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1 COMPTE RENDU DU COLLOQUE DU 20 JUIN 2014 « Loi ALUR et maîtrise foncière des personnes publiques - La réforme du droit de préemption urbain » Faculté de Droit, 1 place Déliot à LILLE Damien DUTRIEUX & Jean-Jacques MARTEL

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COMPTE RENDU DU COLLOQUE DU 20 JUIN 2014

« Loi ALUR et maîtrise foncière des personnes publiques -

La réforme du droit de préemption urbain »

Faculté de Droit, 1 place Déliot à LILLE

Damien DUTRIEUX & Jean-Jacques MARTEL

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PROGRAMME DES TRAVAUX Introduction : Jean-Jacques Martel, président de l’Atelier, Co-directeur du Master 2 Urbanisme et développement durable, expert de justice en estimations immobilières & Damien Dutrieux, vice-président de l’Atelier, consultant au Cridon Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2, Co-directeur du Master 2 Urbanisme et développement durable Direction scientifique du colloque : Jean-François Struillou, Directeur de recherche au CNRS, DCS (UMR CNRS 6297), Faculté de droit et des sciences politiques de Nantes 1er thème : Un nouveau champ d’application

Droit de préemption urbain et cession de parts de SCI

William ALTIDE, consultant au Cridon Nord-Est, maître de conférences associé à

l’Université de Lille 2, et Damien DUTRIEUX ....................................................... p.5

Droit de préemption urbain et aliénations à titre gratuit

Nathalie Loock, notaire ..................................................................................... p.10

Droit de préemption urbain, immeubles appartenant à des organismes HLM et immeubles

achevés depuis plus de quatre ans

Christophe DUCHANGE, Notaire à Roubaix, Rapporteur de la première commission du

109ième Congrès des notaires de France (Lyon, 2013) ........................................... p.16

2ème thème : La déclaration d’intention d’aliéner

Déclaration d’intention d’aliéner et informations sur la pollution

Me David DEHARBE, maître de conférences HDR à l’Université de Lille 2, avocat au Barreau

de Lille (Green Law Avocat) ................................................................................ p.21

Déclaration d’intention d’aliéner, documents et droit de visite,

Damien DUTRIEUX ............................................................................................. p.31

3ème thème : Le nouveau régime du droit de préemption urbain

Paiement et transfert de propriété

Me Eric FORGEOIS, Docteur en droit, Avocat au Barreau de Lille (SAVOYE & associés),

chargé d’enseignement à l’Université d’Artois, chargé d’enseignement à l’Université de

Lille 2 dans le Master 2 Urbanisme et développement durable ........................... p.34

Conséquences de l’annulation d’une décision de préemption et rétrocession

Me Héloïse HICTER, Avocate au Barreau de Lille (SCP Gros, Hicter et associés), chargée

d’enseignements à l’Université de Lille 2 dans le Master 2 Urbanisme et développement

durable

Synthèse des travaux et point de vue d’ensemble :

Jean-François STRUILLOU ................................................................................... p.37

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Jean-Jacques MARTEL, président de l’Atelier

Mesdemoiselles, Mesdames et Messieurs,

Au nom de l’Université de Lille 2 et de son président, de la faculté de Droit et de son doyen,

de l’ICEU et de l’Atelier des professionnels de l’immobilier je vous souhaite la bienvenue et

je remercie nos intervenants du temps qu’ils ont consacré aux travaux de notre deuxième

colloque et plus particulièrement Damien Dutrieux à qui revient le mérite de cette après-

midi studieuse, c’est un réel plaisir de partager ces différents projets avec lui.

Certains constateront que notre Atelier s’est déjà embourgeoisé puisque nous sommes

passés en quelques mois d’un amphi rustique à cet amphi CASSIN, qui vous en conviendrez à

fort bel allure !

J’en profite également pour faire un appel à candidature car nous avons besoins de

professionnels souhaitant s’investir régulièrement au sein de notre Atelier dans des

évènements plus formatés et plus ciblés comme par exemple des séances « petit-

déjeuner »… et bien sûr nous sommes ouverts à tous les professionnels de l’immobilier quel

que soit leur formation initiale.

Permettez-moi également de promouvoir la qualité des enseignements dispensés au sein de

l’ICEU, la qualité nationale du diplôme ICH n’est plus à démontrée et la notoriété de notre

Master 2 Urbanisme & immobilier est grandissante puisque il a même été classé comme

« pépite » dans le magazine le Nouvel Observateur en janvier 2013. N’hésitez pas à

embaucher nos jeunes ou à les prendre en stage, ils sont bien formés aux métiers de

l’immobilier et de l’urbanisme.

Je profite enfin de cette tribune pour faire constater à nos étudiants que le renouvellement

des connaissances au cours d’une carrière n’est pas une utopie même pour les plus

expérimentés d’entre nous. Souvenez-vous-en !

Mais revenons à notre sujet :

J’avoue que pour des mauvaises raisons personnelles cynégétiques je ne suis pas un fan de

Madame DUFLOT, je lui reconnais tout de même d’avoir toujours fière allure malgré l’échec

annoncé de la loi phare de son action gouvernementale, loi pourtant présentée comme

l’emblème d’une réussite ministérielle personnelle… je comprends pourquoi elle l’a appelée

ALUR et pas DUFLOT…

Sa loi a le mérite de réussir la passe de trois : être retoquée pour partie par le conseil

constitutionnel, être critiquée et modifiée par le premier ministre et pire d’être responsable,

aux yeux des professionnels, du grippage d’un des principaux secteurs de notre économie…

l’immobilier ! Il faut dire aussi que Madame DUFLOT nous avait déjà beaucoup « gâtés »

avec son régime de défiscalisation incompréhensible et son blocage marxiste des loyers…

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On peut juste la remercier de nous donner l’occasion de nous réunir cette après-midi et

tenter d’assimiler au mieux ce qu’il restera de ce monstre législatif tout en espérant

retrouver rapidement la fluidité des investissements et des transactions.

Les droits de préemption d'urbanisme n'avaient guère été modifiés depuis la loi de

décentralisation du 18 juillet 1985, si ce n'est pour attraire dans leur champ d'application

certaines aliénations ou certains biens ou pour étendre leur finalité aux préoccupations

environnementales.

Dans le contexte d'un droit de l'urbanisme en perpétuel mouvement, les droits de

préemption présentaient donc un caractère de relative stabilité et là où le rapport du conseil

d’état du 6 décembre 2007 préconisé de distinguer deux droits, l’un "d'opportunité" sans

contestation du montant du prix préempté et l’autre "planifié" dans des secteurs

d'intervention programmés, la réforme proposée se limite à des modifications

technocratiques, là où il nous était promis un choc de simplification !

On peut également constater que le thème de la préemption est une idée euphorisante

puisque la loi Pinel qui vient d’être votée n’est pas en reste en instituant elle aussi son

chapitre et son nouveau droit de préemption ! Madame PINEL devenue depuis Ministre du

logement… ça promet !

Les innovations de la loi auraient donc pour objectif de clarifier les règles applicables, de

sécuriser l'exercice des droits de préemption pour leurs titulaires et leurs délégataires, tout

en assurant une meilleure protection des personnes préemptées, bah tient. Elle marquerait

également une volonté nette de mieux mobiliser le foncier disponible en renforçant le rôle

des intercommunalités et du Préfet dans la mise en œuvre des droits de préemption et en

élargissant le champ d'application du DPU…

N’y avait-il pas plus simple et plus efficace pour arriver à un meilleur résultat et notamment

en ce qui concerne le foncier disponible ?... il n’y a qu’à constater le rythme des mises en

chantier, passé à toute allure de 430 000 à moins de 300 000 logements….

Et pourtant les sujets abordés sont dignes du plus grand intérêt… Favoriser l'accès de tous à

un logement digne et abordable… Lutter contre l'habitat indigne et les copropriétés

dégradées… Améliorer la lisibilité et l'efficacité des politiques publiques du logement…

Moderniser les documents de planification et d'urbanisme

Alors, Mesdames et Messieurs les intervenants, il vous reste à nous, à me, convaincre que

cette loi DUFLUR a de l’allure pour ne pas dire de la Gul ! Après tout il n’y a que les imbéciles

qui ne changent pas d’avis.

Enfin, je ne résiste pas à vous proposer de nous retrouver « tout allur » pour partager un

verre de l’amitié bien mérité !

Merci et bon courage

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Par William ALTIDE et Damien DUTRIEUX, Consultants au Cridon Nord-Est et Maîtres de conférences associés à l’Université de Lille 2

« ALUR », Parts de SCI et droit de préemption urbain

Il est nécessaire de rappeler, avant de présenter les modifications apportées par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite ALUR), comment le droit de préemption1 a pu concerner ces meubles que sont les parts d’une SCI et qui, à la différence des droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble2, ne peuvent objectivement voir leur cession considérée comme « équivalente » à celle de l’immeuble.

Les droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble s’entendent, sur le plan du droit des sociétés, des parts ou actions de sociétés d’attribution. Ces dernières sociétés sont celles soumises aux dispositions des articles L.212-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, lesquelles ne s’intéressent pas à la forme sociale, mais à l’objet de la société : « la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance ». Ainsi, comme le rappelle expressément l’article L.212-1 susvisé, les sociétés d’attribution peuvent être constituées sous les différentes formes prévues par la loi. En pratique, les sociétés civiles et les sociétés anonymes représentent la majeure partie des sociétés d’attribution présentes sur le marché.

La cession des parts ou actions d’une société d’attribution entraîne le transfert de la jouissance, voire de la vocation à la propriété, de l’immeuble ou de la partie d’immeuble sous-jacente3. A l’inverse, cette corrélation n’existe pas dans les sociétés civiles « classiques »4 détenant un ou plusieurs immeubles : le transfert de propriété d’une part entraîne uniquement le transfert des prérogatives politiques (droit de vote principalement) et financières (vocation à partager le bénéfice et à contribuer aux pertes notamment) attachées à cette part, mais en aucun cas d’un quelconque droit direct sur un immeuble ressortissant du patrimoine de la société.

1 : La cession de la majorité des parts d’une SCI est également soumise au droit de préemption en espaces

naturels sensibles lorsque le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est compétent (ce Conservatoire, contrairement aux autres titulaires, étant le seul à pouvoir les préempter) depuis la loi dite Grenelle 2 (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement) ; V. D. Dutrieux, Droit de préemption du Conservatoire de l'espace littoral sur les droits indivis et sur les parts de SCI : Constr.-urb. n° 10, 2010, étude 11. 2 : Les textes actuellement rédigés indiquent la soumission au droit de préemption urbain et en zone

d’aménagement différé des droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble (C. urb., art. L. 213-1, 1°), étant précisé qu’échappent à ces deux droits de préemption, les parts ou actions de sociétés d’attribution visées aux chapitres II et III du titre Ier du livre II du code de la construction et de l’habitation, qui font l’objet d’une cession avant l’achèvement de l’immeuble ou pendant une période de dix ans à compter de son achèvement (C. urb., art. L. 213-1, c) ; cependant, en droit de préemption urbain non renforcé, n’a pas à être purgée la cession de parts ou d’actions de sociétés visées aux titres II et III de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971et donnant vocation à l’attribution d’un local d’habitation, d’un local professionnel ou d’un local mixte et des locaux qui lui sont accessoires (C. urb., art. L. 211-4, b). 3

Aux termes du premier alinéa de l’article L.212-2 du Code de la construction et de l’habitation, les statuts de la société divisent les droits (parts ou actions) composant le capital social en groupes et affectent à chacun d'eux l'un des lots définis par l'état descriptif de division pour être attribué au titulaire du groupe considéré. 4

L’expression est employée par contraste avec la situation des sociétés civiles d’attribution.

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La soumission des parts de SCI : genèse et difficultés

Avant l’entrée en vigueur de la loi nº 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, coïncidaient les champs d’application du droit de préemption renforcé et celui du droit de préemption en zone d’aménagement différé (ZAD). Depuis cette loi, le droit de préemption renforcé connaissait un champ d’application matériel plus large puisque le d) inséré par la loi précitée dans l’article L. 211-4 du Code de l’urbanisme permettait l’exercice du droit de préemption à l’occasion de la cession de l’intégralité des parts d’une société civile immobilière, lorsque cette société ne possédait qu’une unité foncière située dans une zone où avait été institué un tel droit de préemption urbain renforcé.

Au préalable, il est possible de rappeler que le législateur avait mal choisi l’article du Code de l’urbanisme où il convenait d’introduire cet élargissement du champ d’application puisque, comme l’a relevé à juste titre M. Philippe Benoit-Cattin5, cet article visait, dans ses a), b) et c) des exclusions au champ d’application du droit de préemption urbain non renforcé, alors que le d) concernait une soumission au droit de préemption urbain renforcé de la cession de la totalité des parts de certaines SCI.

