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LA NOTION DE BUDGET DE L’ETAT ET SES COMPOSANTES Plan 1. Les origines financières de l'Etat 1.1. Du lien entre la naissance de l’impôt et l’apparition des États parlementaires démocratiques 1.2. Du lien entre l’affermissement du régime parlementaire sous la Restauration (1814-1830) et la naissance du droit budgétaire 2. Les notions de budget et de loi de finances 2.1. La notion de budget 2.1.1. Le budget est un acte politique 2.1.2. Le budget est un acte juridique 2.1.3. Le budget est un acte de bonne gestion 2.1.4. Les évolutions de la notion de budget 2.1.5. La distinction budget loi de finances 3. Des principes garants de la transparence 3.1. Le principe d’unité budgétaire 3.2. Le principe d’universalité budgétaire 3.3. Le principe de spécialité budgétaire 3.4. Le principe d’annualité budgétaire 3.5. Le principe d’équilibre 3.6. Le principe de sincérité Conclusion

budget etat

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Page 1: budget etat

LA NOTION DE BUDGET DE L’ETAT ET SES

COMPOSANTES Plan

1. Les origines financières de l'Etat

1.1. Du lien entre la naissance de l’impôt et l’apparition des États parlementaires

démocratiques

1.2. Du lien entre l’affermissement du régime parlementaire sous la Restauration

(1814-1830) et la naissance du droit budgétaire

2. Les notions de budget et de loi de finances

2.1. La notion de budget

2.1.1. Le budget est un acte politique

2.1.2. Le budget est un acte juridique

2.1.3. Le budget est un acte de bonne gestion

2.1.4. Les évolutions de la notion de budget

2.1.5. La distinction budget loi de finances

3. Des principes garants de la transparence

3.1. Le principe d’unité budgétaire

3.2. Le principe d’universalité budgétaire

3.3. Le principe de spécialité budgétaire

3.4. Le principe d’annualité budgétaire

3.5. Le principe d’équilibre

3.6. Le principe de sincérité

Conclusion

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Introduction

Dans tout état comme dans toute entreprise, il existe des opérations qui

enregistrent des rentrées de fonds et des opérations qui font le contraire.

Ces opérations consignées dans une entité sont appelées le budget.

Ainsi, le budget est un « état comptable prévisionnel des recettes et des

dépenses annuelles de l'État ou d'une circonscription administrative ». Le

présent cours a pour objectif, en partant des origines du concept, de

décrire l’évolution de la notion du budget de l’Etat, de faire une

comparaison entre budget et loi des finances avant de conclure par les

principes qu’un budget doit respecter.

1. Les origines financières de l'Etat

Les finances publiques sont « une discipline de carrefour » pour reprendre

l’expression de P.-M. Gaudemet et J. Molinier (P.-M. GAUDEMET et J.

MOLINIER, Finances publiques, Budget, Trésor, Tome 1, Montchrestien,

7ème édition, 1996). Discipline juridique, elle ne permet de

comprendre les grands enjeux de notre société que si on y associe le

droit constitutionnel, le droit administratif, l’économie, la science politique

ou encore l’histoire. Cette dimension historique est essentielle à l’étude

de l’apparition des États parlementaires démocratiques ainsi qu’au

développement du droit budgétaire. Elle montre le lien très étroit qui

existe entre les finances et l’Etat, plus précisément entre le pouvoir fiscal

et le pouvoir politique.

1.1. Du lien entre la naissance de l’impôt et l’apparition des États parlementaires

démocratiques

Bien avant l’impôt, la forme primitive de prélèvement était le pillage. Il

s’agissait d’un prélèvement épisodique et irrégulier qui ne laissait

aucune ressource de subsistance aux individus pillés. Ces derniers

n’avaient donc aucune possibilité de produire et de survivre.

De cette forme violente de prélèvement est née la forme organisée du

pillage qui est appelée le tribut. Il n’a pu apparaître qu’avec la prise de

conscience des pillards que le prélèvement serait plus productif s’il

était régulier et avait lieu à des périodes judicieusement

Page 3: budget etat

déterminées (après les récoltes par exemple) mais également s’il était

moins dévastateur, laissant aux individus suffisamment de denrées pour

faire face aux périodes creuses, pour poursuivre leurs récoltes et subir de

nouveaux prélèvements. Une conception gestionnaire et stratégique voit

ainsi le jour qui se traduit par une capacité de

se projeter dans l’avenir et d’organiser l’espace. Encore fallait-il que la population se

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Page 4: budget etat

sédentarise et développe sa production agricole. Un pouvoir fiscal

embryonnaire apparaît donc, sur la base duquel peut commencer à se

structurer un pouvoir politique.

