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Histoire du droit pénal Page 1 Histoire du droit pénal Droit pénal en phase avec les idéologies, avec la société, les réactions de certaines affaires. Les auteurs des règles de droit pénal ont la plupart du temps à l’esprit des expériences passées. Lesquelles et comment revenir aux origines du droit pénal ? Etymologie : droit = ensemble de normes sanctionnées par une autorité publique, et la 2 e partie de la définition prête à discussion, pénal = on trouve le mot poena en grec poinè = la compensation que doit verser l’auteur d’un délit dans la cité antique, que ce soit en Grèce ou à Rome. Il s’agit là d’une compensation qui est versée. Le mot de châtiment dans le mot peine n’arrive que de manière seconde et montre bien l’évolution d’un système pénal dans une société d’autorité publique où le pouvoir politique a peu d’emprise sur la société, des faits qui apparaitraient à nos yeux comme des infractions très graves peuvent être résolus par des compensations, compensations qui peuvent revêtir différentes formes et notamment la forme de la vengeance : un mal a été donné, le plus souvent au membre d’un groupe, le groupe auquel appartient l’individu lésé cherche à infliger un mal équivalent au membre de l’autre groupe. Et ce n’est que lorsque l’autorité publique a été suffisamment affirmée qu’on a pu voir apparaitre des châtiments qui venaient sanctionner des atteintes aux valeurs fondamentales de la société, des agissements qui mettaient en péril la cohésion du groupe. On serait tenté de distinguer, aussi choquant que celui puisse paraitre, entre un droit pénal privé (les compensations) d’un droit pénal public qui vient sanctionner les atteintes faites à l’autorité publique. Il n’y a pas eu d’évolution linéaire d’un droit pénal privé et un droit pénal public dans l’histoire des sociétés précédentes, et pour la construction du droit pénal français il faut sans doute se référer aux auteurs de l’ancien droit, c'est à dire les auteurs antérieurs à la révolution de 1789 qui pose de nouveaux principes. Les auteurs de l’ancien droit antérieurs à 1789 tout comme les auteurs continentaux de la même époque faisaient référence aux expériences de l’antiquité, non seulement gréco-romaines, mais aussi hébraïques. La religion chrétienne trouvant son origine dans la religion juive : civilisation judéo-chrétienne. Et c’est à partir de cet ancien droit qu’a été construit, en partie par réactions, le droit pénal contemporain. Celui-ci a pu emprunter à d’autres traditions, d’autres expériences, anglaises notamment, qui étaient le fruit d’une évolution politique juridique différente à partir de règles médiévales identiques. Droit pénal anglais largement construit à partir du fondement des libertés féodales. A partir de la fin du XIXe les pénalistes ont eu connaissance des expériences babyloniennes, et ont eu accès aux études des sociétés extra européennes, en particuliers des sociétés primitives, qu’on considérait peu avancées dans la voie du progrès, ce qui contribuait à disqualifier ces expériences. Mais cette théorie de l’évolution linéaire des sociétés a été remise en cause entre les deux guerres, et ces expériences ont été étudiées, ont pu servir de référence. Chap. 1 Les apports des droits pénaux de l’Antiquité Chap. 2 Les expériences de l’Ancien droit. Chap. 3 La naissance du droit pénal contemporain André Langui, que sais-je ? Chap. 1 er Les expériences de l’Antiquité Mésopotamie : code d’Hammourabi : les infractions étaient souvent réparées par des compensations. Progression dans les peines : aggravation du châtiment. Empire assyrien. Question du droit pénal chez les hébreux, prise en compte progressive de l’intention du coupable, véritable ou maladresse le coupable était puni de la même façon. Aussi la question du passage d’une responsabilité collective à une responsabilité individuelle.

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Histoire du droit pénal

Droit pénal en phase avec les idéologies, avec la société, les réactions de certaines affaires. Les auteurs des règles de droit pénal ont la plupart du temps à l’esprit des expériences passées. Lesquelles et comment revenir aux origines du droit pénal ?

Etymologie : droit = ensemble de normes sanctionnées par une autorité publique, et la 2e partie de la définition prête à discussion, pénal = on trouve le mot poena en grec poinè = la compensation que doit verser l’auteur d’un délit dans la cité antique, que ce soit en Grèce ou à Rome. Il s’agit là d’une compensation qui est versée. Le mot de châtiment dans le mot peine n’arrive que de manière seconde et montre bien l’évolution d’un système pénal dans une société d’autorité publique où le pouvoir politique a peu d’emprise sur la société, des faits qui apparaitraient à nos yeux comme des infractions très graves peuvent être résolus par des compensations, compensations qui peuvent revêtir différentes formes et notamment la forme de la vengeance : un mal a été donné, le plus souvent au membre d’un groupe, le groupe auquel appartient l’individu lésé cherche à infliger un mal équivalent au membre de l’autre groupe. Et ce n’est que lorsque l’autorité publique a été suffisamment affirmée qu’on a pu voir apparaitre des châtiments qui venaient sanctionner des atteintes aux valeurs fondamentales de la société, des agissements qui mettaient en péril la cohésion du groupe. On serait tenté de distinguer, aussi choquant que celui puisse paraitre, entre un droit pénal privé (les compensations) d’un droit pénal public qui vient sanctionner les atteintes faites à l’autorité publique.

Il n’y a pas eu d’évolution linéaire d’un droit pénal privé et un droit pénal public dans l’histoire des sociétés précédentes, et pour la construction du droit pénal français il faut sans doute se référer aux auteurs de l’ancien droit, c'est à dire les auteurs antérieurs à la révolution de 1789 qui pose de nouveaux principes. Les auteurs de l’ancien droit antérieurs à 1789 tout comme les auteurs continentaux de la même époque faisaient référence aux expériences de l’antiquité, non seulement gréco-romaines, mais aussi hébraïques. La religion chrétienne trouvant son origine dans la religion juive : civilisation judéo-chrétienne. Et c’est à partir de cet ancien droit qu’a été construit, en partie par réactions, le droit pénal contemporain. Celui-ci a pu emprunter à d’autres traditions, d’autres expériences, anglaises notamment, qui étaient le fruit d’une évolution politique juridique différente à partir de règles médiévales identiques. Droit pénal anglais largement construit à partir du fondement des libertés féodales.

A partir de la fin du XIXe les pénalistes ont eu connaissance des expériences babyloniennes, et ont eu accès aux études des sociétés extra européennes, en particuliers des sociétés primitives, qu’on considérait peu avancées dans la voie du progrès, ce qui contribuait à disqualifier ces expériences. Mais cette théorie de l’évolution linéaire des sociétés a été remise en cause entre les deux guerres, et ces expériences ont été étudiées, ont pu servir de référence.

Chap. 1 Les apports des droits pénaux de l’Antiquité

Chap. 2 Les expériences de l’Ancien droit.

Chap. 3 La naissance du droit pénal contemporain

André Langui, que sais-je ?

Chap. 1er Les expériences de l’Antiquité

Mésopotamie : code d’Hammourabi : les infractions étaient souvent réparées par des compensations. Progression dans les peines : aggravation du châtiment. Empire assyrien.

Question du droit pénal chez les hébreux, prise en compte progressive de l’intention du coupable, véritable ou maladresse le coupable était puni de la même façon. Aussi la question du passage d’une responsabilité collective à une responsabilité individuelle.

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Expérience de la Grèce antique avec des cités au sud, chacune développant une civilisation originale. Question du droit pénal : système de répression des crimes privés, où par ex était réprimé l’homicide, et un système de répression des crimes contre la cité : trahison par ex. La répression des crimes privés reposait largement sur une idée de vengeance, alors que la répression des crimes contre la collective était organisée avec une logique propre à une société démocratique, une démocratie directe : des jugements rendus un jury. Le peuple jugeait lui-même. Idée de vengeance était bien vue. Et le système démocratique de répression des crimes contre la cité était critiqué, à parti du IVe siècle il a dérivé.

Réflexion sur la peine intéressante, menée par Platon et Aristote.

è Le droit pénal à Rome

A l’origine de notre droit. Etude du droit pénal très importante, qui a fourni plus une technique juridique qui a servi par la suite au Moyen Age pour construire le droit pénal qui s’est épanoui au temps moderne. Sans doute est-il utile de faire quelques rappels sur l’histoire romaine.

L’histoire du droit romain porte sur 1200 ans, époque qui nous séparerait de Charlemagne. La ville aurait été fondée vers 753 av. J.C selon l’historiographie romaine. On comptait les années depuis la fondation de la ville : ab urbe condita. Empire romain d’occident prend fin en 476 ap. J.C, subsiste un empire romain d’orient de plus en plus grec. Au cours de son existence Rome s’étend de manière de plus en plus importante, étend son influence sur l’Italie, puis sur la Méditerranée occidentale, et sur la Grèce 146 av. J.C. Carthage est rasée, et la cité de Corinthe marque le pouvoir de Rome sur les cités grecques. Enfin sur la Méditerranée occidentale, la Gaule, la Grande Bretagne actuelle, et une partie de la Germanie au cours des 2 siècles qui suivirent. Cet empire s’est maintenu pendant 400 ans. Et cette extension géographique est en partie la cause de mutations politiques. A l’origine Rome fut gouvernée par un roi, puis est devenue une république, un régime sans roi vers la fin du VIe siècle av. J.C. (509). Et est devenu une empire de 27 av. J.C jusqu’à 476 ap. J.C.

Empereur de l’empire d’orient, Justinien, des empereurs d’orient qui ont réuni en transforment parfois les règles dans différents ouvrages, qui nous permettent de connaitre le droit romain aujourd'hui. Le code de Théodose, l’œuvre de Justinien au XVIe siècle. Cette œuvre monumentale comprend une étude de la science du juste et de l’injuste, contenu dans le digeste : recueil de citations de grands auteurs classiques, et comprend les Institutes : une sorte d’ouvrage pour ceux qui abordent l’étude du droit, une 3e partie : les règles posées par des empereurs dans différents actes : des édits, des décrets, des rescrits. Après Théodose, Justinien a pris de nouvelles mesures appelée constitution : réunies dans des recueils nouveaux : les Novelles. Cette œuvre qui nous permet de pénétrer cette société romaine : nous pouvons retenir que si le régime politique a évolué, les structures sociales n’ont pas vraiment changé de nature. Rome a toujours été une société composée de clans. Le droit pénal des origines le montre bien.

Le fas auquel les romains attribuaient une origine divine, désigne peu ou prou ce qui est permis par les dieux, désigné comme sacer l’homme qui dépassait les bornes d’un champ, ou encore le parricide sans qu’on s’entende très bien sur le sens de ce mot, également le patron ou le client qui avait porté atteinte au lien de clientèle au sens antique, c'est à dire lien de dépendance et de protection qui unissait le chef du clan à ses affidés, ses clients (cluere = obéir). Là où ces crimes souillaient non seulement le coupable mais aussi la collectivité. Toute personne pouvait, ou devait, tuer le coupable devenu sacer en une sorte sacrifice expiatoire, qu’on appelle la supplicatio et on observe que le terme utilise montre bien la confusion entre le religieux et le juridique (supplice et supplication aujourd'hui en français). Le coupable et ses biens étaient consacrés aux Dieux pour les apaiser. Pax déorum. La personne désignée comme sacer était aussi placée un peu plus tard en dehors de la communauté. La personne est alors écartée des cultes, qui manifestent à la fois la participation et l’appartenance au groupe, ce qui compte dans la religion de la cité antique c’est la participation aux rites, religion = relier. Elle est également frappée d’interdiction de l’eau et du feu, c'est à dire des cultes privés. Les infractions ainsi réprimées reflètent les mentalités et les structures économiques et sociales de cette époque.

Autre règle : l’abandon noxal : la société, lorsque le membre d’un groupe avait lésé d’une manière ou d’une autre un membre d’un autre groupe, le chef du groupe du coupable pouvait abandonner celui-ci au clan de la victime. On voit sous-jacente l’idée d’une compensation. Rétablissement de l’équilibre, qui montre que l’intérêt de l’individu est subordonné à la survie du groupe, sociétés holistes.

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Le caractère religieux a perdu au fil du temps son influence, est devenu moins manifeste, mais la société est toujours restée clanique à Rome. Un auteur pour essayer de bien faire saisir les choses, Paul Veyne, parle à ce propos de mafia. En ce sens que la société romaine est composée de réseaux extrêmement solides. Nuance : la mafia correspond à une organisation illégale aux yeux de l’autorité publique, tandis que dans la société romaine l’existence de ces liens, de ces réseaux, était considérée comme normale et constituant la société romaine. Au fil du temps la composition des clans se modifie, les grandes familles romaines qui avaient renversé le roi parce qu’il avait tendance à devenir trop puissant ont réussi à se maintenir pendant toute la république, et ont disparu progressivement au cours du 1er siècle de l’empire. Mais les structures claniques elles n’ont jamais disparu et reposaient sur une famille étendue : la gens comprenant les descendants d’un même ancêtre, ainsi que des clients qui lui étaient attachés par un lien de fidélité, le lien de clientèle. Certes l’autorité publique, en particulier l’empereur, a essayé de contrôler la société, mais il ne faut pas croire que ce contrôle ait pu atteindre le degré auquel sont parvenues les sociétés occidentales au cours du XXe siècle, sans que ce contrôle ne soit jamais total. Ce constat fait pour Rome explique pourquoi les juristes romains estimaient que certains comportements, qu’on considère aujourd'hui comme relevant du droit pénal, le vol simple ex (furtum à Rome) ne lésait que des intérêts privés, et non pas l’intérêt public, et on voit que le périmètre du droit pénal peut donc varier avec le temps.

Problème est de savoir où s’arrête le droit pénal. Dans la Rome primitive, le champ du droit pénal public, les infractions lésant l’intérêt collectif, est restreint. Ainsi la suma divisio, demeurera toujours à Rome celle qui sépare les délits publics et privés. Et les progrès de l’autorité publique ou au moins de sa volonté de contrôler davantage la société, peuvent être mesurés par l’extension de la sphère des délits publics au détriment de celle des délits privés. Dans ce droit essentiellement processuel, qu’était le droit romain, cette division a marqué aussi bien la procédure pénale que le droit pénal proprement dit.

SECTION 1 PROCEDURE PENALE OU L’APPAREIL REPRESSIF

L’autorité publique n’a jamais eu à Rome l’emprise qu’a la nôtre sur notre société, avec ses limites. Aussi des actes qui seraient aujourd'hui sanctionnés par le droit pénal, parce que croissant des intérêts de la société, relevaient à Rome du droit civil : du droit qui organise les rapports des citoyens entre eux. Ce qui explique la distinction entre délit privé et délit public, et même si cette 1ère catégorie a perdu du sens au détriment de la 2nde, voilà pourquoi il a longtemps existé deux procédures pour permettre la réparation des délits : une pour les délits privés essentiellement accusatoire, et l’autre pour assurer la répression des délits publics, tour à tour inquisitoire, accusatoire puis de nouveau inquisitoire.

I- La procédure utilisée pour les délits privés

Cette procédure était celle avec deux phases :

-­‐ Devant le magistrat, le consul puis le préteur : la phrase in jure -­‐ Devant un arbitre appelé le juge (faux ami) : la phase

Michel Villey : c’est le plaideur lésé qui poursuit la restitution de son droit et qui dirige la procédure. Le plaideur agit personnellement en se soumettant à certaines règles, c’est lui met en mouvement l’action et qui la fait progresser tout au long de l’instance. Le demandeur est l’actor. Le plaideur agit personnellement en se soumettant à certaines règles. Il doit faire contrôler la régularité de son action à l’époque royale par le roi, puis sous la république par le consul, qui s’est substitué au roi, puis à partir de 367 ap. J.C le préteur : un consul spécialisé en matière de justice.

Le magistrat écoutait ses prétentions, les autorisait à poursuivre l’action, et leur imposait de cesser toute violence avant d’avoir fait vérifier l’exactitude de leurs dires par un arbitre : le juge. Le préteur n’acceptait que les demandes qui pouvaient s’exprimer dans une formule, une formule bien précise qui devait être récitée au mot près, et auteur de l’époque classique : le propriétaire qui revendiquait un esclave contre un voleur devait amener l’esclave au tribunal, posant sur sa tête une baguette synonyme de propriété et devait prononcer une phrase. Mais à l’origine ces formules étaient orales et conservées par les collèges religieux des pontifes, qui étaient les gardiens

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des traditions, et le demandeur devait consulter les pontifes et leur demander une formule. Les pontifes conservaient les anciennes formules, peut être création de nouvelles, ce qui était certain : ils ont adapté les formules à la loi des 12 tables : 450 av. J.C : mettre par écrit des points les plus litigieux du droit entre le groupe dominant des patriciens qui exerçaient une domination politique, religieuse et juridique, et la plèbe : masse inorganisée à l’origine. C’est pourquoi on appelle ces anciennes formules des actions de la loi, même si certaines sont encore plus anciennes, tirant leur force de la loi des 12 tables et elles devaient être présentées en justice en des termes absolument identiques à ceux de la loi. Formalisme qui nous apparaitrait aujourd'hui archaïque. Presque un rituel. Le magistrat se bornait à contrôler la régularité formelle de la demande puis désignait un juge arbitre parmi les citoyens les plus importants, entendait les parties puis rendait sa sentence.

Lorsque la société devint plus complexe, il fut créé de nouvelles actions grâce à la procédure formulaire apparue au 3e siècle av. J.C. Le magistrat après opinion des parties, et peut être du jurisconsulte, le magistrat indiquait dans une note écrite la manière de trancher le litige au cas où la prétention du demandeur ne se coulerait pas tout à fait dans le moule d’une action de la loi. Les préteurs ont pu ainsi créer de nouvelles actions en se détachant d’abord un peu des anciennes, puis en se libérant progressivement de celles-ci. Il a pu accorder à un non citoyen le droit de revendiquer sa propriété. Création d’une fiction concernant le pérégrin.

Puis IIe siècle : les préteurs ont eu le droit de créer librement des actions nouvelles et le préteur qui avait le droit de prendre des édits, des mesures générales pour la durée de sa magistrature, d’un an, pris l’habitude de publier un édit au début de son mandat pour énoncer les actions qui seront autorisées. Ainsi dépassant le vieux droit civil, le préteur fut à l’origine d’un nouveau droit qui fut appelé le droit prétorien, qui évolua jusqu’au début de l’empire, et vers 130 ap. J.C s’est vu recevoir sa forme définitive avec l’empereur Hadrien. S’était suivant l’une des actions organisées par le vieux droit civil, ou le droit prétorien, que devait être demandée la réparation d’un délit privé. Là encore dans cette procédure le préteur ne faisait que surveiller l’action du demandeur (faible autorité des pouvoirs publics), en d’autres termes empruntés à Paul Veine : le procès ne commençait que lorsque le demandeur avait mis la main sur la personne qui l’avait lésé et l’avait trainé devant le juge. Et lorsque le jugement avait été rendu, c’était au demandeur de faire exécuter la sentence, il lui fallait s’emparer de la partie condamnée pour reprendre la chose volée ou pour s’emparer de sa personne. Pas de recours à la puissance publique, pas d’huissier, dimension physique. Il fallait parfois faire travailler le condamné, pour payer la composition déterminée par le juge, et l’autorité publique n’aidait pas à l’exécution du jugement et en même temps l’actor était limité par les protections dont disposait la partie condamnée. La société romaine était une société de clans, et dans ce système de clientèle chaque clan tenait en respect l’autre.

Cette procédure a perdu une partie de son importance en raison du développement de la catégorie publique, mais également en raison du développement de la procédure extraordinaire.

II- La procédure utilisée pour poursuivre les délits publics

La procédure pénale utilisée pour les délits publics a évolué profondément entre la royauté et l’empire, en suivant les transformations du régime politique. Max Weber qui observait que le régime des sources du droit et la manière de rendre la justice évolue en même temps que le régime politique.

A- Les origines

Aux origines le roi jugeait les atteintes les plus graves à la cohésion de la cité. Après l’avènement de la république, vers 509, cette fonction passa au magistrat qui avait hérité des pouvoirs du roi, pouvoirs notamment d’imperium de commandement. Consul puis préteur.

A l’origine les pouvoirs de commandement et de répression exercés par les consuls l’ont été sans aucun frein, et ils le sont restés pendant toute la république, à l’égard des personnes qui n’avaient pas la citoyenneté romaine. Mais il fut apporté progressivement des garanties lorsqu’un citoyen romain était en cause. A partir de la loi des 12 tables, la mise par écrit des points les plus litigieux du droit, un contrôle était assuré par l’assemblée du peuple : les commis, lorsqu’un citoyen romain était poursuivi dans le cadre d’un procès criminel. Le magistrat ou le consul convoquait le prévenu un jour donné, le diem dictio, pour s’assurer de la présence du prévenu le magistrat pouvait recourir à une sorte de détention préventive, ou à la constitution de caution. Lorsque le prévenu était un citoyen, le magistrat devait agir dans le cadre d’une instruction, elle était menée sous le contrôle des commis, l’inculpation

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était décidée à la 1ère audience, si le prévenu était inculpé, d’autres audiences étaient organisées au cours desquelles on débattait de la culpabilité devant l’assemblée du peuple. Tout autre citoyen pouvait prendre la parole, et l’accusé pris l’habitude de se faire défendre par un tiers, notamment par son patron. A l’issue de l’audience le magistrat ne pouvait acquitter ou condamner, condamner à la peine de mort ou à une amende. Le citoyen condamné pouvait faire appel au peuple, cet appel au peuple était interjeté au moins au début de la république devant les commis. Les commis centuriate pour les condamnations à une peine de mort. Le peuple votait alors, la consultation a d’abord été orale, chaque citoyen s’avançait devant le rogator : l’interrogateur officiel et déclarait publiquement son opinion. Dans ce système toutes les pressions étaient possibles, vote acheté.

Les tribuns, historiquement les défenseurs de la plèbe, créés au Ve siècle ont œuvré pour réformer ce système, des lois tabellaires, instaurèrent le secret du vote, d’abord pour les élections, 139, 137 pour la juridiction et 131 pour le vote délibéré. Pour garantir le secret du vote il fallait modifier les passerelles. Le tribun lui aussi pouvait infliger la mort à ceux qui portaient atteinte à son autorité, et il a été apporté des garanties au citoyen.

Cette procédure qui impliquait la participation de l’ensemble du peuple était lourde à mettre ne œuvre, mais sa création était destinée à une petite collectivité : que pour les citoyens, et ne servait qu’à réprimer des délits publics. Au fur et à mesure des transformations géographiques, des transformations sociales et politiques, consécutives à l’expansion romaine, il fallut créer d’autres procédures.

B- L’évolution de la procédure pénale publique à la fin de la république

Rome s’est considérablement étendu, instauré un système de domination complexe, mais impraticable au-delà de l’Italie, d’abord en Sicile, puis dans les provinces. Il a donc fallu mettre en place un nouveau système.

Dans les provinces, le gouverneur doté de l’imperium exerçait les mêmes fonctions que le magistrat à Rome. Mais si les citoyens bénéficiaient de l’appel au peuple, les non citoyens beaucoup plus nombreux ne bénéficièrent pas dans un 1er temps de cette garantie, qui ne leur fut accordée qu’en 195 av. J.C.

A Rome même fut créé à la fin de la république, dans les années 150 av. J.C ce que Jean Marie Carbasse a pu présenter comme un nouveau mode de justice pénale. Cette création répondait au besoin de réprimer les abus des magistrats commis dans les provinces. Ces gouverneurs étaient des hommes politiques, à Rome les fonctions politiques étaient gratuites, l’homme politique exerçait pendant un an une magistrature, ils avaient financé leur campagne politique, et les carrières politiques étaient ruineuses. Jusque 150 les victimes de malversations ne pouvaient mener par l’intermédiaire de patrons romains leurs poursuites que devant le Senat, dont était issu le plus souvent, ou devant un jury spécial composé de sénateurs. Jeu politique.

