177 Rumi Contes Soufis

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  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    DJALAL AL-DIN RUMI

    Contes Soufis

    OffertparVenerabilisOpus.orgDedi prserver le riche patrimoine

    culturel et spirituel de l'humanit.

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    INTRODUCTION

    Grce aux ouvrages dj parus et aux visites rgulires

    des confrries de derviches tourneurs, Mawland Djaldl

    al-Din Rm nest plus un inconnu pour le public

    franais. Il est mme devenu, pour qui sintresse au

    sujet, une figure familire de la littrature musulmane.La richesse du catalogue des uvres traduites

    ne

    cessant de saccrotre, les travaux universitaires se succ-

    dant, on peut dsormais disposer dun vaste panorama de

    cette littrature. Toutefois, les civilisations orientale

    et

    occidentale nabordent pas de la mme manire ce qui

    touche la religion,

    la sagesse ou la connaissance.

    Cest pourquoi il est souvent difficile pour le lecteuroccidental de situer les grands potes de lIslam. Ne sont-

    ils que des potes

    ?

    Ne sont-ils pas aussi des mystiques ?

    Leurs uvres ont-elles un sens sotrique ? Toutes ques-

    tions qui sappliquent videmment aux ouvrages de

    Mawland Djalal al-Din Rm, qui peut apparatre dans

    un

    mme texte comme

    un

    pote,

    un

    mystique et

    un

    sage.

    Cette diversit des angles dapproche de la littrature

    soufie fait clairement comprendre que le soufisme ne

    saurait tre rduit une doctrine, si clairement formule

    soit-elle. L e soufisme se compose de plusieurs traditions,

    sensiblement diffrentes les unes des autres mais qui ont

    toutes en commun leur attachement aux principes fonda-

    mentaux de lIslam.

    Ds le dbut de lIslam, les vies

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    8 L e Mesnevi

    Si on se rfre des ouvrages comme le Mmorial des

    saints

    de Farid-uddin Attar, au

    Kach-al-Mahdjub

    deHudj Wiri ou encore au

    Risale

    de Kusheyri,

    on

    constate

    que tous datent du xf sicle et quils contiennent tous trois

    des hagiographies des premiers soufis. On constate

    galement que ces premiers soufis vivaient de manire

    asctique et quils taient aussi dtachs des biens de ce

    monde quattachs au prophte de lIslam. Enfin , chacun

    de ces ouvrages contient une vritable mise en garde

    contre la dgnrescence du soufisme. L e but des auteurs

    est autant de fixer une tradition que de donner un

    exemple.

    Cest qu lpoque la traduction des ouvrages des

    philosophes grecs et des sages hindous avait engendr

    chez les soufis une grande multiplicit de courants de

    pense, au dtriment parfois de la certitude originelle.

    La

    rfrence aux premiers fidles paraissait ainsi nces-

    saire pour retrouver

    son

    chemin dans les mandres des

    tendances.

    Chacun de ces premiers soufis, initiateur de longues

    traditions (don t certaines se perptuent encore), descen-

    dait directement du prophte. Cette filiation traditionnelle

    ainsi que la relation matre

    disciple permettent au fidle

    de se rattacher aux origines de lIslam, qui peut alors

    sincarner. On voit la diffrence entre cette approche et

    celle, plus dsincarne, qui consiste

    aborder la religion

    par les crits quelle a suscits.

    Les confrries (Tarikat) se

    sont

    donc multiplies. Les

    lieux de runions (Tekke ou Zaviga) galement. Se

    multiplirent aussi les uvres littraires, les coutumes et

    les rites. Cest tout cet hritage qui constitue ce que

    nous

    appelons le soufisme.

    L e soufisme fu t souvent dcri pour son penchant po ur

    les arts et tenu lcart par lIslam orthodoxe. Ce fu t le

    prtexte dinnombrables querelles et Rm du fait de

    limportance quil donnait la musique, f u t certainement

    lun des plus critiqus.

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    Contes soufis 9

    Avant la venue des Mongols, 1Afghanistan daujour-dhui tait le berceau dune riche civilisation et la ville de

    Balkh tait, parmi ses cits, lune des plus importantes

    par son rayonnement. Bahaeddin Veled, le pre de

    Rm,

    y

    tait considr comme le plus grand savant de

    lIslam. On lui attribuait le nom de sultan i Ulema (sultan

    des savants). Le sultan de cette contre tait sous

    linfluence dun autre savant, Farreddin Razi, qui dfen-dait la cause des philosophes de lIslam. Le pre de

    Rm, adversaire irrductible de cette tendance, dcida

    alors de quitter le pays et certains prtendirentpar la suite

    que Iinvasion des Mongols fut pour le sultan

    un

    chti-

    ment pour navoir pas reconnu le grand savant quabri-

    taient les murs de sa cit.

    L a petite caravane, form e du matre, de sa famille et

    de ses disciples, se rendit dabord

    L a Mecque.

    Puis

    elle

    vint sinstaller en Anatolie. Ctait Ipoque du rgne des

    sultans Seldjoukides et Bahaeddin Veled comptait y

    recevoir un accueil plus favorable. Aprs un bref

    sjour

    dans la ville de Karaman, la famille de Rm, sur

    linvitation du sultan Allaeddin Keykubad, se f i xa dans la

    ville de Konya, capitale de lempire seldjoukide. Rmi

    tait dj pre de deux enfants.

    Bahaeddin Veled trouva la mort deux ans plus tard

    mais la brivet de

    son

    sjour Konya lui avait cependant

    permis de sattirer lestime et laffection du sultan, des

    nobles et de la population. Les disciples de Bahaeddin

    Veled se regrouprent alors autour de son fils Rm i,

    dj

    considr par tous comme un grand savant.

    U n

    an

    plus tard, Rm reut la visite

    dun

    ancien

    disciple de son pre, Seyyid Burhaneddin. Celui-ci lui

    dit

    :

    < Sans doute es-tu incomparablepar ton savoir mais

    ton pre avait quelque chose de plus que toi. Ctait un

    homme dans toute son essence et cest cela qui te fa i t

    dfaut. >>

    Pendant neuf annes, Rm fu t le disciple de Burha-

    neddin. Ce fu t pour lui une priode de maturation

    et

    de

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    L e Mesnevi

    parachvement et, quand Burhaneddin partit au bout de

    neuf ans, il tait devenu un savant unanimement respect.

    Mais lapparition dun autre personnage, Shems eddin

    Tabrizi, vint bouleverser lexistence de cet austre tholo-

    gien. Ce qui se passa entre ces deux hommes, cette

    communion, cette extase et cette joie , dfie lexplication et

    reste un mystre. La ralit de la chose est pourtant

    prouve par les profonds changements quapporta Rmt

    dans sa vie et qui transparaissent dans ses uvres. Par la

    suite, bien des crivains et des historiens tentrent de

    percer ce mystre. Cette priode vcue aux cts de

    Shems eddin fut la plus exaltante pour Rm et la

    disparition de Shems eddin le laissa dans

    un

    tat de grand

    chagrin et de profonde nostalgie, qui sexprima par

    un

    jaillissement de pom es.

    Plus tard, Rm fit la connaissance

    dun

    bijoutier,

    Salahaddin Zerkoubi.

    Un

    jour, entendant le

    son

    des

    marteaux qui travaillaient lor dans latelier de

    son

    ami,

    Rm crut entendre une invocation du nom dAllah et,

    pris dune grande motion, il se mit

    danser au beau

    milieu du bazar. Cette danse devint plus tard la danse

    rituelle de ses disciples, connus en Europe

    sous

    le nom de

    derviches tourneurs.

    Lamiti de Rm pour ce bijoutier inaugura une

    nouvelle priode dans sa vie, marque par de multiples

    runions de fidles, durant parfois plusieurs jours et

    plusieurs nuits daffile, au cours desquelles les larmes

    dextase se mlaient

    la musique, la posie et

    la

    danse. Neuf autres annes passrent ainsi, dans la folie

    et dans lextase, jusqu la disparition de Salahaddin.

    U n

    norme recueil de pomes

    (Le

    Divan de

    Shems

    i-Tabrizi),

    ddi Shems eddin i-Tabrizi, tmoigne de

    cette priode.

    Rm avait alors coutume de dire que Shems tait le

    soleil et que Salahaddin tait la lune grce laquelle,

    dans lobscurit, il retrouvait lclat du soleil. Aprs la

    disparition de Salahaddin, il rencontra Celebi Husamed-

    din.

    I1

    le nomma successeur

    de

    Salahaddin et manifesta

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    Contes soufis

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    pour lui un attachement empreint du plus profond

    respect.

    Un

    jour,

    Celebi dit

    Rmi

    :

    A

    son rveil, le sultan fut rempli de joie e t il sinstalla

    sa fentre pour attendre le moment o son rve se

    raliserait. I1 vit bientt arriver un homme blouissant

    comme le soleil dans lombre.

    Ctait bien le visage dont il avait rv.

    I1

    accueillit

    ltranger comme un vizir et deux ocans damour se

    rejoignirent. L e matre d e maison et son hte dev inrent

    amis e t le sultan dit

    :

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    Contes

    soufis

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    que ceux de la vsicule. Quand le bois brle, cela se

    sent. Et notre mdecin comprit rapidement que ce

    ntait pas le corps de la servante qui tait affect mais

    son cur.

    Mais, quel que soit le moyen par lequel on tente de

    dcrire ltat dun amoureux, on se trouve aussi dmuni

    quun muet. O ui no tre langue est fort habile faire des

    commentaires mais lamour sans commentaires est

    encore plus beau. Dans son ambition de dcrire

    lamour, la raison se trouve comme un ne, allong de

    tou t son long dans la boue. Car le tmoin du soleil, cest

    le soleil lui-mme.

    L e vieux sage dem and a au sultan de faire sortir tous

    Ies occupants du palais, trangers e t amis.

    E t, tout en lui posant des questions sur son pass, il

    continuait lui t ter le pouls.

    Si quelquun sest mis une pine dans le pied, il le

    pose sur son genou et tente de lter par tous les

    moyens.

    Si

    une pine dans le pied cause tant de

    souffrance, qu e dire dune pine dans le c ur Si une

    pine vient se planter sous la queue dun ne , celui-ci se

    met

    braire en croyant que ses cris vont ter lpine

    alors q ue ce quil lui faut, cest un homme intelligent qui

    le soulage.

    Ainsi, no tre talentueux mdecin prtait grande atten-

    tion au pouls de la m alade chacune des questions quil

    lui posait. I1 lui dem anda quelles taient les villes o elle

    avait sjourn en quittan t son pays, quelles taient les

    personnes avec qui elle vivait et prenait ses repas.

