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17 TechniPorc, Vol. 33, N°1, 2010 - la revue technique de l’IFIP Synthèse Yannick RAMONET (1) Estelle CHOPIN (1) Marie-Estelle CAILLE (1) Aude DUBOIS (2) E lever des truies en grands groupes au DAC (Distributeur Automatique de Concentré) amène à modifier les pratiques d’élevage par rapport au système où les truies sont bloquées. L’aménagement de la salle est conçu pour répondre à quelques règles illustrées dans une première communication (Ramonet et al., 2009). Le présent article poursuit la présentation des résultats obtenus lors d’une enquête réalisée dans 18 élevages équipés de DAC. Le comportement des truies doit être pris en compte pour faciliter la conduite du troupeau. Résumé La conduite du troupeau de truies logées avec un système DAC (Distributeur Automatique de Concentré) est précisée à partir de l’enquête réalisée auprès de 18 élevages équipés. Cet article complète celui sur le mode de logement publié dans le précédent numéro de TechniPorc (Ramonet et al., 2009). L’enquête présente les pratiques des éleveurs à des étapes clés : introduction des truies dans le groupe, apprentissage des stations d’alimentation par les cochettes, mise en service du DAC dans les élevages nouvellement équipés. L’observation du comportement montre que la fréquence des combats entre truies diminue rapidement pour devenir faible dès 3 h après le regroupement. Un test d’approche traduit la qualité de la relation homme- animal dans les groupes. Conduire un troupeau de truies au DAC Prendre en compte le comportement de l’animal Avec les systèmes DAC, il est possible de trou- ver des groupes de 300 truies circulant libre- ment dans une case de plus de 650 m². Dans cet environnement, la truie devra vivre avec d’autres femelles qu’elle ne connaît pas, trouver une place pour se coucher, attendre son tour pour entrer dans un couloir étroit afin de s’ali- menter,… et bien sûr passer sa gestation sans encombre afin que l’éleveur puisse la transférer en maternité pour mettre bas. A partir de ces quelques remarques, on comprend aisément que la conduite du troupeau est essentielle à la fois pour la truie dans le but de faciliter la gesta- tion et pour l’éleveur vis-à-vis de ses conditions de travail. La conduite du troupeau influence le com- portement de la truie au sein du groupe. Il se manifeste par des interactions sociales entre les truies qui se traduisent par un stress pour cer- tains individus (Jensen et al., 2000 ; Strawford et al., 2008). Stress qui peut engendrer des troubles de la reproduction. Le challenge est alors de permettre à la truie de poursuivre sa gestation en évitant les conséquences néfastes d’un stress lié à la vie en groupe, sur sa repro- duction (Einarsson et al., 2008). L’analyse des données GTTT des élevages qui logent les truies en groupes montre que ceux équipés de DAC affichent une meilleure pro- lificité des truies mais également un taux de renouvellement plus élevé (Badouard et Courboulay, 2009). La gestion du trou- peau est essentielle pour faire en sorte que le regroupement de femelles se passe sans problèmes L’aménagement du bâtiment participe à réduire les tensions entre les truies en offrant des zones de vie différen- ciées pour chaque individu (Ramonet et al., 2009). Le présent article fait le point sur la conduite du troupeau et les observations relatives au comportement des truies. Le troupeau est géré en 7 bandes dans 13 éleva- ges sur les 18 enquêtés, les autres conduites ren- contrées étant 4, 10, 20 et 21 bandes. Le loge- ment des truies en groupes n’a pas entraîné de changement du nombre de bandes. Lorsque les truies sont en groupes, la conduite est i) statique où le groupe correspond à la bande de truies et n’est pas modifié une fois formé ou ii) dynamique où le groupe correspond à un mélange de truies provenant de bandes diffé- rentes. Ce dernier groupe est recomposé : cha- que départ de truies vers la maternité est suivi de l’incorporation de nouveaux individus. Gérer la reproduction La réglementation permet de loger les femel- les en stalle individuelle jusqu’à 28 jours après l’insémination avant de les transférer en groupes. Trois stratégies différentes sont adoptées par les éleveurs pour gérer la repro- duction des truies entre le moment où elles quittent les salles de maternité et celui où elles sont logées en groupes au DAC. • Les truies sont bloquées dans une salle de verraterie, jusqu’à la confirmation de la gesta- tion 28 jours après l’insémination (9 élevages concernés). La conduite de l’insémination et la (1) Chambres d’agriculture de Bretagne ; (2) Chambre d’agriculture des Pays de la Loire