En 149 av. J.C un tribun de la plèbe fit voter une loi pour permettre une condamnation en restitution : lex calpurnia de pecunius repetundis : la loi calpurnia de répétition au sens de la répétition de l’indu. Il fut institué un tribunal permanent présidé par un magistrat et habilité à statuer sans appel possible devant les commis. Pour cette raison, crainte d’une violation de la loi des 12 tables considérée comme sacrée par les romains, que les juridictions ne pouvaient pas prononcer la peine de mort. Le tribunal lui aussi composé de sénateurs ne répondit pas aux espoirs fondés en lui, et l’exploitation systématique des provinces fut poursuivie.

Résultat mitigé de cette juridiction permanente, néanmoins ce tribunal allait servir de modèle pour d’autres tribunaux qui devaient juger des comportements qui portent atteinte à l’ordre public. Ainsi en 113 fut créé un tribunal permanent chargé de réprimer les violations de la chasteté des vestales. En 101 le tribun célèbre Saturninus fit voter une loi de majesté contre les magistrats accusés d’avoir porté atteinte aux droits du peuple, et c’était instaurer par là même une responsabilité pénale des magistrats devant le peuple et cette loi était l’accessoire d’une disposition plus importante : une loi agraire, un meilleur partage des terres conquises par l’expansion romaine, propriété des sénateurs. En témoigne la loi sicariis : relative aux sicaires (porteurs de poignards, tueur à gage), loi prise à un moment où Rome est aux mains du chef du parti populaire Marius et ses partisans, les marianistes. Un moment où Rome est en proie à la violence politique. Ces troubles prirent fin momentanément sous la dictature sanglante de Sylla qui reforma les tribunaux existants et qui en créa de nouveaux pour réprimer d’autres comportements, notamment pour réprimer la fraude électorale, endémique à Rome, et loi de falsis relative aux faux en matière de testament. Egalement une loi de in jurris, le délit d’atteinte à la répartition des droits dans la société, atteinte à la justice, le délit d’injure devenait public sous certaines conditions, tout en conservant certains

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caractères privés, notamment seule la victime pouvait poursuivre. D’autres tribunaux furent créés pour contenir la violence de plus en plus répandue à Rome, ou encore les malversations des magistrats. La répétition de ces mesures répressives montrent bien leur inefficacité. D’autres tribunaux permanents, notamment la loi de Pompée sur le parricide, ou une loi Fabia prise par un Fabius pour punir le rapt.

Désormais sanctionnées au terme d’une procédure public, la création des tribunaux a contribué à élargir le champ des délits publics, cependant la procédure devant ces tribunaux était purement accusatoire, et Cicéron dans un de ses plaidoyers pouvait affirmer : un malfaiteur s’il n’est pas accusé, ne peut être condamné. Il fallait donc qu’un particulier joue le rôle d’accusateur devant le jury, certains criminels pouvaient acheter l’accusation et surtout la menacer de représailles et ces tribunaux n’endiguèrent donc pas les désordres qui minaient la république. Et on sait que les troubles devaient entrainer l’avènement du pouvoir personnel, et de l’empire. Et l’avènement d’un nouveau régime politique devait entrainer de nouvelles modifications dans la procédure pénale.

III- Les transformations de la procédure pénale sous l’empire

27 avant J.C on change de régime, on change également de procédure pénale.

Octave, conservateur, a laissé subsisté les institutions anciennes, quitte à les aménager, les doubler de nouvelles institutions. Yann Thomas. Octave n’est pas devenu roi, le mot roi était tabou. Il est devenu princeps : celui dont l’avis est important est on doit s’y référer en 1er. Il est devenu le principal homme de la république, il prétendit la restaurer, mais il l’a fait à sa manière. Tout à son œuvre de restauration de la république, il fit revivre dans une loi Julia de 17 av. J.C la procédure pénale ancienne au profit des magistrats, mais ceux-ci n’exerçaient plus avec les commis mais avec le Senat. Procédure consulaire sénatoriale. Les tribunaux permanents, les questiones perpetuae, le tribunal de l’anone pour les accaparements de denrée, l’ensemble forma l’ordo judicorum publicorum : l’ordre des procès publics. Mais cette justice pouvait être soumise à l’influence du princeps, qui s’était fait remettre l’exercice d’une partie de la justice publique. Les empereurs n’hésitèrent pas à utiliser cette fonction, les chroniqueurs du temps mentionnent qu’octave le 1er empereur, dès le début du principat, a statué lui-même dans certaines affaires criminelles qui relevaient de la compétence de certains tribunaux permanents. Suétone affirme que Tibère successeur d’Auguste, allait siéger dans les jurys. Peu à peu l’empereur a progressivement créé de cet ordre des procès publics de nouvelles juridictions répressibles qui suivaient une nouvelle procédure pénale différente de celle suivie par les tribunaux de l’ordo qu’on appelait la procédure ordinaire.

A- La création de nouvelles juridictions répressives

Chargé de l’exercice de la justice publique, l’empereur a pu faire évoluer cet appareil judiciaire peut être à l’image de ce qui se passait dans les provinces où le gouverneur muni de l’impérium bénéficiait d’une plus grande latitude qu’à Rome et en Italie. L’empereur a délégué progressivement sa fonction judiciaire à des fonctionnaires : à Rome au préfet de la ville, au préfet des vigiles et au préfet de l’annone : la personne chargée de l’ordre public général dans la ville de Rome plutôt de jour, le préfet des vigiles plutôt de nuit, et le préfet de l’annone chargé du ravitaillement. En Italie au préfet du prétoire, principal collaborateur et administrateur de l’empereur.

B- La procédure suivie devant ces tribunaux

Pas la procédure ordinaire. Les fonctionnaires impérieux avaient le droit de poursuivre d’office les autres délits publics. On voit employés les termes de cognitio, ou encore inquerere. Les fonctionnaires pouvaient poursuivre d’office. Certes un particulier pouvait se constituer accusateur, un g nombre de textes relatifs à l’accusation dans le code théodosien de 438, mais les historiens affirment que ces textes ont été édictés pour encadrer l’accusation. Yann Thomas : s’il existe peu de texte sur la cognitio, c’est que l’empereur voulait laisser toute latitude à ses juges pour poursuivre les délits publics. On passe à une justice où un représentant du pouvoir politique poursuit les crimes.

Dès l’origine cette procédure était sécrète, ce qui fait dire à Yann Thomas : ces procédés sont consubstantiels au nouvel ordre politique. Physionomie nouvelle au procès pénal romain.

Autre changement majeur : autrefois sous la république il était rigoureusement interdit d’employer la torture contre un citoyen romain, et même de forcer des esclaves à parler contre leurs maitres. Une sorte de garantie pour le citoyen romain, on ne voulait pas altérer le lien entre esclave et maitre pour les besoins du gouvernement de Rome.

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Cette règle fut d’abord tournée, dès le moment où Marc Antoine et Octave se sont emparés du pouvoir Octave fit mettre la question des hommes libres, lorsqu’il fut devenu princeps, il faisait exproprier par le fisc les esclaves des comploteurs pour pouvoir les soumettre à la question, puis il ne fut même plus nécessaire de recourir à ce subterfuge, et Yann Thomas observe cette désuétude qui atteste non seulement l’instauration d’une pratique transgressive, mais sa normalité définitive.

On voit donc apparaitre la torture pour faire parler les personnes dès le départ, contre des citoyens, des esclaves. La torture n’a été utilisée à l’origine que pour les crimes politiques, les complots, les séditions. Mais aussi la magie, le blasphème, l’injure aux images du prince qui constituaient des crimes de lèse-majesté. Le champ de ce procédé fut bientôt étendu aux enquêtes sur les falsifications des monnaies, sur les spéculations sur les denrées puis le brigandage armé, l’homicide, le rapt, mais aussi l’adultère, et la fraude fiscale. Il était recouru à la question non seulement pour recueillir l’aveu des inculpés mais aussi les témoignages des tiers. On n’échappait en principe à la torture, que si on était personnages de haut rang. Il n’existait pas de lieu précis pour la question, elle était pratiquée partout, un tribunal, une prison, préfecture de la ville de Rome, palais du gouverneur (près du pouvoir politique et administratif) mais également dans un forum, sur la place publique, théâtre, stade, dimension spectaculaire. Le patient, personne interrogée, était introduite enchainée sur le lieu de l’audience, il lui était d’abord posé des questions, ce n’était qu’après les premières contradictions, hésitations, que le juge le soumettait à la question. Le fonctionnaire délégué du prince, titulaire en quelque sorte de la force publique, jus gladii, alternait les questions et les tortures et recueillait immédiatement les aveux retranscrits par des greffiers. Le patient était étendu, dos au chevalet, pieds et mains liés par des cordes passées dans des poulies, c'est à dire qu’il avait les bras retournés en arrière, et vers le haut, dans une position inconfortable qui disloquait les omoplates et les épaules. Torquere = tordre. Aussi la racine du mot extorquer. Placé dans cette position la personne interrogée subissait des lacérations. Modérer des tortures : beaucoup d’inculpés mourraient en cours d’interrogatoire, pratiques qui suscitaient l’effroi des contemporains, même en tant que témoins. Question est de savoir ce qu’en pensaient les auteurs de l’époque : il existait des passages d’ouvrages sur l’interprétation de l’attitude de la personne interrogée, on trouve un livre sur les témoins qui proposaient lesdites interprétations. Les textes officiels présentent cette procédure comme une enquête de vérité, il est intéressant de noter que les grands jurisprudents, à la recherche du juste et du bien, la torture ne permettait pas vraiment de déterminer la culpabilité d’un individu.

D’un côté des administrations qui essaient de tenir l’empire, et les juristes chargés découvrir le bien : la torture ne permet pas de découvrir la vérité. Yann thomas propose de dépasser cette contradiction, et de voir dans la question un moyen pour faire rebondir l’enquête, pour l’étendre à d’autres, l’orienter vers d’autres délits dénoncés en cours d’interrogatoire. Plus largement, on se demande si la torture n’était pas un moyen pour mieux appréhender le phénomène criminel.

Pour nuancer le propos : à cette époque furent ajoutées de nouvelles garanties pour le justiciables, en ce sens que les règles ne suivaient pas l’ordo, il fut inventé l’appel réformatoire. Il ne s’agit pas d’un appareil de violence d’Etat qui frappe aveuglement. La possibilité de faire appel découlait le principe selon lequel l’empereur ne faisait que déléguer l’exercice de la justice publique, et là aussi on trouve les possibilités d’une évolution (distinction entre justice retenue et justice déléguée). L’appel de décisions des gouverneurs de province, d’abord devant un vicaire, à la tête d’un diocèse, et 3e échelon devant le tribunal impérial. Il existait une limite de date, les individus condamnés sur le fondement de preuve absolument certaine (convicti), et qui avait avoué leur crime (confessi), ces dernières n’étaient pas autorisées à faire appel.

Variations de la procédure pénale qui suivent les variations du régime politique. Le régime des peines et sanctions également. On voit que l’autorité publique a étendu progressivement le domaine des délits publics, portant atteinte à la société, un très large éventail de peines a été utilisé au fil des siècles.

SECTION 2 LES DELITS ET LES PEINES

En cette matière le droit romain est toujours resté hétérogène.

I- Les délits

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La distinction entre délits publics (crimina), et les délits privés (delicta), a contribué à empêcher selon certains romanistes l’apparition d’une théorie générale de l’infraction. Il faudrait sans doute combiner cette explication avec l’esprit des juristes romains qui répugnaient à l’abstraction et qui surtout n’avaient pas l’esprit de système.

Le domaine des délits publics s’est toujours étendu au détriment des délits privés, au fur et à mesure que l’autorité publique cherchait à étendre son emprise et son contrôle sur la société.

A- Les délits publics contre la collectivité des citoyens

Seuls les crimes contre la communauté des citoyens, dimension collective de la citoyenneté très important à Rome, le parricide et le faux étaient considérés comme des délits publics. Ils le sont toujours restés mais avec des mutations.

1- Les crimes

Crimes contre l’intérêt de cette communauté des citoyens. 1ère expression de ce crime fut le crime de perduelio qui désignait tout acte lésant le peuple romain et au 1er chef la désertion et la trahison. Ce crime était jugé, au moins à partir de la création du tribunal de la plèbe par ces tribuns de la plèbe, défenseurs de la plèbe. Les accusés étaient jugés par les commis, il est arrivé qu’ils soient poursuivis pour fuite, ou pour mauvaise répartition du butin. Guerre dans l’antiquité était une activité rémunératrice. Jamais le peuple réuni en commis n’a voté contre la guerre.

Puis la notion de perduelio fut absorbée dans celle de majestas, dans des circonstances qui demeurent obscures, et qui ne tiennent peut être qu’à la transformation des forces politiques et de la procédure pénale. L’une des premières répressions fut une manifestation de cette conception de lèse-majesté, cette loi votée en 101 av. J.C à l’initiative du tribun Saturninus, qui prévoyait la création d’une juridiction chargée de juger les magistrats accusés d’avoir porté atteinte aux droits du peuple.

1er siècle av. J.C furent créées plusieurs autres juridictions de majesté, et progressivement en fonction de la mutation du régime politique, passage de la république à l’empire, l’infraction de lèse-majesté a servi à protéger non plus le peuple romain mais l’empereur. Ce crime a pu être défini par Ulpien, un jurisprudent, préfet du prétoire, comme ce qui est commis contre le peuple romain et sa sécurité. On l’utilisa dès le principat pour sanctionner les dégradations volontaires des statues de l’empereur, et à la fin du 3e siècle sous le dominat, le mot sert à designer toute atteinte à l’empereur ou à un membre de sa famille. On parle alors de crime de lèse-majesté, et par la suite ce crime a été repris pour défendre les différentes monarchies européennes.

1er crime public. Par la suite avec le développement du droit romain, furent également sanctionnés dès la république le péculat : le vol d’une chose appartenant à la collectivité publique. On trouve également condamné le sacrilège : le vol d’une chose appartenant à un temple.

Fin de la république : nouveau délit public : ambitus : fraude électorale. Infraction se transforme, sous l’empire : les manœuvres destinées à obtenir injustement une dignité.

2- Le parricide

Raisonnement repose sur un fragment de texte apporté par un chroniqueur à la recherche des anciens mots : Festus : il rapporte une loi d’un roi légendaire : Numa. « Si quelqu’un a donné la mort sciemment à un homme libre qu’il soit parricide ». Des variations d’interprétations :

-­‐ Mommsen : le parricide est celui d’un homme libre, on ne peut pas voir plus loin. -­‐ Thomas : l’homicide n’entrait pas à l’époque primitive dans le champ de la loi, le crime de sang n’aurait dépendu que des systèmes de vengeance privée. Le parricide en revanche aurait toujours eu le même sens, le meurtre du pater c'est à dire du détenteur de la patria potestas : la puissance paternelle.

Yann Thomas : à l’origine pendant toute la république et au-delà, le droit romain régit essentiellement les rapports entre chefs de famille, ce qui se passe à l’intérieur des familles ne concernent que les chefs de famille, et il est vrai que dans les familles avaient le droit de vie et de mort sur les membres placés sous leur puissance paternelle.

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Finalement le mot parricide aurait désigné le meurtre du pater et ce crime aurait perturbé l’ordre social romain qui reposait sur ces pater qui eux même gouvernaient leurs familles.

Comment associer ces deux pensées ? Au début le parricide que pour le pater, et ensuite assimilation pour le meurtre d’un homme libre.

A partir de la fin de la république le crime fut réprimé par la juridiction de Sylla, loi contre les sicaires, elle visait les meurtres des hommes libres, et toute personne qui circulait avec une arme en vue de tuer quelqu’un, qui préparait ou même achetait des produits qui pouvaient être utilisés comme poison. Infraction large pour prévenir les empoisonnements.

Le supplice du parricide est devenu original. A une époque son auteur était fouetté jusqu’au sang, puis enfermé dans un sac avec un chien, un singe, un coq et une vipère. Le tout était ensuite jeté à l’eau. Cette peine avait surtout pour but, dans son aspect de précipitation de sac dans l’eau, d’expulser le criminel des vivants : dans l’eau n’est plus le même monde. Ce supplice aurait été supprimé par Pompée, années 80-70, mais dans les faits le supplice a continué d’être utilisé. D’ailleurs Suétone considérait qu’il s’agissait de la peine normale en cas de meurtre d’ascendant, et dans une constitution de 78, Constantin rétablit cette peine pour le meurtre de tous les ascendants. On pense que dès la fin du la république le parricide a pris le sens qu’il a aujourd'hui.

3- Le faux

Falsum, qu’on pourrait traduire par tromperie. A l’origine la tromperie était punie qu’en cas de faux témoignage. Domaine singulièrement restreint. Il faut replacer l’infraction dans son époque, où la société est essentiellement orale, le droit également, le témoignage avait une importance particulière, la valeur de l’écrit est bien moindre. Pour prouver la validité de l’écrit, recours au témoignage. D’autres cas de tromperies furent sanctionnés.

Loi des 12 tables pour le faux témoignage. D’autres cas : lex Cornelia de falsis qui réprimait le faux monnayage, et le faux en poids et mesures. Enfin le faux en matière de testament.

A l’origine pas d’autres délits publics à Rome, mais il existait en revanche des délits privés, qui étaient considérés comme relevant du droit civil, droit régissant les rapports entre les citoyens. A la suite de l’évolution de la société, certains délits autrefois privés furent érigés en droits publics.

B- Les délits privés devenus délits publics 1- Injuria a) Les origines

3 hypothèses dans le vieux droit civil connu dans la loi des 12 tables :

-­‐ Injuria = atteintes légères portées au corps d’une personne -­‐ L’os fractum : peine de 3000 as pour l’homme libre, -­‐ Le manderum ruptum : amputation d’un membre à l’origine, puis toute lésion définitive sanctionnée par la peine du Talion, sauf compensation fixée par accord des deux parties. b) 3e siècle av. J.C

Nouvelle infraction relative à l’injure fut créée par une loi Aquila, le damnum injuria datum qui lui aussi recouvrait 3 cas :

-­‐ Le fait de tuer un esclave ou un quadrupède appartenant à autrui

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-­‐ Le fait d’endommager toute chose appartenant à autrui, animal ou objet inanimé -­‐ La remise d’une dette par un créancier accessoire en fraude des droits du créancier principal

Là encore ces nouveaux délits privés étaient des délits privés, et l’action intentée sur le fondement de cette loi visait uniquement à la réparation du dommage. A partir du 2e siècle av. J.C le préteur élargit le domaine de l’injuria, qui utilise la procédure formulaire, l’injuria a servi non seulement pour réparer les dommages corporelles, mais aussi les préjudices des injures verbales et les écrits diffamatoires.

Le mot tout en gardant son ancien sens, se rapportant au corps, a pris un sens large : tout acte confère au droit. Et le prêteur accordait à la victime une action estimatoire d’injure. Le régime de l’action était donc beaucoup plus souple que sur la base des anciens droits, et permettait de proportionner la réparation à la gravité du dommage.

A la fin de la république, en raison des troubles, la loi Cornelia sur les injures fit entrer les injures les plus graves dans la sphère des délits publics : coups et blessures, violation de domicile. Mais l’action conservait tout de même les caractères d’une action privée, et en particulier l’action devait être intentée par la victime elle-même. Un peu plus tard, toujours à cause des troubles, fut créée une autre action par une loi Plautia qui visait à réprimer les injures collectives, les actions qui visaient à blesser ou gravement et qui étaient menées collectivement. Puis sous l’empire la notion s’élargit encore, désigne les abus de pouvoir, les voies de faits commises par un magistrat contre le jus, c'est à dire la répartition des droits et des obligations, et même toute injure en fonction des circonstances. Sous l’empire les injures furent également poursuivies au moyen de la procédure extraordinaire, la victime pouvait agir au civil pour obtenir une compensation, ou au criminel pour que le coupable reçoive un châtiment corporel. Les deux actions subsistèrent en théorie au bas empire, même si l’action civile semble tomber en désuétude.

2- Le vol

Furtum. Le vol autrefois délit privé a connu la même évolution, le mot furtum dans la loi des 12 tables (450 av. J.C) plus ancienne source importante du droit primitif, désigne à la fois la chose volée et l’action : le fait de voler et le délit consistait à l’enlèvement d’une chose mobilière, un esclave, placé sous la potestas du pater, ou d’une personne placée sous sa puissance paternelle, notamment cas de figure habituel : l’enlèvement d’une femme mariée, d’un fils de famille, fille de famille, ou encore d’un débiteur livré à un créancier. La loi des 12 tables établissait la distinction entre le vol flagrant, le furtum manifestum, et le furtum nec manifestum. Le vol flagrant était puni plus sévèrement, on explique cette différence par le fait que dans une société qui accordait une large place à l’idée de vengeance le vol flagrant suscitait davantage de ressentiment chez la victime. On donne également un fondement vindicatoire au droit pour la victime d’un vol de tuer le voleur au moment même du délit. A condition que le vol ait eu lieu à mains armées, ou qu’il ait été commis de nuit.

Aux origines, le vol peut être sanctionné mais au sens large du terme, peut être réparé au terme de 3 actions :

-­‐ Une action rei persecutoire visant à la récupération de la chose volée, action réelle. -­‐ Une action personnelle visant au paiement d’une indemnité : la condictio furtiva. -­‐ L’actio furti qui visait une réparation proportionnelle à la valeur de l’objet volé. Le montant de la réparation était bien supérieur à celui de la chose volée. Pour un vol manifeste, la réparation devait être l’équivalent de 4 fois la valeur de la chose volée, en cas de vol non manifeste c’était 2 fois la valeur de la chose volée. Réparation versée à la victime du vol, elle vise bien sûr à dissuader le voleur ou personne tentée de voler.

Dimension pénale, d’intention de limiter le vol, rétablir l’ordre public, l’apparition d’un droit pénal public, le 2e moment de cette infraction. A la fin de la république certaines formes de vol furent distinguées par le magistrat en charge d’administrer la justice, le prêteur, et en faisant évoluer les formes de vol, le prêteur cherchait à empêcher la pratique de certaines politiques, qui consistaient à envoyer des bandes d’esclaves piller la propriété d’un adversaire. Il fut introduit dans l’édit annuel du prêteur, 76 av. J.C des répressions visant à réprimer de tels agissements, ainsi fut incriminé le délit de rapine : l’instigateur de ces vols, pillages, ne pouvait plus s’exonérer en abandonnant les esclaves dont il s’était servi. Abandon noxal, maintenu jusqu’à la fin de la république, et là on voit des dispositions visant à empêcher de telles pratiques, en limitant le jeu du principe de l’abandon noxal. Puis sous le principat le délit de rapine visait le vol perpétré par plusieurs personnes armées, ou le vol commis à l’occasion

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d’un naufrage, d’un incendie ou d’un tremblement de terre. L’action civile en réparation fut complétée par un châtiment, une action criminelle qui entrainait un châtiment corporel, le délit de rapine entendu sous l’empire est devenu vraiment relevant du droit pénal public. A cette même époque des vols des conditions particulières sont entrés dans la sphère du droit pénal public et entrainaient des châtiments corporels, c’était le cas du vol de bétail, abigéat, également le vol avec effraction ou encore le vol nocturne, le vol dans les temples, le vol des biens appartenant à la collectivité publique et enfin très révélateur de la société, le vol commis dans les bains publics. Thermes parties intégrantes de la civilisation romaine, chaque cité avaient ses thermes, chaque agglomération, qui seraient des sortes de cité, créées pour urbaniser et faire des pôles de romanisation avait également ses thermes. Les personnes qui allaient aux thermes de déshabillaient, et les voleurs en profitaient. Tous ces délits étaient punis de peines corporelles. Le digeste énonce que ces dispositions ont été prises pour lutter contre la témérité des malfaiteurs, Ulpien. A cette même époque, apogée du droit romain, 2e siècle avant J.C jusqu’au 2e siècle après J.C, a été dégagée une définition du vol : la manipulation frauduleuse de la chose d’autrui en vue de réaliser un profit. Le droit romain ne sanctionnait que des atteintes graves, le pouvoir public a essayé d’appuyer son emprise sur la société en érigeant certains délits en délits publics.

Ce furent également des comportements qui relevaient de la juridiction domestique du pater familias qui furent érigés en délits publics.

