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Une initiative du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies Commission économique pour l’Afrique Rapport de la Commission du VIH/sida et de la gouvernance en Afrique

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  • 1. Commission conomique pour lAfriqueRapport de la Commission du VIH/sida et de la gouvernance en Afrique Une initiative du Secrtaire gnral de lOrganisation des Nations Unies

2. Commission conomique pour lAfriqueRapport de la Commission du VIH/sida et de la gouvernance en Afrique Une initiative du Secrtaire gnral de lOrganisation des Nations Unies 3. Copyright Commission du VIH/sida et de la gouvernance en AfriqueCommission conomique pour lAfrique, 2008ISBN 978-92-1-225051-9Numro de vente: F.07.II.K.3Maquette et couverture: Tsitsi Amanda Mtetwa et Seifu Dagnachew 4. ContentsPrfaceixRemerciementsxiTerminologie xiv propos de la Commission xxMembres de la Commission xxiDclaration des membres de la Commissionxxii Le sida constitue une grande menace pour la gouvernance en AfriquexxiiMessages et recommandations clefsxxvi1. VIH et le sida - La problmatique 1 Le problme en bref 3 Introduction5 Limpact dmographique7 Principaux moteurs de la pandmie de VIH et de sida16 Facteurs biologiques et physiologiques 18 Facteurs socioculturels20 Facteurs politiques28 Conclusion 292. Le VIH/sida: un obstacle la gouvernance et au dveloppement 31 Le problme en bref33 Introduction 35 Obstacles la gouvernance 37 Sida et dmocratie 45 Sida et administration 48 Le sida mine les systmes de sant 56 Lagriculture est le secteur le plus touch par les consquences du sida 59 Le sida nuit la comptitivit et la rentabilit du secteur priv 65 Conclusion 76Prservons notre aveir iii 5. 3.Amliorer les stratgies de prvention79 Le problme en bref81 Introduction 83 Enseignements tirs de rsultats positifs en Afrique: Sngal et Ouganda 84 Lapproche dite ABC doit faire partie intgrante dune approche globale89 Les attitudes des hommes envers les femmes et propos des relations sexuelles doivent tre remises en cause92 Renforcement du contrle des femmes sur leur sexualit et en matire de procration95 Ncessit de mieux cibler les programmes de prvention 97 Importance particulire des enfants dans le contexte du SIDA106 Principaux lments des stratgies nationales de prvention du VIH109 Les nouvelles technologies au service de la prvention115 Conclusion120 4. Traitement et soins125 Le problme en bref 127 Il est possible de fournir un traitement en Afrique 128 Les ressources humaines pour la sant doivent tre une priorit 151 Les systmes de sant doivent tre renforcs159 Il faut amliorer les soins palliatifs et de proximit161 Travailler en partenariat sans crer des structures parallles164 Conclusion165 5.Financement de la riposte au sida 169 Le problme en bref 171 Introduction173 Les besoins 174 Les engagements 180 Quatre lacunes en matire de dveloppement185 Quatre priorits pour une action au niveau mondial195 6.AnnexeCas sous-rgionaux199 Afrique australe201 Afrique de lOuest et Afrique centrale227 Afrique du Nord 236ivPrservons notre aveir 6. Bibliographie 241Encadr1.1. Consquences dmographiques du VIH/sida en Afrique subsaharienne61.2 Comment prendre en charge les orphelins 141.3 Les femmes et les jeunes filles: donnes essentielles 192.1 Le VIH dans larme 422.2 Moins de dcideurs de haut niveau pour grer lAfrique482.3 Accrotre les effectifs de la sant: expriences dagents sanitaires auxiliaires612.4 Recommandations concernant les politiques et programmes de lutte contre leVIH/sida sur le lieu de travail 692.5 Moyens peu coteux de lutte contre le VIH/sida712.6 Mise en place de programmes de lutte contre le VIH/sida dans le secteur informel733.1 Lapproche ABC va-t-elle assez loin ? 903.2 Rforme lgislative visant promouvoir lgalit des sexes au Botswana 923.3 Les mdias au service de la prvention du sida en Zambie 1103.4 Amliorer la connaissance grce au dialogue avec les communauts en thiopie 1123.5 Changer les attitudes au sein de la jeunesse au Ghana1133.6 Lutter contre la stigmatisation et la discrimination dans les services de sant au Nigria 1143.7 Recommandations des consultations techniques tenues par lOMS et ONUSIDAsur la circoncision masculine1184.1 Directives internationales sur le VIH/sida et les droits de lhomme1304.2 Enseignements tirs de Khayelitsha (Afrique du Sud)1394.3 Test de dpistage du VIH: le faire ou ne pas le faire -- enseignements tirs delexprience du Botswana 1414.4 Accs quitable au traitement1444.5 Avis de spcialistes sur les mesures requises pour le traitement 1614.6. Principaux lments des soins domicile1645.1 Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme1835.2 O le problme de mise en uvre des interventions rside-t-il? 1915.3 Programmes macroconomiques et lutte contre le sida1935.4 Les trois principes198Prservons notre aveir v 7. 6.1 Le double dfi de la tuberculose et du VIH216 6.2 pidmie larve chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec dautres hommes 220 6.3 Consommation de drogues injectables: un facteur de plus en plus important dans plusieurs pidmies de VIH en Afrique subsaharienne 223 6.4 Signes dune volution vers des comportements moindre risque231 Figure 1.1. Taux estimatifs de prvalence du VIH chez les adultes dans les pays africains7 1.2. Le sida entrane la baisse de la croissance dmographique en Afrique du Sud8 1.3. Les taux de croissance dmographique seront proches de zro dans certains paysdAfrique australe (Projection des taux de croissance annuelle de la population (en %) 9 1.4 Les adultes jeunes et dge mr sont les plus touchs10 1.5. Le sida rduit lesprance de vie 11 1.6 LAfrique comptait, en 2003, 79% des femmes vivant avec le VIH 12 1.7 Les orphelins du sida sont de plus en plus nombreux14 1.8 Facteurs multiples contribuant la pandmie de VIH18 2.1 Effets du sida sur le capital humain 36 2.2 Main-duvre qualifie et hautement qualifie: en Afrique du Sud: principales victimes du VIH selon les prvisions49 2.3 Les enfants orphelins du sida en Zambie nont gure de chance dtre scolariss (En pourcentage) 52 2.4 Les pertes cumules denseignants dues au sida augmenteront si les tendances actuelles se poursuivent 53 2.5 Le taux de mortalit des ducateurs a nettement augment entre 1999 et 2000, notamment dans le groupe dge de 30 34 ans55 2.6 Les enseignantes en Afrique du Sud risquent beaucoup plus que les enseignants de mourir de maladie 55 2.7 Les effectifs et les mouvements de personnel du secteur de la sant sont dtermins par la formation formelle et lrosion des effectifs 57 2.8 Incidences du VIH/sida sur les moyens de subsistance dans les zones rurales62 2.9 Incidences des dcs lis au VIH sur la production agricole et les revenus des mnages au Swaziland 64 2.10 Incidences du VIH/sida sur les entreprises67vi Prservons notre aveir 8. 2.11 Un taux de prvalence du VIH de 10 % entrane une baisse de croissance du PIB de 0,8 % par an743.1 Premires relations sexuelles retardes chez les lves du primaire (13 16 ans) suite la campagne dinformation, dducation et de communication(district de soroti, ouganda) 883.2 Deux tiers des partenaires sexuels les plus rcents des jeunes femmes avaient aumoins cinq ans de plus quelles 933.3 La prvalence du VIH atteint son maximum plus tt chez les femmes que chez leshommes943.4 Pour bon nombre de personnes, la femme ne peut pas refuser davoir des rapportssexuels ou exiger le port dun prservatif, mme si le mari est atteint dune maladiesexuellement transmissible963.5 La plupart des infections VIH au Ghana sont le fait des professionnels du sexe983.6 Sources dinfection VIH en Zambie1004.1 Un rgime gnrique de premire intention est dsormais disponible pour 100 dollarspar an 1344.2 La combinaison de la prvention et du traitement rduirait de sept millions le nombrede personnes vivant avec le VIH dici 2019 1354.3 Lintgration du traitement et de la prvention contribue rduire lincidence du VIH 1364.4 Problmes poss par la mise en place de programmes de thrapie antirtrovirale grandechelle 1434.5 LAfrique connat la densit dagents de sant la plus faible1524.6 Taux de prvalence du VIH par rapport loffre de mdecins1544.7 Plus de 40 % des jeunes mdecins sud-africains ont lintention de travailler ltranger 1595.1 La part des sources bilatrales et multilatrales dans les dcaissements pour la luttecontre le sida est en hausse 1825.2 Les projections concernant les annonces de contributions pour la lutte contre le sidadevraient augmenter, grce essentiellement aux augmentations de laide provenant desources bilatrales (PEPFAR) et du Fonds mondial 1865.3 Les carts entre les besoins, les annonces et les dcaissements devraient slargir. 1865.4 Les engagements des donateurs varient considrablement suivant le pays 1885.5 Alors quils nont pas volu pendant longtemps, les annonces de contributionsbilatrales et multilatrales pour la lutte contre le VIH et le sida dans 12 pays africainssont en augmentation depuis quelques annes1895.7 En Amrique latine, les dpenses sont consacres en priorit aux professionnels du sexe 190Prservons notre aveir vii 9. 6.1 LAfrique australe compte 9 des 10 pays du monde o 1 adulte sur 10 est infect par le VIH201 6.2 Taux moyen de prvalence du VIH chez les patientes (15-49 ans) services prnatals faisant rgulirement rapport dans les pays africains, 1998-2006202 6.3 Taux de prvalence du VIH par groupe dge chez les patientes des services prnatals en Afrique du Sud, 2000-2006205 6.5 Estimation des taux de prvalence du VIH chez les adultes (15 49 ans) (%) 218 6.6 Prvalence du VIH dtermine partir denqutes dmographiques menes dans les pays dAfrique de lOuest et dAfrique centrale, 20032006228 6.7 Indicateurs du comportement en Afrique de lOuest, 19952006231 6.8 Prvalence moyenne du VIH au Ghana chez les femmes (15-49 ans) frquentant des services prnatals dans les postes faisant rgulirement rapport 1999-2006232 6.9 Faibles taux de prvalence en Afrique du Nord 237 Tableau 2.1 VIH/sida et transmission des connaissances 51 2.2 Taux global de prvalence du VIH par type dtablissement denseignement et de fonction au sein du systme ducatif, Afrique du Sud, 2004 54 4.1 Progrs accomplis en vue dun accs universel aux thrapies antirtrovirales (ARV), 2006 131 4.2 Baisse continue du personnel de sant en Afrique, 2007153 4.3 Classement des pays les plus touchs par lpidmie de VIH et souffrant dun manque de mdecins, 2004 155 4.4 Salaire mensuel moyen des jeunes mdecins en 2004 (en dollars des tats-Unis) 157 4.5 Approches diverses de la mise en valeur des ressources humaines 157 5.1 Besoins en ressources pour la gnralisation du traitement lhorizon 2010 (en milliards de dollars) 176 5.2 Besoins en ressources pour un renforcement progressif des interventions en vue de la gnralisation du traitement lhorizon 2015 (en milliards de dollars) 177 5.3 Cot estimatif de la lutte long terme contre le sida en Afrique subsaharienne 179 5.4 Montant estimatif des dcaissements pour la lutte contre le sida, par source (en milliards de dollars) 184 5.5 Lenteur des dcaissements de laide des donateurs pour la lutte contre le sida et pnurie de mdecins 194viii Prservons notre aveir 10. PrfacePrservons lavenir de lAfriqueKenneth Kaunda, ancien Prsident de la Zambie et Pascal