniquement pas fournir des garanties suffisantes et leur chiffre d’affaire, s’il y en a

déjà un, n’est pas encore significatif. Les jeunes pousses se tournent alors vers des investisseurs externes qui

sont pour la plupart des sociétés de capital-risque.

Le risque pour l’entrepreneur de se tourner vers ce type d’acteurs est de voir les règles de gouvernance de sa

société complètement chamboulées. La société de capital-risque cherche en effet une rentabilité maximale pour

ses investissements afin de compenser la prise de risque inhérente aux montants investis et à la faible maturité

de la société ciblée. « L’attribution de droits de contrôle permet à la société de capital-risque d’intervenir dans la

gestion de l’entreprise et ainsi de favoriser le remplacement du fondateur de l’entreprise si ses performances

sont jugées insuffisantes »16

Le startuper se retrouve alors face à un dilemme : ne pas trouver les fonds suffisants pour le développement de

sa structure ou bien risquer d’en perdre la gouvernance. L’aventure entrepreneuriale est déjà périlleuse avant

même d’aborder la question de la recherche de financements. Nous allons voir qu’elle devient une mission

quasi impossible quand on rajoute ce facteur.

HALL B. [2002], « Agency problems and the theory of the firms, Journal of Political Economy, 88, p. 298-307.

16 Savignac Frédérique, « Quel mode de financement pour les jeunes entreprises innovantes : Financement interne, prêt

bancaire, ou capital-risque ? », Revue économique, 2007/4 Vol. 58, p. 866

Page 17: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

17

La problématique de l’equity gap 2.

Des business angels au venture capital en passant par les aides étatiques, l’offre de financement semble très

vaste. Cependant, on observe, notamment en France, un equity gap important.

Figure 2 : sources de financement en fonction du cycle de vie des entreprises

« En France, les business angels consentent des investissements qui vont habituellement de 5 000 à 500

000 euros (Ernst & Young, 2007). Près de 70 % des investissements demeurent inférieurs à 50 000 euros, alors

que les montants requis pour créer une société innovante se situent en moyenne autour de 300 000 euros. Afin

de se rapprocher de ces besoins de financement, l’investissement en pool (co-investissement) est désormais

souvent pratiqué par les business angels mais il demeure éloigné de l’investissement moyen consenti en Europe

(deux fois plus). […] De surcroît, le seuil à partir duquel interviennent les capitaux-risqueurs est de plus en plus

élevé (1,5 à 2 millions d’euros) en Europe. Cette tendance accroît l’écart entre les premiers investissements ac-

cessibles et le seuil en dessous duquel les capitaux-risqueurs n’investissent plus (equity gap). Cela rend plus

complexe la recherche de capitaux pour la plupart des créateurs d’entreprise et met en évidence le rôle primor-

dial que jouent les business angels. En France, la distribution des financements au stade de démarrage fait ap-

Page 18: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

18

paraître une plage particulièrement faible de financement pour les tranches de capitaux comprises entre 80 000

et 1 million d’euros. »17

Ainsi, en Europe, et plus particulièrement en France, cet equity gap n’est pas comblé, ni par les business angels,

ni par les sociétés de capital-risque. Ceci conduit à réduire « le vivier de projets à fort potentiel, la rentabilité et

les chances de valorisation ultérieure de ces entreprises. »18

Dans ce contexte, le crowdfunding, et plus particulièrement l’equity-based crowdfunding – la prise de participa-

tion au capital d’entreprises par une « foule » d’internautes-investisseurs- est un phénomène qui explose. Il

représente une nouvelle possibilité de trouver des financements ainsi qu’un moyen pour le citoyen de se réap-

proprier son patrimoine et de se réconcilier avec l’économie locale.

Le crowdfunding, le nouveau Graal du financement ? 3.

Sébastien B., contributeur au site www.goodmorningcrowdfunding.com, propose une analyse de l’essor du

crowdfunding qui nous semble réellement pertinente.

Dans son article intitulé « Comment le crowdfunding va sauver l’économie française » il livre une vision dénuée

de tout idéalisme :

« Depuis les années 2005, les entrepreneurs et les politiques cherchent désespérément un nouveau souffle at-

tendu qui résorbera la dette de la France, avec nos atouts et la recette qu’on ne demande qu’à appliquer : in-

novation, dépôt de brevets, recherche et développement, création d’emploi, notamment au sein des PME, puis

ré-industrialisation dans les grandes entreprises, et export de notre réussite à l’international. Pour passer de la

théorie à la pratique, dans un monde bancaire et bientôt un monde tout-court « sans cash » hormis quelques

pays qui ne connaissent pas la crise dans le monde, et qu’on compte sur le bout des doigts, d’où viendra

l’argent nécessaire et la dynamique ? »

« Il fallait l’inventer : le Graal dans cette équation complexe est le financement par la foule, le crowdfunding.

17 « Business angels et capital-risque en France : les enjeux fiscaux », La Note d’analyse n°237, Centre d’Analyse Stratégique,

septembre 2011.

18 Ibid.

Page 19: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

19

En effet, le Crowdfunding palie à tous les inconvénients des financements « classiques » des banques et des

investisseurs institutionnels en phase initiale d’amorçage ou de développement post recherche et développe-

ment :

• Manque de cash généralisé des banques et de l’état en soutien aux PME

• Lenteur des banques sur le financement d’un projet

• Prise de risque très réduite des banques dans les PME innovantes, sur des sujets difficiles, sans pouvoir

mesurer l’appétence des futurs clients

• Peu de cash chez les investisseurs français (« Venture Capitalists ») en phase post R&D, relativement à

d’autres pays comme les USA. Les « VC » français sont « pauvres » comparés aux VC Américains ou Anglais.

Alors que les français sont économes et épargnent.

• Manque de « nez » des investisseurs. Combien d’investisseurs institutionnels se sont « trompés », n’ont

pas compris un nouveau modèle, n’ont pas cru à une innovation ? L’intelligence collective a et aura toujours

raison. Cent mille contributeurs volontaires auront raison contre un board de 5 investisseurs qui n’auront pas

voté à l’unanimité sur un GO un lundi matin. Cent mille contributeurs, qui deviendront des clients de cette nou-

velle startup, en parleront à des amis.

• Inefficacité et inexistence des études de marché sur les inventions du futur : comment demander en

effet, par exemple avant la création de Twitter, combien de personnes utiliseraient Internet pour s’envoyer des

SMS et échanger des brèves de quelques mots dans le monde entier ? Avec quelle croissance ? Avec quel taux

de pénétration ? Comment estimer, avant la création de Paypal, combien de personnes vont utiliser leur E-mail

comme un numéro de compte bancaire et « recevoir de l’argent sur leur Email » ? » 19

Le crowdfunding répondrait alors à toutes ces problématiques. Il redonne confiance en l’avenir aux entrepre-

neurs, en leur offrant une nouvelle source de financement et un moyen de tester leurs idées et leurs produits

auprès d’une communauté virtuelle. Il rassure les investisseurs en leur permettant de s’emparer de leur épargne

pour financer des projets qui comptent pour eux. Le tout en tout anonymat, derrière leur écran d’ordinateur.

19 Sebastien B. « Comment le crowdfunding va sauver l’Économie Française », goodmorningcrowdfunding.com [en ligne],

18 Avril 2014.

Page 20: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

20

Chapitre 2. Un manque dans la chaîne de financement des entreprises.

Nous allons tenter de dresser une cartographie des acteurs du financement ainsi qu’une représentation

du chemin que le créateur d’entreprise doit parcourir avant de « décoller ». Nous allons analyser dans quelles

mesures le constat que nous venons de dresser peut être vérifié. Comment les acteurs du financement cohabi-

tent-ils ? Pourquoi cet environnement est-il si peu lisible ?

« Plus une entreprise est jeune, plus elle risque de mettre la clé sous la porte. Principale cause de défaillance? Le

manque de financement. Pourtant, comme le démontre notre panorama, les solutions ne manquent pas. Et,

bien utilisées, elles multiplient les chances de succès: " 86 % des entreprises aidées par Initiative France existent

encore au bout de trois ans, contre 66 % pour celles qui ne sont pas soutenues ", estime ainsi Louis Schweitzer,

le président de ce réseau de financement des créateurs et repreneurs. D'où l'importance que les entrepreneurs

accordent à cette course au cash. »20

Afin de se rendre compte du parcours du combattant que représente la création d’entreprise pour le futur chef

d’entreprise, Antoine Vialle et Sophie Perot ont recensé toutes les sources de financement qui permettent de

faire croître les jeunes pousses. Ils les ont matérialisés sur un plan de dix lignes de métro21

correspondant à

différents types de financement : levée de fonds, incubateurs, prêts bancaires, fiscalité etc…22

20 Adrien Guilleminot « Huit pistes pour le financement de sa création d'entreprise », Lentrepise.lexpress.fr [en ligne], 14

mai 2014.

21 Voir ANNEXE 1.

22 La Rédaction, « [Métro Startup] Les aides à la création sur un plan de métro ! », frenchweb.fr [en ligne], le 27 février 2012.

Page 21: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

21

Figure

3 : D

éta

il du p

lan M

ETR

O S

TA

RTU

P –

Ligne d

e le

vée d

e fo

nd

s.

Page 22: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

22

Cet agrandissement ne correspond qu’à un quart du plan total figurant en annexe. Pourtant nous voyons déjà

la multitude d’offres et d’acteurs du financement. Nous allons donc nous concentrer sur trois entités bien an-

crées dans l’écosystème qui interagissent entre elles : l’Etat, les fonds de capital-risque et les business angels.

Nous laissons de côté le crowdfunding qui fera l’objet d’un chapitre à part. Le but est ici de dresser un pano-

rama de l’environnement dans lequel les business angels s’inscrivent et dans lequel le financement participatif

est né.

Nous avons donc tenté de faire figurer sur la même page les différentes sources de financement, les sources de

conseils et de support au développement, le niveau de maturité de l’entreprise et les montants levés.

En s’appuyant sur le document intitulé « Guide des missions de l’expert-comptable en financement », produit

par l’ordre des Expert-comptables23

, nous avons élaboré la cartographie des acteurs du financement suivante :

23 Guide des missions de l'Expert-Comptable en financement de l'entreprise, Ordre des Expert-comptables, octobre 2010.

Page 23: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

23

Figure 4 : cartographie des acteurs du financement en fonction du stade de développement de l’entreprise.

Source : E.Manthé. (2014). Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity » -Sciences Po Aix-en-Provence.

Page 24: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

24

« Le capital de départ provient généralement des propres fonds de l’entrepreneur ou de son cercle familial,

d’un prêt bancaire, ou de l’octroi d’aides publiques à la R&D. Le capital d’amorçage provient le plus souvent

des business angels qui interviennent très en amont du processus de financement, permettant notamment aux

créateurs de faire la preuve du concept technologique ou commercial. Il s’agit de personnes physiques qui

investissent directement une part de leur patrimoine dans des entreprises innovantes, à travers plusieurs instru-

ments de dette ou de fonds propres. Après une forte sélection des entreprises en phase de créa-

tion/démarrage, leur intervention est souvent suivie d’un accompagnement où ils mettent à disposition leur

expérience, leurs compétences stratégiques et leurs réseaux relationnels. De par leur double apport en compé-

tence et en capital, leur plus faible aversion au risque et leur réactivité, ils sont des acteurs importants du finan-

cement initial des jeunes entreprises à fort potentiel de croissance.

Le capital-risque prend des participations souvent minoritaires au capital d’entreprises déjà juridiquement cons-

tituées et disposant d’un fort potentiel de croissance et de rentabilité, pour une durée généralement limitée à

celle prévue pour la réussite du projet (trois à sept ans)(9). Ces investisseurs s’exposent aux risques de

l’entreprise sans garanties, mais ils mutualisent ces risques au sein d’un fonds. Certains États compensent une

part significative des pertes potentielles sous forme de déduction des pertes. Par la suite, les entreprises peu-

vent faire appel à du capital-développement si besoin, en vue d’accélérer plus avant leur croissance interne ou

externe. Une fois mature, l’acquisition, la transmission ou la cession de l’entreprise s’effectue via le capital-

transmission ou leveraged buy-out (LBO), ou du capital-retournement en cas de difficulté. »24

Nous allons approfondir le rôle de chacun des acteurs en partant des acteurs aux capacités d’investissement les

plus importantes jusqu’aux « nouveaux » acteurs, finançant des montants plus modestes. Nous laissons sciem-

ment de côté les Fonds divers et variés (fonds stratégiques d’investissement, fonds commun de placement à

risque, etc.) qui sont des outils de financement complexes et hors du champ d’intervention des business angels

ou du crowdequity. Nous nous appuierons sur l’article de Martin Kessler, « Comment financer l’innovation ? »25

tout au long de ce chapitre. L’auteur y rappelle notamment que le financement de l’innovation soulève les

même problématiques que les autres types d’investissement « mais en étant à la fois accentuées et cumulées

[Hall,2005]. En effet, l’activité de recherche et développement est plus incertaine. […]. L’information y est plus

asymétrique […]. »26

24 « Business angels et capital-risque en France : les enjeux fiscaux », La Note d’analyse n°237, Centre d’Analyse Stratégique,

septembre 2011.

25 Kessler Martin, « Comment financer l'innovation ? », Regards croisés sur l'économie, 2008/1 n° 3, p. 173-176.

26 Op.cit., p.174

Page 25: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

25

Il évoque les différents moyens pour un entrepreneur de lancer son projet. La solution de l’autofinancement est

selon lui préférée par les entreprises innovantes. Les chiffres rapportés sont les suivants : « 30% des chefs

d’entreprises innovantes déclarent ne pas pouvoir mener à bien leurs projets par manque d’accès à des capi-

taux, et il apparait que 73,8% des dépenses de R&D réalisées par les entreprises de plus de 20 salariés sont

autofinancées. »27

. Ce qui pose évidemment le problème des structures de moins de vingt salariés qui sont en

phase de lancement – et n’ont pas les fonds propres nécessaires pour s’autofinancer.

Les acteurs traditionnels 1.

a. L’Etat et les régions : entre soutien et complexité.

Réservées aux demandeurs d'emploi, destinées à financer la recherche, nationale ou régionale... Il existe 6 000

types d'aides aux entreprises. Le tout est de dénicher celle qui correspond à son projet28

et de consacrer suffi-

samment de temps à la constitution des dossiers de demande de subventions.

Martin Kessler s’interroge alors sur la place de l’intervention publique. Celle-ci doit pouvoir contrer des « vides »

dans la courbe de financement. En répartissant ses aides selon des critères objectifs, l’Etat doit pouvoir, en théo-

rie, favoriser également toute les entreprises innovantes, petites ou grandes.

Ceci pose deux problèmes.

Le premier est que les entreprises innovantes ne sont pas sur un pied d’égalité en ce qui concerne la recherche

de subventions. Nous l’avons vu, démarcher les acteurs du financement, explorer toutes les aides possibles et

constituer des dossiers est extrêmement chronophage. Or dans les premiers mois de l’entreprise, le proverbe

« le temps est de l’argent » prend tout son sens. Le temps consacré à la recherche de fonds est autant

d’énergie qui n’est pas passée à développer l’innovation et la commercialisation des produits de l’entreprise.

Le second est que « rien ne dit que l’Etat sera plus à même que les investisseurs de distinguer les bons projets

des mauvais, ou ceux qui seraient financés autrement de ceux qui nécessitent réellement des fonds publics ».29

De plus, il est très difficile d’évaluer les effets que peuvent avoir ces aides. Elles peuvent tout aussi bien se tra-

27 Ibid.

28 Adrien Guilleminot , op.cit.

29 Op.cit. p.176.

Page 26: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

26

duire par une « substitution totale »30

- un euro public conduit au retrait d’un euro privé – ou par des « effets

d’entraînement » - un euro public conduit à l’ajout de n euros privés.

L’auteur conclue sur ce type de soutien aux entreprises en nuançant son propos : « le financement public est

nécessaire, mais il convient d’être attentif aux détails institutionnels et règlementaires régissant l’attribution des

aides ».31

L’Etat est ainsi impliqué dans la chaîne de financement des entreprises de son territoire mais navigue parfois à

vue. La Banque Publique d’Investissement (BPI) en est l’exemple. C’est une sorte de « boîte à outils » qui permet

à la fois de financer un actif immatériel, regarnir sa trésorerie, financer ses exportations ou même augmenter

son capital... Son rôle majeur est celui de garant d’emprunts bancaires (à hauteur de 4,6 milliards d'euros en

2013), mais « l'organisme de financement public s'est vraiment déployé tous azimuts, du plus court terme aux

prises de participation longue durée, des TPE aux mastodontes.»32

b. Les sociétés de capital-risque : un fort potentiel d’investissement qui peut chambouler la gouver-

nance de la startup.

Lorsque que Martin Kessler s’attarde sur le capital-risque il parle d’une « intermédiation expérimentée »33

.

Pour rappel, les fonds de capital-risque – ou sociétés de capital-risque – financent des jeunes entreprises inno-

vantes, les fameuses startups, qui n’ont pas encore accès aux marchés financiers et qui sont difficilement éli-

gibles pour s’endetter auprès d’établissements bancaires traditionnels.

Les venture capital se sont développées aux Etats-Unis durant l’année 1946. La plupart sont spécialisés en capi-

tal-amorçage mais certaines se concentrent sur le capital retournement en s’intéressant uniquement aux entre-

prises en difficulté. « La crise les a rendus sélectifs. Et prudents. " Les fonds d'investissement sont plus longs à se

décider, et mettent davantage de garde-fous ", constate Guillaume-Olivier Doré, créateur d'Agregator Capital.

Conséquence : plus personne n'investit seul, et la clé du succès est de savoir quand faire " rentrer " les plus gros

investisseurs qui pourront prendre le relais à l'avenir. »34

Leurs investissements sont considérés comme risqués mais le risque est maîtrisé. En effet, « les capital-risqueurs

s’appuient sur leur expérience du secteur, leur implication dans le développement de l’entreprise (en particulier

30 Ibid

31 Ibid.

32 Adrien Guilleminot op.cit.

33 Kessler Martin, op.cit. p.175

34 Adrien Guilleminot, op.cit.

Page 27: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

27

au niveau du Conseil d’administration, dont les droits de surveillance sont renforcés), sur des contrats financiers

complexes, et surtout sur la facilité d’introduction des titres sur les marchés « publics ». Cette facilité permet aux

investisseurs de vendre leurs parts de la firme sur le marché boursier pour réinvestir dans de nouvelles startups,

ce cycle étant le principal moteur de l’innovation. »35

Les Business angels ou les investisseurs-accompagnateurs. 2.

a. La volonté de combler un manque dans la courbe du financement

L’angelat n’est pas un phénomène nouveau. A l’instar des mécènes qui agissent dans la sphère culturelle, les

business angels opèrent dans le monde économique. Ce sont des investisseurs personnes physiques qui inves-

tissent leur propre patrimoine dans une entreprise innovante à fort potentiel. Ils sont généralement regroupés

dans des réseaux afin de mutualiser leur expertise, leur réseau relationnel et leurs capacités de financement,

bien que certains restent en dehors de ces « clubs ». La reconnaissance du rôle économique de ces réseaux et

leur émergence date de 1958. En effet, le Small Business Investment Act est alors signé aux Etats-Unis et re-

groupe des mesures fiscales attrayantes. Le législateur américain souhaitait inciter ces investisseurs à combler

« l’equity gap », ce fossé entre la love money – somme d’argent que l’entreprise peut trouver auprès de ses

amis, sa famille, etc – et les fonds dont elle a besoin pour se lancer ou se développer.

Une étude commanditée par le Department of Commerce en 1986-88 et couvrant par sondage 240 000 entre-

prises et près de 35 000 investisseurs, est probablement l’étude quantitative la plus solide statistiquement sur les

Angels. Elle fait apparaître que dès 1988, il y avait 500 000 angels aux États-Unis, déversant environ 60 milliards

de dollars annuellement sur les créations et démarrages d’entreprise, environ dix fois plus que le capital-risque

de l’époque.36

Ils sont donc loin d’être de nouveaux acteurs dans le paysage du financement.

b. Historique et évolution des réseaux en France

Si au Royaume-Unis on compte environ 40 000 business angels, aux Etats-Unis ils sont plus de 400 000 business

angels recensés en tant qu’investisseurs qualifiés aujourd’hui. En France on estime leur nombre à 8 000 per-

sonnes37

. Au 31 décembre 2012, 4100 d’entre eux faisaient parties des 82 réseaux associatifs fédérés au sein de

35 Op.cit. p.175.

36 Robert J.Gaston et Sharon Bell, « The informal supply of capital » Applied Economic Group.

37 Franceangels.org [En ligne]

Page 28: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

28

France Angels, fédération des réseaux de business angels en France.38

Quatre ans après sa fondation, en 2005,

seuls 38 réseaux étaient fédérés et 1 600 business angels en faisaient partie39

.

Concernant le nombre de dossiers financés, le nombre a augmenté exponentiellement : 160 en 2005, pour un

montant global investi de 16 millions d’euros contre 327 en 2011, pour un montant global investi de 44,5 mil-

lions d’euros.

Le nombre de business angels, les montants investis et la force de financement des réseaux ont augmenté de

façon conséquente, profitant notamment d’incitations fiscales et d’une situation économique clémente. Depuis

2008, les indicateurs sont cependant redevenus pessimistes. BFM Business s’est associé avec France Angels pour

produire un « baromètre des business angels » traduisant les grandes tendances des réseaux.

Figure 5 : Evaluation de la situation des business angels au 2eme semestre 2013

Source : Baromètre des business angels – BFM Business 2014

Il s’avère que les business angels sont plus frileux dans leurs investissements, à la fois en termes de montants et

de fréquence. Le nombre de membres augmente mais les montants de prise de participation stagnent. Cela

signifie que l’intérêt de ces investisseurs pour l’accompagnement des jeunes entreprises reste inchangé. Ils con-

tinuent de jouer un rôle de conseil mais limitent leur rôle économique.

c. Qui sont-ils ?

Jean Redis et Gilles Certhoux40

, professeurs, signent un article41

synthétique dans lequel ils résument ce que sont

fondamentalement les business angels.