Ensuite, et peut-être surtout, il convient de savoir dans un premier temps quelles sociétés sont concernées.

Incontestablement, la problématique ainsi soulevée est délicate. Le législateur a choisi d’employer la terminologie de « société civile immobilière », alors même que celle-ci ne recouvre aucune réalité juridique précise. Cette situation provient de l’absence de dispositions législatives ou réglementaires définissant la société civile immobilière. Tout juste le droit fiscal connaît-il une définition des sociétés à prépondérance immobilière ; définition n’englobant pas uniquement des sociétés civiles, mais des sociétés qui, indépendamment de leur forme, ont un actif constitué principalement d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France6.

Malgré l’absence de définition textuelle des sociétés civiles immobilières, il est possible de tenter de cerner la notion. Cette dernière n’englobe que des sociétés civiles, régies, au titre du droit commun des sociétés, par les dispositions des articles 1832 et suivants du Code civil et, au titre du droit spécial, par celles des articles 1845 et suivants du même code. Sur un plan réglementaire, l’ensemble normatif envisagé en amont est complété par les dispositions du décret n°78-704. La portée du terme « immobilière » est plus difficile à apprécier. On peut penser, par proximité avec la notion de prépondérance immobilière, que sont visées les sociétés civiles dont l’actif est majoritairement composé d’immeubles ou encore de droits immobiliers, que ce soit directement ou indirectement7. Ceci impliquerait une intégration, au sein des sociétés civiles immobilières, des sociétés civiles parfois dites de gestion immobilière8, mais également des sociétés civiles de construction-vente9.

L’étude de la notion de société civile immobilière nous permet de mettre en exergue une chose certaine et pourtant surprenante : aucune société commerciale n’intègre cette

5 : P. Benoit-Cattin, Droit de préemption urbain : exception cherche principe : Constr.-urb. n° 1 2007, repère 1.

6 Voir, pour plus de précisions, les dispositions de l’article 726 du Code général des impôts.

7 Seraient ainsi comprises dans le périmètre de la notion les sociétés civiles détenant exclusivement ou

majoritairement des parts de SCPI.

8 C’est-à-dire de sociétés dont l’objet est l’exploitation par bail ou autrement d’un ou plusieurs immeubles.

9 Visées aux articles L. 211-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.

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catégorie, ce qui introduit la perspective d’un contournement aisé, si toutefois la purge d’un droit de préemption urbain devait s’avérer problématique aux yeux des parties à la cession. Ce contournement consisterait en la transformation avant cession d’une société civile immobilière en « société commerciale immobilière ». Plusieurs formes sociales seraient éligibles pour accueillir une telle transformation. Evoquons les exemples de la SARL ou de la société par actions simplifiée (SAS). Il faut rappeler que la transformation, conformément à l’article 1844-3 du Code civil, n’entraîne pas de création d’une personne morale nouvelle. Ainsi, l’opération de transformation est neutre sur un plan patrimonial. Au demeurant, dès lors que le régime fiscal ne change pas, la transformation constitue une opération simple et peu coûteuse à réaliser.

Par ailleurs, les conditions, indubitablement très strictes, ne laissaient augurer que peu d’hypothèses d’application de ce dispositif10. En effet, la SCI doit posséder une unité foncière11, ce qui rend le droit de préemption inefficace pour les lots de copropriété ou des droits indivis. Par surcroît, cette SCI, non familiale12, ne doit posséder qu’une seule unité foncière13. La loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion est venue modifier le d) de l’article L. 211-4. En premier lieu, le droit de préemption ne va plus s’opérer pour la cession de la totalité, mais de la « majorité » des parts.

Cette première modification s’explique en grande partie en raison du contenu du rapport du Conseil d’État sur le droit de préemption14 qui indiquait que pour échapper au droit de préemption, il suffisait de ne céder que 99 % des parts, et il proposait de modifier les dispositions applicables afin de prévoir l’exercice de la préemption lors de la cession d’une proportion majoritaire de la SCI15. C’est pourquoi a été modifié le d) de l’article L. 211-4 du Code de l’urbanisme, par l’article 34 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion16, afin de soumettre au droit de préemption urbain renforcé la cession de la majorité des parts d’une SCI non familiale ne possédant qu’une unité foncière.

Toutefois, il y a lieu d’attirer l’attention des titulaires du droit de préemption urbain sur le fait que la majorité des parts ne signifie pas toujours pour une SCI un pouvoir de décision majoritaire au sein de la société. Ensuite, il convient d’indiquer que ce titulaire deviendra solidairement responsable des dettes de la société devenues exigibles après la préemption.

10

: V. J.-P. Meng, SCI et DPU : un immeuble ou exclusivement un seul immeuble : Bull. Cridon Paris, 15-16, 1er-15 août 2006, p. 4. ; D. Dutrieux, Parts de SCI et droit de préemption urbain - Une exception strictement définie, JCP N 17 novembre 2006, p. 1976. 11

: L’unité foncière a été ainsi définie : « une unité foncière est un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE, 27 juin 2005, n° 264667, Commune de Chambéry : JCP N 2006, 1013, chron. D. Dutrieux). 12

: Tant l’ancien d) de l’article L. 211-4 du code de l’urbanisme, que l’actuel 3° de l’article L. 213-1 du même code viennent indiquer que le droit de préemption ne s’applique pas « aux sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ». Cette exclusion est inexplicable, puisque les parts de ces sociétés peuvent logiquement être librement cédés à des « étrangers » à la famille ou aux alliés. 13

: En pratique, l’achat d’un second immeuble ou de biens mobiliers - comme des parts d’une autre société - fait sortir les parts de la SCI du champ d’application du droit de préemption tel qu’il figure dans le nouvel article L. 213-1, 3° du Code de l’urbanisme (et qu’il figurait dans le d) de l’ancien article L. 211-4 du même code) 14

: V. D. Dutrieux, « Préemption : la fin des contentieux » : La Lettre du cadre territorial, n° 364, 1er septembre 2008, p. 18. 15

: Le droit de préemption : La Documentation française, 2008, p. 62. 16

: D. Dutrieux, Mobilisation pour le logement et droit de préemption urbain : JCP N, n° 14, 3 avril 2009, act. 288.

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Ensuite, pour des raisons qui paraissaient assez obscures17 (et qui le sont toujours aujourd’hui…), une nouvelle phrase venait exclure du droit de préemption renforcé tout ou partie des parts d’une SCI, lorsqu’il s’agit d’une SCI constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, ce que l’on appelle les SCI familiales18.

Il est enfin possible de relever que les textes n’avaient nullement - et n’ont toujours pas d’ailleurs - réglé les relations et l’éventuelle hiérarchie entre le droit de préemption urbain et le régime de l’agrément des nouveaux associés contenu dans l’article 1861 du Code civil. Doit-on solliciter l’agrément lorsque la préemption est opérée ? Cet agrément doit-il être écarté en raison de l’existence de cette prérogative de puissance publique qu’est le droit de préemption ? Ces questions demeurent aujourd’hui toujours sans réponse, alors que le caractère exceptionnel de la préemption de parts de SCI n’est désormais qu’un ancien souvenir.

En matière de cession de parts de société civile, le principe de l’agrément est posé à l’alinéa 1er de l’article 1861 du Code civil : les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec l’agrément de tous les associés19. L’agrément est sollicité, non pas sur la base de la cession elle-même, mais d’un projet de cession, notifié à la société et à chacun des associés. Si, en vertu de l’exercice d’un droit de préemption urbain, le titulaire du droit de préemption devenait le cessionnaire projeté, les associés pourraient refuser de donner leur agrément. Le cédant se trouverait alors face à une alternative : renoncer à son projet (auquel cas, les droits n’étant plus cédés, la collectivité ne pourraient plus triompher dans l’exercice de son droit de préemption), ou encore le maintenir, ouvrant la voie à un rachat par les associés ou, à défaut, par la société elle-même20.

La soumission des parts de SCI au droit de préemption urbain non renforcé depuis l’entrée en

vigueur de la loi ALUR

La cession de la majorité des parts de SCI figure désormais (art. 149-I, 9° de la loi ALUR modifiant l’article L. 213-1 du Code de l’urbanisme) dans le champ d’application du droit de préemption urbain et du droit de préemption en zone d’aménagement différé, et non plus uniquement en droit de préemption urbain renforcé.

Par ailleurs, à la cession de la majorité des parts se sont ajoutées les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts de ladite société. Ainsi, par exemple, dans le cas de deux concubins (ou partenaires de PACS) ayant acheté un immeuble au moyen d’une SCI, où chacun détient la moitié des parts, la revente à un tiers des parts de l’un des concubins n’est pas soumise au droit de préemption, alors que la revente entre concubin le sera nécessairement21. De même, le notaire se trouvera contraint, dans le cas d’acquisition de parts par un associé qui dispose, par exemple, de la moitié des parts, de purger toute

17

: V. notamment R. Hostiou et J.-F. Struillou, Expropriation et préemption : 4ième

éd. Litec 2011, p. 274 ; v. note 12. 18

: Alors qu’une telle exclusion n’existe pas pour le droit de préemption en espaces naturels sensibles ; v. note 1. 19

Des exceptions peuvent être contractuellement aménagées, sur la base de l’alinéa 2 du même texte. 20

Solution dégagée sur la base des dispositions de l’article 1862 du Code civil. 21

: La revente au profit d’une même personne des parts des deux concubins nous semblent soumise au droit de préemption puisqu’équivalent à l’acquisition de la totalité des parts.

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cession, quel que soit le nombre de parts cédés (sans que la question de l’agrément se trouve réglé par ailleurs…).

En revanche22, l’article L. 213-1-1 du Code de l’urbanisme soumettant les aliénations à titre gratuit au droit de préemption urbain visant uniquement les biens mentionnés au 1° de l’article L. 213-1 du même code, il convient de considérer, qu’à l’instar des droits indivis, la donation de parts de SCI.

De même, un nouvel article L. 213-1-2 du Code de l’urbanisme (art. 149-I, 10°) indique que « Sont également soumis au droit de préemption les immeubles ou ensembles de droits sociaux mentionnés au 1° de l’article L. 213-1 lorsqu’ils constituent un apport en nature au sein d’une société civile immobilière. »23. La rédaction de ce texte, une fois encore, a de quoi surprendre, puisque l’apport de parts de SCI (visées au 3° de l’article L. 213-1 du Code de l’urbanisme) au profit d’une SCI n’est pas concerné.

Dès lors que, pour être soumise au droit de préemption, la cession de parts doit concerner une SCI qui ne possède qu’une unité foncière - et pas d’autres biens ! - n’est-il pas finalement aisé d’apporter des parts d’une autre SCI afin que la cession des parts de la SCI bénéficiant de l’apport échappe dorénavant au droit de préemption urbain ? En effet, à l’actif de la société au moment de la cession, on trouverait alors une unité foncière, ainsi que des parts d’une autre société (ces parts provenant d’un apport ayant échappé au droit de préemption urbain).

Mais, en pratique, ce schéma aboutissant à un contournement du droit de préemption urbain grâce à un renforcement de l’actif de la SCI pourrait être encore plus facilement généré par le recours aux parts de SCPI, de valeur unitaire traditionnellement faible. De tels droits sociaux pourraient être apportées à la SCI dont la cession des parts serait envisagée, ou encore acquises par cette SCI antérieurement à la cession.

Conclusion :

Au regard des rares hypothèses où ce droit de préemption va pouvoir réellement

s’appliquer, il est sérieusement possible de s’interroger sur l’intérêt du nouveau dispositif,

sauf à regretter que, finalement, paraît davantage intéresser nos élus un droit de regard sur

ceux qui seront indirectement propriétaires d’immeubles sur le territoire de la commune,

plutôt que de disposer de moyens efficaces d’action foncière.

22

: Alors qu’une telle exclusion n’existe pas pour le droit de préemption en espaces naturels sensibles ; v. note 1. 23

: A noter que dans cette hypothèse, la déclaration d’intention d’aliéner est alors accompagnée d’un état de la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. Il est surprenant qu’une telle obligation, prévue en espaces naturels sensibles (V. D. Dutrieux, Droit de préemption du Conservatoire de l’espace littoral sur les droits indivis et les parts de SCI : op. cit.), n’ait pas été imposée pour toutes les cessions de parts soumises à droit de préemption urbain. Elle peut néanmoins faire l’objet d’une demande de pièces complémentaires (V. la nouvelle rédaction de l’alinéa 2 de l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme).

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10

Par Nathalie Loock

Droit de préemption urbain et aliénation à titre gratuit

Il s'agit sans doute du sujet sur lequel il a été le moins écrit depuis la publication de la

loi ALUR et pourtant c'est sans doute l'un des sujets les plus "nouveaux".

En effet avant la loi du 13 décembre 2000 (Loi SRU), les droits de préemption

concernaient toutes les aliénations sous quelque forme que ce soit, dès lors qu'elles avaient

un caractère volontaire d'une part et onéreux d'autre part.