Mocumbi,ancien Premier Ministre du MozambiqueEn 2003, lorsque le Secrtaire gnral de lONU, M. Kofi Annan, nous a demandde diriger un groupe dminentes personnalits pour tudier les effets de lpid-mie du sida sur la gouvernance en Afrique, le tableau tait effectivement sombre.Prs de 25,5 millions sur prs de 42 millions de personnes vivant avec le VIH etle sida dans le monde se trouvaient en Afrique. lpoque, 13 millions de person-nes taient dj mortes du sida sur le continent. Par ailleurs, 12 millions denfantsavaient perdu au moins un parent mort du sida et dans 11 pays africains, le tauxde prvalence du VIH tait suprieur 10 % chez les jeunes femmes enceintes etsuprieur 20 % dans la mme catgorie de personnes dans cinq pays dAfriqueaustrale. Ce sont ces faits qui ont pouss M. Annan prendre linitiative de crerla Commission du VIH/sida et de la gouvernance en Afrique (CVGA).Aujourdhui, prs de cinq ans aprs, le tableau est moins sombre. Le financementmondial a atteint des niveaux inimaginables en 2000. En 2007, linvestissementglobal consacr la lutte contre le sida tait de 10 milliards de dollars dont prs dela moiti a t dpense en Afrique. Si 5 millions dAfricains ont toujours besoindun traitement antirtroviral, dfaut duquel ils mourront, 2 millions dAfri-cains reoivent aujourdhui un traitement indispensable la survie. De nombreuxpays enregistrent un recul des nouveaux cas dinfection; le taux de prvalencese stabilise dans certains pays et baisse dans beaucoup dautres. Les dirigeantsafricains ont cr des conseils nationaux de lutte contre le sida pour coordonnerleurs interventions: dans 30 pays, ces organes sont dirigs par le prsident, levice-prsident ou le premier ministre. En clair, la dtermination politique affichepar les chefs dtats africains, depuis le Forum sur le dveloppement de lAfriqueconsacre au VIH/sida jusqu la Dclaration dAbuja sur le sida, la tuberculoseet les autres maladies infectieuses, a contribu ces modestes succs.Cependant, lAfrique a encore de grands dfis relever. Dans certains pays, plusde 25 % du budget de la sant est absorb par le traitement antirtroviral. Il sen-suit une dpendance dangereuse lgard du financement extrieur. Les effortsde prvention ne sont pas aussi importants que ceux qui sont consacrs au trai-tement, alors quil est dmontr que ces deux stratgies pourraient rduire de 7millions le nombre de personnes qui auront besoin dun traitement dici 2011. Prservons notre aveir ix 11. Le nombre denfants rendus orphelins par le sida est en hausse et ne manquerapas de grever les budgets publics. Les modes dinfection par le VIH changentconstamment; les ralits conomiques rendent difficile la poursuite du traite-ment et il se produit une certaine rsistance aux mdicaments actuels. Il fautdonc temprer loptimisme actuel en faisant preuve dun ralisme fond sur uneriposte globale amliore. Cest en cela que le prsent rapport parat au momentopportun. peu prs lpoque o la Commission a commenc ses travaux, la Commissionconomique pour lAfrique, en partenariat avec la Banque mondiale et lOrgani-sation mondiale de la sant, a commenc le programme dacclration du traite-ment dans trois pays africains (Burkina Faso, Ghana et Mozambique) pour mieuxcomprendre ce quimpliquerait lintensification du traitement dans des contextesdiffrents, compte tenu de la varit des taux de prvalence et des pidmies. Lesenseignements importants qui en ont t tirs, conjugus aux recommandationscontenues dans le prsent rapport, permettraient une meilleure riposte au sida enAfrique.La principale conclusion du rapport est que le sida continue de poser de grandsproblmes aux tats africains en ce qui concerne leur aptitude maintenir desinstitutions publiques efficaces, appliquer des politiques judicieuses et pro-mouvoir ltat de droit, mais que lon peut relever et mme surmonter ces dfisen cernant mieux lpidmie propre chaque pays, en utilisant de meilleuresdonnes pour bien grer la riposte nationale et en obtenant des engagementspolitiques plus fermes tous les niveaux de la socit. Cest pourquoi la riposteau sida doit tre au cur des stratgies de dveloppement.Dans le cadre de notre mission, les membres de la Commission se sont rendusdans plusieurs pays de chaque sous-rgion et ont entendu, lors de plusieurs ru-nions interactives, des milliers de personnes touches et infectes par le sida. Lesopinions de ces personnes ont t cruciales dans la formulation des recommanda-tions contenue dans ce rapport introspectif.La Commission du VIH/sida et de la gouvernance en Afrique a accompli samission en prsentant ce rapport introspectif, mais la tche difficile consistant appliquer ses recommandations ne fait que commencer. Nous invitons tous lesdcideurs, les partenaires et autres parties prenantes conjuguer leurs efforts pourprserver lavenir de lAfrique.x Prservons notre aveir 12. RemerciementsL es membres de la Commission expriment leur profonde gratitude M.K.Y. Amoako, ancien Secrtaire gnral adjoint de lOrganisation des Na-tions Unies et Secrtaire excutif de la Commission conomique pour lAfrique(1995-2006), M. Michel Sidibe, Sous-Secrtaire gnral de lONU et Directeurexcutif adjoint dONUSIDA et M. Abdoulie Janneh, Secrtaire gnral ad-joint de lOrganisation des Nations Unies et Secrtaire excutif de la Commissionconomique pour lAfrique, qui a supervis la finalisation de ce projet.Les membres de la Commission remercient galement de leur appui les personnesqui ont pris part la premire runion du groupe dexperts de la Commission duVIH/sida et de la gouvernance en Afrique les 9 et 10 janvier 2003 savoir:Abdul Mohammed, Alex de Waal, Chinua Akukwe, Costantinos Berhe, GayleSmith, Bunmi Makinwa, Ishrat Hussein, Jacinta Maingi, Joseph Tumushabe,Malcolm McPherson, Margaret Agama, Samantha Willan, Tsadkan Gebre-Tin-sae, Yinka Adeyemi, Andrew Allimadi, Elene Makonnen, Max Jarrett, KasirimNwuke, Patrick Asea, Shamika Sirimane, Reginald Chima, Kiiza Ngonzi et MaiteIrurzun-Lopez.Travaux de recherche:Commission conomique pour lAfrique (CEA), Boston University, MakerereUniversity, Institut Buisson-Bertrand et University of KwaZulu-Natal.Contributions ditoriales et analytiques:Gabriel Anabwani, Esther Andale, Tony Barnett, Rene Bonnel, Pamela Bowen,Desmond Cohen, Ernest Darkoh, Haile Debas, Anthony Evans, Jane Freedman,Haruna Jibril, Michael Jobbins, Jean Alfazema Kalilani, Jean-Baptiste Koah,Abou Kone Elaine Kwami, Franklyn K. Lisk, Kojo Lokko, Richard Mabala, Nyo-vani Madise, Grace Malindi, Hein Marais, Soeur Marie-Thrse Brigit Mewou-lou, Gladys Mutangadura, Angela Muvumba, Akua Ofori-Asumadu, ConnieOsborne, Joy Phumaphi, Francelina Pinto Romao, Bill Rau, Adrian Renton,Sydney Rosen, Gabriel Rugalema, Jonathan Simons, Sylvia Tamale, GeorgeTembo, Daphne Topouzis, Joseph Tumushabe, Barbara Watson et Alan White-side. Prservons notre aveir xi 13. Recherche, rdaction et statistiques:Nana K. Poku, Bruck Fikru, Maite Irurzun-Lopez, Fikirte Mengistu, VirginieMongonou, Ingvild Oia, Hilda Tadria, Kumneger Tilahun, Fikirte Asrat, BillRau, Rene Bonnel and Bjorg Sandkjaer.La Commission a galement mis profit les orientations stratgiques donnespar: Alex de Waal, Tekalign Gedamu, Elene Makonnen et Augustin Fosu,Recherches et contributions supplmentaires:Alex de Waal, Yinka Adeyemi et Awa Coll-SeckCritiques:Karen Stanecki, Robert Greener, Barbara de Zalduondo, Marco Vitoria, GuermaTeguest et Antonio Izazola.Communication et sensibilisation:Akwe Amosu, Max Jarrett, Yinka Adeyemi, Fabian Assegid et Abdoul DiengAppui editorial:Bruce Ross-Larson et Christopher TrottGraphique et maquette:Tsitsi Amanda MtetwaProduction du rapport:Section des publications et de la gestion des confrences de la CEAGestion et coordination du projet:Tekalign Gedamu, Thokozile Rudvidzo et Yinka AdeyemiLes consultations rgionales ont t rendues possibles grce lappui enthousiastedes bureaux de pays du Programme des Nations Unies pour le dveloppementxii Prservons notre aveir 14. (PNUD) et du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONU-SIDA), ainsi que des commissions et des coordonnateurs nationaux de la luttecontre le sida dans les pays consults: Botswana, Cameroun, thiopie, Ghana,Maroc et Mozambique. Des vifs remerciements sont galement adresss au Woo-drow Wilson International Center for Scholars Washington, qui a abrit unerunion des membres de la Commission et une consultation des parties prenan-tes, ainsi qu M. Peter Piot, Directeur excutif dONUSIDA, qui a accueilli ladernire runion dexamen tenu par les membres de la Commission.Des membres du systme des Nations Unies ont bien voulu partager leurs don-nes et leurs rapports entre autres: Organisation des Nations Unies pour lali-mentation et lagriculture, Organisation internationale du Travail, Programmecommun des Nations Unies sur le VIH/sida, Organisation mondiale de la santet Banque mondiale. Prservons notre aveir xiii 15. TerminologieExtraits du guide de terminologie de lONUSIDA (2007)ABCStratgies de prvention (en anglais): SAbstenir de toute pntration dans lesrapports sexuels (galement conseill pour diffrer lactivit sexuelle); Bannir lin-fidlit (rduire le nombre de partenaires ou nen avoir quun(e) seul(e)); utiliserrgulirement et correctement le prservatif (Condom).ARTcrire en toutes lettres, soit thrapie antirtrovirale soit traitement antirtrovi-ral.CHANGEMENT DE COMPORTEMENTIl existe de nombreuses thories et de nombreux modles de comportementhumain qui orientent les efforts de promotion et dducation en vue dun chan-gement de comportement, savoir ladoption et le maintien de comportementssains.CONTAMIN et NON STRILELe matriel dinjection de drogues est dit contamin sil a entran une infec-tion, cest--dire sil contenait le virus; ce matriel est dit souill, sale ou nonstrile sil prsentait un risque dinfection par le VIH, quil ait ou non transmisle virus.DONNES PROBANTES, CLAIR PAR DESLe terme clair par des donnes probantes ou clair par des preuves est pr-frer bas sur des preuves, compte tenu du fait que plusieurs lments peuventjouer un rle dans la prise de dcisions; parmi ces lments peuvent figurer la per-tinence culturelle, le cot, la faisabilit, les proccupations en matire dquit,etc.PIDMIEEn pidmiologie, une pidmie est la survenue de nouveaux cas dans une popu-lation humaine donne. Dclarer quil y a pidmie est subjectif, car cela dpendde ce qui tait prvu. Une pidmie peut tre circonscrite une localit (uneflambe), plus tendue (une pidmie) ou survenir partout dans le monde (unepandmie). Les maladies courantes qui surviennent de manire constante unxiv Prservons notre aveir 16. taux relativement lev au sein de la population sont considres comme end-miques. Au nombre des pidmies clbres figurent par exemple la peste qui asvi en Europe au Moyen-ge, connue sous le nom de Peste noire, la pandmiede grippe de 1918-1919, et lactuelle pidmie de VIH que lon qualifie de plusen plus de pandmie.PIDMIOLOGIEBranche de la science mdicale qui tudie lincidence, la distribution, les facteursdterminants des structures dune maladie et sa prvention dans une popula-tion.FMINISATIONEn rfrence la pandmie, le terme de fminisation est aujourdhui souventemploy par lONUSIDA et dautres auteurs pour signifier limpact croissant delpidmie de VIH sur les femmes. Ce terme sous-entend souvent que le nombrede femmes