38 Franceangels.org [En ligne]

39 Franceangels.org [En ligne]

Page 29: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

29

« Dotés d'une expérience d'entrepreneurs ou de cadres dirigeants, les Business angels sont des investisseurs

actifs prêts à s'impliquer auprès de l'entrepreneur. Ils investissent souvent sur un « coup de cœur », motivés par

une volonté d'aider de jeunes entrepreneurs à réussir ou de participer à des aventures entrepreneuriales. Les

Business angels se voient eux-mêmes davantage comme des co-entrepreneurs que comme que des investis-

seurs.[…] Les business angels ont un degré d'aversion au risque plus faible que d'autres catégories d'investis-

seurs : une majorité de leurs investissements s'effectue durant la phase d'amorçage des projets, qui est la plus

risquée (75% de ces investissements ont constitué le premier apport en capital de ces entreprises, souvent pour

financer les frais préalables à la mise sur le marché de leur premier produit ou service). Ils font preuve d'une

capacité de décision rapide car ils investissent leur propre argent. Une relation directe va s'établir tout au long

du processus d'investissement (depuis la présélection du dossier jusqu'à la sortie), de nature à créer un fort «

intuitu personae » et donc un fort sentiment de confiance entre les Business angels et l'entrepreneur. »

Dans leur recherche, les professeurs Redis et Certhoux citent les professeurs C. Munck et C. Saublens qui ont

établis quels sont les quatre apports des business angels aux entreprises dans lesquelles ils prennent des parti-

cipations. Ils les classent ainsi 42

:

- une aide pour surmonter leurs difficultés de financement : ils représentent souvent la première source

de financement extérieur de l'entreprise,

- une implication aux côtés de l'entrepreneur en le conseillant/coachant dans ses choix stratégiques et

dans ses décisions de management, de gestion, de marketing et de développement commercial,

- un apport de « capital social » permettant à l'entrepreneur d'avoir accès à leurs réseaux de contacts,

- une capacité à faire obtenir aux entrepreneurs des financements complémentaires auprès des ICR in-

vestisseurs en capital-risque et des banquiers car ils représentent une forme de « caution » : leur pré-

sence au capital de l'entreprise rassure les autres financeurs sur le potentiel de développement de l'en-

treprise.

En un mot, le business angel est un « actionnaire-accompagnateur »43

. Ce qui conduit Patrick Valéau à dire que

les « Business angels ont un positionnement que l’on peut qualifier d’équitable, dans la mesure où il se situe

40 Gilles Certhoux est Professeur à Audencia Nantes Ecole de Management, Membre fondateur de Ouest Angels.

Jean Redis est Professeur associé à ESIEE Paris, Université Paris Est, Chaire transversale de recherche en Entrepreneuriat &

Innovation CCIR, IRGO – Equipe Entrepreneuriat & Stratégie

41 Gilles Certhoux et Jean Redis, « Business angels et acteurs du financement participatif : partenaires ou concurrents ? », 26

novembre 2013.

42 Ibid.

43 Gilles Certhoux et Emmanuel Zenou, « Gouvernance et dynamique de l'actionnariat en situation entrepreneuriale : le cas

des business angels »

Page 30: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

30

entre un extrême affectif (celui des investisseurs parents ou amis) et un autre, beaucoup plus détaché et calcula-

teur (celui des sociétés de capital-risque) ». 44

En résumé, l’on peut affirmer que l’intervention des business angels constitue un soutien décisif pour le proces-

sus de création de certaines entreprises, comme le montre le schéma suivant, issu d’un rapport d’Ernst&Young

daté de 2007.45

Figure 6 : Influence de l’action des business angels pour les bénéficiaires

Source : Evaluation de l’action des Business Angels – ERNST&YOUNGS BAS 2007.

d. La difficulté de se positionner face aux autres acteurs

Pourtant les business angels eux-mêmes peinent à se positionner dans la chaîne du financement. La question

du rôle économique de ces derniers est fondamentale. En effet, ces investisseurs-accompagnateurs sont venus

combler un manque dans la courbe de financement de l’entreprise à fort potentiel. C’est donc un rôle primor-

dial qui leur a été attribué mais il l’a été par défaut. Ils prennent des risques plus importants que des capital-

risqueurs qui, eux, ont des fonds conséquents et vont pouvoir accuser le coup s’ils doivent faire face à la faillite

de l’une de leurs participations. De plus, ils sont plus téméraires que les amis ou les familles des entrepreneurs

puisqu’ils ne les connaissent pas personnellement et doivent appréhender une forte asymétrie de l’information.

44 « Implication organisationnelle, anxiété et états affectifs au travail », Dans Revue internationale de psychologie sociale

2011/1 (Tome 24) Revue de l'Entrepreneuriat 2006/1 - Vol. 5 pages 13 à 29

45 Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche – Evaluation de l’action des Buisiness Angels –

ERNST&YOUNGS BAS 2007.

Page 31: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

31

Ils font donc partie intégrante de la chaîne de financement mais ils sont tour à tour décris comme amateurs puis

comme professionnels, comme une alternative aux fonds de capital-risque puis comme acteurs traditionnels du

financement.

En se fédérant au niveau national, les quatre-vingt-deux réseaux gagnent en visibilité et en professionnalisme.

Cependant la problématique reste entière : qui sont-ils ? Quel est leur positionnement stratégique ?

C’est une définition toute relative qui peut répondre à cette interrogation. Ils viennent compléter l’offre des

autres acteurs. Ils se définissent de façon négative (au sens premier du terme). Ils sont ce que les autres ne sont

pas, dans un jeu de perception mouvant. Or le jeu du financement a été chamboulé dernièrement avec

l’explosion du crowdfunding. Nous allons revenir plus en détail sur ce phénomène mais il convient de l’évoquer

dès à présent pour comprendre le positionnement des business angels aujourd’hui.

Le financement participatif est un mode de financement coopératif existant depuis toujours. Au même titre que

les business angels seraient les nouveaux mécènes, le crowdfunding est une version 2.0 d’un phénomène an-

cien. Nombre de projets ont été financés par ce biais, des représentations théâtrales à la construction de la

statue de la liberté en 1885!46

Benjamin Wattine, fondateur de SoWeFund n’hésite d’ailleurs pas à le rappeler :

« Ce qu’on oublie c’est que les business angels faisaient du crowdfunding bien avant que ce ne soit un effet de

mode. Le mécénat, l’appel à la contribution de la foule pour financer du théâtre de rue, etc., tout cela existe

depuis toujours. Ce qui change ici c’est l’internet et le nouveau 2.0. Ca a tout chamboulé. »47

Comme nous l’avons déjà évoqué il existe plusieurs types de crowdfunding que nous aurons l’occasion de sur-

voler et qui n’entrent pas en concurrence avec l’offre des business angels. Cependant, si nous nous concentrons

sur le crowdequity, il y a une confrontation bien réelle. Ce « nouvel » acteur intervient sur des montants de

financement à peu près équivalents – entre cent mille euros et un million d’euros- et dans des secteurs aussi

divers que ce que font les business angels : écologie, sciences, technologies, services. Mais étant arrivé plus

récemment dans l’écosystème, le crowdfunding a conduit les business angels à passer d’amateurs à profession-

nels, par simple glissement sémantique. Selon Benjamin Wattine, « cela entraine d’ailleurs une sacrée opposi-

tion entre acteurs traditionnels et nouveaux. L’un des côtés positifs de l’essor du crowdfunding auquel on ne

s’attendait pas est la perception des business angels comme des acteurs traditionnels. Quand bien même ils

ont longtemps été jugés comme les « petits nouveaux ». Le crowdfunding permet de professionnaliser les busi-

ness angels en un sens. »48

46 « The Statue of Liberty and America's crowdfunding pioneer, », www.bbc.com [en ligne] 24 April 2013

47 Entretien Benjamin Wattine. Voir annexe.

48 Entretien Benjamin Wattine. Voir annexe.

Page 32: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

32

La question du positionnement des business angels par rapport au financement participatif soulève d’ailleurs le

débat au sein des réseaux.

Les sept réseaux de business angels de la région PACA ont pour coutume de se réunir bi-annuellement pour

partager deal flow (flux de projets), informations et idées. Lors de la session de janvier 2014, la question s’est

posée de savoir quelle était la position des réseaux vis-à-vis du phénomène du financement participatif. Il en est

ressorti que si France Angels souhaitait temporiser le débat le temps que soit précisé le projet de loi, le crow-

dfunding était en tout état de cause un phénomène qu’il ne fallait pas ignorer.

Certains réseaux considèrent qu’il faut le prendre en compte pour mieux le combattre en conservant une posi-

tion claire et ferme. Les business angels ne devraient rien à voir à faire avec des plateformes de financement,

qui ne sont ni plus ni moins que des startups dont on attend encore validation du business model.

D’autres, moins tranchés, y voient un nouveau mode de financement parmi d’autres, qui a pour avantage de

fédérer une communauté d’early adopters pour artistes ou créateurs de leur « petite entreprise » en mal de

quelques milliers d’euros pour se lancer. Selon eux, le crowdfunding se limite aux dons et aux récompenses,

éventuellement aux prêts, mais ne souffre pas la comparaison avec ce que font des business angels, « des

vrais ».

Les derniers, enfin, pensent que les plateformes peuvent apporter des compléments de financement pour des

tours de tables qu’eux-mêmes organisent. Deux des sept réseaux ont d’ores et déjà signés des partenariats avec

des plateformes de crowdequity, voire même déjà co-investis avec.49

En conclusion de ce chapitre, nous pouvons dire qu’il y a une réelle zone grise dans le financement des

jeunes entreprises qui se situe entre la phase de lancement et le stade des premiers succès. Les capitaux-

risqueurs et les entités étatiques, malgré des forces de frappes conséquentes financièrement, ne parviennent

pas à couvrir toute la chaîne de financement, en partie parce qu’ils ne le souhaitent pas. Face à l’importance de

l’asymétrie d’information qui existe lors de l’early-stage d’une entreprise les capitaux-risqueurs ne prennent des

risques que s’ils sentent poindre un potentiel énorme. Les entités publiques quant à elles, doivent encadrer

strictement l’attribution des aides afin de limiter les pertes. Les business angels sont venus combler ce manque

dans la chaine depuis la fin du siècle dernier. Ces investisseurs, personnes physiques, ont décidé de faire bouger

les choses pour répondre aux vrais besoins des entrepreneurs. Perçus comme des amateurs et les « petits nou-

veaux » ils ont mis du temps à prouver leur légitimité. Désormais, c’est le crowdfunding, et plus spécifiquement

le crowdequity qui prend le relais dans ce rôle d’outsider.

49 « Statement on Business angels and Equity Crowdfunding » BAE s, 29 Juillet 2013.

Page 33: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

33

Le crowdfunding arrive dans un contexte entrepreneurial relativement difficile. C’est un phénomène

économique plein de promesses qui annonce une révolution dans le financement, un phénomène social qui

assure que les internautes sont des business angels en puissance et qui devient, petit à petit, un phénomène

politique dont s’empare la presse et le gouvernement qui le portent à bout de bras, tel un étendard moderne

derrière lequel on se rassemble, derrière lequel on reprend confiance.

Page 34: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

34

Chapitre 3. L’explosion du crowdfunding : évolution ou révolution ?

« Tout ce qui est nouveau dans l'univers de la finance brille comme l'or. L'or qui chatoie, les financements qui

sourient, l'argent qui n'est pas qu'avidité voilà ce qu'épargnants comme emprunteurs, particuliers comme en-

treprises, chacun attend et que les banques ne parviennent pas à fournir. Il y a un vide. Il se comble. L'économie

est comme la nature. Le crowdfunding est une des réponses à ces manques. 50

– Pascal Ordonneau

typologie du crowdfunding 1.

Le financement participatif offre un large panel de possibilités pour financer des projets. Nous les confondons

souvent car toutes ces options sont regroupées sous le terme générique de « crowdfunding » mais il convient

de bien les distinguer pour mieux les comprendre51

.

Figure 7 : Les principales formes de financement en fonction de la complexité des process.

Source : Hermer et al. (2011a).

On classifie traditionnellement le crowdfunding en quatre grandes catégories :

o donation (don simple): l’internaute donne gracieusement une somme d’argent pour soutenir un projet.

On retrouve cette pratique principalement dans le domaine culturel ou humanitaire.

50 Pascal Ordonneau, « Crowdfunding: Finance émotionnelle ou rationnelle? », lesechos.fr [en ligne] le 29 mai 2014.

51 Joachim Hemer « A Snapshot on Crowdfunding » Working Papers Firms and Region No. R2/2011.

Page 35: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

35

o reward-based (don contre récompense): l’internaute soutient un projet et reçoit une contrepartie. Il

peut, par exemple, acheter par avance l’album d’un chanteur pour lui permettre d’en financer

l’enregistrement. Le système de récompense n’est pas figé et dépend du projet et de celui qui en est à

l’origine. Un lien de confiance s’établit entre l’internaute et son « poulain » puisque rien ne contraint ce-

lui qui lève des fonds à tenir sa parole et à récompenser effectivement ses donateurs.

o Lending (prêt): il existe deux types de prêts : le prêt entre particuliers et le prêt aux entreprises. Les

prêts peuvent être fait gratuitement ou rapporter des intérêts, toujours inférieurs aux taux pratiqués par

les établissements bancaires.

o Equity based (par souscription d’actions) : les internautes investissent une somme d’argent au capital

des entreprises en espérant recevoir des dividendes et/ou être associés à la plus-value faite lors de la

revente de l’entreprise. Ce modèle est plus complexe que les trois autres. En effet il a des implications

juridiques et financières beaucoup plus lourdes. D’autre part, les retours potentiels sur investissement

se font sur du long-terme. Nous l’avons déjà précisé en introduction, c’est cette branche du crowdfun-

ding à laquelle nous nous intéresserons tout au long de cette recherche.

Caractéristiques du crowdfunding 2.

Le crowdequity ne fait l’objet de recherches que depuis récemment, étant donné qu’il ne représentait

qu’une petite part du marché. Nous allons donc nous inspirer de recherches ayant été menées sur le non-

equity crowdfunding (reward based et donation) afin de comprendre les caractéristiques principales du phéno-

mène. Nous allons faire un état des lieux de ce que nous savons déjà sur le crowdfunding, grâce aux recherches

antérieures, avant d’aller plus loin dans la réflexion sur le crowdequity.52

1. L’investissement n’est pas déterminé géographiquement. Quand Sellaband, une plateforme de

partage de musique fondée en 2006 à Amsterdam a ouvert son capital, 86% des fonds prove-

naient d’investisseurs basés à plus de 96 kilomètres du siège social. La distance moyenne entre les

créateurs et les investisseurs était même de 4 800 kilomètres (Agrawal, Catalini, and Goldfarb,

2011).

2. Investir est hautement biaisé : sur la même plateforme, alors que 61% des créateurs n’ont pas ré-

ussi à lever de l’argent, 0,7% d’entre eux comptabilisent plus de 73% des fonds levés entre 2006 et

52 Ajay Agrawal, Christian Catalini, & Avi Goldfarb, « Some Simple Economics of Crowdfunding », University of Toronto,

Rotman School of Management , June 1, 2013.

Page 36: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

36

2009. (Agrawal, Catalini, and Goldfarb, 2011). Par exemple sur Kickstarter : 1% des projets repré-

sentent 36% des fonds levés et 10% représente 63%. (Agrawal, Catalini, and Goldfarb, 2013).

3. La propension à investir dans un projet augmente avec l’accumulation de capital. Sur Sellaband,

sur une semaine donnée, les investisseurs étaient deux fois plus enclins à investir dans des projets

ayant atteint 80% de leur objectif de levée de fonds, par rapport aux projets ayant atteint 20%.

L’accélération est particulièrement forte à la fin de la campagne de levée de fonds. Dans le même

temps, les projets qui lèvent rapidement des fonds au départ observent un ralentissement au mi-

lieu du processus par un effet d’attentisme de la part des internautes-investisseurs. C'est-à-dire

qu’il y a une réduction de la propension à investir de la part de nouveaux investisseurs qui ont

l’impression que l’objectif de levée de fonds va être atteint de toute façon. (Kuppuswamy and

Bayus, 2013).

4. L’investissement financier de la part des amis et de la famille joue un rôle clé durant les débuts de

la campagne. Les amis et la famille investissent de façon disproportionnée dans les premières

phases de la campagne et envoient de fait un signal positif aux futurs investisseurs qui ont plus

confiance dans le projet (Agrawal, Catalini, and Goldfarb, 2011).

5. Les investisseurs et les créateurs sont par nature trop optimistes à propos des résultats. Sur Sella-

band, après que les premiers artistes financés échouèrent à envoyer les récompenses promises

aux investisseurs, ceux-ci révisèrent leur attentes à la baisse.

De même, Kickstarter a dû durcir ses règles de fonctionnement suite à de nombreux retards dans la livraison de

produits préachetés ou des récompenses promises par les créateurs. Dans les catégories technologie et design,

la plateforme estime que plus de 50% des produits sont livrés en retard (Mollick, 2013).

6. Le crowdfunding en capital peut se substituer aux sources traditionnelles de financement telles

que les prêts, l’appel au capital familial ou à la love money. (Agrawal, Catalini, and Goldfarb,

2013).

Page 37: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

37

Le marché du crowdfunding 3.

« Seul 20 % des français connaissent le crowdfunding aujourd’hui. On estime l’épargne des français à 100 mil-

liards. Imaginez ce qu’il reste à faire. » - Leguideducrowdfunding.com

a. Marché mondial

Le marché mondial du crowdfunding est en plein essor. Les prévisions de Forbes concernant ce marché sont

très optimistes : le crowdfunding représenterait un potentiel de 1000 milliards de dollars en 202053

.

Figure 8 : Evolution du marché du crowdfunding depuis 2011.

Source : Smartangels.com

D’après un rapport Massolution, ce dispositif a dégagé 2,7 milliards de dollars (2,06 milliards d’euros)

cette année, soit une hausse de 81 % par rapport à 2011, au bénéfice de 1,1 million de projets financés en 2012

(+81% par rapport à 2011). Ces informations ont été collectées sur les 308 plateformes de financement partici-

patif présentes dans le monde.

Toujours suivant l’institut Massolution, les Etats-Unis sont géographiquement les leaders dans le financement

participatif avec plus de 59% des sommes levées au niveau mondial, alors que l’Europe représente 35%. Les

taux de progression sont également largement en faveur des Etats-Unis qui ont connu une croissance de 105%

alors que l’Europe progressait « seulement » de 65% Dans les différentes formes que prend le financement

participatif, le don est la plus importante avec 1,4 milliards de dollars suivi par le prêt qui représente 1,2 mil-

53 «What's In Store For Crowdfunding And Angel Investors », forbes.com [en ligne], 31 décembre 2012.

Page 38: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

38

liards, concentrés dans les pays anglo-saxons (Etats-Unis et Royaume-Uni). Le financement en equity ne repré-

sente quant à lui que 116 millions de dollars54

.

Par ailleurs, le nombre estimé de sites dédiés au financement participatif était de 283 en 2010, 434 en 2011 et

536 en 2012. En 2012 toujours, la répartition des financements en fonction du type des projets s’est fait de la

façon suivante :

Figure 9 : répartition du marché du crowdfunding par type de projet.

Source : E.Manthé. (2014). Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity » -Sciences Po Aix-en-Provence.

Nous l’avons vu, le marché du crowdfunding peut être segmenté par catégories (reward-based, don, equity-

based, lending). On peut en déduire le schéma suivant :

Figure 10 : Evolution des fonds collectés en fonction du type de financement participatif

Source : PANORAMA - Business angels – Crowdfunding, Laurent Javaudin – Mai 2014

54 « Les chiffres du crowdfunding », leguideducrowdfunding.com [en ligne]

Page 39: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

39

i. Le segment « donation » représente 37% du marché pour un volume de 980 millions USD. Soit +45%

par rapport à 2011.

ii. Le segment « Lending » représente 44% du marché pour un volume de 1,2 milliards USD. Soit +111%

par rapport à 2011.

iii. Le segment « Rewards » est la branche qui présente la plus forte croissance. Il représente 14% du mar-

ché pour un volume de 383 millions USD. Soit +527% par rapport à 2011.

iv. Le segment « Equity » représente quant à lui seulement 4,3% du marché pour un volume de 115 mil-

liards USD. Soit +30% par rapport à 2011. Il est le seul segment comparable avec l’action des business

angels, à la fois dans les montants levés et dans l’implication financière des internautes. Nous voyons ici

qu’il s’agit d’une portion minime du marché du crowdfunding et il faut en relativiser la croissance, de

30%/an par rapport aux autres segments, notamment « Rewards » et « Lending » qui présentent res-

pectivement une croissance de 527% et de 111% par rapport à l’année 2011.

b. Marché français

Le marché français du crowdfunding est en plein essor.

Nous allons analyser rapidement les évolutions du marché,

toutes catégories de financement participatif confondues

puis nous nous concentrerons sur les plateformes spéciali-

sées dans le crowdequity.

En 2012, 25 millions d’euros ont été investis sur les plate-

formes françaises, selon le baromètre de l’association

Financement Participatif France réalisé auprès de 20 plate-

formes en activité55

.

En 2013, le montant était de 65 millions soit une augmen-

tation de 160%56

par rapport à l’année précédente. Mais

55 Premier baromètre du crowdfunding en France – fonds collectés par les plateformes de crowdfunding. financeparticipa-

tive.org [en ligne], octobre 2010.

56 Aude Fredouelle, « 2013 Année de l'explosion du crowdfunding en France », JDN.fr [en ligne], Janvier 2014.

So

urc

e : E.M

anth

é.

(2014). M

ém

oire « P

eut-

on fa

ire co

nfiance

au c

row

deq

uity

» -S

cience

s Po

Aix

-en-P

rove

nce

.

Figure 11 : montants investis en France dans le

crowdequity depuis 2012. (En Mds d’€]

Page 40: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

40

selon l’étude Forbes57

, le crowdfunding pourrait peser jusqu’à 6 milliards de dollars en 2020 en France.

Nicolas Guillaume, fondateur de FriendsClear, premier service de prêt participatif en France, propose une typo-

logie du crowdfunding selon deux types d’implication de l’utilisateur58

:

- Implication projet : l’internaute choisit un projet pour ses caractéristiques intrinsèques. Il n’y a aucune

considération financière qui entre en ligne de compte. Il va d’abord s’intéresser au type de projet, à la

personne qui le porte, à la localisation géographique, etc.

- Implication financière : « L'utilisateur a la possibilité d'exercer son choix afin de se constituer un porte-

feuille de projets (d'actifs) ayant les caractéristiques financières (risque, rendement) recherchées. Il peut

exercer ses facultés pour identifier et exploiter les critères qui lui permettront de sélectionner les actifs

aux meilleures performances. »59

Dans la catégorie des plateformes de financement offrant une « implication projet » forte, les principales plate-

formes françaises sont60

:

i. Ulule et ses 7,5 millions d’euros investis en 2013 auprès de 148000 contributeurs, au profit de 2 138

projets (soit 62% des projets présentés sur la plateforme).

ii. Kisskissbankbank, qui a permis de récolter 8 millions d’euros, contre 3 millions entre 2010 et 2012. Le

site annonce une communauté de 214 000 Kissbankers dans 174 pays et plus de 5500 projets financés.

iii. Babyloan finance uniquement des projets portés par des micro-entrepreneurs dans les pays en déve-

loppement. 2,224 millions de prêts ont aidés 16 000 entrepreneurs en 2013.

iv. Prêt d’union est quant à lui leader français du crédit rémunéré entre particuliers. 11 millions d’euros en

2012 ont été prêtés, 43 millions en 2013 et 100 millions d’euros sont budgétés pour 201461

.

v. La dernière-née des plateformes de prêts solidaires entre particuliers est Hellomerci, lancée par les

créateurs de Kisskissbankbank en avril 2013. 36 projets ont été financés sur 1434 projets déposés en

ligne.