    Le

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    18 Le

    Mesnevi

    pouls resta inchang jusquau moment o il mentionna

    la ville de Samarcande. I1 constata une soudaine accl-

    ration. Les joues d e la malade, qui jusqualors taient

    fort ples, se mirent rosir. La servante lui rvla alors

    que la cause de ses tourments tait un bijoutier de

    Sam arcande qui habitait son quartier lorsquelle avait

    s journ dans cette ville.

    Le mdecin lui dit alors

    :

    < Ne tinquite plus, jai compris la raison de ta

    maladie et jai ce quil faut pour te gurir. Q ue ton c ur

    malade redevienne joyeux Mais ne rvle personne

    ton secret, pas mme au sultan. B

    Puis il alla rejo indre le sultan, lui exposa la situation

    e t lui dit

    :

    < I1 faut qu e nous fassions venir ce tte personne, qu e

    tu linvites personnellement. Nul doute quil ne soit ravi

    dune telle invitation, surtout si tu lui fais parvenir en

    prsen t de s vtements dcors dor et dargent. B

    Le sultan sempressa denvoyer quelques-uns de ses

    serviteurs en messagers auprs du bijoutier de Samar-

    cande. Lorsquils parvinrent destination, ils allrent

    voir e bijoutier e t lui dirent

    :

    O homme d e talent Ton nom est clbre partou t

    E t no tre sultan dsire te confier le poste de bijoutier de

    son palais. I1 tenvoie des vtements, de lor et de

    Iargent. S i tu v iens, tu seras son protg. B

    A la vue des prsents qui lui taient faits, le bijoutier,

    sans lombre dune hsitation, prit le chemin du palais,

    le c ur rempli de joie. I1 quitta son pays, abandonnant

    ses enfants et sa famille, rvant de richesses. Mais lange

    d e la mort lui disait

    loreille

    :

    a

    Va Peu t-tre crois-tu pouvoir em porter ce don t tu

    rves dan s lau-del

    >>

    A son arrive,

    le

    bijoutier fut introduit auprs du

    sultan. Celui-ci lui fit beaucoup dhonneur et lui confia

    la garde d e tous ses trsors. L e vieux mdecin demanda

    alors au su ltan dunir le bijoutier la belle servan te afin

    qu e le feu de s a nostalgie steigne par le jus d e lunion.

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    Contes

    soufis

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    Durant six mois, le bijoutier et la belle servante

    vcurent dans le plaisir et dans la joie. La malade

    gurissait e t embellissait chaque jour.

    U n jour, le mdecin prpara une dcoction pour que

    le bijoutier devienne malade. Et, sous leffet de sa

    maladie, ce de rnier perdit toute sa beaut. Ses joues se

    ternirent e t le c ur de la belle servante se refroidit son

    gard. Son amour pour lui samenuisa ainsi jusqu

    disparatre compltement.

    Quan d lamour tient aux couleurs ou aux parfums, ce

    nest pas de lamour, cest une honte. Ses plus belles

    plumes, pour le pao n, sont des ennemies. Le renard qui

    va librement pe rd la vie cause de sa queue. Llphant

    pe rd la sienne pour un peu divoire.

    Le bijoutier disait :

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    20 Le Mesnevi

    m oindre bien aux hommes justes et purs. U n jour, ses

    aud iteurs lui dirent :

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    existe. Et lurine ne pourra pas devenir eau pure sans

    changer dattributs.

    Laguicheuse

    U n jo ur, un soufi rentra chez lui

    limproviste. O r, sa

    femm e recevait un tranger, tentant de laguicher.

    Le soufi frappa

    la porte. C e ntait gure dans ses

    habitudes dabandonner sa boutique e t de rentrer si tt

    la maison, mais, pris dun pressentiment, il avait

    dcid de rentrer ce jour-l par surprise. La femme,

    elle, tait bien ce rtaine que son mari ne reviendrait pas

    de sitt. Dieu met un voile sur tes pchs afin quun jour

    tu en aies honte. Mais qui peut dire jusqu quand du re

    ce privilge

    ?

    Dans la demeure du soufi, il ny avait dautre issue

    qu e la porte principale e t pas d e cachette.

    I1

    ny avait

    mm e pas une couverture sous laquelle ltranger aurait

    pu se cacher. En dsespoir de cause, la femme revtit

    alors ltranger dun voile pour le dguiser en femme.

    Puis elle ouvrit la porte.

    Ltranger, dans son dguisement, ressemblait

    un

    chameau dans un escalier. Le soufi demanda

    sa femme

    :

    >

    La femm e rpondit

    :

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    22 Le

    Mesnevi

    la dit

    :

    Quelle soit belle

    ou

    non, je veux lavoir pour

    belle-fille

    car elle a un fils incomparable par sa

    beau t, son intelligence e t

    son

    caractre.

    P

    Le soufi dit a lors

    :

    a Nous somm es des gens pauvres e t cette femm e est

    riche. U n pareil mariage serait comme une porte faite

    moiti de bois et moiti divoire. O r, un vtement fait

    pour m oiti de so ie e t pour m oiti de drap fait honte

    celui qui le porte.

    est justem ent ce que je viens de lui expliquer, dit

    la fem m e, mais elle ma rpondu quelle ne sintressait

    ni aux biens ni la noblesse. Elle na gure lambition

    daccumuler des biens dans ce bas monde. Tout ce

    quelle souhaite, cest avoir affaire aux honntes gens >

    Le soufi invoqua d autres arguments, mais sa femm e

    affirma les avoir dj noncs sa visiteuse. A len

    croire, cette dame ne prenait pas leur pauvret en

    compte , bien que celle-ci ft extrm e. Pour finir, elie dit

    son mari :

    u

    Ce quelle recherche en nous, cest lhonntet. >>

    Le soufi dit encore

    :

    u Ne voit-elle pas notre maison, si petite quon ne

    saurait y cacher une aiguille ? E n ce qui concerne notre

    dignit e t no tre honnte t, il est impossible de les cacher

    car tout le monde est au courant. Elle doit donc deviner

    qu e no tre fille na pas de dot >>

    Je te raconte cette histoire pour que tu cesses

    dargum enter. Car nous connaissons tes activits hon-

    teuses. T a croyance et ta foi ressemblent sy mpren-

    dre aux discours de cette femme. Tu es un m enteur et un

    tratre comme la femme de ce soufi. Tu as honte mm e

    auprs des gens qui nont pas le visage propre. Pou rquo i

    naurais-tu pas hon te, pour une fois, devant D ieu ?

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    Contes

    soufis

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    L a chaudire de ce m onde

    Les

    dsirs d e ce m ond e sont comme une chaudire e t les

    craintes dici-bas sont comme un hammam. Les hom mes

    pieux vivent au-dessus de la chaudire dans le dnue-

    ment et dans la joie. Les riches sont ceux qui apportentdes excrm ents pour nourrir le feu d e la chaudire, afin

    que le hammam reste bien chaud. Dieu leur a donn

    lavidit.

    Mais toi, abandonne la chaudire et rentre dans le

    hammam . O n reconnat ceux du hammam

    leur visage

    qu i est pur. Mais la poussire, la fum e et la salet sont

    les signes d e ceux qui prfrent la chaudire.

    Si

    tu ny vois pas assez bien pour les reconnatre

    leur

    visage, reconnais-les lodeur. Ceux qui travaillent la

    chaudire se disent

    :

    Aujourdhui, jai apport vingt

    sacs d e bouse d e vache pou r alimenter la chaudire.

    D

    Ces excrments alimentent un feu destin lhomme

    pur e t lor est comme ces excrments.

    Celui qui passe sa vie dans la chaudire ne connat

    rien

    lodeur du musc. E t sil la sen t, par hasard , il en

    devient malade.

    Les crottes

    U n jo ur , au milieu du m arch aux parfums, un homme

    tomba vanoui.

    I1

    navait plus d e force dans les jambes.

    Sa tte tournait, incommod quil tait par lodeur de

    lencens brl par les marchands.

    Les gens

    se

    run irent au tour de lui pour lui venir en

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    Le Mesnevi

    aide . C ertains lui massaient le cur et dautres les bras.

    Dautres encore lui versaient de leau de rose sur

    le

    visage, ignorant que ctait cette mme eau qui lavait

    mis dans cet ta t.

    Dautres essayaient d e lui enlever ses vtements pour

    le fa ire respirer. Dautres lui prenaient le pouls. I1 y en

    avait qui diagnostiquaient un abus de boisson, dautres

    un excs d e haschisch. Finalement, personne ne trouva

    d e remde.O r , le frre d e cet homme tait tanneur. Ds quil eut

    appris ce qui arrivait son fr re, il courut au march, en

    ramassant sur son chemin toutes les crottes de chien

    quil pu t trouver. Arriv su r le lieu du dram e, il fendit la

    foule en disant :

    Donc, le tanneur, en cachant bien son mdicament,

    parvint jusqu

    son

    frre et , se penchant vers lui comme

    pour lui dire un secret loreille, lui posa la main sur le

    nez. E n respirant lodeur de cette main, lhomme reprit

    aussitt connaissance e t les gens alen tour, souponnant

    quelque magie, se dirent :

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    Contes soufis

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    La

    terre et le sucre

    Il y avait un homme qui avait pris lhabitude de m anger

    de la terre. Un jour, il rentra dans une picerie pour

    ache ter du sucre.

    Lpicier, qui tait un malhonnte homme, utilisaitdes morceaux de terre pour peser.

    I1

    dit

    notre

    homme :

    >

    Lautre rpondit :

    >

    E t en lui-mme, il pensa

    :

    >

    Lpicier se mit donc

    dcouper le sucre et lhomme

    en profita po ur manger la terre. Lpicier remarqua son

    mange mais se garda bien de rien d ire car il pensait :

    >

    T u prends un grand plaisir

    com mettre ladultre par

    les yeux, mais tu ne te rends pas compte que, ce faisant,

    tu dvores ta propre chair.

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    Lor

    du

    bois

    Le

    Mesnevi

    Un derviche vit un jour en rve une assemble de

    matres, tous disciples du prophte Elie. I1 leur

    demanda :

    Et , linstant mm e, la parole lui fut retire e t son

    c ur fu t purifi.

    >

    O r, il lui restait deux pices dor quil avait cousues

    sur son vtement.

    I1

    se dit

    :

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    te rre Je tas d e bois quil porta it sur lpaule. Puis, il dit :

    a O Seigneur A u nom de tes serviteurs dont tu

    exauces les souhaits, transforme ce bois en

    or

    B

    Et ,

    linstant mm e, le derviche vit tou tes les bches

    briller comme le soleil. Il tomba terre sans connais-

    sance.