infectes a atteint, voire dpass, celui des hommes.FONDS MONDIAL DE LUTTE CONTRE LE SIDA, LA TUBERCULOSEET LE PALUDISMELe Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme cr en2001 est un partenariat public/priv. Cest le fonds mondial le plus importantdans le domaine de la sant publique. la date daot 2005, le Fonds mondialavait engag plus de 3 milliards de dollars dans 128 pays. Son objectif est de col-lecter, de grer et de distribuer des ressources complmentaires pour contribuerde faon significative et durable attnuer limpact du sida, de la tuberculose etdu paludisme dans les pays qui ont besoin daide, tout en uvrant la rductionde la pauvret, ce qui est lun des Objectifs du Millnaire pour le dveloppement. la premire mention de cet organisme dans un texte, on en donnera lintitulexhaustif; pour des mentions ultrieures on utilisera de prfrence lexpressionFonds mondial. Voir www.theglobalfund.org/fr/GAYSOn crira hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, sauf lorsquedes individus ou des groupes sidentifient eux-mmes comme gays. Au sens plusgnral, la communaut des hommes et des femmes qui ont des rapports avec despersonnes de mme sexe, ainsi que celle des personnes transsexuelles, sera dcritepar le terme lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels. Il existe des abrviations(LGBT) mais en rgle gnrale lONUSIDA prfre les expressions dveloppes.Prservons notre aveir xv 17. GENRE ET SEXELe terme sexe fait rfrence des diffrences biologiquement dtermines tandisque genre renvoie des rles sociaux diffrents et aux relations entre hommes etfemmes (sexospcificit). Les rles dun genre donn sont assimils au cours de lasocialisation et varient sensiblement au sein dune mme culture et dune culture lautre. Ces rles sont galement marqus par lge, la catgorie sociale, la race,lorigine ethnique et la religion tout comme par lenvironnement gographique,conomique et politique. Plusieurs langues nont pas de mot pour genre (ou comme le franais le rservent aux grammairiens); les traducteurs devrontenvisager une alternative pour distinguer les deux concepts.GROUPES HAUT RISQUE/POPULATIONS COURANT DE PLUSHAUTS RISQUES DEXPOSITION AU VIHCes expressions doivent tre employes avec prcaution car elles accroissent lesrisques de stigmatisation et de discrimination. Elles peuvent aussi donner tortun sentiment de scurit des personnes qui ne sidentifient pas aux membresde ces groupes. Lexpression groupe haut risque implique galement que lerisque nexiste que pour les membres alors quen fait tous les groupes sociaux sontlis. Il est souvent prfrable dtre plus prcis et de parler de risque plus levdexposition au VIH, de rapports sexuels sans prservatif , de rapports sexuelsnon protgs ou dutilisation de matriel dinjection non strile plutt que derecourir une expression fourre-tout comme groupe haut risque. Ce nest engnral pas lappartenance un groupe qui constitue un risque accru dinfection,cest le comportement.INFECT(E) PAR LE VIH distinguer de positif(ve) au VIH ou sropositif(ve) au VIH ce qui peut parfoistre le rsultat dun test faussement positif, en particulier chez les enfants de 0 18 mois. Ce terme est gnralement employ pour indiquer que lexistence duVIH a t prouve lors dun test sanguin ou tissulaire.MALADIE LIE AU VIHLes symptmes de linfection VIH peuvent apparatre tant ds le dbut de lin-fection quaprsinstallation de limmunodficience conduisant au sida. Au dbut de linfectionpar le VIH, lorsque celui-ci entre en contact avec les muqueuses, il rencontredes cellules cibles et gagne le tissu lymphode o il se reproduit massivement, cequi entrane un accs de forte virmie (prsence de virus dans le flux sanguin) etune dissmination gnralise du virus. Certaines personnes peuvent prsenter ce stade des symptmes analogues ceux de la grippe mais ceux-ci sont gnra-xvi Prservons notre aveir 18. lement attribus une infection primaire plutt qu une maladie lie au VIH.La rponse immunitaire qui sensuit afin de supprimer le virus ne russit quepartiellement: certains virus y chappent et peuvent rester indcelables pendantdes mois, voire des annes. Un renouvellement important du virus entrane ladestruction du systme immunitaire on parle alors de stade avanc de linfec-tion VIH. La maladie due au VIH se caractrise donc par une dtriorationprogressive du systme immunitaire. Au cours de linfection, des cellules capitalesde ce systme, les cellules T dites CD4+ sont attaques et tues et leur nombredcrot progressivement.MOTEURS (DE LPIDMIE)Ce terme sapplique aux facteurs structurels et sociaux, tels que la pauvret, lasexospcificit et les droits humains qui ne se mesurent pas facilement et qui peu-vent accrotre la vulnrabilit des individus lexposition au VIH. On le rservesouvent aux dterminants sous-jacents.NGATIF(VE) AU VIHNe montrant pas de signe dinfection VIH (par exemple, absence danticorpsdu VIH) au niveau sanguin ou tissulaire. Synonyme de srongatif(ve). Une per-sonne ngative au VIH peut tre dj infecte si elle se trouve dans la priode-fentre qui spare lexposition au VIH et la dtection des anticorps.ORGANISATIONS CONFESSIONNELLES ou ASSISE CONFESSION-NELLECette expression doit tre retenue de prfrence glise, ou organisation reli-gieuse car elle ne comporte pas de jugement de valeur et nimplique pas de rf-rences historiques (principalement europennes).PORTEUR (PORTEUSE) DU SIDACe terme est souvent employ pour dsigner toute personne vivant avec le VIHmais il stigmatise et offense bien des personnes vivant avec le virus. Par ailleurs ilnest pas exact, puisque lagent concern est le VIH et non le sida.POSITIF(VE) AU VIHMontrant des signes dinfection VIH (par exemple prsence danticorps duVIH) suite un test sanguin ou tissulaire. Synonyme de sropositif(ve). Le testpeut occasionnellement donner un faux rsultat positif.PRATIQUE DU COMMERCE DU SEXEOn prfrera les expressions commerce du sexe, rapports sexuels rmunrs outarifs; vente de services sexuels.Prservons notre aveir xvii 19. RIPOSTE AU SIDALes expressions riposte au sida, riposte au VIH sont souvent utilises de faoninterchangeable pour dsigner la riposte lpidmie.SIDALe sida est laffection dont les patients meurent et le VIH est le facteur de lin-fection. Le virus affaiblit le systme immunitaire, conduisant en fin de compte la mort. Les mdicaments antirtroviraux ralentissent la reproduction du viruset peuvent considrablement amliorer la qualit de vie, mais ne suppriment paslinfection VIH.SIDA ou MALADIES LIES AU VIHLe sida est laffection dont les patients meurent et le VIH est le facteur de lin-fection. On peut employer lexpression maladie lie au sida une fois port lediagnostic de sida.TRAITEMENT ANTIRTROVIRAL HAUTEMENT ACTIF (HIGHLYACTIVE ANTIRETROVIRAL TREATMENT HAART)Nom donn au traitement recommand par les meilleurs experts en matire deVIH pour arrter agressivement la rplication du virus et ralentir la progressionde la maladie due au VIH. Le traitement combine dhabitude trois mdicamentsvoire davantage, par exemple deux inhibiteurs nuclosidiques de la transcrip-tase inverse et un inhibiteur de la protase, deux inhibiteurs nuclosidiques dela transcriptase inverse et un inhibiteur non nuclosidique ou dautres combi-naisons. On a plus rcemment mis au point un nouveau produit qui empche levirus dentrer dans la cellule.VIRUS DE LIMMUNODFICIENCE HUMAINE (VIH)Virus qui affaiblit le systme immunitaire, conduisant en fin de compte au sida.Comme VIH signifie virus de limmunodficience humaine, il est redondant deparler du virus VIH.VIRUS DE LIMMUNODEFICIENCE HUMAINE DE TYPE 1 (VIH-1)Le rtrovirus isol et reconnu comme agent tiologique du sida (agent qui causela maladie ou y contribue). Le VIH-1 se classe parmi les lentivirus dans un sous-groupe de rtrovirus. La plupart des virus et toutes les bactries, plantes et ani-maux ont un code gntique constitu dADN (acide dsoxyribonuclique) quiutilise lARN (acide ribonuclique) pour produire des protines spcifiques. Lematriel gntique dun rtrovirus comme le VIH est lARN lui-mme. Le VIHxviii Prservons notre aveir 20. insre son propre ARN dans lADN des cellules htes, empchant celles-ci dac-complir leurs fonctions naturelles et faisant de ces cellules une usine VIH.VIRUS DE LIMMUNODFICIENCE HUMAINE DE TYPE 2 (VIH-2)Virus trs proche du VIH-1 qui sest avr entraner galement le sida. Il a ini-tialement t isol en Afrique de lOuest. Mme si VIH-1 et VIH-2 sont simi-laires en ce qui concerne leur structure virale, leurs modes de transmission et lesinfections opportunistes qui peuvent les accompagner, ils diffrent quant leurdistribution gographique et leur propension conduire la maladie et la mort.Par rapport VIH-1, VIH-2 se rencontre principalement en Afrique de lOuestet a une volution clinique plus lente et moins grave. Prservons notre aveir xix 21. propos de la Commission La Commission du VIH/sida et de la gouvernance en Afrique (CVGA) miseen place par le Secrtaire gnral de lOrganisation des Nations Unies, avait pour mandat de se pencher sans tarder sur les problmes particuliers que prsen- tent les multiples incidences de la pandmie du VIH/sida dans le domaine du dveloppement et de la gouvernance en Afrique. Sa mission comportait deux volets: a) chercher mieux comprendre limpact du VIH/sida sur les structures de ltat et sur le dveloppement conomique; b) aider les gouvernements ren- forcer la conception et la mise en uvre de politiques et programmes visant endiguer lpidmie. Le prsent rapport est laboutissement dune consultation sans prcdent, les membres de la CVGA stant entretenus avec de nombreuses parties prenantes en Afrique et au-del. Les rsultats et recommandations de cette consultation expriment des analyses originales et approfondies tires des propres recherches de la Commission et traduisent galement le point de vue de plus de 1 000 Afri- cains qui ont particip la consultation, notamment des dcideurs, des groupes de dfense dintrts, des organisations non gouvernementales, des organisations communautaires, des personnes vivant avec le VIH, des instituts de recherche et des organismes des Nations Unies. La Commission a examin les actions envisageables dans le cadre de la riposte au VIH/sida au niveau des communauts de base. Depuis sa mise en place, la Commission a tenu, cinq consultations sous-rgionales qui ont offert ses mem- bres loccasion damorcer le dialogue avec un large ventail de parties prenantes. Chaque session interactive a t loccasion pour celles-ci de partager des exprien- ces, de discuter de la voie suivre dans le contexte sous-rgional et de dfinir des messages clefs lappui des activits de plaidoyer de la Commission, qui refltent les vues de plus de 1 000 personnes travers le continent.xx Prservons notre aveir 22. Membres de la CommissionPrsidentK.Y. Amoako (2003-2005) ParrainsKenneth Kaunda et Pascoal MocumbiMembres de la Commission Seyyid Abdulai Abdoulaye BathilyMary Chinery-Hesse Awa Coll-Seck Haile Debas Richard G.A. FeachemEveline HerfkensOmar KabbajMilly Katana Madeleine Mukamabano Benjamin Nzimbi Joy PhumaphiPeter PiotBassary Toure Paulo Teixeira Alan WhitesidePrservons notre aveir xxi 23. Dclaration des membres de la Commission N ous avons t chargs danalyser les incidences de la pandmie du VIH/sida sur la gouvernance en Afrique et de formuler des recommandations