La Loi SRU avait procédé à une première extension du champ d'application du droit

de préemption, puisque seul le caractère onéreux demeurait : les aliénations involontaires

(saisie, liquidation-judiciaire) donnaient lieu à purge du droit de préemption (sauf l'exception

du plan de cession arrêté en application des articles L 631-22 ou L 642-1 du Code de

commerce).

Cependant les aliénations à titre gratuit échappaient au droit de préemption : c'est-à-

dire les donations, les legs, les apports à association sans contrepartie, les partages (liés à un

divorce, une succession ou entre associés) ainsi que la transmission universelle de

patrimoine dans le cadre des fusions.

Dans une volonté de développer l'offre de construction (Chapitre IV Mesures

favorisant le développement de l'offre de construction), la Loi ALUR est venue procéder à

une nouvelle extension du champ d'application du droit de préemption urbain comme

l'indique l'article L 213-1-1 du Code de l'urbanisme.

Article L 213-1-1 du Code de l'urbanisme.

Sont également soumis au droit de préemption les immeubles ou ensembles de droits sociaux mentionnés au 1° de l'article L. 213-1 lorsqu'ils font l'objet d'une aliénation à titre gratuit, sauf si celle-ci est effectuée entre personnes ayant des liens de parenté jusqu'au sixième degré ou des liens issus d'un mariage ou d'un pacte civil de solidarité.

Le présent chapitre est applicable aux aliénations mentionnées au premier alinéa.

Toutefois, par dérogation au premier alinéa de l'article L. 213-2, la déclaration adressée à la mairie ne mentionne pas le prix. La décision du titulaire du droit de préemption d'acquérir le bien indique l'estimation de celui-ci par les services fiscaux.

Il faut rappeler que cette extension n'est pas la première tentative, différentes

tentatives avaient déjà eu lieu précédemment par des amendements parlementaires à

l'occasion de récentes lois adoptées en matière d'urbanisme.

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Cette extension du droit de préemption est une atteinte particulièrement importante

au droit de disposer.

Traditionnellement, le droit de préemption reposait sur le droit pour la Collectivité de

se substituer au bénéfice d'un contrat de vente, d'apport ou d'échange.

Dans une vente, l'exercice du droit de préemption a pour effet de rendre le vendeur

non maître de la personnalité de son acquéreur, mais la collectivité lui fournit l'équivalent

du prix.

En cas de préemption à un prix inférieur à celui de la déclaration d'intention

d'aliéner, il existe une procédure particulière d'évaluation.

En matière d'aliénation à titre gratuit, la décision de préemption aura alors pour effet

de modifier la nature de l'opération, l'aliénation à titre gratuit se transformera en aliénation

à titre onéreux. Celui qui voulait donner, se retrouvera à percevoir un prix fixé par France

Domaine, on transforme un sentiment généreux et gratuit en une valeur économique : une

somme d'argent.

On peut même dans une certaine mesure considérer qu'il y a atteinte aux articles 2 et

17 de la Convention des droits de l'Homme.

L'atteinte aux droits de l'homme est rendue d'autant plus importante que la rédaction de

l'article L 210-1 du CU qui régit les conditions d'utilisation des biens préemptés par la

Collectivité est souple.

Enfin, ces règles d'utilisation sont assouplies par la jurisprudence (CE 14/01/1998 Cts

Vaniscotte) et la doctrine administrative (Réponse du Ministre de l'Equipement) considérant

qu'un bien acquis par voie de préemption peut être utilisé pour un motif différent de celui

mentionné dans la décision de préemption, dès lors que l'usage du bien demeure

compatible avec les objectifs assignés par la loi à l'exercice du Droit de Préemption.

Le nouvel article L 213-11 CU encadre uniquement cette liberté de la Collectivité en

exigeant une décision de l'organe délibérant de la Collectivité compétente pour un tel

changement d'affectation.

La seule protection des intérêts du disposant et du bénéficiaire est la modification de

l'article L 213-12 CU qui vient élargir les possibilités d'action en dommages et intérêts.

Cette disposition sur les aliénations à titre gratuit est issue d'un amendement de la

commission des affaires économiques du Sénat, les parlementaires justifient leur mesure par

la volonté de lutter contre les donations fictives.

Si la volonté des collectivités de lutter contre la fraude est louable, je ne suis pas

certaine que le mécanisme juridique utilisé soit le plus approprié

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Il peut être fait un parallèle avec l'hypothèque rechargeable : pour favoriser le crédit

et la consommation, il a été procédé à la création d'une institution, l'hypothèque

rechargeable, qui a bouleversé un certain nombre de principes fondamentaux, alors qu'il

aurait suffi pour aboutir au même résultat de diminuer ou de supprimer la taxe

hypothécaire.

Et tout ceci pour que 7 ans plus tard, la Loi HAMON du 17 mars 2014 supprime cette

institution à compter du 1er juillet 2014.

Quel que soit le jugement porté sur ce nouveau droit de préemption, il est applicable

depuis le 27 mars 2014.

Voyons en donc son application.

I - Les immeubles concernés :

L'article L 213-1-1 renvoie expressément à l'article L 213-1 1°) :

Article L 213-1 1°)

Sont soumis au droit de préemption institué par l'un ou l'autre des deux précédents chapitres :

1° Tout immeuble ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti

Ce renvoi exprès exclut de fait du droit de préemption, les aliénations à titre gratuit :

- de droits indivis (article L 231-1 2°)

- de parts de SCI (article 213-1 3°)

On peut se poser la question de la légitimité et de la cohérence de cette exclusion.

Alors que le droit de préemption est étendu aux droits indivis et à la cession de la

majorité des parts d'une SCI ou les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité

des parts de ladite SCI, le droit de préemption relatif aux mutations à titre gratuit ne

s'applique pas à ces mutations.

En quoi une donation de droits indivis ou une donation de parts de SCI ne pourrait

pas être sujette aux mêmes soupçons que la donation d’un immeuble ?

Il est dommage que les parlementaires ne soient pas allées jusqu'au bout de leur

idée.

Les mutations concernées :

Il faut ici procéder a contrario pour définir les mutations concernées :

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- sont exclues les aliénations entre les personnes ayant un lien de parenté jusqu'au

6ème degré ;

- sont exclues les aliénations entre les personnes ayant des liens issus d'un mariage

ou d'un Pacs ;

Donc les partages dans le cadre de la liquidation d'un régime matrimonial sont exclus.

Les partages dans le cadre de la liquidation d'un régime matrimonial sont exclus.

A contrario, le droit de préemption s'applique :

- aux donations et aux legs qui ne rentreraient pas dans ces deux exceptions en

raison de la personnalité de leur bénéficiaire.

- aux dispositions à titre gratuit entre les concubins

- aux apports aux associations sans contrepartie.

Le legs pose questions. A la lecture des travaux parlementaires, il semblerait qu'il soit

exclu du droit de préemption.

Les quelques auteurs qui ont pu écrire sur ce sujet évoquent 2 raisons :

1°) comme je le disais précédemment, la finalité de cette nouvelle institution est de

lutter contre des aliénations à titre gratuit fictives qui cachent en fait un versement occulte.

Or on ne peut soupçonner un tel versement dans le cadre d'un legs.

Pour ma part, cet argument ne me semble pas obligatoirement fondé, la donation

d'un immeuble à une association reconnue d'utilité devrait être assujettie au droit de

préemption avec les nouveaux textes, alors qu'elle y échappait jusqu'alors en l'absence de

contrepartie financière ou en nature (Rép Mi n° 70397 Dray JO 30/08/2005).

Dans cette hypothèse non plus, il n'y a pas lieu de soupçonner un versement occulte

et pourtant le droit de préemption s'appliquerait puiqu'il s'agit bien d'une aliénation à titre

gratuit.

2°) la seconde raison développée, notamment par J-Ph MENG - directeur de

recherches au CRIDON de Paris, réside dans le fait que le legs n'est pas une "alinéation" au

sens des droits de préemption, mais une mutation à titre de mort.

La nature à titre gratuit de la mutation engendre une autre difficulté.

Le problème de l'évaluation :

La déclaration d'intention d'aliéner ne comportera pas de prix.

Article L 213-1-1 al 3 CU : L'offre émise par le titulaire du droit de préemption devra

correspondre à la valeur estimée par France Domaine.

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C'est la procédure de l'article R 213-9 CU qui va s'appliquer :

Article R 213-9 CU

Lorsque l'aliénation est envisagée sous une forme ou une modalité autre que celle prévue à l'article précédent (R 213-8 CU : aliénation envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature), le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire :

a) Soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ;

b) Soit son offre d'acquérir le bien à un prix qu'il propose et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l'indemnité de réemploi. En cas de vente envisagée moyennant le paiement d'une rente viagère et une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption et, le cas échéant, la juridiction compétente en matière d'expropriation doivent respecter les conditions de paiement proposées. Toutefois, le titulaire peut proposer, et la juridiction fixer, la révision du montant de cette rente et du capital éventuel.

On peut s'interroger sur le bien-fondé de cette solution ?

L'objet de l'aliénation à titre gratuit devra faire l'objet d'une évaluation pour la

liquidation des droits de mutation à titre gratuit.

Pourquoi ne pas avoir repris cette valeur à mentionner dans la déclaration d'intention

d'aliéner comme base de préemption ? Avec en complément la procédure qui s'applique en

cas de préemption à une valeur inférieure à celle exprimée dans la déclaration d'intention

d'aliéner, et le recours au juge de l'expropriation ?

L'échappatoire : le droit de renoncer

Celui qui aliène à titre gratuit peut refuser selon le droit commun expressément ou

tacitement à la proposition faite par la collectivité.

Article R 231-10 CU

A compter de la réception de l'offre d'acquérir faite en application des articles R. 213-8 (c) ou R. 213-9 (b), le propriétaire dispose d'un délai de deux mois pour notifier au titulaire du droit de préemption :

a) Soit qu'il accepte le prix ou les nouvelles modalités proposés en application des articles R. 213-8 (c) ou R. 213-9 (b) ;

b) Soit qu'il maintient le prix ou l'estimation figurant dans sa déclaration et accepte que le prix soit fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation ;

c) Soit qu'il renonce à l'aliénation.

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Le silence du propriétaire dans le délai de deux mois mentionné au présent article équivaut à une renonciation d'aliéner.

Cette faculté de renoncer permet, s'il en était besoin, de confirmer que les legs ne sont pas concernés par ce droit de préemption.

Au moment de l'exécution du legs, donc après le décès du disposant, qui pourra manifester ce refus exprès ou tacite de la proposition financière de la collectivité ?

Le propriétaire nous dit l'article R 231-10 CU : le disposant est par définition décédé, le légataire n'est pas encore propriétaire, puisque le droit de préemption n'a pas été purgé, et le legs n'est pas exécuté.

S'il n'a pas d'opposition sur l'évaluation de France Domaine, le legs porte-t-il sur la somme versée par la Collectivité qui a préempté ?

Un legs de somme d'argent se substituerait à un legs d'immeuble sans l'expression de la volonté du disposant.

Conclusion : les biens concernés sont trop limités : il n'y a pas de raison que les droits indivis

et les parts de SCI soient exclus ;

Les mutations concernées sont mal définies : quid du legs

Les modalités de fixation de la valeur sont discutables.

Une volonté louable : lutter contre la fraude, un mécanisme inadapté : le droit de

préemption, qui n'a jamais été un outil de lutte contre la fraude.

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Par Christophe DUCHANGE, Notaire à Roubaix

Droit de préemption urbain, immeubles appartenant à des organismes HLM

et immeubles achevés depuis plus de quatre ans

I. Droit de préemption urbain : immeubles appartenant à des organismes HLM

A. Histoire d’un coup d’accordéon : de l’exclusion partielle puis totale à la

soumission sous réserve au droit de préemption urbain (évolution de l’exception

du « a » de l’article L. 213-1 du Code de l’urbanisme)

B. La réserve des droits des locataires définis à l’article L. 443-11 du Code de la

construction et de l’habitation (droit de priorité excluant le droit de préemption

urbain)

C. Analyse des opérations menées par les organismes d’HLM au regard du droit de

préemption urbain

D. Les conséquences en cas de préemption

E. Existe-il des « gisements fonciers préemptables » ? Le paradoxe des nouvelles

dispositions (analyse critique sommaire)

A. Histoire d’un coup d’accordéon

● 1985 : premier mouvement (exclusion partielle)

« (…) Ne sont pas soumis au droit de préemption : / a) Les immeubles construits par les

organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et qui

sont leur propriété, ainsi que les immeubles construits par les sociétés coopératives

d'habitations à loyer modéré de location-attribution »

● 2000 : suite du premier mouvement (exclusion totale)

« (…) Ne sont pas soumis au droit de préemption : / a) Les immeubles construits ou

acquis par les organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de

l'habitation et qui sont leur propriété, ainsi que les immeubles construits par les sociétés

coopératives d'habitations à loyer modéré de location-attribution »

● 2014 : deuxième mouvement (soumission sous réserve)

« (…) Sont soumis au droit de préemption institué par l'un ou l'autre des deux

précédents chapitres : (…) / 4° Les immeubles construits ou acquis par les organismes

mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et qui sont

leur propriété, sous réserve des droits des locataires définis à l'article L. 443-11 du même

code. (…) / Ne sont pas soumis au droit de préemption : / a) Les immeubles construits par

les sociétés coopératives d'habitations à loyer modéré de location-attribution »

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B. La réserve des droits des locataires

Le droit de préemption urbain est exclu lorsque les deux conditions suivantes sont

cumulativement réunies :

• le vendeur est un des organismes [d’HLM] mentionnés à l'article L. 411-2 du Code de

la construction et de l'habitation ;

• l’acquéreur est le bénéficiaire du droit prioritaire d’acquisition ouvert aux

locataires par l'article L. 443-11 du même code :

« Un LOGEMENT OCCUPE ne peut être vendu qu'à son LOCATAIRE. Toutefois, sur

demande du LOCATAIRE, le logement peut être vendu à son conjoint ou, s'ils ne

disposent pas de ressources supérieures à celles qui sont fixées par l'autorité

administrative, à ses ascendants et descendants.