C- Les délits de la juridiction domestique érigés en délits publics

La société romaine était une société de pater familias, celui qui n’avait plus d’ancêtre mal vivant et les paters familias faisaient régner l’ordre dans leur domus, ils avaient un droit de vie et de mort sur les membres de leur maisonnée. Ainsi l’adultère de la femme était réprimé à l’intérieur de la famille, était considéré comme particulièrement grave car on craignant la turbatio sanguinis : le système de filiation soit perturbé par cet adultère. Dans ce contexte l’adultère relevait pour partie du tribunal domestique dont relevait l’épouse, pour partie du droit légitime de vengeance reconnu au mari. A l’origine le mari disposait du droit de tuer l’épouse surprise en flagrant délit d’adultère et de faire subir le même sort à son complice, et légitimité du droit de tuer du mari encouragée par l’insuffisance des juridictions domestiques concurrentes, c'est à dire celui du père de la femme adultère qui devrait aussi la tuer.

Début de la république : évolution des mœurs. Fin de la république les mœurs ont pu se relâcher au moins dans l’aristocratie et l’autorité publique a dû intervenir. Cela a pu être d’abord une intervention sous la forme de la note du censeur : le censeur était un magistrat chargé de répartir les citoyens dans différentes classes censitaires, en fonction de l’impôt versé, participation aux charges publiques, et il était honorable d’être classé dans les classes les plus riches. Un censeur pouvait déclasser un citoyen dont la femme ou dont la fille s’était mal conduite, ou éventuellement le retrancher de la liste des sénateurs. Cela n’empêchera pas le relâchement des mœurs dans certains milieux, adultère devenu une pratique de plus en plus courante, la potesta familia ne jouait plus son rôle, subsistait seulement à l’encontre de la femme une sanction civile.

Le 1er empereur Octave-Auguste entendit restaurer au moins en façade les meurs romaines, il fit prendre par les assemblées qui votaient les lois sous la république, la loi Julia sur l’adultère, ou sur la répression de l’adultère qui créait une nouvelle juridiction permanente chargée de sanctionner la femme adultère et son complice. Toutefois le régime de l’accusation dérogeait, seul le mari pouvait l’intenter, pendant un délai de 2 mois à partir de la découverte des faits, priorité était donc donné à la famille, puis passé ce délai l’action devenait publique. Mais celle-ci ne pouvait être intentée que pendant un délai bref de 4 mois. Au-delà elle était prescrite.

Evolution remarquable par rapport à l’époque antérieure, autrefois la famille du mari, ou la famille de la femme réglait la question sans que l’autorité publique s’en mêle, et sous Octave-Auguste l’autorité publique contrôle au travers de sa juridiction la réaction familiale, de plus elle réservait la priorité au mari par rapport au pater familias, elle privilégiait la dimension du couple par rapport à celle de la famille dans le temps, et elle autorisait à défaut d’action du mari toute personne à faire respecter l’ordre public en lui permettant de soutenir l’accusation d’adultère. Cependant la tranquillité de la société, de l’ordre public, commandait que l’honneur des femmes romaines ne puisse pas être mis en doute indéfiniment, ce qui explique pourquoi l’action était enfermée dans un délai très bref. La sanction prévue était l’exil dans une ile pour la femme, dans une autre ile pour le complice, avec confiscation partielle du patrimoine, et cette sanction correspond à celle qui visait les plus fortunés. Cependant le mari n’avait plus en principe le droit de tuer sa femme, il pouvait la répudier, agir en justice, mais pas la tuer. Si un

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mari tuait sa femme surprise en flagrant délit pour adultère, l’empereur précisait encore au 5e siècle qu’il pouvait être fait remise de la peine de mort, on ne le condamnait pas à mort.

Nouvelle étape avec Constantin, début du 4e siècle, l’accusation pouvait être soutenue pendant le mariage que par le mari, les autres membres à l’issue du mariage, en cas de flagrant délit le mari devait répudier sa femme à défaut il était considéré comme son esclave.

Délit spécial pour sanctionner la liaison de la maitresse avec son esclave, accusation publique mais les autres esclaves de la maisonnée ne pouvait pas agir, l’esclave n’avait pas la personnalité juridique. Trouble social encore plus grand si l’esclave pouvait accuser. La sanction était la mort pour les deux coupables.

Subsiste pendant longtemps des vestiges de ce droit de vengeance familial, le pater familias pouvait tuer l’esclave qui avait eu des relations adultère avec sa fille, mais en cas de flagrant délit la priorité revenait au mari.

Droit justinien : empereur Justinien du 6e siècle après J.C, empire d’orient, adoucit la répression d’adultère en faveur de la femme, le complice encourait la peine de mort, la femme devait être fustigée et recluse dans un monastère pour qu’elle prie et pendant un délai de deux ans le mari pouvait lui pardonner, influence du christianisme, amendement et pardon possible, en suivant ainsi les prescriptions chrétiennes qui enjoignent de pardonner. Sinon la réclusion devenait définitive et la femme restait enfermée dans son couvent.

D- Des délits qui réprimaient des comportements qui ne présentaient aucun caractère délictueux.

Tel fut le cas au début de l’empire, 1er siècle de l’empire, de la détérioration des digues et des ouvrages du Nil. Egalement le suicide lorsque celui-ci portait atteinte au droit du fisc. Multiplication à partir de 300 après J.C : interventionnisme économique et social du bas empire. Les professions étaient organisées en corporation : privilèges et devoirs. Notamment les naviculaires, transporteurs de blés et de céréales. Professions destinées à organiser la paix sociale. Extension du droit pénal public en même temps que l’autorité publique instaurait son emprise sur la société, ordre économique et social, le droit pénal public s’étend.

II- Les peines A- Les fonctions de la peine

La fonction primitive fut sans doute la vengeance qui apaise à la fois la colère de la famille de la victime et rétablit l’ordre des choses invisibles, ce rétablissement de l’ordre des choses pouvait passer pour un mal physique infligé à l’auteur du trouble ou par une réparation. La peine physique ne doit être comprise que comme une menace à une certaine époque, le droit éventuel de la victime sur la personne du coupable est un moyen de pression destiné à obtenir du coupable ou de ses proches le rachat sous forme de composition du droit de vengeance. Il faut une compensation, la vengeance est forme de compensation.

Quant à la vengeance illimitée, on ne sait si ce fut le cas à Rome. A partir de l’époque historique de Rome, loi des 12 tables, la vengeance est règlementée. La loi des 12 tables contient des dispositions qui relèvent de la loi du Talion.

Ces compositions pécuniaires sont appelées poena, à Rome seule une personne sous son propre droit possède un patrimoine, c'est à dire une personne qui n’est pas sous la domination paternelle d’une autre. C’est au pater familias de verser une composition pécuniaire à un autre pater familias. Or celui-ci peut choisir de ne pas verser de compensation, et de laisser l’auteur du trouble à la vengeance de l’autre famille. Avant le dénouement de l’affaire son père pouvait abandonner le cadavre du coupable ou un bout de celui-ci, geste grave en rapport à l’importance de la sépulture à l’époque. Antigone. Abandon noxal : forme de compensation. C’est c fondement vindicatoire qui importe au début de Rome.

Evolution à l’époque classique. A côté de l’idée de vengeance apparait celle d’intimidation, Jean Marie Carbasse observe qu’à côté de vindicare, les auteurs romains utilisent les termes animavertere.

A la fin de la république, Cicéron préconise la sévérité et sous l’empire le penseur stoïcien Sénèque, 1er siècle après J.C, dans son traité de morale De clemencia attribue 3 fonctions à la peine :

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-­‐ La correction du coupable -­‐ L’amélioration des hommes par l’ex de la peine -­‐ Le maintien de l’ordre public par l’élimination des méchants

Aulu-Gelle établit une distinction entre deux formes de prévention :

-­‐ La prévention spéciale du délinquant pour que celui-ci qui a délinqué fortuitement fasse davantage attention et se corrige -­‐ La prévention générale car la crainte du châtiment défend les autres de commettre les mêmes méfaits.

Ce caractère d’intimidation s’amplifie au bas empire avant d’apparaitre dans le droit pénal. Les textes : severitas, atrocitas. Et dans une constitution célèbre du bas empire, les empereurs ordonnent d'exposer les voleurs sur des fourches pour que les autres terrorisés soient détournés des mêmes méfaits.

Les fonctions de la peine ont donc évolué. Les romains ont utilisé tout un arsenal répressif.

B- Arsenal répressif

S’est d’abord posée la question de savoir quelle latitude avait le juge pour le choix de la peine.

1- Variations entre légalité et l’arbitraire des peines

Dans la Rome primitive il semble avoir existé une certaine légalité des peines, à chaque délit correspondait une sanction particulière ainsi la loi prévoyait une amende pour un membre brisé, la loi du talion une composition pécuniaire pour un membre arraché, ou encore patron ou client qui manquait à ses obligations devenait sacer, exclu de la société. Plus tard lorsque furent créées les tribunaux permanents, la loi de création prévoyait le crime particulier qui devait être poursuivis et la sanction. Légalité des peines qui protégeait d’abord essentiellement les citoyens et pas les personnes libres. Cependant le magistrat qui exerçait son pouvoir de coercition disposait d’une latitude plus grande lorsqu’il s'agissait de rétablir l’ordre, ce qui explique que sous le développement de l’empire la procédure extraordinaire de proportionnalité de la peine à la gravité du délit. Toutefois en même temps les Senatus consultes prévoyaient des peines précises que les juges devaient respecter et progressivement on voit apparaitre avec cette procédure arbitraire la liberté du juge dans la fixation de la peine. Là encore nouvelle évolution au bas empire : de nombreuses constitutions impériales ont mis en place des peines fixées.

2- Les différentes peines

Ces peines sont à remettre dans un contexte socio-politique donné. Les jurisconsultes romains établissaient une distinction entre les peines capitales et celle qui ne l’étaient pas.

a) Les peines capitales

Il existe toute sorte de peine capitale, en droit romain on distingue la peine de mort et les autres.

• La peine de mort : elle a pu être exécutée au moins au début de la république, aux origines de Rome de manière très diverse. Décapitation à la hache, crémation, précipitation, suspension ou encore la noyade. Quelques châtiments que les romains eux-mêmes présentaient comme exceptionnels : l’écartèlement. La façon de donner la mort pouvait être mise en rapport avec le pouvoir qui en donnait le commandement. Le magistrat impérium faisait décapiter à la hache le condamné. Le tribun de la plèbe précipitait le coupable du haut de la roche tarpéienne. Manière dont le coupable était exécutée en rapport avec la nature du délit : peine réfléchissante. L’incendiaire devait subir la crémation. Faux témoin précipité du haut de la colline ou siégeait Jupiter : gardien de la bonne foi. Néanmoins ils préféraient recourir au bannissement de l’eau et du feu. A la fin de la république les juridictions permanentes laissaient le condamné s’échapper avec l’exécution de la sentence. Les romains préféraient voir partir le condamné (interdiction de séjour). Lui ont été adjoints le supplice de la croix, infligé en particulier aux esclaves révoltés, qui disparut au bas empire. Est apparu aussi au cours de l’histoire la condamnation aux bêtes, l’aboutissement du supplice spectacle, qui révèle

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une dimension particulière de la société romaine, supplice spectacle qui est devenu un des exutoires institutionnalisés de la violence collective. Ce supplice disparut au 4e siècle sous la pression de l’Eglise. Cependant à la même époque la peine de la crémation s’est répandue, peine prévue par les constitutions impériales à l’encontre des esclaves qui avaient faussement dénoncés leurs maîtres. La peine du feu également prévue à l’encontre des déserteurs, de l’homosexualité. • Les autres peines capitales : parmi elles le bannissement qui permettait au condamné d’échapper à la mort, la personne était exclue du corps social, privée de la protection des lois, et on parlait d’interdiction de l’eau et du feu, des éléments qui servaient dans les rites romains. Sous l’empire on vit apparaitre une nouvelle peine dans le cadre de la procédure extraordinaire : la déportation, le plus souvent dans une ile, milieu clos où on pouvait surveiller les ports et la déportation était perpétuelle et seul l’empereur par une indulgencia pouvait y mettre fin. Déportation infligée qu’à des personnes de certains rangs : onestiores, qui avaient accomplis certaines fonctions. Pour un même crime les humiliores étaient frappés d’autres condamnations et notamment : la condamnation aux mines. b) Les peines non capitales

D’abord la relégation : personne attachée, internement dans certains lieux, elle n’était pas capitale en ce sens qu’elle n’emportait ni perte de la citoyenneté, ni confiscation des biens, et elle était généralement temporaire. Peine infligée aux onestiores, pour les mêmes délits les humbles étaient condamnés aux travaux publics.

Enfin des peines pécuniaires : les premières et les plus anciennes furent des peines compensatoires versées aux victimes, puis en même temps que se développaient les délits publics se multiplièrent les amendes dues au fisc. Confiscation de biens a pu être prononcée à titre principal. Jean Marie Carbasse mentionne l’ex suivant : propriétaire d’un local où se produisait de la fausse monnaie, même s’il n’était pas au courant, était condamné à la confiscation de son bien. Condamnation pénale qui pouvait entrainer l’infamie. Origine de la peine infamante : la personne avait perdu sa réputation, elle devenait infâme : perdue de réputation. Condamnation qui pouvait entrainer privation de certains droits politiques et privés, droit d’agir en justice en particulier.

3- Rôle éminent de l’empereur

Octave-Auguste : exercice de la justice biblique, et finalement ses fonctionnaires exerçaient cette prérogative par délégation et l’empereur pouvait intervenir dans le procès, il a toujours pu interrompre les poursuites criminelles, pouvoir d’abolition, et aussi de remettre les peines en vertu de son indulgencia, qui pouvait jouer de manière rétroactive, le condamné retrouvait tout ce qu’il avait perdu. Ces prérogatives avaient une grande importance dans le code théodosien, un titre entier consacré aux abolitiones et un autre à l’indulgence de l’empereur en matière de crime. Michel Imbert observe que « ces pouvoirs d’abolition et d’indulgence se dilatent au même rythme que l’absolutisme politique et qu’il participe de la même conception du pouvoir bien que sous une forme infiniment plus humaine que les appels fanatiques à la cruauté dans la répression des crimes ».

Aspect du droit romain qui nous est resté : cette procédure pénale inquisitoire, tempérée par une possibilité d’appel mais pas dans tous les cas, reprise au Moyen Age, époque moderne. Cette procédure pénale romaine est à l’origine de notre procédure pénale, en tout cas de sa 1ère phase.

Mais pour les époques dont nous parlons maintenant : cette procédure pénale disparait en mm temps que l’empire romain d’occident, en 476 ap. J.C. Un chef germain qui renvoie les insignes impériaux à Constantinople : cette forme de pouvoir ne correspond pas à l’empire, il va pratiquer la monarchie. L’empire orient reste prestigieux. Les chefs germains cherchent à s’attirer sa faveur.

Les germains avaient leurs propres coutumes notamment un régime de preuves qui s’est imposé pendant au moins 7 siècles : pendant ce que les historiens contemporains ont appelé l’époque franque de domination, sur la gaule qui devient progressivement la France, mais aussi plus longtemps pendant la période seigneuriale qui est marquée par ce régime de preuves.

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Chap. 2 Le droit pénal à l’époque germanique et seigneuriale

Ce qui crée un lien en droit pénal entre ces deux époques c’est le régime de la preuve qu’on a pu décrire comme irrationnelle à nos yeux d’occidentaux du XXIe siècle, la preuve se faisait sous la menace, une rétorsion des puissances invisibles, d’une justice qu’on pourrait appeler rémanente. Ce régime de la preuve a commandé pour une bonne part la procédure pénale, en tout cas façonné la procédure pénale, toutefois il existe une distinction entre les deux périodes parce que le régime politique et par conséquent l’organisation judiciaire étaient différents.

SECTION 1 LE DROIT PENAL A L’EPOQUE GERMANIQUE OU FRANQUE

Les francs étaient des germains, ce sont les romains qui ont fait entrer les germains dans l’histoire, si l’histoire suppose l’écriture, ce sont les romains qui ont décrit les germains très tôt, alors que ceux-ci ne conservaient pas de traces écrites et constituaient une civilisation orale. César a pu en faire une description dans son ouvrage sur la guerre des gaules, années 50 av. J.C, il a dressé un tableau plus précis dans la 2e moitié du 1er siècle ap. J.C. La plupart des éléments qui nous restent sont postérieurs et datent de l’entrée des germains dans l’empire. Ces migrations ont revêtu plusieurs formes : ainsi ce sont des groupes plus ou moins nombreux qui ont pu pénétrer en force, notamment au moment de la grande crise de l’empire romain : 230-280 ap. J.C. Comme l’a montré Fustel de Coulanges cette infiltration s’est opérée de manière paisible, des tribus entières cherchaient refuse dans l’empire pour échapper à l’insécurité, au désordre qui était le lot du monde germanique, et aussi à la poussée d’autres peuples venus de l’est. Leur nombre a augmenté sans cesse au cours du 4e siècle, au début du 5e siècle des peuples entiers s’installèrent en gaule. L’empire déclinant dû passer avec eux des traités, foedus, et ces peuples eurent alors le statut de fédéré. Avec les Burgos, les Wisigoths, les Francs saliens, installés sur le sol de la gaule, ces peuples conservaient leurs langues, leurs coutumes et leurs juridictions, en contrepartie ils devaient défendre l’empire, c’est ainsi qu’une coalition de peuple germaniques Gallo-Romains, a résisté en 450 à l’invasion des Huns, célèbre bataille des champs catalauniques. L’empire d’occident en expirant laissa ces peuples autonomes, et se forma alors sur ce qui avait été son territoire et particulièrement en gaule plusieurs royaumes. Mais l’unité de la gaule fut bientôt rétablie au profit des francs : Clovis puis ses fils, dès la fin du 5e siècle ap. J.C. Les succès de Clovis tiennent sans doute à ce qu’il avait avec ses hommes embrassé le catholicisme, tandis que les autres peuples germaniques prônait l’arianisme, professé par un évêque Arius et qui enseignait que le christ était d’une nature différente de celle du père et qu’il avait été créé, et pour les catholiques le christ était de la même nature et engendré. Ainsi la conversion de Clovis avait entrainé les Gallo-Romains. A terme la conversion au christianisme permit la fusion entre les peuples qui coexistaient sur le sol de la gaule, fusion sur plusieurs siècles et n’était pas achevée lorsque les mérovingiens furent supplantés par les carolingiens en 751 ni même lorsque l’empire de ces derniers fut partagé en 3 lors du traité de Verdun de 843 qui partage l’empire carolingien entre les 3 petits fils survivants de Charlemagne. Cette fusion du lieu, au 10e siècle où la monarchie devient élective, les carolingiens furent remplacés par les Robertiens, appelés capétiens après l’élection de l’un des leurs Hugues Capet en 987.

Cette époque 5e-10e siècle au cours de laquelle deux dynasties de races se succèdent : période franque : domination du peuple franc sur les autres peuples du royaume. La singularité de chaque peuple se manifestait par un droit qui leur était propre, c’était le phénomène qu’on a appelé de la personnalité des lois. Cette personnalité des lois s’est entendue de la coexistence sur un même territoire de deux populations possédant chacune un droit différent. Ce phénomène que dans le domaine du droit privé, car les règles du droit public devinrent très vite territoriale, c'est à dire qu’elles s’appliquaient à tout individu vivant sur le territoire quelle que fut son origine. Elles traduisaient l’affirmation de l’autorité des rois francs. Les règles du temps qui ont été rédigées au moment de leur installation en gaule, sont caractérisées par leurs origines germaniques, même si elles ont pu emprunter quelques caractères romains. Elles correspondent à un système vindicatif, à celles qui ont pu exister dans la Rome primitive et elles reflètent finalement un Etat social similaire, une organisation clanique régulée par l’autorité royale. Là encore on serait tenté de faire la description d’un droit pénal privé et public.

I- Un droit pénal privé et un droit pénal public A- Un droit pénal privé

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Un droit essentiellement compensatoire, qui suppose un châtiment exercé par l’autorité publique. On va voir se produire une évolution, comme à Rome, sauf que le droit théorique sera moins pensé qu’à Rome. Les origines du droit pénal privé viennent des dispositions pénales dans le droit pénal germanique, qui révèlent une société clanique. Chaque atteinte portée à l’individu par le membre d’un autre clan entrainait une guerre privée ou une réparation. Une composition pécuniaire originairement négociée par les parties puis fixée par la coutume. Par ex : la loi Salique, chap. 41 : si quelqu’un tue un Franc qui vit sous cette loi et que le fait est prouvé contre lui, qu’il soit redevable de 200 sous, étant précisé que cette possibilité de compensation financière était réservée aux hommes libres. Lorsqu’on regarde cette loi Salique : on s’aperçoit qu’il s’agit d’un long tarif de composition qui ressemble bien par sa formulation à la loi des 12 tables. Les peines compensatoires du droit romain. Lorsqu’on examine de plus près : le montant de la composition, wergeld, variait en fonction de la nature du délit, des circonstances du délit, de l’origine de la victime gallo-romaine (la moitié de l’indemnité pour un franc) ou franque, de la place dans la société de la victime (sous la protection du roi, la compensation était triplée). Ces différents critères pouvaient se combiner. Comme en droit romain la charge de cette composition ne pesait pas uniquement sur le coupable, mais surtout sur toute sa famille. Obligation solidaire de réparation. Comme en droit romain si la famille du coupable ne pouvait pas ou ne voulait pas verser de compensation le débiteur de la réparation devait composer de son corps. A l’époque mérovingienne, ce coupable était présenté à 4 sessions du tribunal populaire, si un tiers acceptait de payer la composition le coupable devenait esclave de son rédempteur, dans le cas contraire le coupable devenait l’esclave de la famille de la victime qui pouvait le tuer. Progressivement une partie de cette composition pécuniaire a été versée au roi, 2/3 à la victime parce que la collectivité avait été lésée par le trouble : friedus, friede : la paix. Dans ce droit pénal de composition on voit une partie qui constitue comme une amende versée au roi. Un tiers. On voit apparaitre un droit pénal public. Mais il y a toujours eu un droit pénal public, des aspects qui sanctionnent les atteintes les plus graves portées à la collectivité.

B- Un droit pénal public

Déjà tacite dans sa Germanie avait mentionné qu’un crime très grave qui portait atteinte à toute la communauté devait être puni de mort, c’était notamment le cas en cas de trahison ou de désertion. A l’époque mérovingienne, première moitié de l’époque franque, les violences commises contre le roi étaient punies de mort, puis les capitulaires royaux qui étaient les manifestations législatives de l’autorité royale, étendirent le champ d’application du droit pénal public. Un capitulaire d’un roi franc de 596 a remplacé la composition pécuniaire par la peine de mort en cas d’homicide involontaire injustifié, et plus tard les 1ers carolingiens, à l’imitation des empereurs romains, ont multiplié les peines afflictives : la peine de mort, les mutilations, l’exil, la confiscation de biens, pour les crimes qui lésaient la paix et la justice de tout le peuple.

Progression du droit pénal public en même temps que les rois francs essayaient d’établir leur emprise sur la société. Ces peines pouvaient être prononcées par des juridictions au terme d’une procédure particulière.

II- Les juridictions et la procédure pénale

La régulation sociale était opérée par deux juridictions

A- Les juridictions 1- Le tribunal populaire

Malus : se réunissait dans la centaine, subdivision du comté, qui était la circonscription administrative territoriale dans le royaume franc, confiée à un Comte. Composition du tribunal a évolué en fonction des transformations de l’autorité publique. On voit vraiment une justice populaire, rendue par le peuple, c’est une population qui s’autorégule en exerçant la justice. Au départ une assemblée d’hommes libres en armes qui devaient assister à l’assemblée comme ils devaient faire la guerre, obligation d’assister au tribunal populaire comme une sorte de service judiciaire. L’assistance à cette assemblée était obligatoire, et elle était sanctionnée par une amende. Elle fut peut être à l’origine dirigée par un président élu, si l’on pousse le système jusqu’au bout, mais l’on n’en sait rien. Toutefois à l’époque mérovingienne cette assemblée était présidée et dirigée par un Comte ou un chef de

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subdivision : le centenier, en certains lieux on trouve mention d’un viguier. Dans son activité de jugement le Comte a pu se faire assister par des notables, mais cela reste une justice par essence populaire.