Après avoir eu une vision globale du marché du crowdfunding en France, laissons de côté le crowdfunding

« par récompense », « par donation » et par « prêt » afin de nous concentrer sur le crowdfunding « par acquisi-

tion d’actions » - ou crowdequity.

57 « 2013: What's In Store For Crowdfunding And Angel Investors », Forbes.com [en ligne], 31 décembre 2012.

58 Nicolas Guillaume, « Typologie du financement participatif », nicolasguillaume.typepad.fr [en ligne], 01 août 2011

59 Ibid.

60 Aude Fredouelle, « 2013 Année de l'explosion du crowdfunding en France », JDN.fr [en ligne], Janvier 2014.

61 Les crédits oscillent entre 3 000 euros, montant minimum, et 30 000 euros, montant maximum. Côté prêteurs, le plus

petit montant prêté en 2013 s'élève à 1 000 euros. Le plus gros montant... à deux millions d'euros

Page 41: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

41

Intéressons-nous donc plus précisément à la catégorie des plateformes offrant une « implication financière »

forte à leurs internautes. Elles proposent uniquement aux internautes-investisseurs de prendre des parts ou des

actions au capital d’entreprises à fort potentiel de croissance.

Smart Angels a permis à douze entreprises de lever 3,9 millions d’euros en 2013. Elle fonctionne

comme un intermédiaire financier : elle propose des dossiers d’investissements et fait le suivi de la le-

vée de fonds, dont le montant est compris en moyenne entre 300 k€ et 500k€ euros. Entre cinq et qua-

rante investisseurs se sont réunis pour financer ces projets.

Anaxago permet aux internautes de devenir actionnaires d’une startup à partir de 1000 euros. 11 en-

treprises ont été aidées en 2013 grâce aux 2,4 millions d’euros levés auprès de 321 investisseurs.

Wiseed propose un ticket d’entrée plus faible puisqu’il est de 100 euros. Sur mille dossiers déposés en

ligne, 14 dossiers ont été proposé au financement et 11 ont finalisé leur tour de table, soit un montant

cumulé de 3,6 millions d’euros en 2013 grâce à 21 000 investisseurs.

Particeep est l’une des dernières plateformes de crowdequity lancée. Le ticket minimum est de 1 000

euros. Trois entreprises ont bouclé leur tour de table entre juin et décembre 2013, soit 340 000 euros.

Sowefund, la dernière des plateformes de crowdfunding par actions en est actuellement à la version

bêta de son site.

Pour clore ce chapitre, résumons-le : le crowdfunding en tant qu’adage « les petites rivières font les grands

fleuves » existe depuis toujours mais son acception moderne s’est développée depuis une dizaine d’années

avec l’explosion des NTIC. Le phénomène intéresse de plus en plus car il représente un potentiel de transaction

conséquent – un milliard de dollars. Cependant la branche qui nous intéresse, le crowdequity, présente une

croissance plus timide. Il faut donc relativiser, pour le moment, l’impact que le crowdequity peut avoir sur les

autres acteurs de l’écosystème.

Concernant cette première partie nous pouvons déjà tirer les conclusions de notre première hypo-

thèse :

Il y a une méconnaissance des citoyens vis-à-vis des acteurs du financement et entre ces acteurs eux-mêmes.

Le crowdfunding est un phénomène qui peut rapidement devenir fourre-tout si on ne s’arrête pas un instant

sur sa typologie. Au vu des articles de presse dont nous nous sommes inspirés dans cette première partie, il y a

souvent des confusions que nous avons voulu éclaircir. Ces confusions impliquent que le phénomène n’est pas

entièrement compris et comporte des zones d’ombre qui empêchent d’avoir un avis neutre sur le sujet. Entre

confiance sans borne et méfiance irrationnelle il faut ouvrir une nouvelle voie.

Page 42: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

42

PARTIE 2. LE CROWDEQUITY : ENTRE

ESPÉRANCE ET SUSPICION

Page 43: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

43

Chapitre 4. Crowdequity et angélat en France : entre confiance et défiance mutuelle.

Après avoir participé à une table-ronde62

faisant intervenir business angels et avocat du droit des af-

faires, il nous semble que ce qui agite l’écosystème du financement n’est pas tant le phénomène du crowdequi-

ty lui-même, plein de promesses mais bien son application concrète par les plateformes.

Nous n’aurons de cesse de le répéter, ces sites de mise en relation entre porteur de projet et internaute-

investisseur sont avant tout des sociétés commerciales qui ont pour vocation de dégager du profit. Rien de mal

à cela, au contraire.il s’agit simplement de ramener ce phénomène dans le monde réel, bien loin du feu média-

tique qui éblouit, voire aveugle.

Pour les réseaux de business angels les plus ouverts au concept de crowdequity, le propos n’est pas de re-

mettre en cause les fondements même de l’économie collaborative et dématérialisée mais bien de choisir les

plateformes qui respectent une certaine éthique et leur travail63

.

Dans ce chapitre nous nous intéresserons aux principales plateformes de crowdequity en France. Nous verrons

à la fois quels sont les business models qu’elles adoptent et comment s’organise leur processus de levée de

fonds. Puis nous nous intéresserons au positionnement des business angels vis-à-vis d’elles ainsi que les parte-

nariats envisagés (ou non). Cet état des lieux nous permettra de mieux comprendre l’écosystème du crowdequi-

ty français, les critiques qu’il soulève et les craintes qu’il génère, notamment pour les business angels.

Comprendre le fonctionnement des plateformes de crowdequity : différents business 1.

models.

a. Fonctionnement du processus de levée de fonds

Globalement, le processus de levée de fonds est identique pour toutes les plateformes de crowdequity.

Nous pouvons le schématiser comme suit (modèle de Wiseed):

62 Conférence « Crowdfunding : enjeux et opportunités », CEEI Aix-en-Provence, le 17 juin 2014.

63 Michel Vacher, Président d’Alumni Business angels. Allocution lors de la conférence « Crowdfunding : enjeux et opportu-

nités », CEEI Aix-en-Provence, le 17 juin 2014.

Page 44: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

44

Figure 12 : Processus de levée de fonds sur la plateforme Wiseed.

Source : www.wiseed.fr

1. processus de sélection

N’importe quel porteur de projet ayant une société déjà constituée a la possibilité de déposer son projet une

plateforme. La sélection se fait sur les documents fournis, en mêlant des critères objectifs de rentabilité finan-

cière et de probabilité de réussite, mais également sur l’attractivité du projet.

Un aspect très intéressant du crowdfunding est le fait que la sélection des projets qui seront proposés à

l’investissement se faire par scoring, c’est-à-dire par la notation que réalisent des internautes-investisseurs qui

sont enregistrés sur la plateforme.

Certains réseaux de business angels, tels qu’Alumni Business angels à Aix-en-Provence, pratique ce mode de

sélection en interne mais uniquement pour réaliser une pré-selection des dossiers qui pourront faire l’objet

d’une présentation en plénière (réunion mensuelle d’examen de projets). A l’échelle d’une plateforme et de

centaines d’internautes-investisseurs, cela permet une sélection relativement fine des projets qui « valent le

coup ».

Page 45: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

45

2. processus de souscription

La souscription se fait durant un temps variable qui est généralement compris entre un et trois mois. Une

« jauge » permet de matérialiser l’avancement d’une levée de fonds. Les plateformes transfèrent les fonds sur

un compte de réserve tout au long de la durée de la souscription. Le principe généralement appliqué est celui

du « tout ou rien ». Si le porteur de projet arrive à lever la totalité des fonds recherchés alors il peut encaisser la

somme. A l’inverse, si la levée échoue, les internautes-investisseurs récupèrent leur mise.

3. processus de closing

Le processus de closing est identique pour les business angels et les plateformes. En effet, il répond à des impé-

ratifs juridiques.

La signature du pacte d’associé permet de préciser les règles de gouvernance de la startup, la valorisation à

laquelle elle est évaluée, les liens qui lient les actionnaires avec la startup, etc.

4. processus de gestion post-closing

Le « suivi » de la participation est un concept très vague et dépend de l’implication des actionnaires dans la

stratégie de la startup.

Dans le cas des business angels, le suivi se fait de manière assidue. Nous seulement, ils sont des interlocuteurs

de premier plan pour des chefs d’entreprise parfois dépassés par les évènements. Ils sont aussi à même

d’organiser des levées de fonds complémentaires au fil des ans, soit pour donner un coup de pouce à une

entreprise en mal de trésorerie, soit pour encourager une réussite qui dépasse les attentes.

La sortie d’une société se fait entre cinq et sept ans mais peut être beaucoup plus longue. Elle se fait soit par

vente de la startup, soit par son entrée en bourse, soit par le rachat des parts des actionnaires par la startup,

soit par « le bas de bilan », c’est-à-dire par faillite. En France, il n’y a eu, pour le moment, qu’une sortie réussie

en crowdequity : Antabio chez Wiseed.

Page 46: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

46

Figure 13 : Processus de levée de fonds du projet Antabio chez Wiseed.

Source : www.wiseed.fr

C’est la campagne « idéale » : deux mois de campagne, 300k€ levés, 207 internautes-investisseurs pour un

retour sur investissement de 44%., C’est aussi la seule sortie réalisée après une campagne de crowdfunding, ce

qui limite fortement les conclusions que l’on peut tirer.

b. Business models français

Les business angels sont bien conscients que l’issue de leurs investissements est très incertaine car elle dépend

du chef d’entreprise, de sa stratégie, de son marché, etc. Autant de données exogènes qu’ils ne maitrisent pas

et qui évoluent rapidement.

Les plateformes ne peuvent prétendre avoir trouvé le modèle éliminant tous ces facteurs d’incertitudes. Ainsi

elles ont développé des business models divers et variés afin de tenter de trouver le plus viable, comme le

montre le tableau ci-dessous.

Page 47: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

47

Figure 14 : benchmarking des plateformes françaises de crowdequity.

Source : PANORAMA - Business angels – Crowdfunding, Laurent Javaudin – Mai 2014

Page 48: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

48

Laurent Javaudin, business angels, dans un travail réalisé pour France Angels, classe les principales plateformes

selon deux modèles d’affaires.

Figure 15 : Deux modèles de plateformes de crowdequity

Source : PANORAMA - Business angels – Crowdfunding, Laurent Javaudin – Mai 2014

Le modèle « Historique » est le premier à avoir été développé. Il crée un système de financement paral-

lèle et alternatif aux acteurs traditionnels du financement, type business angels. Les internautes-investisseurs

investissent directement dans des startups sélectionnées par les plateformes qui jouent les intermédiaires. La

sélection des projets se fait grâce à la notation faite par les internautes. La due diligence est menée par les fon-

dateurs des plateformes et leurs équipes. Ce ne sont pour la plupart pas des professionnels de l’investissement

mais bien des chefs d’entreprises. Cela ne remet pas en question leurs compétences en matière de création

d’entreprise mais peut soulever quelques interrogations concernant leur capacité à juger de la pertinence d’un

projet et de son porteur.

Le modèle « Triangulation » prend en considération les autres acteurs du financement et s’appuient sur eux

notamment pour la due diligence. Sowefund, par exemple, une des dernières plateformes misent sur le marché,

ne propose que des projets déjà investis par des réseaux de business angels à ses internautes-investisseurs.

Cela permet théoriquement d’assurer une qualité de projets supérieure. Cependant, nous y reviendrons, cela

pose un certain nombre de problèmes aux business angels qui voient leur responsabilité engagée en ce qui

concerne la sélection des projets.

Il nous semble à titre personnel, que ce modèle est le plus fiable. A moins que le modèle « Historique » ne se

professionnalise et ne s’enrichisse d’un processus de due diligence solide.

Page 49: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

49

Les Business angels font-ils confiance au crowdfunding ? 2.

Malgré ces quelques interrogations que nous venons de soulever, les acteurs du crowdfunding restent sus-

ceptibles de jouer, à côté des Business angels, un rôle significatif dans le financement de l'amorçage. On pour-

rait imaginer des formes d'association entre des Business angels et des plateformes d'equity crowdfunding afin

de boucler des tours de table importants que les Business angels ne pourraient réaliser seuls. Une condition

nécessaire à la bonne marche de cette collaboration serait de mettre en place un co-accompagnement des

projets financés à la fois par les Business angels et par le crowdfunding depuis la sélection des dossiers jusqu'à

la sortie.64

a. pourquoi la question se pose-t-elle ?

Laurent Javaudin, de nouveau, liste les raisons pour lesquelles des partenariats seraient les bienvenus. 65

i. Côté business angels

Dimension stratégique

- drainer de l’épargne nationale vers des pro-

jets locaux

- faire du co-investissement et augmenter ainsi

le nombre de dossiers investis

- créer des vocations, développer un réservoir

de futurs business angels et démocratiser

l’equity en mode « freemium ».

- tester les opportunités de marché d’un pro-

jet. Ceci principalement pour les projets en

BtoB. Cette difficulté rencontrée par les busi-

ness angels a été mis en exergue par

Ernst&Young dans le cadre d’un rapport

pour le Ministère de l’Enseignement Supé-

rieur et de la Recherche66

, dont est extrait le graphique ci-contre.

64 Joachim Hemer, « A Snapshot on Crowdfunding. » Working Papers Firms and Region No. R2/2011 P.28

65 PANORAMA - Business angels – Crowdfunding Laurent Javaudin – Mai 2014

66 Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche – Evaluation de l’action des Business Angels – ERNST&YOUNG

2007.

Source : Evaluation de l’action des Business Angels –

ERNST&YOUNG 2007.

Figure 16 : principales contraintes exprimés pars les BAs

dans le cadre de leur activité.

Page 50: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

50

Dimension financière :

- boucler des tours de table lors de levées de fonds en amorçage

- permettre de financer des sociétés en phase de croissance nécessitant des fonds plus conséquents

- amplifier l’effet de levier que les business angels sont capables de générer

- nouvelle exit strategy partielle ? (« mini IPO »)

ii. Côté plateformes

- assurer la due diligence des projets

- assurer le suivi des participations

- donner un caractère professionnel à leur action

- intégrer des tours de tables plus importants que ce qu’elles ne pourraient faire seules

b. points sensibles

La réflexion de France Angels sur la question du crowdfunding est très intéressante. Certes on peut lui repro-

cher d’être orientée vers la préservation des intérêts des business angels. Mais cela est compréhensible et son

approche a le mérite d’être claire.67

Laurent Javaudin envisage quatre points « sensibles » qui viennent apaiser l’engouement qui peut exister autour

de partenariats éventuels.

i. Deux ADN très différents

La crainte des business angels vis-à-vis le phénomène du crowdfunding provient entre autre d’une différence

profonde de valeurs et d’objectifs. Les réseaux de business angels n’ont pas pour but de faire du profit mais de

mutualiser des compétences et d’aider à la sélection des projets. Les business angels personnes privées, eux,

cherchent à obtenir un retour sur investissement mais savent que ce ne sera pas toujours le cas. Les plate-

formes, quant à elle, cherchent à optimiser leur rentabilité, ce qui est tout à fait louable en tant qu’entreprises

commerciales.

67 Ibid.

Page 51: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

51

Figure 17 : ADN des Business Angels et du Financement participatif.

Source : PANORAMA - Business angels – Crowdfunding Laurent Javaudin – Mai 2014

Le schéma ci-dessus reprend les éléments qui composent intrinsèquement ce que sont les business angels et

les plateformes de financement participatif.

L’apport que nous pourrions faire à ce modèle est le suivant : nous sommes convaincus que les créateurs de

plateformes ont sincèrement envie de participer à la construction d’une économie collaborative et humaine.

Certes l’activité de leurs plateformes est principalement commerciale mais leur volonté est bien de s’inscrire

dans l’ère du temps et de faire émerger de beaux projets.

En cela les créateurs de plateformes, les internautes-investisseurs et les business angels sont très proches. Et

c’est d’ailleurs pour cela que la question des partenariats se pose à ce jour.

La vraie différence réside dans l’accompagnement des chefs d’entreprise. Les plateformes sélectionnent des

projets, les business angels les accompagnent. C’est un aspect des réseaux de business angels qui est souvent

oublié et pourtant central dans leur fonctionnement. Après la sélection du dossier, des business angels « par-

rains » ou « instructeurs », selon la terminologie des réseaux, rencontrent le porteur de projet, instruisent le

dossier, font en sorte de comprendre le projet et éventuellement d’aider le chef d’entreprise à le re-calibrer

pour qu’il soit le plus viable possible.

Page 52: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

52

Cet accompagnement est entièrement bénévole, permet de créer du lien avec le chef d’entreprise mais surtout

permet d’avoir une connaissance approfondie du dossier.

ii. Enjeu de confidentialité et de protection industrielle

A partir de l’instant où un chef d’entreprise décide de mettre son projet en ligne et de le rendre publique, la

question de la propriété industrielle et intellectuelle se pose automatiquement. En effet, le dépôt de brevet pour

une technologie implique que cette technologie doit être nouvelle et novatrice. Or une technologie n’est plus

nouvelle si elle est diffusée sur Internet pendant plusieurs semaines.

Pour une startup BtoC, « la campagne de crowdfunding a des externalités positives non négligeables : étude de

marché et campagne de communication »68

sont assurées.

Cependant, pour une startup BtoB, il faut se garder de réveiller la concurrence des grands groupes, et des plus

petits, qui ont suffisamment de fonds pour s’emparer de son projet.

iii. Vers la formation d’une pyramide de Ponzi ?

Une des craintes de la fédération France Angels est le risque de formation d’un système de Ponzi69

.

« En toute rigueur, le montant prélevé par la plateforme lors de la levée de fond devrait être provisionné et

consommé par tranches sur cinq ou six ans pour assurer un accompagnement de qualité de la startup.

En fait, il est probable que les fonds prélevés sur les deals les plus récents viennent financer l’accompagnement

des opérations plus anciennes, ce qui induit un risque classique de type « démographique », de nature à re-

mettre en question la continuité de l’accompagnement en cas de contraction forte du dealflow futur. »70

iv. Risque de biais type « US sub-primes »

Un dernier point soulevé par Laurent Javaudin est le risque de biais « psychologique ». « A court-terme, plus la

plateforme fournit des deals à ses inscrits, plus elle perçoit de commissions sur les levées de fond effectuées.

68 PANORAMA - Business angels – Crowdfunding Laurent Javaudin – Mai 2014

69 L’argent des derniers entrants rémunérant les souscripteurs plus anciens, pour maintenir l’illusion de rendements miri-

fiques.

70 PANORAMA - Business angels – Crowdfunding Laurent Javaudin – Mai 2014

Page 53: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

53

D’où de possibles tentations :

- d’abaisser l’exigence sur la qualité des projets, afin d’en financer un plus grand nombre

- ou au moins, d’être plus laxiste sur certains aspects du deal (notamment la valorisation) pour que

l’affaire soit bouclée.

En situation de crise aigüe de trésorerie pour faire tourner la plateforme, les garde-fous de long-terme (préser-

ver son « fonds de commerce » - la satisfaction des souscripteurs, et l’optique lointaine d’un prélèvement de

20% sur les plus-values futures) seront probablement insuffisants. »71

Malgré ces points « sensibles » que nous avons soulevés ici, des partenariats se mettent petit à petit en

place.

Nous avons vu en dressant la cartographie des acteurs du financement que la frontière entre crowdfunding et

acteurs traditionnels se faisait de plus en plus ténue. Par exemple, Smartangels a bouclé un tour de table d’un

million d’euros en avril 2014 « auprès des Elaia Partners, XAnge (filiale de la Banque Postale) et Idinvest. 12

business angels participent également au tour de table, parmi lesquels on retrouve Xavier Niel, Jacques-Antoine

Granjon, Marc Simoncini, Pierre Kosciusko-Morizet ou encore Pierre Krings et Olivier Mathiot. »72

En juillet 2014, c’est la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon Rhône-Alpes qui lance une nouvelle

communauté lyonnaise et rhônalpine de crowdfunding d’entreprise avec la plateforme Wiseed. « Face à

l’engouement des français pour le financement participatif et leur quête de sens pour participer à des aventures

entrepreneuriales, la CCI de Lyon et Wiseed ont noué un partenariat pour proposer aux entrepreneurs de Lyon

et de Rhône-Alpes une solution complémentaire à l’offre de financement existante» selon le communiqué de

presse de la CCI de Lyon Rhône-Alpes.73

Nous récapitulons les interactions entre les acteurs du financement en France dans la cartographie ci-dessous.

Ce que nous souhaitons montrer ici est le fait que le crowdequity n’est pas un phénomène révolutionnaire,

existant par lui-même, hors d’un contexte préexistant. C’est une réponse à un besoin qui s’inscrit dans un pay-

sage bien défini.

71 Ibid.

72 Etienne Portais, « La plateforme de crowdfunding SmartAngels lève 1 million d’euros », maddyness.fr [en ligne]24 avril

2014.

73 COMMUNIQUE DE PRESSE - « Naissance d’une nouvelle communauté de crowdfunding d’entreprise Lyon Rhône-

Alpes » 8 juillet 2014.

Page 54: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

54

Figure 18 : cartographie des imbrications entre plateformes/business angels/établissements bancaires.

Source : E.Manthé. (2014). Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity » -Sciences Po Aix-en-Provence.

Page 55: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

55

Les relations entre acteurs sont très intéressantes à observer. En effet, l’on se rend compte que si les

plateformes financent des startups, elles-mêmes sont financées par….des business angels et des établissements

bancaires dits traditionnels. Les plateformes ne sont finalement que des startups en plein essor qui ont besoin

des autres acteurs de l’écosystème pour se développer. Ceci implique également, nous l’avons vu, le dévelop-

pement de différents business model dont l’avenir nous dira lequel est le plus viable.

C’est ici que nous pouvons conclure sur notre hypothèse seconde hypothèse :

Les acteurs traditionnels du financement, tels que les réseaux de business angels, se méfient de l’explosion du

phénomène de crowdfunding et craignent un effet de mode

Il est effectivement vrai que les acteurs déjà en présence voient arriver ce nouveau phénomène avec un peu de

suspicion. Ceci est tout à fait compréhensible puisqu’il vient changer les règles du jeu, en tout cas en ajouter de

nouvelles. Cependant, si le phénomène peut inquiéter parfois c’est qu’il est suffisamment puissant pour être

considéré comme un acteur à part entière dans le paysage du financement.

Page 56: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

56

Chapitre 5. L’espoir de faire de la France la Startup République.

Dans les chapitres précédents nous avons vu que le financement participatif est un phénomène récent

et plein de promesses qui s’inscrit dans un écosystème complexe et largement règlementé. Or le crowdfunding

- et plus particulièrement le crowdequity – fait figure de pure player qui fait fi des règles du jeu.