« Tout locataire peut adresser à l'organisme propriétaire une demande d'acquisition

de son logement. La réponse de l'organisme doit être motivée et adressée à

l'intéressé dans les deux mois suivant la demande.

« Lorsque l'organisme d'habitations à loyer modéré met en vente un LOGEMENT

VACANT, il doit l'offrir en priorité à l'ensemble des LOCATAIRES de logements lui

appartenant dans le département, ainsi qu'aux gardiens d'immeuble qu'il emploie,

par voie d'une publicité dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. A

défaut d'acquéreur prioritaire, le logement peut être offert : [. . .] »

En pratique - Afin de faciliter le traitement des dossiers de vente, et de permettre au notaire d’appréhender la situation au regard du droit de préemption, le questionnaire suivant pourrait être complété dès la signature de l’avant-contrat : L’organisme d’HLM vendeur déclare * :

1. Que le logement est occupé ; il est vendu : 1a. à son (ses) locataire(s) ; 1.b. au conjoint du locataire ; aux ascendants du locataire ; 1.c. aux descendants du locataire.

2. Que le logement est vacant ; il est vendu : 2a. à un locataire du parc du vendeur dans le département ; 2b. à une autre personne déterminée par les alinéas 3 et suivants de l’article L. 443-11 du CCH.

* Ne cocher qu’une seule case () et qu’une seule case (). Sauf exception prévue par la loi, le droit de préemption urbain ne devra être purgé que dans le cas 2b, les autres cas entrant dans le champ d’application de la réserve des droits des locataires définis à l'article L. 443-11 du Code de la construction et de l’habitation, prévue par l’article L. 213-1 du Code de l’urbanisme modifié par la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 dite « ALUR ».

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C. Analyse des opérations menées par les organismes d’HLM

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D. Les conséquences en cas de préemption

Les conséquences fiscales (renvoi)

Les conséquences du point de vue de la règlementation des lotissements (renvoi)

Les conséquences issues de l’application de textes dont le champ diffère suivant la

qualité de l’acquéreur

- conventions d’aide personnalisée au logement

- règles d’attribution sous condition de ressources et de fixation de loyer

- transfert des emprunts

L’ordre des droits d’opposition et de préemption

E. Existe-il des « gisements fonciers préemptables » ?

• Les « gisements fonciers préemptables » sont (sauf exceptions de droit commun)

potentiellement :

– les logements vacants vendus aux gardiens d’immeuble employés par

l’organisme d’HLM

– les biens objet d’un contrat de location-accession

– les logements locatifs sociaux hors accession sociale

– les éléments du patrimoine immobilier hors logement

– les logements-foyers

• La seule catégorie « utile » à la production de logements (objectif de la loi ALUR)

nous semble être celle des éléments du patrimoine immobilier hors logement

Cependant, lorsque leur prix de cession est supérieur à 30.489,80 € les ventes sont

soumises :

– à l’avis de la commune et à l’absence d’opposition motivée du représentant

de l'Etat dans le département dans un délai de quatre mois

– ou en cas de désaccord entre la commune et le représentant de l'Etat dans le

département, à l’autorisation du ministre chargé du logement

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Par David DEHARBE, Maître de conférences HDR à l’Université de Lille 2 avocat au Barreau de Lille (Green Law Avocat)

La DIA et les informations sur la pollution … un couple de jeunes mariés

Merci pour votre invitation24… j’ai eu le plaisir d’intervenir pour parler à quelques colloques

d’Environnement lors de journées scientifiques à la Sorbonne, à l’Université de Picardie, à

l’Université d’Artois, à l’Université de Bordeaux, à l’Université de Toulouse, à l’Université de

Nantes, à l’Université de Bourgogne, à l’Université littoral côte d’Opale, à l’Université de

Haute-Alsace ; mais jamais encore à l’Université Lille 2. Cinq après y avoir été nommé, j’en

serai presque un peu ému.

En tout état de cause, ce n’est pas un hasard à mon sens. Le dynamisme de l’ATELIER DES

PROFESSIONNELS DE L’IMMOBILIER ET DE L’ICEU/ICH ASSOCIE DE L’UNIVERSITE DE LILLE II

initié et piloté par nos collègues Messieurs MARTEL et DUTRIEUX participe d’une démarche

scientifique qui ne connaît pas de frontière : praticiens, chercheurs au CNRS et enseignants

chercheurs sont invités à confronter leur point de vue sur des objets résolument pratiques et

opérationnels.

Ils osent même convier un environnementaliste pour discuter de cette « vache sacrée » du

droit de l’urbanisme : le Droit de préemption urbain !

Rappelons que le droit de préemption urbain, jusqu’ici prévu aux articles L. 211-1 et

suivants du Code de l’urbanisme, permettait à une Commune (ou à un EPCI) de se substituer

à l’acquéreur par le biais d’une procédure décrite aux articles R. 213-4 et suivants du même

Code. Le mécanisme dans ses grandes lignes étant le suivant : le notaire du vendeur notifie à

la Commune ou à l’EPCI une déclaration d’intention d’aliéner qui bénéficient d’un droit de

réflexion de deux mois au terme duquel elles décident d’acquérir aux conditions proposées

ou à d’autres conditions négociées. Dès lors que le bénéficiaire du droit de préemption

donne son accord, la vente est parfaite et la renonciation est impossible (Cass. 3e civ., 2 juin

1999, n° 07-17.576).

Notre sujet confronte plus précisément la Déclaration d’Intention d’Aliéner (ci-après D.I.A.)

et information sur les pollutions ; ajoutons, en droit des ICPE car nous verrons finalement

que stricto sensu le droit positif n’en conçoit pas d’autre délimitation matérielle. Autrement

dit, la Déclaration d’Intention d’Aliéner propre au droit de préemption urbain sera

rapprochée de l’information exigible en matière de passif industriel par le droit des

installations classées pour la protection de l’environnement.

Ce sujet tient en une phrase de la loi dite ALUR (L. n°2014-366 du 24 mars 2014) et plus

précisément son article 149 qui modifie l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme en ces

termes : « Cette déclaration [c’est-à-dire la DIA] comporte obligatoirement l’indication du

prix et des conditions de l’aliénation projetée ou, en cas d’adjudication, l’estimation du bien

24

Le style oral de l’intervention a été conservé.

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ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du code de

l’environnement ».

Cette dernière disposition fixe l’information due en ces termes :

« Lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée

sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il

l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients

importants qui résultent de l'exploitation (al 1er).

Si le vendeur est l'exploitant de l'installation, il indique également par écrit à

l'acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances

chimiques ou radioactives. L'acte de vente atteste de l'accomplissement de cette

formalité. (al. 2nd)»25

D’emblée deux remarques s’imposent.

- 1° Cette disposition législative introduite par la loi ALUR ne nous emble pas

immédiatement applicable26. En effet, le nouvel article L213.2 du code de

l’urbanisme se poursuit en ces termes : « Le titulaire du droit de préemption peut,

dans le délai de deux mois [suivant la D.I.A.], adresser au propriétaire une demande

unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et

l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et

patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles

d'être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d'Etat. La déclaration

d'intention d'aliéner peut être dématérialisée ». Or l’établissement de cette liste

réglementaire sera indispensable pour que les demandes de documents puissent

suspendre, comme le prévoit le 4ème alinéa de l’article L. L213.2 du code de

l’urbanisme27, le délai dit de purge de la DIA. Et il est évident que la liste en question

pourrait comporter des documents tels des études de sol assorties ou même les

arrêtés de prescription ICPE. De surcroît et en tout état de cause le calcul du délai de

25

La loi Alur (L. n°2014-366 du 24 mars 2014 - art. 173) a par ailleurs réécrit le 3ème

et dernier alinéa de l’article

L.514-20, afférent à la sanction de l’information du vendeur : d’une part, l'acquéreur ne pourra plus agir que

dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution et, d’autre part, l'acquéreur ne pourra

demander la résolution de la vente, une diminution du prix ou la réhabilitation du site que pour une pollution

constatée rendant le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat. Cette réécriture n’entre pas

dans notre objet dès lors que le renvoi opéré par l’article L 213-2 du code de l’urbanisme ne concerne que « les

informations » qui sont énumérées dans les deux premiers alinéas de l’article L514-20 du code de

l’environnement.

26 contra cf. E. Charpentier, « La nouvelle « ALUR » des droits de préemption publics », BJDU, n° 3/2014, p.167

27 « Aux termes duquel : « Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au

premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le

titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le

titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour

prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption »

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purge en ce qu’il repose sur des documents d’information qui peuvent être sollicités

constitue une garantie pour la personne exerçant le droit de préemption comme

pour le préempté.

C’est dire que notre propos demeure prospectif et hypothétique tant que le décret attendu

n’entre pas en vigueur. En ce sens nous supposerons, voire suggérerons les documents qui

pourraient être exigées sur liste par l’administration.

- 2° On le comprend immédiatement, il est question d’articuler codes de l’urbanisme

et de l’environnement, ceci sur le terrain procédural. Ce n’est pas une première ; on

pense évidemment au dépôt croisé des demandes de PC et d’autorisation

d’exploiter, mais aussi de façon expérimentale et plus moderne au permis dit

« unique » (cf. le décret d’application n°2014-450 du 2 mai 2014 de l’ordonnance

n°2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique

en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement dans

certaines régions de France). Ainsi avec la nouvelle rédaction de l’article L213-2 du

code d l’urbanisme nous sommes bien encore en présence d’une illustration de la

coordination procédurale des droits de l’urbanisme et des ICPE faisant échec au

principe d’indépendance des législations.

Quoiqu’il en soit notre sujet implique d’abord de comprendre pourquoi le législateur a ainsi

décidé de procéder à cette « union entre la carpe et le lapin ».

Nous raisonnerons donc ici sur la base d’une institution récemment redécouverte et pleine

de clichés mais à la vertu pédagogique : le mariage.

Ainsi nous tenterons de mettre à nues les dessous de la cérémonie afin de comprendre ce

qui fonde en raison l’union de ceux mariés un peu, malgré eux (I).

Dès lors et partant de ce cadre nous pourrons évaluer la nature comme la forme de

l’information requise au titre des ICPE dans la DIA (II).

I/ LES DESSOUS D’UNE CEREMONIE

Dès lors et partant, on peut aisément comprendre pourquoi le législateur a favorisé un

rapprochement entre la DIA et les informations requises au titre des ICPE (A). On peut même

se demander s’il ne s’agit pas là tout bonnement d’un mariage de raison (B).

A/ LES RAISONS DU MARIAGE : SECURISER LES COLLECTIVITES QUI PREEMPTENT

Il était une époque où il était surtout question de faire un « bon » mariage …

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C’est la prise en compte d’une mauvaise affaire faite par la ville d’Amiens ayant conduit à un

arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 7 novembre 2012 (Cass. 3ème civ., 7

nov. 2012, n° 11-22.907, FS-P+B ; Construction et Urbanisme janv. 2013/1, comm. 12, Sizaire

V. et comm. 5 Santoni L.; Dupie A., BDEI n° 43/2013, n° 1434, Cf. aussi Boutonnet M. et

Herrnberger O., chronique Environnement et pratique notariale, Revue Environnement et

Développement Durable juin 2013, chron. 4), qui a, conduit le législateur à rapprocher pour

ainsi dire les deux parties et imposer via la DIA des informations dues au titre de l’article L.

514-20 du Code de l’environnement applicable à la vente de terrains anciennement

exploités dans le cadre d’une installation classée pour la protection de l’environnement

(ICPE).