Sous les carolingiens la composition et l’organisation du tribunal évoluent quelque peu. Charlemagne a limité le service judiciaire à 3 sessions par an, explication : les comtes avaient tendance à multiplier les amendes pour non-assistance au malus, ils multipliaient les convocations pour que tous ne viennent pas. Là encore on voit un Charlemagne préoccupé d’administrer correctement son royaume et d’agir contre les pratiques déviantes. Les assesseurs ne sont plus des notables, des prudhommes choisis à l’occasion d’un procès, mais des juges permanents, on trouve les scabins. Enfin il réforme la juridiction du malus et il en fit deux formations, important pour la période seigneuriale :

-­‐ Présidée par le comte et connaissait des affaires les plus graves : les causae majores -­‐ Présidée par le centenier ou le viguier, des chefs de la centaine ou la personne qui s’occupait d’un plus petit groupe d’hommes, qui statuait dans les petites affaires : les causae minores.

Là sans doute l’origine entre haute et basse justice qu’on trouve à l’époque féodoseigneuriale. C’est une répartition des affaires entre deux formations du tribunal, pas 1ère instance et appel, pas d’appel possible de l’un à l’autre, c’était un aménagement des compétences.

2- Le tribunal du Palais

Formé par le roi et ses conseillers et il jugeait les atteintes à sa personne, à ses proches, aux personnes à qui il avait accordé sa protection, ainsi qu’à l’autorité royale. Il pouvait aussi juger les juges qui avaient mal assuré leurs fonctions, ce n’était pas un appel, on demandait de juger le juge qui était coupable de forfaiture. Dans ces cas-là il pouvait être saisi par une accusation ou se saisir lui-même. Une justice moins générale qui sanctionne les atteintes à l’autorité du roi, et qui lui sert à établir sa puissance sur la société, une emprise qui reste légère et le roi ne peut juger personnellement qu’un nombre d’affaires très réduit.

Le roi a quand même essayé de contrôler ses juridictions par l’intermédiaire des missi dominici : les envoyés du maître. L’empereur charlemagne envoyait donc des représentants, deux dans chaque partie de l’empire, en général il s’agissait d’une personne de haut rang, un comte et un évêque, et ceux-ci devaient surveiller les comtes qui commettaient des abus et lutter contre le brigandage.

B- La procédure pénale

Il existait des éléments d’une procédure inquisitoire, mais la procédure était surtout accusatoire.

1- Des traces de procédure inquisitoire

Devant le tribunal du palais la procédure pouvait être inquisitoire, le roi pouvait demander que soit recherché l’auteur d’un crime pour qu’il soit puni par lui. Cette prérogative fut confiée également aux missi dominici pour qu’ils puissent réprimer les auteurs des infractions qu’ils étaient chargés de poursuivre. Des capitulaires (recueils d’instruction d’ordre royaux) indiquent qu’ils doivent les rechercher (inquerere) sans préciser davantage, toujours est-il que les agents du roi sont chargés de rechercher : éléments d’une procédure inquisitoire, logique de cette procédure qui vise à instaurer le contrôle d’un pouvoir judiciaire et plus loin politique sur une société. Une procédure accusatoire se contente de réguler entre différents groupes sociaux, une inquisitoire cherche à contrôler et ordonner la société.

2- Immense majorité des cas : procédure accusatoire

La voie judiciaire ne constitue qu’une branche d’une alternative :

-­‐ Indemnité avec ou sans recours au malus -­‐ Vengeance privée (faida).

A cette époque la voie des armes était plus honorable que la voie judiciaire. Grégoire de Tours, Récit des temps mérovingiens, fait dire à son for intérieur à un homme : si je ne venge pas mes parents assassinés, on ne

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m’appellera plus un homme, mais une faible femme. Cette idée de la supériorité de la voie de fait se retrouve au Moyen Age, réservée aux nobles.

Certes les carolingiens qui ont essayé de restaurer l’empire romain en occident, ont essayé d’empêcher le recours aux armes en imposant une composition pécuniaire. Charlemagne prend des mesures en ce sens dans un capitulaire de 802, mais sans grand succès. Il existait cette voie de droit qu’on appellera peut être de manière excessive une instance. Elle était marquée par un très grand formalisme caractéristique d’une société archaïque. Elle commençait avec l’ajournement : l’accusateur, la victime ou sa famille, informait l’accusé qu’elle l’attendait pour régler leur querelle à telle séance du malus. Au jour dit l’accusé devait se présentait en personne devant le malus car la représentation n’existait pas, sinon amende et devait revenir la fois suivante. Le débat pouvait être repoussé deux fois, et 3e fois sans accusé : il était condamné par défaut. L’accusateur formulait au sens de rites sa demande et demandait au juge de juger selon la loi. L’accusé avouait ou niait, le tribunal demandait des preuves qui incombait au défendeur. La preuve présentée était essentiellement une preuve irrationnelle à nos yeux. C’est toute la question de la preuve.

C- La preuve

Ces preuves supposaient l’intervention possible de divinités puis du Dieu des chrétiens, Olivier Guillot : dans la conception du temps, Dieu est pleinement créateur et tout ce qui arrive aux hommes est forcément le fait de Dieu, et on interprète les évènements concrets qui jalonnent la vie d’un homme comme voulus par Dieu, et finalement la cause dans ce système des preuves est confiée à Dieu. On ne recourt plus à des preuves qui font appel à la rationalité, il faut dire que l’écrit ne vaut pas grand-chose, faux, valeur a perdu, et en matière pénale il s’agit surtout d’établir des faits. Les témoignages simples sont très souvent faux également. Les preuves du temps supposait l’intervention possible des divinités.

1- Le serment

Affirmation solennelle par laquelle une personne atteste la véracité de ses dires en invoquant les dieux, puis Dieu. Les faux témoins risquent d’être punis immédiatement, et des témoignages. Il pouvait être prêté par les témoins, mais aussi par l’accusé lui-même, une forme de serment purgatoire. Il pouvait aussi être prêté par des personnes qui répondaient de l’accusé, des fidéjusseurs. Leur nombre variait en fonction de la gravité de l’affaire, aussi de l’importance du personnage mis en cause, en général 12 pour les affaires ordinaires, 24 dans les cas les plus graves. Les parjures étaient punies d’une amende dans les lois germaniques, 15 sous d’or. Là encore Charlemagne entend faire une restauration du modèle romain, essaya de lutter contre le faux témoignage en prescrivant l’amputation de la main droite, là que siège la fides. L’accusateur pouvait dénoncer ces serments comme faux.

2- L’ordalie

Ordalie ou jugement de dieu : Barthélémy : l’ordalie était le point culminant de l’escalade judiciaire. Une épreuve judiciaire destinée à confondre ou à disculper un accusé, et la décision était alors confiée à l’origine à des divinités puis aux Dieu des chrétiens. C’est la pureté de l’accusé qui était éprouvée, dont on tirait des conséquences judiciaires. Généralisation au 8e siècle. A cette époque, cette ordalie a pu revêtir différentes formes : on pouvait demander à l’accusé de se disculper en tenant dans sa main un fer incandescent, prendre une pierre dans un chaudron d’eau bouillante, le membre en contact avec le feu ou l’eau était emmailloté, passé 3 jours la main était démaillotée on jugeait l’aspect de la blessure : bon ou mauvais aspect. Ou encore l’ordalie de l’eau froide : plongé dans la position du fœtus dans l’eau froide bénie, s’il était coupable il devait être rejeté par l’eau pure.

Enfin il existait une forme d’ordalie bilatérale : le duel judiciaire : apparu tardivement en 501 dans la loi Burgonde, c’est un combat singulier où s’affrontaient accusateur et accusé, éventuellement représentée par un champion pour une femme, Dieu était censé assister le juste. A l’origine il s’agissait d’un combat à mort, le vaincu qui avait tort était tué, par la suite le combat qui mettait aux prises l’accusateur et l’accusé était arrêté avant la mort et le vaincu était puni à la mesure de son crime.

Confrontée à ces pratiques, l’Eglise essaya de limiter, ou de les accommoder pour les rendre moins néfaste. L’Eglise a toujours condamné le duel judiciaire. Lorsque la pratique a été instaurée par le roi des burgondes,

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l’évêque de Vienne avait protesté. Les prélats de l’union s’étaient illustrés par la suite dans cette lutte contre le duel judiciaire, en particulier l’évêque de Lyon, Agobard, écrivit à Louis le Pieux. En 855 ap. J.C le concile de Vienne déclare le vainqueur d’un duel judiciaire assimilé à un tueur, et le vaincu à un suicidé. Et ce canon prévoit une condamnation solennelle par le Pape Nicolas, l’évêque de Rome successeur de Saint Pierre. Mais les condamnations n’ont pas réussi à enrayer cette pratique jusqu’au règne de Saint Louis.

A défaut l’Eglise a préconisé l’emploi des preuves qui en principe ne devait pas laisser de lésions trop définitives au corps de l’accusé. Par ex l’ordalie de l’eau froide. On a pu recourir à l’ordalie de la croix : les deux parties se tenaient debout les bras en croix, et le 1er qui baissait perdait. Procédé condamné très vite par l’Eglise car il pouvait apparaitre comme une imitation déplacée de la passion du Christ. Les historiens contemporains ont pu observer que l’ordalie pouvait servir à faire cesser la persécution des puissants contre les faibles, et plus généralement elle était un moyen de forcer les accusateurs à retirer leurs plaintes, alors que l’inverse ne se produisait pas.

Témoignages :

-­‐ Tristan de Béroul : la reine Yseult qui n’est pas tout à fait innocente, est prête à se disculper mais elle pense qu’un serment ne serait pas suffisant, on retrouve cet aspect de la procédure, le serment est une escarmouche procédurale, on sait qu’on ira plus loin. Elle dit au roi : si je faisais un serment à la cour devant les hommes, deux jours elle me demanderait une autre disculpation. -­‐ Roman de Renart : des animaux qui tiennent des rôles d’hommes, Renart est le nom du goupil, dans l’histoire le loup Isengrin soupçonne que son épouse Hersaint l’a trompé avec Renart. Ce dernier convoqué ne vient pas le jour fixé, la femme est prête à subir l’ordalie du feu. Un des personnages de l’histoire conseille au loup : si Hersaint est brulée et confondue, ceux qui ne savaient rien de cette histoire seront avertis et le scandale sera grand, il retire son accusation. Procédure donc intimidante.

Le Moyen Age est l’âge au milieu : entre l’antiquité et la renaissance, histoires à partir de la renaissance ont considéré une longue période avant la renaissance où on retrouve les canons de l’antiquité, non seulement dans les arts mais aussi dans d’autres domaines. Le Moyen Age qui s’étend du 5e au 15e siècle ap. J.C. Période féodale : derniers vestiges administratifs romains, période de dissolution du 10e au 12e siècle, ensuite une autre période royale.

La période qui a succédé à l’empire romain a été marquée par un régime de preuves irrationnelles à nos yeux. Domination à la période franque, qui prend fin à la fin du 10e siècle avec la fin de la dynastie carolingienne en gaule et l’apparition de la dynastie capétienne.

SECTION 2 LE DROIT PENAL A L’EPOQUE FEODO-SEIGNEURIALE

Au Xe et XIe siècle, reprise des invasions normandes, pressions musulmanes au sud, la monarchie carolingienne s’affaiblit, et les grands seigneurs élisent le roi à chaque décès du roi en exercice. Les carolingiens sont concurrencés par les Robertiens, les fils et les enfants de Robert le Fort, un puissant franc qui réussit à défendre Paris contre les Normands entre autres. Chassé-croisé entre Robertiens et carolingiens, qui se poursuit sur presque 1 siècle jusqu’à ce que les Robertiens prennent le pouvoir en 987 ap. J.C lorsque Hugues Capet fait élire et sacrer son fils, la dynastie devient celle des capétiens.

A l’avènement de Hugues Capet le pouvoir royal ne s’exerce guère qu’autour de paris jusqu’à Orléans, le pouvoir politique a échappé au roi pour passer dans un 1er temps aux plus puissants des subordonnés : les ducs et les comtes. Le mouvement de désagrégation se poursuit, les ducs et les comtes s’emparent du pouvoir.

Fin du XIIe siècle : le pouvoir politique est exercé par les seigneurs qui dominent de fait un territoire, et leur puissance se manifeste sur le plan architectural par un château. Il se produit alors ce que des auteurs ont pu appeler la mutation féodale. Sur le plan institutionnel on ne peut contester cette mutation.

Dans le même temps l’affaiblissement de l’autorité royale transforme en seigneurs les évêques et les abbés, à la tête de grands domaines et qui jouissaient déjà d’une large autonomie sous les rois carolingiens qui bénéficiaient d’immunités. Ces seigneurs étaient titulaires du pouvoir de ban et de commandement, d’organisation, le pouvoir de

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juridiction dans le ressort de leur territoire, on parle de seigneurie banale. Le seigneur est assisté par des combattants à cheval, des chevaliers. Peu à peu mais lentement seigneurs et chevaliers formèrent la noblesse. Pendant un certain temps il a pu y avoir des paysans chevaliers. Nouvelles données politiques et sociales qui justifient l’apparition d’une nouvelle justice partant d’un nouveau droit pénal.

I- Système seigneurial

Il était apparu une catégorie sociale, on parlera plus tard d’un ordre, des chevaliers à côté de l’ordre des paysans. La société étant essentiellement rurale du Xe au XIIe siècle. Le pouvoir seigneurial n’a pas vraiment aboutit à une modification essentielle du droit pénal, en revanche le système de la seigneurie a entrainé un droit pénal nouveau pour les paysans.

A- Le droit pénal applicable aux chevaliers

Ce droit pénal est marqué par une très grande continuité par rapport à l’époque précédente. Subsiste l’idée de vengeance privée, l’honneur de la victime ou de sa famille commande qu’elle se fasse justice elle-même par les armes et cette vengeance sera appelée au XIIIe siècle la voie de fait, par opposition à la voie de droit qu’on emprunte lorsqu’on se rend en justice. Comme à l’époque précédente ils pouvaient procéder à une transaction, généralement une composition pécuniaire. Dans ce cadre la justice du seigneur servait moins à réprimer les agissements coupables qu’à réguler les conflits entre deux familles, un accord était conclu entre eux, le seigneur garantissait l’exécution de cet accord.

La procédure suivie devant la justice seigneuriale était assez sommaire. Elle ne s’est perfectionnée qu’à la fin du XIIe siècle, elle faisait largement appel aux ordalies et plus précisément au duel judiciaire pourtant condamné par l’Eglise. Le duel judiciaire qui n’est finalement que la limitation d’une guerre privée. Lorsqu’une des parties ne pouvait pas combattre il était fait appel à un champion. La querelle pouvait se terminer aussi par une compensation pécuniaire que s’engageait à verser le coupable à sa victime, mais les tarifs des époques précédentes étaient tombées dans l’oubli et ne correspondait plus à la société du temps. Le montant des réparations fut donc fixé conventionnellement par des parties, jusqu’à ce que de nouveaux usages s’établissent, conformes à la nouvelle hiérarchie sociale. Ainsi les usages de Barcelone fixés par le comte de Barcelone, le meurtre d’un chevalier peut être compensé de 11 onces d’or.

B- Le droit pénal applicable aux paysans

Cette justice était marquée par ces caractères à la fois répressif et lucratif.

1- Une justice répressive

Le seigneur ne se contentait pas d’arbitrer les conflits survenant entre les rustres, les gens de la campagne, et utilisait son pouvoir de rendre la justice comme un instrument de puissance dans sa seigneurie. De surcroit la justice constituait un élément de prestige dans la société du temps, elle constituait donc un enjeu source de conflits entre les seigneurs. Certains pouvaient rendre la justice pour tous les crimes, en particulier la justice du sang qui concerne les affaires dans lesquelles le sang a été versé, mais aussi celles qui sont sanctionnées par la peine de mort.

Des sources de l’époque précisent parfois ce qu’elles entendent par la justice du sang : le meurtre, le rapt, l’incendie, parfois le vol, qui constituaient les fameuses causae majores de l’époque carolingienne. Les seigneurs qui pouvaient rendre la justice sur toute cause, sur les causes les plus graves, étaient appelés les seigneurs haut-justiciers. Ceux qui ne pouvaient rendre la justice que dans des causes mineurs : les bas-justiciers. Il n’existait pas de hiérarchie entre ces deux catégories de seigneurs, c’était une répartition de compétence, la notion d’appel qui suppose l’intervention d’une puissance supérieure avait alors complètement disparue.

Le Moyen Age est essentiellement diversité. Ce pouvoir de contrainte s’exerçait différemment en fonction des régions, de manière générale il ne connaissait aucune limite précise tenant aux incriminations ou aux peines, tout

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comportement pouvait être puni et les peines pas forcément proportionnelles aux délits. Les habitants étaient à la merci du seigneur. Ce qui permettait à bien des égards de rendre une justice lucrative.

2- Une justice lucrative

Il existait d’abord des taxes de plaidoirie, assurer la justice. Certaines peines permettaient d’enrichir le seigneur, la confiscation des biens par ex, les amendes, des châtiments corporels convertibles en versements pécuniaires. On parle souvent du Moyen Age comme d’un nox juri.

L’Eglise et le roi ont souvent assombri le tableau de la justice seigneuriale, même si celle-ci était sans doute bien imparfaite et bien rudimentaire.

II- Limites et contestation

Les forces de résistance à la toute-puissance du seigneur ont tenté de limiter les abus de cette justice seigneuriale. Ces deux principales forces ont été la résistance des justiciables, puis celle de l’Eglise.

A- La résistance des justiciables

Les excès seigneuriaux ont entrainé la résistance au moins passive des populations qu’ils avaient sous leur puissance. Cette résistance est devenue une force lorsque cette population s’est organisée en communautés paysannes et communautés de citadins à partir de la fin du XXe siècle, moment où les échanges économiques reprenaient, et aboutissaient au développement des villes. Confrontés aux revendications collectives, les seigneurs ont dû concéder à ces communautés des droits particuliers, des règles particulières, des privatae leges. Les communautés qui ont le plus bénéficié de ce mouvement ont été les centres urbains. Ce terme peut nous sembler fort pour des agglomérations qui étaient très petites, mais elles étaient dotées de tous les organes d’une ville. Ce degré d’autonomie par rapport au seigneur a pu varier selon les lieux. On distingue généralement entre les villes de communes plutôt autonomes au nord bénéficiant d’une forme de personnalité morale, des consulats dans le sud. Dans l’ouest des villes franchises qui ont bénéficié de certaines garanties contenues dans une charte octroyée par le seigneur. Quel que soit l’endroit il existait presque toujours des privilèges judiciaires qui constituaient essentiellement en des aménagements apportés à la procédure seigneuriale et en une mutation des peines.

1- Des aménagements apportés à la procédure seigneuriale

En bien des endroits les bourgeois, habitants de bourgs, mais aussi les métiers et activités, ce sont des commerçants, ont tenu d’être jugé selon une procédure accusatoire, c’est le principe : pas d’accusation, pas de procès, contenu dans de nombreuses chartes. Comme les chevaliers les bourgeois peuvent choisir entre une transaction et la voie judiciaire. Le plus souvent le seigneur s’est réservé le droit d’agir d’office pour les crimes les plus graves. Dans les chartes figure souvent le privilège d’être jugé sur place, ce qui permettait un contrôle de la communauté qui pourrait ainsi contrôler la régularité du procès. En certains endroits les habitants ont pu obtenir de ne plus voir utilisé le duel ou l’ordalie, ce qui correspond à une mutation des esprits, et aussi une échelle de valeurs différente.

2- La fixité des peines

Les peines n’étaient plus laissées à la disposition du seigneur, il était prévu une amende pour chaque infraction. Une garantie pour le justiciable, une sorte de légalité des peines, les peines sont prévues dans un texte écrit et le justiciable sait à quoi s’attendre. Les chartes les plus anciennes ne contiennent des tarifs que pour des infractions mineures sanctionnées souvent de peines disproportionnées par le seigneur, ce qui les rendait insupportables pour les habitants. Puis ils se sont étendus au XIIIe siècle vers des délits plus graves, il n’était laissé à l’arbitraire du seigneur que les crimes les plus graves.

3- Une juridiction spéciale

Juger des délits et crimes commis dans la ville, certaine autonomie par rapport au seigneur, justice qui traduit une autonomie de la ville. Institution qui se met en place à partir du XIIe siècle, traduisant le renouveau des villes.

B- La résistance de l’Eglise

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L’Eglise a apporté des limites multiples au pouvoir seigneurial : l’ecclésia, la communauté des disciples du christ, et cette Eglise s’était développée et structurée à la fin de l’empire romain et s’était maintenue pendant la période franque. Elle s’est maintenue de justesse en occident au moment de la mutation féodale au prix d’une centralisation qui n’existait pas initialement. Pour résister à la mainmise des pouvoirs locaux sur l’Eglise, le pape a résisté, en particulière Grégoire, d’où la réforme grégorienne qui au profit d’une centralisation a permis à l’Eglise de résister.

La juridiction de droit commun était le tribunal de l’évêque, appelé officialité, l’évêque déléguait son pouvoir à un official qui jugeait en principe les clercs délinquants, et pour juger certaines personnes placées sous la protection de l’Eglise : les miserabiles personae : les personnes en état de faiblesse. Juridiction également compétente pour connaitre des infractions portant atteinte à l’ordre divin, les pratiques païennes qui pouvaient subsister dans les campagnes, l’Eglise pouvait connaitre des hérésies : des interprétations jugées fausses des écritures, de la profanation des personnes et des lieu sacrés, du blasphème : parole qui insulte la divinité, des enchantements, parjures ou faux témoignages, également ratione loci en cas d’attentat à la vie humaine dans des lieux saints, et en matière d’adultère. Pour l’usure et l’adultère : compétence en concurrence avec la juridiction seigneuriale.

La procédure suivie devant cette juridiction était accusatoire, l’accusateur devait apporter la preuve de la culpabilité qui pouvait se faire par serment, pas témoignages, sans recours à l’ordalie ou au duel judiciaire, avantageux pour un roturier, et l’appel d’une décision était possible. Justice qui avait meilleure réputation que la justice seigneuriale. Quant aux peines prononcées par les cours d’Eglise, leur prononcé était moins caractérisé par une dimension vindicatoire mais visait l’expiation de la faute et le rachat du coupable. Les juges ne prononçaient dans les cas bénins que de simples pénitences, des aumônes ou des pèlerinages. Pour les cas les plus graves des peines de prison, le condamné était invité à faire son examen intérieur face à un mur. Lorsque le coupable ne parvenait pas à retrouver la bonne voie, ou qu’il retombait dans l’erreur en cas d’hérésie, lorsqu’il recommettait une erreur il était relaps, l’Eglise l’abandonnait aux bras séculiers qui prononçaient une peine de mort et l’exécutait en vertu du principe selon lequel l’Eglise a horreur du sang.

Il faut souligner en matière de justice pénale et de paix le rôle social et politique de l’Eglise. L’Eglise a d’abord dénoncé les abus des seigneurs en les amenant à rendre une meilleure justice. Recueil de chartes relatif au droit temporel d’un monastère : l’Eglise du lieu a pu forcer un seigneur à revenir aux usages qui avait été fixés ailleurs. Actions isolées de moines protestant contre les abus des seigneurs. La réaction fut plus générale et plus institutionnelle dès 994 : le concile de Puys interdit au seigneur de s’emparer d’un paysan ou d’une paysanne pour en tirer rançon sauf s’ils ont effectivement commis un délit. Cette prescription fut reprise par d’autres conciles ultérieurs. Ces mesures sont à replacer dans un courant plus vaste qui comprend le principe de la paix de dieu qui vise à préserver des violences certaines personnes et certains lieux d’asile, à l’époque tout criminel pouvait trouver refuge auprès d’un lieu saint. L’Eglise a essayé d’instaurer des camps de la trêve de dieu : interdiction de combattre au cours de certaines périodes de l’année, notamment pendant l’avent.