Deux visions s’opposent. La première est celle des établissements bancaires et des fonds d’investissement sou-

mis à des obligations légales et réglementaires fortes. La France a établi de longue date un règlement rigide en

matière de prospectus, rendant obligatoire l’établissement d’un prospectus pour toute émission de titres au

public d’au moins 100k€ (sur douze mois).74

Louis Godront, président de l’Association Française des Investisseurs de Croissance (AFIC) est intransigeant sur

le sujet d’un potentiel assouplissement des règles pour le crowdequity : « Quand il y a appel à l’épargne auprès

du public, les règles doivent être les mêmes pour tous, pour les sites de crowdfunding comme pour les fonds

de capital-investissement »75

Le second point de vue est celui des partisans du crowdequity, notamment représentés par l’Association Finan-

cement Participatif France fondée en 2012, qui milite pour faire sauter des verrous qui empêchent les plate-

formes françaises d’être compétitives. Les plateformes de crowdequity se sont multipliées ces dernières années

mais sont restées largement limitées dans leur développement par la trop grande pression financière et règle-

mentaire.

Le débat français : se méfier ou favoriser le crowdequity ? 1.

a. Le débat règlementaire

Jusqu’à présent, une plateforme de financement participatif était considérée comme un intermédiaire financier.

Or en tant qu’intermédiaire financier, la plateforme devait légalement obtenir un agrément d’établissement de

paiement auprès de l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) et avoir des capitaux propres minimum de 125 K€.

Ou bien obtenir le statut de Prestataire de Services d’Investissement ou de Conseil en Investissement Financier

74 Rapport de l’observatoire des entrepreneurs, « financement participatif des entreprises : la mise en place d’un cadre

règlementaire propice », 14 février 2014.

75 Louis Godron, cité dans LesEchos.fr « dossier Financer sa création », 22 février 2013

Page 57: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

57

ou encore d’Appel Publique à l’Epargne auprès de l’Autorité des Marchés Financiers. Ces conditions d’exercice

n’étaient absolument pas adaptées à ces plateformes qui ne sont pour le moment que des startups en plein

essor.

Hubert de Vauplane, avocat, explique également que « quant aux aspects investissement dans les ETI et les

startups, le cadre est fixé par les directives européenne Prospectus et Transparence, lesquelles ont été transpo-

sées en France l’été 2012 après modification des directives en 2010. Il est donc difficile au gouvernement sur ce

point de s’affranchir totalement du cadre européen. Concrètement, il s’agit de déterminer si les opérations pro-

posées par ces plateformes peuvent s’insérer dans les exceptions existantes à la notion « d’offre au public »76

.

Il poursuit sa réflexion en rappelant que « les Etats-Unis avaient un problème identique. Ils l’ont résolu en créant

avec le JOBS Act de 2012, une nouvelle exception spécifique au crowdfunding dans le régime d’ « offre au pu-

blic » en droit américain. Il est possible de suivre l’exemple américain. Mais compte tenu du délai pour modifier

une directive européenne, le cadre juridique ne sera prêt au plus tôt que dans deux ou trois ans. Une autre

voie, beaucoup plus innovante, serait de sortir complètement le crowdfunding de la notion d’ « offre au pu-

blic 77

».

La réflexion d’Hubert de Vauplane date de février 2014 et anticipe très largement sur la volonté politique qu’a

montré le gouvernement, représenté par Fleur Pellerin, alors Ministre déléguée chargée des PME, de l'Innova-

tion et de l'Économie numérique, à simplifier le carcan législatif empêchant le développement du crowdfunding.

b. La réforme française.

C’est le Président François Hollande lui-même qui a annoncé la volonté du gouvernement de soutenir le phé-

nomène du crowdfunding alors qu’il était en voyage dans la Silicon Valley, début février 2014.

Le Président et la Ministre déléguée Fleur Pellerin ont ainsi lancé une vague de libéralisation de ce secteur afin

d’en faire une véritable source de financement alternative pour les jeunes pousses françaises. La France se doit

de devenir la « Startup République ».

« Nous essayons de bâtir une dynamique et une marque. Il y a un vrai besoin pour un concept fédérateur qui

permette de se projeter à l'international. Nous cherchions un nom de guerre qui puisse être vecteur de com-

munication pour l'international. Il est mis à la disposition de tout le monde, certains l'ont déjà inscrit sur leur

76 Hubert de Vauplane, « Crowdfunding : adapter le cadre réglementaire pour faciliter son développement, » Lecercle. fr

[en ligne], le10 février 2013.

77 Ibid.

Page 58: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

58

carte de visite : "Proud member of la French Tech" » a déclaré la ministre au magazine Challenges.78

"Le risque

serait que la France se laisse marginaliser dans la compétition internationale, et que les grands groupes améri-

cains, comme Facebook ou Google, soient les seuls capables de capter la valeur. Nous voulons construire une

ambition nationale qui aille au-delà des cycles électoraux. Rien n'est perdu, car le numérique avance par vagues

d'innovation successives, il faut se préparer pour la suivante ! Mais il faut pour cela changer le système en pro-

fondeur, c'est pourquoi je parle de "startup République" » conclut Fleur Pellerin.79

En décembre 2013, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a lancé une « Consultation publique sur les ré-

formes envisageables pour accompagner les initiatives du financement participatif ». Ce fut la première étape

d’une réflexion politique et économique largement médiatisée. Le 14 février 2014, en clôture des Assises de

l’Entrepreneuriat, Fleur Pellerin a annoncé les choix définitifs du gouvernement concernant le financement par-

ticipatif : une ordonnance de simplification a été annoncée pour la fin du mois suivant, en attendant une publi-

cation des textes en juillet 2014.

D’après cette ordonnance qui devrait entrer en vigueur en octobre 2014, le crowdequity répond désormais aux

caractéristiques suivantes80

:

- Jusqu’à un million d’euros de levée de fonds, les plateformes de crowdequity n’auront pas à établir de

prospectus mais simplement à fournir une information simplifiée (le seuil était fixé à 100.000 euros)

- Le financement par le crowdequity sera ouvert aux SAS

- D’autre part, le texte prévoit la création de deux statuts : celui de Conseiller en investissement Participa-

tif (CIP) pour les plateformes qui commercialisent des actions ou obligations de sociétés non cotées (y compris

des SAS) ; et le statut d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP) pour celles qui fournissent le service de

prêts (rémunérés ou non) ou de dons (sachant que celles qui ne proposent que le service de don ne sont pas

obligées de prendre le statut d’IFP).81

Le statut de Conseil en Investissement Participatif (CIP) constituera un cadre nouveau, destiné à réglementer les

activités de levées de fonds via des plateformes sur Internet. Les CIP pourront délivrer du conseil sur les offres

de titre de capital ou de dette exclusivement par le biais d’un site Internet.

78 Flash éco, « Bâtir la "start-up République" (Fleur Pellerin) “, lefigaro.fr, 15 Février 2014.

79 Ibid.

80 Alexandra Béhar, « le crowfunding equity –enjeux et cadre juridique : quelles implications pour les Business angels ? »

Akheos Cabinet d’Avocats, mars 2014.

81 Hubert de Vauplane, « Financement participatif : le projet d’ordonnance dévoilé », alternatives-economiques.fr [en ligne],

27 avril 2014.

Page 59: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

59

Pour l’instant, il n’est pas envisagé d’obligation de capitaux propres minimums.

Cependant, les CIP devront82

:

- Etre des personnes morales

- pouvoir justifier d’un niveau de compétence professionnelle adaptée et d’une honorabilité en ce qui

concerne les dirigeants (diplômes, expérience),

- exercer la profession de CIP à titre exclusif

- informer les investisseurs des risques existants, s’assurer de leur capacité à investir

- conduire les analyses et due-diligence de rigueur avant de présenter des offres d’investissement

- adhérer à une association agréée chargée du suivi de ses membres dans les conditions fixées par le

Règlement général de l’AMF

- obligation d’établir une lettre de mission préalable indiquant notamment la nature et les modalités de

la prestation de conseil ; les risques inhérents aux investissements proposés et en particulier le risque de perte

totale ou partielle de capital, le risque d’illiquidité et le risque d’absence de valorisation ; le montant de la rému-

nération versé par le client au conseiller en investissements participatifs et la possibilité, en cas de souscription,

d’avoir communication des éventuels frais payés par l’émetteur inhérents au projet concerné, les conditions

dans lesquelles le conseiller en investissements participatifs assurera le cas échéant le suivi de son investisse-

ment.

- Communication, publicité et offres promotionnelles encadrées

- Moyens techniques et humains suffisants

- Archivage des activités

- Respect des dispositions de lutte contre le blanchiment,

- Procédure de gestion des conflits d’intérêt

82 Alexandra Béhar, « le crowdfunding equity –enjeux et cadre juridique : quelles implications pour les Business angels ? »

Akheos Cabinet d’Avocats, mars 2014

Page 60: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

60

- Procédure de traitement des réclamations clients

D’autre part, le site Internet de la plateforme de crowdequity devra répondre à un certain nombre de caractéris-

tiques83

:

- L’accès à l’intégralité du site est restreint : l’accès au détail des offres n’est possible qu’après

l’enregistrement du client et la communication de ses codes d’accès,

- L’enregistrement des clients suppose qu’ils aient préalablement fourni les informations requises au 4°

de l’article L. 541-15 du code monétaire et financier et que, sur la base de ces dernières, ne leur soient propo-

sés que des projets entrepreneuriaux adaptés à leurs besoins et dont ils comprennent les risques liés,

- Le site doit proposer plusieurs projets entrepreneuriaux adaptés aux critères d’investissement préala-

blement définis avec chacun des clients

- Les projets entrepreneuriaux ont été sélectionnés sur la base de critères préalablement définis et pu-

bliés sur le site.

- Les pages du site internet du conseiller en investissements participatifs accessibles au public compor-

tent de manière visible et facilement accessible les mentions suivantes :

o Sa dénomination sociale, l’adresse de son siège social, son statut de conseiller en investisse-

ments participatifs et son numéro d'immatriculation au registre mentionné au I de l'article L. 546-1 du

code monétaire et financier ;

o L’identité de l’association professionnelle à laquelle il adhère ;

o Les risques inhérents aux investissements proposés et en particulier le risque de perte totale ou

partielle de capital, le risque d’illiquidité et le risque d’absence de valorisation.

C’est donc une petite révolution juridique qui se met en place. C’est une guerre que nous préparons face aux

géants anglo-saxons. Fleur Pellerin ne parle-t-elle pas de « cris de guerre » ? Une bataille que nous sommes

supposés gagner grâce à un arsenal réglementaire qui doit supplanter celui de nos meilleurs ennemis.

83 Ibid.

Page 61: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

61

Les réponses étrangères 2.

a. Etats-Unis

La réforme américaine qui date d’avril 2012 est consignée dans le fameux JOBS Act mais n’est pas en-

core entrée en vigueur, faute de la promulgation du décret d’application.

Le nouveau régime pour le crowdfunding prévoit la possibilité d’émettre des titres, via un site internet, jusqu’à

un million de dollars sur 12 mois. Les obligations de l’émetteur de communication d’informations financières

sont plus coercitives que ce qui est prévu dans la réforme française. En effet, les comptes de l’émetteur doivent

être établis par un comptable indépendant pour les émissions supérieures à 100 000$ et par un commissaire

aux comptes pour celles dépassant les 500 000$.

Mais la vraie différence avec le régime français réside dans la protection de l’internaute-investisseur. L’internaute

américain ne pourra investir plus qu’une certaine portion de son revenu. Un investisseur dont le revenu annuel

est inférieur à 100 000$ ne pourra investir plus de 5% de celui-ci. La limite est fixée à 10% pour l’investisseur

dont le revenu dépasse ce seuil, jusqu’à un montant maximum de 100 000$.84

Joan Macleod Heminway, à l’Université du Tennessee, auteur de “Proceed at your Peril: Crowdfunding and the

Securities Act of 1933”, insiste- il croit qu’il n’y aura, à la fin, qu’un petit nombre de plateformes de crowdequi-

ty qui survivront.

« Le financement participatif en fonds propres, bien que possible selon les dispositions du JOBS Act, nécessite

d’importantes ressources financières et humaines. L’exigence d’un intermédiaire spécifique – un conseiller agréé

ou un portail de levée de fonds – impose des coûts de publicité d’offres à l’ensemble du système qui ne doit

pas dépasser les bénéfices générés. Par ailleurs, le JOBS Act impose une transparence accrue, avec sauve-

garde des informations et autres exigences de comptabilité, à la fois pour les émetteurs et les plateformes de

84 Rapport de l’observatoire des entrepreneurs, « financement participatif des entreprises : la mise en place d’un cadre

règlementaire propice », 14 février 2014.

Texte original “The crowdfunding of equity securities, while possible under the provisions of the Jumpstart Our Business

Startups (JOBS) Act, requires significant financial and human capital. The requirement that a specific intermediary—a regis-

tered broker or funding portal—conduct the offering adds costs to the overall system that may not outweigh the benefits. In

addition, the JOBS Act imposes significant disclosure, record keeping, and other compliance requirements for both issuers

and funding portals and includes a new, untested liability provision for misstatements and omissions that expressly applies to

both issuers and individual representatives in their management. As a result, unless there are further legal changes, I have

trouble seeing many informed folks jumping on the equity crowdfunding bandwagon. Some brokers may engage in equity

crowdfunding as a loss leader to attract clients to whom they can sell other services, for example. Assuming that some

issuers, investors, and brokers/funding portals can establish a business model that works and is sustainable, I would expect a

relatively small number of brokers and funding portals to engage in equity crowdfunding.”

Page 62: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

62

levée de fonds. […] . Par conséquent, à moins qu’il y ait un changement de légalité, j’ai du mal à voir des per-

sonnes éclairées suivre ce mouvement de financement participatif en fonds propres. Des intermédiaires finan-

ciers vont peut-être s’engager dans le crowdequity en tant que produit d’appel afin d’attirer des clients à qui ils

pourront vendre d’autres services financiers. Même en supposant que certains émetteurs, investisseurs et inter-

médiaires / plateformes, puissent établir un modèle d’affaires qui fonctionne et qui est durable, je ne m’attends

qu’à un nombre relativement faible d’intermédiaires et de plateformes qui s’engagent à terme dans le finance-

ment participatif en equity » 85

b. Italie

Depuis l’adoption de législation en 2012 et du règlement promulgué en juin 2013, le financement participatif

par souscription de titres est autorisé en Italie, sans prospectus, pour les émissions de titres de petites sociétés

ayant moins de quatre ans d’activité et évoluant dans des secteurs « innovants et technologiques ou à vocation

sociale »86

.

Chaque société financée doit répondre aux critères suivants :

être une société non cotée, constituée depuis moins de 48 mois, ayant son siège principal en Italie,

n’ayant pas distribué de bénéfices et ayant une valeur totale de production annuelle inférieure à 5 000

000 € ;

avoir pour objet :

- soit à titre exclusif une activité à caractère social et solidaire ;

- soit à titre principal le développement, la production et la commercialisation de produits ou

services innovants de haute valeur technologique, et ce à condition que la société réponde à l’un

au moins des critères suivants :

o réaliser des investissements dans la R&D à hauteur d’au moins 15% des coûts ou (si

elle est supérieure) de la valeur de sa production ;

o avoir un effectif composé de plus d’un tiers de titulaires d’un doctorat ou de diplômés

de niveau mastère engagés dans des activités de recherche ;

o détenir des droits commerciaux sur des inventions industrielles, électroniques, bio-

technologiques ou des nouvelles variétés végétales ;

85 John Kuo « Equity Crowdfunding Platforms: How Many Will There Be?”, http://www.nerdwallet.com/ [en ligne] le 7 no-

vembre 2013. (traduction de l’anglais au français par l’auteure du mémoire).

86 Les fonds collectés doivent être déposés auprès d’un établissement de crédit et les ordres de souscriptions d’instruments

financiers doivent être transmis pour traitement à un établissement de crédit ou à une société de gestion sauf pour les in-

vestissements en deçà des seuils suivants : 500 € par ordre et 1 000 € par an pour les investissements de personnes phy-

siques et 5.000 € par ordre et 10 000 € par an pour les personnes morales.

Page 63: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

63

Ce régime de faveur pour le financement participatif en Italie comporte bien des complexités et se limite aux

émetteurs dans les secteurs mentionnés ci-dessus.87

c. Royaume-Uni

Une proposition de réforme du financement participatif par souscription de titres a été publiée en octobre 2013

par la Financial Conduct Authority, qui prévoit de formuler les règles définitives au deuxième semestre 2014.

Le schéma réglementaire proposé libéraliserait le régime actuel selon lequel les plateformes limitent leur offre

de titres aux investisseurs qualifiés. Selon le projet de réforme, l’offre pourra s’adresser en outre aux clients des

conseillers en investissement agréés et à ceux qui certifient n’investir que 10% au maximum de leur portefeuille

d’épargne dans des titres non cotés.

Lorsque les détails de cette réforme seront communiqués, il sera intéressant de les comparer avec le nouveau

régime français, pour évaluer les différences et le raisonnement du régulateur britannique. On pourra ainsi éva-

luer la limite de ressources de 10% du portefeuille de l’investisseur, qui semble pour l’heure virtuelle car incon-

trôlable.88

Le crowdequity n’intéresse pas que la France. Ce benchmark nous permet de voir que les règlementa-

tions sont en train de changer de façon globale afin d’accueillir la dernière-née des sources de financement.

Cependant le France a la spécificité d’avoir fait un grand bond en avant dans le but d’assurer son avance sur les

autres pays, notamment anglo-saxons. Nous pensons que, symboliquement, la confiance accordée par le gou-

vernement au phénomène rassure et protège : un vide juridique est en phase d’être comblé et permettra aux

investisseurs et aux entrepreneurs d’être quelque peu protégés d’excès frauduleux. Cependant en en faisant un

phénomène politique, le gouvernement devient sujet à une pression des médias et de l’opinion publique qui

limite non seulement ses marges de manœuvre mais également son objectivité. De plus, le gouvernement à

pour interlocuteurs les représentants des plateformes de crowdequity eux-mêmes ou bien l’Association du Fi-

nancement Participatif. Mais quid de ceux qui font vivre ces plateformes ? Quid de ces milliers de citoyens qui,

de derrière leur écran d’ordinateur, prennent désormais part à la microéconomie française ? Qui est cette foule

qui financent les startup ?

87 Ibid.

88 Ibid.

Page 64: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

64

Chapitre 6. Donner sa confiance à une foule d’investisseurs ou à une foule

sentimentale ?

« Crowdfunding has the potential to revolutionize the financing of small business, transforming millions of users

of social media such as Facebook into overnight venture capitalist, and giving life to valuable ideas that might

otherwise go unfunded »

- The Wall Street Journal89

On peut aisément imaginer les mécanismes psychologiques qui conduisent à l’acte de donation – vivre

par procuration un projet, se sentir utile, soutenir une cause qui nous tient à cœur – ou du financement contre

récompense – je reçois un cadeau en échange de ma contribution financière.

Il est plus délicat de comprendre pourquoi des internautes sont prêts à dépenser plusieurs centaines voire mil-

liers d’euros pour acquérir des actions dans une société dont ils ne connaissent pas directement les porteurs de

projets via une plateforme web, donc virtuelle, qui repose essentiellement sur la notion de confiance.

Si le financement participatif a toujours existé, sous forme de mécénat ou de donations, Internet en a fait un

phénomène 2.0 – si ce n’est 3.0 - qui met en exergue des comportements difficile à cerner. On parle de « finan-

cement par la foule » mais qui est-elle, modifie-t-elle les comportements individuels ? Quelles sont les motiva-

tions de ces nouveaux internautes-investisseurs ? La question se pose d’autant plus dans le cadre de la crow-

dequity qui met en jeux des sommes d’argents beaucoup plus importantes que dans le crowdfunding « tradi-

tionnel ».

89 Trad. “Le crowdfunding a le potentiel de révolutionner le financement des petites entreprises, transformant ainsi des

millions d’utilisateurs de réseaux sociaux, tels que Facebook, en capitaux-risqueurs, et en donnant vie à des idées précieuses

qui n’auraient pas été financées autrement.»

Page 65: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

65

Inconnus

Connaissances

Famille

Amis

Un phénomène difficile à cerner 1.

a. Effet boule de net

Un article de Télérama90

évoque la notion « d’effet boule de net » pour définir le crowdfunding. Il nous

semble que le terme est bien trouvé pour parler de l’explosion du phénomène ces cinq dernières années. Il est

bien choisi à deux égards : pour parler du phénomène lui –même et de son mode de fonctionnement. Explica-

tions.

Premièrement nous assistons à un effet de rétroaction positive : l’augmentation de la taille de la communauté

des crowdfunders lui donne une plus grande visibilité, médiatique, politique, économique, ce qui lui permet de

s’élargir. Tant qu’aucun grain de sable ne vient bloquer les rouages et remettre en question la notion de con-

fiance sur laquelle reposent les plateformes, la communauté grandira. Ce que Forbes a anticipé dans son étude

sur le financement participatif en prévoyant 20 milliards de dollars de financements récoltés en 2020.

Secondement, les projets lèvent des fonds sur les plateformes grâce à ce même effet boule de net. Une cam-

pagne de crowdfunding réussit lorsque le porteur de projet

arrive à fédérer autour de lui une communauté qui s’élargit

avec le temps. Plusieurs cercles composent cette commu-

nauté comme l’explique Vincent Ricordeau, prési-

dent de KisskissBankBank :, « le premier cercle

permet de viraliser le projet sur les réseaux sociaux

ou dans la vie courante. Beaucoup de projets ne

dépasseront pas ces deux premiers cercles. Quand

le projet est très bon, très innovant ou très grand

public, le 3ème cercle peut permettre de toucher un

montant très au-delà de l’objectif initialement fixé.

»91

C’est en animant sa campagne que le chef

d’entreprise va réussir à donner confiance. En

ayant une existence sur les réseaux sociaux et

Internet en général, l’entreprise génère l’adhésion.

90 Jean-Baptiste Roch, « “Crowdfunding” : l’effet boule de Net », Télérama n°3333, 30 novembre 2013.

91 Vincent Ricordeau, Crowdfunding : Le financement participatif bouscule l'économie ! Pour libérer la créativité, 2013.

Figure 19 : schéma des

cercles/communautés dans le process du

financement participatif.

Source : E.Manthé. (2014). Mémoire « Peut-on faire confiance

au crowdequity» -Sciences Po Aix-en-Provence

Page 66: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

66

Finalement pour lever des fonds sur une plateforme de financement participatif il faut avoir un « bon » projet –

nous reviendrons sur cette définition – mais surtout être un bon communiquant. Cela pose un certain nombre

de problèmes : Est-ce que je peux avoir confiance, en tant qu’investisseur, uniquement parce que le projet est

populaire ? Est-ce que le projet est bon parce qu’il est populaire ?