partir de cette analyse. Nous avons le plaisir de prsenter notre rapport au Secrtaire gnral de lOrganisation des Nations Unies, que nous remercions vivement de nous avoir confi la tche de rflchir sur cette importante question. Nous som- mes galement heureux de pouvoir le soumettre la communaut internationale. Les enseignements que nous avons tirs de notre rflexion concernent non seule- ment lAfrique, mais galement les autres rgions du monde qui sont touches par la pandmie et celles qui sont encore pargnes. Nous dfinissons la gouvernance comme la capacit de ltat de maintenir des institutions publiques efficaces, de concevoir et de mettre en uvre des politiques saines, de renforcer ltat de droit, de garantir des moyens dexistence et de crer un environnement favorable ladministration des affaires publiques, au dvelop- pement du secteur priv et la promotion de la socit civile. Nos conclusions et recommandations expriment des analyses originales et approfondies tires des propres recherches de la Commission et de donnes provenant dautres tudes et sources. Elles traduisent le point de vue de plus de 1 000 africains qui ont pris part une consultation de plus de deux ans, notamment des dcideurs, des groupes de dfense dintrts, des organisations non gouvernementales, des orga- nisations communautaires, des personnes vivant avec le VIH, des instituts de recherche et des organismes des Nations Unies. Le sida constitue une grande menace pour la gouvernance en Afrique La conclusion gnrale laquelle nous sommes parvenus est que lpidmie constitue une grande menace pour la gouvernance en Afrique. Dans de nombreu- ses parties du continent, le VIH/sida pse dj lourdement sur toutes les formes dactivits sociales, conomiques et politiques et, par consquent, sur lavenir de la gouvernance. La maladie se nourrit des disparits sociales et conomiques, lesxxii Prservons notre aveir 24. accentue et empche les tats damliorer le bien-tre des citoyens, ddifier dessocits fortes et stables et daccrotre les possibilits pour tous. La situation desfemmes, des enfants et des hommes vivant dans la pauvret saggrave et les risquesde contracter le virus augmentent.Dans certains des pays les plus touchs, la conjonction de lexode des cerveauxet de lpidmie met mal la stabilit des institutions, remodle les structurestatiques et restructure les relations entre ltat et la socit.De notre point de vue, limpact de lpidmie est encore plus vident dans ladtrioration des indicateurs du bien-tre social tels que lesprance de vie, letaux dalphabtisation et le taux de scolarisation primaire. Avant lpidmie, cesindicateurs navaient cess de samliorer pendant des dcennies. Cependant, leVIH/sida est en train de rduire les capacits dans tous les secteurs sociaux et co-nomiques. Cest la consquence de la mortalit et de la morbidit de personneshautement qualifies et exprimentes, que lon ne peut remplacer quaprs delongues priodes de formation et dacquisition de comptences. Le niveau gn-ral de linstruction baisse, de mme que baissent les effectifs des enfants rendusorphelins par le sida. La leon que nous en tirons est qu cause du VIH/sidales personnes instruites et les cadres ne peuvent gure transmettre aux gnra-tions suivantes les connaissances et comptences quils ont accumules. En cons-quence, les travailleurs plus jeunes et moins expriments ont du mal acqurirles comptences spcialises et le professionnalisme que leur emploi exige. longterme, il y aura de moins en moins de fonctionnaires expriments pour former lepersonnel jeune dans des domaines formels clefs ou leur transmettre des rgles etnormes de base moins formelles telles que la responsabilit ministrielle, la neu-tralit de ladministration, lthique de la fonction publique ou la transparenceinstitutionnelle.Nous sommes profondment proccups par le fait que lpidmie a pouss cer-taines des communauts les plus touches se rabattre sur lagriculture de subsis-tance et quelle a remis en cause la prestation de services. Dici 2020, les neufpays dAfrique subsaharienne les plus touchs auront perdu, cause du VIH/sida,13 26 % de leur main-doeuvre agricole. Les personnes qui meurent ne sont pasque des travailleurs agricoles. Ce sont des chefs de famille, des mres et des presdenfants et dadolescents, des dispensateurs de soins aux personnes ges oumalades, des transmetteurs de connaissances et de savoir-faire sur lagriculture etles moyens dexistence, ainsi que les gardiens des systmes de protection sociale.Lincidence de lpidmie sur le PIB ne peut tre dtermine de manire claire,mais lhypothque qui pse sur les moyens de subsistance en milieu rural en raisonde la baisse de lesprance de vie devrait entraner une rduction de la production,et cette situation risque dtre aggrave par une prvalence plus importante dePrservons notre aveir xxiii 25. personnes malades et la pnurie de comptences critiques. Les pays connaissant une prvalence gale ou suprieure 10 % pourraient voir leur PIB baisser de 18 % dici 2020. La multiplication des risques dinfection, en particulier chez les jeunes femmes et les jeunes filles (qui sont deux fois plus exposes linfection VIH) et la dynamique sexospcifique du VIH, qui accentue la vulnrabilit des femmes lexposition au VIH et les difficults quelles rencontrent faire face la maladie et soccuper des autres sont alarmantes. Les coutumes concernant ladoption et lducation, mme si elles sont bien ta- blies en Afrique, savrent insuffisantes pour faire face au problme de plus en plus aigu des orphelins. Enfin, nous estimons que le VIH/sida est dj en train de saper les piliers de la dmocratie dans les pays o la prvalence est leve. La maladie et le dcs de parlementaires pourraient remettre en cause la lgitimit de la reprsentation dmocratique. La rduction des capacits de ltat contrarie la mise en uvre des politiques et lopinion publique est actuellement modele par les impressions concernant les capacits des leaders de prvenir et dattnuer les effets de lpi- dmie. Dans bon nombre de pays africains, les pertes de ressources humaines vont vraisemblablement rduire la capacit de ltat de protger les citoyens et de subvenir leurs besoins, avec des consquences aussi bien sur sa lgitimit politique que sur sa stabilit dans les annes venir. partir de nos conclusions, qui reposent sur des bases factuelles, nous avons labor un plan daction pour la prochaine gnration de stratgies dintervention (sous forme soit de mesures intgres en vue de llaboration de politiques de lutte contre le VIH/sida, soit dactions autonomes visant le renforcement de mesures ou dune riposte pro- grammatique dans quatre grands domaines): Redynamiser les stratgies de prvention; laborer des plans nationaux daction pour fournir des traitements et des soins; Amliorer la gouvernance budgtaire des pays africains; Renforcer la viabilit et la coordination des financements en mettant en place un nouveau cadre daction lintention des donateurs. Chaque pays aura besoin dlaborer son propre plan, mais nos recommandations consistent indiquer les diffrents types dactions quil y a lieu de prendre ds prsent, si ce nest dj le cas. Nous estimons que le Forum pour le dveloppement de lAfrique, organis par la CEA en dcembre 2000, a t un tournant historique dans la prise de conscience de limpact de la pandmie. La dclaration consensuelle du Forum a salu la volont nouvellement manifeste par les leaders africains de sexprimer en toutexxiv Prservons notre aveir 26. franchise et dagir avec dtermination afin de prvenir la propagation du VIH/sida. Elle avait identifi des actions prendre aux niveaux personnel, communau-taire, national, rgional et international.Depuis lappel lanc aux leaders lors du Forum pour le dveloppement de lAfri-que de 2000, des progrs tangibles ont t enregistrs dans la lutte contre leVIH/sida en Afrique. Au niveau national, pratiquement tous les pays ont misen uvre des plans stratgiques multisectoriels de lutte contre le VIH/sida. Engnral, ces plans sont pilots par un organisme central de coordination chargde promouvoir des activits de prvention au niveau des organismes tatiques etde coordonner les activits des acteurs tatiques et non tatiques.En effet, les pays africains sont en train de faire de vritables progrs sur plusieursfronts. Certains programmes nationaux commencent enregistrer des rsultatspositifs, en particulier dans la prvention de linfection VIH chez les jeunes.Des progrs significatifs ont t accomplis au niveau international pour accrotreles ressources, grce des institutions telles que le Fonds mondial de lutte contrele sida, la tuberculose et le paludisme et dautres programmes multilatraux etbilatraux.Nanmoins, huit ans aprs la tenue du Forum, 14 millions dAfricains sont mortsdu sida et 17 millions dautres ont t infects. Le nombre dorphelins est passde 8,5 millions en 2000 environ 14 millions en 2006. Notre rapport montreque dans de nombreux pays, en particulier en Afrique australe, dautres dfisdevront tre relevs, les jeunes filles et les femmes supportant lessentiel des effetsde lpidmie et le problme des orphelins devenant de plus en plus aigu. Noussommes conscients que la maladie a dj dimportantes consquences sur les acti-vits sociales, conomiques et politiques et sommes parvenus la conclusion quele VIH/sida aura de graves incidences sur la gouvernance dans les annes venirsi des actions dcisives ne sont pas prises pour renforcer la dtermination et leleadership dans la lutte contre la pandmie. Ce leadership sapplique tous lesdomaines: tat, donateurs, responsables de la socit civile, chefs traditionnels etresponsables de communaut, ainsi que les personnes vivant avec le VIH. Prservons notre aveir xxv 27. Messages et recommandations clefs Le prsent rapport sadresse diffrents publics: dcideurs africains, re-sponsables de la socit civile, organisations non gouvernementales, chefs dentreprise, personnes vivant avec le VIH, pays et organismes donateurs, princi- paux dirigeants de la communaut internationale, y compris les Nations Unies. partir des rsultats de nos recherches, des recommandations et du plan daction contenus dans le prsent rapport, nous avons extrait huit messages clefs, suivis de recommandations appropries. Message clef 1: Il y a une certain nombre dpidmies de sida diffrents en Afrique Il existe plusieurs pidmies de sida en Afrique, dont la prvalence chez les adultes et les caractristiques varient dun pays lautre. Ceci signifie quaucune solution particulire ne permet de surmonter les problmes qui favorisent la propagation de lpidmie dans un environnement donn. Les grandes tendances de la pan- dmie sont perceptibles, mais, il est ncessaire de bien comprendre les structures sociales, conomiques et politiques propres chaque situation afin de mettre en place des programmes de prvention et dattnuation efficaces. Recommandations: Favoriser lutilisation des meilleures donnes disponibles pour connatre et comprendre lpidmie particulire qui svit dans tel ou tel environ- nement; Concevoir des ripostes nationales fondes sur les connaissances spcifi- ques que chaque pays a de lpidmie. Message clef 2: Lpidmie rvle de fortes disparits entre hommes et femmes en Afrique Il existe une forte corrlation entre ingalit des sexes, subordination des femmes et des jeunes filles dans la