    Qnand il revint lui, le bcheron dit :

    u O Seigneur A u nom de ceux qui ternissent ta

    renom m e, au nom de ceux qui peinent, transforme cet

    o r en b ois

    B

    Et lor revint ltat de bois. Le bcheron remit le

    fagot sur son paule et prit le chemin de la ville. Le

    derviche voulut courir derri re lui pour avoir lexplica-

    tion de ce m ystre mais son tat dmerveillement ainsi

    que sa crainte devant la stature du bcheron len

    dissuadrent.

    N e fais pas partie de ces sots qui fon t dem i-tour une

    fois quils ont acquis lintimit avec le sultan

    Le perroquet

    Un picier possdait un perroquet dont la voix tait

    agrable et le langage amusant. Non seulement il

    garda it la bou tique mais il distrayait la clientle de son

    verbiage. Car il parlait comm e un tre humain e t savait

    chanter ... comme un perroquet.

    U n jour , lpicier le laissa dan s la bo utique et sen fut

    chez lui. So udain , le chat de lpicier aperut une souris

    et se lana brusquement sa poursuite. Le perroquet

    eu t si peur quil en perd it la raison. I1 se mit voler de

    tous cts e t finit par renverser une bouteille dhuile de

    rose.

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    Contes

    soufis

    Le

    puits

    du

    lion

    29

    Les animaux vivaient tous dans la crainte du lion. Les

    grandes forts et les vastes prairies leur paraissaient

    comme trop petites. Ils se concertrent et allrent

    rendre visite au lion.

    Ils

    lui dirent

    :

    >

    Le lion rpondit :

    >

    Les animaux

    :

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    30 Le

    Mesnevi

    parat une m auvaise chose. Car dormir nest profitable

    qu lom bre dun arbre fruitier. Ainsi le vent fait tomberles fruits qui sont ncessaires. Dormir au milieu dun

    chemin o passent les bandits est dangereux. La patience

    na de valeur quune fois que lon a sem la graine.

    B

    Les

    animaux rpondirent :

    * Depuis lternit, des milliers dhommes chouent

    dan s leurs en treprises car si une chose nest pas dcide

    dans iternit, elle ne peut pas se raliser. Aucune

    prcaution nest utile si Dieu na pas donn son accord.

    Travailler e t acqurir des biens ne do it pas tre un souci

    pour les cratures. s

    Ainsi, chacune des parties dveloppa ses ides par

    maints argum ents mais, finalement, le renard, la gazelle,

    le

    lapin et le chacal russirent convaincre le lion.

    Donc, chaque jour, un animal se prsentait au lion et

    celui-ci navait plus

    se proccuper de la chasse. Les

    animaux, sans quil soit besoin de les contraindre,

    respectaient leur engagement.

    Quand vint le tour du lapin, celui-ci se mit se

    lam enter. Les au tres animaux lui dirent :

    Ainsi le lapin ne se pressa pas pour aller au-devan t du

    lion. Pendant ce temps, le lion rugissait, plein dimpa-

    tience e t de colre. I1 se disait :

    u

    Ils mont abus d e leurs promesses Pour les avoir

    couts, me voici sur le chemin de la ruine. Me voici

    bless par une pe de bois. Mais, compter daujour-

    dhui.

    je

    ne les couterai plus.

    >P

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    Contes soufis

    31

    A la nuit tombante, le lapin

    se

    rendit chez le lion.

    Quand il le vit arriver, le lion, sous lemprise de la

    colre, tait comme une boule de feu. Sans montrer d e

    crain te, le lapin sapprocha de lui, lair amer e t contra-

    r i

    Car d es manires timides vous font souponner d e

    culpabilit.

    Le

    lion lui dit :

    u

    Jai dj renvers les bufs e t les lphants. Com-

    ment se peut-il quun lapin ose m e nargu er?

    >>

    Le

    lapin lui dit

    :

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    32

    Le

    Mesnevi

    L e lion serra donc le lapin contre lui e t regarda dans le

    puits. 11 vit son reflet e t celui d u lapin. Prenant

    ce

    reflet

    pour un au tre lion e t un au tre lapin, il laissa le lapin d e

    ct e t se jeta dans le puits.

    Voici le sort d e ceux qu i coutent les paroles d e leurs

    ennemis. Le lion a pris son reflet pour un ennemi et a

    dgain con tre lui-mm e lpe de la mort.

    Salomon et Azral

    De bon matin, un hom me vint se prsenter au palais du

    pro phte Salomon, le visage blme e t les lvres bleuies.

    Salomon lui demanda :

    >

    Salomon commanda donc au vent de faire ce que

    lhomme lui demandait. Et, le lendemain, le prophte

    demanda

    Azral

    :

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    Contes soufis 33

    Qui fuis-tu

    ?

    Toi-mme

    ?

    Cest l chose impossible. I1

    vaut mieux placer sa confiance en la vrit.

    L e moustique

    Tu ressembles

    un moustique qui se prend pour

    quelquun dimportant. Voyant un f tu de paille flottant

    sur une flaque durine dne, il lve la tte e t se dit :

    >

    Cette flaque de purin lui parat profonde et sans

    limites car son univers a la taille de ses yeux. De tels

    yeux ne voient que de tels ocans. Soudain, le vent

    dplace lgrement le ftu de paille et notre moustique

    de sexclamer

    :

    >

    Si le moustique connaissait ses limites, il serait

    semblable au faucon. M ais les moustiques nont pas le

    regard du faucon.

    Les oiseaux

    Le prophte Salomon avait tous les oiseaux pour

    serviteurs. Comme il en tendait leur langage, une amiti

    stait no ue en tre eux. I1 existe ainsi des Indiens e t des

    Turcs qui, bien que parlant des langues diffrentes,

    deviennent amis.

    I1

    existe aussi des Turcs qui parlent lamme langue et deviennent trangers lun

    lautre.

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    Contes soufis

    35

    science e t lintelligence. I1 obscurcit mme le soleil e t la

    lune. B

    La cage

    U n commerant possdait un perroquet plein d e dons.

    U n jour, il dcida de partir en Inde et demanda chacun

    quel cadeau il dsirait quon lui rapporte du voyage.

    Quand il posa cette question au perroquet, celui-ci

    rpondit :

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    36 Le Mesnevi

    Le commerant rpondit :

    >

    A cet instant, le perroque t du commerant tom ba lui

    aussi dans sa cage, inanim. Le comm erant, plein de

    tri ste se , scria :

    >

    Aprs avoir longtemps pleur, le commerant ouvrit

    la cage et jeta le perroquet par la fentre. Aussitt,

    celui-ci senvola et alla

    se

    percher sur une branche

    darbre. L e comm erant, encore plus ton n, lui dit :

    >

    Le

    perroque t rpondit

    :

    >

    Le

    commerant lui dit

    :

    >

    Le vieux musicien

    D u temps du calife O m ar, il y avait un vieux musicien

    qui animait les runions des hommes de got. Par sa

    belle voix, il enivrait mme le rossignol.

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    Contes soufis

    37

    Mais le temps passait et le faucon de son me se

    transformait e n moustique. Son dos devenait comme la

    paroi dune cruche. Sa voix, qui autrefois caressait les

    mes, commenait les gratter et ennuyer tout le

    monde. Y a-t-il sur cette terre une belle qui nait pas

    souffert d e senlaidir ? Y a-t-il un plafond qui nait pas

    fini pa r seffondrer ?

    Ainsi, notre homme tom ba dans le besoin et le pain

    mm? vint

    lui manquer. U n jour, il dit :

    >

    I1 prit le chemin du cimetire. L, il joua de lud et

    chanta, versant damres larmes. Puis le sommeil

    sempara de lui e t , prenan t son instrument pour oreiller,

    il sendormit. Son corps

    fu t

    libr des vicissitudes de ce

    monde. I1 tait si heureux dans son sommeil quil se

    disait

    :

    >

    Or, ce mme instant, O m ar , le calife de lIslam, fu t

    A son rveil, Omar mit la somme indique dans un

    sac et se rendit au cimetire. Ny trouvant quun vieil

    homme endorm i, il se dit

    :

    >

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    38 Le Mesnevi

    tour du cimetire. Voyant quil

    ny

    avait personne

    dautre que le vieillard, il se dit :

    >

    Omar lui dit :

    u

    Ce sont tes larmes qu i tont rveill. I1est bon de se

    rappeler le pass. Mais pou r toi dorn avan t, le pass et

    le futur son t des voiles. Tu tes repenti de ton pass et tu

    dois maintenant te repen tir de ton repen tir. >>

    La

    plainte

    Un jou r, la femme dun pauvre bdouin dit son mari,

    pleine daigreur :

    Nous souffrons sans cesse de la pauvret et du

    besoin. Le chagrin est no tre lot tandis que le plaisir est

    celui des autres. Nous navons pas deau , mais que des

    larmes. La lum ire du soleil est notre seul vtement e t le

    ciel nous sert d dredon . I1 marrive parfois de p rendre

    la pleine lune pour un morceau de pain. Mme les

    pauvres ont honte devant notre pauvret. Quand nous

    avons des invits, jai envie de leur voler leurs vte-

    ments tandis quils dorment.

    B

    Son

    m an lui rpondit

    :

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    Contes soufis 39

    u Jusqu quand vas-tu continuer te plaind re? Plus

    d e la moiti de ta vie est dj coule. Les gens senssne

    se

    proccupent pas du besoin et de la richesse car

    tou s deux passent comme la rivire. D an s cet univers, il

    est bien des cratu res qu i vivent sans se soucier d e leur

    subsistance.

    Le

    moustique comme llphant fait partie

    d e la famille d e Dieu. Tou t cela nest q ue vain souci. T u

    es ma fem me et un coup le doit t re assorti. Puisque moi,

    je suis satisfait, pourq uo i es-tu si chag rine? *

    LaA femm e e mit

    crier

    :

    u O toi qui prtends tre hon n te Tes idioties ne

    mimpressionnent plus. Tu nes que prtention. Vas-tu

    continuer longtemps encore profrer de telles insa-

    nits Regarde-toi

    :

    a prtention est une chose laide,

    mais pour un pauvre, cest encore pire. Ta maison

    ressemble

    une toile daraigne. Tan t que tu continue-

    ras

    chasser le moustique dans la toile d e ta pauvret,

    tu ne seras jamais admis aup rs du sultan et des beys. B

    Lhomme rpliqua

    :

    u Les biens sont comme un chapeau su r la tte. Seuls

    les chauves en ont besoin. Mais ceux qui o nt de beaux

    cheveux friss peuvent fort bien sen passer

    N

    Voyant qu e son mari se mettait en colre, la femme se

    mit

    pleu rer car les larmes sont les meilleurs piges des

    femm es. Elle commena lui parler avec modestie :

    u Moi,

    je

    ne suis pas ta femm e

    ;

    e ne suis que la terre

    sous tes pieds. Tou t cc que jai, cest--dire mon m e e t

    mon corps, tout cela tappartient. Si jai perdu ma

    patience au sujet de notre pauvret, si

    je

    me lamente, ne

    crois pas q ue ce soit pour moi. Cest p ou r to i

    B

    Bien que dans lapparence les hommes lemportent

    su r les femm es, en ralit, ce sont eux les vaincus sans

    aucun d ou te. Cest comme pou r leau e t le feu, car le feu

    finit toujours par vaporiser leau.