Conduire un troupeau de truies au DAC · Les résultats de reproduction des truies de l’échantillon enquêté n’ont pas été analysés et ne nous permettent pas de préconiser

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Page 1: Conduire un troupeau de truies au DAC · Les résultats de reproduction des truies de l’échantillon enquêté n’ont pas été analysés et ne nous permettent pas de préconiser

RésuméL’arti

17 TechniPorc, Vol. 33, N°1, 2010 - la revue technique de l’IFIP Synthèse

Yannick RAMONET (1)

Estelle CHOPIN (1)

Marie-Estelle CAILLE (1) Aude DUBOIS (2)

Elever des truies en grands groupes au DAC (Distributeur Automatique de Concentré) amène à modifier les pratiques d’élevage par rapport au système

où les truies sont bloquées. L’aménagement de la salle est conçu pour répondre à quelques règles illustrées dans une première communication (Ramonet et al., 2009). Le présent article poursuit la présentation des résultats obtenus lors d’une enquête réalisée dans 18 élevages équipés de DAC. Le comportement des truies doit être pris en compte pour faciliter la conduite du troupeau.

RésuméLa conduite du troupeau de truies logées avec un système DAC (Distributeur Automatique de Concentré) est précisée à partir de l’enquête réalisée auprès de 18 élevages équipés.

Cet article complète celui sur le mode de logement publié dans le précédent numéro de TechniPorc (Ramonet et al., 2009).

L’enquête présente les pratiques des éleveurs à des étapes clés : introduction des truies dans le groupe, apprentissage des stations d’alimentation par les cochettes, mise en service du DAC dans les élevages nouvellement équipés.

L’observation du comportement montre que la fréquence des combats entre truies diminue rapidement pour devenir faible dès 3 h après le regroupement.

Un test d’approche traduit la qualité de la relation homme-animal dans les groupes.

Conduire un troupeau de truies au DAC

Prendre en compte le comportement de l’animal

Avec les systèmes DAC, il est possible de trou-ver des groupes de 300 truies circulant libre-ment dans une case de plus de 650 m². Dans cet environnement, la truie devra vivre avec d’autres femelles qu’elle ne connaît pas, trouver une place pour se coucher, attendre son tour pour entrer dans un couloir étroit afin de s’ali-menter,… et bien sûr passer sa gestation sans encombre afin que l’éleveur puisse la transférer en maternité pour mettre bas. A partir de ces quelques remarques, on comprend aisément que la conduite du troupeau est essentielle à la fois pour la truie dans le but de faciliter la gesta-tion et pour l’éleveur vis-à-vis de ses conditions de travail. La conduite du troupeau influence le com-portement de la truie au sein du groupe. Il se manifeste par des interactions sociales entre les truies qui se traduisent par un stress pour cer-tains individus (Jensen et al., 2000 ; Strawford et al., 2008). Stress qui peut engendrer des troubles de la reproduction. Le challenge est alors de permettre à la truie de poursuivre sa gestation en évitant les conséquences néfastes d’un stress lié à la vie en groupe, sur sa repro-duction (Einarsson et al., 2008).L’analyse des données GTTT des élevages qui logent les truies en groupes montre que ceux équipés de DAC affichent une meilleure pro-lificité des truies mais également un taux de renouvellement plus élevé (Badouard et Courboulay, 2009). La gestion du trou-peau est essentielle pour faire en sorte que le regroupement de femelles se passe sans problèmes L’aménagement du bâtiment participe à réduire les tensions entre les

truies en offrant des zones de vie différen-ciées pour chaque individu (Ramonet et al., 2009).Le présent article fait le point sur la conduite du troupeau et les observations relatives au comportement des truies.