Mais, un État nécessite une armée et une administration et, par

conséquent, un système de nature à les financer. C’est ce tribut, en se

transformant progressivement en impôt, dès lors qu’il sera levé de

manière minutieuse, réfléchie et organisée, qui favorisera l’apparition

de l’État. L’organisation du pouvoir financier est ainsi le préalable

à l’organisation du pouvoir politique.

En effet, dans ce contexte, le prélèvement doit être de plus en plus

efficace pour faire face à toutes ces dépenses. Des procédures de

détermination d’assiette, de liquidation et de recouvrement de l’impôt

ont été élaborées et les premiers recensements des familles ainsi que

l’établissement du cadastre ont été opérées, sans oublier la création

d’un corps de fonctionnaires nécessaire à la réalisation de ces tâches. Á

partir de cette structuration du pouvoir fiscal, l’État a pu naître.

Force est de constater que les premiers États se présentent comme des

États autoritaires qui obligent, par une grande violence, les individus à

se séparer d’une partie de leurs biens mais qui, en contrepartie, leur

fournit services et protection. Il est inutile d’insister sur le fait que les

finances de ces États se caractérisent par leur opacité.

Si la notion d’impôt est ancienne, datant des premiers Empires, la

décadence du monde romain et l’entrée dans le Moyen-âge contribueront

à l’éclatement des systèmes fiscaux : seuls quelques impôts subsisteront.

Ce sont donc les finances ordinaires constituées par le domaine royal qui

sont les ressources principales et ce, jusqu’au début de l’Ancien

Régime. Le recours aux finances extraordinaires, c’est à dire à l’impôt,

n’était alors possible qu’en cas d’insuffisance du domaine royal afin de

prendre part au financement des charges militaires, à la captivité du Roi,

à la chevalerie du fils aîné ou encore au mariage de la fille aînée du Roi.

Ne pouvant contraindre par la force ses sujets à lui payer les

sommes d’argent nécessaires, le souverain se doit de réunir des

représentants du peuple. D’épisodiques, ces réunions deviendront peu à

peu régulières.

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Apparaissent alors, dès l’époque féodale, aux XIIIème et XIVème siècles,

les assemblées représentatives appelées États Généraux en France et

Parlement en Angleterre. Ce phénomène symbolise la genèse du

consentement de l’impôt et des Etats parlementaires

démocratiques.

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Page 6: budget etat

C’est en Angleterre qu’est officialisé pour la première fois le principe du

consentement de l’impôt par la Grande Charte de 1215 : les barons

anglais ont imposé au Roi Jean de n’établir aucune taxe sans leur

autorisation.

Les tentatives de détournement de ce principe par les souverains

anglais, à l’origine de guerres civiles et de deux

révolutions, contribuèrent à sa réaffirmation

par l’Appropriation Act de 1626 puis par le Petition of Rights de

1628 et enfin par le Bill of Rights de 1688, année de l’avènement de

Guillaume III d’Orange.

Force est de constater que, si en France les premiers États généraux

apparaissent au début du XIVème siècle sous le règne de Philippe le Bel,

ces États ne sont pas réunis de manière régulière jusqu’en 1614, date

de leur dernière convocation. Débute alors la période la Monarchie

absolue D’ailleurs, aucun texte comparable à la Grande Charte

n’affirme, en France, la nécessité de faire appel aux représentants du

peuple dans le but de créer ou d’augmenter un impôt.