La Cour avait effectivement eu ainsi l’occasion de se demander si cette obligation

d’information était susceptible de s’appliquer en cas de vente par le biais du droit de

préemption, version avant loi ALUR.

Comme le rappelle Mathilde Boutonnet, dans ce cadre « Les obligations d’information dues

au titulaire du droit de préemption sont limitées » (« Rubrique de jurisprudence civile 1ère

partie : le contentieux contractuel Juin 2012 - Juin 2013 », Bulletin du Droit de

l’Environnement Industriel - 2013). Son titulaire bénéficie certes d’informations obligatoires

contenues dans la déclaration d’intention d’aliéner et prévues par le modèle annexé à

l’article A. 213-1 du Code de l’urbanisme :

- indication du propriétaire du bien,

- la situation et la désignation du bien,

- de l’usage et de l’occupation du bien,

- des droits réels ou personnels,

- des modalités de la vente, du prix et des modalités de paiement.

Par ailleurs si le bénéficiaire du droit de préemption doit être informé des charges et

conditions imposées à l’acquéreur lors de l’avant-contrat (Cass. 3ème civ., 10 mars 1993,

n° 90-19.578, Bull. civ. 1993, III, n° 36.), il ne bénéficie pas droit à l’information quant à

l’état du bien ni d’aucune indication quant à une éventuelle pollution du terrain.

Ceci explique que dans son arrêt du 7 novembre 2012, la Cour de cassation ait rejeté le

pourvoi de la commune d’Amiens qui, après avoir exercé son droit de préemption sur

des immeubles vendus par une SCI, avait refusé de signer l’acte de vente en arguant de

la pollution du terrain, constitutif de réticence dolosive et de vice caché : « ayant relevé

que l’acquéreur initial avait été informé de la pollution du terrain par un rapport annexé

à l’acte sous seing privé de vente, qu’aucune obligation n’imposait aux venderesses

d’annexer ce compromis à la déclaration d’intention d’aliéner et que la commune

disposait de services spécialisés et de l’assistance des services de l’État, la Cour d’appel,

qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu

retenir que la commune qui s’était contentée des documents transmis ne pouvait se

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prévaloir d’une réticence dolosive ni de l’existence d’un vice caché et devrait régler le prix

mentionné à la déclaration d’intention d’aliéner et réparer le préjudice subi par la SCI ».

Autrement dit, la Cour refusait toute translation à celui qui exerce le droit de préemption

sur un du terrain d’assiette d’une ICPE de l’information acquise à son acheteur initial.

Il n’en fallait pas plus pour que le législateur décide de faire se rencontrer la DIA et

l’information exigible au titre de l’article L514-20 du code de l’environnement (7° art. 70

du Projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, n° 1179, déposé le 26

juin 2013). Ainsi selon le gouvernement l’article 70 de la loi ALUR intervenait « Pour

renforcer l’information des autorités compétentes pour préempter, il enrichit également

le contenu de la déclaration d’intention d’aliéner et permet une visite du bien » (Texte n°

1179 de Mme Cécile DUFLOT, ministre de l'égalité des territoires et du logement, déposé

à l'Assemblée Nationale le 26 juin 2013).

B/ LE MARIAGE DE RAISON : L’INFORMATION LIMITEE PAR LE CADRE ICPE

Il est maintenant plutôt question d’envisager la question singulière de la dote. Mais que

gagne vraiment le bénéficiaire du droit de préemption avec cette information ? En effet, on

ne peut qu’être surpris par le fait que la question d’une éventuelle pollution du bien soumis

à préemption soit réduite aux conséquences de l’exploitation d’une installation classée

autorisée ou enregistrée. C’est exclure nombre de situation de pollution.

Deux remarques s’imposent ici.

- D’une part il nous semble parfaitement établi que cela exclut l’information sur les

faits d’exploitation des installations déclarées. Cela est acquis en jurisprudence

quant à l’interprétation de l’article L514-20 Exclusion de la déclaration. D’abord ces

dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer dans l'hypothèse où l'installation classée

qui a été exploitée sur le terrain était soumise à simple déclaration (CA Paris, 19 nov.

2009, SCI Windsor Corbeil 1 c/ CCEI : JurisData n° 2009-380147 ; Constr.-Urb. 2010,

comm. 62, note C. Sizaire ; Environnement et dév. durable 2010, comm. 56, note M.

Boutonnet. - Cass. 3e civ., 20 juin 2007, n° 06-15.663, FS-P+B, Sté Biscuiterie du Nord

: JurisData n° 2007-039644 ; Environnement 2007, comm. 168, note M. Boutonnet ;

JCP N 2007, 1253, note A. Dupie et X. Lièvre ; RD imm. 2007, p. 399, note F.-G.

Trébulle ; JCP A 2007, 2252, note P. Billet ; JCP N 2007, act. 498, note O.

Herrnberger). Cette hypothèse représente près de 450 000 installations en France,

contre 42 000 installations soumises à autorisation (chiffres 2013)

- Les informations ne sont pas non plus requises des installations en cours de

fonctionnement (Cass. 3e civ., 9 avr. 2008, n° 07-10.795, FS-P+B+I : JurisData n° 2008-

043519 ; JCP G 2008, II, 10096, obs. F.-G. Trébulle ; Environnement 2008, comm. 94,

note J.-M. Février ; JCP G 2008, act. 272, note B. Parance. - CA Paris, 2e ch., 8 oct.

2008 : JurisData n° 2008-370455 ; Environnement 2009, comm. 39, note M.

Boutonnet).

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Au final les informations sont requises des installations soumises à autorisation ou à

enregistrement (ce qui concerne quelques centaines d’installations) et mises à l’arrêt. Après

tout ce n’est pas non plus scandaleux du point de vue du droit des ICPE. En principe les

installations soumises à autorisation et enregistrement sont censées être les plus polluantes.

D’ailleurs les installations Seveso et de la directive IED sont-elles mêmes soumises à

autorisation ICPE.

On comprend bien qu’il s’agit de catonner l’information dans la DIA à l’existence de l’ICPE

et non à la pollution en tant que telle, la première étant finalement le critère de la

deuxième en droit français. Il est vrai que le droit des ICPE a toujours constitué en France le

seul moyen de gérer les sites et sols pollués, qu’il s’agisse de désigner le débiteur d’une

obligation de remise en état de l’installation et d’en fixer le contenu. Le droit des déchets a

été muselé en la matière dès lors que « les sols non excavés, y compris les sols pollués non

excavés et les bâtiments reliés aux sols de manière permanente » ont été disqualifiés, en

transposition droit communautaire, de non-déchets (L541-4-1 c. env.).

Pourtant une autre démarche était parfaitement concevable.

Elle avait été amorcée par l’ancienne version (en vigueur du 7 janvier 2012 au 27 mars 2014)

de l’article L125-7 du code de l’environnement : « Sauf dans les cas où trouve à s'appliquer

l'article L. 514-20, lorsque les informations rendues publiques en application de l'article L.

125-6 font état d'un risque de pollution des sols affectant un terrain faisant l'objet d'une

transaction, le vendeur ou le bailleur du terrain est tenu d'en informer par écrit l'acquéreur

ou le locataire. Il communique les informations rendues publiques par l'Etat, en application

du même article L. 125-6. L'acte de vente ou de location atteste de l'accomplissement de

cette formalité. A défaut et si une pollution constatée rend le terrain impropre à sa

destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans après la découverte de la

pollution, l'acheteur ou le locataire a le choix de poursuivre la résolution du contrat ou, selon

le cas, de se faire restituer une partie du prix de vente ou d'obtenir une réduction du loyer ;

l'acheteur peut aussi demander la remise en état du terrain aux frais du vendeur lorsque le

coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné au prix de vente. Un décret en

Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ».

Ici il s’agit d’informer avant tout de la pollution et non de l’d’exploitation passée d’une ICPE

A l’heure où le législateur a enfin pris l’initiative d’étoffer la police des sites et sols pollués

avec l’article 173 de la loi ALUR et d’imposer à l’Etat d’assumer sa mission d’information sur

l’état des sols la loi créée deux obligations pour l’Etat dont la dépasse le cadre strict des

ICPE :

- d’une part des secteurs d’informations sur les sols annexés aux PLU sous la forme de

documents graphiques « qui comprennent les terrains où la connaissance de la

pollution justifie (…) la réalisation d’études des sols et de mesures de gestion de la

pollution » (L125-6 C. env.) ; ce qui recoupe La base de données Basol porte sur les

sites et sols pollués ou potentiellement pollués appelant une action des pouvoirs

publics, à titre préventif ou curatif.

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- d’autre part, l'État publie, au regard des informations dont il dispose, une carte des

anciens sites industriels et activités de services (C. envir., art. L. 125-6) – ce qui

correspond actuellement à BASIAS c’est-à-dire l'inventaire historique de sites

industriels et activités de service.

Et la nouvelle version de l ’article L125-7 du code de l’environnement, en vigueur depuis le

27 mars 2014 dispose « Sans préjudice de l'article L. 514-20 et de l'article L. 125-5, lorsqu'un

terrain situé en secteur d'information sur les sols mentionné à l'article L. 125-6 fait l'objet

d'un contrat de vente ou de location, le vendeur ou le bailleur du terrain est tenu d'en

informer par écrit l'acquéreur ou le locataire. Il communique les informations rendues

publiques par l'Etat, en application de l'article L. 125-6. L'acte de vente ou de location atteste

de l'accomplissement de cette formalité ».

Mais attention même en l’état du droit positif on doit considérer que la DIA est encore

mariée avec le seul droit des ICPE et l’information requise du L512-20… et faute pour le

L125-7 de comporter la moindre référence à la DIA, il est pour l’instant pas question que

cette disposition entretienne la moindre liaison ni d’ailleurs d’un mariage à trois !

Reste désormais à prendre la mesure de l’information requise via le droit des ICPE et

finalement de rappeler que « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours,

assistance » (article 212 C. civ.) ; autrement dit :

II/ UNE UNION « POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE »

S’agissant d’apprécier si ce mariage pourrait être un échec ou vécu sous le signe de

l’harmonie, nous ne pouvons manquer de poser la question de la fidélité ; plus précisément

ici de la fidélité de l’information qui sera véhiculée par la DIA (A).

Et de façon non moins provocatrice on se demandera si la mariée n’est pas trop belle en la

personne de l’installation classée (B)

A/ Fidélité de l’information requise du déclarant vendeur

Trois considérations peuvent ici être avancées. La première est un enseignement propre au

L. 514-20 qui se singularise par une obligation de résultat quant à la quête d’information sur

l’exploitation d’une ICPE. La deuxième tient à la forme de l’information devant accompagner

la DIA. La troisième tient à la sanction par le nouveau régime de la DIA d’une information

défaillante.

Obligation de résultat. L'article L. 514-20 du Code de l'environnement « ne subordonne

l'obligation d'information à la connaissance effective du vendeur que relativement aux

dangers et inconvénients de l'usage qui a été fait du terrain. S'agissant de l'information sur

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l'existence même d'une ancienne installation soumise à autorisation, la prétendue

connaissance du vendeur ne suffit pas » (X. Lièvre et F. Müller, Droit de l'environnement et

pratique notariale : JCP N 2013, 1238).

C'est en ce sens que la cour d'appel d'Amiens s'est prononcée, en jugeant qu'il est

indifférent que le vendeur ait eu ou non connaissance de cette information car l'article L.

514-20 du Code de l'environnement crée « une obligation d'information qui concerne tout

vendeur, qu'il soit ou non l'exploitant de l'installation soumise à autorisation et ne

subordonne cette obligation à sa connaissance effective que relativement aux dangers et

inconvénients de l'usage qui a été fait du terrain vendu » (CA Amiens, 18 oct. 2012, n°

11/02401 : JurisData n° 2012-024930. - V. également : CA Nîmes, 4 mars 2008, n° 06/00516 :

JurisData n° 2008-006633 ; AJDI 2009, p. 563, obs. F.-G. Trébulle).

Ainsi, ce n'est pas une simple obligation d'investigation qui pèse sur le vendeur, mais une

véritable obligation de résultat. « L'exception de légitime ignorance », selon l’expression de

notre confrère David Gillig ne peut donc être invoquée par le vendeur pour s'exonérer de

son obligation d'informer l'acquéreur sur le fait que l'immeuble vendu a supporté un jour

une installation classée soumise à autorisation ou à enregistrement.

Ainsi la DIA devra-t-elle comporter la désignation du type d’installation exploitée sur site

avec son classement ICPE (n° de rubrique/niveau de classement A ou E/ désignation de

l’activité).

Le notaire a l’habitude d’interroger par écrit systématiquement la DREAL pour savoir si une

installation classée a été exploitée sur le site, et à consulter, le cas échéant, les archives

municipales ou départementales. En effet, il a déjà été jugé qu'il lui appartient « si la

mémoire s'en était perdue, de faire les recherches nécessaires pour donner toute

information utile à l'acquéreur sur les activités passées sur ledit terrain » (CA Amiens, 18 oct.