Le troupeau est géré en 7 bandes dans 13 éleva-ges sur les 18 enquêtés, les autres conduites ren-contrées étant 4, 10, 20 et 21 bandes. Le loge-ment des truies en groupes n’a pas entraîné de changement du nombre de bandes.

Lorsque les truies sont en groupes, la conduite est i) statique où le groupe correspond à la bande de truies et n’est pas modifié une fois formé ou ii) dynamique où le groupe correspond à un mélange de truies provenant de bandes diffé-rentes. Ce dernier groupe est recomposé : cha-que départ de truies vers la maternité est suivi de l’incorporation de nouveaux individus.

Gérer la reproduction

La réglementation permet de loger les femel-les en stalle individuelle jusqu’à 28 jours après l’insémination avant de les transférer en groupes. Trois stratégies différentes sont adoptées par les éleveurs pour gérer la repro-duction des truies entre le moment où elles quittent les salles de maternité et celui où elles sont logées en groupes au DAC. • Les truies sont bloquées dans une salle de

verraterie, jusqu’à la confirmation de la gesta-tion 28 jours après l’insémination (9 élevages concernés). La conduite de l’insémination et la

(1) Chambres d’agriculture de Bretagne ; (2) Chambre d’agriculture des Pays de la Loire

Page 2: Conduire un troupeau de truies au DAC · Les résultats de reproduction des truies de l’échantillon enquêté n’ont pas été analysés et ne nous permettent pas de préconiser

18 Synthèse TechniPorc, Vol. 33, N°1, 2010 - la revue technique de l’IFIP

confirmation de la gestation sont identiques à ce qui est pratiqué lorsque les truies sont bloquées pendant toute la gestation.

• Les truies sont bloquées jusqu’à la fin de la période des insémi-nations (7 élevages). La durée de la contention est limitée à l’in-tervalle sevrage-insémination. L’intérêt pour les éleveurs est de faciliter le travail d’insémination sur des truies bloquées.

• En sortie de maternité, les truies sont directement placées en groupe au DAC (2 élevages en conduite statique). Les truies ne sont pas bloquées et les insémi-nations sont pratiquées sur des truies en liberté.

Les motivations des éleveurs pour choisir le moment de mise en groupe sont multiples et liées i) aux conditions de travail, ii) à la volonté de conserver en partie les équipe-ments déjà présents sur l’élevage, iii) aux résultats espérés en termes de reproduction des truies selon que l’on libère ou pas les truies dès les inséminations réalisées et iv) au respect de cahiers des charges spé-cifiques qui interdisent la conten-tion des truies lors des 28 premiers jours de gestation.

Le regroupement est une étape sensible qui peut générer du stress lors de la mise en place de la hiérarchie au sein du groupe. Les différentes conduites rencontrées ont pour objectif de regrouper les femelles en dehors des périodes à risque au niveau embryonnaire soit i) avant ou dès les insémi-nations afin que le regroupe-ment ait lieu avant l’implantation embryonnaire ou ii) une fois les truies confirmées gestantes 4 semaines après l’insémination. Les résultats de reproduction des truies de l’échantillon enquêté n’ont pas été analysés et ne nous permettent pas de préconiser une stratégie particulière.

Lorsque les truies sont en groupes au plus tard à la fin de la période des inséminations, les retours éventuels en chaleur sont détectés dans la salle DAC. Dans ces éleva-ges, une case accueille un verrat. Les éleveurs détectent alors les retours en chaleur grâce à la pré-sence prolongée d’une truie à proximité de la case du verrat et/ou à l’aide du capteur de présence qui peut y être installé. Les éleveurs sont vigilants vis-à-vis des truies qui réduisent leur consommation alimentaire, le manque d’appétit pouvant être lié à un retour en chaleur.