Il faut attendre la déclaration du 23 juin 1789, réaffirmée par l’article 14 de

la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 1789, pour

que soit institutionnalisé le principe de légalité fiscale, expression

juridique du consentement de l’impôt. En droit positif, il figure

expressément à l’article 34 de la Constitution de 1958. Il signifie que seule

la loi émanant du Parlement peut créer des normes fiscales : le

législateur a ainsi une compétence exclusive pour créer, modifier ou

supprimer des impôts. Néanmoins, la valeur de ce principe est à

relativiser étant donné que la plupart des lois fiscales émanent de projets

de lois ou encore par les conventions fiscales et les directives

fiscales communautaires. Cette relativité se manifeste également par le

fait que, si le législateur ne peut déléguer sa compétence, les lois fiscales

ont souvent un caractère très général : il revient alors au pouvoir

réglementaire le soin de préciser leurs conditions d’application.

Pour autant, la situation de l’époque révolutionnaire n’est propice ni à la stabilité du

parlementarisme, ni au développement du droit budgétaire.

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1.2. Du lien entre l’affermissement du régime parlementaire sous la Restauration

(1814-1830) et la naissance du droit budgétaire

Le contexte révolutionnaire, caractérisé par une situation financière et

politique difficile, ne permettait pas le développement du droit

budgétaire. Afin de faire face aux désordres financiers laissés par l’Ancien

Régime, de financer la guerre et les insurrections contre-

révolutionnaires, vont être créés les assignats. Dès lors, « tout calcul

lointain, toute

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Page 8: budget etat

prévision d’avenir, tout budget en un mot devint inutile : à quoi bon se

préoccuper d’établir d’avance l’équilibre puisque les recettes en papier

devaient sûrement toujours balancer les dépenses. » (STOURM R., Le

budget, Guillaumin et Cie, 5ème édition,

1896, p.44).

Si Napoléon était à l’origine de nombreuses institutions modernes,

son absolutisme marqué par la faiblesse des pouvoirs du Parlement a

été un réel obstacle à la clarté des finances. Un tel ordre était néfaste à

sa volonté d’hégémonie.

Ce n’est que sous la Restauration avec la montée en puissance de la

bourgeoisie, qui a tout intérêt à la prospérité du pays depuis que le

suffrage est censitaire et donc à ce que l’impôt ne soit pas excessif et la

dépense inutile, que vont être créés les principes du droit budgétaire.

Celle-ci souhaite gérer les finances comme « un bon père de famille »

: l’équilibre est alors le signe d’une bonne gestion. Paradoxalement, ce

sont les ultras, majoritaires à la Chambre des députés qui vont

également favoriser l’émergence du droit budgétaire : par opposition à

Louis XVIII qu’ils jugent trop libéral, ils vont chercher à renforcer les

pouvoirs du Parlement.

Il ne faut néanmoins pas oublier l’action des ministres des finances de

cette période tels que le Baron Louis ou encore le Comte de Villèle qui

ont œuvré à l’affermissement du droit budgétaire.

La consécration des principes d’unité, d’universalité, de spécialité,

d’annualité, du vote des dépenses par le Parlement est autant de

prérogatives conquises par le Parlement, signe de l’accroissement de

son rôle dans le domaine financier. Le premier véritable budget est

d’ailleurs daté de 1816.

La charte de 1814 est, en effet, muette à ce sujet : elle ne consacre que le principe de

légalité fiscale et n’admet pas un véritable régime représentatif.

La naissance du droit budgétaire a ainsi permis de renforcer les droits du

Parlement et à donc aider à l’affermissement du régime parlementaire,

qui est une organisation des pouvoirs dans laquelle le gouvernement et

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le Parlement disposent de moyens d’actions

réciproques, le régime parlementaire n’étant qu’en germe dans la Charte de 1814.

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Page 10: budget etat

2. Les notions de budget et de loi de finances

Le terme de budget vient du vieux français « bouge » ou « bougette »

qui désignait un petit sac de cuir dans lequel on mettait son argent. Il

a été repris par les anglais et représentait alors la valise dans laquelle le

ministre des finances anglais (le Chancelier de l’Echiquier) apportait aux

parlementaires les documents comprenant les dépenses et les recettes

de l’Etat. Ce n’est qu’en 1802 (loi du 21 floréal an X) qu’il a été

consacré juridiquement en France : les termes d’aperçus ou d’états de

prévisions étaient les seuls usités sous l’Ancien Régime.