De prime abord on peut penser qu’un bon projet est avant tout un projet vendeur. Ceci est assez vrai pour les

projets mis sur des plateformes de don ou de financement contre récompense. Elles sont généralement grand

public et brassent des domaines divers et variés, de la réalisation de documentaires à l’achat d’une boutique en

passant par le financement d’un album. Mais concernant les plateformes de crowdequity la clé est la commu-

nauté à laquelle on s’adresse. Des startups technologiques s’adressent une cible différente que celle de la scène

créative. Le plus important est que le concept de la startup génère une forme de fascination, corresponde à des

attentes et soit attrayant pour un certain groupe : des experts IT, des ingénieurs, des scientifiques, des per-

sonnes ayant une vision des applications futures du produit. A ces conditions le crowdfunding peut être une

forme de financement alternative pour dépasser le “early-stage gap” qui représente un des obstacles majeurs

pour qu’un projet décolle92.

En résumé, oui le projet doit être vendeur mais il s’agit de s’adresser à la bonne communauté pour le vendre.

C’est ce qui fait une des forces du crowdfunding : n’importe quel projet peut-être potentiellement financé, peu

importe son domaine d’activité.

b. Vrai foule ou agrégat d’individus ?

« L’âge où nous entrons sera véritablement l’ère des foules. […] Aujourd'hui ce sont les traditions politiques, les tendances

individuelles des souverains, leurs rivalités qui ne comptent plus, et, au contraire, la voix des foules qui est devenue prépon-

dérante. »

— Gustave Le Bon, Psychologie des foules, 1895

Nous parlons de financement par la foule et déjà nous voyons que le secret pour lever des fonds est de

s’appuyer sur des communautés. Cette foule imaginée et fantasmée ne serait-elle que le fruit de notre imagina-

tion débordante, encouragée par des formules journalistiques toujours plus provocantes ?

La foule a des propriétés comportementales particulières qui ont fait l’objet d’études, notamment celle de Gus-

tave Lebon en 1905. Si le financement se fait véritablement par la foule alors cela pose un certain nombre de

questions. Si cette foule se révèle n’être qu’un agrégat d’individus alors qui sont-ils ?

92 John Kuo « Equity Crowdfunding Platforms: How Many Will There Be?”, http://www.nerdwallet.com/ [en ligne] le 7 no-

vembre 2013, p.28.

Page 67: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

67

Gustave Lebon, sociologue et anthropologue, a longuement étudié le comportement de la foule et a publié

son étude dans Psychologie des foules.93

« Il serait superflu d'ajouter que l'impuissance des foules à raisonner juste les empêche d'avoir aucune trace

d'esprit critique, c'est-à-dire, d'être aptes à discerner la vérité de l'erreur, à porter un jugement précis sur quoi

que ce soit. Les jugements que les foules acceptent ne sont que des jugements imposés et jamais des juge-

ments discutés.

A ce point de vue, nombreux sont les hommes qui ne s'élèvent pas au-dessus de la foule. La facilité avec la-

quelle certaines opinions deviennent générales tient surtout à l'impossibilité où sont la plupart des hommes de

se former une opinion particulière basée sur leurs propres raisonnements.94

»

Nous rejoignons l’idée selon laquelle cette foule serait immature et capricieuse, une « foule sentimentale » en

quelque sorte, incapable de réflexion et cédant au « buzz », à l’attrait de la nouveauté et à la popularité d’un

projet.

Il est effectivement observé un phénomène de « rétroaction positive » assez marqué, nous l’avons vu, qui va

dans le sens du propos de Gustave Lebon. La plupart des plateformes de crowdfunding fonctionnent selon la

règle du « tout ou rien ». Soit le projet récolte la totalité de la somme demandée, soit l’argent retourne aux

internautes. Il a été observé qu’à partir du moment où un projet a récolté 50% de ses besoins de financement

alors il a 70% de chance de boucler sa levée de fonds. Il a un effet d’entraînement évident. La popularité d’un

projet entraine des comportements mimétiques : « si les autres investissent alors j’ai raison de le faire aussi ».

Or, toujours selon Gustave Lebon, « Les foules, n'étant capables ni de réflexion ni de raisonnement, ne connais-

sent pas l'invraisemblable : or, ce sont les choses les plus invraisemblables qui sont généralement les plus frap-

pantes. » 95

Ceci est tout à fait paradoxal. Le financement participatif fait de la foule un acteur à part entière mais quand l’on

s’intéresse à ce qu’est une foule on réalise qu’elle n’est qu’un amas de volontés incapables de raisonner indé-

pendamment les unes des autres.

Le paradoxe réside dans un choix sémantique incorrect. Le crowdfunding n’est pas le financement par la foule

mais par des communautés. Il fait intervenir le peuple et non la foule. D’ailleurs, jusqu’à l’ordonnance de 2014

93 Gustave Le Bon, Psychologie des foules (1895). Édition publiée par Félix Alcan, 1905.

94 Op.cit. p.42

95 Op.cit. p.43

Page 68: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

68

sur le financement participatif, le nombre d’internautes-investisseurs était limité à 149 par projet. Ce qui est loin

de constituer une foule.

La notion de peuple est importante ici. Elle explique en partie l’engouement pour le crowdfunding. En effet, il

réconcilie les citoyens avec l’économie réelle et l’innovation. Il offre une nouvelle agora virtuelle pour l’exercice

du pouvoir par le peuple. En un sens, il redonne ses lettres de noblesse à la démocratie, à ce <Demos> <Kra-

tos> que nous croyions avoir perdu : le pouvoir du peuple.

L’internaute lambda – ou presque – peut s’emparer grâce à son patrimoine du pouvoir de décider, d’aider, de

financer, de participer.

Ce pouvoir est éminemment politique. Nous l’avons vu à la rapidité à laquelle le gouvernement s’est emparé du

phénomène. Certes il s’agit de protéger les investisseurs d’éventuels débordements et de développer un outil

économique, mais c’est également un formidable outil de marketing politique. Faire de la France la « Star-

tup République »96

permet de fédérer autour d’un projet d’avenir alléchant et politiquement correct.

Ainsi, le peuple - ou tout du moins une partie de celui-ci, ayant un accès à Internet, une connaissance des nou-

veautés du web et un patrimoine lui permettant d’investir plusieurs centaines (31% des internautes-investisseurs

ont souscrit 100€ ou plus au capital d’entreprises)97

, voire milliers d’euros (9% ont investi entre 1000€ et 5000€

et 3% plus de 10 000€)98

– se voit investit d’une mission, celui de bâtir la Res Publica moderne et innovante qui

doit redonner à la France son rayonnement d’antan.

Mais qui est ce citoyen 3.0, conscient de ses devoirs, appartenant à une communauté alerte et connectée ?

Quelles sont ses motivations ?

Consom’acteur99 ou investisseur anonyme ? 2.

Dans un monde toujours plus « liquide »100

dans lequel la finance se déconnecte petit à petit de l’économie

réelle, dans lequel l’information nous submerge, dans lequel le citoyen est infantilisé (« manger bouger », « cinq

96 Gilles Fontaine, « Fleur Pellerin ambitionne de bâtir la "start-up Republique" », challenges.fr [en ligne], 14 février 2014.

97 « Crowdfunding, Financement participatif d’entreprise: Qui sont les investisseurs ? » Blog.adocta.com [en ligne], Octobre

2013.

98 Ibid.

99 Thierry Maillet, Le marketing et son histoire ou le mythe de Sisyphe réinventé, Agora, 2010.

100 Zygmunt Bauman, La Vie liquide, Le Rouergue/Chambon, 2006

Page 69: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

69

fruits et légumes par jours », «fumer tue », etc.) on observe un phénomène nouveau, celui du « con-

som’acteur ».

a. Consommation collaborative

Le consommateur veut de plus en plus utiliser son pouvoir d’achat comme un moyen d’influence sur les entre-

prises. Il veut désormais consommer « intelligent » et se tourne vers des entreprises et des produits qui véhicu-

lent des valeurs qui lui correspondent. Ainsi, le consommateur entame « une relation participative » avec

l’entreprise, un dialogue, où il exprime ses attentes et ses refus.101

Avec le crowdfunding on entre dans l’ère de la « consom’action collaborative ».

Non seulement les internautes financent des projets qui leur ressemblent avec leur propre argent mais ils le font

en outre de façon collaborative102

. C’est-à-dire que l’internaute consomme « intelligent » et sous formes

d’échanges directs avec d’autres particuliers grâce à l’avènement et la démocratisation des NTIC. Soit en pré-

achetant un produit qui n’est pas encore développé et qui lui sera envoyé en récompense de son geste, soit en

prenant des actions dans une société en amorçage afin de l’aider à concrétiser son projet. Ainsi l’internaute

espère à la fois faire une plus-value en revendant ses actions, tout en étant persuadé que cette entreprise est

innovante et va venir répondre à un besoin.

Le crowdfunder serait alors un internaute alerte et en recherche d’un nouveau mode de consommation, plus

respectueuse de ses valeurs. Ce type d'économie s'inscrit dans un contexte de défiance des acteurs institution-

nels du système capitaliste traditionnel, de crise économique mais aussi d'éthique environnementale. 103

Il n’est ainsi pas anodin de voir que les projets financés (toutes plateformes confondues) ont pour but de déve-

lopper un vaccin contre le paludisme104

, sauver des monuments historiques105

, développer des technologies

vertes106

, etc.

101 Thierry Maillet, Le marketing et son histoire ou le mythe de Sisyphe réinventé, Agora, 2010

102 Le terme avait été introduit par Ray Algar dans la revue Leisure Report d'avril 2007. Il s'agissait alors de faire remarquer

que les acheteurs, mieux informés par le Web avaient un plus grand pouvoir de négociation face au vendeur et pouvaient

même, s'ils en avaient la patience, organiser des commandes groupées pour faire baisser les prix.

103 Lorna Gold, The Sharing Economy. Solidarity Networks Transforming Globalisation, Ashgate, 2004, p. 7

104 Revue de Web, « Du crowdfunding pour financer un vaccin contre le paludisme », youphil.com [en ligne], 21 mai 2014.

105 « Le crowdfunding au service du château de Caumal », fondationmh.fr.

106 www.wiseed.com, projet ECHY.

Page 70: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

70

Figure 20 : type de projets financés sur SmartAngels.

Source : Capture d’écran de la page d’accueil de SmartAngels au 2 juin 2014

En 2013, ils n’étaient que 2 741 contributeurs en equity, loin de ce que l’on imagine être une « foule ». Le mon-

tant moyen de leur investissement individuel était de 3 770€, loin des petits montants qui sont supposés être au

cœur du principe du crowdfunding (les petits ruisseaux font les grandes rivières).

Figure 21 : Répartition des contributeurs du financement participatif en 2013.

Source : Baromètre 2013 réalisé par Compinov en partenariat avec l’association Financement Participatif France selon les

données transmises par 36 plateformes en activité.

Page 71: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

71

Il nous semble que le profil du consom’acteur correspond tout à fait à l’internaute qui fait un don ou qui achète

le CD d’un artiste avant même qu’il ne soit enregistré. En revanche, les motivations et le comportement de

l’internaute-investisseur en equity diffèrent. En font-elles un business angel pour autant ?

b. Des investisseurs individuels aux différentes motivations

Le site AdoctA.com a réalisé une étude107

auprès de 1 011 personnes afin de dresser un profil type du crow-

dfunder en equity. Les résultats sont récapitulés dans le tableau suivant :

Figure 22 : Etude des motivations des internautes-investisseurs

Source : Extrait de l’étude AdoctA.com

Il ressort de cette étude que l’internaute-investisseur expérimente une forme de catharsis : il vit par procuration

l’aventure qu’un autre réalise. L’émotion est au cœur du processus d’investissement de l’internaute. Sur ce sujet

nous renvoyons le lecteur vers le mémoire de Monsieur Rémy Lombard qui a pour sujet la part de la dimension

107« Crowdfunding, Financement participatif d’entreprise: Qui sont les investisseurs ? » Blog.adocta.com [en ligne], Octobre

2013.

Base interrogée : base AdoctA.com, 1011 personnes questionnées en ligne du Lundi 23 septembre 19h00 au Vendredi 4

octobre minuit. 240 personnes, soit 24%, ont déclaré avoir déjà investi via le Crowdfunding ou avoir l’intention de le faire

dans un avenir proche: ils/elles constituent le panel interrogé.

Page 72: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

72

émotionnelle dans la prise de décision d’investissement108

chez les business angels et les internautes-

investisseurs. Il y conclut qu’ « en définitive, en France, les investisseurs en financement participatif en fonds

propres développe une rationalité et des pratiques spécifiques qui se distinguent des Business Angels tradition-

nels : faible taille du ticket, un court temps d’analyse du dossier, une négligence déclarée de la distance géo-

graphique, parfois une valorisation particulière des projets en accord avec leurs valeurs (un échantillon spéci-

fique a été conçu à ce sujet – Babyloan). Leur décision est tout aussi influencée par une irrationalité prévisible,

mise en lumière par la forte exposition aux biais cognitifs identifiés, testés et validés (heuristiques, aversion à la

perte, biais de représentativité). Eprouvant une intensité émotionnelle tout aussi forte que les business angels,

leurs émotions post-investissement relèvent plus de classe d’accomplissement (fierté, exaltation, joie, satisfac-

tion) tandis que les business angels ont des émotions qui relèvent plus de classe d’approche (soulagement,

espoir, intérêt, surprise). »109

Benoit Bazzochi, fondateur de Smartangels, liste quant à lui cinq raisons pour lesquelles investir dans une

startup via une plateforme de financement en equity110

. Nous allons voir dans quelles mesures crowdfunders et

business angels partagent ces motivations. Mais également en quoi ces motivations annoncées quasiment

comme des promesses, se traduisent dans la réalité.

- Raison n°1 : faites le pari de fortes plus-values potentielles.

Il part du constat selon lequel les rendements sur les PEL et autres produits financiers sont au plus bas. Ainsi

investir dans de futures « pépites » est non seulement rémunérateur mais également valorisant puisque cela

contribue à dynamiser l’économie française.

Il ne faut pourtant pas oublier que les sorties de capital ayant déjà été effectuées en France ne l’ont été que par

Wiseed. L’une « par le haut » avec un retour sur investissement à 44% mais également trois « les pieds de-

vants », c’est-à-dire trois faillites.

Les business angels sont peut-être plus conscients de ce risque car il fait partie intégrante de leur fonctionne-

ment. Claude Rameau le rappelle «Sachant que la sortie la plus habituelle du capital d’une entreprise se fait “les

pieds devant”, c’est-à-dire sous la forme d’un dépôt de bilan, être business angel signifie forcément avoir le

goût du risque. Nous conseillons aux débutants de ne pas investir plus de 5 % de leur patrimoine. Certains vont

108 Rémy Lombard, « Financement participatif en fonds propres : quelle est la part de la dimension émotionnelle dans la

prise de décision d’investissement ? », sous la direction de M.Bureau, ESCP Europe, 2014.

109 Ibid.

110 Benoit Bazzocchi, « Crowdfunding: 6 raisons d'investir dans des start-up », huffingtonpost.fr [en ligne], 13 février 2014.

Page 73: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

73

jusqu’à 10 %, d’autres encore au-delà, comme moi : cela m’amuse et je ne fais pas cela pour l’argent, mais

plutôt par passion. »111

- Raison n°2 : choisissez vous-même vos investissements

Le crowdfunding serait un moyen de devenir un « professionnel de l’investissement » en « quelques clics » selon

Benoit Bazzochi112

.

A l’inverse d’un business angel qui participe activement à la due diligence et instruit un dossier pour en com-

prendre les tenants et les aboutissants, l’internaute-investisseur délègue cette partie à la plateforme qui lui offre

des projets « prêts à investir ». Cela lui évite de faire les erreurs que peut commettre un business angel isolé, car

comme en témoigne Claude Rameau, « [il] devait procéder seul à l’analyse des dossiers. [Il a] ainsi commis

énormément d’erreurs d’appréciation qui [lui] ont coûté très cher. »113

Les plateformes de crowdequity offrent la possibilité aux internautes de devenir business angels sans tous les

déboires que peut engendrer l’isolement et l’amateurisme des débuts.

Cependant, une différence majeure en internautes-investisseurs et business angels est que ces derniers déve-

loppent un rapport quasiment amical avec le chef d’entreprise. Il embarque dans le même bateau que lui mais

n’en détient pas les commandes, il doit alors lui faire confiance (toujours cette notion) et l’accompagner dans

ses orientations stratégiques. « C’est particulièrement important pour le business angel : une fois qu’il a apporté

son argent, il est embarqué et ce n’est pas lui qui tient la barre […] Quand vous investissez dans une entreprise

en création, vous vous liez à cette société pour deux, trois, cinq ans, et parfois pour huit ou dix ans. Souvent,

vous êtes tenu par un pacte d’actionnaire et, de toute façon, personne n’est prêt à racheter les parts d’une

entreprise qui n’a pas encore atteint un stade de maturité. Vous êtes “collé” dans l’investissement pour plusieurs

années. Il est donc essentiel de bien vous entendre avec les entrepreneurs.»114

. L’internaute-investisseur, en

investissant avec une multitude d’autres, n’a pas le loisir de créer des liens aussi forts. D’autant plus que les

crowdfunders sont généralement regroupés en holding d’investissement et que seuls des représentants des

plateformes de crowdequity siègent au comité stratégique des entreprises financées. L’internaute-investisseur,

en investissant via des plateformes, délègue ainsi le pouvoir que semblait lui conférer le financement participatif

111 Claude Rameau, « Ressources technologiques et innovation - Les business angels en France, Une force en émergence

? ».

112 Benoit Bazzocchi, « Crowdfunding: 6 raisons d'investir dans des start-up », huffingtonpost.fr [en ligne], 13 février 2014.

113 Claude Rameau, « Ressources technologiques et innovation - Les business angels en France, Une force en émergence

? ».

114 Ibid.

Page 74: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

74

d’être proche de l’économie locale, de financer des projets qui « comptent » et de participer à une aventure

humaine.

L’aventure humaine, quel qu’elle soit se nourrie de rencontres et de dialogues. Or comment la vivre sur une

plateforme de financement participatif si ce n’est virtuellement. Et si elle est virtuelle, la vivons-nous vraiment ?

- Raison n°3 : prenez part aux aventures entrepreneuriales

« La raison officielle [d’investir dans une startup] est la recherche de gain en capital, mais la vraie raison, et je

crois qu’elle vaut pour tous les business angels, c’est l’envie de participer à un projet et de se passionner pour

cette aventure. »115

selon Claude Rameau.

C’est aussi une motivation du crowdfunder : participer à une aventure entrepreneuriale. Vivre par procuration

un projet. Selon une enquête réalisée par la plateforme de crowdequity Anaxago, 85% des particuliers interro-

gés viennent au financement participatif d'abord pour participer à une aventure entrepreneuriale.116

« Ce qui est original dans le crowdequity réside dans la forte dimension éthique que ses promoteurs lui confè-

rent. On va même jusqu’à insister sur une « émotion », celle de l’entrepreneur qui rencontrerait celle de

l’épargnant investisseur. Il y aurait comme une offre d’émotion qui rencontrerait une demande du même ordre

! »117

écrit Pascal Ordonneau118

dans « Crowdfunding: Finance émotionnelle ou rationnelle? ».

AdoctA.com a réalisé une étude119

de marché qui vient confirmer ces intuitions : « Les 2 motivations principales

pour un crowdfunder sont « aider un projet » et « participer à un projet » (39% total des 2 réponses)… le « re-

tour sur investissement » n’est cité que dans 12% des cas et seul 9% déclarent la défiscalisation comme une

motivation. Ce dernier point s’expliquant principalement par les faibles montants dédié à ce type

d’investissement. Si l’on investit en crowdfunding c’est donc bien pour aider les projets à émerger. Cette dé-

marche est un véritablement engagement de l’investisseur aux cotés de l’entrepreneur puisque 74% d’entre eux

déclarent vouloir « faire la promotion acharnée » de la société s’ils investissent ; seuls 3% d’entre eux déclarent

ne pas vouloir jouer un rôle actif ; 32% sont prêts en plus à apporter leurs conseils. »120

115 Ibid

116 Christine Lejoux, « Le crowdfunding, c'est aussi une histoire de fiscalité », Latribune.fr [en ligne], 22 mai 2014.

117 Pascal Ordonneau, « Crowdfunding: Finance émotionnelle ou rationnelle? », lesechos.fr [en ligne], le 29 mai 2014.

118 Auteur de La désillusion, abécédaire décalé et critique de la banque et de la finance , Editions Jacques Flament

119 « Crowdfunding, Financement participatif d’entreprise: Qui sont les investisseurs ? » Blog.adocta.com [en ligne], Octobre

2013.

120 Ibid.

Page 75: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

75

- Raison n°4 : bénéficiez d'avantages fiscaux

Si la motivation première des business angels et des crowdfunders n’est pas la recherche des réductions fiscales,

la question de la fiscalité est tout de même importante pour ces deux acteurs.

« Une motivation commune que nous pouvons cependant relever est celle de l’intéressement fiscal. Il y a une

dimension fiscale assez importante chez les business angels, et ce même si les seuils de défiscalisation ont été

abaissés. Or jusqu’à présent les investisseurs-internautes sur les plateformes de crowdequity ne pouvaient pas

déduire leurs investissements de leurs impôts. Avec la loi TEPA ISF121

, la donne change » rappelle le Professeur

Jean Redis122

.

Globalement les outils permettant de réduire son imposition fiscale sont les mêmes pour les investisseurs privés

que pour les internautes-investisseurs.

D’après l’article de LaTribune « Le crowdfunding, c'est aussi une histoire de fiscalité » 123

ils sont au nombre de

quatre :

La réglementation française de la finance participative, qui doit entrer en vigueur en octobre, ne prévoit pas

d'avantages fiscaux spécifiques à ce nouveau mode de financement. Le crowdequity s'insèrera donc dans

quatre dispositifs fiscaux existants. Les deux premiers, l'IR PME et l'ISF PME, offrent des avantages à l'entrée. Les

deux autres, le PEA et le PEA-PME, présentent à l'inverse des avantages à la sortie. Ces deux catégories d'avan-

tages n'étant pas cumulables, les particuliers-investisseurs devront donc arbitrer entre l'IR PME ou l'ISF PME

d'un côté, et le PEA ou le PEA-PME de l'autre.

-L'IR PME : cet avantage fiscal permet à toute personne assujettie à l'impôt sur le revenu (IR) de déduire de ce

dernier 18% des montants investis dans des PME, jusqu'à 9.000€ par personne, et à condition que le redevable

de l'IR ait gardé ses parts dans les PME en question durant cinq ans au moins.

-L'ISF PME : à la différence de l'IR PME, il n'entre pas dans le plafond de 10.000 euros des niches fiscales. Et

autorise les personnes redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à déduire de celui-ci la moitié des

sommes qu'elles auront investies dans des PME, dans la limite de 45.000 euros de réduction d'impôt.