La gestion des truies ayant subi un retour en chaleur est adaptée à ce mode de logement. Si le retour en chaleur est précoce, la truie est inséminée de nouveau, soit en verraterie ou dans le groupe. Elle suit sa bande d’origine pour le reste de la gestation. En revanche, lorsque le retour est plus tardif, la truie est inséminée de nouveau mais elle change alors de bande. Ce changement pose réellement problème pour une conduite sta-tique qui nécessiterait de chan-ger physiquement la truie de son groupe d’origine. Ces éleveurs qui ont une conduite statique évitent tous de changer physiquement de groupe une truie ayant fait un retour en chaleur, ce qui amènerait à introduire une truie seule dans un groupe déjà constitué. Cette truie est soit écartée des groupes et placée en case d’infirmerie pour toute la durée de sa gestation, soit elle poursuit sa gestation dans son groupe d’origine, est logée seule en infirmerie pour la fin de sa ges-tation et intègre sa nouvelle bande en salle de maternité.

Regrouper les truies

Lorsque le groupe est dynamique, la principale stratégie adoptée par les éleveurs pour introduire la

nouvelle bande de truies est d’évi-ter un regroupement direct avec les truies résidentes. L’arrivée des truies dans le groupe a lieu généra-lement en cours de matinée, entre 9h00 et 11h00. A ce moment, un repas est programmé pour les truies entrantes, alors que les truies résidentes ont déjà consommé tout ou une partie de leur ration alimentaire.

Un jeu de barrières peut permet-tre de séparer une zone d’accueil pour les truies entrantes. Celles-ci peuvent alors accéder à une station d’alimentation sans être dérangées par les truies résiden-tes. L’isolement des truies entran-tes peut être court, et durer uni-quement le temps que les truies accèdent aux stations d’alimenta-tion. Quelques éleveurs isolent les truies entrantes dans une partie de la salle pendant une durée plus longue de 1 à 2 jours, avant de leur donner libre accès à l’ensemble de la case.

Alimenter les truies

L’aliment est distribué sous forme sèche dans 16 élevages, les sta-tions des deux autres distribuent une soupe. Les éleveurs enquêtés utilisent le plan d’alimentation classiquement prévu pour les truies gestantes. La distribution et la modulation de la quantité d’ali-ment dépendent des fonctionna-lités permises par l’équipement informatique des stations. Une courbe d’alimentation « type » est programmée par l’éleveur. La modulation autour de cette courbe alimentaire peut être indi-viduelle en programmant une dis-tribution de ± 5, 10 ou 15 % autour de cette valeur moyenne en fonc-tion de l’état corporel de la truie. L’autre manière de faire consiste à programmer plusieurs courbes alimentaires, trois en général, en fonction de l’état corporel de la

Le regroupement est une étape sensible qui peut générer du stress

lors de la mise en place de la hiérarchie

au sein du groupe.

Les conduites ont pour objectif de regrouper

les femelles en dehors des périodes

à risque au niveau embryonnaire.

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19 TechniPorc, Vol. 33, N°1, 2010 - la revue technique de l’IFIP Synthèse

truie (grasse ; normale ; maigre) ou du rang de portée (cochette ; pri-mipare ; multipare). La très grande majorité des éleveurs affecte les truies sur une courbe alimentaire et module la distribution à partir d’une simple appréciation visuelle de l’état corporel.

Quel que soit l’équipement choisi, la distribution de l’aliment est volu-métrique. Le plan d’alimentation étant programmé pour une quan-tité d’aliment exprimée en kilo par truie, il est important de calibrer la station en fonction de la densité de l’aliment. Les équipementiers incitent donc les éleveurs à vérifier fréquemment la quantité d’ali-ment réellement distribuée. Mais ce contrôle est peu, voire pas réa-lisé par les éleveurs enquêtés alors qu’elle est essentielle pour garantir la distribution prévue. Ce type d’ob-servation est également valable pour l’eau dont la distribution par la station est programmée sur la base d’une durée d’ouverture de vanne, mais dont la quantité réel-lement distribuée est dépendante de la pression dans le réseau.