2.1. La notion de budget

2.1.1. Le budget est un acte politique

C’est pour G. Jéze la caractéristique première du budget. Il est le reflet

financier de la politique gouvernementale, départementale, régionale ou

encore communale, puisque quelque soit le programme politique, il

aura nécessairement des conséquences sur les recettes et sur les

dépenses. Il est d’ailleurs voté par des élus politiques, le Parlement pour

l’Etat.

Reflet d’une vision politique, le budget est également un enjeu de pouvoir

: c’est par son biais qu’ont pu apparaître les régimes parlementaires

démocratiques.

2.1.2. Le budget est un acte juridique

Le budget est un acte juridique puisqu’il prend la forme d’un acte

administratif en ce qui concerne les collectivités locales et les

établissements publics et d’une loi en ce qui concerne l’Etat : la loi de

finances.

Cette dernière n’est cependant pas une loi ordinaire : elle présente des

différences d’ordre formel et d’ordre matériel.

D’ordre formel d’abord. Si la loi de finances est votée par le Parlement,

sa procédure d’élaboration lui est propre (voir le schéma de la procédure).

D’ordre matériel ensuite. Il convient de distinguer ces différences selon

leur contenu et leurs effets. Si la loi comprend des dispositions générales

Page 11: budget etat

et impersonnelles s’appliquant sans limitation de temps, il n’en va pas

totalement de même de la loi de finances. Il y a

donc bien là une différence quant au contenu.

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Page 12: budget etat

Par exemple, si certaines lois de finances créent de nouveaux impôts,

modifient le régime d’autres ou encore posent des règles relatives au

contrôle des finances publiques, elles constituent, pour ces dispositions,

une loi au sens matériel. Il en va autrement pour les dispositions qui ont

pour objet l’autorisation de la perception des recettes et l’autorisation de

dépenser, ces dispositions n’ayant qu’un caractère annuel.

Les effets d’une loi de finances se distinguent nettement d’une loi

ordinaire puisque les autorisations budgétaires ne sont pas créatrices

de droits au profit des particuliers. Autrement dit, il est impossible à

un requérant de les invoquer en justice sous prétexte qu’elles ont créé à

son profit des droits nouveaux.

2.1.3. Le budget est un acte de bonne gestion

Le budget est une prévision chiffrée d’activités futures. C’est un document comptable au

même titre que les états prévisionnels chiffrés des recettes et dépenses des entreprises.

Mais si la finalité de la programmation financière des entreprises est la

recherche du profit, cette dernière n’est pas la condition d’existence de

l’Etat. Encore convient-il de remarquer que la logique de la LOLF(loi

organique relative aux lois de finance) du 1er août 2001, socle de la

réforme de l’Etat, symbolisée par son expression « dépenser moins mais

mieux » démontre parfaitement que la recherche de rentabilité des

services publics est loin d’être méconnue des pouvoirs publics.

Il est cependant incontestable que les préoccupations étatique et

entreprenariale différent. Comme le soulignent M. Bouvier, Mme

Esclassan et M. Lassale, « la prévision budgétaire étatique répond à

trois questions principales : quels services et quels biens l’État va t-il

mettre gratuitement à la disposition de la collectivité ou des usagers ?

Qui supportera, et par quels moyens, le coût du financement ?

Quelles en seront les conséquences pour l’économie globale et les relations financières

extérieures de la nation ? »

Page 13: budget etat

2.1.4. Les évolutions de la notion de budget

De prime abord, la notion de budget est caractérisée par la permanence

de sa définition à travers les termes « autorisation » et « prévision » que

l’on retrouve à la fois dans le décret du 31 mai 1862 (article 5), qui

dispose que « le budget est l’acte par lequel sont prévues et autorisées les

recettes et les dépenses annuelles de l’Etat ou des autres services que les

lois

assujettissent aux mêmes règles », dans le décret-loi du 19 juin 1956 (article 1er), dans

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Page 14: budget etat

l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 (articles 1, 2 et 16) et de

manière plus implicite dans la LOLF de 2001 (articles 1 et 6). Il convient

toutefois de remarquer que dans ces deux derniers textes, la loi de

finances est davantage considérée comme un acte de prévision et

d’autorisation que le budget.