121 Le dispositif ISF PME 2014 (TEPA) permet aux redevables de l'impôt sur le revenu (ISF) de déduire 50% des sommes

investies dans le capital de PME françaises et européennes. (I de l'article 885-0 V bis du CGI).

122 Entretien semi-dirigé Jean REDIS – 18 février 2014.

123 Christine Lejoux, « Le crowdfunding, c'est aussi une histoire de fiscalité », Latribune.fr [en ligne], 22 mai 2014.

Page 76: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

76

-Le PEA (plan d'épargne en actions) : doté d'un plafond de 150.000 euros, il permet à ses souscripteurs de

bénéficier d'une exonération totale d'imposition (exception faite des prélèvements sociaux, de 15,5%) sur les

dividendes et les plus-values de cession, pour peu que les titres aient été détenus durant plus de cinq ans.

-Le PEA-PME : le nouveau petit frère du PEA présente les mêmes avantages fiscaux que son aîné. Mais son

plafond se limite à 75.000 euros, et il ne concerne que les sociétés comptant moins de 5.000 salariés, et dont le

chiffre d'affaires annuel est inférieur à 1,5 milliard d'euros.124

La différence fiscale entre les deux acteurs se fait au niveau du mode d’investissement.

- Les business angels investissent en direct dans les entreprises, leur nom est inscrit dans le pacte

d’actionnaires signé avec le chef d’entreprise125

. En investissant en direct ils bénéficient des avantages

fiscaux abordés plus haut.

- Les plateformes en equity ont deux modes de fonctionnement :

o Soit les crowdfunders investissent en leur nom propre en direct. Avec une entrée en direct,

l’investisseur bénéficie d’une réduction fiscale de 18% du montant investi s’il est soumis à l’IR et

50% s’il est soumis à l’ISF126

.

o Soit la plateforme constitue une holding pour chaque prise de participation. Seule la holding

figure sur le pacte d’actionnaire et regroupe tous les internautes-investisseurs afin que le chef

d’entreprise ait un interlocuteur unique. Dans ce cas, pour bénéficier des mêmes avantages

« ce holding doit compter au maximum 50 actionnaires. La loi de finance 2011 a imposé cette

restriction (et quelques autres…) suite à des mauvaises pratiques constatées dans les années

précédentes. on peut proposer des holdings de ce type pour certains des dossiers retenus. Les

tickets d’investissement sont de facto plus élevés (quelques milliers d’euros). » rappelle Sou-

leymane-Jean Galadima, Associé de la plateforme Wiseed.127

124 Ibid.

125 Ils peuvent également être soutenus dans leur investissement par une SIBA (Société d’Investissement de Business an-

gels) qui peut venir compléter des tours de table, maximum à hauteur de l’investissement fait par les business angels per-

sonnes physiques. Cette SIBA est abondée par les business angels eux-mêmes.

126 Souleymane-Jean Galadima « Crowdfunding en capital : avec ou sans holding ? » journaldunet.com [en ligne], 10 avril

2014.

127 Ibid.

Page 77: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

77

Figure 23 : Deux modèles d’investissement en crowdequity.

Source : PANORAMA - Business angels – Crowdfunding Laurent Javaudin – Mai 2014

Par exemple, Wiseed allie les deux modèles :

« WiSEED réalise les opérations de levée de fonds en créant une SAS (Société par Actions Simplifiées soumise à

la réglementation française) dédiée pour chaque startup qui regroupe l'ensemble des internautes investisseurs.

Chaque SAS détient entre 5 à 20% du capital de la startup. Ce modèle d'intervention permet de donner plus de

pouvoir à l'ensemble des souscripteurs, aux fins de préserver et garantir les intérêts communs. Il est également

possible, pour des tickets d’investissement très importants, d’entrer en direct au capital de la startup. »128

- Raison n°5 : économisez les frais des intermédiaires financiers

L’argent des Business angels est considéré comme l’un des plus chers du marché car il est donné en échange

d’actions qui peuvent prendre de la valeur de façon exponentielle. Ainsi, lorsque les business angels « sortent »

du capital au bout de quelques années, leur mise de départ vaut entre cinq fois et vingt fois sa valeur initiale

(voire plus), si tout se passe bien.

Les plateformes de crowdfunding telles que Wiseed ou Smartangels donnent l’impression que l’argent qu’elles

permettent de lever est « gratuit ». La promesse semble être toute simple : « j’investis, tu innoves ».

128 www.wiseed.com

Page 78: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

78

Cependant, les levées de fonds sur les plateformes nécessitent du temps et donc de l’argent. La mise en place

d’holding d’investissement pour chaque projet est coûteuse. De plus, les plateformes n’ont pas beaucoup de

recul sur les projets qui réussiront et ceux qui déposeront le bilan. Elles doivent donc se rémunérer en amont,

sans savoir si elles pourront prélever une commission à la sortie.

Figure 24 : Les flux de revenus de l’Equity Crowdfunding

Source : PANORAMA - Business angels – Crowdfunding Laurent Javaudin – Mai 2014

On observe alors un schéma de rémunération des plateformes qui est bien loin de la promesse de limiter les

frais inhérents aux intermédiaires financiers traditionnels.

Maintenant que nous comprenons un peu mieux qui sont les crowdfunders, mais préférons le terme d’ « inter-

nautes-investisseurs », et comment fonctionnent les plateformes, nous voyons que le financement participatif

fait face à de nombreux challenges.

Les plateformes sont des sociétés commerciales et les « promesses » qu’elles font s’inscrivent dans un plan mar-

keting fait pour servir leurs intérêts. Et il n’y a rien de mal à cela, rappelons-le.

Le phénomène en lui-même répond à l’envie des citoyens de se réapproprier leur épargne et des besoins des

consommateurs de consommer autrement. Mais, les plateformes sont quant à elles des intermédiaires financiers

qui s’inscrivent dans un écosystème déjà existant. En tant que nouveaux acteurs elles chamboulent l’échiquier

du financement mais elles doivent encore comprendre quelles seront les conditions de leur succès.

En conclusion de ce chapitre, nous pouvons apporter un éclairage sur notre troisième hypothèse :

Page 79: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

79

Ce n’est pas la « foule » qui finance mais bien une multitude d’individus indépendants. Si cette foule

n’est en réalité qu’un agrégat d’individus aptes à investir leur propre patrimoine alors la définition de « crow-

dequity » doit être revue pour se rapprocher de la réalité

Il apparait que les internautes-investisseurs ont un profil encore difficile à appréhender précisément. Ils

ont des motivations émotionnelles et financières qui se rapprochent de celles des business angels. Une certi-

tude, cependant, est que le financement participatif par souscription d’actions ne se fait pas une foule mais bien

par des « internautes-investisseurs » qui se prennent au jeu de l’investissement. Reste à savoir s’ils continueront

à jouer quand il y aura déjà eu quelques échecs ou des tentatives de fraudes qui remettront en question la

notion même de confiance qui est au cœur du phénomène. Les plateformes sont certainement sûres d’elles

lorsqu’elles font des promesses clients comme nous les avons énumérées plus haut. Cependant les promesses

sont parfois difficiles à tenir et la comparaison que nous avons faite avec le fonctionnement des réseaux de

business angels montre qu’il y a des impératifs incompressibles liés au métier d’investisseur : investir et levée

des fonds ont un coût juridique, financier, temporel, etc. Lever des fonds n’est pas « gratuit » et représente un

travail de longue haleine dont on ne peut faire l’économie.

Page 80: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

80

PARTIE 3. PRÉCONISATIONS ET LEÇONS

MUTUELLES.

Page 81: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

81

Chapitre 7. Challenges

« The honeymoon period that we are experiencing around crowdfunding is beginning to come to a close, said

Wil Schroter, co-founder and chief executive of FundablePeople realize the real risk involved in investing in

anything early-stage, whether it’s an idea, a charity or a product, and they’re starting to understand they aren’t

buying off Amazon » -

The New York Times

Le crowdequity va devoir faire face à un certain nombre de challenges ces prochains mois : l’effet de mode

grandit mais la législation n’est pas encore gravée dans le marbre. La reconnaissance des plateformes comme

des acteurs du financement est de plus en plus grande mais cela implique une professionnalisation de leurs

processus. Ce sont autant de problématiques qu’ils convient de récapituler ici pour nous permettre de prendre

du recul sur le phénomène. Ce sont autant de challenges qui permettront de savoir dans quelles mesures nous

pouvons faire confiance au crowdequity, en fonction de l’aptitude des plateformes à y faire face.

Challenges des plateformes 1.

a. Anticiper les changements de régulation

La réglementation dans le domaine de la sécurité du public a été la plus grande barrière dans le déve-

loppement du crowdequity jusqu’à présent. Par sa nature même, l’investissement en capital-risque dans de

jeunes entreprises implique la possibilité que les investisseurs puissent perdre tout ou partie de leur argent. Les

décisions cruciales en matière de due diligence, de valorisation, de vérification d’information et de gouvernance,

doivent souvent être faites malgré l’absence d’informations importantes qui sont en générale accessibles dans

des entreprises plus matures. Actuellement, ceux qui sont engagés dans l’investissement en equity dans des

startups comme les capitaux-risqueurs ou les business angels, ont à la fois l’expérience du management de ce

type d’entreprises et les compétences nécessaires pour des secteurs et des technologies spécifiques.

Page 82: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

82

La crainte, naturelle, d’un point de vue règlementaire est le manque d’expérience des investisseurs non-

professionnels qui peut les conduire à financer des entreprises frauduleuses ou des business qui, bien que de

bonne foi, n’ont que peu de chance de succès. 129

b. Réaliser la valorisation

Comme mentionné plus haut, l’une des premières étapes du processus de crowdfunding requiert de

valoriser la société afin que l’entrepreneur puisse décider combien de pourcentage de capital il est prêt à céder

contre le montant de fonds demandé. C’est une importante part du processus car il est nécessaire pour assurer

que l’entrepreneur donne une valorisation raisonnable de son business et ainsi assurer que les parts ne sont pas

cédées à un prix trop élevé. Mais la complexité que représente la valorisation d’une société ne doit pas être

sous-estimée. Une grande partie de la valeur de la société peut être sous forme de propriété intellectuelle et les

valorisations sont fondées principalement sur des prédictions hasardeuses de la taille future du marché, de la

concurrence, du chiffre d’affaire et d’autres variables.

La pratique la plus courante sur les plateformes est de laisser l’entrepreneur fixer la valorisation lui-même, selon

ce qu’il perçoit de son business. Cependant, si cette valorisation est faussée cela peut avoir des effets négatifs

conséquents sur toute la collecte de fonds.

Un mécanisme utilisé par quelques plateformes dans le but de contourner ce problème est d’intégrer une

flexibilité dans la quantité d’equity qui est offerte, au fur et à mesure que la levée de fonds progresse.

Ainsi, l’entrepreneur peut augmenter la quantité d’equity qu’il peut offrir s’il pense que le taux d’investissement

à ce point indique qu’il ne pourra pas atteindre l’objectif de levée de fonds avant la deadline. Ce qui signifierait,

si l’objectif n’était pas atteint, que l’argent collecté retournerait aux internautes-investisseurs. A défaut, il peut

recevoir un feedback des investisseurs qui pensent que la société est surévaluée.

La flexibilité autour de la valorisation des sociétés investies est essentielle pour les très jeunes business en ce

sens qu’elle permet d’augmenter la part de capital cédée. Cependant, au même titre qu’il y a des implications

pour les entrepreneurs qui offrent trop peu de parts de capital par rapport à la quantité de fonds demandés, les

entrepreneurs et les investisseurs doivent aussi être conscients des conséquences qu’il y a à offrir trop de parts

de capital, notamment sur la capacité à trouver des financements complémentaires par la suite130

.

129 Liam Collins and Yannis Pierrakis,” The venture crowd crowdfunding equity investment into business”, Nesta, July 2012,

p.29

130 Op.cit, p.30

Page 83: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

83

c. Eviter les fraudes

L’une des principales préoccupations à propos du crowdequity est que les fonds peuvent venir

d’internautes devenus investisseurs d’un jour pour financer des entreprises qui n’ont aucune intention de créer

un business profitable. Cette crainte a été la plus mise en avant par ceux qui s’opposaient à la libéralisation de la

régulation. C’est une crainte importante, bien que l’on se rende compte qu’il y a tout de même un certain

nombre de garde-fous. Les administrateurs des plateformes exercent des procédures de contrôle pour éviter

les fautes, notamment parce que c’est un critère de compétitivité sur ce marché.

Une autre protection est le principe du “tout-ou-rien” qui existe lors la levée de fonds. Les entrepreneurs ne

recevant les fonds, nous l’avons vu, que si leur objectif est atteint. La théorie ici est que plus il y a de personnes

qui auront fait des vérifications pour leur investissement personnel et plus une offre frauduleuse est susceptible

d’être identifiée. Cependant, cela implique que les investisseurs potentiels réalisent ce genre de vérification et ne

fassent pas entièrement confiance à la procédure de contrôle anti-fraude que met en place une plateforme.

Cette méthode de contrôle par la “foule” ne fonctionne, de plus, que quand les plateformes mettent en place

des forums de discussions au sein duquel un internaute peut alerter les autres.

Une autre protection qui pourrait être intégrée serait l’introduction d’une libération échelonnée des fonds liée à

des étapes-clés. Ceci pourrait rencontrer des limites règlementaires car les plateformes devraient conserver

l’argent des investisseurs sur une période plus longue. De plus, le poids administratif pour les plateformes qui

devront vérifier chaque étape serait conséquent. Mais cela permettrait de limiter largement les sommes que les

fraudeurs pourraient collectées131

.

Pour finir, la prolifération des réseaux sociaux augmente la capacité à mesurer en ligne la solvabilité et la crédi-

bilité des personnes et des sociétés. Des outils naissent sur ce principe et permettent notamment de vérifier la

véracité des informations concernant les entrepreneurs : compétences, expériences, antécédents, etc. Bien

qu’un certain niveau de fraude semble inévitable il est pour le moment très négligeable. 132

d. Suivre les participations et organiser la gouvernance

Une recherche réalisée par Sorensen en 2007 sur l’investissement en amorçage a montré que le sou-

tient post-investissement était au moins deux fois plus important que la sélection des dossiers pour expliquer la

probabilité pour un business d’être viable et prospère. En théorie la « foule » peut assurer ce soutien dans cer-

tains cas. Les entrepreneurs ayant levés des fonds sur une plateforme auront accès à de nombreux individus qui

donneront leur avis dont ils pourront se servir. Ils auront également l’opportunité d’exploiter la réceptivité de

131 Op. cit. p.32.

132 Op. cit. p.34.

Page 84: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

84

leur communauté pour faire du marketing de masse. En pratique cependant, ceci ne peut fonctionner, ou du

moins fonctionner au mieux, que pour certains types de business. Ceux qui produisent des biens et services

pour des consommateurs peuvent bénéficier largement des feedbacks de leurs investisseurs qui sont aussi des

utilisateurs.

Les plateformes actuellement en ligne offrent différents moyens de manager l’engagement des investisseurs

après la levée de fonds. Si tous les investisseurs peuvent contacter les entrepreneurs, certaines plateformes

permettent aux actionnaires, même les plus petits d’avoir un droit de vote. Par exemple, Crowdcube permet aux

entrepreneurs d’indiquer un seuil d’investissement au-dessus duquel les investisseurs ont des droits de vote. La

plateforme allemande Symbid permet à tous les internautes-investisseurs d’avoir un droit de vote au sein d’une

holding qui gère les intérêts du groupe. Une autre option est le « nominee-management model » mis en place

par Seedrs notamment. La plateforme gère la gouvernance et les autres problématiques post-investissement

pour ses internautes-investisseurs133

.

Il y a des arguments pour et contre offrir des droits de vote aux petits investisseurs. L’un des principaux argu-

ments contre est que cela complique substantiellement le management de l’actionnariat. Ceci pouvant mener à

l’inertie dans le processus de prise de décisions, particulièrement dans les cas où les fondateurs ne possèdent

pas la majorité des parts du business.

e. Co-investir avec des investisseurs professionnels

Selon Jean Redis, professeur, « Le crowdfunding est un mode de financement qui va se développer très

fortement dans les prochaines années. Mais il est certain qu’il va y avoir un écrémage voire un rachat de cer-

taines d’entre elles par des banques. On ne peut tout de même pas parler de « révolution » du financement. Ce

sont des nouveaux types d’acteurs qui viennent tout simplement compléter la chaîne du financement.

Personnellement j’ai du mal à y croire totalement. Les tickets restent modestes : de 100 à 3000 €. Je peine à

imaginer des personnes investissant des montants bien supérieurs, comme le feraient des business angels, sur

une plateforme virtuelle qui a des critères de due diligence et de suivi des participations très light. En augmen-

tant le plafond global par investissement, on ne va pas observer une augmentation des montants individuels

investis mais bien du nombre d’investisseurs-internautes. Ce qui ne solutionnera pas la problématique de

l’accompagnement et de la relation de confiance avec l’entrepreneur, bien au contraire. » 134

Ainsi la question des co-investissements avec des acteurs traditionnels se pose de fait. D’ailleurs, selon un rap-

port Nesta de juillet 2007, des business angels et des capitaux-risqueurs consultés croient que la participation

133 Op. cit. p.40.

134 Entretien semi-dirigé Jean REDIS – 18 février 2014.

Page 85: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

85

d’investisseurs expérimentés serait un élément nécessaire pour le crowdequity qui souhaite offrir une protection

aux investisseurs « non qualifiés ». Ce modèle de co-investissement entre professionnels et amateurs est celui

qui nous semble le plus adéquat et efficace. Les investisseurs dits professionnels apportent leur expertise sur un

panel de facteurs qui assure une décision d’investissement raisonnable. Cependant, le challenge pour les plate-

formes sera de les inciter à participer au modèle. Or il y a plus d’entreprises qui cherchent des business angels

que des angels cherchant des entreprises dans lesquelles investir.

Chaque activité de co-investissement fait face à des challenges supplémentaires. L’un d’eux est les « clauses

d’investissement » ; les investisseurs professionnels voudront sûrement être récompensés pour le temps qu’ils

consacrent dans l’évaluation et l’accompagnement des sociétés et ils ne voudront peut-être pas investir selon

les mêmes conditions que la « foule ». Un autre challenge est la capacité à syndiquer des partenaires pour assu-

rer des financements complémentaires. Le crowdfunding peut ne pas être jugé attractif sur ce point tant qu’il ne

développe pas le potentiel d’assurer des tours de table successifs si l’entreprise en a besoin dans le futur.

Mais d’un autre côté, faire une levée de fonds avec des business angels peut prendre énormément de temps et

être coûteux en termes administratifs et juridiques. Le crowdequity offre une troisième voie alternative et l’idée

d’un process d’investissement qui limite les coûts de transaction peut être attrayante135

. N’oublions cependant

pas le modèle de rétribution des plateformes.

Les plateformes sont des intermédiaires, ainsi leur « clients », entrepreneurs et internautes-investisseurs,

vont eux aussi avoir des questions à se poser avant de prendre part à l’aventure crowdfunding.

Challenges de l’entrepreneur 2.

a. Faire une levée de fonds

Une des promesses clients des plateformes de crowdequity est d’être une source de financement facile

et peu couteuse pour des entrepreneurs en mal de trésorerie ou de capital. Nous avons déjà vu que les plate-

formes ont un modèle de rétribution qui est profitable. Nous avons également vu que pour réussir une levée de

fonds sur une plateforme, l’entrepreneur doit animer une communauté virtuelle et communiquer largement sur

son projet. Ceci prend du temps. Or nous n’aurons de cesse de le répéter mais au stade de lancement d’une

startup, le temps est de l’argent. Ainsi, une levée de fonds sur une plateforme, au même titre qu’auprès de

135

Op. cit. p 44.

Page 86: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

86

business angels, est coûteuse à la fois en temps mais surtout en énergie. De plus, malgré la promesse de trou-

ver de l’argent « facilement », nous ne saurons que conseiller aux entrepreneurs de s’entourer de conseils juri-

dique et comptable pour les assister dans la protection de leur propriété intellectuelle, dans la rédaction du

pacte d’actionnaires et dans la valorisation de leur société.

Le phénomène du crowdfunding est merveilleux – il permet même de financer une salade de pommes de terre

à 44 000$ en reward-based !136

- mais ne soyons pas utopistes : il ne révolutionne pas le monde du finance-

ment, il vient compléter une offre déjà existante. Ainsi, des règles élémentaires de prudence et

d’accompagnement sont à suivre. La confiance est aux fondements même du crowdequity, il ne faut pas que ce

soit le cas de la naïveté.

b. Gérer ses actionnaires

Nous ne revenons pas sur cette question ici. Elle a déjà été abordée plus haut dans la partie consacrée

aux challenges rencontrés par les plateformes. Ces dernières et les entrepreneurs partagent cette probléma-

tique.

c. Organiser des levées de fonds successives (remise au pot ou rachat)

Le crowdequity semble peut viable pour des besoins de financement très importants. Jusqu’à présent,

il n’y a pas assez d’exemples de projets pour lesquels d’importants montants de capital ont été levés par la

« foule » pour des concepts commerciaux pour pouvoir avoir assez de recul. Le crowdfunding n’est pas appro-

prié pour faire du capital-développement, c’est-à-dire pour des phases de développement plus avancées.

Même si il y a quelques exemples de montants conséquents réunis par la « foule » pour des sociétés déjà avan-

cées dans leur développement, notamment aux Etats-Unis, on ne peut les considérés que comme des excep-

tions. Financer des stades de développement avancés reste le propre de la private equity et d’autres instru-

ments du marché du financement traditionnel.

“Les entrepreneurs qui envisagent de financer leur société grâce au crowdequity devront penser sérieusement à

la trajectoire stratégique globale de leur business. La plupart des capitaux-risqueurs et investisseurs publics ne

veulent pas investir dans des sociétés qui ont de nombreux actionnaires. Ainsi le crowdequity n’est peut-être

pas viable pour les sociétés désireuses de faire appel, par la suite, à des capitaux-risqueurs ou des investisseurs

136 Mathieu Maire du Poset , « 44.000 dollars pour une salade de patates : ce buzz ne signe pas la mort du crowdfunding »

Leplus.nouvelobs.com [en ligne], 10 juillet 2014.

Page 87: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

87

publics. A défaut, la possibilité d’instaurer des clauses obligatoires de sortie pour les investisseurs via crowdfun-

ding (c’est à dire un remboursement obligatoire lors de la cession de la société) devra être explorée. » 137

d. Protéger sa propriété intellectuelle

Selon les conditions de dépôt de brevet de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), « l’invention

doit être nouvelle, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas porter sur une innovation qui a déjà été rendue accessible au

public, quels qu’en soient l’auteur, la date, le lieu, le moyen et la forme de cette présentation au public.