L’Eglise a conservé et promu l’idéal d’une justice pénale exercée au nom du roi. Adalbéron le place au sommet du triangle social : ceux qui prient, combattent ou travaillent, le roi est le sommet de ceux qui combattent et qui prient. Un autre moine affirmait : la Sainte Eglise a choisi des empereurs, des rois et des princes pour punir les malfaiteurs et réprimer l’audace des méchants. Mais les rois capétiens, Henri 1er, Philippe 1er, du XIe siècle furent d’abord très faibles et ne purent exercer cette mission, ce n’est qu’à partir du règne de Louis VI Le gros que l’autorité royale s’est affirmée grâce en grande partie à la justice royale.

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Chap. 3 La justice royale et des capétiens

Cette justice s’enracine dans ce monde féodal mais elle va se développer avec l’apport décisif des droits savants et tout particulièrement du droit romain.

SECTION PRELIMINAIRE : LE SORT DE LA JUSTICE ROYALE ET LE DEVELOPPEMENT DES DROITS SAVANTS

I- La justice royale

C’est à partir du règne de rois énergiques, Louis VI le gros, et Philippe Auguste, que l’autorité royale s’est affirmée en particulier grâce à la justice royale. Le principe de la supériorité de la justice royale sur les autres justices ne fut plus contesté après Saint-Louis, qui a conféré un prestige inégalé à la dynastie capétienne. Joinville qui évoque cette image de Saint-Louis rendant la justice adossé à un chêne. Roi juste qui rend une justice en accord avec les hommes, roi justicier qui rend la justice entre communautés.

Au fil du temps la justice royale a pris de l’importance, le 1er moyen de légitimité et de l’extension du pouvoir du roi de France, et à partir du 17e siècle que la monarchie deviendra plus administrative. Mais pendant longtemps c’est une monarchie judiciaire qui étend son autorité grâce à sa justice. Au fil des siècles étendue des compétences au dépend des autres justices laïques, elle intègre dans son système les autres justices laïques et confine les juridictions ecclésiastiques dans certains domaines, et a développé son propre appareil.

La justice royale s’est d’abord étendue aux dépends des justices laïques par différents biais. Au début nous sommes en présence d’une société violente. Pour commencer à pacifier la société le roi a accordé des lettres de sauvegarde à certaines personnes qui les protégeait contre les attaques. Les coupables encourraient la colère et la répression du roi. De même il a encouragé les asseurements qui étaient des pactes de non-agression passés devant un officier royal qui pouvait être imposés par le roi à la demande de l’une des parties, il s’agit de rétablir une certaine paix ou du moins de rétablir la violence par certaines institutions. Toujours pas une société pacifiée, encore au temps du roi Philippe-Auguste, accro à l’autorité du roi de France, il imposait la quarantaine qui imposait un délai de 40 jours entre le moment où la guerre privée était déclarée entre deux clans et le moment des 1ères agressions. Un demi-siècle plus tard le roi Saint-Louis interdit les guerres privées dans son royaume, mais là c’est un principe qu’il proclame qui est loin d’être appliqué, cette interdiction ne devint effective qu’au XVe siècle. Puis le roi va accorder le privilège de n’être jugé que par lui. Et puis il a établi une liste des cas royaux : infractions touchant à l’autorité et à la personne du roi, son autorité et ses biens. Le roi pour établir son autorité, pour éviter de verser au système féodal, pour éviter d’être soumis à la juridiction d’un autre seigneur préférerait ne pas acquérir un fief ou une terre. Les officiers royaux ont pu pratiquer également la prévention qui consistait à donner le droit aux justiciables lorsque la juridiction seigneuriale était compétente, de porter l’affaire devant la justice royale. Au début si le juge seigneurial réclamait l’affaire avant la décision du juge royal la justice royale devait s’en dessaisir, mais peu à peu les règles de l’institution évoluent, les officiers royaux prirent l’habitude de s’autosaisir, prévention absolue : le juge royale gardait l’affaire à partir du moment où il s’en était saisi. Cette évolution traduit un renforcement du pouvoir royal. Le roi a aussi subordonné la justice seigneuriale à sa propre justice, le justiciable pouvait former un recours contre la décision rendue par le juge seigneurial devant le juge royal. Ce recours fut d’abord un recours pour faux jugement conformément aux droits féodaux-vassaliques, pas un appel au début mais une prise à parti. Les choses évoluent : s’est imposée l’idée que toute justice laïque est tenue en fiefs ou en arrière fiefs du roi, le roi s’est servi du droit féodal pour affirmer la supériorité de sa justice. Puis la procédure fut influencée par les droits savants, le droit romain qu’est le droit canonique, et ce fut le fond du litige qui fut re jugé en appel sans qu’il soit nécessaire de remettre en cause l’impartialité du juge en première instance.

Tous ces procédés qui ont permis à la fois de pénétrer, prendre assise dans la société, cet asseurement, ces lettres de sauvegarde, cette paix du roi, et progressivement la juridiction royale qui rentre en concurrence, qui étend sa compétence aux dépends des autres, et qui finit par se superposer, les autres justices qui formeront des justices de 1ère instance dans l’appareil de la justice royale. A la même époque dans cette fin du Moyen Age, la justice royale a cherché à limiter le domaine de la justice ecclésiastique, et l’épisode le plus mémorable : assemblée de Vincennes, 1329 : les portes paroles du clergé invoquent la coutume mémorielle et privilèges royaux qui donnent compétence à l’Eglise. Plus tard la limitation des domaines de compétence des juridictions d’Eglise fut garantie par une procédure du XVe siècle : l’appel comme d’abus qui permettait au Parlement de lutter contre les empiètements de

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la jurisprudence ecclésiastique. C’est ainsi que l’action opiniâtre des juridictions royales a limité progressivement la compétence ratione personae et ratione materiae des cours d’Eglise. A l’instar des cas royaux, furent créés des cas privilégiés sans cesse plus nombreux pour permettre l’élargissement du pouvoir royal. A la fin du Moyen Age on peut dire que toutes les causes graves étaient des cas privilégiés. Sous l’ancien régime même les clercs relevaient d’une procédure conjointe qui se déroulait devant la juridiction royale et la juridiction ecclésiastique. Les juridictions royales poursuivaient l’adultère, le vol sacrilège, mais encore à parti du XVIe : les crimes de sorcellerie. Les domaines respectifs des deux juridictions : édit de 1695*

La justice royale a été peut être l’instrument pénal de la reconquête de l’autorité royale au cours du Moyen Age. Le roi a toujours tenu à ce pouvoir, la justice fut d’abord l’attribut principal du pouvoir royal et jusqu’à la fin du XVI la monarchie royale apparaissait aux yeux de tous comme justicière, à l’image des rois de la bible le roi devait rendre une bonne justice. Serment du sacre. Même lorsque la monarchie est devenue administrative, les rois, en particulier Louis XIV continuaient d’accorder une très grande importance à la justice, ce qui explique la formation pendant toute la période considérée que le roi était source de toute justice, et le maintien pendant toute la période considérée de la distinction entre justice retenue et justice déléguée, qui a peut être inspiré la distinction en matière administrative : C.E qui ne pouvait que proposer des décisions, jusqu’en 1872. Justice déléguée était celle que le roi confiait à ses juridictions.

Progressivement la justice royale va s’imposer aux justices féodales, et va contrôler le champ d’application de la justice ecclésiastique. L’autorité et la justice royale surclassent la justice laïque dans son processus, et progressivement l’idée que le roi est à l’origine de toute justice, il ne peut pas régler toutes les affaires : origine de la distinction entre justice retenue et déléguée, appelée à statuer dans l’immense majorité des cas.

La justice déléguée est celle que le roi confiait à des agents, soit à des juges dits naturels, des juges ordinaires, de droit commun, soit à des juges extraordinaires. Dans cet appareil de justice royale : la justice délégué, la justice retenue. Deux sous-ensembles dans la justice déléguée.

Par l’expression juge ordinaire : les juridictions royales et les juridictions des seigneurs et des villes que le roi était parvenu à intégrer dans son système judiciaire. Les 1ers juges les rois capétiens furent les prévôts, appelés aussi vicomtes et châtelains, ou bayles, ils correspondent à un moment où les structures de la monarchie capétienne ressemblent à celles d’un grand féodal. Plus tard avec l’expansion du pouvoir capétien, sont apparus des baillis et des sénéchaux, dont les compétences administratives et judiciaires s’étendaient sur un territoire beaucoup plus vaste. Ceux-ci ont acquis progressivement une compétence de droit commun et à la fin de l’AR les compétences des prévôts étaient limitées aux affaires les moins graves qu’on appelait le petit criminel. A l’exception notable du prévôt de Paris, qui siégeait lui au châtelet. Celui-ci avait en réalité rang de bailli. Bailli à l’est, sénéchal à l’ouest. A la fin de l’AR la juridiction de droit commun en matière criminelle était donc le baillage et la sénéchaussée, juridiction n’était plus tenue à la fin du Moyen Age pour éviter qu’ils n’acquièrent trop de pouvoirs. Ils étaient confinés dans des tâches administratives et les compétences judiciaires étaient confiées à des lieutenants. Sous les temps modernes, XVIe et XVIIIe siècle, le tribunal de 2e degré connaissait des appels interjetés contre les juges subalternes, les prévôts, les juges seigneuriaux et municipaux. En 1552 le roi Henri II érigea certains baillages ou sénéchaussées en sièges présidiaux : la compétence criminelle de ces sièges très mal délimitée à l’origine fut précisée dans l’ordonnance criminelle de 1670. Désormais ces sièges présidiaux, avaient été créés pour désengorger la juridiction supérieure qu’était le Parlement, les appels des décisions des lieutenants étaient rendus en dernier ressort par des présidiaux, sauf causes qui relevaient encore des Parlements.

Au début il n’y avait qu’un Parlement et à l’origine c’était une formation de la curia regis, le conseil qui entourait le roi et qui s’était progressivement détaché de lui au XIIIe siècle. La royauté et la monarchie allait de domaine royal en domaine royal jusqu’à Louis XIV, elle était itinérante, et au XIIIe siècle une partie de la cour du roi n’a plus suivi le roi, s’est installée dans l’ile de la cité et a rendu des décisions en matière judiciaire : la curia in parlemento. A la fin du XIVe siècle est apparue au sein de cette instance une formation chargée des affaires criminelles alors que le Parlement naissant comptait à la fois des ecclésiastiques et des laïques, cette section n’était composée que de conseillers laïques, en application du principe selon lequel l’Eglise a horreur du sang, et par conséquent un clerc ne saurait condamné à une peine corporelle. De plus ces membres changeaient chaque année, pour éviter que les juges ne s’endurcissent pas trop dans l’exercice de leurs fonctions, règle peut être à l’origine du nom de la formation : la tournelle : la formation des affaires criminelles, dans une petite tour du Parlement. Au fur et à mesure que le territoire royal s’étendait ce Parlement ne pouvait plus satisfaire à toutes les demandes de justice

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et le roi en a créé à la fin du Moyen Age et au début de l’AR, Toulouse en 1443, Grenoble en 1453, Aix en 1501, et d’autres. Jusqu’à aboutir au nombre de 14 Parlements et 4 conseils souverains. Les Parlements connaissaient en appel les décisions des baillages et des sénéchaussées, sauf dernier ressort, et aussi en 1ère instance des affaires mettant en cause des personnages importants par ex en cas de duel. Les droits du roi étaient défendus devant ces juridictions par des avocats et des procureurs qui ont peu à peu défendu exclusivement les droits du roi. A l’origine ils se tenaient avec les autres avocats sur le parquet de la salle d’audience, et parlaient debout. Au XVIe siècle ils se sont rapprochés en devenant des officiers des magistrats. Mouvement qu’on peut voir apparaitre dans les différents pays continentaux.

Il existait aussi des juridictions d’exception, extraordinaires, qui n’avaient qu’une compétence d’attribution, leur existence s’explique à côté de ces juridictions générales par la logique administrative de l’AR, qui correspondait à celle de l’empire romain, chaque administration avait une compétence juridictionnelle qui lui permettait de réprimer les infractions commises dans leur domaine. Ainsi les juges des greniers à sel étaient compétents pour réprimer les délits commis en matière de gabelle. Les juges des amirautés étaient compétents pour les délits commis en mer ou sur les rivages, les juges des eaux et forêts étaient compétents en matière de délits relatifs aux cours d’eau, forêts domaniales en matière de chasse et de pêche.

Au Moyen Age les prévôts étaient chargés d’exercer la justice militaire. Ils se multiplièrent à la fin du Moyen Age, marquée en France par la guerre de 100 ans. Il s’agissait de tenir les campagnes et surtout les soldats licenciés, qui commettaient des atrocités. Le roi de France recourait à des mercenaires pour leurs campagnes et ensuite il les licenciait : ces personnes ne trouvait pas forcément une autre occupation, ce qui causait des troubles que les prévôts étaient tenus de réprimer. Une manière de tenir les campagnes. Au début des temps modernes, François Ier élargit la compétence de ces prévôts aux vagabonds et voleurs de grand chemin. Cette compétence fut étendue par la Charles IX aux récidivistes, bannis, crimes de fausse monnaie. Compétences de ces prévôts des maréchaux étaient limitées aux campagnes. Dans les villes d’autres moyens de maintien de l’ordre. Les prévôts des maréchaux prononçaient beaucoup de sentences de morts, ou encore condamnation aux galères. Galères étaient une peine pratique lorsque certains cas n’étaient pas pendables, infractions qui ne méritaient pas la peine de mort, sans pouvoir bannir les vagabonds ou récidivistes. Les sentences prévôtales étaient exécutoires sur le champ sans appel possible et leurs hommes, ils étaient à la tête des sergents des prévôts des maréchaux, la maréchaussée, à l’origine de notre gendarmerie.

La police de Paris était dispersée avant Louis XIV aux mains de nombreuses personnes, et à la fin XVI et XVII la situation de Paris en matière de sécurité était devenue critique : dispersion des autorités et donc des autorités judiciaires. Pour rétablir l’ordre dans Paris Louis XIV créé en 1667 un office de lieutenant de police de Paris à la tête de commissaires et d’inspecteurs qui se servaient déjà d’indicateurs appelés mouche. La Reynie fut le 1er célèbre lieutenant de Paris.

Le roi s’est servi de tous ces juges pour imposer sa justice. L’un des grands auteurs de la fin de l’Ancien Régime, Jousse pouvait écrire dans son nouveau commentaire de l’ordonnance criminelle de 1670 : la justice criminelle est celle qui a pour objet la punition des crimes, cette punition n’appartient en France qu’au roi en qui seul réside la souveraine puissance. Mais parce qu’il serait difficile qu’il put exercer cette puissance par lui-même il a bien voulu confier son autorité à cet égard à des magistrats qui l’exercent en son nom.

Si le roi a pu rendre la justice lui-même au début du Moyen Age, il est arrivé de manière de plus en plus exceptionnelle que le roi jugea lui-même sans aucune forme. Ce fut le cas célèbre de Saint-Louis. Il est arrivé aussi que le roi juge sans aucune forme : Jean Le Bon condamna à mort le comte d’Eu pour haute trahison, ou quelques siècles plus tard au XVIe siècle Henri III faisant mettre à mort le duc de Guise pour haute trahison. Le plus souvent le roi jugeait sur des requêtes écrites, appelées à la fin de l’Ancien Régime : placettes, et le plus souvent il agissait sans conseil entendu. Depuis la fin du Moyen Age le conseil du roi est devenu le cadre de l’exercice de la justice retenue, l’organisation du conseil a pu varier en fonction des rois, Louis XIV : formation du conseil d’état privé. Le roi en son conseil pouvait évoquer une affaire, on pouvait craindre la partialité des juges délégués, ou parce que l’affaire intéressait au plus haut point l’ordre public. Le roi en son conseil pouvait aussi casser une décision en matière pénale pour erreur matérielle. Lorsque les juges du fond avaient commis une erreur de fait, même erreur de droit, mais dans ce cas le conseil du roi ne statuait que sur le droit et renvoyait l’affaire devant une autre juridiction pour un nouvel examen au fond. La justice retenue pouvait prendre aussi d’autres formes, elle pouvait être confiée à son représentant dans les provinces c’était le gouverneur qui apparait au XIIIe, chargé de maintenir l’ordre, un

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noble de haut rang, doublé à parti de Louis XIV par un autre représentant du roi : l’intendant qui était plutôt un administrateur, un juriste qui appartenait à la noblesse de robe. Le roi a pu faire également appel à des commissaires spécialement nommés pour régler des affaires graves. On les dénommait les grands jours et les chambres de justice. Ces commissions ont pu être appelées par grand jour, qui trouvent dans les assises judiciaires tenues à Troyes par les comtes de Champagne. Par glissement elles ont servi à désigner les sessions extraordinaires tenues par le Parlement de Paris pour les affaires de Champagne, et plus loin encore toutes les sessions tenues par les Parlements. Ces grands jours étaient composés de magistrats pris dans le corps des Parlements, mais agissant en tant que commissaire. Les plus célèbres tenus à Clermont : septembre 1665 à janvier 1666. Arlette Le Bigre. Ces grands jours avaient été créés pour répondre aux demandes des justiciables sur la corruption qui gangrenait les provinces du centre, le roi de France a nommé pour cette occasion 16 conseillers des Parlements de Paris et un maître de requête, ces magistrats ne trouvent pas de collaboration, ni auprès de leurs collèges, juges et officiers locaux, ni auprès de la population presque inquiète de leur présence. Ordre social à l’époque. Les greffes des juges royaux demeurent fermés et les curés refusent de lire les monitoires, demandes de renseignement sur certains faits criminels lus pendant la messe par les curés. On cite des témoins qui oublient ou se rétractent, les coupables s’enfuient, pourtant les conseillers du Parlement doivent recueillir l’information eux-mêmes et d’après leur enquête, les troubles, la corruption a atteint toutes les catégories sociales y compris les élites, c'est à dire les dirigeants de la société, tous les officiers des présidiaux et des baillages ne sont pas innocents, des seigneurs qui se comportent comme des chefs de bande et qui commettent des exactions, un certain nombre de curés sont ivrognes et paillards. Cette grande enquête révèle un état social assez perturbé. Après avoir enquêté les magistrats sévissent et répriment, et les juges prononcent 692 condamnations pénales. Mme Le Bigre se demande si le roi ne cherchait pas à étouffer les particularismes royaux, et quand on voit les troubles on comprend l’intervention du roi. Finalement 347 condamnations à mort furent prononcées et seulement 23 exécutions effectives.

Pour les chambres de justice : il s’agissait de commissions extraordinaires pour juger certaines affaires délicates, qui pouvaient survenir dans plusieurs domaines, en matière financière : une chambre de justice qui a jugé Jacques Cœur en 1451-52, Semblançay en 1525 accusé d’avoir dilapidé l’argent destiné aux guerres d’Italie, ou encore le surintendant Fouquet au début du règne de Louis XVI en 1661, affirmation de la puissance de Louis XIV. Des chambres de justice instituées par le régent en 1716 pour rendre gorge aux financiers indélicats, après la guerre d’Espagne. Juger les hautes affaires financières qui intéressent l’Etat, contrôleur général des finances. Le roi a pu recourir aux chambres de justice pour juger des affaires criminelles délicates, l’affaire des possédés de Loudun, ou l’affaire des poisons jugée par la chambre dite de l’arsenal en 1679. Egalement pour réprimer des conspirations, cas particulier sous le règne de Louis XIII.

Le roi peut juger lui-même, conseil qui instruit l’affaire, et puis peut aussi organiser à partir du Parlement des juridictions spéciales, les grands jours, les chambres de justice.

Autre manifestation de la justice retenue : les lettres du roi. Forme de justice s’explique par le fait que le roi étant source de toute justice, il n’était pas tenu comme les juges par les règles de droit et pouvait agir selon l’équité. C’est ainsi qu’il intervenait dans le cadre de la justice déléguée par le biais des lettres de justice, d’abolition, de rémission, de pardon, de rappel et ban et de galère, de commutation des peines, de réhabilitation. Le roi n’est jamais intervenu que pour adoucir les peines, exception notable procès de Foucquet.

-­‐ Les lettres de rémission, réservées sous l’Ancien Régime aux homicides involontaires ou aux cas de légitime défense, et qui ont été pour le roi un moyen de contrôler les juges délégués et d’imposer l’ordre royal aux populations locales. Une règle avait été formulés selon laquelle tout homme qui tue est digne de mort s’il n’a lettre du prince. Règle destinée en partie à imposer l’ordre royal par la peine de mort, et à empêcher le système de composition pénale qui existait auparavant. Dans la société du Moyen Age où l’ordre est peu effectif un homicide fait souvent l’objet d’une composition pénale : famille responsable de l’auteur qui verse une compensation à la famille de la victime. Le roi de France a voulu mettre fin à ce système. Le conseil du roi vérifiait s’il y avait homicide involontaire ou légitime défense, auquel cas il accordait des lettres du prince. Au-delà de la lettre des textes, il faut voir la politique pénale qu’il y a derrière. -­‐ Le roi pouvait aussi émettre des lettres d’abolitions pour les lettres passibles de la peine de mort ou des lettres de pardon. Fréquentes au moment du sacre, naissance du dauphin. -­‐ D’autres lettres entrainaient une réduction de peine : lettres de rappel qui interrompaient la peine.

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-­‐ Lettres de commutations de peines qui prononçaient un châtiment plus doux à la place de celui initialement prononcé par les juges. -­‐ Les lettres de cachet relèvent des pouvoirs de police du roi, plus que de son pouvoir de justice. Des lettres qui en dehors de tout procès ordonnaient des exils et des incarcérations. Maintenir un ordre plutôt que juger. Utilisées dans les affaires politiques pour maintenir l’ordre public en particulier à Paris.

A partir d’une justice qui émane du roi : distinction entre justice déléguée et justice retenue. Dans la justice déléguée : les juges ordinaires et les juges extraordinaires. Dans la justice retenue, au début rendue par le roi, puis par le roi en son conseil, puis les commissions de justice : grands jours et chambres de justice, et les différentes lettres.

II- Le développement des droits savants

Le droit romain est tombé en désuétude pour ce qui est du droit pénal, qui relevait du droit féodal. Or à parti du XIIe siècle, le droit de Justinien fut de nouveau étudié dans les écoles situées près des évêchés, et puis dans les universités. Ce droit de Justinien qui comprend des textes pris par les empereurs, codes et novelles, ainsi qu’un ouvrage de jurisprudence au sens de sagesse du droit, accompagné par des institutes : manuel pour étudiants. Ce droit a été étudié selon la méthode des glossateurs, de l’explication du texte dans un 1er temps puis suivant la méthode des post-glossateurs à parti 1250 qui prenaient davantage de liberté avec la lettre du texte. Bartole. Désormais le droit romain fut étudié dans toute l’Europe.

A la même époque le droit de l’Eglise avec ses sources primaires, la Bible et les écritures saintes, et ses sources secondaires : les décisions des conciles et des papes, a été de plus en plus structuré par le droit romain. Le décret de Gratien rédigé vers 1140, selon la méthode scolastique du sic et du non, le rédacteur classait les arguments pour ou contre et par un dictum il précisait quelle était son opinion. Les deux disciplines différentes par leurs sources et leurs champs d’application, droit romain et droit canon, se rapprochèrent par leur méthode d’étude : la glose, la discussion savante. Les deux seuls droits savants furent alors désignés par l’expression utrumque jus : l’un et l’autre droit. Dans certains domaines interpénétration des deux droits, en particulier en matière de procédure. Ces droits communs à toute l’Europe occidentale ont pu former au moins dans l’empire ce qu’on a appelé le jus commune. Droit largement constitué par des juristes.