En tant qu’acte de prévision des dépenses et des recettes pour l’année

civile à venir, le budget implique d’être établi et adopté par une

assemblée démocratiquement élue (le Parlement pour l’Etat) avant que

ne débute son exécution. C’est une garantie politique pour le Parlement

qui peut très bien refuser de voter le budget et ainsi bloquer le

fonctionnement étatique. Il est vrai que la continuité des services

publics impose des procédures destinées à éviter tout blocage.

En tant qu’acte d’autorisation, il implique que l’assemblée délibérante,

représentative des citoyens autorise l’organe exécutif (le gouvernement,

le président du conseil régional…) à percevoir les recettes et à effectuer

les dépenses.

S’il s’agit d’une obligation de percevoir les recettes, il n’y a au contraire aucune

obligation de dépenser la totalité des crédits : c’est une simple faculté.

Pour autant, même si ces deux qualificatifs sont intemporels, la notion

de budget a évolué dés le décret-loi du 19 juin 1956.

Lorsque le décret de 1862 a été rédigé, les théories libérales dominaient

si bien que le budget n’était alors perçu que comme un simple moyen de

faire fonctionner les services publics.

L’interventionnisme étatique s’étant substitué à ce courant économique

après la seconde guerre mondiale, le décret-loi de 1956 prend

légitimement acte de cet état de fait. Le budget est ainsi situé dans sa

perspective économique : il est un instrument au service de l’Etat pour

pallier aux insuffisances du marché.

Cette fonction du budget est encore présente dans l’ordonnance organique du 2 janvier

1959 où l’on retrouve la notion d’ « équilibre économique et financier ».

La situation est beaucoup moins claire s’agissant de la LOLF : la notion

d’équilibre y est évoquée de manière beaucoup plus ambiguë sans que

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l’on sache s’il s’agit réellement d’un équilibre économique et financier au

sens de Keynes ou d’un équilibre budgétaire, plus proche des

idées libérales.

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Page 16: budget etat

2.1.5. La distinction budget loi de finances

Pour l’Etat, l’article 1er du décret-loi de 1956 distingue les notions de budget et de loi de

finances en précisant que le budget de l’Etat est intégré dans la loi de finances.

Néanmoins, cette distinction n’est pas des plus limpides et il faut

attendre l’ordonnance du 2 janvier 1959 pour obtenir un éclaircissement.

La notion de loi de finances devient la notion centrale, celle-ci étant

désormais considérée comme l’acte de prévision et d’autorisation. Le

budget n’est, quant à lui, qu’une simple addition de documents

comptables décrivant les comptes annuels de l’Etat.

Autrement dit, le budget de l’Etat est un tableau et la loi de finances est

son expression juridique.

Cette distinction, que l’on retrouve dans la LOLF (articles 1 et 6), n’est cependant que

théorique.

Il convient de remarquer qu’il existe quatre types de lois de finances :

1. La loi de finances initiale qui prévoit et autorise pour l’année les

ressources et les charges de l’Etat,

2. Les lois de finances rectificatives qui permettent de modifier la loi

de finances initiale,

3. La loi de règlement qui constate les résultats de l’exécution du

budget de chaque année civile et approuve les différences entre les

résultats et les prévisions de la loi de finances. Elle devient

essentielle avec la LOLF.

4. Les lois prévues à l’article 45 de la LOLF : à la suite du refus

parlementaire d’adopter le budget et afin d’assurer la continuité de

la vie nationale, notamment par la perception des ressources

fiscales, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°79-111DC

du 30 décembre a admis qu’une loi ordinaire autorisant le

gouvernement à continuer de percevoir des impôts existants devait

être considérée

Page 17: budget etat

comme une loi de finances.

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Page 18: budget etat

3. Des principes garants de la transparence

Le Conseil constitutionnel rappelle, dans la décision n°2001-448 DC, les

raisons de la création des principes budgétaires sous la Restauration, à

savoir assurer la clarté des comptes publics et ainsi permettre un

contrôle le plus étroit possible par le Parlement. Si les principes

budgétaires n’ont cessé d’être réaffirmés depuis cette époque par le

décret de

1862, le décret-loi de 1956, l’ordonnance organique de 1959 et enfin par

la loi organique relative aux lois de finances de 2001, ils ont fait l’objet

d’aménagements ou ont subi de nombreuses atteintes en raison du

contexte économique, social et politique, dés la Monarchie de Juillet.