L’heure de démarrage du cycle ali-mentaire est très variable entre les 18 élevages enquêtés. Elle dépend essentiellement de l’organisation du travail des éleveurs plutôt que d’un choix de conduite alimentaire des truies. L’objectif est de faire en sorte que le repas soit terminé et, le cas échéant, les truies triées par les stations quand le person-nel intervient sur l’atelier où sont logées les truies gestantes.

Pour schématiser, on peut distin-guer deux façons de faire : 1) Le démarrage du cycle a lieu

la nuit, entre 21h00 et 4h00 du matin. Ces élevages sont essentiellement conduits avec main-d’œuvre familiale. Les éleveurs interviennent sur les truies gestantes plutôt au cours de l’après-midi.

2) Le démarrage du cycle a lieu en fin d’après-midi, entre 15h30 et 19h00. Ces élevages sont pour la plupart ceux qui ont les trou-peaux les plus importants et une main-d’œuvre spécialisée, souvent salariée, dans les diffé-rents ateliers. En conduite dyna-mique, le tri est alors effectué en cours de nuit et les truies à isoler sont dès le matin suivant dans le parc de tri.

Les éleveurs constatent que la plu-part des truies consomment leur ration journalière en un seul passa-ge dans la station d’alimentation.

Le listing de consommation est un outil essentiel pour la gestion du troupeau de truies. Lorsqu’une femelle est indiquée comme étant en sous-consommation, l’éleveur la repère dans la salle pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une perte de boucle, que l’animal ne présente pas de signe de maladie ou un retour en chaleur. Si aucun trouble n’est manifeste, les éleveurs n’inter-viennent pas immédiatement mais attendent généralement que la femelle présente deux jours consé-cutifs de sous-consommation avant de la guider vers les stations.

Apprentissage de la station d’alimentation

Pour les cochettes, le DAC constitue une double nouveauté, du fait de l’alimentation dans une station et du nouvel environnement constitué à la fois de la salle et du grand groupe de congénères. Dans 15 élevages,

les cochettes sont mélangées avec les multipares. L’apprentissage de la station d’alimentation dure environ 3 jours. Une part des cochettes accè-dent seules aux stations d’alimen-tation, et pour les autres, l’éleveur doit les guider vers les stations sans les brusquer. Une ration d’aliment est mise dans l’auge pour inciter les cochettes à pénétrer dans le cou-loir d’accès. La plupart des stations actuelles disposent d’une fonction «apprentissage» qui permet de gar-der la porte d’entrée ouverte lors de cette opération.

L’appréhension des cochettes à entrer dans un couloir étroit apparaît comme étant la princi-pale difficulté. L’installation d’une station d’alimentation en quaran-taine pour l’apprentissage des cochettes est la situation idéale. Elle est encore peu utilisée compte tenu du coût de l’équipement pour un nombre réduit de femelles. Une alternative a été imaginée par un

P

Les cochettes doivent passer par un couloir équipé de portes (P) a�n d’accéder à la zone d’alimentation.

Box

zone alimentation

Figure 1 : Exemple d’aménagement d’une salle de quarantaine pour habituer les cochettes

à franchir des portes

Photo 1 : L’ordinateur devient un outil essentiel pour la conduite du troupeau. Il permet de programmer la quantité d’aliment distribuée et de suivre la consommation.

Photo 2 : Lors de la phase d’apprentissage, les truies sont guidées vers la station d’alimentation

Le plan d’alimentation étant programmé pour une quantité d’aliment exprimée en kilo par truie, il est important de calibrer la station en fonction de la densité de l’aliment.

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20 Synthèse TechniPorc, Vol. 33, N°1, 2010 - la revue technique de l’IFIP

des éleveurs : il a aménagé dans la salle de quarantaine deux cou-loirs équipés de portes de stations d’alimentation que les cochettes doivent franchir pour accéder et sortir de la zone d’alimentation (Figure 1). Les cochettes apparais-sent alors moins craintives quand elles se retrouvent face à la sta-tion.