Ces nouvelles données politiques et juridiques, connaissance politique et judiciaire de la royauté, essor des droits savants, ont modifié le régime des sources du droit pénal. Les peines dans le monde féodal étaient fixées par la coutume et les statuts municipaux, mais sous l’influence du droit romain les peines furent bientôt laissées à l’arbitraire du juge, et le mot n’a pas encore son sens péjoratif. Le juge doit arbitrer la peine, c'est à dire la fixer en fonction en particulier de la gravité du délit. Ce phénomène a été perceptible dans le midi dès la fin du Moyen Age puis au début de l’Ancien Régime au nord dans les pays dits de coutume. Mais cet arbitraire était limité par l’équité, par les usages des juridictions, et éventuellement les lois du roi, assez rares en cette matière. Elles étaient surtout encadrées par ce qu’on appellerait la doctrine, à l’époque la jurisprudence au sens ancien du terme : la science du droit pénal. La doctrine pénale a pris son essor à partir du XIIIe et construit des théories à partir d’éléments disparates. Le droit romain, droit canonique, histoire sainte, histoire profane en particulier de l’Antiquité pré-chrétienne, coutumes, décisions judiciaires, et opinions communes des auteurs. Donc des sources disparates, c’est une sorte de sagesse, d’expérience que tire le juge. Finalement ces auteurs de jurisprudence, disposaient d’une grande latitude pour combiner ces différents éléments, et le droit pénal de l’Ancien Régime était très largement un droit de juriste. Ce droit pénal était un droit pénal européen. Il y avait une science européenne du droit pénal, au moins jusqu’au XVIIe siècle, le moment où le droit pénal a fait l’objet de lois et la source qu’était la loi a pris de plus en plus d’importance a contribué à façonner des législations nationales. En France la révolution française qui marque l’avènement d’un droit pénal plutôt national. Aujourd'hui on retrouve avec l’Union Européenne une nouvelle fois un droit pénal européen par d’autres voies.

Les plus célèbres dans cette science du droit pénal : Albert de Gand au XIIIe, Guillaume Durand, XIVe Bartole et Biad, Julius Clarus. Tiraqueau en France : de poenis temperandis : la manière de tempérer les peines. Imbert en 1612. Le plus grand auteur du XVIIe siècle : Carpzov. Serpillon. Muyart de Vouglans : des lois criminelles dans leur ordre naturel 1780.

29/10/2012

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Section 1 Une nouvelle procédure pénale

Il s’agissait d’une procédure inquisitoire, apparue au Moyen Age d’abord dans les juridictions ecclésiastiques qui s’inspiraient du dernier état du droit romain. Eglise joue un grand rôle de transmission. Cette procédure réapparait à la fin du XII début XIIIe siècle, Pape Innocent III, et dans les canons du 4e concile. Cette procédure inquisitoire a été mise en place pour pouvoir sanctionner les clercs importants qui aurait délinqué, la procédure accusatoire de par ses inconvénients ne permettait pas d’y parvenir. Ne pas confondre cette procédure inquisitoire de l’Eglise avec la juridiction spéciale de l’Inquisition apparue en 1230 pour réprimer les hérésies, et particulièrement l’hérésie cathare. La juridiction spéciale : procédure inquisitoire poussée, aucune garantie pour l’accusé, procédure tellement excessive et outrancière. Devant l’Eglise la procédure inquisitoire de droit commun est plus équilibrée. Cette procédure inquisitoire du bas empire romain est d’abord reprise par l’Eglise, et a été utilisée dans les cités italiennes, redécouverte du droit romain en Italie à cette époque, pas un droit romain utilisé uniquement pour parfaire l’esprit juridique, mais bien pour la gestion des communautés humaines des cités. Puis dans les cités du sud de la France. Ce furent ensuite les juridictions laïques des souverains européens, des monarques et princes européens, qui l’adoptèrent à partir du XIIIe siècle. Procédure a très largement été façonnée par les juridictions du temps, puis progressivement règlementée par des ordonnances du souverain, parce que la souveraineté apparait à cette époque. C’est un mouvement commun à l’Europe, un droit de la procédure pénale avec des variations dans chaque pays, peut être devant chaque juridiction. Extrême fin du XV que cette procédure pénale a été codifiée en quelque sorte dans des ordonnances royales. Dans l’empire cette procédure a été précisée dans la constitution criminelle de Charles Quint : la Caroline de 1532. En Espagne : c’est la Nueva recopilacion de las leyes publiée par le fils de Charles Quint en 1556, Philippe II roi d’Espagne. En France : l’ordonnance de Blois de 1498, l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539. Ces ordonnances ne portent pas uniquement sur la procédure, 2nde ordonnance du temps de François Ier : utilisation du français dans les actes officiels. La plus importante disposition en matière de procédure pénale : ordonnance de Saint-Germain-en-Lais de 1670, dite ordonnance criminelle, qui parachève ce perfectionnement de la procédure sur plusieurs siècles. Dernière grande réforme.

Nous décrirons les différentes phases formes de cette procédure avant de préciser les modes de preuve utilisés qui expliquent certaines règles de procédure.

I- Les différentes phases de la procédure A- Le rôle important du juge d’instruction

On ne peut pas distinguer entre phase d’instruction préparatoire et phase d’instruction définitive.

La procédure commençait par la mise en mouvement de l’action publique, ou par la plainte d’une partie, ou par le ministère public saisi par une dénonciation, ou encore par la poursuite d’office par un juge. Vestige d’une époque où le ministère public n’existait pas, l’ordonnance de 1670 obligeait le juge à communiquer au procureur les pièces de la procédure, la juridiction pouvait saisir d’office : ce qui correspond à un moment où les procureurs du roi n’existaient pas vraiment, cantonnés au rôle de l’avocat du roi. Cette possibilité de déclenchement de l’enquête publique découlait du principe : tout délit offense la chose publique, et l’Etat doit poursuivre tous les délits. La procédure inquisitoire vise à instaurer un ordre, et en l’occurrence l’ordre royal dans une société particulièrement violente. La procédure accusatoire le roi se contentait d’arbitrer entre les différents groupes sociaux. La procédure inquisitoire interdisait les arrangements, même si parfois, en auvergne par ex, les arrangements persistaient, même en matière d’homicide.

La 2e phase était l’instruction préparatoire pendant laquelle l’accusé ne pouvait recevoir l’assistance d’aucun conseil. Cette phase comprenait 1 ou 2 moments selon l’importance du moment :

-­‐ Au cours d’une 1ère phase : le juge recueille les dépositions des témoins, qui peuvent être cités par la partie civile ou par le ministère public. Le juge procède alors à des auditions séparées et secrètes, consignées à l’écrit par un greffier. Caractère secret, écrit et non contradictoire de la procédure inquisitoire. Le juge recueillait aussi les dépositions des médecins et des chirurgiens. Le juge rendait alors un décret contre l’accusé qu’il interrogeait après lui avoir fait jurer de dire la vérité. Cette exigence devait être plus pressante dans une société très largement chrétienne encore. Lorsque le délit était peu important, et qu’il n’allait pas donner lieu à une peine afflictive, la phase d’instruction s’arrêtait là, et l’instance se poursuivait en procès ordinaire selon les mêmes règles qu’en droit

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civil : procédure accusatoire. L’accusé et les parties échangeaient des requêtes à partir desquelles le tribunal déterminait la peine et la réparation civile. -­‐ En revanche s’il apparaissait que le délit était grave, le juge décidait que le procès devait être réglé à l’extraordinaire. Au cours de ce moment il était alors procédé au récolement, la réitération des témoignages, éventuellement complétée ou modifiée, en tout cas consignés par écrit puisque les témoins n’étaient pas écoutés pendant la phase du jugement. Suivait la confrontation de l’accusé et des témoins qui permettaient enfin à l’accusé de connaitre les charges qui pesaient sur lui et éventuellement de récuser certains témoins en prouvant leur partialité. L’accusé ne pouvait pas recourir à un avocat, alors que dans d’autres pays, le recours au ministère d’avocat était possible (Italie). En France on justifie cette interdiction sur le fondement qu’il fallait maintenir une justice égale pour tous. Le sac du procès qui contenait toutes les pièces était remis au juge rapporteur qui pouvait être le même juge que le juge instructeur. Là commençait la phase devant le siège assemblé. B- La phase devant le siège assemblé

Devant la juridiction : lecture de toutes les pièces du procès par le greffier, ce qu’on appelait la visite du procès, puis le juge rapporteur lisait un rapport final de son instruction. Cette lecture d’un rapport final était suivie par les conclusions du ministère public. Les juges procédaient à l’interrogatoire de l’accusé, qui se faisait sur un petit tabouret de bois, appelé la sellette. Là encore l’accusé présentait sa défense sans avocat. Souci de maintenir l’égalité entre riches et pauvres. Quand les juges voulaient davantage d’éléments ils pouvaient prononcer des jugements interlocutoires, qui pouvaient autoriser l’accusé à prouver des faits justificatifs au sens large, et pas seulement légitime défense et la provocation. Jugements qui pouvaient aussi en cas de lourdes charges pesant sur l’accusé, charges étayées par des éléments de preuve important, demander que soit infligée à l’accusé la question préparatoire. Celle-ci ne pouvait intervenir que s’il y avait une preuve considérable contre l’accusé.

Au Moyen Age cette question avait pu être faite sans précautions et sans limites, et causer des lésions définitives ou même la mort de l’accusé. Progressivement les ordonnances royales ont essayé d’encadre ce recours à la torture, et en principe la torture, à la fin de l’Ancien Régime, ne devait pas causer de lésions définitives à l’accusé. Moyens : eau à boire en grande quantité, planchettes qui emprisonnaient ses jambes pour les serrer de plus en plus. Dans l’ordonnance criminelle de 1670 la question était sous contrôle du Parlement : toute sentence ordonnant la question devait être confirmée par le Parlement du ressort, et dans les faits, la torture très critiquée, fut de moins en moins utilisée.

Une fois que les juges s’étaient fait une idée : pas d’intime conviction, mais une fois que les juges avaient ou non assez d’éléments de preuve, ils pouvaient prononcer leur jugement. Les jugements définitifs étaient soit de condamnation, soit d’absolution, étant précisé qu’il existait des décisions de plus amplement informés, qui laissaient planer un doute sur la culpabilité de l’accusé en cas d’insuffisance de preuve. Existence qui tient à un système de preuve différent du nôtre, pas un système d’intime conviction, mais un système de preuves légales : il existait des éléments de preuve importants, mais la preuve n’était pas pleine : les juges ne condamnent pas.

C- Les voies de recours

Elles ont pu être reprises au droit romain, droit savant inspiré du droit romain, elles étaient l’appel et le recours en grâce.

L’appel était obligatoire dès lors qu’était prononcée une peine corporelle : peine de mort, galère, bannissement perpétuel, pilori ou carcan. Obligatoire à partir du XVIIe dans les affaires de sorcellerie. Au XVIe siècle : curiosité scientifique qui grandit, de grandes périodes de doutes, moment où l’on a le plus craint les sorciers et surtout les sorcières : chasse. On les a poursuivies dans l’empire et on les condamnait au bucher, puis on a exigé que toute décision de condamnation d’un sorcier soit formé un appel devant les Parlements : qui prononçaient des bannissements pour éviter que la personne ne trouble la communauté.

Etait également possible de former un recours devant le conseil du roi : origine du recours en cassation.

II- Système de preuve légale

Théorie des preuves légales objectives, apparue à la fin du Moyen Age et pour les docteurs, les preuves retenues contre l’accusé devaient être « plus claires que le jour à midi ». Et les docteurs en droit pénal reprenaient à l’envie

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la formule du digeste de Justinien, compilation de la science du droit des romains « il vaut mieux laisser un coupable impuni plutôt que de condamner un innocent ».

D’après la théorie juridique échafaudée, avant tout une construction savante doctrinale, les seules preuves possibles étaient l’aveu implicite ou explicite du prévenu à condition qu’il soit renforcé par des indices suffisants. L’aveu a toujours une dimension religieuse. Mais indices suffisants quand mm : on s’était aperçu qu’un innocent pouvait s’accuser lui-même.

Pouvaient également faire preuve pleine : témoignages concordants de deux témoins idoines, pas un seul, inspiré d’une règle du droit romain : « témoignage seul, témoignage nul ». L’intime conviction ne jouait en principe aucun rôle, au moins jusqu’au XVIIIe siècle. Une condamnation pénale ne pouvait être fondée que sur une preuve complète. Il arrivait donc que des éléments très sérieux soit mis à la charge de l’accusé et c’est pour cette raison que les juristes médiévaux redécouvrirent la question dans le droit romain et son usage s’est répandu dans toute la France à partir du sud. Mais elle ne pouvait être utilisée que s’il y avait déjà des présomptions violentes, retenues contre le suspect, un témoignage et des indices concordants par ex. L’usage de la question fut progressivement règlementé par les rois de France.

On avait voulu limiter les pouvoirs du juge en instaurant cette théorie des preuves légales, preuves objectives qui découlent de la situation, et les docteurs médiévaux ne faisaient aucune place à l’intime conviction du juge. Mais au cours du XVIIIe siècle ce dispositif a progressivement perdu de sa force et l’intime conviction a joué un rôle malgré les protestations des tenants du système de preuve légale. Ne pas donner de force à la subjectivité du juge. Ce système des preuves légales venait finalement, dans l’établissement de la culpabilité du suspect, contrebalancer la grande liberté du juge, latitude dont il disposait dans l’établissement de la peine.

Section 2 Le droit pénal

Pour la plupart des délits les juges disposaient d’une grande liberté dans l’établissement de la peine, dans sa fixation, ils la proportionnaient en principe à la gravité de l’infraction. La gravité des infractions correspondait à une échelle des valeurs qui n’est plus exactement la nôtre.

I- L’arbitraire des juges

Le droit pénal de l’Ancien Régime reposait sur l’arbitraire des juges, sans que cette expression ait pendant la plus grande partie de l’Ancien Régime une connotation péjorative, ce n’est qu’à la fin du XVIIIe qu’elle l’est. Le juge disposait de très larges pouvoirs pour fixer la peine.

A- Les origines

La théorie de l’arbitraire du juge avait été construite à partir d’une formule du digeste qui était pour les juristes de l’époque un recueil de sagesse, qu’on appelait alors la loi Hodie. Pour se repérer dans le digeste ils parlaient des lois en se référant au 1er mot du §. Fragment correspondait aux mentalités et conceptions philosophiques du temps. Les juristes de l’ancienne France en déduisait que même si l’infraction était punie par une peine établie par un texte le juge pouvait alourdir ou alléger la peine en fonction de la gravité de l’infraction. Le juge devait dans chaque affaire prendre en compte toutes les circonstances pour arbitrer la peine, c'est à dire choisir dans chaque affaire la sanction la plus adaptée. Le juge ne disposait pas pour autant de toute liberté, et progressivement la doctrine détermine les éléments pris en considération par les juges pour prononcer les peines. Les auteurs en cette matière étaient plutôt des magistrats, Jean Bodin par ex. Sans qu’apparaisse une théorie générale de la responsabilité pénale.

B- Les éléments pris en compte.

Tiraqueau : de poenis temperandis : des causes à prendre en compte pour tempérer les peines prévues par les lois, les coutumes et les statuts municipaux.

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1- L’élément intentionnel

Ainsi les juges prenaient en compte l’élément intentionnel en vertu de l’adage romain : « en matière de crime il faut considérer non les résultats matériels de l’acte mais l’intention de son auteur ». Pensée de Saint-Augustin : « il ne peut exister de péchés sinon volontaires ». C’est un droit pénal inspiré aussi par les écrits des pères de l’Eglise. Citation reprise dans le célèbre décret des Gratiens qui constitue le fondement du droit canonique classique, 1140 ap. J.C. Ainsi la jurisprudence fut conduite à prendre en compte l’intention dans les homicides.

2- La tentative

Si on prend en compte l’intention, il faut se poser la question de la tentative. La doctrine la prend en compte dès le XVIe, et demande à ce que l’acte tenté soit puni de la même manière que l’acte consommé. Mais dans les faits elle a été moins sévèrement réprimée, sauf en cas de crimes dits atroces : assassinat ou l’empoisonnement.

3- La démence

Les ouvrages de l’Ancien Droit prévoyaient de la prendre en compte.

4- L’âge.

En principe jusqu’à 14 ans l’enfant était considéré comme irresponsable. Jusqu’à 25 ans l’enfant bénéficiait d’une atténuation de peine. Mais cette cause d’atténuation ne jouait pas en cas de crimes atroces. On invoquait un adage « la malice suppléé l’âge ». Les juges pouvaient aussi prendre en compte le grand âge de l’accusé.

5- Le sexe

Si la doctrine préconisait de prendre en compte le sexe de l’accusée, femme avec peine atténuée en raison de sa fragilité qui lui conférait un moindre discernement, dans les faits on s’aperçoit que les juges n’ont jamais vraiment admis cette cause d’atténuation de la responsabilité.

6- La légitime défense

La légitime défense n’occupait pas la même place qu’aujourd'hui, elle était une cause qui permettait d’éviter un châtiment. En droit canonique cette légitime défense ne pouvait s’exercer que pour les personnes, pas pour les biens, car la vie humaine est au-dessus du droit de propriété. Si les canonistes admettaient que le voleur nocturne ou le voleur de jour soit tué s’il avait résisté, c’est parce que la victime du vol pouvait craindre pour sa vie.

La doctrine laïque de l’époque moderne, XVI et XVIIIe, admettait que l’on pouvait tuer pour la défense de ses biens même si le propriétaire ne risquait rien, quand on ne peut pas autrement recouvrer ses effets, Jousse. La doctrine exigeait toutefois que la riposte ait lieu en même temps que l’agression, quoiqu’il en soit les coupables devaient obtenir des lettres de rémission du roi : « Tout homme qui tue est digne de mort ».

7- La provocation

Cause d’atténuation de la responsabilité, voire d’exonération, et dans la provocation par injures au sens le plus large, agression physique ou injure verbale, une réponse immédiate et proportionnée à l’attaque était estimée excusable. Cette conception de la provocation traduit une échelle de valeurs qui n’est plus la nôtre, une sorte de point d’honneur à réagir immédiatement. Dans cet ordre d’idées l’adultère de la femme, suivi de coups et blessures sur la femme et son amant, pouvait être analysé comme une excuse, telle que la provocation, c’est la réaction immédiate qui compte.

8- Circonstances aggravantes

La récidive, l’appartenance à l’ordre de la noblesse au Moyen Age (qui fut ensuite une cause d’atténuation de la peine), l’atrocité du crime.

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Notion d’équité importante avec une exception notable pour la peine de mort. Le juge ne pouvait pas condamner à mort si un texte ne le prévoyait pas, et à l’inverse en cas d’homicide il devait prononcer la peine de mort sauf intervention royale, une manière pour le roi d’établir une forme de contrôle social.

II- La hiérarchie des infractions et des peines

Le droit pénal sous l’Ancien Régime était pour sa plus grande part jurisprudentielle, il était l’œuvre de juges qui se voulaient jurisprudents : jurisprudence comme la connaissance des choses divines et humaines et la science du juste et de l’injuste. Et les juges estimaient et pratiquaient le jus comme art de l’équitable et du bon. Le juge pouvait écarter la législation royale lorsqu’il l’estimait contraire à la justice telle qu’il la concevait. Cette conception de la justice explique également pourquoi la définition des infractions était moins nette qu’aujourd'hui. Ces considérations permettent de mesurer quelle était la latitude du juge, et permettent de comprendre également que le juge pouvait être plus efficace dans son œuvre de répression, et plus largement d’instauration de l’ordre royal.

Terminologie utilisée en matière d’infractions était peu précises, pendant longtemps les mots maléfices, crimes et délits furent synonymes. A partir du XVI : le mot maléfice moins employé, et les délits étaient les infractions les moins graves. Ces infractions étaient des atteintes à des valeurs jugées essentielles pour l’époque, or cet ordre de valeur différait de celui qui existe aujourd'hui, et pour illustrer notre propos nous essaierons de dresser une nomenclature en montrant que chaque peine était tirée de la nature de chaque crime, pour reprendre une idée de Montesquieu.

A- Les infractions à l’ordre politique, religieux et moral

Honoré de Balzac décrit les bouleversements entrainés par la révolution industrielle, nostalgique de l’Ancien Régime, affirme : la religion et la monarchie étaient les deux piliers de l’Ancien Régime. Le droit pénal de l’Ancien Régime ne peut être compris qu’à leur lumière. La religion et la monarchie, l’une ne va pas sans l’autre, les rois sont des rois de droit divin et ne sont redevables qu’envers Dieu. Bossuet : le roi est le ministre des dieux, et ce ministère confère au roi le devoir de défendre la religion. Dans le même ordre d’idées, toute atteinte à leur pouvoir constitue une infraction très grave puisqu’elle constitue une atteinte à un ordre voulu par Dieu.

Ordre religieux et ordre politique ne sont pourtant pas tout à fait confondus, on s’en aperçoit en matière familiale, domaine auquel l’Eglise et la monarchie accordent la plus grande attention. L’ordre moral défendu n’est pas tout le fait même par les deux ordres de juridictions.

1- Les infractions à l’ordre politique

Toute atteinte portée à la monarchie et au monarque ébranlait l’ordre social dans ses fondements même, et ces atteintes étaient des crimes de lèse-majesté, et trouvaient son origine dans le droit romain : crimen majestatis. Les légistes transposaient cette règle à la monarchie française dès le XIIIe et à partir du XVI l’infraction désigne un attentat contre le souverain ou contre l’Etat. On distinguait plusieurs degrés dans ce crime, qui appelaient un châtiment plus ou moins grave :

• La lèse-majesté au 1er chef = attentat commis contre la personne du souverain ou des membres de sa famille ainsi que les entreprises menées contre l’Etat.

Les règles applicables dérogeaient au droit commun, et de plus en plus après les assassinats d’Henri III en 1589 et Henri VI en 1610. Devait être puni de mort ceux qui avaient eu la seule pensée de commettre le crime, même sans aucun commencement d’exécution, il suffisait qu’elle soit justifiée par des témoins par l’aveu de celui qui y pensait. Le répertoire Guillot mentionne l’affaire d’un gentilhomme revenu d’une maladie dangereuse dans laquelle il s’était confessé d’avoir eu envie de tuer Henri II, il fut décapité malgré le secret de la confession. De surcroit l’accusation du crime de lèse-majesté ne s’éteignait pas à la mort de l’accusé. Ordonnance du 22 décembre 1477 devait être condamnés à mort ceux qui avaient eu connaissance d’une conspiration contre l’Etat ou contre la personne du roi sans la révéler. Devaient subir la même peine les personnes qui n’avaient pas nécessairement eu vent du crime, mais qui l’avaient approuvé.

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Sanction par la grande chambre du Parlement de Paris. Parlement qui construit la monarchie capétienne, et l’Etat pour une grande part. Supplice le pire de ceux de l’Ancien Régime. Exception au principe de personnalité des peines : la famille du coupable était englobée dans la condamnation, en 1757 condamnation du Parlement de Paris contre Damiens qui avait attenté à la vie du roi Louis XV.

• La lèse-majesté au 2nd chef = celles menées contre l’Etat.

Se rendaient coupables les militaires qui désertaient le royaume pour aller chez l’ennemi, crime de trahison, ceux qui se rebellaient contre les ordres du roi, crime de désobéissance, et ceux qui sans pouvoir donné par le roi enrôlaient les gens de guerre, fortifiaient des places, faisaient fondre des canons ou des pièces d’artillerie, atteinte à l’entreprise du roi qui entendait avoir le monopole des formes armées et contrôler le territoire. Ceux qui levaient des impôts également, qui fabriquaient de la fausse monnaie, ou falsifiaient le sceau royal. Duel malgré l’interdiction royale, guerre privée. Des atteintes à la sûreté de l’Etat. Liste jamais exhaustive pour pouvoir mieux réprimer les atteintes, à ce qu’on appellerait aujourd'hui la sûreté publique.