    E n en tendant ces paroles, le mari sexcusa auprs d e

    sa femm e et dit

    :

    Je

    renonce

    te contredire. Dis-moi ce que tuveux.

    B

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    42

    Le

    doute

    Le

    Mesnevi

    M uaviya, loncle de tous les fidles, tait dans son palais

    e n train de dormir. Son palais tait clos e t les portes

    verrouilles. I1 ta it impossible quun tranger puisse y

    pntrer. Cepend ant quelquun toucha Muaviya pour

    le

    rveiller. Q uand il ouvrit les yeux, il ne vit personne e t

    se dit :

    * I l

    est

    impossible d e pntrer dans m on palais. Q ui a

    pu faire cela?

    A pr s d e longues recherches, il trouva quelquun qui

    se dissimulait derrire une tenture. I lui dit

    :

    P

    Muaviya lui dit :

    a

    Cest trange que tu invoques cette raison car

    jamais rien de bon nest venu de toi Cest comme si un

    voleur venait e n prtendan t vouloir monter la garde

    utrefois, rpliqua Satan, jtais un ange et mon

    me se nourrissait de mes prires. Jtais alors le

    compagnon des autres anges et ceci est rest dans ma

    nature. I1 mest impossible doublier le pass

    u dis vrai mais il nempche que tu as barr la

    route bien des sages. Tu ne peux pas tre le feu e t ne

    pa s br ler D ieu ta fait consumeur e t quiconque

    tapproche est ncessairement brl. Ta prtendue

    sagesse ressemble au chant des oiseaux imits par des

    chasseurs.

    te le doute de ton cur, dit Satan, je suis une

    pierre de touche pour le vrai et le faux.

    Je

    ne puis

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    44 Le

    Mesnevi

    larmes auraient coul de tes yeux et le repentir de

    quelquun qui fait de ses prires un plaisir est encore

    plus fort que la prire.

    Je

    tai donc rveill afin que ton

    repentir ne te perm ette pas de te rapprocher encore de

    Dieu

    P

    Muaviya sexclama :

    >

    Traces

    U n homm e courait aprs un voleur. Ju ste au moment o

    il allait sen em parer , il en tendit quelquun crier

    :

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    Contes

    soufis

    La

    mosque

    45

    D es hypocrites se runirent e t dcidrent de construire

    une belle mosque pour honorer la foi. Ils en construisi-

    rent donc une juste ct de celle que le prophte avait

    lui-mme difie. Leu r but ta it en ralit de diviser lacommunaut. Quand ils eurent termin le toit, la

    coupole et le plafond, ils

    se

    rendirent auprs du

    prophte e t , sagenouillant devan t lui, ils lui dem and-

    ren t dhonorer leu r nouvelle mosque de sa prsence.

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    46

    Le esnevi

    que je dvoile vos secrets devant tout le monde. >>

    I1 entendait montrer ainsi quil ntait pas du pe, mais

    les hypocrites protestrent

    :

    >

    Ils jurrent avec une grande insistance mais les justes

    nont pas besoin de jurer.

    Le prophte demanda

    :

    En mm e temps quil pensait cela, il se repentait de

    ce tte pense e t, la tte pleine de contradictions, il finit

    par sendormir..

    .

    I1 fit alors un rve

    o

    il vit la mosque des hypocrites

    remplie de bouse de vache. Des murs de la mosque

    suin tait une cre fum e noire qui brlait ses narines. Ils

    se ryeilla alors et se mit pleurer :

    >

    bti cette mosque en son honn eur >>

    finalement de cder.

    Le chameau perdu

    A u moment o la caravane est arrive pour fa ire tape ,

    tu as gar ton chameau. Tu le cherches partout.

    Finalement, la caravane repart sans toi et la nuit

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    Contes soufis 47

    tombe. Tout ton chargement est rest

    terre et tu

    demandes chacun :

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    48

    Le Mesnevi

    que et lun des Indiens laissa chapper ces mots

    :

    >

    E t le quatrime dajouter :

    >

    Les guerriers rpondirent :

    a Afin deffrayer ton ami e t le forcer nous rvler o

    L e villageois sexclama

    :

    >

    Cest une faveur de Dieu que nous vivions aujour-

    dhui plutt qu cette poque

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    Contes soufis

    Soixante-dix ans

    49

    U n vieillard se rendit chez le mdecin. Quand il lui eu t

    expliqu que ses facults intellectuelles dclinaient, le

    mdecin rpondit

    :

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    Contes

    soufis

    La charge

    51

    Un bdouin cheminait, mont sur un chameau charg

    d e bl. E n route, il rencontra un homm e qui lui fit mille

    questions sur son pays e t ses biens. Puis, il lui dem anda

    en quoi consistait la charge de son chameau.

    Le bdouin montra les deux sacs qui pendaient de

    part e t dautre d e la selle de sa mo nture

    :

    Le

    bdouin :

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    54 Le Mesnevi

    Le

    cheikh rpondit :

    Q

    Ma coupe est si remplie que rien ne peut

    y

    pntrer.

    N

    Lhomme co nstata alors que la bouteille tait pleine

    d e miel et il fut pris de honte.

    Le

    cheikh lui dit

    :

    Q Avant davoir des regrets, va me chercher du vin. Je

    suis malade e t jen ai besoin. D ans pareil cas, les choses

    ord inairem ent interd ites deviennent licites. N

    Lhomme se rendit la taverne mais dans chaque

    tonneau , il ne trouv a que du miel. Aucune trace de vin.

    I1demanda au tavernier o tait le vin. Quand ils eurent

    constat cette trange mtamorphose, tous les buveurs

    de la taverne se mirent pleurer et se rendirent auprs

    du cheikh.

    u O m atre tu es venu une seule fois dans notre

    taverne e t tout no tre vin sest transform en miel >>

    C e m onde est plein de no urriture illicite mais le fidle

    ne doit pas

    y

    toucher.

    La

    souris

    U ne souris sempara un jour de la bride dun chameau e t

    ordonna ce dernier de se mettre en marche. Le

    chameau tait de nature docile e t il se mit marcher. La

    souris en fu t rem plie dorgueil.

    Ils arrivrent soudain devant un petit ruisseau et la

    souri? sarrta.

    u O mon am ie dit le cham eau, pourqu oi tarrtes-

    tu ? M arche, toi qui es mon guide >>

    La souris dit

    :

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    Contes soufis

    55

    Le

    chameau :

    u Je vais essayer w

    E t il savana dans leau.

    u

    Leau nest pas profonde. Elle n e dpasse pas mes

    jarrets. M

    L a souris lui dit

    :

    u C e qu i tapparat comme une fourmi est pou r moi

    un dragon. Si leau tarrive aux jarrets, elle doit

    dpasser ma t te d e plusieurs centaines d e mtres. B

    Alors le chameau lui dit

    :

    e Dans ce cas, cesse dtre orgueilleuse et de te

    prendre pour un guide. Exerce ta fiert sur les autres

    souris, mais pas sur moi

    e

    me repens dit la souris, au nom d e D ieu , fais-

    moi traverser ce ruisseau w

    Larbre du

    savoir

    La rum eur circulait quil existait en In de u n arbre dont

    le fruit dlivrait d e la vieillesse et d e la m ort. U n sultan

    dcida alors denvoyer un d e ses hom mes la recherche

    d e cette merveille.

    Lhomme partit do nc e t , pendant des annes, il visita

    maintes villes, maintes montagnes et maints plateaux.

    Quand il demandait aux passants o se trouvait cet

    arb re d e vie, les gens souriaient en pensant quil tait

    fou. Ceux qui avaient un cur pu r lui disaient

    :

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    56 Le Mesnevi

    et prit le chemin du retour, les larmes aux yeux.

    EnAchernin, l rencontra un cheikh e t lui dit :

    G

    O

    cheikh, prends piti de m oi car je suis dsespr

    ourquo i es-tu si triste?

    Mon sultan ma charg de trouver un arbre do nt le

    fruit est le capital de la vie. Chacun le convoite. Jai

    cherch longtemps, mais e n vain. E t tout le monde sest

    mo qu de moi. D

    LeAcheikh e mit

    rire :

    >

    Quatre pices dor

    Un homme avait donn une pice dor quatre per-

    sonnes.

    Le premier dit :

    >

    Lautre, qui tait ara be , dit

    :

    >

    Le

    troisime, qui ta it grec, se rcria

    :

    >

    Le quatrime, un T urc

    :

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    Contes

    soufis

    59

    dans cet tat desprit quil tomba dans le sommeil.

    I1

    fit

    alors un rve e t vit Elie qui lui disait :

    >

    Lhomme rpondit

    :

    >

    Elie dit alors :

    >

    T a crainte e t ton amour sont des prtextes pour entre-

    tenir ton intimit avec Dieu. Le seul fait que tu conti-

    nues prier tannonce qu e tes prires sont acceptes.

    Le

    citadin

    et le

    paysan

    Un citadin tait lami dun paysan et, chaque anne,

    duran t deux ou trois m ois, il lui offrait lhospitalit. Le

    paysan jouissait de sa maison, d e son magasin e t de sa

    table. Ses moindres besoins taient satisfaits avant

    mme dtre exprims. Un jour, le paysan dit au

    citadin

    :

    >

    Le citadin dclina linvitation mais le paysan renou-

    vela cette offre huit annes durant sans que le citadin

    se

    dplace. A chacune d e ses visites, le paysan ritrait

    son

    invitation et,

    chaque fois, le citadin trouvait une

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    Contes soufis 61

    vautour e t manger la charogne. Et chaque fois quil

    voyait le paysan sortir de chez lui, le citadin lui disait

    :

    >

    Le paysan rpondait

    :

    u

    Jignore qui tu es, bon ou mauvais

    O m on frre disait alors le citadin, as-tu oubli ?

    T u viens chez moi e t tu manges

    ma table depuis des

    annes >>

    Le

    paysan rpondait

    :

    >

    A u bout d e quelques jours, les pluies comm encrent

    e t ce tte atten te devint insupportable. Le citadin frappa

    la po rte d e toutes ses forces en rclamant le matre d e

    maison.