socit et extrme vulnrabilit des femmes aux infec- tions VIH et aux consquences du sida. Les collectivits devraient, par cons- quent, grce une lgislation adapte, se pencher sur les questions concernant lexxvi Prservons notre aveir 28. statut infrieur des femmes et des jeunes filles, la violation de leurs droits fonda-mentaux et la transmission du VIH.Recommandations: Certaines normes culturelles, certains comportements ou traditionsaccroissent les risques dinfection; il faudrait mieux les comprendre etles changer; Comprendre et dfinir clairement le genre en termes de relations entrehommes et femmes; identifier les points forts des cultures africaines sus-ceptibles de jouer un rle important dans la prvention et le traitementdu VIH/sida; changer les pratiques sociales et culturelles nfastes; Appliquer des lois visant llimination de la violence lgard des femmeset des jeunes filles; Affecter spcialement des fonds aux gouvernements, afin quils rvisentleur lgislation et garantissent la protection des droits des femmes et desenfants.Message clef 3: Le nombre croissant denfantsinfects ou touchs par le VIH constitue un dfi releverLe nombre denfants infects par le VIH ou touchs par le sida augmentera aucours des annes venir. Des estimations rcentes montrent quil y aura 50 mil-lions dorphelins en Afrique dici 2010, dont 37 % qui lauront t cause dusida. Le nombre croissant denfants rendus orphelins par le sida pourrait exa-cerber la stigmatisation et exiger que lon subvienne des besoins spcifiques.Autrement, on court la catastrophe pour ces enfants et pour le dveloppementdu continent.Recommandations: Aider les institutions fournir des soins mdicaux appropris aux orphe-lins; Renforcer et faciliter lappui de la communaut aux orphelins et auxfamilles afin dassurer leur insertion sociale. Prservons notre aveir xxvii 29. Message clef 4: La prvention doit demeurer une priorit Tout en reconnaissant une volution positive en matire de traitement, il faudrait considrer la prvention du VIH comme une question durgence et la replacer au centre des proccupations des leaders, les donateurs et les travailleurs la base. Plus de deux dcennies dexprience montrent quune prvention efficace du VIH exige une combinaison doutils permettant de faire face aux diffrentes sources dinfection, quil y a lieu de mettre la disposition des personnes exposes des risques. Recommandations: Poursuivre la diffusion des messages de prvention axs sur la transmis- sion du VIH et la stigmatisation, notamment dans les centres de soins et auprs des populations les plus exposes aux risques dinfection; Fournir des services de conseil et de test, de traitement des maladies sexuellement transmissibles et de prvention de la transmission de la mre lenfant; Distribuer des moyens techniques de prvention tels que les prservatifs masculins et fminins; Intgrer le traitement dans les stratgies de prvention. Message clef 5: Linsuffisance des ressources humaines pse sur le traitement et les soins La pnurie de ressources humaines et financires est le principal obstacle llar- gissement efficace du traitement du VIH et au renforcement des systmes de soins de sant en Afrique. Les systmes de soins de sant dont les ressources humaines et financires sont insuffisantes (pour cause dexode des cerveaux ou de maladies des membres du personnel) ne peuvent pas offrir dincitations aux professionnels qualifis de la sant pour les retenir dans les structures publiques de soins de sant. Ainsi est cre un cercle vicieux qui associe surcharge de travail et dtrioration des conditions de travail pour ceux qui restent. Recommandations: Offrir de meilleures conditions de travail afin de motiver les travailleurs de la sant sacquitter de leur tche et conserver leur emploi plus longtemps;xxviii Prservons notre aveir 30. Repenser de fond en comble les formes et modles actuels de prestationde soins, au regard non seulement de la fourniture de thrapies antir-trovirales, mais galement de la baisse des ressources humaines dans lesecteur de la sant en gnral; Renforcer les capacits des travailleurs qui interviennent actuellementdans le secteur de la sant; Accorder la priorit au traitement de travailleurs de la sant qui sontinfects; Adopter un systme de rotation du personnel comme solution provisoire la pnurie des ressources humaines.Message clef 6: Le financement de la lutte contre lesida doit tre coordonn, prvisible, long terme ettransparentLintensification de la riposte au VIH/sida exige des fonds supplmentaires afinde couvrir les dpenses de fonctionnement (personnel) ainsi que le cot des pro-duits et services locaux. Par ailleurs, nous souscrivons aux initiatives visant am-liorer lacheminement de laide par lharmonisation des pratiques des donateurset lalignement de laide sur les priorits de dveloppement des tats, afin derduire les cots de transaction, tel qunonc Rome et, plus rcemment, dansla Dclaration de Paris sur lefficacit de laide.Recommandations: Les gouvernements africains devraient amliorer la gestion de leursdpenses publiques afin de satisfaire aux normes minimales de perfor-mance, notamment en ce qui concerne les fonds fiduciaires; Aligner laide des donateurs sur les politiques et priorits nationales, detelle sorte que les financements viennent lappui de stratgies de luttecontre le sida matrises par les pays concerns et pleinement intgres leurs stratgies de dveloppement; Analyser les besoins en vue de lintgration de stratgies globales definancement dans les plans multisectoriels; Renforcer les systmes budgtaires et lobligation de rendre compte toutes les parties intresses au niveau national, afin que les donateurssoient convaincus que laide sera effectivement utilise bon escient.Prservons notre aveir xxix 31. Message clef 7: Le leadership doit tre raffermiet soutenu tous les niveaux dans le cadre duneriposte coordonneRecommandations: Consacrer les ressources nationales la riposte et lier celle-ci des initia-tives plus ambitieuses de planification du dveloppement; Crer un environnement favorable la comprhension par les citoyens, tous les niveaux, de leur rle dans la riposte au VIH/sida, afin quils lejouent pleinement; Appliquer les engagements rgionaux et internationaux tels que la Dcla-ration dAbuja et autres dcisions relatives au VIH/sida, en les transfor-mant en plans daction nationaux.Message clef 8: Le but ultime de la bonnegouvernance devrait tre la cration dunenvironnement favorable, dans lequel chaque citoyendevient acteur de la riposte au sida et ltat esten mesure de maintenir des institutions publiquesefficacesLes objectifs long terme des initiatives visant endiguer la propagation du VIHet fournir soins et appui des millions de personnes infectes par le VIH outouches par lpidmie ne peuvent tre raliss que grce lamlioration desrsultats du secteur public et un rgime de gouvernance participative.Recommandations: Adopter des politiques qui mettent les vritables parties intresses,notamment les personnes infectes par le VIH ou touches par le sida,au centre des ripostes nationales; Mettre en place des mcanismes de protection sociale tels que les allo-cations dinvalidit ou pour cause de maladie chronique et offrir dessecours durgence en tant que composantes essentielles de la lutte contrela pauvret; Accorder un volant budgtaire plus large aux pays africains, afin quilspuissent absorber de manire plus efficace et en temps opportun les sub-ventions quils reoivent;xxx Prservons notre aveir 32. Les commissions lectorales africaines devraient promouvoir la recherche comme fondement des activits qui seront menes lavenir dans le cadre de la riposte au VIH/sida. Prservons notre aveir xxxi 33. 1. VIH et le sidaLa problmatique 1 34. Le problme en brefEntre 1 Africain sur 20 et 1 Africain sur 10 g de 15 40 ans est sropositif et plus de 20 millions dAfricains ont dj succomb lpidmie. Il ny acependant pas quune forme de lpidmie de VIH en Afrique. Dans le continent,le VIH prsente de grandes variations selon les zones gographiques. Les paysdAfrique australe et dAfrique de lEst forment lpicentre de la pandmie dansle monde. LAfrique du Sud compte plus de 1 000 nouveaux cas dinfection parjour, chiffre le plus lev du monde, tandis quau Botswana, au Lesotho, en Na-mibie, au Swaziland et au Zimbabwe, au moins un adulte sur cinq est porteur duvirus. Ce sont l des pays o le mal est hyperendmique selon la classificationdONUSIDA. Par contraste, les taux gnraux dinfection en Afrique de lOuestont constamment baiss, des pays de cette sous-rgion enregistrant entre 1 % et7 % de taux de prvalence chez les adultes. Il sagit toujours dpidmies gnrali-ses dont les foyers sont certains secteurs de la population, tels que les profession-nels du sexe et leurs clients. LAfrique de lEst et lAfrique centrale combinent cesdeux tendances. LAfrique du Nord, en revanche, a un faible taux de prvalencedu VIH, bien au-dessous de 1 %. En 2007, environ 1,7 million de nouvellesinfections VIH se sont produits dans la rgion. La moiti des individus nouvel-lement infects dans la rgion sont des jeunes gs de 15 24 ans et, en majorit,des femmes.Les meilleures donnes statistiques disponibles actuellement indiquent que vers2000, le taux de prvalence en Afrique subsaharienne sest stabilis, un niveaujuste suprieur 6 % pour lensemble de la rgion. Cette moyenne continen-tale masque des variations sous-rgionales. Certaines villes dAfrique de lEst etdAfrique australe connaissent une baisse du taux de prvalence du VIH chez lesfemmes enceintes, tandis quen Afrique de lOuest et en Afrique centrale, le tauxde prvalence est demeur peu prs constant des niveaux infrieurs ceux dureste de lAfrique subsaharienne. Il continue cependant de progresser au Mozam-bique. Il existe plusieurs pays dAfrique australe o le taux de prvalence du VIHcontinue de progresser. Le risque est manifestement lev chez les jeunes femmeset les filles, qui sont deux fois plus susceptibles dtre infectes par le VIH, leurstaux dinfection atteignant parfois le sextuple de ceux de leurs homologues mas-culins dans certaines parties de la rgion.Bien que la prvalence du VIH se soit stabilise, il faut se garder de pavoiser. Leschiffres absolus ont continu de progresser, en raison de la croissance dmogra-phique, sans compter que les effets importants produits par le VIH et le sida enVIH et le sida - La problmatique 3 35. aval tels que le phnomne des orphelins continueront de prendre de lampleurpendant encore des annes. Lpidmie de VIH/sida se prsente telle une longuevague dont le reflux stale sur de multiples dcennies.Les pidmies de VIH/sida en Afrique ont plusieurs moteurs diffrents niveaux:biologique, personnel-comportemental, communautaire et social. Un manquede perspectives conomiques attise les migrations et perturbe les familles. Lesmarchs du travail, en particulier en Afrique australe, sont structurs de tellefaon que les conjoints peuvent rester spars pendant des mois. Les ncessitsconomiques incitent les femmes avoir des rapports sexuels rmunrs et sen-gager dans des relations souvent associes la violence sexuelle ou maintenir cesrelations. Constituant un facteur qui alimente lpidmie, les relations sexuellesimpliquant des jeunes filles et des hommes gs de gnration diffrente sontdevenues une norme sociale