Mise en service du DAC

La mise en service du DAC est souvent source de difficultés tant sur le plan technique qu’humain. Pour les 11 élevages qui ont le plus récemment réalisé la transition vers le DAC, le troupeau de truies logé précédemment en stalles individuelles a été conservé. Pour 3 élevages le troupeau a été trans-féré en une seule fois dans le nou-veau bâtiment, alors que pour les 8 autres la transition s’est faite bande par bande. Cette dernière façon de faire s’étale sur plusieurs mois, mais permet aux éleveurs de consacrer davantage de temps à l’apprentis-sage des truies. Lorsque les truies sont transférées bande par bande, il est préférable d’augmenter pro-gressivement l’espace accessible de la salle, afin d’adapter la surface au nombre de truies dans le grou-pe. Les éleveurs qui ont commen-cé la transition en période hiver-nale ont constaté une difficulté à maintenir les températures dans la salle DAC, liée au faible nombre de truies présentes au démarrage. Un chauffage d’appoint peut être alors envisagé.

La très grande majorité des truies du troupeau initial s’adapte au nouveau mode de logement. Pour 4 élevages, le nombre de femelles réformées pour inadap-tation au DAC varie entre 1 et 6. Dans les 7 autres, aucune truie n’a été réformée pour inadaptation. Quelques truies peuvent jeûner pendant plusieurs jours avant de

trouver le chemin de la station d’alimentation. Des femelles qui ne s’adaptent pas à ce mode de logement sont écartées temporai-rement, vers une salle d’infirmerie ou un réfectoire, pour terminer leur gestation, avant de revenir au DAC à la gestation suivante. Dans tous les élevages enquêtés, les éle-veurs ont anticipé l’inadaptation de certaines truies en préparant un nombre de cochettes supplé-mentaires au renouvellement habituel. Lorsque la transition s’est correctement déroulée, cette stra-tégie s’est révélée inutile. Elle s’est révélée en revanche pertinente pour les éleveurs confrontés à des avortements nombreux lors du premier passage des truies dans le logement DAC.

Si le DAC constitue une nouveauté pour les truies, il constitue égale-ment un changement notable pour l’éleveur. Tous les éleveurs avouent ne pas avoir été suffisam-ment préparés et informés sur les difficultés rencontrées lors de la période de transition. L’ensemble des truies du troupeau doit être identifié individuellement, la sta-tion programmée en conséquen-ce. L’accompagnement d’une part importante des truies lors de la phase d’apprentissage de la station demande beaucoup de temps. Les éleveurs soulignent la nécessité de planifier la transition, et si pos-sible de libérer du temps sur l’ex-ploitation pour s’y consacrer plei-nement. En période de transition, l’heure de démarrage du cycle ali-mentaire est généralement plani-fiée en matinée, vers 9h00-10h30,

pour que l’éleveur puisse être pré-sent pour accompagner les truies. La plupart des éleveurs enquêtés ont bénéficié d’une aide des équi-pementiers au cours des premiers jours de démarrage. Un technicien était présent pour aider l’éleveur à guider les truies lors de la phase d’apprentissage et pour finaliser et expliquer à l’éleveur le réglage de la station tant sur la partie mécani-que qu’informatique. Une période de 3 à 6 mois est nécessaire pour prendre en main ce nouvel équi-pement, et les éleveurs admettent qu’il faut environ 1 an pour entrer réellement dans une conduite en routine.

Le comportement des truies

Le comportement des truies a été observé dans 4 élevages (Tableau 1). Le nombre de combats et leur localisation ont été comptabilisés pendant la période de 3 heures suivant l’introduction des animaux dans le groupe. Le combat est défini comme une agression fran-che d’une truie à l’encontre d’une congénère qui se défend. Lorsque le groupe est dynamique (A, C), les femelles de la bande entrante sont marquées. Pour les élevages en conduite statique (B, D), les cochet-tes sont marquées. Il est alors pos-sible de distinguer les truies impli-quées dans les combats (élevages A et C : truies nouvellement introdui-tes vs résidentes ; élevage B et D : cochettes vs multipares). Les com-bats sont comptabilisés en continu pendant la période d’observation. Pour le traitement des données,

Tableau 1 : Principales caractéristiques des 4 élevages étudiés

Elevage Conduite SolTaille

du groupe (nb truies)

Taille de la bande (nb truies)

A dynamique caillebotis 230 40B statique Litière 22 22C dynamique Litière 250 50D statique caillebotis 70 70

La mise en service du DAC est souvent

source de difficultés tant sur le plan

technique qu’humain.