Or Internet est le réseau informatique mondial accessible au public. C'est un réseau de réseaux, sans centre

névralgique, composé de millions de réseaux aussi bien publics que privés, universitaires, commerciaux et gou-

vernementaux.138

Les entreprises qui ont des concepts ou des produits faciles à comprendre et simples à copier sont très sen-

sibles aux problématiques de propriété intellectuelle. Dans le financement des startups en général,

l’entrepreneur ou le porteur de projet doit divulguer un certain nombre d’informations clés concernant son

concept ou l’innovation qu’il souhaite lancer afin de gagner des supporters (sponsors, prêteurs, investisseurs).

Ceci s’applique également au crowdfunding, mais avec une différence majeure : le nombre de potentiel sup-

porters est, par définition, bien plus grand (jusqu’à plusieurs centaines) et c’est impossible ou légalement très

compliqué d’imposer un accord de confidentialité à l’ensemble d’entre eux. Dans le processus de crowdfunding,

l’entrepreneur divulgue virtuellement son concept et des détails clés à un public très large. 139

Jean Redis, Professeur, explique que « La problématique des projets technologiques voire biotechnolo-

giques n’est pas la même que des projets de services en BtoC ou dans les NTIC par exemple. Ils nécessitent

beaucoup plus d’expertise et ne peuvent pas profiter d’un effet de mode. De plus, les temps de développement

sont bien plus longs. Il est fort probable que cela dissuade les internautes car ces projets impliquent une prise

de risque plus longue. Il est clair qu’il est plus compliqué de vendre ce type de projets sur les plateformes de

crowdfunding. » 140

Nous faisons ici le récapitulatif des challenges. Nous ne pouvons définir une ligne de conduite à suivre. Ce

sera à chaque entrepreneur d’apprécier l’importance de sa propriété intellectuelle et de faire le choix straté-

gique de diffuser, ou non, des informations sensibles liées à son entreprise.

137 Kuo John « Equity Crowdfunding Platforms: How Many Will There Be?”, http://www.nerdwallet.com/ [en ligne] le 7 no-

vembre 2013.

138 Source Wikipédia

139 Joachim Hemer « A Snapshot on Crowdfunding » Working Papers Firms and Region No. R2/2011.

140 Entretien semi-dirigé Jean REDIS – 18 février 2014.

Page 88: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

88

Chapitre 8. Préconisations.

Analyse: les réseaux de business angels confrontés aux plateformes de crowdfunding 1.

Récapitulons dans un tableau simplifié les avantages et les inconvénients que représentent chacun de ces ac-

teurs lorsque l’on est investisseur ou entrepreneur.

+

- sélection des projets

- informations sur les clients poten-

tiels et les opportunités de marché

- création d’une communauté

- diversité des compétences

- capital

- carnet d’adresses

- accompagnement

-

- suivi et accompagnement des

projets

- Temps de levée de fonds

conséquent

- Possibilité de no-go jusqu’à la

signature du pacte

d’actionnaires.

+

- Anonymat

- Dealflow

- Mutualisation des compé-

tences et professionnalisation

- Relations humaines au sein

des clubs

- Due diligence

-

- Risque de fraude

- Risques liés au projet

- Pyramide de Ponzi

- Effet subprimes

- Nécessité d’une implication

temporelle et financière forte

- Erreurs de jugement toujours

possibles.

Page 89: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

89

Préconisations 2.

a. Les business angels ont tout intérêt à se positionner par rapport au crowdequity.

Les business angels, bien que jouant un rôle fondamental dans le financement des entreprises, ne peu-

vent couvrir qu’une partie du financement des entreprises Nous l’avons vu, il existe un equity gap, notamment

en France, qui reste important malgré l’action d’acteurs tels que les business angels. Par ailleurs, cet equity gap,

écart entre premiers investissement accessibles (love money, aides de l’état, business angels) et le seuil au-

dessous duquel les capitaux-risqueurs ne se penchent pas sur le dossier, est en train d’augmenter en Europe.

Ceci complexifie la recherche de capitaux pour les entrepreneurs et cela détruit la première création de valeur

qui avait débutée avec les premiers investissements. Si la société ne « décolle » pas alors elle se crash.

Les business angels, bien qu’ayant des moyens parfois limités savent mutualiser les investissements

avec d’autres réseaux et des acteurs publics afin d’augmenter les montants des levées de fonds, ce qui repré-

sente leur grande force et un potentiel énorme.

Nous préconisons que les réseaux de business angels se rapprochent des plateformes de crowdfunding

les plus sérieuses comme ils le font avec d’autres acteurs du financement. En faisant cela, ils se positionnent

dans cet écosystème comme acteur pivots, fédérateurs et ouverts au changement. Tout en augmentant leur

« force de frappe » financière et leur capacité à tester certains business models grâce à la communauté Internet.

Page 90: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

90

b. Il y a une complémentarité certaine entre crowdequity et business angels

Figure 25 : principales attentes des bénéficiaires

avant l’intervention des business angels dans leur société

Source : Evaluation de l’action des Business Angels – ERNST&YOUNG 2007.

Les chefs d’entreprise, au-delà de l’apport financier, sont clairement en attente de conseils stratégiques

.Les entrepreneurs sont clairement en recherche d’un soutien dans la réflexion stratégique de leur développe-

ment. L’assistance à la réflexion stratégique représente « la principale attente des chefs d’entreprises vis-à-vis de

l’intervention des business angels », soit un choix prioritaire pour 53% des répondants de l’étude141

.

De plus, ce sont des préoccupations qui touchent de façon égale les chefs d’entreprises, quelle que soit la

tranche d’âge concernée et ne dépend pas des secteurs d’activité concernés.

Ainsi les entrepreneurs qui se tournent vers des business angels vont y chercher une écoute, un accompagne-

ment et des suggestions, au-delà du simple apport en capital.

Au même titre que deux assurances au même prix peuvent ne pas couvrir les mêmes risques, les réseaux de

business angels et les plateformes de crowdfunding proposent des offres de financement qui ne couvrent pas

les mêmes besoins des entrepreneurs. Ainsi, le crowdequity ne peut pas prétendre répondre à tous les besoins

des entrepreneurs, tout simplement car il ne le peut pas. D’où l’intérêt de réaliser des partenariats entre ces

deux acteurs, chacun ayant son propre métier.

141 Ibid.

Page 91: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

91

c. Il y a une complémentarité dans le financement de certains projets.

Il s’avère que les business angels privilégient les secteurs dans lesquels ils ont une certaine expérience pour

réaliser leurs investissements.

Figure 26 : Les types d’investissements des business angels.

Source : Evaluation de l’action des Business Angels – ERNST&YOUNG 2007.

Selon le rapport ERNST&YOUNG BAS 2007, « on observe ainsi une bonne cohérence entre les domaines

investis et les domaines dont sont issus les business angels. […] Pour autant, on observe certaines différences de

comportement selon les classes d’âges : ainsi les moins de 40 ans sont essentiellement concentrés sur le E-

commerce et les TIC (72% à eux deux) ; la classe d’âge 40-55ans fait la moitié de ses investissements en TIC,

puis se répartit de manière comparable sur l’industrie, le E-commerce et les services ; les plus de 55 ans se con-

centrent essentiellement sur l’industrie, les TIC et les services ».142

Or, les business angels, ont en moyenne plus de 40 ans. Ils ont tendance à favoriser des projets technologiques

et à délaisser parfois des projets web, par manque de sensibilité envers ce secteur.

Ainsi, des partenariats intelligents entre plateformes et réseaux permettraient de tester un projet auprès d’une

communauté web, future cliente d’un produit ou service destiné à être distribué en BtoC.

En revanche, les projets technologiques impliquant brevets et secret industriel - bien que pouvant matérielle-

ment lever des fonds sur une plateforme grâce à leur communauté - sont nettement moins désignés pour ce

mode de financement.

142

Ibid.

Page 92: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

92

d. Bien choisir sa plateforme.

L’entrepreneur en recherche de fonds doit se poser la question du type de campagne de crowdfunding

qu’il souhaite mettre en place, en fonction de son projet : don, reward-based, lending ou equity.

S’il fait le choix d’une levée de fonds « traditionnelle », à lui de choisir la plateforme la plus appropriée

pour son secteur d’activité : plateforme spécialisée ou généraliste ? Les internautes-investisseurs investissent en

nom propre ou via une holding gérée par la plateforme ? Quels sont les frais liés à la levée de fonds ? Que sont

devenus les projets investis sur la plateforme ciblée ? Existe-t-il un forum sur lequel échanger avec les futurs

investisseurs ? Quels sont les CGU de la plateforme, notamment en termes de protection des informations con-

fidentielles ?

Côté business angels, la fédération France Angels a diffusé ses propres recommandations aux réseaux, notam-

ment de se poser les bonnes questions avant de co-investir avec des plateformes de crowdequity :

- En fonction des plateformes, une holding porteuse de crowdfunders et/ou de nombreux petits

souscripteurs au capital de la société-cible feront leur apparition. Dans quelle mesure cette situation

affecte-t-elle les perspectives de sortie des business angels ? Quelle sera l’attitude d’un fonds

d’investissement, d’un industriel, face à cette configuration inédite ?

- Le réseau BA dispose-t-il du savoir-faire pour ajuster le Pacte d’Actionnaires dans cette situation, et

anticiper les problèmes de gouvernance potentiels dans le futur ?

- Quelle sera la distribution des droits et devoirs dans la réalisation du travail de suivi post-

investissement entre les business angels, la plateforme, la holding portant les crowdfunders et les pe-

tits porteurs inscrits directement au capital ?

- Dans quelle mesure le premier tour de table en co-investissement avec du crowdfunding facilitera /

compliquera la réalisation des tours de table ultérieurs qui pourraient s’avérer nécessaires ?

- La holding portant les crowdfunders est-elle suffisamment capitalisée pour rester correctement gé-

rée durant l’horizon de temps prévisible de l’investissement (au moins 7-8 ans) ?

Que ce soit côté investisseurs ou côtés entrepreneurs, chacun doit se poser les bonnes questions pour choisir sa

plateforme. De plus, l’accompagnement par un conseil juridique et fiscal est primordial afin d’assurer la rédac-

tion d’un pacte d’actionnaires équitable, de valoriser l’entreprise de façon raisonnable et d’assure une gouver-

nance juste.

La responsabilité de la plateforme doit également être engagée dans les négociations afin de l’inciter à respec-

ter ses engagements et à ne pas reporter la responsabilité de la due diligence sur autrui.

Page 93: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

93

e. Privilégier des systèmes hybrides mettant en commun les meilleures pratiques de chaque acteur.

D’un autre côté, le crowdfunding, pris à la légère, a le potentiel de détruire une bonne idée de busi-

ness. Le bouche-à-oreille et le feedback client peut aisément se faire au détriment de nouvelles sociétés si ils

deviennent hors de contrôle. Ceci peut particulièrement se produire si les attentes des crowdfunders ne sont

pas atteintes, si les projets sont présentés trop tôt, avant d’être tout à fait prêts. Si les délais ne sont pas tenus

pour l’envoi des récompenses dans le cadre du reward-based crowdfunding, si les internautes-investisseurs ne

sont pas tenus au courant des progrès ou si l’entrepreneur ne prend pas en compte les suggestions de sa

communauté, cela peut détruire le lien de confiance qui, nous l’avons vu, est central. Ces problématiques de-

viendront d’autant plus susceptibles de se vérifier que les internautes-investisseurs ne sont pas des investisseurs

« de métier » et peuvent avoir des attentes irréalistes.

Il faut, d’autre part, garder à l’esprit les questions liées à la propriété intellectuelle (pour être concret : à quel

point l’entrepreneur est-il prêt à dévoiler sa technologie). De plus, c’est important de penser au fait que

l’obtention d’un financement early-stage via du crowdequity peut avoir des implications sur la possibilité de

trouver par la suite des fonds auprès de business angels ou des capitaux-risqueurs..143

Ainsi, afin de rendre le système efficient et de favoriser l’accession de l’entrepreneur aux financements qui lui

sont nécessaires, business angels et plateformes peuvent mutualiser leurs meilleurs process :

Des plateformes, nous pouvons isoler quelques processus très efficients :

- Utilisation d’un système de notation par les internautes pour évaluer les projets

- Fédération d’une communauté qui sera une base pour développer du marketing viral

- Utilisation des réseaux sociaux pour aider l’entrepreneur dans la mobilisation d’investisseur et pour

qu’il gagne en visibilité.

Du côté des réseaux également :

- Utilisation d’un process de due diligence solide mis en place dans la plupart des réseaux de business

angels : rencontre physique avec l’entrepreneur, vérifications standards, accompagnement.

- Négociation de la valorisation de la société avant le tour de table et ne pas lui laisser la liberté de le

faire subjectivement

- Apport d’un soutien et d’un accompagnement tout au long de l’aventure : recalibrage du business

plan avant la prise de participation, appui logistique lors de la signature du pacte d’actionnaires, soutien moral

et apport de compétence jusqu’à la sortie.

143 John Kuo « Equity Crowdfunding Platforms: How Many Will There Be?”, http://www.nerdwallet.com/ [en ligne] le 7 no-

vembre 2013.

Page 94: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

94

Conclusions

Le professeur Gordon Burtch, de l’Université du Minnesota, pense que le paysage du crowdequity va

continuer à se segmenter profondément. Les business qui bénéficieront le plus du crowdequity sont ceux qui

peinent à trouver du capital par d’autres moyens. Par exemple, les entrepreneurs localisés dans des zones ru-

rales, des jeunes entrepreneurs qui doivent trouver les bons contacts, ou des business qui présentent une pro-

position de valeur qui est ambigüe ou peu claire. Les business qui visent à fournir des produits ou des services à

des consommateurs individuels sont aussi favoriser ici, car ils peuvent bénéficier d’une relation en amont avec

leurs futurs clients. Cependant il faut garder en tête que les business angels et les capitaux-risqueurs, sont sou-

vent capable de fournir non seulement du capital mais également du soutien, de part leur expérience.

Le crowdequity vient avec ses propres coûts et bénéfices. Tant que les bénéfices sont plus importants, le princi-

pal atout du phénomène est qu’il permet de générer une communauté d’early-adopters, de stimuler du

bouche-à-oreille et du buzz. Ce dernier point peut aider à favoriser les ventes tandis que le premier peut favori-

ser le développement du produit en impliquant les futurs consommateurs et ainsi réduire les coûts de recali-

brage de l’idée.

De notre côté, les conclusions majeures que nous tirons de ce travail sont les suivantes :

Il y a une incompréhension et une méconnaissance du crowdequity qui conduit à la méfiance. Les ci-

toyens et les acteurs du financement ne pensent pas encore au crowdequity comme à un acteur du fi-

nancement incontournable. Pourtant cette source de financement a tout à fait sa place dans le paysage

du capital-amorçage puisqu’il vient aider à en combler l’equity gap particulièrement important en

France. Cependant, il convient de bien distinguer le phénomène du crowdfunding en lui-même qui

ouvre un immense champ des possibles et les plateformes qui restent, sauf retournement stratégique

majeur, des sociétés en développement qui ont un but lucratif et des objectifs de croissance.

Les internautes-investisseurs ont une motivation à l’investissement qui est de l’ordre de l’émotion, or

celle-ci risque de s’estomper avec le temps et les sorties de participations par dépôt de bilan. La con-

fiance mise dans le phénomène peut s’éroder et l’enthousiasme retomber si les plateformes

n’enrichissent pas leur base de données de beaux projets, rentables qui plus est. Hubert de Vauplane

prévient : « attention aux premiers échecs (car il y en aura) : il ne faudrait pas que ceux-ci conduisent à

Page 95: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

95

discréditer le financement participatif dans son ensemble. C’est ce qui fera que le crowdfunding sera

un réel succès ou juste une activité éphémère. »144

La virtualité du phénomène pose la question de la confiance. Celle-ci est recrée de toute pièce : sé-

mantique, réseaux sociaux…Le crowdequity repose en grande partie sur cette notion fragile. Là où « un

business angel apporte son expertise et reste impliqué dans le suivi»145

car il habite dans la même ré-

gion et entretient des relations proches avec l'entrepreneur, les internautes sont davantage « une

masse hétérogène d'investisseurs virtuels ». Or « une relation incarnée, est bien utile pour éviter les

écueils des premières années d'activité ».146

Les internautes-investisseurs sont de potentiels business angels mais les plateformes et les réseaux de

business angels, en eux-mêmes, sont très différents. Les internautes-investisseurs sont susceptibles

d’être des business angels qui s’ignorent : ils investissent dans des startups leur patrimoine personnel

en vue de participer à une aventure humaine et entrepreneuriale – en espérant réaliser une plus-value

au passage. En revanche, la structure qui les réuni, la plateforme, ne partage pas les mêmes valeurs

que les réseaux de business angels. Ceci est lié à la nature même de ces entités : la première est com-

merciale et la seconde, associative.

Un partenariat entre plateformes de crowdfunding et réseaux business angels est tout à fait envisa-

geable, à certaines conditions : partage des responsabilités, conventions de partenariat non exclusives

et négociées au cas par cas, respect de règles éthiques – notamment dans le respect de la confidentia-

lité des projets, non rémunération des business angels qui se verraient requalifiés comme ayant une ac-

tivité commerciale. En un mot, la confiance aveugle n’a pas sa place dans un processus

d’investissement. En revanche une confiance éclairée, raisonnée et juridiquement encadrée, ne pourra

qu’apporter du bon aux acteurs de cet écosystème.

Risque de « crowdfunding washing ». Nous faisons référence au greenwashing, contraction des mots

green (vert) et whitewash (blanchir à la chaux, dissimuler) qui est un procédé de marketing et de rela-

tions publiques qui permet de se donner une image « écolo ». Nous observons une tendance similaire

dans le monde du financement. Tout devient « crowdfunding », c’est-à-dire moderne, révolutionnaire,

social, « cool », en un mot. La promotion immobilière devient crowdfunding en permettant à chacun

144 Hubert de Vauplane, « Financement participatif : le projet d’ordonnance dévoilé », alternatives-

economiques.fr/blogs/vauplane [en ligne], 27 avril 2014.

145 Ophélie Colas des Francs, « Crowdfunding, Business angels, quel financement choisir ? », business.lesechos.fr [en ligne],

le 13 janvier 2014.

146 Ibid.

Page 96: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

96

de devenir promoteur immobilier sur Lymo.fr, les restaurants ont leur plateforme grâce à

Foodstart.com, les musulmans ont la leur sur Easyup et Aoon. Les plateformes de crowdequity se di-

versifient à l’extrême en offrant la possibilité de levée des fonds pour les entrepreneurs, d’acheter une

marque blanche pour créer sa propre plateforme et de gérer son réseau pour les business angels,

comme Particeep. Tout devient propice à du « crowdfunding washing ». Attention aux déceptions.

Cette recherche à bien sur de nombreuses limites. Le phénomène est très récent et la législation mouvante ce

qui ne permet pas de prendre beaucoup de recul. Ainsi nombres de questions restent en suspens et pourraient

faire l’objet de recherches futures :

Comment se perçoivent les acteurs entre eux ? Il pourrait être judicieux de dresser une cartographie

des acteurs du financement basée sur la perception. Des capitaux-risqueurs investiraient-ils dans une

startup financée par du crowdequity ? cette perception évolue-t-elle avec le temps ?

Une question associée serait : les entreprises financées via du crowdequity peinent-elles à lever des

fonds par la suite ?

La sélection des projets faite par les internautes-investisseurs est-elle totalement efficiente ?

L’arrivée du crowdequity implique-t-elle une désertion des réseaux par les business angels ?

* * *

Page 97: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

97

Bibliographie

OUVRAGES

Le Bon Gustave, Psychologie des foules (1895). Édition publiée par Félix Alcan, 1905.

Maillet Thierry, Le marketing et son histoire ou le mythe de Sisyphe réinventé, Agora, 2010

Gold Lorna, The Sharing Economy. Solidarity Networks Transforming Globalisation, Ashgate, 2004, p. 7

Ricordeau Vincent, Crowdfunding : Le financement participatif bouscule l'économie ! Pour libérer la créativité,

2013.

ARTICLES DE PRESSE

B.Sebastien « Comment le crowdfunding va sauver l’Économie Française », goodmorningcrowdfunding.com

[en ligne], 18 Avril 2014.

Cazenave Frédéric, « La France veut accélérer l’essor du financement participatif », LeMonde.fr [en ligne], le 14

février 2014.

Colas des Francs Ophélie, « Crowdfunding, Business angels, quel financement choisir », LesEchosBusiness.fr

[en ligne], 13 janvier 2014.

Communiqués de presse AMF : 2013 : « L’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle pru-

dentiel et de résolution (ACPR) lancent une consultation publique concernant le financement participatif («

crowdfunding ») », Publié le 30 septembre 2013.

Communique de presse - « Naissance d’une nouvelle communauté de crowdfunding d’entreprise Lyon

Rhône-Alpes » 8 juillet 2014.

Curty Thierry, « Des limites potentiellement périlleuses pour l’économie du financement participatif… », 14 dé-

cembre 2012

De Vauplane Hubert, » L’AMF et l’ACP soufflent le chaud et le froid sur le crowdfunding », 18 juin 2013

De Vauplane Hubert, « Les premiers échecs du crowdfunding alimentent le débat sur le carcan réglemen-

taire », 22 avril 2013

De Vauplane Hubert, « Crowdfunding : adapter le cadre réglementaire pour faciliter son développement », 10

février 2013

Page 98: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

98

De Vauplane Hubert, « Financement participatif : le projet d’ordonnance dévoilé », alternatives-

economiques.fr/blogs/vauplane [en ligne], 27 avril 2014.

D’Emploi Dominique, « Crowdfunding, une mesurette sans conséquence », Economie Générale,

www.contrepoints.org [en ligne], le 3 mars 2014

Egly Charles, « Que se cache-t-il derrière le crowdfunding ? », www.huffingtonpost.fr [en ligne], le 18 février

2014

Equipe Prêt d’Union, « Pourquoi les banques n’aiment pas la crowdfunding ? », blog.pret-dunion.fr [en ligne],

le 26 février 2014

Equipe Consoglobe, « Le crowdfunding en France, ça finance quoi et combien ? », www.consoglobe.com [en

ligne], le 1er février 2014

Fontaine Gilles, « Fleur Pellerin ambitionne de bâtir la "start-up Republique" », challenges.fr [en ligne], 14 fé-

vrier 2014

Fredouelle Aude, « 2013 Année de l'explosion du crowdfunding en France », JDN.fr [en ligne], Janvier 2014..

Forbes, « 2013: What's In Store For Crowdfunding And Angel Investors », Forbes.com [en ligne], 31 décembre

2012

Galadima Souleymane-Jean, « Crowdfunding en capital : avec ou sans holding ? » journaldunet.com [en

ligne], 10 avril 2014.