2012, n° 11/02401 : Ju-risData n° 2012-024930).

Or fort heureusement la jurisprudence est venue ici fixer les choses par rapport à

l’application de la nomenclature des ICPE. On a en particulier renoncé à une application

rétroactive de la nomenclature qui aurait conduit à un scénario digne du film « retour vers

le futur ». Ainsi la date à laquelle le juge doit se placer pour déterminer si les installations

doivent être regardées comme soumises à autorisation au sens de l'article L. 514-20 est la

date à laquelle ces installations étaient en activité (C. envir., art. L. 514-20). Le juge ne peut

prendre en considération des évolutions ultérieures de la nomenclature ayant classé des

activités de même nature sous le régime de l'autorisation postérieurement à la cessation de

l'activité en cause dans le cadre du litige qui lui est soumis (Cass. 3e civ., 17 nov. 2004, n° 03-

14.038, n° 1186 FS - P + B) ; voir également en ce sens ( CA Paris, Pôle 4 chambre 1, 19 nov.

2009, n° 07/22056).

Forme de l’information. Le classement acquis l’information varie selon que l’on est en

présence de l’ancien exploitant ou non.

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Pour le vendeur non exploitant une obligation de moyen. Le premier alinéa de l'article L.

514-20 du code de l'environnement dispose que le vendeur informe également l'acheteur «

pour autant qu'il les connaisse, des dangers et inconvénients importants qui résultent de

l'exploitation » (C. envir., art. L. 514-20). Cette information est donc subordonnée à la

connaissance effective de l'acquéreur ; comme l’exprime une Cour d’appel « [les dispositions

de l’article L514-20 du code de l’environnement] qui distinguent entre l'affectation du terrain

et les dangers ou inconvénients de cette affectation, établissent pour le premier volet une

obligation objective à la charge du vendeur, tenu d'informer l'acquéreur, et ne subordonnent

cette obligation à sa connaissance effective, que relativement aux dangers ou inconvénients

de l'usage qui a été fait du terrain vendu » (CA Nîmes, 1re ch., sect. A, 4 mars 2008, n°

06/00516).

Et remplit correctement son obligation un vendeur (en l'espèce ancien exploitant de

l'activité) qui a communiqué préalablement à la signature de l'acte notarié, un rapport

d'études des sols mentionnant la présence de « blocs » en laissant prévoir que des

déplacements de pieux devraient être envisagés ainsi que l'existence d'odeurs très fortes, en

précisant qu'il pouvait s'agir d'une pollution aux hydrocarbures, ainsi que le rapport de

réhabilitation et de dépollution du site, lequel n'excluait pas le risque de découverte d'une

pollution liée à l'activité qui y avait été antérieurement exercée (Cass. 3e civ., 18 nov. 2009,

n° 08-19.052).

Cette affaire nous démontre que la DIA devra s’accompagner du diagnostic sol : d’une part

les études de sol que constituaient hier les ESR et EDR et désormais l’IEM (Interprétation de

l’état des milieux), les schémas conceptuels et les plans de gestion mais aussi demain des

attestations qui sera impérativement établie par un bureau d'études certifié pour les

réhabilitations. De même à notre sens les arrêtés préfectoraux devraient être produits.

Sanction du défaut d’information. Comme le distinguent René Houstiou et Jean François

Struillou il faut opposer la déclaration incomplète de celle comportant une erreur

substantielle. En particulier il est jugé que l’ommission est substantielle lorsqu’elle porte

« sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénations »

(sur cette jurisprudence cf. « Expropriation et préemption LITEC, 4ème éd. P. 313). En faisant

expressément dans la nouvelle rédaction de l’article L213-2 aux « informations dues au titre

de l’article L. 514-20 du code de l’environnement », c’est le délai de purge qui pourrait ne

pas courir en cas d’information lacunaire en la matière (op. cit. p. 315, n° 549).

B/ La mariée serait-elle trop belle ?

La Plasticité de l’installation classée complexifie l’obligation d’information.

Deux incertitudes demeurent : d’une part, l’installation en situation irrégulière et

d’autre part, les installations connexes.

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Installations en situations irrégulières. « Il importe peu que l'activité litigieuse

ait régulièrement fait l'objet d'une autorisation, seul compte le fait qu'elle soit

juridiquement classable » (CA Paris, 2e ch., sect. A, 8 oct. 2008 :

Environnement 2009, comm. 39, note M. Boutonnet - V. aussi M. Boutonnet,

note sous CA Paris, 19 nov. 2009, SCI Windsor Corbeil 1 c/ CCEI : JurisData n°

2009-380147 ; Environnement et dév. durable 2010, comm. 56). « Un arrêt

pour le moins sévère de cour d'appel considère que l'obligation d'information

concerne également les installations exploitées irrégulièrement » (cas du

débordement d'une décharge municipale sur le terrain objet de la

transaction)( CA Nîmes, 1re ch., sect. A, 4 mars 2008, n° 06/00516).

Installations connexes. Un arrêt de la cour d'appel d'Orléans laisse apparaître

que l'obligation d'information s'impose non seulement en ce qui concerne les

installations classées soumises à autorisation elles-mêmes, mais également à

des installations qui en font « partie intégrante » [les terrains concernés par la

vente ayant, en l'espèce, accueilli des fosses de lagunage, qui étaient reliées à

des poulaillers soumis au régime de l'autorisation (CA Orléans, 16 janv. 2006,

n° 05/00399)].

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Par Damien DUTRIEUX, Maître de conférences associé à l’Université de Lille 2

Nature et régime de la déclaration d’intention d’aliéner

La déclaration d’intention d’aliéner (DIA) connaît une double nature selon le caractère de l’aliénation visée ; il va tout d’abord s’agir d’une offre au sens de la pollicitation du droit civil lorsque l’aliénation envisagée est une vente de gré à gré sans contrepartie en nature et ce même si le prix convenu a été stipulé sous forme d’une rente viagère. Sont concernées essentiellement des ventes, étant précisé que peu importe la qualité des parties (la vente entre membres de la même famille ne connaît aucune particularité). Dans tous les autres cas, la DIA ne vaut pas offre de vente mais simplement information sur une aliénation susceptible de déclencher une offre de contracter de la part du titulaire du droit de préemption. Il importe de relever, depuis le 27 mars 2014, une particularité contenue dans l’article L. 213-1-1 du Code de l’urbanisme s’agissant des aliénations à titre gratuit pour lesquelles la déclaration n’indique pas de prix et ne permet qu’une offre d’acquérir à l’estimation de France Domaine.

Cette double nature de la DIA apparaît à travers les réponses possibles du titulaire du droit de préemption, le code distinguant l’hypothèse d’une vente de gré à gré sans contrepartie en nature pour laquelle l’administration dispose de trois options au titre des dispositions de l’article R. 213-8 du Code de l’urbanisme, et les autres hypothèses dans lesquelles l’administration, ne pouvant offrir au propriétaire les mêmes contrepartie que l’acquéreur, le titulaire du DPU voit ses options limitées à deux, l’alternative étant de proposer d’acquérir ou de renoncer à l’acquisition (C. urb., art. R. 213-9). Dans le cadre de l’article R. 213-8 du Code de l’urbanisme, l’administration ayant outre cette alternative, la possibilité de former la vente en acceptant les conditions de la déclaration d’intention d’aliéner (dans ce cadre, le titulaire doit préempter l’ensemble du bien, même s’il n’a besoin pour son projet que d’une partie de celui-ci ; CE, 6 juin 2012, n° 342328, Sté RD Machines Outils : JurisData n° 2012-012263 ; BJDU 2012, n° 33, p. 178, chron. E. Carpentier). C’est l’un des très rares domaines où s’appliquent concrètement les dispositions de l’article 1583 du Code civil. La vente est formée à réception de la décision de préemption approuvant le prix et les conditions de la déclaration d’intention d’aliéner. Les conséquences sont importantes puisqu’il y aura transfert de propriété immédiat, seul étant retardé au paiement ou la consignation de l’intégralité du prix, le transfert de jouissance. Il convient donc d’obtenir l’annulation de la décision de préemption ou une rétrocession amiable (C. urb., art. L. 213-14), pour contrecarrer cet effet. Par ailleurs, la réalisation de la vente initiale, malgré la préemption, ou la cession du bien au profit d’une autre personne que le titulaire du droit de préemption veut se substituer, est impossible puisque constitutif de la vente de la chose d’autrui.

***

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Deux nouveautés introduites par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) : demande de pièces complémentaires et le droit de visite.

1) Les demandes de pièces complémentaires

Pourront être demandés des documents complémentaires, outre les hypothèses déjà prévues28 notamment concernant les opérations de requalification de copropriétés dégradées (art. 65 de la loi ALUR). En effet, selon la nouvelle rédaction donnée à l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme, le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. Afin de préserver les droits de l’auteur de la déclaration d’intention d’aliéner, la liste des documents susceptibles d’être demandés devra être fixée limitativement par décret en Conseil d’Etat, ce qui décale dans le temps l’entrée en vigueur de cette nouvelle rédaction de l’article L. 213-2.

Parmi les pièces qui pourraient figurer dans le dossier, il est possible de penser notamment aux pièces suivantes :

Baux (essentiel en présence d’un locataire commercial !)

Copie de la résiliation du bail si le logement était loué mais est devenu vacant avant la purge (afin de mettre en œuvre l’article L. 210-2)

Etat fiscal et social pour les parts de SCI

Dossier de diagnostic technique imposé par le droit de la vente

Mesurage « Carrez »

Bornage (lorsqu’il s’impose au titre de l’article L. 111-5-3 du Code de l’urbanisme)

Diagnostic en cas de mise en copropriété d’un immeuble de plus de quinze années

Déclaration de cessation d’activité et audit éventuel pour les installations classées pour la protection de l’environnement (installations autorisées, enregistrées ou déclarées)

Néanmoins, la demande de pièces complémentaires pourrait aisément devenir un moyen d’augmenter « artificiellement » le délai dont dispose le titulaire pour exercer le droit de préemption urbain. La lettre du nouveau quatrième alinéa de l’article L. 213-2 est effectivement des plus clairs puisqu’il indique que le délai de deux mois ouvert pour préempter est suspendu à compter de la réception de la demande de pièces complémentaires. Certes poursuit ce texte, le délai reprend à compter de la réception des 28

: L’article L. 213-2 vient préciser que, pour l’opération de requalification (qui peut donner lieu à l’instauration du droit de préemption urbain renforcé de l’article L. 211-4), la déclaration d’intention d’aliéner comporte également les informations dues au titre de l’article L. 741-1 du code de la construction et de l’habitation.

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documents par le titulaire du droit de préemption, mais - et il convient d’insister sur cet élément - « si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision ». Au titulaire du droit de préemption de déposer une demande de pièces complémentaires dans la dernière semaine du délai de deux mois, et un mois sera gagné automatiquement. Cette nouvelle faculté est particulièrement attentatoire du droit de propriété, d’autant qu’il s’applique également à cette invention des plus surprenantes qu’est la demande de visite.

En tout état de cause, le notaire doit prendre conscience des difficultés nouvelles qui se présentent en matière de computation des délais, alors que le droit de préemption avait jusqu’alors l’intérêt de connaître des délais simples en matière de déclaration d’intention d’aliéner29.

2) Les demandes de visite

Une fois encore, cette réforme n’entrera en vigueur qu’avec un décret. Néanmoins, il est d’ores et déjà prévu que le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien aliéné, demande à laquelle le propriétaire peut évidemment refuser d’accéder30, mais qui non seulement suspend le délai à la réponse négative ou à la visite effective, mais qui permet au titulaire si, après le refus ou la visite, le délai est de moins d’un mois, le titulaire bénéficiera d’un mois pour préempter.

Cette nouvelle règle - comme celle que la précède - est attentatoire aux droits du propriétaire et cachent certainement une velléité d’augmenter d’un mois le délai pour préempter sans l’indiquer expressément. Ceci est d’autant plus étonnant que le Conseil d’Etat a développé une jurisprudence qui insiste sur la nécessité pour le propriétaire d’être rapidement « fixé » sur les intentions du titulaire du droit de préemption31.

La question de la faculté de mentionner dans la DIA que le propriétaire refusera d’ores et déjà toute visite de l’immeuble ne parait pas efficace s’agissant d’une faculté offerte par la loi au titulaire du droit de préemption.

29

: D. Dutrieux, Calcul des délais pour les préemptions publiques : de quantum à quantum… : JCP N, n° 11, 18 mars 2011, 1103. 30

: Même France Domaine ne dispose pas de la possibilité d’imposer une telle visite ! 31

: CE 12 novembre 2009, n° 327451 : JCP N, n° 16-17, 23 avril 2010, 1177, note D. Dutrieux.