    >

    lui dit ce dernier.

    Le

    citadin lui rpondit

    :

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    Contes soufis

    63

    u Va-ten Pour ceux d e no tre espce, leau est le

    chteau fort d e la joie

    B

    Pour le canard de notre ego, Satan est comme le

    faucon. Regardes-y deux fois avant de q uitter ta m are

    L e secret

    du

    chien

    Un jour, Medjoun se promenait avec

    son

    chien. I1 le

    pren ait dan s ses bras e t le caressait comme un amoureux

    caresse sa bien-aime. U n homm e qui passait par l lui

    dit

    :

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    66 Le

    Mesnevi

    Les

    privations transforment un serpent en ver deter re . Labondance transforme le moustique en faucon.

    V a Laisse plutt le dragon enfoui sous la neige. Ne

    lexpose pas a u soleil. Mfie-toi du soleil du dsir car

    il

    peut transformer le hibou en faucon.

    Llphant

    On avait parqu un lphant venant de iInde dans une

    table obscure. L a population, curieuse de connatre un

    tel animal, se prcipita dans ltable. Comme on ny

    voyait gure

    cause du m anque d e lumire, les gens se

    mirent toucher lanimal. Lun deux toucha la trompe

    e t dit :

    Cet animal ressemble

    un norme tuyau N

    Un

    au tre toucha les oreilles :

    On

    dirait plutt un grand ventail

    B

    Un au tre, qui touchait les pattes, dit :

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    Contes soufk

    67

    L a bien-aime de lamoureux

    Un amoureux rcitait des pomes damour sa bien-

    aime. Des pomes, pleins de lamentations nostalgi-

    ques. Sa bien-aime lui dit :

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    68

    Le Mesnevi

    vigueur. Je suis paresseux, il est vrai, mais je nen do rs

    pas moins sous ton om bre >>

    I1

    priait ainsi du matin au soir et ses voisins

    se

    moquaient de lui. Certains dentre eux le rpriman-

    daient et dautres le raillaient e n disant

    :

    >

    La clbrit de notre homme saccroissait de jour en

    jour dans le pays. O r , un jo ur quil priait chez lui, une

    vache emporte fracassa sa porte de ses cornes

    et

    pntra dans sa demeure sans crmonie. Lhomme

    sempara delle, lui lia les pieds et, sans hsiter une

    seconde, il lgorgea. Puis, il se rendit en courant chez le

    boucher afin qu e celui-ci dpce sa victime.

    Sur son chemin, il croisa le propritaire d e la vache.

    Celui-ci lapostropha :

    >

    Lautre rpondit

    :

    >

    L e propritaire lattrapa par le col et lui assena deux

    @es. Puis, il lentrana chez le prophte David en disant :

    >

    Lautre insistait en disant :

    >

    L e propritaire de la vache am euta la population par

    ses cris :

    >

    Les gens qu i sassemblaient au tour deux commenc-

    rent lui donner raison.

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    Contes soufis 69

    encore ils sobtiennent par hritage. Mais aucun livre ne

    mentionne ce procd dacquisition.

    >>

    Un grand bruit se fit dans la ville autour de cet

    vnem ent. Le pauvre, quant lui, se tenait face contre

    terre ne t priait D ieu en ces termes

    :

    >

    Enfin, on arriva chez le prophte David et le plai-

    gnant prit la parole

    :

    >

    Le prophte se retourna alors vers laccus pour lui

    demannder ses explications. Celui-ci rpondit

    :

    >

    Le proph te David dit alors

    ;

    >

    Laccus se rvolta :

    >

    I1

    se prosterna et dit

    :

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    70 Le Mesnevi

    u

    mon Dieu, Toi qui connais tous les secrets.

    Inspire le cur d e David. Car les faveurs qu e tu mas

    offertes nexistent pas dans son c ur

    >>

    Ces paroles et ces larmes touchrent le cur de

    David. I1 sadressa alors a u plaignant :

    Donn e-moi un jour d e dlai afin q ue je puisse me

    retirer pour m diter. Afin qu e Celui qui connat tous les

    secrets minspire dans m es prires. D

    Ainsi, David se retira-t-il en un lieu cart et ses

    prires furent acceptes. Dieu lui rvla la vrit e t lui

    dsigna le vritable coupable.

    L e lendemain, le plaignant e t laccus se prsentrent

    nouveau devant le prophte David. Comme le plai-

    gnant ne faisait que se plaindre davantage, David lui

    dit :

    M

    Tais-toi Fais le muet

    et

    considre qu e cet homm e

    avait le droit de semparer de ta vache. D ieu a protg

    ton secret. E n change, accepte d e sacrifier t a vache. N

    Le plaignant soffusqua :

    u Quest-ce q ue cest q ue cette justice ? Commences-

    tu

    appliquer une nouvelle lo i? Nes-tu pas renomm

    po ur lexcellence de t a justice ? B

    Ainsi la dem eure d e David fut-elle transforme en un

    lieu d e rvolte. Le prophte dit au plaignant

    :

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    72 Le Mesnevi

    >

    Celui qui porte plainte pou r une vache, cest ton ego.

    I1

    prtend tre le matre. Celui qui a gorg la vache,

    cest t a raison. Si tu souhaites toi aussi gagner sans peine

    ta subsistance, il fau t gorger cette vache.

    Le matre dcole

    La science possde deux ailes mais lintuition nen a

    quune. Chaque fois que loiseau du doute tente de

    senvoler du nid de lespoir, il tombe

    terre car il na

    quune aile

    :

    celle de lintuition.

    I1 y avait une fois un matre dcole qui tait trs

    exigeant avec ses lves. Ceux-ci se mirent bientt

    chercher une solution pour se dbarrasser d e lui. Ils se

    disaient :

    e

    Comment cela

    se

    fait-il quil ne tombe jamais

    malade ? Cela nous donnerait loccasion davoir un peu

    d e repos. Nous serions ainsi librs de ce tte prison qu e

    lcole est pour nous. N

    U n des lves proposa son ide

    :

    >

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    74 e Mesnevi

    lit car il

    me

    semble que je me sentirai mieux si je

    mallonge.

    >P

    La fem m e alla donc prparer son lit mais elle se dit

    :

    u I1 fait semblant dtre m alade pour mloigner de la

    maison. Tout cela nest quun prtexte. N

    U ne fois au lit, le m atre se mit se lamen ter. Alors

    llve qui avait eu cette ide astucieuse dit aux autres :

    u

    Sa maison nest pas loin. R citons nos leons de la

    voix la plus fo rte possible et ce bruit ne fera quaugmen-

    ter ses tourmen ts.

    >P

    A u bout dun mom ent, le matre ny tint plus e t alla

    dire ses lves :

    u

    Vous me donnez mal

    la tte. Je vous autorise

    rentrer chez vous. B

    Ainsi, les enfan ts lui souhaitrent un prompt rtablis-

    sement et reprirent le chemin de leur maison, ainsi qu e

    des

    oiseaux en qu te d e graines. Quand les mres virent

    que les enfants jouaient dans les rues lheure de

    lcole, elles les rprimandrent svrement. Mais les

    enfants rpondirent

    :

    u Ce nest pas notre faute. Cest par la volont de

    D ieu que notre matre est tomb malade. >P

    Les

    mres leur dirent alors

    :

    u

    Nous verrons demain si vous dites la vrit. Mais,

    gare vous si cest un mensonge D

    Le lendem ain, les m res des coliers allrent rend re

    visite au matre et elles constatrent quil tait grave-

    m ent m alade. Elles lui dirent

    :

    u M ais, nous ne savions pas que vous tiez malade

    B

    Le matre rpliqua :

    u

    Moi non plus,

    je

    ne le savais pas C e sont vos

    enfan ts qu i men on t inform N

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    Contes

    soufis 75

    La balance et

    le

    balai

    Un jour, un hom m e se rendit chez le bijoutier e t lui dit

    :

    * Je voudrais peser de lor. Prte-moi ta balance. >>

    Le bijoutier rpondit :

    u Je

    suis vraiment dsol, mais je nai pas de pelle

    o n N o n f it l homme,

    je

    te demande ta

    Le bijoutier :

    >

    balance >>

    balance B

    L e

    derviche

    de

    la

    montagne

    Un derviche vivait dans la montagne avec sa solitude

    pour toute compagne. Lendroit o il stait retir tait

    rempli darbres fruitiers mais le derviche stait promis :

    u

    O

    Seigneur J e ne toucherai pas aux fruits de ces

    arbres avant que le vent nen fasse tomber B

    Mais, com me il avait oubli d e dire

    :

    u

    Inch Allah

    B

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    76

    Le

    Mesnevi

    ce fut dur pour lui de respecter sa promesse. Cinq jours

    passrent. Le feu de la faim brlait son ventre mais levent ne faisait tomber aucun fruit. Les branches

    se

    courbaient sous leur poids mais le derviche prenait

    patience , soucieux d e tenir parole.

    A un moment, le vent poussa vers lui une branche

    charge des fruits les plus mrs. Cest ainsi que le destin

    lui fit renier son serment. C e fut linstant o Dieu lui tira

    loreille.

    I1

    y avait, non loin de l, un groupe de voleurs qui

    taient e n train de partager leur butin. Mais des soldats,

    prvenus par des espions, leur avaient tendu une

    embuscade et tous furent capturs, et notre derviche

    avec O n coupa la main droite et le pied gauche d e

    chacun dentre eux. Quand vint le tour du derviche, o n

    comm ena par lui couper la main. Mais, au m oment

    o

    o n allait lui cou per le pied, un cavalier scria

    :

    < Q ue faites-vous l Celui-ci est un cheikh U n

    intime de Dieu Q ui lui a coup la main ? >>

    Le bourreau, plein de tristesse, se mit lacrer ses

    vtements tandis que le bey venait prsenter ses

    excuses.

    >

    Le derviche rpondit

    :

    >

    Cest ainsi que , pouss par le dsir de son estom ac, le

    derviche perdit

    sa

    main. Combien doiseaux ont-ils

    laiss leur vie dans un pige

    cause de quelques

    graines C e derviche fut surnomm

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    78 Le Mesnevi

    distinguer le plus lointain des obstacles sur mon chemin.

    J e reconnais ainsi chaqu e endro it

    o

    je pose mes sabo ts

    et cest pour cela que je ne trbuche pas. Mais toi, au

    con traire, tu regardes toujou rs juste devant toi.

    B

    Celui qui possde une bonne vue peut-il tr e com par

    un aveugle?