acceptable, exacerbes quelles sont par la pauvretfminine.En labsence de mesures efficaces, linfection VIH dbouche sur la maladie etla mort au bout de 10 ou 11 ans. Limpact catastrophique sur le plan dmogra-phique peut se voir aux chiffres de lesprance de vie, lesquels, dans certains paysafricains, sont descendus des niveaux qui navaient pas t enregistrs depuisle milieu du XXe sicle: 40 ans ou moins. Partout en Afrique, le VIH et le sidaminent, dans tous les secteurs et tous les niveaux, des ressources humaines duneimportance vitale. Le virus frappe les secteurs les plus productifs des conomiesafricaines - des adultes dans la force de lge -, privant ainsi des conomies djaux abois de leurs rares comptences, les enfants de leurs parents et le continentdune gnration. Mme si lon prend en compte la stabilisation des taux deprvalence, le dcalage entre linfection, la maladie et en fin de compte la mortsignifie que le pire des effets de la pandmie est encore venir.4 Prservons notre aveir 36. IntroductionL Afrique subsaharienne demeure la rgion la plus touche par lpidmie desida dans le monde. Plus des deux tiers (68 %) de toutes les personnes infec-tes par le VIH vivent dans cette rgion et plus des trois quarts (77 %) de tous lesdcs dus au sida en 2007 sy sont produits. On estime que 1,7 million [fourchettede 1,5 million 2,0 millions] de personnes ont t nouvellement infectes par leVIH en 2007, ce qui porte 22,5 millions [fourchette de 20,9 millions 24,3 mil-lions] le nombre total des personnes vivant avec le virus. Ce chiffre reprsente 6,1 %de la population adulte. Contrairement la situation dans dautres rgions, la ma-jorit des personnes vivant avec le VIH en Afrique subsaharienne sont des femmes,lesquelles reprsentent 61 % des personnes infectes par le VIH et le sida.Il nexiste pas une pidmie unique de VIH et de sida dans le continent. Aucontraire, lAfrique connat un certain nombre dpidmies diffrentes, dont cha-cune a ses caractristiques et ses variations pidmiologiques et sociales propres.Lcrasante majorit des personnes infectes sont porteuses du virus VIH-1, unepidmie bien moins importante due au VIH-2 svissant dans des parties dAfri-que de lOuest. Le prsent chapitre prsente lpidmie en Afrique, sous-rgionpar sous-rgion, commencer par lAfrique australe o la prvalence du VIH estexceptionnellement leve. Selon la classification dONUSIDA, le VIH est hype-rendmique dans cette sous-rgion.Il ressort des donnes actuelles que le taux de prvalence en Afrique sest stabilisdans lensemble, bien quil existe dimportantes variations dun pays lautre.Avec les donnes de meilleure qualit provenant actuellement des enqutesdmographiques, on sait que la prvalence du VIH au sein de lensemble de lapopulation est quelque peu plus faible quon ne le pensait auparavant et que lin-cidence du VIH ( savoir le nombre de nouveaux cas dinfection) a commenc se stabiliser et diminuer la fin des annes 90, la prvalence (nombre total depersonnes infectes) se stabilisant et amorant un dclin vers la fin du millnaire.Bien quils soient de 25 40 % infrieurs aux prcdents, les chiffres en questionrestent absolument rvoltants et lautosatisfaction nest pas de mise. De surcrot,lpidmie de VIH et de sida se prsente telle une longue vague. La mortalitdue au sida a continu de progresser mme aprs que lincidence de la maladie aculmin et cest maintenant seulement quelle commence chuter. Certains paysconnaissent galement une augmentation tardive de la prvalence du VIH, parVIH et le sida - La problmatique 5 37. exemple le Mozambique et lOuganda, dans ce dernier cas aprs des diminutionsapprciables intervenues auparavant.Le prsent rapport concerne les effets de lpidmie de VIH et de sida sur lasocit. Ces effets restent profonds. Dans nombre de pays dAfrique australe,un adulte sur six est sropositif et la probabilit pour une fille ge de 15 ans demourir avant la fin de ses annes de procration sest accrue pour passer de 11 %environ au dbut des annes 80 plus de 30 % de nos jours. Lesprance de vie adiminu de 10 30 ans au cours de la mme priode. Par suite de ces mutationsdmographiques, il y a moins de personnes dans les groupes dge de 25 50 anspour assurer la reproduction de la socit et contribuer la gestion des affairesnationales, que ce soit dans le secteur public, le secteur priv ou les milieux reli-gieux ou sociaux (voir encadr 1.1).Les taux dinfection ne cernent que partiellement la crise. Bien plus de 100 mil-lions de personnes en Afrique subsaharienne sont touches par linfection, lin-validit ou le dcs dun membre de la famille cause du VIH et du sida. Ondoit ajouter ce nombre les personnes qui sont affectes moins directement dansles familles largies, les collgues sur le lieu de travail, les amis intimes dans lescommunauts de foi et dautres associations, qui sont nanmoins profondmenttouchs par la mort dun ami ou dun mentor. Il se peut que la moiti de la popu-lation entire de lAfrique ressente directement les effets de lpidmie.Encadr 1.1.Consquences dmographiques du VIH/sida en Afrique subsaharienne Forte augmentation de la mortalit. Plus de 20 millions dAfricains sont morts et, dici 2025, la taille de la population des pays dAfrique australe devrait tre rduite de 20 30 % que cela ne serait le cas en labsence de sida. Au Botswana et au Zimbabwe,le taux de croissance dmographique est infrieur 1 % par an. On prvoit que lamortalit chez les femmes en ge de procrer progressera de 11 % en 1980 40 %en 2010 (Dpartement des affaires conomiques et sociales de lONU, 2007). Recul de lesprance de vie. Lesprance de vie moyenne en Afrique subsaharienne achut pour descendre de 62 ans au cours des annes 1990 - 1995 48 ans au coursdes annes 2000 - 2005 et dans six pays (Botswana, Lesotho, Rpublique centrafric-aine, Swaziland, Zambie et Zimbabwe), elle est infrieure 40 ans. Impact disproportionn sur les femmes. Plus de 60 % des personnes vivant avec leVIH et le sida en Afrique subsaharienne sont des femmes. Le taux de prvalence estmaximal chez les jeunes femmes (ges de 15 24 ans), qui se heurtent galement,dans une plus grande mesure, des prjugs sexistes en ce qui concerne les tudes,les emplois, les salaires et laccs aux soins de sant. Nombre accru dorphelins. LAfrique a vu le nombre des enfants qui ont perdu lun ou lautreparent en raison du sida se multiplier par 13 depuis 1990 pour atteindre 12 millions en 2007.6 Prservons notre aveir 38. Figure 1.1.Taux estimatifs de prvalence du VIH chez les adultes dans les paysafricainsTunisie Marocal ntAlgrie de Libyeci gypteocrahaSa Mauritanie Mali Nigerrythre Cap-VertSngalTchad Gambie SoudanGuine-BissauDjiboutiBurkina FasoGuine Bnin Nigriathiopie TogoSierra Leone GhanaCte dIvoireRpubliqueLibria centrafricaineie Camerounal m Guine quatoriale SoSao Tom-et-PrincipeOuganda Kenya GabonongRwandaCoBurundi Rpublique dmocratique du Congo Tanzanie Seychelles MalawiAngolaComoresPrvalence du VIH, 2006Zambie e(personnes ages de 15 49 ans) qubi amoz Zimbabwe M ar < 1%asc Namibie jusqu 5% Botswana dagMa jusqu 10% jusqu 20%Swaziland > 20% LesothoAfrique Aucune donnedu SudSource: ONUSIDA/OMS, RAPPORT MONDIAL SUR LE DVELOPPEMENT HUMAIN, 2006Limpact dmographiqueDes donnes sur la prvalence du VIH/sida montrent que lpidmie avait suiviune courbe ascendante nette dans les annes 90, avant de se stabiliser et de mar-quer un lger recul. Le moment et les caractristiques de ce recul varient dunpays lautre, certains ayant rsist la vague. Mais la prudence doit tre de mise.Dabord, lpidmie a progress trs vite mais ne baisse que trs lentement- avecun taux de prvalence en Afrique subsaharienne de loin plus lev que partoutailleurs dans le monde. Ensuite, le nombre de personnes vivant avec le VIH/sidane cesse daugmenter en valeur absolue, compte tenu, dune part, de la croissancedmographique, qui contrebalance le lger recul de la prvalence et, dautre part,de la disponibilit de traitements qui prolongent la vie des personnes vivant avec VIH et le sida - La problmatique 7 39. le sida. Cela signifie, en retour, que le nombre de personnes qui tombent mala- des et meurent de maladies lies au sida est toujours en hausse. Troisimement, les facteurs favorisant la propagation de la maladie demeurent, de mme que le risque dune pousse de celle-ci. Mais la dernire raison est la plus importante: Limpact du VIH/sida (en termes de nombre de dcs parmi les adultes et dor- phelins) et les autres contrecoups rsultant de la perte de ressources humaines par la socit et lconomie continueront de saggraver. La majorit de lAfrique continuera dprouver les pleins effets du VIH/sida durant les dcennies venir. Dans les pays connaissant un taux de prvalence national lev, des changementsPlus des dmographiques significatifs soprent. Il sagit notamment dune augmentationtrois quarts de tous les dcs dus ausensible des taux de mortalit, dune diminution de lesprance de vie, dinciden-sida dans le monde ces hors de proportion sur les femmes et de changements fondamentaux dans laen 2007 se sontcomposition des mnages. Lessentiel des donnes sur les changements dmogra-produits en Afriquephiques vient dAfrique australe, rgion o la pandmie est plus rpandue et o subsaharienne.les efforts pour en comprendre les consquences sont trs cibls. Davantage dAfricains meurent plus jeunes cause du VIH/sida Le VIH/sida constitue le principal facteur de ralentissement de la croissance dmographique (figure 1.2). Le taux de croissance de la population dans certains pays de la rgion devrait tre, dans quelques annes, proche de zro (figure 1.3); (les prcdentes prvisions de dclin dmographique ont t rvises). Dici lan 2015, les populations dAfrique du Sud, du Botswana, du Lesotho, du Swaziland et du Zimbabwe stagneront parce que le nombre des dcs largement dus au sida quivaudra presque celui des naissances. Figure 1.2. Le sida entrane la baisse de la croissance dmographique en Afrique du SudTaux annuel de croissance dmographique 2.5 Personnes2srongatives 1.5 Personnes sropositives1 0.50-0.500 -45 -40-05-25 -10-35 -955 -30 -20-50 -1 -20 4035 00 2005 30 90102515 45 95 2020 20 2020 20 19 202020 20 19 Source: Dpartement des affaires conomiques et sociales de lONU/Division de la population, 2005b 8 Prservons notre aveir 40. En Afrique du Sud, le sida reprsente entre 30 et 40% des causes de dcs chezles adultes en 2003 -2004, contre 10% en 1999-2000. Les dcs lis au sida seproduisent spcialement parmi les jeunes et les adultes gs de 24 50 ans (figure1.13). Les femmes meurent gnralement plus jeunes (entre 20 et 35 ans) que leshommes (entre 30 et 45 ans).Figure 1.3.La majorit deLes taux de croissance dmographique seront proches de zro danslAfrique continueracertains pays dAfrique australe (Projection des taux de croissancedprouver lesannuelle de la population (en %)) pleins effets du3.5VIH/sida durant lesB ot swa na dcennies venir. 