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Par Eric FORGEOIS, Docteur en droit, Avocat au Barreau de Lille

PAIEMENT DU PRIX AVANT LA LOI ALUR

(ancien art. L213-14 du code de l’urbanisme)

1) Délai de paiement/consignation : dans les 6 mois qui suivent :

– Soit la décision d’acquérir le bien au prix indiqué par le

vendeur ou accepté par ce dernier ;

– Soit la décision définitive du Juge de l’expropriation ;

– Soit la date de l’acte ou du jugement d’adjudication ;

2) Sanction en cas de non-respect du délai : rétrocession du bien par le titulaire du

droit de préemption sur demande de l’ancien propriétaire.

Remarque : le paiement intégral du prix est une condition du transfert de jouissance (art.

L.213-15 du code de l’urbanisme : « L'ancien propriétaire d'un bien acquis par voie de

préemption conserve la jouissance de ce bien jusqu'au paiement intégral du prix ».

PAIEMENT DU PRIX DEPUIS LA LOI ALUR

(art.L.213-14 al.2 du code de l’urbanisme)

3) Délai de paiement/consignation : dans les 4 mois qui suivent :

– Soit la décision d’acquérir le bien au prix indiqué par le

vendeur ou accepté par ce dernier ;

– Soit la décision définitive du Juge de l’expropriation ;

– Soit la date de l’acte ou du jugement d’adjudication ;

4) Sanction en cas de non-respect du délai : Le transfert de propriété entre le titulaire

du droit de préemption et le vendeur ne s’opère pas et ce dernier peut aliéner

librement son bien (art. L.213-14 al.3 du code de l’urbanisme).

Remarque : le paiement intégral du prix reste une condition du transfert de jouissance (art.

L.213-15 du code de l’urbanisme : « L'ancien propriétaire d'un bien acquis par voie de

préemption conserve la jouissance de ce bien jusqu'au paiement intégral du prix », mais

devient également une condition du transfert de propriété (art. L.213-14 al.1er du code de

l’urbanisme).

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TRANSFERT DE PROPRIETE AVANT LA LOI ALUR

Hypothèses Intervention du transfert de propriété

En cas de préemption aux prix/conditions de

la DIA (= accord par le « jeu » de l’article 1583 du

code civil : « [la vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à

l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix

payé »).

IMMEDIATE

(A la date de la notification de la décision de préemption)

- avec obligation de constater le transfert de propriété par acte authentique dans les 3 mois de l’accord (= art. R.213-12*) ;

- si transfert de propriété pas réitéré dans les 6 mois, possibilité de rétrocession du bien par acte sous seing privé et libre aliénation possible par le propriétaire (= ancien art. L213-14*).

En cas d’acceptation par le vendeur du prix et/ou des nouvelles conditions proposées

par le titulaire du droit de préemption (= accord par le « jeu » de l’article 1583 du

code civil)

IMMEDIATE

(A la date de la notification de la décision d’acceptation du vendeur avec obligation de constater le transfert de

propriété par acte authentique dans les 3 mois de l’accord = art. R.213-12*)

En cas de désaccord et fixation judiciaire du

prix par le Juge de l’expropriation

DIFFEREE

2 mois après que la décision juridictionnelle soit devenue définitive (art. L.213-7*) avec établissement d’un acte

authentique constatant le transfert de propriété dans les 3 mois de celle-ci (art. R.213-12*).

* Code de l’urbanisme.

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TRANSFERT DE PROPRIETE DEPUIS LA LOI ALUR (27 mars 2014)

Hypothèses Intervention du transfert de propriété

1) ACCORD SUR LE PRIX

- En cas de préemption aux prix/conditions

de la DIA - En cas d’acceptation par le vendeur du prix

et/ou des nouvelles conditions proposées par le titulaire du droit de préemption

DIFFEREE

« (…) le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquelles seront intervenus le paiement et l'acte authentique…» (art. L213-14, al. 1er *)

2) DESACCORD SUR LE PRIX (et fixation judiciaire

du prix par le Juge de l’expropriation)

DIFFEREE

2 mois après la décision juridictionnelle définitive (art. L.213-7*) avec établissement d’un acte

authentique constatant le transfert de propriété dans les 3 mois de celle-ci (art. R.213-12*).

* Code de l’urbanisme.

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Par Jean-François STRUILLOU, Directeur de recherche au CNRS, DCS (UMR CNRS 6297), Faculté de droit et des sciences politiques de Nantes.

Synthèse

Je voudrais tout d'abord remercier M. Damien Dutrieux et M. Jean-Jacques Martel, pour leur invitation à participer à ce séminaire sur la réforme du régime du droit de préemption par la loi Alur.

Je voudrais ensuite remercier tous les intervenants pour la qualité de leur contribution. Les différentes communications qui nous ont été présentées ont montré de manière précise et fort intéressante les différents aspects de la réforme. Elles mettent aussi parfaitement en lumière les principales difficultés d'interprétation que soulèvent ces évolutions pour la pratique notariale.

Je voudrai à mon tour faire quelques observations plus générales sur l'impact de la

loi Alur sur le régime du droit de préemption. Ces remarques porteront à la fois sur les effets de la réforme ainsi que sur les interrogations qu'elle suscite (Cf. aussi, J.-F. Struillou, L'impact de la loi ALUR sur le régime du droit de préemption : RFDA 2014, p. 576).

*

Je dirai tout d'abord que la loi ALUR n'a pas failli à la tradition. Elle témoigne, elle aussi, d’un mouvement expansionniste du droit de préemption urbain et du droit de préemption en ZAD. En ce sens, elle ne remet nullement en cause les évolutions antérieures. Bien au contraire. Une fois de plus le législateur a étendu le champ d'application du droit de préemption, mais aussi a cherché à faciliter l'utilisation de cette technique, ou encore l'utilisation du bien préempté.

*

1. S'agissant du champ d'application du droit de préemption, on observe trois évolutions essentielles.

1.1. D’une part, la loi a favorisé l’extension du champ d’application géographique de cette technique en habilitant les intercommunalités compétentes en matière de DPU à créer des ZAD intercommunales. Il est fort probable que ces nouveaux pouvoirs, qui jusqu’ici n’avaient jamais été décentralisés, incitent les intercommunalités à créer ces ZAD en dehors des zones urbaines et des zones d’urbanisation future, et ce en vue de faciliter les acquisitions foncières nécessaires à une opération d’aménagement urbain préalablement définie.

1.2. D’autre part, la loi confirme une autre tendance lourde de l'évolution du droit de préemption en étendant la liste des biens et aliénations soumis au droit de préemption urbain et au droit de préemption en ZAD. Cette évolution a été justifiée par le souci de faciliter son utilisation, mais aussi par une autre raison plus ambiguë, celle de faire obstacle au contournement du droit de préemption par les "marchands de sommeil", ces derniers étant parfois tentés de constituer des SCI, ou de recourir à des "donations déguisées" pour éviter de tomber sous le coup d’une décision de préemption.

S’agissant des biens soumis au droit de préemption, la disposition la plus marquante de la loi est très certainement celle qui soumet les cessions de la majorité des parts

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de SCI au droit de préemption urbain et au droit de préemption dans les zones d’aménagement. Dans l’état ancien du droit, ces cessions étaient soumises uniquement au droit de préemption urbain renforcé. Dorénavant le DPU simple ou

le droit de préemption en ZAD peut s’exercer sur les cessions de la majorité des parts d’une SCI, mais aussi nous dit la loi sur les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts de cette société. Pour que le droit de préemption puisse ici être exercé il faut néanmoins que deux conditions soient remplies : il est nécessaire que le patrimoine de la SCI soit composé d'une seule unité foncière, elle- même soumise au droit de préemption, et que la SCI ne soit pas une SCI familiale.

Cette extension du champ de la préemption ne va pas sans soulever d’importantes difficultés, tout en ayant un champ d’application en réalité fort étroit. Le titulaire du droit de préemption risque, en particulier, de se heurter à certains obstacles pour dissoudre la société et se faire attribuer l’immeuble. Autrement dit, il y a ici un certain brouillage de la préemption, en ce sens que la collectivité devenue associée

risque de se heurter à certains obstacles pour dissoudre la société, se faire attribuer l'immeuble et ensuite affecter l’immeuble à l’opération d’aménagement pour laquelle le droit de préemption a été mis en œuvre. On a donc ici affaire à une préemption quelque peu "paradoxale", la puissance publique étant amenée à

exercer son droit de préemption sur un bien meuble tout en n’étant pas assurée de pouvoir affecter l’immeuble appartenant à la société au projet en vue duquel la préemption a été utilisée. Ce droit serait ainsi utilisé plus pour contrôler les acquisitions de parts de sociétés que pour acquérir les immeubles nécessaires à une opération d’aménagement.

Deux autres dispositions de la loi étendent également la liste des biens soumis au droit de préemption. La première autorise l’exercice de ce droit sur les cessions d’immeubles construits ou acquis par les organismes HLM, à l’exception toutefois de

celles réalisées au profit de locataires susceptibles de bénéficier d’une procédure d’accession à la propriété dans les conditions définies à l’article L. 443-11 du code de la construction et de l’habitation. Quant à la seconde, elle tend à faciliter l'exercice du droit de préemption urbain sur les immeubles nouvellement bâtis, en permettant l’usage de ce droit sur ceux bâtis depuis plus de quatre ans. Cette dernière disposition – apparemment anodine – aura sans nul doute d’importantes répercussions sur la pratique notariale ainsi que sur le traitement administratif des déclarations d’intention d’aliéner car, comme il l’a été montré, elle oblige dorénavant à purger systématiquement le droit de préemption urbain sur les immeubles récemment construits. Il y a là encore une novation importante dans la mesure où jusqu’ici le législateur excluait les immeubles récents du champ de la préemption, dans la mesure où ils ne paraissaient pas indispensables à la réalisation

d’une opération urbaine.

S’agissant des aliénations, la loi a également élargi la liste de celles soumises au droit de préemption. Alors qu’auparavant seules les aliénations à titre onéreux étaient soumises au droit de préemption, la loi soumet désormais au droit de préemption urbain et au droit de préemption en ZAD les aliénations à titre gratuit. Par « aliénations à titre gratuit », il faut ici essentiellement entendre les donations entre vifs.

Cette règle souffre néanmoins d’importantes exceptions, et ce pour qu’elle ne porte pas une atteinte par trop importante au droit de propriété et, plus particulièrement,

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au droit du propriétaire de disposer de son bien. Aussi le droit de préemption ne peut-il pas s’exercer lorsque l'aliénation à titre gratuit est effectuée entre des personnes ayant des liens de parenté jusqu'au sixième degré, ou encore entre des

personnes ayant des liens issus d'un mariage ou d’un pacte civil de solidarité.

Cette évolution vise à faire obstacle aux pratiques de certains vendeurs indélicats qui contournent le droit de préemption par des "donations fictives", les "marchands de sommeil" usant, nous dit-on, de ce procédé pour acquérir des lots de copropriété de faible valeur dans des immeubles dégradés. Reste que cette évolution est loin d’être mineure. Elle remet en cause l’un des principes traditionnels qui régissent le droit de préemption, celui selon lequel seules les cessions peuvent faire l’objet d’une préemption, tout en faisant du droit de préemption un instrument de lutte contre les détournements dont il peut faire l’objet.

La loi insère également un nouvel article dans le Code de l’urbanisme qui fait entrer explicitement l’apport d’un immeuble en société dans le champ de la préemption (L.

213-1-1 al. 2). Ces dispositions n’ont pas pour effet de bouleverser l’état du droit, dans la mesure où jusqu’ici la jurisprudence considérait déjà que l'apport d'un immeuble à une société entrait dans le champ de la préemption. Elles témoignent néanmoins de la volonté du législateur d’affirmer avec force cette règle aux fins de

prévenir les risques de fraude et ainsi d’empêcher qu’une SCI ne soit constituée pour faire obstacle au droit de préemption.

1.3. La loi confirme enfin une autre tendance importante de l’évolution du droit de préemption, celle d’étendre toujours les finalités d’intérêt général, définies à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, en vue desquelles il peut être exercé. Celui-ci peut dorénavant être mis en œuvre pour lutter contre « l’habitat indigne ou dangereux ». Cette prérogative sort ainsi quelque peu de ces finalités traditionnelles

pour être mis au service de la législation relative à l'habitat indigne ou dangereux, régie par le code de la construction et de l'habitation. Le droit de préemption tend ainsi à se rapprocher de plus en plus d’un droit de préemption pour cause d’utilité publique.

*

2. Quant aux modalités de mise en œuvre du droit de préemption, elles ont également été revisitées par la loi Alur. Quatre évolutions doivent ici être signalées, certaines d’entre elles remettant également en cause les principes traditionnels qui encadraient la matière.