    Cheikh

    I1 tait un e fois un cheikh qu i tait le plus clair parmi

    les homm e de la terre. Le peuple le considrait comme

    un

    proph te. U n matin, sa femme lui dit :

    u

    Ton cur est aussi dur que le roc Est-ce que cela fait

    partie des rgles de la sagesse? Tou s nos enfants sont

    morts, e t moi, force de p leurer, je suis devenue courbe

    comme un a rc. Toi, personne ne ta jamais vu pleurer.

    Ny

    a-t-il pas d e place pour la piti dans ton cur ? Nous

    somm es tous attachs

    toi e t nous te servons jour e t nu it,

    mais que pouvons-nous esprer de quelquun qui ne

    connat pas la piti ? Quappelle-t-onun cheikh ?Cest un

    vieillard dont les cheveux et la barbe sont blancs. Sache

    qu e le vritable cheikh na pas mm e un poil dexistence,

    Celui qui na aucune prtention dexistence, que ses

    cheveux so ient noirs ou blancs, celui-l est un che ikh

    Noublie pas q ue Jsus

    a

    parl dans

    son

    berceau

    B

    Le cheikh rpond it

    :

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    80 Le Mesnevi

    maladies ou les preuves, mais par Dieu. Sa foi ne

    sadresse pas aux houris e t au paradis, mais

    Dieu. Elle

    renonce au blasphme, non par crainte de lenfer, mais

    par crainte de Dieu. Ceci est dans sa nature. Ce nest

    pas une chose quelle a acquise par ses efforts ou par la

    pratique de lasctisme. Elle rit seulement lorsquelle

    constate qu e Dieu la accepte. Pour elle, le destin est

    une friandise. Si un serviteur de Dieu est dune telle

    na ture, pourquoi dirait-il

    :

    O

    mon D ieu Change ma

    destine

    Cest parce quil savait que la mort de ses enfants

    avait t voulue par Dieu q ue ce tte mort lui tait aussi

    douce q ue les kudu@ (ptisserie orientale).

    Aveugle

    Un

    jour,

    un

    homme alla rendre visite

    un cheikh qui

    tait pauvre e t aveugle. I1 fut bien tonn en trouvan t

    chez celui-ci un exemplaire du Coran.

    I1

    se demanda :

    < Cet homme est aveugle et il

    ne

    peut pas lire. Que

    peut-il bien faire du Coran? Si je lui pose cette

    question, ce sera un manque d e respect.

    B

    Or, il se trouva que le cheikh lui offrit lhospitalit

    po ur quelques jours. U ne nuit, notre homme fut rveill

    par une voix qui rcitait le C oran. Se levant, il dcouvrit

    laveugle, les yeux dans son livre, rcitant le Coran. I

    lui dit :

    a Comment arrives-tu lire

    ?

    Je

    vois ton regard qui se

    dplace chaque ligne qui passe. Y vois-tu vraiment

    ?

    N

    Laveugle rpondit

    :

    a

    O

    toi qui ignores tout du corps Pourquoi es-tu

    tonn de

    ce

    que Dieu puisse permettre une chose

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    Contes

    soufis 81

    pareille? Jai demand laide de Dieu afin de pouvoir

    lire le Coran car jai une mauvaise mmoire. Cest po ur

    cela q ue , chaque fois qu e jouvre le Coran pour lire,

    jy

    vois >>

    Chercheur de

    vrit

    Dakouki tait un homme damour et de prodige, trs

    attentif se protger de ce qui est illicite. Jam ais, il ne

    restait plus de deux jours en un mme lieu car il se

    disait :

    >

    I1 marchait le jour et priait la nuit. Sa nature tait

    celle dun ange. Com me il tait pu r, il tait perptuelle-

    ment la recherche dhommes purs e t adressait Dieu

    cette prire :

    >

    E t D ieu lui rpondait

    :

    >

    Dakouki :

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    82

    Le

    Mesnevi

    avec son cur qui l voyage. Mon att irance pour

    lhomme ne fait quaugmenter.Je voudrais voir la vague

    d e locan dans une gou tte deau

    >>

    U n jou r, Dakouki se trouva diriger la prire sur une

    plage parm i un g roup e de fidles. To ut le monde se mit

    en ligne pou r faire la prire du soir quan d, soudain, le

    regard de D akou ki se dirigea vers la mer e t il entendit

    des cris. I1 vit, au large, un bateau ballott par les

    vagues. Les passagers, dans lobscurit, criaient par

    crainte de sombrer car la tempte soufflait comme

    Azral. M m e les infidles e t les rvolts avaient repris

    foi en Dieu e t tous se prosternaient, dsesprs.

    Voyant ce la, Dakouki eu t les larmes aux yeux.

    >

    Cette prire fut en tendue e t le bateau fut sauv mais

    les

    passagers crurent que ceci tait d

    leurs propres

    efforts. Ils croyaient que leurs prires avaient t

    acceptes. Comme le renard qui chappe aux griffes du

    lion grce ses pa ttes mais reste toujours aussi fier de sa

    queue.

    Bref, le bateau accosta au moment mme

    o

    Dakouki

    el les fidles achevaient leur prire. Les fidles dirent :

    Q ui a pu faire ce prodige

    ?

    Serait-ce limam qui, pris

    d e piti, au rait adress ce tte p rire

    Dieu? I aurait os

    interfrer avec la volont divine

    B

    Et quand Dakouki se retourna, il vit que tout

    le

    monde tait parti. Ils avaient tous disparu, comme des

    poissons se faufilant dans londe. Dakouki se remit

    pleurer.

    A h Cest maintenant qu e tu tombes dans

    le

    pige

    Hom me sans m aturit Tu croyais, comme tou t le

    monde, quils taient des hommes. Toi, tu les as

    regards avec les yeux d e Satan qui dit

    : > O Dakouki,

    ouv re les yeux Ch erche enco re jour e t nuit. Laisse

    tomber les uvres d e ce monde. Cherche les hommes en

    invoquant Son nom

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    Contes soufis

    83

    Le

    fils de Myriam

    U n jour, Jsus , le fils d e Myriam, se dirigeait en courant

    vers la montagne. Quelquun se mit

    le suivre en

    criant :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    84 Le Mesnevi

    autres, comment se fait-il quon ne trouve pas de

    remde ?

    D

    Jsus rpondit

    :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    Contes

    soufis 85

    trois personnes au visage sale. Bien quelle soit innom-

    brable, elle se rsumait

    ces trois personnages futiles.En effet, les mes qui ne voient pas le Bien-Aim ne

    valent mme pas une demi-personne, quand bien mme

    elles seraient des milliers.

    Lun deux tait un aveugle don t la vue tait perante.

    Cest--dire quil pouvait voir une fourmi mais quil ta it

    incapable dapercevoir Salomon.

    Le second tait un sourd dont loue tait trs fine.

    A utant d ire un trsor sans or.

    Q uan t au dernier, ctait un homme nu don t la robe

    tait trs longue.

    Laveugle dit soudain

    :

    >

    Le sourd dit son tour :

    >

    Lhomme nu dit alors :

    nous voulons viter dtre capturs.

    >>

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    86 Le Mesnevi

    Le sourd, cest le dsir. I1 entend venir la mort des

    autres, mais pas la sienne. Laveugle, cest lambition.

    I1 voit les dfauts du peuple jusque dans le moindre

    dtail mais il reste aveugle pour les siens. Lhomme nu

    craint quon ne coupe lourlet de sa robe mais comment

    cela se pourrait-il? Le peuple de cette terre est ruin

    mais il crain t les voleurs.

    Nous

    sommes tous am vs nus

    en ce m onde e t cest ainsi que nous le quitterons. Mais

    nous avons tous la crain te des voleurs.

    Au

    moment de

    la m ort, les riches com prennent quils ne possdent pas

    un

    sou.

    Les hommes de talent sentent quils ont fait

    fausse route. Ils sont comme ces enfants qui prennen t

    des m orceaux de poterie pour des biens prcieux. Si on

    les leur retire, ils pleurent. Et si on les leur donne de

    nouveau , ils sont contents. C en fant , tan t quil nest pas

    adulte, ne distingue pas le bien du mal. Ses larmes et

    son rire nont aucune valeur. Les aristocrates tremblent

    pour leurs b iens comm e sils les avaient acquis en rve.

    Si on les rveillait, ils se moqueraient de leur crainte

    des voleurs. Les savants de ce monde sont semblables.

    Ils craignent les voleurs e t ils se p laignent en disant :

    >

    Mais celui qui rcolte ce qui est vritablement utile

    ne

    se proccupe pas du temps car le temps nexiste pas pour

    lui.

    Le ruisseau de la lune

    Un troupeau dlphants stait install sur le bord dun

    ruisseau e t les autres animaux se lam entaien t de ce que

    cet te prsence les privait du libre accs au cours deau.

    Chacun se mit

    chercher

    un

    stratagm e pour les faire

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    82/244

    Contes

    soufis 87

    dguerpir car il tait clair quaucune force ntait

    suffisante po ur les obliger partir.

    L e prem ier jour de la lune, un vieux lapin monta sur

    un mAonticule t cria aux lphants :

    u

    O sultan de s lph ants Je suis un messager, le

    messager d e la lune Si tu veux avoir la preuve de mes

    dires, coute ceci : dans quatorze jours, la lune

    se

    montrera dans leau. Et voici le message que la lune

    vous envoie : Ce ruisseau nous appartient et il est

    interdit

    quiconque de sen approcher sous peine de

    devenir aveugle.

    Croyez-moi, si vous restez prs de ce

    ruisseau, vous serez aveugls par des tincelles. Et

    si

    vous osez vous y dsa ltrer, la lune frm ira dans leau

    pour montrer sa colre

    B

    A u huitime jour d e la lune, le sultan des lphants

    alla boire au ruisseau mais quand il

    y

    trempa sa trompe,

    il vit frmir la lune

    la surface. Alors, il commena

    croire ce qu e lui avait dit le vieux lapin mais les autres

    lph ants le rassurrent en lui disant :

    u

    Nous ne sommes pas assez sots pour nous enfuir

    parce que la lune a boug

    N

    Le tambour

    du

    voleur

    U n voleur tait en train d e percer un m ur en pleine nuit.

    L e m atre d e maison, qui tait souffrant, ne dormait pas

    e t entendit d u bruit. I1 monta sur la terrasse et dit au

    voleur :

    >

    Le voleur rpondit :

    u

    Je suis un joueur de tambour et je joue de mon

    Lhomme rpliqua

    :

    instrument

    B

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    83/244

    88 Le Mesnevi

    >

    rpondit le voleur.

    Graines

    Lorsque loiseau se pose sur un mur e t voit les graines

    qui servent dappt au pige, son dsir le pousse vers ces

    graines. I1 les regarde, puis il regarde les vastes pla-

    teaux. Loiseau qui rsiste cette tentation senvole vers

    les plateaux, plein d e joie.