3Z im babw eAfrique du Sud2.5ZambieNamibie 2Swa ziland1.5 10.5 01990-19951995-20002000-2005 2005-20102010-20152015-2020-0.5-1Source: Dpartement des affaires conomiques et sociales de lONU/Division de la population, 2005bLes enfants aussi meurent en grand nombre: ils contractent le VIH avant leurnaissance ou peu aprs et ne reoivent pas les soins escompts, leurs parents tantmalades ou morts. Au Cameroun, le taux de mortalit infantile tait de 82 dcspour 1000 naissances vivantes entre 1990 et 1995 et de 88 pour 1000 entre2000 et 2005. Au Kenya, il tait de 64 dcs pour 1000 naissances vivantes entre1990 et 1995 et de 69 pour 1000 entre 2000 et 2005. Sans le sida, le recul dela mortalit infantile se serait poursuivi dans les deux pays (Dpartement desaffaires conomiques et sociales de lONU/Division de la population, 2005b). Letaux de mortalit chez les enfants de moins de 5 ans est galement lev au Zim-babwe. Il tait de 114 dcs pour 1000 naissances vivantes entre 2000 et 2005,soit plus du double des 54 pour 1000, chiffre auquel il aurait d se situer sans lesida (Dpartement des affaires conomiques et sociales de lONU/Division de lapopulation, 2005a).VIH et le sida - La problmatique 9 41. Figure 1.4 Les adultes jeunes et dge mr sont les plus touchs Nombre de dcs par groupe dge en Afrique du Sud, au Botswana, au Lesotho, en Namibie et au Swaziland (en milliers) 700 600 Plus de 500400 000 jeunes 1985-1990 enfants africains 400 2000-2005 sont infects parle VIH chaque300 anne et faute 200dun traitementappropri, la100grande majorit dentre eux00-5 5-10 10-15 15-20 20-25 25-30 30-35 35-40 40-45 45-50 50-55 55-60 60-65 65-70 70-75 75-80 80-85 85-90 90-95 95- 100ne vivront pas longtemps, Source: Dpartement des affaires conomiques et sociales de lONU/Division de la population, 2005b gnralementmoins de trois ans Plus de 400 000 jeunes enfants africains sont infects par le VIH chaque anne. Faute dun traitement appropri, la grande majorit dentre eux ne vivront pas longtemps, gnralement moins de trois ans. On estime 2 millions le nombre denfants vivant avec le VIH et prs de 350 000 le nombre de ceux qui en sont morts en 2007. Mme quand les enfants sont protgs de linfection, il est peu probable que leurs parents reoivent le traitement ncessaire pour survivre, ce qui fait deux des orphelins. La maladie et le dcs dadultes rduisent la capacit des mnages de se prendre en charge. Le taux de personnes charge augmente, dans la mesure o il reste peu dadultes en vie pour prendre soin des enfants et des personnes ges. Les membres les plus gs des familles tendues contribuent grandement prendre en charge les survivants des familles affectes et les soutenir. La perte dun homme adulte peut laisser les femmes et les enfants survivants sans gure de ressources conomiques et de contrle sur les terres et les quipements. Celle dune femme adulte peut se traduire pour ses enfants par une sous-alimentation aggrave et, de manire gnrale, un manque de soins. Les Africains meurent plus jeunes cause du VIH/ sida En raison des forts taux de mortalit chez les enfants en bas ge et les jeunes adul- tes, lamlioration de lesprance de vie stagne ou recule (figure 1.14). Actuelle- ment, lesprance de vie moyenne en Afrique subsaharienne est de 48 ans, contre 62 ans en 1990-1995. Au Swaziland, elle tait de 33 ans en 2000-2005 alors 10Prservons notre aveir 42. quelle aurait t de 64 ans sans le sida. Au Botswana, au Lesotho, au Malawi,en Rpublique centrafricaine, au Swaziland, en Zambie et au Zimbabwe, lesp-rance de vie natteint pas 40 ans. Elle aurait t dans chacun de ces sept pays de53 ans au moins sans le sida (Dpartement des affaires conomiques et socialesde lONU/Division de la population, 2005b). Au Botswana, lesprance de vie aconnu une chute sans pareille depuis 1950.Figure 1.5.Le sida rduit lesprance de vie Annes70 B o tsw ana M o zam b iq ue65 Afrique du Sud60 Z im b abw e5550454035301980-85 1985-90 1990-95 1995-00 2000-052005-10Source: Dpartement des affaires conomiques et sociales de lONU/Division de la population, 2003Le VIH/sida touche davantage les femmes que les hommesLes femmes sont, plus que les hommes, exposes au risque dinfection par le VIH.Prs de 60% des personnes vivant avec le sida en Afrique subsaharienne sont desexe fminin, et le continent compte prs des 80% des femmes vivant avec levirus dans le monde (figure1.6). Les jeunes femmes ges de 15 24 ans fontface des dsavantages encore plus grands, dont certains sont socioconomiques(en matire de scolarit, daccs lemploi, de niveau de rmunration, daccsaux soins de sant prventive et curative) et dautres biologiques (vulnrabilit linfection vaginale et labrasion); (figure 1.6). Au sein de ces jeunes groupesdge, les femmes reprsentent plus des trois quarts des personnes vivant avec leVIH dans les pays les plus touchs du continent. Une tude mene Kisumu,au Kenya, a montr que ctait dans la tranche dge de 15 19 ans quon trouvele taux de prvalence du VIH le plus lev (23 % pour les filles et 3,5% pour lesgarons). Daprs une enqute mene en 2000 Bobo-Dioulasso, au Burkina VIH et le sida - La problmatique 11 43. Faso, les taux dinfection chez les jeunes filles ges de 13 24 ans taient de cinq huit fois suprieurs ceux enregistrs chez les garons de la mme tranche dge (Buv et al., 2001). Ce sont les femmes qui sont non seulement les plus exposes aux risques din- fection mais aussi les plus svrement affectes par la maladie. Elles ont toutes les chances de voir leurs revenus chuter si un homme adulte perd son emploi et Face auVIH/sida, lesmeurt. Il arrive quelles soient obliges de renoncer des activits gnratrices femmes, plusde revenus ou de sacrifier leur scolarit pour soccuper de parents malades. Elles que les hommes, nont quun accs limit aux services publics dassistance. Dans lest du Zim-souffrent de lababwe, seuls un tiers des veuves danciens employs reoivent une pension destigmatisation et de veuve, et moins de 2% des mnages affects sont aids par les services sociaux la discriminationfaire face aux frais de scolarit, au cot de logement ou la subsistance (Mushati et al., 2003). Figure 1.6 LAfrique comptait, en 2003, 79% des femmes vivant avec le VIHAmerique Europe etlatine et Amrique du NordCarabes5% 4% Asie etPacifique14% Afrique77% Source: ONUSIDA/OMS, 2006 Face au VIH/sida, les femmes, plus que les hommes, souffrent de la stigmatisa- tion et de la discrimination, qui multiplient les entraves leur accs au dpistage, au traitement et aux soins. La lutte pour lgalit entre les sexes commence dans la famille, principal lieu de stigmatisation, de discrimination et de violence lencontre des femmes. Des tudes confirment que ce nest pas seulement leur sropositivit qui dtermine les modifications intervenant dans la vie des femmes, mais aussi (et parfois davantage) la raction de leur conjoint/partenaire face la nouvelle situation de crise au sein de la famille (CVGA, 2004 b). Ainsi, de nombreuses femmes hsitent se soumettre des tests de dpistage du VIH ou dvoiler leur sropositivit, mme leur mari. La discrimination existe aussi12 Prservons notre aveir 44. sur le lieu de travail et au sein des communauts, rendant plus difficile pour lesfemmes de revendiquer lgalit de traitement et de soins. Il faut toutefois sou-ligner que les femmes, plus nombreuses que les hommes accder aux servicesde soins, sont galement plus disposes que ceux-ci participer aux programmesde traitement, contrairement aux attentes. Le message vhicul dans lapprochedite ABC (abstinence, fidlit au partenaire, utilisation du prservatif ) que pro-meuvent de nombreuses campagnes de lutte contre le VIH/sida, accentue, dansLe nombrecertains cas, la stigmatisation, les pouses sropositives tant injustement accusestotal dorphelinsde liaisons extraconjugales (pour plus de dtails, voir chapitre 3 sur la prventionet la proportiondu VIH/sida). dorphelins du sidaaugmenteront dans les prochainesLe nombre dorphelins a augment annesCe sont les enfants qui sont les plus vulnrables aux contrecoups du VIH/sida.La mort jeune et en grand nombre des parents modifie les structures sociales(CVGA, 2004 d, e). Il en rsulte une augmentation rapide du nombre dorphe-lins. On estime 841 000 le nombre denfants dAfrique subsaharienne devenusorphelins en 1990, suite la mort, cause du sida, de lun des parents ou desdeux la fois. En 2005, ils taient plus de 12 millions soit 13 fois plus en les-pace dune dcennie seulement (UNICEF, 2006). Selon les prvisions, ce nombreaugmentera encore avant de se stabiliser. Ce sont gnralement des mcanismesfamiliaux traditionnels qui permettent de prendre en charge les orphelins, parexemple en les absorbant dans des structures familiales existantes (CVGA, 2004d, e). Or, ces structures de protection, que sont les familles tendues et les com-munauts, se trouvent sous forte tension du fait du nombre croissant dorphelinsdont elles sefforcent de prendre soin. Elles nen assument pas moins le lourd far-deau de cette obligation. La perspective dune augmentation rapide du nombrede mnages dirigs par des enfants ne sest pas ralise. Mais peu de soutien ext-rieur a t fourni aux familles pour leur permettre de sacquitter de cette tchesociale essentielle (Foster, 2005).VIH et le sida - La problmatique 13 45. Figure 1.7 Les orphelins du sida sont de plus en plus nombreux Botswana 15 Zimbabwe14 Zambie 11Lesotho10Tanzanie 7 Swaziland11 Rp. centrafricaine 6 Malawi7Afrique du Sud 6Namibie6Kenya4Ouganda5 0 2 4 6 8101214 16 18 20Enfants orphelins du sida (en %) Totalit des enfants orphelins pour dautres raisons (en %) Source: UNICEF, ONUSIDA et USAID, 2004 Les enfants orphelins du sida reprsentent une part de plus en plus importante du nombre dorphelins en gnral (figure 1.7). Cependant, dans la moiti des pays dAfrique subsaharienne, ils reprsentent plus de 20 % de la totalit des orphelins et, dans 10 de ces pays, ce pourcentage atteint 40 % (Tadria 2004). Le nombre total dorphelins et la proportion dorphelins du sida augmenteront dans les prochaines annes. On estime que lAfrique comptera 16 millions dorphelins en 2010. Ces tendances ont des incidences directes sur la pauvret qui se perptue de gnration en gnration et elles constituent un dfi immense pour les respon- sables de llaboration des politiques (encadr 1.2). Encadr 1.2 Comment prendre en charge les orphelinsAmliorer la capacit des familles et des communauts de rpondre aux besoinspsychosociaux des orphelins et des autres enfants vulnrables est important pourprotger les enfants qui sont sropositifs ou qui vivent dans des familles touchespar le VIH/sida et pour leur garantir un avenir durable.Renforcer la capacit des familles et des communauts de faire face aux difficultsconomiques peut rduire la vulnrabilit des orphelins face la pauvret et auxtraumatismes psychosociaux.14 Prservons notre aveir 46. Le placement dans des tablissements spcialiss peut se rvler essentiel pour lesenfants qui nont pas de famille proche pour prendre soin deux, en particulier dansle cas de ceux qui sont sropositifs. La prise en charge par les communauts localespermet de lutter contre la stigmatisation, de dispenser une ducation communautaireet de renforcer les capacits. Surveiller la situation des orphelins, quils soient placs dans des tablissementsspcialiss, des familles daccueil ou quils vivent dans des familles dont le chef estun enfant, est trs important pour leur protection et leur bien-tre.Le VIH/sida modifie la composition des mnages mesure que la structure de la population change, la taille et la composition desmnages voluent galement. Parfois, les mnages ruraux touchs par un dcstentent de compenser cette perte en demandant aux membres de la famille ins-talls en ville de revenir la campagne. Les