Une période de 3 à 6 mois est nécessaire pour

prendre en main ce nouvel équipement,

et il faut environ 1 an pour entrer dans une conduite en routine.

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ils sont regroupés par période de 30 minutes d’observation.

Aucun combat n’a été observé au cours des 3 heures suivant le regroupement dans les élevages A et B. Dans les élevages C et D, le profil d’évolution du nombre de combats est similaire (Figure 2). Les valeurs maximales sont enre-gistrées au cours de la première demi-heure. La fréquence des com-bats diminue ensuite pour ne plus représenter que 3 et 2 combats au cours des 30 dernières minutes. Pour l’élevage C, les combats impli-quent essentiellement des truies nouvellement introduites dans le groupe (69 % des cas). Seulement 8 % des combats concernent des truies résidentes entre elles, et dans 23 % des cas des truies nou-vellement introduites contre des résidentes. Les combats sont loca-lisés devant les stations d’alimenta-tion pour 27 % et 16 % du nombre total de combats dans les élevages C et D respectivement. Ils ont lieu préférentiellement au niveau des zones de couchage (35 % dans la zone paillée pour C et 68 % dans les box de couchage pour D) et dans les zones de circulation.

Les observations ont été renou-velées quelques semaines après le regroupement dans les éleva-ges A, B, D, pendant une durée de 3 heures suivant le démarrage du cycle d’alimentation, en dehors de

tout évènement particulier dans la conduite du troupeau. Aucun combat n’a été observé.

Ces résultats illustrent le témoigna-ge de l’ensemble des éleveurs de l’enquête pour lesquels la durée et l’intensité des combats ne sont pas très impactantes pour la conduite du troupeau. La hiérarchie entre animaux se met également en place via des interactions moins marquées, comme des coups de têtes.

Une relation privilégiée avec le troupeau de truies

Interrogés sur leur relation et leur attitude envers leurs truies, les éleveurs témoignent de la néces-sité d’intervenir calmement auprès des animaux, ne pas chercher à les brusquer pour les diriger vers les stations d’alimentation par exem-ple. Cette mise en confiance avec le troupeau de truies démarre pour quelques éleveurs dès la salle de quarantaine où ils interviennent

auprès des cochettes. Le lien perdu-re par des visites quotidiennes au sein du troupeau de gestantes.

Dans les élevages A, B et D, un test de réactivité des truies à l’approche de l’homme a été pratiqué selon une méthode éprouvée (Scott et al., 2009) pour évaluer la relation homme-animal. Cette méthode repose sur trois phases successi-ves qui consistent à approcher la truie (étape 1), à s’accroupir devant elle (étape 2) puis à essayer de la toucher (étape 3). Une note, de 0 à 6, est attribuée selon la réaction de l’animal, la note 0 traduisant une fuite devant l’homme tandis qu’une note 6 est attribuée à une truie se laissant toucher sans crain-te. Le test, pratiqué par un observa-teur étranger à l’élevage, est réalisé seulement sur les truies debout ou assises, les truies couchées n’étant pas dérangées (Figure 3).

Toutes les truies s’étant laissé approcher, les notes 0 et 1 sont

50

40

30

20

10

0

% d

e tr

uie

30

0

10

20

1012

0

2468

Élev

age

CÉlevage C Élevage D

Élevage D

D (17 tests)B (16 tests)A (19 tests)

0note : 1 2 3 4 5 6Note au test homme/animal

00:30 01:00 01:30 02:00 02:30 03:00

note 0 : animal fuyant devant l’homme note 6 : la truie se laisse toucher par un observateur accroupi devant elle

Figure 2 : Évolution du nombre de combats

Photo 3 : Les blessures corporelles engendrées par les interactions entre les truies dans le groupe sont essentiellement superficielles, mais peuvent être très nombreuses.