2.1. La loi a tout d’abord amélioré de manière substantielle l'information des collectivités publiques, en enrichissant le contenu de la déclaration d’intention

d’aliéner et en créant un "droit de visite" au profit de cette dernière. L’idée est ici de lui permettre de savoir parfaitement à quoi elle s’engage en exerçant son droit de préemption et de faire en sorte que celle-ci puisse dans une certaine mesure bénéficier de la même information qu’un simple particulier lorsqu’il achète un immeuble.

Deux dispositions visent ainsi à conforter le contenu de la DIA.

La DIA doit tout d’abord mentionner les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement – c’est-à-dire mentionner si une installation classée a été exploitée sur l’immeuble et les risques qui en résultent – afin d’éviter que le

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titulaire du droit de préemption se retrouve en possession d'un bien dont les mesures de dépollution augmentent significativement le coût et retardent d'autant la réalisation de l'opération d'aménagement.

D’une manière beaucoup plus originale, le titulaire du droit de préemption est aussi autorisé à réclamer au propriétaire, par une demande unique, des documents supplémentaires. Ces derniers doivent lui permettre d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ou encore la situation financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents qui peuvent ainsi être réclamés est fixée par décret en Conseil d'État. Celle-ci pourrait comprendre, si l'on se réfère aux travaux parlementaires, les diagnostics techniques - plomb, termites, amiante… - que le vendeur est tenu de fournir à l'acquéreur dans le cadre du droit commun de la vente.

Cette demande de documents supplémentaires est certes encadrée par des règles très strictes : une seule demande est possible ; elle doit intervenir dans le délai de

deux mois ; elle a pour effet de suspendre le délai d'exercice du droit de préemption et non de l'interrompre.

Il n'en demeure pas moins que ces dispositions soulèvent, là encore, différentes interrogations.

Tout d'abord, elles ont pour inconvénient majeur d'allonger le délai d'exercice du droit de préemption et, ainsi, de porter atteinte à une garantie essentielle qui était jusqu'ici accordée aux propriétaires et à l'acquéreur évincé. Le Conseil d'État a en effet affirmé avec force, à plusieurs reprises, que le délai de deux mois d’exercice du droit de préemption constitue une garantie essentielle pour le propriétaire, qui doit savoir dans les délais les plus brefs s'il peut disposer librement de son bien, mais aussi pour l’acquéreur qui doit pouvoir savoir de façon certaine, au terme du délai

imparti au titulaire, s'il est devenu propriétaire du bien dont il s'était porté acquéreur. Ces dispositions remettent par conséquent en question le subtil équilibre qui jusqu'ici avait été mis en place par la loi entre, d’un côté, le souci que le titulaire du droit de préemption dispose des éléments essentiels lui permettant de se prononcer en tout état de cause et, de l'autre, la volonté de ne pas alourdir à l'excès le contenu de la DIA, afin de gêner le moins possible la liberté contractuelle.

Il n’est pas ensuite exclu que cette réforme génère des abus, certains titulaires pouvant être tentés de réclamer des documents supplémentaires la veille de l’expiration du délai d’exercice du droit de préemption, dans le seul but de bénéficier d’un nouveau délai.

La mise en œuvre de ces nouvelles règles risque enfin d'entraîner des "comptes

d'apothicaires" sur le point de savoir quand commence et quand finit le délai d'exercice du droit de préemption. Elles rendent plus difficile la détermination du terme du délai d’exercice du droit de préemption et, par là même, elles ont pour effet de complexifier pour la pratique notariale – mais aussi pour les personnes publiques – la purge du droit de préemption.

Les mêmes remarques peuvent être faites à propos du nouveau droit de visite.

2.2. La loi a ensuite imposé un mode de publicité déterminé de la décision de préemption. Il est indiqué à l'article L. 213-2 al. 5 du code de l'urbanisme que cette décision doit être notifiée au vendeur, au notaire et à l'acquéreur évincé, à la

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condition toutefois que le nom de ce dernier figure dans la DIA. Il est également précisé que cette décision doit être publiée, et ce notamment pour sécuriser l’exercice du droit de préemption. La publication a ainsi pour effet de faire courir le

délai de recours contentieux à l’égard des tiers qui ont intérêt à agir contre la décision de préemption, en particulier, les contribuables locaux.

Pour intéressantes que soient ces modalités de publicité, elles suscitent néanmoins une question, celle de savoir si la publication de la décision de préemption suffit pour faire courir le délai de recours pour excès de pouvoir contre la décision de préemption à l’égard de l’acquéreur évincé dont le nom ne figure pas dans la déclaration d’intention d’aliéner. S’il paraît ressortir de ces dispositions qu’il en va ainsi, la loi aurait très certainement mérité d’être plus précise sur ce point dès lors que la décision de préemption préjudicie aux intérêts de l’acquéreur évincé et, par là même, l’intéresse très directement.

2.3. En réponse aux recommandations du rapport du Conseil d'État sur le droit de

préemption (La documentation française, 2008), la loi a aussi modifié en profondeur les règles qui gouvernent le transfert de propriété et le règlement du prix du bien.

S’agissant du transfert de propriété, celui-ci n'intervient plus conformément au principe civiliste à la date à laquelle il y a accord sur la chose et sur le prix. Il est

décalé dans le temps : il a lieu "à la plus tardive des dates auxquelles seront intervenus le paiement du prix et l'acte authentique". Quant au paiement du prix de l'immeuble, celui-ci doit intervenir, non plus dans le délai de six mois à compter de la date à laquelle il y a accord sur la chose et sur le prix, mais dans le délai de quatre mois à compter de cet accord.

Cette évolution est intéressante à plus d’un titre. Elle clarifie tout d’abord la situation du vendeur, celui-ci conservant la propriété de son immeuble tant que le

prix n'a pas été réglé. Dans l'état ancien du droit, la situation du vendeur et de la collectivité était plus ambiguë : la collectivité était virtuellement propriétaire, mais ce dernier conservait la jouissance de son bien tant que le prix n'avait pas été réglé. Ces nouvelles règles ont ensuite permis de raccourcir le délai dans lequel le prix de l'immeuble doit être réglé et ainsi de rapprocher le délai de paiement du prix de l’immeuble de celui qui est pratiqué entre personnes privées. Enfin, le nouveau dispositif autorise le propriétaire qui a conservé la propriété de son immeuble de l’aliéner librement, si le prix n’a pas été réglé dans le délai de quatre mois. Dans l’état antérieur du droit sa situation était bien plus incertaine : il devait demander à la collectivité la rétrocession de son immeuble, ces règles étant en outre susceptibles de générer un contentieux complexe. Ce nouveau dispositif suscite néanmoins une interrogation, celle de savoir si le propriétaire dispose ici d’une

action devant le juge judiciaire en réitération forcée de la vente, dans le cas où le titulaire du droit de préemption refuserait de signer l'acte et de régler le prix.

2.4. La loi confirme enfin une jurisprudence classique du Conseil d'État et de la Cour de cassation en précisant que le titulaire du droit de préemption n'est pas tenu d'affecter le bien au projet d'intérêt général mentionné dans la décision de préemption. Il peut utiliser l'immeuble préempté pour un autre des objets prévus par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, à condition que ce changement d’affectation ait été autorisé par une décision de l’organe délibérant de la collectivité. Pour intéressant que soit ce dispositif, il a néanmoins pour inconvénient de rendre plus difficile la reconnaissance du droit de rétrocession de l'ancien

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propriétaire. Ce dernier peut ainsi se voir refuser le bénéfice de ce droit et, par voie de conséquence, l'octroi de dommages et intérêts, aux motifs que la nouvelle affectation de l'immeuble, bien que différente de celle visée par la décision de

préemption, était conforme à l'une des finalités définies à l'article L. 210-1.

*

La loi apporte enfin de nouveaux éléments de réponse à la délicate question des conséquences de l'annulation de la décision de préemption, lorsque cette annulation intervient à une date à laquelle le bien a déjà été transféré dans le patrimoine de la collectivité publique. Avant la loi Alur cette question, on le sait, avait été en grande partie réglée par la jurisprudence "Bour", le Conseil d’État ayant dans cet arrêt dicté au titulaire du droit de préemption la conduite à tenir pour rétablir le droit quand la décision de préemption est annulée pour excès de pouvoir.

Le principal apport de la loi est ici de modifier quelque peu le « guide de

l’exécution » qui avait ainsi été défini par le juge administratif. Le nouvel article L. 213-11-1 du Code de l’urbanisme précise ainsi que l’annulation de la décision de préemption implique dorénavant que le titulaire du droit de préemption propose en priorité l'acquisition de l'immeuble aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel. Si ces derniers renoncent à l'acquisition, le titulaire

doit également proposer l'acquisition à l'acquéreur évincé, à la condition toutefois que son nom ait été inscrit dans la DIA. Ces nouvelles règles ont par conséquent pour effet d’inverser la solution qui avait été retenue dans l’arrêt "Bour", puisque dans l’état ancien du droit il appartenait au titulaire du droit de préemption de proposer l’acquisition de l’immeuble illégalement préempté à l’acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial. Cette novation vise avant tout à pallier les difficultés qu'engendre en la matière la juxtaposition d'un double contentieux

administratif et judiciaire. Ici aussi, l'étanchéité du contentieux de l'excès de pouvoir et de celui de la nullité du contrat de vente portée devant le juge judiciaire fait que le requérant peut être conduit à saisir deux juges différents, accroissant la complexité de la situation, les délais inhérents, mais aussi les risques de contrariété des décisions de justice.

On peut néanmoins s’interroger sur l’intérêt de cette réforme, dès lors que la jurisprudence « Bour » n’avait pas la rigueur que l’on a bien voulu lui prêter, celle-ci laissant en réalité au juge administratif de l’exécution une certaine liberté pour décider, en fonction des intérêts respectifs des parties au procès, si l’acquisition du bien devait d’abord être proposée à l’acquéreur évincé ou à l’ancien propriétaire. Cette évolution soulève en outre la question de l’utilité de graver ainsi dans le marbre les conséquences à tirer de l’annulation d’une décision administrative – au

risque d’alourdir encore un peu plus le Code de l’urbanisme – alors que par ailleurs la loi confie au juge administratif le pouvoir de tirer les conséquences de cette annulation.

Il faut en revanche se féliciter des précisions qui sont apportées par la loi, s’agissant de la juridiction compétente pour statuer sur le prix de l’immeuble en cas de litige sur le prix auquel l’acquisition du bien illégalement préempté doit être proposé. Il est ici indiqué qu'en cas de désaccord sur le prix de l'immeuble, c'est le juge de l'expropriation qui est compétent pour fixer le prix. La loi inscrit en outre dans le code de l'urbanisme la règle jurisprudentielle qui avait été dégagée par le Conseil d'État dans l'arrêt de section "Pereira Dos Santos" en indiquant que l’'immeuble

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litigieux doit en principe être proposé à l'ancien propriétaire ou, le cas échéant, à l'acquéreur évincé, au prix figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner.

*

Au final, la loi a plus contribué à conforter les prérogatives des collectivités publiques qu’à étendre les garanties apportées au propriétaire et à l’acquéreur évincé. C’est dire qu’elle ne clôt pas le débat sur les mesures à adopter pour aboutir à une procédure de préemption plus équilibrée de nature à mettre en place un meilleur rapport de proportion entre prérogatives des collectivités publiques et droits des parties privées.

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Monsieur STRUILLOU

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Diplômé ICEU Etudiant Non diplômé ICEU

Diplôme obtenu : ICH MASTER II URBA MASTER II ENVIRO

Année du diplôme ICEU/ICH associé :

Diplôme préparé : ICH MASTER II URBA MASTER II ENVIRO

Diplôme le plus élevé : Année du diplôme :

Enseignants ou anciens enseignants ICEU: matière enseignée :

SITUATION PROFESSIONNELLE

Nom et adresse de l’entreprise :

Fonction :

Domaine d’activité :

Gestion, transaction et administration de biens Aménagement, promotion, construction

Expertise & formation Ingénierie, bureau d’études, BTP Management des actifs

immobiliers Maîtrise d’ouvrage publique et logement social

Urbanisme Environnement Professions libérales (notaire, avocat, architecte, etc.)

Collectivité publique ou territoriale Financement, défiscalisation

Tél. pro: Portable pro :

Adresse mail pro:

ADHESION

Merci de bien vouloir cocher les cases suivantes :

Je déclare adhérer à l’Atelier des professionnels de l’immobilier et de l’ICEU-ICH associé de

l’Université de LILLE II et m’engage à respecter les statuts dont j’ai pris connaissance.

Je règle la cotisation annuelle de l’association d’un montant de 30 € (chèque à l’ordre de l’atelier ICEU ICH) et m’engage à régler les années suivantes à première demande.

ou

Je suis dispensé de cotisation ( étudiant ICEU, diplômé ICEU de moins de trois ans, enseignant

ou ancien enseignant ICEU, membre du conseil d’administration)

Fait à , le