Guillaume Nicolas, « Annonces par Fleur Pellerin et consultation publique sur le nouveau cadre juridique du

financement participatif », 3 octobre 2013

Guillaume Nicolas, “Le marché du crowdfunding », 19 septembre 2013 Guillaume Nicolas, Typologie du finan-

cement participatif, 1er aout 2011

Guilleminot Adrien « Huit pistes pour le financement de sa création d'entreprise », Lentrepise.lexpress.fr [en

ligne], 14 mai 2014.

Helmlinger Julien, « La notion de confiance, pilier bancal du financement participative », actualitte.com [en

ligne], 7 avril 2014.

Hoffstetter Matthieu, « Alors que la plateforme de crowdfunding Kickstarter vient de passer la barre du mil-

liard de dollars de financement participatif cumulé, retour sur les dix projets ayant récolté le plus. »,

www.bilan.ch [en ligne], le 4 mars 2014

Koch Simon, « La face sombre de Kickstarter », www.bilan.ch [en ligne], le 3 avril 2013

Kuo John « Equity Crowdfunding Platforms: How Many Will There Be?”, http://www.nerdwallet.com/ [en ligne]

le 7 novembre 2013.

Page 99: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

99

Lety Benoît, “Crowdfunding : que vont proposer les banques face à cette nouvelle concurrence ? », Maire du

Poset Mathieu, « 44.000 dollars pour une salade de patates : ce buzz ne signe pas la mort du crowdfunding »

Leplus.nouvelobs.com [en ligne], 10 juillet 2014.

Ordonneau Pascal, « Crowdfunding: Finance émotionnelle ou rationnelle? », lesechos.fr [en ligne] le 29 mai

2014.

Maillet Thierry, Le marketing et son histoire ou le mythe de Sisyphe réinventé, Agora, 2010

www.cbanque.com [en ligne], le mercredi 19 février 2014

MacLellan Kylie, “Britain sets out rules to protect 'crowdfunding' borrowers”, Reuters, LONDON | Thu Oct 3,

2013 6:37pm BST

Etienne Portais, « La plateforme de crowdfunding SmartAngels lève 1 million d’euros », maddyness.fr [en

ligne] le 24 avril 2014.

Rédaction NewsBanques, “Crowdfunding : un petit pas pour l’Etat un grand pas pour le financement participa-

tive”, le 25 février 2014

Robinson James, « Refund demands flood in as Healbe’s Indiegogo scampaign enters final days », pando.com

[en ligne], 7 avril 2014.

Roch Jean-Baptiste, « “Crowdfunding” : l’effet boule de Net », Télérama n°3333, 30 novembre 2013.

ARTICLES DE RECHERCHE

Agrawal Ajay, Catalini Christian, & Goldfarb Avi, « Some Simple Economics of Crowdfunding », University of

Toronto, Rotman School of Management , June 1, 2013.

Behar Alexandra, « Le Crowdfunding Equity - Enjeux Et Cadre Juridique - Quelles implications pour les Busi-

ness Angels ? », pour le cabinet AKHEOS Cabinet d’avocats, étude à jour au 21 février 2014.

BELIN J., CARO J.-Y, GUILLE M ET LUBOCHINSKY C. [2003], « Innovation technologique et systèmes financiers », rapport

pour la Fondation Banque de France.

Certhoux Gilles et Zenou Emmanuel, « Gouvernance et dynamique de l'actionnariat en situation entrepreneu-

riale : le cas des Business Angels », Revue de l'Entrepreneuriat, 2006/1 Vol. 5, p. 13-29.

Cuzin Romaric et Fayolle Alain, « Quel appui à la création d'entreprise ? », L'Expansion Management Review,

2006/1 N° 120, p. 92-97.

Gaston Robert J.et Bell Sharon, « The informal supply of capital » Applied Economic Group.

Hall B. [2002], « Agency problems and the theory of the firms, Journal of Political Economy, 88, p. 298-307.

« Business angels et capital-risque en France : les enjeux fiscaux », La Note d’analyse n°237, Centre d’Analyse

Stratégique, septembre 2011.

Page 100: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

100

Kerr William R., Josh Lerner, Antoinette Schoar , “The Consequences of Entrepreneurial Finance: A Regression

Discontinuity Analysis”, Harvard Business School.

Kessler Martin, « Comment financer l'innovation ? », Regards croisés sur l'économie, 2008/1 n° 3, p. 173-176.

Leger-Jarniou Catherine et Saporta Bertrand, « L'accompagnement en situation entrepreneuriale : pertinence

ou cohérence », Revue de l'Entrepreneuriat, 2006/1 Vol. 5, p. 9-12.

Lorenzi Jean-Hervé et Trainar Philippe, « Les nouveaux acteurs de la finance », Regards croisés sur l'économie,

2008/1 n° 3, p. 20-28.

Nghiem Thanh, « Modèles coopératifs émergents », Multitudes, 2013/1 n° 52, p. 110-120.

Onnée Stéphane et Renault Sophie, « Le financement participatif : atouts, risques et conditions de succès »,

Gestion, 2013/3 Vol. 38, p. 54-65.

Rameau Claude, « Les business angels en France » Une force en émergence ?, Le journal de l'école de Paris

du management, 2007/1 N°63, p. 23-29.

Savignac Frédérique, « Quel mode de financement pour les jeunes entreprises innovantes » Financement in-

terne, prêt bancaire, ou capital-risque ?, Revue économique, 2007/4 Vol. 58, p. 863-889.

« Implication organisationnelle, anxiété et états affectifs au travail », Dans Revue internationale de psychologie

sociale 2011/1 (Tome 24) Revue de l'Entrepreneuriat 2006/1 - Vol. 5 pages 13 à 29

RAPPORTS

Collins Liam and Pierrakis Yannis,” The venture crowd crowdfunding equity investment into business”, Nesta,

July 2012

Consultation publique AMF « UN NOUVEAU CADRE POUR FACILITER LE DEVELOPPEMENT DU FINANCE-

MENT PARTICIPATIF ».

De Buysere K., Gadja O., Klevelaan R., Marom D., “A framework for european crowdfunding” 2012.

Etude DELOITTE, Crowdfunding : adapter le cadre réglementaire pour faciliter son développement

France Angels : Réponse consultation règlementation du Financement participatif

Hemer Joachim, « A Snapshot on Crowdfunding. » Working Papers Firms and Region No. R2/2011

Javaudin Laurent, PANORAMA - Business angels – Crowdfunding– France Angels, Mai 2014

Livre Blanc Finance Participative Plaidoyer et propositions pour un nouveau cadre réglementaire Edition, Edi-

tion 2013, 70p.

Page 101: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

101

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche – Evaluation de l’action des Business Angels –

ERNST&YOUNG 2007.

Rapport de l’observatoire des entrepreneurs, « financement participatif des entreprises : la mise en place d’un

cadre règlementaire propice », 14 février 2014.

Guide des missions de l'Expert-Comptable en financement de l'entreprise, Ordre des Experts-comptables, oc-

tobre 2010.

CONFERENCES

Conférence « Crowdfunding : enjeux et opportunités », CEEI Aix-en-Provence, le 17 juin 2014.

ENTRETIENS

Benjamin Wattine, fondateur de SoWeFund.com , Paris, le 1er mars 2014

Professeur Jean Redis , Professeur de finance à ESIEE Management, entretien téléphonique, le 18 février 2014.

Page 102: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

102

Table des figures

Figure 1 : Cercle vertueux de confiance et de fiabilité entre investisseurs et entrepreneurs. ....................................... 10

Figure 2 : sources de financement en fonction du cycle de vie des entreprises .............................................................. 17

Figure 3 : Détail du plan METRO STARTUP – Ligne de levée de fonds. ............................................................................. 21

Figure 4 : cartographie des acteurs du financement en fonction du stade de développement de l’entreprise..... 23

Figure 5 : Evaluation de la situation des business angels au 2eme semestre 2013 ......................................................... 28

Figure 6 : Influence de l’action des business angels pour les bénéficiaires ........................................................................ 30

Figure 7 : Les principales formes de financement en fonction de la complexité des process. .................................... 34

Figure 8 : Evolution du marché du crowdfunding depuis 2011. ........................................................................................... 37

Figure 9 : répartition du marché du crowdfunding par type de projet. .............................................................................. 38

Figure 10 : Evolution des fonds collectés en fonction du type de financement participatif.......................................... 38

Figure 11 : montants investis en France dans le crowdequity depuis 2012. (En Mds d’€] ............................................ 39

Figure 12 : Processus de levée de fonds sur la plateforme Wiseed. .................................................................................... 44

Figure 13 : Processus de levée de fonds du projet Antabio chez Wiseed. ........................................................................ 46

Figure 14 : benchmarking des plateformes françaises de crowdequity. ............................................................................. 47

Figure 15 : Deux modèles de plateformes de crowdequity .................................................................................................... 48

Figure 16 : principales contraintes exprimés pars les BAs dans le cadre de leur activité. .............................................. 49

Figure 17 : ADN des Business Angels et du Financement participatif. ................................................................................ 51

Figure 18 : cartographie des imbrications entre plateformes/business angels/établissements bancaires. .............. 53

Figure 19 : schéma des cercles/communautés dans le process du financement participatif. ...................................... 65

Figure 20 : type de projets financés sur SmartAngels. ............................................................................................................. 70

Figure 21 : Répartition des contributeurs du financement participatif en 2013. .............................................................. 70

Figure 22 : Etude des motivations des internautes-investisseurs .......................................................................................... 71

Figure 23 : Deux modèles d’investissement en crowdequity. ................................................................................................. 77

Figure 24 : Les flux de revenus de l’Equity Crowdfunding ...................................................................................................... 78

Figure 25 : principales attentes des bénéficiaires avant l’intervention des business angels………………………………..90

Figure 26 : Les types d’investissements des business angels.................................................................................................. 91

Page 103: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

103

Annexes

Page 104: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

104

Entretien Benjamin Wattinne – 1er mars 2014

1. Pourquoi créer une plateforme de CF maintenant : opportunité ? Répondre aux besoins des BA ?

Les deux. L’expérience et le background des deux fondateurs de Sowefund dont je fais partie permet de profiter au mieux

de l’opportunité que représente le CF depuis 3 ans. Il y a effectivement une vraie opportunité dans le paysage du finance-

ment. Cela entraine d’ailleurs une sacrée opposition entre acteurs traditionnels et nouveaux. L’un des côtés positifs de l’essor

du CF auquel on ne s’attendait pas est la perception des BA comme des acteurs traditionnels. Quand bien même ils ont

longtemps été jugés comme les « petits nouveaux ». Le CF permet de professionnaliser les BA en un sens.

Ce qu’on oublie c’est que les BA faisaient du CF bien avant que ce ne soit un effet de mode. Le mécénat, l’appel à la contri-

bution de la foule pour financer du théâtre de rue, etc, tout cela existe depuis toujours. Ce qui change ici c’est l’internet et le

nouveau 2.0. Ca a tout chamboulé.

Le CF représente tous les types de produits d’épargne qui existent aujourd’hui : don, prêts, acquisition d’actions ou de parts

sociales. C’est la finance elle-même qui va se restructurer. Cela va impacter sur tous les acteurs traditionnels.

Concernant spécifiquement le CF en equity, je crois que c’est le domaine qui va exploser. Les crowdfunders qui investissent

sur ces plateformes sont motiver par le pari que cela représente mais il est certain qu’il y a aussi un effet de mode. Finale-

ment il n’y a eu qu’une sortie réalisée en France : Antabio chez Wiseed.

En s’appuyant sur les réseaux de BA et les fonds, SoWeFund veut limiter le risque inhérent au deal flow : crédibilité des ac-

teurs traditionnels, meilleurs dossiers du marché, due diligence sérieuse.

~ ~ ~ ~

2. les BA vont-ils déserter les réseaux au profit de plateformes ?

Il est encore trop tôt pour le dire. Oui il y a un risque car il y a pas mal de BA qui sont passifs au sein des réseaux et qui

peuvent être tentés par du clef-en-main sur une plateforme. Une fois cet écrémage fait cela va peut-être au contraire per-

mettre de professionnaliser les réseaux de BA. Mais la problématique est bien réelle, notamment avec des plateformes

comme Anaxago ou Smartangels qui sont ni plus ni moins des nouveaux réseaux de BA online. Il est certain que certains de

BA vont devoir se repositionner ou disparaître.

Dans la chaîne du financement le CF est positionné, selon moi, entre les BA et les fonds plutôt qu’entre la love money et les

BA. Le CF est un peu comme un nouveau modèle de fonds. Pour moi, les petits fonds d’investissement devraient être plus

inquiétés que les BA.

~ ~ ~ ~

3. Trois conditions pour que la coopération BA/CF fonctionne ?

La confiance, le professionnalisme et la transparence.

~ ~ ~ ~

4. quelques mots de conclusion ?

La vraie force du CF est de lever de l’argent un peu plus vite que des acteurs traditionnels mais surtout de donner une visibi-

lité incroyable !

L’effet de mode autour du phénomène n’est pas mauvais car au final il ramène les gens à l’économie réelle.

Page 105: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

105

Entretien semi-dirigé Jean REDIS – 18 février 2014

Abréviations :

CF : crowdfunding

PP : porteur de projet

BA : business angels

1.Avec les annonces de Fleur Pellerin du 14 février 2014, le CF se retrouve sur le même créneau que les BA :

- est-ce que cela va changer le profil des BA ?

- est-ce que le nombre de BA risque de diminué ?

- Est-ce que ça va faire changer le type de projets financés sur les plateformes de CF ?

Les choses ne sont pas encore figées. Le texte de loi est encore en préparation. De plus il y un effet de lobby, notamment

bancaire, qu’on ne peut pas non plus ignorer. De même, les BA qui se confrontent frontalement au CF tentent d’influencer

la donne.

Si les BA et le CF ne se positionnent pas tout à fait sur le même créneau il y a tout de même une vraie complémentarité

dans les capacités de financement.

La grande différence entre BA et CF est le montant des investissements individuels. Ils sont en effet bien plus élevés chez les

BA. D’autre part, la dimension d’accompagnement est au cœur de la démarche des BA : ils rencontrent plusieurs fois le PP,

ils donnent des conseils, du temps et de l’expérience, ainsi qu’une partie de leur carnet d’adresse. Le CF, quant à lui, a une

forte capacité à fédérer des internautes mais il n’y a aucune dimension d’accompagnement.

Une motivation commune que nous pouvons cependant relever est celle de l’intéressement fiscal. Il y a une dimension

fiscale assez importante chez les BA, et ce même si les seuils de défiscalisation ont été abaissés. Or jusqu’à présent les inves-

tisseurs-internautes sur les plateformes d’equity CF ne pouvaient pas déduire leurs investissements de leurs impôts. Avec la

loi TEPA ISF, la donne change.

~ ~ ~ ~

2. Selon vous, le CF représente une formidable opportunité pour le porteur de projet ou une menace sur les ques-

tions de confidentialité et de protection industrielle et intellectuelle ?

Il y a effectivement un problème de confidentialité, d’autant plus pour les projets pour lesquels il n’y a pas vraiment de bar-

rière à l’entrée.

Mais finalement le risque est peut-être plus grand pour l’internaute qui va apporter son argent propre. On voit fleurir des

plateformes, or beaucoup n’ont pas un modèle de due diligence solide. On peut se poser des questions sur les motivations

de ces créateurs de plateformes.

On s’aperçoit d’ailleurs que le suivi des projets investis est très différent et très variable selon les plateformes.

Il ne faut pas oublier qu’être investisseur est un vrai métier qui implique un réel travail de due diligence. Or c’est le vrai souci

des plateformes de CF.

~ ~ ~ ~

Page 106: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

106

3. Quid des projets « techno » ?

La problématique des projets technologiques voire biotechnologiques n’est pas la même que des projets de services en

BtoC ou dans les NTIC par exemple. Ils nécessitent beaucoup plus d’expertise et ne peuvent pas profiter d’un effet de mode.

De plus, les temps de développement sont bien plus longs. Il est fort probable que cela dissuade les internautes car ces

projets impliquent une prise de risque plus longue.

Il est clair qu’il est plus compliqué de vendre ce type de projets sur les plateformes de CF.

~ ~ ~ ~

4. Comment voyez-vous l’avenir du CF : révolution ou simple agitation ?

Le CF est un mode de financement qui va se développer très fortement dans les prochaines années. Mais il est certain qu’il

va y avoir un écrémage voire un rachat de certaines d’entre elles par des banques.

On ne peut tout de même pas parler de « révolution » du financement. Ce sont des nouveaux types d’acteurs qui viennent

tout simplement compléter la chaîne du financement.

Personnellement j’ai du mal à y croire totalement. Les tickets restent modestes : de 100 à 3000 €. Je peine à imaginer des

personnes investissant des montants bien supérieurs, comme le feraient des business angels, sur une plateforme virtuelle qui

a des critères de due diligence et de suivi des participations très light.

En augmentant le plafond global par investissement, on ne va pas observer une augmentation des montants individuels

investis mais bien du nombre d’investisseurs-internautes. Ce qui ne solutionnera pas la problématique de

l’accompagnement et de la relation de confiance avec l’entrepreneur, bien au contraire.

Page 107: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

107

Table des matières détaillée

Résumé ................................................................................................................................................................................................ 4

Mots-clés............................................................................................................................................................................................. 4

Remerciements ................................................................................................................................................................................. 5

Sommaire............................................................................................................................................................................................ 6

Avant-propos .................................................................................................................................................................................... 7

Introduction ........................................................................................................................................................................................ 8

Rappels ......................................................................................................................................... 8 1.

Design de la recherche ................................................................................................................. 9 2.

La notion de confiance ............................................................................................................... 10 3.

PARTIE 1. REDONNER CONFIANCE AUX ENTREPRENEURS ET AUX INVESTISSEURS ................................................... 13

Chapitre 1 – Constat ..................................................................................................................................................................... 14

Une volonté d’entreprendre largement limitée ........................................................................ 14 1.

La problématique de l’equity gap .............................................................................................. 17 2.

Le crowdfunding, le nouveau Graal du financement ? .............................................................. 18 3.

Chapitre 2. Un manque dans la chaîne de financement des entreprises. ..................................................................... 20

Les acteurs traditionnels ............................................................................................................ 25 1.

a. L’Etat et les régions : entre soutien et complexité. ........................................................................................... 25

b. Les sociétés de capital-risque : un fort potentiel d’investissement qui peut chambouler la

gouvernance de la startup. .............................................................................................................................................. 26

Les Business angels ou les investisseurs-accompagnateurs. ..................................................... 27 2.

a. La volonté de combler un manque dans la courbe du financement ......................................................... 27

b. Historique et évolution des réseaux en France ................................................................................................. 27

c. Qui sont-ils ? ................................................................................................................................................................ 28

d. La difficulté de se positionner face aux autres acteurs ................................................................................... 30

Chapitre 3. L’explosion du crowdfunding : évolution ou révolution ? ........................................................................... 34

typologie du crowdfunding ........................................................................................................ 34 1.

Caractéristiques du crowdfunding ............................................................................................. 35 2.

Le marché du crowdfunding ....................................................................................................... 37 3.

a. Marché mondial .......................................................................................................................................................... 37

Page 108: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

108

b. Marché français ........................................................................................................................................................... 39

PARTIE 2. LE CROWDEQUITY : ENTRE ESPÉRANCE ET SUSPICION .................................................................................... 42

Chapitre 4. Crowdequity et angélat en France : entre confiance et défiance mutuelle............................................ 43

Comprendre le fonctionnement des plateformes de crowdequity............................................ 43 1.

a. Fonctionnement du processus de levée de fonds ........................................................................................... 43

b. Business models français .......................................................................................................................................... 46

Les Business angels font-ils confiance au crowdfunding ? ......................................................... 49 2.

a. pourquoi la question se pose-t-elle ? .................................................................................................................. 49

b. points sensibles ........................................................................................................................................................... 50

Chapitre 5. L’espoir de faire de la France la Startup République. ................................................................................... 56

Le débat français : se méfier ou favoriser le crowdequity ? ....................................................... 56 1.

a. Le débat règlementaire ............................................................................................................................................ 56

b. La réforme française. ................................................................................................................................................. 57

Les réponses étrangères ............................................................................................................. 61 2.

a. Etats-Unis ...................................................................................................................................................................... 61

b. Italie ................................................................................................................................................................................ 62

c. Royaume-Uni ............................................................................................................................................................... 63

Chapitre 6. Donner sa confiance à une foule d’investisseurs ou à une foule .............................................................. 64

sentimentale ? ................................................................................................................................................................................. 64

Un phénomène difficile à cerner ................................................................................................ 65 1.

a. Effet boule de net ....................................................................................................................................................... 65

b. Vrai foule ou agrégat d’individus ? ....................................................................................................................... 66

Consom’acteur ou investisseur anonyme ? ............................................................................... 68 2.

a. Consommation collaborative .................................................................................................................................. 69

b. Des investisseurs individuels aux différentes motivations .............................................................................. 71

PARTIE 3. PRÉCONISATIONS ET LEÇONS MUTUELLES. .......................................................................................................... 80

Chapitre 7. Challenges .................................................................................................................................................................. 81

Challenges des plateformes ....................................................................................................... 81 1.

a. Anticiper les changements de régulation ........................................................................................................... 81

Page 109: Peut on faire confiance au crowdequity - elodie manthé - mémoire mge 2014 sciences po aix

Mémoire « Peut-on faire confiance au crowdequity ? » - Sciences Po Aix-en-Provence 2014

Par Elodie Manthé

109

b. Réaliser la valorisation ............................................................................................................................................... 82

c. Eviter les fraudes ......................................................................................................................................................... 83

d. Suivre les participations et organiser la gouvernance ..................................................................................... 83

e. Co-investir avec des investisseurs professionnels ............................................................................................. 84

Challenges de l’entrepreneur ..................................................................................................... 85 2.

a. Faire une levée de fonds .......................................................................................................................................... 85

b. Gérer ses actionnaires ............................................................................................................................................... 86

c. Organiser des levées de fonds successives (remise au pot ou rachat) ...................................................... 86

d. Protéger sa propriété intellectuelle ....................................................................................................................... 87

Chapitre 8. Préconisations. .......................................................................................................................................................... 88

Analyse: les réseaux de business angels confrontés aux plateformes de crowdfunding........... 88 1.

Préconisations ............................................................................................................................ 89 2.

a. Les business angels ont tout intérêt à se positionner par rapport au crowdequity. .............................. 89

b. Il y a une complémentarité certaine entre crowdequity et business angels............................................. 90

c. Il y a une complémentarité dans le financement de certains projets. ........................................................ 91

d. Bien choisir sa plateforme. ....................................................................................................................................... 92

e. Privilégier des systèmes hybrides mettant en commun les meilleures pratiques de chaque acteur.93

Conclusions ...................................................................................................................................................................................... 94

Bibliographie .................................................................................................................................................................................... 97

Table des figures ......................................................................................................................................................................... 102

Annexes .......................................................................................................................................................................................... 103

Table des matières détaillée..................................................................................................................................................... 107