2- Les infractions à la religion a) Le blasphème

Mot qui vient du grec : atteinte à la réputation. On l’employait pour reprendre une expression d’un auteur de la fin de l’Ancien Régime : pour marquer les injures qui ont rapport à la divinité. Louis XII dans une ordonnance du 1510, ceux qui blasphémeraient le nom de dieu ou qui feraient d’autres divins sermons contre dieu la sainte vierge et les saints, seraient condamnés les 4 fois premières fois d’une amende arbitraire dont le montant augmenterait à chaque récidive, 2e fois au carcan. 6e fois lèvre supérieure coupée au fer chaud. Les ordonnances ultérieures firent varier les peines. Louis XIV rendit une déclaration en 1661, renouvelée en 1666 dans un autre texte, qui confirmait la loi de Louis XII. Cependant Louis XVI distinguait les blasphèmes énormes, qui appartiennent à l’infidélité et qui dérogent à la bonté et à la grandeur de dieu et à ces autres attributs. Il voulait que les juges les punissent des plus grandes peines en les laissant à leur appréciation : arbitraire. Dans le texte de 1666 : les 2/3 de l’amende devaient être versés aux hôpitaux et aux pauvres du lieu. Le tiers restant devait être versé au délateur, pour encourager la délation qui était très faible.

Il s’agissait d’une peine qui correspondait à l’infraction, proportionnalité dans le crime, et les sanctions sont très importantes, très peu de délation. En rapport avec le fait que les sanctions étaient très graves parce que justement pas de délation, on ne poursuivait pas, il fallait intimider les personnes.

Le blasphème semble avoir été très peu poursuivi.

b) Sacrilège

L’infraction était en droit romain le vol d’une chose appartenant aux dieux. Dans l’ancien droit pénal : toute profanation de chose sainte ou consacrée à Dieu laquelle peut se faire sans qu’il y ait aucun larcin.

Sacrilège le plus poursuivi : la profanation de l’hostie sacrée, principe de la présence réelle. Cette présence réelle contestée par les calvinistes. Ils ont pu profaner des hosties consacrées dans les luttes de l’Ancien Régime. Sanction prodigieuse : l’amende honorable, on conduisait le coupable à la porte de l’Eglise, avec une torche il demandait pardon aux dieux, au roi et à la justice, l’amputation du poing, et la mort par le feu. En général sans retemtum qui était une clause sécrète dans l’arrêt, le jugement qui prévoyait que la personne serait étranglée discrètement par le bourreau pour éviter qu’elle ne souffre trop.

c) La lèse-majesté divine et humaine

Infraction large et son imprécision permettait de réprimer au XVIIe des comportements qui ne pouvaient pas être tout à fait considérés comme un blasphème, mais qui portait atteinte à l’ordre politico-religieux. Infraction utilisée pour condamner le poète Théophile de Viau, poète libertin.

La lèse-majesté divine fut une offense commise directement aux dieux, dictionnaire de Ferrière, expression combinée avec les deux infractions précédentes. Par l’étendue de sa définition, a permis de poursuivre les hérésies,

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qui peuvent être définies ici comme les doctrines d’origine chrétienne contraire à la foi catholique et condamnées par l’Eglise. Qui relevaient en principe des officialités et qui ont pu être poursuivies par des juridictions laïques.

d) La sorcellerie

Au Moyen Age la sorcellerie a été poursuivie par des juridictions d’Eglise. A partir du XVIe elle a été confiée aux juridictions laïques. On estimait que les juridictions d’Eglise n’étaient pas assez sévères. Ce transfert de compétences correspond à la grande période de chasse aux sorcières qui eut lieu au cours de la 2e moitié du XVIe, tout début du XVIIe et cette chasse correspond à un moment de trouble dans les esprits causés par les bouleversements scientifiques, on enseignait que l’univers était géocentrique, alors qu’il n’en est rien, révolution apportée par Copernic, bouleversements moraux, religieux et politiques également.

Jean Bodin le grand théoricien de la souveraineté a apporté sa contribution à la lutte contre la sorcellerie. Pour lui un sorcier est celui qui par moyen diabolique sciemment s’efforce de parvenir à quelque chose, pouvoirs qui ne peuvent venir que de Satan, démonomanie. Il redoutait les sorciers, ils ne cessaient de se multiplier pour lui et avait envahi l’entourage royal. Les princes exécutaient la volonté de Satan. Il proposait un aménagement de la théorie des preuves légales, une entorse à la réunion de plusieurs témoignages pour recourir à la torture. D’abord parce que cette règle était admise pour la lèse-majesté humaine, on devait l’établir pour la divine, et parce que les actes de sorcellerie sont difficiles à établir. Ce qui montre bien un ordre des choses divines et humaines. A cette époque de nombreuses affaires chez les femmes. Célèbre affaire d’Urbain Grandier, condamné en 1634 par une chambre de justice.

Les mentalités évoluent à la fin du XVIe sous l’influence des travaux de théologiens et de médecins. Figurent parmi eux un Pierre Pigray, chirurgien d’Henri III que mentionne Pierre Guillot dans son répertoire du XVIIIe siècle. Le Parlement de Paris repliés à Tours demanda a Pigray et à 3 médecins d’Henri III d’examiner 3 condamnés pour sorcellerie. Les 4 médecins ne voient que des pauvres, dépravés de leur imagination, et concluent au renvoi. Pigray dit : notre avis fut de les purger plutôt que de les punir.

Dès la fin du XVIe les magistrats du Parlement de Paris saisis d’appels des juridictions inferieures : bannissement ou peines corporelles. Appel de droit pour les affaires de sorcellerie dans le ressort du Parlement de Paris pour lui permettre d’imposer son point de vue aux juges du fond. Edit en juillet 1682 qui ramène la sorcellerie à l’infraction de sacrilège et qu’il distingue de l’empoisonnement.

e) Le suicide

L’action de celui qui se tue lui-même, une atteinte à l’ordre religieux parce que dans la doctrine catholique Dieu est maître de la vie humaine et l’homme ne peut pas en disposer. De ce point de vue le suicide est un homicide de soi-même. La peine au début du Moyen Age était la privation de sépulture chrétienne. A partir du règne de Saint-Louis vint s’ajouter à cette peine : une peine laïque, la confiscation des meubles. De surcroit une autre peine fut ajoutée pour dissuader les vivants : le cadavre des suicidés était trainé la face contre terre, ne pas regarder le ciel, puis pendu par les pieds pour la même raison, et privé de sépulture chrétienne. A partir du XIIIe siècle on faisait un procès au suicidé car la confiscation des biens et l’infamie étant des peines, il fallait qu’elles soient prononcées au terme d’un procès. On pouvait alors faire valoir des faits justificatifs. Cette procédure fut codifiée dans l’ordonnance de 1670. Le suicide continua d’être regardé comme une infraction pénale jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Carbasse mentionne une affaire de 1789 : condamnation à mort d’un magistrat qui avait manqué son suicide. Mais aucune peine prononcée contre ceux en état de démence ou sujet d’égarements d’esprit. Jousse observe que les tribunaux évitent ce peines en attribuant le suicide à un coup de folie subite, là encore évolution des mentalités du juge, justifiée par celle de la science médicale.

3- Les infractions à l’ordre moral et familial

La religion catholique, religion d’Etat, enseigne les comportements moraux, y compris en matière sexuelle. Les rapports intimes ne sont permis que dans le cadre d’un mariage monogame. Lorsque l’Eglise entendait faire régner l’autorité chrétienne, elle était défendue par l’Etat royale, mais conception différente en matière familiale : ordre politique assise sur des familles fortes.

a) Les crimes contre nature

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Formule servait à désigner le nanisme, la bestialité et l’homosexualité. Seules quelques coutumes dans l’ancien droit incriminaient ces actes, les anciens auteurs répugnaient à s’étendre sur ces questions. La répression de tels actes étaient faites par des juges en suivant la coutume jurisprudentielle qui constituait à condamner au bucher les personnes coupables de tels actes, on brulait les condamnés mais aussi les pièces du procès, et l’animal qui avait servi à réaliser l’acte en cas de bestialité. Le Brun de la Rochette : parce que l’animal irait toujours rafraichissant la mémoire de l’acte qu'il faut supprimer et abolir autant qu’il est possible.

En réalité on s’est aperçu, recueil des décisions de justice, peu d’ex, et en cas de condamnation par une juridiction c’est parce que le crime contre nature avait été commis par des circonstances aggravantes : viol, meurtre, implication d’un mineur, condamné à une peine beaucoup plus légère. D’ailleurs, à partir du règne de Louis XVI ces questions sont plus souvent traitées par la police que la justice, la famille demandait des lettres de cachet, mesure de police plus que jugement.

b) Le viol et le rapt

Ils désignaient la même infraction u Moyen Age, époque moderne : le viol fut distingué du rapt. Cette assimilation s’explique par le fait que le rapt pouvait faire présumer le viol. Au cours des dernières années de l’Ancien Régime, les violeurs encourraient la mort, mais les jurisconsultes posaient des conditions de preuve. La déclaration de la femme devait être accompagnée par des indices, des cris, des appels au secours, des traces de violence sur sa personne, il ne fallait que la femme se soit tue ou porte plainte tardivement. Ces écrits des jurisconsultes correspondent à un état des études qui n’est pas celui d’aujourd'hui. Le droit pénal est tributaire des sciences de l’époque.

Les ravisseurs : peine de mort, surtout parce que la victime était mineure, que ce soit avec ou sans le consentement de celle-ci car on estime dans les derniers siècles de l’Ancien Régime qu’il pouvait y avoir une hypothèse classique : rapt avec violences et sans le consentement de la personne ravie, mais aussi rapt de séduction. Ce dernier avait lieu sans résistance de la personne ravie, mais par un artifice, ou par promesse, le ravisseur déterminait sa victime à se laisser enlever. Séduction vient du latin seducere = tromper. L’incrimination a pu servir à poursuivre l’homme qui avait épousé une fille mineure sans le consentement de ses parents. Toute l’ambiguïté du rapt dans les sociétés où le consentement des ascendants importe pour le mariage. Hiatus avec l’Eglise catholique : de tout temps ce qui importe c’est le consentement des deux époux, homme comme femme, scandaleux dans les sociétés anciennes, et l'Eglise a toujours défendu la validité du mariage dès lors que la fille était majeure au sens du droit canonique, 12 ans. Un édit de 1556, moment où le roi entend imposer son autorité en la matière, il avait imposé que les parents donnent le consentement au mariage de leurs enfants mineurs, 25 ans pour les filles et 30 ans pour les garçons. Edit qui prévoyait une peine arbitraire. Quelques temps plus tard : l’ordonnance de Blois de mai 1579, règle de Henri III, fis de Henri II, prévoit la peine de mort pour ceux qui se trouveront avoir subordonné, fils ou fille mineur de 25 ans pour mariage. La justice royale pouvait alors condamner à mort le ravisseur même en cas de mariage avec la personne enlevée : « il n’est si bon mariage que la corde ne rompe ».

Les juridictions usèrent leur pouvoir d’appréciation des textes royaux pour une appréciation tempérée de l’ordonnance de Blois, bannissement ou galère à la place de la peine de mort. Lorsque le ravisseur n’avait pas épousé la victime, certaines juridictions, coutume du Moyen Age, laissaient le choix au ravisseur entre la mort ou le mariage. Louis XIII dans sa déclaration du 26 novembre 1639, entend imposer un ordre familial, et Louis XV dans une déclaration de 1730 rappelèrent que la seule peine qui pouvait être infligée était la peine de mort, mais les Parlements autonomes continuèrent d’arbitrer les peines, et tenaient compte de l’inégalité d’âge, de fortune, et de condition sociale.

c) L’adultère

Au Moyen Age l’adultère avait été puni différemment au nord du royaume et dans le midi :

-­‐ Nord : les juridictions ecclésiastiques considéraient que l’adultère était aussi grave commis par le mari et par la femme. Puni de peines relativement légères. -­‐ Midi : l’adultère relevait des juridictions laïques, la définition : le manquement de l’épouse au devoir de fidélité conjugale.

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Un flagrant délit était nécessaire pour que soit intentées des poursuites, et la peine qui frappait ordinairement ces comportements était dite dérisoire : elle ridiculisait les condamnés. La femme adultère et son complice devaient courir nus dans le village. Il fut ensuite possible de remplacer la course par une amende. Et l’influence du droit romain se fit sentir sur cette matière : on appliqua à la femme la peine prévue par le droit de justinien à partir du XVIe siècle. La femme devait être enfermée dans un couvent, pendant deux ans son mari pouvait la reprendre, sinon elle y restait une vie entière. Le mari adultère ne perdait que ses avantages matrimoniaux, seul le mari pouvait intenter l’action conformément au droit romain, et l’action ne devenait publique qu’en cas de scandale public. Cette solution se généralisa à la France entière en même temps que la compétence des juridictions laïques. Bien des maris préféraient des lettres de cachet pour enfermer leur femme, pour éviter le ridicule.

d) Bigamie

On y voyait une sorte d’adultère. L’infraction commise par une personne mariée avec deux autres. Fréquente en Moyen Age, en raison d’absence d’état civil et de moyens de communication entre des communautés repliées sur elles-mêmes. Réprimée par voie canonique, qui prévoyait l’infamie, et même la peine de mort, et par le droit laïc : aucune loi ne prévoyait de peines, les tribunaux condamnaient depuis la fin du Moyen Age le bigame à être exposé au carcan ou au pilori, avec autant de quenouilles qu’il avait de femmes vivantes. Il pouvait aussi s’agir d’une femme, et avec autant de chapeau. On voit la réaction de la communauté à la fin du Moyen Age, et cette personne est dévalorisée aux yeux de la communauté.

Répression aggravée au XVIe : signe d’affirmation du pouvoir de l’Etat royal, les bigames ont pu être condamnés à être pendus. Puis milieu du XVII le Parlement de Paris décide qu’il n’est pas possible de condamner un bigame à mort en l’absence de texte. Peines traditionnelles du carcan ou du pilori, auxquelles s’ajoutaient les galères pour les hommes.

e) Le prêt à intérêt

L’usure : fondée sur les textes bibliques, on trouve dans l’ancien testament et dans l’évangile le christ a cette parole : prêter sans rien espérer en retour. Prêter à intérêt constitue depuis les origines de l'Eglise un péché. Repris dans le décret de Gratien de 1140, et dans les canons posés par les différents conciles. La prohibition du prêt à intérêt fut reprise dans les coutumiers, parce que dans les sociétés du Moyen Age risque de mettre en péril la cohésion de la société, il fallait éviter les tensions sociales entre créanciers et débiteurs. L’ordonnance de Blois de 1579 : des peines contre les usuriers, et en cas de récidive condamnation aux galères. En réalité une condamnation de principe, il existait des moyens qui permettaient de faire ce qu’on appelle aujourd'hui un prêt à intérêt sans stipuler d’intérêts, on a pu s’inspirer de constructions subtiles empruntées au droit musulman.

B- Les infractions contre les personnes 1- L’homicide

Guillot à la fin de l’Ancien Régime, définit ainsi l’homicide : l’action de tuer un homme et la personne qui commet cette action. Le régime de la peine qui réprimait l’homicide possède un régime exceptionnel. Les ouvrages de l’ancien droit contiennent toute une casuistique relative à ces faits justificatifs au sens large, pour les cas où le roi peut excuser l’auteur d’homicide. Le cas de la légitime défense, voleur de jour et de nuit, la légitime défense pour autrui pour défendre une personne qui si elle n’eut pas été secourue aurait été tuée. En revanche le roi n’accordait jamais de lettre de grâce aux homicides aggravés, qui pouvaient résulter de la préméditation notamment en cas d’assassinat. Ou proximité du lien entre l’homicide et la victime, on parlait de parricide : celui qui tuait son père ou sa mère, ou son frère ou sa sœur ou ses enfants. Les parricides hommes étaient au supplice de la roue, leurs corps ensuite jeté au feu, les filles étaient pendues puis brulées. Les parricides au sens strict avaient au préalable le poing coupé.

L’empoisonnement était particulièrement redouté, commis par ceux dont on se méfie le moins et souvent par les femmes. Edit de juillet 1682 qui fit la part de la sorcellerie et de l’empoisonnement, et ce dernier fut une infraction autonome. Edit qui prévoyait que les juges devaient prononcer la peine de mort à l’encontre de ceux qui s’étaient servis de poison, que la mort de la victime suive ou non. Devaient être condamnés à mort également ceux qui avaient été convaincus d’avoir composé ou distribué du poison. L’édit instaurait une obligation de délation et les

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personnes qui auraient manqué à cette obligation devaient être condamnées comme complices. Modalités du supplice à l’arbitraire du juge. Dans les faits des empoisonneurs ont pu être condamnés à la pendaison, la roue, le bucher avec ou sans retemtum.

L’infanticide, l’avortement, ou l’encis : des coups portés à une femme enceinte qui l’ont fait perdre cet enfant, que ce résultat soit de la part de l’agresseur volontaire ou non. Tous ces actes étaient punis de mort au moins lorsqu’ils étaient commis volontairement. Mais on discutait sous l’Ancien Régime sur le point de savoir s’il fallait pour que l’infraction soit constituée que le fruit de la conception soit animé : ceux qui répondaient par la négative affirmaient que l’âme était créé en même temps que le corps était conçu, ceux qui répondaient par l’affirmative pensaient que l’âme n’est unie au corps que quand celui-ci est organisé, et en l’état de répondre par des mouvements à ses pensées et désirs.

Un édit de 1556 impose aux filles dont le mari a disparu depuis longtemps de déclarer leur grossesse pour prévenir leur avortement ou les infanticides.

2- Les injures

Le mot injure doit être compris dans un sens plus large que son acception habituelle. Il s’agissait avant tout d’une atteinte au jus, système d’attribution des droits et devoirs. Injuria en droit romain primitif l’atteinte à un citoyen romain, puis étendue en droit romain classique aux injures verbales ou écrites, ce qui explique pourquoi dans l’ancien droit : des outrages par paroles ou par écrits ou par voie de fait. Procédure accusatoire et les peines entrainées étaient arbitrées par les juges qui prononçaient des amendes ou une exposition au pilori, fouet ou réparation civile en fonction de la gravité de l’infraction.

C- Les atteintes aux biens 1- Le vol

Soustraction frauduleuse de la chose d’autrui, vraiment utilisé au XVII. Auparavant on parlait de furtum, de roberie, ou de larcin. On distinguait à la fin de l’Ancien Régime entre le vol simple, ou larcin, et d’autre part le vol grave ou qualifié. Jousse cité par Carbasse, précise que le vol simple est celui qui se fait en cachette et qui n’est accompagné ni d’effraction ni de port d’armes ni d’aucune circonstances particulières qui l’aggrave. Vol qualifié rendu plus grave par les circonstances qui l’accompagnent. Le vol peut être qualifié par la qualité de celui qui le commet. En droit féodal le vol par le vassal d’un bien appartenant à son suzerain est assimilé à une trahison. Vol qualifié en cas de récidive. Les vols pouvaient être qualifiés en raison de la qualité de la chose volée. Commis en certains lieux par ex les routes. Ordonnance de 1534 prévoyait le supplice de la roue.

Théorie de la nécessité échafaudée par les canonistes à partir de l’idée selon laquelle la vie humaine est de valeur supérieure à celle des biens. Le droit canonique de cette époque prévoyait qu’une nécessité extrême pouvait excuser un vol. « Nécessité n’a point de loi ».

2- L’incendie

Ouvrage de Jean-Marie Carbasse.

D- Les délits contre la police du royaume

A partir du XVIe siècle à côté de l’Etat de justice, s’est développée une monarchie administrative, une notion de police, c'est à dire un ensemble de règles destinées à assurer l’ordre et le bonheur des sujets. Le roi a pris dans tous les domaines de la société. Les délits contre la police du royaume : tout acte qui renferme une contravention aux ordonnances et règlements, 5 espèces :

-­‐ Celles rendues au sujet de la conservation des forêts, de la chasse et de la pêche. -­‐ Contrebandes -­‐ Jeux publics -­‐ Imprimerie -­‐ Les mendiants et les vagabonds

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Sous le règne de Louis XVI mis en place le renfermement : tous les mendiants et vagabonds devaient être enfermés dans des hôpitaux pour ne pas troubler l’ordre public. Il fallait les faire travailler, idée partagée par les tenants des Lumières. L’Eglise préconise de voir une manifestation du christ. Sous l’Ancien Régime avec la valeur du travail qui devient importante, l’Etat qui assure la police du royaume, le vagabondage devient un trouble et doit être contenu, et éliminé. Phénomène du grand renfermement en Angleterre.

Les auteurs de l’Ancien Régime avaient établi une classification des peines et lui assignaient une fonction particulière :

• Les peines capitales qui faisaient perdre la vie et privaient pour toujours de la liberté. • Les peines afflictives ou infamantes • Les peines infamantes • Les peines non infamantes

Les peines ont été établies pour servir d’ex, d’intérêt public qu’ils ne demeurent pas impunis. L’appréhension des tourments retient une partie des hommes dans leurs devoirs plutôt que l’inclination qu’ils ont pour la vertu.

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Chap. 4 Avènement du droit pénal contemporain

Au cours du XVII et du XVIIIe sont apparus des systèmes nouveaux échafaudés par des philosophes, en France à partir du XVIIIe siècle. Cartésianismes : remettre en cause toutes les connaissances qui existaient à l’époque même si Descartes par conviction ou par prudence avait exclu de sa méthode les coutumes de son pays.

Dans les systèmes nouveaux une nouvelle conception du droit naturel élaborée à l’étranger, jusque-là avait prévalu la conception traditionnelle telle que l’avait développée Aristote puis Saint Thomas D’Aquin. On pouvait redécouvrir les règles du droit naturel comme celles qui gouvernent la gravitation des astres par l’observation des sociétés humaines.

Au XVIe siècle : école de Salamanque, évolution de la doctrine thomiste, et développèrent l’idée selon laquelle les lois naturelles ont un caractère rationnel et qu’elles sont tirées non pas de la nature extérieure mais de la raison individuelle de l’homme. A la génération suivante début du XVII, Hugo de Groot dit Grotius allait reprendre cette idée dans son traité de la guerre et de la paix, et comme l’écrit Michel Villey, le droit naturel est construit à partir de la nature de l’homme. A partir de laquelle est construit tout un système de normes sur un mode déductif. Le droit naturel moderne est donc construit sur l’individualisme, doctrine qui fait de l’individu le fondement de la société ou des valeurs morales et sur le droit subjectif. L’homme est détenteur de droits qui lui sont propres, le sujet est un sujet de droit. Ce furent ces tenants qui ont développé le contrat social moderne. Ces conceptions nouvelles se développèrent d’abord dans les pays qui avaient connu la réforme religieuse.

Chateaubriand : une fois les idées nées elles ne s’anéantissent plus. Sur une bonne partie de la population un attachement au droit. Idées des philosophes qui ont pensé comme des hommes qui cultivent la philosophie et peut servir au renversement des anciennes opinions, et notamment en matière de droit, droit pénal qui est le plus marquant pour le public.

Section 1 Le droit de l’Ancien Régime : évolution du droit pénal à la fin de l’Ancien Régime

Mouvement de critique qui portait sur l’ensemble du droit pénal et les affaires célèbres avaient permis de les mettre en exergue.

I- La remise en cause du droit pénal

Les critiques venaient de personnes qui ne se présentaient pas comme des juristes mais comme des philosophes. En matière de droit pénal idée à laquelle on devra s’accoutumer : le champ du droit pénal peut être parfois parcouru par des personnes non spécialistes. Principales critiques furent portées par Montesquieu dans L’esprit des lois 1748, il ne donnait pas seulement son opinion sur les lois pénales mais posait le principe de la séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires qui lui avaient été inspirées par les penseurs anglais, et notamment par John Locke. Pour éviter que cet Etat, cette force publique n’écrase les citoyens, il faut repartir ces pouvoirs entre différents organes. Là ou Locke distinguait entre régime exécutif, fédératif, Montesquieu proposait de distinguer législatif, exécutif et judiciaire. Certaines de ces idées furent stigmatisées par Beccaria, ouvrage avec immense célébrité dans toutes l’Europe, traduit en français en 1776 par L’abbé Morellet, actif défenseur des philosophes. Voltaire écrivit un commentaire du traité des délits et des peines.