incidences du dcs dun adulte surla composition du mnage dpendent du rle que jouait le dfunt au sein dumnage. Dans les zones rurales du Kenya, par exemple, la taille des mnages adavantage tendance diminuer la mort des femmes adultes; en effet, en pareilcas, les garons sont envoys chez dautres membres de la famille tandis que lesfilles sont places ou amenes se marier. En revanche, le dcs dun hommeadulte entrane gnralement une rduction moindre, bien que sensible, de lataille du mnage (Yamano et Jayne 2004). Les veufs ont plus de chances de seremarier que les veuves (Mather et autres 2004).Les tudes montrent qu la suite de la mort dun adulte dge mr, les mnagespeuvent se prsenter sous les formes suivantes: Mnages dirigs par des personnes ges qui se chargent des jeunes enfants; Mnages de grande taille comprenant des enfants recueillis ou des orphelins trangers la famille; Mnages au sein desquels des groupes denfants sont pris en charge, officiel- lement ou non, par des voisins; Mnages se limitant un adulte (homme ou femme) sans enfants; Mnages dirigs par une femme (de plus en plus nombreux); Mnages dont le chef est un enfant, au sein desquels des enfants plus gs (ou de jeunes adultes) se chargent de leurs frres et surs; Mnages dissous dont les membres sont disperss.Au Sngal, o le taux de prvalence du VIH est faible, on constate que les mna-ges ont tendance se disperser avant et aprs le dcs dun homme chef de familleatteint par le virus (Niang et Van Ufford, 2002). Une consquence de la pand-mie est lapparition dun nombre croissant de mnages dirigs par des femmes,VIH et le sida - La problmatique 15 47. lesquels constituent une des catgories les plus pauvres en Afrique. Il importe de faire remarquer que les veuves du sida sont plus jeunes que les veuves en gnral et, par consquent, quelles ont souvent des enfants charge dont elles doivent soccuper et qui ne peuvent contribuer aux travaux agricoles ou dautres acti- vits gnratrices de revenus (Topouzis 2004). Dans tout le continent africain, lvolution de la composition des mnages est telle quelle a des incidences long terme sur les moyens de subsistance et sur la rduction de la pauvret, la pro- ductivit et les stratgies de dveloppement nationales. Les dirigeants politiques qui pensaient que les mnages africains, de par leurs caractristiques, seraient mme dabsorber limpact du VIH et du sida, seront vraisemblablement amens reconnatre que la modification de la composition des mnages compromet fortement la capacit de raction de ceux-ci face cette tche, en labsence dune aide complmentaire. Des donnes denqutes synthtises par lUnicef (2006) montrent que les mna- ges qui prennent en charge des orphelins ont des taux de dpendance plus impor- tants que ceux des autres mnages et les enqutes menes Blantyre au Malawi et dans 21 districts au Zimbabwe, montre que par rapport aux autres enfants, les orphelins ont systmatiquement moins de biens matriels lmentaires comme une couverture, des chaussures ou deux ensembles dhabits. Principaux moteurs de la pandmie de VIH et de sidaLes variations des taux de prvalence du VIH et du sida entre les diffrents pays dAfrique subsaharienne ne peuvent simplement sexpliquer par la date laquelle la maladie y est apparue. Les taux de prvalence sont rests stables (et, dans cer- tains cas, faibles) dans plusieurs pays o la maladie est apparue depuis longtemps, alors quils ont connu une augmentation fulgurante dans dautres pays o elle nest apparue que rcemment. Ces variations ne sexpliquent pas non plus enti- rement par les diffrents sous-types de VIH-1 en prsence (Morison et autres 2001). Selon une thse rpandue suppose expliquer les taux de prvalence levs dans les pays dAfrique australe, cela tiendrait aux comportements sexuels qui y sont caractristiques, savoir quun nombre lev dhommes comme de femmes y ont des partenaires multiples. Cette explication a t conteste au motif que la pratique consistant avoir des partenaires multiples est rpandue dans dautres pays, que ce soit en Afrique ou dans le reste du monde, et ce parmi des popula- tions au sein desquelles les taux de prvalence du VIH ne sont pas aussi levs. L encore, ce facteur ne peut lui seul expliquer les variations des taux de prvalence du VIH entre les diffrentes rgions dAfrique subsaharienne (Caral 1995), et il convient cet gard de prendre en compte un ensemble dlments interdpen-16 Prservons notre aveir 48. dants (Buv et autres 2001). Parmi eux, la circoncision, la prsence dautres mala-dies sexuellement transmissibles (dont la prvalence peut dpendre de facteurstels que la sensibilisation du public, le cot du dpistage et des traitements et lespossibilits daccs ceux-ci), la prcocit des premiers rapports sexuels chez lesfilles et le fait davoir des partenaires multiples (figure 1.8).Toutefois, dun point de vue gnral, on ignore encore quelles sont les raisonsprcises de ces variations de la situation pidmiologique en Afrique. Pour biencomprendre et juguler la pandmie, et en attnuer les consquences, il est nces-saire de mener davantage de recherches pluridisciplinaires et dinstaurer un dia-logue entre les sociologues, les dirigeants politiques, les entreprises, les autoritsreligieuses, les organisations non gouvernementales et les personnes atteintes duVIH/sida. Cela exige une bonne gouvernance et une direction avise des affairespubliques, sagissant de dterminer quelles sont les personnes quil convient deconsulter et comment les ressources sont alloues, ainsi quune volont politique,puisquil sagit aussi doser soulever des questions dlicates, de sintresser aux fac-teurs qui contribuent la propagation de la pandmie et den parler ouvertement,ainsi que damener toutes les composantes de la socit lutter contre ce flau.La prsente section porte sur certains des principaux moteurs de la pandmie desida en Afrique. Ceux-ci entrent dans quatre grandes catgories: les facteurs bio-logiques et physiologiques, les facteurs socioculturels, les facteurs conomiqueset les facteurs politiques. Il convient toutefois de faire remarquer que, premire-ment, tous ces facteurs sont interdpendants et indissociables et sont intimementlis la dynamique des structures politiques, conomiques et sociales. Deuxime-ment, on ne peut dterminer avec certitude dans quelle mesure chaque catgoriede facteurs influe sur la propagation et laggravation de la pandmie.VIH et le sida - La problmatique 17 49. Figure 1.8 Facteurs multiples contribuant la pandmie de VIH Risques professionnelsFacteurs Pauvret et Chmageconomiquesingalits conomiques Pauvret urbaineInsuffisances Pauvretdes systmesMigrationruralede santProtectionmain-duvre sociale et Prostitution Vulnrabilit Rapportsjuridique desdes enfants sexuels groupesmonnaysIncomeouInstabilit vulnrablestransactionnels politiqueIngalits entre lesStigmatisationPauvrets InsuffisanceMilitairesFacteurssexes et discrimination des mnages du cadrepolitiqueslgislatif Facteurs socioculturelsEfforts visant Migrations Comportements Mauvaises amliorer laforces sexuelsrgles prvention, lesAttitudes masculinsDirectiondhyginepolitique traitements etlgard desles soinsprservatifs Prise de drogues Conflits et par voie violence Rapports Partenariats intraveineuse Existence dautresLviratsexuelssexuels intergnra- multiplesmaladies tionnelssexuellementViolencesDficiences transmissiblessexuellesnutritionnellesPratiquessexuellesCirconcisionFacteurs sexuelsdangereusesNettoyage Physiologie (masculin)Homo -sexuelfmininesexualit Rseaux de Facteurs biologiqueset partenaires sexuelsphysiologiques Facteurs biologiques et physiologiques La physiologie fminine rend les femmes plus vulnrables. La physiologie fmi- nine rend les femmes plus vulnrables que les hommes la transmission du VIH/ sida lors de rapports vaginaux non protgs (encadr 1.3). Le risque pour les jeunes femmes et les jeunes filles dtre infectes lors de rapports sexuels non pro- tgs avec un homme atteint par le virus est particulirement lev, tant donn qu leur ge la paroi du col utrin nest pas encore compltement forme (ONU- SIDA/OMS 2004). Ainsi, lorsquun nombre important de jeunes femmes et de jeunes filles ont des rapports sexuels risque avec des hommes porteurs du virus, des facteurs physiologiques et sociologiques peuvent sassocier et augmenter de faon significative le risque de propagation du VIH.18 Prservons notre aveir 50. Encadr 1.3Les femmes et les jeunes filles: donnes essentielles La probabilit pour les femmes et les jeunes filles de contracter le VIH lors dun seulrapport sexuel non protg est deux fois plus leve. Les femmes et les jeunes filles dpendent du bon vouloir de leur partenaire pour seprotger de linfection; souvent, elles ne peuvent choisir de sabstenir davoir desrapports sexuels ou insister pour que leur partenaire utilise un prservatif. Les femmes et les jeunes filles sont moins touches par les campagnes de prven-tion, notamment parce quelles ont moins de possibilits dtre scolarises, que leurtaux dalphabtisation est moins lev et que leur position sociale et conomiqueest plus faible. La charge que reprsentent les travaux mnagers et la prise en charge des membresde la famille atteints par la maladie est plus lourde pour les femmes et les jeunesfilles. Les femmes et les jeunes filles ont parfois un accs limit aux soins et aux traite-ments.Source: CVGA, 2004d.Les autres maladies sexuellement transmissibles augmentent les risques decontracter le VIH/sida. Il semblerait que les forts taux dinfection par le virus delherps simplex du type 2 (HSV-2) constituent lun des facteurs qui caractrisentla pandmie en Afrique australe: le fait dtre infect par le HSV-2 augmente laprobabilit de contracter le VIH, et inversement (Weiss, Quigley et Hayes 2000;Del Mar et autres 2002). Des taux dinfection par le HSV-2 trs levs ont tconstats dans plusieurs pays o les taux de prvalence du VIH sont importants,dont lAfrique du Sud, la Tanzanie et le Zimbabwe (Hayes et autres 1998, McFar-land et autres 1999, Auvert et autres 2001, Baeten et autres 2005). La propaga-tion du HSV-2 et dautres maladies sexuellement transmissibles est notammentdue au fait que ces maladies sont rpandues tant chez les hommes que chez lesfemmes mais que les systmes de sant ne sont pas en mesure de correctementles identifier ou les traiter. Plusieurs tudes menes en Afrique ont montr queles taux de traitement des maladies sexuellement transmissibles avaient diminuaprs que les soins de sant sont devenus payants en application de rformesstructurelles.La circoncision rduit les risques de contracter le VIH/sida. Des donnes rcentes(analyses plus en dtail au chapitre 3) montrent indiscutablement que la circon-cision joue un rle important dans la protection contre le VIH.VIH et le sida - La problmatique 19 51. Facteurs socioculturels En Afrique, comme dans dautres rgions du monde, les normes et valeurs cultu- relles ont une incidence sur lpidmie, divers gards et de diffrentes manires. Toutefois, en Afrique, bon nombre de facteurs culturels qui influent sur lpid- mie et sur la riposte sont spcifiques au continent. Aussi est-il ncessaire de connatre et de comprendre ces facteurs et normes cultu- rels spcifiques pour lutter contre lpidmie. Le dbat et laction concernant cer- taines questions que de nombreuses socits et collectiv