Photo 4 : Les interventions sur les truies seront d’autant plus faciles que la relation entre l’éleveur et ses animaux est bonne

La durée et l’intensité des combats ne sont pas très impactantes pour la conduite du troupeau.

Les éleveurs témoignent de la nécessité d’intervenir calmement auprès des animaux et de ne pas chercher à les brusquer pour les diriger vers les stations d’alimentation.

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inexistantes. Pour 87 % des tests, l’observateur a pu toucher l’animal (note égale à 4 et plus). La note 6 est attribuée à 27 % des tests lors-que l’animal accepte le touché sans comportement de retrait. Ce test traduit clairement la rela-tion positive entre l’homme et les truies en groupes au DAC. Au

dire des éleveurs enquêtés, cette relation est indispensable pour conduire correctement un groupe avec ce mode de logement.

Conclusion

La réussite du système DAC passe par l’adéquation entre une bonne

organisation de la salle (Ramonet et al., 2009) et une conduite du troupeau adaptée. Les principales règles de la conduite visent à faci-liter l’intégration des individus au sein d’un groupe, à leur permettre de prendre leurs repères dans ce nouvel environnement constitué du bâtiment et des stations d’ali-mentation en particulier, mais aussi des congénères.

Avec le DAC, la qualité de la rela-tion homme-animal est d’une importance primordiale pour faci-liter le travail auprès des truies. Les mesures réalisées montrent des troupeaux calmes et des truies qui acceptent la présence des hom-mes, résultat d’un savoir-faire cer-tain de la part des éleveurs. n

Références bibliographiquesBadouard B., Courboulay B., 2009. Logement en groupe des truies gestantes : analyse des résultats GTTT. TechniPorc, Vol 32, •N°6 : 27-32Einarsson S, Brandt Y., Lundeheim N., Madej A., 2008. Stress and its influence on reproduction in pigs: a review. Acta Veterinaria •ScandinavicaJensen K. H., Sørensen L. S., Bertelsen D., Pedersen A. R., Jørgensen E., Nielsen N. P., Vestergaard K. S., 2000, Management factors •affecting activity and aggression in dynamic group housing systems with electronic sow feeding: a field trial. Animal Science. 71: 535-545 Ramonet Y., Chopin E., Caille M.E., Dubois A., 2009. Loger les truies en groupe au DAC. Différencier les zones de vie pour un •aménagement réussi. TechniPorc, Vol 32, N°6 : 3-8.Scott K., Laws D.M., Courboulay V., Meunier-Salaün M.C., Edwards S.A. 2009. Comparison of methods to assess fear of humans •in sows. Animal Behaviour Science. 118 (1-2): 36-41.Strawford M. L., Li Y. Z., Gonyou H. W. 2008. The effect of management strategies and parity on the behaviour and physiology of •gestating sows housed in an electronic sow feeding system Can. J. Anim. Sci. 88: 559-567.

Contact :[email protected]

Les auteurs remercient les éleveurs et les équipementiers qui ont participé à la réalisation de cette enquête.

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Élevage C Élevage D

Élevage D

D (17 tests)B (16 tests)A (19 tests)

0note : 1 2 3 4 5 6Note au test homme/animal

00:30 01:00 01:30 02:00 02:30 03:00

note 0 : animal fuyant devant l’homme note 6 : la truie se laisse toucher par un observateur accroupi devant elle

Figure 3 : Répartition des truies selon la note attribuée au test de relation homme-animal dans 3 élevages

Les principales règles de la conduite visent à

faciliter l’intégration des individus au sein

d’un groupe, à leur permettre de prendre leurs repères dans ce

nouvel environnement constitué du bâtiment

et des stations d’alimentation, mais

aussi des congénères.