Force est de constater que la liste de ces principes n’est pas figée, la LOLF

ayant consacré le principe de sincérité budgétaire.

3.1. Le principe d’unité budgétaire

Consacré par l’article 6 de la LOLF, l’unité budgétaire impose que toutes

les dépenses et toutes les recettes figurent dans un document

unique soumis à l’approbation du Parlement de manière à visualiser

plus facilement le solde budgétaire.

La difficulté après la Restauration de respecter l’équilibre

budgétaire, puis la

multiplication et la complexité des activités de l’Etat ont

favorisé l’émergence d’aménagements et d’atteintes à ce principe. Au

titre des aménagements, on distingue :

Les budgets annexes, qui sont des budgets spéciaux dont sont

dotés certains services publics de l’Etat auxquels on veut

appliquer une gestion commerciale, tout en conservant un

contrôle parlementaire étroit. Ils ont vu leur champ

d’application restreint par la LOLF. Depuis le PLF 2007, il ne reste

d’ailleurs plus que les budgets annexes « contrôle et exploitation

aériens » et « publications officielles ».

Les comptes spéciaux ont été crées pour retracer des opérations

non définitives, des mouvements de fonds provisoires. Leur

souplesse favorisa les abus. La LOLF ne remet pas en question leur

Page 19: budget etat

intégration dans la loi de finances à côté du budget général et des

budgets annexes, ni leur création par la loi de finances. Qui plus est,

notre nouvelle Constitution financière manifeste la volonté de

les rationaliser puisqu’elle réduit à quatre le nombre de catégories

de comptes spéciaux.

Au titre des atteintes, on peut citer :

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Page 20: budget etat

Les budgets autonomes. Ce sont des budgets de personnes

publiques distinctes de l’Etat qui ont la personnalité morale et

l’autonomie financière, c’est-à-dire les budgets des collectivités

locales et des établissements publics. Ils ne sont des atteintes à

l’unité budgétaire que si l’on considère qu’il ne s’agit que d’« un

mode d’organisation de l’Etat », pour reprendre l’expression de

M. Bouvier, MC. Esclassan, JP. Lassale (Finances publiques, LGDJ,

8ème édition, p. 260). C’est surtout le cas des établissements

publics administratifs qui se financent essentiellement par des

dotations de l’Etat.

La débudgétisation qui consiste à transférer des dépenses du

budget de l’Etat vers le budget d’un organisme public ou privé

afin de limiter l’ampleur du déficit budgétaire.

Les partenariats public-privé peuvent également être perçus

comme une atteinte à l’unité budgétaire. Face à la raréfaction de

l’argent public, nombreuses sont les infrastructures qui sont

réalisées par des financements croisés public/privé développant

ainsi les interrelations entre finances publiques et finances privées.

La clarté du budget en est d’autant atteinte.

3.2. Le principe d’universalité budgétaire

Confirmé par l’article 6 de la LOLF, ce principe est composé de deux

règles. La règle de non-compensation, d’une part, impose de ne pas

couvrir une recette derrière une dépense et inversement, c’est à dire que

les dépenses et recettes doivent être présentées dans leur intégralité,

sans contraction. Il ne doit pas s’agir de simples soldes qui fausseraient

le contrôle parlementaire. La règle de non-affectation, d’autre part,

signifie que l’ensemble des recettes doit servir à financer l’ensemble des

dépenses et ce, afin d’éviter tout risque de gaspillage, toute dilution de

l’intérêt général et toute limite à la liberté parlementaire par une

autorisation de dépense indéterminée.

La rigidité de ce principe, qui a conduit à des absurdités, mais aussi la

multiplication des activités de l’Etat ont conduit à l’apparition

d’exceptions tant à la règle du produit brut qu’à celle de la non-

affectation, exceptions que la LOLF rationalise. Parmi les

Page 21: budget etat

aménagements à la règle du produit brut, il est possible de citer les

comptes spéciaux, les dépenses fiscales ou encore les prélèvements

sur recettes. Les comptes spéciaux, les budgets annexes, les fonds de

concours, les rétablissements de crédits et attributions de

produit sont autant d’exceptions à la règle de la non-affectation, auxquelles il convient

11

Page 22: budget etat

encore d’ajouter l’affectation de recettes fiscales à une personne morale autre que l’Etat

(articles 2 et 36 de la LOLF).