    Niche

    Quand vient lhiver, le chien souffre du froid. I1 se dit

    alors

    :

    (< Il me faut absolument une niche. Lorsque lt

    reviendra,

    je

    men construirai une, en pierre, pour y

    passer lhiver >>

    Mais, quand arrive lt, notre chien reprend sa

    vigueur e t redevient gras. Tout fier d e sa nouvelle force,

    l

    dit

    :

    >

    Et repu, il va stendre paresseusement

    lombre.

    Son cur a beau lui dire :

    > I1 se dit en lui-mme

    :

    >

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    84/244

    Contes soufis 89

    Chaque fois qu e tu tombes malade, tes dsirs e t tes

    ambitions perdent de leur force et toi, tu te construisun e maison d e repentir.

    La table vide

    U n jour, un soufi vit une table vide e t , pris dextase, il se

    mit danser et

    dchirer ses vtements en criant

    :

    LeAsoufi ui rpondit :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    85/244

    9

    Le Mesnevi

    D

    Sungur excuta ses ordres et tous deux prirent le

    chemin d u hammam. O r, sur ce chemin, il

    y

    avait une

    petite mosque. Comme il passait devant elle, Sungur

    enteodit lappel

    la prire. I1 dit son m atre

    :

    a

    O mon matre Pourriez-vous patien ter quelques

    instants devant ces magasins tandis que

    je

    fais mes

    prires? >>

    Lmir accepta et

    se

    mit

    attendre

    ...

    I1 attendit long temps. I1 vit so rtir les fidles et limam

    mais Sungur tai t toujours lintrieur. Perdant

    pa tiepce, lmir se mit crier :

    N O

    Sungur Pourquoi ne sors-tu pas

    ? >D

    De lintrieur d e la m osque , Sungur lui rpondit :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    86/244

    Contes

    soufis

    Prodige

    91

    U n jour, le fils d e Maik

    se

    rendit une invitation chez

    En es. A prs le repas, Enes, voyant qu e sa serviette tait

    toute tache, ordonna son serviteur de la jeter dans le

    feu. Celui-ci obit sans hsiter. Les invits taient

    stupfaits mais leur tonnem ent fut

    son comble quand

    ils virent qu e la serviette sortait du feu , toute propre. Ils

    dirent :

    e Com ment cela est-il possible? Com ment cette ser-

    viette a-t-elle pu se ne ttoyer sans se consumer? B

    En es rpondit :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    87/244

    92 Le

    Mesnevi

    Lesclave dit alors

    :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    88/244

    Contes soufis 93

    Mose lui rpondit :

    >

    Le

    dsir du jeune homme n e fit quaugmenter avec

    ce

    refus car lenvie qu i rencontre un obstacle devient dsir.

    Le jeun e homme insista donc :

    Ne toppose pas

    mon envie car cela est indigne d e

    toi. T u e s le proph te e t tu sais quun refus de ta part m e

    plongerait dans la plus grande des tristesses. >>

    O mon D ieu Ce naf est tomb dans les mains d e

    Satan Si je lui enseigne ce quil dsire, il court

    sa

    perte e t si je refuse, il sera rempli de rancur

    >>

    Dieu rpondit alors

    Mose

    :

    >

    Mose sadressa alors au jeune hom me

    :

    < < T u isques de perdre ton honneur avec un tel

    souhait. Tu ferais mieux de renoncer car cest Satan qui

    tinspire par ruse un tel dsir. Remplis-toi plutt de

    la

    crainte de D ieu

    >>

    Le jeune homme le supplia

    :

    Enseigne-moi au moins le langage de mon chien e t

    d e mon coq

    >>

    Mose lui rpondit

    :

    >

    Alors, le jeune homme rentra chez lui et attendit

    laube sur le pas de sa porte afin de tester

    son

    nouveau savoir. Au petit matin, sa servante se mit

    nettoyer la table et fit tomber

    terre quelques

    morceaux de pain. Le coq, qui passait par

    l,

    les

    Mose sadressa alors

    Dieu

    :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    89/244

    94 Le

    Mesnevi

    avala.

    A

    cet instant, le chien accourut et lui dit :

    u

    Ce que tu as fait est injuste. Toi, tu te nourris degra ines mais pour moi, cela est impossible. Tu aurais d

    m e laisser ces morceaux de pain

    e sois pas en peine rpondit le coq, car D ieu a

    prvu dautres faveurs pou r toi Dem ain, le cheval de

    notre matre va prir et toi et tes compres, vous

    pourrez vous rassasier. Ce sera pour vous une liesse sans

    pareille

    B

    En entendan t ces paroles , le jeune homme fut rempli

    de surprise et il emmena son cheval au m arch pour le

    vendre.

    Le lendemain, le coq sempare de nouveau des reliefs

    de son matre avant le chien. Celui-ci se mit

    mau-

    grer :

    >

    Le coq rpliqua sans se dm onter :

    Mais le cheval est vraiment mort. Notre m atre, en

    le vendan t, a bien vit de le perdre mais ctait reculer

    pour mieux sauter car demain, cest sa mule qui va

    mourir et vous aurez largement de quoi vous satis-

    faire >>

    Le

    jeune hom m e, saisi par le dm on de lavarice, alla

    vendre sa mule au march, croyant ainsi viter cette

    perte. Mais le troisime jour, le chien dit au coq :

    >

    Le coq rpondit :

    >

    Ayant entendu ces m ots, le jeune hom me alla vendre

    son esclave en disant :

    Vingt

    enfants

    I1 y

    avait une femm e qu i, tous les ans, donnait naissance

    un enfant. Mais,

    chaque fois, le bb mourait au

    bout de six mois, quand ce ntait pas aprs deux

    ou

    trois. Comme son dernier-n venait, lui aussi, de

    mourir, elle adressa cette prire

    Dieu

    :

    Or, une nuit, elle fit un rve : elle vit le paradis,

    jardin ternel e t parfait.

    Je

    dis un jardin, fau te dautre

    mot. Bien sr, le paradis est indescriptible mais un

    jardin en est une image.

    Bref, cette femme rvait du paradis. E t l, elle vit

    un

    palais sur lentre duquel son nom tait grav. Elle

    en

    fut remplie d e joie e t entendit une voix qui lui disait :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    Contes

    soufis

    97

    >

    La femm e dit alors :

    >

    Puis elle dambula dans ce jardin et, soudain, elle

    y

    rencontra ses propres enfants. Alors, elle scria :

    En effet, cette femme pieuse avait lhabitude de

    se

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    98 Le

    Mesnevi

    confier e n Dieu tout m om ent car elle savait que tout

    e n ce bas m onde est inconstant. E t jusqu sa m ort, elle

    souhaita que la protection de Dieu se dresse, tel un

    chteau fo rt, sur la rou te de ses ennemis.

    LEsprit saint (G abrie l) lui dit :

    N

    N e crains rien J e suis lange et le confident d e

    Dieu. Ne dtourne pas tes yeux de celui que Dieu a

    lev. P ourquoi fuir ses intimes ? Tu tentes dchapper

    m a prsence e n te rfugiant dans le nant mais moi,

    je

    suis le sultan du nant. Cest de l que

    je

    viens et j e

    viens

    toi comm e une image

    N

    O M arie Quand une image sinstalle dans ton cur,

    elle te di t, o qu e tu sois :

    >

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    Contes soufk 99

    Puis :

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  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    Contes soufis

    La mosque

    cache

    101

    Il y avait, dans la ville de Rey, une petite mosque.

    Personne ny pouvait rester pendant la nuit et ceux qui

    le tentaient laissaient derrire eux des orphelins. Bien

    des solitaires prirent ainsi le chemin du cimetire, au

    matin dune nuit passe dans cette mosque. Cest qu e

    des d jinns staient em pars d e lendroit et en extermi-

    naient tous les htes. Tant et si bien quon avait

    placard un criteau sur la porte, qui disait :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    97/244

    102

    Le Mesnevi

    suis un paresseux qui offre tout ce quil possde. Pour

    moi, mourir e t quitter ces lieux sera aussi agrable quil

    est doux

    un oiseau de sortir de sa cage. Quand on

    transpo rte sa cage dans le jard in, loiseau voit les roses

    et les arbres. I1 voit aussi dautres oiseaux qui volent

    autour de sa cage. Il est entour de verdure mais il est

    prisonnier. Cest pour ce tte raison quil a perdu lapptit

    et est devenu paresseux. Celui qui ouvrirait sa cage

    sera it son sauveur Mais si la cage est lintrieur, dans

    une pice pleine de cha ts, il est bien certain que loiseau

    ne souhaitera pas en sortir.

    I1

    prfrerait mme tre

    em prisonn dans des milliers de cages. H

    Les gens rpliqurent

    :

    u

    O toi qui passes par l, viens Ne perds pas

    ta

    vie.

    Ce

    que tu dis est facile en paro les mais deviendra plus

    dur lorsquil sagira de passer aux actes. Bien des

    tmraires ont perdu toute fiert

    linstant fatidique.

    Tu finiras par regretter tout ceci. Les hommes se

    donn ent tous des allures de hros, mais au m oment du

    combat, ils deviennent des femmes dintrieur. Le

    prophte a dit

    :

    O hros I1 ny a pas de place pour

    lhrosme avant le combat.

    Ne fais pas semblant

    dtre un hros. C ombien en avons-nous vu qui disaient

    comme toi. R enonce

    ton ide e t nattire pas sur toi un

    malheur dont nous serions responsables >>

    Lamoureux dit :

    a

    Ce soir, je dorm irai dans ce tte mosque, quand bien

    mm e vos conseils sera ient aussi profitables que ceux de

    lange G abriel. Abraham nattendait aucun secours

    du

    feu. s

    I1

    resta donc dans

    la

    mosque mais il ne put sendor-

    mir car le somm eil des am oureux est comme celui des

    oiseaux e t des poissons. A u beau milieu de la nuit, une

    voix pouvantab le se fit entendre, qui disait :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    Contes soufis 103

    a Cest le bruit des tambours que lon bat pour

    annoncer la fte. Mais, puisque ce sont les tambours quelon bat, cest

    eux davoir peu r.