Bouleversement dans les idées : un droit pénal établi par une ordonnance de 1670, puis un mouvement de remise en cause, Montesquieu, et Beccaria totalement inconnu, Voltaire s’empare de la question, et les choses s’emballent au grand étonnement des juristes partisans de la tradition française.

Les critiques portaient aussi bien sur la procédure pénale que sur le droit pénal proprement dit, les infractions.

A- La procédure pénale remise en question

Les critiques portaient sur la question, c'est à dire la torture, déjà discutée au moment de l’ordonnance de 1670. La Bruyère : la question est une invention merveilleuse… Ces critiques n’étaient pas sous-tendues par une nouvelle idéologie. Les auteurs des critiques du XVIIe occupaient des places éminentes dans la monarchie.

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Avec les lumières : nouvelle philosophie qui remet en cause l’ordre politico-religieux de la monarchie française, remise en cause d’abord, puis des propositions.

1- Les auteurs des Lumières

Ils ont critiqué plusieurs points de la procédure pénale française, d’abord la théorie des preuves légales dont Voltaire s’est évoqué dans son commentaire du livre de Beccaria. La torture a été attaquée par Voltaire dans son dictionnaire philosophique. Et aussi le secret. Comme l’a montré Carbasse Clefs pour le siècle, le secret devait dans la conception traditionnelle du droit pénal faciliter l’enquête et assurer la manifestation de la vérité, mais aussi protéger les témoins dans une société où les vengeances étaient fréquentes mais encore taire l’indicible, c’était le cas en matière de crimes sexuels, pour les affaires d’hérésies, de sorcelleries, de complots contre le prince. Les choses ont changé avec l’évolution des mentalités, au XVIII le secret de l’instruction fut attaqué par les philosophes soucieux de soumettre l’instruction à l’opinion du public. Remise en cause générale de l’ensemble de la procédure inquisitoire s’explique par la raison que les hommes des Lumières ne mettaient plus l’accent sur le maintien de l’ordre, mais davantage sur la protection de la liberté individuelle. Un moment où apparait l’individualisme. Modèle politique anglais.

2- La promotion d’une nouvelle procédure accusatoire

Les philosophes ont pu regarder vers l’Angleterre, et Montesquieu lança le modèle anglais dans L’esprit des lois, qui avait l’avantage d’être juriste.

La procédure anglaise avait été construite d’une manière empirique, en fonction des vicissitudes politiques. A l’origine au début du XIIIe elle était identique à celle du continent, elle correspondait à un ordre féodo-seigneurial. Elle a trouvé son origine dans la coutume de Normandie, depuis Guillaume Le Conquérant, procédure accusatoire : tout sujet pouvait en accuser un autre devant une juridiction royale, mais alors que la procédure inquisitoire a été adoptée à partir du XIIIe siècle en France, sous l’influence des droits savants, droit canonique et dans romain, la procédure anglaise a évolué différemment en aménagent les garanties pour l’accusé contre la toute-puissance royale.

L’histoire de la procédure anglaise n’est pas linéaire.

a) La charte de 1215

Concédée par Jean Sans Terre, acte fondateur de la constitution anglaise, posait qu’aucun homme libre ne pouvait être arrêté ou emprisonné qu’en vertu du jugement de ses pairs. Il fallait qu’un jury autorise l’arrestation ou l’emprisonnement d’un homme libre. Un peu plus tard la procédure pénale anglaise est organisée autour d’un jury d’accusation, qui décidait de l’arrestation et de l’emprisonnement éventuel d’un homme libre et d’un jury de jugement qui jugeait l’accusé. Double jury qui apparaissait aux yeux des grands juristes black stone comme une forte et double barrière contre la prérogative royale. Là un des caractères les plus importants de la procédure anglaise qui associe les justiciables, qui fait jouer un rôle essentiel à la société dans la procédure pénale. C’est la société qui décide d’accuser et d’arrêter et qui juge.

b) Le moment de l’affirmation de la monarchie anglaise

Les officiers de la couronne escamotaient les garanties offertes par le jury de jugement en portant les accusations devant une juridiction spéciale : la chambre étoilée créée à la fin du XVe. Elle ne prononçait pas de condamnation à mort ou de confiscation, peines qui ne pouvaient être infligées que par un jury populaire. Elle infligeait des mutilations. Quant à la torture elle était une prérogative royale, il fallait obtenir des warrants, qui ordonnaient de soumettre à la torture des accusés, souvent donnés en matière politique. Cette chambre a subsisté jusqu’à la fin du XVIIe. Affaire à dimension politique. Elle correspond à la volonté d’affirmation du pouvoir des rois d’Angleterre. Qui sont tentés par le modèle des rois de France qui affirment leur autorité. Tendance contrecarrée en Angleterre par la résistance du Parlement. Procédure pénale complétée à la fin du XVIIe par l’acte pour mieux assurer la liberté du sujet et prévenir l’exil au-delà des mers de 1679, l’habeas corpus. Prévoyait que lorsqu'un citoyen anglais était arrêté, il devait lui être notifié dans les 24h, le délit reproché. L’individu qui s’estimait détenu d’une manière irrégulière pouvait s’adresser au juge d’une juridiction supérieure, celui-ci pouvait adresser un ordre écrit, avec ces mots : tu as à présenter le corps du prisonnier.

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Procédure pénale orale, accusatoire et publique. Tout sujet du roi pouvait mettre en mouvement l’action publique : le poursuivant pouvait être la victime, un des proches ou une personne intéressée par la récompense, car toute personne ayant concouru à l’arrestation pouvait réclamer une partie de l’amende jusqu’en 1951. Cet accusateur cherchait à obtenir du juge de paix un ordre d’arrestation un warrant, qui faisait conduire la personne qu’il accusait devant ce juge. Le juge interrogeait le poursuivant, les témoins et l’accusé. Il devait avertir l’accusé qui pouvait refuser de répondre en vertu du principe : personne ne peut être forcé de s’accuser soi-même. Le juge consignait les réponses par écrit et statuait sur la mise en liberté provisoire sous caution. Un grand jury était réuni, qui comportait au plus 23 jurés et décidait si l’accusé devait être traduit devant les assises. Un petit jury de 12 personnes était alors réuni et le jour de l’audience, le juge demandait à l’accusé s’il plaidait coupable ou non. Si l’accusé refusait de répondre à la question ou d’être jugé par le jury, s’il entravait la procédure, il était utilisé contre lui et jusqu’au XVIIIe siècle ce qu’on appelait la peine forte et dure : il était couché nu sur le sol avec un poids de fer sur le corps, on lui donnait alternativement un jour du pain rassis, un jour 3 gorgées d’eau dormante jusqu’à la mort ou la réponse. Procédé sur sous Georges III où il fut décidé que celui qui ne répondait pas avait avoué son forfait. Lorsque l’accusé se reconnaissait coupable, le juge l’invitait à revenir sur cet aveu qui ne correspondait peut être pas à la réalité. Et s’il ne revenait pas sur cet aveu le jury ne se prononçait pas, et le juge appliquait la peine. Lorsque l’accusé plaidait non coupable, s’ouvrait des débats oraux devant les jurés qui devaient se prononcer à l’unanimité, jusqu’en 1968. Démarche différente de la délibération à la majorité. Procédure érigée en ex par les philosophes des Lumières et notamment par Montesquieu en ce qu’elle donnait une place importante. Principe adoptés par Beccaria.

B- La critique du droit pénal 1- La critique de l’arbitraire

A ce moment-là que le mot arbitraire a perdu de son sens 1er qui était juridique pour prendre une acception péjorative. Il est désormais synonyme de volonté subjective, imprévisible, provoquant l’insécurité juridique. Une fois encore c’est dans L’esprit des lois qu’on trouve l’origine de cette contestation : dans les Etats despotiques, il n’y a point de lois, le juge est lui-même sa règle, dans les Etats monarchiques il y a une loi, là où elle est précise le juge la suit, là où elle ne l’est pas il en cherche l’esprit. Dans le gouvernement républicain il est de l’essence de la constitution que les juges suivent la lettre de la loi. Beccaria limite le rôle du juge à l’extrême : il doit appliquer la loi pénale e ne peut pas en rechercher l’esprit, même pas de pouvoir d’interprétation, il n’est pas législateur. Le rôle du juge se réduit à examiner si tel homme a commis ou non un acte contraire aux lois, le juge doit former un syllogisme parfait, la majeure doit être la loi générale, la mineure l’acte contraire ou non à la loi, la conclusion étant l’acquittement ou la condamnation. Rôle du juge limité au maximum : cette conception des rôles respectifs de la loi et du juge implique la confection d’un code pénal le plus complet possible. Le juge ne peut condamner que si le délit et la peine sont prévus par la loi. On a parlé de juge automate. Certains magistrats adoptent les idées de Beccaria : Servant, avocat général au Parlement de Grenoble. Donc remise en cause de l’arbitraire et en même temps critique des infractions et des peines.

2- Critiques des infractions et des peines

Qui découle de leur fonction d’exemplarité. Jusqu’au XVIII les rois peinaient à faire tenir l’ordre dans le royaume, et les juges infligeaient des châtiments exemplaires, notamment au voleur de grand chemin. Montesquieu = c’est un grand mal parmi nous, de faire subir la même peine à celui qui vole et assassine, il faut des différences dans la peine. La jurisprudence avait tenu compte de ces remarques : voleurs condamnés à la roue s’ils n’avaient pas tué leur victime, avec retemtum pour les autres.

Voltaire : élevé contre la sévérité des peines infligées aux domestiques, les juges hésitaient. Critique reprise par Servant.

3- Existence de certaines infractions

Beccaria évacuait toute idée de morale dans la définition de l’infraction, pour lui une infraction est un dommage causé à la tranquillité ou à la sécurité publique.

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4- La critique des lettres de cachet

Il s’agit davantage de mesures de police que de mesures de justice. Au XVIIIe siècle une dérive des lettres de cachet plus signées par le roi mais par des secrétaires, s’il y eu des lettres de cacher en blanc confiées à certains agents de l’administration. Dérive des cours souveraines, et parmi elle celles de Malesherbes, remontrances, et en 1788 le Parlement de Paris critiqua les lettres de cachet et certains particuliers contestait son principe, comme Mirabeau.

II- Affaires célèbres support de ces idées A- Affaire Calas, octobre 1961

Marc Antoine, fils d’un marchand protestant, est retrouvé pendu dans la maison de son père. Il fut accusé d’avoir tué son fils pour l’empêcher de se convertir au catholicisme. Parlement de Toulouse en appel après la question, condamne Jean Calas à la peine de mort, exécutée le lendemain. Veuve s’enfuit en Suisse, rencontre Voltaire, et l’intéresse à sa cause. Il porte l’affaire devant l’opinion publique.

B- Affaire Sirven

6 mars 1760, une fille protestante s’était réfugiée dans un couvent catholique, en déclarant vouloir se convertir, atteinte de folie furieuse elle avait été rendue à ses parents. Corps découvert noyé dans une citerne. Rumeur des parents qui assassinent, ils gagnèrent la Suisse avant la sentence. Condamné à mort, et exécuté en effigie en 1764. Voltaire porta l’affaire devant l’opinion publique. 1769 : sentence et ordonna l’élargissement du prisonnier sans se prononcer sur sa culpabilité.

C- L’affaire du chevalier de la Barre

Aout 1765 : deux crucifix furent profanés, l’un mutilé, l’autre couvert d’immondices. Les soupçons portèrent sur le chevalier et ses amis. Monitoire révélé. Il apparut que ces jeunes avaient proférés des propos blasphématoires envers le Saint-sacrement.

Idées nouvelles qui ont pu pénétrer dans le droit positif de l’Ancien Régime, et les magistrats n’ont pas été imperméables aux idées nouvelles. Avant que la réforme judiciaire ne devienne un thème à la mode, il fut un thème de réflexion pour les philosophes, la pratique des magistrats avait déjà évolué.

A- Les magistrats 1- La théorie des preuves légales

Déjà les magistrats utilisaient leur intime conviction. Il ne fallait plus une preuve complète, donc plus de recours à la torture. Ainsi le conseil souverain du Roussillon, équivalent du Parlement, ordonna pour la dernière la question dès 1737. Parlement de Bourgogne en 1766.

2- Répression plus efficace au XVIII

Dans le même temps les peines sont devenues moins rigoureuses, tentation grande d’établir une corrélation entre la répression et les peines. Justice moins rigoureuse si elle contrôle davantage la société. Et évolution des esprits des magistrats. Et on a pu relever le déclin des mutilations. Peine de mort de moins en moins prononcée.

B- Le roi

Pendant son règne Louis XVI prend des mesures plus douces, d’abord partielles, puis une réforme complète.

1- Les mesures partielles

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Louis XIV en 1775, dès son avènement pratiquement, abolit la peine de mort en cas de désertion en temps de paix. Une déclaration royale d’aout 1780 supprima la question préparatoire. Quelques semaines plus tard une déclaration du 30 aout 1780 annonça une réforme générale des prisons.

2- Réforme générale du droit pénal

Dans une déclaration du 1er mai 1788 Louis XVI annonçait une réforme d’ensemble du droit pénal. Depuis la rédaction de l’ordonnance de 1670, « le seul progrès des Lumières suffirait pour nous inviter à en revoir attentivement les dispositions et à les rapprocher de cette raison publique au niveau de laquelle nous voulons mettre nos lois ». Le roi adhère aux idées des Lumières et veut gouverner au moins dans ce domaine en fonction de l’opinion publique. Il abroge ce qu’il appelle des abus, notamment l’interrogatoire sur la sellette, les prononciations des condamnations à mort des majorités insuffisantes, l’absence de motivation des décisions de justice, les délais insuffisants pour les recours en grâce, il imposa le délai d’un mois entre le prononcé de la décision de condamnation à mort et l’exécution, et la question préalable, c'est à dire la torture du condamné avant l’exécution pour obtenir le nom d’éventuels complices. Réforme qui n’a pas pu être appliquée : opposition des Parlements, manifestations des blocages de l’Ancien Régime, qui amenèrent Louis XVI à convoquer les états généraux. C’est la révolution qui devait refondre complètement le droit pénal.

Une sorte de pré-révolution, les Lumières ont influencé les élites, c'est à dire les gouvernants du régime monarchiques, et avant la révolution une réforme des institutions, qui devient systématique à partir de la révolution française.

Section 2 Le droit de la révolution

Illustre aussi l’idée selon laquelle le droit pénal dépend étroitement du régime politique. Au cours du printemps 1789 les états généraux réunis depuis le 5 mai à Versailles se proclamèrent assemblée générale constituante, aout 1789 : DDHC, qui jeta les fondements du droit pénal contemporain. Et sur ces nouvelles fondations les constituants qui étaient pour la plupart d’entre eux des juristes ont essayé de construire un nouvel appareil répressif, c'est à dire nouvelle organisation de la justice pénale, procédure pénale et droit pénal.

La constitution élaborée par la constituante ne fut pas appliquée plus d’un an, l’opposition entre le roi et la législation entraina une radicalisation de la révolution, et il est alors apparu un système répressif révolutionnaire pour protéger le nouveau régime contre les dangers et qui fut pleinement développé durant la convention : nouvelle constituante 2 ans après, de 1792 à 1795. Après la chute de Robespierre, fin au régime d’exception et renforcement de l’œuvre des constituants.

I- Le droit pénal de la constituante

Proclamation rapide d’une DDHC, et sur ces nouveaux principes elle a élaboré un nouveau système répressif.

A- La Déclaration des droits de l'homme

Les constituants entendaient limiter l’étendue du pouvoir royal, art 2. Exigence d’une séparation des pouvoirs entre législatif, exécutif et judiciaire, signifiait la condamnation de l’idée selon laquelle le roi est source de la loi, condamnation aussi de l’idée selon laquelle toute justice émane du roi, bouleversement est systématique. On peut comprendre ce texte à la lumière de la politique anglaise, l’autorité publique doit défendre l’homme contre les agissements de ses semblables, autorité publique qui doit assurer la sûreté. Avant : autorité publique doit la liberté à l’homme. Rupture en matière de droit pénal avec le droit antérieur. Le nouveau droit pénal devait être conforme au nouvel ordre politique respectueux des droits individuels et ne portant pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

B- Les nouveaux principes 1- Principe de légalité

Droit le plus important de la déclaration est la liberté, et les pouvoirs publics ne doivent pas chercher à diriger le citoyen mais à borner leurs libertés, et la loi doit être expression de la volonté générale. L’article 5 proclame que la

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loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société et nul ne peut être contraint de faire ce qu’elle n’ordonne pas. On trouve ici condamné le pouvoir normatif du roi. Autrement dit la détermination de la règle pénale est enlevée au roi et au juge. Le principe de légalité doit être appliqué aussi bien aux délits qu’aux peines.

2- Principe d’égalité devant la loi

Article 1 et 6. Là encre rupture complète avec le droit de l’Ancien Régime qui distinguait différents ordres avec des peines spéciales.

3- L’utilitarisme

Article 5 : la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Qui évacue la dimension religieuse du droit pénal. Article 10.

4- Rappel de la présomption d’innocence C- Confection d’un nouvel appareil répressif

La constituante s’y attache, procédure criminelle publique et contradictoire, ministère d’avocat. 21 janvier 1790 : un décret concernant les condamnations pour raison de délit ou de crime qui instaure l’égalité des citoyens devant la loi pénale. Principe de la personnalité des peines. Décret du 30 avril 1990 : jury en matière criminelle. Organisation d’une nouvelle procédure criminelle qui intégrait ces réformes.

1- La nouvelle organisation judiciaire

Mise en place par la loi des 16-24 aout 1790, justice rendue au nom du roi et création à partir des principes nouveaux une nouvelle magistrature et des juridictions nouvelles.

a) Les principes -­‐ Respect du principe de séparation des pouvoirs : qui impliquait qu’il ne pouvait pas être fait des arrêts de règlement, par voie générale et règlementaire. -­‐ La procédure doit être publique -­‐ Tout privilège en matière de juridiction aboli. b) Nouvelle organisation de la magistrature -­‐ Le système des offices aboli et remplacé par celui d’élection, les juges devaient être élus pour 6 ans et pouvaient être réélus à condition avoir 30 ans accompli et avoir été au moins 5 ans juge ou homme de loi. -­‐ La loi précisait que les officiers du ministère public étaient des agents du pouvoir exécutif auprès de tribunaux et prenaient le titre des commissaires du roi, nommés à vie par le roi. Fonctions = faire observer dans les jugements à rendre les lois qui intéressent l’ordre général et faire exécuter les jugements rendus. c) Les nouvelles juridictions

La constituante a voulu simplifié l’organisation judiciaire, notamment en matière pénale, elle a établi des tribunaux de police municipale compétents pour les infractions légères d’un montant inférieur à 5000 francs ou peine < 8 jours dans les villes et 3 jours dans les campagnes. Officiers municipaux. Infractions sanctionnées par des peines supérieures : tribunaux de police correctionnelle.

Tribunal de cassation créé par un décret des 27 novembre et 1er décembre 1790 : 40 juges élus par les départements. Et un parquet. Procédure largement calquée sur les règles du conseil du roi.

d) La nouvelle procédure criminelle

Il ne s’agissait plus d’une procédure inquisitoire mais d’une procédure accusatoire, qui fut réglée par deux lois, 16-29 septembre 1791, 29 septembre – octobre 1791. Juge chargé de l’information préliminaire qui pouvait agir d’office ou être saisi par un particulier, que ce dernier soit la victime ou un dénonciateur civique. On retrouve l’idée selon laquelle la procédure accusatoire repose que la participation active des citoyens, garants de l’ordre public, qui doit saisir le juge de paix, qui adresse l’affaire à un directeur jury, circonscription intermédiaire entre la

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commune et le département, qui changeait tous les 6 mois, puis soumission de l’affaire à un jury d’accusation composé de 8 citoyens tirés au sort. Jury = accusation, le directeur rendait sur le champ une ordonnance de prise de corps contre l’accusé. Accusé déféré devant le tribunal criminel du département composé de juges élus et d’un jury de 12 citoyens tirés au sort. La procédure devant ce tribunal était publique, orale et contradictoire, et c’était l’accusateur public qui menait l’accusation, le jury se prononçait d’abord sur la question de savoir s’il fallait porter une accusation constante, et se prononçait sur la question de la culpabilité. Les jurés délibéraient et se prononçaient individuellement en l’absence des uns et des autres. Rupture avec le droit pénal anglais où la décision est élaborée collectivement. Le commissaire du roi est chef du juré. Chaque juré donne d’abord son opinion sur le fait, il devait décider si le fait était constant ou non en fonction de son intime conviction individuelle, dans l’affirmative il devait se prononcer sur la culpabilité de l’accusé toujours selon son intime conviction. Pour chacune de ses déclarations le juré devait déposer une boule blanche ou une boule noire, les boules comptées et les déclarations partielles rassemblées pour former la déclaration générale du jury. Commissaire du roi requérait ensuite l’application de la loi. Si l’accusé était reconnu coupable, les juges prononçaient alors de manière automatique les peines prévues par les textes pour l’infraction commise, ce qui supposait la codification du droit pénal.

D- Codification du droit pénal français

Application du principe de légalité des délits et des peines, mais permettait aussi d’atteindre les objectifs des révolutionnaires : simplifier, rationaliser, unifier, rendre plus accessible un droit pénal égal pour tous. Constituante opère en deux temps :

-­‐ Décret des 19 et 22 juillet 1791 pour les peines municipales et correctionnelles -­‐ En matière criminelle : délits et peines septembre 1791.

1ère tentative de codification.

Ce droit pénal perfectionné n’a pas été mis en œuvre de manière systématique à cause des troubles de la révolution, menaces contre le régime, et s’est développé en parallèle à partir de l’été 1792 une justice pénale révolutionnaire. Qui comportait des incriminations et des juridictions d’exception. Qui a même mis en place la mise hors de la loi, économie d’un procès. Si une personne entrait dans une catégorie, il suffisait de constater les faits et de la mettre à mort sans procès. En juillet 1794 : les conventionnels ont essayé de freiner le cours de la révolution, et créé une constitution de 1795 : la constitution territoire et ce directoire marqué par les troubles, la volonté des révolutionnaires de se maintenir, pas une image aussi resplendissante que la 1ère révolution, œuvre législative intéressante et il est à l’origine d’un droit pénal fondé sur une nouvelle déclaration des droits et devoirs de l’homme et du citoyen et qui comportait un code des délits et des peines du 25 octobre 1795, qui avait tenté de perfectionner le 1er code pénal en le reformant.

De nombreux révolutionnaires voulaient arrêter la révolution, seul un général pouvait le faire. On a pensé à plusieurs généraux, ce fut Napoléon, par son coup d’état du 9 novembre 1799. Il a essayé d’établir une synthèse entre le droit pénal de l’Ancien Régime et celui de la révolution, il a maintenu tout en réformant la nouvelle organisation de la révolution mise en place par cette dernière, mais en la réorganisant sur un mode plus centralisé et plus hiérarchique. Il a été à l’origine d’un code d’instruction criminelle, et son génie était de prévoir pour l’instruction criminelle une instruction sur le modèle de l’Ancien Régime, procureur chargé de la poursuite, un juge chargé de l’instruction, procédure inquisitoire largement sécrète et écrite, et puis une procédure devant la cour d’assise maintenue, accusatoire. Celle-ci devait permettre l’efficacité de la répression à travers sa phase inquisitoire, et défendre les droits de l’accusé devant la cour d’assise. Cela dit napoléon a maintenu le jury, qui se voulait défenseur de la révolution, il l’a été d’une certaine manière autoritaire, mais pendant la période napoléonienne, il a existé des justices d’exception pour maintenir le régime. Il a été à l’origine du code pénal de 1810, marqué par l’idée du maintien de l’ordre napoléonien après les troubles révolutionnaires, par le maintien du principe de légalité. Et il apparait bien dans le plan du code pénal de 1810, l’échelle de valeurs défendues.

II- Le droit pénal révolutionnaire III- Le droit pénal à la fin de la révolution française

Section 3 Le droit pénal napoléonien.