3.3. Le principe de spécialité budgétaire

Lorsque le Parlement vote la loi de finances, il autorise le gouvernement

à percevoir les recettes et à dépenser. Afin d’approfondir le contrôle

parlementaire et de ne pas accorder un blanc-seing au gouvernement,

l’autorisation parlementaire doit être détaillée, c’est-à- dire que les

crédits sont affectés à des dépenses déterminées à partir du plafond

de dépenses qui est fixé dans la première partie de la loi de

finances. Ce principe de spécialité des crédits, encore appelé

spécialisation des crédits, a pris une ampleur nouvelle avec la LOLF dans

le sens d’une plus grande lisibilité du document budgétaire et d’une

meilleure cohérence de l’action publique. Il permet également une plus

grande visibilité de l’action publique et de ses enjeux financiers pour

l’orienter vers des résultats et l’efficacité. En effet, à la traditionnelle

présentation des crédits selon leur nature ou leur destination axée sur

le chapitre, est substituée par la LOLF une présentation par

missions, programmes et actions (article 7 de la LOLF), le programme

étant l’unité de spécialisation déterminant le niveau limitatif des

crédits, tandis que les missions, ministérielles ou interministérielles,

qui regroupent plusieurs programmes uniquement ministériels, sont les

unités de vote des crédits. Au niveau des programmes, sont associés des

objectifs à atteindre et des indicateurs de performance permettant de

déterminer dans le cadre de la loi de règlement, discutée l’année qui suit

l’exécution, si ces résultats ont été atteints et ainsi de mesurer la

performance de la dépense publique. On parle ainsi d’un budget de

résultat et non plus de moyen. Il convient de remarquer qu’à côté

des programmes, il existe des dotations qui regroupent les crédits ne

pouvant faire l’objet d’une mesure de la performance, comme les

dépenses des pouvoirs publics (Président de la République…). Le strict

respect de ce principe pouvant être source de rigidité, il est de puis

longtemps admis diverses techniques utilisées par le pouvoir

réglementaire de nature à modifier la répartition des crédits en cours

Page 23: budget etat

d’exécution, voire à les augmenter. Si la LOLF ne les a pas supprimées,

elle a accentué les pouvoirs de contrôle du Parlement sur ces techniques.

3.4. Le principe d’annualité budgétaire

Le principe d’annualité budgétaire signifie que le gouvernement doit

demander tous les ans au Parlement l’autorisation de percevoir les

recettes et d’effectuer les dépenses.

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Page 24: budget etat

Concrètement, le prélèvement des impôts autorisé pour l’année

2007 ne peut se poursuivre en 2008 sans une nouvelle autorisation

parlementaire s’exprimant au travers de la loi de finances pour 2008. A

l’instar des autres principes, il est né des exigences du régime

parlementaire car seules des autorisations accordées à des intervalles,

ni trop brefs, pour ne pas bloquer l’action publique, ni trop longues afin

de ne pas accorder un trop grand pouvoir à l’exécutif, permettaient

l’efficacité du contrôle parlementaire.

Ce principe, récemment réaffirmé par la LOLF aux articles 1, 6 et 28,

connaît néanmoins un certain nombre d’aménagements nécessaires pour

pallier à ses rigidités résultant de la complexité de l’action de l’Etat.

Peuvent être effectivement considérés comme des aménagements, les

décrets d’avances qui autorisent le gouvernement en cas d’urgence à

effectuer des dépenses non prévues en loi de finances initiale, les

lois de finances rectificatives, la loi de règlement, l’article 47 de la

constitution de 1958 complété par l’article 45 de la LOLF relatif aux

mesures prises en cas de non-respect des délais d’adoption de la loi

de finances, les annulations, transferts et virements de crédits ou

encore les reports de crédits alors même que l’annualité

implique, en principe, l’annulation des crédits non consommés à la fin de

l’année.