    B

    I1 se leva comme un guerrier et scria

    :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    104

    La

    ville de lamour

    Le Mesnevi

    Une bien-aime demanda

    son

    amant

    :

    a

    O

    mon am i T u as visit beaucoup de villes lorsque

    tu tais seul. Dis-moi celle que tu prfres parmi

    toutes. D

    Et lamoureux rpondit :

    a Cest la ville o habite ma bien-aime. Bien quelle

    soit petite , elle nous sem ble la plus vaste H

    Pois chiches

    Reg arde e t vois comme les pois chiches qui bouillent

    dans la marmite remontent la surface lorsquils sont

    vaincus O n les voit sagiter sans

    cesse

    dans la marmite

    e t ils se disent :

    N Pourquo i nous a-t-on ach ets? Pour nous torturer

    en nous faisant ainsi bou illir? >>

    Et le cuisinier, tout en tournant sa louche dans la

    m armite, leur rpond

    :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    Contes soufis 1 5

    reue e t votre floraison, tout ceci tait destin au feu B

    Les pois chiches rpliquent

    :

    >

    Le

    cuisinier

    :

    >

    Dem ande plutt Dieu quil te fasse comprendre le

    sens d e ses subtilits

    L a jument et son poulain

    Une jument et son poulain buvaient ensemble dans

    labreuvoir. Soudain, le palefrenier se mit

    siffler pour

    les en empcher. Le poulain, effray par ce bruit,

    sarrta instantanm ent de boire. Mais sa mre lui dit :

    La jum ent lui dit :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    101/244

    106

    Le

    Mesnevi

    u Le monde est ainsi fait. Chacun fait quelque chose.

    O mon enfan t, fais ce que tu as faire Tresse ta barbe

    avant que lon ne te la coupe Le temps est limit e t

    leau coule . Nourris ton me avant den tre spar

    w

    Les paroles des hommes de Dieu sont une source de

    vie.

    O

    assoiff ign orant Viens Mme si tu ne vois pas

    le ru isseau, fais au moins comme ces aveugles qui jettent

    leur cruche la rivire.

    Le vent

    Un jour, un moustique vint auprs du prophte Salo-

    mon pour se plaindre :

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    102/244

    Contes

    soufis 107

    adversaire,

    ses

    plaintes restent irrecevables. Amne-

    moi to n adversaire si tu veux demander justice. *

    Le

    moustique

    :

    Q

    T u d is vrai. L e vent est mon adversaire et toi, tu

    es

    le seul qui puisse lui en imposer.

    Salomon dit alors

    :

    >

    Quand la lumire de Dieu se manifeste, il ne reste

    rien dautre q ue cette lumire. Regarde les ombres qui

    recherchent la lumire. Quand celle-ci arrive, elles

    disparaissent.

    Frapper

    Un homme tait tomb amoureux fou dune femme

    mais leur union tait impossible. I1 se lamentait jour e t

    nu it, san s manger ni dormir. Lamour lavait transform

    en vagabond. E t ses tourm ents taient sans fin.

    Pourquo i lamour se prsente-t-il comme un vritable

    tueur au premier abord? Cest pour que ceux qui ne

    sont p as vraiment am oureux puissent tre distingus.

    Chaq ue fois que notre homme tentait de faire porter

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

    103/244

    108 L e Mesnevi

    un message sa bien-aime, le po rteur du message, sous

    iempire de la jalousie, omettait de le remettre

    sadestinataire. I1 avait bien essay dattacher une lettre au

    cou dun pigeon, mais la chaleur d e ses mots avait brl

    les ailes de loiseau.

    Cette situation dura sept ans. Sans cesse, il rvait

    linstant de leur union. Le prophte a dit

    : > E t notre am oureux frappait

    la

    porte de tout

    son

    cur.

    U ne nuit, alors quil tait en tr dans un jardin e t quil

    se cachait pour ne pas se faire remarquer par le gardien,

    il

    rencontra sa bien-aime. I1 se mit alors prier Dieu

    afin quIl comble de faveurs ce gardien qui lavait aid

    rencontrer sa bien-aime.

    Lorsque les jambes sont casses, Dieu nous offre des

    ailes.

    I

    peut mme ouvrir une porte au fond dun puits.

    Si tu regardes avec Dieu une chose dplaisante, cette

    chose deviendra une faveur pour toi.

    Sacrifice

    (Commentaire de LAyet

    : >

    O

    toi Tu e s lAbraham de notre temps. Toi aussi, tu

    dois gorger quatre oiseaux qui, tels des bandits de

    grand chemin, font obstacle

    ta route. Ils crvent les

    yeux des hommes senss. I1 y a dans le corps humain

    quatre attributs correspondant ces oiseaux. Si

    on

    les

    sacrifie, la voie d e lme se libre.

    O

    A br ah am Egorge-les, si tu veux qu e tes pieds

    soient dlis. Si tu dsires ressusciter le peuple et

    le rendre ternel, tu devras les gorger vivants

    Ces oiseaux sont le paon, le canard, le corbeau et le

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    Contes soufis 109

    coq. I ls symbolisent quatre types de caractres.

    L e coq reprsente le dsir charnel, le paon la vanit,

    le corbeau le dsir d e longvit e t le canard lavidit.

    Ventre

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    11 Le Mesnevi

    Quand vint lheure daller se coucher, lhomme se

    retira dans sa cham bre. Une servan te, prise de colre

    son gard, ly enferma.

    Au milieu de la nuit, linfidle ressentit de violents

    maux de ventre.

    I1

    se prcipita vers la por te m ais, hlas,

    la trouva close, verrouille de lextrieur. I1 tenta

    com me un forcen de louvrir, mais en vain. La pression

    qui habitait son ventre lui rendait lespace de sa

    cham bre d e plus en plus troit. E n dsespoir de cause, il

    retourna se coucher. Dans ses rves, il se vit, lui, au

    milieu des ruines. En effet, son cur tombait lui aussi en

    ruine. Cette sensation fut si forte quil rompit ses

    ablutions et souilla son lit.

    A u rveil, il devint comm e fou de chagrin la vue du

    dsastre.

  • 7/24/2019 177 Rumi Contes Soufis

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    Contes soufis 111

    que nous soyons sacrifis pour toi Cest nous de nous

    occuper d e ceci. N e ten soucie pas Ce travail est faitpour la main et non pas pour

    le

    cur. Nous mettons

    notre bonheur dans le fait dtre tes serviteurs. Si toi-

    mm e tu assures le service, quelle sera no tre utilit?

    e

    com prends, dit le proph te, mais il y a dans tout

    cela une sagesse cache s

    Chacun attendit donc la rvlation de ce secret. Le

    prophte nettoy a le lit de son h te avec grand soin.O r, linfidle possdait un e statu ette qu i lui venait de

    ses anctres. E n chemin, il saperut soudain quil lavait

    gare. Plein dangoisse, il se dit

    : u

    Srement, je lai

    oublie dan s ma chambre. N

    I1 rpugnait revenir su r les lieux d e sa hon te mais

    lavidit fut la p lus forte e t il rebroussa chemin. Arriv

    la de m eu re du prophte, il vit qu e celui-ci tait en trainde laver de ses propres mains le lit souill. Sur-le-

    champ, il oublia sa statuette et poussa de grandes

    lamentations. I1 se frappa le visage des deux mains e t

    se

    cogna la t te con tre les murs si bien qu e son visage se

    couvrit de sang. Le prophte voulut le calmer mais,

    alerte par ses cris, la foule accourut. Lhomme

    se

    prostnerna devant le prophte en disant :

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    essaies dattraper les gens avec le pige de lamiti.

    Mais, tu nobtiendras rien de ton entourage. Une

    grande partie de ta vie sest dj coule. La nuit est en

    train de tomber et toi, tu songes encore

    poser tes

    piges T u captures une bte, tu en libres une autre.

    Cest l le jeu dun enfant ignorant. Quand viendra la

    nuit, tous tes piges seront vides. Tout ceci nest quun

    boulet, une entrave qui gne ta m arche. Tu te prends

    ton prop re pige et te prives de tes possibilits A-t-onjamais eu connaissance dun chasseur victime de ses

    propres piges ?

    Le seul gibier intressant, cest lamour. Mais quel est

    le pige qui sert

    sa captu re? Mieux vaut tomber dans

    les piges de lamour. Laisse tes piges et va vers les

    siens.

    En ce moment mme, lamour me glisse

    loreille

    cette vrit

    : >

    Indescriptible

    U n jour, un derviche demanda un au tre derviche sil

    avait vu D ieu. Celui-ci rpondit :

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    Le

    Mesnevi

    sont des favoriss de la fortune ceux qui se jettent dan s

    le feu sans mme jete r un regard

    la rivire d e vin La

    m ultitude , ivre du plaisir prsen t, fait les frais de ce jeu.

    E t le feu leur dit : O ignorants Ne vous mprenez pas

    sur mon com pte E n vrit, je suis une fontaine, une

    fontaine cache O Abraham I1 ny a ici ni fum e ni

    flammes

    si

    ce nest celles de Nemrod Si tu possdes la

    sagesse dA braham , le feu sera comme leau pou r toi.

    Sois

    comme le papillon attir par le feu .

    Son

    me dit :

    Quand bien mme je possderais mille ailes,

    je

    les

    brlerais tou tes

    B

    Lignorant me prend en piti cause de ma stupidit

    et moi, jai piti d e lui car je sais de quoi il sagit

    Nourriture

    Un Arabe se tenait un jour sur le bord dune route

    devant son chien qui agonisait. I1 se lamenta it

    :

    N

    Ai-je mrit pareil m alheu r?

    B

    Un mendiant qui passait par l lui dit :

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    Ma piti ne va tout de m me pas jusque-l Je dois

    payer si je veux manger mais les larmes ne co tent rien

    O

    idio t U ne tranche de pain a-t-elle plus de

    valeur que les larm es? Les larmes sont du sang. Cest le

    chagrin qui les transforme en eau. I vaut mieux mourir

    qu e gaspiller du sang B

    Q uand le juste pleure , le ciel pleu re avec lui.

    Fiert

    U n pao n tait en train darracher ses plumes. U n sage

    vint

    N

    O

    paon Pourquoi cherches-tu tenlaidir

    ?

    Cest

    bien dommage darracher de si belles plumes. C om ment

    as-tu le cur dabmer ainsi cette merveilleuse parure ?

    Tes plum es sont universellement apprcies. Les nobles

    sen font des ventails. Les savants sen font des

    marque-pages pou r le Co ran . Quelle ingratitude qu e la

    tienne As-tu jamais pens Celui qui a cr ces plumes

    ou bien le fais-tu exprs? Jamais, tu ne pourras les

    rem ettre en place. N e te lacre pas le corps pa r chagrin

    car ce nest qu e blasphme.

    H

    E n entendan t ces conseils, le paon se mit pleurer et

    ses larmes m urent toute lassistance. Le sage reprit

    :

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    Le Mesnevi

    d e chasseurs ont-ils jet des flches pour pouvoir

    sen

    emparer

    ?

    Je

    nai plus la force de rsister

    cette chasseperptuelle. I1 ne me reste qu me sparer de mes

    atours et me rfugier dans le dsert ou sur la