Si l’annualité reste le principe, sous l’influence de l’Union européenne et

de son Pacte de stabilité et de croissance, les Etats membres sont

engagées dans un processus pluriannuel qui leur impose d’élaborer une

programmation de réduction de leur déficit budgétaire, appelé

programme de stabilité. La LOLF prenant acte de cette évolution

impose au gouvernement de déposer un rapport sur la situation et les

perspectives économiques, sociales et financières de la nation (article 50

de la LOLF) pour les quatre années à venir. Elle renforce également le

caractère pluri-annuel des finances de l’Etat en étendant les

autorisations d’engagement non plus seulement aux dépenses

d’investissement, mais aussi aux dépenses de fonctionnement, c’est à

dire que toutes les dépenses peuvent être engagées de manière

pluriannuelle, excepté les dépenses de personnel.

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Mis à part ces dispositions, il convient de remarquer que l’engagement

d’un fonctionnaire ou encore les charges d’intérêt de la dette publique

sont autant d’engagements pluri- annuels : il est vrai cependant qu’ils

nécessitent tous les ans une nouvelle autorisation, qui n’est en fait

qu’une simple reconduction, permettant de sauvegarder l’intérêt de

l’annualité.

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3.5. Le principe d’équilibre

La notion d’équilibre est un concept qui connaît plusieurs sens au gré

de la doctrine économique qui est privilégiée. De la fin du XIXème siècle

jusqu’aux milieu du XXème siècle, a dominé une conception libérale des

finances publiques si bien qu’il est fait référence à l’équilibre

arithmétique, c’est à dire à l’égalité mathématique entre les

ressources et les charges. Le déficit est considéré comme néfaste

puisque l’Etat, ayant alors besoin de financement, doit recourir à la

création monétaire ou à l’emprunt. Or, de l’emprunt, il résulte un impôt

différé et un effet d’éviction. De même, l’excédent est l’objet de

critiques : il implique un surplus de recettes sur les particuliers, en

d’autres termes, cela signifie qu’il y a autant d’argent non réinvesti

dans l’économie par les particuliers, et il peut entraîner du gaspillage de

la part de l’Etat. Le budget idéal est alors celui qui « côtoie le déficit sans y

tomber ».

A partir des années 30, les théories interventionnistes vont se

développer, en particulier celles de J.-M. Keynes, et, avec elles, une

vision particulière de l’équilibre. L’équilibre devient économique : le

déficit est alors un instrument de stabilisation de l’économie. Mais ce

déficit ne doit pas être permanent : dans les périodes de bonne

conjoncture, l’excédent doit réapparaître.

L’article 1 de l’ordonnance du 2 janvier 1959, évoquant « l’équilibre

économique et financier qu’elles (les lois de finances) définissent »,

replace bien les finances publiques dans ce contexte interventionniste.

La notion d’« équilibre budgétaire et financier » de l’article 1 de la LOLF,

quant à elle, est une notion plus ambiguë pouvant laisser penser à un

équilibre strict. Pour autant, aucun autre article de celle loi organique ne

permet de faire respecter un tel équilibre. La LOLF ne semble reconnaître

qu’une conception souple de l’équilibre que la discipline budgétaire, à

laquelle la France est soumise, encadre.

3.6. Le principe de sincérité

Ce principe moderne, par opposition aux principes classiques auquel il

est néanmoins étroitement lié par leur exigence de transparence, a été

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consacré par deux dispositions de la LOLF du 1er août 2001. Son article

32 implique que la sincérité des lois de finances s’apprécie « compte

tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent

raisonnablement en découler ». Son article 27 dispose que « les comptes

de l’Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de

son patrimoine et de sa situation

financière. »

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Cette définition étant assez vague, le Conseil constitutionnel, dans sa

décision du 25 juillet 2001, précise que s’agissant de la loi de finances,

la sincérité se caractérise par l’absence d’intention de fausser les

grandes lignes de l’équilibre tandis qu’au sujet de la loi de règlement, la

sincérité s’entend comme imposant l’exactitude des comptes. Il y a donc

un risque plus grand de voir censurée une loi de règlement pour

insincérité.

Conclusion

Le budget de l’État — comme celui d’un autre agent économique

(particulier, famille, entreprise, etc.) — constitue un instrument

d’encadrement financier qui permet d’établir un équilibre entre ses

revenus et ses dépenses. De tous les budgets, celui de l’État est le plus

complexe, puisqu’il s’élabore à l’échelle de la nation. Il décrit le niveau

des recettes

et des dépenses nécessaires à la réalisation de la politique économique et sociale de l’État.

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